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Stocker Les risques majeurs ne sont pas aussi susceptibles de générer. Réciproque-
et transporter importants en Ile-de-France que dans
certaines grandes métropoles du
ment, le maire doit faire remonter
toutes les informations en sa posses-
les hydrocarbures monde. Mais ils n’en sont pas moins sion au préfet. L’exercice n’est pas

en Ile-de-France réels : naturels ou technologiques, ils


peuvent entraîner des accidents et
simple à réaliser. Il peut in fine
engendrer une révision du PLU et
provoquer des dommages directs ou des arbitrages pour les zones à risques
indirects pour les personnes, les déjà urbanisées. L’affichage du risque
biens, les infrastructures et l’activité dans les PLU a pour premier objectif
économique de la Région. La der- de faciliter l’information de la
nière catastrophe de l’usine chimique population.
Médiathèque Iaurif.

AZF de Toulouse le vendredi 21


septembre dernier est venue nous le
rappeler durement. Quelle localisation
La loi du 22 juillet 1987 relative à
l’organisation de la sécurité civile, à
pour les entreprises
la protection de la forêt contre les in- industrielles dangereuses ?
Le SDRIF de 1994 met l’accent cendies et à la prévention des risques
sur la réduction des nuisances majeurs, a porté modification au Dans le cadre d’une thèse réalisée à
code de l’urbanisme afin d’assurer la
liées aux infrastructures (bruit, prise en compte de ces risques dans
l’UFR de Géographie de l’Université
de Paris I, avec l’appui de l’Iaurif,
coupure) et sur la sécurité l’ensemble des documents d’urba- une réflexion a été entreprise sur la
routière, mais sans évoquer nisme. Cette disposition a été renfor- localisation des industries dange-
cée, pour les risques technologiques
le transport des matières majeurs, par la dernière version de la
reuses en Ile-de-France.
Il apparaît évident que l’éloignement
dangereuses, ni les risques directive Seveso en décembre 1996. de certaines d'entre elles par rapport
technologiques en général. Au cours de l'élaboration ou de la ré- au noyau urbain contribuerait à limi-
vision des schémas directeurs (main-
Une recherche universitaire, tenant Schémas de cohérence territo-
ter les dommages au cas où survien-
drait un accident(1). Mais, si l’on veut
s’appuyant sur le Système riale - SCOT) et des Plans d’occupa- minimiser les risques technologiques
d’information géographique tion des sols (POS, maintenant Plans majeurs pour les populations, on ne
locaux d’urbanisme - PLU), il
régional développé par convient de «prendre en compte les
peut se contenter d’examiner le
contexte d’un site à haut risque, il
l’Iaurif, aborde la difficile risques naturels prévisibles et les faut aussi mesurer l’importance des
question de la localisation risques technologiques afin de les transferts de risques de l’établisse-
prévenir».
des industries dangereuses. Pour répondre à l’ensemble de ces
ment lui-même vers les transports.
Les dépôts pétroliers intermédiaires
Doit-on obligatoirement les exigences, les maires et les élus –établissements implantés à la char-
éloigner des centres urbains ? doivent disposer, puis tenir compte nière du XIXe et du XXe SIECLE, au
de l’ensemble des informations
La réponse est moins disponibles ; la recherche de l’infor-
moment du premier desserrement
industriel autour de la capitale– se
évidente mation constitue donc un préalable à trouvent aujourd'hui étroitement
qu’il n’y paraît. toute action. insérés dans le tissu urbain dense du
Les élus doivent connaître les parte-
naires détenant toute information (1) On trouve des propositions de délocalisation
utile. Il s’agit en premier lieu du d’entreprises à haut risque dans les documents
«porter à connaissance» de l’État, préparatoires à la révision du schéma directeur
précisant notamment les risques ainsi régional d’Ile-de-France de 1994. Le principe de
l’éloignement n’est pas nouveau: il régit l’implan-
que tous les éléments disponibles sur tation des installations industrielles «nuisibles,
leur évaluation, leur localisation incommodes et dangereuses» depuis les premiers
précise, les conséquences qu’ils sont textes sur les installations classées de 1810.

INSTITUT D’AMÉNAGEMENT ET D’URBANISME D’ILE-DE-FRANCE


15, rue Falguière 75740 Paris Cedex 15 - tél. : 01 53 85 77 40
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Périmètre des effets accidentels autour d’un dépôt pétrolier francilien : la raffinerie de Mitry-Mory

terre labourée

espaces ruraux vacants (marais, friche...)

lotissement d'industrie et d'entrepôt

entreposage à l’air libre

pétrole

parkings de surface

Activité à risques
liquide inflammable

Périmètre de sécurité des De nouvelles


établissements à risques études de
officiel dangers sont
en cours
non officiel

réseau routier principal

limite communale

0 500 m

© - IAURIF / DADT
cartographie : SIGR / Mission studio

cœur de l’agglomération parisienne. Mode d’occupation des sols (MOS). lieux de stockage est fait par oléoduc
Ils sont le point de départ de livrai- Les dégâts sont évalués à partir des ou voie d’eau.
sons routières d’hydrocarbures vers superficies du MOS situées à l’inté- La démarche utilisée pour calculer les
une clientèle en majorité urbaine. rieur du périmètre. L’évaluation des risques liés aux dépôts d’hydrocar-
Mais une étude des transports termi- seuls risques liés aux établissements bures est transposée aux transports,
naux montre que leur bassin de cha- fixes ne suffit toutefois pas. En effet, après reconstitution des flux de
landise s’étend au-delà des frontières modifier la géographie d’une filière carburants. Elle permet d’évaluer le
régionales. Ce constat contribue à industrielle peut entraîner des chan- montant des risques - transport, qui
remettre en cause la justification gements dans la répartition des flux est loin d’être négligeable.
d’une localisation très urbaine des qui en dépendent. Corrélativement, Pour les deux exemples comparés
sites de stockage. L’analyse du risque les risques liés à chacun des éléments dans le tableau ci-après, comme pour
montre que cela n’est pas si simple. de la filière (établissement de produc- tous les dépôts, les risques - transport
tion ou de stockage d’une part, sont beaucoup plus importants que
transports d’autre part) pourraient les risques - site, tant du point de vue
Mesurer voir leur part évoluer. des dommages matériels que des
S’intéresser aux risques liés aux trans- dommages humains.
les risques-site ports se justifie tout particulièrement Le Système d’information géogra-
comparativement lorsque les flux de matières dange- phique régional a permis de réaliser
aux risques-transport reuses empruntent la route et que la automatiquement les calculs du
région traversée connaît un trafic montant des dommages. Une série
Les catastrophes qui pourraient sur- global particulièrement dense, d’indices synthétiques, commune aux
venir dans des établissements dange- soumettant de nombreux automobi-
reux (du type des dépôts pétroliers) listes et les riverains des infrastruc- (2) Il s’agit de considérer l’occurrence de l’événe-
situés en zones urbanisées entraîne- tures routières aux dangers redoutés. ment dit pénalisant (soit «le plus grave possible»)
raient d’importants dommages. C’est Cette situation est celle de l’Ile-de- survenant dans des conditions prédéterminées
ce qui ressort d’une comptabilisation France parcourue par les camions- également peu favorables. Cette approche est em-
ployée en France pour prévoir les périmètres de
effectuée en croisant le périmètre citernes routiers de carburants, pour dangers à l’intérieur desquels les mesures de pré-
d’effet d’un accident majeur, suivant la distribution finale. Une grande vention et d’organisation des secours doivent être
une démarche déterministe(2), et le partie de l’acheminement sur les prises.

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Risques-site et risques-transport pour deux localisations aux noyaux denses de population


de dépôt pétrolier suggère d’implanter de façon préfé-
rentielle les dépôts en marge de la
région. Compte tenu de l’importance
du volet «transport» dans la constitu-
tion des risques majeurs, des simula-
tions ont permis de mener des
évaluations comparatives de risques.
On constate alors que, plus on
éloigne les dépôts générateurs d’un
important trafic routier du cœur de
l’agglomération, plus les risques
sont grands, ce qui contredit l’appa-
rente évidence selon laquelle l’éloi-
gnement du milieu urbain dense
Source : Sandrine Glatron

suffit à limiter les risques.


En premier lieu, les risques n’appa-
raissent pas autant minorés que l’on
pouvait l’espérer en implantant
certaines installations en milieu rural.
Cela est d’autant plus vrai que l’on
risques —site et aux risques— trans- Des simulations prend en compte les dommages
port, rend compte de ces dommages : potentiels sur les activités rurales et
outre les surfaces comprises dans les
riches d’enseignements sur le patrimoine naturel, moins
zones d’effet pour chacun des usages «protégé» qu’en milieu urbain, même
du sol, les dégâts potentiels sont 80 % des accidents de Poids lourds si sa comptabilisation mérite d’être
exprimés en coût monétaire et en transportant des matières dange- encore améliorée.
victimes humaines potentielles, reuses (PLMD) sont liés au transport En second lieu, les flux vers une
suivant des ratios proposés par les d’hydrocarbures. Si le nombre d’acci- clientèle majoritairement urbaine
instances de gestion des risques dents de PLMD varie, leur propor- s’allongent à mesure que l’on
industriels. Les données sont pondé- tion par rapport au total reste s’éloigne du centre de l’aggloméra-
rées par les fréquences statistiques constante. Le principe d’éloignement tion. La gravité des accidents routiers
d’accidents industriels ou routiers. des sources dangereuses par rapport est alors plutôt moindre, mais leur
Accidents de Poids lourds transportant des matières dangereuses (PLMD) en France

Source : ministère de l’équipement, mission du transport des matières dangereuses (pas de données disponibles en 1994 et 1995).

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probabilité d’occurrence est beau- Livraisons mensuelles de carburants à partir d’un dépôt pétrolier
coup plus élevée (durée du trajet, plus ou moins éloigné du centre de l’agglomération
vitesse, conditions météorologiques, (Ivry-sur-Seine et Villiers-Saint-Georges)
état des routes…). Dès lors, le coût
global du risque croît de manière
exponentielle avec l’allongement de
la distance parcourue.
Ces premiers résultats confirment la
nécessité de s’interroger en termes
de «transferts de risques» lors des
réflexions menées notamment dans
le cadre du schéma directeur
régional. La planification doit per-
mettre une organisation des activités
sur le territoire limitant les risques
technologiques majeurs pour les po-
pulations riveraines des installa-
tions.
Ils montrent aussi la nécessité d’une
approche «multirisques», naturels et
technologiques, de la vulnérabilité
des populations et des territoires, et
de l’agglomération centrale en
particulier. L’Iaurif contribuera à
cette réflexion qui est une préoccu-
pation croissante des services de
l’État et des élus locaux en charge de
l’aménagement.

Pour en savoir plus


- «L’évaluation des risques technologiques
majeurs en milieu urbain : approche
géographique - Le cas de la distribution
des carburants dans la région Ile-de-
France», Sandrine Glatron, thèse de
doctorat en géographie, Université de
Paris I Panthéon-Sorbonne, UFR de
géographie, décembre 1997.
- Arrêtés des 15 septembre 1992 et 12
décembre 1994 relatifs au règlement
pour le transport des matières
dangereuses.

INSTITUT D’AMÉNAGEMENT ET D’URBANISME D’ILE-DE-FRANCE


Directeur de la publication : Jean-Pierre Dufay UMR-IDEES, (DEUR) Le numéro : 5 e
Rédactrice en chef : Catherine Grolée-Bramat Conception-réalisation : Studio Iaurif Librairie d’Ile-de-France : 15, rue Falguière
Assistante : Emmanuelle Pellegrini Diffusion par abonnement : 75015 Paris - Tél. : 01.53.85.77.40
Article : Sandrine Glatron, Chargée de 76 e les 40 numéros (sur deux ans) http://www.iaurif.org
recherche au CNRS, Université de Rouen Service diffusion-vente Tél. : 01.53.85.79.38 ISSN 1161-7578

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