LE MONITEUR

AUTO-ÉCOLE
Docteurs Patrice MANILLIER, Jacques ALCOUFFE,
Bernadette CHAUDRON, Carole SERRE, ACMS

RÉSUMÉ
Après un bref historique sur l’évolution de la conduite automobile et de sa réglementation, la pro-
fession de moniteur auto-école est décrite avec ses contraintes et ses risques ainsi que leurs effets
potentiels sur la santé. Cet article inclut une mini-étude de l’exposition au monoxyde de carbone à
l’intérieur du véhicule au cours d’une journée de travail de cinq moniteurs différents.

MOTS CLÉS
Moniteur auto-école - Monoxyde de carbone - Surveillance médicale

KEY-WORDS
Driving instructor - Carbon monoxyd - Medical monitoring

HISTORIQUE conduire moderne. A l’heure actuelle, plus de

Le premier véhicule à moteur des usines Pan-
hard & Levassor fonctionnant au pétrole a
roulé à Paris en 1891, de la porte d’Ivry à la
porte de Choisy, dans le cadre d’un essai [1].
Très vite le nombre des véhicules automobiles a
augmenté et la cohabitation, sur la voie pu-
blique, avec les véhicules hippomobiles, a été
une source de préoccupation. Ceci a justifié la
création le 10 mars 1899 du premier «certificat
national de capacité valable pour la conduite
des véhicules à pétrole» qui était déjà de couleur
rose. Il pouvait être retiré si le conducteur avait
fait l’objet de deux contraventions dans l’année
ou bien d’un seul délit aggravé par un état
d’ébriété.
Ce n’est qu’en 1921 qu’apparaît le premier code
de la route et en 1922 le premier permis de
35 millions de personnes sont titulaires en
France du permis de conduire et environ
800 000 nouveaux permis sont délivrés chaque
année.
Parallèlement, la formation de moniteurs auto-
école s’est avérée nécessaire. On dénombre ac-
tuellement, en France, 15 000 auto-écoles qui
emploient 26 000 moniteurs.
L’ENTRÉE DANS LA PROFESSION
Pour être moniteur auto-école il faut être titu-
laire du Brevet pour l’Exercice de la Profession
d’Enseignant de la Conduite Automobile et de la
Sécurité Routière (BEPECASER) et avoir obtenu
une autorisation d’enseigner de la Préfecture. 11

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 • L’ACCESSIBILITÉ A CETTE FORMATION
NÉCESSITE UN PRÉ-REQUIS :
– Brevet des collèges ou diplôme équivalent. Les
personnes non titulaires de ce diplôme peuvent
passer un examen de niveau.
– Être titulaire du permis de conduire.
– Ne pas avoir été condamné.
• LA FORMATION :
Après inscription auprès de la Préfecture, il
existe une épreuve d’admissibilité qui comporte
une note de synthèse et un entretien avec le jury.
Au cours de cet entretien, le candidat est jugé
sur ses qualités d’expression, de communication,
sur son ouverture d’esprit, et ses capacités
d’analyse et de synthèse. Environ 60 % des can-
didats sont retenus et peuvent entamer la forma-
tion de moniteur auto-école d’une durée de
5 mois. Celle-ci est validée par un examen com-
portant des épreuves théoriques et pratiques.
• L’AGRÉMENT DE LA PRÉFECTURE :
Cet agrément, renouvelable, est délivré pour une
période de 5 ans et nécessite pour l’obtenir les
conditions suivantes :
– avoir obtenu le BEPECASER,
– ne pas avoir été condamné,
– produire un certificat médical favorable déli-
vré par un médecin agréé,
– être âgé de 20 ans ou plus,
– être titulaire du permis de conduire B depuis
au moins 3 ans.
• L’EMBAUCHE :
Après son recrutement par l’exploitant d’auto-
école, le moniteur doit satisfaire à l’obligation
de visite médicale d’embauche auprès du méde-
cin du travail qui délivre son avis d’aptitude.
LE MÉTIER
DE MONITEUR AUTO-ÉCOLE
La majeure partie du temps de travail du moni-
teur auto-école concerne l’enseignement de la
12 pratique de la conduite lors de cours individuels
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en voiture. Il adapte son enseignement au niveau
préalablement évalué de chaque élève et fait pé-
riodiquement le point avec lui sur ses erreurs,
ses mauvaises habitudes, et ses progrès.
Les cours se déroulent dans différents environ-
nements (ville, autoroute, campagne, circuit ré-
servé…) pour apprendre au candidat à adapter
sa conduite en fonction du type de route sur la-
quelle il circule. Le moniteur vise à développer
ses capacités d’anticipation. Il lui enseigne aussi
la réalisation des manœuvres.
Parallèlement à l’apprentissage de la conduite il
joue un rôle éducatif important afin de le sensi-
biliser au civisme, à la prudence, la sécurité, la
maîtrise de soi, sans omettre les risques liés à la
vitesse et à la consommation de substances ad-
dictives (alcool, drogues et médicaments).
En complément de cet enseignement pratique, le
moniteur remplit une fiche de suivi pour chaque
élève notant les progrès et les points à revoir ;
ce document est impérativement renseigné car il
peut être demandé par les inspecteurs du permis
de conduire. Il doit également vérifier les ni-
veaux des différents fluides du véhicule et l’état
des pneumatiques avec les élèves. Il assure enfin
l’entretien intérieur et extérieur du véhicule.
Dans certains cas, en l’absence de secrétariat
permanent, le moniteur effectue différentes
tâches administratives telles que la gestion du
planning, le règlement des leçons et les convoca-
tions aux examens.
De plus en plus, les moniteurs d’auto-école sont
sollicités pour mener des actions de sensibilisa-
tion autour de la sécurité routière en partenariat
avec la Gendarmerie et la Prévention Routière.
Ils peuvent intervenir dans les écoles pour faire
passer aux jeunes l’attestation scolaire de sécu-
rité routière (ASSR 2) ou le brevet de sécurité
routière (BSR) nécessaire aux jeunes de plus de
14 ans pour la conduite d’un cyclomoteur. Ils
participent à des actions post-permis pour des
titulaires du permis de conduire qui souhaitent
se remettre à niveau ou se perfectionner.
LES CONTRAINTES ET LES RISQUES
Les contraintes sont multiples : elles sont tempo-
relles, posturales, sensorielles, physiques, clima-
tiques, environnementales et mentales.
Les contraintes temporelles sont variables selon
l’organisation de l’auto-école, mais les journées
de travail de 9 à 10 heures, voire de 12 heures
par jour, sont fréquentes. Pour satisfaire les exi-

gences de la clientèle, les moniteurs exercent
souvent tôt le matin, tard le soir ou le samedi, et
il n’est pas rare qu’ils travaillent pendant les
heures de repas.
Les contraintes posturales sont liées au maintien
d’une position assise prolongée et à la rotation
itérative de la tête. S’y ajoute une tension mus-
culaire involontaire du fait d’un état d’alerte
permanent en rapport avec les réactions de
l’élève (coups de freins brusques, coups de vo-
lant intempestifs…) et aux événements exté-
rieurs (traversée inopinée d’un piéton, change-
ment de file non signalé du véhicule
précédent…). Cette tension musculaire concerne
à la fois la partie supérieure du tronc et les
membres inférieurs prêts à actionner les pédales
de la triple commande de frein, d’embrayage et
d’accélérateur.
Les contraintes sensorielles sont visuelles
(éblouissement par le soleil ou les feux de croise-
ment), auditives (bruit de la circulation et du vé-
hicule, avertisseurs sonores, travaux sur la voie
publique et sirènes diverses). Elles peuvent aussi
être olfactives en cas d’élève cacosmique ou de
pollution urbaine intense.
Les contraintes physiques sont essentiellement
liées aux vibrations de basses fréquences trans-
mises au corps entier par le véhicule et majorées
par l’état de la chaussée et la présence de ralen-
Figure 1 : Exemple de graphique d’enregistrement du CO en continu.
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tisseurs (bandes rugueuses, dos d’âne, gendarme
couché…).
Les contraintes climatiques sont minimisées par
la présence de climatisation qui s’est généralisée
dans les véhicules de petite gamme. Néanmoins,
les avantages de la climatisation impliquent un
entretien régulier et une bonne utilisation (recy-
clage de l’air en zone urbaine, réglage de tempé-
rature adapté avec différentiel de 6 degrés maxi-
mum).
Les contraintes environnementales sont en rap-
port avec la pollution de l’habitacle par les gaz
d’échappement des véhicules, avec notamment
le monoxyde de carbone (CO), l’oxyde et les di-
oxydes d’azote (NO, NO2), les particules de fu-
mée (suies). La notion d’une étude française
portant sur l’évaluation de cette exposition chez
des chauffeurs de taxis parisiens nous a incités à
évaluer aussi cette exposition chez des moni-
teurs auto-école [2]. Pour cela, nous avons effec-
tué des mesures en continu du monoxyde de
carbone (CO) au moyen de l’appareil de détec-
tion et de mesure de gaz PAC III Dräger. Les
5 mesures ont concerné 4 journées entières et
une demi-journée de travail de 5 moniteurs
d’auto-écoles différentes exerçant en région pa-
risienne. La valeur moyenne de ces 5 mesures
étaient de 2,23 ppm (valeurs extrêmes : 0,06 à
4,37 ppm) et un exemple de graphique d’enre-
gistrement apparaît sur la figure 1.
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 Nos résultats sont inférieurs aux 3,8 ppm de
moyenne trouvés chez les chauffeurs de taxis [2]
et très au-dessous de la valeur moyenne d’expo-
sition (VME) française de 50 ppm sur huit
heures de travail. Cette différence peut s’expli-
quer par le fait que les moniteurs auto-école pri-
vilégient leurs itinéraires dans des zones où le
trafic routier est moins encombré. Toutefois,
cette exposition d’intensité très faible au CO est
du même ordre de grandeur que la pollution at-
mosphérique enregistrée par les stations de me-
sure d’AIRPARIF à laquelle est soumise l’en-
semble de la population d’Ile-de-France. Par
contre, nous n’avons pas pu, dans le cadre de
cette étude, évaluer l’exposition aux autres
constituants des gaz d’échappement qui s’était
avérée importante pour les chauffeurs de taxi
[2].
La charge mentale est élevée et induite par de
nombreux facteurs. Tout d’abord, l’effort péda-
gogique adapté au potentiel d’assimilation de
chaque élève, au manque de motivation de cer-
tains d’entre eux, demande parfois beaucoup de
patience. Le moniteur peut être confronté au
comportement agressif du candidat. Son état de
vigilance doit rester élevé en permanence pour
pouvoir intervenir de manière appropriée dans
tout type de situation à risque. Les conditions de
conduite en ville (embouteillage aux heures de
pointe, impatience des autres conducteurs) génè-
rent assez souvent un état de stress plus ou
moins bien vécu.
Le risque d’accident est omniprésent pendant les
leçons de conduite, en rapport avec le candidat
et l’environnement : trafic routier, travaux,
conditions climatiques, mais il semble bien maî-
trisé du fait de la vigilance du moniteur et des
triples commandes. D’autres accidents sont pos-
sibles lors de la sortie du véhicule et des déplace-
ments à pied pour rejoindre l’auto-école.
LES EFFETS SUR LA SANTÉ
Les contraintes que nous venons d’énumérer ci-
dessus favorisent diverses pathologies.
Des atteintes ostéo-articulaires (dorsalgies, lom-
balgies, cervicalgies...) sont liées aux contraintes
posturales et aux vibrations auxquelles sont
soumis les moniteurs auto-école pendant de
nombreuses heures consécutives. Tout comme
pour les chauffeurs de taxi, la fréquence de ces
problèmes augmente avec le temps passé dans le
14 véhicule [3].
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Des troubles métaboliques, associés parfois à
une obésité, peuvent survenir suite à la sédenta-
rité, aux repas pris à heures irrégulières, «sur le
pouce» et mal équilibrés. Ils peuvent favoriser le
développement de maladies cardio-vasculaires
(athérosclérose) pouvant être majorées par le
stress.
La position assise prolongée peut être respon-
sable de l’aggravation de pathologies veineuses
pré-existantes : insuffisance veineuse chronique
des membres inférieurs, hémorroïdes.
Des troubles du sommeil sont possibles du fait
du stress, des situations de travail et de la durée
de l’activité au-delà des horaires habituels.
Les variations de températures entre l’habitacle
et l’extérieur du véhicule peuvent induire, aggra-
ver ou entretenir différentes pathologies ORL :
angine, rhinite, sinusite. L’usage mal maîtrisé de
la climatisation renforce probablement ce phé-
nomène.
PRÉVENTION
La prévention collective repose en premier lieu
sur la qualité du matériel roulant avec un entre-
tien régulier du parc automobile et son renou-
vellement systématique à intervalles rapprochés.
Ce renouvellement est facilité par la tendance de
plus en plus fréquente au recours à la location
des véhicules. En second lieu, l’organisation du
travail, c’est-à-dire la planification des horaires
de travail de chaque moniteur, respectant la
pause déjeuner et une amplitude horaire journa-
lière acceptable, contribue au maintien de leur
bonne hygiène de vie. Cet objectif ne peut être
atteint que si l’effectif de l’auto-école est en adé-
quation avec le volume d’activité et que la ma-
jeure partie des tâches administratives propres
au fonctionnement de l’auto-école soit prise en
charge par un personnel spécifique.
La prévention individuelle repose sur le respect
des consignes de sécurité inscrites dans le règle-
ment intérieur. On peut citer le respect du Code
de la route, le port de la ceinture de sécurité,
l’interdiction d’utiliser un téléphone portable ou
de fumer dans l’habitacle, l’inspection préalable
du véhicule en début de journée et la non-prise
de risques avec les élèves en respectant les étapes
du programme de formation afin d’éviter les ac-
cidents liés à la faute des élèves.

SURVEILLANCE MÉDICALE
Les salariés qui se présentent en visite d’em-
bauche au médecin du travail sont censés avoir
satisfait aux exigences médicales requises pour
la délivrance de l’agrément par la Préfecture. Le
médecin du travail portera néanmoins une at-
tention particulière, aussi bien lors de la visite
d’embauche que lors des visites médicales pério-
diques, sur les points suivants, en se référant à
l’arrêté du 21-12-2005 listant les «incapacités
physiques et affections incompatibles avec l’ob-
tention ou le maintien du permis de conduire»
pour le groupe 2. En effet, les moniteurs auto-
école, tout comme les ambulanciers, sont assimi-
lés au groupe «lourd».
Le médecin du travail sera particulièrement vigi-
lant, par exemple, sur :
– l’acuité visuelle (testée s’il y a lieu avec correc-
tion optique) : incompatibilité si elle est infé-
rieure à 8/10 pour l’œil le meilleur et à 5/10
pour l’œil le moins bon,
– les altérations du champ visuel qui nécessitent
un avis spécialisé,
– la présence de maladies cardio-vasculaires
comme un angor ou des troubles du rythme,
– l’existence d’un diabète,
– les troubles neurologiques, notamment l’épi-
lepsie,
– les troubles du sommeil avec répercussion sur
la vigilance comme l’apnée du sommeil, la nar-
colepsie et l’hypersomnie idiopathique. Dans ce
cadre, le médecin du travail recherchera la prise
de médicaments susceptibles d’altérer la vigi-
lance ainsi que la consommation de substances
psychoactives, occasionnelle ou dans le cadre
d’une addiction : alcool, drogues.
Si ces différentes affections ou incapacités ne fi-
gurent pas dans le Code du Travail, le médecin
ne doit pas les ignorer lors de sa décision d’apti-
tude.
Aussi bien à l’embauche que lors des visites mé-
dicales ultérieures, le médecin du travail prodi-
guera des conseils hygièno-diététiques visant à
lutter contre les effets délétères de la sédentarité
et à pérenniser l’aptitude.
RÉGLEMENTATION
– L’arrêté du 21 décembre 2005 liste les «inca-
pacités physiques et affections incompatibles
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avec l’obtention ou le maintien du permis de
conduire», sachant que les moniteurs auto-école
relèvent du groupe 2.
– Le Code de la route (art. R. 212-6).
CONCLUSION ET PROPOSITIONS
Cette profession ne relève pas actuellement
d’une surveillance médicale renforcée mais ex-
pose néanmoins le moniteur auto-école à di-
verses contraintes pouvant altérer sa santé.
Nous n’avons pas retrouvé dans la littérature
médico-professionnelle de publications sur le
métier de moniteur auto-école, et en particulier
de pathologies spécifiques à cette profession.
Des études épidémiologiques seraient souhai-
tables au sein de cette population pour évaluer
la fréquence de la morbidité que nous avons
évoquée plus haut.
BIBLIOGRAPHIE
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Les Panhard et Levassor : une aventure collec-
tive.
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2. E. ZAGURY, Y. LE MOULLEC, I. MOMAS
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pollutants within their vehicles.
Occupational and Environmental Medicine,
2000, vol. 57, N° 6, pages 406-410.
3. J.C. CHEN, W.R. CHANG, W. CHANG, D.
CHRISTIANI
Occupational factors associated with low back
pain in urban taxi drivers.
Occupational Medicine, 2005, vol. 55, N° 9,
pages 535-540.
Pour de plus amples informations, il est possible
de consulter les sites WEB dont les adresses sont
les suivantes :
– http://www.securiteroutiere.gouv
– http://www.tous-permis.com
– http://www.jetudie.com
– http://www.mip-louhans.asso.fr
– http://www.lepermis.com
– http://www.legifrance.fr
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