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Nous allons néanmoins essayer de vous expliquer les tenants et les aboutissants principaux de
Troy. Nous nous sommes basés sur des faits vérifiés (c’est à dire des informations récoltées de
plusieurs sources, puis recoupées) ou inscrits dans les grimoires d’histoire ne faisant plus aucun doute.
Ces trois grandes parties de Troy, bien que différentes sur bien des aspects, peuvent néanmoins
avoir certains point communs.
La langue :
Pour des raisons évidentes de communication facilitant les commerces en tous genres entre les
différents points de Troy, tous les peuples ont adopté, petit à petit, une langue commune appelée
aujourd’hui le Troin. Ce langage est composé de mots et tournures de phrases tirés des anciens
langages des Baronnies, du Darshan et d’Eckmül, et est en application partout, sauf dans la région du
Triban, comme langue maternelle depuis plus de 5000 ans (du calendrier d’Eckmül).
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Ce sont les marchands qui sont à l’origine du Troin. En voyageant d’un bout à l’autre des contrées
connues, ils ont mélangé les mots des langues de chaque endroit. Au bout de 500 ans, le Troin
naissait. Mais, comme les marchands continuent de sillonner le continent, il reste en constante
évolution , si bien que le Troin parlé dans un village du Darshan peut différer, même si il reste
compréhensible, de celui parlé dans un village de Questie.
Bien sûr, chaque ville et village, même si il a adopté le Troin comme langue officielle, a aussi
gardé son patois d’antan qui n’est compréhensible qu’à l’endroit où il est utilisé. Ces patois sont de
moins en moins parlés car les jeunes les trouvent de plus en plus superflus et obsolètes. Ils ne
comprennent pas l’utilité de les maîtriser. C’est pourquoi ils sont promis à disparaître à plus ou moins
brève échéance. Ces patois sont encore un peu parlés par les anciens des villages, et seulement pour
certaines cérémonies officielles, comme le mariage par exemple.
Le seul endroit où le Troin n’est pas la langue principale est la région de Triban. Mais il faut bien
dire que le peuple vivant dans cette région est tout à fait particulier, comme nous le verrons dans le
chapitre qui y est consacré. Les Tribans parlent le Triban et n’utilisent le Troin que lors des
transactions commerciales qu’ils font avec les étrangers. Il est d’ailleurs toujours assez pittoresque
d’entendre un Triban parler le Troin, tellement sont accent est à couper au couteau. Mais personne n’a
jamais osé faire une réflexion désobligeante à ce sujet à un Triban. Ou alors il n’est plus là pour en
parler. Leur non maîtrise du Troin laisse supposer qu’il n’est pas enseigné dans leurs écoles, mais
qu’il est appris plus tard quand le Triban, adulte, accède à un poste relationnel avec les étrangers.
Le monde connu :
Les contrées de Troy qui ont été répertoriées jusqu'à présent s’étendent de la Vaste Banquise du
Septentrion Virginal à l’Equateur. Nul ne sait si d’autres terres existent au-delà du Grand Océan
Austral.
Pourtant, les expéditions en ce sens n’ont pas manqué. De nombreux explorateurs ont pris la mer,
sponsorisés par l’une ou l’autre ville, marchand ou mécène, promettant de revenir avec des richesses
insoupçonnées. Très peu sont revenus, mais tous parmi eux étaient unanimes : rien de rien n’apparaît
au sud. Il faut bien admettre que ces expéditions sont périlleuses. Le Grand Océan Austral est truffé
de Dragons Furieux qui ne se gênent pas pour taquiner le navire qui passe. Maintes expéditions
préparées de longue date se sont retrouvées écourtées par leur faute. Et comme la chair du Dragon
Furieux est trop coriace pour être mangée, personne n’a jamais soulevé l’idée de les exterminer une
bonne fois pour toutes.
Les expéditions ont été abandonnées depuis longtemps. Elles coûtaient trop cher, sans aucun espoir
d’une quelconque retombée financière. Les plus grands érudits de Troy ont pris le relais et se creusent
la tête pour savoir si oui ou non d’autres terres habitées existent. De nombreuses hypothèses ont été
levées. Les Darshanides prétendent qu’il n’y a rien. Si il y avait quelque chose, un Dieu pour ce
quelque chose résiderait à Khore. Des érudits d’Eckmül, ayant étudié le contour des terres, prétendent
qu’il existe bel et bien d’autres continents et que ceux-ci ont été séparés de Troy lors de la création du
monde. Les trois lunes engendrant des marées particulièrement fortes au niveau de l’Equateur, ces
autres terres se sont éloignées au-delà de toute atteinte. D’autres prétendent encore que les Tribans
feraient partie d’un peuple beaucoup plus vaste qui ne peut venir que de terres très lointaines. En effet,
« ils ne sont pas comme nous, ces gens-là ».
Quant aux barons héduls, ils s’en foutent royalement, ils ont d’autres chats à fouetter.
L’origine de Troy :
L’origine des terres connues est des plus incertaine. Chaque peuple a sa théorie et n’en démord pas.
Les Darshanides sont certains que Troy a été créé par le Dieu Troy. La preuve, il habite Khore ; ce qui
est quand même irréfutable comme preuve. Les Delpontais assurent que le monde était autrefois un
grand désert qui a été fertilisé, au fur et à mesure que le temps a passé, par l’eau apportée par les vents
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des océans. Les habitants des Cent Mille Lacs Gelés prétendent que Troy était une immense
banquise, mais que les hommes l’ont fait fondre à force de marcher dessus. Les sages d’Eckmül,
toujours prêts à se faire péter quelles neurones, ont élaboré, après de longues études des sols et des
climats, une hypothèse très évoluée. D’après eux, Troy n’était rien d’autre qu’une étendue volcanique
qui s’est refroidie pendant des milliers d’années. La nature étant décidément trop bien faite, la vie est
arrivée et s’est développée aussi pendant des milliers d’années. Les hommes ont évolués (certains
sages affirment que les hommes ressemblaient vaguement aux trolls, autrefois) pour devenir ce qu’ils
sont. Quelle imagination, quand même, ces sages !
Quant aux barons héduls, ils s’en foutent royalement, ils ont d’autres chats à fouetter.
Comme nous l’avons vu plus haut, les contrées connues de Troy sont divisées en trois grandes
zones. Il est maintenant temps de faire plus ample connaissance avec elles.
Le paysan hédul est un brave homme, la paysanne hédule est une brave femme. Leurs enfants sont
de braves garçons ou de braves filles. Les Héduls sont bien braves. Ils travaillent dur pour nourrir leur
baron et leur baronne, leurs chevaliers et leurs demoiselles, leurs sous-officiers et leurs bonnes
femmes, leurs soldats et leurs bordels de campagne, ainsi que leur famille quand il reste quelque
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chose. Le plus souvent la dite famille se résume à sa plus simple expression. En effet, les garçons de
plus de treize ans sont soldats, et les filles de plus de treize ans sont dans les bordels militaires de
campagne. Des filles tentent parfois de se déguiser en garçons pour devenir soldats, mais elles sont
généralement démasquées au cours de la visite du régiment au bordel militaire de campagne, auquel
cas, contrairement à leur équipement réglementaire, elles n’en ressortent pas.
Contrairement aux autres habitants du continent, les Héduls refusent la magie. Elle peut parfois
être tolérée dans certaines baronnies mais le plus souvent, les objets associés à la magie sont des
fagots de petit bois bien sec surmontés de bûches, un poteau, des cordes, et une torche. Pourtant, les
Héduls, comme tous les habitants de Troy, possèdent à l’état latent un pouvoir. Mais la magie ne fait
plus partie de leur culture : il ne leur vient pas l’idée de développer ce pouvoir ni de l’utiliser, même
lorsqu’ils sont en présence d’un sage d’Eckmül. De leur point de vue, le sage n’est rien d’autre qu’un
excellent combustible.
Les barons d’Hédulie ne se font pas la guerre par plaisir, mais pour maintenir les traditions et
préserver un équilibre social qui a fait ses preuves. Toute la difficulté de l’exercice consiste à ne pas
vaincre trop vite ses voisins. Comme disait Aulin-Flamboyant, 87ème baron du même nom et fin
stratège, c’est pas rigolo de jouer tout seul. Les barons se réunissent parfois pour s’affronter lors de
grands tournois. C’est alors l’occasion de trêves, personne ne se bat, excepté sur les pelouses. Certains
barons peuvent lancer des défis personnels, mettant en jeu leurs terres et leurs châteaux. Dans ce cas,
ils s’affrontent à mort, sous l’œil attentif des soldats heureux de voir le patron faire le boulot lui-
même.
Un conseil des baronnies existe en théorie, mais les barons ont rarement eu à faire face à un ennemi
commun, et, avant l’affaire Averroës, le conseil ne s’était pas réuni depuis le jour lointain où le baron
Brahuin avait proposé une expédition de toutes les forces disponibles contre les dieux darshanides
responsables du mauvais temps. Sa motion avait d’ailleurs été rejetée, et Brahuin fut retrouvé
assassiné quelques temps plus tard, sans doute par des adorateurs du dieu de la pluie. Il existe parfois
des alliances entre barons, dans le but de terrasser un adversaire commun, mais en raison du caractère
ombrageux des intéressés, elles ne durent jamais très longtemps.
77 Baronnies en Hédulie :
Longtemps, les barons d’Hédulie se sont affrontés dans le sang pour savoir dans quel ordre
devaient être classées et présentées les Baronnies. Plusieurs nomenclatures furent proposées,
notamment par le sage Vice-Duc Slopaïa des Ardeurs. Il avait conçu un système complètement
novateur, d’une incroyable modernité : l’ordre alphabétique. Hélas, il ne fut pas écouté, l’usage
courant voulant qu’on se concentre rarement sur le discours d’un bègue un peu gâteux. Certains
voulaient classer les Baronnies suivant leur superficie. D’autres préféraient l’ordre décroissant de leur
sommet le plus haut : les barons des contrées planes se mirent à construire des tours démesurées. On
envisagea alors le nombre d’habitants : certains dirigeants rendirent la fornication quotidienne
obligatoire. Finalement, le critère qui fit l’unanimité fut la production annuelle, en bocaux de six
pintes, de fruits à l’eau de vie. Depuis, les barons ne se battent plus au sujet du classement. Ils ont
trouvé d’autres motifs pour se massacrer.
Si la piétaille hédule n’est que de la chair à pâté en première ligne des combats, les chevaliers sont
beaucoup plus entraînés. La majorité d’entre eux sont de souche noble, mais il peut arriver qu’un
roturier soit adoubé par le baron après avoir fait un acte de guerre extraordinaire. Sinon, tous les
chevaliers nobles ont suivi une éducation très stricte afin de devenir un bon chevalier servant bien son
baron. Un noble passe d’abord ses premières années à apprendre à lire, puis à monter le Glalup. Il est
ensuite confié à un chevalier pour être son écuyer, bien que tous les écuyers ne soient pas nobles. Les
chevaliers leurs en font voir de toutes les couleurs. Les écuyers sont purement et simplement les
serviteurs des chevaliers. Ils doivent les laver, les habiller, les nourrir, bichonner leur monture,
nettoyer leurs armes et leur armure, s’occuper de la fosse d’aisance et encore d’autres joyeusetés du
style. Après trois ans de ce dur labeur, le chevalier estime si l’écuyer est digne de recevoir son
enseignement ou non. S’il ne l’est pas, il est renvoyé chez son père qui, furieux, le fait immédiatement
incorporer à la piétaille. Il faut bien faire disparaître la honte de la famille. S’il est digne d’être
enseigné, le chevalier va lui apprendre toutes les tactiques de guerre qu’il connaît, allant du
maniement des armes aux tactiques de siège de castel les plus poussées. Bien sûr, l’écuyer n’est pas
privé des bonnes vieilles corvées d’antan. C’est alors qu’à 22 ans, si il a résisté au climat et aux
combats, l’écuyer est adoubé et devient lui-même chevalier. Généralement, les chevaliers sont
adoubés par le baron et lui prêtent immédiatement allégeance. Le Baron évite ainsi de se retrouver
avec une épée plantée dans le ventre par un chevalier félon. Parfois, certains chevaliers sont adoubés
par d’autres chevaliers et se vendent alors au plus offrant ; mais cette pratique est peu appréciée dans
nombre de Baronnies car jugée contraire au code de chevalerie.
Il y a bien sûr des exceptions aux règles. Il peut arriver qu’un chevalier se lie d’amitié avec son
écuyer et le garde à son service même si il n’est pas digne de devenir chevalier. Le meilleur exemple
est le fidèle « Créfieu » du Chevalier Or Azur. L’écuyer reste alors écuyer jusqu'à la fin de ses jours.
Le premier fils du Baron, quant à lui, est adoubé à la naissance. Comme seul un héritier adoubé
peut succéder au baron, il vaut mieux prendre les devants : si le Baron venait à mourir avant que son
héritier ne soit en âge d’être adoubé, celui-ci ne pourrait pas accéder au trône et la Baronnie serait
livrée aux conflits de succession. Tous ces tracas sont évités en adoubant l’héritier à la naissance.
Mais d’autres tracas apparaissent alors : si l’héritier accède au trône alors qu’il n’est encore qu’un
enfant, il sera facilement manipulé par des personnes sans scrupules. Mais au moins le patrimoine
restera dans la famille.
Les Héduls ne connaissent pas de villes telles qu’il en existe dans la région d’Eckmül ou au
Darshan. Une immense capitale trônait au centre de la péninsule au temps du royaume unique. A force
d’être assiégée et pillée au fil des siècles, elle a aujourd’hui disparu. Les Baronnies portent maintenant
des castels ou autres forteresses. Le baron et sa suite y vit, ainsi que les hommes travaillant
directement pour lui : des chevaliers, un forgeron, un boulanger, etc. Le reste de la population vit dans
des cabanons encerclant ces châteaux. En cas de siège, la populace se masse entre les murs de la place
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forte, à concurrence de la contenance de celle-ci. Dès que sa capacité a atteint son maximum, on
ferme les portes, livrant les infortunés au bon vouloir des assiégeants.
En raison des vents violents qui balayent sans cesse les côtes hédules, et aussi à cause des récifs
encerclant ces mêmes côtes, les barons héduls n’ont pas de flotte. Par le passé, un Baron avait essayé
d’envahir par mer une Baronnie voisine. Le vent fracassa sa flotte contre les récifs, précipitant tous les
soldats dans l’eau. Très peu survécurent, nager en armure étant un exercice périlleux. Seuls
maintenant quelques bateaux marchands appartenant au Baron (pour aller chercher des biens
extérieurs à la source) sont encore en circulation.
2. Le Darshan.
Géographie :
Le Darshan est un grand continent à l’ouest des Baronnies. Il est divisé en deux par la passe de
Tsyne-Broal, aussi appelé Roulage des Navires. A cet endroit, les terres entre la Mer d’Hédulie et
l’Océan Darshanide ne font que 5 kilomètres de large. Pour éviter aux navires de devoir contourner le
continent pour rallier la Mer ou l’Océan, les Darshanides ont élaboré un système très astucieux :
d’immenses animaux tirent les bateaux, qui sont posés sur des rondins, d’un bout à l’autre de Tsyne-
Broal. L’endroit est aussi un grand centre commercial et d’activités en tous genres.
Au nord de Tsyne-Broal se trouve le Haut Darshan. Plutôt montagneux et aride, il est peu peuplé.
Les récoltes sont rarement bonnes, et les Trolls Blancs du Darshan sont nombreux. Les Darshanides
n’aiment pas y vivre. Le relief y est très accidenté, des montagnes recouvrant plus de la moitié de ces
terres. Seuls les Dieux, les mineurs (ces montagnes sont très riches en minerais de toutes sortes) et des
moines reclus continuent à braver les dangers offerts par ces contrées.
Le Bas Darshan se trouve, quant à lui, au sud de Tsyne-Broal. C’est le grenier à blé du Darshan.
Seul l’extrême sud, volcanique, est peu peuplé. L’ouest est composé de terres d’élevages, l’est de
cultures. Le relief y est principalement assez plat. Les grandes villes du Darshan se trouvent aussi sur
ces terres. Xingdu, la capitale, abrite plus de 350.000 personnes. Les 16 familles impériales habitent
en retrait de la capitale, dans leur palais resplendissant.
L’histoire religieuse du Darshan est assez nébuleuse. Le premier Dieu répertorié se faisait appeler
Sharin-Dam. En fait, ils s’agissait d’un homme ordinaire qui avait un charisme certain et un brin de
mégalomanie. De sa voix suave, il séduisit les foules et les convainquit qu’il était réellement un Dieu.
Un phénomène bizarre se produisit : au plus les gens le croyaient, au plus il avait de nouveaux
pouvoirs inexpliqués. Au bout de quelques années, de nombreuses personnes croyaient à la véracité de
son statut de Dieu de la Terre. Ses adorateurs lui construisirent une immense demeure, Khore, où il
s’installa.
Peu après, un autre illuminé se proclama lui aussi Dieu. Il convainquit d’autres personnes, et chez
lui aussi se développèrent des pouvoirs bizarres. Il expliqua à ses adorateurs qu’il n’y avait non pas
deux Dieux, mais des milliers. Ils étaient invisibles, mais ils existaient pourtant. Il suffisait de croire
en quelque chose pour que le Dieu de ce quelque chose se manifeste. Les gens, heureux de pouvoir
croire à ce qu’ils voulaient, commencèrent à adorer tout et n’importe quoi. Quand le nombre des
adorateurs d’une même chose arrivait à un certain stade, le Dieu de cette chose se manifestait. C’est
ainsi qu’une multitude de Dieux apparurent, pour le plus grand plaisir des Darshanides. Ils avaient
enfin quelque chose d’autre que l’Empereur à quoi se raccrocher.
Les deux premiers Dieux, qui avaient décidé de demeurer ensemble à Khore, furent bientôt rejoints
par une multitude d’autres divinités. C’est ainsi que, depuis, les Dieux habitent à Khore et que des
milliers de pèlerins viennent chaque jour leur rendre hommage et leur remettre des offrandes. Ces
pèlerins se construisirent les Monastères Perchés d’Oxbere afin d’avoir une retraite calme pour prier
et communier avec leur Dieu.
Les pouvoirs des Dieux sont aussi divers que les Dieux eux-mêmes. Pourtant, ces pouvoirs sont
souvent en relation avec la chose que personnifie le Dieu. Le Dieu de la pluie fait pleuvoir et peut
contrôler l’eau ; celui du feu boute aisément le feu et est chaud au toucher ; celui de la mort peut faire
cesser de vivre d’un claquement de doigts et ressemble à un cadavre momifié ; etc.
Pourtant, outre ces pouvoirs spécifiques au Dieu, chacun a des pouvoirs communs : être immortel,
pouvoir changer de forme, connaître l’avenir de Troy (ils en profitent pour révéler des prophéties, très
écoutées mais aussi très peu comprises).
La monnaie Darshanite circule beaucoup. Les Darshanites étant leader dans le domaine du
commerce et offrant certains biens introuvables chez d'autres marchands, ils ont le pouvoir d’exiger
que les biens qu’ils vendent soient achetés dans les devises. Si l’acheteur n’en a pas, le marchand
Darshanite augmentera ses prix afin de récupérer sur le change, bénéfices compris. C’est pour cela
que la monnaie darshanite est tant recherchée par les marchands étrangers. Sa valeur est donc élevée
et cette monnaie n’en a plus perdu depuis des siècles. Elle est une valeur sûre : il n’existe aucun
endroit où elle ne sera pas acceptée, sauf au Triban. Mais cette contrée est décidément une exception
sur bien des points.
L’Empereur est bien entouré. Il vit dans un palais somptueux situé en périphérie de la capitale
impériale. Ce palais est énorme et merveilleux. De nombreuses parties sont couvertes de feuilles d’or,
d’autres de pierres précieuses. Et l’intérieur est encore plus luxueux.
La grandeur du palais n’a rien de futile. En effet, nombreux sont ceux qui gravitent autour de
l’Empereur. Les seize familles impériales au grand complet y résident. A cela vient s’ajouter les
centaines de serviteurs et servantes, les cuisiniers, tailleurs, etc. Et aussi les 42 jeunes femmes qui
composent le harem impérial. Certaines coutumes ont la vie dure. Mais l’Empereur ne tient pas à se
retrouver, comme son illustre ancêtre, avec 42 fils sur le dos. Dès qu’il a eu un fils, il a mandé un
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médecin de renom qui devait l’empêcher d’avoir d’autres enfants. La renommée du médecin devait
être plus grande que ses réelles capacités, car il loupa superbement son coup : le membre viril impérial
ne montre plus aucun signe de vigueur. Il est certain que le procédé a porté ses fruits : il n’aura plus
jamais d’enfants. Mais ses jeux érotiques n’auraient plus court non plus. Pour la première fois depuis
le début de son règne, l’Empereur fit mettre quelqu’un à mort : le maladroit médecin.
L’Empereur accueille aussi en son palais une pléthore d’amuseurs et de bouffons, et de marchands
qui viennent sans cesse lui présenter des nouveaux biens tous aussi luxueux les uns que les autres. Ils
sont inutiles, donc rigoureusement indispensables au vieillard.
En dehors même de la présence du Conservatoire, Eckmül est une agglomération de toute première
importance. On y compte près de deux cent mille habitants humains, ce qui en fait la cité la plus
peuplée du continent. Son port est le point d’attache de la plupart des navires commerçant sur la mer
du Ponant, et les équipages trouvent de quoi réconforter leur foie et leurs passions charnelles dans les
nombreuses tavernes enfouies au cœur des étroites ruelles de la vieille ville. Partout, des étalages de
poissons fumés ou salés, de viande fraîche ou avariée, de fruits ou de légumes, des échoppes
d’artisans, des bijoutiers, des ferronniers, des cordonniers, des verriers, des potiers, des tonneliers, des
barbiers, des selliers, des chapeliers, des armuriers, des médecins, des assassins, des nécromanciens,
des sculpteurs, des tatoueurs, des dresseurs (d’animaux ou de femmes), des brasseurs, des brocanteurs,
des embaumeurs, des apiculteurs, des fourreurs (d’animaux ou de femmes), des fleuristes, des
harpistes, des philologues, et des agences d’intérim matrimonial. Les dames se promènent entre les
boutiques de tissus et de fanfreluches, près du marché aux animaux de compagnie, et tout ce monde
attire un grand nombre de mendiants et de coupeurs de bourses.
Le plus important des commerces reste celui de l’alcool. Des dizaines de chariots chargés de fûts et
de barriques en provenance de l’arrière-pays franchissent tous les matins les portes de la ville pour
alimenter les tavernes et les boutiques. Les débardeurs extraient des cales des navires les tonneaux
remplis de vins exotiques ramenés de l’autre bout du monde. On trouve à Eckmül tout ce que
l’homme a réussi à faire fermenter depuis l’aube des temps, des liqueurs des Monts Locaces aux vins
bleus du Darshan, en passant par les bières lourdes et noires des campagnes souardes. Le vin
ordinaire, le plus courant, est le Gris de Klostope. Les taverniers disent en riant que si un fleuve de vin
Gris partait de Klostope, il serait asséché bien avant d’arriver à la mer.
La hiérarchie à Eckmül :
Le Conservatoire possède également des prérogatives politiques. Il existe en théorie un Conseil des
Erudits, mais il se réunit extrêmement rarement. En pratique, le pouvoir est laissé entre les mains d’un
Conseil Restreint, formé de trois individus. Le Grand Conseil ne délibère que lorsqu’il s’agit de
remplacer l’un des trois. A l’époque actuelle, le Conseil Restreint est composé des Erudits Lignole le
Vénérable, Bascréan le Fougueux et Plomynthe l’Irrésolu.
Lignole, vieillard d’une culture et d’une intelligence remarquables, aime à se faire passer pour un
gâteux inoffensif. Pourtant, ses petits yeux ne perdent rien de ce qui se passe autour de lui, et son ouïe
est beaucoup plus fine qu’il ne le laisse paraître. Il a fait toute sa carrière de sage à Eckmül même,
conformant des modèles d’analyse historico-politique, et en a déduit que le meilleur moyen de
protéger Eckmül des divers dangers qui pouvaient la menacer est de prendre discrètement le pouvoir.
Bien entendu, il n’est qu’un des trois membres du Conseil Restreint, mais son âge et son art de la
duplicité lui ont longtemps permis de manoeuvrer ses deux condisciples.
Plomynthe est le modèle même de l’homme inutile, parvenu à obtenir un poste important parce que
deux factions désiraient chacune imposer un candidat, et que tout compromis était impossible. Le
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Grand Conseil avait décidé d’élire un individu neutre qui ne dérangerait aucun des deux partis en
présence, un homme sans grande envergure qui pourrait facilement être démis de ses fonctions dès
que l’accord se serait fait sur un candidat plus sérieux. Le choix se porta sans hésitation sur
Plomynthe, un petit responsable de la comptabilité devenu miraculeusement directeur administratif
grâce à la chute dans un escalier de son prédécesseur. Connu pour sa haute opinion de lui-même et sa
mollesse en toutes choses, il semblait faire l’affaire. Mais les deux factions ne parvinrent jamais à
trouver un accord, et comme rien d’important ne se passait à Eckmül, les érudits se désintéressèrent de
l’élection et retournèrent à leurs chers travaux. Dans l’indifférence générale, Plomynthe put conserver
une fonction qui n’aurait dû être que temporaire, malgré un incident concernant sa santé que nous
évoquerons plu bas.
Bascréan, l’élément le plus inattendu du trio, est un érudit encore assez jeune, fougueux et
impétueux, et parfois d’une vue assez courte sur les événements du monde. Excellent élève, plutôt du
genre qui retient bien que du genre qui imagine beaucoup, il a rédigé une thèse remarquée sur la
nécessité de convertir à l’usage de la magie tous les continents de Troy. Il fait partie de la faction des
Théologiens, qui considèrent que la magie est un don divin, et qu’il est du devoir d’Eckmül de la
partager avec tous, quitte à l’imposer par la force si nécessaire. Face à eux, les Pragmatiques, dont
Lignole est le chef de file, récusent la mystique des Théologiens, et soutiennent que tant que tout va
bien, il n’y a pas de raison d’aller embêter ses voisins. Bascréan occupe à ce poste le fauteuil laissé
vacant par son frère, l’incongru Thanos. Ce brillant érudit, dévoré par la soif de puissance et de
pouvoir, avait tenté de renverser le Conseil afin d’y imposer son autorité unique. La manoeuvre avait
été déjouée par Lignole qui, fin psychologue, se méfiait des gens qui aiment les beaux vêtements.
Employant, en toute illégalité, les services d’un télépathe, Lignole avait pu percer à jour les plans de
Thanos : l’ambitieux érudit avait l’intention d’assassiner ses deux compagnons du Conseil Restreint.
Il évita donc le verre de vin empoisonné que Thanos lui servit et laissa Plomynthe boire le sien, afin
d’avoir une preuve de la traîtrise de Thanos. Plomynthe s’écroula, visage dans son assiette, au beau
milieu du réfectoire. Lignole put faire accuser officiellement Thanos. Le hasard voulut que Plomynthe
ne mourut point, grâce à l’intervention d’un médecin de l’est qui connaissait tout des techniques
vomitives. Il resta cependant de longues semaines éloigné de toute activité suivie, sa diarrhée lui
interdisant de trop s’écarter des lieux où elle pouvait en toute quiétude s’exprimer. Thanos confondu
fut déclaré traître à Eckmül mais parvint à échapper à la garde du Conservatoire, grâce à son pouvoir
de délocalisation. C’est alors qu’il commença la carrière de forban que l’on sait, avec le but avoué de
se venger d’Eckmül.
Le village de Glinin est situé dans la partie orientale de la Souardie. Ici les champs de blé font
souvent place à une agriculture plus diversifiée, de type bocage pré-montagnard. Plusieurs légendes
locales expliquent l’origine du village. La plus communément admise raconte l’histoire du maraîcher
Glin, chassé de chez lui par sa femme pour avoir été trop galant. En effet, Glin, campé au comptoir de
la taverne, avait surestimé le temps nécessaire à la préparation d’un repas. Il était arrivé chez lui au
milieu de la nuit, soutenu par trois amis encore assoiffés. Sa femme, d’humeur certaine, s’était
emparée d’un balai et avait poursuivi le pauvre homme jusqu'à ce qu’il ne soit plus qu’une silhouette
se découpant sur la lune, loin au delà des collines.
L’exilé erra quelques temps, puis s’installa près d’une petite rivière ombragée pour y planter de
l’orge, du houblon, et ériger une cuve à fermentation. Il fraya avec une nymphe de la rivière ; chacun
sait que les nymphe sont d’un caractère exquis. Leur union engendra une fille. L’année suivante, une
seconde fille naquit. La troisième année également, la quatrième aussi. A l’âge de 70 ans, Glin se
retrouva père de 29 filles, toutes aussi charmantes que douces et aimantes. Il vendit les plus jeunes et
avec l’argent obtenu, paya des messagers pour annoncer dans tous les villages que des belles
cherchaient un mari. Quelques centaines d’hommes se présentèrent, chacune des filles se choisit sept
maris, un pour chaque jour de la semaine, et le village de Glinin prit réellement naissance.
On raconte que les hommes qui n’avaient pas été choisis se tournèrent vers la rivière afin d’y
trouver d’autres nymphes. Certaines, curieuses des choses de la nature humaine, se laissèrent capturer
et engrosser, mais la plupart préférèrent fuir devant cette horde de mâles en état d’intense excitation
érotique. C’est une des raisons pour lesquelles il n’y a plus aujourd’hui de nymphes dans la région de
Glinin.
Dans les villages comme Glinin, l’atelier du forgeron est un point central, un lieu de passage pour
tous : le paysan vient faire ferrer ses bêtes, le mari jaloux vient faire ferrer l’intimité de sa femme, la
femme vient faire réparer ses lourdes marmites de cuivre ou demander discrètement un double des
clés de son ferrage, le guerrier vient affûter son épée, le bûcheron y achète ses haches et le pêcheur ses
hameçons.
Jusqu'à la venue du chevalier Or-Azur, l’événement le plus étrange survenu dans la forge de Maître
Gramblot fut l’arrivée d’un garde du port de Gemman en armure de parade. L’homme avait depuis
longtemps négligé l’entretien et le graissage quotidien de son armure, et les plaques de métal
articulées avaient rouillé sous la fine pluie d’automne. Après une longue journée de voyage, le garde
s’était retrouvé coincé dans sa carapace de métal, et avait mis trois jours à atteindre Glinin, sans
pouvoir faire un mouvement ni changer de pose. L’arrivée de cette statue bringuebalante sur sa selle
avait amusé les gamins du village. L’aubergiste, toujours à l’affût d’un bon client, avait eu la bonté
d’âme d’arrêter la monture et de faire porter le chevalier chez Gramblot. Celui-ci dut découper chaque
pièce pour libérer l’infortuné garde, sous les quolibets de tout le village venu assister au spectacle.
Affamé et épuisé, le malheureux garde resta trois jours à l’auberge où il se prélassa dans des bains aux
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huiles parfumées, mangeant de la volaille rôtie, commandant les meilleurs chapons, et vidant de
grandes carafes de vin pour se remonter de son aventure. Lorsque Gramblot vint lui présenter sa note
pour son intervention salvatrice, l’homme avait déjà dépensé tout le contenu de sa bourse, et
l’aubergiste affichait un large sourire. C’est depuis ce jour que Maître Gramblot et Maître Panyce,
l’aubergiste, ne s’adressent plus la parole.
Pour des raisons assez mystérieuses, les pirates prennent grand plaisir à effrayer les honnêtes
navires marchands. Afin d’être rapidement reconnus et identifiés, ils respectent presque toujours une
vieille tradition de la flibuste : remplacer la traditionnelle voile de toile par une aile de dragon. Celle-
ci, d’une robustesse et d’une solidité sans égales, se replie facilement le long du mât, directement
taillé dans l’os principal. Pour garder toute sa souplesse et ne pas être fragilisée par le sel marin, l’aile
de dragon doit être régulièrement graissée avec du lard de chapon pansu. C’est une raison pour
lesquelles les pirates effectuent parfois des raids terrestres en direction des poulaillers.