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Diocèse d’Avignon
Bibliographie
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Concile Vatican II, const. Past. Gaudium et spes
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CONSEIL PONTIFICAL JUSTICE ET PAIX, Compendium de la Doctrine sociale de l'Église, Bayard - Cerf - Mame, 2005.
JEAN-PAUL II, Homme et femme il les créa; une spiritualité du corps, Cerf, 2004.
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à l’index sur l’homme, la conscience, etc.)
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Gn 1, 26-28
Dieu dit : « Faisons l’homme à notre image, selon notre ressemblance. Qu’il soit le maître des poissons
de la mer, des oiseaux du ciel, des bestiaux, de toutes les bêtes sauvages, et de toutes les
bestioles qui vont et viennent sur la terre. »
Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa, il les créa homme et femme.
Dieu les bénit et leur dit : « Soyez féconds et multipliez-vous, remplissez la terre et soumettez-la. Soyez
les maîtres des poissons de la mer, des oiseaux du ciel, et de tous les animaux qui vont et
viennent sur la terre. »
Gn 2, 15-23
Le Seigneur Dieu prit l’homme et le conduisit dans le jardin d’Éden pour qu’il le travaille et le garde. Le
Seigneur Dieu donna à l’homme cet ordre : « Tu peux manger les fruits de tous les arbres du
jardin; mais l’arbre de la connaissance du bien et du mal, tu n’en mangeras pas ; car, le jour où tu
en mangeras, tu mourras. »
Le Seigneur Dieu dit : « Il n’est pas bon que l’homme soit seul. Je vais lui faire une aide qui lui
correspondra.» Avec de la terre, le Seigneur Dieu modela toutes les bêtes des champs et tous les
oiseaux du ciel, et il les amena vers l’homme pour voir quels noms il leur donnerait. C’étaient des
êtres vivants, et l’homme donna un nom à chacun.
L’homme donna donc leurs noms à tous les animaux, aux oiseaux du ciel et à toutes les bêtes des
champs. Mais il ne trouva aucune aide qui lui corresponde. Alors le Seigneur Dieu fit tomber sur
lui un sommeil mystérieux, et l’homme s’endormit. Le Seigneur Dieu prit une de ses côtes, puis il
referma la chair à sa place. Avec la côte qu’il avait prise à l’homme, il façonna une femme et il
l’amena vers l’homme. L’homme dit alors : « Cette fois-ci, voilà l’os de mes os et la chair de ma
chair ! On l’appellera femme – Ishsha –, elle qui fut tirée de l’homme – Ish. »
2
Quand j’aurai adhéré à toi de tout moi-même,
nulle part il n’y aura pour moi douleur et labeur,
et vivante sera ma vie toute pleine de toi.
Mais maintenant, puisque tu allèges celui que tu remplis,
n’étant pas rempli de toi je suis un poids pour moi.
Il y a lutte entre mes joies dignes de larmes
et les tristesses dignes de joie ;
et de quel côté se tient la victoire, je ne sais.
Il y a lutte entre mes tristesses mauvaises
et les bonnes joies ;
et de quel côté se tient la victoire, je ne sais.
GS §2
1. C’est pourquoi, après s’être efforcé de pénétrer plus avant dans le mystère de l’Église, le deuxième Concile du
Vatican n’hésite pas à s’adresser maintenant, non plus aux seuls fils de l’Église et à tous ceux qui se réclament du
Christ, mais à tous les hommes. À tous il veut exposer comment il envisage la présence et l’action de l’Église dans le
monde d’aujourd’hui.
2. Le monde qu’il a ainsi en vue est celui des hommes, la famille humaine tout entière avec l’univers au sein duquel elle
vit. C’est le théâtre où se joue l’histoire du genre humain, le monde marqué par l’effort de l’homme, ses défaites et ses
victoires. Pour la foi des chrétiens, ce monde a été fondé et demeure conservé par l’amour du Créateur ; il est tombé
certes, sous l’esclavage du péché, mais le Christ, par la Croix et la Résurrection, a brisé le pouvoir du Malin et l’a libéré
pour qu’il soit transformé selon le dessein de Dieu et qu’il parvienne ainsi à son accomplissement.
GS §4
(6) Comme en toute crise de croissance, cette transformation ne va pas sans de sérieuses difficultés. Ainsi, tandis que
l'homme étend si largement son pouvoir, il ne parvient pas toujours à s'en rendre maître. S'efforçant de pénétrer plus
avant les ressorts les plus secrets de son être, il apparaît souvent plus incertain de lui-même. Il découvre peu à peu, et
avec plus de clarté, les lois de la vie sociale, mais il hésite sur les orientations qu'il faut lui imprimer.
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(7) Jamais le genre humain n'a regorgé de tant de richesses, de tant de possibilités, d'une telle puissance économique,
et pourtant une part considérable des habitants du globe sont encore tourmentés par la faim et la misère, et des
multitudes d'êtres humains ne savent ni lire ni écrire. Jamais les hommes n'ont eu comme aujourd'hui un sens aussi vif
de la liberté, mais, au même moment, surgissent de nouvelles formes d'asservissement social et psychique. Alors que le
monde prend une conscience si forte de son unité, de la dépendance réciproque de tous dans une nécessaire solidarité, le
voici violemment écartelé par l'opposition de forces qui se combattent: d'âpres dissensions politiques, sociales,
économiques, raciales et idéologiques persistent encore, et le danger demeure d'une guerre capable de tout anéantir.
L'échange des idées s'accroît; mais les mots mêmes qui servent à exprimer des concepts de grande importance revêtent
des acceptions fort différentes suivant la diversité des idéologies. Enfin, on recherche avec soin une organisation
temporelle plus parfaite, sans que ce progrès s'accompagne d'un égal essor spirituel.
(8) Marqués par une situation si complexe, un très grand nombre de nos contemporains ont beaucoup de mal à
discerner les valeurs permanentes; en même temps, ils ne savent comment les harmoniser avec les découvertes récentes.
Une inquiétude les saisit et ils s'interrogent avec un mélange d'espoir et d'angoisse sur l'évolution actuelle du monde.
Celle-ci jette à l'homme un défi; mieux, elle l'oblige à répondre.
C'est pourquoi, sous la lumière du Christ, image du Dieu invisible, premier-né de toute créature, le Concile se propose
de s'adresser à tous, pour éclairer le mystère de l'homme et pour aider le genre humain à découvrir la solution des
problèmes majeurs de notre temps.
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vie animale, (3) l'homme dans sa dépendance de Dieu (« ce que vivifie la Ruah »), (4) l'homme dans sa fragilité et sa
vulnérabilité. Voici donc l'homme de la Bible, le sujet des psaumes, priant avec sa « chair », avec tout son corps:
Mon coeur et ma chair crient de joie vers le Dieu vivant. (Ps 84,3)
Mes reins sont pleins de fièvre, plus rien d'intact en ma chair ; brisé, écrasé, à bout, je rugis quand gronde mon
coeur. (Ps 38,9)
Tu retiens ton souffle, ils expirent, à la poussière ils retournent ; Tu envoies ton souffle, ils sont créés, tu
renouvelles la face de la terre.(Ps 104, 20)
J'ai reçu aide, ma chair a refleuri. (Ps 28, 7)
Entre tes mains, Seigneur, je remets mon souffle. (Ps 31,6)
Oui, ma chair reposera en sécurité. (Ps 16,9)
La chair n'est donc pas une partie de l'homme, mais l'homme tout entier, sous son aspect de dépendance et de
vulnérabilité : « Toute chair est comme l'herbe, elle est comme la fleur des champs » (Ps 103,15). Ce peut-être le corps
humilié livré en pâture aux animaux (« Les chiens dévoreront la hair de Jézabel », II R, 9,36) ; mais ce peut aussi bien
être le sujet qui reçoit le : « Alors, la gloire de Dieu se révélera et toute chair la verra ». La chair est fragile, certes, mais
dire cela n'est que réalisme, ce n'est pas pessimisme moral. Le « coeur de chair » est bien préférable au « cœur de pierre
» (Ez 36, 26). [...] Il peut arriver, toutefois, que celle que Péguy appelait « l'âme charnelle » oublie sa dimension
charnelle, c'est-à-dire de dépendance essentielle vis-à-vis de Dieu. Qu'elle prétende s'appuyer sur ses propres forces, se
passer de la Ruah*.
C'est alors, mais alors seulement, que le mot grec sarx, traduit par « chair », lui-même traduction de l'hébreu basar, peut
prendre un sens péjoratif. Nous sommes ici au point de départ foule innombrable de contresens dans l'interprétation des
textes bibliques, du Nouveau Testament en particulier. Il est vrai que Paul a écrit : « La chair convoite contre l'esprit et
l'esprit contre la chair » (Ga 5,17). Mais que désigne, alors, dans ce texte, le mot «chair» ? Il s'agit des tentatives par
lesquelles l'homme veut parvenir par ses propres moyens au salut. […] Dans les diverses énumérations des « œuvres de
chair» que l'on trouve chez saint Paul, c'est une petite minorité qui concerne la sexualité. «Chair» désigne alors
l'abandon à d'autres forces que celles de Dieu et, plus généralement, l'illusoire autosuffisance humaine.
VI. Concile Vatican II, Cont. Apost. Gaudium et spes §14, §16, §17
GS§14, Constitution de l’homme
1. Corps et âme, mais vraiment un, l’homme est, dans sa condition corporelle même, un résumé de l’univers des choses
qui trouvent ainsi, en lui, leur sommet, et peuvent librement louer leur Créateur [12]. Il est donc interdit à l’homme de
dédaigner la vie corporelle. Mais, au contraire, il doit estimer et respecter son corps qui a été créé par Dieu et qui doit
ressusciter au dernier jour. Toutefois, blessé par le péché, il ressent en lui les révoltes du corps. C’est donc la dignité
même de l’homme qui exige de lui qu’il glorifie Dieu dans son corps [13], sans le laisser asservir aux mauvais
penchants de son cœur.
2. En vérité, l’homme ne se trompe pas lorsqu’il se reconnaît supérieur aux éléments matériels et qu’il se considère
comme irréductible, soit à une simple parcelle de la nature, soit à un élément anonyme de la cité humaine. Par son
intériorité, il dépasse en effet l’univers des choses : c’est à ces profondeurs qu’il revient lorsqu’il fait retour en lui-
même où l’attend ce Dieu qui scrute les cœurs [14] et où il décide personnellement de son propre sort sous le regard de
Dieu. Ainsi, lorsqu’il reconnaît en lui une âme spirituelle et immortelle, il n’est pas le jouet d’une création imaginaire
qui s’expliquerait seulement par les conditions physiques et sociales ; bien au contraire, il atteint le tréfonds même de la
réalité.
GS §16. Dignité de la conscience morale
Au fond de sa conscience, l’homme découvre la présence d’une loi qu’il ne s’est pas donnée lui-même, mais à laquelle
il est tenu d’obéir. Cette voix, qui ne cesse de le presser d’aimer et d’accomplir le bien et d’éviter le mal, au moment
opportun résonne dans l’intimité de son cœur : « Fais ceci, évite cela ». Car c’est une loi inscrite par Dieu au cœur de
l’homme ; sa dignité est de lui obéir, et c’est elle qui le jugera [16]. La conscience est le centre le plus secret de
l’homme, le sanctuaire où il est seul avec Dieu et où sa voix se fait entendre [17]. C’est d’une manière admirable que se
découvre à la conscience cette loi qui s’accomplit dans l’amour de Dieu et du prochain [18]. Par fidélité à la conscience,
les chrétiens, unis aux autres hommes, doivent chercher ensemble la vérité et la solution juste de tant de problèmes
moraux que soulèvent aussi bien la vie privée que la vie sociale. Plus la conscience droite l’emporte, plus les personnes
et les groupes s’éloignent d’une décision aveugle et tendent à se conformer aux normes objectives de la moralité.
Toutefois, il arrive souvent que la conscience s’égare, par suite d’une ignorance invincible, sans perdre pour autant sa
dignité. Ce que l’on ne peut dire lorsque l’homme se soucie peu de rechercher le vrai et le bien et lorsque l’habitude du
péché rend peu à peu sa conscience presque aveugle.
Toute l’anthropologie chrétienne se fonde sur l’idée que l’homme est image de Dieu. Mais l’« image » est-elle à
trouver dans l’âme spirituelle, l’intelligence, la volonté humaine ? Ou bien aussi dans les dimensions corporelles ?
1. Grégoire de Nysse, évêque, (330-395), Homélie sur le Cantique des Cantiques (PG 44,
808)
Connais combien ton Créateur t’a honoré au-dessus de toute créature. Le ciel n’est pas une image de
Dieu, ni la lune, ni le soleil, ni la beauté des astres, ni rien de ce qui peut être vu dans la création. Seul
tu as été fait image de la Réalité qui dépasse toute intelligence, ressemblance de la beauté incorruptible,
empreinte de la divinité véritable, réceptacle de la béatitude, sceau de la vraie lumière. Lorsque tu te
tournes vers Lui, tu deviens ce qu’il est lui-même […].
Il n’y a rien de si grand parmi les êtres qui puisse être comparé à ta grandeur. Dieu peut mesurer le ciel
tout entier à l’empan. La terre et la mer sont enfermées dans le creux de sa main. Et cependant, Lui qui
est si grand et contient toute la création dans la paume de sa main, tu es capable de le contenir, il
demeure en toi et il n’est pas à l’étroit en circulant dans ton être, lui qui a dit : « J’habiterai au milieu
d’eux et j’y circulerai » (II Corinthiens 6, 16).
VIII. L’homme créé corps et âme. C. Tresmontant, Les idées maîtresses de la métaphysique
chrétienne (Seuil, 1962)
[La relation entre l’âme et le corps est au cœur de l’unité de la personne. Le corps, loin d’être
l’enveloppe passagère ou la « prison de l’âme », est valorisé par le christianisme]
L’anthropologie chrétienne se définit tout d'abord par cette proposition parallèle à celle que nous avons
déjà évoquée à propos de la cosmologie : l'homme est créé. L'âme humaine n'est pas une parcelle, un
fragment, ni une modalité de la Substance divine. L'âme humaine est créée, elle est créature. Par cette
thèse métaphysique fondamentale, la pensée chrétienne répudiait l'un des thèmes les plus constants de
la pensée de l’Inde antique comme de la Grèce antique.
L'âme est créée, elle ne préexiste pas à son corps, elle ne passe pas de corps en corps, elle n'est pas
tombée dans un corps supposé mauvais. Elle est créée dans une condition corporelle, c'est-à-dire,
comme l'expérience le montre, par l'union de deux cellules qui constituent un être nouveau, à la fois
matériel et psychique, pourvu d'intériorité, de sensibilité, plus tard de conscience réfléchie et de liberté.
Que deux cellules matérielles issues de deux êtres, puissent constituer un seul sujet, c'est là une donnée
d'expérience commune qui mériterait de la part du métaphysicien une plus longue méditation. Mais ce
n'est pas ici le lieu de s'y livrer.
La tradition biblique, et, à sa suite, la tradition chrétienne, ne considèrent pas la corporalité comme un
mal, ni comme le lieu d'une chute pour l'âme, mais comme la condition normale du vivant créé. De
même, nous l'avions noté, que la tradition biblique et la philosophie chrétienne ignorent toute mauvaise
conscience en ce qui concerne la matière, la réalité physique, de même, et pour les mêmes raisons, elles
ignorent toute mauvaise conscience pour ce qui touche à la corporalité. Et cela n'a pas été sans mérite.
Car la pensée chrétienne a été littéralement assaillie par les courants de pensée gnostiques et dualistes.
Elle s'est défendue avec acharnement contre cette tentation, et l'a rejetée loin d'elle dans des
condamnations solennelles, portant contre les gnostiques des premiers siècles, contre les manichéens,
contre les origénistes, les priscillianistes, puis les néo-manichéens au Moyen Age. C'est donc par suite
d'un contresens majeur que l'on prête parfois au christianisme les thèses et les tendances qu'il n'a cessé
de répudier et de condamner.
IX. L’union de l’âme et du corps. S. Swiezawski, Redécouvrir Saint Thomas d’Aquin (1989)
Affirmer que nous ressusciterons avec notre corps suppose que celui-ci est partie constituante de notre
être personnel. Par conséquent, notre âme n’est pas seulement un principe de vie qui pénètre une
matière amorphe par elle-même : elle est précisément la forme unique adaptée à notre corps particulier
et à nul autre.
Selon saint Thomas, c'est en raison de ses facultés et de ses fonctions purement spirituelles que l'âme
ne périt pas après la mort. Mais il va encore plus loin : non seulement l'âme subsiste, mais subsiste aussi
ce qu'il appelle sa « commensuration à tel corps ». […] Inutile ici d'entrer dans des considérations très
délicates, mais disons simplement que la personne humaine demeure incomplète tant qu'elle n'a pas
retrouvé un corps, un corps d'ailleurs bien particulier : hoc corpus, ce corps-ci, pas un autre. Ce qui est
important, c'est l'idée que l'âme est adaptée à tel corps et non à tel autre, ce qui revient à dire que le
corps terrestre joue un rôle essentiel dans l'épanouissement de la personnalité de chacun. Est-ce à dire
que la résurrection aura lieu avec les mêmes particules de matière ? C'est une question qui n'a guère de
sens si l'on voit ce que signifie matière dans la théorie hylémorphique3. Ce qui importe seulement, c'est
de savoir que nous serons les mêmes personnes, ceci n'étant pas lié à la conservation de nos qualités
physiques présentes.
A la lumière de cette doctrine, toute métempsycose , toute pérégrination des âmes, perd son sens. Si
l'âme pouvait se réincarner dans des corps différents, cela signifierait que la personnalité n'inclut pas la
corporéité et que l'âme n'est pas la forme substantielle du corps. La métempsycose n'est
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compréhensible que dans une perspective platonicienne, et nous avons vu que le platonisme est
impuissant à rendre compte des nuances de l'existence humaine telle qu’elle se réalise concrètement. La
notion de commensuration est donc très importante. Elle correspond à cette intuition profonde que je
suis non seulement mon esprit, mais je suis aussi mon corps. Quand on dit que l'âme est adaptée à ce
corps, on veut dire par là que l'on ne se soucie pas de l'évolution biologique pouvant l'affecter. Mon
corps, c'est tout aussi bien l'embryon que je fus que le vieillard que je serai. Nous changeons
continuellement, toutes les particules élémentaires qui nous composent se renouvellent, mais pourtant il
y a quelque chose de stable en nous, quelque chose qui fait que je reste le même et que l'on peut me
reconnaître à des années d'intervalle.
Tout ce qui contribue ainsi à forger ma physionomie, l'aspect corporel de ma personnalité, est l'œuvre
en moi de la forme substantielle qu'est l'âme.
*****
8
Les textes bibliques, à commencer par la Genèse, nous permettent constamment de retrouver le terrain où s'enracine
la vérité sur l'homme, un terrain solide et inviolable au milieu des multiples mutations de l'existence humaine.
Cette vérité concerne aussi l'histoire du salut. Ici, une affirmation du Concile Vatican II est particulièrement
significative. Dans le chapitre sur la «communauté humaine» de la constitution pastorale Gaudium et spes, nous lisons:
«Quand le Seigneur Jésus prie le Père pour que "tous soient un..." (Jn 17, 21-22), il ouvre des perspectives inaccessibles
à la raison et il nous suggère qu'il y a une certaine ressemblance entre l'union des Personnes divines et celle des fils de
Dieu dans la vérité et dans l'amour. Cette ressemblance montre bien que l'homme, seule créature sur terre que Dieu ait
voulue pour elle-même, ne peut pleinement se trouver que par le don désintéressé de lui-même».
En s'exprimant ainsi, ce texte conciliaire présent d'une manière synthétique l'ensemble de la vérité sur l'homme et
sur la femme _ vérité qui se dessine déjà dans les premiers chapitres du Livre de la Genèse _ comme la structure qui
porte l'anthropologie biblique et chrétienne.
L'homme _ homme et femme _ est le seul être parmi les créatures du monde visible que Dieu Créateur «ait voulu
pour lui-même»; c'est donc une personne. Etre une personne signifie tendre à la réalisation de soi (le texte conciliaire dit
«se trouver»), qui ne peut s'accomplir qu'«à travers un don désintéressé de soi». Le modèle d'une telle interprétation de
la personne est Dieu même comme Trinité, comme communion de Personnes. Dire que l'homme est créé à l'image et à
la ressemblance de ce Dieu, c'est dire aussi que l'homme est appelé à exister «pour» autrui, à devenir un don.
Cela concerne tout être humain, femmes et hommes qui le mettent en œuvre selon les particularités propres à
chacune et à chacun. Dans le cadre de la présente méditation sur la dignité et la vocation de la femme, cette vérité sur
l'être humain constitue le point de départ indispensable. Déjà le Livre de la Genèse permet de percevoir, comme une
première ébauche, ce caractère sponsal de la relation entre les personnes, et c'est dans ce cadre que se développera
ensuite la vérité sur la maternité, et aussi sur la virginité, comme deux dimensions particulières de la vocation de la
femme à la lumière de la Révélation divine. Ces deux dimensions trouveront leur plus haute expression biblique, à
l'avènement de la «plénitude du temps» (cf. Ga 4, 4), dans la figure de la «femme» de Nazareth, la Vierge-Mère.
XI. Catéchèse de Saint-Jean Paul II, 10 octobre 1979. La solitude originelle de l'homme
2. […] Aujourd'hui, réfléchirons- nous sur la signification de la solitude originelle de l'homme. Le point de départ de
cette réflexion nous est donné directement par les paroles suivantes du Livre de la Genèse: "Il n'est pas bon que
l'homme soit seul: je veux lui faire une aide qui soit semblable à lui" Gn 2,18. C'est Dieu- Yahvé qui prononce ces
paroles. Elles font partie du second récit de la création de l'homme et proviennent donc de la tradition yahviste. Comme
nous l'avons déjà rappelé, il est significatif que le récit de la création de l'homme dans le texte yahviste forme un tout
complet Gn 2,7 qui précède le récit de la création de la femme Gn 2,21-22. Il est également significatif que le premier
homme ('adam), créé du "limon du sol " est défini comme homme ('is = mâle) seulement après la création de la
première femme. Ainsi donc, lorsque Dieu-Yahvé se prononce au sujet de la solitude, il le fait en se référant à la
solitude de l'"homme" en tant que tel et pas seulement à celle de l'homme "homme" […]
3. Le problème de la solitude se manifeste uniquement dans le second récit de la création de l'homme. Le premier
récit l'ignore. Là l'homme est créé en un seul acte et comme homme et comme femme. "Dieu créa l'homme à son
image ... homme et femme les créa" Gn 1,27. Le second récit qui, comme nous venons de le mentionner, parle d'abord
de la création de l'homme et seulement par la suite de la création de la femme, la tirant d'une "côte" de l'homme, attire
notre attention sur le fait que "l'homme est seul", et ceci se présente comme un problème anthropologique fondamental,
en un certain sens antérieur à celui posé par le fait qu'un tel homme soit homme et femme. Ce problème est antérieur
moins dans le sens chronologique que dans le sens existentiel: il est antérieur "par sa nature même". Et tel se révélera
également le problème de la solitude de l'homme du point de vue de la théologie du corps si nous parvenons à faire une
analyse approfondie du second récit de la création dans Genèse2.
4. L'affirmation de Dieu - Yahvé qu'"il n'est pas bon que l'homme soit seul" apparaît non seulement dans le contexte
immédiat de la décision de créer la femme ("je veux lui faire une aide qui soit semblable à lui"), mais aussi dans le
contexte plus vaste de motifs et de circonstances qui expliquent plus profondément le sens de la solitude originelle de
l'homme. Le texte yahviste lie avant tout la création de l'homme au besoin de "cultiver le sol" Gn 2,5 et ceci semble
correspondre, dans le premier récit, à la vocation d'assujettir et de dominer la terre Gn 1,28. Puis le second récit de la
création parle de l'installation de l'homme dans le "jardin de l'Eden", et à ce moment il nous fait pénétrer dans son état
de félicité originelle.
Jusqu'à ce moment c'est l'homme qui fait l'objet de l'action créatrice de Dieu - Yahvé qui, en tant que législateur,
détermine en même temps les conditions de la première alliance avec l'homme. Déjà dans ceci on voit soulignée la
subjectivité de l'homme, et celle-ci trouve une nouvelle expression quand le Seigneur-Dieu "forma du sol tout animal
des champs et tout oiseau des cieux et les conduisit à l'homme (mâle) pour voir comment il les appellerait" Gn 2,19
Ainsi donc la signification originelle de l'homme est définie sur la base d'un "test" spécifique ou d'un examen que
l'homme soutient devant Dieu (et d'une certaine manière également devant soi-même). Grâce à un tel "test" l'homme
prend conscience de sa propre supériorité, c'est-à-dire qu'il n'est sur la terre aucune espèce d'être vivant qui puisse être
considérée comme son égal.
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En effet, comme le dit le texte, "tout animal vivant aura pour nom celui dont l'homme l'appellera" Gn 2,19.
"L'homme appela donc de leur nom tous les bestiaux, les oiseaux des cieux, tous les animaux des champs mais -
poursuit l'auteur - pour l'homme on ne trouva pas une aide qui fût semblable à lui" Gn 2,19-20 .
5. Toute cette partie du texte est incontestablement une préparation au récit de la création de la femme. Toutefois,
elle possède une profonde signification même indépendamment de cette création. Voici que dès le moment de sa
première existence, l'homme créé se trouve, devant Dieu, comme à la recherche de sa propre identité; on pourrait dire: à
la recherche de la définition de soi-même. La constatation que l'homme est "seul" au milieu du monde visible et, tout
particulièrement, parmi les êtres vivants, a dans cette recherche une signification négative, en ce sens qu'elle exprime ce
qui "n'est pas". Néanmoins la constatation de ne pouvoir, essentiellement, s'identifier avec le monde visible des autres
êtres vivants (animalia), a en même temps un aspect positif pour cette recherche primordiale même si cette constatation
n'est pas encore une définition complète, elle constitue cependant un de ses éléments. Si nous acceptons la tradition
aristotélicienne en logique et en anthropologie, nous devrions définir cet élément comme genus proximum (genre
prochain).
****
XII. Concile Vatican II, Const. Past. Gaudium et spes. Valeur de l'activité humaine §34-§35
§34 (4) Pour les croyants, une chose est certaine: considérée en elle-même, l'activité humaine, individuelle et
collective, ce gigantesque effort par lequel les hommes, tout au long des siècles, s'acharnent à améliorer leurs conditions
de vie, correspond au dessein de Dieu. L'homme, créé à l'image de Dieu, a en effet reçu la mission de soumettre la terre
et tout ce qu'elle contient, de gouverner le cosmos en sainteté et justice (1) et, en reconnaissant Dieu comme Créateur de
toutes choses, de lui référer son être ainsi que l'univers: en sorte que, tout étant soumis à l'homme, le nom même de
Dieu soit glorifié par toute la terre (2).
(5) Cet enseignement vaut aussi pour les activités les plus quotidiennes. Car ces hommes et ces femmes qui, tout en
gagnant leur vie et celle de leur famille, mènent leurs activités de manière à bien servir la société, sont fondés à voir
dans leur travail un prolongement de l'œuvre du Créateur, un service de leurs frères, un apport personnel à la réalisation
du plan providentiel dans l'histoire (3).
(6) Loin d'opposer les conquêtes du génie et du courage de l'homme à la puissance de Dieu et de considérer la
créature raisonnable comme une sorte de rivale du Créateur, les chrétiens sont au contraire bien persuadés que les
victoires du genre humain sont un signe de la grandeur divine et une conséquence de son dessein ineffable. Mais plus
grandit le pouvoir de l'homme, plus s'élargit le champ de ses responsabilités, personnelles et communautaires. On voit
par là que le message chrétien ne détourne pas les hommes de la construction du monde et ne les incite pas à se
désintéresser du sort de leurs semblables: il leur en fait au contraire un devoir plus pressant
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TRAVAIL DIRIGE
Le paradoxe humain
Blaise Pascal (1623-1662), savant et chrétien ardent, s’efforce de convaincre le sceptique en lui montrant comment l’homme sans Dieu reste un «
monstre incompréhensible », tiraillé entre misère et grandeur. Misérable, il recherche le bonheur, la vérité, la justice, sans jamais les trouver; mais
lorsqu’il prend conscience de sa misère, il est grand car cette conscience même prouve qu’il est fait pour autre chose que sa misère
« S'il se vante, je l'abaisse, s'il s'abaisse, je le vante ; et je le contredis toujours jusqu'à ce qu'il comprenne qu'il
est un monstre incompréhensible »
« Nous souhaitons la vérité et nous ne trouvons en nous qu’incertitude. Nous cherchons le bonheur et ne
trouvons que misère et mort »
« Car enfin, qu'est-ce que l'homme dans la Nature ? Un néant à l'égard de l'infini, un Tout à l'égard du néant,
un milieu entre rien et Tout. Infiniment éloigné de comprendre les extrêmes, la fin des choses et leur principe sont
pour lui invinciblement cachés dans un secret impénétrable »
« La grandeur de l'homme est grande en ce qu'il se connaît misérable.... toutes ces misères mêmes prouvent sa
grandeur ; ce sont misères de grand seigneur, misères d'un roi dépossédé »
« L'homme n'est qu'un roseau, le plus faible de la nature ; mais c'est un roseau pensant. Il ne faut pas que
l'univers entier s'arme pour l'écraser : une vapeur, une goutte d'eau, suffit pour le tuer. Mais, quand l'univers
l'écraserait, l'homme serait encore plus noble que ce qui le tue Ŕ parce qu'il sait qu'il meurt, et l'avantage que
l'univers a sur lui ; l'univers n'en sait rien. »
« Toute notre dignité consiste donc en la pensée. C'est de là qu'il nous faut relever et non de l'espace et de la
durée, que nous ne saurions remplir. Travaillons donc à bien penser : voilà le principe de la morale »
« L’homme passe infiniment l’homme »
« Ce gouffre infini ne peut être rempli que par un objet infini »
Extraits de PASCAL, Les Pensées
Questions
1. En quoi ce texte montre que l’homme est un mystère pour lui-même ?
2. Comment l’intuition du mystère de l’homme peut-être à la fois expérience douloureuse et heureuse ?
Le mystère du visage
Le théologien orthodoxe Olivier Clément raconte son cheminement spirituel depuis l’athéisme jusqu’à la foi dans un beau
témoignage. Dans ce passage, il médite sur le mystère du visage : présence unique de l’autre, pressentiment de sa dignité, mystère
de son origine.
Visages : d’où viennent-ils, chair pénétrée d’une lumière qui n’est pas celle du soleil ? Déchirures dans la
prison indéfinie du monde, vers quels secrets ? Enfant, j’aimais les visages des vieux paysans, cette argile
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ancienne qui se fendille et déjà se dissout dans l’eau des yeux, ces visages de patience et de peine, comme je n’en
vois plus aujourd’hui qu’aux ouvriers kabyles ou portugais, effarés dans nos villes. Nos villes où les visages
habitués Ŕ jamais tout à fait pourtant Ŕ sont usés par l’insignifiance et la fatigue nerveuse, la hâte qui fait du temps
non un allié mais un ennemi. Galets emportés par un torrent humain, qu’une usure mécanique arrondit, qu’une
souffrance nouvelle dans l’histoire humaine marque non plus en creux mais en bouffissure.
Seules les femmes sont belles, mais c’est souvent un masque impersonnel, à travers lequel la voix sonne faux.
Restent les visages d’enfant, quand ils dorment ou sont attentifs, parfois le visage d’un mort. Reste tout visage, en
définitive, si dévasté soit-il par le destin individuel ou collectif, non pas au-delà mais à travers les stigmates de
tant d’échecs, de tant de peines. Tout visage est une croix où s’enfante la personne. Même pétrifié, c’est un silex
d’où l’étincelle peut jaillir.
Le visage, alors, c’est l’irruption de quoi dans la matière ? C’est quoi s’il n’existe rien d’autre que la matière ?
Comment cet air qui vibre peut-il toucher le cœur, faire briller les yeux, ouvrir un instant cette absence ? Quel est
cet espace secret où nous nous parlons, où nous pensons, cette profondeur qui nous est commune, ce centre où
nous nous rejoignons ? Oui, pourquoi des visages si tout vient du néant pour y retourner ?
O. CLEMENT, L’Autre Soleil, Stock, 1975, p. 77-78
Questions
1. A l’aide de ce texte, et aussi en pensant à tel portrait ou autoportrait, comment comprendre l’impression de
saisissement face à un visage ?
2. Comment le visage, qui appartient au monde de la matière, fait-il signe vers une autre dimension,
immatérielle et spirituelle ?
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