Vous êtes sur la page 1sur 30

intro

1
index
C’était un après-midi de printemps. Les paroles en écho dans ma tête
ou peut-être d’automne. « Touche, c’est froid ».

« Il y a toujours dans notre enfance un moment ¦¦¦


où la porte s’ouvre et laisse entrer l’avenir »
Graham Greene Il m’est toujours difficile, des années après, de savoir à quel moment
de ma vie j’ai fait tel ou tel rêve. Est-ce la mémoire qui fait concorder
justement rêves et épisodes de vie ou la mémoire qui sculpte à son
bon gré l’amalgame de nos mondes diurnes et oniriques?

Ce même rêve m’est revenu à plusieurs reprises.


J’entends ces paroles comme si c’était hier. « Touche, c’est froid » Je cours, haletante dans la forêt, poursuivie par un renard. Je
C’était un après-midi de printemps, peut-être. Un après-midi traverse un petit pont et vois enfin une maison. Mais de sitôt
comme tant d’autres, à se retrouver. Chantal la voisine, son tit frère, j’aperçois cette immense maison, j’aperçois aussi une silhouette,
mes tits frères et moi, pour aller jouer au parc. Un en tricycle, l’autre l’ombre de ce que j’ai appelé à partir de l’épisode de la ruelle, un
en trottinette, les autres à pied? Je sais plus. Pour aller au parc, il voleur d’enfants.
faut sortir de la ruelle côté ouest, tourner à gauche, traverser au Je suis coincée. Entre le renard et le voleur d’enfants, le cœur en
coin de la rue et on est rendu. chamade.
5 minutes d’habitude. 20 minutes au moins si on s’arrête en chemin Je me réveille, le cœur toujours en chamade.
pour jouer dans les bosquets près de l’église, en face de l’école. Le voleur d’enfant est soit sous mon lit, soit dans la garde-robe
ou alors, je vois son chapeau dans la fenêtre de la porte de mon
On se retrouve, voisines et tits frères. Un en tricycle, l’autre en balcon.
trottinette, les autres à pied? Je sais plus. Je marche devant, pas Je m’assoies en indien, le plus doucement possible, me redresse
décidé, les quelques pas qui reste pour sortir de la ruelle. sur mes pieds, compte jusqu’à 3 (avec au moins 5 reprises) et puis
Je devais être entre les dos d’ânes et le trottoir. je saute le plus loin possible de mon lit – pour pas qu’il m’attrape la
Mais je sais plus s’il y avait des dos d’ânes dans la ruelle quand cheville.
j’étais en maternelle. La course contre la montre du voleur est lancée, je file.
Je me rappelle la hauteur de mon champ de vision. Juste au-dessus Passe devant l’escalier qui s’engouffre dans le noir, ouvre d’un coup
des piquets de la clôture noire qui donne sur la ruelle, en plein milieu sec la porte de la chambre des parents et ouf! Je suis sauvée.
de la vitre de l’auto et les pivoines m’arrivent dans le nez.
Je marche devant, pas décidé. Je me
rappelle la hauteur de mon champ de vision.
À la hauteur de ses pantalons beiges.
Des pantalons de mononcle dandidant. Le matin, je suis de nouveau dans mon lit. Je divague. Je fais mes
À la hauteur de sa braguette. plans.
J’entends ces paroles comme si c’était hier. Il y a deux possibilités.
« Touche, c’est froid ». Ils m’attrapent ou je les attrape.
Mes doigts tendus, inflexibles, mon regard fixe.
Mon poignet serré entre ses droits tendus, rigides, mon regard fixe. Ils m’attrapent?
Un truc beige qui sort de ses pantalons beiges. Je suis enfermée dans un cachot. Je crois que j’en ai vu un dans les
« Touche, c’est froid ». Pierres à Feu.
Mes doigts tendus, inflexibles, mon regard fixe. Une grotte avec une grille et un gros cadenas.
Des pantalons de mononcle dandidant qui repartent. Chose certaine, ils veulent me faire chier. Mais faire chier ne fait pas
Mes doigts tendus, inflexibles, le regard fixe. partie de mon vocabulaire alors. Peut-être simplement ils veulent
me tromper, me faire du mal.
Ils me demandent ce que j’aime, ce que je n’aime pas.
Mais je vois dans leur jeu.
Si je leur dis que j’aime les brocolis et le macaroni au fromage, Le matin, je suis de nouveau dans mon lit. Je divague. Je fais mes
ils m’en donneront jamais. Et qu’est-ce qui serait pire que devoir plans.
manger des sandwichs aux tomates matin midi soir? J’ai en tête cette image du grand carton en avant de la maison.
Et puis aux rampes de l’escalier, j’ai attaché les pieds et les mains
du voleur d’enfants. Le corps en X, écartelé, nu.
J’inverse les goûts et réussi à les déjouer. Dans son vagin, j’ai enfoui un sandwich aux tomates. Avec plein de
Ils m’ont attrapée, mais je mange quand même du brocoli cuit tomates. Qui débordent. Le carton annonce une vente de garage,
vapeur avec du beurre et du macaroni au fromage, en faisant mais ce sont des voleurs d’enfants qui défilent sur le trottoir.
semblant de ne pas aimer ça. Ils défilent et un à un, les mains attachées dans le dos, ils doivent
manger le sandwich aux tomates.
C’est fou. De ce que je me rappelle, je concentrais toutes mes
énergies à améliorer mes stratégies pour pouvoir manger ce que
j’aimais. Le matin, je suis de nouveau dans mon lit. Je divague. Je fais mes
C’était le seul mal que je me représentais qu’ils pouvaient me faire : plans.
m’enfermer et me faire manger ce que je n’aimais pas. Parfois, le plan de capture est simple.
Sur le lampadaire à côté de la clôture noire, j’ai installé une cage
Le matin, je suis de nouveau dans mon lit. Je divague. Je fais mes en fer et patenté un système de poulies. Quand le voleur d’enfant
plans. passe dans la ruelle, le système se déclenche, la cage tombe
Il y a deux possibilités. abruptement, le capture et le remonte.
Ils m’attrapent ou alors je les attrape. Il est emprisonné dans la cage.
Je pense qu’il n’avait jamais de suite à ce scénario parce que je
Je les attrape? ne me figurais pas comment j’allais pouvoir récupérer le voleur
J’ai trois scénarios. Du moins, de ce que je me souviens. d’enfant, trop haut perché.
Peut-être que de le condamner à poireauter là-haut me semblait
Dans le gymnase de la garderie Le Petit Nuage, ils sont là. Peut- une peine suffisante.
être une dizaine, une douzaine. Des hommes, des femmes : des
voleurs d’enfants. C’est moi qui règne. Je les ai capturés et ils sont - Véro Leduc
à ma merci. Ils sont nus. Sous mes ordres, ils se mettent en cercle.
debout.
Puis, couchés sur le dos. Pieds de l’un au-dessus de la tête de
l’autre. Toujours en cercle. Puis le cercle se referme petit à petit.
Je ne dois plus voir de têtes. Le cercle se referme petit à petit.
Et chaque tête doit disparaître dans le corps de l’autre.
En la rentrant dans son anus ou son vagin. Un cercle pas de tête.
C’est moi qui règne et c’est jouissif.

Quand j’étais petite, avec mes p’tits frères, on faisait des ventes
de garage. À vrai dire, c’était plutôt nos quelques babioles qu’on
installait sur une table basse, en avant de la maison. Avec de la
limonade qu’on vendait 25 cennes le verre. Sur un grand carton, on
écrivait : VENte dE GaRagE
Ici, maintenant.
Confessions d’uvieux perverRimouski

Je suis minuscule. Tout petit. Inexistant. Même une loupe ne


pourrait trouver aucune trace de mon passage ici. Pourtant, je marche.
Pourquoi vous borner à me scruter comme ça, hein ? Qu’est-ce que
vous me voulez ? Vous avez l’air ridicule en ce moment. Passez à la
prochaine page car vous perdez votre temps. Je ne veux pas de votre
voyeurisme.
Puisque vous insistez, je suis un homme de 54 ans. Ça vous surprend ?
Non, je ne suis pas dans mon andropause. Si je viens ici, c’est bien
pour rencontrer des hommes de mon âge. Oui, d’autres corps fripés,
ratatinés, des peaux molles, quoi. Ça m’excite de voir et toucher des
corps qui ont du vécu. Cette peau est à l’image de la vie. Imparfaite.
Dans nos rencontres silencieuses, je peux m’imaginer la vie qu’a mené
cet homme. Quand t’es en manque de peau, celle-ci est toujours plus
généreuse. Elle peut te raconter des choses. T’englober. Te gober.
Bon d’accord, je suis obscène. Je viens ici quand le soleil déploie toutes
ses mains et j’expose tout mon corps au vent. Un jour, on m’a dragué
pour �inalement m’accoler une amende. Elle disait, en gros ; obscénité
sur la voie publique. Ça, je l’ai pas digéré encore… Je ne l’ai tellement
pas digéré, que je poursuis mes activités sensorielles sur les mêmes
lieux du délit. Les �lics en civil, je sais les reconnaître maintenant. Je
reprends contact avec mon instinct, ma petite bête négligée. Pis la voie
publique, c’est quand même pas les buissons bien épais où tes mollets
mangent la claque !
Ma femme possède tous les types de femmes dans son immense sac
à main. Elle est ; belle, moche, lumineuse, menteuse, rieuse, conne,
allumée, empathique, égocentrique and the list goes on. Je l’aime plus
que tout, même si le sexe n’est plus du tout notre ciment. En passant,
mon nom de famille, c’est De Culcul.
Elle a su que j’allais au parc, d’une manière bien clichée. Elle est tombée
sur ma trousse anti-sida, qu’un travailleur de rue m’a donnée, et qui
s’intitule : Quand ça retrousse, sors ta trousse ! Ça c’est du slogan qui
fesse dans un couple ordinaire comme le nôtre. Ce soir-là, on reculait
les horloges de 12h. Notre échange prenait la forme de questions à
rallonge et de réponses qui se réduisaient comme peau de chagrin.

Y’avait rien à faire, elle voulait venir au parc avec moi. C’était sa
condition pour passer l’éponge sur mon mensonge qui avait grugé
notre mariage High Fidelity ! J’ai dû me rendre à l’évidence même si
je me terrais dans le mutisme éthylique. *La �in du monde ne m’aura
même pas sauvé. On ira le lendemain peut importe les prédictions de
Météo média.
Pas de chance, le beau temps fait rage et le parc regorge de passants
furtifs. Tétanisé, je veux rester à l’intérieur de notre carrosse ruisselant.
Je suis aussi rouge que notre mustang. Pendant ce temps, ma femme
sait faire de son rouge… Elle s’en applique sur ses lèvres qui prennent
la pose du baiser forcé. Elle me fait signe de rester bien assis. Elle sort
la première pour venir m’ouvrir la portière. Cherche t-elle à m’humilier
devant tous ces habitués ? Devant ma petite famille clandestine ?
On marche main dans la main ce qui impose le silence autour de nous.
Mes connaissances n’osent pas me saluer, il va sans dire. Par chance,
mes lunettes fumées me servent d’écran de distanciation. Elle me
demande de l’amener au spot orgasmique du parc.
Arrivés dans mon boisé favori, on s’assoit proche de la rivière et on se
vautre dans un silence parfait. En ouvrant les yeux, j’ose lui dire en�in
des secrets qu’on garde précieusement dans un journal personnel.
Lui explique en détail que venir ici, c’est être en communion avec
les éléments : c’est sentir les rayons chauds sur ma peau toute nue ;
caresser un corps étranger c’est me ramener à ma propre étrangeté ;
sentir le vent sur mon sexe c’est du viagra en puissance ; jouer avec
les interdits c’est devenu mon sport extrême et c’est à ce moment que
je me sens totalement vivant, un être respirant, un être tout court. La
chambre à coucher a tué notre union, tel est mon verdict.
Elle s’est retournée vers moi avec un regard de gamine, en enlevant son
châle sur ses épaules. La lumière crue a dévoilé un grain de beauté que
je n’avais jamais aperçu chez-elle. Juste derrière le lobe de son oreille
gauche.
À mon grand étonnement, elle s’est complètement dévêtue et m’a
regardé comme vous me regardez présentement… c’est-à-dire avec
grande attention, pour �inalement me dire : « Ici, maintenant».

Basé sur mes rencontres comme travailleur parc, été 2007.

StéphaneLahoud
popoye00@yahoo.ca

*Bière québécoise
completely regular
conversation:
a fictional
confessional
Long Time No See: Hey, it’s been forever.
Hotness: Yeah, seriously. How’ve you been?
LTNS: Completely oblivious to the world around me, until very recently.
Over the past few months, i’ve come to realize that all of this intensely
deep stuff i try to talk about has been complete gibberish.
H: What do you mean?
LTNS: Well like i just talk about all this shit that has nothing at all to do
with my life and act like it's the most important thing in the world. Either
that or it's about ideas that have everything to do with my life only i could
never see them that way.
H: Random. That started happening to me a few years ago, kind of
actually when we started losing touch. It's been pretty rough, hey?
LTNS: Yeah, brutes. It's hard to tell if i've always hated myself this much
or if it's just part of the learning process. Some days it's super shitty, and
the only thing that cheers me up is planning my suicide to the minutest
detail, but other times my self-hate is tinged with relief at discovering
what a clumsy giant i've been and the hope that maybe i can improve.
H: Honey, i hope you don't mind my saying, but you seem way more
together than the last time i saw you.
LTNS: Um, i can't really hear any external validation right now. It seems
that i can only assume you're lying to me for some ulterior motive, but in
case you're being genuine, 'that really means a lot, coming from you.' So
what about you, what have you been up to.
H: Oh, the usual. Lately that means hustling around for work, escorting,
trying to make my life feel meaningful.
LTNS: Wow, seems like it's been quite a winter/spring/summer/fall/
winter/winter for you too.
H: Yes, yes it has. The latest game i've tried playing with myself is
'straight-edge is the next best thing to being on acid all the time.' Yeah,
the game is convincing myself that being drunk and high all the time just
to take the edge off of life is a cop-out. I mean, regular life can be so
intense, these days i feel super fucked up enough from just trying to deal
with it in some kind of a systematic fashion.
LTNS: Yeah, i guess sometimes being regular can feel pretty similar to
some of the dirtiest blowcaine i've ever done.
H: Exactly, and you probably would have kept doing it if your money
hadn't run out. The real world is free, honey. Or at least you don't have to
pay for it. Except with maybe sanity and joie de vivre.
LTNS: I guess, but if you don't spend them, they get stolen, if i follow
your train of thought. Sorry, all this abstract blahblah is making my head
get fuzzy. What else did you say you'd been up to?
H: Working and looking for work. I've been pretty pumped about sex work
for the past couple of years. Actually, as a nod to the activism i used to
be so entangled with, i try to support friends and friends-of-friends who
are already in or trying to enter sex work--if you're interested. For me, it
feels great to find something i'm actually pretty good at and that feels so
natural for me. Except for the cash bit, until i realized how great it is for
my twisted self-esteem. Now i've learned to stop worrying and love easy
money.
LTNS: Amazing. See, there must be something i'm naturally attracted to
and can also help bring in money. Could you check the back of my neck
to see if there's an instructions label?
H: Yeah, it says, 'Everybody's searching for a hero; people need someone
to look up to. I never found anyone who fulfilled my needs, a lonely
place to be, and so i learned to depend on me. I decided long ago never
to walk in anyone's shadow. If i fail, if i succeed, at least i lived as i
believed. No matter what they take from me, they can't take away my
dignity.' [Linda Creed]
LTNS: Oh my god, you're so cheesy and sweet. Are you interested in
and available for making out?
H: That's such a great idea, but unfortunately now isn't the best time for
me. Can i give you my number?
LTNS: Yes, please. Then maybe we can hang out more often and talk
about all that other fun, simple stuff now that all the important bullshit is
out of the way.
H: ...and maybe taste eachother inside and out.
LTNS: Yes, hopefully. Well, i'll let you go. Take care now.
H: You too. Bu-bye!
Faut bien que ça soit post!? L’avoir à mes pieds en jouant la soumise.
Mmm…. Post-prost tiens! Brassière et mini jupe au ras du bonheur.
Par Mistress Geneviève Tremblay Et cling clings d’oreille.
Avec les talons, la totale!
(…) Trop pas crédible. Trop cliché. Fuck off.
@msn@ Ça fait partie du trip.
(…)
- Et la fessée? Fume fume.
- Tant que tu m’les noircies pas ! Track du « si jamais… »
- Ah non! J’suis un non violent j’aime trop les femmes Ben non, ça va ben aller!
- T’es mieux!
- Je pourrai te parler hard? 14h59
- Ouiii iiii iii! - BEEEIIIIIII (sonnette cardio)
(…) - Ouiii.. Monte c’est au 6e, tu prends l’ascenseur.
- Tu demande cher! suis pas un pdg, juste ouvrier. - Pardon? (voix de coq étranglé par un lasso du far west)
- ;o) - … euh? Vous voulez parler à qui?
- T’es mieux d’être bonne!
- Faut venir pour de vrai (ici, pas dans ton froc!) (voix de coq étranglé par un lasso du far far west qui reprends
- Ok, dans 20 minutes chu la. Pas de piège la? son souffle)
- Non non! Viens t’en! - ben té la fille du net ?!
- T’as des talons? - ok, ok, monte.
- …
15h04
Santeria de Sublime à fond et en repeat. (…)
Pas ben ben politically- alterno, mais ça me drive ce beat là! - clack!
�I don’t practice Santeria - Encore!
I ain’t got no crystal ball ..� - Clack! Clack! Clack!
- Plus fort!
Drag’s time! (ça sort tout seul! Hé ben dis donc! première vraie fessée?
Oh yeah. aussi ben en avoir une pour de vrai!)
mini-ci, sexy-ça, gel-li, push-pish-là… - CLACK!
(bon la ça fait!!)
des talons?!! - tu veux jouir là?
Tant pis! Et puis non! ça va être drôle! - Mrfffghghghg
Vivement les voisines ;o) - Donne moi le bidou$ pis tu va voir
- Coucou. Vous avez pas des talons par hasard?
- ?! tout est tigidou.
- Juste pour pas longtemps! docile le bonhomme..
Bleu-plastico-froufroutette à s’enfarger dans les fleurs du tapis! - arrête la fessée
Ca fait la job de poupounette! - donne le bidou
Je ris dans ma barbe. - couche toi ici

First time. Sexe-$. Aucune retenue. Le jeu à fond.


Pour voir c’est quoi.
Jouer le jeu. 15h11
(voix de coq mur content) On dirait des vieilles fesses 90 ans!
- mmmmmgrhffffhhhh aaaaah
- Hé, j’vas avoir des bleus!!
Bon, mauvais timing? Tiens donc, nouvelle expérience de changement charnel!
Ben non, ben non, Sur le cul!
Il reste 15 minutes encore…
pseudo-psy-sociale budget’s j’t’écoute! - T’auras juste à mettre du fond de teint pour le prochain!
Clope Parle parle, jase Clope jase

15h28
manteau’s time

15h30 pile
- clack!

(la porte!)

le sourire fendant jusqu’aux sourcils, je brandis les billets bleus


devant l’coloc.
[hé hé! body guard!
c’était psychologique mais ça m’rassurait de le savoir dans le
salon]

- Talam!
- Oué!! Alors?
- Y’était ben correct!
C’était drôle la fessée là je dois avoir les…
(r’monte la mini)
Wa! C’est toute rouge (ben, à quoi j’m’attendais!!)
- Wo!
- Touche c’est toute chaud!
- Putain! (…!!!..)

(…)

Miroir.. miroir…
Rouge…écarlate..? vermeille..? rosie..?
Je pourrais fondre du beurre là d’sus!
Hmmm changement de texture visuelle…
?…
Apparition graduelle d’une fourmilière de tits points bleus.
?…
Toute la fesse.
Des ronds de varices?!
…?
Quand le rat n’est pas là de vos gosses. C’est dégueulasse. Parfois il reste même
du sang séché dessus. Et le pire, hein, alors ça vraiment
le pire, c’est qu’elles doivent payer! Cette pièce qu’elles
Pourquoi vous préférez les chats aux souris ? Les sont censées déposer sous l’oreiller, vous avez vu ça où ?
chats, ils foutent des poils partout, ils ont la langue Pour vous débarrasser de vos poubelles, l’éboueur aussi
râpeuse, ils niquent la tapisserie, ils ont une haleine de il doit mettre une pièce sous le tapis de l’entrée? Si au
thon, pendant la journée ils vous ignorent royalement moins vous mettiez vos dents en or, mais non, radins !
et la nuit ils prennent toute la place sur l’oreiller... C’est Pourtant lisez la Bible, il est plus gratifiant de donner que
parce qu’ils ronronnent ? C’est ça ? Ou parce qu’ils ont les de recevoir. Alors il n’y a plus que les boxeurs qui ont la
oreilles en pointe ? Pourtant Mickey avec ses oreilles en foi ? Allez, un petit effort, au lieu des dents vous pourriez,
disque vous l’aimez bien. D’abord pourquoi il a des gants je ne sais pas, mettre des minuscules cubes de gruyère,
blancs, Mickey, hein, Môsieur est trop raffiné pour montrer ou bien de la feta, c’est bien la feta, c’est blanc aussi.
ses pattes ? J’aimerais bien voir comment Môsieur Mickey Hein, quoi? Le passage à l’âge d’adulte est symbolisé par
s’y prendrait pour changer une roue de voiture, nan, il le un trou… impressionnant pour un gosse… il a peur… la
ferait pas, c’est sûr, ça lui foutrait du cambouis partout, ça petite souris… rite initiatique… l’aide à grandir… lui indique
doit être Minnie qui la change la roue, elle a dû prévoir des que son entourage sait qu’il vient de franchir un stade
gants de rechange dans son petit sac. Piiiik. Tom et Jerry ! important… Piiik. Les psychologues sont des cons. Car
Voilà un dessin-animé instructif. En tout cas, je tiens à quand vous leur avouez à vos mioches que la petite souris
vous dire une chose messieurs-dames les êtres humains: n’existe pas, hein, que vous avez menti, que tout ça c’est
je vous hais. Vos chansons sont ignobles. Comment ça « Je du pipeau, qu’est-ce que vous croyez qu’il ressent le
l’attrape par la queue », hein, et quoi « Je la montre à ces gosse ? En tout cas, dans ce domaine les Canadiens sont
messieurs » ? Que les choses soient claires, ma femme plus malins : la petite souris il l’appelle la Fée des dents.
personne ne la montre à qui que ce soit, et puis personne C’est joli. Tellement beau que moult parents continuent
ne lui touche la queue ! Et pourquoi elle devrait courir la tradition même quand leur gamin n’y croit plus, c’est
dans l’herbe, hein? Elle n’a aucune envie de courir dans que, vous comprenez, le petit s’est pris au jeu, ça lui
l’herbe, voilà, elle déambule non-cha-la-mment. Mais le fait tellement plaisir… Le filou est surtout très vénal. Il a
pire, alors ça vraiment le pire, vous vous rendez compte flairé le filon. Chapeau ! Première leçon de capitalisme à
de ce que vous dîtes, trempez-la dans l’eau, trempez- l’usage des enfants. Pourtant, vous en conviendrez, pas
la dans l’huile, ça fera un escargot tout chaud, m’enfin, très romantique cet échange « dent » contre « argent ».
c’est un appel au meurtre! Sachez que tout comme vos Quoi ? La Fée des dents… primordiale… convainc l’enfant
méchants matous, les souris non plus n’aiment pas l’eau, d’avoir une bonne hygiène bucco-dentaire… Ah oui, c’est
nan, en fait elles aiment le lait, tiens ça vous en bouche ça, c’est ce que vous leur racontez à vos gosses: la Fée
un coin ! Mais attention, c’est pas parce que les souris achète ses dents afin de construire un magnifique trône
aiment le lait qu’il faut leur refourguer vos déchets, j’ai d’émail pour la Reine. Or la Reine désire un trône blanc
nommé vos dents de lait, ça ne vous suffit pas, clap, de les et étincelant, pas un siège plein de caries et de taches
massacrer en les alléchant avec du fromage ? Quand on noires. Alors ne vous inquiétez pas, avec vos dentiers
pense que tant de souris meurent de faim. Vous imaginez elle va construire un trône majestueux la Fée des dents,
la même chose en Somalie, attirer les enfants avec un bol rien que pour vous, tout blanc et étincelant: une sublime
de riz, et schlack, leur trancher la tête ? Pourtant pensez- cuvette des chiottes en émail véritable. Ceci dit, vous vous
y, ça résoudrait le problème de la famine. Or non contents demandez peut-être pourquoi je dis « elles » quand je parle
de les exterminer, vous les forcez à récupérer les dents des souris ? Parce que moi en réalité je ne suis pas une
souris. Non, en réalité je suis un chien. Un chien né dans
le corps d’une souris. C’est dramatique, je vous assure.
Ma femme pense que je suis complètement maboule,
que c’est parce que je refuse mon statut de souris, que
je veux prendre ma revanche sur les chats. C’est faux.
J’en ai rien à foutre des chats moi. Elle croit bien faire, la
pauvre, elle se coupe en quatre, joue parfaitement son
rôle de souris au foyer. Leur régime alimentaire étant
omnivore, mais plutôt végétarien, disons principalement
constitué de graminées agrémentées d’un peu de foin
et de fromage, elle me prépare tous les jours ma ration
de cinq grammes de graines de tournesol, de maïs et de
sarrasin. Or moi j’ai besoin de viande, des kilos de chair
fraiche, du bœuf, du lapin, de la volaille, peu importe,
que ce soit consistant. Quant à mon prénom, Sirry,
c’est effroyable, c’est pas un nom de chien. Je me suis
rebaptisé Médor, c’est mieux, c’est moi, je le sens. Mais
ma femme et mes parents refusent de m’appeler comme
ça, ils n’ont pas l’habitude, et comme c’est mon père qui
a choisi mon nom il en fait une histoire personnelle. C’est
terrible, toutes les nuits je rêve que je grandis, je grandis,
je suis complet, je suis beau, je suis fier, je cours à perdre
haleine, je peux enfin aller chercher le journal, ou des
charentaises, et puis j’abois, j’abois comme un dingue,
c’est fou ce que j’abois, et j’agite ma queue, je creuse des
trous dans le jardin, j’enterre mon os, et puis j’entends
qu’on m’appelle Médor, Médor, je dresse une oreille, c’est
ma maitresse, elle veut qu’on aille se promener, et puis
je me réveille, et je me mets à pleurer, parce que je suis
coincé dans mon minuscule corps de souris, et ma voix
est si aigue que personne, personne ne me croit.

Céline Robinet

Vous aimerez peut-être aussi