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Norois

Dépeuplement, exode, dépopulation en Bretagne centrale :


l'exemple de la Haute-Cornouaille
Robert Bariou

Résumé
RÉSUMÉ
Avec une densité moyenne de 46 habitants au km2, la Haute Cornouaille demeure l'une des régions les plus faiblement
peuplées de Bretagne. L'émigration est en partie responsable de ce phénomène, les jeunes actifs quittant leur foyer. Il en
résulte un vieillissement marqué de la population, et, corollaire normal de cet état de fait, depuis quelques années le déficit
naturel s'amplifie, ses effets s'ajouianl à ceux des mouvements migratoires.

Abstract
SUMMARY
With an average population of 46 inhabitants per square km, the « Haute Cornouaille » remains one of the least populated areas
in Brittany. Emigration is partly responsible for that phenomenon, the youths looking for work far from home. This results in a
marked ageing of the population, and, as normal corollary of this fact, natural deficit has been growing for a few years, its effects
being added to those of emigration.

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Bariou Robert. Dépeuplement, exode, dépopulation en Bretagne centrale : l'exemple de la Haute-Cornouaille. In: Norois, n°84,
Octobre-Décembre 1974. pp. 527-539;

doi : https://doi.org/10.3406/noroi.1974.3402

https://www.persee.fr/doc/noroi_0029-182x_1974_num_84_1_3402

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Dépeuplement, exode, dépopulation

en Bretagne centrale :

l'exemple de la Haute-Cornouaille

par Robert BARIOU


Assistant de géographie. Université de Haute-Bretagne

Un des problèmes essentiels de la Bretagne réside dans la


désertification de son intérieur. Des efforts sont actuellement entrepris pour
y remédier, arrêter cette hémorragie, et il est intéressant de suivre
l'évolution actuelle qui se dessine dans cette Bretagne Centrale à
travers l'analyse de l'une de ses zones critiques, la Haute Cornouaille
(123 communes réparties en 16 cantons, soit 12,5 % de la superficie
Bretonne) dont les problèmes sont comme un reflet de ceux des zones
marginales de l'Ouest Armoricain.
La situation de la Bretagne Centrale n'est guère enviable. Ses
centres moteurs, Loudéac et Pontivy à l'Est, Carhaix à l'Ouest, n'exercent
qu'une influence secondaire, et la région demeure relativement isolée,
éloignée de plus de 4') km de centres de quelque importance, Quimper,
Saint-Brieuc, Lorient, mal reliée au monde extérieur par un réseau de
voies de communication (1) inadapté, voire médiocre, bien qu'un effort
sérieux soit entrepris actuellement dans ce domaine avec
l'élargissement de la 164 bis Rennes - Châteaulin, futur axe central de la
Bretagne (fig. 1).
Le relief crée certaines contraintes. Dans sa moitié occidentale
l'altitude moyenne est relativement élevée, supérieure à 200 m, Monts
d'Arrée. Montagnes Noires enserrant le Bassin de Châteaulin-Corlay
et imprimant leur marque au paysage. Progressivement, les Montagnes
Noires perdent leur simplicité, les Roc'hs disparaissent, une crête Sud
continue, la Forêt de Conveau, et une double succession de buttes
séparent deux dépressions centrales à peine creusées, ébauche d'un

(1) Le trafic du Canal de Nantes à Brest est interrompu depuis 1930, date de la
construction de la centrale électrique de Guerlédan. Les voies ferrées du Réseau Breton
ont été supprimées : une ligne Nord-Sud à voie normale relie Loudéac à St-Brieuc et à
Lorient, la deuxième voie ferrée importante désenclavant imparfaitement la région de
Carhaix (fig. 1).
528 ROBERT BARIOU

Figl REGION CENTRE OUEST BRETAGNE

limite deb region


axe routier
voie ferrée à fort trafic
secondaire

Fig. 1. — Région Centre-Ouest Bretagne. ~t -

relief appalachien. Vers l'Est, le plateau de Rohan succède au Bassin


de Corlay ; le relief perd peu à peu de son altitude, mais non de sa
vigueur : dès Rostrenen, le paysage devient plus confus, très vallonné
et disséqué par de nombreuses vallées encaissées, topographie
mamelonnée, typique des pays granitiques.
L'altitude ne crée pas en soi un obstacle important, mais la
succession de pentes très fortes pose des problèmes délicats de mise en
valeur. Les conditions climatiques (2) sont également plus dures sur les
reliefs exposés aux vents violents d'Ouest, l'arbre pousse mal, la lande
le remplace dès 250-300 m.
La situation économique demeure précaire, voire médiocre, et la
dépopulation intense qui s'exerce en Bretagne Centrale hypothèque
dangereusement sur l'avenir.

I. - UN DÉPEUPLEMENT ACCÉLÉRÉ

En 1801, les cantons de la Haute CornouailJe situés dans le


Finistère et les Côtes-du-Nord comptaient 121 703 habitants. En 1968, le
recensement dénombre 117 087 personnes, soit le chiffre le plus bas

(2) La station de Rostrenen enregistre les températures les plus basses de Bretagne.
DÉPEUPLEMENT, EXODE, DÉPOPULATION EN BRETAGNE CENTRALE 529

Fig. 2

source : LN.S.E.E.
Milliers d'habitants
A

COTES DU NORD
650

600 -

550. .

CENTRE-OUEST-BRETAGNE

1801 Années
Fig. 2. — Évolution de la population,
source : I.N.S.E.E.

enregistré en 150 ans. Le graphique ci-contre (fig. 2) donne une image


de l'évolution qu'a suivie cette population (S) — Morbihan compris — .
Le maximum démographique date de 1911 avec 229 782 habitants, soit

(3) Le premier recensement a été effectué en 1836, et non en 1801, dans les cantons
du Morbihan.
530 ROBERT BARIOU

une augmentation de 33,8 % par rapport au chiffre actuel (152 053


habitants), 64 % même pour les communes les plus dépeuplées telles
Lescouet, Gouarec et Tréogan dans les Côtes-du-Nord, L'évolution
est ainsi différente de celle enregistrée dans ce dernier département
(maximum en 1866), mais elle n'est pas particulière au Centre Ouest
Bretagne et se reflète dans les cantons voisins, évolution en fait
parallèle à celle de la moitié Sud de la péninsule (4).
Ce dépeuplement se poursuit de nos jours (— 6,6 % de 1954 à 1962,
— 4,6 % de 1962 à 1968) alors que la saignée s'est arrêtée en ce qui
concerne le département des Côtes-du-Nord (gain de 0,7 % de 1962 à
1968), l'ensemble de la Bretagne s'accroissant de 3 %.
Les communes urbaines jouissent d'une position privilégiée en tant
que chef-lieu de canton et leur présence masque la dépopulation réelle
des campagnes, une seule d'entre elles, Gourin, étant en déclin continu
depuis 50 ans à cause de la faiblesse de son attraction économique.
Les zones rurales sont particulièrement sensibles au phénomène de
désertification, perdant 12 000 habitants, soit environ 10 % de leur
population entre les deux derniers recensements, 13 % dans le Sud-
Ouest des Côtes-du-Nord. Dans certains cas, c'est une véritable
hémorragie qui se manifeste, comme dans le canton de Gouarec par exemple
(perte de 22 % en 6 ans à Lescouet, perte encore de 16 % à Mellion-
nec). Des communes meurent, telle Tréogan : 426 habitants en 1926,
168 aujourd'hui.
Cette dépopulation qui marque l'ensemble de la Bretagne
Centrale (5) accentue encore le contraste démographique entre ces régions
en perte de vitesse et les zones urbaines ou littorales en général,
migrations et déficit naturel en étant également responsables.

II. - UNE ÉMIGRATION QUI NE TARIT PAS

A. XIX* et XXe siècles.


La première baisse enregistrée date de 1856 ; une certaine
émigration drainait donc une partie de la population hors de la région,
émigration liée à la fois à la pauvreté du sol et au déclin des industries
rurales : « L'intérieur ruiné par le lin connait une émigration d'une
partie de ses ouvriers » notaient en 1844 les Inspecteurs de
l'Agriculture (6). La Haute Cornouaille souffrit beaucoup moins cependant
de ces départs que d'autres régions situées plus à l'Est, Quintin et Lou-
déac par exemple, sans doute parce que l'industrie de la toile y tenait
moins de place, conséquence également de l'isolement de ses parties
les plus défavorisées, les Montagnes Noires, le Massif de Rostrenen,
délaissées par les voies de communication au xixc siècle. Moins sensible

(4) Le Guen, biblio n° 4.


(5) Phlipponneau n° 2.
(6) L'Agriculture Française. Le département des Côtes du Nord. Paris, 1844, 370 p.
DÉPEUPLEMENT, EXODE, DÉPOPULATION EN BRETAGNE CENTRALE 531

donc qu'ailleurs, l'émigration a cependant soulagé les communes d'une


partie de leurs habitants, émigration parfois temporaire comme celle
des « Cornouaillais » des environs de Callac et de Rostrenen
descendant vers les riches plateaux Trégorrois (7) dès 1866, ou encore comme
celle des ouvriers agricoles de Gouarec vers Jersey et la Normandie,
émigration définitive bien souvent. Au début du xx1' siècle quelques
pionniers de Roudouallec (canton de Gourin) s'embarquent pour le
Canada, point de départ d'une nouvelle forme d'émigration qui
prendra une ampleur croissante quelques années plus tard.
Au xx" siècle, les départs se sont multipliés, amplifiés pour des motifs
psychologique ou d'ordre économique, la fermeture des seules «
industries » de la région, les ardoisières, ayant contribué à créer un climat
d'insécurité. Gourin (8) devient le centre de départ vers l'Amérique du
Nord, la Compagnie Transatlantique se fait représenter dans le canton,
des Compagnies Canadiennes l'imitent bientôt... Jeunes et vieux, éblouis
par le rêve américain, s'en vont pleins d'espérances,... Les résultats
ont dépassé tout ce qu'on pouvait imaginer : un petit bourg, Gourin,
a été fondé dans le Centre Ouest Canadien : à New- York, plus de
10 000 personnes sont originaires de ce canton. Aujourd'hui, le rêve
américain s'est quelque peu estompé, les gains ne sont plus ceux
espérés, en partie à cause de la concunence exercée par les Porto-Ricains
dans la restauration, domaine réservé traditionnellement aux Bretons.
L'émigration ne tarit pas ; cependant, elle s'oriente vers d'autres
horizons. De 1954 à 1962 on a enregistré 16422 départs de plus que
d'arrivées dans le centre Ouest Bretagne, le bilan migratoire étant
encore négatif entre les deux derniers recensements, avec un chiffre de
8672 habitants, soit une baisse de 5,4 % due à l'émigration contre
1,6 % pour le département des Côtes-du-Nord, Gourin étant encore la
seule commune urbaine au solde migratoire négatif.

B. 1960-1972.
Une étude des mouvements migratoires a été entreprise sur 9
communes du Sud-Ouest des Côtes-du-Nord (zone de référence) à partir
des tableaux rectificatifs des listes électorales. Ces tableaux
rectificatifs ne sont pas exempts d'erreur, et ils manquent souvent de
précision, étant plus ou moins bien mis à jour ; de plus, de nombreuses
personnes, bien qu'ayant quitté leur commune depuis longtemps, ne
tiennent pas à faire rayer leur nom de la liste électorale pour des motifs
sentimentaux ; de même les jeunes gens âgés de 18 à 21 ans n'y sont
pas mentionnés. Tout en tenant compte de ces insuffisances, cette
source permet cependant de donner des tendances, une idée globale
des mouvements migratoires.

(7) Le Lannou, n° 1.
(8) De nombreux travaux de recherches ont été publiés sur ce phénomène.
Mentionnons notamment les articles de G. Le Clech, n° 7.
532 ROBERT BARIOU

1. Nombre des électeurs migrants.


En 12 ans, 2 556 départs ont été en partie compensés par 1971
arrivées ou retours, les hommes dans les deux cas étant sensiblement plus
nombreux que l'élément féminin (53 %), ce phénomène que l'on
retrouve dans les cantons voisins (9) étant lié au fait que les hommes
sont largement excédentaires dans la pyramide des âges pour les
tranches d'âge allant de 20 à 40 ans, la plupart des jeunes filles ayant
quitté leur foyer à un âge relativement jeune.
Les communes où le secteur primaire est largement prépondérant
ont un bilan migratoire très négatif : c'est le cas notamment de Paule,
Lescouet ;
Importance des migrations, 1960-1972.
% des cultivateurs parmi les électeurs migrants
— 10 % 15-25 % + 25 %
Bilan nul ou légèrement
positif .... Rostrenen
Bonen
Émigration « Moyenne . . Plevin
Glomet
Mellionnec
Plelauff
Tréogan
Sud-Ouest des
Côtes-du-Nord
Forte émigration Paule
Lescouet

ce que confirme de façon plus générale le recensement de 1968 pour les


cantons de Gouarec, Maël-Carhaix, Saint-Nicolas-du-Pelem, Callac,
Bourbriac, Belle Isle en Terre, où le secteur primaire représente plus
de 60 % des migrants.

2. Répartition géographique des migrants.


L'émigration temporaire se poursuit encore de nos {ours (sucreries du
Nord ou récoltes de pommes de terre à Jersey), mais elle se raréfie.
En ce qui concerne l'émigration définitive, nous avons
volontairement minimisé l'attrait des petites villes locales qui ne sont souvent
qu'une première étape dans le mouvement migratoire, bien que des
centres comme Carhaix ou Guingamp parviennent à retenir une partie
de la population. En fait, les grandes villes bretonnes jouent un rôle
croissant dans ce domaine et attirent environ 48 % des électeurs,
Rennes. Saint-Brieuc, Brest, Lorient, Quimper même, devenant les
nouveaux lieux de résidence des anciens ruraux du Centre Bretagne.
L'attraction de la capitale demeure relativement moyenne avec 26 %
des électeurs émigrés, les communes proches de Loudéac étant plus
sensibles à cette emprise parisienne.

(9) Le Bras, n» 11.


DÉPEUPLEMENT, EXODE, DÉPOPULATION EN BRETAGNE CENTRALE 533

Deux traits retiennent particulièrement l'attention dans le domaine


de l'immigration : d'une part, un certain nombre de retour des Etats-
Unis ou du Canada se manifeste depuis quelques années dans la région
gourinoise ; d'autre part, le solde migratoire avec la région parisienne
est positif, de l'ordre de 15 %, immigration de retraités, 60 % d'entre
eux ayant plus de 50 ans et étant natifs du Sud-Ouest des Côtes-du-
Nord.
3. Profession et âge des migrants.
Les listes électorales nous renseignent également sur la profession
des emigrants :
Profession des électeurs émigrés.
Cultivateurs 34 %
Manœuvres, ouvriers 28 %
Commerçants, artisans 7 %
Divers 31 %

solde positif source : Tableaux rectificatifs


solde négatif des Listes Electorales
Fig. 3. — Pyramide des âges des électeurs migrants.
1960-1972.
534 ROBERT BARIOU

Le pourcentage élevé d'ouvriers ne doit pas prêter à confusion ;


il s'agit le plus souvent de manœuvres, apprentis, mécaniciens,
chauffeurs, de jeunes donc, qui ont quitté la ferme afin d'acquérir une petite
formation professionnelle au bourg, avant de se rendre dans une
commune voisine. Ceux qui s'orientent vers la région parisienne ont parfois
la chance de trouver travail et logis dès leur arrivée grâce à une
association villageoise dynamique (10).
C'est en fait l'élément le plus jeune, le plus dynamique de la
population, qui fournit la part essentielle à l'émigration, et la pyramide des
migrants en est nilustration même (fig. 3). Ce phénomène n'est pas
nouveau et caractérise l'exode rural, mais il est particulièrement
prononcé dans le Centre-Bretagne. A Tréogan, 20 mariages ont été
célébrés depuis 1939, mais deux couples seulement se sont fixés dans la
commune ; cette commune a d'ailleurs une pyramide des migrants
originale, la classe d'âge la mieux représentée n'étant plus celle allant
de 20 à 30 ans (tous les jeunes sont partis), mais celle de 30 à 40 ans.
C'est l'exemple même d'une région au vieillissement très marqué.

III. - CONSÉQUENCES DES MOUVEMENTS MIGRATOIRES :


UNE BAISSE TRÈS SENSIBLE DE LA NATALITÉ

A. Le bilan naturel.
Vers 1900-1910, une natalité très élevée (+ 30 0/00) compensait
largement les pertes causées par la mortalité. Durant l'Entre-deux-
guerres, comme partout en Bretagne, on enregistre une chute de la
natalité, baisse plus sensible ici qu'ailleurs cependant et qui se
poursuit de nos jours. En 1954, une natalité moyenne, 17 0/00, bien
inférieure à celle de la Bretagne, et une mortalité assez importante,
13,3 0/00, ne laissaient qu'un léger solde naturel positif. Dans
certaines régions, tel le Sud-Ouest des Côtes-du-Nord. les taux étaient
encore plus médiocres, respectivement 16,2 et 14.3 0/00. En 1962, la
situation se détériore et les taux pour la Haute Cornouaille, Guin-
gamp compris, sont très voisins, respectivement 14,9 et 13,6 0/00 ;
des régions entières du Centre Ouest Bretagne connaissent déjà un
déficit naturel plus ou moins important, le Huelgoat où la situation
est très critique (11,9 et 16 0/09), Gourin, le Sud-Ouest des Côtes-du-
Nord (13,6 et 14,4 0/00) etc.. Entre les deux derniers recensements, la
région de Rostrenen perd encore 1 % de sa population par le seul jeu
du mouvement naturel. En 1968, les rapports sont partout inversés, la
natalité n'est plus que de l'ordre de 13,2 0/00 et la mortalité 14,5 0/00
pour l'ensemble du Centre Ouest Bretagne, alors que pour les quatre
départements bretons les taux sont respectivement 17,4 et 12,5 0/00.

(10) A Glomel, de nombreux jeunes se dirigent vers le Gaz de France, le directeur


de GDF étant lui-même originaire de cette commune ; ce dernier a également
favorisé la création d'un CET à Rostrenen afin de former des ouvriers qualifiés qui
entreront plus tard au service de Gaz de France.
DÉPEUPLEMENT, EXODE, DÉPOPULATION EN BRETAGNE CENTRALE 535

II ne s'agit là que de moyennes, la présence de Guingamp par exemple,


seul centre urbain de moyenne importance de la région, mais très
excentré, suffisant à gonfier le chiffre des naissances :
Excédent naturel (11).
1954-1962 1962-1968
Centre Ouest Bretagne +4 510 + 476
Centre Ouest Bretagne à l'exception
du canton de Guingamp -f 3 650 + 104

(Moyennes Triennales)
sources : N S E E
Registres des Mairies

I
4000

3000

2000

1000.
Naissances
Dec es
500

1952 55 60 65 69
Fig. 4. — Naissances et décès domiciliés.
1952-1969.

(11) Le Tallec, n° 8, et I.N.S.E.E.


536 ROBERT BARIOU

5% 4

.'.'.■.'. excédent d'un sexe sur l'autre


Fig. 5. — Pyramide des âges.
Ensemble de la Bretagne (source : recensement 1968).

Dans les cantons ayant connu un déficit démographique précoce,


la situation n'a cessé de se dégrader ; dans le Sud-Ouest des Côtes-du-
Nord par exemple, la natalité, en 1988 n'est plus que de l'ordre de
11 0/00. et la mortalité 15,9 0/00 (fig. 4).
La mortalité augmente ainsi légèrement et la chute régulière des
naissances se poursuit, l'ensemble de la Bretagne Centrale étant touché
par ce phénomène. La Haute Cornouaille est ainsi devenue une région
peu peuplée avec une densité moyenne de 46 habitants au km2 (48,2
en 1962), 28 pour les seules communes rurales autour de Rostrenen
(53 en 1911) ; les chiffres étant respectivement 73,6 et 50,6 pour les
Côtes-du-Nord.
L'exode frappe surtout les classes jeunes, les naissances deviennent
plus rares, les retraités reviennent parfois au pays ; tout cela se traduit
par une pyramide large à son sommet, étroite à la base, type même
d'une population vieillie, le rapport des gens âgés de plus de 65 ans
aux jeunes de moins de 15 ans étant de 0,86, alors qu'une population
peut être considérée comme vieille lorsqu'il dépasse 0,5 (fig. 5 et
6) (12).
Une population vieillie.
0-20 ans 20-65 ans 65 ans et plus
1962 51 479 31,6 % 88 996 54,7 % 22 254 13,7 %
1968 47 793 31 % 81 100 52,6 % 25 187 16,4 %
Évolution ....
(12) Le Guen, article cité.
DÉPEUPLEMENT, EXODE, DÉPOPULATION EN BRETAGNE CENTRALE 537

5%

.'.".". excédent d'un sexe sur l'autre

Fig. 6. — Pyramide des âges.


Centre Ouest Bretagne (source : rencensement 1968).

L'étranglement de la partie centrale de la pyramide (classes 20-


40 ans), lié en partie aux faits de guerres et à leurs répercussions, est
en outre en relation étroite avec l'exode rural, ce dernier accentuant les
contrastes et hypothéquant sur le dynamisme et l'avenir de la région.
Le fait que les hommes soient plus nombreux dans ces classes d'âge
pose le problème plus général de la vie à la campagne. Une étude faite
en 1963 par un conseiller agricole dans la région de Rostrenen révélait
la présence de 45 hommes célibataires, âgés de 20 à 35 ans, dans une
petite commune, contre seulement 6 femmes du même âge, dont une
seule était susceptible de rester à la ferme.
Un bilan migratoire déficitaire, une détérioration progressive de la
pyramide des âges avec une mortalité croissante et une natalité de
plus en plus faible, tout concourt à faire de la Haute Cornouaille, et de
la Bretagne Centrale en général, une zone critique, un désert humain
en devenir. Nous avons essayé de montrer la gravité de la situation
actuelle, et pourtant la Bretagne n'est pas à un paradoxe près. La
première réaction de tout visiteur, touriste ou homme d'affaires, est de
noter son etonnement devant la richesse et la prolifération récente de
l'habitat : à Gourin, Rostienen, Le Huelgoat, Scaër, Châteauneuf, Car-
haix, les maisons se multiplient et la blancheur de leur façade tranche
sur le paysage, apportant une note de fraîcheur dans ces bourgs
endormis. Nous proposons ici un certain nombre de réflexions à propos de
ce phénomène souvent remarqué, rarement expliqué. Notons tout
538 ROBERT BARIOU

d'abord que ces constructions neuves se sont surtout établies dans


les chefs-lieux de canton, pôles d'attraction pour une partie des ruraux.
A Gourin, par exemple, deux nouveaux lotissements ont été créés par
la municipalité, leurs habitants travaillant à Carhaix, Quimper même,
Gourin parfois. Mentionnons également l'absence ou la faible
importance des collectifs, à l'exception de Carhaix, les anciens ruraux
n'appréciant guère cette formule. D'autres facteurs jouent un rôle
important dans ce domaine : médiocrité de l'habitat dans le centre Bretagne
jusqu'à une époque récente et nécessité de combler ce retard, prix
relativement modéré des terrains à bâtir, une certaine mentalité
propre au Breton, chacun voulant être propriétaire de sa maison, le fait
également que 50 % des actifs du secondaire travaillent dans
l'industrie du bâtiment. Une partie enfin des constructions sont des
logements de rapport, édifiés par d'anciens émigrés rentrant au pays
(phénomène particulièrement net dans le secteur de Gourin, de
nombreuses personnes revenant des Etats-Unis), par des gens vivant à Paris
également, construisant puis louant leurs maisons en attendant de venir
s'y installer plus tard (13). Une étude devrait être entreprise sur
l'épargne ; il apparaît en effet, et ce n'est pas la moindre surprise, que
l'épargne est très importante dans le Centre Bretagne, cet argent
permettant en général d'entreprendre la construction d'un logement au
bout de quelques années.
La prolifération de l'habitat n'est donc pas synonyme de vitalité,
le phénomène est plus complexe : les maisons se développent avec
rapidité, mais les habitants émigrent, faute de travail sur place. L'on a
souvent mis en parallèle la désertification de la Bretagne Centrale face
au pôle de croissance que constitue l'agglomération rennaise (14), et
cet exemple l'illustre parfaitement. Comment en est-on arrivé là ?
L'étude économique de la Haute Cornouaille permet de mieux
comprendre cet état de choses. L'évolution est-elle vraiment irréversible ?
Toute une politique économique est ainsi remise en question.

à suivre

RÉSUMÉ

Avec une densité moyenne de 46 habitants au km2, la Haute Cornouaille


demeure Vune des régions les plus faiblement peuplées de Bretagne.
L'émigration est en partie responsable de ce phénomène, les jeunes actifs quittant
leur foyer. Il en résulte un vieillissement marqué de la population, et,
corollaire normal de cet état de fait, depuis quelques années le déficit naturel
s'amplifie, ses effets s'ajouianl à ceux des mouvements migratoires.

(13) Les locations étant parfois difficiles, faute de candidats, de nombreuses


habitations demeurent ainsi inoccupées.
(14) Phlipponneau, article cité.
DÉPEUPLEMENT, EXODE, DÉPOPULATION EN BRETAGNE CENTRALE 539

SUMMARY

With an average population of 46 inhabitants per square km, the « Haute


Cornouaille » remains one of the least populated areas in Brittany.
Emigration is partly responsible for that phenomenon, the youths looking for work
far from home. This results in a marked ageing of the population, and, as
normal corollary of this fact, natural deficit has been growing for a few years,
its effects being added to those of emigration.

BIBLIOGRAPHIE
(1) Le Lannou : Géographie de la Bretagne, 1952.
(2) Phlipponneau : Debout Bretagne, PUB, 1971.
(3) Le Guen : Les migrations bretonnes vues au travers des migrations d'électeurs.
Pen Ar Bed, dec. 1961.
(4) Le Guen : L'évolution récente de la population en Bretagne, Norois, 1964, pp. 17-
38.
(5) Le Guen : Les migrations bretonnes récentes, 1954-1962, Norois, 1965, p. 277-295.
(6) Mme Michel : Les migrations inter-régionales de la Bretagne, 1962-1968, Norois,
1971.
(7) Le Clech : Sur la piste des emigrants bretons en Amérique. Pen Ar Bed, 1953-
1955.
n° 6 : Nouvelle
p. 19-28. série : n° 1 : p. 36-42 ; 2 : p. 2-6 ; 3 : p. 9-15 ; n° 4 et 5 : p. 36-49 ;
(8) Le Tallec : Le dossier démographique des 123 communes du Centre-Ouest
Bretagne. C.I.D.E.C.O.B., février 1971, n° 2 et nombreux DES de Rennes ; parmi les
plus importants, mentionnons :
(9) Mlle Bernard : Le Sud de la Montagne Noire Orientale : étude économique et
humaine. D.E.S., Rennes, 1960.
(10) Madec : Le Bassin de Corlay, Rennes, d.e.s., 1962.
(11) Le Bras : Carhaix et sa région : d.e.s., Rennes, 1970.

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