Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Performances
Version 3
Avril 2021
S. Drapier, Prof.
Clairement, il est notable que des opérations de changement d’échelle sont indispensables
pour passer des constituants, classiquement de taille micrométrique, à la structure dont l’échelle
est de l’ordre du (centi)mètre. Il en découle que la prévision du comportement de la structure
composite se fera, comme l’élaboration, par transition d’échelles. Il s’agit de passer des propriétés
des constituants aux propriétés de leur assemblage élémentaire, puis de l’assemblage de ces
éléments intermédiaires à l’échelle de la structure. Dans un cadre linéaire simplifié, cette approche
en 2 étapes peut être utilisée dans une démarche de pré-dimensionnement.
Bien évidemment, dans un cadre de plus en plus complexe comme on le rencontre au-
jourd’hui, où les échelles intermédiaires peuvent être multiples, des approches numériques doivent
i
ii
Dans ce support de cours, des généralités sur les composites telles que les processus de
renforcement et les transitions d’échelle seront présentées au début du Chapitre 1 avant d’être
spécifiées dans le cas de composites dits Hautes Performances. Ensuite, dans le Chapitre 2 nous
nous intéresserons au comportement effectif du composite obtenu dans une démarche générale
d’homogénéisation des matériaux hétérogènes, basée sur des considérations de moyennes topo-
logiques des données statistiques et mécaniques des comportements individuels des constituants.
Le Chapitre 3 sera consacré à l’estimation du comportement effectif à l’échelle des plis, ou plus
généralement à l’échelle des semi-produits de renforcement, à partir du comportement et de la
distribution des renforts ce qui nécessitera de revenir sur des comportements types. Le Chapitre
4 sera consacré à la compréhension et à la prévision de la résistance à rupture à l’échelle des plis,
en partant de la résistance des constituants et de leur assemblage. Connaissant ces comporte-
ments effectifs et leur représentation, nous aborderons ensuite dans le Chapitre 5 la mécanique
des structures simples, de type poutres et plaques, monolithiques ou sandwich, en mettant no-
tamment en évidence les comportements macroscopiques spécifiques aux composites ainsi que
les cinématiques particulières qui doivent impérativement être prises en compte.
iii
iv
Sommaire
1.1 Généralités sur les matériaux composites Hautes Performances 4
1.1.1 Généralités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4
1.1.2 Principes de base . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4
1.1.3 Les composites à matrice organique (CM O) . . . . . . . . . . . . . 7
1.2 Rôle de la matrice dans un composite . . . . . . . . . . . . . . . 9
1.2.1 Résines polymères . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
1.2.2 Cycle de température et de pression . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
1.3 Apport des renforts dans le comportement mécanique des com-
posites . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
1.3.1 Indications sur les types de fibres les plus courants . . . . . . . . . 14
1.3.2 Marché des fibres de renfort . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
1.3.3 Rôle de l’architecture du renfort . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
1.3.4 Exemple de renforts multiaxiaux NCF et NC2 r . . . . . . . . . . 27
1.4 Utilisation des composites - exemple de l’aéronautique . . . . . 31
1.4.1 Introduction des composites dans l’aéronautique . . . . . . . . . . 31
1.4.2 Construction sandwich . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33
1.5 Transition d’échelles et comportement effectif . . . . . . . . . . 36
1.5.1 Echelles d’observation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36
1.5.2 Transition d’échelles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38
2
Introduction - composites Hautes Performances 3
Le terme matériaux composites est utilisé de façon générique et désigne un matériau obtenu
par assemblage voulu, et si possible contrôlé, de composants choisis tels que leur assemblage
conduise globalement à des propriétés de l’ensemble plus intéressantes que celles des phases prises
individuellement. Bien évidemment, le choix et l’organisation des composants constitue le point-
clef pour obtenir les propriétés visées, on parle de matériaux sur-mesure (tailored materials). Dans
le cadre qui nous intéresse, ces propriétés seront essentiellement des propriétés mécaniques mais
qui peuvent intervenir sous des chargements d’origines diverses tels que mécanique, thermique
ou encore physico-chimique.
Les matériaux composites représentent des matériaux constitués d’au moins 2 phases de
nature différente, et plus précisément en science et ingénierie des matériaux il s’agit de renforts,
de divers formats, noyés dans une matrice (Figure 1.1). La première des caractéristiques des com-
posites est donc qu’ils doivent être étudiés et caractérisés à diverses échelles d’observation. En
conséquence, la mécanique des composites comporte plusieurs volets qui visent essentiellement
à comprendre les comportements mécaniques aux diverses échelles, induits par des sollicitations
d’origine mécanique mais également thermique ou encore hydrique (reprise d’humidité) ou liées
à des changements physico-chimiques. La caractérisation, analytique, numérique, ou expé-
rimentale de ces comportements équivalents est la clef, et la difficulté, de l’utilisation
toujours plus grande de ces matériaux architecturés. Ce sont des éléments incontournables
en vue notamment de dimensionner à moindre coût des structures composites, que ce soient des
coûts de calculs ou des coûts de caractérisation.
1.1.1 Généralités
Les applications des matériaux composites concernent à peu près toutes les activités hu-
maines : transports (avions, trains, automobiles, bateaux, aérospatiale), sport, électricité et élec-
tronique, médical, bâtiment... Les composites que nous étudions ici sont plus particulièrement les
composites à renforts fibreux, résultant de l’association de fibres organiques ou synthétiques et
d’une matrice. Le but de cet assemblage est de constituer un matériau résultant dont les caracté-
ristiques mécaniques (mais aussi thermiques, acoustiques, ...) spécifiques, c’est-à-dire rapportées
à la masse volumique, sont plus intéressantes que celles des matériaux dits standards.
Pour situer ces matériaux par rapport à la palette de matériaux disponibles aujourd’hui,
la Figure 1.2 montre le positionnement des propriétés des composites qui sont usuellement ren-
contrées dans des ouvrages généraux de choix des matériaux (M. F. Ashby, Materials Selection
in Mechanical Design). On notera que d’un point de vue global, les propriétés mécaniques des
composites sont de l’ordre de celles des autres matériaux de structure, pour une densité moindre
et un coût qui tend à devenir compétitif.
D’un point de vue mécanique, le renfort va fournir aux composites ses propriétés mécaniques
principales tandis que la matrice permettra le transfert des charges mécaniques entre les fibres
tout en les protégeant des agressions extérieures. Sans entrer dans les détails de composition et
d’arrangement qui seront abordés dans la suite de cette partie, la figure 1.3 ci-dessous donne
Introduction - composites Hautes Performances 5
(a) (b)
Figure 1.2 : Propriétés générales des matériaux d’après Ashby : (a) résistance en fonction de la
densité, (b) modules d’Young en fonction du coût.
(a) (b)
Il faut encore préciser, que contrairement aux matières premières ’classiques’ dont on
connaît le plus généralement à l’avance les caractéristiques mécaniques, celles des composites
ne sont réellement connues qu’après fabrication car on réalise, en même temps, le matériau et
le produit. Ce dernier point est essentiel car il offre une grande souplesse dans la conception du
produit, à la fois dans le choix des constituants mais aussi dans leur assemblage, par rapport aux
propriétés mécaniques attendues. Mais c’est également cette particularité qui rend cruciale l’étape
d’élaboration de la structure composite au cours de laquelle les constituants doivent parfaitement
se solidariser. Le choix des constituants est donc, plus encore que dans les autres matériaux,
indissociable du procédé d’élaboration envisagé.
Introduction - composites Hautes Performances 7
Actuellement, les composites à matrice organique (CM O) représentent plus de 99% des
matériaux composites ; toutefois, il existe également des composites à matrice inorganique, prin-
cipalement métallique ou céramique, dont la diffusion est modeste mais répond à des exigences
techniques extrêmes. Les matériaux composites que nous étudierons ici sont volontairement limi-
tés à ceux constitués par une matrice organique (résine thermoplastique ou thermodurcissable)
et une structure de renfort de fibres qui peuvent être de verre, de carbone, d’aramide ou encore
naturelles (lin, chanvre, sisal). À ces deux constituants s’ajoutent des additifs ou charges néces-
saires pour assurer une adhérence suffisante entre le renfort fibreux et la matrice. Ces charges
permettent également de modifier l’aspect ou les caractéristiques de la matière à laquelle ils sont
ajoutés : pigments de coloration, agents anti-UV, charges ignifugeantes, isolation thermique ou
acoustique.
À partir des constituants de base, fibres et résine, on peut aboutir selon leur type, selon
leur fraction volumique respective, et selon le format (architecture) des réseaux de renforts, à
des composites tout à fait différents. Parmi les multiples types de composites qui résultent de
ces nombreuses combinaisons, on distingue généralement deux grandes familles de composites :
les composites dits grandes diffusion (GD) et les composites hautes performances (HP ). Les
premiers alliant des coûts faibles à des caractéristiques mécaniques moyennes se retrouvent dans
les applications en grande série, tandis que les seconds de coût plus élevé possèdent des propriétés
mécaniques autorisant leur utilisation dans des structures travaillantes.
Les composites GD
Les composites de grande diffusion (GD) possèdent des caractéristiques mécaniques sou-
vent inférieures à celle des matériaux de références tels que l’acier. Ils sont utilisés pour leur prix de
revient global (matière + mise en oeuvre) attrayant et leur faible poids. De plus, les procédés de
fabrication (injection, pultrusion...) utilisés permettent d’obtenir des pièces de formes complexes
en une seule opération. Ce type de matériaux, généralement à base de fibres de verre convient
parfaitement aux grandes série telles que celles rencontrées dans l’industrie des transports (Fig
1.4) ou encore dans les biens d’équipement, pour des applications non-travaillantes.
Les composites HP
Les composites hautes performances se caractérisent d’une part par leurs propriétés mé-
caniques plus élevées que celles des composites GD, et d’autre part par un coût global plus
important en raison du prix des matériaux utilisés et des moyens de fabrication associés (moulage
en sac, autoclave, RT M ). Les CM O HP sont le plus souvent utilisés en lieu et place des métaux
et alliages métalliques. Ce sont la plupart du temps des applications structurales à base de fibres
continues dont la fabrication nécessite une attention particulière. On retrouve ces matériaux dans
Introduction - composites Hautes Performances 8
Figure 1.4 : Calandre d’un autobus Volvo fabriquée par le procédé Vacuum Mouldingr (moulage
sous vide).
les applications de pointe telles que la Formule 1, l’aéronautique, les bateaux de compétition, les
loisirs, etc...
Comme on le voit, les composites HP présentent un grand intérêt pour le domaine des
transports en général et pour l’aéronautique en particulier. C’est historiquement dans ce secteur
que le prix initialement élevé des composites, introduits progressivement, a été le mieux renta-
bilisé par les économies de carburant réalisées et par le nombre de passagers supplémentaires
transportés. Qui plus est, les dimensions importantes des structures rencontrées placent ce sec-
teur en tête des utilisateurs des composites HP. Ce sont donc tout naturellement les applications
du domaine de l’aéronautique qui induisent le plus grand nombre d’innovations technologiques,
ensuite transposées dans d’autres domaines des transports ou de l’énergie.
Actuellement l’utilisation des composites HP s’étend de plus en plus en raison des techniques
afférentes mieux maîtrisées, mais aussi grâce à l’évolution des techniques de conception propres
à ces matériaux. Par exemple ces dernières années est apparue la conception dite "intégrale" qui
vise à minimiser le nombre de sous ensembles par une reconception des produits ou en utilisant
comme phase d’assemblage la phase de cuisson nécessaire pour les CM O. Par exemple, les
coques de bateau ou encore les structures aéronautiques incluent les raidisseurs intégrés lors de
l’élaboration de l’ensemble, réduisant ainsi les sous-ensemble et les liaisons.
La reconception quant à elle peut conduire à des réductions de masse et de coûts importantes.
Pour exemple, on peut citer la transmission de TGV (Fig. 1.5) développée au centre SMS de
l’ENSM.SE dans le cadre d’une collaboration avec Alstom (Thèse de F.Cerisier, 1998 - École des
Mines St-Etienne). Cette transmission doit transmettre des couples de l’ordre de 44 kNm tout en
tolérant de la flexion et des débattements latéraux. L’effet ’cardan’ nécessaire au fonctionnement
de cet ensemble a été intégré directement dans le design de la transmission, en tirant partie
de l’orientation des rigidités contrôlée par l’orientation des renforts. Comme souvent dans les
applications structurelles, la qualité de l’élaboration de cette transmission reste le gage de la
tenue mécanique de l’ensemble. La solution finale, hors liaisons, est monobloc et ne pèse que
50 kg environ (Figure 1.5-b) contre 450 kg pour la solution métallique composée de multiples
Introduction - composites Hautes Performances 9
Figure 1.5 : Exemple d’intégration de fonctions : transmission de motrice de TGV : (a) transmis-
sion dite Jacquemin, et (b) solution composite (d’après Cerisier, 1998 - thèse de doctorat Mines
St-Etienne).
L’intérêt suscité par ces matériaux ne se dément pas, et dans la suite de cette présenta-
tion nous nous limiterons à ces composites hautes performances à matrice organique, que nous
désignerons simplement par le terme "composites". Observons maintenant quelques caractéris-
tiques essentielles des constituants et leurs implications sur le comportement et l’élaboration des
composites.
Les résines thermodurcissables autant que les résines thermoplastiques ont en commun
d’atteindre leur état solide par la création de liaisons au niveau des monomères de base. Toutefois,
ces deux types de résine se distinguent par le niveau d’énergie des liaisons ainsi créées. Dans
les thermoplastiques, les liaisons de polymérisation sont d’un faible niveau énergétique, ce sont
des liaisons inter-moléculaires - de Van der Waals - et dues également à l’enchevêtrement des
macro-molécules, ce qui autorise la réversibilité de la structure polymère et donc le recyclage. Au
contraire, les thermodurcissables réticulent dans une structures tri-dimensionnelle impliquant des
liaisons co-valentes, de type carbone-carbone notamment, ce qui rend irréversible cette structure
sans dégradation. Le Tableau 1.1 résume les principales propriétés des résines les plus couramment
employées.
Les polymères thermoplastiques ont un coût de revient intéressant, résultant à la fois de
matières premières disponibles et des procédés de fabrication (injection, extrusion), mais associé
à des propriétés mécaniques et thermo-mécaniques généralement faibles. Il faut toutefois noter
que les températures d’activation de la polymérisation sont de l’ordre de quelques centaines de
degrés centigrade, ce qui induit des coûts de matériel importants. Ce type de résine est idéalement
utilisé dans les composites grande diffusion. Pour les composites HP au contraire, la proportion
de résine thermoplastique reste faible même si des résines dont les propriétés mécaniques égalent
celles des résines thermodurcissables sont parfois utilisées (résine PEEK). Leur utilisation peut
présenter un intérêt par exemple de par la température élevée de service (de l’ordre de 300 ◦ C)
que ces résines peuvent supporter.
Les polymères thermodurcissables les plus utilisés sont les résines polyesters insaturées,
puis viennent les résines époxydes qui ne représentent qu’environ 5% du marché global des com-
posites. Ceci est dû essentiellement à leur prix élevé, puisqu’elles sont environ 5 fois plus coûteuses
que les résines polyesters. Cependant, du fait de leurs bonnes caractéristiques mécaniques, les
résines époxydes représentent l’essentiel des matrices des composites à hautes performances. Leur
utilisation se réduit actuellement aux composites HP du fait de temps de polymérisation longs et
de leur coût élevé.
Thermodurcissables Thermoplastiques
Caractéristiques des résines
Epoxyde Phénolique Polyester Polypropylène Polysulf. de phénylène
Masse volumique ρm (kg/m3 ) 1200 1300 1200 900 1300
Module d’Young Em (GPa) 2,1 - 5,5 3 1,3 - 4,5 1,2 - 1,7 3
Coefficient de Poisson νm 0,4 0,4 0,4 0,4 -
Introduction - composites Hautes Performances
Figure 1.6 : Cycle de cuisson type pour une résine époxyde : (a) pression et température en
fonction du temps et (b) évolution correspondante de l’état de la résine thermodurcissable.
heures pour les moins réactives, la montée en température est progressive et respecte des paliers
qui permettent de stabiliser la réaction de réticulation. À la fin du palier de gel, la conversion
atteinte notée α, i.e. le ratio des monomères libres sur le total des monomères, est de l’ordre
de 50%. Dans le cas des résines thermodurcissables, la réaction de réticulation se produit par
condensation ou par addition et s’accompagne de libération d’énergie. Cette source exothermique
peut être problématique dans les pièces épaisses, la résine peut brûler à cœur quand survient ce
pic d’exothermie du fait de la difficulté à évacuer la chaleur ainsi libérée par l’emballement de la
réaction. Ensuite, le palier de cuisson qui s’effectue à une température supérieure à celle du palier
de gel (Fig 1.6-a) permet l’achèvement de la solidification de la pièce.
Introduction - composites Hautes Performances 14
Les caractéristiques détaillées des fibres les plus courantes sont indiquées dans la plupart
des ouvrages traitant des composites hautes performances (cf Gay-2005, Berthelot-2012 par
exemple). Nous souhaitons donner ici quelques indications rapides sur les trois types de fibres les
plus répandus. Notamment, le tableau ci-dessous (Table 1.2) indique les principales caractéris-
tiques des fibres de carbone haute résistance (HR), des fibres de verre E, et des fibres d’aramide
(Kevlar 49r de Dupont de Nemours). Les graphiques de la Figure 1.7 présentent une vision
synthétique des résistance à la rupture et rigidité spécifiques en tension de fibres courantes et de
matériaux standards.
Caractéristiques mécaniques Verre E Verre R Aramide Carbone Carbone
et thermiques des fibres (Appl. Courantes) (Htes Performances) (Kevlar 49) (Haute Résistance) (Haut Module)
Table 1.2 : Caractéristiques de quelques fibres types : carbone, verre, et aramide (d’après Gay, 2005).
15
Introduction - composites Hautes Performances 16
(a)
(b)
Figure 1.7 : Propriétés spécifiques en tension des principales fibres par rapport aux matériaux de
structure usuels : (a) rigidité et (b) résistance (Source Airbus).
Introduction - composites Hautes Performances 17
Les fibres de carbone sont largement utilisées depuis maintenant plus de 30 ans, et leur coût
ne cesse de diminuer même s’il reste élevé par rapport aux autres fibres. Les fibres de carbone
restent la référence pour les renforts à fibres continues (Tab. 1.2) car ce surcoût est compensé
par d’excellentes propriétés mécaniques en traction et en compression alliées à une faible densité
(1,7 à 1,8). Comme on peut le voir sur la la Figure 1.7, il existe des fibres de carbone privilégiant
la résistance (Haute Résistance) et d’autres la rigidité (Haut Module, Trés Haut Module), mais
dans l’ensemble, elles fournissent les meilleures propriétés spécifiques.
Figure 1.8 : Structure de la fibre de carbone (d’après Phillips, 1989) : plans d’arrangement
hexagonal compact noyés dans une ’matrice’ carbone amorphe.
Une des particularités de ces fibres provient de leur structure particulière, obtenue par car-
bonation d’un précurseur organique (Figure 1.8). Il en résulte un comportement de type isotrope
transverse, que nous détaillerons par la suite (§2.1.1 page 45), caractérisé par un comportement
différent dans la direction de la fibre et dans toute direction normale à cette direction. On notera
dans le Tableau 1.2 que la grande rigidité des fibres de carbone suivant leur axe s’obtient au
détriment de la rigidité dans la direction transverse (cf carbone HR et HM dans ce Tableau).
Les fibres de verre sont largement utilisées dans les composites grande diffusion, notamment
les fibres de verre E, pour leur excellent rapport performances mécaniques/prix, même si leurs
propriétés mécaniques spécifiques restent moyennes par rapport aux fibres de carbone (Tab. 1.2).
Il existe divers types de fibres de verre, les fibres de verre E (Electrical) constituant pratiquement
la totalité des fibres de verre utilisées. Les fibres de verre D possèdent de bonnes propriétés
diélectriques, et les fibres C (Corrosion) possèdent une bonne résistance aux agressions chimiques,
enfin les fibres R et S offrent des propriétés mécaniques plus élevées que celles des fibres E pour
un prix également plus élevé (' 4 fois).
Ces fibres sont obtenues par filage (coulage dans une filière) de silice fondue (+additifs :
oxydes de calcium, de bore, de sodium, de fer, d’aluminium). Leur structure est donc parfaitement
isotrope et leur diamètre est calibré.
Les fibres aramide dont la plus connue est le Kevlarr de Dupont de Nemours sont des fibres
polyamides. Elles possèdent une résistance à la traction de l’ordre de celle des fibres de carbone
pour une densité de l’ordre de 1,5, mais pour un prix 3 à 5 fois moindre. Elles sont utilisées dans
les applications où leur excellente absorption des vibrations, et leur bonne tenue aux chocs et à la
Introduction - composites Hautes Performances 18
fatigue sont essentielles : protection contre les projectiles, loisirs,... Par contre ces fibres posent
des problèmes d’adhérence à la matrice, ce qui conduit à des propriétés faibles en compression,
inférieures à celles obtenues avec des fibres de verre.
Ces fibres sont obtenues par alignement de chaînes de polymères. Elles possèdent donc des
propriétés différentes dans l’axe de la fibre et radialement. Toutefois, ces propriétés ne diffèrent
pas du même ordre que dans le cas des fibres de carbone. Les propriétés sont donc couramment
supposées isotropes.
Les fibres naturelles Ces fibres sont de plus en plus nombreuses sur le marché. Elles peuvent êtres
extraites de matériaux fibreux, comme le chanvre, le lin, le sisal,... et possèdent alors des propriétés
de type isotrope transverse. Ces fibres peuvent également être obtenues par polymérisation de
chaînes de monomères naturelles telles que la cellulose. Il s’agit alors de reconstituer les fibres
par passage dans une filière. Cette dernière solution permet également de lever ce qui reste
aujourd’hui encore comme le gros point bloquant de l’utilisation de ces fibres : la variabilité
naturelle des dimensions et des propriétés de ces fibres.
Quelques applications existent actuellement dans des structures peu sollicitées, compte-
tenu des propriétés de ces fibres qui peuvent au maximum atteindre celles des fibres de verre.
Une partie des propriétés mécaniques de ces fibres est malheureusement perdue du fait de la
mauvais compatibilité fibre-matrice dans les matériaux composites résultants. Cette compatibilité
est évidemment d’origine chimique, mais surtout liée à la reprise en éléments H2 O des fibres.
Dans le cas de fibres non reconstituées, cette reprise en humidité tend à faire éclater la structure
en couches circonférentielles.
Récemment sont apparues de fibres de basalte. Au-delà de l’aspect commercial de ces
fibres ’naturelles’, puisque le basalte est constitué essentiellement de silice, on retrouve les mêmes
propriétés que le verre (isotropie).
Les matériaux composites (HP et GD) sont de plus en plus présents dans la vie quoti-
dienne, avec une production en 2003 de 7 Mt, et une croissance annuelle de 4 à 5 % pour un
marché réparti au 1/3 entre Asie, USA et Europe. Il s’ensuit que la demande de fibres de renforts
HP est également en croissance constante comme on peut le vérifier sur le graphique de la Figure
1.9.
On vient de vérifier que les fibres de carbone sont les fibres utilisées en priorité dans les
applications à forte valeur ajoutée. Même si en volume ce ne sont pas les fibres les plus utilisées,
le marché mondial des fibres de carbone est appelé à croître fortement. On peut le vérifier sur la
Figure 1.10 qui présente les demandes dans les divers marchés visés par ces fibres ces dernières
années (Figure 1.10-a), ainsi que l’évolution plus récente (Figure 1.10-b) qui confirme que ces
fibres pénètrent des marchés de grande diffusion.
Introduction - composites Hautes Performances 19
Figure 1.9 : Demande mondiale en fibres hautes performances (organique = aramide et UHMW-
PE)
Introduction - composites Hautes Performances 20
(a) (b)
1) Unidirectionnels
(Fig 1.11-b).
Figure 1.11 : (a) Bobines ou rovings de carbone, (b) Pli unidirectionnel de fibres de carbone pre-
imprégné de résine époxy, (c) exemple de stratifié de séquence d’empilement [0, 90, −45, +45]s
(d’après Berthelot, 2012).
À partir de ces nappes, appelées également plis unitaires, on produit un empilement sé-
quencé en fonction des propriétés mécaniques attendues (Fig 1.11-c). Cette opération onéreuse
peut être réalisée manuellement ou par dépose automatique de bandes de renforts pré-imprégnées
de résine de quelques centimètres de large à l’aide de bras robotisés (Figure 1.12-a). Dans ce
cas, pour des raisons de mise en œuvre des résines thermoplastiques sont souvent utilisées, au
minimum en volume nécessaire pour maintenir les bandes déposées entre elles ; la bande pré-
imprégnée alimente en continu la tête de dépose chauffée (Figure 1.12-a). Dans le cas des plis
U D pré-imprégnés, ce sont des semi-produits achetés et conservés à basse température pour
bloquer la réticulation de la résine contenue dans le pli. Ce sont ces semi-produits qui assurent
jusqu’à présent la meilleure qualité de fabrication et donc les meilleurs résultats en termes de
performance mécaniques finales, hormis dans la direction transverse au plan où le stratifié ne
possède pas de renfort.
(a) (b)
Figure 1.12 : Exemple de placements de fibres de verre pré-imprégnées de résine pour des pales
d’éoliennes (a) bras robotisé et (b) image infra-rouge de la tête de dépose chauffante (JEC
magazine).
Introduction - composites Hautes Performances 22
En contre-partie des très bonnes propriétés mécaniques obtenues avec les U Ds pré-
imprégnés, les coûts de manipulation et de conservation sont tels qu’on recourt de plus en plus
à des empilement multidirectionnels offrant de très nombreux avantages. Le plus commun des
multidirectionnels est le mat (Fig 1.13-a) qui se présente sous la forme de fibres coupées placées
aléatoirement dans un plan qui résultent en une absence d’orientation préférentielle des fibres,
c’est-à-dire une isotropie dans le plan. Les propriétés mécaniques résultantes sont moyennes, et
les mats sont donc généralement utilisés pour des structures non-travaillantes.
Par ailleurs, ces empilements multi-directionnels introduisent en général, en plus de renforts
orientés dans diverses directions dans le plan, un renforcement transversalement au plan des plis
qui est une faiblesse récurrente dans les composites HP . Dans certaines applications spécifiques,
des tissages 3D sont utilisés (Fig. 1.13-c), ce sont typiquement les freins carbone/carbone utilisés
dans l’aéronautique ou la formule 1. Nous reviendrons en détails sur ce points dans la sections
3) ci-dessous.
Figure 1.13 : Multidirectionnels : (a) mat, (b) toile, (c) tissage 3D orthogonal, d’après Berthelot
(2012).
les mèches du tissu. Cette approche donne des résultats assez corrects pour des structures finies,
en petites déformations et dans le cas de tissus simples, comme nous le verrons au §3.1.2. On
notera toutefois que cette ondulation offre des avantages en termes de résistance au cisaillement
interlaminaire, une des grandes faiblesses des semi-produits non-tissés où les fissures peuvent se
propager très facilement entre les plis.
(a) (b)
Figure 1.14 : Architecture d’un tissu sergé à base de fibres de verre (d’après Phillips, 1989) : (a)
coupe transverse, et (b) vue de dessus.
L’introduction des tissus répond également à un besoin de mise en forme des renforts.
Cette mise en forme se faisant principalement par déformation en cisaillement dans le plan,
la structure tissée autorise cette déformation sans détérioration notable de la structure. Pour la
mise en forme, ces semi-produits doivent être considérés comme des structures orthotropes à part
entière, intégrant des énergies de déformation qui rendent compte du comportement des mèches
en membrane (tension-compression et cisaillement) et courbure (flexion) et des frottements inter-
mèches. Généralement, des éléments finis spécifiques sont formulés (Figure 1.15) pour aboutir à
des simulations de mise en forme intégrant les contacts outil-pièce, tel que présenté sur la Figure
1.16 pour un essai de poinçonnement.
(a) (b)
Figure 1.15 : Représentation du tissu par éléments finis spécifiques (a) maille initiale et (b) après
cisaillement (d’après Boisse et al.).
Introduction - composites Hautes Performances 24
(a) (b)
Figure 1.16 : Mise en forme de renforts tissés par essai de poincçonnement hémisphérique (a)
schéma de l’essai et (b) comparaison simulation / essai (d’après Boisse et al.).
Introduction - composites Hautes Performances 25
Enfin, des ’semi-produits’ plus spécifiques peuvent être utilisés pour des applications parti-
culières, toujours pour des problèmes de compromis coûts/propriétés, et notamment de géométrie
particulières. En effet, il est pratique de produire par des technologies de tressage ou de tricot des
tubes à base de fibres hautes performances, et de venir les plaquer sur des formes avant d’injecter
de la résine dans le réseau fibreux. La différence entre les 2 technologies est que le tricot peut être
3D comme nous le verrons ci-dessous au 3). Ces structures complexes présentent l’avantage de ne
pas montrer de zone de raccord, notamment dans les structures de révolution, ni de zone de bord
libre comme dans le cas de structures composites obtenues classiquement à partir d’empilement.
Ce domaine de développement technologique donne lieu à de nombreuses activités industrielles
et académiques qui ne peuvent être décrites en quelques lignes. Les exemples les plus courants de
production de ces chaussettes sont les pièces de révolution qui peuvent être côniques, ou de toute
forme adaptée. Par exemples des pièces telles que les radômes troncôniques sont fréquemment
réalisées par cette technologie, ainsi que les aubes de turbine présentes dans les propulseurs et de
plus en plus réalisées à l’aide de ces préforme tubulaires. Des exemples sont donnés sur la Figure
1.17.
3) Renforts multi-directionnels
Le problème de renforcement dans la direction transverse peut être envisagé par l’archi-
tecture même des renforts (tissage, tricotage, ...) ou par insertion de coutures dans la direction
transverse (multi-axiaux cousus). Notamment, de nouveaux types de renforts multiaxiaux, ou
semi-produits, sont développés depuis quelques années. Nous verrons l’exemple des multi-axiaux
cousus ci-dessous formés par un empilement de nappes UDs cousues à travers leur épaisseur.
Il peut également être nécessaire d’aller plus loin dans la structuration des renforts compo-
sites, et de positionner des renforts, en volume égal, dans différentes directions privilégiées. On
aboutit alors à des structures de type ’massif’, telles que présentées sur la Figure 1.18 où des
structures tricotée 3D sont présentées. Ce type d’architecture offre l’avantage d’être construit à
partir de fibres continues, assurant un transfert de charge correcte entre les éléments de renfort.
Introduction - composites Hautes Performances 26
On peut également obtenir des éléments architecturés ’aérés’ dans lesquels une mousse peut être
injectée pour former un sandwich.
Ce renforcement qui tend vers une distribution ’isotrope’ se retrouve également dans le cas
de matériaux composites utilisés dans des conditions extrêmes où la matrice et les fibres de même
nature sont associées pour reprendre des efforts et/ou chargements thermiques. Dans le cas de
ces composites thermo-structuraux notamment, des fibres de carbone et/ou carbure de silicium
sont associées à une matrice de même nature qui infiltre le réseau fibreux avant d’être pirolisée
(composites carbone/carbone et SiC/SiC). La Figure 1.19 présente 2 exemples typiques de ces
composites thermo-structuraux carbone/carbone, 3D et 4D. Le composite Sepcarbr supporte
des températures de 2700 řC, il est utilisé ici en format 4D (Figure 1.19-b) pour les propulseurs
aérospatiaux.
(a) (b)
Ces exemples sont des cas extrêmes de structures proches des renforcements ’isotrope’
dans l’espace. Pour les composites HP qui nous intéressent ici, le renforcement dans la direction
Introduction - composites Hautes Performances 27
transverse sera recherché, mais avec des fractions volumiques de fibres dans la direction transverse
qui seront beaucoup plus faibles que la fraction de fibres dans le plan. On illustre ci-dessous, avec
l’exemple des N C2r développés par la société Hexcel Fabrics, le développement des multiaxiaux
cousus. Ces renforts secs sont utilisés en association avec des procédés par voie liquide où la résine
imprègne les renforts au moment de l’élaboration. Par opposition aux renforts préalablement
imprégnés de résine, les pré-imprégnés.
Contrairement aux renforts tissés, les multiaxiaux ne doivent pas présenter d’embuvage, ce
qui a donné le nom de Non Crimped Fabrics (N CF r ) aux matériaux développés par Airbus en
collaboration avec la firme Liba à la fin des année 1990 et plus récemment, aux Non-Crimped New
Concept (N C2r ) développés par Hexcel Fabrics. La principale différence entre ces 2 types de
multiaxiaux réside dans l’homogénéité de la méso-structure, à l’échelle des multiaxiaux, résultant
de la façon de produire les nappes unitaires qui seront assemblées par couture.
1) Multiaxiaux de type N CF
Ces multiaxiaux sont élaborés par dépose en continu de mèches selon une orientation
spécifique. Cette méthodologie implique l’emploi de mèches contenant un faible nombre de fibres
de carbone, de 3 000 à 24 000 fibres par mèche (on parle de titre de 3k à 24k). Les nappes ainsi
constituées sont ensuite cousues à travers l’épaisseur une fois l’empilement souhaité réalisé (Fig
1.21).
Introduction - composites Hautes Performances 28
La taille des mèches utilisées est limitée car technologiquement il est difficile, avec le concept
LIBA utilisé, d’épanouir suffisamment les mèches, c’est à dire d’aplanir leur section. Il en résulte,
comme l’ont montré clairement certaines études (Drapier & Wisnom, Composites Science and
Technology, 1999-a-b), que les comportements critiques tels que la compression et le cisaillement
interlaminaire sont fortement dégradés par la présence de poches de résine et l’ondulation des
mèches due aux espaces laissés entre les mèches et dans lesquels les nappes des plis adjacents
viennent se glisser lorsque des mèches de taille trop importante sont utilisées. Au final, on aboutit
à des mésostructure (Fig 1.22-a) présentant des imperfections du même type que celles observées
dans les tissus. Il est à noter que ces espaces libérés entre les mèches peuvent par contre faciliter
l’écoulement de la résine (Fig 1.22-a) lors de l’imprégnation.
Figure 1.22 : Comparaison des micrographies de la tranche (plan épaisseur-direction à 0ř) d’un
N CF (a) et d’un N C2 (b) verre/époxyde élaborés par procédé RF I-Resin Film Infusion (d’après
un document interne de Hexcel Fabrics).
De plus, la limite des tailles de mèche utilisées a comme conséquence d’augmenter le coût
de revient matière des N CF . En effet, plus les mèches sont d’un titre élevé (nombre de fibres
important), moins le prix est élevé, à masse de fils identique bien sûr. Sachant que 80% du prix
de revient d’une nappe correspond au coût matière, et 20% aux frais de structure, l’obligation
d’utiliser des mèches de faible titre induit des surcoûts non-négligeables.
Introduction - composites Hautes Performances 29
2) Multiaxiaux de type N C2
À l’opposé des N CF , les N C2 sont fabriqués avec des mèches contenant un très grand
nombre de fibres (entre 24 et 80k), ces mèches dans un premier temps épanouies (Fig. 1.23-
a) pour être beaucoup moins épaisses, sont juxtaposées pour former des nappes (Fig 1.23-b).
Ce sont les nappes qui sont par la suite déposées en continu pour former le multiaxial (Fig
1.23-c). Les nappes sont très homogènes (Fig. 1.22-b), ce qui est à la base de la bonne tenue
mécanique des structures utilisant ces renforts. Mais c’est cette bonne homogénéité qui rend
également la progression de la résine beaucoup plus délicate durant la phase d’imprégnation
lors de l’élaboration. En effet, il semble que les cavités facilitant les écoulements de résine sont
uniquement dues aux points de couture et non plus à des gaps comme cela est le cas avec les
renforts du type N CF .
L’opération de formation des nappes homogènes représente une étape supplémentaire par
rapport aux N CF , mais au final, grâce à l’utilisation des mèches de plus gros titres, le gain est
de 20 à 30 % du coût total par rapport aux N CF Liba. Comparons maintenant rapidement
les propriétés mécaniques des N CF , des N C2 et celles obtenues avec des UDs pré-imprégnés
standards.
Sur la Figure 1.24 ci-dessous, on peut comparer les caractéristiques mécaniques principales
de N C2 et N CF carbone/époxyde de même grammage (masse surfacique de 268 g/m2 × 4) et
même fraction volumique de fibres (60 %), tous deux élaborés par Resin Film Infusion avec une
résine M36. Ces propriétés sont comparées aux mêmes propriétés obtenues avec des composites
élaborés par voie sèche à partir de plis U Ds pré-imprégnés T700/6376 (100 % sur la figure
Introduction - composites Hautes Performances 30
1.24). On voit nettement que les N C2 permettent tout à fait d’atteindre des propriétés proches
de celles de référence, et même les dépasser dans le cas de la tension sur éprouvette trouée. Les
performances des N CF quant à elles sont proches de celles des N C2 sans jamais toutefois les
atteindre. On note de plus une différence significative pour la compression après impact.
Au final, on constate que les multiaxiaux cousus rivalisent avec les UDs pré-imprégnés en
termes de caractéristiques mécaniques. La différence essentielle entre ces 3 types de matériaux
est que le coût matière est bien plus faible dans le cas des N C2 que pour les pré-imprégnés et les
N CF . Ces coûts étant encore réduits lors de la mise en œuvre par voie liquide des multiaxiaux
cousus. Ces couples matériaux/procédés sont actuellement des solutions optimales, notamment
dans les structures aéronautiques travaillantes, comme on le présente ci-après.
Introduction - composites Hautes Performances 31
Figure 1.25 : Utilisation des composites dans le domaine de l’aéronautique (source Airbus).
Les composites introduits dans ces avions l’ont été initialement dans des pièces non-
travaillantes, essentiellement des carénages et habillages intérieurs et extérieurs. Cette introduc-
tion progressive se justifie principalement du fait des habitudes de conception et des cycles longs
de certification de toutes les pièces touchant à l’aéronautique, mais particulièrement drastiques
dans les transports aériens. Le premier exemple de structure travaillante remonte à l’A340-600,
au début des années 1990 (Figure 1.26). Il s’agit d’une poutre centrale double constituant la
structure primaire de l’avion. Ces poutres fournissent la rigidité en flexion et torsion (en grossis-
sant à l’excès le trait) de l’ensemble de l’aéronef. Ces poutres de 16 m de long et de 1 m de
haut maxi sont élaborées à partir de composites à base de fibres longues de carbone et de résine
Introduction - composites Hautes Performances 32
époxyde. La charge maximale à supporter est de 500 tonnes en compression dans des conditions
climatiques variant entre - 55 řC et + 70 řC, dans un environnement humide. Les panneaux, dont
les épaisseurs varient entre 9 et 22 mm sont assemblés par boulonnage. Là encore, probablement
pour des questions de certification car le collage peut s’avérer délicat à maîtriser comme à carac-
tériser. Le gain de masse obtenu finalement est de 500 kg par rapport à une solution métallique
en alliage léger.
Figure 1.26 : Poutre centrale de l’A340-600 : - 16 m de long, 1 m de haut maxi, charge maxi de
500 tonnes en compression. Gain de masse de 500 kg par rapport à un alliage léger.
Comme le montre la Figure 1.27, on devrait atteindre, sur le prochain A350, plus de 50
% de la masse structurelle en composites (hors moteurs et habillages). Les pièces de structures
sont de plus en plus nombreuses comme on peut le voir sur cette figure, tandis que les matériaux
métalliques, plus spécifiques, continuent à être utilisés localement. D’autres pièces plus spécifiques
peuvent également être élaborées en composite, ce sont notamment des pièces chaudes, liées aux
conduites de carburant et aux zones jouxtant la combustion, voire les pales de rotor/stator elle-
mêmes, et qui n’apparaissent pas ici où seule la structure travaillante est considérée.
Enfin, si les coûts des structures composites ont longtemps été un critère de choix secon-
daire, à l’heure actuelle, le coût devient au moins aussi important que les performances attendues
(Figure 1.28). L’objectif étant de parvenir à alléger encore les structures tout en réduisant les
coûts. On notera que le coût lui-même est plus lié au procédé utilisé pour l’élaboration, pour 75
%, qu’au prix d’achat de la matière première comptant pour 25 %. Ceci est plus particulièrement
lié à l’utilisation de procédés assurant une qualité de fabrication irréprochable, où le critère de
rebut est la présence de porosité : pour une pièce travaillante, la porosité ne peut excéder 1% en
volume !
Introduction - composites Hautes Performances 33
Figure 1.28 : Tendance espérée de l’utilisation des composites (Carbon Fibre Reinforced Com-
posites) de type fibres de carbone / résine polymère dans le domaine de l’aéronautique (source
Airbus).
Pour entrer un peu plus dans les détails de l’utilisation des composites dans l’aéronautique,
on peut observer quelques exemples de structures types. Ces structures à base de matériaux
composites HP sont généralement des structures de type aérodynamique, i.e. en contact avec
Introduction - composites Hautes Performances 34
l’extérieur ou bien des structures chargées de reprendre les efforts à l’intérieur de l’aéronef,
appelées également structures primaires. Ces structures primaires sont essentiellement construites
à partir de composites monolithiques, de type stratifié. Ces stratifiés deviennent de plus en plus
épais, pour atteindre dorénavant jusqu’à 10 à 15 cm, aptes à reprendre les efforts de plusieurs
centaines de tonnes transitant dans ces structures primaires (cf Figure 1.26), d’autant plus dans
les structures telles que celles de l’A 380.
Par contre, les structures formant la voilure, le radôme, . . ., c’est-à-dire toutes les structures
secondaires reprenant des efforts aérodynamiques, sont essentiellement construites à partir de
structures sandwich. En effet, ces structures en peau travaillent essentiellement en flexion. C’est
également le cas des planchers de l’habitacle qui travaillent essentiellement en flexion et en
indentation sous le poids des passagers. Or, comme on le montrera plus rigoureusement dans
la suite de ce document, la rigidité en flexion d’une structure est caractérisée par l’inertie, elle
dépend de la géométrie de la section et des matériaux constitutifs. Notamment, la contribution
de la rigidité des matériaux constitutifs les plus éloignés de la fibre neutre de flexion est la plus
importante. On utilise donc un matériau léger et de propriétés mécaniques faibles, de type mousse
ou nid d’abeille (nida, noté C dans la figure 5.34-a), pour éloigner les peaux composites de l’axe de
flexion (notées B dans la figure 5.34-a). Les peaux et l’âme sont collées pour obtenir la structure
sandwich finale (Figure 5.34-b).
(a) (b)
Figure 1.29 : Principe d’une structure sandwich : (a) peaux et âme en nid d’abeille, et (b) structure
assemblée.
La Figure 1.30-a schématise la construction sandwich d’une dérive d’un avion léger. On peut
y voir la façon dont ces structures peuvent être utilisées afin de reprendre les efforts extérieurs.
Par contre, quand la structure devient de dimension plus importante, comme dans le cas d’un
caisson d’aérofrein (Figure 1.30-b), toute la structure est faite à partir de sandwichs.
D’autre part, dans le cas du caisson (Figure 1.30-b) une nervure est ajoutée à la structure
afin de la rigidifier. C’est une construction classique en aéronautique où des structures auto-raidies
Introduction - composites Hautes Performances 35
(a) (b)
Figure 1.30 : Construction sandwich, d’après Gay (2005) : (a) d’une dérive d’avion, (b) d’un
caisson d’aérofrein.
sont les structures de base. Ces nervures sont généralement à base de composites monolithiques,
mais des structures sandwichs peuvent également être introduites en tant que raidisseur comme
on le voit sur la figure 1.31. La difficulté étant de toute façon de connecter les raidisseurs aux
peaux (Figure 1.30-b) afin de transmettre les efforts.
représentatif. De plus, comme nous l’avons vu ci-dessus, la taille du VER l doit être telle que
les fluctuations du chargement macroscopique ne soient plus ressenties (l << λ). Finalement, le
VER idéal est tel que les résultats ne dépendent plus de sa taille, c’est-à-dire que le comportement
du VER équivaut au comportement qui pourrait être calculé à partir de l’étude de la description
du matériau réel si cette description était possible (statistiquement et du point de vue du modèle
physique). Le volume ainsi défini, tel que d << δ << l, est appelé volume de moyennage car
toutes les propriétés du milieu homogène équivalent seront définies par :
Z
1
< · >= · dΩ. (1.1)
|Ω| Ω
La mécanique des composites s’appuie donc sur des représentations à différentes échelles,
et consiste à opérer des transitions entre ces échelles. La première opération dite homogénéisation
vise à définir des milieux homogènes dont les propriétés sont équivalentes, au sens de critères
à définir, aux propriétés du matériau réel, ce sont les milieux homogènes équivalents (MHE). A
l’inverse, partant du champ de contraintes, déformations, température, . . . à une échelle il sera
nécessaire d’établir les champs correspondants aux échelles inférieures, et notamment pour appli-
quer des critères de rupture ou tout autre critère local, il s’agit de la localisation. Ces techniques
d’homogénéisation (et localisation) plus ou moins sophistiquées ont donné, et donnent encore,
lieu à de nombreux ouvrages et travaux de recherche. La démarche peut être schématiquement
représentée comme sur la Figure 1.33 ci-dessous pour les propriétés mécaniques :
— définir un comportement LH → −
− → 1
ijkl ( x , t, Y ) équivalent au comportement du composite
−
→ −
→
dont les propriétés par phase sont L1ijkl (− →
x , t, Y ) et L2ijkl (−
→
x , t, Y ), en fonction de
−
→→
variables internes Y (−x , t) et pour toute position − →x et à tout instant t,
— définir (localiser), à partir des champs extérieurs et des propriétés effectives, les champs
locaux dans les constituants
Dans le cadre de cette introduction à la mécanique des matériaux composites, une approche
des méthodes d’homogénéisation assez générale sera proposée au Chapitre 2. Ensuite, nous nous
restreindrons à proposer des approximations assez simples permettant d’accéder aux grandeurs
essentielles dans un pré-dimensionnement. Nous suivrons une démarche simplifiée, et limitée aux
1. tenseur de comportement d’ordre 4 défini au §2.1.1
Introduction - composites Hautes Performances 39
matériaux composites de type Haute Performance, c’est-à-dire à base de renforts fibreux et utilisés
dans des structures monolithiques ou sandwich (Chapitre 3). Ces matériaux sont massivement
utilisés dans le domaine des transports, et notamment dans l’aéronautique dont le développement
s’appuie fortement sur le développement de nouvelles solutions composites (couple matériaux -
procédés) (Figure 1.28). Néanmoins, la démarche présentée peut aisément être appliquée aux
autres types de composites à renforts.
Figure 1.34 : Principe des transitions d’échelle micro-méso et méso-macro pour modéliser le
comportement de structures composites hautes performances.
Cette démarche couvre classiquement 3 échelles d’observation comme présenté sur la Fi-
gure 1.34 : partant de l’échelle des constituants (renforts, matrice), échelle microscopique, nous
poserons la transition avec l’échelle intermédiaire, l’échelle mésoscopique, puis avec l’échelle de
la structure, l’échelle macroscopique. Ceci implique de traiter en premier lieu la micro-mécanique
des matériaux présentée dans le Chapitre 2, avant d’introduire le comportement mésoscopique
équivalent ainsi obtenu (Chapitre 3), au niveau de la mécanique des structures de type poutre
puis de type plaque (Chapitre 5). Le Chapitre 4 sera consacré à la résistance des plis.
Il faut noter que les transitions d’échelles peuvent s’opérer dans un cadre linéaire, mais
que lorsque des comportements non-linéaires sont mis en jeu, comme par exemple sous des
chargements déstabilisants tels que la compression et le cisaillement, ou bien encore en dehors
du domaine de comportement élastique des matériaux constitutifs, des approches beaucoup plus
Introduction - composites Hautes Performances 40
fines doivent être mises en place. Ce sont alors des mécanismes locaux complets qui doivent être
décrits, et dont l’influence à l’échelle macroscopique est visible, notamment lorsqu’ils conduisent à
la rupture de la structure. Dans ce cas, l’échelle intermédiaire, l’échelle mésoscopique, est l’échelle
idéale pour représenter ces comportements.
Introduction - composites Hautes Performances 41
2.
Comportement effectif - notions
génériques d’homogénéisation à l’échelle
des constituants
Sommaire
2.1 Rappels sur la micro-(thermo)-mécanique des constituants . . 45
2.1.1 Rappels de mécanique des matériaux . . . . . . . . . . . . . . . . 45
2.1.2 Loi de comportement thermo-élastique . . . . . . . . . . . . . . . 50
2.1.3 Comportement des composants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51
2.2 Méthodologie de l’homogénéisation en mécanique des maté-
riaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51
2.2.1 Problème mécanique sur le VER . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53
2.2.2 Remarque sur les problèmes homogènes en contraintes et en défor-
mations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54
2.2.3 De la localisation à l’homogénéisation . . . . . . . . . . . . . . . . 55
2.2.4 Lemme de Hill . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57
2.3 Approximations basiques en élasticité linéaire . . . . . . . . . . 58
2.3.1 Définition directe des tenseurs effectifs . . . . . . . . . . . . . . . . 58
2.3.2 Caractérisation variationnelle des propriétés effectives . . . . . . . 59
2.3.3 Conclusions sur l’équivalence des propriétés obtenues par des ap-
proches en souplesse et en rigidité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61
2.3.4 Bornes de Voigt et Reuss . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64
2.4 Homogénéisation périodique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 68
2.4.1 Méthode des échelles multiples . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69
2.4.2 Exemple d’un composite à fibres longues . . . . . . . . . . . . . . . 72
2.5 Problèmes d’inclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 76
2.5.1 Inclusion d’Eshelby . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 76
2.5.2 Problème d’Eshelby inhomogène - tenseur d’influence de Hill . . . 79
2.5.3 Inclusion avec chargement à l’infini . . . . . . . . . . . . . . . . . . 82
42
Comportement effectif - homogénéisation 43
Ce chapitre est dédié aux méthodes d’homogénéisation en mécanique des matériaux, elles
sont utilisables dans tous les types de matériaux micro-hétérogènes, c’est-à-dire tous les matériaux
en fonction de l’échelle d’observation retenue. L’utilisation dans le cas des composites fibreux est
un cas particulier de certaines de ces techniques comme nous le verrons dans le Chapitre 3 où
des méthodes parfois d’abord plus simples, spécifiques aux composites à fibres longues, seront
étudiées. Il n’en demeure pas moins que les méthodes d’homogénéisation constituent le socle des
approches multi-échelles sur lesquelles sont construits les modèles de comportement recherchés
dans nos composites.
Nous ne donnerons par ici les démonstrations complètes qui sous-tendent les techniques
d’homogénéisation présentées. Ces techniques, également appelées Méthodes de changement
d’échelle ont donné lieu, et donnent encore lieu, à de très nombreux développements qu’ils
soient mathématiques ou numériques. Un bref exposé des méthodes les plus courantes est pro-
posé ici. Plus de détails peuvent être trouvés dans le support de cours Homogénéisation et mé-
thodes de changements d’échelle accessible sur le lien http://www.emse.fr/~drapier/index_
fichiers/CoursPDF/HMCE-3A/Homog-ChgtEchelle-Drapier.pdf. Ce document synthétise
lui-même diverses sources, dont le cours de Majeur Matériaux hétérogènes et composites donné
à l’École Polytechnique par A. Zaoui (édition de 1996 par exemple), ainsi que le support Homo-
généisation en mécanique des matériaux de M. Bornert, T. Bretheau, et P. Gilormini.
Ce chapitre présente d’abord quelques rappels, notions de base, et principes d’homogénéi-
sation nécessaires à la détermination des propriétés effectives des composites, c’est-à-dire leur
comportement homogène équivalent. Dans un premier temps nous allons définir les échelles d’ob-
servation de façon adéquate pour des matériaux micro-hétérogènes mais macro-homogènes, puis
rappeler quelques éléments de mécanique et notamment concernant les lois de comportement
de type isotropie transverse et orthotropie qui seront utilisées abondamment dans le reste de ce
document..
Ensuite seulement le comportement effectif sera recherché à partir d’informations plus ou
moins fines sur la distribution statistique, à l’ordre 1 ou à l’ordre 2, des propriétés topologiques et
mécaniques des phases constitutives. Les problèmes mécaniques posés donneront accès au com-
portement effectif, mais leur résolution peut vite devenir assez lourde. La mesure de la qualité
des approximations est également un des éléments clefs de l’évaluation de la pertinence des ap-
proches d’homogénéisation, elle se fait grâce à des considérations énergétiques et variationnelles,
et conduit à des estimations ou des encadrements de ces propriétés.
Comportement effectif - homogénéisation 45
On rappelle que la loi de comportement caractérise la relation entre les efforts qui agissent
sur un élément de volume et la mesure du changement topologique de ce même élément comme
illustré sur la Figure 2.1. L’état de contraintes, défini par un tenseur du second ordre noté par
exemple σ(− →
x , t), est donc relié à l’état de déformation, défini par un tenseur noté par exemple
−
→
( x , t), via un tenseur de comportement du quatrième ordre :
En l’état, le comportement d’un matériau quelconque est donc défini par 34 = 81 coeffi-
cients indépendants. Heureusement, l’équilibre interne des matériaux implique des simplifications,
complétées par les simplifications liées aux symétries rencontrées dans les matériaux réels.
Symétrie intrinsèque
En l’absence de structure particulière telle que celle rencontrée par exemple dans les milieux
à longueur interne (ou de Cosserat), un élément de volume est en équilibre sous l’action de
Comportement effectif - homogénéisation 46
l’ensemble des efforts qui agissent sur lui, c’est à dire sous l’ensemble des contraintes agissant
sur chacune de ses faces. On en déduit aisément que cet équilibre, correspondant à la seconde
équation d’équilibre de la statique (conservation du moment de quantité de mouvement) conduit
à la symétrie du tenseur des contraintes - le volume ne doit pas ’tourner’ sous l’action des efforts
normaux et de cisaillement (Figure 2.1-a). Ensuite, par construction géométrique, les mesures
de déformations présentent
également
des symétries (Figure 2.1-b) et notamment εij = εji =
1 1 ∂ui ∂uj
2
(ui,j + uj,i ) = 2 ∂xj + ∂xi dans l’hypothèse des petites déformations.
(a) (b)
Figure 2.1 : Élément de volume : (a) équilibre statique, et (b) cinématique de déformation dans
le plan (O, −
→
e1 , −
→
e2 ), d’après Berthelot (2012).
Lorsqu’on calcul l’énergie de déformation, ou énergie stockée dans le volume lorsqu’il est
déformé, on montre que l’énergie de déformation en HPP est une forme quadratique des défor-
mations. Ceci conduit à une simplification complémentaire :
d W(ε)
= εij εkl Lijkl ⇒ Lijkl = Lklij =⇒ 21 composantes indépendantes (2.5)
dΩ
Compte tenu de ces symétries, il est courant de noter les tenseurs d’ordre 2 symétriques
sous la forme d’un vecteur de dimension 6. En corollaire, le tenseur de comportement, d’ordre
4, peut se mettre sous la forme d’une matrice carrée symétrique possédant donc 21 coefficients
indépendants :
Comportement effectif - homogénéisation 47
σ1 L11 L12 L13 L14 L15 L16 ε1
σ2 L12 L22 L23 L24 L25 L26 ε2
σ3
= L13 L23 L33 L34 L35 L36
ε3
σ L
(2.6)
4 14 L24 L34 L44 L45 L46 ε
4
σ5 L15 L25 L35 L45 L55 L56 ε5
σ6 (R) L16 L26 L36 L46 L56 L66 (R)
ε6 (R)
L’utilisation de cette notation est tout à fait standard, toutefois il faut être prudent sur le
stockage des 6 composantes de contraintes et de déformations, et notamment veiller à utiliser le
cisaillement au sens de l’ingénieur de façon à être consistant, du point de vue de l’expression de
l’énergie de déformation obtenue à partir du produit {ε}[L]{ε}. En effet, partant de l’énergie de
déformation en cisaillement dans le plan (O, − →
e1 , −
→
e2 ) par exemple
dWcis 1 1
= (σ12 ε12 + σ21 ε21 ) = 2 σ12 ε12
dΩ 2 2
1
= 2 ε12 L12kl εkl ({k, l} ∈ [1, 3])
2 (2.7)
↓ notation de Voigt
1
= ε6 L6γ εγ (γ ∈ [1, 6])
2
d’où on définit les contraintes et déformations de la façon suivante permettant d’exprimer la loi de
comportement matériaux directement dans la forme matricielle [L] sans aucun autre changement.
Cette notation est appelée également notation de Voigt :
σ1 σ11 ε1 ε11
σ2 σ22 ε2 ε22
σ3
≡ σ33
ε3 ε33
≡ (2.8)
σ σ ε 2ε
4 23 4 23
σ5 σ13 ε5 2ε13
σ6 (R) σ12 (R) ε6 (R) 2ε12 (R)
Remarque : Cette notation présente l’inconvénient que les opérations sur les tenseurs ne
sont pas directement transposables aux opérations matricielles. Au contraire, on pourra rencontrer
la formulation alternative intégrant des contraintes et déformations de cisaillements telles que :
dWcis 1 1 √ √
= 2 σ12 ε12 = 2 σ12 2 12
dΩ 2 2 | {z } | {z }
1
= σ6 γ6
2
où les propriétés mécaniques restent inchangées mais les champs solutions sont modifiés. Cette
notation est appelée également notation de Kelvin.
Comportement effectif - homogénéisation 48
Symétrie matérielle
Les matériaux peuvent posséder des symétries de comportement, en relation avec leur
microstructure par exemple. On définit ainsi le groupe des transformations orthogonales laissant
invariantes les composantes de L. On a alors les classes de matériaux possédant des symétries
connues, induisant une réduction supplémentaire du nombre de coefficients indépendants. Les 2
principales symétries qui nous intéresseront pour la suite sont représentées sur la Figure 2.2. Ces
symétries sont
(a) (b)
Figure 2.2 : Symétries matérielles : (a) orthotropie, et (b) isotropie transverse de plan d’isotropie
(O, −
→
e2 , −
→
e3 ) d’après Berthelot (2012)
−ν12 −ν13
1
E1 E1 E1
0 0 0
−ν21 1 −ν23
0 0 0
E2 E2 E2
−ν31 −ν32 1
E3 E3 E3
0 0 0
[M](R) = 1
0 0 0 G12
0 0
1
0 0 0 0 G13
0
1
0 0 0 0 0 G23 (R)
— Symétrie carrée : L11 = L22 , L13 = L23 , L44 = L55 , ce qui laisse 6 coefficients
indépendants
— Symétrie cubique : L22 = L33 , L23 = L12 , L55 = L66 , ce qui laisse 3 coefficients
E
indépendants, par exemple E, ν et G, avec G 6= 2(1+ν)
— Isotropie transverse ou Orthotropie de révolution c’est le cas des composites unidi-
rectionnels tel que représenté sur la Figure 2.2-b, ou encore pour des mats : le matériau
possède un plan d’isotropie (invariance par rotation) perpendiculairement à une direc-
tion d’orthotropie : par exemple si − →
e 1 est la direction privilégiée, L44 = L11 −L
2
12
(dans
−
→ −
→
le plan d’isotropie( e 2 , e 3 )), ce qui laisse 5 coefficients indépendants classiquement
référencés par rapport aux axes du plan d’isotropie t(ou T ) et t0 (ou T 0 ) et à la direction
privilégiée l(ou L) :
1 −νT T 0 −νLT
0 0 0
−νETTT 0 ET
1
EL
−νLT
ET ET EL
0 0 0
−νLT −νLT 1
0 0 0
EL EL EL
[M](R) =
2(1+νT T 0 )
0 0 0 ET
0 0
0 1
0 0 0 GLT
0
1
0 0 0 0 0 GLT (R)
Synthèse
Les paramètres définissant les comportements les plus courants sont synthétisés ci-dessous.
Nbre de coeffs. Coeffs.
1 plan de sym. 13
Orthotropie 9 E1 , E2 , E3 , ν12 , ν13 , ν23 , G23 , G13 , G12
Sym. carrée 6
Sym. cubique 3 E, ν, G
Isot. transverse 5 EL , ET , νLT , νT T 0 , GLT
Isotropie 2 (E, ν), (λ, µ), (κ, µ)
Pour des raisons de commodité, on pourra utiliser le module de compressibilité latérale qui
permet de caractériser le comportement latéral seul des comportements unidirectionnels, lorsque
la déformation longitudinale est nulle. Il s’écrit :
G E
KL = κ + = (2.9)
3 2(1 − 2ν)(1 + ν)
avec ∆T la variation de température. Ces dilatations peuvent également avoir d’autres origines, et
leur présence dans la loi de comportement permet de représenter tous les phénomènes physiques
caractérisés par des déformations libres, i.e. dont les effets se font sentir uniquement lorsque
les déformations sont bloquées. Par exemple la contraction volumique, les effets d’un champ
magnétique, . . .. Pour les raisons de symétrie évoquées précédemment les déformations doivent
être symétriques, ce qui implique que les coefficients de dilatation thermiques le sont également
αij = αji .
∆V
= tr(ε) = ε11 + ε22 + ε33 = 3α∆T
V
De façon générale, la loi de comportement thermo-élastique correspondante s’écrit, en notant
que les contraintes ne peuvent être induites que par les déformations d’origine mécanique (εe =
ε − εth ) :
εij = εeij + εthij
= Mijkl σkl + αij ∆T
σij = Lijkl εkl − βij ∆T (avec βij = Lijkl αkl )
Comportement effectif - homogénéisation 51
Après avoir défini les comportements types ci-dessus, on peut préciser les comportements
des constituants de base des composites. Les principales propriétés ont été données au §1.3.1 et
dans les Tableaux 1.1 page 11 et 1.2 page 15, respectivement pour la résine et les fibres. Il s’agit
ici de replacer les comportements des constituants par rapport aux comportements types évoqués
ci-dessus.
La matrice (résine) est le plus souvent un milieu isotrope, même si à une échelle très locale
des orientations privilégiées, et donc des comportements très localement anisotropes, peuvent être
rencontrés. Ceci aussi bien dans les matrices métalliques que dans les matrices organiques, par
exemple les polymères semi-cristallins composés de sphérolites. Mais à l’échelle de la mécanique
des composants, ces variations locales ne peuvent être intégrées, pour des raisons de représenta-
tion aussi bien que de caractérisation. Les matrices seront donc supposées homogènes isotropes.
La principale distinction qui peut être faite dans le cadre des composites Hautes Performances
utilisant des résines polymères consiste à distinguer les résines thermodurcissables et les résines
thermoplastiques. Comme décrit dans tout bon cours sur les polymères, les propriétés attendues
sont différentes pour ces 2 types de résine. Les résines thermodurcissables sont caractérisées par
des propriétés mécanique élevées et un coût élevé également, alors que les résines thermoplas-
tiques sont typiquement utilisées pour leur coût réduit allié à de bonnes propriétés d’absorbtion
de chocs et à leur recyclabilité.
Les renforts sont quant à eux de comportements très variés. Dans le cas de renforts par-
ticulaires, le comportement est principalement isotrope. C’est le cas également pour les renforts
de type fibres de verre ou fibres de basalte résultant du coulage de silice liquide dans des filières.
Au contraire, les fibres de carbone sont de type orthotrope du fait de la structure en couche se
développant par carbonation d’un fil précurseur organique (polyacrylotnitril -PAN- ou brai). Ces
renforts sont dans la très grande majorité des cas supposés homogènes, les seules exceptions étant
des renforts de type sphère creuse par exemple destinées à la fonctionnalisation et/ou l’allègement
des structures.
Pour les composites à renforts orientés tels que ceux visés ici, on déduit aisément le VER
de l’architecture des renforts. Sur la Figure 2.4, on comprend que la répétition du motif du VER
dans le plan (O, −→
x ,−
→y ) permettra de reproduire, à l’aide de conditions adéquates de périodicité,
le comportement du milieu homogène équivalent au tissu dans son plan.
(a) (b)
Ces VER, pour être représentatifs du milieu, peuvent inclure une géométrie et une dis-
tribution des composants incluant une variabilité statistique, représentée ici par la fonctionnelle
Comportement effectif - homogénéisation 53
−
→−
Y (→ x , t) incluant également les variables internes en général. Dans les cas les plus extrêmes,
ces VER font appel à des symétries beaucoup plus complexes pouvant dépendre à la fois de
l’architecture, mais également des sollicitations représentées.
Une fois ces échelles d’observation définies, les opérations de moyenne
Z
1
< · >= · dΩ mes(|Ω|) = l. (2.10)
|Ω| Ω
permettent de définir les propriétés du MHE. Les diverses méthodes existantes se distinguent
par la finesse de représentation des champs locaux. Il est important de noter que même si des
approches strictement éléments finis sont de plus en plus proposées, comme nous le verrons
encore par la suite, les approches analytiques ou semi-analytiques restent les plus efficaces en
termes de temps de calcul.
Le problème mécanique à résoudre ne peut être résolu tel quel car il s’agit de relier les
grandeurs locales régnant dans le VER aux grandeurs globales régnant à l’échelle macroscopique.
Pour résoudre ce problème comme un problème classique de mécanique des structures, il faut
envisager dans un premier temps un chargement s’appliquant sur le VER. Ceci sera complété par
la suite par des conditions assurant, si ce n’est l’unicité de la solution, au moins son encadrement.
Par construction, le VER étant défini de façon à vérifier d < δ < l, les conditions régnant sur
le pourtour ∂Ω sont vues comme ’homogènes’, i.e. correspondant à un matériau micro-hétérogène
et macro-homogène (pour simplifier). On peut donc envisager d’imposer des contraintes homo-
−
→
gènes au contour telles que t d = Σd .− →n ∀− →
x ∈ ∂Ω ou bien des déformations homogènes au
−
→ d d −
→ −
→
contour telles que u = E . x ∀ x ∈ ∂Ω.
Ces champs extérieurs homogènes étant appliqués sur le contour, pour que l’équilibre du
VER soit assuré, on montre qu’en HPP les grandeurs macroscopiques (moyennes) < σ >= Σ et
< >= E correspondant aux états de contraintes et de déformations respectivement, doivent
être identiques aux chargements extérieurs Σd et E d imposés sur le contour. On a donc, pour un
problème en contraintes homogènes au contour P CH :
Z
−
→ 1 → − →
hσij ( x , t)i = Σij (t) = σij (−
→
x , t) dΩ = Σdij (t) si σ − Σd .−
n = 0 sur ∂Ω(2.11)
|Ω| Ω
et (−
→ déf
x , t) = E(t)
et σ(−
→ déf
x , t) = Σ(t)
Comportement effectif - homogénéisation 54
Les contraintes locales vérifient l’équilibre, elles sont donc Statiquement Admissibles. Les dé-
formations quant à elles correspondent au champ de déplacement solution de l’équilibre (donc
continu et dérivable), elles vérifient les équations de compatibilité (Eq. 2.3) et sont générale-
−
→
ment complétées par les rotations moyennes < ωij (− →
x , t, Y ) >= Ωdij définies comme la partie
antisymétrique du gradient du déplacement.
Ces relations définissent des ’lois des mélanges’ pour les composantes de contraintes et
déformations qui peuvent s’écrire sous la forme générale (par exemple les contraintes) pour k
phases constitutives :
fk < σijk (−
→
X
σ̂ij (t) = x , t) >Ωk = Σdij (t)
k
où les fk sont les fractions volumiques des phases en présence occupant les volumes Ωk définies
par fk = |Ω k|
|Ω|
.
Á ce niveau, le problème mécanique à résoudre sur le VER s’écrit donc sous la forme
suivante :
−→ − −
→
div σ(→x ) = 0 , ∀− →x ∈Ω
−
→ −
→ →
σ(−→
x ) − Σ d .−
→−
n (→
x ) = 0 ou −
→
u (−
→x ) − E d .−
→
x = 0 ∀− x ∈ ∂Ω (2.13)
σij = Lijkl kl
qui n’est pas un problème à solution unique au sens d’un problème de calcul des structures. Pour
fermer ce problème, des conditions complémentaires doivent être ajoutées. C’est le choix de ces
conditions complémentaires qui va nous conduire à des estimations de ce comportement ou bien
plus généralement des encadrements de ces propriétés.
des phases, des déformations hétérogènes sur ce contour, mais limitées dans une couche dont la
taille β n’excède par la taille caractéristique des renforts - β << d << l. Ceci peut également
se montrer plus rigoureusement comme nous le verrons plus loin.
Si par contre les tailles de particules et du VER sont proches, comme c’est le cas dans
l’homogénéisation périodique pour des milieux dont la microstructure est ordonnée et ’répétitive’,
on peut alors tirer partie de la périodicité du déplacement et de l’anti-périodicité des contraintes
comme illustré sur la Figure 2.5-(b) ; comme on le verra plus en détails au §2.4.
Cette limite de validité des VER est essentielle dans les approches reposant sur des solutions
analytiques telles que nous le verrons par la suite (inclusion d’Eshelby notamment), toutefois ce
caractère périodique est souvent intégré dans les modèles numériques qui offrent cette possibilité,
même pour des VER tels que d << l.
−
→ 0 − →− → ∀(−
→
x ,−
→
h i
0 0
x
σ( x , t)t = B Σ(t ), Y ( x , t ) x 0 ) ∈ Ω, t0 ≤ t (2.15)
Figure 2.5 : Rapport des tailles caractéristiques : (a) d << l, fluctuation des déformations sous
l’effet des contraintes homogènes au contour sous un chargement en contraintes normales et (b)
d ' l VER périodique sollicité selon l’axe −
→x.
−
→
Connaissant les comportements locaux, que l’on notera Lx (− →x , t, Y ) pour les rigidités et
−
→
M x (−
→x , t, Y ) pour les souplesses, on peut, au moins formellement écrire les comportements
−
→
effectifs correspondant respectivement au problème posé en déformations (P DH LE (t0 , Y ))
−
→
et en contraintes (P CH M Σ (t0 , Y )) homogènes au contour. Pour les contraintes les calculs
Comportement effectif - homogénéisation 57
donnent :
−
→ x −→ 0 −
→ −
→
Σ(t) = hσ( x , t )i = L ( x , t , Y ) : ( x , t ) , t0 ≤ t
0 0
i
x −
→ 0 −
→ d 00 − →− → ∀(−
→
x ,−
→
h
x 0 00
= L ( x , t , Y ); A E (t ), Y ( x , t ) x 0 ) ∈ Ω, t00 ≤ t0 (2.16)
| {z }
−
→
Σ(t) = LE (t0 , Y ) : E d (t00 ), t00 ≤ t0
Ces fonctionnelles, et les comportements effectifs correspondants, seront précisées dans la section
suivante, dans le cas particulier des comportement élastiques linéaires.
Le Lemme de Hill, présenté ici nous sera utile pour proposer l’encadrement des propriétés
dans la section suivante. Ce lemme établit que le travail (ou la puissance) macroscopique induit
−→ → −
→
par un champ de contraintes σ ∗ vérifiant l’équilibre statique (divσ ∗ (−
x ) = 0 ) dans un champ
−
→
de déformation compatible (∗ = 0∗ ( u0 ) au sens de l’équation de compatibilité - (Eq. 2.3) )est
égal à la moyenne spatiale du travail (de la puissance) microscopique :
D −
→E D − →E
σ ∗ : 0∗ ( u0 ) = σ ∗ : 0∗ ( u0 )
d −
→0 E
D
0∗ (2.18)
= Σ : ( u ) pour des contraintes homogènes au contour
Ce lemme est établi pour des champs de contraintes et de déformations qui peuvent ne pas
être liés par une loi de comportement. Si les champs sont associés par la loi de comportement,
le lemme reste évidemment vérifié, et dans ce cas on parle de contrainte de macro-homogénéité
de Hill ou condition de Hill-Mandel et s’écrit :
σ(−
→
x , t) : (−
→
x , t) = Σ : E d = Σd : E (2.19)
Ces relations ont été établies en HPP et ne peuvent être étendues facilement en grandes
déformations. Dans la suite de cette partie consacrée à l’homogénéisation du comportement, nous
nous limiterons à l’étude des matériaux élastiques linéaires dans le cadre des petites perturbations
(petites déformations).
Comportement effectif - homogénéisation 58
(2.20)
σij (−
→ x
x , t) = Bijkl (−
→
x 0 )Σkl (t), ∀(−
→
x ,−
→
x 0) ∈ Ω
x
Bijkl x
= Bijlk x
= Bjilk x
et Bijkl = 12 (δik δjl + δil δjk )
Á partir de ces expressions des tenseurs de localisation, on peut définir les propriétés ef-
fectives de façon directe et à l’aide d’une approche variationnelle permettant de proposer un
encadrement.
En partant de l’écriture formelle des lois de comportement effectives données dans les
Eqs. 2.16 et 2.17 (P CH E(t) = M Σ (t) : Σd (t) et P DH Σ(t) = LE (t) : E d (t)), les
propriétés effectives se déduisent alors aisément en introduisant les relations de localisation et de
concentration (Eqs. 2.20) :
−
→
E
L (t) = L(t) : A ( x0 , t)
x
∀(−
→
x ,−
→
x 0) ∈ Ω
(2.22)
−
→
Σ
M (t) = x
M (t) : B ( x0 , t) ∀(−
→
x ,−
→
x 0) ∈ Ω
En plus des 3 symétries induites naturellement par les symétries des couples champs locaux-
champs globaux (Eqs. 2.20), la caractérisation énergétique grâce au lemme de Hill permet de
montrer la dernière symétrie, dite symétrie majeure, des tenseurs de comportement effectifs :
Mxijkl = Mxklij et Lxijkl = Lxklij . Les propriétés effectives ont donc toutes les propriétés de
symétrie caractérisant un comportement thermodynamiquement fondé, ce qui correspond à une
énergie élastique w() quadratique en les déformations et définie positive :
1 ∂w()
w() = Lijkl ij kl , σij = (2.23)
2 ∂ij
On notera que dans ces définitions directes des propriétés effectives (Eqs. 2.22) seule la
connaissance moyenne par phase est nécessaire. Notamment, si les propriétés sont homogènes
par phase, on peut écrire :
−
→0
X
E r r
L (t) = x
L(t) : A ( x , t) = fr L (t) : A avec A = Ax
r
r Ωr (2.24)
−
→
X
Σ x 0 r r r x
M (t) = M (t) : B ( x , t) = fr M (t) : B avec B = B
r Ωr
La caractérisation des propriétés effectives peut être affinée grâce, notamment, au lemme
de Hill introduit ci-dessus et à l’utilisation des principes variationnels utilisés couramment en
mécanique. Ces approches permettent de rechercher non plus la solution, comme dans une dé-
finition directe, mais la meilleure approximation. Nous allons, de plus, montrer l’équivalence des
propriétés identifiées avec les problèmes en contraintes et déformations homogènes au contour.
Comportement effectif - homogénéisation 60
Z Z
1 −
→ −
→ −
→
∗
P (τ ) = τ ( x ) : M ( x ) : τ ( v ) dΩ − τ (−
→
x)·−
→
n ·−
→
v d dω, ∀τ S.A.
2 Ω ∂Ωu (2.26)
= W ∗ (τ ) − L∗ (τ )
On a donc les inégalités suivantes avec l’équation de Clapeyron qui indique l’égalité stricte
pour les champs de déplacement et de contraintes solution − →u (−
→
x ), σ(−
→
x) :
P ∗ (τ ) ≤ P ∗ (σ) = P (−
→
u ) ≤ P (−
→
v ) ∀(− →u ,−→
v ) C.A., ∀(σ, τ ) S.A.
1 (2.27)
et W (− →u ) = W ∗ (σ) = L(−
→u ) + L∗ (σ)
2
En considérant les 4 problèmes qui peuvent être posés pour chercher l’équilibre mécanique
du VER, à déformations ou contraintes imposées, et à déformations ou contraintes homogènes au
contour, soit P CH , P 0CH , P DH , P 0DH , on exprime 2 formes de l’énergie potentielle et 2 formes
de l’énergie potentielle complémentaire. En prenant en compte le lemme de Hill pour des champs
homogènes au contour, et notamment le critère de macro-homogénéité de Hill pour les champs
solutions, on exprime les inégalités suivantes qui permettent d’encadrer les propriétés effectives :
−1
Σ
M : E : E ≤ LE : E : E
−1
Σ
−1 ⇔ M ≤ LH ≤ LE (2.28)
E Σ
L :Σ:Σ≤M :Σ:Σ
qui montrent que les rigidités LE sont plus ’raides’ et les compliances (LE )−1 plus ’souples’
quand les déformations sont homogènes au contour. Toutefois, ces différences doivent s’atténuer
lorsque le VER vérifie bien les rapports dl << 1. C’est ce qu’on vérifie ci-dessous.
Comportement effectif - homogénéisation 61
C’est-à-dire que le tenseur de rigidité effectif est l’inverse du tenseur de souplesse lorsque d << l
(L−1E = M Σ et M −1Σ = LE ), ce qui correspond aux conditions que nous avons imposées pour
définir le VER.
Cette relation générale peut être illustrée dans le cas d’un composites à fibres longues. P.
Suquet (1982) a montré, pour ce type de matériau que les rigidités effectives obtenues par une
approche en déformations (P DH LE
m ) et une approche en contraintes (P
CH
Mm Σ
L0Σ
m ),
tendent asymptotiquement vers le comportement réel, noté # et correspondant ici aux propriétés
effectives obtenues par homogénéisation périodique :
! −1
lim LE
m = lim L0Σ
m = M Σ
= L0#
m→+∞ m→+∞
Cette dernière relation est illustrée sur l’exemple ci-dessous (Figure 2.6) qui servira éga-
lement dans la suite de cette section dédiée à l’homogénéisation, un composite Al/SiC à fibres
longues étudié par N. Bourgeois (thèse Ecole Centrale de Paris, 1994) dont les propriétés des
composants sont : Ef = 420 GPa et νf = 0, 3 pour les fibres et Em = 70 GPa et νm = 0, 2 pour
la matrice aluminium, fraction volumique de fibres Vf = 0, 385. On modélise ce matériau par un
arrangement régulier de fibres réparties dans un VER (Figure 2.6). Le comportement effectif de
ce matériau possède une symétrie carrée du fait de l’arrangement supposé parfait dans le VER, il
est donc défini par 6 coefficients indépendants, comme rappelé au paragraphe Symétrie matérielle
page 48, notés ET , EL , µT T 0 , µLT , νT T 0 , νLT pour les rigidités normales et de cisaillement et pour
les coefficients de Poisson où L désigne la direction des fibres longues.
En modélisant le comportement dans le plan normal à la direction des fibres − →e , on
1
recherche le module de cisaillement µT T 0 (noté µT ) et le coefficient de compressibilité latérale
KL caractérisant le comportement dans ce plan en dehors de sollicitations dans la direction des
fibres (Eq. 2.9) et noté aussi K ci-après.
Le modèle est discrétisé par éléments finis et 5 tailles de VER sont considérées, incluant
m × m fibres, avec m ∈ [2, 4, 6, 8] comme illustré sur la Figure 2.6-a. Compte-tenu des symétries,
Comportement effectif - homogénéisation 62
1/4 du VER est modélisé. Dans cet exemple, la formulation en déformations (P DH ) est comparée
à la formulation en contraintes (P CH ). Pour ce faire, les rigidités sont calculées comme les
inverses des souplesses et notées L0Σ
γδ en notations de Voigt (cf Eq. 2.7). On va donc déterminer
les rigidités suivantes :
µDH
T = LE
66 µCH
T = L0Σ
66
(2.30)
LE + LE L0Σ + L0Σ
KLDH = 22 12
KLCH = 22 12
2 2
Sur la Figure 2.7 on vérifie, comme indiqué précédemment, que quand le nombre d’inclu-
sions représentées dans le VER augmente, les propriétés calculées tendent vers la valeur ’exacte’
référencée par # et obtenue par homonégénéisation pèriodique (cf §2.4). La différence maximale
est mesurée pour un VER contenant 2 × 2 fibres, pour le cisaillement (10%) et pour la compres-
sibilité plane (1,5%), et tend vers une valeur négligeable pour un VER de 8 × 8 fibres (1,5% et
0,25% respectivement). Ceci essentiellement parce que les effets des conditions de contraintes et
déformations homogènes au contour deviennent de plus en plus locales, de l’ordre de la grandeur
caractéristique des renforts d par rapport à la taille du VER l.
Comportement effectif - homogénéisation 63
LH = LE et M H = M Σ
Cette équivalence des propriétés obtenues par les 2 types de conditions homogènes au contour est
appelée auto-cohérence. Nous verrons par la suite que les modèle de Mori-Tanaka et le modèle
d’Eshelby-Kröner sont de ce type.
Revenons sur la définition des modules effectifs (Eq. 2.24). Nous avons vu que la connais-
sance des propriétés moyennes par phase était suffisante pour déterminer le comportement effectif
si les tenseurs de localisation en déformations et concentrations de contraintes pouvaient être défi-
nis. De plus, nous avons pu proposer une caractérisation variationnelle de ces propriétés effectives
(Eq. 2.28).
On se propose ici de préciser les tenseurs de localisation(-concentration) et d’utiliser la
caractérisation variationnelle pour donner des bornes à ces comportements effectifs. Ces bornes
seront évidemment précises quand la microstructure pourra être définie précisément. Ici, nous
décrivons l’encadrement le plus simple qui puisse exister, il s’agit des bornes proposées par Voigt
(en 1887) et Reuss (en 1929), encadrées par la suite par Hill (en 1952). Ces bornes se définissent
à partir de tenseurs de localisation supposés constants et de propriétés constantes par phase. Soit
pour Voigt, on suppose que les déformations dans les phases sont identiques aux déformations
moyenne ((− →
x ) = E h ), ce qui implique une localisation d’après l’Eq. 2.20, telle que
(−
→
x , t) = Ax (−
→
x 0 ) : E(t) ⇒ Ax (−
→
x 0) = I
⇔
H
L = L (−
x →
x , t) : Ax (−
→
x 0) V
⇒L = L (−
x →
x , t)
ce qui revient à une loi des mélanges en rigidité, comme indiqué suite à l’interprétation de l’Eq.
2.24. Il ressort de la caractérisation variationnelle que l’encadrement de ces propriétés effectives
est tel que :
1 H
L : E : E = inf w((− →
v )) (2.31)
2 v∈DH
ce qui implique que cette approximation de la rigidité ne peut être qu’une approximation par
excès, soit :
LH : E : E ≤ LV : E : E (2.32)
par excès :
1 H
M : Σ : Σ = − inf τ ∈CH w∗ (τ (−
→
x ))
2
(2.33)
⇒ MH : Σ : Σ ≤ MR : Σ : Σ
Ces bornes constituent les approximations les plus simples qui puissent être envisagées,
et il faut veiller à les replacer dans le cadre simplifié à l’excès de la description de la micro-
structure : on ne fournit aucune information sur la topologie de la micro-structure. Finalement,
ces approximations permettent d’encadrer le comportement effectif, qui peut être anisotrope
dans le cas général, et qui devra vérifier ces inégalités au sens énergétique. De plus, on peut
légitimement penser que les approximations plus réalistes devront fournir des propriétés entrant
dans cet encadrement
−1
R
M ≤ LH ≤ LV (2.34)
Nous verrons dans la suite comment prendre en compte une telle topologie. On peut
toutefois utiliser ces bornes de Voigt et Reuss pour caractériser les comportements hydrostatiques
et déviatoriques qui apparaissent indépendamment dans une loi de comportement. Pour rappel,
dans un matériau isotrope, on a :
L = 2µJ + 3κK
où les tenseurs qui permettent cette décomposition sont tels que :
1 1
I =J +K Iijkl = (δik δjl + δil δjk ) Kijkl = δij δkl
2 3
Ces propriétés effectives sont obtenues à partir du calcul des énergie de déformation et
énergie de déformation complémentaire, conformément aux Eqs. 2.31-2.32 et 2.33. Pour notre
composite UD Al/SiC, les modules qui nous intéressent se calculent d’après les inégalités éner-
gétiques (Eqs. 2.31 et 2.33). Pour le module de cisaillement transverse, on obtient :
1
≤ µt ≤ 2 w((−
→
v )) (2.35)
8 w∗ (τ (−
→
x ))
avec :
λ 1+ν − ν
w((−→ tr(−
→v )) +µ(− →v ) : (−
→ w∗ (τ (−
→ τ (→
x ) : τ (−
→ tr(τ (−
→
2 2
v )) = v) x )) = x )− x ))
2 2E 2E
ce qui conduit à l’expression suivante correspondant à une loi des mélanges en rigidité et en
souplesse lorsque les composantes des déformations et des contraintes sont choisies pour faire
’travailler’ ces énergies selon les composantes du comportement à identifier, ici les cisaillements
plans = (− →e1⊗− →e2+− →e2⊗− →e 1 ) et τ = (−
→
e1⊗− →e2+− →
e2⊗− →e 1) :
µf µm
≤ µT ≤ µf + Vf (µm − µf )
µm + Vf (µf − µm )
Comportement effectif - homogénéisation 66
ce qui donne, pour notre composite Al/SiC, un encadrement (en GPa) 39, 93 < µT < 83, 93 à
comparer à la valeur obtenue par homogénéisation périodique µ#
T = 41, 91.
ce qui donne, pour notre cas d’étude, un encadrement (en GPa) 95, 63 < K < 153, 7 à comparer
à la valeur obtenue par homogénéisation périodique K # = 102, 41.
Il faut, de plus,noter que contrairement à ces propriétés déviatoriques et hydrostatiques
totalement indépendantes, le calcul de la rigidité équivalente dans le plan d’isotropie n’est pas
direct et donne : −1 −1
1 1 −1 1 −1
≤ ET ≤ hµT i + hKi (2.37)
ET 3 9
L’encadrement des propriétés effectives par ces bornes permet de tracer des fuseaux, appelés
fuseaux de Hill et présentés sur les Figures 2.8 et 2.9. Les propriétés effectives sont données ici
en fonction de la fraction volumique de fibres Vf et par rapport aux propriétés mécaniques de la
matrice µm et κm
Comportement effectif - homogénéisation 67
Figure 2.8 : Fuseaux de Hill - bornes de Voigt et Reuss - pour le cisaillement plan dans un UD
Al/Sic (Figure 2.6).
Figure 2.9 : Fuseaux de Hill - bornes de Voigt et Reuss - pour le module de compressibilité plane
dans un UD Al/Sic (Figure 2.6).
Comportement effectif - homogénéisation 68
Se pose en effet la question de la prise en compte des conditions de périodicité des dépla-
cements et de l’anti-périodicité des contraintes, et également de la façon d’introduire des champs
à variation lente (macro) et leurs homologues à variations rapides (micro) dans la même discré-
tisation. Diverses méthodes existent pour résoudre le problème sur le VER périodique, elles ont
en commun d’imposer des chargements sur le contour et d’en déduire le comportement effectif
caractérisé par des variables duales : si on impose des contraintes sur le contour, la déformation
correspondante doit être déduite de la résolution du problème, si on impose un déplacement on
utilise les réactions résultantes pour caractériser la réponse effective. On retrouve ici la notion de
’faire travailler’ les composantes de comportement recherchées déjà abordée dans l’utilisation des
bornes de Voigt et Reuss sur l’exemple de l’UD Al/SiC.
Les approches utilisées sont généralement de type discrétisation du VER par des éléments
finis, auquel cas il faut intégrer les conditions restrictives sur les déplacements et les contraintes.
Cette méthode d’homogénéisation introduit, directement ou par des calculs que nous détaille-
rons un peu ci-dessous (échelles multiples), des composantes des champs de déformations et
contraintes de façon à obtenir des variations rapides et lentes des propriétés. L’effort nécessaire
à la formulation de problèmes couplés micro-macro (variations lentes et rapides) peut être réalisé
au moment de la formulation, c’est le cas de la méthode présentée ci-dessous, ou au moment de
la discrétisation (cf VER maillé dans la Figure 2.10) avec toutes les précautions de convergence
Comportement effectif - homogénéisation 69
que cela requiert. Enfin, lorsque ce VER est discrétisé, une formulation spécifique par éléments
finis doit être mise en œuvre pour intégrer les conditions de périodicité et de représentation des
chargements macro agissant sur la cellule. Il existe également des méthodes se basant sur la des-
cription de micro-structure par traitements à base de transformées de Fourier rapides et prenant
en compte les interactions via des opérateurs de Green, offrant l’avantage d’éviter la discrétisation
tout en conservant l’idée des variations lentes et rapides des propriétés.
Cette approche d’homogénéisation repose sur la méthode des échelles multiples associée
à des développements asymptotiques. Elle aboutit à une formulation spécifique de problèmes
locaux, rapides à résoudre et ne nécessitant pas de modifications par rapport à un calcul de
structure classique. Le principe consiste à reformuler ce problème grâce à une décomposition
multi-échelles, identifiant une échelle d’évolution lente des propriétés (macro ou effective) et une
échelle rapide (micro) de variation des propriétés locales, telle que présenté sur la Figure 2.11.
Figure 2.11 : Variations rapides et lentes du déplacement sur un VER périodique u1 (x1 ) pour une
déformations macro E11 homogène périodique.
Pour prendre en compte ces 2 échelles de variations, il s’agit d’introduire une variable
rapide −
→y , tandis que la représentation moyenne se fait à l’aide de la description standard −
→
x.
−
→
La grandeur 2η (<< 1) étant caractéristique de la taille du VER centré sur le point x c (Figure
2.12), on propose la transformation homothétique de changement d’échelle dont découlent les
opérateurs de dérivation utilisés dans la formulation du problème de mécanique :
−
→
x −−→
xc d ∂ 1 ∂ 1
−
→
y = = + , ∇(·) = ∇x (·) + ∇y (·), . . . (2.38)
η dxi ∂xi η ∂yi η
Les champs mécaniques sont également caractérisés par une variation locale et une variation
globale, ou exprimés de façon générale sous la forme de développements asymptotiques en fonction
Comportement effectif - homogénéisation 70
0 (−
→
u ) = x (−
→
u 0 ) + y (−
→
u 1)
(2.40)
avec x (−→
u 0 ) = x (− →u 0 ) = E par définition, et y (−
→
D E D E
u 1 ) = 0 par périodicité
Les champs de contraintes Eq. 2.39-a sont ensuite introduits dans les équations d’équilibre
réécrites avec les règles de dérivation Eq. 2.38, ils permettent de formuler les conditions d’équilibre
aux 2 échelles macro et micro par identification des termes relatifs aux puissances du paramètre
de développement η
−→ −
→
−→ −
→ O( η1 ) : div y σ 0 (−
→
x ,−
→
y ) = 0 (champ localement auto-équilibré)
divσ + f = 0 −→ −→ −
→ (2.41)
O(1) : div y σ 1 (− →
x ,−
→
y ) + div x σ 0 (−
→
x ,−
→
y)+ f =0
La seconde équation de cet équilibre (Eq. 2.41) peut être simplifiée, en notant que la moyenne
sur le VER de la divergence locale est nulle par périodicité < divy (·) >= 0. Il ne reste donc que la
−
→
divergence lente divx σ 0 (−
→
x ,−
→
y )+ f = 0 qui peut être réécrite en fonction du comportement local
qui s’écrit en fonction de la déformation totale, constituée de 2 termes (Eq. 2.40) : σ 0 (−→
x ,−
→
y)=
Comportement effectif - homogénéisation 71
L(−
→ −
→
y) : E + y ( u 1 ) . Soit pour caractériser la loi de comportement effective et l’équilibre
associé, les équations à l’échelle macroscopique s’écrivent :
D−
−− → −
→
−
→ →E − →
divx L( y ) : E + y ( u 1 ) + f = 0 , avec
−
→ −
→ −
→ (2.42)
Σ = L( y ) : E + L( y ) : y ( u 1 )
= LH : E
Ce problème de calcul de structures est bien posé, le vecteur déplacement micro est défini à une
constante près −
→
u 1 et la contrainte macroscopique σ 0 est unique.
2 problèmes anti-plans P α3 permettent de trouver les cisaillements dans les plans incluant l’axe
de révolution (direction des fibres). Ces problèmes sont similaires à des problèmes de thermique,
de type Laplacien, sous un chargement E α3 donnant accès aux σ0−α3 , ils s’écrivent :
∂σα3 (−
→
x ,−
→
y) − →
= 0 , ∀− →x ∈ V ER
∂y
α3 β
P 1 (2.45)
−
→ −
→ −
→ ∂u3
σα3 ( x , y ) = µ( y )
+ Eα3
∂yα
Comportement effectif - homogénéisation 72
et enfin, le problème P 33 destiné à déterminer la rigidité dans la direction des fibres pour un
composites à fibres longues est du même type que les problèmes P αβ (Eqs. 2.44) avec comme
déformation résiduelle E 33 donnant accès aux σ0−33 . Ce problème possède une solution évidente
quand les fibres sont beaucoup plus rigides que la matrice (Ef >> Em ), ce qui est généralement
le cas dans les composites Hautes Performances.
Figure 2.13 : Problèmes P kh à résoudre pour déterminer les propriétés effectives - problème P 33
évident (traction sens fibres) ne présentant pas de variations locales.
A titre d’exemple, on présente ci-dessous des résultats obtenus par F. Léné (1984) pour des
composites à fibres longues de type fibres de verre E et résine époxyde. Les propriétés matériaux
sont Ef = 85 GPa, νf = 0, 22, Em = 4 GPa, et νm = 0, 34. Sur la Figure 2.14 sont présentés
le maillage finalement retenu pour la résolution du problème sur 1/8ième du VER. La Figure 2.15
présente les résultats obtenus pour différentes rigidités.
Sur cette Figure, on observe que la rigidité prévue dans la direction des fibres, notée E3 ,
est correctement approchée par une approche de type Voigt (en déplacements) tandis que le
comportement dans le plan d’isotropie, (O, − →e 1, −
→
e 2 ) ici, peut être raisonnablement approché par
une approche de type Reuss en contraintes (Figure 2.15). Nous verrons que des prévisions plus
fines peuvent être proposées dans le cas des composites à fibres longues. Ce type d’approximation,
Comportement effectif - homogénéisation 73
spécifique aux composites à fibres longues, est par exemple celle utilisée pour prévoir la rigidité G12
dans le plan d’isotropie, et notée Lo&Cristensen sur la Figure 2.16. En effet, aucune approximation
simple ne permet d’approcher cette rigidité (cf Eq. 3.19). Par contre, le cisaillement dans les
plans contenant la direction des fibres (G13 = G23 ) est raisonnablement estimé par une approche
de Reuss.
Figure 2.15 : Rigidités pour un UD verre/époxyde obtenus par homogénéisation périodique (Figure
2.14) - méthode des échelles multiples, d’après Léné (1984).
Comportement effectif - homogénéisation 74
Figure 2.17 : Fuseaux de Hill pour la rigidité dans le plan pour le composite Al/SiC présenté sur
la Figure 2.6.
Il faut noter que cette méthode est très efficace en temps de calculs et fournit de très
bon résultats. Par contre, l’introduction de comportements spécifiques, comme par exemple les
comportements non-linéaires (plasticité, endommagement, ...) ne peut être traité directement
avec de telles méthodes. Ceci peut être envisagé pour des micro-strucures incluant des proprié-
tés complexes, voire de la propagation de fissures, en représentant des VER contenant un très
grand nombre d’inclusions (de phases rigides en général) en veillant à ce que les résultats soient
indépendants de la forme du VER et du nombre d’inclusions représentées. C’est ce qui a été fait
dans l’exemple Al/SiC traité ci-dessus, comme on peut le voir pour la représentation d’1/4 de
VER avec un maillage de quelques milliers d’éléments sur la Figure 2.6. Un autre exemple est
proposé ci-après, utilisant un VER dans lequel les matériaux ont un comportement non-linéaire
obtenu par des considérations d’homogénéisation basiques.
Comportement effectif - homogénéisation 76
de la Figure 2.18, l’état de contraintes correspondant à l’équilibre est modifié en imposant une
déformation initiale homogène à une région ellipsoïdale. On peut faire apparaître, dans ce même
cheminement, les états de contraintes comme sur la Figure 2.19. Notamment, les déformations
compatibles (ε) solutions de ce problème se définissent comme la différence entre les déformations
totales (εI ) et les déformations libres (εt ). On en déduit aisément les contraintes dans l’inclusion
subissant des déformations libres qui s’écrivent en fonction des déformations compatibles seules :
σ I = L : εI − εt , avec εI inconnue qui représente le nouvel équilibre imposé par la présence
de l’inclusion. Le problème se pose alors sous la forme :
−
→
ε C.A. - compatible, i.e. dérive d’un déplacement u , et ε → 0, loin de I
σ = L : ε, dans V \I
σ = L : εI − εt , dans I (2.47)
( −→ −
→
div(σ) = 0 , dans I ∪ V \I
σ S.A. ⇔
|σ − σ| .−
I →
n = 0, sur ∂I
εI = S E : εt (2.48)
Comportement effectif - homogénéisation 78
où le tenseur d’Eshelby dépend des modules d’élasticité et la géométrie de l’inclusion, mais n’est
pas totalement symétrique (symétries mineures Sijkl = Sjikl = Sijlk ). En effet, ses composantes
se déduisent du tenseur de Green qui permet d’exprimer la solution d’un problème infini de
−
→
rigidités L0 en un point −
→
x lorsqu’une sollicitation unitaire agit au point x0 . Par exemple, pour
une inclusion on écrit de façon générale en déplacements :
−
→0 −
→
Z
−
→ −
→ −
→ L : ε .− →
u(x)= 0
G∞ x − x 0 t
n ( x0 ) dS 0
∂I
qui n’a d’expression connue que dans un nombre de cas restreint, comme le cas isotrope. Nous
n’entrerons pas dans les détails de la détermination des composantes de ce tenseur.
Cette solution proposée par Eshelby est valable pour toute ellipsoïde de longueur l et de
diamètre d mesuré en son centre, ce qui permet de s’intéresser à la quasi-totalité des matériaux
composites en prenant des cas particuliers de dimensions de cette ellipsoïde. Ces cas particuliers
les plus connus sont des sphères (l = d), des disques ou plaquettes (’penny-shapes’) dont l’élan-
cement λ = l/d est plus petit que 1 ou encore des cylindres dont l’élancement λ = l/d → ∞.
Ce dernier cas est largement employé pour les composites à fibres longues, les composantes du
tenseur d’Eshelby s’écrivent, pour un ellipsoïde noyé dans une matrice de coefficient de Poisson
Comportement effectif - homogénéisation 79
S3333 = 0
5 − 4νm
S1111 = S2222 =
8 (1 − νm )
4νm − 1
S1122 = S2211 =
8 (1 − νm )
νm
S1133 = S2233 =
2 (1 − νm )
S3311 = S3322 = 0
3 − 4νm
S1212 =
8 (1 − νm )
1
S3131 = S3232 =
4
σ I = L : εI + τ I avec τ I = −L : εt . (2.49)
cette relation étant biunivoque puisque le tenseur de comportement est défini positif, la solution
d’Eshelby (Eq. 2.48) peut se mettre sous une forme plus pratique, en introduisant le tenseur de
Hill P qui possède les propriétés de symétries classiques, contrairement au tenseur d’Eshelby :
et qui ne dépend que des propriétés du milieu infini dans ce problème d’inclusion homogène (et
de la forme de l’inclusion homogène). De façon duale, on peut définir le tenseur Q à partir des
contraintes dans l’inclusion σ I = L : εI − εt :
I t E
σ = −Q : ε avec Q = L : I − S = L − L : P : L.
Partant de la solution d’Eshelby caractérisant l’état de contraintes qui règne dans une
partie du milieu homogène subissant des déformations libres, par analogie on montre que cette
solution vaut également pour une inclusion hétérogène dans un milieu infini de propriétés L0 .
L’interface entre l’inclusion et le milieu environnant sera supposée parfaite - transmission inté-
grale du vecteur contrainte normal et continuité des déplacements. Dans ce cas, le problème de
Comportement effectif - homogénéisation 80
l’inclusion homogène (Eqs. 2.47) se récrit en supposant que l’inclusion se représente comme une
inhomogénéité des modules d’élasticité LI = L0 + ∆LI
ce qui correspond au même problème que le problème d’Eshelby homogène, mais avec une pola-
risation modifiée par rapport à l’expression précédente (Eq. 2.49) :
0 I
I
σ = L + ∆L : εI − εt
(2.52)
0 I 0I 0I I I
= L :ε +τ avec τ = τ + ∆L : ε
sous réserve que la polarisation est homogène. Ceci n’est pas vrai a priori puisque le champ de
déformation peut fluctuer dans l’inclusion. Toutefois, compte-tenu des dimensions des inclusions
supposées très petites devant la taille du milieu environnant, on considère cette polarisation
homogène correspondant à une déformation supposée égale à εI . Cette hypothèse assure la
linéarité de la solution au sens du problème d’Eshelby en dissociant déformations libres et contraste
de propriétés (∆LI : (εI − εt ) ∆LI : εI ).
Ce qui permet, par analogie avec le problème homogène, de donner la déformation totale
dans l’inclusion en fonction du tenseur de Hill (Eq. 2.50) :
I 0 0I 0 I I I
ε = −P (L ) : τ = −P (L ) : τ + ∆L : ε
(2.53)
−1
⇒ P − L + L : εI = −τ I en rappelant que LI = L0 + ∆LI
0 I
qui ne dépend que des propriétés du milieu infini et de la géométrie de l’inclusion. De par les
propriétés du tenseur de Hill P , ce tenseur d’influence L? est symétrique, défini positif, et ses
composantes ont les dimensions de modules d’élasticité. On peut donc inverser la relation ci-dessus
et aboutir à l’expression des déformations totales dans l’inclusion en fonction de la polarisation :
−1
I ? I
ε =− L +L : τI
Comportement effectif - homogénéisation 81
La relation duale conduit à définir le tenseur M ? qui a la dimension d’un tenseur de souplesse :
−1
I ? I
σ =− M +M : εt (2.55)
Interprétation du tenseur d’influence de Hill Comme illustré sur la Figure 2.20, la signification
du tenseur d’influence de Hill peut se déduire de l’analogie avec un élément de matière de rigidité
−
→
L sur lequel des efforts surfaciques T = σ.− →n sont imposés afin de lui imposer un déplacement
homogène− →
u = ε.− →
x . Le tenseur d’influence de Hill exprime la réponse du matériau entourant
l’inclusion lorsque des efforts agissant sur l’interface inclusion-milieu infini cherchent à imposer une
déformation homogène correspondante (d’où le signe - correspondant à un effort de compression si
la déformation est positive telle qu’un gonflement). On peut d’ailleurs établir que le comportement
de l’inclusion se déduit totalement de ce tenseur d’influence de Hill :
σ I = −L? : εI (2.56)
Figure 2.20 : Schématisation des efforts dans le problème inhomogène d’Eshelby - analogie avec un
élément de matière subissant des déformations homogènes (grandeurs vectorielles et tensorielles
en caractères gras).
Le cas extrême où l’inclusion est beaucoup plus rigide que le milieu infini permet de montrer
que l’inclusion va ’imposer’ sa déformation libre au milieu infini, la part de déformation ’élastique’
étant dans ce cas négligeable (εI ≈ εt ). En partant de la relation (Eq. 2.55) :
−1
σ ≈ M?
I
: εt = −L? : εt
risation τ I = −L0 : εt (Eq. 2.50) dans un milieu infini de rigidité L0 et une inhomogé-
néité de rigidité LI dans une matrice infinie de rigidité L0 en l’absence de déformations libres
(τ 0I = [LI − L0 ] : εI ). Autrement exprimé, la polarisation qui agit sur la région I dans le pro-
blème d’Eshelby homogène est équivalente au contraste de propriété dans le cas inhomogène :
τ I = −L0 : εt ⇔ τ 0I = ∆LI : εI . Cette formulation nous a permis de mettre en place le tenseurs
d’influence de Hill à partir du tenseur d’Eshelby.
Comme indiqué au début de cette partie, les problèmes d’Eshelby homogène puis inhomo-
gène ont servi à définir en premier lieu le tenseur d’Eshelby, puis le tenseur d’influence de Hill
caractérisant les efforts qu’une inclusion va induire à son interface avec le milieu environnant.
Dans le but de déterminer les propriétés effectives, il faut maintenant envisager les chargements
qui peuvent s’appliquer sur ces ’VER’ constitués d’un milieu infini muni d’inclusions. En effet,
jusqu’à présent nous avons considéré le cas où les déformations / contraintes s’annulaient à l’in-
fini. Supposons qu’une déformation homogène agit à l’infini. On aura donc la déformation ε qui
doit tendre vers la déformation homogène imposée E loin de l’inclusion, ce qui correspond à une
contrainte à l’infini Σ = L0 : E.
Compte-tenu des linéarités, le problème d’Eshelby à traiter est ici très proche du problème
homogène, et s’étend aisément au problème inhomogène, puisque les champs de contraintes
et déformations totaux sont simplement les superpositions des champs locaux et globaux, et
ceci indépendamment du comportement de l’inclusion, ce qui permet de relier les contraintes et
déformations locales conformément à la relation générale (Eq. 2.56) :
σ I − Σ = −L? : εI − E
(2.57)
cette relation étant valable quelque soit le comportement de l’inclusion, comme déjà noté précé-
demment et comme le montre clairement la relation établie pour ce tenseur d’influence de Hill (Eq.
2.54). C’est en particulier le cas pour une inclusion de comportement LI , correspondant au pro-
blème inhomogène traité précédemment, mais dont les déformation libres sont nulles. Les relation
établies pour le problème d’inhomogénéité restent évidemment valables, et permettent d’écrire
simplement la relation de localisation des déformations à partir des comportements (Σ = L0 : E
et σ I = LI : εI ) introduits dans la relation 2.57 :
−1
I ? I
? 0
ε = L +L : L +L :E (2.58)
εI = S E : εt et σ I = L : εI + τ I avec τ I = −L : εt .
εI = −P : τ I avec P = S E : L−1 = S E : M .
= L0 : εI + τ 0 I avec τ 0 I = τ I + ∆LI : ε
I
εI = −P : τ 0 et si εt = 0 εI = −P : ∆LI : εI
−1
? −1 0 I ? I I ? I
L =P − L avec σ = −L : ε et ε = − L + L : τI
σ I − Σ = −L? : εI − E
−1
I ? ? I
0
ε = L +L : L +L :E
On rappelle que la forme générale des relations de localisation est (Eq. 2.20), pour les défor-
mations par exemple, du type ij (− →x ) = Axijkl (−
→
x 0 )Ekl . Il reste donc à caractériser la moyenne de
cette relation de localisation pour en déduire le comportement effectif. Les approches qui suivent
se différencient par le choix des propriétés du milieu infini (propriété de la phase la plus souple, la
plus rigide, propriétés effectives), et par les hypothèses sur les interactions (polarisations) entre
inclusions voisines.
Il reste encore à se pencher sur la question des interactions entre particules. Compte-
tenu des linéarités déjà évoquées, considèrons le cas d’un milieu infini dans lequel 2 inclusions
ellipsoïdales I1 et I2 sont centrées en −
→
x 1 et −
→
x 2 , subissant des polarisations τ 1 et τ 2 , et possédant
Comportement effectif - homogénéisation 84
Ce problème possède une solution qui est la superposition de 2 problèmes linéaires prenant
respectivement les polarisations τ 1 6= 0 et τ 2 = 0, et τ 1 = 0 et τ 2 6= 0. Les solutions s’écrivent :
ε(−
→
x ) = −G1 (−
→
x −−
→
x 1 ) : τ 1 − G2 (−
→
x −−
→
x 2 ) : τ 2 , ∀−
→
x ∈V (2.61)
les opérateurs G1 et G2 étant liés à la résolution du problème d’inclusion par les intégrales de
Green (§2.5.1) pour les problèmes d’Eshelby liés aux inclusions I1 et I2 . Ces opérateurs peuvent
éventuellement être égaux pour des inclusions ayant même géométrie. Le point le plus important
ici est que la déformation solution n’est plus homogène dans les inclusions. En effet, la déformation
résultante est la somme d’une déformation homogène pour ce qui concerne la polarisation de
chaque inclusion sur elle-même (de I1 sur I1 ), et d’une part liée à la polarisation de l’autre
particule (de I2 sur I1 ). Ceci se généralise à n particules. Or, comme nous l’avons noté dans le
cas de l’inhomogénéité, la polarisation doit être constante par phase pour utiliser la solution de
base proposée par Eshelby. Le traitement des interactions n’est donc pas possible simplement par
cette approche ; nous y reviendrons dans le §2.6 consacré aux estimations et bornes du second
ordre prenant en compte ces interactions.
Les estimations proposées ci-dessus pour les expressions de localisation des déformations
(Eq. 2.58) et de concentration des contraintes (Eq. 2.59) ne sont donc valides que pour des
matériaux dans lesquels les inclusions/inhomogénéités possèdent peu d’interactions entre elles
car seule la polarisation des inclusions sur elles-mêmes est prise en compte. Il s’agit alors de
milieux dits à faible concentration, et le milieu infini peut être assimilé à un VER dans lequel une
inclusion est présente, le chargement à l’infini ε0 s’identifiant au chargement macroscopique E.
On peut alors se ramener à la solution d’Eshelby pour une polarisation uniquement de l’inclusion
sur elle-même, du type τ 0I = [LI − L] : εI (Eq. 2.52). Par exemple, pour un matériau biphasé,
le comportement du milieu infini (en plus grand volume dans le composite) sera celui de la
matrice, noté L0 = Lm , et les inclusions, présentes en concentration ci auront un comportement
LI = Li . En supposant que les déformations sont homogènes par phase, puisque implicitement
les inclusions ont toutes les mêmes propriétés mécaniques et géométriques, on peut exprimer la
relation de localisation pour chaque inclusion i à partir de la relation générale (Eq. 2.58) :
−1
? ?
εi = Lm + Li : Lm + Lm : E (2.62)
Comportement effectif - homogénéisation 85
Nous avons vu précédemment (§2.3.1) que la définition directe des propriétés effectives ne
nécessitait que la connaissance moyenne par phase des propriétés. C’est également le cas dans
cette approximation aux faibles concentrations, la contrainte moyenne se déduit de ces opérations
de moyenne réécrites par rapport au contraste de propriétés entre les inclusions et la matrice :
σ = Σ= L:ε
|Ω|
n
X
−
→ |Ωi |
= Lm : E + ci L( x ) − Lm : εi avec ci =
i=1 |Ωi | |Ω|
Xn
= Lm : E + ci Li − Lm : Ai : E
i=1
Dans notre cas des faibles concentrations, les tenseurs des localisations Ai (εij = Aiijkl Ekl ),
constants sur les phases, se déduisent de la relation de localisation (Eq. 2.62), ce qui conduit à
l’estimation aux faibles concentrations des rigidités :
n
X −1
FC ? ?
L = Lm + ci Li − Lm : Lm + Li : Lm + Lm (2.63)
i=1
Cette relation peut également se mettre sous une forme, sur laquelle nous reviendrons plus
tard, faisant apparaître le tenseur de ’polarisation en déformation’ T défini tel que τ = T : E et
pris ici relativement à la matrice comme milieu de référence :
n
X
FC
L = Lm + ci Ti m (2.64)
i=1
La relation en souplesse peut être écrite, elle conduit à exprimer les souplesses qui sont
l’inverse des rigidités, au premier ordre en ci .
M F C = Mm − ci Mm : Ti m : Mm
Pour le cas du composite Al/SiC déjà utilisé pour Voigt et Reuss, ainsi que pour l’homogénéisation
périodique, cette estimation aux faibles concentrations donne les résultats représentés sur la Figure
2.21. L’approche supposant des déformations homogènes par phase correspond bien entendu à
la borne de Reuss, il en serait de même pour une approche en contrainte homogène par phase
qui conduirait aux mêmes estimations que la borne de Voigt. Ce qui est intéressant, c’est que
plus localement l’estimation aux faibles concentrations fournit une bonne approximation pour des
concentrations jusqu’à 10 %. De plus, le cas illustratif choisi ici n’est pas des plus pertinents
puisque la géométrie des inclusions peut être assez bien représentée (sphère identiques), mais il
s’agit tout de même d’une information supplémentaire par rapport aux bornes de Voigt et Reuss
où seuls les champs de déformations et de contraintes homogènes représentent la micro-structure.
Nous allons, ci-dessous, affiner ces approximations
Comportement effectif - homogénéisation 86
Figure 2.21 : Estimation du comportement d’un UD Al/SiC - y compris estimation aux faibles
concentrations, noté Eshelby FC.
Comportement effectif - homogénéisation 87
En nous limitant aux matériaux biphasés, le milieu de référence est naturellement la ma-
trice (phase présente en plus grande proportion). Dans ce cas, la polarisation est identiquement
nulle dans la matrice, et constante et homogène par phase. Comme dans l’approche aux faibles
concentrations, nous allons donc nous intéresser aux fluctuations inter-phases. Pour résoudre le
cas de ces interactions, Hashin & Shtrikman ont proposé de se placer dans le cadre de matériaux
où les phases interagissent entre elles mais par l’intermédiaire de la réponse du milieu de référence,
pas par une polarisation inter-phase. Nous verrons plus loin l’importance du choix de ce milieu
de référence.
Comportement effectif - homogénéisation 88
Polarisations homogènes
avec les tenseurs P 0 qui sont du même type que le tenseur de Hill (Eq. 2.50), et donc dé-
rs
pendent des propriétés mécaniques et morphologiques des phases mais sont, de plus, porteurs
d’informations statistiques du milieu. Ces tenseurs représentent les interactions moyennes entre
phases et correspondent en fait au problème de localisation plus général, tel que celui d’Eshelby,
résolu par les fonctions de Green (G précédemment), mais incluant de plus des informations de
covariance, des probabilités d’ordre 2, d’où l’appellation d’estimations et bornes d’ordre 2. Ces
probabilités notées Crs expriment la probabilité qu’un point − →x appartienne à la phase r pendant
−
→ −
→
que le point x + h appartient à la phase s. Ces tenseurs s’écrivent :
−
→ −
→ − →
Z
1
0
P = Crs ( h ) − cr cs Γ0 ( h )d h
rs cr V ER(0)
On montre (cf Bornert, Ecole thématique CNRS, 1998) que les tenseurs P 0 peuvent se
rs
déduire d’un seul tenseur, noté P 0 . Revenons au problème de localisation qui peut s’exprimer à
partir de la résolution du système Eqs. 2.66, système à 2 équations et 2 inconnues tensorielles.
Pour cela, il faut estimer la polarisation moyenne dans les phases, qui par définition est (Eq.
2.52) :
τ = −
→ 0
L( x ) − L : ε = L − L : ε = σ I − L0 : ε
0
i i i i
|I|
qui correspond à la solution exacte du problème où les polarisations sont homogènes par phase
(Eq. 2.52). Ceci conduit à la résolution du système d’équations tensorielles (Eqs. 2.66) :
−1
L + L1 : ε?1 = L + L2 : ε?2 = P 0
? ?
: ε0
(2.67)
avec E = c ε? + c ε?
1 1 2 2
avec ε0 une variable intermédiaire, et le tenseur symétrique que nous supposons défini positif pour
l’instant −1
L? = P0 − L0 (2.68)
Le système s’inverse alors facilement, on peut exprimer les déformations dans les phases, puis la
déformation macro à inverser
−1
? ? ?
εr = L + L r : L + L : ε0
0
2
" 2 −1 # (2.69)
X X
? ? ? 0 0
et E = cr ε r = cr L + L r : L +L :ε
r=1 r=1
pour finalement écrire la relation entre les déformations supposées dans les inclusions (ε?r ) et la
déformation macroscopique (E) et en déduire le tenseur de localisation,
−1 "X
2 −1 #−1
Ar ≈ AHS = L? + Lr : cr L ? + L r
r=1
soit la relation de localisation qui donne accès à l’estimation des propriétés effectives dite de
Hashin-Shtrikman en utilisant les relations générales rappelées ci-dessus (Eq. 2.65) :
" 2
X −1 # "X
2 −1 #−1
LHS = cr L r L? + Lr : cr L? + Lr
r=1 r=1
(2.70)
" −1 #−1
LHS = L1 + c2 ?
L2 − L1 : I + c1 L + L1 : L2 − L1
qui peut également se calculer à partir de la contrainte macroscopique et se mettre sous la forme
" 2
X −1 #−1
LHS = cr L? + Lr − L? (2.71)
r=1
−1
HS 0 0
L =L + T : I −P : T avec T = c1 T1 + c2 T2 (2.72)
Comportement effectif - homogénéisation 90
On montre que le tenseur de Hashin-Shtrikman est symétrique défini positif. Les tenseurs
spécifiques P 0 , et donc L? , doivent être évalués à partir de la connaissance statistique de la
distribution des phases. Toutefois, pour une distribution isotrope des phases, les informations
statistiques n’ont plus d’influence, on montre que les tenseurs introduits ici correspondent aux
tenseurs de Hill (P 0 ≡ P 0 (Eq.2.50) ⇒ L? ≡ L? ). Cette approche reste pourtant une amélioration
par rapport aux estimations et bornes introduites jusqu’ici. Par exemple, pour un matériau de
phases constitutives sphériques et de matrice isotrope (L0 = {3k 0 , 2µ0 }), l’estimation de Hashin-
Shtrikman (LHS = 3k HS , 2µHS ) est isotrope et conduit aux expressions suivantes des modules
avec les caractéristiques correspondant au tenseur d’influence de Hill tel que défini précédemment
(Eq. 2.50) :
4 0
k? = µ
3
9k 0 + 8µ0 0
µ? = µ
6 (k 0 + 2µ0 )
Caractérisation variationnelle
Cette estimation étant posée, il est intéressant d’évaluer sa pertinence à l’aide d’un enca-
drement. Pour cela, comme dans le cas des bornes de Voigt et Reuss, une approche variationnelle
peut nous informer sur l’encadrement qui découle de cette estimation, notamment à partir du
lemme de Hill et plus particulièrement de la condition de macro-homogénéité correspondante.
La notion de formulation variationnelle s’entend dans le choix qui peut être fait des champs
de déplacements et de contraintes et des propriétés effectives qui en découlent. En effet, le champs
de déformations ε? , et de contraintes associé σ ? qui nous ont permis d’établir l’expression de la
rigidité ci -dessus (Eq. 2.70) sont des approximations des champs réels ε et σ. Même si ces
champs sont respectivement C.A. et S.A., leur choix conduit à des estimations des propriétés
plus ou moins fidèles. Il convient donc de mesurer l’écart, au sens énergétique du terme comme
nous l’avons fait pour les bornes de Voigt et Reuss, des propriétés obtenues à l’aide de tenseurs
de polarisation supposés constants et les propriétés réelles, si tant est qu’on puisse les atteindre.
Sans entrer dans les détails, on établit l’expression de la fonctionnelle de Hashin-Shtrikman
qui permet de quantifier l’écart entre les énergies de déformations estimées, respectivement de
déformation complémentaire, et l’énergie de déformation correspondant au champ de déformation
réel, respectivement au champ de contraintes réel. Il ressort que cet écart, quadratique en les
Comportement effectif - homogénéisation 91
Cette démarche, systématique par essence (familles de tenseurs) permet de plus de montrer quer
les tenseurs de Hashin-Shtrikman sont les meilleures estimations des modules effectifs que l’on
puisse construire avec des champs de polarisation homogènes par phase. Le choix de la polarisation
étant validé, il reste maintenant à définir le milieu de référence indicé 0 ici.
Cette propriété n’est pas liée à l’isotropie des constituants. De plus, on vérifie d’après l’expression
Eq. 2.71 que si le milieu de référence est beaucoup moins rigide que les constituants (L? << Lr ),
la rigidité obtenue correspond à la borne de Reuss, et inversement si le milieu de référence est
beaucoup plus rigide que les constituants, on obtient la borne de Voigt. On s’assure ainsi que
le modèle de Hashin-Shtrikman respecte l’encadrement de Voigt et Reuss quelque soit le choix
du milieu de référence. Ceci se vérifie dans la suite où en choisissant judicieusement le milieu de
référence on peut obtenir 3 types d’approximations.
Bornes de Hashin-Shtrikman
Compte-tenu des relations existant entre les rigidités des phases par rapport aux rigidités
du milieu de référence, les choix les plus directs consistent à prendre comme milieu de référence
le milieu le plus rigide ou le milieu le moins rigide. Dans le cas général, pour des matériaux
multi-phasés, on obtiendra la meilleure borne supérieure notée LHS+ en considérant le plus petit
majorant des modules des constituants, et la meilleure borne borne inférieur notée LHS− en
considérant le plus grand minorant des modules des constituants. Ces bornes améliorent les
approximations de Voigt et Reuss comme on peut le vérifier sur la Figure 2.22 correspondant au
cas de l’Al/SiC traité depuis le début de cette partie sur l’homogénéisation
Lorsque les phases sont ”ordonnées”, le milieu de référence s’identifie à l’un des constituants.
Dans le cas plus général les propriétés peuvent ne pas être pas clairement ’ordonnées’, i.e. une
phase définie comme milieu de référence pour une propriété peut ne plus l’être pour une autre
propriété, en fonction des caractéristiques des phases.
On verra dans le Chapitre suivant, que pour des matériaux bi-phasés tels que les composites
à fibres longues, ces bornes sont les solution exactes de problèmes micro-mécaniques locaux. On
vérifie de plus que l’écart entre ces bornes est du second ordre par rapport au différentiel des
propriétés mécaniques, tandis qu’il est du premier ordre pour les bornes de Voigt et Reuss. Par
exemple, pour le module de compressibilité k détaillé dans l’expression Eq. 2.73 pour un milieu
isotrope constitué de phase isotropes l’écart entre les bornes est :
? ?
k+ − k−
k HS+ − k HS− = c1 c2 (k2 − k1 )2 ? ?
(1 + o(k2 − k1 ))
(k1 + k+ )(k1 + k− )
Modèle de Mori-Tanaka
Si on revient au modèle dit aux faibles concentrations, on se rappelle que les déformations
sont supposées homogènes par phase dans le cas d’un composite à renforts particulaires. L’hypo-
thèse de polarisation homogène dans les particules, qui conduit au modèle de Hashin-Shtrikman
vu ci-dessus, est donc parfaitement vérifiée dans ce cas. Le modèle de Mori-Tanaka reprend cette
idée pour un matériau bi-phasé, en supposant que le milieu environnant, i.e. la phase en plus
grande fraction dans le milieu bi-phasé, est la matrice de propriétés indicées m, tandis que les
renforts particulaires représentent la seconde phase dont les propriétés sont indicées i.
Le modèle résultant, valable pour des concentrations non-négligeables d’inclusions ellipsoï-
dales, alignées ou non, conduit à des expressions analytiques dans le cas de sphères, disques, ou
fibres longues. Cette approximation s’écrit, en partant d’une forme faisant intervenir le tenseur
de ’polarisation en déformation’ T (Eq. 2.72) :
−1 −1
MT m −1 m
L = L m + ci T i : I − ci P : T i = L m + ci : T i − ci P (2.77)
qui peut être comparée à la forme correspondante dans le cas de l’estimation aux faibles concen-
trations. En se plaçant dans le cas de sphères distribuées de façon isotrope, le tenseur de polari-
sation correspond au tenseur défini à partir des tenseurs de Hill, soit Ti Ti m car P m ≡ P m .
La différence entre ces approximations (Eq. 2.77 - Eq. 2.64) fournit la correction apportée par le
modèle de Mori-Tanaka par rapport à l’estimation aux faibles concentrations :
−1
m
I − ci P : Ti
c petit
On vérifie que cette correction devient négligeable quand la concentration est faible, LM T −→
LF C . Par contre, quand la concentration devient plus importante, la correction est strictement
positive, l’approximation de Mori-Tanaka est donc systématiquement plus raide que celle aux
faibles concentrations. De plus, elle apporte des informations sur la morphologie, mais surtout sur
les distributions. Cette correction correspond en fait à la relation entre le champ de déformation
macroscopique E et le chargement agissant à l’infini ε0 dans le problème d’inclusion d’Eshelby
de référence. Elle quantifie la polarisation en déformation agissant sur les inclusions, qui ne se
limite plus à l’auto polarisation τ i = Ti : E comme dans le cas de faibles concentrations, mais
devient une polarisation τ i = Ti : [ε0 − E] ; les inclusions voient une déformation locale moyenne
uniforme due aux inclusions voisines et au chargement à l’infini, et qui est ici la déformation qui
règne dans la matrice.
Pour les composites à fibres longues, les estimations des rigidités restent correctes en
dessous de 10 %. Au-delà, l’interaction entre les inclusions n’est plus négligeable, comme nous
l’avons vu ci-avant dans l’estimation aux faibles concentrations. Par contre, l’expression des
Comportement effectif - homogénéisation 94
propriétés est explicite et le modèle assure l’auto-cohérence, ce qui garantit des résultats rapides
à évaluer.
ce qui implique que les déformations et contraintes moyennes sont égales au chargement macro-
scopique. On en déduit les expressions suivantes des approximations auto-cohérentes en partant
des déformations moyennes calculées à partir des déformations locales
2
X −1 −1
? ? AC
ε = ε0 Eq. 2.69 cr L + L r = L +L
−−−−−→ r=1
2 −1 −1 (2.78)
X
σ = LAC : ε0 cr Lr : L? + Lr = LAC : L? + LAC
r=1
On montre que cette équation possède toujours une solution, car comme nous l’avons indiqué
précédemment (Eq. 2.75) l’approximation de Hashin-Shtrikman est une fonction croissante des
rigidités, et cette approximation est toujours plus faible que la borne de Voigt et plus grande que la
borne de Reuss, au sens énergétique de Hill, pour tout L0 (Eqs. 2.74). L’équation d’auto-cohérence
ne pouvant être résolue analytiquement que dans quelques très rares cas, on utilise généralement
une résolution itérative telle que L(i+1) 0 = LHS (L(i) 0 ). La suite L(i) 0 correspondante construite
à partir d’une borne de Voigt est décroissante et minorée, elle converge vers un tenseur d’ordre
4 symétrique défini positif.
Comportement effectif - homogénéisation 95
Les résultats obtenus dans le cas du composite Al/SiC montrent que cette approximation
est la meilleure dans ce cas (Figure 2.23). Les informations des interactions entre renforts intrin-
sèquement absentes dans le modèle d’Hashin-Shtrikman sont ici introduites par la mise à jour,
au cours des itérations, des propriétés effectives.
linéaire sont couramment utilisées, au moins pour les rigidités. Pour la résistance, nous verrons
dans le Chapitre 4 que des approches locale-globale sont souvent employées.
2.8 Conclusions
Dans ce chapitre, nous avons passé en revue les méthodes d’homogénéisation les plus ré-
pandues, permettant d’établir le comportement effectif d’une micro-structure donnée caractérisée
par les propriétés des phases constitutives et les distributions statistiques de ces phases. Après
avoir rappelé la nécessité de définir clairement les échelles d’observation, pour des comportements
variant lentement au niveau macroscopique mais rapidement au niveau local, nous avons posé les
bases de l’homogénéisation qui consiste à établir des relations de localisation des déformations et
de concentrations des contraintes. Le comportement effectif peut en effet être vu comme le com-
portement moyen, c’est-à-dire obtenu à partir de la moyenne de ces relations entre les champs
macroscopiques et locaux.
Afin d’établir ces relations de localisation, nous avons formulé le problème dans un cadre
standard du calcul de structures, sur un VER muni de conditions aux limites et de conditions
de chargements. Ces chargement sont destinés à faire ’travailler’ les composantes de la réponse
mécanique à identifier. La solution de ce problème étant posée de façon formelle, se pose la
question de la qualité des approximations obtenues. Le lemme de Hill permet d’évaluer cette
qualité d’un point de vue énergétique.
Dans le cadre de l’élasticité linéaire, une définition directe des modules effectifs a été pro-
posée suivie de la caractérisation variationnelle de cette approximation qui a permis de vérifier
que les approches en déformations et contraintes homogènes au contour fournissent un encadre-
ment du comportement effectif. Dans le prolongement, les bornes de Voigt et Reuss, obtenues
respectivement pour des contraintes et des déformations supposées homogènes par phase ont été
proposées. Elles constituent une première approche où la description de la micro-structure est
réduite à sa plus simple expression, à savoir la fraction volumique des phases.
Le cas particulier des milieux périodiques a ensuite été envisagé, avec une mise en évidence
de l’importance des conditions de périodicité et des conditions de chargement sur la frontière
du VER qui se limite, dans ce cas particulier, à un renfort noyé dans la matrice. Partant de ce
VER, une approche directe du comportement de la microstructure ne peut être proposée car la
dépendance au chargement est trop marquée. Au contraire, en explicitant le problème mécanique à
l’aide des échelles multiples, on assure la périodicité des champs, et on se ramène à un problème de
type thermo-élasticité qui peut être facilement et rapidement résolu numériquement. L’alternative
consiste à considérer un VER contenant un nombre de renforts suffisant, et on a vérifié que les
propriétés ainsi obtenues correspondent aux propriétés effectives dans un cadre linéaire. De plus,
cette dernière approche sur un volume étendu permet d’intégrer directement des comportements
non-linéaires, c’est une méthode actuellement de plus en plus fréquemment mise en œuvre dans
Comportement effectif - homogénéisation 97
les architectures de plus en plus complexes des renforts composites (cf exemple des N CF ci-
dessous).
Pour affiner les prévisions, une famille d’approximations a ensuite été présentée, basée sur
le problème de l’inclusion d’Eshelby. Ce problème d’action à distance s’appuie sur les fonctions
de Green pour fournir une expression analytique du champ de déformation qui règne dans une
région ellipsoïdale soumise à des déformations libres. En introduisant la notion de polarisation, on
a pu montrer l’équivalence entre ce problème d’inclusion et le problème d’inhomogénéité (saut
de propriétés), dont la solution nous a permis d’exprimer les tenseurs de localisation dans des cas
particuliers compte tenu des difficultés à prendre en compte des informations statistiques com-
plexes. Le cas le plus simple traité consiste à négliger les interactions entre phases, ce qui conduit
à une approximation valide aux faibles concentrations, mais qui constitue tout de même une
amélioration par rapport aux bornes du 1er ordre en ce sens que la morphologie des phases et leur
distribution est prise en compte via le tenseur de Hill. Pour améliorer la prise en compte des inter-
actions entre phases, une représentation statistique du second ordre a été introduite qui a conduit
à formuler le modèle de Hashin-Shtrikman. Le choix du milieu de référence dans ce problème de
type Eshelby, a d’abord conduit à une caractérisation variationnelle de la fonctionnelle associée, ce
qui a permis de proposer les bornes correspondantes, dites bornes de Hashin-Shtrikman, établies
respectivement pour les souplesses et les rigidités les plus élevées parmi les constituants, et qui
améliorent l’encadrement de Voigt et Reuss. Ensuite, le choix comme milieu de référence de la
matrice, le milieu en plus grand volume dans le VER, a permis d’établir le modèle de Mori-Tanaka,
qui tend vers le modèle aux faibles concentrations pour les concentrations inférieures à 10-20 %
mais apporte une correction pour les concentrations supérieures. Enfin, la définition implicite des
propriétés effectives, en choisissant le milieu de référence comme le milieu effectif lui-même dans
le modèle d’Hashin-Shtrikman, a permis d’établir le modèle Auto-cohérent où l’absence d’inter-
actions inter-phases est compensé par la mise à jour des propriétés estimées dans un processus
itératif dont la convergence vers le tenseur effectif est assurée par les propriétés liées à la forme
variationnelle de Hashin-Shtrikman.
résistance.
Comme présenté dans ce chapitre, la réponse est obtenue en définissant un VER à partir
de considérations géométriques, mais également en considérant la capacité (la possibilité) de
représenter à cette échelle les comportements spécifiques attendus. En effet, dans ce VER le
comportement homogène équivalent non-linéaire à l’échelle des mèches de fibres est pris en
compte. Ce comportement intègre la rigidité des fibres (éléments finis de type Hermitte) dans la
direction des mèches et le comportement non-linéaire en cisaillement de la résine contenue dans
ces mèches (éléments finis en déformations planes généralisées avec un comportement homogène
équivalent non-linéaire établi par développement asymptotique). Cette non-linéarité matériau en
cisaillement de la résine étant connue pour induire, en combinaison avec la propension des fibres
à flamber, une instabilité géométrique des fibres sous des chargements déstabilisants.
Le choix de l’échelle étant posé, un VER est défini (Figure 2.24-a&b), représentatif des
défauts géométriques mesurés statistiquement et connus pour initier des chutes de résistance
sous des chargements déstabilisants. Reste ensuite à définir les conditions aux limites (Figure
2.24-d) telles que la périodicité est assurée même en grandes déformations. Le chargement doit
également être appliqué de façon homogène au contour ; les contraintes seront donc hétérogènes
sur ce contour, mais au vu des dimensions des constituants les fluctuations attendues seront
limitées. Ce VER est ensuite maillé (Figure 2.24-c) et les différents comportements non-linéaires
sont intégrés via des sous-routines matériaux dédiées.
Figure 2.24 : VER en cisaillement interlaminaire d’un N CF biaxial T300/914 : (a) micro-
structure+données statistiques = (b) définition VER, (c) maillage VER avec (d) conditions aux
limites en chargement et périodicité ; d’après Drapier & Wisnom, 1999a-1999b.
Comportement effectif - homogénéisation 99
On vérifie bien ici qu’on se ramène d’un problème à l’échelle du matériau à un problème
classique de calcul des structures résolu à l’aide d’un code de calculs industriel sous réserve de
savoir intégrer des comportements non-linéaires géométriques et matériaux à plusieurs échelles.
Tous les détails de cette approche, et de l’étude du comportement en compression, peuvent être
trouvés dans Drapier & Wisnom, 1999a-1999b, Composites Science and Technology. Toutefois,
cette approche se limite à l’étude de l’apparition de mécanismes susceptibles de conduire à la
rupture. Par exemple, si on isole les déformations de cisaillement dans la matrice qui excèdent la
limite standard pour une résine epoxy, environ 4%, on peut estimer, en première approximation,
que la rupture va intervenir dans les zones de localisation de ces déformations même pour des
chargements modestes. La Figure 2.26-a montre cette distribution pour un chargement de 50
MPa, correspondant au premier point encerclé sur la courbe de réponse Figure 2.25. Ce phéno-
mène est encore amplifié si des couches de résine subsistent entre les mèches comme illustré sur
la Figure 2.26-b. Mais seule une étude plus poussée de la rupture pourrait permettre de définir
quantitativement la résistance, c’est ce qui est proposé dans le Chapitre 4.
(a) (b)
Figure 2.26 : Distribution des déformations de cisaillement inter-laminaire >4% du VER d’un
N CF biaxial T300/914, d’après Drapier & Wisnom, 1999a-1999b.
Comportement effectif - homogénéisation 101
3.
Comportement des plis
Sommaire
3.1 Propriétés mécaniques à l’échelle du pli dans ses axes princi-
paux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103
3.1.1 Plis UD . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 105
3.1.2 Plis BD . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 122
3.1.3 Conclusions sur les propriétés effectives à l’échelle du pli dans ses
axes principaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 125
3.2 Propriétés du pli hors de ses directions principales . . . . . . . 126
3.2.1 Comportement dans un système d’axes quelconque . . . . . . . . . 126
3.2.2 Propriétés du pli hors de ses axes principaux . . . . . . . . . . . . 129
3.2.3 Effets de l’orientation des plis sur le comportement équivalent . . . 133
3.2.4 Comportement en contraintes planes . . . . . . . . . . . . . . . . . 137
3.2.5 Synthèse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 142
3.3 Conclusion sur le comportement à l’échelle du pli . . . . . . . . 142
102
Comportement des plis 103
Dans ce chapitre, les propriétés des plis, ou plus globalement des semi-produits de renforts,
sont établies. Ceci représente la première étape dans le processus d’homogénéisation décrit en
introduction (Figure 1.34 page 39). Ces propriétés seront ensuite utilisées, dans le Chapitre 5,
pour établir le comportement à l’échelle de la structure.
En premier lieu, les composantes du tenseur de comportement, de type isotrope transverse
ou orthotrope, doivent être établies à partir des comportements et de la distribution des com-
posants que sont les fibres et renfort. Dans la cas des composites à fibres longues, une partie
des propriétés peut être calculée assez simplement, par contre certaines des propriétés doivent
être approchées par des techniques d’homogénéisation telles qu’introduites dans le Chapitre 2 et
notamment les estimations du second ordre. Le comportement des plis, de type isotrope trans-
verse ou orthotrope, s’exprime alors de façon générique dans ses axes principaux. Connaissant les
composantes du comportement homogène équivalent il faut alors établir les matrices de raideur
et de souplesse, hors de ces axes d’orthotropie. Ceci afin d’obtenir les rigidités en fonction de
l’orientation des plis, dans le but d’intégrer ces propriétés, au Chapitre 5, directement dans le
comportement des structures prenant en compte les séquences d’empilement.
(a) (b)
Figure 3.1 : Architectures les plus courantes dans les composites HP : (a) UniDirectionnel, et
(b) tissu (Gay, 2005).
1 −νT L −νLT
EL ET EL
0 0 0
−νLT 1 −νT T 0
EL ET ET
0 0 0
−νLT −νT T 0 1
EL ET ET
0 0 0
[M](R) =
2(1+νT T 0 )
0 0 0 ET
0 0
1
0 0 0 0 GLT
0
1
0 0 0 0 0 GLT (R)
(3.1)
avec EL , ET les 2 modules de rigidité dans les directions longitudinale et transverse, νT T 0 , νLT
les 2 coefficients de Poisson dans ces directions, et GLT le module de cisaillement dans les plans
passant par l’axe d’orthotropie −
→e1 (d’après Berthelot, 2012).
D’autre part, les bornes établies par Hashin et Shtrikman à partir des caractérisations va-
riationnelles présentées précédemment (Eqs. 2.70 et 2.76) impliquent les conditions suivantes sur
les rigidités à identifier (KL étant le module de compressibilité latérale introduit précédemment,
Eq. 2.9) :
Vf Vf
Km + ≤ KL ≤ K f + (3.2)
1 1 − Vf 1 Vf
+ +
Kf − Km Km + Gm K m − Kf Kf + Gf
Vf 1 − Vf
Gm + ≤ GT T 0 ≤ Gf +
1 Km + 2Gm 1 Kf + 2Gf
+ (1 − Vf ) + Vf
Gf − Gm 2Gm (Km + Gm ) Gm − Gf 2Gf (Kf + Gf )
(3.3)
Vf 1 − Vf
Gm + ≤ GLT ≤ Gf + (3.4)
1 1 − Vf 1 Vf
+ +
Gf − Gm 2Gm Gm − Gf 2Gf
Comportement des plis 105
Vf (1 − Vf ) EL − Vf Ef − (1 − Vf )Em Vf (1 − Vf )
≤ ≤ (3.5)
Vf 1 − Vf 1 4(νf − νm )2 1 − Vf Vf 1
+ + + +
Km Kf Gm Kf Km Gf
Vf (1 − Vf ) νLT − Vf νf − (1 − Vf )νm Vf (1 − Vf )
≤ ≤ (3.6)
Vf 1 − Vf 1 1 − V Vf 1
1 1 f
+ + (νf − νm ) − + +
Km Kf Gm Km Kf Kf Km Gf
Ces bornes étant posées, il faut déterminer les 5 grandeurs indépendantes, et dans la
mesure du possible se limiter aux approches les plus simples, si possible analytiques, fournissant les
informations les plus précises, à comparer aux mesures expérimentales quand elles sont accessibles.
Nous allons nous intéresser, ci-après, à 3 approches classiques reposant sur des modèles simplifiés,
et sur la solution exacte d’un modèle cylindrique fibre/matrice qui conduit à estimer la borne
inférieure des bornes de Hashin et Shtrikman détaillées ci-dessus pour les composites UD à fibres
longues.
3.1.1 Plis UD
Dans cette partie, les propriétés à l’échelle du pli UD sont estimées à partir des informations
disponibles sur les constituants. Des approches plus ou moins complexes peuvent être nécessaires
pour évaluer ces propriétés que nous allons comparer, quand cela s’avère possible, avec des
mesures de ces propriétés, sinon par comparaison avec des simulations par éléments finis du type
homogénéisation périodique (cf §2.4 page 68).
Rappelons la forme générale de la matrice de souplesse du pli UD, afin de mettre en évidence
la façon dont sont identifiées les 5 propriétés caractéristiques :
ε1 M11 M12 M12 0 0 0 σ1
ε2 M12 M22 M23 0 0 0 σ2
ε3 M12 M23 M22 0 0 0 σ3
= (3.7)
ε
4
0
0 0 2(M22 − M23 ) 0 0 σ4
ε5 0 0 0 0 M66 0 σ5
ε6 (R) 0 0 0 0 0 M66 (R) σ6 (R)
avec les cisaillements stockés σ4 = σ23 , σ5 = σ13 , σ6 = σ12 . Soit des jeux de coefficients à
identifier :
en SOUPLESSE [M11 , M12 , M22 , M23 , M66 ] ou en RIGIDITE [L11 , L12 , L22 , L23 , L66 ]
Comportement des plis 106
Compte tenu de l’architecture des plis UD, la rigidité dans la direction des fibres est la
plus simple à prédire. Les hypothèses nécessaires à l’établissement de la rigidité EL sont vérifiées
de par le rapport des rigidités des fibres et de la matrice (Ef > Em ), et du fait de la structure
orientée de l’UD. Une simple loi des mélanges, du type contrainte homogène par constituant et
déformation identique dans un empilement de couches raides et souples conduit à l’expression
basique (schéma d’après Berthelot, 2012) :
EL = Vf Ef + (1 − Vf )Em (3.8)
Figure 3.2 : Mesures de rigidité sens fibres E|| = EL sur un composite UD verre/polyester et
comparaison avec une approche de type Voigt (Eq. 3.8) - les 2 séries de courbes correspondent
à la réponse instantanée (E|| (0)) et à la réponse au fluage (E|| (105 h)), d’après Hull (1981).
Comportement des plis 107
Comme on le voit sur la Figure 3.2, cette approximation reproduit très bien le compor-
tement en traction (pour la compression, cela est plus problématique à cause du chargement
déstabilisant). On observe, de plus, que l’effet du temps est faible sur ce comportement (les
2 séries de courbes correspondent à la réponse instantanée (E|| (0)) et à la réponse au fluage
(E|| (105 h)). L’erreur commise en négligeant le différentiel de contraction de la fibre et de la
matrice dans la direction transverse (νf 6= νm ) conduit à une erreur de l’ordre de 1 à 2 %. Le
comportement est identifié à partir d’un essai de traction dans le sens des fibres (−
→
e1 ici). Cet essai
donne également accès au coefficient de Poisson νLT si la déformation transverse est mesurée.
En effet, l’écriture en rigidités donne :
(
t ε2 = ε3 ∝ ε1
[σ](R) = hσ1 , 0, 0, 0, 0, 0i ⇒
ε1 ∝ σ 1
Ce qui conduit à définir la rigidité longitudinale et le coefficient de Poisson hors du plan d’isotro-
pie :
2L212 L12
EL = L11 − νLT =
L22 + L23 L22 + L23
ou (3.9)
1 M12
EL = νLT = −
M11 M11
L’approximation du coefficient de Poisson νLT se fait classiquement par un modèle équi-
valent à celui présenté ci-dessus (empilement de couches raides et souples avec les déformations
égales dans les phases et les contraintes homogènes)
νLT = νf Vf + νm (1 − Vf ) (3.10)
Ce coefficient étant assez direct à identifier depuis un essai de traction simple, cette approximation
fournit une très bonne approximation.
Enfin, on peut noter que des estimations plus précises peuvent être obtenues à partir de
la solution exacte de modèles cylindriques concentriques, représentant respectivement la fibre et
la matrice, soumis à une traction uniaxiale. Ces estimations conduisent aux estimations ci-dessus
(Eqs. 3.8 et 3.10) complétées par des termes correctifs mais dont la complexité ne se justifie pas
au regard de la très bonne approximation fournie par ces lois des mélanges simples à mettre en
œuvre. Ces relations sont identiques aux bornes inférieures de Hashin & Shtrikman du module
longitudinal (Eq. 3.5) et du coefficient de Poisson hors plan (Eq. 3.6).
Le même genre de considération basique, mais de type Reuss cette fois-ci, conduit à l’ap-
proximation en souplesse du module transverse. Les contraintes sont continues à l’interface
Comportement des plis 108
fibres/matrice et les déformations sont homogènes par phase lorsque cet ensemble est solli-
cité dans la direction normale à la direction des fibres, ce qui permet d’écrire (schéma d’après
Berthelot, 2012)
Ef t Em
ET = (3.11)
Ef t (1 − Vf ) + Em Vf
0 Em
Em = 2
. (3.12)
1 − νm
Cette correction conduit à la courbe annotée ’Loi des mélanges modifiée’ sur la Figure 3.3 (en
trait continu) correspondant à une rigidité prévue plus rigide. Enfin, une représentation bidimen-
sionnelle de la distribution des fibres dans le plan d’isotropie montre que la résine est fortement
sollicitée entre les fibres tandis que dans d’autres régions, la déformation sera homogène et uni-
quement présente dans la résine. L’approximation d’un UD par un empilement bidimensionel de
couches raides et souples n’est donc pas valide. Qui plus est, le rapport entre la fraction volu-
mique de fibres et la fraction surfacique dans le modèle de couches n’est pas constant. Partant
d’une distribution 2D, Halpin & Tsaï (1967) ont proposé une forme générique à partir de modèles
élastiques cylindriques. Le résultat permet de prendre en compte le rapport des propriétés des
constituants, et introduit un facteur ξ mesurant le renforcement des fibres, et qui dépend à la
fois de la géométrie des fibres, de leur arrangement, et du type d’essai. En effet, cette approche
est valable pour approcher le module ET autant que le le module de cisaillement hors-plan GLT
ou le coefficient de Poisson dans le plan νT T 0 comme nous le verrons ci-après. L’expression du
module effectif P (ET ou GLT ou νT T 0 ) rapporté à celui de la matrice Pm s’écrit :
P 1 + ξηVf
= (3.13)
Pm 1 − ηVf
Comportement des plis 109
avec
(Pf /Pm ) − 1
η=
(Pf /Pm ) + ξ
Une analyse assez simple montre qu’à la limite ξ → 0, ce modèle correspond au modèle de type
Reuss (ressorts en série) utilisé pour établir la première approximation de ET (Eq. 3.11) tandis
que lorsque ξ → ∞ (⇒ η → 0) on tend vers un modèle de type Voigt (ressorts en parallèle) tel
qu’utilisé pour EL (Eq. 3.8).
On voit sur la Figure 3.3 que l’amélioration apportée par ces expressions de Halpin-Tsai est
finalement assez faible, et dépend fortement de la constante ξ identifiée par ’recalage’ des courbes
expérimentales par le modèle (Eq. 3.13) ou par comparaison avec des calculs par éléments finis,
par exemple. Dans le cas de la Figure 3.3 correspondant à un UD verre/epoxy ou encore pour un
UD carbone/epoxy à 55% de fibres, ξ = 2 fournit une bonne approximation du module transverse
ET comme illustré sur la Figure 3.4.
Dans ce dernier cas, l’amélioration semble plus importante que pour la comparaison avec les
Comportement des plis 110
essais (Figure 3.3). En effet, les résultats de référence correspondent ici à des résultats d’homogé-
néisation périodique, ils contiennent donc la limitation forte intrinsèque aux modèles périodique de
distribution parfaite des fibres, et se rapprochent ainsi par construction des résultats issus du mo-
dèle d’Halpin-Tsai. Finalement, l’approximation de Reuss (Eq. 3.11) ou celle d’Halpin-Tsaï (Eq.
3.13) peuvent être utilisées pour déterminer la rigidité transverse ET . On recourra fréquemment
à une forme légèrement modifiée de l’Eq. (3.11), faisant intervenir le module de compressibilité
plane (cf Eq. 3.22).
Figure 3.4 : Rigidité transverse ET simulée par VER périodique (arrangements carré et hexagonal)
pour un UD carbone/epoxy et comparaison avec des approches analytiques - lois des mélanges
(Eq. 3.11), loi modifiée (Eq. 3.12), et Halpin-Tsaï (Eq. 3.13), d’après Hyer & Waas (2002).
Enfin, ce module de rigidité transverse peut être identifié par un essai de traction tel que
(
ε1 6= 0, ε2 6= 0, ε3 6= 0
[σ](R) = h0, σ2 , 0, 0, 0, 0it ⇒
ε4 = ε5 = ε6 = 0
Ce qui conduit à définir la rigidité transverse et les coefficients de Poisson :
1 M12 M23
ET = νT L = − νT T 0 = − (3.14)
M22 M22 M22
et les relations entre composantes de la rigidité
EL ET
= (3.15)
νLT νT L
Les contraintes sont identiques dans les phases, du fait de la continuité du vecteur contrainte à
l’interface fibre-matrice, et les déformations de cisaillement dépendent des propriétés des couches.
Finalement, le module de cisaillement longitudinal s’écrit (schéma d’après Berthelot, 2012) :
1 Vf 1 − Vf
= + (3.16)
GLT Gf l Gm
Une approche plus fine peut être proposée d’après le modèle d’Halpin-Tsaï (Eq. 3.13),
en veillant à considérer un module de cisaillement longitudinal approprié pour la fibre si elle
orthotrope (Gf l ). Dans ce cas, Halpin-Tsaï préconisent une valeur ξ = 1. On vérifie sur les
résultats de la Figure 3.5 que cette approche fournit une amélioration satisfaisante par rapport à
la loi des mélanges, en comparaison avec des simulations sur VER périodique avec un arrangement
carré.
Figure 3.5 : Cisaillement longitudinal GLT simulé par VER périodique (arrangement carré) pour
un UD carbone/epoxy et comparaison avec des approches analytiques - lois des mélanges (Eq.
3.16), Halpin-Tsaï (Eq. 3.13) et cylindres concentriques (Eq. 3.17), d ’après Hyer & Waas (2002).
de référence est ici la matrice. C’est ce modèle qui est à la base du modèle de Halpin-Tsaï (Eq.
3.13) comme on peut le vérifier sur la Figure 3.5. Cette expression (Eq. 3.17) est pourtant la plus
fréquemment utilisée car elle ne nécessite pas de recalage.
L’identification des cisaillements est toujours problématique dans les composites. Supposons
qu’on réussisse à imposer un chargement de cisaillement homogène sur le composite, on peut
alors identifier :
(
ε1 = ε2 = ε3 = 0
[σ](R) = (σ5 −
→
e1 ⊗ − →
e3 ou σ6 −
→
e1 ⊗ −
→
e2 ) ⇒
ε4 = 0, ε5 6= 0 ou ε6 6= 0
Figure 3.6 : Cisaillement plan GT T 0 simulé par VER périodique (arrangements carré et hexago-
nal) pour un UD carbone/epoxy et comparaison avec l’approche analytique auto-cohérente de
Lo&Christensen (Eq. 3.19), d’après Hyer & Waas (2002).
Pour identifier cette composante, le chargement en cisaillement est imposé dans le plan
d’isotropie (
ε1 = ε2 = ε3 = 0
[σ](R) = h0, 0, 0, σ4 , 0, 0it ⇒
ε4 6= 0, ε5 = ε6 = 0
ce qui conduit à définir le module de cisaillement dans le plan :
L22 − L23 1
GT T 0 = ou GT T 0 = (3.20)
2 2(M22 − M23 )
Ce module peut s’avérer pratique pour exprimer les autres grandeurs. De la même façon
que le module de cisaillement transverse, son expression peut être établie par résolution exacte
du modèle de cylindres concentriques soumis à un champ de contraintes hydrostatique plan. On
obtient alors la borne inférieure de Hashin-Shtrikman car la matrice est prise comme milieu de
référence (Eq. 3.2) :
Vf
KL = Km + (3.21)
1 1 − Vf
+
kf − km + (Gf − Gm )/3 km + 4Gm /3
Ce module correspond donc à la borne inférieure de Hashin-Shtrikman car la matrice est prise
comme milieu de référence. Ce module permet notamment de s’affranchir de la détermination
Comportement des plis 114
des propriétés en cisaillement hors-plan des fibres, par exemple par rapport à l’Eq. 3.16 pour
le cisaillement GLT . Ici seuls les modules de compressibilité plane (kf , km ) et les cisaillements
transverses aux fibres interviennent dans l’expression 3.21 (Gf = Gf t ).
En effet, ce module étant défini, on a les relations suivantes utilisées couramment en lieu
et place des relations introduites ci-dessus pour le module transverse (Eq. 3.11) et le cisaillement
longitudinal (Eq. 3.17) :
2
ET = 2 (3.22)
1 1 νLT
+ +2
2KL 2GT T 0 EL
1
GLT = 2
(3.23)
2 1 νLT
2 − −2
ET 2KL EL
qui conduit à :
L22 + L23 1
KL = ou KL = 2
2 M12 (3.24)
2 M22 + M23 − 2
M11
qui peut être relié plus directement aux propriétés déjà identifiées ci-dessus :
L11 − EL
KL = 2
4νLT
Le bilan qui peut être fait de ces caractérisations est que les modules peuvent être identifiés,
en théorie au moins, à partir de 2 essais principaux, et 3 essais complémentaires :
— EL , νLT essai de traction sens fibre
— ET , νLT 0 , νT T 0 essai de traction transverse aux fibres
— GLT essai de cisaillement sens long
— GT T 0 essai de cisaillement plan
— KL essai de compression hydrostatique latérale sans déformation longitudinale
Dans la réalité, les difficultés de mise en œuvre conduisent à identifier ces propriétés par
des essais les plus simples possibles, présentant des états de contraintes maîtrisés (homogènes)
dans les échantillons-éprouvettes testés. Il ne faut pas non plus négliger la mise en œuvre d’essais,
Comportement des plis 115
même simples, sur ces matériaux dont la cohésion, assez faible dans certaines directions dominées
par le comportement de la matrice (transverse aux fibres), conduit rapidement à endommager le
matériau. Il s’ensuit des ruptures au niveau des conditions cinématiques et statiques imposées,
telles qu’aux points d’appuis ou dans les mors des systèmes utilisés pour le chargement.
Sans entrer dans les détails, les essais nécessitant un serrage (une prise) du composite im-
pliquent de positionner des matériaux intermédiaires capables, eux, de supporter la compression
transverse et l’indentation. Par exemple, en traction, on colle systématiquement des pièce rappor-
tées, appelées talons et telles que présentées sur la Figure 3.7, dont le profil est lui-même optimisé
pour minimiser les effets de bords libres qui conduisent à des états de contraintes tridimensionnels
susceptibles d’amener à la rupture du composite.
(a) (b)
Figure 3.7 : Éprouvettes de traction : (a) talons selon normes ASTM (USA) et ISO (Europe), et
(b) éprouvette équipée.
Enfin, les restrictions thermodynamiques posées pour établir les lois de comportement in-
duisent les restrictions suivantes sur les propriétés à déterminer :
— les modules sont positifs :
EL , ET , GLT , GT T 0 , KL > 0
2 ET p
νLT < 1 ⇒ |νLT | < EL /ET
EL
Comportement des plis 116
−1 ≤ νT T 0 ≤ 1
d’expansion thermique transverse αT (en reprenant les notations des figures ci-dessus) :
∆h ∆hf ∆hm hf hm
= αT ∆T = + = αf t ∆T + αm ∆T ⇒ αT = αf t Vf + αm (1 − Vf ) (3.25)
h h h h h
Cette approximation par une loi des mélanges présente les mêmes problèmes que ceux
évoqués vis-à-vis de l’approximation de la rigidité transverse présentée ci-dessus (Eq. 3.11), l’in-
teraction fibres-matrice est totalement ignorée. Ici, ceci implique notamment qu’il ne peut y avoir
de contraintes résiduelles provenant d’un refroidissement après la cuisson du composite. Pourtant,
compte-tenu des différentiels de dilatation thermiques (de l’ordre de 100) entre les constituants,
clairement des contraintes internes vont se développer lors du refroidissement. Pour approcher au
mieux ces propriétés thermo-élastiques, il faut donc considérer les équations de comportement
dans les constituants (la notation X (i) permet de rendre lisible ces équations) :
(i) (i) (i) (i) (i) (i) (i)
( (
σ1 = L11 (ε1 − αl ∆T ) + L12 (ε2 − αt ∆T ) αlm = αtm = αm
(i) (i) (i) (i) (i) (i) (i) avec (i) = f, m et
σ2 = L21 (ε1 − αl ∆T ) + L22 (ε2 − αt ∆T ) αlf = αf l , αtf = αf t
(3.26)
Compte-tenu des conditions de bords libres, les conditions de continuité (incluant les bords libres)
doivent être vérifiées, et notamment en supposant les contraintes uniformes dans les constituants
f m
σZ2 = σ2 = σ2 = 0
(3.27)
σ1 dS = 0 ⇒ σ1f hf + σ1m hm = 0
hf +hm
En combinant ces relations sur les contraintes avec les expressions reliant les contraintes et les
déformations élastiques dans les constituants (Eq. 3.26), on arrive finalement à l’expression des
coefficients de dilatation thermique effectifs
(αlf Elf − αm Em )Vf + αm Em
αL = (3.28a)
(Elf − Em )Vf + Em
Ef l νm − Em νf,lt
αT = αf t Vf + αm (1 − Vf ) + (αm − αf t )(1 − Vf )Vf (3.28b)
EL
Ces résultats sont présentés sur les Figures 3.8 et 3.9 et comparés avec les simulations
de type homogénéisation périodique. Les résultats portant sur le coefficient dans la direction des
fibres (Figure 3.8) montrent que l’approche de type ’loi des mélanges’ est tout à fait correcte. On
constate également que les simulations pour les arrangements carré ou hexagonal donnent des
résultats identiques. On notera enfin que pour des fractions volumiques de fibres élevées, donc
un comportement largement dominé par les fibres, on peut atteindre des dilatations thermiques
nulles ou voisines de 0. C’est encore un des avantages d’utiliser des matériaux composites. Encore
une fois, dans cette direction des fibres, le comportement est assez simple à prévoir. Par contre,
dans la direction transverse (Figure 3.9), on vérifie que l’amélioration apportée par la relation
Eq. 3.28b, par rapport à une loi des mélanges simples, est appréciable, et que la réponse est
amplement contrôlée par le comportement de la matrice.
Comportement des plis 118
Á partir des diverses approches exposées ci-dessus, il s’agit de déterminer les meilleures
approximations, i.e. celles conduisant aux résultats les plus proches des mesures. Nous choisissons
ici de considérer 5 types d’UD constitués de 60 % de fibres, du verre E et R, du carbone HM
(Haut Module) et HR (Haute Résistance), et enfin une fibre aramide Kevlar 49.
Avant de déterminer les propriétés du pli, il est nécessaire de caractériser les constituants.
La caractérisation de la matrice peut se faire sur des ’lopins’ et ne pose pas de problème particulier
de mesure. Pour les fibres, si le module longitudinal peut être déterminé assez facilement sur des
mono-filaments ou sur des torons, le coefficient de Poisson se mesure indirectement. Dans le cas
des fibres de verre, il est déterminé sur la matértiau massif tandis que pour les fibres de carbone
et d’aramide il est estimé sur des UDs, via le coefficient de Poisson νLT , à partir duquel on
remonte à νf par la loi des mélanges (Eq. 3.10). On peut également avoir recours aux coefficient
de compressibilité plane (K) et hydrostatique (κ) pour calculer certaines propriétés du pli (Eqs.
3.19,3.22,3.23, 3.21). Ces propriétés sont synthétisées dans le Tableau 3.1 où sont reportées
en premier lieu les meilleures approximations en comparaison avec les propriétés mesurées. Ces
meilleures approximations correspondent aux solutions exactes de problèmes d’élasticité sur 2
cylindres concentriques. Ensuite sont indiquées les approximations liées à la loi des mélanges, et
enfin l’encadrement des bornes de Hashin-Shtrikman.
κm (GPa) 2,875
Km (GPa) 3,32
Table 3.1 : Caractéristiques de constituants typiques (d’après Berthelot, 2002). (*) Module de
cisaillement de la fibre Gf = Gf l ou Gf = Gf t selon le module à calculer pour le pli.
Comportement des plis 120
EL mélanges (GPa) Eq. 3.8 229,4 230 157,4 159 45,2 46 53 52 82,4 84
Sol. exactes de pro-
blèmes particuliers
νLT mélanges Eq. 3.10 - 0,32 - 0,32 0,25 0,31 0,25 0,31 - 0,34
GLT (GPa) Eq. 3.17 5,14 4,9 5,06 4,8 4,57 4,6 4,67 4,7 4,83 2,1
KL (GPa) Eq. 3.21 10,10 10,02 8,98 9,15 9,88
GT T 0 (GPa) Eq. 3.19 4,32 4,27 3,96 4,02 4,13
ET (GPa) Eq. 3.22 12 14,4 11,9 14,3 10,8 10 11 13,6 11,5 5,6
ET mél. (GPa) Eq. 3.11 8,5 14,4 8,45 14,3 8,05 10 8,13 13,6 8,3 5,6
Hashin- Reuss
GLT mél. (GPa) Eq. 3.16 3,28 4,9 3,26 4,8 3,11 4,6 3,14 4,7 3,19 2,1
KL− (= KL ) Eq. 3.21 10,10 10,02 8,98 9,15 9,88
Shtrikman (Eqs. 3.2-3.6)
GLT − (= GLT ) Eq. 3.17 5,14 4,9 5,06 4,8 4,57 4,6 4,67 4,7 4,83 2,1
GLT + 62,3 43 13,9 16,2 22,2
Bornes
Table 3.2 : Propriétés mécaniques de plis UDs estimées et mesurées (d’après Berthelot, 2012)
pour des UDs à 60 % de fibres.
Comme indiqué précédemment, les relations faisant intervenir les modules de compressibilité
sont d’utilisation plus pratiques, et fournissent les meilleures approximations des propriétés réelles.
En conclusion, les propriétés d’un pli supposé isotrope transverse sont estimées idéalement par
les relations :
Comportement des plis 121
EL = Vf Ef + (1 − Vf )Em
νLT = νf Vf + νm (1 − Vf )
Vf
KL = K m +
1 1 − Vf
+
kf − km + (Gf − Gm )/3 km + 4Gm /3
Vf
GT T 0 = Gm
1 +
Gm km + 7Gm /3
+ (1 − Vf )
Gf − Gm 2km + 8Gm /3
2 (3.29)
ET =
1 1 ν2
+ + 2 LT
2KL 2GT T 0 EL
1
GLT = 2
2 1 νLT
2 − −2
ET 2KL EL
(αlf Elf − αm Em )Vf + αm Em
αL =
(Elf − Em )Vf + E m
Ef l νm − Em νf,lt
αT = αf t Vf + αm (1 − Vf ) + (αm − αf t )(1 − Vf )Vf
EL
Relations souplesse-rigidité
Pour être tout à fait complet, il est utile de rappeler les différentes relations existant entre
les rigidités (L) et les souplesses (M ) et les modules au sens de l’ingénieur. Pour un comportement
isotrope transverse (EL , ET , νLT , GLT , KL ), ces relations s’écrivent
Comportement des plis 122
2L212 1
EL = L11 − =
L22 + L23 M11
L212 (L22 − L23 ) + L11 L223 1
ET = L22 + 2
=
L12 − L11 L22 M22
1
GLT = L66 =
M66
L22 − L23 1
GT T 0 = =
2 2(M22 − M23 )
L12 −M12 (3.30)
νLT = =
L22 + L23 M11
L12 (L23 − L22 ) −M12
νT L = 2
=
L12 − L11 L22 M22
L212 − L11 L23 −M23
νT T 0 = =
L212 − L11 L22 M22
L22 + L23 1
KL = = 2
2 M12
2 M22 + M23 − 2
M11
2 1
L11 = EL + 4νLT KL M11 =
EL
νLT
L12 = 2KL νLT M12 =−
EL
1
L22 = GT T 0 + KL M22 = (3.31)
ET
νT T 0
L23 = −GT T 0 + KL M23 =−
ET
1
L66 = GLT M66 =
GLT
3.1.2 Plis BD
Dans le cas d’un pli considéré comme orthotrope, comme un tissu bidirectionnel par exemple
tel que présenté sur la Figure de l’Eq. 3.32 ci-dessous, les 5 coefficients indépendants caractérisant
le comportement isotrope transverse doivent être remplacés par les 9 coefficients relatifs au
comportement orthotrope :
Comportement des plis 123
EL , ET , ET 0 , νLT , νLT 0 , νT T 0 , GLT , GLT 0 , GT T 0
ou
E1 , E2 , E3 , ν12 , ν13 , ν23 , G12 , G13 , G23
(3.32)
On n’entrera pas dans les détails de la détermination de toutes les propriétés. On peut
simplement mettre en évidence les essais destinés à caractériser ces propriétés qui sont assez
proches des essais présentés pour caractériser les plis UDs. La principale différence vient de la
différentiation des sens chaîne et trame, on aura donc 2 séries d’essais en traction transverse selon
−
→
e1 et −
→e2 au lieu d’un essai précédemment, auxquels on ajoutera un essai de traction sens transverse
au plan du pli BD − →
e3 . Soit, en prenant successivement les contraintes normales correspondantes
non nulles, 3 problèmes qui permettront de mesurer :
1 M12 M13
Ech = EL = νLT = − νLT 0 = −
M11 M11 M11
(
σi 6= 0 si i ∈ [1, 2, 3] ε(1,2,3) 6= 0 1 M12 M23
⇒ ⇒ Etr = ET = νT L = − νT T 0 = −
σi = 0 sinon ε(4,5,6) = 0
M22 M22 M22
1 M13 M23
ET 0 = νT 0 L = − νT 0 T = −
M33 M33 M33
ce qui permet de définir les relations entre les rigidités normales et les coefficients de Poisson :
EL ET EL ET 0 ET ET 0
= = = (3.33)
νLT νT L νLT 0 νT 0 L νT T 0 νT 0 T
Ces coefficients doivent vérifier des restrictions thermodynamiques et de symétrie que nous
ne détaillerons pas ici. Voir Berthelot (1999) par exemple.
Du point de vue de la prévision des propriétés, comme indiqué précédemment pour des
raisons de simplification les plis bidirectionnels sont la plupart du temps abordés comme l’em-
pilement de 2 plis UDs de propriétés calculées au prorata de la fraction de fibres dans chaque
direction. Ceci est illustré sur la Figure 3.10, et cette approximation conduit à une estimation,
à environ 15% près, des propriétés élastiques. Connaissant le nombre n1 de fils de chaîne et n2
de trame, on en déduit le rapport k = n1 /(n1 + n2 ), et donc les épaisseurs des plis équivalents
echaîne = k e et etrame = (1 − k) e. En admettant que les propriétés d’un ’pli’ de ce tissu soient
Comportement des plis 124
connues, les propriétés orthotropes équivalentes du tissu BD peuvent être évaluées dans le repère
principal du pli (O, −
→
x ,−
→y ,−
→
z):
Ex ≈ kEL + (1 − k)ET
Ey ≈ (1 − k)EL + kET
Gxy = GLT (3.34)
νLT
νxy ≈
EL
k + (1 − k)
ET
Enfin, certains auteurs proposent de pondérer ces relations par un coefficient d’abattement qui
tient compte de l’embuvage des mèches (le fait qu’elles ondulent), ce qui conduit à une rigidité
moindre en traction dans la direction d’embuvage, mais aussi et surtout en compression (effet
ressort - Figure 3.10-a).
(a) (b)
Figure 3.10 : Tissu considéré comme 2 UDs croisés superposés : (a) schéma de principe, et (b)
notations (Gay, 2005).
Ces relations permettent de définir le comportement dans le plan (cf Poutres et plaques
stratifiées ci-après) et doivent évidemment être complétées par des propriétés de cisaillement
(Gxz , Gyz ) et tension hors plan (Ez ) ainsi que par les coefficients de Poisson correspondants
(νxz , νyz ). Si le module hors-plan peut assez simplement être approché par le module transverse
ET car la sollicitation va se faire normalement à la direction des fibres, les autres propriétés sont
nettement plus délicates à évaluer.
Le calcul complet des propriétés d’un tissu bi-directionnel peut également se faire lors du
calcul des propriétés de la séquence d’empilement équivalente [0/90] ; c’est ce que nous verrons
au Chapitre 5. On verra que ces propriétés conduisent à l’approximation du comportement en
membrane du tissu. En effet, mis à part pour des renforts très épais, la rigidité de flexion n’est
généralement pas prise en compte à cette échelle. Enfin, nous nous restreignons évidemment au
comportement statique du tissu en petites perturbations, nécessaire pour prévoir le comportement
du composite. La mise en forme des renforts secs par exemple, qui permet de déformer le tissu
Comportement des plis 125
Nous venons de voir que les propriétés effectives pouvaient se déduire, plus ou moins
simplement, des propriétés des constituants. Les solutions analytiques proposées ici fournissent
des approximations acceptables dans les renforts dont la structure est simple. Lorsque cette
structure devient plus complexe, on recourt à des approches spécifiques, faisant de plus en plus
appel aux simulations numériques comme nous l’avons vu sur l’exemple des N CF pour des
comportements non-linéaires. Bien évidemment, ce type d’approche est également utilisé pour
modéliser la réponse sous tout type de sollicitation, y compris celles donnant accès aux propriétés
standard caractérisées dans ce chapitre.
Du point de vue industriel, de telles approches mêlant caractérisation morphologique et
modélisation numérique à l’échelle méso sont maintenant fréquemment utilisées. Pourtant, il
ne faut pas négliger la mise à disposition des utilisateurs d’applications logicielles permettant
de fournir, à moindre coût, des propriétés aux bureaux d’étude. On trouve ainsi des logiciels
dédiés au calcul des propriétés effectives, très spécifiques, et utilisant aussi bien des approches à
champs moyens que de l’homogénéisation périodique, mais également des logiciels plus orientés
vers le calcul de structure (cf Chapitre 5) mais possédant des applications aptes à fournir des
approximations dans les cas les plus courant des UDs et tissus. C’est le cas des grands codes de
calcul industriels tels qu’Abaqus, Ansys, ou de codes métiers tels que Sysply.
Comportement des plis 126
(a) (b)
Figure 3.11 : Pli unidirectionnel : (a) définitions des axes (Berthelot, 2012), et (b) dans une
direction formant un angle θ avec la direction des fibres
Comme nous l’avons déjà indiqué, les cas les plus couramment rencontrés dans les compo-
sites HP concernent les plis unidirectionnels (UD) dans lesquels les fibres sont toutes alignées
dans la même direction, et les tissus caractérisés par des fibres dans les 2 directions de trame et de
chaîne perpendiculaires selon des motifs de répartition plus ou moins complexes (sergé, taffetas,
...). Compte-tenu de l’architecture de ces plis, il est légitime de poser que les axes principaux du
comportement de ces plis sont confondus avec les axes selon lesquels les plis sont architecturés.
Ceci est tout à fait vérifié dans le cas d’un UD, et l’est la plupart du temps dans un tissu dès lors
qu’il est assez équilibré quant à la répartition des fibres dans les 2 directions de chaîne et trame.
Le calcul exact des directions principales peut se faire à partir de la diagonalisation des tenseurs
Comportement des plis 127
des contraintes et des déformations, telle que det [σij − σδij ] = 0 et det [εij − εδij ] = 0. Il en
résulte des décompositions qui peuvent être distinctes.
Dans la suite, on retiendra cette hypothèse selon laquelle les directions principales sont les
directions de structuration des plis UD et bi-directionnels envisagés.
0 0 σIII (R)
Le changement de base de ce tenseur s’écrit à partir d’un tenseur de passage A(R→R0 ) . Pour
simplifier, supposons le changement de repère R = (O, − →
e1 , −
→
e2 , −
→
e3 ) vers R0 = (O, −
→
e 01 , −
→
e 02 , −
→
e 03 )
par rotation θ autour de −→
e3 . La Figure 3.11-a correspond à la rotation inverse pour passer de R0
vers R. La matrice de passage associée à A(R→R0 ) s’écrit donc telle que :
−
→ − →
e 01 cos θ sin θ 0 e1
−
→
e 02 = − sin θ cos θ 0 · −
→
e2
−
→
e3 0
0 0 1 −
→e3
| {z } (3.35)
−
→e1
−
→
= [A](R→R0 ) · e2
−
→e3
Enfin, compte-tenu des relations entre les tenseurs et leur base d’expression, on en déduit le
changement de base d’un tenseur du second ordre qui s’écrit formellement :
Remarque : dans la suite, on se placera systématiquement dans un repère cartésien, on aura donc
une représentation des tenseurs par des matrices et vecteurs σ ⇔ [σ].
Dans notre cas de rotation +θ autour de −→
e , on en déduit alors l’expression du tenseur des
3
Comportement des plis 128
Ces notations se mettent sous une forme condensée, en utilisant les notations de Voigt. Le
changement de base s’écrit alors :
0
σ1 cos2 θ sin2 θ 0 0 0 2sinθcosθ σ1
0 2 2
σ2 sin θ cos θ 0 0 0 −2sinθcosθ σ2
0
σ3 0 0 1 0 0 0 σ 3
=
σ 0 0 0 0 cosθ −sinθ 0 σ
4 4 (3.38)
0
σ5 0 0 0 sinθ cosθ 0 σ 5
σ60 −sinθcosθ sinθcosθ 0 0 0 cos2 θ − sin2 θ σ6
| {z }
{σ 0 } = [Tσ ] {σ}
et le changement de base inverse {σ} = [Tσ−1 ] {σ 0 } s’exprime très directement car il correspond
à une rotation −θ au lieu de θ dans notre cas.
Comportement des plis 129
Remarque : dans les approches où le cisaillement est stocké, dans les notations de Voigt, sous la
√ √
forme 2ε12 et 2σ12 , les matrices de passage Tσ et Tε sont équivalentes. En effet, ces matrices
introduites ici (Eqs. 3.38 et 3.39) diffèrent uniquement par les termes T16 − T26 et T61 − T62 .
Eq. 3.39 σ0 = T : σ
σ
= T :L:ε
σ
ce qui permet de définir la loi de comportement dans la nouvelle base R0 . De façon identique, on
peut exprimer aisément la relation en souplesse :
M 0 = T : M : T −1 (3.41)
ε σ
L = T −1 : L0 : T M = T −1 : M 0 : T (3.42)
σ ε ε σ
Comportement des plis 130
où les 13 composantes de ce tenseur sont détaillées respectivement dans les relations Eqs. 3.46
pour le comportement orthotrope et Eqs. 3.47 pour le comportement isotrope transverse. On
vérifiera, en comparant les relations Eqs. 3.46 et Eqs. 3.48 que les comportements exprimés en
rigidité ou en souplesse ont la même forme que le comportement monoclinique rappelé ci-dessus
(Eq. 3.44).
Enfin, en comparant les comportements d’un pli UD et d’un tissu, on vérifie que le compor-
tement relatif au plan du pli (−
→e1 , −
→
e2 ) est le même : L011 , L012 , L016 , L022 , L026 , L066 . Schématiquement,
le comportement identique se limite à la sous-matrice (3 × 3) lorsque le système est écrit sous la
forme suivante : 0
L11 L012 L016 | L013 0
0
0
L12 L022 L026 | L023 0 0
0
L16 L026 L066 | L036 0
0ortho 0
[L ]= 0
0 0 0
(3.45)
L
13 L 23 L 36 L 33 0 0
0 L044 L045
0 0 0
0 0 0 0 L045 L055
0
M11 = M11 cos4 θ + M22 sin4 θ + (2M12 + M66 )sin2 θcos2 θ
0
M12 = (M11 + M22 − M66 )sin2 θcos2 θ + M12 (cos4 θ + sin4 θ)
0
M13 = M13 cos2 θ + M23 sin2 θ
0 0
M14 =0 M15 =0
0
M16 = [2(M11 − M12 ) − M66 ]sinθcos3 θ + [2(M12 − M22 ) + M66 ]sin3 θcosθ
0
M22 = M11 sin4 θ + M22 cos4 θ + (2M12 + M66 )sin2 θcos2 θ
0
M23 = M13 sin2 θ + M23 cos2 θ
0 0
M24 =0 M25 =0 (3.48)
0
M26 = [2(M11 − M12 ) − M66 ]sin3 θcosθ + [2(M12 − M22 ) + M66 ]sinθcos3 θ
0 0 0
M33 = M33 M34 =0 M35 =0
0
M36 = 2(M13 − M23 )sinθcosθ
0
M44 = M44 cos2 θ + M55 sin2 θ
0 0
M45 = (M55 − M44 )sinθcosθ M46 =0
0 0
M55 = M44 sin2 θ + M55 cos2 θ M56 =0
0
M66 = 2[2(M11 + M22 − 2M12 ) − M66 ]sin2 θcos2 θ + M66 (sin4 θ + cos4 θ)
Comportement thermo-élastique
qui s’expriment assez directement en fonction des dilatations dans les axes principaux, telles que
Comportement des plis 133
On voit qu’on a principalement 2 effets, celui liant la contrainte de cisaillement σxy et la seule
déformation en cisaillement induite γxy , et le couplage tension-cisaillement déjà évoqué ci-dessus.
Le comportement en cisaillement s’exprime directement d’après les relations en rigidité
0
(L = f (L, θ) - Eq. 3.46) ou l’équivalent en souplesse :
σxy 1 1 2 2 νLT 1 1
sin2 θcos2 θ + cos4 θ + sin4 θ
Gxy = = 0 ⇒ =2 + +4 −
γxy M66 Gxy EL ET EL GLT GLT
(3.56)
Pour le couplage, on a des déformations εxx et εyy induites dans le plan du pli. En notant que
0 0 0 0 0
les composantes M16 = M61 et M26 = M62 , et puisque nous venons d’identifier M16 = −ηxy,x /Ex
dans l’Eq. 3.55, ces déformations dans le plan s’écrivent :
ηxy,x Gxy
εxx = − σxy = − ηxy,x γxy
Ex Ex
(3.57)
ηxy,y Gxy
εyy =− σxy = − ηxy,y γxy
Ey Ey
Comportement des plis 136
ce qui indique que le cisaillement transverse ne peut induire que des cisaillements transverses. On
obtient donc le comportement en cisaillement :
σxz 1 1 1 1
Gxz = = 0 ⇒ = sin2 θ + cos2 θ
γxz M55 Gxz GT T 0 GLT 0
(3.60)
2(1 + νT T 0 ) 2 1
= sin θ + cos2 θ
ET GLT 0
On voit que cet essai induit également un cisaillement transverse dans le plan normal au
plan de sollicitation (−
→x ,−
→
z ). Un coefficient de couplage µxz,yz peut être défini, même si cet
effet est rarement pris en compte car il reste limité et tend vers 0 quand les comportement en
cisaillement GLT et GT T 0 sont proches :
σxz 0
γyz = µxz,yz γxz = µxz,yz et d’après Eq. 3.59 γyz = M45 σxz
Gxz
(3.61)
0 1 1
,→ µxz,yz = Gxz M45 = Gxz − cos θ sin θ
GLT 0 GT T 0
Pour un pli unidirectionnel, l’expression précédente se réécrit :
1 2(1 + νT T 0 )
µxz,yz = Gxz − cos θ sin θ (3.62)
GLT ET
Comportement des plis 137
Synthèse
Sur la Figure 3.13 ci-dessous, on vérifie comment évoluent ces propriétés en fonction de
l’angle formé par la direction de sollicitation et la direction des fibres d’un UD carbone/epoxy.
Les propriétés de ce pli sont celles mesurées pour des fibres HR dans le Tableau 3.2 (sauf GT T 0
estimé) : EL = 159 GP a, ET = 14 GP a, GLT = 4, 8 GP a, GT T 0 = 4, 3 GP a, et νLT = 0, 32.
On voit sur cette Figure 3.13 que la rigidité normale Ex passe d’une valeur Ex (θ = 0) = EL à
une valeur Ex (θ = 90) = ET . De même, la rigidité en cisaillement plan est maximale à θ = 45
et minimale dans la direction des fibres.
Figure 3.13 : Évolution des propriétés d’un pli UD carbone/epoxy selon l’angle de la sollicitation :
rigidité dans le plan Ex (GPa), cisaillement plan Gxy (GPa) et coefficients de Poisson νxy et de
couplage ηxy,x , d’après Berthelot (2012)
Nous verrons que la prise en compte du comportement en cisaillement dans les plans
transverses au pli peut être traité indépendamment. En effet, comme nous venons de le vérifier
la réponse en cisaillement transverse (hors plan), appelée cisaillement interlaminaire dans un
empilement, est indépendante des autres comportements de membrane (dans le plan). Cette
hypothèse de contraintes planes peut ne plus être vérifié pour des préformes très épaisses et
sollicitées en 3D. Dans ce cas, la caractérisation complète du comportement des plis doit être
considérée comme nous venons de le voir.
Comportement des plis 139
σ (R) = σ (2D)
(R)
+ σi3 −
→
ei⊗−
→
e3 (3.64)
Cet état de contraintes particulier va générer, via la loi de comportement générale de type
monoclinique déjà établie pour un pli en dehors de ses axes principaux, un état de déformation
3D (par effet de Poisson). Si on écrit la relation contraintes-déformations dans notre cas :
0 0
σ1 L011 L012 L013 0 0 L016 ε1
0
L012 L022 0
L026
0
σ2 L23 0 0 ε2
L013 L023 L033 0 L036
0
0 0 ε3
= . (3.66)
0
0 0 0 L44 L045
0
0 0
0 L045 L055
0 0 0 0 0
σ60 L016 L026 L036 0 0 L066 ε06
où on reconnaît aisément l’effet de Poisson ’classique’ dans les 2 premiers termes, et l’effet de
couplage tension-cisaillement déjà évoqué plus haut pour le dernier terme. En utilisant cette
relation pour exprimer les déformations ε01 , ε02 , ε06 , par exemple pour la contrainte σ10
on reformule la loi de comportement réduite (en contraintes planes) qu’on notera [Q0 ] en rigidité
et [S0 ] = [Q0 ]−1 en souplesse. Pour intégrer le comportement thermo-élastique incluant les co-
efficients de dilatation thermique hors des axes principaux {α0 } (Eq. 3.50), on peut repartir de
Comportement des plis 140
où les rigidités réduites et les coefficients d’extensions réduits sont donnés par
L0 L0
Q0ij = L0ij − i3 j3 et Q0ij = Q0ji
L033 pour i = 1, 2, 6 (3.71)
0 0
0
Eαi = Qij αj
en notant que la déformation hors-plan peut être calculée, si nécessaire, par la relation :
1
ε03 = (L0 ε0 + L023 ε02 + L036 ε06 ) (3.72)
L033 13 1
Précédemment, dans la partie consacrée au comportement hors axes principaux, nous avons
pu vérifier que le comportement dans le plan (O, − →
x ,−
→y ) du pli était identique pour les plis
orthotrope ou isotrope transverse (Eq. 3.45). Il en est de même pour le comportement réduit du
pli en dehors de ses axes principaux, et le changement de base s’écrit :
La matrice des souplesses réduites peut également s’écrire en faisant intervenir les propriétés
du pli. Et notamment les termes de couplages tension-cisaillement :
1 −νxy −ηxy,x
0 1 0 νxy 0 1 Ex Ex Ex
S11 = , S12 = , S22 =
Ex Ey Ey
1 −ηxy,y
[S](R0 ) = (3.74)
0 ηxy,x 0 ηxy,y 0 Ey Ey
S16 = , S26 = , S66 = Gxy
Ex Ey 1
Gxy (R0 )
Comportement des plis 141
Comme nous l’avons vu précédemment, dans les axes principaux d’un pli supposé orthotrope
9 constantes définissent le comportement. En effet, les termes de couplage tension-cisaillement
L016 , L026 , L036 et de couplage des cisaillements transverse L045 sont nuls dans ce cas (Eq. 3.43
page 130). De plus, en se limitant au comportement relatif à un état de contraintes planes, les
propriétés en rigidité se limitent à
L011 = L11 L012 = L12 L013 = L13
(3.75)
L022 = L22 L023 = L23 L033 = L33
et pour un composite UD, L13 = L12 et L33 = L22 .
Dans ses axes d’orthotropie, le comportement en contraintes planes d’un pli s’écrit :
σ1 Q11 Q12 0 ε1 Q11 αL + Q12 αT
σ2 = Q12 Q22 0 ε2 + ∆T Q12 αL + Q22 αT (3.76)
σ6 0 0 Q66 ε6 0
Les rigidités réduites peuvent s’exprimer, dans les axes principaux, en fonction des modules
identifiés précédemment :
EL
Q11 =
1 − νLT νT L
ET ET
Q22 = = Q11
1 − νLT νT L EL (3.79)
νLT ET
Q12 =
1 − νLT νT L
Q66 = GLT
Dans ce cas, le nombre d’essais nécessaires à l’identification des propriétés est réduit
ε2 = −νLT ε1
[σ](R) = hσ1 , 0, 0it ⇒ σ1 (3.80)
ε1 =
EL
Comportement des plis 142
ε1 = −νT L ε2 ,
[σ](R) = h0, σ2 , 0it ⇒ σ2 (3.81)
ε2 =
ET
ces propriétés vérifiant les relations entre composantes de la rigidité
EL ET
= (3.82)
νLT νT L
Reste la rigidité en cisaillement plan à identifier. On peut utiliser un essai de cisaillement, avec
toutes les difficultés déjà évoquées pour obtenir un champ de contraintes homogènes. On utilise
plus généralement un essai de traction à 45řpar rapport à la direction des fibres qui induit du
cisaillement, maximal pour cette orientation, mais nécessite d’avoir au préalable caractérisé les
autres propriétés dans le plan :
t σx 1 1 1 1 1 νLT
[σ](R) = hσx , 0, 0i ⇒ εx = = + + −2 (3.83)
E45 E45 4 EL ET GLT EL
3.2.5 Synthèse
d’approches de Voigt dans la direction des fibres, ou Reuss pour la tension transverse aux fibres.
Pour les comportements en cisaillement longitudinal et en compressibilité latérale, les estimations
d’Hashin-Shtrikman établies à partir d’un modèle de cylindres concentriques fibre/matrice consti-
tuent l’approximation la plus utilisée. Ces estimations correspondent à la borne inférieure LHS− ,
la matrice étant choisie comme le milieu de référence. Enfin, le cisaillement dans le plan d’isotro-
pie du pli unidirectionnel est lui aussi exprimé à partir d’un modèle concentrique, mais dans une
approche auto-cohérente, elle correspond également à la borne inférieure d’Hashin-Shtrikman.
Les meilleures estimations des propriétés du pli sont obtenues en faisant intervenir le module de
compressibilité latérale dans les expressions des cisaillements.
Connaissant ces propriétés dans les directions principales du pli, nous avons ensuite établi
les relations de comportement hors de ces directions. Le comportement résultant est du type
monoclinique, les principaux résultats étant que du cisaillement peut être induit par des solli-
citations de tension, uniquement par décalage angulaire entre la sollicitation et les directions
principales. Nous verrons en détails l’influence de ces couplages lorsque les plis seront utilisés
dans des séquences d’empilement, dans le Chapitre 5. Pour cela, la formulation du comporte-
ment thermo-mécanique en contraintes planes a été explicité. Pour finir l’étude à l’échelle du pli,
il reste à s’intéresser à la résistance du pli qui est essentielle pour le dimensionnement à la ruine,
c’est l’objet du Chapitre 4.
4.
Résistance à l’échelle des plis
Sommaire
4.1 Différents types de rupture dans un stratifié . . . . . . . . . . . 147
4.1.1 Rupture à l’échelle des constituants . . . . . . . . . . . . . . . . . 147
4.1.2 Rupture à l’échelle du pli et du stratifié . . . . . . . . . . . . . . . 148
4.2 Critères de rupture simples . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 172
4.2.1 Caractérisation de la rupture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 172
4.2.2 Critères en contrainte ou déformation maximale . . . . . . . . . . . 177
4.2.3 Critères interactifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 181
4.2.4 Mise en œuvre de la rupture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 193
4.2.5 Conclusions sur les critères de rupture . . . . . . . . . . . . . . . . 193
4.3 Conclusions sur la résistance des plis . . . . . . . . . . . . . . . . 194
144
Résistance à l’échelle des plis 145
Figure 4.1 : Enveloppes de ruptures projetées dans les plans bi-dimensionnels de contraintes ; les
lignes représentent les prévisions de modèles dédiés (d’après Handbook of composites Volume 3
- Failure Mechanics of Composites - G.C. Sih & A.M. Skudra).
Résistance à l’échelle des plis 147
Les ruptures à l’échelle des constituants peuvent schématiquement être représentées selon
4 modes de rupture comme illustré sur la Figure 4.2 :
Fig. 4.2-a rupture fibre en tension si σf > σf ut ,
Fig. 4.2-b rupture matrice en tension si σm > σmut ,
Fig. 4.2-c rupture matrice en cisaillement si τm > τmu ,
Fig. 4.2-d rupture interface fibre-matrice si τi > τiu .
On notera que la rupture des fibres n’intervient que dans la direction de renforcement principale.
En effet, on imagine mal comment une rupture transverse de la fibre serait possible car il semble
peu probable de réussir à imposer un champ de contrainte transverse à cette échelle, de plus
l’interface fibre-matrice romprait bien avant la fibre.
Figure 4.2 : Modes de rupture à l’échelle des constituants : (a) rupture fibre, (b) rupture matrice
transverse, (c) rupture matrice en cisaillement, et (d) rupture interface, d’après Berthelot (2012).
Les résistances des constituants couramment utilisés sont données dans la Tableau 4.1,
en contrainte et en déformation. Il faut noter que pour les fibres de carbone et d’aramide, leur
structure particulière induit un comportement en compression qui est non-linéaire. On se rend
compte de ce comportement lorsqu’on mesure la déformation sur chaque face d’une éprouvette
unidirectionnelle en flexion par exemple. Ce comportement non-linéaire induit des déformations
à rupture différentes selon le chargement, mais la résistance en compression pose tellement de
Résistance à l’échelle des plis 148
problèmes, en tant que mécanisme de dégradation limitant, qu’en première approximation une
limite à rupture unique est utilisée pour les fibres. On utilisera, si on souhaite affiner la prévision
de la rupture, une limite à rupture en compression sens fibres qui dépendra essentiellement du
cisaillement de la matrice, caractérisant l’apparition du microflambage des fibres comme nous le
verrons ci-dessous (page 157).
E σf u εf u
(GPa) (GPa) (%)
Carbone HR 220 3à4 1,4 à 1,8
Carbone HM 400 2,2 0,5
Fibres
Table 4.1 : Résistances à rupture des principaux constituants utilisés dans les composites Hautes
Performances, d’après Berthelot (2012).
Les résistances les plus courantes mesurées à l’échelle des plis UDs sont reportées dans
le Tableau 4.2. On notera les résistances en tension et en compression avec les indices t et c
respectivement. Et les résistances dans la directions des fibres seront notées X, transverses aux
fibres Y et en cisaillement plan S. On constate clairement que la résistance en traction transverse
est une faiblesse de ces matériaux. Nous reviendrons sur ce point ci-dessous, mais on notera que
lorsque les architectures des renforts ont été présentées (§1.3.3), le renforcement dans la direction
transverse aux UDs (hors-plan) était une des sources de développement de structures 3D.
Connaissant ces résistances, on peut essayer de comprendre les mécanismes de rupture qui
surviennent localement et leurs conséquences sur la résistance.
Résistance à l’échelle des plis 149
Fibre/matrice Xt Xc Yt Yc S
(MPa) (MPa) (MPa) (MPa) (MPa)
Verre/polyester 650-750 600-900 20-25 90-120 45-60
Vf = 0, 6 Vf ≈ 0, 5
Table 4.2 : Résistances à rupture mesurées sur des UDs, Vf ≈ 50% d’après D. Hull (1981) et
Vf ≈ 60% d’après Berthelot (2012).
Résistance à l’échelle des plis 150
1) Tension dans la direction des fibres Les fibres considérées ici ont un comportement
linéaire en traction jusqu’à leur limite à rupture σf u , contrairement aux matrices qui ont généra-
lement un comportement non-linéaire. En supposant que le comportement de la matrice dans le
composite est le même que pour la résine massive, ce qui peut ne plus être vrai à fort taux de
fibres, on peut relier la contrainte ultime dans le pli σLu aux contraintes dans les constituants via
la loi des mélanges. Il faut alors envisager 2 cas : εf u < εmu et εf u > εmu . Les types de rupture
attendus sont présentés sur la Figure 4.3.
Figure 4.3 : Scénarii de rupture depuis l’état vierge (a) : (b) εf u > εmu rupture résine avant
rupture fibres et pontages (c), (d) εf u < εmu rupture fibres avant rupture résine.
Dans le cas εf u > εmu , la rupture des fibres intervient après la rupture matrice correspon-
dant au scénario Figure 4.3-(b-c) et la réponse va être celle présentée sur la Figure 4.4-a. On
distingue alors 2 régimes de résistance (Figure 4.4-c) selon la fraction volumique de fibres. A
faible taux de fibres, la matrice va limiter la résistance du pli, comme illustré sur la Figure 4.4-a
et la contrainte ultime dans le pli sera en première approximation
Par contre, à fort taux de fibres, la matrice va rompre en tension (mode d’ouverture I en mécanique
de la rupture), et les de fibres vont continuer à supporter la charge jusqu’à atteindre leur rupture.
En supposant que les fibres restent saines jusqu’à leur rupture simultanée, la contrainte ultime
du pli est alors directement liée à la résistance des fibres :
σLu = σf u Vf . (4.1)
Le point Vf0 pour lequel la résistance change de mode s’obtient en combinant les expressions de
la contrainte ultime ci-dessus :
σmu
Vf0 =
σf u − σf0 + σmu
Résistance à l’échelle des plis 151
ce qui donne, par exemple pour un composite Verre E/polyester correspondant aux données
reportées ci-dessus (Tableau 4.1 ; σmut = 100M P a, σf ut = 2800M P a, σf0 = 3, 5% × 70000 =
2450M P a), Vf0 = 0, 22. Les composites couramment employés possèdent des fractions de fibres
bien supérieures à cette limite, comprises généralement entre 0,45 et 0,65.
(a) (b)
(c) (d)
Figure 4.4 : Rutpure en tension du pli et contrainte dans le pli en fonction de la fraction de fibres :
(a)-(c) pour εf u > εmu , et (b)-(d) pour εf u < εmu .
Dans le cas εf u < εmu , la rupture des fibres intervient avant la rupture matrice, ce qui
correspond au mode de rupture de la Figure 4.3-d. A faible taux de fibres, la rupture des fibres
ne suffit pas à rompre entièrement la matrice, mais comme la section ’effective’ supportant le
Résistance à l’échelle des plis 152
chargement diminue, la limite à rupture est plus faible que pour la résine seule
0 0
σLu = σmu (1 − Vf ) avec σm = σm (εf u )
et quand le taux de fibres est élevé, la résine seule ne peut supporter le chargement, elle rompt
dès que la limite des fibres est atteinte :
0
σLu = σf u Vf + σm (1 − Vf ).
0
soit pour un UD carbone HR /epoxy (Tableau 4.1 ; σmut = 70M P a, σf ut = 2700M P a, σm =
0
1, 1% × 4000 = 440M P a), Vf = 0, 095. Ce dernier type de rupture (εf u < εmu ) ne se rencontre
quasiment jamais, et les cas extrêmes sont plutôt tels que εf u ≈ εmu , par exemple pour les
composites thermo-structuraux.
Une étude plus approfondie des mécanismes conduisant à la ruine totale passe par l’étude
des états contraintes qui se redistribuent en bout des fibres rompues, dans les fissures matricielles.
Des modèles simples montrent que le type de rupture finale est lié directement aux rapports
des résistances sous les 3 sollicitations principales - sens fibres, sens transverse, et cisaillement
(Tableau 4.2). Les faciès correspondant à la rupture en tension sens fibres varient en fonction
des fibres considérées. La Figure 4.5 synthétise ces faciès pour différents UDs constitués d’une
résine époxy similaire.
Comme on peut l’attendre des données matériaux (Tableau 4.1), on vérifie que la rupture
de ces UDs en tension correspond au cas εf u > εmu , soit une rupture matrice suivie par une
rupture des fibres, puis par le déchaussement, ou non, des fibres du composite ’résiduel’ tel que
présenté schématiquement sur la Figure 4.3-b-c. On sait donc que la fissuration de la matrice
va induire un transfert de charge aux fibres qui vont rompre, mais la ruine va dépendre du dé-
chaussement possible de ces fibres, ce déchaussement étant contrôlé directement par la résistance
de l’interface fibre/matrice (rupture en mode III). La mesure de cette résistance de l’interface
est généralement réalisée par des tests dits fibre pull-out, mais en première approximation on
peut obtenir indirectement une quantification de la résistance de l’interface via la résistance en
cisaillement longitudinal du pli, notée ici S.
Dans le cas d’un carbone/epoxy, caractérisé généralement par une très bonne adhérence
fibre/matrice, le rapport des résistances en tension et cisaillement est (Vf = 0, 6 Tableau 4.1) :
Xt
S
' 21, 4. Ce qui signifie qualitativement que les fibres n’auront pas une tendance forte à se
déchausser après rupture par fissuration transverse de la matrice. On vérifie sur la Figure 4.5-a
que l’adhérence à l’interface est élevée, peu de déchaussement se produisent, les fibres cassent de
manière quasi-fragiles dans un mode coopératif en formant un plan. Peu de fibres dépassent de
Résistance à l’échelle des plis 153
la matrice fissurée. A l’opposé, le Kevlar 49 présente un rapport de résistance de XSt ' 41, 2. Le
faciès de rupture (Figure 4.5-b) laisse apparaître quasiment uniquement des fibres déchaussées
de la partie désolidarisée de l’UD rompu. Clairement, cette rupture se produit progressivement et
les frictions qui ont lieu aux interfaces fibre/matrice vont dissiper une grande partie de l’énergie
de rupture. Le mode de rupture sera plutôt de type ’ductile’ et cette faiblesse de l’interface
fibre/matrice rend l’utilisation des fibres d’aramide délicate. La même remarque peut être émise
pour les fibres naturelles ; c’est actuellement un des principaux freins à leur utilisation industrielle.
Il faut noter que les fibres, quelque soit leur nature, sont systématiquement traitées pour améliorer
cette affinité fibre/matrice, par ensymage notamment dans le cas des fibres de carbone.
Le cas intermédiaire de rupture est l’UD Verre E/epoxy (Figure 4.5-c), avec une rupture
combinant rupture coopérative et déchaussement ; le rapport des résistances est XSt ' 15, 2
mais ici la résistance de l’interface est connue pour être de meilleure qualité que dans le cas du
Kevlar et la résistance des fibres est plus élevée que celle du carbone (∼ 3-4% contre 1-1,4%).
Enfin, en modifiant l’environnement du test, ici en ajoutant de l’acide hydrochlorique, la rupture
longitudinale des fibres est précoce, ce qui aboutit à un faciès de rupture qui peut être associé à
une comportement fragile (Figure 4.5-c) de l’ensemble, soit εf u ' εmu .
Résistance à l’échelle des plis 154
(a) (b)
(c) (d)
Figure 4.5 : Faciès de rupture d’UDs fibres/epoxy en tension sens fibres (a) carbone, (b) Kevlar
49, (c) verre et (d) verre dans un environnement agressif (thèse P.J. Hogg, 1981).
Résistance à l’échelle des plis 155
Figure 4.6 : Propagation d’une fissure transverse dans un pli UD verre/polyester (Hull, 1981) -
df ibres ≈ 10µm.
avec une compacité maximale de 0,785 quand les fibres se touchent. Kies (1962) a proposé
d’améliorer ce modèle, en prenant en compte une concentration des champs mécaniques due
notamment à la restriction des déformations de la résine dans la direction de fibres - effet de
Poisson nul. De plus, la réponse de la résine étant souvent non-linéaire, il est plus judicieux de
considérer le problème écrit en déformations. Pour des fibres de diamètres df dont les centres
sont distants de δ, la concentration des déformations pour un arrangement carré est donc
−1
εm df Ef t df
β= = + 1− (4.3)
εT δ Em δ
Dans le cas d’un UD carbone/epoxy à 60% de fibres, avec des fibres df = 7µm, le coefficient β
est de 5 environ pour un arrangement hexagonal et 7,5 pour un arrangement carré. Ainsi, pour des
résines dont la limite à rupture est de 4 %, la fissuration transverse pourrait survenir dès 0,5% de
Résistance à l’échelle des plis 156
déformation, même dans des résines ductiles. Toutefois, il est admis que ces fissures ne conduisent
pas systématiquement à la ruine (Figure 4.7-a) car les renforts dans la direction principale du
chargement sont à même de reprendre les efforts. Par contre, lorsque ces fissures sont en trop
grand nombre, ou encore dans le cas où la structure composite doit contenir des liquides ou gaz,
ces fissures peuvent être critiques. Finalement, les modèles basés sur cette approche donnent des
résultats assez proches des mesures comme on le voit sur la Figure 4.7-b pour un UD verre/epoxy.
(a) (b)
Figure 4.7 : Résistance transverse : (a) faciès dans un [0/90], et (b) réponse d’un UD Verre
E/epoxy, Vf = 0, 55, mesures et modèle issu de l’Eq. 4.3 (d’après Hull, 1981).
Résistance à l’échelle des plis 157
(a) (b)
Figure 4.8 : Mesures de résistance en compression par compression pure (a) comparaison des
résistances en tension et compression de divers empilements carbone/epoxy (Sigety et al. ,1990),
et (b) modes de rupture pour un AS4/3501-6 sur montage IITRI (Odom et al., 1990).
(a) (b)
Figure 4.9 : (a) Rupture en ’balai’ (broom) dans un essai de compression pure - Istitutos delle
Materiales IMA, et (b) faciès de bande de pliage résultant d’une rupture en compression sens
fibres.
Résistance à l’échelle des plis 159
Comme indiqué sur la Figure 4.10, dans les composites dont la fraction de fibres est suf-
fisamment élevée, comme les fibres possédent une ondulation initiale, au-delà d’un chargement
critique elles vont ’flamber’ dans un mode coopératif (Figure 4.10-a). La résine contenue dans
ces paquets de fibres va alors subir un chargement en cisaillement qui va la conduire dans un état
de comportement plastique, réduisant d’autant les efforts s’opposant à l’ondulation des fibres.
Finalement, la flexion des fibres augmentant, elles vont rompre aux points où les courbures sont
maximales (Figure 4.10-b), pour former des bandes de pliage (Figure 4.10-c) telles qu’observées
expérimentalement après la rupture (Figure 4.9). La longueur caractéristique des bandes de pliage
mesurée expérimentalement correspond bien à la longueur d’onde du microflambage qui peut être
établie par exemple à partir de modèles de poutres sur fondations non-linéaires.
Les modèles micro-mécaniques proposés pas Rosen (1964) puis Argon (1972), et Budiansky
& Fleck (1994) ont permis d’affiner la prévision de la contrainte critique d’apparition du micro-
Résistance à l’échelle des plis 160
flambage. Dans le modèle simpliste de Rosen, la contrainte critique est directement proportionnelle
à la rigidité en cisaillement du composite
Gm
σLuc ≈ (4.4).
(1 − Vf )
Gc
σLuc = (1/n) n−1
chargement et des conditions aux limites du pli. Sans entrer dans les détails qui pourront être
trouvés dans des publications de S. Drapier et al. par exemple, on peut étudier cette résistance
en prenant en compte l’effet de structure. En effet, le mécanisme de micro-flambage étant décrit,
son apparition va dépendre des conditions de chargement locales et des conditions aux limites du
pli. La résistance en compression sera d’autant plus élevée que le microflambage apparaîtra sur
une épaisseur restreinte à travers le pli. Sur la Figure 4.11-a où sont reportées des mesures en
compression pure, on vérifie que plus le nombre de plis consécutifs dans la direction du chargement
est petit, plus la résistance est élevée, [0]16 → [03 /90]2s → [0/90]4s . Il s’ensuit que la résistance
sera plus élevée lorsque le chargement varie dans l’épaisseur (Figure 4.11-b), le cas extrême étant
la flexion pure, mais cela dépend également de la présence de plis transverses qui vont restreindre
les déplacements des fibres (Figure 4.11-a, [02 /452 ]2s → [0/90]4s ).
(a) (b)
et le comportement des fibres s’écrit en fonction de la longueur caractéristique des fibres, le rayon
p
de giration rgf = Sf /If représentant la capacité des fibres à passer d’un état de compression
à un état de flexion lors de l’apparition de l’instabilité
mf (−
→ 2 00 −
x ) = Ef rgf v (→
x)
où la courbure, la dérivée seconde de la flèche par rapport à la direction des fibres, est notée v 00 .
Ces milieux sont dits à longueur interne ou plus particulièrement milieux de Cosserat, ce sont des
milieux homogènes équivalents possédant une rigidité en flexion.
Par ailleurs, pour réduire les temps de calcul, un champ de déplacement à 2 échelles peut
être considéré, avec une composante locale (− →
u L ) représentant les champs autour du microflam-
−
→
bage et une composante globale ( u G ) représentant les conditions aux bords du pli, en accord
avec les observations physiques de l’apparition du microflambage dans un pli (Figure 4.12-a).
(a) (b)
La difficulté consiste ensuite à exprimer les relations entre les déformations (non-linéaire
02
dans la direction des fibres γ1 = ε1 + v2 ) et contraintes aux 2 échelles, et notamment d’intégrer
correctement la loi de comportement locale qui nécessite d’être homogénéisée à chaque mise à
jour du comportement non-linéaire (Figure 4.12-b). Finalement, le problème à résoudre s’écrit :
Z n D−
→ −
Vf Ef rgf vL δvL + S L (γ , γ ) : δγ + S11 (γ )(vL + vG )δvL ) : δγ dΩ− f , u = 0, ∀δ −
→ →
o E
2 00 00 0 0
u C.A.(0)
Ω G L L G L
(4.7)
Résistance à l’échelle des plis 163
A partir de cette formulation faible (Eq. 4.7), on peut assez directement en déduire une
formulation éléments finis. Pour réduire encore les temps de calcul, on peut rechercher la solution
sous la forme d’un champ de déplacement interpolé de façon classique à travers l’épaisseur du pli
et sous forme de combinaisons d’harmoniques dans la direction des fibres - champ de déplacement
caractéristique des instabilités cellulaires. On aboutit à un élément fini 1D 1/2 très rapide (Figure
4.13-a). Par contre, le comportement non-linéaire doit être intégré sur tout le domaine, il faut
donc une intégration du comportement sur une distribution complète de points de Gauss.
Enfin, le pilotage de la résolution se fait avec un pilotage à longueur d’arc qui a l’avantage,
par rapport à une résolution de type Newton-Raphson où le chargement extérieur est incrémenté,
de pouvoir passer des points limites et des points de rebroussement tels que présentés sur la Figure
4.13-b. Ces points limites caractérisent un comportement instable qui physiquement correspond
à la rupture du pli car l’équilibre stable ne peut être atteint que si l’essai permet de réduire
à la fois la contrainte imposée et le déplacement, ceci en des temps très courts. Ce qui n’est
pas impossible mais difficilement réalisable, et de toute façon impossible à envisager en termes
de conception. Nous sommes ici dans le cas d’un bifurcation sous-critique, i.e. lorsque ce point
est atteint aucun équilibre stable ne peut plus concrètement exister et on saute sur la branche
asymptotique bifurquée (pointillés sur la Figure 4.13-b).
(a) (b)
Figure 4.13 : (a) Discrétisation du problème Eq. 4.7 et (b) réponse en compression d’un pli UD
en fonction du défaut initial v0 .
Les calculs permettent de représenter les effets du chargement, des conditions aux limites
Résistance à l’échelle des plis 164
du pli, et de l’épaisseur du pli. Sur la Figure 4.14, on peut observer les distributions de contraintes
de Von-Misès obtenues pour des UDs carbone/epoxy de type T300/914 à 60% de fibres. Ces
contraintes sont représentatives de l’apparition de la plasticité dans la résine, et donc de l’ap-
parition du microflambage. On constate notamment que lorsque des plis croisés empêchent les
déplacements transverses, la résistance est accrue (Figure 4.14-b-c) de 2 % à 2,69 %. De plus,
lorsqu’un chargement de flexion pure est appliqué au lieu de compression pure, la résistance
augmente également (Figure 4.14-a-b) passant de 1,78 % à 2,69 %, la zone où se développe le
microflambage est plus restreinte. Dans le cas d’un bord libre (Figure 4.14-c), on voit clairement
le microflambage se développer dans une couche limite. Expérimentalement, on peut observer ceci
par le décollement de couches de fibres en surface pour des cas de rupture prématurée (Figure
4.11), pour des conditions aux limites maîtrisées dans des essais de flexion.
Figure 4.14 : Répartition des contraintes de Von-Misès dans le pli UD pour différents chargements
et différentes conditions aux limites (a) compression bloqué-bloqué, (b) flexion bloqué-bloqué, et
(c) flexion bloqué-libre.
Résistance à l’échelle des plis 165
Plus globalement, cette approche permet de retrouver les résistances expérimentales me-
surées avec des essais de compression pure ou de flambage rotulé permettant de faire varier le
gradient de contrainte normale dans l’épaisseur des plis en bloquant la rotation (la courbure) et
donc le gradient de déformation. Sur la Figure 4.15-a on constate que la résistance, mesurée avec
un essai de flambage rotulé dépend bien du gradient de déformation, i.e. combinant le chargement
de flexion et l’épaisseur testée. On vérifie que plus le chargement est confiné, plus la résistance
augmente. D’autre part, on retrouve ces effets combinés en testant des séquences d’empilement
variées (Figure 4.15-b) où la résistance atteinte est fonction de l’épaisseur dans la direction du
chargement et des plis adjacents. On notera la valeur de 3,9 % obtenue pour la dernière séquence
possédant un pli à 0ř externe, tandis que la résistance obtenue en compression pure est de l’ordre
de 1,5 % au mieux dans les essais classiques.
(a) (b)
Figure 4.15 : Mesures de résistance en compression par essais de flambage rotulé et comparaison
avec les simulations (a) effet du gradient de chargement, et (b) effet de la séquence d’empilement,
d’après Drapier et al. 1998.
Résistance à l’échelle des plis 166
On valide ici l’idée que la résistance en compression sens fibres est une caractéristique qui
ne peut être prise en compte simplement par des critères et que l’approche de Rosen, qui peut
paraître simpliste (Eq. 4.4) correspond finalement à une valeur utilisable. Il faut en effet remarquer
que cette résistance théorique élevée ne correspondait pas aux valeurs faibles mesurées par des
essais de compression directe, eux-mêmes excessivement délicats à mettre en œuvre. C’est donc
naturellement que des modèles visant à baisser cette limite ont été proposés tels que celui de
Budiansky&Fleck (Eq. 4.5). Pourtant, au final la résistance peut localement atteindre des valeurs
qu’on ne pouvait soupçonner avec des essais de compression, de l’ordre de 4 % en flexion pure
contre 1,5 % en compression pour un carbone HR/epoxy.
Pour conclure, la résistance en compression des composites à fibres longues résulte de
l’apparition d’un mécanisme de type instabilité de structure, et de simples critères ne peuvent
rendre compte cette complexité. On voit ici tout l’intérêt de disposer d’outils de calcul efficaces,
permettant de produire des surfaces de réponse utilisables dans une démarche de conception.
Dans une démarche de conception, les bureaux d’étude ont intégré, à minima, la nécessité de
ne pas utiliser massivement des épaisseurs de couches à 0ř et d’alterner avec des plis transverses
pour réduire l’apparition du microflambage.
4) Compression transverse Le cas de la compression transverse est également délicat
à étudier. Ici aussi, de nombreux facteurs influencent cette résistance. L’étude micro-mécanique
d’un élément de matière du pli UD tel que schématisé sur la Figure 4.16 permet de distinguer
ces 3 mécanismes de rupture. Tout d’abord le mode qui correspondrait à un écrasement dans
la direction transverse aux fibres peut conduire à la ruine, mais il est probable que cette charge
de compression induise un cisaillement tel que la rupture en cisaillement est plus à même de
limiter la résistance, compte tenu des faiblesses en cisaillement et de l’interface fibre-matrice déjà
évoquées (Tableaux 4.1 et 4.2).
Rappelons que les limites à rupture des constituants sont de l’ordre de 100 à 200 M P a
pour la matrice en compression (σmuc ), de l’ordre de 10 à 50 M P a en cisaillement(τmu ), et de
l’ordre de 2 à 4 GP a pour les fibres (σf ut ). Il est donc peu probable que la rupture en compression
transverse se produise par écrasement. Par contre, si on reprend les expressions des contraintes
hors-axe du pli en fonction des contraintes dans les directions principales (Eq. 3.38), on vérifie
que le cisaillement induit par une compression normale sera maximum dans un plan à 45ř.
1
σ60 = sin θ cos θσ2 ⇒ σ12
max max
= τ12 = σ22
2
La rupture en cisaillement va se produire préférentiellement dans les plans contenant la direction
des fibres tels que les plans ABCD et BEDF sur la Figure 4.16. Si le cisaillement dans le
plan ABCD peut être assimilé au cisaillement dans le plan (O, − →e 1, −
→
e 2 ) du pli, par invariance
−
→
de rotation autour de l’axe des fibres e 1 (Figure 4.16-b), toutefois la résistance au cisaillement
dans ce plan ABCD sera plus grande que la résistance dans le plan d’un pli UD soumis à ce
chargement seul (cf ci-dessous). Ceci à cause du chargement de compression qui augmente le
Résistance à l’échelle des plis 167
(a) (b)
Figure 4.16 : Élément de matière isotrope transverse en compression transverse : (a) plans de
cisaillement induits et (b) sollicitations équivalentes.
Résistance à l’échelle des plis 168
frottement entre les plans à 45ř, i.e. même si la rupture de l’interface se produit la croissance
puis la propagation de fissures sont gênées par la compression transverse.
Le cisaillement dans l’autre plan du pli, BEDF (Figure 4.16-b), peut être induit par un
chargement de compression en bloquant les déplacements parallèles à F D, il implique la rupture
des fibres en cisaillement transverse. Compte-tenu de la résistance des fibres dans ce plan de
clivage, la résistance sera élevée également. On retrouve ce type de sollicitation lors de la formation
des bandes pliage, telles qu’illustrées ci-dessus (figure de l’Eq. 4.5 par 160) où le chargement de
compression directe se transforme en chargement de cisaillement suite à l’apparition de la bande
de pliage. Dans le cas de composites carbone/epoxy, donc pour des fibres orthotropes, ces 2
résistances sont du même ordre et de toute façon plus élevées que la résistance en cisaillement
plan (contenant la direction des fibres) considérée ci-dessous.
5) Cisaillement longitudinal ou cisaillement plan La structure du pli, rappelée sur la
Figure 4.17-a, nous amène à considérer 2 types de résistances en cisaillement : cisaillement dans
les plans contenant la direction des fibres (O, − →e 1, −
→e2 ≡ −→
e 3 ), noté τL , et cisaillement dans le
−
→ −
→
plan d’isotropie transverse (O, e 2 , e 3 ) noté τT . Ce dernier mécanisme n’est pas nécessairement
critique, d’une part parce que ce sont les résistances en cisaillement de la matrice et des fibres qui
vont limiter la ruine, mais surtout dans les architectures courantes ce cisaillement se déroulera
dans une zone (épaisseur) confinée et mettra en défaut la résistance de la matrice dans des régions
riches en résine, par exemple entre les plis, plutôt que dans les plis eux-mêmes. Par contre, le
cisaillement dans le plan (O, − →e 1, −
→
e 2 ), appelé cisaillement intra-laminaire, et le cisaillement hors-
−
→ −
→
plan (O, e 1 , e 3 ) appelé cisaillement inter-laminaire, tous 2 contenant la direction des fibres, vont
solliciter essentiellement la matrice et l’interface fibre/matrice (Figure 4.17-a). Ces sollicitations
sont similaires dans le cas d’un pli supposé isotrope transverse invariant par rotation autour de
−
→e 1.
Il faut observer que le champ de contrainte locale peut différer sous les sollicitations τ12 et τ21
de par l’orthotropie du matériau, il en va de même pour la résistance. Sous un chargement τ21 , la
réponse se rapproche de celle correspondant au plan BEDF ci-dessus (Figure 4.16) impliquant le
clivage des fibres, mais sans compression superposée au cisaillement. Conformément à la remarque
faite plus haut, ce mode de rupture implique la rigidité en cisaillement transverse des fibres, ce
qui augmente d’autant la résistance. Par contre, sous un chargement τ12 , l’interface fibre-matrice
sera sollicitée dans la direction des fibres. La tendance de la fissuration à se propager le long
des interfaces endommagées va conduire à une résistance faible. C’est cette résistance qui est
considérée dans les approches en contraintes planes. Une réponse typique en cisaillement intra-
laminaire est représentée sur la Figure 4.17, la non-linéarité est liée à la réponse non-linéaire de
la résine polyester utilisée.
6) Influence de l’orientation sur la rupture Imaginons un essai simple où l’UD est
soumis à un chargement de tension dans une direction formant un angle θ avec la direction des
fibres. Cet essai est dit essai hors-axes, il est couramment utilisé pour caractériser le comportement
Résistance à l’échelle des plis 169
(a) (b)
Figure 4.17 : Cisaillements : (a) plans de cisaillement d’un UD, et (b) réponse en cisaillement
d’un UD verre/polyester, Vf = 0, 4, d’après M.J. Legg (1980).
Résistance à l’échelle des plis 170
Figure 4.18 : Résistance en tension σxu d’un UD verre/polyester en fonction de l’angle θ entre la
sollicitation et la direction de fibres, d’après Hull (1981) - df ibres = 10µm..
Résistance à l’échelle des plis 172
Lors des essais, le faciès de rupture peut être observé post-mortem, comme nous l’avons
vu ci-dessus. Le type de rupture peut également nous renseigner sur le scénario - avec ou sans
déchaussement des fibres, plis croisés intacts ou présentant des ruptures transverses de matrice,
rupture des fibres en ’balai’. De plus, dans ces essais on vise également à mettre en évidence
des spécificités rencontrées dans l’utilisation en service de ces composites. Pour les composites
dans les transports, on aura donc des essais de tension ou compression sur éprouvette trouée
(OHT : Open Hole Tension) et de compression après impact (CAI : Compression After Impact).
Les essais OHT et OHC permettent d’évaluer les effets dus à la concentration de contraintes
en bord du trou induits par le bord libre (état de contraintes planes devenant 3D sur le bord
libre) tout en représentant l’effet des trous de perçage pour l’assemblage des sous-structures. Les
essais CAI permettent de mesurer la tenue du composite après avoir subi de dégradations du
type chute d’un outil lors de la maintenance ou choc d’un oiseau en vol.
Des exemples de rupture sont donnés sur la Figure 4.20 pour un essais OHT sur plis
stratifiés bi-axiaux, et un essai de tension sur plis à 45ř- [±45]2s qui peut être utilisé pour
déterminer la résistance en cisaillement plan. L’essai OHT montre que la rupture se produit
Résistance à l’échelle des plis 173
d’abord par fissurations transverses de la matrice dans les plis à 90ř(Figure 4.20-a image du bas),
puis survient la rupture transverse initiée au niveau des concentrations de contraintes maximales,
au niveau du diamètre du trou, aboutissant finalement à la rupture des fibres à 0ř. Dans l’essai
sur plis croisés à ±45ř(Figure 4.20-b), on voit que la rupture se produit par cisaillement plan,
le long de la direction des fibres, et au centre de l’éprouvette. Ici également, la rupture nette,
présentant peu de déchaussement de fibres, montre que l’interface pour des carbone/epoxy est
d’excellente qualité.
(a) (b)
Figure 4.20 : Rupture en tension sur T300/914 : (a) OHT [0/90]2s , et (b) cisaillement plan sur
[±45]2s (Source ONERA).
Le suivi de ces mécanismes d’endommagement, ainsi que de leur propagation, peut se faire
par diverse moyens tels que la thermo-graphie infrarouge, les mesures d’impédance électrique,
ou encore l’émission acoustique. Le principe de cette dernière méthode également utilisée pour
la santé matière repose sur la mesure du temps de parcours et de l’atténuation du signal acous-
tique émis par une source puis enregistré par un microphone. Si le principe est très simple, par
contre sa mise en œuvre est délicate, spécialement dans les matériaux composites possédant des
stratifications et donc des interfaces où les ondes se diffractent. Schématiquement, comme on
peut le voir sur la Figure 4.21-a ci-dessous, en mesurant le temps de vol de l’onde et connaissant
la vitesse de propagation des ondes dans le composite orthotrope, on peut détecter par trian-
gulation la position d’un défaut en contrôle et la survenue d’un événement en suivi de rupture.
Des systèmes sont vendus pour une utilisation industrielle, par exemple les systèmes d’AE-Tech
(Acoustic Emission Technology) Figure 4.21-b avec une proposition d’association d’amplitude à
Résistance à l’échelle des plis 174
des événements de rupture. Cette technique reste toutefois d’une utilisation complexe et dont
la fiabilité n’est pas totalement assurée. Par extension, le contrôle de la santé matière peut se
faire par A-Scan (mesure dans l’épaisseur en un point de la surface) ou C-Scan (mesure sur le
volume), qui repose sur le même principe, la source/récepteur balaye la surface de la pièce.
(a) (b)
Figure 4.21 : Évaluation de la santé matière et du suivi de comportement par émission acoustique :
(a) principe et (b) proposition d’association d’amplitude à des événements de rupture (d’après
AE-Tech).
En admettant que le suivi des endommagements puisse se faire, dans une démarche de
conception on souhaitera disposer de critères de résistance à utiliser. Comme indiqué en introduc-
tion de ce chapitre, la démarche la plus ’abrupte’ consiste à tester des séquences d’empilement
retenues pour la conception, sous des chargements connus représentant les chargements que le
composite est susceptible de rencontrer. En plus des difficultés de mise en œuvre et d’interpé-
tation de ces essais impliquant au moins des états de contraintes biaxiaux dans un matériau
anisotrope, leur nombre devient vite rédhibitoire. Par exemple, même pour des séquences d’em-
pilement relativement simples sous un chargement simpliste, le scénario de rupture comporte une
succession d’endomagements qui se créent et intéragissent (Figure 4.22). De faibles variations
des propriétés matériaux liées par exemple à leur mise en œuvre peuvent modifier drastiquement
ce scénario de rupture. En plus de cette variabilité intrinsèque, le moindre changement dans les
choix de matériaux et/ou des séquences d’empilement conduit à renouveler ces essais.
On essaie donc de se ramener à une approche plus générique de la rupture basée sur le
Résistance à l’échelle des plis 175
Figure 4.22 : Rupture d’un [0, ±45, 90]n OHT (d’après Berthelot, 2012) : (b) fissurations trans-
verses, (c) en cisaillement, et (d) enfin longitudinales.
Résistance à l’échelle des plis 176
comportement d’un pli seul, dans le but d’en déduire la résistance d’un séquence d’empilement
complète partant des états de contraintes locaux connus - rappelez-vous, l’étape de localisation
des champs de la séquence d’empilement vers les plis. Pour cela, on souhaite disposer, pour des
plis élémentaires, de zones de sécurité utilisables en conception, et plus généralement de critères
de dimensionnement qui doivent être satisfaits pour s’assurer de l’intégrité du pli.
Résistance à l’échelle des plis 177
Rappelons que les contraintes dans le repère principal du pli (σL , σT , σLT ), s’expriment en
fonction des contraintes dans le repère global (σxx , σyy , σxy ) en inversant la relation Eq. 3.38
({σ} = [Tσ ]−1 {σ 0 }). Finalement, ces contraintes doivent être comprises entre les contraintes
ultimes
−Xc < σxx cos2 θ + σyy sin2 θ + 2σxy cos θ sin θ < Xt
−Yc < σyy cos2 θ + σxx sin2 θ − 2σxy cos θ sin θ < Yt (4.9)
2
2
−S < σxy cos θ − sin θ + (σyy − σxx ) cos θ sin θ < S
Compte tenu de la présentation qui a été faite précédemment des modes de rupture intervenant
dans les plis, il est essentiel de distinguer les résistances en tension et en compression. Les limites
en cisaillement, elles, ne dépendent pas du signe de la sollicitation.
La démarche présentée aboutit à définir un critère en contraintes maximales admissibles,
proposé par Jenkin (1920). Pour un essai de traction hors axe, la zone de sécurité (Eq. 4.9)
devient :
−Xc < σxx cos2 θ < Xt
−Yc < σxx sin2 θ < Yt (4.10)
−S < −σxx cos θ sin θ < S
On retrouve dans ce cas l’évolution de la résistance en fonction de l’angle, similaire à celle
présentée ci-dessus (Figure 4.18), avec la compression qui est prise en compte également. On
reporte, pour chaque angle, le minimum des 3 résistances (cf Eq. 4.8), en compression et en
tension (Figure 4.23). On constate que la perte de résistance est conséquente même pour des
angles faibles.
Par analogie avec les surfaces d’écoulement en plasticité, on peut représenter cette surface
à l’intérieur de laquelle la rupture du pli ne se produira pas. Dans un état de contraintes planes,
les plans (O, σL , σT ) et (O, σL , σLT ) par exemple permettent de visualiser cette zone de sécurité
(safe design) encore appelée de façon générale l’enveloppe de rupture (Figure 4.24).
Il est intéressant d’introduire, pour n’importe quel critère, le rapport entre la limite à
rupture et la contrainte ou la déformation courante correspondante, ou plus simplement R le
rapport de résistance, qui exprime la ’marge’ avant rupture. Prenons un état de contraintes
0 0 0 0
planes (σxx , σyy , σxy ), avec par exemple σyy < 0. On a donc les rapports :
t Xt Yc S
RX = 0
RYc = 0 |
(Yc > 0) RS = 0
(4.11)
σxx |σyy σxy
Résistance à l’échelle des plis 178
Figure 4.23 : Résistance en tension σxu d’un UD verre/epoxy en fonction de l’angle θ entre la
sollicitation et la direction de fibres - échelle logarithmique en ordonnée, d’après Berthelot (2012).
Figure 4.24 : Enveloppe de rupture en contraintes planes dans les plans (O, σL , σT ) et
(O, σL , σLT ) .
Résistance à l’échelle des plis 179
Enfin, pour les matériaux composites de type UDs, la rupture aura lieu principalement par
fissuration transverse et en cisaillement de la matrice. Par conséquent, le rapport 1/Rx <<
(1/Ry , 1/Rs ).
L’utilisation de critères en déformations proposée par Waddoups (1967) peut être également
pratique, par exemple pour prendre en compte des comportements éventuellement non-linéaires
où la rupture en déformation peut être plus pertinente. On transpose donc les limites précédentes
en contraintes à des limites en déformations, et dans ce cas la zone de sécurité est telle que :
Considérons un essai de traction hors-axe. Dans ce cas, les relations en contraintes planes
établies précédemment en rigidité (Eq. 4.13) s’écrivent facilement en souplesse
1 νLT
EL − EL 0
σL ν εL
TL 1
σT = − 0 εT (4.13)
ET ET
σLT 1 γLT
0 0
GLT
et en simplifiant la définition des contraintes locales en fonction du chargement σxx seul (Eq. Eq.
Résistance à l’échelle des plis 180
3.38), on aboutit à l’expression des déformations en fonction des rigidités du pli UD (Eq. 3.79)
1 2 νLT 2
εL = cos θ − sin θ σxx
EL EL
νT L 2 1 2
εT = − cos θ + sin θ σxx (4.14)
ET ET
1
γLT = cos θ sin θσxx .
GLT
En supposant que le comportement est linéaire, on peut relier les déformations obtenues
ci-dessus aux contraintes, et notamment les limites à rupture :
Xc Xt
Xεc = Xεt =
EL EL
Yc Yt
Yεc = Yεt = (4.15)
ET ET
S
Sε =
GLT
On peut alors réécrire les critères en déformations à comparer directement aux critères en
contraintes explicités plus haut (Eq. 4.9) exprimés légèrement différemment
Xc Xt Xc Xt
− < σxx < − 2 < σxx <
2
cos θ cos2 θ cos2
θ − νLT sin θ cos θ − νLT sin2 θ
2
Yc Yt Yc Yt
− 2 < σxx < − 2 < σxx <
sin θ sin2 θ 2
sin θ − νT L cos θ 2
sin θ − νT L cos2 θ
S S S S
− < σxx < − < σxx < .
cos θ sin θ cos θ sin θ cos θ sin θ cos θ sin θ
Table 4.3 : Déformations à rupture mesurées sur des UDs, Vf = 60%. Les limites en compres-
sion Xεc sont évidemment sujettes à caution - cf remarques faites sur la résistance en compression.
Ces critères en contraintes et déformations maximales sont très utiles, ils s’appliquent aussi
bien aux comportement isotropes transverses qu’orthotropes, mais possèdent 2 défauts majeurs.
En premier lieu, la manipulation d’inégalité est toujours délicate. En second lieu, ces critères ne
permettent pas de prendre en compte de couplage des modes de rupture, ni même de pouvoir
prendre en compte l’influence d’une composante de contrainte sur un mode de rupture associé à
un autre mode de rupture, par exemple l’influence de la compression transverse σyy sur l’apparition
de ruptures en cisaillement pilotées par la contrainte en cisaillement σxy .
Les critères énergétiques sont très largement employés dans le dimensionnement des struc-
tures composites. L’hypothèse de base de la théorie énergétique de la rupture est que des états
de contraintes différents sont équivalents du point de vue de la rupture du matériau si les énergies
de déformation qu’on leur associe sont égales. La question qui se pose est celle de la définition
de la forme de l’énergie de déformation.
Un des premiers critères de rupture anisotropes fut introduit par Hill (1948) comme géné-
ralisation du critère isotrope de Von-Misès utilisé en flexion des métaux ductiles. Le critère de
Hill s’écrit r
3
f (σ) = sij sij − σe (4.17)
2
1
avec sij = σij − σpp δij le tenseur déviateur des contraintes et σe une limite. Ce critère vise
3
avant tout les métaux dont la partie plastique des déformations est incompressible. L’utilisation
Résistance à l’échelle des plis 182
du déviateur des contraintes est donc naturelle et permet que le comportement ne dépende que
de la partie déviatorique de la réponse matériau.
Dans le cas des composites, cette restriction n’est pas nécessaire, et on conserve simplement
l’idée de fonction convexe des contraintes permettant de caractériser, avec une grandeur scalaire,
un état de contrainte tridimensionnel. Pour l’utiliser en tant que critère de rupture, il suffit
simplement de s’assurer que ce critère est inférieur à 1 :
f (σ) = σ : F : σ = 1
(4.18)
= Fij σi σj = 1 (en notation de Voigt σ1 = σxx , ..., σ6 = σxy )
Pour ce critère qui ne permet pas de différencier les résistances en tension et en compression,
des essais simples permettent d’identifier ces 6 fonctions liées aux résistances X, Y , et S. Par
exemple, des essais de traction ou de compression dans les 3 directions −→
eL = −→e1 , −
e→ −
→ − → − →
T = e2 , eT 0 = e3
permettent d’écrire respectivement (avec Z la résistance dans la direction − →e3 )
1 1 1
G+H = F +H = F +G= (4.20)
X2 Y2 Z2
Les essais en cisaillement correspondants permettront d’écrire
1 1 1
2L = 2M = 2N = (4.21)
S42 S52 S62
ce qui permet d’exprimer le critère de Hill (Eq. 4.18) sous une forme plus utilisable
σ 2 σ 2 σ 0 2 1 1 1
L T T
+ + − + − σL σT
X Y Z X2 Y 2 Z2
1 1 1 1 1 1
− + − σL σT 0 − + − σT σT 0
X2 Y 2 Z2 X2 Y 2 Z2
2 2 2
σLT σLT 0 σT T 0
+ + + =1
SLT SLT 0 ST T 0
Reprenons un exemple proche de celui utilisé pour évaluer la résistance en fonction de l’angle
entre la direction de sollicitation et la direction des fibres (Figure 4.18) mais pour un UD carbone
HR/epoxy (Sinclair & Chamis, 1979). On vérifie, sur la Figure 4.25, que les critères en contrainte
maximale fournissent des prévisions assez proches des mesures, avec une rupture longitudinal au
voisinage de 0ř, une rupture par cisaillement intralaminaire pour 5 < θ < 20, et une rupture par
traction transverse pour 45 < θ < 90. Par contre, pour des angles 20 < θ < 45 une rupture mixte
cisaillement intralaminaire-traction transverse est observée. Dans ce cas, le critère de Tsaï-Hill,
Résistance à l’échelle des plis 184
capable de rendre compte de cette interaction, permet de prévoir la résistance du pli UD. Ceci
est également illustré sur l’exemple ci-dessous.
Dans ces expériences de tension hors-axe, l’effet de la prise de l’éprouvette dans les mors
est délicat à appréhender car des états de contraintes 3D se développent dans ces régions. Plus
particulièrement des moments de torsion vont se développer près des mors, surtout pour des
petits angles, ce qui va induire des états de contraintes complexes et donc des ruptures difficiles
à maîtriser. Afin de caractériser complètement l’enveloppe de rupture d’un composite, il faut
pouvoir maîtriser l’interaction entre les modes de rupture qui résulte de l’effet de chargements
combinés.
Dans ce cas, on recourt fréquemment à des essais sur des tubes qui permettent de combiner
cisaillement et tension, tels que présentés sur la Figure 4.26-a. Ces essais sont particulièrement
délicats à mettre en œuvre, car ici aussi la prise du tube dans des mors induit des états de
contraintes complexes, tandis que le rapport entre tension et cisaillement doit être contrôlé. Si
des états de contraintes simples sont considérés, cisaillement pur et traction pure, les critères
de contraintes maximales vont évidemment permettre de prévoir la rupture. Par contre, dès que
ces sollicitations se superposent, la rupture sera la combinaison des 2 modes de rupture associés.
Dans le cas du tube, l’état de contraint biaxial (σL = 0) conduit à simplifier le critère de Tsaï-Hill
(Eq. 4.22) qui permet de prévoir correctement la rupture dans le plan des contraintes (σT , σLT )
comme on le vérifie sur la Figure 4.26-b pour un UD verre/epoxy.
On peut présenter un second critère, le critère de Hoffman, qui permet de différencier
traction-compression. On vérifiera ci-après qu’il peut être vu comme la combinaison d’un critère
de Tsaï-Wu, intégrant une interaction directe des modes de rupture longitudinale et transverse
(F12 6= 0) et de la forme quadratique proposée par Tsaï-Hill. En contraintes planes, il s’écrit
σL2 σT2
σL σT Xc − Xt Yc − Yt σ 2
LT
+ − + σL + σT + =1 (4.24)
Xt Xc Yt Yc X t Xc Xc Xt Yc Yt S
Critères quadratiques
Le critère de Tsaï-Hill peut permettre de prévoir la résistance dans de nombreux cas, comme
ici les plis UDs (Figures 4.25 et 4.26), mais avec une précision qui peut parfois être insuffisante
si on pense en termes de séquences d’empilements où le nombre de rupture va être proportionnel
aux nombres de plis considérés. Pour affiner les prévisions, on peut trivialement augmenter le
nombre de paramètres définissant la surface de charge. Une façon moins terre-à-terre de voir les
choses, mais somme toute équivalente, consiste à replacer ces critères de rupture dans le cadre des
critères tensoriels polynomiaux anisotropes, encore appelés critères interactifs. Ce cadre permet
de formuler de nombreux critères qui sont utilisés couramment dans les codes de calculs comme
nous le verrons ci-dessous.
Résistance à l’échelle des plis 185
(a) (b)
Figure 4.26 : Résistance dans un état de contrainte biaxial (σT , σLT ) (a) essai sur tube, et (b)
enveloppe de rupture - quadrant positif des contraintes - résultats expérimentaux et critère de
Tsaï-Hill (Eq. 4.22), d’après Knappe & Schneider (1973)
Résistance à l’échelle des plis 186
mais pour des raisons assez évidentes d’identification des grandeurs caractéristiques de résistance,
on se limite généralement à des critères quadratiques en les contraintes
f (σ) = Fi σi + Fij σi σj = 1 qui s’écrit aussi f (σ) = {F }t {σ} + {σ}t [F ] {σ} = 1 (4.26)
Les caractéristiques à déterminer sont définies par les composantes des tenseurs d’ordre 2 (F )
et d’ordre 4 (F ) introduits ci-dessus en notation de Voigt sous une forme vecteur ({F }) et
matrice ([F ]) dans le repère local du pli. Les composantes de F traduisent la prise en compte
des comportements en tension et en compression, tandis que les composantes de F prennent en
compte l’effet des chargements combinés (2 à 2) sur la résistance. Ces grandeurs, que nous pré-
ciserons ci-après, sont définies respectivement par 6 et 21 coefficients compte tenu des symétries
du tenseur des contraintes (6 composantes σij = σji ).
L’expression générale (Eq. 4.26) est très peu employée du fait des nombreux coefficients
à identifier, et forme le critère dit de Gol’Denblat & Kopnov. Au contraire, en revenant aux
matériaux qui présentent un intérêt pour nous, les matériaux orthotropes et isotropes trans-
verses, on exprime des relations ’simplifiées’ de ce critère. Pour le cas orthotrope, les grandeurs
caractéristiques s’écrivent en fonction de 3+9 coefficients
F 1
F 11 F 12 F13 0 0 0
F F21 F22 F23 0 0 0
2
F F31 F32 F33 0 0 0
3
{F } = [F ] = (4.27)
0
0
0 0 F44 0 0
0
0 0 0 0 F55 0
0 0 0 0 0 0 F66
d’inconnues
F1 F11 F12 F12 0 0 0
F F21 F22 F23 0 0 0
2
F
F21 F32 F22 0 0 0
2
{F } = [F ] =
(4.28)
0
0 0 0 F44 0 0
0
0 0 0 0 F44 0
0 0 0 0 0 0 F66
Précisons ces grandeurs matériaux dans un pli soumis à un état de contraintes planes
(O, e L , −
−→ →
e T ) en observant l’effet de sollicitations simples. Une traction et une compression sui-
vant la direction des fibres nous donnent
avec Xc pris positif, sa valeur numérique est négative. Ces 2 relations permettent de définir
1 1 1
F1 = − F11 = (4.32)
Xt Xc Xt X c
On vérifie bien que le premier terme prend en compte la différence de résistance tension-
compression, et que le second terme est identique au premier terme du critère d’Hoffman (Eq.
4.24). Une tension dans la direction transverse nous donnera F2 et F22 , et un essai de cisaillement
donnera des expressions similaires mais compte tenu de la résistance en cisaillement plan qui est
indépendante du signe, on aura
1 1 1
F2 = − F22 =
Yt Yc Yt Yc
(4.33)
1
F6 = 0 F66 = 2
S
Il reste enfin à déterminer le coefficient de couplage F12 , et c’est justement celui qui est
le plus délicat à estimer. Nous verrons qu’en fonction de son expression divers critères sont
proposés dans la littérature et dans les codes de calcul. Pour identifier F12 , il faut faire travailler
le comportement sous un état de contraintes biaxial, ce qui peut être réalisé avec une combinaison
Résistance à l’échelle des plis 188
de contraintes normales, mais aussi par un essai de traction hors-axe à 45ř (ou de cisaillement
à 45ř). Considérons la première solution, soit σ1 = σ2 = σ. Si F12 est négatif, il est conseillé
d’avoir (σ1 > 0, σ2 < 0) et (σ1 < 0, σ2 < 0) si F12 est positif. Le critère (Eq. 4.26) conduit à
En injectant les relations obtenues pour les 6 composantes des grandeurs définissant l’enve-
loppe de rupture au sens des critères quadratiques (Eq. 4.26), on formule le critère dit de Tsaï-Wu.
Ce critère du second ordre permet à la fois de différencier les résistances à rupture en tension
et en compression, et d’intégrer l’effet du chargement combiné des contraintes normales sur la
rupture (terme encadré dans l’expression Eq. 4.37 ci-dessous). C’est une amélioration notable par
rapport au critère d’Hoffman (Eq. 4.24).
Dans un état de contraintes plane, ce critère de Tsaï-Wu s’écrit
2
σT2 σ2
1 1 1 1 σL ∗ σL σT
− σL + − σT + + + LT2
+ 2F12 =1 (4.37)
X t Xc Yt Yc X t Xc Yt Yc S Xt Xc
∗
avec le coefficient de couplage F12 qui s’écrit à partir des expressions Eqs 4.35 et 4.36 en fonction
des essais utilisés pour son identification
∗ 2 X t Xc σ45 Xt Xc Xt Xc σ45 2
F12 = 2 1 − Xc − Xt + (Yc − Yt ) + 1+ + (4.38)
σ45 Yt Yc 2 Yt Yc S2 2
ou
∗ 1 Xt Xc Xt Xc
F12 = 2 1 − Xc − Xt + (Yc − Yt ) σ + 1 + σ2 (4.39)
2σ Yt Yc Yt Yc
Ce critère peut également se mettre sous la forme d’un polynôme (Eq. 4.30), dont la racine
positive fournit le rapport de résistance R introduit précédemment (Eq. 4.11)
(a) (b)
Figure 4.27 : Influence du terme de couplage F12 sur l’enveloppe du critère de Tsaï-Wu (Eq.
4.37 pour des UD (a) carbone HR/epoxy et (b) aramide/epoxy d’après S.W. Tsaï & H.T. Hahn
- 1980.
Dans le Tableau 4.4, on donne quelques valeurs pour les coefficients caractérisant la rupture
de plis UDs. Les mêmes coefficients correspondant à un critère de Tsaï-Wu en déformations sont
également reportées dans ce Tableau. La formulation en déformation est simplement obtenue en
remplaçant les contraintes par les déformations dans le critère (Eq. 4.37).
Résistance à l’échelle des plis 190
Table 4.4 : Paramètres de résistance dans l’espace des contraintes et dans l’espace des défor-
mations pour des UDs, Vf = 60%.
Résistance à l’échelle des plis 191
Figure 4.28 : Résistance mesurée et enveloppe de rupture associée : (a) Tsaï-Wu, (b) Déformation
maxi, et (c) Tsaï-Hill, d’après E.M. WU AGARD, acte num. 163 - 1974.
Résistance à l’échelle des plis 192
Figure 4.29 : Synthèse des critères de rupture interactifs d’après Handbook of Composites - vol
3- Sih & Skudra
Résistance à l’échelle des plis 193
Les critères de rupture que nous venons d’établir ci-dessus sont tous disponibles dans
les codes de calculs généralistes tels qu’Abaqusr , Ansysr , Samcefr , ... Il existe également de
nombreux codes maison développés par des grands groupes, des institutions, des universités, ...
Dans ce cas, des approches spécifiques, plus pointues y sont implantées. Pour une utilisation
plus aisée, certaines variables complémentaires sont introduites, elles permettent de visualiser le
niveau d’endommagement dans la structure. Par exemple dans Abaqusr , l’indicateur de rupture
Ir équivalent au rapport de résistance R introduit ici permet de suivre le niveau de sécurité.
La mise en œuvre des critères de rupture est assez simple dans le principe : le problème
étant non-linéaire, la résolution se fait par incrément de chargement (ou de temps), et pour
chaque incrément et à chaque point d’intégration numérique des quantités élémentaires, les états
de contraintes et de déformations sont utilisés pour calculer les critères. Nous reviendrons sur la
connaissance de ces champs mécaniques dans les stratifiés à partir d’approches macroscopiques,
dans le chapitre suivant. Ensuite, s’il y a rupture, plusieurs stratégies existent pour représenter
la perte de rigidité liée à l’apparition de la rupture. Les éléments peuvent tout simplement être
supprimés, mais dans les codes de calculs standards on préférera réduire la rigidité d’un facteur 100
par exemple. De toute façon, cette représentation de la dégradation est beaucoup trop abrupte,
elle permet de connaître la limite tolérable, mais conduit souvent à des problèmes divergents si
on cherche à aller plus loin dans l’étude de la tenue de la structure.
Les critères de rupture des stratifiés se basent sur des comportement élastiques linéaires.
Les critères les plus simples, en contrainte et en déformation, doivent être vus comme une aide
au pré-dimensionnement des structures composites. Pour affiner le dimensionnement, les critères
énergétiques sont largement utilisés. Le critère le plus pertinent est sans aucun doute le critère
de Tsaï-Wu qui tient compte, dans une certaine mesure, des interactions entre les contraintes et
différencie les résistance en tension et en compression. De plus, les expressions algébriques de ce
critère sont suffisamment simples pour être manipulées aisément, et l’identification des grandeurs
matériaux est limitée.
Ces critères étant définis et validés, se pose ensuite la question de leur utilisation. En effet,
avec ces critères seule la rupture d’un pli peut être prévue. Au niveau du stratifié, pour établir
l’enveloppe de rupture, il faut se placer dans l’espace des contraintes car les propriétés matériaux
vont évidemment donner des enveloppes différentes. Sans entrer dans les détails, une enveloppe
typique est donnée sur la Figure 4.30. Ensuite, l’utilisation de cette enveloppe permettra de
dimensionner la structure à la rupture du premier pli (First Ply Failure) ou à la rupture du dernier
pli (Last Ply Failure), la dernière rupture au-delà de laquelle il y a ruine. L’enveloppe finalement
considérée en conception est l’union de ces 2 enveloppes à laquelle on intègre un coefficient de
Résistance à l’échelle des plis 194
sécurité.
Figure 4.30 : Enveloppes de rupture dans l’espace des déformations pour des stratifiés
T300/5208,à gauche enveloppes de rupture FPF et LPF, et à droite union de enveloppes et
enveloppe conseillée, d’après S.W. Tsaï & H.T. Hahn - 1980.
un aspect de fissuration ductile, même si les matériaux constitutifs sont fragiles. Comme dans
le cas des matériaux standards, l’utilisation d’intégrales de contour (J) en pointe de fissures est
associée à la mesure de la progression de la fissure via le taux de restitution d’énergie qui est
extrêmement dépendant de l’architecture du composite et de son état de contraintes internes.
Ces approches sont systématiquement implantées dans les codes de calculs par éléments finis et
s’appuient sur des méthodes telles que les X − F EM (Extended Finite Element Method) qui
permettent de prendre en compte des discontinuités de propriétés dans un maillage de façon
implicite, ou encore les zones cohésives qui représentent explicitement les décohésions dans un
maillage sous l’action de champs de contraintes. Dans le premier cas, la direction de la fissure
n’est pas connue et se propage grâce aux calculs des énergies en pointes de fissures connaissant
les champs de contraintes, et dans le second cas le maillage doit contenir des éléments cohésifs
ce qui nécessite de connaître la direction de propagation. Cette seconde approche est utilisée
dans la Figure 4.31-b pour la propagation de fissures à l’aide d’éléments cohésifs, en mode I et
en mode II.
(a) (b)
Figure 4.31 : Délaminage dans une architecture tissée 3D - source IMA, et (b) modélisation de
la propagation de délaminage en mode I (éprouvette DCB) et mode II (flexion), d’après Ilyas et
al., 2009.
D’autres voies existent pour étudier l’endommagement, et qui permettent de lever les dif-
ficultés liées à la dépendance au maillage. Ce sont des modèles dits non-locaux basés sur des
potentiels thermodynamiques associant des variables d’endommagement aux forces thermodyna-
miques conjuguées. Tout ceci fait partie du domaine de la recherche, tant du point de vue des
mesures que de la modélisation, et vise à être intégré progressivement dans la conception de
structures industrielles en visant la prévision de la tenue en service de structures endommagées.
La Figure 4.31-a montre un exemple de propagation de délaminage en mode I (mode
d’ouverture) dans un matériau tissé 3D. Ce type de structure possède une architecture particulière
dans laquelle les fissures vont se ’perdre’ et permettre ainsi de limiter leur portée. Par contre,
comprendre les mécanismes qui contrôlent cette rupture est un vrai défi, du point de vue de leur
Résistance à l’échelle des plis 196
Sommaire
5.1 Rappels sur la théorie des poutres . . . . . . . . . . . . . . . . . 204
5.1.1 Rappels de MMC . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 204
5.1.2 Hypothèses et définitions des poutres . . . . . . . . . . . . . . . . . 205
5.1.3 Cinématique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 206
5.1.4 Contraintes généralisées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 211
5.1.5 Loi de comportement de la poutre pour des matériaux isotropes . . 214
5.1.6 Énergie de déformation et conditions aux limites . . . . . . . . . . 216
5.2 Méthode de résolution . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 218
5.2.1 Caractérisation de l’équilibre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 219
5.2.2 Champs de déplacements et champs de contraintes . . . . . . . . . 224
5.3 Bilan de la théorie des poutres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 227
5.4 Poutres composites et sandwich à plans moyens . . . . . . . . 229
5.4.1 Poutres à plans moyens chargées dans ces plans . . . . . . . . . . . 229
5.4.2 Comportement des sections composites . . . . . . . . . . . . . . . . 230
5.4.3 État de contraintes dans la section . . . . . . . . . . . . . . . . . . 242
5.5 Comportement en cisaillement / cinématiques d’ordre supé-
rieur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 245
5.5.1 Correction en cisaillement / gauchissement . . . . . . . . . . . . . 245
5.5.2 Flexion 3 points avec des cinématiques d’ordre supérieur . . . . . . 247
5.5.3 Structures sandwichs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 259
5.5.4 Conclusions sur les théories de poutres composites et sandwich . . 268
5.6 Plaques et coques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 270
5.6.1 Définition d’une plaque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 270
5.6.2 Cinématique de Love-Kirchhoff . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 272
5.6.3 Cinématique de Hencky-Mindlin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 278
5.6.4 Équations d’équilibre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 280
5.6.5 Loi de comportement de la plaque composite . . . . . . . . . . . . 284
5.6.6 États de contraintes et de déformations dans les plis . . . . . . . . 289
198
Poutres et plaques stratifiées 199
Dans cette partie, nous allons établir les premières approximations qui sont utilisées pour
dimensionner les structures composites, à savoir les poutres et plaques stratifiées et sandwich.
Nous détaillerons l’utilisation des composites dans le cas des poutres, ce qui nous permettra
d’introduire les principales notions qui serviront ensuite à établir plus rapidement les modèles de
plaque stratifiées.
Les approximations géométriques et cinématiques de poutres, plaques, et coques, sont
standards dans la conception en mécanique. Elles intègrent, de plus, les spécificités liées au
comportement des composites stratifiés et sandwich. A partir notamment de la théorie classique
des plaques stratifiées, le dimensionnement des structures a pu être mené à bien depuis plus de
30 ans. En effet, les composites étant utilisés sous forme de structures planes (épaisseur faible
devant les autres dimensions) comme nous l’avons vu dans quelques exemples au Chapitre 1,
l’utilisation d’éléments de structures est tout à fait adapté.
La mécanique des structures se définit comme la mécanique des solides de dimensions
finies où une des dimensions au moins est faible devant les autres. La mécanique des structures
couvre donc un grand nombre de géométries dont les plus courantes sont les poutres (1D), les
plaques et coques (2D), et les solides axisymétriques (2D) (Figure 5.1). En observant la géométrie
des structures étudiées, des hypothèses peuvent être faites quant à la cinématique qui prévaut
dans ces solides. Toute la difficulté de ce type d’approche réside dans le choix judicieux de cette
cinématique qui doit être suffisamment riche pour observer tous les phénomènes rencontrés durant
l’utilisation des structures considérées, mais assez simple pour permettre des résolutions rapides,
analytiquemt comme numériquement.
Introduction
L’intérêt d’utiliser des éléments de structure est donc clair ici : accéder rapidement à des
solutions des problèmes mécaniques posés dans le dimensionnement des structures composites.
Ce sont également ces approximations des structures qui se traduisent en éléments finis de types
poutres, plaques, et coques composites dans les codes de calcul utilisés dorénavant comme des
moyens de dimensionnement standards. Un exemple est donné sur la Figure 5.2 pour un ca-
pot de voiture de course. On peut y voir un modèle de coques composites, chaque couche du
stratifié étant représentée individuellement dans cette visualisation de la coque. Les propriétés
mécaniques sont également individuelles, sur la Figure 5.3, on peut voir une copie d’écran d’une
interface spécifique pour définir la stratification avec une visualisation radar des rigidités équiva-
lentes correspondantes. On verra ci-après comment se fait le passage du comportement du pli
au comportement équivalent de la séquence d’empilement. Dans ce chapitre, nous allons nous
attacher à établir les bases qui permettent d’aboutir à ces outils de dimensionnement, avec l’idée
sous-jacente que tout ce qui peut être résolu exactement n’aura pas à l’être numériquement,
réduisant ainsi les coûts de calcul.
Poutres et plaques stratifiées 201
Figure 5.2 : Capot composite stratifié, exemple de dimensionnement à l’aide Sysply T M - Courtesy
EADS Gmbh, ITOOL project.
Les éléments de structures que allons étudier dans cette partie sont des solides que les
ingénieurs ont isolé comme des cas particuliers de la MMC (Mécanique des Milieux Continus),
où via certaines hypothèses sur les géométries et le chargement, la résolution peut se faire plus
aisément que par résolution d’équations 3D complètes. Ce domaine de la mécanique des solides se
nomme la mécanique des structures et se définit, par opposition à la MMC, comme la mécanique
des solides de dimensions finies où une des dimensions au moins est très faible devant les autres.
Poutres et plaques stratifiées 202
TM
Figure 5.3 : Interface utilisateur Sysply pour la définition des stratifications.
Poutres et plaques stratifiées 203
Les spécificités liées à l’aspect composite des matériaux constitutifs des structures que
nous étudions viennent s’ajouter aux approximations cinématiques des éléments de structures
standards. Plus de détails sur ces éléments de structures peuvent être trouvés, par exemple,
dans le cours de structures de 2A ICM sur le lien http://www.emse.fr/~drapier/index_
fichiers/CoursPDF/Meca-Structu2A/Meca-struct-num-Octobre-2019.pdf (Figure 5.4).
Nous nous limiterons donc ici à démontrer l’essentiel, d’abord sur des poutres homogènes, pour
nous attarder plus spécifiquement sur le comportement des poutres composites et sandwichs,
principalement en flexion-tension.
−
→
u (−
→
x , t) = −
→
u d (−
→
x , t) , ∀ −
→
x ∈ ∂Ωu (5.1)
∂σij (−
→
x , t)
+ fi (−
→
x , t) = ρüi (−
→
x , t) , ∀ −
→
x ∈Ω
∂xj
(5.2)
3. Équilibre au bord - champ SA
σij (−
→
x , t)nj (−
→
x ) = Fid (−
→
x , t), ∀ −
→
x ∈ ∂ΩF (5.3)
4. Loi de comportement
Dans cette introduction, le cadre ’thermodynamique’ considéré doit être restreint. Nous
choisissons de nous placer en partie dans le cadre de la résistance des matériaux, utilisable pour
la plupart des applications courantes, pour traiter des problèmes de mécanique des structures.
Principalement, les hypothèses simplificatrices de la RdM portent sur des conditions de réversibilité
et de linéarité, ce qui implique par exemple que quelque soit l’ordre d’application des efforts
extérieurs sur un solide, l’état final est invariant. Ensuite, nous choisissons de nous placer dans le
cadre de la statique et dans le cadre de l’HPP : petites déformations, petits déplacements (pas de
flambage ou de striction par exemple). Enfin, nous supposons que notre point d’observation, loin
des détails des microstructures puisque nous travaillons maintenant sur des matériaux homogènes
équivalents, est tel que le principe de Saint-Venant reste vérifié : loin de son point d’application,
une sollicitation extérieure peut être remplacée par son torseur équivalent.
Il faut maintenant introduire la notion de modélisation géométrique des solides. Les hypo-
thèses sur la géométrie des poutres permettent de représenter un solide 3D élancé par sa ligne
moyenne. Ceci s’applique également aux plaques et coques où cette fois-ci l’épaisseur étant faible
devant les autres dimensions, le solide est remplacé par le feuillet moyen correspondant.
Une poutre est un solide engendré par une aire plane S qui est déplacée dans l’espace,
de sorte que durant son mouvement le centre de gravité G de la section S parcourt une ligne
donnée L, et que l’aire se maintienne constamment normale à cette surface (Figure 5.5). De
plus, la section peut varier au cours de ce parcours, mais de façon continue, i.e. le profil ne doit
pas présenter de discontinuités. La ligne L est appelée fibre moyenne de la poutre, elle peut
être gauche, courbe, ou plane ; la poutre sera désigné par ces mêmes termes. Enfin, si la fibre
moyenne est une courbe fermée, on parlera d’anneau (les sections droites initiale et finale sont
confondues).
Parmi les types de poutres rencontrés, les poutres à plans moyens sont des poutres dont
la section S possèdent 2 plans de symétrie. Cette hypothèse est finalement peu restrictive et
permet de traiter de trés nombreux cas. D’autre part, des problèmes complexes associant un
grand nombre de poutres ont été largement utilisés au cours des 2 derniers siècles. Ces structures
sont dites structures réticulées ou treillis. Mais ceci sort du cadre de cette introduction.
Finalement, les hypothèses permettant de classifier un solide comme étant une poutre sont les
suivantes : L L2
— un élancement de la poutre suffisant : > 5 et ≤ 10 (L2 et L3 étant
sup{L2 , L3 } L3
les dimensions caractéristiques respectivement selon les directions −
→
x2 et −
→
x3 - cf Figure
5.5),
— un rayon de courbure de L grand devant les dimensions transversales,
— un profil sans discontinuité.
La théorie élastique des poutres est basée sur celle des milieux curvilignes. Une position sur
la poutre sera caractérisée uniquement par l’abscisse curviligne l d’un point sur la fibre moyenne
L. Le reste de la géométrie, c’est-à-dire la section S, sera caractérisé en chaque point G(x1 ) de
R
la fibre moyenne, pour un matériau constitutif homogène, par sa surface S(x1 ) = S(x1 ) ds =
R R R
S(x1 )
dx2 dx3 et son centre de gravité tel que S(x1 ) x2 ds = S(x1 ) x3 ds = 0.
5.1.3 Cinématique
Nous nous limiterons à la cinématique des déplacements issue de l’hypothèse de Navier,
encore appelée cinématique du 1er ordre. Des exemples de cinématiques plus riches, permettant
de prendre en compte le gauchissement des sections en cisaillement seront rapidement introduits
ultérieurement. Selon cette hypothèse de Navier, au cours de la déformation de la poutre, la
section droite S reste droite (elle ne subit aucun gauchissement). Cette section S subit donc :
— un mouvement de corps rigide,
— une déformation dans son plan.
ce qui peut encore se mettre sous la forme du torseur des déplacements exprimé au point G,
dont les éléments de réduction au point G sont les vecteurs −
→
u et −
→
r représentant respectivement
le déplacement et la rotation de la section S en ce point :
Poutres et plaques stratifiées 207
−
→
r (x1 )
{UM (x1 )} = −→ −
→ −−→ −→ (5.6)
uM (x1 ) = u (x1 ) + M G ∧ r (x1 )
(M )
On voit ici l’intérêt de la théorie des poutres, où le déplacement d’un point M quelconque de la
poutre s’exprime complètement à partir des déplacements et rotations du centre de gravité de
la section S contenant ce point. Les déplacements de tous les points de ce solide 3D sont donc
représentés par les déplacements et les rotations des centres de gravité, ramenant le problème
tridimensionnel à une modélisation unidimensionnelle.
−−→
Dans l’hypothèse des petites perturbations le vecteur GM (position d’un point courant
par rapport au centre de gravité de la section) est contenu, avant et après déformation, dans le
plan formé par les vecteurs − →x 2 et −
→
x 3 portés par la section S. Les composantes du vecteur −
→
uM
s’écrivent donc dans le repère local de la section S :
u1 r2 x3 − r3 x2
−
→
uM = u2 + −r1 x3 (5.7)
u3 r1 x2
Degrés de liberté
Les résultats précédents nous montrent que le mouvement du solide peut être complètement
déterminé à partir des vecteurs −→u et −→r de la Figure 5.6. La cinématique des déplacements ainsi
mise en place permet de concentrer les inconnues du problème sur la fibre moyenne L de la
poutre. Le solide tridimensionnel est remplacé par la ligne L. Chaque point de la ligne dispose de
six degrés de libertés au lieu de trois (les déplacements dans les trois directions). Ces six degrés
de liberté sont :
Poutres et plaques stratifiées 208
Dans l’hypothèse des petites perturbations, on calcule le tenseur des déformations au point
M , M (x1 ), comme la partie symétrique du tenseur gradient des déplacements en ce point,
dM (x1 ) (Eq. 5.8). Comme les vecteurs − →
u et −→
r s’appliquent au point G de la section S, et donc
sur la ligne L, ils ne dépendent que de l’abscisse curviligne l sur cette ligne. Les seuls gradients
non nuls pour ces vecteurs sont donc ceux mettant en jeu la première coordonnée x1 , tandis que
la dépendance en x2 et x3 est donnée explicitement par l’expression du déplacement − →u M (Eq.
0
5.7). Dans la suite, en se limitant aux poutres droites, nous noterons x la dérivée totale de toute
quantité x par rapport à la première coordonnée. Ceci permet d’écrire le gradient dM (x1 ) puis
les déformations M (x1 ) :
u01 + r20 x3 − r30 x2 −r3 r2 0 0 0
11 = u1 + r2 x3 − r3 x2
ij = 12 (dij +dji )
dM (x1 ) = u2 − r10 x3
0
0 −r1 −−−−−−−−→ 212 = u02 − r10 x3 − r3 (5.8)
u03 + r10 x2 r1 0 213 = u03 + r10 x2 + r2
On constate que ce tenseur de déformations ne possède que trois termes non nuls qui sont
une déformation normale (11 ) et 2 glissements qui sont le double des cisaillements entre deux
sections voisines (212 , 213 - Figure 5.7). Dans cette cinématique du 1er ordre, le mouvement
de corps rigide de la section S ne produit donc pas directement de déformations dans le plan de
cette section (la section ne peut "s’écraser" ni se cisailler dans son plan). Les seules déformations
existantes correspondent au déplacement relatif des sections d’abscisses curvilignes consécutives
(Figure 5.7).
Le plan de la section S contient les vecteurs − →x et −
2
→x . Il s’ensuit qu’une déformation
3
dans son plan (une déformation plane) ne produira que des déformations 22 , 23 et 33 . Ces
Poutres et plaques stratifiées 209
déformations doivent permettre de satisfaire les conditions aux limites au bord de la section. En
effet, sur ces bords libres de contraintes extérieures, on doit vérifier que le vecteur contrainte
relatif à la normale sortante à la section soit nul. Dans le cas d’une section prismatique, les
−
→
vecteurs contraintes par rapport aux normales − →x 2 et −
→
x 3 sont bien nuls (σ · −
→
n (−
→
x ) = 0 ) (Figure
5.8). Cette condition conduit à σ22 = σ23 = σ33 = 0 en x2 = ± L22 ∩ x3 = ± L23 . On a également
σ12 = 0 sur la face de normale −→x 2 et σ13 = 0 sur la face de normale − →
x 3 . Toutefois ces dernières
conditions sont difficilement vérifiables avec les théories classiques des poutres car le cisaillement
est supposé constant dans l’épaisseur. C’est ce qui conduit à proposer des cinématiques enrichies
lorsque ces conditions doivent impérativement être vérifiées comme nous le verrons dans la suite.
Figure 5.8 : Illustration des contraintes normales nulles sur les faces d’une poutre à section
prismatique.
Dans le cas de poutres homogènes, on fait souvent l’hypothèse que les contraintes σ22 ,
σ33 et σ23 sont nulles dans toute la section S. Pour cette composante du cisaillement, cette
condition est bien vérifiée pour un matériau isotrope (σ23 ⇔ 23 = 0). Pour les contraintes
normales, ceci peut se justifier compte-tenu de l’épaisseur et de la largeur de la section qui sont
Poutres et plaques stratifiées 210
des dimensions faibles. Les contraintes étant nulles sur les bords, elles ne peuvent se développer
sur des dimensions aussi petites, et sont donc également nulles à l’intérieur de la section. En
considérant un matériau à comportement élastique isotrope, cette hypothèse nous donne les
valeurs suivantes pour les déformations dans la section S (λ et µ sont les coefficients de Lamé
du matériau 1 ) :
2µ22 + λ(11 + 22 + 33 ) = 0
(
23 = 0
2µ23 = 0 ⇒ λ
22 = 33 = − 2(λ+µ) 11
2µ33 + λ(11 + 22 + 33 ) = 0
On constate que, dans ce cas, les déformations normales 22 et 33 de la section S dans
son plan sont complètement déterminées à partir de la composante 11 calculée à partir de son
mouvement de corps rigide. Ces déformations résultent uniquement de l’effet de Poisson induit
par des déformations normales 11 , et sont donc faibles puisque la plus grande dimension de
1
la section doit être au plus de 10 de la longueur de la poutre, soit pour un matériau courant
ν sup(L2 ,L3 ) 3
(22 , 33 ) ' L
< 100 . Ces déformations sont donc bien négligeables devant les déforma-
tions engendrées par le déplacement relatif des sections (11 ,12 ,13 ).
Les hypothèses faites sur la cinématique des déplacements dans la poutre nous conduisent
au tenseur symétrique suivant des déformations en un point M quelconque d’une section S :
11 = u01 + r20 x3 − r30 x2
12 13
M = 12 = 12 (u02 − r10 x3 − r3 ) 22 = − 2(λ+µ)
λ
11 23 = 0
1 0 0 λ
31 = 2 (u3 + r1 x2 + r2 ) 23 = 0 33 = − 2(λ+µ) 11
Ce tenseur des déformations ne comporte que trois termes indépendants : 11 , 12 et 13 . En
mécanique des structures, ces termes sont associés sous la forme d’un vecteur −
e→
M , appelé vecteur
déformation :
11 (M, x1 )
−
e→
M (x1 ) = 212 (M, x1 )
213 (M, x1 )
Le vecteur −
e→
M contient une dilatation dans la direction de la fibre moyenne comme premier
terme, puis des glissements (doubles des cisaillements entre deux sections voisines). Il représente
la déformation du milieu curviligne au point M . Cette déformation peut à son tour être exprimée
1+ν ν
1. σij = 2µij +λpp δij et ij = E σij − E σpp δij avec E le module d’Young et G le module de cisaillement
du matériau isotrope
Poutres et plaques stratifiées 211
− −−→ −
e→ −
→ →
M (x1 ) = e (x1 ) + M G ∧ κ (x1 )
où −
→e et −
→
κ , éléments de réduction de la déformation au point G de S, constituent le torseur des
déformations défini par :
u01 r10
−
→
e (x1 ) = −
→
u 0 (x1 ) + −
→
x1∧−
→
r (x1 ) = u02 − r3 et −
→
κ (x1 ) = −
→
r 0 (x1 ) = r20
(5.9)
u03 + r2 r30
ce qui peut encore s’écrire de façon similaire au déplacement en un point M de la section (Eq.
5.6) :
−
→
κ (x1 )
{M (x1 )} = −→ −
→ −−→ − →
eM (x1 ) = e (x1 ) + M G ∧ κ (x1 )
(M )
— déplacements :
−
→
r (x1 )
{UM (x1 )} = −→ −
→ −−→ −→
uM (x1 ) = u (x1 ) + M G ∧ r (x1 )
(M )
— déformations :
−
→
κ (x1 )
−−→ →
−
e→ −
→
e (x1 ) + M G ∧ −
M (x1 ) = κ (x )
1
{M (x1 )} =
0
u1 0 r10
0 0
= u2 − r3 + −x2 ∧ r2
0 0
u3 + r2 −x3 r3
(M )
On peut montrer que l’écriture avec des torseurs permet également d’écrire directement les
d
déformations par dérivation du torseur cinématique {M } = {UM }.
dx1
−
→ −
→
équivalent {τ (x1 )}, dont les éléments de réduction sont une force R (x1 ) et un moment M (x1 ),
appliqués au centre de gravité G de S (Figure 5.9). Dans le cas d’efforts extérieurs appliqués à
la poutre, à l’abscisse xi , le torseur des actions extérieur peut par exemple (Figure 5.9) être :
−→
R (x i )
{F(xi )} = −
→ (5.10)
M (xi )
(Gi )
Figure 5.9 : Illustration du principe de Saint-Venant : (a) chargement sur la poutre, et (b) torseur
équivalent sur la ligne moyenne.
Pour les efforts intérieurs, les éléments de réduction se déduisent naturellement de l’in-
tégration des contraintes induites par les sections voisines sur la section S considérée (Figure
5.10). D’après les hypothèses faites sur les contraintes dans le plan d’une section S, les seules
contraintes non nulles dans le solide sont σ11 , σ12 et σ13 . Dans l’hypothèse HPP (configuration
−→
finale ≡ configuration initiale), ces contraintes sont les composantes du vecteur contrainte tM
relatif à la normale −
→x 1 qui représente les efforts de cohésion ou efforts intérieurs agissant sur
la section S de normale x1 . Par convention, on définit ces efforts internes entre 2 sections
voisines, comme les efforts exercés par une section de gauche (S−) sur une section de droite
(S+) (Figure 5.10) en comptant les abscisses curvilignes croissantes selon − →x1 :
σ11 (M, x1 )
−
→
tM (x1 ) = σ12 (M, x1 )
σ13 (M, x1 )
Dans le cas des efforts intérieurs à la poutre, les efforts agissant sur S résultent de l’intégra-
tion du vecteur contrainte sur la section, et sont appelées contraintes généralisées. On distingue
les contraintes généralisées de membrane et de flexion résultant respectivement de l’intégration
Poutres et plaques stratifiées 213
Figure 5.10 : Définition des efforts intérieurs, torseur des efforts intérieurs.
des contraintes sur la section et de l’intégration des contraintes prenant en compte l’éloignement
du point considéré M par rapport au centre de gravité de la section. Les efforts de membrane
sont définis ci-dessous par les relations 5.11 et sont illustrés sur la Figure 5.11 :
−
→
Z
−
→
R (x1 ) = tM (x1 )ds
S(x1 )
Z
effort NORMAL : N (x1 ) = σ11 (M, x1 )ds
ZS(x1 ) (5.11)
effort TRANCHANT / −
→
= x2 : T2 (x1 ) = σ12 (M, x1 )ds
ZS(x1 )
−
→
effort TRANCHANT / x3 : T3 (x1 ) = σ13 (M, x1 )ds
S(x1 )
Les moments sont définis par les relations 5.12 et illustrés sur la Figure 5.12 :
Poutres et plaques stratifiées 214
−
→ −−→ −
Z
→
M (x1 ) = GM ∧ tM (x1 )ds
S(x1 )
Z
moment de TORSION : Mt (x1 ) = (x2 σ13 (M, x1 ) − x3 σ12 (M, x1 ))ds
S(x1 )
Z
moment de FLEXION / −
→
= x2 : Mf 2 (x1 ) = x3 σ11 (M, x1 )ds
ZS(x1 )
−
→
moment de FLEXION / x3 :
Mf 3 (x1 ) = −x2 σ11 (M, x1 )ds
S(x1 )
(5.12)
N
ES 0 0 0 0 0
e1
T 0 GS 0 0 0 0 e2
2
T 0 0 GS 0 0 0
e3
3
= . (5.15)
Mt
0 0 0 GI0 0 0
κ1
EI2 −EI23
Mf 2
0 0 0 0
κ2
Mf 3 0 0 0 0 −EI23 EI3 κ3
Cette loi de comportement peut se réécrire en utilisant les sous-matrices ci-dessous (Eq.
5.17). On constate que pour les poutres homogènes considérées ici les comportements en mem-
Poutres et plaques stratifiées 216
brane et en flexion sont totalement indépendants ([B] = [0]). Dans le cas de poutres constituées
de matériaux composites par exemple, dont les axes d’orthotropie ne sont pas confondus avec
les axes principaux des sections, ces comportements ne sont pas indépendants comme nous le
verrons plus loin. On écrit classiquement, comme ce sera le cas également pour les plaques, les
comportements de membrane, de courbure, et de cisaillement hors-plan (hors du plan des sections
de poutre) :
N ES 0 0 0 0 0
e1
M 0 GI0 0 0 0 0 κ1
t
M 0 0 EI2 −EI23 0 0
κ2
f2
= . (5.16)
Mf 3
0 0 −EI23 EI3 0 0
κ3
T2
0 0 0 0 GS 0
e2
T3 0 0 0 0 0 GS e3
N (x1 )
[A] [B] [0] e1 (x1 )
−
→
M (x1 ) = [B] [D] [0] ·
−
→
κ (x1 ) ⇔ {τ (x1 )} = [L] {(x1 )} (5.17)
−
→ −
→
T (x1 ) [0] [0] [F ] γ (x1 )
Tα (x1 ) = kα GS eα (α = 2, 3) (5.18)
Énergie de déformation
Z Z Z
1
W (−
→
u (−
→
x )) = 1
2
−
→ −
→
σ( x ) : ( x )dV = σ(−→x ) : (−
→
x )dsdl
2 L S
ZV Z
−→
= 12 tM (x1 ).−
e→M (x1 )dsdl
L S
−−→
Z Z
−→
= 21
tM (x1 ).(−
→ e (x1 ) + −
→
κ (x1 ) ∧ GM )dsdl
ZL S (5.19)
−−→ −
Z Z
1 −
→ −
→ −
→ →
= e (x1 ). tM (x1 )ds + κ (x1 ). GM ∧ tM (x1 )ds dl
2 L S S
−
→ −
→
Z
1
= ( R (x1 ).−
→
e (x1 ) + M (x1 ).−
→
κ (x1 ))dl
2 L
−
→
Ceci montre que les forces R (x1 ) agissant sur la fibre moyenne L sont associées à la
−→
déformation − →
e (x1 ) de membrane, tandis que les moments M (x1 ) sont associés à sa courbure
−
→κ (x1 ) (gradient de la rotation). Cette dualité résulte de l’intégration des grandeurs physiques
sur la section S(x1 ) de la poutre, et reste également valable dans les structures de type plaques
et coques. On trouvera dans certaines approches de la mécanique des structures, ces grandeurs
appelées contraintes généralisées pour le torseur des efforts et déformations généralisées pour
le torseur des déformations. L’énergie de déformation de la poutre (Eq. 5.20) peut s’écrire en
utilisant le produit scalaire de torseurs définit par la somme des produits croisés des éléments de
réduction des torseurs considérés, dépendant seulement de la position x1 :
Z
−
→ 1
W ( u (x1 )) = {τ (x1 )} · {(x1 )} dl
2 L
Z
1
= (N u01 + T2 (u02 − r3 ) + T3 (u03 + r2 ) + Mt r10 + Mf 2 r20 + Mf 3 r30 ) dl
2 L
(5.20)
Nous avons vu que, selon l’hypothèse de Navier (sections droites), chaque point du milieu
curviligne (sur la fibre moyenne) possède six degrés de libertés. Ces degrés de liberté servent à
représenter :
— le déplacement de la fibre moyenne (vecteur déplacement − →u ),
−
→
— la rotation de la section droite (vecteur rotation r ).
De même, selon l’hypothèse de Saint-Venant (efforts concentrés), les efforts internes (de cohésion)
dans un milieu curviligne sont représentés par deux vecteurs, et donc six composantes, qui sont :
−
→
— les forces de cohésion de la fibre moyenne (vecteur force R ),
−
→
— les moments de cohésion de la fibre moyenne (vecteur moment M ).
Poutres et plaques stratifiées 218
Les conditions aux limites sur une poutre porteront donc sur ces six degrés de liberté et
ces six efforts de cohésion. L’énergie de déformation définie ci-dessus (Eq. 5.19), de plus, nous
informe sur le travail attendu aux limites de la poutre, i.e. la combinaison d’efforts-déplacement
ou moment-rotation à définir sur la frontière. La frontière ∂Ω (2D) sur laquelle s’appliquent ces
conditions dans un milieu 3D, sera donc remplacée par des abscisses sur la fibre moyenne (1D)
pour les poutres. En chacun de ces abscisses, six informations doivent apparaître explicitement.
Le nombre de degrés de liberté et d’efforts connus, et leur combinaison au sens énergétique,
dépend essentiellement du type de liaison rencontré. Les conditions aux limites en déplacements
les plus communes sont les suivantes :
— l’encastrement : si une poutre est encastrée à l’une de ses extrémités, alors en ce point
−
→ −
→ − →
on a −→
u =− →r = 0 , et les efforts résultants R et M sont inconnus.
−
→
— la rotule : une rotule empêche tout déplacement en ce point, − →u = 0 , mais laisse les
rotations libres. En contre-partie, les moments transmissibles en ce point sont nuls, soit
−
→ − →
M = 0 , tandis que les forces de réaction sont inconnues.
— l’appui simple : un appui simple empêche un déplacement dans une direction, par
exemple u3 = 0, et laisse libre les autres degrés de liberté. Le seul effort de cohé-
sion non nul sera alors T3 .
Ces conditions aux limites sont d’une grande importance pour l’intégration des équations
d’équilibre (obtention des efforts internes) et de la cinématique (obtention des déplacements).
Pour déterminer les conditions aux limites en efforts, il est important de se fixer un sens de
parcours de la ligne moyenne L. En effet, le torseur des efforts {τ (x1 )} est lié au vecteur contrainte
−
→
tM , et donc à la normale à la section S. Comme la normale à considérer est toujours sortante, le
torseur des efforts sera affecté d’un signe opposé entre les deux côtés de la poutre. En général, la
convention de signe suivante est adoptée. En parcourant la ligne L de la gauche vers la droite :
— le torseur des efforts est affecté d’un signe + à droite du segment considéré sur la
poutre (la normale sortante de S est − →
x 1 ),
— le torseur des efforts est affecté d’un signe − à gauche du segment considéré sur la
poutre (la normale sortante de S est −− →
x 1 ).
Dans la recherche des effort internes, les efforts extérieurs de réaction résultant des condi-
tions cinématiques imposées seront inutiles pour vérifier l’équilibre intérieur, et pourront être
connus a posteriori. Par contre les développements pourront devenir rapidement lourds. La stra-
tégie de résolution permettra de connaître ces efforts avec plus ou moins de développements, et
sera souvent la combinaison de l’équilibre extérieur, indépendant de la connaissance des efforts
internes, et de l’équilibre intérieur de la poutre. L’identification des efforts internes par transport
des efforts extérieurs est une de ces solutions intermédiaire, également présentée rapidement
ci-dessous.
La méthode la plus rigoureuse pour déterminer les efforts internes est similaire à la résolution
d’un problème de MMC : intégration des équations d’équilibre en veillant à avoir autant de
conditions aux limites que nécessaire. Pour des problèmes simples ces équations peuvent se dériver
de l’équilibre de tronçons de poutres de longueur élémentaire. Pour une approche générale, un des
moyens les plus systématiques pour parvenir à exprimer ces équations d’équilibre et les conditions
aux limites correspondantes consiste à utiliser le Principe des puissances virtuelles ou PPV.
On rappelle que le PPV (Eq. 5.21) exprime l’équilibre, c’est à dire l’égalité entre la puissance
∗ − →
virtuelle développée par les efforts intérieurs Pint (u∗ ) et la puissance virtuelle développée par les
∗ − → −
→
efforts extérieurs Pext (u∗ ) dans un champ de déplacement virtuel quelconque u∗ . Ainsi, il y
équivalence entre le PPV et l’expression des équations d’équilibre et des conditions aux limites
statiques associées. Les conditions aux limites cinématiques sont quant à elles incluses dans le
PPV si le champs virtuel est CA, i.e. s’il vérifie les conditions aux limites cinématiques (Dirichlet).
Dans notre cas, on définit un champ de déplacements virtuel − →u ∗M , qui se traduit par un torseur
de déplacement virtuel {U ∗ (x1 )} d’éléments de réduction − →
u ∗ (x1 ) un déplacement virtuel, et
−
→r ∗ (x1 ) une rotation virtuelle sur la fibre moyenne L. Ce déplacement virtuel produit un champ
de déformations virtuel ∗M dans chaque section S (Figure 5.13).
On étudie ici les efforts internes à la poutre, c’est-à-dire les efforts de cohésion dans un
−
→
tronçon de poutre libre de tout chargement extérieur. On note t dM le vecteur contrainte qui
règne sur les sections terminales, et qui représente l’action des tronçons voisins sur le tronçon
isolé. Toutefois, ce vecteur contrainte peut tout aussi bien être imposé par l’extérieur si l’une
des surfaces extrémités S1 et S2 est une surface terminale de la poutre. On remarque que sur S1
(Figure 5.13), la normale sortante à la section est forcément opposée au sens de parcours de la
fibre moyenne (vecteur −− →x 1 ). Cela donne l’expression suivante du principe des travaux virtuels :
Poutres et plaques stratifiées 220
Figure 5.13 : Segment d’une poutre où l’on applique le principe des travaux virtuels : passage du
solide 3D à la description de type poutre.
Z
−
→ − −
→
Z Z Z
−
→d − −
→d −
− σM : ∗M dv + f v .→
u ∗M dv + t M .→u ∗M ds − t M .→
u ∗M ds = 0, ∀u∗
V
| {z } |V S2
{z S1
}
∗ − → ∗ − → −
→
Pint (u∗ ) + Pext (u∗ ) = 0, ∀u∗
(5.21)
Après calculs, la contribution des efforts extérieurs s’écrit
−
→ −→
Z
−
→d −
t M .→u ∗M ds = R d (x1 ).−
→
u ∗ (x1 ) + M d (x1 ).−
→
r ∗ (x1 ) = F d . {U ∗ }
ZSt Z l2
−
→ − → ∗
f v . u M dv = [−
→
p (x1 ).−→
u ∗ (x1 ) + −
→
c (x1 ).−
→r ∗ (x1 )] dl = {F v } . {U ∗ }
V l1
où les vecteur −
→
p (−
→
x 1 ) et −
→
c (−
→
x 1 ) ainsi introduits, éléments de réduction du torseur des efforts li-
Poutres et plaques stratifiées 221
néiques, représentent respectivement une force par unité de longueur répartie sur la fibre moyenne
(pour −
→
p ), et un couple par unité de longueur réparti sur la fibre moyenne (pour − →
c ).
Enfin, le premier terme du PPV (Eq. 5.21), la puissance virtuelle des efforts intérieurs,
se calcule assez directement. En utilisant la même méthode que pour le calcul de l’énergie de
déformation (Eq. 5.19), puis la définition du torseur des déplacements, puis enfin une intégration
par parties, il vient :
−
→ −
→
Z Z
σM : ∗M dv = ( R (x1 ).−
→e ∗ (x1 ) + M (x1 ).−
→κ ∗ (x1 ))dl
V L
Z l2
d
=− {τ } . {U ∗ } dl + [{τ } . {U ∗ }]ll21
l1 dx1
En utilisant l’ensemble de ces résultats, le principe des travaux virtuels s’écrit simplement
de la façon suivante (Eqs 5.22) sur tout segment de la fibre moyenne ne contenant pas de torseurs
d’efforts ponctuel :
∀(l1 , l2 ) ∈ L, ∀(−
→
u ∗, −
→
r ∗)
Z l2
−
→0 − → −
→ ∗ −→0 −
→ −
→ −→ −
→ ∗
( R + p ). u + (M + x 1 ∧ R + c ). r dl (5.22a)
l1
h−
→d − −
→d − −
→− −
→− il2
→ ∗
+ R .u +M .r → ∗ → ∗ →
− R. u + M. r ∗
=0 (5.22b)
l1
ou en écriture torsorielle :
∀(l1 , l2 ) ∈ L, ∀ {U ∗ } ,
Z l2
d l2
{τ } + {F } . {U ∗ } dl +
v
F − {τ } . {U ∗ } l1 = {0}
d
l1 dx1
Cette équation doit être vérifiée sur tout segment, et pour tout champ de déplacement virtuel,
i.e. pour tout torseur {U ∗ }. Sachant que l’intégrale ne peut être nulle que si la quantité intégrée
est nulle si elle est continue, on choisit le champ virtuel nul au bord et non-nul à l’intérieur de
la poutre. De l’équation (5.22a) on déduit les équations d’équilibre des milieux curvilignes (Eq.
−→ → −
→→ −
→
5.23), à comparer à l’équilibre des milieux continus (divσ(− x ) + f (−x ) = 0 ). C’est à partir de
ces équations que tout problème de poutre peut être résolu de manière rigoureuse :
Les équations d’équilibre sont deux équations vectorielles. Elles conduisent à six équations
différentielles scalaires qui traduisent l’équilibre mécanique du milieu unidimensionnel. Les forces
volumiques sont représentées par les vecteurs − →p (forces réparties sur le segment) et −
→
c (couples
répartis sur le segment). L’intégration de ces équations différentielles nécessite six conditions
aux limites. Ces conditions sont obtenues aux points d’abscisse l1 et l2 , extrémités du segment
considéré, à partir de l’expression des termes de bord du PPV (Eq. 5.22b) en choisissant un
champ de déplacement virtuel nul à l’intérieur de la poutre et non-nul aux bords. Ces équations
(Eq. 5.24) traduisent simplement le fait que les efforts internes doivent être égaux aux efforts
imposés aux même endroits (σ(− x→ → −
− →d − →
F ) · n = t (xF ) en MMC) :
{τ }(li ) = F d
(li )
(5.24)
Figure 5.14 : Torseur d’efforts extérieurs appliqué sur une section Si du tronçon étudié.
On notera que les équations d’équilibre au bord de la poutre (Eq. 5.24) se déduisent de cette
condition (Eq. 5.25) en écrivant que τ (l1− ) et τ (l2+ ) sont nuls, soit τ (l1+ ) = − {F 1 }(x1 )
et τ (l2− ) = {F 2 }(x2 ) .
Poutres et plaques stratifiées 223
Les efforts internes peuvent être identifiés rapidement, en recourant à l’équilibre extérieur
de la poutre. En effet, chaque tronçon de la poutre isolé doit être en équilibre sous l’action, d’une
part des efforts de cohésion, et d’autre part des efforts extérieurs imposés (Figure 5.15). Il suffit
donc de procéder par la pensée à des coupes successives le long de l’abscisse curviligne, et de
vérifier l’équilibre de ces tronçons pour identifier les efforts internes en tout point de l’abscisse.
Figure 5.15 : Identification des efforts internes qui règnent dans une section située en A par
transport des efforts extérieurs à cet abscisse.
Considérons un tronçon de poutre en équilibre sous l’action d’un torseur d’actions terminales
en li dont les éléments de réduction sont définis en ce point : F d (li ) (li ) (Figure 5.15). Effectuons
une coupure imaginaire de ce tronçon en un point A de l’abscisse curviligne. La section située en
A est donc en équilibre sous l’action d’une part des actions extérieures terminales s’exerçant en li ,
et d’autre part sous l’action des efforts de cohésion qui règnent en A ({τ }(A) ) et qui représentent
l’action de la section voisine située en x1 = A− (par définition des effort internes, efforts de la
section de GAUCHE sur la section de DROITE). Rappelons que la normale sortante est dans
ce cas −− →
x1 . Finalement, l’équilibre s’écrit simplement, en prenant soin de transporter en A le
torseur des actions extérieures :
− {τ }(A) + F d (A) = 0
(5.26)
d
⇒ {τ }(A) = F (A)
Les efforts intérieurs sont rapidement identifiés par transport des efforts extérieurs s’exerçant sur
le tronçon isolé. Cette identification permet de traiter rapidement les problèmes simples, mais
rappelons que la vérification de l’équilibre extérieur est un préalable incontournable pour cette
identification. Cet équilibre peut poser des problèmes, notamment dans le cas des problèmes
hyperstatiques pour lesquels une surabondance d’inconnues statiques ne peut être levée sans
Poutres et plaques stratifiées 224
recourir à des méthodes complémentaires telles que les méthodes énergétiques présentées dans
le Cours ICM 2A déjà évoqué en introduction .
La connaissance du torseur des efforts intérieurs {τ (x1 )}(G) sur le segment permet, par
la loi de comportement, d’obtenir les éléments de réduction (déformations de membrane − →e (x1 )
−
→
et de courbure κ (x1 )) du torseur des déformations dans la poutre. Ce torseur est relié au
torseur des déplacements (vecteur déplacement − →u (x1 ) et vecteur rotation −→r (x1 )) par les relations
introduites précédemment (Eq. 5.9) : e (x1 ) = u (x1 ) + x 1 ∧ r (x1 ) et −
−
→ −
→ 0 −
→ −
→ →κ (x1 ) = − →
r 0 (x1 ).
L’intégration des six équations différentielles ainsi obtenues permet de connaître le torseur des
déplacements en tout point de la fibre moyenne de la poutre, et donc le champ de déplacement via
la cinématique introduite. Lors de l’intégration, il est nécessaire d’utiliser six conditions aux limites
cinématiques, qui s’ajoutent aux six conditions aux limites en efforts utilisées précédemment
(Eq. 5.24). Globalement, sur chaque segment considéré, les conditions aux limites (aux points
d’abscisse l1 et l2 ) que l’on doit appliquer sont au nombre de douze. Ceci correspond aux six
degrés de liberté de chaque côté du segment. En chaque point d’abscisse l1 et l2 , on doit donc
connaître :
Il est souvent essentiel de pouvoir connaître les contraintes qui règnent dans les sections,
par exemple pour vérifier que les limites à rupture ou la limite d’élasticité n’ont pas été dépassées.
Comme la théorie des poutres est basée sur l’intégration de ces contraintes sur les section (Eqs.
5.11-5.12), les contraintes locales doivent être déduites des informations moyennes.
Pour ce faire, on peut utiliser d’une part la loi de comportement de la structure, notée [L],
qui relie le torseur des efforts internes au torseur des déformations (Eq. 5.15), et d’autre part la loi
de comportement matériau qui relie les contraintes aux déformations locales (Eq. 5.13). En effet,
Poutres et plaques stratifiées 225
les déformations qui règnent dans la section sont calculées à partir des éléments de réduction du
torseur des déformations connus au centre de gravité de la section. On peut donc recalculer les
déformations en tout point de la section et en déduire les contraintes correspondantes. Cette même
démarche est adoptée dans les théories de plaques ou coques, mais de façon plus systématique
grâce aux formes linéaires algébriques des relations de comportement (Eq. 5.17).
Contrainte normale
La contrainte normale est directement reliée à la déformation normale (Eq. 5.13) par le
module d’Young dans le cas d’un matériau isotrope. Par ailleurs l’effort normal est relié d’une
part à la déformation de membrane (e1 ) et d’autre part aux courbures de flexion (κ2 et κ3 ). En
résumé, on a :
N (x1 ) = ESu01 (x1 )
σ11 (−
→ = Eu01 + E(r20 x3 − r30 x2 )
x ) = E11
|{z} | {z } et Mf 2 (x1 ) = EI2 r0 (x1 ) − EI23 r0 (x1 )
m −
(→ f −
(→
2 3
= σ11 x) + σ11 x)
M (x ) = −EI r0 (x ) + EI r0 (x )
f3 1 23 2 1 3 3 1
Contribution de la déformation de flexion Cette part de la contrainte normale ne peut être évaluée
simplement que dans le cas où les moments produits sont nuls, c’est-à-dire pour des sections à
plan de symétrie et des efforts appliqués dans ce plan. Dans ce cas :
f Mf 2 (x1 ) Mf 3 (x1 )
σ11 (x1 , M ) = x3 − x2
I2 (x1 ) I3 (x1 )
Pour des sections non-symétriques ou des efforts appliqués hors de ce plan de symétrie,
on a alors de la flexion déviée pour les poutres droites. Nous retrouverons cet effet dans les
sections composites, même pour des sections symétriques, uniquement par effet de la séquence
d’empilement.
Expression complète de la contrainte normale Finalement la contrainte normale est la somme des
contributions des termes de membrane et de flexion (Figure 5.16), et s’écrit de manière générale :
Dans les cas courants, la contrainte est maximale sur les fibres extrêmes des sections, i.e. en
x2 = ± L22 et x3 = ± L23 . La ’rigidité de tension’ est directement liée à la surface de la section
transverse, tandis que la ’rigidité de flexion’ dépend des moments quadratiques de la section,
c’est-à-dire de la forme de la section, mais également de la séquence d’empilement dans le cas
de sections composites et sandwichs.
Contraintes de cisaillements
σ12 (−
→
x ) = G12 = G(u02 − r3 ) + Gr10 x3
T2 (x1 ) = GS(u02 (x1 ) − r3 (x1 ))
| {z } | {z }
−
→ −
→
m t
= σ12 ( x ) + σ12 ( x )
et T3 (x1 ) = GS(u03 (x1 ) + r2 (x1 ))
−
→ 0
σ13 ( x ) = G13 = G(u3 + r2 ) + Gr1 x2 0
| {z } | {z } M (x ) = GI r0 1(x )
m
=σ (x) −
→ t
+ σ (x) −
→ t 1 0 1
13 13
m T2 (x1 ) m T3 (x1 )
σ12 (x1 ) = σ13 (x1 ) =
S(x1 ) S(x1 )
t t Mt (x1 )
τ (x1 , r) = f (σ12 (x1 , r), σ13 (x1 , r))(Rc ) = r
I0 (x1 )
avec r la position radiale du point M dans un système de coordonnée cylindrique (Rc ) attaché
à la section circulaire centrée en G, et τ (r, x1 ) la contrainte de cisaillement dans ce repère. On
remarque que pour la partie membrane des contraintes de cisaillement, seule la section transverse
Poutres et plaques stratifiées 227
est importante, tandis que pour la torsion le moment quadratique polaire représente la rigidité
’géométrique’ de la section.
{U}(li ) = U d
(li )
, ∀ li ∈ {l1 , l2 } (5.28)
2. Équilibre intérieur
( −
→0 −
→
d R (x1 ) + − →
p (x1 ) = 0
{τ } + {F v } = {0} ⇔ −
→ −
→ −
→ , ∀ x1 ∈ [0, L]
dx1 M 0 (x1 ) + −
→
x 1 ∧ R (x1 ) + −
→
c (x1 ) = 0
(5.29)
3. Équilibre au bord et discontinuités
{τ }(li ) = F d (li ) , ∀ li ∈ {l1 , l2 }
− (5.30)
[| {τ } |](xi ) = τ (x+
i
i ) − τ (xi ) = − {F }(xi ) , ∀ xi ∈ [0, L]
4. Loi de comportement
( −→ −
→
) " # ( )
R (x1 ) [A] [B] e (x1 )
−
→ = · −
→ ⇔ {τ (x1 )} = [L] {(x1 )} (5.31)
M (x1 ) [B] [D] κ (x ) 1
5. Relations utiles :
— Relations déplacements/déformations
−
→r 0 (x1 ) = −
→
(
κ (x1 )
−
→ (5.32)
u 0 (x1 ) + x 1 ∧ −
−
→ →r (x1 ) = −
→
e (x1 )
m N (x1 )
tension : σ11 (x1 ) =
S(x1 )
f Mf 2 (x1 ) Mf 3 (x1 )
flexion : σ11 (x1 , M ) = x3 − x2
I2 (x1 ) I3 (x1 )
(5.33)
m Tα (x1 )
cisaillement : σ1α (x1 ) = (α = 2, 3)
S(x1 )
t Mt (x1 )
torsion : τ (x1 , r) = f (σ1α (r, x1 ))(Rc ) = r
I0 (x1 )
Poutres et plaques stratifiées 229
Pour illustrer le cas particulier des poutres à section composite, nous allons privilégier les
−
→ − →
poutres avec sections dites à plans moyens, c’est-à-dire dont les directions propres y 0 , z 0 , au sens
géométrique, sont confondues avec les axes globaux − →y ,−
→z . Ces directions propres géométriques
se définissent comme le système d’axe dans lequel le tenseur d’inertie de la section est diagonal,
ce qui est le cas de 5 des 6 sections illustrées sur la Figure 5.17 (sauf la pale (1ère section). Ces
sections ont la particularité de posséder 2 plans moyens (au moins en première approximation
pour le profil de type ski Figure 5.17).
Le type de section envisagé ici est tel que présenté sur la Figure 5.17, de type stratifié
ou sandwich. La différence d’un point de vue conceptuel n’est pas fondamentale, par contre les
comportements vont différer, notamment vis-à-vis du cisaillement transverse. Nous supposerons ici
que les couches constitutives des sections sont parfaitement collées, assurant ainsi une continuité
−
→
des contraintes, [| t (M, −
→
ni |] = 0 à toutes les interfaces de normale −
→
ni entre les couches.
Poutres et plaques stratifiées 230
Figure 5.17 : Type de section composites et sandwich couramment rencontrées, d’après Gay
(2005).
L’utilisation de ces sections de poutre se fait généralement par chargement dans ces plans
moyens. En supposant de plus que les conditions aux limites en déplacement/rotation sont telles
que les plans de symétrie seuls permettent de définir complètement la poutre, du point de vue
géométrique stricte (matériau constitutif homogène isotrope) on s’assure qu’il n’y aura pas de
flexion déviée pour des sections de poutre homogènes. En effet, les Eqs. 5.14 de définition des
moments établies pour des sections quelconques se simplifient puisque I23 = 0
Z
(x2 σ13 − x3 σ12 )ds = GI0 r10 = GI0 κ1
S
−
→
Z Z
I23 (x1 ) = x2 x3 ds = 0 ⇒ M (x1 ) = x3 σ11 ds = E(I2 r20 − I23 r30 ) = EI2 κ2
S(x1 )
S
Z
−x2 σ11 ds = E(−I23 r20 + I3 r30 ) = EI3 κ3
S
Nous allons voir qu’à l’opposé des sections isotropes, l’utilisation de matériaux composites
va induire des comportements couplés, même pour ces sections à plans moyens chargées dans
ces plans. En effet, lorsque les axes principaux matériaux, axes d’orthotropie dans notre cas, ne
sont pas alignés avec les axes de la poutre des comportements couplés en tension et cisaillement
seront induits. D’autre part les empilements de ces strates de matériaux induiront également
des comportements couplés, notamment lorsque ces séquences d’empilement ne seront pas sy-
métriques par rapport aux plans de symétrie géométriques de la section. Des exemples de ces
sections composites stratifiées à plans moyens sont donnés sur la Figure 5.18.
Poutres et plaques stratifiées 231
Figure 5.18 : Définitions des sections composites stratifiées à plan moyen, chargées dans ces
plans. Section asymétrique [0, 90] à plan moyen (O, −
→
x =− →
e1 , −
→
z =−→
e3 ) et symétrique [0, 90]s à
−
→ −
→ −
→ −
→ −
→ −
→ −
→ −
→
plans moyens (O, x = e1 , z = e3 ) et (O, x = e1 , y = e2 ).
avec les relations de changement de base qu’on peut préciser dans ce cas particulier
les termes de couplages (Eq. 3.55) indiquent que le désalignement θ va induire du ci-
saillement lorsque la tension-compression agira dans la direction de la poutre, ce qui
correspond à un essai de traction hors-axe comme déjà employé précédemment. Inver-
sement, du cisaillement transverse au pli va induire une sollicitation dans la direction
de la poutre
1 νLT 2 3 2 νLT 1 3
ηxy,x = Ex −2 − cos θ sin θ + +2 − sin θcosθ
GLT EL EL ET EL GLT
(5.42)
le cisaillement hors-plan (Eq. 3.60)
1 1 1 2(1 + νT T 0 ) 2 1
= sin2 θ + cos2 θ = sin θ + cos2 θ (5.43)
Gxz GT T 0 GLT 0 ET GLT 0
et il ne reste plus qu’à définir le coefficient de Poisson reliant les comportements dans
les directions −
→x et −→
y (Eq. 3.54)
νLT 4 4 1 1 1 2 2
νxy = Ex (cos θ + sin θ) − + − sin θ cos θ (5.44)
EL EL ET GLT
Les propriétés du pli étant définies, on peut en déduire le comportement de la poutre. Pour
cela, repartons de la définition des contraintes généralisées et intégrons-y les déformations via le
comportement de chaque pli. Compte-tenu du comportement défini ci-dessus (Eq. 5.37), on peut
donc écrire les relations dans le repère de la poutre entre contraintes et déformations 2 exprimées
par rapport aux déplacements et rotations mesurés au centre de la section (Eq. 5.9)
σxx = L011 εxx + L016 γxy
= L011 (u01 + r20 x3 − r30 x2 ) + L016 (u02 − r10 x3 − r3 )
0 0
σ
xy = L16 εxx + L66 γxy
0 0 0 0 0 0 0
(5.45)
= L 16 (u 1 + r 2 x 3 − r3 x2 ) + L66 (u2 − r1 x3 − r3 )
σxz = L055 γxz
= L055 (u03 + r10 x2 + r2 )
qu’on peut utiliser dans la définition des contraintes généralisées (Eqs. 5.11 et 5.12) pour établir
2. On notera que l’utilisation des déformations au sens de l’ingénieur dans la notation de Voigt (γxy = 2εxy )
permet de passer directement aux déformations de cisaillement dans la poutre
Poutres et plaques stratifiées 234
le comportement de la section
Z Z
N (x1 ) = σxx (M, x1 )ds Mt (x1 ) = (x2 σxz (M, x1 ) − x3 σxy (M, x1 ))ds
S(x
Z1 )
S(xZ1)
T2 (x1 ) = σxy (M, x1 )ds Mf 2 (x1 ) = x3 σxx (M, x1 )ds
S(x
Z1 ) S(x
Z1 )
T3 (x1 ) = σxz (M, x1 )ds Mf 3 (x1 ) = −x2 σxx (M, x1 )ds
S(x1 ) S(x1 )
(5.46)
Il faut noter, avant d’aller plus avant dans les calculs, que dans certains ouvrages (Gay,
2005) la notion de centre élastique est introduite. Ce centre est défini tel que S(x1 ) L011 (−
→
R
x )x2 ds =
0 −→
R
L ( x )x3 ds = 0. Cette définition permet d’éliminer rapidement des calculs certains termes
S(x1 ) 11
similaires à des moments d’ordre 1 dans les poutres isotropes, i.e. d’annuler les intégrales impaires.
Toutefois, le choix a été fait ici de garder tous les termes pour simplifier ensuite dans des cas
particuliers de séquences d’empilement caractéristiques. De plus, la définition du centre élastique
peut être utile lorsque les propriétés matériaux montrent un fort contraste ou lorsque les sections
possèdent des géométries particulières. Dans les sections courantes considérées ici, le centre
élastique est assez proche du centre de gravité défini simplement à partir de considérations
géométriques. Pour mener nos calculs, nous considérerons le centre de gravité des sections comme
origine des intégrales. Par exemple, pour l’effort normal, l’intégration de ces propriétés s’écrit :
Z
N (x1 ) = σxx (M, x1 )ds
S(x
Z1 )
= L011 (u01 + r20 x3 − r30 x2 ) + L016 (u02 − r10 x3 − r3 )ds
S(x1 )
(5.47)
= hL011 i u01 + hx3 L011 i r20 − hx2 L011 i r30 + hL016 i (u02 − r3 ) − hx3 L016 i r10
N (x1 ) = hL011 (−
→
x )i e1 (x1 ) + hL016 (−
→
x )i e2 (x1 )+
hx3 L011 (−
→
x )i κ2 (x1 ) − hx2 L011 (−
→
x )i κ3 (x1 ) − hx3 L016 (−
→
x )i κ1 (x1 )
+ hx3 L016 (−
→
x )i e2 (x1 ) − hx23 L016 (−
→
x )i κ1 (x1 ) (cisaillement et torsion induits)
+ hx3 L011 (−
→
x )i e1 (x1 ) (tension induite)
(5.48)
où on retrouve les 2 premiers termes classiques qui représentent la rigidité en flexion et le terme de
flexion déviée, tous 2 liés directement aux propriétés dans la direction de la poutre. Les 2 derniers
termes suivants correspondent à l’effet du cisaillement induit dans le plan par le désalignement
qui génère à la fois des déformations de cisaillements dans le plan du pli, et par conséquent
également de la torsion. Enfin, le dernier terme représente la tension induite par la flexion dans
les sections à propriétés asymétriques. Le calcul du moment de torsion quant à lui aboutit à une
expression impliquant toutes les déformations de membrane et les courbures,
+ hx3 L016 (−
→
x )i e1 (x1 ) − hx23 L016 (−
→
x )i κ2 (x1 ) + hx2 x3 L016 (−
→
x )i κ3 (x1 )
(5.49)
où la première partie de l’expression est liée au cisaillement hors du plan du pli et à la torsion,
et la seconde partie prend en compte les couplages avec les déformations de membrane, de
cisaillement, et avec les courbures dues à la flexion.
Pour synthétiser, le comportement d’une poutre de section composite peut s’écrire sous
une forme proche de celle proposée pour les poutres isotropes (Eq. 5.16)
Poutres et plaques stratifiées 236
N
M
t
M
f2
=
M f3
T2
T3
hL011 i − hx3 L016 i hx3 L011 i − hx2 L011 i hL016 i 0
hx3 L016 i hx22 L055 i + hx23 L066 i − hx23 L016 i hx2 x3 L016 i − hx3 L066 i hx2 L055 i
hx3 L011 i hx23 L016 i hx23 L011 i − hx2 x3 L011 i hx3 L016 i
0
− hx L0 i hx2 x3 L016 i − hx2 x3 L011 i hx22 L011 i − hx2 L016 i 0
2 11
hL016 i − hx3 L066 i hx3 L016 i − hx2 L016 i hL066 i
0
0 hx2 L055 i 0 0 0 hL055 i
e1
κ1
κ2
. (5.50)
κ3
e2
e3
Ces expressions générales sont assez complexes, mais comme nous l’avons vu précédem-
ment, les calculs correspondants se réalisent facilement dans un logiciel. On note que les couplages
apparaissent à travers des termes de type moments d’ordre 1 ou d’ordre 2. Ces expressions se
simplifient en prenant en compte les symétries de ces empilements ainsi que les types de plis
considérés dans les sections composites et sandwichs.
Figure 5.19 : Notations utilisées pour l’intégration des propriétés dans l’épaisseur de la séquence
d’empilement.
Poutres et plaques stratifiées 238
On peut illustrer assez facilement ces couplages par l’exemple de la Figure 5.20 ci-dessous.
Poutres et plaques stratifiées 239
On voit qu’un pli sollicité en tension à un angle θ par rapport à ses directions principales va
générer du cisaillement L016 (θ) comme on l’attend d’après le comportement des plis (Eqs. 5.39
et 5.37). Par contre, un stratifié anti-symétrique composé des mêmes plis, sollicité en tension,
ne générera plus de cisaillement globalement hL016 i = 0, mais de la torsion hx3 L016 i si on réussit,
par exemple par une sollicitation d’origine thermique, à induire une déformation de membrane
où l’influence des conditions aux limites est négligeable, comme le représente le comportement
ci-dessus Eq. 5.53 et comme illustré sur la Figure 5.20. Par contre, une sollicitation de flexion
n’induira pas de la torsion.
Figure 5.20 : Illustration des couplages tension-cisaillement-torsion pour des plis seuls à +θ et
−θ, et pour un empilement anti-symétrique [+θ/ − θ].
2/ Empilements symétriques : ces empilements sont notés [·]s si les couches constituant la
section (orthotropes, isotropes transverses, isotropes) sont réparties symétriquement (propriétés
mécaniques et dimensions) de part et d’autre des plans passant par les directions principales de la
section. Comme précédemment, considérons le plan (0, − →
x =− →
e1 , −
→
y =− →
e2 ) comme étant ce plan
de symétrie pour l’empilement (Figure 5.18-b). Le pli d’altitude zk aura le même comportement
[Q0k (xα )] que le pli d’altitude −zk . Le centre élastique est alors à la même altitude que le centre
de gravité. Les propriétés étant les mêmes à des altitudes opposées, les termes de couplage
en torsion-cisaillement (hx3 L066 i = 0) et flexion-tension (hx3 L011 i = 0) déjà simplifiés pour les
empilement anti-symétriques s’annulent également. Par contre le cisaillement L016 s’annule dans
les intégrales de degré 1. Cela implique que le couplage torsion-tension s’annule (hx3 L016 i), par
contre les couplages tension-cisaillement (hL016 i) et torsion-flexion (hx23 L016 i) sont présents. Le
comportement s’écrit
Poutres et plaques stratifiées 240
hESi 0 0 − hx2 L011 i hL016 i 0
0 hGI0 i − hx23 L016 i 0 0 hx2 L055 i
hx23 L016 i
0 hEI2 i 0 0 0
0 0
(5.54)
− hx2 L11 i 0 0 hEI3 i − hx2 L16 i 0
hL016 i − hx2 L016 i hL066 i
0 0 0
0
0 hx2 L55 i 0 0 0 hL055 i
Si de plus la section possède un plan de symétrie (plan moyen), ce qui est assez direct ici
(Figure 5.18-b par exemple), le comportement se simplifie encore :
hESi 0 0 0 hL016 i 0
0 hGI0 i − hx23 L016 i 0 0 0
2 0
0 hx3 L16 i hEI2 i 0 0 0
(5.55)
0 0 0 hEI3 i 0 0
hL016 i hL066 i
0 0 0 0
0 0 0 0 0 hL055 i
3/ Plis croisés symétriques : Si les plis sont tels que leurs directions principales sont confondues
avec les axes de la poutre, le coefficient de couplage tension-cisaillement L016 s’annule. C’est le
cas notamment pour les plis croisés, dont les orientations sont θ = 0 ou θ = 90 et pour lesquels
les propriétés L0ij sont égales aux propriétés dans les axes principaux Lij telles que nous les avons
déjà vues à plusieurs reprises. Si de plus les séquences d’empilement sont symétriques, du type
[0m /90n ]s , le comportement de la poutre symétrique générale se simplifie du fait de la disparition
des couplages tension-cisaillement et flexion-torsion (Eq. 5.55). Le comportement devient alors
extrêmement simple, puisqu’on peut alors utiliser tout ce qui a été établi précédemment pour les
poutres isotropes (Eq. 5.16) à section symétrique :
Les rigidités équivalentes se réduisent également à des grandeurs scalaires facilement inté-
grables car les propriétés mécaniques se résument à Ex , Gxy , Gxz . Par exemple, pour une poutre
à plan moyen (O, − →x ,−
→z ) de largeur b et hauteur h chargée dans ce plan (Figures 5.18 et 5.21),
constituée de n couches d’épaisseur hk − hk−1 (Figure 5.19), on aura les relations de comporte-
Poutres et plaques stratifiées 241
ment
Mf 2 = hEI2 i κ2 (x1 )
! n Z
!
Z b/2 Z h/2 X hk
= x23 Ex (x2 )dx3 dx2 κ2 (x1 ) = b x23 Ex (x3 )dx3 κ2 (x1 )
−b/2 −h/2 k=1 hk−1
n
!
1 X
h3 − h3k−1 Ex(k) κ2 (x1 )
= b
3 k=1 k
T2 = hGy Si e2 (x1 )
! n Z
!
Z b/2 Z h/2 X hk
= Gxy (x3 )dx3 dx2 e2 (x1 ) = b Gxy (x3 )dx3 e2 (x1 )
−b/2 −h/2 k=1 hk−1
n
!
X
= b (hk − hk−1 ) Gxy(k) e2 (x1 )
k=1
(5.57)
Figure 5.21 : Plis croisés symétriques [02 /902 ]s [0/90]2s et asymétrique [02 /902 ].
Poutres et plaques stratifiées 242
4/ Plis croisés asymétriques : Dans le cas où les plis croisés ne forment pas une séquence
d’empilement symétrique, c’est par exemple le cas sur la Figure 5.18-a où un empilement [0, 90]
est présenté, des couplages tension-flexion apparaissent. C’est en fait le cas de toutes les séquences
qui ne sont pas symétriques, mais dans le cas des plis croisés les couplages se limitent à tension-
flexion, comme illustré sur la Figure 5.21 du fait de l’annulation du terme de couplage tension-
cisaillement L016 à l’échelle du pli comme nous l’avons vérifié à plusieurs reprises précédemment.
Ces comportements peuvent être voulus, comme dans le cas de la caractérisation des états de
contraintes internes à partir des mesures de la flèche de plaques [0/90] courbées. Il faut noter
que plus le nombre de plis augmente, plus les effets de couplage membrane-flexion diminuent,
la rigidité globale augmentant. Dans le cas des plaques asymétriques évoqué ci-dessus, elles sont
élaborées avec 1 à 2 plis par orientation seulement. Il en va de même pour les tissus dont le
comportement peut être considéré comme asymétrique, mais un empilement courant ne présente
pas de couplage significatif de ce type.
N hESi 0 hx3 L011 i − hx2 L011 i 0 0
e1
− hx3 L066 i hx2 L066 i
Mt 0 hGI0 i 0 0 κ1
M hx L0 i
− hx2 x3 L011 i
f2 3 11 0 hEI2 i 0 0 κ2
= 0 0
.
Mf 3 − hx2 L11 i 0 − hx2 x3 L11 i hEI3 i 0 0 κ3
− hx3 L066 i hGy Si
T2
0 0 0 0
e2
0
T3 0 hx2 L66 i 0 0 0 hGz Si e3
(5.58)
Pour une poutre à plan moyen (0, − →
x =− →
e1 , −
→
z =− →
e3 ) chargée dans ce plan (donc section
symétrique également), telle que présentée sur la Figure 5.18-a ou la Figure 5.21 pour l’empilement
[02 /902 ], les termes de type x2 L0ij s’annulent par symétrie.
Remarque 1 En l’absence de notation sans ambigüité des séquences d’empilement, il
convient de rester vigilant à la séquence indiquée, et si nécessaire de la préciser par un schéma.
Remarque 2 Ce type d’empilement croisé asymétrique permet d’estimer les propriétés d’un
tissu en supposant les propriétés de chaîne et trame, qui peuvent différer, dans les directions 0řet
90ř.
Dans le cas simples des plis croisés symétriques les contraintes sont déterminées assez direc-
tement. Par exemple, la contrainte normale dans un section à plan moyen (O, − →x1 , −
→
x2 ), s’exprime
Poutres et plaques stratifiées 243
comme dans le cas isotrope (Eq. 5.27) en l’absence de flexion déviée simplement on prend en
compte les propriétés moyennes
N (x1 ) Mf 2 (x1 ) Mf 3 (x1 )
σ11 (x1 , M ) = Ex (x3 ) + Ex (x3 ) x3 − Ex (x3 ) x2
hESi hEI2 i hEI3 i
Les autres composantes des contraintes s’expriment également comme dans le cas des poutres à
section isotrope (cf Eqs 5.33 page 228).
On voit sur la Figure 5.22 la distribution des contraintes normales pour des sections asy-
métriques et symétriques d’une poutre à plan moyen chargée dans ce plan. On vérifie que l’état
de déformation étant connu et fixé par la cinématique du premier ordre (déformation de mem-
brane constante dans l’épaisseur et déformation due à la courbure linéaire dans l’épaisseur), les
contraintes sont évaluées via la loi de comportement du pli.
Pour la section asymétrique, on notera que le centre élastique de la section est décalé du
centre de gravité d’une distance yc . Toutefois, comme nous l’avons indiqué au début de cette
partie traitant des sections composites, les sections asymétriques sont rarement employées. De
plus, on vérifie aisément que plus le nombre de plis est grand plus le décalage yc tend vers 0. Il
existe des théories plus adaptées si nécessaire tenant compte de ce décalage.
(a) (b)
m f
Figure 5.22 : Distribution des contraintes normales de membrane σxx et de flexion σxx dans une
section de poutre en flexion simple (a) cas asymétrique et (b) cas symétrique.
Le principe introduit dans les poutres isotropes pour établir l’état de contraintes reste donc
valable ici : déterminer les composantes des déformations puis en déduire les contraintes locales
grâce à la loi de comportement du pli. Supposons donc l’équilibre de la poutre connu. On connaît
donc les grandeurs statiques, efforts et moments, desquels on peut déduire les déformations de
membrane et les courbures via la loi de comportement établie ci-dessus (Eq. 5.50) si on ne les a
pas encore déterminées durant la résolution. Partant de ces grandeurs cinématiques (théorie du
1er ordre), on en déduit facilement les contraintes ; partie membrane constante dans les plis, et
partie flexion évoluant linéairement dans l’épaisseur des plis
− −−→ → −−→
e→(x ) = − →e (x ) + M G ∧ − σ 0 (M, x ) = L0 e (x ) + L0 (M, x ) M G ∧ − →
M 1 1 κ (x )
1 i 1 ij j 1 ij 1 κ (x )
1
j
(5.59)
Poutres et plaques stratifiées 244
L’état de contraintes et de déformations étant connu, on peut ensuite appliquer des critères
de résistance comme ceux vus précédemment. On rappelle que les contraintes sont exprimées
dans le repère principal du pli à partir de la matrice de changement de repère en contraintes
(Eq. 3.38) {σ}(k) = [Tσ (θ)]−1 {σ 0 }(k) . De même pour les déformations à partir de l’Eq. 3.39
{ε}(k) = [Tε (θ)]−1 {ε}(k)
Dans cette partie, nous avons mis en place une théorie des poutres du 1er ordre basique.
La démarche consiste à introduire la loi de comportement d’un pli orthotrope dans la théorie
classique. Le comportement équivalent ainsi obtenu apparaît naturellement par des opérations de
moyennes résultant du calcul des contraintes généralisées (efforts et moments) qui agissent dans
les sections de poutre.
Cette première approche étant posée, nous allons améliorer ces modèles de poutre, et plus
précisément en évaluant leur capacité à représenter les champs de contraintes et déformations
en cisaillement transverse. Pour cela, on propose ci-dessous d’étudier un essai de flexion 3 points
avec différentes cinématiques.
Poutres et plaques stratifiées 245
Toutes les notions liées aux cinématiques enrichies introduites ici sont valables
pour les plaques que nous étudierons dans la seconde partie de ce chapitre.
correction est plus complexe à exprimer. Gay (2005) propose des expressions du type
Z
1
ky = Ex g0 x2 ds T2 = ky hGy Si e2
hEI2 i S(x1 )
Z (5.60)
1
kz = Ex h0 x3 ds T3 = kz hGz Si e3
hEI3 i S(x1 )
où g0 et h0 sont des fonctions de gauchissement dont l’expression s’obtient par résolution d’un
problème mécanique posé au niveau de la section même, prenant en compte les conditions aux
limites de la section. Ces fonctions de gauchissement permettent de prendre en compte la dé-
formabilité des sections de poutres, comme illustré sur la Figure 5.23 dans le cas du cisaillement
transverse σyz (−
→
z est ici la normale au pli)
Figure 5.23 : Distorsion d’une coupure soumise au cisaillement transverse σyz = τyz (Gay, 2005).
Ces expressions conduisent à des théories dites d’ordre supérieur qui peuvent devenir assez com-
plexes, la résolution se fait presque exclusivement numériquement. D’autres théories sont quant à
elles construites de façon à assurer la continuité des contraintes transverse entre plis consécutifs.
Dans ce cas aussi, il s’agit de s’approcher au mieux des comportements les plus sensibles, en
cherchant à vérifier les conditions mécaniques locales à l’intérieur de la section.
Poutres et plaques stratifiées 247
On se propose d’illustrer l’apport des théories d’ordre supérieur sur un exemple, celui de
la flexion 3 points déjà discuté dans les exercices précédents. Une fois cette théorie développée
de façon générale, puis appliquée à la flexion 3 points, des exemples sur des poutres massives
seront présentés - L. Dufort, S. Drapier, et M. Grédiac. Closed form solution for the cross-section
warping in short beams under three point bending : an analytical study. Composite Structures,
52(2) :233246, 2001. On verra dans la suite le cas particulier des structures sandwichs.
(a)
(b)
Figure 5.24 : (a) Essai de flexion 3 points avec suivi optique. (b) Répartition des glissements γ13
en x1 = L/4 dans l’épaisseur d’une poutre UD carbone/epoxy pour différentes longueurs entre
appuis (Thèse L. Dufort 2000).
Poutres et plaques stratifiées 249
où X,i désigne la dérivée partielle de la fonction X par rapport à la variable xi . De la même façon
X,ii représente la dérivée seconde. Le détail des grandeurs définissant le déplacement longitudinal
est :
u1 (x1 ),u3 (x1 ) : composantes du déplacement du point G = M0 appartenant à l’axe neutre
et se déplaçant en M 0 après sollicitation (voir Figure 5.25).
u3,1 (x1 ) : rotation de la section par rapport à −→
e2 induite par la flexion.
γ13 (x1 ) : déformation de cisaillement transverse mesurée sur la ligne moyenne.
f (x3 ) : fonction impaire de variable x3 définie telle que f,3 représente la forme de la
distribution des contraintes de cisaillement transverse dans l’épaisseur de la poutre.
Le glissement sur la fibre moyenne, en x3 = 0, s’exprime simplement (Eq. 5.8) comme la différence
entre la rotation due à la flexion ∂u3 /∂x1 et la rotation totale r2 = φ ici :
et les déformations que ce champ de déplacement peut générer s’expriment, en HPP, comme la
partie symétrique du gradient des déplacements
(
ε11 (M, x1 ) = u1,1 (x1 ) − x3 u3,11 (x1 ) + f (x3 )γ13,1 (x1 )
(5.64)
γ13 (M, x1 ) = f,3 (x3 ) γ13 (x1 )
Partant de ces déformations, et en les reliant aux efforts généralisés via la loi de comporte-
ment, on exprime le principe des puissances virtuelles desquelles on déduit l’équilibre de la poutre.
On définit les constantes suivantes
Z Z
c1 = x23 L011 dS = hEI2 i c2 = x3 L011 f (x3 )dS (5.65)
S S
Z Z
c3 = L011 f 2 (x3 )dS c4 = Gxz f,32 (x3 )dS (5.66)
S S
Cas de la flexion 3 points (Thèse L. Dufort, Ecole des Mines St-Etienne, 2000)
La flexion 3 points est un essai largement utilisé dans l’industrie, même si le développement
de contraintes de cisaillements et de compression transverse sous l’appui central conduit quasi-
systématiquement à une rupture prématurée sous ce point d’appui. On pourra lui préférer l’essai
Poutres et plaques stratifiées 250
Figure 5.25 : Types de cinématique : sans cisaillement - Bernoulli, avec cisaillement - Timoshenko,
et théories d’ordre supérieur
Poutres et plaques stratifiées 251
de flexion 4 points qui assure une rupture au centre de l’éprouvette, dans un état de flexion seul.
Mais l’essai de flexion 3 points est également utilisé pour déterminer la résistance et la rigidité en
cisaillement interlaminaire (Figure 5.26), dans des essais de short beam shear test - flexion sur
appuis rapprochés, et cet essai est normalisé, simple à mettre en œuvre, et donne accès a minima
à la rigidité ’initiale’ de la structure testée.
(a) (b)
Figure 5.26 : Essai de flexion 3 points : (a) schéma de principe, et (b) montage utilisé.
Dans cet essai de flexion 3 points, en considérant par symétrie la moitié du problème comme
on le fait classiquement, l’équilibre en déplacement se met sous la forme
(
(c1 − c2 )u3,1111 − (c2 − c3 )γ13,111 − c4 γ13,1 = 0
(5.67)
−c2 u3,111 + c3 γ3,11 − c4 γ13 = 0
avec les constantes ci définies par les relations (Eqs. 5.65 et 5.66). On montre que la résolution de
cette équation différentielle du 4ième ordre à coefficients constants passe par la recherche d’une
solution particulière et d’une solution générale de l’équation homogène associée. La solution
homogène possède une solution réelle ωf , un scalaire positif dépendant de f (x3 ) et tel que :
r
c1 c4
ωf = (5.68)
c1 c3 − c22
c2
γ13 (x1 ) = A1 + α sinh(ωf x1 ) + β cosh(ωf x1 ) (5.69)
c4 c1
avec α, β, A1 trois constantes à déterminer à l’aide des conditions aux limites. A1 correspond à
l’effort imposé par l’appui central, et α = 0. Finalement, les champs de déplacement s’écrivent
comme la somme de termes remarquables
Poutres et plaques stratifiées 252
F3 L2 F3 L2
u1 (M ) = −x3 [Θ,1 (x1 ) + 2Sf Ψf,1 (x1 )] + f (x3 ) Sf Ψf,1 (x1 )
48 hEI2 i 2c2 12
(5.70)
F3 L2
u3 (M ) =
[Θ(x1 ) + 2Sf Ψf (x1 )]
48 hEI2 i
On a introduit le terme Θ(x1 ) déduit de la théorie classique des poutres, qui représente la
contribution de la flexion seule. Ce terme évolue entre 0 et L pour x1 compris entre 0 et L2
x1 2
Θ(x1 ) = −x1 4 −3 (5.71)
L
La seconde partie du champ de déplacement induite par la prise en compte du cisaillement dépend
d’un terme constant Sf qui peut être exprimé en fonction des expressions ci
12 c22
Sf = 2 . (5.72)
L c1 c4
Dans le cadre de la théorie de Timoshenko, le coefficient c4 (Eq. 5.66) est habituellement
multiplié par le facteur de correction en cisaillement k déjà introduit pour tenir compte de la
différence entre une évolution parabolique des contraintes de cisaillement dans l’épaisseur et
une évolution constante. Il peut également prendre différentes formes selon le type d’hypothèses
cinématiques posées. Le deuxième membre du terme supplémentaire correspond à une modulation
de la répartition du cisaillement dans l’épaisseur en fonction de la position sur la ligne moyenne
et sera noté Ψf (x1 ).
1 sinh (ωf x1 )
Ψf (x1 ) = x1 − (5.73)
ωf L
cosh ωf
2
et
cosh (ωf x1 )
ψf,1 (x1 ) = 1 − (5.74)
L
cosh ωf
2
Traitons maintenant différents cas de la fonction de gauchissement f (x3 )
L’expression de la flèche u3 est déterminée pour chacune des formes (5.75) de f (x3 ) à
partir de l’équation (5.70) :
F3 L2
u3 (M ) = Θ(x1 ) (5.76a)
48 hEI2 i
F3 L2
u3 (M ) = [Θ(x1 ) + 2Sx1 ] (5.76b)
48 hEI2 i
F3 L2
u3 (M ) = [Θ(x1 ) + 2SC ψC (x1 )] (5.76c)
48 hEI2 i
F3 `2
u3 (M ) = [Θ(x1 ) + 2SS ψS (x1 )] (5.76d)
48 hEI2 i
où S, SC ΨC (x1 ) et SS ΨS (x1 ) représentent les expressions calculées pour une forme de f (x3 )
respectivement égale à (5.75b), (5.75c) et (5.75d). La mise en forme de ces expressions permet
de visualiser directement les termes supplémentaires obtenus avec chacune des théories. La pre-
mière expression obtenue dans le cadre de la théorie d’Euler-Bernoulli ne traite que de la flexion
simple sans prendre en compte le cisaillement (5.76a). Dans la théorie de Timoshenko apparait
un coefficient S sans dimension qui prend en compte la part de cisaillement (5.76b). Pour les
théories d’ordre supérieur (5.76c), (5.76d), la fonction f initialement introduite pour répondre
aux conditions de nullité des contraintes de cisaillement sur la surface supérieure et inférieure
de la poutre amène une dépendance supplémentaire non-linéaire de la flèche par rapport à la
coordonnée x1 via l’expression de Ψf (x1 ) (Eq. 5.73). Cette dépendance a pour effet de modifier
la déformée, notamment lorsque x1 tend vers L2 où la pente devient nulle ce qui n’est pas le cas
de la déformée donnée par Timoshenko (Figure 5.27).
L’expression du déplacement longitudinal u1 est déterminée pour chacune des formes (5.75)
de f (x3 ) à partir de l’équation (5.70) :
Poutres et plaques stratifiées 254
Figure 5.27 : Flèche analytique en flexion 3 points pour diverses cinématiques f (x3 ), Ex = 140
GPa, Gxz = 3, 5 GPa, L = 20 mm, et h = 4 mm (Thèse Dufort L. 2000).
Poutres et plaques stratifiées 255
F3 L2
u1 (M ) = −x3 Θ,1 (x1 ) (5.77a)
48 hEI2 i
F3 L2
u1 (M ) = −x3 [Θ,1 (x1 ) (5.77b)
48 hEI2 i
+2S]
F3 L2
+x3 S
24 hEI2 i
F3 L2
u1 (M ) = −x3 [Θ,1 (x1 ) (5.77c)
48 hEI2 i
+2SC ψC,1 (x1 )]
4x23 F3 L2 5
+x3 1 − 2 SC ψC,1 (x1 )
3h 24 hEI2 i 4
F3 L2
u1 (M ) = −x3 [Θ,1 (x1 ) (5.77d)
48 hEI2 i
+2SS ψS,1 (x1 )]
h πx F L2 π 3
3 3
+ sin SS ψS,1 (x1 )
π h 24 hEI2 i 24
Le gauchissement de la section apparaît clairement sur la Figure 5.28 où est tracé le profil
du déplacement longitudinal u1 (x1 = L/4). En effet, ce profil dépend de la position le long de la
poutre, il s’annule en x1 = L/2.
Le cisaillement transverse γ13 (M ) est obtenu à partir du tenseur des déformations (Eq.
5.64). Cette composante prend les formes suivantes en fonction de f (x3 )(Eqs. 5.75) :
F3
γ13 (M ) = (5.78a)
2k hGz Si
4x23
F3 3
γ13 (M ) = 1− 2 ψC,1 (x1 ) (5.78b)
h 2 hGz Si 2
πx3 F3 48
γ13 (M ) = cos ψS,1 (x1 ) (5.78c)
h 2 hGz Si π 3
Il n’est pas surprenant que pour la théorie de Timoshenko (5.78aa), le cisaillement soit
constant dans l’épaisseur de la poutre quel que soit x1 puisque le déplacement associé est une
fonction linéaire de x3 . Inversement, les théories utilisant une fonction de gauchissement de
forme cubique (5.78b) et sinus (5.78c) donnent une répartition parabolique ou sinusoïdale des
déformations dans l’épaisseur qui satisfont les conditions de nullité des contraintes sur les bords
libres. Ce résultat est illustré Figure 5.29 pour x1 = L4 .
Enfin, pour évaluer cette approche du champ de déplacement, on peut comparer sur la Fi-
gure 5.30 les profils obtenus analytiquement avec une fonction de gauchissement cubique (Reddy)
Poutres et plaques stratifiées 256
Figure 5.28 : Profil de déplacement longitudinal u1 en x1 = L/4 en flexion 3 points pour diverses
cinématiques f (x3 ), Ex = 140 GPa, Gxz = 3, 5 GPa, L = 20 mm, et h = 4 mm (Thèse Dufort
L. 2000).
Figure 5.29 : Distribution du cisaillement transverse γ13 dans l’épaisseur de la poutre pour
différentes cinématiques, en x1 = L/4 pour GExz
x
= 40 et Lh = 5 (Thèse Dufort L., 2000).
Poutres et plaques stratifiées 257
et par éléments finis (Figure 5.30-a), et mesurés par méthode optique pour une poutre UD
carbone-epoxy (Figure 5.30-b). On vérifie bien tout l’intérêt de disposer de solutions de ce type
qui peuvent également être intégrées assez directement dans les théories de plaques et coques
composites à la base d’éléments finis spécifiques. Dans ce cas, la dépendance en x1 n’existe plus,
elle est spécifique à la solution en flexion 3 points proposée ici, mais la répartition parabolique
des contraintes de cisaillement reste présente, c’est bien l’intérêt de ces cinématiques d’ordre
supérieur.
(a) (b)
Figure 5.30 : Comparaison des glissements γ13 en x1 = L/4 dans un essai de flexion 3 points
dans l’épaisseur d’une poutre carbone/epoxy pour différentes longueurs entre appuis (a) profil
analytique et numérique, et (b) profil mesuré (Thèse L. Dufort L. 2000).
La modélisation de la flexion d’un stratifié en flexion 3 points peut se faire par éléments
finis pour valider les champs de déplacements obtenus par une théorie telle que celles présentées
ci-dessus. L’exemple sur la Figure 5.31 pour une poutre à plan moyen (O, − →
x1 , −
→
x2 ) montre les
champs de déplacement obtenus au 1/4 de la longueur pour un UD carbone HR/epoxy de 2 mm
d’épaisseur. On vérifie que la part de flexion est beaucoup plus faible que la part de cisaillement,
et que la contrainte transverse présente dans la poutre est due uniquement à l’effet de Poisson
lié à la déformation normale.
La déformation de cisaillement atteint environ 1,5 %. En considérant un carbone HR/epoxy
standard, dont la résistance est de 60-70 M P a environ (cf Tableau 4.1 page 148) et la rigidité
est GLT ≈ 5 GPa, la déformation admissible est de 1,2 à1,4 % environ. On est donc à la limite
de la déformation admissible. Lorsqu’un comportement en cisaillement plus réaliste (non-linéaire)
est considéré, la déformation limite est dépassée.
Poutres et plaques stratifiées 258
(a)
(b)
Figure 5.31 : UD carbone/epoxy en flexion 3 points (essai inversé Figure 5.26-b), largeur=3
× épaisseur et longueur = 5 × épaisseur : (a) modèle éléments finis 2D - quadrilatères en
déformations planes généralisées, et (b) profils des contraintes en x1 = L/4.
Poutres et plaques stratifiées 259
Pour le cas d’un stratifié (Figure 5.32), on vérifie que la distribution des contraintes est
proportionnelle aux propriétés des plis. Le cas d’un comportement non-linéaire en cisaillement
permet d’illustrer la faible résistance attendue sous ce chargement. On notera également les
problèmes de représentation des contraintes inter-laminaires qui sont difficilement continues avec
un maillage d’éléments formulés en déplacements.
(a) (b)
Figure 5.32 : Stratifié [0/90]3s carbone/epoxy en flexion 3 points (a) modèle éléments finis, et
(b) profils des contraintes en x1 = L/4.
Cette faiblesse en cisaillement est encore plus limitante du fait de la présence de couches
de résine entre les plis. Quels que soient les moyens d’élaboration de ces stratifiés, des couches
continues se forment entre les plis. La Figure 5.33 représente la distribution des contraintes
dans l’épaisseur du stratifié [0/90]3s traité précédemment (Figure 5.32) mais dans lequel 1/4 de
l’épaisseur de chaque pli est remplacé par de la résine, à fraction volumique globale identique au
cas ’original’. On constate que les déformations de cisaillement se localisent dans ces couches
de résine, au détriment des contraintes dans les plis. Bien évidemment, la rupture interviendra
avant d’atteindre ce niveau de déformation correspondant à un chargement de 2 kN , même si la
courbe force-déplacement - au niveau macroscopique - dans ce cas ne montre pas de différence
notable.
Les matériaux sandwichs sont très largement utilisés dans la construction mécanique. Ces
structures résultent de l’assemblage de matériaux de peaux possédant une rigidité élevée, éloignés
de l’axe neutre de flexion par un matériaux d’âme (ou cœur) de rigidité faible en général (Figure
5.34) de type mousse ou matériau alvéolaire. La modélisation du comportement des structures
sandwich passe d’abord par l’écriture de cinématiques adaptées - L. Léotoing, S. Drapier, and
A. Vautrin. Nonlinear Interaction of Geometrical and Material Properties in Sandwich Structures
Instabilities. International Journal of Solids and Structures, 39 :37173739, 2002.
Poutres et plaques stratifiées 260
Figure 5.33 : Profils des contraintes en x1 = L/4 pour un stratifié [0/90]3s carbone/epoxy avec
des couches de résine d’épaisseur égale à 1/4 de chaque de pli.
Figure 5.34 : Structure sandwich - principe et utilisation en flexion - exemples de cœur nid
d’abeille et mousse.
Poutres et plaques stratifiées 261
L’effet sandwich
La rigidité équivalente de flexion de la poutre sandwich < EI >sand est calculée en deux
parties. Il faut tout d’abord évaluer la contribution de l’âme, puis celle des deux peaux. Pour
l’âme, le calcul est similaire à celui de la poutre homogène (Eq. 5.79) mais pour les deux peaux,
on peut utiliser le théorème d’Huyghens qui permet de rapporter le calcul du moment d’inertie
par rapport à la ligne moyenne d’une peau à la ligne moyenne de la poutre sandwich. Ainsi,
un terme supplémentaire apparaît dans le calcul du moment d’inertie des peaux. Il est constitué
du produit de l’aire de la section transverse des peaux par le carré de la distance entre la ligne
moyenne d’une peau et celle du sandwich, soit (ha + hp )/2 (Eq. 5.80).
L’expression de < EI2 >sand est alors donnée par la relation (5.81).
Afin de ne pas augmenter la masse de la poutre sandwich, l’âme est choisie de faible
densité et l’épaisseur des peaux est naturellement petite devant celle de l’âme. Pour Zenkert,
les matériaux sandwich généralement rencontrés dans les applications industrielles possèdent les
caractéristiques suivantes (Eq. 5.82).
hp
0, 02 < < 0, 1
ha
(5.82)
Ea
0, 001 < < 0, 02
Ep
Ainsi, en considérant ces ordres de grandeurs pour les rapports des épaisseurs et des mo-
dules, on montre que le troisième terme de la relation (5.81) est prépondérant devant les deux
autres. En effet, si on note respectivement < EI2 >si (i = 1..3) les trois termes composant la
rigidité équivalente de flexion de la poutre sandwich (Eq. 5.81), les rapports suivants peuvent
être établis :
Ep bhp (ha + hp )2
< EI2 >sand ' (5.83)
2
La masse de la poutre homogène et de la poutre sandwich sont très comparables, le rapport
de leurs rigidités respectives de flexion donne :
2
< EI2 >sand
3 ha
' > 75
< EI2 >hom 4 hp
Le principal avantage des matériaux sandwich est clairement illustré dans la relation pré-
cédente. La rigidité de flexion élevée, rapportée au faible poids de ces structures, appelée rigidité
spécifique, justifie tout l’intérêt de leur utilisation pour des applications dans lesquelles un gain
de poids est recherché. La rigidité de membrane est, quant à elle, très peu modifiée.
Poutres et plaques stratifiées 263
hGz Si∗ L2
> 100 (5.84)
hEI2 i∗
Les grandeurs hGz Si∗ et hEI2 i∗ sont respectivement les rigidités équivalentes de cisaillement
transverse (Eq. 5.85) et de flexion (Eq. 5.86) pour la poutre sandwich et L sa longueur. La
rigidité hGz Si∗ donnée par la relation (5.85) est établie à partir de considérations énergétiques,
Ga représente le module en cisaillement transverse de l’âme.
Ga b(ha + hp )2
hGz Si∗ = (5.85)
ha
∗ Ep bhp (ha + hp )2
hEI2 i = (5.86)
2
La relation (5.84) montre que la contribution du cisaillement peut être négligée pour des
poutres sandwich longues ou constituées d’une âme possédant une rigidité en cisaillement élevée.
Dans le même but, Allen propose le sandwich master diagram qui permet de mesurer très rapi-
dement l’écart entre une théorie ordinaire ne tenant pas compte du cisaillement et une théorie
qui en tiendrait compte. Cette représentation graphique des effets du cisaillement transverse dans
l’âme est facilement utilisable en conception.
Une autre façon de décrire le comportement global de la poutre sandwich a été donnée
par Allen et Plantema. L’idée est de décomposer le déplacement transverse en une partie due
uniquement à la flexion globale du sandwich et en une partie résultant du cisaillement transverse
dans l’âme. Pour des cas simples, comme pour une poutre sandwich en flexion trois points
par exemple, cette méthode peut s’avérer très efficace et simple d’utilisation car les équations
d’équilibre sont complètement découplées. Dans ce cas, la flèche u3 peut s’écrire comme la
somme de deux déplacements correspondant à deux mécanismes bien distincts (Eq. 5.87), les
expressions de hEI2 i∗ et hGz Si∗ étant données respectivement par les relations (5.86) et (5.85)
et F3 représente la charge ponctuelle appliquée.
F3 L3 F3 L
u3 (L/2) = uD S
3 (L/2) + u3 (L/2) = ∗ + (5.87)
48 hEI2 i 4 hGz Si∗
Ainsi, en évaluant l’ordre de grandeur du rapport des deux contributions (uD S
3 et u3 ) de la
flèche totale (u3 ), on montre facilement que la part due au cisaillement ne peut pas être négligée
Poutres et plaques stratifiées 264
(Eq. 5.88). En effet, pour une configuration sandwich classique (Eq. 5.82) et pour un élancement
de la poutre L/ha = 10, la part due au cisaillement (uS3 ) sera supérieure à 25% de la flèche
totale. Cet effet diminue fortement lorsque l’élancement de la poutre devient grand (Eq. 5.88)
2
uD L2 Ga
3 1 L
S
= < (5.88)
u3 6Ep ha hp 12(1 + νa ) ha
Notons néanmoins que dans une théorie de type Timoshenko, la rigidité équivalente en
cisaillement est surestimée par rapport à l’approche d’Allen qui propose une évaluation plus fine
de cette rigidité (Eq. 5.85). En effet, pour une théorie de type Timoshenko, la rigidité équivalente
en cisaillement s’écrit de la façon suivante :
avec Gp le module en cisaillement des peaux. Ainsi, pour certaines configurations, la forte contri-
bution des peaux dans le cisaillement global peut conduire à sous-estimer la part de déformation
due au cisaillement transverse.
Cinématique de sandwich
Dans une première approche, le comportement des sections sandwich sera le même que
dans la cinématique de poutre, du 1er ordre ou d’ordre supérieur. Le cœur sera simplement
considéré comme une couche isotrope ou orthotrope selon le type. Pour une théorie linéaire, les
déplacements peuvent alors s’écrire de façon simple (Eq. 5.89) avec les notations de la Figure
5.36 (
u1 (M, x1 ) = u1 (x1 ) − x3 φ(x1 )
(5.89)
u3 (M, x1 ) = u3 (x1 )
Figure 5.36 : Déformée de la section d’une poutre sandwich selon la théorie de Timoshenko.
ce qui conduit à une contrainte de cisaillement transverse constante dans l’épaisseur du sand-
wich. Ceci implique souvent une correction par des facteurs multiplicatifs ou par des méthodes
Poutres et plaques stratifiées 265
plus élaborées afin d’approcher la contribution énergétique réelle du cisaillement. Cette approche
est largement utilisée dans l’analyse des sandwichs, comme dans le cas des poutres composites
monolithiques que nous avons déjà abordé.
Mais même les théories améliorées, comme les théories d’ordre supérieur que nous venons
de voir, ne permettent pas de représenter correctement le comportement des sandwichs dans
lesquels le cœur travaille essentiellement en cisaillement (Figure 5.34) et les peaux en flexion,
presque de façon indépendante si ce n’est leur connexion au niveau des interfaces peau-âme.
On peut vérifier le type de déplacement attendu dans un sandwich réel en mesurant, à l’aide
d’une méthode optique sans contact, le champ de déplacement sur un sandwich fait de peaux en
carbone/epoxy et d’un cœur en mousse de polyuréthane. Sous un chargement de flexion 3 points,
les déplacements montrent une répartition assez proche de celle d’un matériau massif (Figure
5.37). Par contre, on voit que le champ suivant − →
e1 n’est pas le même dans les peaux et dans
l’âme. Ceci se vérifie sur la Figure 5.38 où ce déplacement mesuré est tracé à travers l’épaisseur du
sandwich. Clairement, une théorie du premier ordre dans laquelle la section est considérée comme
se comportant de façon rigide ne permet pas de représenter cette cinématique. Bien évidemment,
les contraintes de cisaillement ne seront pas non plus représentées correctement.
Figure 5.37 : Champ de déplacement dans un sandwich verre/epoxy et âme en mousse PU, en
L
flexion 3 points, flèche : 1 mm, htotale = 5,23 : (a) déplacement suivant −
→
e1 , et (b) suivant −
→
e3
(Thèse Dufort L., 2000).
Des théories plus spécifiques aux sandwichs ont donc été développées, pour les poutres
comme pour les plaques car ici le sandwich est ’orienté’, i.e. l’empilement fixe le plan dans
lequel travaille le sandwich. Parmi ces théories plus évoluées, on trouve les théories dites zig-zag,
introduisant la continuité des contraintes et déplacements aux interfaces. C’est le cas de la théorie
dite RMZC - Reissner-Mindlin Zig-Zag interlaminar Continuity dans le cas des plaques sandwichs
Poutres et plaques stratifiées 266
avec cisaillement. D’autre théories introduisent des cinématiques d’ordre supérieur dans l’âme, et
parfois dans les peaux. Ces cinématiques sont construites à partir de l’observation des distributions
des contraintes/déformations dans les constituants.
On peut par exemple considérer une théorie de Bernoulli dans les peaux, caractérisées par
2 déplacements ubi et uhi (i = 1, 3) correspondant respectivement aux composantes du champ
de déplacement sur la face inférieure (x3 = 0) et sur la face supérieure de la poutre sandwich
(x3 = h).
— Peau inférieure (0 < x3 < hp )
(
uinf b b
1 (x1 , x3 ) = u1 (x1 ) − x3 u3,1 (x1 )
(5.90)
uinf b
3 (x1 , x3 ) = u3 (x1 )
et pour l’âme, le déplacement est pris cubique pour la composante longitudinale et quadratique
pour le déplacement transverse
ua1 (x1 , x3 ) = um 2 3
1 (x1 ) − (x3 − hp )φ1 (x1 ) − (x3 − hp ) φ2 (x1 ) − (x3 − hp ) φ3 (x1 )
ua3 (x1 , x3 ) = um 2
3 (x1 ) − (x3 − hp )φ4 (x1 ) − (x3 − hp ) φ5 (x1 )
(5.92)
Les fonctions φ2 , φ3 et φ5 constituent les seules inconnues supplémentaires pour le problème, car
après prise en compte des continuités des déplacements aux interfaces peaux-âme, on connaît
um b
3 (x1 ) = u3 (x1 )
um b b
1 (x1 ) = u1 (x1 ) − hp u3,1 (x1 )
Les relations (Eqs. 5.93) sont valables pour la théorie d’ordre supérieur (Eq. 5.92) et pour
la théorie linéaire en prenant φ5 = φ2 = φ3 = 0. La théorie linéaire est donc complètement
définie avec ces relations de continuité. La Figure 5.39 schématise la distribution du déplace-
ment longitudinal ua1 dans la poutre sandwich pour les deux théories établies. On notera enfin,
que les 3 degrés de liberté qui permettent de définir complètement la cinématique des sections
indéformables sont devenus 2 × 2 pour les peaux et 3 pour l’âme, soit 7 au total.
Enfin, des modèles éléments finis peuvent être utilisés pour ces structures, il faut toutefois
être très prudent au niveau des (dis)continuités que des éléments finis classiques, formulés en
Poutres et plaques stratifiées 268
Figure 5.39 : Schématisation de la distribution de ua1 : théorie linéaire (a) et théorie d’ordre
supérieur (b).
Une théorie des poutres, d’abord simpliste, a été mise en place en introduisant le comporte-
ment orthotrope des plis dans la théorie des poutres standard introduite précédemment pour des
sections isotropes. La particularité de ce comportement orthotrope résulte en des comportements
couplés des poutres composites, couplages membrane-flexion et également tension-cisaillement
et flexion-torsion.
Il est notoire que les composites possèdent une résistance faible en cisaillement transverse.
L’observation des profils de contraintes nous a amené dans un premier temps à modifier la rigidité
en cisaillement, à moindre coût, via des coefficients de correction en cisaillement. Dans un second
temps, des théories d’ordre supérieur permettant de prendre en compte le gauchissement des
sections ont été présentées et utilisées dans le cas de la flexion 3 points. Les mesures montrent
que les profils autant que les déplacements issus de ces modèles correspondent bien aux mesures
sur poutres réelles. Ensuite, cette approche a été étendue aux structures sandwich, avec une
théorie d’ordre supérieure qui peut être intégrée dans chaque composant (peaux et âme) pour
fournir une cinématique enrichie.
Ces raffinements des cinématiques et distributions de contraintes s’étendent assez direc-
tement aux modèles de plaques composites épaisses que nous allons voir dans la seconde partie
de ce chapitre. De plus, nous venons de vérifier que l’approche qui consiste à observer le com-
portement des sections de poutres est essentielle à la compréhension du comportement. Elle
permet de mettre en relation assez directement les déformations généralisées et les contraintes
généralisées macroscopiques, uniquement en fonction des séquences d’empilements lorsque des
sections de géométrie simple sont considérée. C’est ce même type d’approche qui est connue,
dans les plaques, comme la théorie classique des plaques stratifiées. L’étude de la structure se fait
indépendamment des conditions aux limites du problème lorsque les relations entre contraintes
Poutres et plaques stratifiées 269
Il existe différentes configurations de plaques. Dans la littérature, les plaques sont très
souvent classées selon leur géométrie (plaque plane, circulaire), la sollicitation subie (charges
ponctuelles, réparties), mais également selon leur comportement type (membrane, flexion) et
la prise en compte ou non du cisaillement transverse. Pour ce dernier aspect, on distingue les
plaques sans cisaillement (souvent minces et homogènes dans leur épaisseur), dites plaques de
Love-Kirchhoff, et les plaques prenant en compte le cisaillement (souvent épaisses et/ou hété-
rogènes dans leur épaisseur), dites plaques de Hencky-Mindlin. On peut rapprocher ces théories
des cinématiques de poutres, respectivement Bernoulli et Timoshenko.
On appelle plaque un corps solide dont une des dimensions (appelée épaisseur) est petite
devant les autres. Typiquement, le rapport de la taille caractéristique de la plaque sur l’épaisseur
est : Rh > 5. La surface moyenne de la plaque, appelée également feuillet moyen, est plane. On
Poutres et plaques stratifiées 271
La différence entre plaque et coque peut être comparée à la distinction qui est faite entre
poutres droites et poutres courbes. Le plan moyen dans les coques est donc courbe (Figure 5.41).
Il en résulte que toutes les grandeurs s’expriment par rapport aux courbures locales. Si bien
que les problèmes de coques deviennent assez vite complexes à traiter du fait de l’expression
des grandeurs physiques, et donc des équilibres statiques, par rapport à la courbure locale. On
distingue alors divers cas selon que la coque est simplement courbée, à courbure double, ou
encore cylindrique pour simplifier les expressions. Les modèles de plaque et de coques font encore
actuellement l’objet de nombreux développements scientifiques, essentiellement pour représenter
le plus finement possible les effets ’3D’ avec le moins d’efforts de calculs.
Comme dans le cas des poutres, les grandeurs vont maintenant être définies non plus en
3D, mais dans le plan et selon l’épaisseur de la plaque. Nous allons donc distinguer les grandeurs
(déplacements, déformations, efforts, contraintes, ...) relatives au plan de la plaque et dans la
direction transverse. Posons, par convention, que les indices grecques (α, β, δ, γ, . . .) prennent
les valeurs de 1 à 2, les indices romains (i, j, k, l, m, . . .) étant réservés aux sommations de 1
à 3, voire de 1 à 6 en notations de Voigt. Dans ce cas, les efforts par exemple (volumiques et
surfaciques) seront décomposés de la façon suivante (voir Figure 5.40) :
−
→→
f (−
x ) = fα (−
→
x )−
→
x α + f3 (−
→
x )−
→
x3
α = 1, 2
−
→d −
F (→
x ) = Fαd (−
→
x )−
→
x α + F3d (−
→
x )−
→
x3
Poutres et plaques stratifiées 272
Dans ce document, nous nous plaçons dans le cadre de la RdM et faisons les hypothèses
classiques des petites déformations et des petits déplacements (HPP). Dans ce cadre, la confi-
guration géométrique finale sera confondue avec la configuration initiale (pas de forces suiveuses
par exemple).
Dans le cas des plaques de Love-Kirchhoff, le cisaillement transverse est négligé, principale-
ment du fait l’épaisseur supposée très petite devant la taille caractéristique du plan de la plaque.
Cette théorie s’applique donc en premier lieu aux plaques minces, c’est-à-dire dont le rapport de
la taille caractéristique sur l’épaisseur Rh ≥ 10. Nous utiliserons cette cinématique pour proposer
la forme du champ de déplacement qui sera ensuite complété, par analogie avec les poutres, pour
poser une cinématique de Hencky-Mindlin prenant en compte le cisaillement transverse.
Par analogie avec la cinématique des poutres, la cinématique des plaques sans cisaillement
se formule facilement. Supposons dans un premier temps que la plaque travaille uniquement en
flexion simple sous l’action d’efforts imposés uniquement transverses : fα (−
→
x ) = 0 et Fαd (−
→x ) = 0,
et aucun déplacement de membrane qui pourrait donner lieu à des déplacements de membrane
n’est imposé dans le plan moyen. Les seuls chargements sont, pour le moment, f3 (− →x ) 6= 0,
F3d (−
→
x ) 6= 0 et des moments appliqués sur le bord de la plaque.
Le déplacement transverse étant écrit en tout point de la plaque (Eq. 5.94), on peut alors
définir le champ de déplacement 2D caractérisant le déplacement de tout point de la plaque.
Par analogie avec les poutres, on observe le déplacement des brins matériels entre l’état initial et
l’état final, comme représenté sur la Figure 5.42. Dans le cas de la flexion pure, les points de la
ligne moyenne ne subissent pas de déplacement dans le plan, mais seulement des déplacements
transverses tels que précisés dans l’Eq. 5.94. Considérons les rotations des sections dues à la
flexion dans les deux plans (O, − →
x1 , −
→
x3 ) et (O, −
→
x2 , −
→
x3 ), telles que présentées respectivement sur les
Figures 5.43-a et 5.43-b.
Dans le plan (O, −→
x1 , −
→
x3 ), représenté sur la Figure 5.43-a, le déplacement d’un point M
−−−→
a donc deux composantes dans ce plan : − →
u (x1 , x2 , x3 ) = w(x1 , x2 )−
→
x3 + M M 0 . Cette distance
−−−→0
M M se calcule à partir de l’angle φ2 et de l’altitude du point M , ce qui dans notre cas conduit
Poutres et plaques stratifiées 274
(a) (b)
Figure 5.43 : Rotation des sections dans (a) le plan (O, x1 , x3 ) et (b) dans le plan (O, x2 , x3 )
pour une plaque en flexion pure.
à: !
−−−→0 x3 sin φ2
MM =
x3 (1 − cos φ2 )
(O,−
→ ,−
x →
1 x3 )
∂w(x1 , x2 ) ∂w(xα )
φ2 (xα ) = − u1 (−
→
x ) = −x3 (5.95)
∂x1 ∂x1
Dans la suite, on pourra noter, pour des raisons de concision, les dérivées partielles avec des
∂f
indices : ∂xi
= f,i .
Poutres et plaques stratifiées 275
Les déplacements étant établis pour la flexion seule, nous pouvons aisément étendre ce
champ de déplacement de façon à représenter tous les déplacements dans l’espace de tout point
de la plaque. Comme dans le cas des poutres, le torseur de déplacement de tout point de la plaque
s’écrit simplement à partir des déplacements de membrane et des rotations du centre de gravité
du brin considéré. Mais ici, les rotations et les déplacements de membrane se décomposent selon
−
→
les deux directions du plan de la plaque : φ (xα ) = φ1 (xα )−
→
x1 +φ2 (xα )−
→
x2 et −
→
u (xα ) = u1 (xα )−
→
x1 +
−
→
u2 (xα )x2 . Le déplacement peut se mettre sous la forme d’un torseur des déplacements :
w,2 (xα )
−
→
φ (xα ) = −w,1 (xα )
0
− −−→ − →
u→ −
→
M (xα ) = u (xα ) + M G ∧ φ (xα )
{UM (xα )} = u1 (xα ) 0 w,2 (xα ) (5.97)
= u2 (xα ) + 0 ∧ −w,1 (xα )
w(xα ) −x3 0
uα (xα ) − x3 w,α (xα )
=
w(xα )
(M )
Dans une notation de Voigt, ces déformations se mettent sous une forme similaire à celle
utilisée dans les poutres
e11 κ11
{e} = e22 , {κ} = κ22 et {ε} = {e} + x3 {κ} (5.101)
e12 κ12
Z
2D
Mαβ (xα ) = x3 σαβ (xα )dx3 (5.102b)
x3
On peut représenter ces contraintes généralisées sur une plaque, comme sur la Figure 5.44 dans
le cas d’une plaque rectangulaire, possédant deux normales − →x1 et −
→
x2 . Les contraintes généralisées
de membrane sont représentées aisément (Figure 5.44-a). Les moments de flexion M11 et M22
sont également représentés assez intuitivement, par contre le moment de torsion M12 dû aux
contraintes de cisaillements est plus délicat à représenter, il tend en fait à gauchir le plan de la
plaque (Figure 5.44-b).
Poutres et plaques stratifiées 277
(a)
(b)
Figure 5.44 : Contraintes généralisées (a) de membrane et (b) de flexion sur une surface élémen-
taire de plaque.
Les plaques que nous étudions étant constituées de couches, ces intégrales des contraintes
sur l’épaisseur peuvent s’écrire comme la somme des contraintes constantes par couche, en notant
σ k (M, x3 ) ces contraintes dans le pli k d’altitude hk−1 < x3 < hk (cf Figure 5.19 rappelée ci-
après Figure 5.45)
Poutres et plaques stratifiées 278
Z h Z h
2 2
k k
h σ11 (M, x3 )dx3 x3 σ11 (M, x3 )dx3
−2 − h2
N11 Z h
2
M11 Z h
2
k k
{N} = N22 = σ22 (M, x3 )dx3 {M} = M22 = x3 σ22 (M, x3 )dx3
−h −h
N12 2 M12 2
Z h2 Z h2
k k
σ12 (M, x3 )dx3 x3 σ12 (M, x3 )dx3
−h
2
−h
2
(5.103)
Figure 5.45 : Notations utilisées pour l’intégration des propriétés dans l’épaisseur de la séquence
d’empilement.
Love-Kirchhoff :
φ1 = θ2 (xα )
−
→
θ (xα ) = φ2 = −θ1 (xα )
0
−−→ − →
−
u→ −
→
u (xα ) + M G ∧ θ (xα )
M (xα ) =
{UM (xα )} = u1 (xα ) 0 θ2 (xα ) (5.104)
= u2 (xα ) + 0 ∧ −θ1 (xα )
w(xα ) −x3 0
uα (xα ) − x3 θα (xα )
=
w(xα )
(M )
× × 0
Poutres et plaques stratifiées 280
On introduit donc les efforts tranchants qui, par définition, résultent de l’intégration sur l’épaisseur
des contraintes de cisaillement transverses au plan de la plaque
Z
Qα (xα ) = σα3 (xα )dx3 (5.109)
x3
ce qui se met également sous une forme similaire aux contraintes généralisées de membrane et
de flexion (Eqs. 5.102)
Z h
2
σ k (M, x3 )dx3
− h2 23
!
Q2
{Q} = = Z h
(5.110)
Q1 2
k
σ13 (M, x3 )dx3
−h
2
La cinématique étant posée, les déformations et contraintes généralisées ont pu être définies.
Nous allons caractériser l’équilibre statique - indépendamment des comportements - d’un élément
de plaque, comme nous l’avons fait dans le cas des poutres. La loi de comportement de la plaque
sera établie dans la suite, au §5.6.5. Pour établir ces équations d’équilibre, on peut recourir
au PPV qui exprime l’équilibre via l’égalité des puissances virtuelles développées par les efforts
intérieurs et les efforts extérieurs dans un champ de déplacement virtuel quelconque.
Établissons tout d’abord la puissance virtuelle des efforts intérieurs en choisissant un champ
virtuel de la forme de la cinématique de Hencky-Mindlin. La puissance virtuelle des efforts inté-
rieurs s’écrit
∗ (−
Pint
→∗
Z u )
= − σ M : ∗M dΩ
Ω
Z Z Z
2D 2D ∗ ∗
= − σ (xα ) : ε (xα )dx3 + 2 σα3 (xα )εα3 (xα )dx3 dω
ω x3 x3
Z Z Z Z Z Z
∗ ∗
= − 2D
σ (xα )dx3 : e dω − 2D
x3 σ (xα )dx3 : κ dω − 2 σα3 (xα )dx3 : ε∗α3 dω
ω
| x3 {z } ω
| x3 {z } ω
| x3 {z }
N(xα ) M(xα ) Q(xα )
Z
N(xα ) : e∗ (xα ) + M(xα ) : κ∗ (xα ) + Qα (xα )γα∗ (xα ) dω
= −
ω
(5.111)
ce qui peut encore se mettre sous une forme incluant des déplacements et rotations uniquement
(en notant la symétrie des déformations de membrane et de courbure), et qu’on intègre ensuite
Poutres et plaques stratifiées 281
par parties pour faire apparaître l’équilibre intérieur et les actions de contact :
∗ − →∗
Z
Nαβ (xα )u∗α,β (xα ) − Mαβ (xα )θα,β
∗ ∗
− θα∗ dω
Pint (u ) = − (xα ) + Qα (xα ) w,α
ω
La puissance des efforts extérieurs est fournie par les efforts dans le plan et normalement aux
plans. La pression p(xα ) qui règne sur la plaque suivant la normale − →
x3 , définie dans l’Eq. 5.113a,
est la somme de l’intégration sur l’épaisseur des forces de volume relativement à la normale à la
plaque, mais aussi du différentiel d’efforts surfaciques appliqués de part et d’autre du plan de la
plaque (Figure 5.46). Il existe également des efforts répartis dans le plan de la plaque réunis dans
un terme pα (xα ) (Eq. 5.113b).
Z h
2
p(xα ) = F3+ (xα ) + F3− (xα ) + f3 (xα )dx3 (5.113a)
−h
2
Z h
2
pα (xα ) = fα (xα )dx3 (5.113b)
−h
2
Enfin des efforts et moments sont imposés sur le contour ∂ω de la plaque de normale − →
ν (xα ).
La puissance virtuelle induite par ces termes de bord, qui sont des réactions sur ∂ωu et des
contraintes statiques sur ∂ωF , est un peu plus délicate à expliciter. Pour l’instant, regroupons la
∗ −
→
contribution de ces efforts imposés par le contact avec l’extérieur sous le terme Pcontact (u∗ ).
La puissance des efforts extérieurs s’écrit donc :
∗ − →∗ −
→
Z
Pext (u ) = (p(xα )w∗ (xα ) + pα (xα )u∗α (xα )) dω + Pcontact
∗
(u∗ ) (5.114)
ω
Poutres et plaques stratifiées 282
Le PPV s’écrit alors comme la somme de ces contributions dues aux efforts intérieurs (Eq.
5.112) et extérieurs (Eq. 5.114)
−
→ −
→ −
→
Z
[(Nαβ,β + pα ) u∗α − (Mαβ,β − Qα ) θα∗ + (Qα + p) w∗ ] dω − Pintbord
∗
(u∗ ) + Pcontact
∗
(u∗ ) = 0, ∀u∗
ω
(5.115)
En choisissant un champ virtuel nul au bord de la plaque et non nul à l’intérieur, on en
déduit aisément les 5 équations d’équilibre locales qui sont découplées entre membrane
et direction transverse :
qui correspondent à la forme des équations d’équilibre établies pour les poutres (Eq.
5.23).
Pour définir complètement le problème, il reste à exprimer les conditions aux limites sta-
tiques et cinématiques, c’est-à-dire sur le bord ∂ω de la plaque. Afin de déterminer la forme des
efforts que l’on peut imposer sur le bord de la plaque, on propose d’utiliser les termes de bord du
Poutres et plaques stratifiées 283
∗ −
→ −
→ − →
(Eq.5.115) → Pintbord (u∗ ) = Pcontact
∗
(u∗ ), ∀u∗ ∈ ∂ω
m
−
→
Z
∗
Pcontact ( u∗ ) = ∗ ∗ ∗
Nαβ νβ uα − Mαβ νβ θα + Mαβ,β να w ds (5.117)
∂ω | {z }
Qα να d’après (5.116b)
Considérons dans cet équilibre un champ virtuel nul à l’intérieur du domaine. La nullité
des puissances virtuelles développées par les réactions aux appuis conduit à trois types
de conditions aux limites s’excluant sur les bords :
N αβ ν β = 0 u (x ) = 0
α α
Qα να = 0 ou w(xα ) = 0 (5.118)
Mαβ νβ = 0 θα (xα ) = 0
Pour illustrer ces conditions aux limites, considérons l’exemple de plaque ci-dessous (Figure
5.47), de dimension a selon − →
x 1 et b selon − →x 2 et dont les faces référencées de 1 à 4 sont
respectivement libre, encastrée, en appui simple, et libre. Pour cet exemple les conditions aux
limites (Eqs. 5.118) deviennent :
(5.119)
Face 3 : xα ∈ {0, 0 ≤ x2 ≤ b} Face 4 : xα ∈ {0 ≤ x1 ≤ a, 0}
normale −
→
ν = −− →
x 1 et −
→
τ =− →
x2 normale −
→
ν = −− →
x 2 et −
→
τ =− →
x1
N11 = N12 = 0
N22 = N12 = 0
w=0 Q2 = 0
M11 = M12 = 0 M22 = M12 = 0
Nous pouvons maintenant relier les contraintes aux déformations, puis les contraintes gé-
néralisées au torseur des déformations (Eq. 5.99). Au préalable, il faut remarquer, comme dans
le cas des poutres ou même dans le cas général (Eq. 2.7), que la notation de Voigt implique
de considérer les cisaillementsau sens de l’ingénieur (e12 = 212 et γα = 2εα3 ), ainsi que les
∂θα ∂θ
torsions dans le plan κ12 = − ∂x β
+ ∂xβα afin d’être consistant du point de vue énergétique en
cisaillement.
Ceci se montre aisément en considérant un matériau isotrope de module de cisaillement
G. Par exemple, pour ne pas modifier la loi de comportement du type de celle utilisée jusqu’à
présent :
N
11
× × × e
11
= × × × · e22
N22
× × Gh e12
N12
et obtenir une énergie de cisaillement égale à la même énergie calculée par intégration sur le
volume de la plaque :
Z Z
1 1
Wcis = N12 (xα ) e12 (xα )dω = 4 G h 212 (xα )dω e12 = 212 .
2 ω 2 ω
Dans les poutres, nous avons vu que le comportement équivalent s’obtenait pas intégration
du comportement local sur la section. Ici, nous procédons de même. Considérons pour cela un
matériau constitutif de type orthotrope, dans un état de contraintes planes tel que nous l’avons
mis en place dans le Chapitre 3. Rappelons que dans cet état de contraintes planes, vérifiant
σi3 = 0 si −
→
e3 est la normale au pli, la déformation transverse 33 existe, et que sa contribution
Poutres et plaques stratifiées 285
est prise en compte dans le comportement dit réduit. On rappelle que la loi de comportement
réduite d’un pli hors de ses axes d’orthotropie s’écrit (Eq. 3.70)
σ11 Q011 Q012 Q016 ε11
0 0 0
σ22 = Q12 Q22 Q26 . ε22 (5.120)
0 0 0
σ12 Q16 Q26 Q66 γ12
Et l’état de contraintes qui règne dans la couche k (hk−1 < x3 < hk ) s’écrit en fonction
des déformations dans cette même couche, soit la déformation de membrane eαβ (xα ) constante
dans l’épaisseur de la plaque et la courbure καβ (xα ) qui varie linéairement dans l’épaisseur
σ11 Q011 Q012 Q016 e11 Q011 Q012 Q016 κ11
0 0 0 0 0 0
σ22 = Q12 Q22 Q26 . e22 + x3 Q12 Q22 Q26 . κ22 (5.121)
σ12 (k) Q016 Q026 Q066 (k) e12 Q016 Q026 Q066 (k) κ12
k
σαβ = Q0k 2D 0k 0k
αδ εδβ (xα ) = Qαδ eδβ (xα ) + x3 Qαδ κδβ (xα ) (5.122)
Comportement de la plaque
Le comportement de la plaque va être établi assez simplement, comme dans le cas des
poutres, en utilisant les relations de comportement locales dans les expressions des contraintes
généralisées. Commençons d’abord par le cas des contraintes généralisées de membrane. En
Poutres et plaques stratifiées 286
utilisant la relation Eq. 5.121 dans les intégrales des contraintes à travers l’épaisseur (Eq. 5.103)
il vient
n Z
hk
n Z h
X X k
k
[Q0k (xα )] {e} + x3 [Q0k (xα )] {κ} (11) dx3
σ11 (M, x3 )dx3
k=1 hk−1 k=1 hk−1
N11 n Z
X hk
n Z
X hk
k 0k 0k
N = σ (M, x 3 )dx 3 =
[Q (x α )] {e} + x 3 [Q (x α )] {κ} dx
3
k=1 hk−1 22
22 (22)
k=1 hk−1
N12 n Z
X hk
n Z
X hk
k
[Q0k (xα )] {e} + x3 [Q0k (xα )] {κ} (12) dx3
σ12 (M, x3 )dx3
k=1 hk−1 k=1 hk−1
(5.124)
ce qui se met sous la forme des matrice de membrane [A] et couplage membrane-courbure [B]
déjà introduites formellement pour les poutres isotropes (Eq. 5.17)
n
" Z hk # n
" Z hk #
X X
{N} = Q0k (xα )] dx3 {e} + [Q0k (xα )] x3 dx3 {κ}
k=1 hk−1 k=1 hk−1
n n
X
0k 1 X 2
(hk − h2k−1 )[Q0k (xα )] {κ}
= (hk − hk−1 )[Q (xα )] {e} +
2
|k=1 {z } | k=1 {z }
= [A(xα )] {e(xα )} + [B(xα )] {κ(xα )}
des cisaillements constants dans l’épaisseur dans cette cinématique du 1er ordre
n Z h
X k
k
σ23 (M, x3 )dx3
k=1 hk−1
{Q} = X n Z hk
σ k (M, x )dx
13 3 3
k=1 hk−1
R hk R hk
L044 dx3 L045 dx3
!
n
X hk−1 hk−1 γ23
= .
k=1
R hk−1
L045 dx3
R hk−1
L055 dx3 γ13
hk hk (k)
n
!
X γ23
= (hk − hk−1 )[L0k
c (xα )] .
γ13
|k=1 {z }
= [F (xα )]. {γ(xα )}
[L0k
c ] étant la matrice de rigidité en cisaillement hors-plan du pli k introduite dans l’Eq. 5.123.
Finalement, comme dans le cas des poutres à section composite (Eq. 5.50), le comportement
complet de la plaque s’écrit
N 11
A11 A12 A16 B11 B12 B16 0 0
e11
A12 A22 A26 B12 B22 B26 0 0 e22
N22
N 12
A13 A23 A36 B13 B23 B36 0 0 e12
M B
11 B12 B16 D11 D12 D16 0 0 κ11
11
= .
M22 B12 B22 B26 D12 D22 D26 0 0 κ22
(5.125)
M12 B13 B23 B36 D13 D23 D36 0 0 κ12
0 0 0 0 0 0 F44 F45 γ2
Q2
0 0 0 0 0 0 F45 F55 γ1
Q1
{N}
[A] [B] [0] {e}
⇔ {M} = [B] [D] [0] . {κ}
{Q} [0] [0] [F ] {γ}
avec les sous-matrices qui se calculent en faisant intervenir les hauteurs inférieur et supérieur des
couches (hk−1 < x3 < hk ou leurs épaisseur ek et l’altitude de leur centre zk
n
X n
X
(hk − hk−1 )[Q0k (xα )] ek [Q0k (xα )]
[A(xα )] = =
k=1 k=1
n n
1 X
0k
X
2 2
ek zk [Q0k (xα )]
[B(xα )] = (hk − hk−1 )[Q (xα )] =
2 k=1 k=1
n n (5.126)
e3k
1 X 0k
X
3 3 2
[Q0k (xα )]
[D(xα )] = (hk − hk−1 )[Q (xα )] = ek zk +
3 k=1 k=1
12
Xn Xn
[F (xα )] = (hk − hk−1 )[L0k
c (xα )] = ek [L0k
c (xα )]
k=1 k=1
Poutres et plaques stratifiées 288
Nous décrirons dans la section suivante les comportements de quelques empilements re-
marquables et les termes de couplages correspondants. On peut toutefois noter que ces couplages
existent également dans les empilements de couches isotropes.
Correction en cisaillement
Comme dans le cas des poutres, il est évidemment nécessaire de prendre en compte le
cisaillement dans le stratifié. On introduira alors une matrice de comportement en cisaillement
corrigée [H], par exemple par couche
Rh Rh
k44 hkk−1 L044 dx3 k45 hkk−1 L045 dx3
Xn
[H(xα )] = (hk − hk−1 ) R hk−1 0 R hk−1 0
(5.127)
k=1 k45 hk L45 dx3 k55 hk L55 dx3
(k)
Partant de cette correction générique, diverses formulations peuvent être envisagées. Par exemple,
dans un plaque homogène, σα3 ne peut pas être constant dans l’épaisseur de la plaque pour être
nulle sur les faces libres de la plaque et non nulle dans la plaque. En utilisant l’équation d’équilibre
−→ →
en contraintes selon les axes − →x α (divσ · −
x α = 0), on a :
∂σα3 ∂σαβ
= −
∂x3 ∂xβ
↓ en flexion pure
12 ∂Mαβ
= −x3
h3 ∂xβ
↓ d’après (Eq. 5.116b)
12
= −x3 Qα
h3
donc σα3 est parabolique dans l’épaisseur de la plaque, et plus précisément est de la forme
(σα3 (x3 = ±h/2) = 0)
4 x23
3
σα3 (xα ) = 1 − 2 Qα (xα ) (5.128)
h 2h
ce qui est cohérent avec les cinématiques cubique (Eq. 5.75c) et sinus (Eq. 5.75d) introduites
dans les théories d’ordre supérieur présentées précédemment.
Pour obtenir la ’bonne’ loi de comportement en cisaillement, il faut comparer l’énergie de
déformation que l’on aurait en 3D et celle qu’on a dans notre théorie des plaques :
Poutres et plaques stratifiées 289
Z h
2
1
wcis = 2
2 σα3 (xα )εα3 (xα ) dx3
−h
2
Z h 2
4 x23
1 2 3 (5.129)
= 1− 2 dx3 Qα Qα
2G − h2 h 2h
5 1
= Qα Qα
6 2Gh
on a donc un rapport de 56 entre les distributions de la théorie des plaques et une théorie qui serait
3D. On reconnaît ce rapport déjà introduit dans les poutres de section rectangulaire et appelé
coefficient de correction en cisaillement. Donc la loi de comportement en cisaillement s’écrit :
5 ∂w
Qα (xα ) = Gh − θα (5.130)
6 ∂xα
Une manière simple de corriger le comportement des plaques consiste donc à poser k44 =
k55 = 56 , soit une correction à l’échelle du stratifié.
" #
5
F 44 F 45
[H(xα )] = 6 5
(5.131)
F45 6 F55
Le même type de correction peut être apporté au niveau de chaque couche, assurant une
distribution corrigée par couche. Mais finalement, comme pour les poutres, l’introduction d’une
cinématique enrichie permettra de prendre en compte les effets du cisaillement plus finement que
par ces corrections de la distribution qui reste de toute façon constante dans l’épaisseur pour une
théorie du premier ordre. La cinématique s’écrira à l’aide de fonctions de gauchissement sous une
forme généralement limitée à l’ordre 3
−→
uM (xα ) · −
→
eβ = uβ (xα ) + x3 ϕβ (xα ) + x23 ψβ (xα ) + x33 φβ (xα )
(5.132)
wM (xα ) = w(xα ) + x3 ϕ3 (xα ) + x23 ψ3 (xα )
Comme dans les poutres, le calcul des états de contraintes et de déformations dans les plis
est essentiel pour le dimensionnement. La démarche adoptée dans le cas des plaques correspond à
celle utilisée dans les poutres, avec une écriture formelle du problème de localisation plus directe du
fait de la définition du comportement global de la plaque (Eq. 5.125). Partant de cette expression,
on exprime assez facilement les déformations de membrane et on en déduit alors les moment assez
directement. La relation moments-courbures permettra de compléter cette inversion.
Pour des raisons de concision, on notera les matrices et vecteurs sous la forme [A] A
ou {e} e. Toutes ces grandeurs, comme les variables cinématiques, dépendent de la position
Poutres et plaques stratifiées 290
dans le plan de la plaque, cette précision sera également omise ici. L’inversion de la première
partie de la relation de comportement (Eq. 5.125) donne
κ = D∗ −1 M − D∗ −1 C∗ N
e = (A∗ − B∗ D∗ −1 C∗ )N + B∗ D∗ −1 M
Connaissant ces déformations et courbures, on en déduit les contraintes locales avec les relations
de comportement dans les plis (Eq. 5.122)
k
σαβ (M, x3 ) = Q0k 2D 0k 0k
αδ εδβ (xα ) = Qαδ eδβ (xα ) + x3 Qαδ κδβ (xα ) (5.137)
Si nécessaire les contraintes sont exprimées dans le repère principal du pli à partir de
la matrice de changement de repère en contraintes (Eq. 3.38) {σ}(k) = [Tσ (θ)]−1 0
(k) {σ }(k) =
[Tσ (−θ)](k) {σ 0 }(k) . De même pour les déformations à partir de l’Eq. 3.39 {ε}(k) =
[Tε (θ)]−1
(k) {ε}(k) = [Tε (−θ)](k) {ε}(k)
Les déformations de cisaillement sont quant à elles facilement déduites, dans cette cinématique
du 1er ordre, de la relation générale (Eq. 5.125) ou de l’expression particulière prenant en compte
une éventuelle correction du comportement en cisaillement (Eq. 5.127)
{γ} = [H]−1 {Q} {σα3 }(k) = [L0c ](k) [H]−1 {Q} (5.138)
Poutres et plaques stratifiées 291
Á partir des relations générales de comportement de la plaque (Eq. 5.125), on peut spécifier
des comportements remarquables. L’empilement des couches aura évidemment des effets sur
l’amplitude des propriétés mécaniques résultantes, mais la forme de la matrice de comportement
changera également avec la séquence d’empilement. Nous nous intéresserons au comportement
de la plaque stratifiée en excluant le cisaillement hors-plan puisqu’aucun couplage hors-plan/plan
n’existe. Les propriétés composant les matrices de rigidité, même dans des cas particuliers, se
déduisent des expressions générales ci-dessus (Eq. 5.126 page 287).
Commençons par spécifier le comportement de plis seuls. Pour un pli isotrope ou un pli
orthotrope dont les axes d’orthotropie sont confondus avec les axes de la plaque, les rigidités
s’écrivent sous une forme similaire que nous retrouverons dans d’autres stratifiés remarquables et
que nous qualifierons de comportement dans les axes principaux
N 11
A 11 A 12 0 0 0 0
e11
A A 0 0 0 0 e
N 22
12 22
22
N 0
12 0 A66 0 0 0 e12
= 0
. (5.139)
M 11
0 0 D 11 D12 0 κ
11
M 22
0 0 0 D 12 D 22 0
κ 22
0 0 0 0 0 D66 κ12
M12
avec les coefficients qui ont la forme suivante pour un empilement d’épaisseur e ; on notera
(i, j) = 1, 2, 6
Isotrope (E, ν)
Ee Ee3 Orthotrope [Q(xα)]
A= , D = Aij = Qij e, A16 = A26 = 0
1 − ν2 12(1 − ν 2 )
A11 = A22 = A, A12 = νA, A16 = A26 = 0 Bij = 0
Bij = 0 e3
Dij = Qij , D16 = D26 = 0
D11 = D22 = D, D12 = νD, D16 = D26 = 0 12
(5.140)
Ce comportement ne présente pas de couplage tension-cisaillement A16 = A26 = 0, et par
conséquent pas de couplage torsion-flexion D16 = D26 = 0. De même les couplages membrane-
flexion (torsion) sont nuls Bij = 0. Ceci avait déjà été illustré dans le cas des poutres à section
symétrique.
Les couplages tension-cisaillement A16 = A26 , et torsion-flexion D16 = D26 vont apparaître
lorsque les axes d’orthotropie du pli ne correspondront pas aux axes de la plaque
e3
Aij = Q0ij e Bij = 0 Dij = Q0ij (5.141)
12
ce qui correspond à un comportement type que nous retrouverons dans d’autres cas ci-dessous
Poutres et plaques stratifiées 292
Nous allons traiter ci-dessous le cas d’empilements remarquables. Les conclusions données
pour des stratifiés sont également valables pour des sandwich ou des empilements de couches
isotropes (mats, cœur d’un sandwich, ...) ou orthotropes (plis UDs, tissus, ...).
Plis croisés
Dans le cas de plis croisés ou pour des plis dont les axes d’orthotropie coïncident
avec les axes de la plaque, l’expression du comportement général (hors relations remar-
quables de symétrie) fait apparaître les termes de couplage en membrane-flexion B11 , B12 , B22
et cisaillement-torsion B66 en complément du comportement dans les axes d’orthotropie où les
couplages tension-cisaillement et flexion-torsion sont absents (Eq. 5.139), soit
N11 A11 A12 0 B11 B12 0
e11
A A 0 B B 0 e
N 22
12 22 12 22
22
N
12 0 0 A 66 0 0 B66 e 12
=
. κ
(5.143)
M 11
B 11 B12 0 D 11 D12 0 11
M22
B11 B12 0 D12 D22 0
κ22
0 0 B66 0 0 D66 κ12
M12
Stratifiés symétriques
Dans le cas des stratifiés symétriques, []s , les couplages membrane-flexion/torsion Bij
n’existent pas. On cherche assez systématiquement à éviter ce couplage. Comme pour les sections
de poutre, par symétrique on désigne les empilements dont le plan moyen est plan de symétrie.
Sans entrer dans le détail des cas particuliers où ceci peut se produire même si les plis n’ont pas
la même épaisseur, on considère ici des plis d’épaisseur identique ek et de propriétés [Q0k (xα )]
identiques pour des plis d’altitude opposées zk et −zk . Dans le cas général d’empilement
symétrique, on retrouve le comportement hors des axes principaux avec couplages tension-
cisaillement et flexion-torsion (Eq. 5.142).
Ces couplages disparaissent dans le cas de plis croisés ou pour des plis dont les axes
d’orthotropie coïncident avec les axes de la plaque (Figure 5.21) : A16 = A26 = 0 et
D16 = D26 = 0 par rapport à l’Eq. 5.143. On retrouve alors le comportement typique dans les
Poutres et plaques stratifiées 293
axes principaux décrit par l’Eq. 5.139 avec les coefficients de rigidité définis par les relations Eqs.
5.126 pour les rigidités de membrane et de courbure :
n n
e3k
X X
0k
A(xα )ij = ek Qij (xα ) et D(xα )ij = 2
ek zk + Q0k
ij (xα ) avec (i, j) = 1, 2, 6 − (ij) 6= (16)(26)
k=1 k=1
12
Stratifiés anti-symétrique
Dans ce cas, les rigidités peuvent être obtenues par les relations correspondant aux Eqs. 5.126
modifiées du fait de la parité des intégrales.
n/2
X
A(xα )ij = 2 ek Q0k
ij (xα ) avec(i, j) = 1, 2, 6 − (ij) 6= (16)(26)
k=1
n/2
X
B(xα )ij = 2 ek zk Q0k
ij (xα ) avec(ij) = (16)(26)
k=1
n/2
e3
X
D(xα )ij = 2 ek zk2 + k Q0k
ij (xα ) avec(i, j) = 1, 2, 6 − (ij) 6= (16)(26)
k=1
12
Dans le cas des stratifiés croisés anti-symétriques (Figure 5.21) seuls les termes de couplage
tension-flexion portant sur le même comportement Bαα subsistent, ce qui donne
N 11
A 11 A 12 0 B 11 0 0
e 11
A A 0 0 −B 0 e
N 22
12 22 11
22
N 0
12 0 A 66 0 0 0 e 12
= . (5.145)
M11
B11 0 0 D11 D12 0
κ11
0 −B11 0 D12 D22
M22
0
κ22
0 0 0 0 0 D66 κ12
M12
Poutres et plaques stratifiées 294
On reconnaît le comportement du [0/90] en tension étudié dans le cas des poutres avec les
termes de couplage : N(x1 ) = hESi e1 (x1 ) + hx3 L11 i κ2 (x1 ) − hx2 L11 i κ3 (x1 )
Un stratifié est équilibré s’il comporte autant de plis, ou plus précisément d’épaisseur de
plis, d’orientation donnée θ que d’épaisseur de plis d’orientation −θ (Figure 5.48-a-b-c). Il est dit
alterné (Figure 5.48-c-d) si les couches possèdent successivement les orientations θ puis −θ. Sur
la Figure 5.48-d, on voit qu’un stratifié équilibré anti-symétrique est également alterné.
Figure 5.48 : Stratifiés équilibrés et alternés : équilibré quelconque, équilibré symétrique, équilibré
anti-symétrique, alterné anti-symétrique - d’après Berthelot 2012.
Équilibré symétrique
Aij = eQ0ij avec(i, j) = 1, 2, 6 − (ij) 6= (16)(26)
Bij = 0
e3
Dij = Q0ij avec(i, j) = 1, 2, 6 − (ij) 6= (16)(26)
12
2 e3 0
Dij = Q si p = n/2 impair
et 3 n3 ij
Dij = 0 si p est pair
(5.146)
Dans cette partie, nous avons établi les équations caractéristiques du comportement des
plaques stratifiées. Partant de la cinématique du 1er ordre standard, basée sur la connaissance
de 5 degrès de liberté des brins de matière dans cette plaque, le comportement global a été
établi. Ce comportement équivalent s’obtient naturellement, comme dans le cas des poutres, par
l’intégration des comportements individuels des plis à travers l’épaisseur. Ce comportement établi,
l’équilibre des plaques stratifiées a pu être décrit.
Dans un second temps, les comportements les plus remarquables ont été détaillés en fonc-
tion des séquences d’empilement caractéristiques. On a notamment mis en évidence les différents
couplages caractéristiques de l’utilisation des composites dans le structures. Il faut noter que dans
un cadre industriel la présence de certains de ces couplages peut être tolérée, notamment dans les
structures épaisses où les empilements viseront souvent à conférer à l’ensemble un comportement
quasi-isotrope. Dans ce cas, l’influence des couplages tendra à diminuer quand le nombre de plis
augmentera.
Finalement, sans entrer dans les détails déjà donnés pour les poutres composites, cette ci-
nématique du 1er ordre doit être corrigée pour prendre en compte correctement le comportement
en cisaillement. Cette correction peut être introduite via des coefficients de correction en cisaille-
ment, mais seules des cinématiques d’ordre supérieur sont susceptibles d’apporter le raffinement
nécessaire. D’autant plus pour les plaques sandwichs dont nous n’avons pas parlé en détails ici,
mais dont la problématique est la même que les poutres sandwichs, à savoir que les peaux se
comportent comme des poutres et l’âme travaille en cisaillement et compression transverse.
Poutres et plaques stratifiées 296
Dans cette introduction, nous avons présenté les éléments essentiels à l’étude du comporte-
ment mécanique des structures composites. Il s’agit d’aboutir, in fine, aux comportements modèles
adaptés au dimensionnement, dans un cadre linéaire, des structures primaires, i.e. reprenant des
efforts.
Sur la Figure 6.1, la démarche présentée en introduction de ce support de cours, et syn-
thétisée dans la Figure 1.34 page 39, a été complétée schématiquement par les étapes que nous
avons décrites à travers cette introduction.
En premier lieu (Chapitre 1), une introduction générale a permis de replacer les matériaux
composites et leur usage dans le cadre général de l’utilisation des matériaux hétérogènes. La notion
298
Conclusion générale 299
de transitions d’échelles est rapidement apparue, elle permet d’utiliser ces matériaux constitués
de phases micro-métriques dans les applications structurelles macroscopiques. Notamment, les
transitions micro-méso et méso-macro se révèlent essentielles pour étudier le dimensionnement,
dans un cadre linéaire, des structures composites utilisées dans l’aéronautique par exemple.
Ces transition d’échelles ont d’abord été étudiées au niveau micro-méso en termes de
rigidité. Dans le Chapitre 2 Comportement effectif nous avons vu comment le comportement
homogène équivalent peut être déduit du comportement des composants et de leur distribution. La
généricité des approches permet de couvrir un grand nombre de types de matériaux hétérogènes,
avec des représentations statistiques d’ordre 1 en général, et d’ordre 2 dans les cas les plus
avancés.
Ces estimations exhaustives ont ensuite été utilisées, dans le Chapitre 3 Comportement des
plis, comme des approches particulières pour nos composites à fibres longues. En nous limitant
à des matériaux à renforts uni-directionnels ou orthotropes, nous avons simplifié cette transition
micro-méso pour définir les comportements thermo-mécaniques à l’échelle du pli en fonction du
comportement des constituants. Les approximations d’ordre 1, de type Voigt et Reuss sont en
mesure de fournir certaines des propriétés du pli, les autres étant approchées par des modèles
plus évolués de type Hashin-Shtrikman ou Auto-cohérent. L’effet de l’orientation des plis sur leurs
propriétés a ensuite été mis en évidence et caractérisé rigoureusement, y compris dans un état
de contraintes planes.
Cette approche à l’échelle du pli a été ensuite considérée du point de vue de la résistance
dans le Chapitre 4 Résistance à l’échelle des plis. Des approches d’abord basiques ont permis
de caractériser la résistance du pli partant de la résistance des constituants. Connaissant ces
résistances, qui peuvent également être mesurées par des essais adéquats, nous avons formulé
des critères de rupture, simples puis de type interactifs (ordre 2) permettant de prendre en compte
l’apparition concomittente de divers modes de rupture. La diversité des critères de rupture montre
que prévoir la résistance de plis et d’empilements est toujours difficile, même dans une approche
linéaire où la rupture de l’empilement est supposée intervenir, dans une enveloppe combinant
la rupture du premier pli et la rupture du dernier pli. Pour aller plus loin dans la tenue en
service, il faut pouvoir prendre en compte la compte le développement et la propagation des
endommagements, ce qui sort du cadre de cette introduction à la mécanique des composites.
Ensuite, intégrant les éléments de représentation des propriétés effectives des plis constitués
de renforts fibreux orientés, nous avons étudié dans le Chapitre 5 Poutres et plaques stratifiées le
comportement méso/macroscopique de structures composites. La transition méso-macro est in-
tégrée naturellement à la théorie des poutres puis des plaques qui reposent sur une représentation
de la cinématique de n’importe quel point de la structure via quelques quantités cinématiques
mesurées au centre des sections de poutres ou des brins de matière des plaques. Les contraintes
généralisées étant définies comme l’intégrale des vecteurs contraintes sur les sections, l’épaisseur
dans les plaques, le comportement équivalent d’un empilement s’écrit comme la ’moyenne’ du
Conclusion générale 300
comportement des plis constituant cet empilement. Les comportements spécifiques liés à l’empi-
lement de couches de propriétés différentes nous a amené à étudier ces structures présentant des
couplages, même dans le cas d’empilements de plis isotropes. Ces couplages peuvent parfois être
souhaités, mais sont le plus souvent à éviter. Nous nous sommes ensuite intéressés à la prise en
compte du cisaillement transverse dans ces cinématiques du 1er ordre. La première correction ap-
portée consiste à corriger par un coefficient de correction en cisaillement la contribution, au sens
énergétique, du cisaillement constant dans l’épaisseur des structures considérées. Mais nous avons
vérifié, sur l’exemple de la flexion 3 points, que seules des théories d’ordre supérieur permettent
de représenter le comportement en cisaillement de composites monolithiques. Par extension, la
représentation du comportement des sandwichs nécessite d’intégrer le comportement des peaux
et de l’âme pour être représentative des champs mesurés expérimentalement, par des théories de
type zig-zag notamment.
Pour conclure, cette introduction à la mécanique des composites a permis de couvrir, dans
un cadre linéaire les transitions d’échelle nécessaire à l’utilisation de ces matériaux à renforts
fibreux orientés. Bien évidemment, une utilisation sûre de ces matériaux passe par l’étude de
leur comportement non-linéaire dans une démarche de conception. Actuellement, de nombreux
développements sont menés, à la fois pour comprendre et pour modéliser les problèmes qui se
présentent aux diverses échelles : résistances locales, interactions des endommagements, variabi-
lités intrinsèques, variabilités induites, effets de l’environnement, . . . . Pour être complet, on ne
peut dimensionner une structure composite sans intégrer, très en amont, les contraintes liées à
l’élaboration. La relation micro-mésostructure/propriétés est une des problématiques essentielles
du fait de la variabilité liée aux procédés de mise en œuvre. On parle alors de solutions compo-
sites où les contraintes de dimensionnement tiennent compte des contraintes d’élaboration, mais
tirent également parti des possibilités d’intégrer les fonctions lors de l’étape de mise en œuvre.
Le couple procédés/propriétés est essentiel dans l’utilisation des composites structuraux.