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Matériaux - Généralités

Module de l’UE PAX5GCAE Matériaux et réglementation

Dominique Saletti (dominique.saletti@univ-grenoble-alpes.fr)


Version du 1er septembre 2020
Table des matières

1 Introduction générale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
1.1 Objectifs 5

1.2 Échelles multiples et multi-compétences 5


1.3 Classification des matériaux 6
1.3.1 Matériaux métalliques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
1.3.2 Polymères organiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
1.3.3 Les céramiques et minéraux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7

2 Description 1D du comportement matériau . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9


2.1 Introduction 9
2.1.1 Contrainte et déformation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
2.1.2 Représentation simplifiée du comportement et d’une réponse mécanique . . 10
2.2 Les différentes classes de comportement 10
2.2.1 Comportement élastique fragile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
2.2.2 Comportement élastoplastique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
2.2.3 Comportement pseudo-élastique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
2.2.4 Comportement élasto-visco-plastique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
2.2.5 Comportement élastique endommageable . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
2.3 Modèles rhéologiques 13
2.3.1 Les différents modèles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
2.3.2 Association de modèles élémentaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
2.3.3 Modèles rhéologiques de référence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
3 L’élasticité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
3.1 Quelques notions sur l’origine de l’élasiticité 17
3.1.1 États de la matière . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
3.1.2 Liaisons entre atomes à l’état solide . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
3.1.3 Énergies . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
3.2 Caractéristiques macroscopiques de l’élasticité (linéaire) 19
3.2.1 Élasticité et réversibilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
3.2.2 Déformation dans un volume de matière . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
3.2.3 Isotropie et anisotropie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
3.3 Cas particuliers (et simples) 21
3.3.1 Traction simple . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21
3.3.2 Cisaillement pur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21
3.3.3 Compression hydrostatique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22
3.4 Module d’élasticité des matériaux hétérogènes 23
3.4.1 Architecture en parallèle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
3.4.2 Architecture en série . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24
3.4.3 Quelque part entre les deux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25

4 Principaux essais de caractérisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27


4.1 Objectif et hypothèses 27
4.2 Essai de traction 27
4.2.1 Éprouvette . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27
4.2.2 Condition nécessaire pour la validité de l’essai . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27
4.2.3 État de contrainte dans le matériau . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28
4.2.4 Machine de traction et instrumentation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28
4.2.5 Résultats . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29
4.3 Essai de compression 29
4.3.1 Instrumentation d’un essai de compression . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29
4.3.2 Précautions à prendre pour un essai de compression . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30
4.3.3 Détournement de l’essai de compression : l’essai de fendage . . . . . . . . . . . . 32
4.4 Essai de flexion 32
4.5 Essai de dureté 33
1. Introduction générale

1.1 Objectifs
La définition de ce qu’est un matériau est très large : «Substance quelconque utilisée à la
construction des objets, machines, bâtiments, etc.» (www.larousse.fr).
Il existe un nombre considérable de matériaux. Ce nombre augmente tous les jours par la créa-
tion de nouveaux besoins, nouvelles applications. Le domaine qui s’occupe de créer de nouveaux
matériaux s’appelle la Science des Matériaux. Dans ce cours, nous n’aborderons cette science que
par le point de vue de l’ingénieur en Mécanique et Génie Civil. L’objectif de ce cours est de :
— connaître les différentes classes de matériaux et leurs propriétés générales,
— déterminer leur comportement à l’échelle de l’élément de volume représentatif pour l’appli-
cation visée,
— se donner les éléments de compréhension permettant de trouver, pour une application parti-
culière, la solution la plus adaptée.
Ce cours n’a pas pour objectif d’étudier les matériaux dans leur globalité. Ce champs d’étude
est trop vaste pour n’être abordé que dans un simple module d’Unité d’Enseignement.

1.2 Échelles multiples et multi-compétences


L’étude du comportement mécanique d’un matériau implique de mettre en place des hypothèses
mais, aussi, une échelle d’observation. Dans la plupart des cas, cette étude a pour but de Lorsqu’on
veut étudier un matériau, il faut toujours mettre en contexte cette étude avec une échelle d’observa-
tion. En effet, les propriétés d’un matériau sont souvent caractérisées pour une échelle donnée. À
cette échelle, le matériau est considéré comme homogène et continu.
Si l’échelle utilisée est comparable à celle des hétérogénéités présentes dans le matériau alors il
y aura très certainement une dispersion dans les propriétés mécaniques du matériau.
L’étude des matériaux implique des compétences multiples, de l’échelle atomique à l’échelle
macroscopique :
— Expérimentation,
— Modélisation,
6 Chapitre 1. Introduction générale

— Théoricien,
— Élaborateur.

1.3 Classification des matériaux


Les matériaux peuvent se classer en trois grandes familles principales qui, lorsqu’elles sont
mises en oeuvre dans une même composition, permettent d’obtenir des matériaux composites,
comme montré à la figure 1.1

rs )
du Fil
x s
tau d'
é
(

ac
(m

ie
MÉTAUX

pn
é

rs
C
m

eu
eW

ALLIAGES MÉTALLIQUES

+
ar

cao
bur

on

a ti
Fe, Al, Cu,
Bét

qu e
utch
C ob a lt + C a r

aciers, laiton ...

c ou
Al2O3, Thermoplatiques
Si2N4, élastomères,
QU S

SiC, fibres

ES
NI RE

verres organi-
RA

GA MÈ

minéraux ques
M

OR OLY
IQ
U

P
ES

Fib
res s t ers
de ve e
Fib rre + poly
res es
de ca ox yd
r b on e + ép

F IGURE 1.1 – Classification générale des matériaux

1.3.1 Matériaux métalliques


Ce sont les matériaux les plus employés pour les applications structurales. Les atomes sont liés
par des liaisons métalliques.

Avantages :
— conducteur de la chaleur et de l’électricité,
— température de fusion élevée,
— propriétés élastiques élevées et isotropes,
— tenaces et ductiles,
— durcissables par traitements thermiques ou mécanique.
1.3 Classification des matériaux 7

Inconvénients :
— masse volumique importante,
— sensible à la corrosion,
— sensible à la fatigue (sollicitations répétées).

1.3.2 Polymères organiques


Ce sont des matériaux dont les atomes sont liés par des liaisons covalentes et de Van der Waals.
Pour la plupart, ce sont des matériaux récents, constitués de larges molécules organiques (C2 − H4 )n
avec n : nombre de monômères, n compris entre 100 et 1000.
Avantages :
— faible densité,
— faible module (et limite élastique)
— peuvent être transparents,
— mise en forme aisée, facile à assembler,
— bonne capacité à amortir les vibrations,
— prix,
— corrosion faible voir inexistante,
— bonsiolant de la chaleur et de l’électricité.
Inconvénients :
— mauvaise tenue aux UV, à l’eau,
— faible stabilité dimensionnelle,
— réemploi difficile.

1.3.3 Les céramiques et minéraux


Ce sont des matériaux constitués de liaisons ioniques. Le mot «céramique» vient du grec
kéramos qui veut fire argile. C’est un matériau qui est obtenu par sollicitation à haute température à
partir de minéraux.
Ce sont les matériaux les plus anciens (articles de poterie, procelaine, ... ) et aussi les plus
couramment utilisés en Génie Civil (en tant que matière première principalement).
Avantages :
— bonne tenue en température,
— propriétés élastiques élevées,
— résistance à l’usure,
— haut point de fusion,
— résiste à la corrosion,
— léger isolant,
— bon marché pour certains (verre)
Inconvénients :
— fragile,
— coûteux si on veut de bonnes propriétés mécaniques.
Composition :
On retrouve, entre autres :
— les oxydes métalliques : SiO2 , Al2 O3 , CaO pour les plus importantes. (Mais aussi K2 O, Na2 O,
HgO, ... ) (cf Figure 1.2),
— les céramiques silicium
— SiC - carbure de silicium (outils de coupe)
8 Chapitre 1. Introduction générale

— Si3 N4 Nitrure de silicium.

SiO2

verres

céramiques traditionnelles (terres cuites)


porcelaines, faïences (à base d'argile)

céramiques techniques
(blindage par exemple)
K 2O
Na2O Al2O3

F IGURE 1.2 – Quelques exemples de céramique dans un diagramme de composition à trois


composés
2. Description 1D du comportement matériau

2.1 Introduction
Connaître le comportement d’un matériau, c’est avant tout lui assigner un modèle. Ce dernier
est théorique, idéal et ne représente pas intégralement la réalité des choses. Il peut représenter
une réponse à un chargement thermique, électromagnétique, hydraulique ou mécanique, voire
combiner plusieurs physiques différentes (on parle alors de modèle multi-physique). Dans ce
cours, il est question de la réponse d’un matériau constitutif à un chargement mécanique. Ce
chargement mécanique peut être de différentes natures, comme il a été vu dans vos cours des années
précédentes : forces à distance, force de contact, force surfacique, etc ...

2.1.1 Contrainte et déformation


À l’échelle d’un élément de volume, on parle de contrainte. Une contrainte peut être représentée
par un tenseu d’ordre 2 pour une description dans le volume (3D). Pour cela, il faut se rapporter au
cours de mécanique de 3ème année de licence (semestre 5).
Dans ce cours, il est question de réponses mécaniques de structures qui ont une dimension bien
plus grande que les autres (poutres, barres) et à qui une section droite est attribuée. La contrainte
est donc simplement le rapport entre la force appliquée à une section de l’élément de structure sur
la surface de la section de cet élément. Ainsi, dans ce cas, une description 1D du comportement
mécanique du matériau est suffisante pour prédire la réponse mécanique de l’élément de structure
(voir Figure 2.1).
Soit F l’effort appliqué de part et d’autre d’une poutre de section iniitale S0 , orienté suivant la
direction principale. La contrainte σ s’exprime alors par :
F
σ= (2.1)
S0
Cette description n’est valable que dans l’hypothèse de petites déformations. On parle ici de
contrainte nominale.
De cette contrainte, en découle un état déformé de la structure (et donc du matériau). Cet état
déformé peu être décrit par
10 Chapitre 2. Description 1D du comportement matériau

F IGURE 2.1 – Exemple d’une poutre de section droite S.

— une déformation longitudinale εl , dans l’axe principal,


— et deux déformations transversales εt dans deux directions contenues dans le plan de la
section S et orthogonales entre elles.
La déformation longitudinale εl s’exprime alors par :

lcourante − l0 ∆l
εl = = (2.2)
l0 l0

avec lcourante la longueur actuelle de l’élément, l0 sa longueur initiale. Cette description n’est
valable que dans l’hypothèse de petites déformations. On parle ici de déformation nominale.

2.1.2 Représentation simplifiée du comportement et d’une réponse mécanique


Pour représenter le comportement mécanique 1D d’un matériau, nous allons utiliser la repré-
sentation la plus simple possible (et la plus utilisée). Cette représentation est un simple graphique
avec pour abscisse ε et ordonnée σ comme le montre la figure 2.2.

ε
F IGURE 2.2 – Graphe type de représentation 1D d’une réponse mécanique.

2.2 Les différentes classes de comportement


En observant la réponse mécanique dans un plan contrainte nominale - déformation nominale,
il est possible de faire correspondre cette réponse à une certaine classe. Pour décrire ces classes,
nous nous plaçons dans le cadre d’une contrainte positive (chargement de traction).
2.2 Les différentes classes de comportement 11

2.2.1 Comportement élastique fragile


Les matériaux fragiles peuvent souvent avoir des contraintes maximales très élevées et souvent,
des déformation maximales assez faibles. Leur rupture est brutale (cf. figure 2.3). Ce comportement
fragile est :
— non déterministe, c’est-à-dire que la rupture ne se fera jamais au même endroit, s’amorcera
sur un défaut de la matière,
— grandement dépendant de l’échelle d’observation et du volume sollicité en ce qui concerne la
contrainte à rupture.
.

σ
rupture brutale

ε
F IGURE 2.3 – Réponse mécanique d’un matériau fragile en traction.

Parmi les matériaux fragiles on retrouve les céramiques, certaines fontes, le béton (en traction).

2.2.2 Comportement élastoplastique

σ élasticité plasticité

σmax écrouissage striction

augmentation σ
σy
y
(écrouissage)
E
E

déformation
permanente
ε
F IGURE 2.4 – Réponse mécanique d’un matériau élastoplastique.

La réponse est élastique jusqu’au dépassement d’une contrainte seuil σy appelée limite élastique.
Au-delà de ce seuil, on parle alors d’un comportement plastique pour lequel les déformations
concernées sont permanentes. Lorsque le matériau est déchargé (retour de la contrainte vers 0), et
si la contrainte appliquée lors de la charge était supérieure à σy , une déformation permanente est
12 Chapitre 2. Description 1D du comportement matériau

visible sur la courbe de réponse mécanique (figure 2.4). La pente de la droite de décharge est celle
du module élastique du matériau qui demeure inchangé.
La déformation plastique peut être de deux natures : écrouissage ou striction.
L’écrouissage est la déformation plastique avant atteinte de la contrainte maximale admissible
σmax . Ce phénomène d’écrouissage augmente la contrainte seuil et raccourcit la déformation
plastique admissible lors d’un nouveau chargement (comme montré sur la figure 2.4).
Lors de l’écrouissage, la déformation plastique est répartie dans le matériau. À l’inverse, la
striction est une localisation de la déformation plastique. Cette localisation entraîne une réduction
drastique de la section pour amener rapidement l’éprouvette à rupture. La courbe en cloche est
typique d’une description en grandeurs nominales. En effet, la contrainte est, dans ce cas, définie
comme la force appliquée à l’éprouvette sur la section initiale de l’éprouvette. Lorsqu’il y a striction,
l’effort nécessaire à la déformation de l’éprouvette diminue, ainsi, si on considère la section de
l’éprouvette comme constante (ce qui n’est pas le cas en réalité), la contrainte nominale diminue.
Ce type de comportement élastoplastique se rencontre principalement dans les matériaux
métalliques (acier, alliages d’aluminium par exemple).

2.2.3 Comportement pseudo-élastique


Ce comportement traduit une réponse élastique non-linéaire (figure 2.6). Il est posssible d’avoir
plusieurs dizaine de % de déformation réversible (au contraire des aciers pour lesquels les déforma-
tions élastiques dépassent rarement les 0.1%.

ε
F IGURE 2.5 – Réponse mécanique d’un matériau pseudoélastique.

Exemples de matériaux pseudoélastiques : caoutchouc, alliage à mémoire de forme.

2.2.4 Comportement élasto-visco-plastique


Si on augmente la vitesse de déformation ε̇ (voir figure 2.6), la contrainte engendrée est plus
élevée. Cette dépendance à la vitesse de déformation se retrouvent pour un très grand nombre de
matériaux, qu’il soit élasto-plastique ou élastique fragile. Cette partie "visco" est beaucoup plus
facilement observable dès les basses vitesses sur des matériaux de types élastomère. En effet, cela
se comprend aisément par le fait que pour pouvoir retrouver cet effet visqueux, il est nécessaire de
poser une condition sur la température à laquelle doit se trouver le matériau lorsqu’il est sollicité :
— matériaux métalliques : Tessai ≥ 13 T f usion ,
— polymères : Tessai ≥ 31 Ttransitionvitreuse

2.2.5 Comportement élastique endommageable


En mécanique des matériaux solides, l’endommagement signifie la dégradation des propriétés
d’un matériau au cours de l’histoire des chargements qu’il peut subir. Cet endommagement se
2.3 Modèles rhéologiques 13

σ ε

ε
F IGURE 2.6 – Réponse mécanique d’un matériau élasto-visco-plastique.

traduit, dans la pratique, par une diminution du module d’élasticité (figure 2.7). Cette perte de
module est un effet de structure dun matériau : l’endommagement peut correspondre à des micro
fissures activées lors du chargement au niveau des défauts que peut contenir la matière testée
(porosités, par exemple).

σ
E1
E0 E2

ε
F IGURE 2.7 – Réponse mécanique d’un matériau endommageable.

Les exemples les plus représentatifs des matériaux qui subissent un endommagement sont les
matériaux composites :
— de types matrices polymère - fibres de carbones,
— de type bétons (matrice cimentaire et granulats).

2.3 Modèles rhéologiques


Nous venons de voir les principales classes de comportement. Pour pouvoir prédire le com-
portement d’un matériau soumis ç un chargement mécanique, il faut lui associer un modèle. Ce
modèle doit être en mesure de reproduire la réponse mécanique d’une éprouvette constituée de ce
matériau lors d’essais. L’identification de la classe de comportement du matériau permet d’avoir
une idée pour représenter son comportement.
Tout d’abord, il faut savoir qu’aucun modèle n’est complètement exact. Un modèle représentera
une certaine partie de la réalité pour des conditions bien délimitées (température, vitesse de sollicita-
tion, pression de confinement, ... etc). Plusieurs techniques, plus ou moins complexes, existent pour
établir ces modèles. Dans ce chapitre, nous développerons une technique dite phénoménologique et
plutôt empirique.
Cette technique consiste à utiliser différentes briques de comportement pour essayer de re-
produire les courbes de réponses mécaniques obtenues lors d’essais. Chaque brique, appelée
modèle rhéologique, représente un comportement : élastique, plastique, visqueux ; et dispose
14 Chapitre 2. Description 1D du comportement matériau

d’un paramètre liant contrainte et déformation : module d’élasticité, viscosité, écrouissage ... Cha-
cun de ces paramètres est propre au matériau étudié et peut être identifié grâce à divers protocoles
expérimentaux. L’assemblage de chacune de ces briques peut permettre de représenter des
comportement très complexes.
Les modèles rhéologiques que nous allons voir permettent une description 1D du comportement,
c’est-à-dire, une relation entre la contrainte et la déformation dans l’axe principale de la sollicitation.

2.3.1 Les différents modèles

Le tableau 2.1 recense les différentes briques élémentaires qu’il est possible d’utiliser pour
décrire le comportement d’un matériau. Un modèle rhéologique est donc composé d’une ou de
plusieurs de ces briques. Point important : pour faire le lien entre contrainte et déformation entre
tous les modèles, l’hypothèse établie est que les longueurs initiales l0 et les sections initiales S0
qui permettent les calculs sont les mêmes pour toutes les briques d’un même modèle.

TABLE 2.1 – Description des différents modèles rhéologiques élémentaires.

Nom du
Classe Symbole Comportement
modèle
σ x
Élasticité Ressort ε σ = Eε
avec E : module d’Young
E
σ x
Viscosité
linéaire
Amortisseur ε σ = η ε̇
η : coefficient de viscosité
𝜂
σ x
Viscosité
non-linéaire
Amortisseur
non-linéaire
ε 1
σ = µ ε̇ N
μ,N
|σ | < σy
⇒ ε̇ = 0

σ x |σ | = σy et dσ = 0
Plasticité Patin 𝜎y ε ⇒ ε̇ 6= 0
et sign(ε̇) = sign(σ )

|σ | = σy et dσ < 0
⇒ ε̇ = 0

Ouverture σ x
|ε| < εe ⇒ σ̇ = 0
et fermeture Butée 𝜀e ε |ε| = εe ⇒ σ̇ 6= 0
de fissures
2.3 Modèles rhéologiques 15

2.3.2 Association de modèles élémentaires


Le principal intérêt de cette approche est l’association des différentes briques présentées dans
le tableau 2.1. Quelques règles sont à respecter pour obtenir les équations associées à ces modèles.
En parallèle
L’association en parallèle est donnée en figure 2.8. En parallèle, les contraintes sont sommées
et les déformations sont égales. Les équations qui régissent l’assemblage sont les suivantes :

ε = εi ∀i
n
σ = ∑ σi
i=1

σ 1 ε1
1
σ i εi
σ x
i ε
σ n εn
n

F IGURE 2.8 – Association de modèles rhéologiques en parallèle.

En série
L’association en série est donnée en figure 2.9. En série, les déformations sont sommées et les
contraintes sont égales. Les équations qui régissent l’assemblage sont les suivantes :

σ = σi ∀i
n
ε = ∑ εi
i=1

σ 1 ε1 σ i εi σ n εn
σ x
1 i n
ε

F IGURE 2.9 – Association de modèles rhéologiques en série.

2.3.3 Modèles rhéologiques de référence


Il existe deux associations de modèles qui sont très simples et font figure de référence. Ces
deux modèles et leur utilité seront abordés en TD.
16 Chapitre 2. Description 1D du comportement matériau

Modèle de Maxwell
Ce modèle est l’association en série d’un ressort et d’un amortisseur (figure 2.10).

σ σ x

𝜂 E
F IGURE 2.10 – Modèle de Maxwell.

Modèle de Kelvin-Voigt
Ce modèle est l’association en parallèle d’un ressort et d’un amortisseur (figure 2.11).

σ 𝜂 σ x

E
F IGURE 2.11 – Modèle de Kelvin-Voigt.
3. L’élasticité

3.1 Quelques notions sur l’origine de l’élasiticité


3.1.1 États de la matière
Trois états sont couramment distinguées : gazeux, liquide et solide.
— gazeux : la matière est désordonnée, diluée. À un instant t, les atomes sont espacés à environ
une vingtaine de fois leur diamètre et se déplacent à des vitesses de l’ordre de 100 m/s.
— liquide : la matière est plus condensée, les atomes plus proches (deux fois leur diamètre) et
se déplacent aux alentours de 10 m/s.
— solide : la matière est condensée, ordonnée, les atomes sont en contact les uns avec les autres,
rangés périodiquement suivant un réseau tridimensionnel. Ils vibrent autour d’une position
moyenne mais ne changent quasiment pas de position.

3.1.2 Liaisons entre atomes à l’état solide


Il existe plusieurs types de liaisons entre les atomes. Ces différents types sont assez caracté-
ristiques des différentes classes de matériaux rencontrées. On distingue trois familles de liaisons
fortes :
— liaisons ioniques (échange d’électron entre 2 atomes),
— liaisons covalentes (mise en commun d’électrons),
— liaisons métalliques (mise en commune des électrons de liaisons mais qui sont répartis sur
l’ensemble du réseau d’ions, d’où propriété de conduction thermique et électrique).

3.1.3 Énergies
Énergie de liaison
Les atomes peuvent être vus comme deux charges électrostatiques. Il existe alors une force
d’attraction électrostatique entre les atomes (ions) :


− |q− q+ |
k Fe k =
4πε0 r2
18 Chapitre 3. L’élasticité

avec r la distance entre les atomes.

Il existe aussi une force de répulsion qui empêche la collision/interpénétration des atomes.
L’énergie de liaison est alors la somme du potentiel des deux forces, l’une de répulsion, l’autre
d’attraction (figure 3.1).

Ep (eV)

répulsion
°
r (A)
r0

résultante attraction

F IGURE 3.1 – Énergie de liaison (avec r0 la distance entre atomes où l’énergie est minimum).

Origine physique de l’élasticité


dE p
Finalement, l’effort total de liaison s’obtient en dérivant E p , soit F = − dr . L’allure de cette
force est tracée sur la figure 3.2.

F
force
de répulsion
portion
quasi-linéaire

𝛼
°
r (A)
r0

force
d'attraction

F IGURE 3.2 – Effort de liaison au voisinage de r0 .

Cette force est à l’origine de l’élasticité. Elle est linéaire au voisinage de r0 . Elle peut être
3.2 Caractéristiques macroscopiques de l’élasticité (linéaire) 19

reliée aux caractéristiques élastiques des matériaux. (Attention aux échelles, Re 1000x plus élevé à
l’échelle atomique qu’à l’échelle macroscopique.)

Phénomène de dilatation thermique


Dans ce qui vient d’être présenté, r0 est donné pour le zéro absolu en température soit 0 K
(-273,15 ◦ C). Or, les matériaux ne se trouvent jamais à ces températures dans leur phase d’utilisation.
La température est nécessairement plus élevée, ce qui signifie qu’il y a une énergie d’agitation
thermique présente dans la matière que l’on peut appelé apport de chaleur. L’impact de l’apport
de chaleur sur le rayon moyen de vibration, et donc de la distance entre atomes est présenté en
figure 3.3 et son action se décompose comme suit :
— apport de chaleur Q : les atomes vibrent entre deux positions, la température T augmente,
— énergie interne dans la matière : U = E p + Ec ,
— avec un apport de chaleur, on a ∆U = Q = ∆E p + ∆Ec ,
— le rayon de vibration augmente avec l’apport d’énergie, d’où une dilatation de la matière.

Ep (eV)

rmin rmoy rmax


lieu des rmoy °
r (A)
r0

U=U0+Q
Q
U0

F IGURE 3.3 – Impact de l’apport de chaleur sur les liaisons entre atomes.

3.2 Caractéristiques macroscopiques de l’élasticité (linéaire)


3.2.1 Élasticité et réversibilité
L’élasticité, qu’elle soit linéaire ou non, signifie que le chemin de déchargement est le même
que celui suivi lors du chargement. Lorsqu’on parle d’élasticité, on parle donc de réversibilité.

3.2.2 Déformation dans un volume de matière


Une déformation élastique est une déformation du volume qui s’opère dans les trois dimensions.
On distingue les déformations dans l’axe principal (longitudinal) et dans chacun des deux axes
orthogonaux au premier (transversal). La figure 3.4 représente une éprouvette d’un matériau
élastique chargé en traction.
Cet état peut être décrit par :
— une déformation longitudinale : εl = ∆ul0 ,
∆v
— une déformation transversale : εt = b0 ,
20 Chapitre 3. L’élasticité
σ
— le module d’élasticité 1D (ou d’Young) : E = εl
— le coefficient de Poisson : ν = − εεtl .

𝜎= F
S0

b0
∆u
2

l0

∆u
2
∆v ∆v
2 𝜎 2

F IGURE 3.4 – Etat de déformation d’une éprouvette de dimensions initiales l0 et b0 chargée en


traction.

3.2.3 Isotropie et anisotropie


Les déformations dans la matière s’opèrent dans les trois dimensions. Ainsi, on peut distinguer
plusieurs types de matériaux suivant que leurs paramètres élastiques changent ou pas suivant la
direction de la sollicitation appliquée. On parle alors de matériaux isotropes ou anisotropes :
— isotropie : E et ν ne dépendent pas de la direction matérielle,
— anisotropie : E et ν dépendent de la direction matérielle.
Dans le cas général, on a donc une relation plus générale qui relie la contrainte et la déformation :

σi j = Ci jkl εkl

Cette description de l’élasticité est abordée dans le cours de "Mécanique des solides défor-
mables". Ici, C peut avoir un nombre différent de coefficients indépendants :
— anisotropie complète : 21 coefficients indépendants,
— orthotropie : 9 coefficients indépendants,
— isotropie : 2 coefficients indépendants.
Dans le cas d’une isotropie, avec un chargement quelconque, on a :

σ = λtr(ε)Id + 2µε

ou
1+ν ν
ε= σ − tr(σ )Id
E E
3.3 Cas particuliers (et simples) 21

Avec λ et µ les coefficients de Lamé, liés au module d’Young et au coefficient de Poisson par :

νE
λ=
(1 + ν)(1 − 2ν)
E
2µ =
1+ν

3.3 Cas particuliers (et simples)


3.3.1 Traction simple
En traction simple, on a une seule composante de contrainte, sur l’axe sollicité.

 
σ 0 0
σ = 0 0 0
0 0 0

Ainsi, on a :

tr(σ ) = σ

L’état de déformation est donc le suivant :

   
σ 0 0 σ 0 0
1+ν  ν
ε= 0 0 0 −  0 σ 0
E E
0 0 0 0 0 σ

soit :

σ 
E 0 0
ε = 0 − Eν σ 0 
0 0 − Eν σ

On retrouve bien la déformation longitudinale εl = ε11 ainsi que les déformations transversales
liées à εl par le coefficient de Poisson.

3.3.2 Cisaillement pur


Le cisaillement pur se traduit par l’application deux contraintes tangentielles symétriquement
opposées comme indiqué sur la figure 3.5.
𝜏
𝜏
𝛾 𝛾
G
𝛾
𝜏

F IGURE 3.5 – Illustration du cisaillement en 2D.


22 Chapitre 3. L’élasticité

G est le module de cisaillement tel que τ = Gγ. L’état de contrainte est le suivant (cisaillement
suivant le plan 12) :
 
0 τ 0
σ = τ 0 0
0 0 0

On a :
1+ν
 
0 E τ 0
ε =  1+ν
E τ 0 0
0 0 0

La déformation en cisaillement est exprimée par :


1+ν 1+ν 2(1 + ν)
γ = ε12 + ε21 = τ+ τ= τ
E E E
Le module de cisaillement a alors pour expression :
E
G=
2(1 + ν)

3.3.3 Compression hydrostatique


Une compression hydrostatique signifie qu’on applique la même contrainte dans les trois axes
principaux. On peut parler de l’application d’une pression. Exemple : un solide immergé dans un
fluide sous pression p (p > 0).
Pour une pression p appliqué, on a alors l’état de contrainte :

 
−p 0 0
σ =  0 −p 0 
0 0 −p

Ainsi, l’état des déformations est le suivant :


 1+ν   3ν 
− E p 0 0 −E p 0 0
ε = 0 − 1+ν
E p 0 − 0 − 3ν
E p 0 
1+ν 3ν
0 0 − E p 0 0 −E p
1 − 2ν
ε =− Id
E
Soit :
1 − 2ν
ε11 = ε22 = ε33 = − p
E
On définit alors un coefficient de compressibilité K tel que :
∆V
p = −K
V0
Avec ∆V la variation de volume.
On a ∆V = V0 (ε11 + ε22 + ε33 ), ce qui donne :
∆V 3(1 − 2ν)
= 3ε11 = − p
V0 E
3.4 Module d’élasticité des matériaux hétérogènes 23

Le module de compressibilité s’exprime alors par :

E
K=
3(1 − 2ν)

Remarque : si ν = 0.5, le matériau est dit incompressible (c’est d’ailleurs une valeur limite).
En effet, on alors K → +∞ quand ν → 0.5.

3.4 Module d’élasticité des matériaux hétérogènes


Nous avons considérer jusqu’à présent des matériaux homogènes continus. Faire l’hypothèse
que la matière est continue est très pratique et permet de mettre en placed des modélisations
macroscopiques (à l’échelle de la structure) (cf. la mécanique des milieux continus abordée dans
le cours de Mécanique des Solides Déformables). Lorsqu’on a affaire à un matériau hétérogène,
c’est-à-dire, ici, constitué de matériaux de propriétés mécaniques différentes, il est possible d’en
déduire un comportement équivalent d’un matériau équivalent qui serait continu sous réserve
de prendre un volume suffisamment grand (appelé volume élémentaire représentatif, cf. premier
chapitre de ce document).
Dans ce cours, nous ne parlons que d’élasticité. Le module d’Young est un paramètre qui
modélise cette élasticité linéaire. Mais comment déterminer le module d’Young d’un matériau
composite (ou hétérogène) composé de deux matériaux différents ?
On considérera, pour la suite que ce matériau est constitué d’une matrice m (souvent polymère,
cimentaire pour un béton) et de fibres f (souvent en verre ou en carbone, des agrégats pour le
squelette d’un béton). Ces lettres m et f sont utilisés en indice pour attribuer les propriétés aux
fibres et à la matrice. Un exempeld esection hétérogène est donné en figure 3.6.

Matrice
Fibre

F IGURE 3.6 – Exemple d’une section d’un matériau hétérogène.

3.4.1 Architecture en parallèle


Une architecture en parallèle type est donnée en figure 3.7.

Matrice Fibre

F F

F IGURE 3.7 – Architecture en parallele.


24 Chapitre 3. L’élasticité

Les fibres ont une section cumulée S f et la matrice Sm . La somme des forces appliquées est
telle que :

F = Fm + Ff

En utilisant la relation σ = F/S, et en posant Stot = Sm + S f on obtient :

σ Stot = σm Sm + σ f S f

avec σ la contrainte macroscopique appliquée.


d’où :
Sm Sf
σ= σm + σf
Stot Stot
Soit f = S f /Stot le taux de fibre (ou fraction volumique de fibre), on obtient alors l’équation :

σ = (1 − f )σm + f σ f
⇔ σ = (1 − f )Em εm + f E f ε f avec εm = ε f = ε

⇔ σ = Eε = (1 − f )Em + f E f ε

d’où

E = (1 − f )Em + f E f

3.4.2 Architecture en série


Une architecture en série type est donnée en figure 3.8.

Matrice Fibre

F F

F IGURE 3.8 – Architecture en série.

Soit ltot la longueur totale sollicitée telle que ltot = lm + l f . On a alors les allongements qui
s’écrivent :

∆l = ∆l f + ∆lm
⇔ ltot ε = l f ε f + lm εm
lf lm
⇔ε = εf + εm = f ε f + (1 − f )εm
l f + lm l f + lm
σf σm
⇔ε = f + (1 − f ) etσ f = σm = σ
Ef Em
 
σ f (1 − f )
⇔ = + σ
E Ef Em

1 f 1− f
On a alors : = +
E Ef Em
3.4 Module d’élasticité des matériaux hétérogènes 25

3.4.3 Quelque part entre les deux


Finalement, tous les matériaux composites se trouvent entre ces deux bornes, c’est-à-dire que
pour un maillage quelconque, le module est situé entre les deux courbes tracées sur la figure 3.9.

E Borne de Reuss (en ||)


Ef

Borne de Voigt (en série)


Em
0 1 f

F IGURE 3.9 – Bornes du module d’Young d’un matériau hétérogène à deux composants.
4. Principaux essais de caractérisation

4.1 Objectif et hypothèses


Afin de dimensionner une structure, il est important de connaître les propriétés mécaniques
d’un matériau, notamment :
— Rigidité du matériau,
— Contrainte à la rupture,
— Déformation à la rupture,
— Nombre de cycles à la rupture,
— Sensibilité à la vitesse du chargement,
— ... etc.
Pour cela, on réalise des essais mécaniques sur ces matériaux. Ces essais sont réalisés sur des
géométries simples conduisant à des états mécaniques simples afin de quantifier simplement les
grandeurs vues plus haut. De plus, la simplicité de l’essai permet une certaine reproductibilité
(toutes les expériences doivent donner la même chose).

4.2 Essai de traction


4.2.1 Éprouvette
L’éprouvette de traction est constituée (cf figure 4.1) :
— D’une partie utile,
— De deux têtes d’amarrage,
— De deux zones de raccord.

4.2.2 Condition nécessaire pour la validité de l’essai


Il faut que le volume de matière testée soit très largement supérieur à l’échelle de l’hétérogénéité
du matériau. Cela permet de considérer le matériau comme homogène (voire isotrope). Exemple :
pour les matériaux métalliques, la taille des hétérogénéités est de l’ordre de 0,1 mm. On va prendre
un rayon d’éprouvette 100 fois supérieur, soit un rayon d’éprouvette de 10 mm.
28 Chapitre 4. Principaux essais de caractérisation

ey
tête zone partie utile
de ez ex
raccordement

F IGURE 4.1 – Géométrie usuelle d’une éprouvette de traction.

4.2.3 État de contrainte dans le matériau


Si le matériau est homogène, l’état de contrainte et de déformation dans la zone utile de
l’éprouvette est homogène. On a ainsi, comme vu précédemment, ∀M où on se place, dans un
repère tridimensionnel orthonormé :

 
σ 0 0
σ= 0
 0 0
0 0 0

4.2.4 Machine de traction et instrumentation

Bâti
Traverse
Zone dans laquelle
se situe le capeur
de force

Mâchoires
(ou mors)

F IGURE 4.2 – Exemple d’une machine de traction électromécanique universelle (www.instron.fr).

L’instrumentation présente sur la machine et/ou sur l’éprouvette doit permettre d’obtenir les
mesures nécessaires à la caractérisation des paramètres mécaniques du matériau en traction.
Capteur d’effort, force et contrainte
Il peut être de différentes technologies. Le capteur d’effort est monté en série et permet de
mesure la force transmise par la machine à l’éprouvette. On en déduit alors la contrainte nominale :
F
σ=
S0
4.3 Essai de compression 29

Cette grandeur est locale, elle ne dépend pas de la géométrie et s’exprime en MPa.
Mesure du déplacement
Dans la plupart des cas, les machines d’essais sont équipées d’un capteur de déplacement.
Celui-ci est placé au niveau de la traverse mobile de la machine. Une correction de cette mesure
peut être effectuée dans le cas où la rigidité de la machine n’est pas assez grande par rapport à
la rigidité de l’éprouvette. En effet, la déformation de la machine peut apporter un déplacement
supplémentaire qui n’est pas dû à la réponse mécanique de la machine.
Mesure de la déformation
Méthode la plus simple
La mesure de la déformation peut être obtenue à partir de la mesure des déplacements. On
mesure alors ∆L, qui est la variation de longueur de l’éprouvette au cours du temps. On l’obtient en
faisant la différence entre le déplacement de la traverse fixe (supposé égal à 0) et celui de la traverse
mobile (supposé être le déplacement affiché par le capteur). On obtient alors une autre grandeur
locale qui est la déformation nominale :
∆L
ε=
L0
avec L0 la longueur initiale de la zone utile. Cette méthode suppose que :
— la déformation de la traverse pendant l’application de la charge est négligeable par rapport à
la déformation subie par l’éprouvette,
— les têtes d’amarrage et la zone de raccord ne se déforment pas ou de façon négligeable
pendant l’essai.
Méthode directe
Pour contourner les incertitudes de l’obtention de la déformation à partir du déplacement de la
traverse, il est possible d’utiliser des capteurs mesurant directement la déformation sur l’éprouvette :
— Extensomètre : deux pinces sont fixées sur la zone utile de l’éprouvette, on mesure l’exten-
sion de l’éprouvette au plus près.
— Jauge de déformation : un petit circuit en cuivre est collé sur un partie de la zone utile.
Lorsque l’éprouvette se déforme, le cuivre se déforme également engendrant ainsi une
variation de sa résistance. La mesure de cette variation permet de remonter à une variation de
déformation. Cette déformation est locale à la zone recouverte par la jauge. (La taille d’une
jauge peut varier).

4.2.5 Résultats
On obtient alors une courbe contrainte-déformation dont l’allure dépend du comportement du
matériau. Un exemple est donné dans les sections précédents du document, à la figure 2.4.

4.3 Essai de compression


Pour des matériaux homogènes et isotropes, ce type d’essai doit donner les mêmes résultats
qu’en traction. On retrouve cependant quelques exceptions de matériaux pour lesquelles une
asymétrie peut être observée en traction/compression, que ce soit sur la contrainte à rupture, la
limite d’élasticité ou le module d’élasticité. Le béton est un matériau pour lequel on retrouve cette
différence, son comportement type, en traction et en compression est donnée figure 4.3

4.3.1 Instrumentation d’un essai de compression


Un essai de compression peut être réalisé avec la même machine qu’en traction. La différence
va être la commande (mouvement de sens opposé). Comme l’essai de traction, les forces sont
30 Chapitre 4. Principaux essais de caractérisation

F IGURE 4.3 – Comportement type en traction et en compression du béton.

mesurées via une cellule d’effort et les déformations soit déduites via le déplacement enregistré par
le capteur machine, soit via un extensomètre ou une jauge de déformation.

4.3.2 Précautions à prendre pour un essai de compression


Un essai de compression paraît, à première vue, plus simple à réaliser. En effet, seul un contact
unilatéral est nécessaire (cf figure 4.4).

mors haut

éprouvette

mors bas

F IGURE 4.4 – Configuration idéale d’un essai de compression.

Cependant, en pratique, un essai de compression est délicat à réaliser. En effet, l’objectif est
d’obtenir un champ de contrainte de compression uniaxial dans l’éprouvette. Pour cela, il faut que
les faces de l’éprouvette en contact avec les plateaux de la presse soient parfaitement parallèles.
Sinon, un léger moment peut apparaître dans l’éprouvette. On s’écarte alors de l’hypothèse de
contrainte de compression pure et la valeur lue sur la contrainte comportera d’autres composantes
que de la compression. Un dispositif à rotule, positionné sur le plateau supérieur est souvent mis en
4.3 Essai de compression 31

place pour compenser ce défaut de parallélisme et assurer que l’éprouvette ne soit soumise qu’à de
la compression.
Deux autres phénomènes peuvent également apparaître (menant également à ne pas respecter
l’hypothèse d’état de contrainte de compression uniaxial).
Le flambage
Ce phénomène se produit lorsque longueur utile est trop grande par rapport au diamètre de
l’éprouvette. Ce genre de phénomène est également pris en compte dans les structures. C’est un
état instable menant à une déformation brutale de l’éprouvette (ou de la structure concernée) et
à sa ruine. Ce phénomène est illustré grossièrement en figure 4.5. Le flambage peut être évité en

F IGURE 4.5 – Flambage d’une éprouvette en compression.

dimensionnant l’éprouvette grâce à la théorie d’Euler. En pratique, on prendra :


Longueur = 1,5 à 2 x diamètre.
La déformée en tonneau
Ce phénomène se produit lorsque le frottement de l’éprouvette sur les plateaux de la presse est
trop important. On parle aussi de frettage. Les surfaces en contact avec les plateaux de la machine
d’essai ne peuvent pas se déformer comme ils le devraient (figure 4.6).

F IGURE 4.6 – Effet tonneau en compression.

L’état de contrainte n’est plus simplement de la compression. Dans le cadre d’essais sur le
béton, ce phénomène peut être observé par une surface de rupture en forme de cône plutôt qu’un
32 Chapitre 4. Principaux essais de caractérisation

plan à 45◦ par rapport aux plans d’appui de l’éprouvette. On appelle cette surface un cône de
frettage.

4.3.3 Détournement de l’essai de compression : l’essai de fendage


L’essai de fendage (également appelé essai brésilien) utilise la même cinématique que l’essai
de compression mais permet de solliciter l’éprouvette en traction. La géométrie de l’éprouvette
reste un cylindre. La différence que les plateaux de la presse appuie sur la surface cylindrique de
l’éprouvette et non sur la surface plane, comme schématisé figure 4.7. On suppose alors que le
contact ne se fait plus via une surface mais une ligne (la génératrice du cylindre).

F IGURE 4.7 – Principe de l’essai de fendage (ou "brésilien").

Le champ de contrainte n’est plus homogène mais cette configuration permet d’amener l’éprou-
vette jusqu’à une rupture en traction. À partir des dimensions de l’éprouvette et de la force mesurée
à rupture, on peut alors connaître la résistance à la rupture en traction du matériau.
2F
σtb =
πLd
avec σtb la résistance en traction par fendage (MPa), F la charge maximale (N), L la longueur de
l’éprouvette (mm), d le diamètre de l’éprouvette (mm).

4.4 Essai de flexion


L’essai de flexion permet de solliciter une éprouvette à la fois en compression et en traction.
La face en traction est celle en contact avec les appuis extérieurs (les plus écartés). Cet essai est
relativement simple à mettre en oeuvre mais si des précautions sont à prévoir sur le parallélisme entre
les deux faces principales de l’éprouvette (celles de plus grandes surface) mais sur le parallélisme
entre faces et appuis. Des rotules peuvent également être ajoutées pour que les appuis puissent
s’adapter à des défauts trop prononcés qu’il n’est pas possible de corriger lors de l’élaboration de
l’éprouvette.
Il existe deux types principaux types d’essais de flexion ; à trois ou quatre points. Ce sont des
essais 1D.
La figure 4.8 présente le principe de ces deux essais.
L’essai de flexion est un bon moyen pour obtenir certaines propriétés du matériau en traction
dont la contrainte maximale (équation donnée sur la figure 4.8) sans la complexité de mise en
oeuvre d’un essai de traction. En effet, les contacts unilatéraux entre éprouvette et appuis facilitent
la procédure expérimentale.
4.5 Essai de dureté 33

F F2 F2

b h

l
L

𝜎max = 3FL 2 𝜎max = 3F(L-l) constant sur l


2bh 2bh2

F IGURE 4.8 – Gauche : essai de flexion 3 points. Droite : essai de flexion 4 points.

Cependant, ce type d’essais impose une répartition non homogène des déformations et des
contraintes. On sort ainsi de l’objectif initial d’appliquer un état de contrainte simple. Les dépouille-
ment des résultats et l’accès aux contraintes et déformation en fonction de l’effort appliqué F et
de la flèche obtenue δ se font à partir d’hypothèses sur la distribution de la contrainte et de la
déformation dans l’éprouvette.

4.5 Essai de dureté


Ce sont des essais appelés aussi essais d’indentation. Le principe consiste à appliquer une force
sur un indenteur en appui sur la surface d’une éprouvette. L’indentation se faisant sur une très petite
surface, la pression exercée peut être très grande et amener à plastifier (voire rompre) localement la
matière.
À partir de la lecture de la pression appliquée pendant l’essai et de la dimension de l’empreinte
réalisée avec l’indenteur, on peut en déduire la limite élastique du matériau (voir une illustration
proposée en figure 4.9. Il est également possible de remonter au module d’élasticité pour des
applications très spécifiques.
La limite de ces essais se situe dans le volume de matière testée qui peut être trop faible
pour représenter le matériau à une échelle macroscopique. Par exemple, si cet essai est réalisé sur
un béton avec de gros granulats, il peut fournir des limites d’élasticités totalement différentes si
l’indenteur a été placé sur un agrégat ou sur la matrice cimentaire.

F S

empreinte laissée
par l'indenteur
F
p = S = 𝛼𝜎y

F IGURE 4.9 – Principe de l’essai de dureté (ou d’indentation).

Différentes formes d’indenteurs existent, établissant des mesures de dureté d’échelles diffé-
rentes :
— Bille : BRINELL, ROCKWELL,
— Pyramide : VICKERS,
— Cône : ROCKWELL.

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