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Les relations germano-arabes, Israël et le Maghreb

Dans Monde Arabe 1965/3 (N° 9) , pages 3 à 6


Éditions La Documentation française
ISSN 1241-5294
DOI 10.3917/machr1.009.0003
© La Documentation française | Téléchargé le 31/08/2023 sur www.cairn.info via Université Paris 8 (IP: 193.54.180.221)

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RELATIONS INTERNATIONALES

LES RELATIONS GERMANO-ARABES, ISRAEL ET LE MAGHREB

Un des dossiers les plus compl·exes de l'histoire diplo- tant plus axêe sur Moscou qu'une rupture ou une quasi-
matique contemporaine vient, au cours de ces derniers rupture était intervenue avec Paris et Londres.
mois, de prendre une singulière épaisseur. En fait, une
série de problèmes, jusque là séparés, · se sont trouvés, Les relations Moscou-Le Caire, que n'avaient même pas
dans un délai extrêmement bref, liés ·les uns aux autres : affectées l'incarcération des l·eaders communistes, ne se
il s'agit d'une part des relations des pays arabes avec sont cependant jamais distendues. Le gouvernement so-
les deux Allemagne ; de l'autre des relations entre Bonn viétique ne s'était pas ému des liens unissant I'Egypte à
et Tei-Aviv ; enfin des remous suscités par les prises de l'Allemagne de l'ouest. Si des pressions avaient été exer-
position du président Bourguiba sur le problème israélien. cées sur le président Nasser pour qu'il se rapproche de
Pankow, elles avaient été discrètes et inopér·antes : du
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moins jusqu'à la visite, à la fin de l'année 1964, de M. Che-
lepine, vice-prési·dent du Conseil soviétique. C'est à la
Les relations des pays arabes suite de cette visite que l'invitation égyptienne à M. Walter
Ulbricht a été lancée. Le 6 janvier, une délégation est-
avec les deux Allemagne allemande se rendait au Caire pour préparer le voyage
du président de la R.D.A.
Le 27 décembre 1964, une information en provenance
de Pankow fait à Bonn l'effet d'une bombe : M. Walter Dans le même temps, on s'émeut et on s'interroge à
Ulbricht, président du Conseil d'Etat de la République Bonn. La visite de M. Ulbricht est une chose. C'en est
démocratique allemande a accepté l'invitation du président une autre de savoir si elle entraînera la reconnaissance
Nasser de se rendre au Caire en visite officielle. Or, il par Le Caire du régime de Pankow. Dans l'affirmative, la
<< doctrine Hallstein •• devrait s'appliquer : rupture des rela-
n'existe pas entre I'Egypte -et la R.D.A. de relations diplo-
matiques établies. La République arabe unie entretient tions diplomatiques avec tout Etat qui en établit avec la
certes des relations étroites avec l'U.R.S.S. qui lui apporte R.D.A. - du moins au niveau des ambassadeurs, avec
une aide économique et militaire. Mais depuis la fin de reconnaissance officielle. Le gouvernement ouest-allemand
la guerre, singulièrement depuis l'avènement du nouveau charge donc son ambassadeur au Caire de poser la qu'es-
régime, I' Egypte est également très liée avec Bonn. Sont- tian au président Nasser. Au cours de l'entrevue qui se
ce, comme on l'a dit, d'anciens nazis qui ont ouvert le déroule le 30 janvier, le raïs répond avec violence : la
chemin ? En tout cas, la République fédérale n'a cessé de R.A.U., Etat souverain, agira comme bon lui semblera.
marquer au Moyen-Orient des points sur l'Allemagne de Et surtout, le président Nasser porte le débat sur un
autre plan. Il exige que Bonn cesse ses envois d'armes
l'Est qui , elle aussi, avait tenté d'assurer à ses industries
à Israël, sinon c'est lui, Nasser, qui prendra l'initiative
les débouchés du monde arabe. Les Allemands de l'Ouest
de rompre les relations diplomatiques avec la République
ont pris une part active à l'élabor·ation du projet de bar-
fédérale, entraînant dans son sillage les pays ar·abes et
rage d'Assouan dans lequel ils voyaient moins un instru-
certains pays africains.
ment de fertilisation des terres que d'industrialisation.
Lors de la crise de Suez, Bonn demeura sur une prudente
réserve dont les Egyptiens lui sont demeurés reconnais-
sants.
Les relations entre
Pour le président Nasser, les relations avec une Alle- Bonn et Tei-Avlv
magne de l'Ouest financièrement opulente étaient assu-
rément le gage d'un soutien économique et technique Ainsi se greffe sur la crise germano-égyptienne le pro-
d'importance : on notera à cet égard que l'aide en capital blème des relations entre Bonn · et Israël. .
apportée par Bonn aux pays membres de la Ligue arabe
s'él·evait en 1964 à 180 millions de DM sur lesquels, avec Dès le 20 janvier, une information se répand à Washing-
130 millions de DM, I'Egypte a reçu la meilleure part. ton : sur les instances du gouvernement américain, l'Alle-
Ces relations fournissaient également à la R.A.U. un con- magne fédérale a accepté de livrer des armes à Israël.
tre-poids occidental dans une politique étrangère qui se L'argument vient à point nommé renforcer la position du
définit ca·mme << non alignée "• mais qui se trouvait d'au- président Nasser et lui perm~ttre de placer le gouver-
4 RELATIONS INTERNATIONALES

nement fédéral en posture d'accusé. Effectivement, le Après que M. Erhard eut annoncé l'intention de recon-
chancelier Erh~rd recule : la République fédérale renonce naître Israël, un député démocrate-chrétien, M. Kurt Bir-
à fournir des armes à Israël. Toutefois, ·en contre-partie, renbach, qui avait souvent assuré la liaison entre Bonn
il demande que la réception de M. Ulbricht, si elle ne et Tei-Aviv, est de nouveau dépêché auprès des autorités .
peut être annulée, ne revête aucun faste particulier. La gouvernementales israéliennes. Le 23 mars, un comir)u- .
presse égyptienne salue la victoire diplomatique du raïs. niqué fait état de ces conversations sur " les modalités
Celui-ci pousse un peu plus loin l'avantage. M. Ulbricht de l'échang·e d'ambassadeurs entre les deux pays d:ans
sera reçu au Caire, et il le sera ·avec les honneurs dûs les prochaines semaines " : communiqué assez laconique
à un chef d' Etat. Du moins, dans une interview ·accordée qui, rendant compte d'un " mutuel désir d'aboutir " • ne
à la "Suddeutsche Zeitung " de Munich, le président Nas- parvient pas à voiler les difficultés persistantes entre la
ser affirme-t-il son intention de " laisser en l'état les rela- République fédéral·e et l'Etat juif.
tions de la R.A.U. avec les deux Etats allemands "· C'est
dire que I'Egypte ne reconnaîtra pas officiellement Pan- Le problème des relations entre l'Allemagne et Israël
kow. devait nécessairement se poser. Placées sous le signe
de la réparation des crimes commis sous lE! régime nazi,
Des personnages aussi différents que le roi Hussein elles devaient se transformer une fois écoulé le délai de
de Jordanie ·et le marquis de Nerva, délégué en accord prescription de 20 ans, venant à échéance en mai' 1965.
avec Bonn par le général Franco , tentent alors des, mis- Le recul de cette échéanc·e n'est apparu aux yeux des
sions d'apaisement, sinon de bons offices. Le roi Has- dirigeants israéliens que comme une médiocre satisfac-
san Il , qui devait se rendre à Bonn en mars, propose tion. En fait, devant l'intention exprimée par le chancelier
même !'·entremise de son représentant personnel, M. Ah- Erhard, dans des conditions évidemment défavorables
med Balafrej. pour l'Allemagne, Israël a voulu " monnayer" sa recon-
naissance par Bonn. D'où l'exigence posée que le gou-
Le marquis de Nerva, à l'issue de sa mission au Caire, vernement allemand honore le contrat de livraison d'armes
n'est reçu ni par le chancelier Erhard, ni par son ministre sur lequel il était revenu à la demande du Caire. Bonn
des Affaires étrangères, M. Schrœder. On ·estime qu'il s'y refuse. Le gouvernement fédéral a pris, à cet égard,
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s'est montré trop conciliant dans ses conversations avec une position simple et claire : ne plus envoyer d'armes
les responsables égyptiens. C'est sur\out que la fièvre dans les zones de tension internationale. En fait, Bonn n'a
n'a cessé de monter dans la capitale all-emande où le pas refusé de participer à des fournitures d'armes qui
chancelier se ·voit reprocher, jusqu 'au sein de son parti seraient effectuées par les Etats-Unis ou l'Angleterre. Et
et même au gouvernement, son manque de fermeté. Elle Tei-Aviv apaisé par les garanties américaines, a . finale-
n'est pas tombée lorsque, le 24 février, M. Ulbricht est ment renoncé à une condition qui aurait pu bloquer long- .
reçu avec éclat dans la capitale égyptienne. temps l'établissement de relations diplomatiques avec l'Al-
lemagne fédérale .
La presse égyptienne poursuit ses invectives contre
" l'impérialisme ·ouest-allemand" · Les déclarations d'un
haut fonctionnaire de Bonn qui a accusé le gouverne-
ment Nasser de s'être laissé manœuvrer par Moscou ser-
vent à l'occasion de prétexte. Devant les injures profé-
rées, Bonn demande des excuses. Sans succès. Deux Les Incidences de la crise
couples allemands, accusés d'espionnage, sont arrêtés au sur le Maghreb
Caire. A Bonn, le chance.lier Erhard doit affronter les
critiques, aussi bien de la part de ceux qui veulent une
réaction plus ferme à l'égard de I'Egypte que de la part
L'imbrica:ion du problème israélien devait fatalement
des milieux, industriels notamment, qui redoutent les con-
transformer la crise germano-égypti·enne en crise germano-
séquences d'une éventuelle rupture avec les pays arabes.
arabe. Sans doute, la position extrême adoptée par le
président Nasser vis-à-vis de Bonn gêne-t-elle certains
Toutefois, le chancelier avait affirmé qu'il attendrait de
pays membres de la Ligue arabe, nullement désireux de
connaître les conditions dans l-esquelles serait reçu
rompre avec la République fédérale et de voir cesser
M. Ulbricht. Il attend donc le dimanche 7 mars pour
l'aide qu'elle leur apporte. C'est le cas de la Jordanie~
·annoncer l'intention de son gouvernement de reconnaître
C'est le cas de trois pays maghrébins : Libye, Tunisie et
l'Etat d'Israël et de nouer des relations diplomatiques avec
Maroc, si ce n'est même celui de l' Algéri·e (1) dont la
Tei-Aviv, ainsi que la décision de suspendre l'aide éco-
modération pratique a été remarquée .
nomique à la R.A.U .

La chose se négociait en fait depuis quelques. semaines. Pourtant, la position prise le 7 mars par le chancelier
Isolé des capitales européennes, notamment de Londres Erhard provoque des réactions en chaîne .. Hassan Il · an-
et de Paris qui s'inquiètent de la cris·e germano-arabe nule son voyage à Bonn. La Syri·e et la Jordanie affirment
et manifestent des réserves à l'égard de l'attitude ouest- qu'elles rompront avec l'Allemagne fédérale si cette der-
allemande, le gouvernement de Bonn n'a cessé de béné- nière reconnaît Israël. Enfin, imit·a nt la décision prise par
ficier de l'appui américain. Selon certains observateurs, la R.A.U. , l'Irak rappelle son ambassadeur à Bonn. Le
le passage à Tei-Aviv de M. Harriman, sous-secrétaire
d'Etat, dans · les jours qui précédèr·ent le voyage de
(1) Prenant la parole à l'occasion du 1" mai , M. Ben Bella
M. Ulbricht, ne visait à rien d'autre qu 'à rassurer Israël affirme qu ' Israël doit disparaître, " par des moyens pacifiques ou
quant aux livraisons d'armes promises et quant à l'atti- par les armes " • mais en précisant finalement : "Nous souhaitons
certes qu 'une solution pacifique intervienne , mais qu'il soit entèndu
tude de Bonn. que notre solution pacifique s'entend par la disparition d'Israël •.
·'

. LES RELATIONS GERMANO-ARABES, ISRAEL ET LE MAG!-IREB 5

Conseil de la Ligue arabe adopte un certain nombre de ment parce que je méprise ce sentiment ma.is aussi parce
recommandations ·proposées par le Comité palestinien de que, chez les Arabes, il empêch·e· toute action lucide ... ., (1)
libération concernant le rappel des ambassadeurs arabes Choc psychologique donc. De retour à Amman, il déclare :
auprès de Bonn, le soutien de la position égyptienne et « L'affaire palestinienne requiert u.ne solutio.n pacifique
la cessation de la coopération économique avec l'Alle- dans laquell-e il n'y aurait ni vainqueur, ni vaincu " ·
magne de l'ouest. Il ne s'agit bien .que de recommanda-
tions. Quant au président Nasser, il définit de nouveau Le second évènement est corollaire du premier : la
la position égyptienne : reconnaissance dei la République presse arabe s'empare de cette déclaration, la grossit,
démoc ratique allemande si l'Allemagne fédérale reconnaît la critique, la déforme à l'occasion. Le climat dans le.quel
Israël. se déroule son séjour à Beyrouth sera tout autre que
celui qu'a trouvé M. Bourguiba au Caire et en Jordanie.
Quelques semaines plus tôt, M. Habib Bourguiba avait Mais alors même que la tension germano-arabe s'accroit
commencé par Le Caire une tournée des capital·es arabes avec l'intention · exprimée par le chancelier Erhard de
qui devait se prolonger par la visite de l'Iran, de la Tu r- reconnaître Israël, l'intérêt des capitales arabes se dé-
quie, de la Yougoslavie et de la Grèce. Dans l'esp rit du place : il. ne s'agit plus seulement de l'Allemagne de
président tunisien, ce voyage ne prétendait à rien d'autre l'ouest et d'Israël mais d'Israël ·et de Bourguiba. A Bey-
qu 'à consacrer la réconcil iation de son pays - et de routh, un complot contre le chef d'Etat tunisien est dé-
lui-même - avec les Etats de l'Orient arabe, tout parti - couvert et des Syriens venus dàns le but de l'assassiner
culièrement avec la R.A.U: par où débutait ce péri ple. sont arrêtés.

Au Caire, le président Bourguiba précède d'ailleurs M. Habib Bourguiba n'en est que plus décidé à faire
M. Ulbricht, accueilli deux jours après son départ. Avec front. Au cours d'une conférence de presse qui devient
le colonel Nasser, le dialogue ·est cordial. Le président vite orageuse et où il est fréquemment interpellé, le pré-
tunisien n'hésite pas à reconnaître le leadership du pré- sident tunisien parle des Palestiniens, c ritique l'immob.i-
sident Nasser et. de la R.A.U. sur l'ensembl·e du monde lisme arabe, .plaide en faveur d'une solution " réaliste,.,
arabe. La question des relations germano-égyptiennes est "par étapes» - en un mot bourguïbienne - du pro-
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naturellement évoquée. Le communiqué publié le 22 fé- blème. Au lieu de maintenir les réfugiés dans l'inaction,
vrier à l'issue du séjour de M. Bourguiba contient une on aurait pu les mettre en situation . de combattre pour
condamnation de la politique allemande en affirmant que recouvrer leur patrie. Ils auraient trouvé un appui logis-
les fournitures d'armes à Israël constituent <<un encou- tique dans les pays frères voisins. Selon une version
rag ement à l'agression israélienne et une sérieuse menace différente, il souligne que l'Etat d'Israël représente un
co.ntre tous les pays arabes " · " fait colonial "• ce qui implique sans doute de rechercher
l'élimination du «colonisateur,. mais également la recon-
· · Il n'y a donc apparemment pas de fausse note. On naissance du «fait, et la recherche d'une solution par
retrouve les mêmes termes dans le ·communiqué pu bli é voie pacifique, par des négociations, en établissant tout
le même jour par le Conseil de la Ligue arabe où sié- d'abord une base de discussion acceptable pour les par-
. geaient les représentants des treize Etats membres. Ces ties en cause .
. derniers expriment leur solidarité avec la R.A.U. Le pro-
blème des livraisons d'armes est là aussi défini comm'e Les interlocuteurs n'ont guère retenu dans les propos
,, une menace contre les Arabes de Palestine, contre tous du chef d'Etat tunisien que la reconnaissance du fait -
les Etats arabes et la paix du monde en génér·al " · Si du entendant par là : le fait israélien. Les gouvernements du
moins, à cette date, le Conseil n'avait pas enc·ore envi- Proche-Orient et l'opinion arabe en général ont fait de
sagé les mesures à prendre en cas de reconna issance même. M. Bourguiba devait se rendre en Irak. Mais pen-
de I'E!at d'Israël par Bonn, il semble ne pas faire de doute dant son séjour ·en Iran, des manifestations ont lieu dans
que M. Bourguiba a prévenu le président Nasser que la les rues de Bagdad : l'ambassade d'Allemagne est la pre-
Tunisie, dans cette éventualité, ne. romprait pas avec mière v!sée ; il semble que l' intention des manifestants
Bonn. qui associai·ent le nom de Bourguiba aux slogans hostiles
proférés à l'adresse de l;:t R.F.A. ait été de marcher éga-
Dans plusieurs interviews acc ordées à son retour à lement sur l'ambassade de Tunisie ; 'un cordon de pro-
Tunis, le président tunisien a même rapporté qu'il avait tection établi par l'armée irakienne les ·en empêche. C'est
abordé le problème israélien avec ·l e raïs et exprimé à alors que le ministre de l'Intérieur du gouvernement ira-
celui-ci sa propre manière de voir. Du moins ne s'agissait- kien fait savoir à M. Habib Nouira, ambassadeur de Tuni-
il que d'échanges de vues en tête-à-tête. M. Bourguiba sie à Bagdad, que la sécurité du président Bourguiba ne
a également indiqué qu'il n'avait alors aucune intention peut être ·assurée s'il ne renonce pas à sa visite. M. Bour-
d'évoquer publiquement le problème. · guiba renonce.

Les remous s'apaisèrent quelque peu jusqu'au retour


Or, deux évènements surviennent' · sur ces entrefaites.
à Tunis, le 9 avril, du président Bourguiba. Les interviews
Tout d'abord, hôte du roi Hussein, en Jordanie, le prési-
qu'il a accordées à plusieurs journalistes occidentaux per-
dent Bourguiba visite à Jéricho les camps de réfugiés
mirent de mieux connaître les positions qu'il avait défen-
palestiniens : « Cela, dira-t-il, m'a fait prendre une con-
dues devant ses interlocuteurs arabes. Mais il y a plus :
science encore plus pénibl·e des rèsponsabilités que les
le président Bourguiba n'a pas simplement formulé une
peuples arabes avaient assumées pendant ces dix-sept
dernières années. Ces réfugiés sont' entretenus à la fois
dans des espérances chimériques et des haines stériles.
(1} Propos rapportés par Jean Daniel : • Le Nouvel Observateur •,
Si je suis mal à l'aise dans la haine·, ce n'est pas seule- 15 avril 1965.
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position, il s'est muni d'un dossier. Il a fait sienne, à sa même s'il se trouve, comme l'a dit le chef d'Etat tunisien,
manière, la cause palestinienne et entend la défendre. qu ' ils pensent tout bas ce que M. Bourguiba dit tout haut.
Elle est devenue le leitmotiv de ses discours a!Jx étudiants Les Israéliens refusent avant tout la base . de discussion
et cadres du Destour. Enfin, il a rédigé à l'intention du suggérée qu'ils estiment dépass~e. même si, dans l'esprit
président Nasser un memorandum où sa position et ses de M. Bourguiba et dans une perspective "bouguibienne "•
propositions sont clairement et habilement formulées ; la base de discussion importe peu dès lors qu'on accepte
elles sont assorties d'une offre de médiation. de pa~er. ·

Sa position, M. Bourguiba l'a condensée en ces ter- Il est vrai qu'à Tei-Aviv on rend hommage au courage
mes: " Il n'existe pas d'autre alternative que la négocia- du président de la République tunisienne, alors que dans
tion. Négocions donc, oui, pourquoi pas ? Mais sur des les capitales arabes on persiste à voir en lui un •• traître "
bases raisonnables, des bases que nous aurons choi- à la cause arabe. Pourtant, peut-être tout d'abord décon-
sies» (1). Ces bases, ce sont pour lui ·les recommandations certée, l'opinion tunisienne fait corps avec son leader.
formulées par I'O.N.U. en 1948, qui prévoyaient le retour Les manifestations qui, à Tunis, le 27 avril, ont dégénéré
des réfugiés et la restitution aux Arabes de certains terri- en émeutes contre les ambassades égyptienne, irakienne
toires qu'Israël avait conquis par les armes. et syrienne, sont assez significatives.

La négociation implique le contact. Mme Golda Meïr, Elles ont entraîné le rappel des ambassadeurs de ces
ministre israëlien des Affaires étrangères, affirma le 15 pays par leurs gouvernements, mais il ne s'agit pas de
avril dans une interview : " Nous serions très heureux de rupture. Les réactions arabes les plus extrêmes, notam-
recevoir le président Bourguiba et de discuter avec lui ment celle de M. Ahmed Choukeiri, président de l'Orga-
des moyens de réaliser la paix entre les pays arabes et nisation pour la libération de la Palestine, n'ont pu déci-
Israël "· Ballon d'essai qui devait provoquer de la part der les treize Etats membres du Conseil de la Ligue arabe
d 'un porte-parole tunisien l'affirmation qu'il n'en était pas à prendre des sanctions contre la Tunisie et son chef,
question . M. Bourguiba a lui-même été beaucoup moins encore moins à prononcer leur exclusion.
formel : " Moi , si j 'étais un dirigeant palestinien, je n'hési-
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terais pas et j'accepterais de rencontrer les dirigeants On ne saurait dire encore si la raison de cette modé-
israéliens " · ration du Conseil de la Ligue, au cours de sa réunion
du 28 avril, tient à l'habileté avec laquell-e M. Bourguiba
Or, M. Bourguiba n'est pas un dirigeant palestinien. a formulé ses thèses ou à un commencement de •• dégel
Dans sa pensée, les deux interlocuteurs du dialogue se- des positions arabes "• constaté par les dirigeants israé-
raient Israël et la R.A.U., cette dernière en raison même liens, et dont on serait de toute façon redevable à l'ini-
de son caractère de leader. M. Bourguiba fait volontiers tiative de M. Bourguiba. Il ne fait néanmoins pas de doute
écho aux propos fort politiques du président Nasser à que le problème israélien - et le problème des réfugiés
la revue " Réalités " (avril 1965) . Mais ses propositions palestiniens -s·e trouve posé de nouveau et dans des
n'ont reçu un accueil favorable ni du côté des dirigeants termes nouveaux. Le dossier dont M. Bourguiba n'a aucune
arabes, notamment des Palestiniens, ni du côté d ' Israël, envie de se dessaisir est désormais un dossier réouvert.

LE MAGHREB DANS LES ORGANISMES INTERNATIONAUX

Nations Unies 10 mars. - Entretien Thant-Bouattoura, représentant de


l'Algérie à I'O.N.U., portant sur le règlement de la crise
financière des Nations Unies.
1"' mars. - Ouvertu re de la 37" session du Conseil
économique et social (dont l'Algérie fait partie). L'Algérie 12 mars-6 avril. - Entremise de l'Algérie dans la ten-
soulève à nouveau la question de l'admission de la Chine tative de médiation effectuée par M. Thant dans la ques-
et vote contre la nomination des représentants de For- tion du Vietnam-Sud : le 12 mars, entretien Thant-Bouat-
mose au bureau du Conseil. toura à la demande de ce dernier qui souligne l'impor-
tance que l'Algérie attache à la fin de l'intervention amé-
8 mars-30 avril. - Session du Comité spécial sur l'apar-
ricaine au Vietnam-Sud ; le 13, départ de M. Bouattoura
theid (dont l'Algérie est membre) . Le 9 mars, communiqué
pour Alger ; 30-31 mars, visite à Alger .de M. Chou En-lai ;
du Comité exprimant son inquiétude devant la poursuite
publication le même jour de l'appel de 17 pays non enga-
des procès engagés par l·e gouvernement sud-africain gés (dont l'Algérie ·et la Tunisie) en faveur d'une négo-
contre les adversaires de l'apartheid. Le 10, l'Algérie ré- ciation au Vietnam-Sud ; le 6 avril, entretien Thant-Bouat-
clame l'application de sanctions économiques et politiques toura à New-York. M. Bouattoura est porteur d'un message
contre l'Afrique du Sud.
du président Ben Bella pour le secrétaire général de
I'O.N.U. A l'issue de cet entretien, il précise à la presse
que M. Thant l'avait chargé de connaître, lors de la visite
(1) Propos rapportés par J. Ben Brahem, " Jeune Afrique •. n• 232,
16 mai 1965. Chou En-lai à Alger, l'opinion du gouvernement chinois

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