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Chapitre III

L’Atlantide au présent

Des théories pour tous les goûts

Nous avons déjà eu l’occasion de dire combien était abon-


dante la documentation relative à l’Atlantide. De même quant
à la quantité de chercheurs qui se sont penchés sur la question :
à défaut de pouvoir les citer tous, nous nous abstiendrons de
donner une liste de noms qui serait très incomplète. Mais nous
aurons l’occasion de rencontrer en cours d’étude un certain
nombre de ces chercheurs. Quant aux théories, qui se résument
finalement à une tentative de localisation de l’île Atlantide,
elles seraient au nombre de vingt-quatre, d’après le dernier
recensement effectué par Pierre Carnac. Mais les choses vont
vite en atlantologie : depuis peu, une nouvelle hypothèse a vu
le jour. Si nous n’y croyons guère, elle présente au moins l’inté-
rêt d’être la petite dernière. Elle est l’œuvre d’un professeur
d’histoire de Gand (Belgique), Marcel Mestdagh, qui place en
toute simplicité le continent perdu en Île-de-France…
Nous ne nous perdons pas dans les méandres de ces thèses
vraiment très audacieuses, et nous nous contenterons — ce qui
ne sera déjà pas si mal — d’examiner les trois hypothèses
actuellement défendables d’un point de vue scientifique, à
savoir : Héligoland, Santorin, et les archipels atlantiques, avec
la variante Bimini. Dans la mesure du possible, nous resterons
neutres tout au long de cette présentation. Nous aurons large-
ment l’occasion, dans les chapitres suivants, de présenter
« notre » Atlantide.

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Les Atlantes

Héligoland

Cette première hypothèse, nous la devons à un pasteur d’ori-


gine autrichienne, Jürgen Spanuth. Professeur de théologie,
d’histoire ancienne et d’archéologie, Spanuth se passionna dès
1933 pour le problème de l’Atlantide. Il orienta rapidement ses
recherches vers les anciennes civilisations nordiques, entrepre-
nant de nombreux voyages d’étude au Danemark, en Suède et en
Norvège. Ses travaux débouchèrent finalement sur une théorie
particulièrement originale, localisant la mythique Atlantide de
Platon au « pays de l’ambre des Anciens », c’est-à-dire à Héligo-
land, îlot rocheux actuellement isolé en mer du Nord, mais
anciennement rattaché au continent.
Le point de départ de la théorie de Spanuth fut la découverte,
en 1927, du temple de Médinet Habou, dans l’ancienne Thèbes
égyptienne. Ce temple avait été construit entre 1200 et 1168
avant J.-C. par le pharaon Ramsès III, et était décoré de gravures
tout à fait particulières.
En effet, ces inscriptions et bas-reliefs racontaient les démê-
lés du pharaon avec ce que l’on a appelé les « Peuples de la
mer ». L’observation attentive des fresques permit à Spanuth
d’assimiler les Peuples de la mer aux peuplades qui habitèrent
e
l’Europe du nord au XIII siècle avant J.-C. On estime générale-
ment qu’elles constituèrent les trois plus anciennes tribus
germaniques : Frisons, Saxons, Danois.
Ces peuples nordiques développèrent une civilisation impor-
tant dès 2400 avant J.-C. Ils commerçaient activement avec la plu-
part des pays du monde antique : Égypte, Grèce, Asie mineure,
Gaule… Ils exportaient leurs spécialités : objets en cuivre, fourru-
res, et surtout ambre jaune. Rappelons que l’ambre jaune — qu’il
ne faut pas confondre avec l’ambre gris — est une résine fossile
dure, cassante, provenant de la lignite. L’ambre jaune est presque
transparent, d’une couleur qui varie du jaune pâle au rouge. Appe-
lée elektron par les Grecs, cette résine fut très appréciée des peuples
de l’Antiquité, qui la sculptaient pour en faire des objets de valeur,

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De Platon à Cousteau

tels figurines, amulettes, colliers et manches de couteau. À cette


époque, le seul endroit probablement connu et exploité était pré-
cisément la région d’Héligoland.

Les Peuples de la mer, guerriers comme il se doit, quittèrent


leurs terres d’origine vers 1250 avant J.-C., selon Spanuth.
Poussés vers le sud par une série de catastrophes naturelles, ils
se mirent à la recherche de contrées plus clémentes, et s’instal-
lèrent provisoirement à hauteur des Alpes orientales et en Hon-
grie, sur les bords du Danube.
Bientôt, cependant, ils durent reprendre la route : de nom-
breux et violents séismes et éruptions volcaniques bouleversè-
rent l’Europe d’alors, provoquant entre autres l’effondrement
du littoral voisin d’Héligoland dans la mer du Nord. Deux
armées se formèrent : la première se dirigea vers l’Italie, l’autre
vers la Grèce. Les royaumes grecs succombèrent rapidement à
l’invasion de ceux que nous connaissons sous le nom de
Doriens, et seule Athènes résista victorieusement. Puis l’armée
orientale poursuivit sa route vers le sud, jusqu’à atteindre les
frontières de l’Égypte par l’est. Quant à l’armée d’Italie, elle
passa en Afrique du Nord et, s’alliant aux Libyens, viola la fron-
tière occidentale égyptienne. Les combats qui s’ensuivirent
furent terribles, mais la victoire finale revint aux Égyptiens, qui
refoulèrent leurs ennemis vers l’ouest, vers les régions saharien-
nes. Les chars de guerre nordiques impressionnèrent fortement
les populations locales qui traduisirent leurs sentiments par des
fresques demeurées célèbres. Nous reverrons cette question
dans la troisième partie.

Qu’en est-il maintenant de l’Atlantide proprement dite ?


Nous l’avons dit, selon Spanuth, elle est assimilable à
l’ancienne côte de la région d’Héligoland. Quant à la cité royale
de Platon, la capitale de l’Atlantide, il s’agit de l’actuelle île
d’Héligoland elle-même. Des recherches sous-marines ont
naguère été entreprises aux alentours immédiats du rocher. On

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Les Atlantes

y a trouvé les restes d’une enceinte et les ruines d’une cité. Les
datations des matériaux recueillis sur place situent la construc-
tion de la ville à l’âge du bronze (deuxième millénaire avant
notre ère). Mais les fouilles ont dû être interrompues, faute de
moyens financiers.

Santorin

L’hypothèse « Santorin » est sans doute la plus à la mode


actuellement. Elle place la mythique Atlantide en Méditerra-
née, du côté de la Crète et de l’île de Santorin, la plus méridio-
nale des îles Cyclades. Parmi les défenseurs de cette théorie,
nous retiendrons plus particulièrement les noms de Spiridon
Marinatos, l’archéologue découvreur des trésors archéologi-
ques de l’île, et du commandant Cousteau.
L’île se présente sous la forme générale d’un croissant. En
outre, il existe trois îlots dont l’un, au centre du lac intérieur,
est un volcan toujours en activité. La hauteur des falaises est de
250 m environ. Quant à la profondeur du lac, elle varie de 200
à 400 m. Le volcan de l’île centrale est celui-là même qui
déclencha ce que l’on a appelé « la catastrophe de Santorin ».
Avant celle-ci, l’île présentait une forme ronde ; elle s’appelait
d’ailleurs « la circulaire ». Elle avait été colonisée vers 4000
avant J.-C. par des Proto-Grecs, qui allaient fonder l’empire cré-
tois vers 3000 avant notre ère.

En 1500 avant J.-C., la Crète est à l’apogée de sa puissance.


Elle dispose d’une flotte importante, et commerce avec toute la
Méditerranée, entre autres avec l’Égypte. C’est à cette époque
que le volcan de l’île commence à se réveiller, et plusieurs érup-
tions secouent Santorin ; sans grande gravité cependant. La
catastrophe va survenir en 1470 : une éruption d’une violence
extrême se déclenche, cinq fois plus puissante environ que
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celle du volcan de Krakatau, en 1883. Quelque 60 km de
matière sont expulsés par le volcan, créant sous l’île une cavité

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De Platon à Cousteau

énorme, qui se remplit de gaz. Bientôt, la pression interne


devient si forte que la voûte de la cavité explose, provoquant
l’effondrement d’une grande partie de l’île dans le trou ou cal-
dera ainsi formé. La mer est d’abord aspirée dans cette cavité,
puis elle rejaillit pour former une vague monstrueuse haute de
100 m ! Ce raz de marée va déferler sur la Crète distance de
110 km seulement, détruisant en quelques instants la splen-
dide civilisation crétoise…

On trouve trace de cette catastrophe dans de nombreux écrits et


légendes. Ainsi, plusieurs traditions grecques évoquent une grande
inondation, provoquée par une « vague gigantesque qui survient à
la suite d’un bruit terrifiant ». À l’origine de ces raz de marée légen-
daires, on trouve généralement une dispute entre dieux.
Du côté égyptien, on constate que toute référence à la
Crète cesse brutalement sous Aménophis II, soit vers 1450
avant J.-C. Un papyrus égyptien mentionne même expressé-
ment l’interruption brutale du commerce avec la Crète.
Outre la forme particulière de l’île, les traces de cette catastro-
phe sont encore bien visibles aujourd’hui. C’est ainsi qu’on a
mis au jour les ruines d’une petite ville enfouie sous les
cendres : Akrotiri. Mais, contrairement à sa consœur Pompéi, il
semble bien qu’Akrotiri ait été évacuée à temps, puisqu’on n’a
retrouvé aucun corps.

La catastrophe de Santorin est donc un fait bien établi : les


traces — nous dirons même les preuves — sont nombreuses,
tant dans les écrits et les légendes que sur le sol même de l’île.
Le commandant Cousteau a même retrouvé, dans le port
d’Héraklion, et aux abords de la petite île de Dia, de nombreux
bateaux coulés par le raz de marée. Mais peut-on dire pour
autant que Santorin égale l’Atlantide ? Selon Marinatos et
Cousteau, les choses sont claires. Leur hypothèse d’une Atlan-
tide méditerranéenne est basée sur une interprétation particu-
lière des textes de Platon. En effet, la transmission du récit fait

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Les Atlantes

à Solon par les prêtres de Saïs aurait été approximative, le temps


écoulé entre Solon et Platon ayant été trop long (170 ans), et les
vecteurs trop nombreux (cinq personnes sans doute, dont on
peut mettre en cause l’infaillibilité de la mémoire). Ainsi, lors-
que Platon écrit que « l’Atlantide était plus grande que la Libye
et l’Asie », il faudrait lire que « l’Atlantide se trouvait à mi-
chemin entre la Libye et l’Asie ». En effet, « plus grande que »
se traduit par meson, « à mi-chemin de » se traduit par mezon.
Évidemment, dans cette nouvelle traduction, l’île légendaire
ne peut se situer qu’en Méditerranée.
Mais ce n’est pas tout ! Une deuxième erreur se serait intro-
duite dès le départ. Elle serait due à une mauvaise connaissance
par Solon de l’écriture égyptienne. En effet, le nombre « 1000 »
y est représenté par une fleur de lotus, le nombre « 100 » par une
cordelette nouée. Confondant les deux hiéroglyphes, Solon
aurait lu « 9 000 ans » au lieu de « 900 ans ». Et voilà la catastro-
phe considérablement rajeunie, puisque les partisans de l’Atlan-
tide méditerranéenne placent ainsi l’événement 900 ans avant
Solon, c’est-à-dire en 1470 avant J.-C., ce qui coïncide bien avec
la date avancée pour l’explosion de Santorin.
Reste un dernier point délicat : le problème des dimensions.
En effet, Platon parle, pour la plaine royale, d’une longueur de
3 000 stades, pour une largeur de 2 000 (soit 500 x 300 km envi-
ron, le stade étant compris entre 147 et 192 m). Mais, toujours
en considérant qu’il faut lire « cent » chaque fois que Platon a
écrit « mille », on en arrive à peu près aux dimensions de la
plaine de Cnossos.

Les archipels atlantiques

Bimini

La troisième hypothèse va nous emmener dans l’océan


Atlantique, et tout d’abord dans sa partie ouest, exactement

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De Platon à Cousteau

dans l’archipel des Bahamas, à l’est de la Floride. Une des îles de


cet archipel s’appelle Bimini. Sa découverte remonte à 1512.
Elle fut conquise par Ponce de León, lieutenant de Christophe
Colomb.
Nicole Torchet nous apprend (Kadath, n° 44) que le but
secret de l’expédition était de découvrir la fameuse « fontaine
de jouvence », traditionnellement placée dans les terres occi-
dentales. Celles-ci ne sont donc pas toujours synonymes
(notons-le en passant) de « terre des morts », mais aussi, en
opposition, de « terre de jeunesse ».
Edgar Cayce, bien connu pour ses extraordinaires diagnos-
tics médicaux réalisés sous hypnose, révèle, dans une série de
visions dont la dernière remonte à l’année 1940, que « l’on
trouverait des preuves de l’existence de l’Atlantide dans les
Pyrénées, au Maroc…, et que, si l’on effectuait des sondages
géologiques aux Bahamas, et notamment aux abords de
Bimini, on trouverait certainement des preuves
déterminantes ». Bien plus, il prédit que la partie ouest de
l’Atlantide surgirait des flots en 1968 ou 1969 !
Et justement, en 1968, deux pilotes survolant la région
voient apparaître, à travers l’eau claire, au large de Bimini, une
structure engloutie. L’endroit se trouve au large de North
Bimini, à proximité d’un endroit appelé Paradise Point.
Deux homes vont bientôt s’occuper scientifiquement de
Bimini : Manson Valentine, conservateur honoraire du musée
des Sciences de Miami, et Dimitri Rebikoff, expert en photogra-
phies sous-marines.
Les premières recherches effectuées par Rebikoff permettent
de localiser un mur de 60 m de long. Aussitôt, la controverse
démarre : un certain Harrison, expert en géologie, conclut que
l’ensemble est d’origine strictement naturelle, alors que les
inventeurs parlent déjà de « vestiges de l’Atlantide ». En 1970,
Rebikoff trouve un autre mur, parallèle au premier, et rejoi-
gnant celui-ci à une extrémité, pour former un « U ». Rebikoff
y voit les structures d’un port atlantique.

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Les Atlantes

Le mur est composé de dalles rectangulaires. Les plus petites


font 1 m x 1,50 m, les plus grandes font 3 m sur 4. De récentes
études ont démontré que, contrairement à ce qu’affirmait Har-
rison dans son rapport, le matériau des dalles est différent du
support géologique : ces dalles proviennent vraisemblable-
ment de South Bimini, à 10 km de là. Cependant, une certaine
école refuse obstinément de reconnaître ces résultats, et se base
toujours sur les vieilles analyses de Harrison. Et c’est ainsi que
l’on peut encore lire que Bimini n’est pas autre chose qu’un
« canular »… Pourtant, les éléments sont maintenant suffi-
samment nombreux, qui plaident en faveur d’une origine arti-
ficielle de la structure : différence de matière entre le fond
océanique et les dalles, aspect régulier de la structure, existence
de supports aux quatre coins des dalles, ces dernières étant
donc surélevées, et ne reposant pas sur le sol !
S’il est maintenant prouvé que la construction de Bimini est
bien une construction d’origine artificielle, il reste à répondre
à deux grandes questions, à savoir : quand et qui. Pour résoudre
la première question, il suffit de se pencher sur les variations du
niveau marin dans cette région. On sait en effet que l’archipel
s’enfonce régulièrement dans l’océan, et ce depuis environ
quinze mille ans au moins. Le calcul, établi par trois spécialistes
américains, montre que les structures de Bimini étaient encore
émergées voici huit à dix mille ans. Cette période représente
l’âge minimum de ces structures, puisqu’il faut supposer
qu’elles furent utilisables à l’air libre seulement.
Pour répondre à la deuxième question, nous devons exa-
miner le passé lointain de l’Amérique. Lorsqu’on examine la
préhistoire de cette région du monde, on s’aperçoit
qu’aucun peuple connu n’était culturellement apte à cons-
truire pareil ensemble qu’il faut bien qualifier de mégalithi-
que. Cependant, certaines fouilles récentes ont permis
d’exhumer, en Floride, des vestiges d’hommes de Cro-
Magnon. Les datations par carbone-14 donnent une ancien-
neté de dix mille ans environ. Cette découverte est

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De Platon à Cousteau

fondamentale : non seulement elle remet en question tout


ce que l’on connaissait de la préhistoire américaine, mais elle
permet de relier Ancien et Nouveau Monde par ce véritable
« fil conducteur » qu’est l’homme de Cro-Magnon, dans
notre recherche de l’Atlantide.
Il reste évidemment encore beaucoup à faire à Bimini. Il faut,
bien sûr, continuer l’étude entreprise sur le mur, et entamer
l’examen des autres constructions qui ont été repérées dans les
environs — dont ce qui semble bien être une pyramide ! Qui
osera financer une entreprise de cette envergure ? demande
Pierre Carnac, un des meilleurs spécialistes français du site. La
question demeure, hélas ! en suspens.

Les Açores

Traversons à présent l’Atlantique, en direction du Vieux


Continent. C’est dans la partie est de l’océan que la majorité des
atlantologues ont cru pouvoir localiser l’Atlantide. Ainsi, Atha-
nase Kircher et, plus tard, Paul Schliemann avaient émis
l’hypothèse que l’archipel des Açores constituait l’ultime ves-
e
tige du continent disparu. Au XX siècle, de nombreux cher-
cheurs abondèrent en ce sens. Par exemple, Paul Le Cour,
fondateur de l’association Atlantis, supposait une Atlantide
centrée sur les Açores, et rattachée en outre à une autre grande
terre mythique : l’Hyperborée.

Actuellement, cette hypothèse est toujours de celles que


défendent Atlantis et son président, Jacques d’Arès. Enfin,
l’Autrichien Otto Muck développa une théorie très complète,
qu’il exposa dans un premier livre dès 1954, lequel fut suivi
d’un second, deux ans plus tard. Les hypothèses de Muck, qui
viennent d’être rééditées en français, résistent toujours, dans
l’ensemble, à l’analyse la plus critique. C’est pourquoi nous
nous en inspirerons largement dans ce tour d’horizon des
hypothèses.

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Les Atlantes

Avant de parler de localisation précise, nous croyons indis-


pensable d’essayer de définir le plus exactement possible la géo-
graphie de l’Atlantide. Pour cela, il nous faut une nouvelle fois
reprendre les textes de Platon. Une lecture attentive nous
apprendra que, si les Atlantes étendaient au loin leur domina-
tion, l’Atlantide elle-même était constituée d’une seule île. Une
plaine occupait la moitié environ de la superficie totale ; le
relief comportait aussi des « montagnes descendant jusqu’à la
mer ». C’est sur une des montagnes de plus faible altitude que
devait s’élever la « cité royale », primitivement demeure de
Clito, l’épouse de Poséidon. Critias nous apprend encore que la
plaine avait la forme d’un quadrilatère oblong, qu’elle mesurait
en longueur 3 000 stades et, dans sa largeur médiane, 2 000 sta-
des. Compte tenu du fait que cette plaine représentait environ
la moitié de la surface de l’île, et selon la valeur que l’on prend
pour le stade, on arrive à une superficie totale variant entre
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moins de 250 000 km , et à peu près 430 000 km . Muck admet
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400 000 km , ce qui lui permet de rester en accord avec le relief
sous-marin de la région des Açores, dont nous allons reparler.
Quant au climat, il était particulièrement agréable dans la
région de plaine qui « était, dans toute la longueur de l’île,
exposée au midi et à l’abri des vents du nord ». Cette douceur
nous fait évidemment penser à deux éléments climatiques
importants : les alizés et le Gulf Stream. La carte ci-après, direc-
tement inspirée des travaux de Muck, représente l’île Atlantide,
compte tenu des éléments de relief et de climat que nous
venons de signaler. Nous y retrouvons la zone montagneuse,
dont les plus importants sommets étaient, au dire de Platon, les
plus hauts du monde d’alors. Y figurent également la plaine
oblongue et l’antique cité primitive. L’encadré de droite nous
montre l’emplacement de l’île : en plein Atlantique, devant les
colonnes d’Hercule, et dans la région précise des Açores (Fig. 1).
L’archipel des Açores se rattache à une chaîne de montagnes
sous-marines, la dorsale atlantique. Celle-ci, courant sans
interruption des abords de l’Antarctique jusqu’à l’Islande,

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De Platon à Cousteau

sépare l’océan en deux bassins, occidental et oriental. La carte


présentée ici fait clairement apparaître cette épine dorsale du
fond océanique (Fig. 2).
On remarque au premier coup d’œil l’élargissement qui se
manifeste dans la région des Açores. Cet élargissement dessine
très naturellement la silhouette d’une formation engloutie. Mais
nous en resterons au stade de la suggestion, car ce qui est dessiné
sur la carte ne représente que le tracé de l’isobathe 2000, et non
les contours précis de notre hypothétique île Atlantide. Cette
formation sous-marine possède de nombreuses montagnes,
dont quelques-unes sont tellement hautes qu’elles crèvent la
surface de l’océan, formant ainsi l’archipel des Açores. Le plus
haut sommet de cette formation — et donc de l’archipel des Aço-
res — est le célèbre Pico, un volcan comme la plupart des mon-
tagnes de cette région du monde. Actuellement, le Pico se dresse
à 2 351 m au-dessus du niveau de l’océan. Une simple addition
suffit pour se faire une idée de la hauteur que ce sommet attein-
drait, si le massif entier était émergé : c’est alors à plus de 6 000 m
que le Pico culminerait ! Donnons la parole à Otto Muck :
« Laissons un instant libre cours à notre imagination. Et suppo-
sons qu’une circonstance imprévue provoque un soudain abais-
sement de 3 000 m des eaux de l’Atlantique Nord. […] Nous
verrions en ce point, et là uniquement, émerger un puissant
massif montagneux, de grande altitude avec des pentes abrup-
tes, en plein travers des flots du Gulf Stream. […] »
Les Atlantes

Figure 1 — Selon la théorie d’Otto Muck, l’île Atlantide occupait


l’emplacement des Açores actuelles.

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Cartes

Figure 2 — Cette carte de l’Atlantique met en évidence l’épine


dorsale qui partage l’océan en deux bassins.

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