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January 5, 2022
Une incroyable « capsule temporelle » vient d'être mise au jour sur le littoral de la
Turquie, tout droit venue de l'une des catastrophes volcaniques les plus terribles de notre
histoire. À l'intérieur ? De nouvelles preuves de cet événement cataclysmique et peut-être
même les tout premiers restes humains de l'une des dizaines de milliers de victimes.
Dans une étude publiée par la revue Proceedings of the National Academy of Sciences le
27 décembre, une équipe internationale de chercheurs présente les traces d'un tsunami
destructeur survenu dans le sillage de l'éruption de Théra. Également appelée éruption
minoenne, c'est elle qui a donné sa forme actuelle à l'archipel de Santorin, il y a près de
3 600 ans.
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imaginée par Platon mille ans plus tard, et l'impact de l'événement se refléterait
également dans le récit biblique des dix plaies d'Égypte. Aujourd'hui encore, Akrotiri, une
cité minoenne ensevelie par les cendres de Théra, est une attraction touristique populaire
souvent comparée à Pompéi.
Une fresque du palais Minoen de Knossos, en Crète. Les Minoens étaient une puissante
civilisation maritime du monde méditerranéen de l'âge du Bronze et l'éruption de Santorin
a bouleversé leurs routes commerciales et leurs infrastructures.
Il est souvent difficile d'identifier les signatures de tsunamis passés, car les indices tels
que les bâtiments effondrés ou les incendies peuvent également être le résultat de
séismes, d'inondations ou de tempêtes. Qui plus est, ce type de preuve peut rapidement
être effacé par le temps, surtout dans des environnements arides comme la côte
égéenne. Alors que les impacts de l'éruption de Théra sont clairement visibles à grande
distance de l'île, jusque dans l'inlandsis du Groenland ou les pins Bristlecone de
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Californie, seuls six sites physiques présentant des traces du tsunami qui a déferlé sur le
pourtour de la mer Égée ont été identifiés à ce jour… et aucun d'entre eux ne rivalise de
complexité avec le site de Çesme-Bağlararası.
« Les tsunamis sont avant tout des événements érosifs, et non pas dépositionnels, d'où
notre enthousiasme à chaque nouvelle découverte ! » déclare par e-mail Floyd McCoy,
professeur de géologie et d'océanographie au Windward College de l'université d'Hawaï.
Également explorateur National Geographic et auteur de différentes études sur l'éruption
et le tsunami de Théra, sans être impliqué dans le nouveau projet, McCoy estime que les
récents travaux apportent une « réelle contribution, non seulement à la recherche sur les
dépôts de tsunamis, mais aussi à travers leur interprétation de l'éruption de Théra durant
l'âge du Bronze. »
De nos jours, les chercheurs établissent des « checklists » toujours plus sophistiquées
pour la recherche de paléo-tsunamis, dans lesquelles figurent les signatures physiques et
chimiques de la vie marine déposée sur terre par les vagues successives ainsi que les
motifs particuliers formés par les dépôts de roches et de sédiments. Par exemple, sur le
site de Çeşme-Bağlararası, les murs de bâtiments effondrés étaient tapissés de
mollusques arrachés à l'océan.
« Je me laisse rarement convaincre par l'hypothèse d'un tsunami, surtout en milieu aride,
car il y a généralement peu d'éléments sur lesquels travailler, » indique Jessica Pilarczyk,
maître de conférences en sciences de la Terre et chaire de recherche du Canada en
catastrophes naturelles à l'université Simon Fraser, non impliquée dans l'étude sur le site
de Çesme-Bağlararası. « Cette fois en revanche, il semble que leur travail s'appuie sur
des preuves solides. »
ET LES VICTIMES ?
L'un des aspects les plus troublants de l'éruption de Théra est l'apparente absence de
victimes. D'après les estimations, plus de 35 000 personnes auraient trouvé la mort dans
le tsunami déclenché par l'éruption du Krakatoa et un bilan similaire a été proposé pour la
période égéenne.
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Comprendre : les supervolcans
« Comment l'une des pires catastrophes naturelles de l'histoire a-t-elle pu être si peu
meurtrière ? » interroge Şahoğlu.
Quoi qu'il en soit, les chercheurs pensent avoir trouvé à Çesme-Bağlararası la toute
première victime de l'événement : le squelette fragmentaire d'un jeune homme en bonne
santé présentant des signes de traumatisme contondant, découvert dans le chaos des
dépôts du tsunami. La dépouille d'un chien a été mise au jour à proximité sous une porte
effondrée. Alors que la datation directe de ces squelettes est attendue pour les prochains
mois, les chercheurs ont bon espoir de les voir correspondre aux dates déjà obtenues
pour les éléments prélevés autour des deux victimes.
VAGUES DE TERREUR
Les chercheurs ont déterminé que quatre vagues de tsunami avaient percuté Çesme-
Bağlararası en l'espace de quelques jours ou semaines. Ce point est particulièrement
intéressant, indique McCoy, qui rappelle que l'éruption de Théra comptait elle aussi
quatre phases ; les chercheurs se demandent depuis longtemps quelle phase de
l'éruption avait bien pu déclencher ce qu'ils pensaient être un unique tsunami.
« La question fait encore l'objet de vifs débats, indique-t-il par e-mail, mais voilà que
deux, trois ou même quatre de ces phases pourraient avoir généré un tsunami, car il
semblerait qu'il y ait eu autant de phases éruptives que de vagues. »
Alors que l'eau reculait entre chaque vague, il semble que des survivants aient saisi
l'opportunité de creuser dans les décombres à la recherche de victimes et de matériaux.
L'un de ces trous a été découvert directement au-dessus du corps du jeune homme, mais
la personne qui creusait s'est arrêtée quelques dizaines de centimètres trop tôt.
Cette volonté apparente de retrouver les corps des victimes laisse entendre que les
survivants souhaitaient enterrer les dépouilles de façon appropriée, probablement dans
des fosses communes afin de réduire le risque de maladie dans le sillage de la
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catastrophe. « L'extrapolation de ce comportement explique l'absence générale de
victimes humaines dans les zones touchées sur le pourtour de la mer Égée, » indique
Driessen.
LE FACTEUR TEMPS
La datation au radiocarbone de neuf nouveaux éléments prélevés dans les dépôts du
tsunami va également relancer un débat de longue date : généralement, l'éruption de
Théra est attribuée à la période du Minoen Récent Ia, associée à la 18e dynastie
égyptienne vers la fin du 16e siècle avant notre ère. Cependant, la datation de bois
prélevé dans les couches de cendre à Akrotiri remonte à la première moitié du 17e siècle
avant notre ère, soit un écart de plus d'un siècle. Cela pose problème aux chercheurs
investis dans la mise en corrélation des chronologies relatives de différentes civilisations
ayant vécu autour de la Méditerranée à la même époque, en ce qui concerne notamment
leurs interactions avant et après la catastrophe.
D'après les chercheurs, l'éruption n'a pas pu se produire plus tôt que la plus ancienne
date obtenue suite à l'analyse des dépôts du tsunami : un grain d'orge découvert à
proximité de la dépouille du jeune homme, daté à 1612 avant notre ère. Des experts
externes à l'étude ont soulevé des questions spécifiques quant à cette méthodologie et le
consensus semble être le suivant : dans l'attente de nouvelles données, le problème de
chronologie ne pourra être résolu par l'état actuel des découvertes sur le site de Çesme-
Bağlararası.
Alors que de nombreuses questions restent en suspens pour les scientifiques qui
s'intéressent à la chronologie de l'éruption de Théra et aux dégâts infligés sur le pourtour
de la Méditerranée à l'âge du Bronze, les chercheurs espèrent que cette étude incitera
les archéologues en mission dans la région à porter un regard nouveau sur leurs fouilles
afin d'identifier les traces discrètes laissées par l'une des catastrophes naturelles les plus
dévastatrices de l'histoire. De son côté, Şahoğlu souhaiterait que cet incroyable site
archéologique au beau milieu d'une station balnéaire prisée devienne lui aussi un jour
une attraction touristique à part entière.
Par ailleurs, cette étude pourrait déclencher une prise de conscience dans la population
générale voire une certaine anticipation, déclare Pilarczyk, qui étudie les catastrophes
côtières du passé, mais également les risques actuels et à venir. « Quand on parle de
tsunami, il y en a si peu et si rarement, parfois des siècles se passent sans événement
majeur. Il n'y a pas vraiment de conscience culturelle transmise d'une année à l'autre et la
population se croit donc à l'abri. »
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