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LES RISQUES SISMIQUES

QUE PEUT LA SCIENCE ?

Les catastrophes « naturelles » n'ont rien de naturel...


On ne se méfie jamais assez de l'ordre supposé des choses : la Terre tremble depuis toujours et les
hommes se font régulièrement engloutir par des secousses dévastatrices… Quand la terre nous
tombe sur la tête, c'est soudain, brutal, cela dure de quelques secondes à quelques minutes et on
compte les morts, et parfois les records quand ces tremblements de terre surgissent dans des zones
toujours plus habitées.

Stop ! L'appel au fatalisme, à l'impuissance, à la seule compassion est tout simplement inaudible.
Tous les scientifiques rencontrés au cours de cette enquête nous l'ont martelé, la fatalité n'a rien à voir
là-dedans. Sur notre globe mondialisé où circule si aisément l'information, on sait comment limiter les
conséquences catastrophiques d'un séisme : les zones à haut risque sont bien connues, les normes
de construction parasismiques aussi, des systèmes de prévention et d'alerte existent…

Pour autant, une bonne partie de la planète reste vulnérable et les pays pauvres continueront pour un
moment à payer un plus lourd tribut que les pays mieux préparés. Or, la science est loin d'être
complètement démunie : des progrès considérables ont été accomplis pour mieux comprendre les
séismes. Certes, on ne peut pas prédire la date de leur survenue mais mieux les prévoir semble à
portée de main. Question de moyens ou de priorités, affirment les sismologues. Pour l'heure, Mars ou
la Lune mobilisent plus que la Terre.

Quelles sont les régions les plus exposées aux séismes et pourquoi ?
Des zones à haut risque
Depuis sa naissance, la planète est agitée de secousses au quotidien. Elle tremble et continuera de
trembler parce que sa structure géophysique l'impose. La surface de la Terre est en effet morcelée en
une dizaine de plaques lithosphériques, vastes fragments d'écorce terrestre, qui se déplacent chaque
année de quelques centimètres.
Les zones les plus dangereuses, situées aux frontières entre les plaques, sont connues : elles se
trouvent sur le pourtour de l'océan Pacifique, depuis les Andes jusqu'au Japon, mais aussi autour de
la Méditerranée (Maroc, Algérie, Turquie…) et au niveau des chaînes de montagnes récentes comme
l'Himalaya : en témoigne le tremblement de terre du 8 octobre 2005 au Cachemire, entre le Pakistan
et l'Inde.
À l'inverse, les pays situés loin des zones de rupture sont très peu touchés. C'est le cas notamment
de la Scandinavie, de l'Afrique centrale ou du Brésil.

Cachemire : Le 08 octobre 2005

Des secousses permanentes


Les séismes ne sont pas des phénomènes exceptionnels : ils secouent la planète en permanence.
Mais la plupart passent inaperçus, soit parce qu'ils sont trop faibles, soit parce qu'ils touchent des
zones inhabitées. Chaque année, dans le monde, il se produit :

 environ 130 000 tremblements de terre dont la magnitude* (c'est-à-dire la quantité d'énergie
libérée) est au moins égale à 3, un niveau considéré comme « mineur » ;
 des centaines de séismes de magnitude d'au moins 6,
 des dizaines de séismes de magnitude d'au moins 7,
 un à deux séismes très importants (magnitude au moins égale à 8).
* La magnitude est mesurée sur l'échelle de Richter, du nom du chercheur américain qui l'inventa en 1935.

D'où viennent les séismes ?


Les séismes sont généralement liés aux mouvements des plaques. Quand deux d'entre elles
convergent, la plus dense s'enfonce sous la plus légère : c'est le phénomène de subduction, à l'origine
du séisme du 26 décembre 2004 en Indonésie.

Quand les plaques s'éloignent l'une de l'autre, il se forme un fossé (ou « rift ») qui finit par se remplir
de magma solidifié. C'est ainsi que sont nées les grandes dorsales de l'Atlantique et du Pacifique,
véritables chaînes de montagnes sous-marines dont la longueur totale dépasse les 60 000 km.

Enfin, certaines plaques « coulissent » l'une contre l'autre, le long de failles comme celle de San
Andreas en Californie. Dans les trois cas, les roches de surface subissent de fortes contraintes et
elles finissent par se briser*, ce qui se traduit par un séisme.

San Fransisco, le 18 avril 1906

D'autres secousses, en général moins violentes, s'expliquent par des mouvements au sein d'une
plaque (par exemple, en France métropolitaine), ou par des éruptions volcaniques. Certaines activités
humaines, comme la mise en eau des barrages, l'exploitation minière ou le pompage de pétrole et de
gaz, suscitent parfois des séismes de faible ampleur.

* Ces brisures, entretenues par le mouvement continuel des plaques, forment des failles de toutes dimensions produisant des séismes
de toutes magnitudes.

Des séismes qui ont marqué l’Histoire


Le séisme indonésien de décembre 2004 n'est pas le plus puissant de l'Histoire : sa magnitude,
comprise entre 9 et 9,3 selon les calculs*, le place en deuxième position derrière celui du Chili
(magnitude 9,5) survenu en mai 1960. Mais la puissance du tsunami qui a suivi et la forte
concentration de populations dans les pays voisins en font l'un des plus meurtriers.

De tels séismes ont émaillé toute l'histoire de l'humanité. Dans l'Antiquité, les Grecs les attribuaient
aux colères du dieu Poséidon. En Chine, on y voyait le signe que l'empereur avait perdu les faveurs
divines. Plus près de nous, le tremblement de terre de Lisbonne, qui fit 60 000 morts en 1755, suscita
une controverse philosophique entre Voltaire et Rousseau. Le premier y vit l'expression de la fatalité
et de la toute-puissance de la Nature, le second répliqua que l'homme pouvait agir pour améliorer ses
conditions de vie et limiter les risques.

* Publication dans la revue Nature du 31 mars 2005.

Chili : le plus fort séisme connu à ce jour. L’historique séisme en Asie du Sud

Catastrophes en chaîne
S'ils se produisent sous la mer, les séismes peuvent mettre en mouvement d'énormes masses d'eau
par le glissement des blocs de roche de part et d'autre de la faille, créant des vagues géantes
capables de se déplacer sur des centaines, voire des milliers, de kilomètres : ce sont les raz-demarée,
« tsunamis » en japonais (de tsu, port et nami, vague). Celui du 26 décembre 2004, parti du nord de
Sumatra, a traversé tout l'océan Indien jusqu'aux côtes africaines.

Les séismes peuvent avoir d'autres conséquences, comme la liquéfaction des sols : certains sols
sableux gorgés d'eau peuvent devenir instables, à la manière de sables mouvants, provoquant
l'effondrement des constructions. C'est ce qui s'est produit en 1995 lors du séisme de Kobé, au Japon,
qui a fait 6 400 morts. En modifiant l'équilibre des sols, les séismes provoquent parfois des
glissements de terrain, des coulées de boue et des avalanches. Ils peuvent aussi réveiller certains
volcans. Enfin, dans les zones les plus peuplées, le regroupement des rescapés et le manque
d'hygiène et d'eau potable peuvent conduire à des épidémies.

Le sol sur écoute : quels dispositifs à terre, sous l'eau, dans le ciel ?

Le séisme de Bam vu du ciel

Un réseau mondial d’observation


Sur terre, en mer et dans les airs, on dispose de nombreux outils pour observer les mouvements du
sol. Plusieurs milliers de stations d'enregistrement, réparties dans le monde entier, détectent les
moindres secousses grâce à des sismomètres. À partir des années 80, certaines de ces stations ont
été équipées d'instruments numériques qui diffusent leurs informations en temps réel. C'est le cas du
réseau français Geoscope (43 stations) ou du réseau américain IRIS (130 stations).

Les images des satellites d'observation de la Terre, comme Spot ou Landsat, apportent une vision
globale des failles qui séparent les plaques. Afin d'améliorer la coopération internationale en matière
d'observation de la planète, le projet GEOSS* prévoit de développer un vaste réseau de partage
d'informations sur la planète et notamment sur son activité sismique.

Le séisme de Sumatra mesuré par GPS :

Le système GPS, qui fonctionne depuis 1994 grâce à un réseau de 24 satellites, permet de localiser
précisément (à quelques millimètres près) des antennes réceptrices disposées à la surface du globe,
et ainsi de suivre le mouvement des plaques. Grâce à des données collectées par une soixantaine de
sites GPS en Asie du Sud-Est, on sait désormais que le séisme du 26 décembre 2004 a entraîné sous
l'océan Indien une rupture de la faille sur plus de 1 000 kilomètres de long.

Une des antennes GPS située aux îles Salawesi en


Indonésie

Ausculter le fond des mers


Pour les séismes qui ont lieu en mer (ce qui est le cas de la plupart des grands séismes), leur
connaissance passe par l'étude des fonds marins. Entre 2000 et 2002, un programme de recherche
franco-turque a permis de cartographier précisément la faille nordanatolienne située en partie sous la
mer de Marmara (Turquie) et d'étudier le sous-sol, en utilisant notamment le robot sous-marin Victor
6000.

Cette faille, longue de 1 600 km, est à l'origine des séismes d'Izmit et de Düzce, qui ont causé la mort
de plus de 30 000 personnes en 1999. Les sismologues redoutent dans cette zone une secousse
majeure qui menacerait la mégapole d'Istanbul.

Autre zone sismique très active : l'archipel nippon. Les Japonais prévoient un forage record dans le
Pacifique, à 11 000 mètres sous la surface de l'eau, pour examiner de plus près la frontière des
plaques. Cette opération de forage, qui devrait débuter en septembre 2007, s'effectuera à partir d'un
nouveau navire d'exploration des fonds marins, le Chikyu (« terre » en japonais).

Intervention post-sismique

Des tirs de canon sous l'eau

Au printemps 2005, une équipe de scientifiques internationaux* sont partis explorer une zone
sismique sous-marine très active : la région d'Esmeraldas-Tumaco, au large de l'Equateur et de la
Colombie, là où la plaque océanique Nazca plonge sous la plaque sud-américaine. Les chercheurs
ont procédé à des « tirs sismiques ». Le principe : provoquer artificiellement des secousses à l'aide de
canons placés sous l'eau et étudier la propagation des ondes acoustiques émises par les
déflagrations. On en déduit alors la structure géologique du fond marin et l'on peut voir jusqu'à quelle
profondeur la faille se prolonge. L'objectif est d'élaborer une carte du secteur en trois dimensions, outil
précieux pour localiser les séismes.

* Mission conduite par l'unité mixte de recherche Géosciences Azur (IRD,CNRS,UNSA,UPMC).

Tirs de canon sous l’eau

Des données en temps réel depuis le fond des océans


En avril 2005, un sismomètre a été installé au large de Toulon, à 2 400 mètres de profondeur, accolé
au télescope à neutrinos développé par le programme Antarès. Avantage : relié à un centre de
réception à terre par un câble de 40 km de long, il transmet ses mesures en temps réel.
Habituellement, les sismomètres marins sont lâchés au fond de l'eau avec leurs batteries et leurs
mémoires. Du coup, les données ne sont accessibles que plusieurs mois plus tard, lors de la
récupération des sismomètres.

Un sismomètre installé au large de Toulon à 2400m de


profondeur.

Cinq zones d’études prioritaires


Californie, Japon, Turquie, Grèce et Chili sont sous haute surveillance : dans toutes ces régions, un
séisme destructeur est attendu au cours des prochaines décennies. Les failles sismiques de l'ouest
californien sont les plus surveillées au monde, grâce à l'installation de milliers d'instruments très
sensibles : sismomètres, antennes GPS, capteurs de déformation…

Le Japon, qui s'est couvert depuis une dizaine d'années de milliers de capteurs GPS et
sismologiques, a également mis en place un système d'alerte précoce avec des sismomètres sous-
marins installés au large, au plus près des failles menaçantes, permettant des alertes une dizaine de
secondes avant l'arrivée des ondes destructrices.

Par ailleurs, de nombreuses études sont menées en Turquie sur la faille nord-anatolienne, sous la mer
de Marmara, et en Grèce, dans la partie ouest du golfe de Corinthe (zone la plus sismiquement active
d'Europe). Enfin, une coopération franco-allemande (CNRS-GFZ Postdam) a démarré dans le nord du
Chili pour étudier notamment d'éventuels signes précurseurs.

Des secousses riches d’enseignements


Les séismes n’ont pas que des conséquences négatives. L’étude de la propagation des ondes
sismiques a permis aux chercheurs de mieux connaître les profondeurs du globe. En effet, la vitesse
et l’amplitude de ces ondes sont directement liées aux propriétés des couches géologiques qu’elles
traversent (densité, température, rigidité…).

En analysant le déplacement des ondes émises lors des séismes, on a ainsi pu établir que l’intérieur
de la Terre était solide jusqu’à 2 900 km de profondeur, puis liquide, et à nouveau solide à partir de
5100 km (Le centre de la Terre se situe à environ 6400 kilomètres de profondeur). À partir des années
80, on a mis au point une méthode fine d’analyse sismique, la tomographie, qui permet de dresser de
véritables cartes du sous-sol. Autre intérêt des séismes : certains aident à la prédiction des éruptions
volcaniques. Sous les volcans, l’accumulation du magma accroît la pression et entraîne de petites
secousses, annonciatrices d’une éruption prochaine.

Surveillance pré-sismique

Forer la faille

La carte d’identité d’un


séisme
L’observation du séisme et du raz-de-marée du
26/12/04

Les sismomètres détectent les ondes émises par les tremblements de terre. En recoupant leurs
informations, et en estimant la vitesse de propagation des ondes dans la croûte terrestre, on trouve le
point de départ d'un séisme, encore appelé foyer.

On connaît également sa magnitude, c'est-à-dire la quantité d'énergie libérée lors de la rupture, en


étudiant les caractéristiques de l'onde (amplitude, durée). La magnitude est mesurée sur l'échelle de
Richter (du nom du chercheur américain qui l'inventa en 1935). Un séisme de magnitude 5, niveau
qualifié de « modéré », libère autant d'énergie que la bombe d'Hiroshima. Quand la magnitude
augmente d'un degré, l'énergie libérée est multipliée par 30.

Pour évaluer les dégâts causés par un séisme à un endroit donné, on utilise un autre paramètre :
l'intensité. Celle-ci est estimée sur une échelle de I à XII grâce à des observations sur place. Le
niveau I correspond à une « secousse imperceptible », VIII à des destructions de bâtiments, XII à un «
changement du paysage ». Un séisme d'une magnitude donnée a une intensité qui va décroître avec
la distance.

Demain, pourra-t-on prévoir les tremblements de terre ?

L’instant d’avant…

Des signes annonciateurs fiables ?


Si l'on connaît aujourd'hui les zones à haut risque sismique, on ne peut prédire la survenue d'un
séisme (jour, lieu, magnitude) assez précisément pour organiser une évacuation, sauf lorsque des
secousses prémonitoires donnent l'alerte. Les facteurs de déclenchement d'une secousse restent mal
connus, et il est difficile de surveiller des couches géologiques situées plusieurs kilomètres sous terre.

Une solution consiste à observer les phénomènes naturels qui se produisent juste avant un séisme
(parfois silencieux). Les chercheurs ont étudié plusieurs de ces « signes annonciateurs » : succession
de petits séismes, montée de la teneur en radon des eaux souterraines, variations du niveau d'eau
dans les puits ou les forages, anomalies électromagnétiques… Des changements dans le
comportement des animaux ont aussi été observés.
Des animaux qui anticipent les cataclysmes ?

Problème : tous ces phénomènes restent mal expliqués. De plus, ils se produisent souvent sans être
suivis de grand séisme. Ils ne permettent donc pas encore des prédictions fiables.
Des animaux qui anticipent les cataclysmes ?

Dans le flot d'informations qui a suivi le tsunami du 26 décembre 2004, des témoignages sur la
capacité de certains animaux à anticiper le raz-de-marée ont été repris dans les médias. En Thaïlande
et au Sri Lanka, des éléphants seraient partis vers l'intérieur des terres. En Indonésie, un guide aurait
sauvé son groupe de plongeurs en se dirigeant vers la haute mer après avoir observé des bancs de
poissons… Selon certains scientifiques, ces témoignages confirment les capacités sensorielles
extraordinaires des animaux ; mais d'autres les jugent anecdotiques, estimant que la preuve
scientifique de l'existence d'un « sixième sens » chez les animaux reste à démontrer.

La méthode chinoise et ses limites


Dans les années 60 et 70, plusieurs grands séismes meurtriers frappent la Chine. Sous l'impulsion de
Mao, ce pays, alors en pleine révolution culturelle, met en place des brigades de milliers de
volontaires pour relever tous les signes annonciateurs de séismes, mais aussi pour surveiller d'autres
signes comme le comportement des animaux. Objectif : développer une méthode fiable de prédiction
à court terme dans un pays très peuplé, où les maisons individuelles sont peu solides.

Quand il est déjà trop tard…

La Chine évite le pire avec le séisme du 4 février 1975 qui ravage entièrement Haicheng, une ville de
100 000 habitants. Des secousses prémonitoires effrayent les populations qui désertent leurs
maisons. Parallèlement, les autorités déclenchent l'alerte sismique huit heures avant le séisme. Bilan :
« seulement » un millier de morts. Mais un an plus tard, la même vigilance se soldera par un échec
retentissant…

Istanbul frappée par un grand séisme d’ici trente ans

À la recherche des séismes anciens


La connaissance de l'histoire sismique d'une région permet de se faire une idée de la force des
tremblements de terre susceptibles de toucher cette région et de leur fréquence. L'intervalle de temps
qui sépare deux séismes importants dans un lieu donné est à peu près constant. Si l'on connaît les
dates des séismes passés, on peut donc estimer la probabilité d'une nouvelle secousse. Pour cela, on
peut consulter les témoignages d'époque grâce aux archives (c'est la sismologie historique), ou
étudier les dégâts causés aux sites archéologiques (on parle alors d'archéosismologie).

Ces dernières années, une nouvelle approche s'est développée : la paléosismologie, qui remonte
jusqu'à la préhistoire en étudiant les traces laissées dans le paysage (décalage des couches
géologiques, modification du cours des rivières…). La paléosismologie est aussi très utile dans des
pays peu sismiques tels que la France* : l'intervalle entre deux grands séismes pouvant atteindre des
milliers d'années, il faut remonter à la préhistoire pour déterminer leur fréquence.

*La base de données Neopal recense les traces géologiques des séismes en France sur deux millions d'années.

Des pistes pour une meilleure prédiction


Prédire un séisme, c'est non seulement annoncer la zone qui va rompre mais c'est aussi en prédire la
taille. Pour cela, une première approche est d'analyser les failles plus en détail afin de savoir à
l'avance où la rupture va s'arrêter une fois qu'elle aura commencé. En effet, plus la rupture est longue,
plus le séisme va être important. En témoigne le tremblement de terre du 26 décembre 2004 : une
rupture sur 1 200 km qui a conduit à une magnitude de 9,3.

Des « séismes silencieux » porteurs d'espoir

Des phénomènes encore peu connus pourraient se révéler très utiles pour prévoir les grands
tremblements de terre : il s'agit des « séismes silencieux », des ruptures très lentes qui n'émettent pas
d'ondes sismiques. Grâce à un réseau dense de stations GPS, qui enregistrent en continu les
déformations du sol, on peut aujourd'hui détecter de tels séismes. Or, selon certains chercheurs, ces
phénomènes seraient des signes annonciateurs de grands séismes. Des sismologues français ont
récemment interprété des données recueillies dans deux zones très actives, au Japon et dans les
Cascades (Amérique du Nord)*. Ils ont remarqué dans chaque cas une combinaison de vibrations
sismiques faibles, appelées « trémors », et de « séismes silencieux ». Selon eux, ce double
phénomène traduirait l'accumulation souterraine d'eau à l'endroit de la faille, ce qui pourrait être un
signal annonçant l'imminence d'un séisme.

* Article paru dans Science, le 24 septembre 2004.

Une deuxième approche est de multiplier les mesures dans les zones à risque afin de mieux déceler
et comprendre les signes précurseurs. L'espoir des chercheurs est que ces signes soient à l'échelle
du séisme qui va suivre, les signes de forte amplitude, donc très observables, pouvant annoncer un
séisme puissant.

Mesurer l'écho dans le ciel

D'autres scientifiques essayent de détecter les tremblements de terre en mesurant les mouvements
de l'atmosphère à l'aide de satellites : lorsque la Terre subit un séisme, elle vibre et cette vibration est
amplifiée dans l'atmosphère. Ainsi, un déplacement d'un millimètre par seconde au sol provoque un
mouvement de 10 à 100 mètres par seconde dans l'atmosphère.

Par ailleurs, pour tenter de mieux prévoir les séismes, des études sont menées sur les perturbations
électromagnétiques dans la haute atmosphère. Il semblerait que ces perturbations, qui ont déjà été
enregistrées par plusieurs satellites, commencent quelques heures avant les secousses.
Demeter, micro-satellite à 710 kilomètres d’altitude Le prochain grand séisme à San Francisco

Tsunamis : des solutions existent


S'il est impossible de prédire avec précision la survenue des tremblements de terre, on peut prévoir
certaines de leurs conséquences, en particulier les tsunamis.

Le Japon, l'un des pays les plus vulnérables, dispose d'un système d'alerte perfectionné qui détecte la
formation des vagues au large, analyse leur vitesse et leur hauteur, et lance l'alerte en quelques
minutes. Ce système est relié au réseau de surveillance mis en place par les États-Unis dans l'océan
Pacifique (où se produisent 80% des tsunamis).

L'absence d'un tel dispositif dans l'océan Indien s'est faite cruellement sentir lors du tsunami du 26
décembre 2004. Début 2005, les Nations unies ont décidé d'y remédier en créant un réseau d'alerte
sur le modèle de celui du Pacifique, qui est opérationnel depuis la fin 2006. La Méditerranée et les
Caraïbes seront quant à elles équipées en 2007-2008.

Premières mesures après le tsunami du 26 décembre 2004

En attendant un vrai dispositif d'alerte, plusieurs actions ont été menées dans l'océan Indien pour
mieux prévoir les raz-de-marée : un certain nombre de stations qui mesurent le niveau de la mer dans
les ports (habituellement pour suivre les marées), transmettent désormais leurs données aux centres
de surveillance d'Hawaï et du Japon.

Parallèlement, depuis avril 2005, 27 pays de l'océan Indien reçoivent 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7
les informations en provenance de ces deux centres et doivent tenir informées les autorités locales.

La surveillance dans le Pacifique

Une bouée à la mer

Protection des populations : quelles mesures de prévention ?


Diminuer le risque sismique
Le risque sismique prend en compte deux paramètres : l'aléa, c'est-à-dire la possibilité pour un site de
subir des secousses (l'aléa est très élevé aux frontières entre les plaques) ; et la vulnérabilité, c'est-à-
dire le nombre de personnes exposées et la fragilité des bâtiments.

Comme on ne peut pas agir sur l'aléa, la seule manière de diminuer le risque sismique est d'essayer
de prévoir les séismes (prévision) et d'en réduire les effets (prévention), notamment en adaptant les
constructions et en informant les populations. Afin de ne pas transformer tout tremblement de terre
survenant en territoire occupé par l'homme en catastrophe soi-disant naturelle.

Un séisme n'est pas une catastrophe en soi Une destruction immédiate

Lutter contre la pauvreté


Lors de la Conférence mondiale sur la prévention des catastrophes naturelles qui s'est tenue à Kobe
en janvier 2005, outre l'annonce de la création d'un système d'alerte au tsunami dans l'océan Indien,
s'est imposée, la nécessité d'intégrer la prévention des désastres à la lutte contre la pauvreté.

Dans le cas des séismes, le lieu et le mode de construction des habitations, ainsi que la préparation
des populations sont déterminantes.

Exemple : le séisme de Bam (26 décembre 2003) a fait 26 000 morts enfouis sous les ruines de leurs
maisons, alors que quatre jours plus tôt, un séisme de même magnitude n'a tué que deux personnes
à San Simeon, en Californie.

Un séisme n’est pas une catastrophe en soi


Le séisme le plus fort n'est pas forcément celui qui fait le plus de victimes. Le 28 juin 1992, un séisme
de magnitude 7,3 touche une partie de la Californie et du Nevada. Bilan : aucune victime car il se
produit en plein désert californien. Inversement, un séisme qualifié de modéré (magnitude 5) peut faire
des centaines de victimes s'il se produit dans des zones fortement peuplées, avec des habitations
précaires (par exemple, au Caire en Egypte, la même année).

Des habitations à l’épreuve des secousses


Lors d'un séisme, le plus souvent ce n'est pas la secousse elle-même qui fait le plus de victimes mais
l'écroulement des bâtiments. Il existe pourtant des règles de construction, dites « parasismiques », qui
permettent de limiter les dégâts dans les zones à risque*. Plusieurs paramètres sont pris en compte :
le choix de l'emplacement, l'architecture du bâtiment, les matériaux…

Pour les petits bâtiments, il existe des techniques comme le chaînage, qui consiste à relier les murs
entre eux avec des armatures métalliques pour solidifier l'ensemble, ou l'ancrage du bâtiment dans le
sol, grâce à des pieux. Pour construire les grands immeubles, on utilise prioritairement le métal,
capable de se déformer sans se rompre. Certains sont construits sur des vérins hydrauliques qui leur
permettent d'« onduler » en accompagnant la secousse.

Mais la prévention des risques passe aussi par l'organisation de l'espace urbain. Car plus les
concentrations de populations sont grandes, plus les risques sont élevés.
Construire parasismique

Le séisme de Kobe

Le 17 janvier 1995, un séisme de magnitude 7,2 frappe la ville japonaise de Kobe, faisant plus de
6000 morts. Les victimes sont dues principalement à l'écroulement des bâtiments et aux incendies
provoqués par le tremblement de terre. Un tel bilan, dans un pays préparé aux séismes, souligne la
difficulté à maîtriser ces risques. Les autorités japonaises tirent les leçons de la catastrophe en
renforçant les règles de construction parasismique, mais aussi en repensant l'aménagement de Kobe.
L'objectif est d'éviter les trop grandes concentrations de populations et de faciliter la circulation en cas
de catastrophe. Le centre dévasté est entièrement reconstruit et, aujourd'hui, il n'y a pratiquement plus
traces de ce séisme.

Une destruction immédiate


En moins d’une minute, le violent séisme qui a secoué la région du Cachemire le 8 octobre 2005, a
détruit une grande partie des habitations côté pakistanais ; 2,5 millions de personnes se sont trouvées
sans abri. Aux dégâts du fléau s’ajoutent ici ceux du sous-développement avec, notamment, des
constructions qui ne répondent pas aux normes parasismiques.

Une reconstruction qui prend du temps


Deux ans après le séisme de Boumerdès en Algérie (21 mai 2003), les sinistrés dont les maisons
avaient été endommagées ont pu regagner leur logement après des travaux de réhabilitation. Mais
ceux dont les maisons se sont effondrées vivent toujours dans des préfabriqués, en attendant que des
logements définitifs soient construits. Un programme de reconstruction de plus de 8 000 logements
collectifs à été réalisé : selon les autorités locales, tout les logements ont été réceptionnés en 2006.

Boumerdès 2003-2005

Des remparts contre les tsunamis


Les tsunamis ne sont pas invincibles : certaines barrières naturelles ou artificielles peuvent les amortir
et protéger les côtes. Le Japon a ainsi construit de nombreuses digues de plusieurs mètres de haut
aux endroits les plus vulnérables. Rassurantes pour les populations, ces digues posent plusieurs
problèmes : elles ne sont pas efficaces à 100% (car pas toujours de hauteur suffisante), leur coût est
élevé et elles détériorent le paysage.

Un mur anti-tsunami

Il existe aussi des obstacles naturels efficaces contre les tsunamis. Un rapport du Programme des
Nations unies pour l'Environnement (PNUE), publié en février 2005, montre que les dégâts provoqués
par la vague du 26 décembre 2004 en Asie ont été moins importants sur les côtes protégées par des
récifs coralliens ou par la végétation, notamment les mangroves. Malheureusement, ces défenses
naturelles sont menacées par la pollution, la déforestation, le tourisme et les excès de la pisciculture.

Le plus gros simulateur de tsunamis au monde

Un mannequin (à droite sur la photo), des meubles, des murs sont emportés par un tsunami de 2,5
mètres de haut : présenté en juin 2005, ce simulateur, mis au point par l'Institut de recherche japonais
de Yokosuka, est capable de générer des vagues jusqu'à 3,5 mètres de hauteur. Objectif : tester la
résistance aux tsunamis de certaines structures, notamment en vue de la construction de nouvelles
digues dans les ports japonais.

Le plus gros simulateur de tsunamis

Sensibiliser les populations


Si l'on ne peut pas empêcher les séismes, on peut limiter le nombre de victimes en mettant en place
un système d'alerte et de prévention. C'est le cas en Californie et au Japon, deux zones hautement
sismiques.

Les villes côtières sont équipées de sirènes et de haut-parleurs. Radios et télévisions sont chargées
de transmettre les messages d'urgence. Dans les écoles japonaises, des exercices de simulation ont
lieu tous les mois. Les élèves apprennent, par exemple, à se protéger sous leur bureau et à y rester
jusqu'à la fin d'une secousse.

Mais les systèmes de prévention ne sont pas toujours efficaces. Celui mis en place sur la côte ouest
des Etats-Unis a montré des lacunes inquiétantes lors d'une alerte au tsunami déclenchée le 14 juin
2005. Certains habitants n'ont pas été alertés à cause du nombre insuffisant de sirènes. Le dispositif
permettant de prévenir les centres de secours par téléphone n'a pas fonctionné à plusieurs endroits.
Et surtout, deux centres de surveillance des tsunamis ont transmis des messages en apparence
contradictoires, suscitant la plus grande confusion*. Heureusement, il s'agissait d'une fausse alerte et
aucune vague n'a déferlé sur la côte.

* Le centre de Palmer, en Alaska, a lancé l'alerte mais, trois minutes plus tard, celui de Hawaï a déclaré qu'il n'y avait aucun danger.
Explication : les deux centres couvrent des zones différentes – la côte ouest pour le premier, le reste du Pacifique pour le second.

Dans l’attente du Big One

La France lance un « Plan Séisme »


Fin novembre 2005, le gouvernement français a décidé d'engager un programme national de
prévention du risque sismique sur les six prochaines années. Objectif : réduire la vulnérabilité des
personnes et des biens avant qu'un séisme majeur ne frappe la France. Doté d'un budget de 33
millions d'euros, le « Plan Séisme » prévoit notamment d'établir une nouvelle carte du risque sismique
et de renforcer les contrôles en matière de construction parasismique. Il vise également à évaluer le
risque de tsunami, à renforcer l'éducation des personnes exposées et à développer des systèmes
d'alerte. Un tel système existe en Polynésie française* mais pas aux Antilles, une zone pourtant
exposée, ni en métropole où le risque de tsunami est faible mais non nul, particulièrement sur la côte
méditerranéenne : en 1979, à Nice, une avalanche sous-marine a fait disparaître une partie de
l'aéroport sous les eaux et provoqué un mini raz-de-marée ; un séisme en Afrique du Nord (région très
active) pourrait également déclencher un raz-de-marée sur les côtes françaises.

* Le centre polynésien de prévention des tsunamis, basé à Papeete, a été créé dans les années 60 par le Commissariat à l'énergie
atomique (présent sur place en raison des essais nucléaires). Ce centre surveille à la fois l'activité sismique et le niveau de la mer.

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