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Japon et sa région présentent la configuration typique des arcs insulaires, que l'on observe là où les

plaques océaniques s'enfoncent par subduction à l'intérieur du man-teau. Ils sont le siège de séismes à foyer
normal et profond qui, assez souvent, provo-quent des tsunamis. Le Japon est l'un des pays du monde dont
les archives permettent de remonter le plus loin dans la connaissance de l'activité sismique. Un examen
plus attentif des caractéristiques de cette sismicité permet de dégager certains traits inté-ressants. Le Japon
a, depuis des siècles, vécu dans la crainte des tremblements de terre. Les Japonais eux-mêmes disent en
plaisantant que leurs quatre sources d'appréhension quotidiennes sont, dans l'ordre, «jishin (les
tremblements de terre), kaminari (le tonnerre), kaji (le feu), oyaji (mon père) ». A Tokyo, une personne
sensible peut percevoir une trentaine de secousses en un an. Au cours des quinze derniers siècles, il y a eu, au
Japon, plus de 600 tremblements de terre, qui ont causé, pour certains d'entre eux, des dégâts très
importants. Le grand séisme du 1er septembre 1923, par exemple, a fait 142807 victimes et détruit plus de
500000 maisons dans la région du Kanto1. Les ondes océaniques engendrées par les séismes, auxquelles on
donne à juste titre le nom de tsunamis, menacent de temps à autre les habitants des côtes. Le 15 juin 1896, un
grand tsunami a atteint une hauteur de plus de 20 mètres sur le littoral de Sanriku, tuant 21959
personnes. Le Japon est situé dans la partie nord-ouest du cercle circum-pacifique, où l'activité sismique
et volcanique est très intense. Les grands tremblements de terre y sont fréquents et il s'y produit des séismes
profonds, dont le foyer peut être enfoui jusqu'à 600 kilomètres sous terre. On discerne dans la région les
formes d'arcs insulaires, et les plaques océaniques y pénètrent par subduction dans les profondeurs du globe.
Les interactions entre ces plaques provoquent, aux endroits où elles ont lieu, d'importants processus
géologiques. La tectonique des plaques a récemment permis à la sismologie de faire de grands progrès et nous
disposons à présent d'un volume exceptionnel de données, à la fois Katsuyuki Abe est professeur associé
de sismologie à l'Institut de recherches sismiques de l'Université de Tokyo (Japon). Il travaille sur les
problèmes de sismicité, les mécanismes au foyer et la prévision des tremblements de terre. Son adresse
est la suivante : Earthquake Research Institute, University of Tokyo, Yayoi 1-1-1, Bunkyo-ku, Tokyo
113 (Japon). 71 Impact : science et société, n° 145, 71-83
Katsuyuki Abe macrosismiques et microsismiques, pour nous aider à élucider le mécanisme
des tremblements de terre au Japon et dans le reste du monde. L'examen de l'activité
sismique au Japon fait incontestablement apparaître certaines caractéristiques intéressantes.
Grands tremblements de terre L'importance d'un tremblement de terre est généralement
exprimée par sa magni-tude M1. Elle peut être liée empiriquement à la quantité d'énergie libérée
sous forme d'ondes sismiques. Un accroissement d'une unité de magnitude correspond à une
multiplication par environ 30 de la quantité d'énergie sismique. L'énergie d'un temblement de
terre de magnitude 8 est de l'ordre de 1024 ergs, soit en gros l'équiva-lent de 1250 bombes
atomiques du type de celle qui a frappé Hiroshima. Cela correspondrait, pour les sismologues,
à la formation d'une faille de 10000 km2 de superficie, avec un décalage de 4 mètres entre ses
compartiments. On trouvera au tableau 1 la liste des 17 séismes normaux enregistrés, de 1886 à
1985, dans la zone où se trouve le Japon et dont la magnitude 7,9 ou plus a pu être déterminée
à l'aide d'instruments. Toutes ces secousses ont provoqué des destruc-tions. Depuis cent ans, il
s'est produit en moyenne, sur l'ensemble du territoire japonais, un ou deux grands
tremblements de terre tous les dix ans. L'énergie totale libérée par ces séismes n'est guère
supérieure à 3X 1025 ergs, ce qui équivaut à peu près à l'énergie libérée par un seul tremblement
de terre de magnitude 9,1, c'est-à-dire, pour citer un exemple, par un séisme du type de celui
qui s'est produit en Alaska en 1964 (Af=9,2)4. Le chiffre annuel moyen pour les cent dernières
années est de 3X 1023 ergs, ce qui représente 7% de la moyenne annuelle pour les séismes
Tableau 1 Séismes normaux de magnitude égale ou supérieure à 7,9 enregistrés
entre 1886 et 1985'13-9 Année 1891 1894 1896 1923 1933 1944 1946 1952 1953 1958 1963 1964 1968
1969 1973 1975 1983 Mois 10 3 6 9 3 12 12 3 11 11 10 6 5 8 6 6 5 Jour 28 22 15 1 3 7 21 4 26 7 13 16
16 12 17 10 26 Latitude (°N) 35,6 42,5 39,5 35,1 39,2 33,8 33,0 41,8 34,0 44,4 44,9 38,4 40,7 43,4 43,0 43,2
40,4 Longitude CE) 136,6 146,0 144,0 139,5 144,5 136,6 135,6 144,1 141,7 148,6 149,6 139,2 143,6 147,8
146,0 147,4 139,1 Ms 8,0 7,9 6,8 8,2 8,5 8,0 8,2 8,3 7,9 8,1 8,1 7,5 8,1 7,8 7,7 6,8 7,7 Mw — — 7,9 8,4
8,1 8,1 8,1 7,9 8,3 8,5 7,6 8,2 8,2 7,8 — 7,9 M, 8,2 8,2 8,0 8,3 8,1 8,1 8,2 7,8 8,2 8,4 7,9 8,2 8,2 8,1
7,9 8,1 72
Sismicité du Japon Figure 1 Tremblements de terre les plus importants enregistrés de 1886 à 1985.
Cercles noirs: séismes à foyer normal ; triangles blancs: séismes à foyer intermédiaire ; triangles
noirs : séismes à foyer profond5. Les chiffres sont présentés dans les tableaux 1 et 2. normaux
affectant la planète et correspond à l'énergie libérée au cours d'un seul tremblement de terre de
magnitude 7,8. La figure 1 indique la répartition géographique des grands séismes à foyer normal
enregistrés entre 1886 et 1985. Il est intéressant de noter que la plupart de ces secousses avaient leur
epicentre au large des côtes du Pacifique, le long de la fosse et de la dépression océaniques. Il s'est
produit deux grands séismes dans la mer du Japon : l'un à Niigata en 1964 et l'autre dans le
centre de cette mer en 1983. Le séisme de Nobi (1891) est, à notre connaissance, le plus important
qui ait jamais eu lieu dans le centre de Honshu. Les grands tremblements de terre sont souvent suivis
de nombreuses secousses, appelées répliques, qui se produisent juste après la secousse
principale. Lors du tremblement de terre survenu en 1983 dans le centre de la mer du Japon, par
exemple, plus de 8000 répliques ont été enregistrées en deux mois. Tableau 2 Séismes profonds de
magnitude 7,5 et plus enregistrés entre 1904 et 1980116 Année 1906 1909 1909 1911 1950 Mois 1 3 11 6 2
Jour 21 13 10 15 28 Latitude (°N) 34,0 31,5 32,0 29,0 46,0 Longitude CE) 138,0 142,5 131,0 129,0 144,0 Profondeur (km)
340 80 190 160 340 m¿, 7,5 7,6 7,5 8,1 7,5 73
Katsuyuki Abe La région est parfois le siège de séismes profonds, dont le foyer est à plus de 60
kilomètres sous terre5; mais ils sont beaucoup moins fréquents que les séismes normaux. On trouvera la
liste des grands séismes profonds de la période 1904-1980 au tableau 2. De plus, ils sont représentés sur la
figure 1 par des triangles. Le séisme du 15 juin 1911, qui s'est produit à 160 kilomètres au-dessous des îles
Ryukyu, est la plus forte secousse profonde jamais enregistrée dans le monde. Quatre des cinq
secousses répertoriées au tableau 2 (l'exception étant celle de 1950) ont été suffisam-ment violentes pour
provoquer de légers dégâts en dépit de leur grande profondeur. Petits tremblements de terre Les petits
tremblements de terre sont beaucoup plus nombreux qu'on ne le croit généralement parce que les séismes
sont d'autant plus fréquents que leur magnitude est plus faible (le nombre des secousses se multiplie
approximativement par dix quand la magnitude diminue d'une unité). La figure 2 indique la répartition
géogra-phique des séismes normaux de magnitude 5 ou plus qui se sont produits entre 1926 et 1985. On
compte en moyenne dans la région 55 secousses de cette catégorie par an. En extrapolant, le nombre total des
tremblements de terre de magnitude 3 ou plus est estimé à 4000 par an, ce qui correspo
Japon et sa région présentent la configuration typique des arcs insulaires, que l'on observe là où les
plaques océaniques s'enfoncent par subduction à l'intérieur du man-teau. Ils sont le siège de séismes à foyer
normal et profond qui, assez souvent, provo-quent des tsunamis. Le Japon est l'un des pays du monde dont
les archives permettent de remonter le plus loin dans la connaissance de l'activité sismique. Un examen
plus attentif des caractéristiques de cette sismicité permet de dégager certains traits inté-ressants. Le Japon
a, depuis des siècles, vécu dans la crainte des tremblements de terre. Les Japonais eux-mêmes disent en
plaisantant que leurs quatre sources d'appréhension quotidiennes sont, dans l'ordre, «jishin (les
tremblements de terre), kaminari (le tonnerre), kaji (le feu), oyaji (mon père) ». A Tokyo, une personne
sensible peut percevoir une trentaine de secousses en un an. Au cours des quinze derniers siècles, il y a eu, au
Japon, plus de 600 tremblements de terre, qui ont causé, pour certains d'entre eux, des dégâts très
importants. Le grand séisme du 1er septembre 1923, par exemple, a fait 142807 victimes et détruit plus de
500000 maisons dans la région du Kanto1. Les ondes océaniques engendrées par les séismes, auxquelles on
donne à juste titre le nom de tsunamis, menacent de temps à autre les habitants des côtes. Le 15 juin 1896, un
grand tsunami a atteint une hauteur de plus de 20 mètres sur le littoral de Sanriku, tuant 21959
personnes. Le Japon est situé dans la partie nord-ouest du cercle circum-pacifique, où l'activité sismique
et volcanique est très intense. Les grands tremblements de terre y sont fréquents et il s'y produit des séismes
profonds, dont le foyer peut être enfoui jusqu'à 600 kilomètres sous terre. On discerne dans la région les
formes d'arcs insulaires, et les plaques océaniques y pénètrent par subduction dans les profondeurs du globe.
Les interactions entre ces plaques provoquent, aux endroits où elles ont lieu, d'importants processus
géologiques. La tectonique des plaques a récemment permis à la sismologie de faire de grands progrès et nous
disposons à présent d'un volume exceptionnel de données, à la fois Katsuyuki Abe est professeur associé
de sismologie à l'Institut de recherches sismiques de l'Université de Tokyo (Japon). Il travaille sur les
problèmes de sismicité, les mécanismes au foyer et la prévision des tremblements de terre. Son adresse
est la suivante : Earthquake Research Institute, University of Tokyo, Yayoi 1-1-1, Bunkyo-ku, Tokyo
113 (Japon). 71 Impact : science et société, n° 145, 71-83
Katsuyuki Abe macrosismiques et microsismiques, pour nous aider à élucider le mécanisme
des tremblements de terre au Japon et dans le reste du monde. L'examen de l'activité
sismique au Japon fait incontestablement apparaître certaines caractéristiques intéressantes.
Grands tremblements de terre L'importance d'un tremblement de terre est généralement
exprimée par sa magni-tude M1. Elle peut être liée empiriquement à la quantité d'énergie libérée
sous forme d'ondes sismiques. Un accroissement d'une unité de magnitude correspond à une
multiplication par environ 30 de la quantité d'énergie sismique. L'énergie d'un temblement de
terre de magnitude 8 est de l'ordre de 1024 ergs, soit en gros l'équiva-lent de 1250 bombes
atomiques du type de celle qui a frappé Hiroshima. Cela correspondrait, pour les sismologues,
à la formation d'une faille de 10000 km2 de superficie, avec un décalage de 4 mètres entre ses
compartiments. On trouvera au tableau 1 la liste des 17 séismes normaux enregistrés, de 1886 à
1985, dans la zone où se trouve le Japon et dont la magnitude 7,9 ou plus a pu être déterminée
à l'aide d'instruments. Toutes ces secousses ont provoqué des destruc-tions. Depuis cent ans, il
s'est produit en moyenne, sur l'ensemble du territoire japonais, un ou deux grands
tremblements de terre tous les dix ans. L'énergie totale libérée par ces séismes n'est guère
supérieure à 3X 1025 ergs, ce qui équivaut à peu près à l'énergie libérée par un seul tremblement
de terre de magnitude 9,1, c'est-à-dire, pour citer un exemple, par un séisme du type de celui
qui s'est produit en Alaska en 1964 (Af=9,2)4. Le chiffre annuel moyen pour les cent dernières
années est de 3X 1023 ergs, ce qui représente 7% de la moyenne annuelle pour les séismes
Tableau 1 Séismes normaux de magnitude égale ou supérieure à 7,9 enregistrés
entre 1886 et 1985'13-9 Année 1891 1894 1896 1923 1933 1944 1946 1952 1953 1958 1963 1964 1968
1969 1973 1975 1983 Mois 10 3 6 9 3 12 12 3 11 11 10 6 5 8 6 6 5 Jour 28 22 15 1 3 7 21 4 26 7 13 16
16 12 17 10 26 Latitude (°N) 35,6 42,5 39,5 35,1 39,2 33,8 33,0 41,8 34,0 44,4 44,9 38,4 40,7 43,4 43,0 43,2
40,4 Longitude CE) 136,6 146,0 144,0 139,5 144,5 136,6 135,6 144,1 141,7 148,6 149,6 139,2 143,6 147,8
146,0 147,4 139,1 Ms 8,0 7,9 6,8 8,2 8,5 8,0 8,2 8,3 7,9 8,1 8,1 7,5 8,1 7,8 7,7 6,8 7,7 Mw — — 7,9 8,4
8,1 8,1 8,1 7,9 8,3 8,5 7,6 8,2 8,2 7,8 — 7,9 M, 8,2 8,2 8,0 8,3 8,1 8,1 8,2 7,8 8,2 8,4 7,9 8,2 8,2 8,1
7,9 8,1 72
Sismicité du Japon Figure 1 Tremblements de terre les plus importants enregistrés de 1886 à 1985.
Cercles noirs: séismes à foyer normal ; triangles blancs: séismes à foyer intermédiaire ; triangles
noirs : séismes à foyer profond5. Les chiffres sont présentés dans les tableaux 1 et 2. normaux
affectant la planète et correspond à l'énergie libérée au cours d'un seul tremblement de terre de
magnitude 7,8. La figure 1 indique la répartition géographique des grands séismes à foyer normal
enregistrés entre 1886 et 1985. Il est intéressant de noter que la plupart de ces secousses avaient leur
epicentre au large des côtes du Pacifique, le long de la fosse et de la dépression océaniques. Il s'est
produit deux grands séismes dans la mer du Japon : l'un à Niigata en 1964 et l'autre dans le
centre de cette mer en 1983. Le séisme de Nobi (1891) est, à notre connaissance, le plus important
qui ait jamais eu lieu dans le centre de Honshu. Les grands tremblements de terre sont souvent suivis
de nombreuses secousses, appelées répliques, qui se produisent juste après la secousse
principale. Lors du tremblement de terre survenu en 1983 dans le centre de la mer du Japon, par
exemple, plus de 8000 répliques ont été enregistrées en deux mois. Tableau 2 Séismes profonds de
magnitude 7,5 et plus enregistrés entre 1904 et 1980116 Année 1906 1909 1909 1911 1950 Mois 1 3 11 6 2
Jour 21 13 10 15 28 Latitude (°N) 34,0 31,5 32,0 29,0 46,0 Longitude CE) 138,0 142,5 131,0 129,0 144,0 Profondeur (km)
340 80 190 160 340 m¿, 7,5 7,6 7,5 8,1 7,5 73
Katsuyuki Abe La région est parfois le siège de séismes profonds, dont le foyer est à plus de 60
kilomètres sous terre5; mais ils sont beaucoup moins fréquents que les séismes normaux. On trouvera la
liste des grands séismes profonds de la période 1904-1980 au tableau 2. De plus, ils sont représentés sur la
figure 1 par des triangles. Le séisme du 15 juin 1911, qui s'est produit à 160 kilomètres au-dessous des îles
Ryukyu, est la plus forte secousse profonde jamais enregistrée dans le monde. Quatre des cinq
secousses répertoriées au tableau 2 (l'exception étant celle de 1950) ont été suffisam-ment violentes pour
provoquer de légers dégâts en dépit de leur grande profondeur. Petits tremblements de terre Les petits
tremblements de terre sont beaucoup plus nombreux qu'on ne le croit généralement parce que les séismes
sont d'autant plus fréquents que leur magnitude est plus faible (le nombre des secousses se multiplie
approximativement par dix quand la magnitude diminue d'une unité). La figure 2 indique la répartition
géogra-phique des séismes normaux de magnitude 5 ou plus qui se sont produits entre 1926 et 1985. On
compte en moyenne dans la région 55 secousses de cette catégorie par an. En extrapolant, le nombre total des
tremblements de terre de magnitude 3 ou plus est estimé à 4000 par an, ce qui correspo

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