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ZIRCON n° 41 - Janvier 2012

Les tsunamis
par Jacques-Marie BARDINTZEFF, Volcanologue, Professeur des Universités

Des vagues gigantesques


Les tsunamis (terme japonais signifiant "vague dans le port") sont des vagues gigantesques qui se
propagent dans l’océan puis déferlent sur les côtes avec un pouvoir destructeur énorme. Elles ont pour
origine un phénomène tellurique : un séisme, une éruption volcanique, un glissement de terrain qui se
produit sur la côte, au large ou sur une île. Le relief des fonds marins se trouve brusquement modifié par
des effondrements et une importante masse d’eau est mise en mouvement.
Initialement, dans l’océan, les vagues ont une amplitude faible, de l’ordre du mètre pour une largeur
pouvant atteindre 200 km et donc une pente très faible, à peine perceptible par un bateau. Elles traversent
l'océan à des vitesses de l'ordre de 700 km/h soit la vitesse d'un avion de ligne ! Ainsi le séisme, qui se
produisit le 1 er avril 1946 en Alaska, déclencha un
tsunami qui a atteint Hawaii cinq heures plus tard
(faisant 159 morts) et le Japon. Le grand séisme du
Chili du 22 mai 1960 fut responsable d’un tsunami
qui forma, quinze heures plus tard, des vagues
de dix mètres à Hawaii, distant de 10 000 km,
qui noyèrent 200 personnes ; ce tsunami traversa
entièrement l’océan Pacifique jusqu’au Japon et à
la Nouvelle-Zélande.

Risque de tsunami
Sur les plages du Japon (ici Yawatano sur la péninsule
d’Izu), des panneaux indicateurs préviennent des danger
de tsunamis, qu’ils soient d’origine sismique ou volcanique
(photo J.M. Bardintzeff).

Ensuite, près des côtes, quand le fond diminue, les vagues ralentissent fortement (100 km/h ou moins,
soit la vitesse d'une automobile) mais leur hauteur augmente au fur et à mesure qu’elles se rapprochent
pour atteindre plusieurs mètres voire plusieurs dizaines de mètres de hauteur. Plusieurs trains de vagues
se succèdent à intervalles de 5 à 40 minutes, le premier n'étant pas toujours le plus important.
Un tsunami peut aussi bien déferler sur un rivage proche que dans une région très éloignée. Il faut
donc envisager un système de prévention adéquat.
Le terme "raz de marée" est synonyme de "tsunami" mais il a aussi une signification plus large puisqu’il
englobe aussi des vagues importantes liées à des phénomènes météorologiques (tempête, houle ;
exemple de l’ouragan Katrina, en Louisiane, le 29 août 2005).
Les tsunamis d'origine volcanique
Le 27 août 1883, le Krakatoa, situé sur une île inhabitée du détroit de la Sonde en Indonésie, entre
brusquement en éruption, ce qui provoque un tsunami déferlant sur les îles de Java et de Sumatra
distantes de 40 km environ et noyant des milliers de
personnes. Au total, on a déploré 36 417 victimes.
On a retrouvé un bateau à vapeur, le "Berouw",
transporté à 2,5 km à l’intérieur du pays et on a
entendu le bruit de l’explosion à plusieurs milliers
de kilomètres. Des baromètres situés à Tokyo,
à 5 863 km de là, enregistrèrent une augmentation
de pression de 1,45 millibar (hPa).

Les volcans situés en bord de mer


(tel ici le Tavurvur en Papouasie - Nouvelle-Guinée),
insulaires ou sous-marins, peuvent engendrer des raz de
marée lors de leurs éruptions (photo J.M. Bardintzeff)

Les vagues engendrées par l’éruption traversèrent le Pacifique et l’Atlantique et furent détectées par les
enregistreurs de marée dans le golfe de Gascogne à 17 000 km du lieu de l’éruption. Il semblerait que le
tsunami ait été déclenché par un glissement d’un flanc du volcan, s’effondrant brusquement dans la mer.

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Dans l’Antiquité, l’éruption du Santorin en mer Egée au XVI e - XVII
e siècle av. J.-C. a dû engendrer

un formidable tsunami. De fait, l’île actuelle est réduite à un anneau fragmenté autour d’une vaste
caldeira elliptique de 8 x 5 km et profonde de 600 m (200 m d'à-pic auxquels s'ajoutent 400 m sous
le niveau de la mer). Celle-ci remplace une île ancienne, Stronghyli. Les produits de l’éruption ont
recouvert la Crète et l’ensemble de la mer
Egée, des cendres atteignant même l’Égypte.
Le volume émis pourrait avoir atteint 100 km 3 .
La mer remplissant la gigantesque dépression
créée par l’explosion, forma dans un deuxième
temps un formidable tsunami, qui atteint la
Crète, distante de 120 km. La vague aurait pu
atteindre localement 200 m de hauteur, altitude
des fragments de ponces flottées retrouvées sur
certaines îles avoisinantes.

Raz de marée en Papouasie - Nouvelle-Guinée


lors de l’éruption conjuguée du Tavurvur et du Vulcan à
Rabaul en Papouasie - Nouvelle-Guinée, en 1994,
ce bateau s’est retrouvé échoué sur la côte
par un raz de marée. On voit le Vulcan en arrière-plan
(photo J.M. Bardintzeff)
Les tsunamis d'origine sismique
Lors du séisme majeur (magnitude de 9,2) du 26 décembre 2004 de Sumatra en Indonésie, un
tsunami a déferlé sur une grande partie des côtes de l’océan Indien, noyant des milliers de personnes.
Le bilan total (séisme plus tsunami) s’élève à 220 000 morts dont 170 000 en Indonésie.
L’épicentre du séisme se situait à 180 km au large de Sumatra (région de Banda Ace). En 15 minutes,
une vague de 10 à 15 m atteint le nord de Sumatra (le point le plus proche de l’épicentre) puis les îles
indiennes de Nicobar puis d’Andaman. Une heure plus tard, la Thaïlande est touchée, deux heures
plus tard la Birmanie, l’Est de l'Inde et le Sri Lanka, trois heures plus tard les Maldives et les Seychelles,
six heures plus tard les côtes de Somalie situées à 4 600 km. La vague se propage même dans l’océan
Pacifique et mesure encore 0,5 m au Chili. Au total, quinze pays sont touchés.
Selon les régions, le tsunami ne s’est pas manifesté de la même façon : on a noté un retrait de la mer
d’abord, du côté de la Thaïlande (Pukhet) mais une avancée de la mer d’abord (de plein fouet) du côté
de l’Inde.
Un séisme majeur (magnitude 8,9 - 9,0) a affecté le Japon (épicentre au large de la côte Nord-Est de
Honshu) le 11 mars 2011. Un tsunami, avec des vagues de 10 m, a déferlé une dizaine de minutes plus
tard, la mer avançant de 5 km sur le pays. On déplore 27 000 victimes et 360 000 personnes ont été
évacuées. Des centrales nucléaires (Fukushima, Onagawa) ont été affectées.
Le séisme du 1 er novembre 1755, qui détruisit Lisbonne et dont l’épicentre se situait dans l’Atlantique,
créa aussi un grand tsunami. Les vagues ont atteint Cadix en Espagne (avec des vagues de 15 mètres) et
Tanger au Maroc (17 mètres) en 20 minutes, puis Lisbonne (vagues de 5 mètres) 25 minutes plus tard
soit 45 minutes après le séisme. Les habitants de Lisbonne, qui s’étaient réfugiés juste après le séisme
près du fleuve Tage en se croyant à l’abris, ont été emportés par la vague destructrice. La vague arriva
en Angleterre avec encore 3 mètres de haut. On déplora probablement 100 000 morts au total (90 000
à Lisbonne et 10 000 au Maroc).
Les îles des DOM-TOM français (Antilles,
Réunion, Polynésie française) sont concernées
par les risques de tsunamis d’origine volcanique
et/ou sismique. Le séisme du 18 novembre
1867 des Îles Vierges, dit "de Porto Rico",
a déclenché un tsunami qui a sévèrement
affecté les côtes de Guadeloupe. Le tsunami
de 2004, issu de Sumatra, a atteint les côtes
de la Réunion.

Le tsunami du 26 décembre 2004, qui a pris naissance


en Indonésie, s’est propagé à travers tout l’océan Indien
en une dizaine d’heures (les temps écoulés depuis le
début du tsunami sont indiqués) (dessin J.L. Bernard)

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ZIRCON n° 41 - Janvier 2012

La prévention
Les tsunamis majeurs de 2004 et 2011 ont (re)démontré l’importance des risques de tsunami et la
grande quantité de régions concernées. Des systèmes de surveillance ont été mis en place à l’échelle
mondiale, notamment par des liaisons satellites. Une bonne information et éducation des populations
menacées reste prioritaire.

Un tsunami dans l'Atlantique ou en Méditerranée ?

Les nombreuses îles volcaniques de l’océan Atlantique pourraient être à l’origine de tsunamis. Par
exemple, l’effondrement dans la mer d’un fl anc (500 km 3
) du volcan Cumbre Vieja à La Palma aux
Canaries provoquerait un tsunami sur l’Atlantique, qui atteindrait l’Espagne, l’Angleterre (avec des
vagues de 5 à 7 mètres) et aussi les côtes américaines (vagues de 10 à 25 mètres).
En Méditerranée, région sismique et volcanique, 250 tsunamis se sont produits au cours des deux
derniers millénaires dont 70 en Italie. Leur importance est moindre car la masse d’eau est plus
faible mais le temps de parcours est réduit (5 à 10 minutes) à cause des distances courtes, ce qui
complique la prévention.
Les deltas sont les plus exposés.

Cet article est extrait du livre de Jacques-Marie Bardintzeff : Le grand livre des volcans du monde,
séismes et tsunamis, Editions Orphie, 2010. Avec l’aimable autorisation de l’Editeur.

Jacques-Marie Bardintzeff lors d'une sortie avec le CGHL au maar d'Echamps

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