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Gounelle Matthieu

Météorites

À la recherche de nos origines


Schémas et graphiques : Édigraphie
© Flammarion, 2013
Dépôt légal : novembre 2013

ISBN numérique : 978-2-0813-3142-6


ISBN du pdf web : 978-2-0813-3143-3

Le livre a été imprimé sous les références :


ISBN : 978-2-0812-9296-3

Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo


Présentation de l’éditeur
La probabilité n’est pas grande, mais elle existe : un jour, un bolide
extraterrestre percutera la Terre. Est-ce là cependant tout ce que les
météorites nous apprennent ? Matthieu Gounelle nous invite ici à
réévaluer nos craintes et, à l’aune des dernières découvertes cosmo-
chimiques et astrophysiques, à apprécier la richesse insoupçonnée des
pierres tombées du ciel.
D’où viennent-elles ? Quel rôle ont-elles joué dans l’apparition de la vie ?
Que nous disent-elles de la formation de la Lune ? Quelle trace de la
naissance du système solaire conserventelles ? Saviez-vous que certaines
météorites, vieilles de plusieurs milliards d’années, contiennent de la
poussière d’étoiles ?
Ce livre nous entraîne depuis la Terre – sur laquelle sont éparpillés des
dizaines de cratères d’impacts – jusqu’aux confins de notre galaxie, là où
des étoiles semblables au Soleil continuent de se former. Au terme de ce
voyage interplanétaire, sans plus trembler, vous connaîtrez l’émotion qu’il
y a à toucher du doigt le mystère de nos origines.

Matthieu Gounelle est professeur du Muséum national d’histoire naturelle


et membre de l’Institut universitaire de France. Ses travaux de recherche
portent sur la formation des planètes et des étoiles. Au Muséum, il est
responsable de l’équipe de cosmo-chimie et chargé de conservation pour
la collection de météorites, une des plus riches au monde.
DU MÊME AUTEUR
Les Météorites, PUF, coll. « Que sais-je ? », 2009
MÉTÉORITES
Introduction

« Fascinantes » et « inquiétantes », tels sont les adjectifs qui reviennent le


plus souvent pour qualifier les météorites. Fascinantes, elles le sont d’abord
par leur composition exceptionnelle. Sous la croûte noire qui le plus
souvent les recouvre, elles recèlent des minéraux extraterrestres parfois
inconnus sur Terre. Particulièrement denses, elles sont riches en fer
métallique, absent de la surface terrestre 1. Certaines contiennent même de
mystérieuses billes auxquelles les spécialistes donnent le nom de
« chondres ». Qu’elles soient de pierre ou de fer, ce sont des roches à nulle
autre pareille.
Très tôt les météorites de fer ont représenté un matériau de choix pour
forger des armes ou des parures. Dans la tombe de Toutankhamon
(1330 av. J.-C.), on a découvert un poignard en fer météoritique et il n’est
pas rare de trouver des perles faites de matériau extraterrestre dans
d’antiques mausolées d’Égypte ou d’ailleurs. En raison de leur préciosité et
de leur origine extraterrestre, certaines météorites ont fait l’objet d’un culte
durable. Les bétyles, ces pierres sacrées révérées au Proche-Orient durant
l’Antiquité, étaient probablement des pierres tombées du ciel 2.
De nos jours, des hommes et des femmes n’hésitent pas à arpenter la
Terre pour découvrir toujours plus de météorites. Des expéditions sont
organisées par les scientifiques, mais aussi par des marchands. Ils vont dans
le Sahara, en Atacama (Chili), et en Antarctique, à la recherche de
météorites. Ces trouvailles 3 enrichissent les collections des musées,
deviennent l’objet de recherches scientifiques ou sont vendues à prix d’or
sur Internet et dans des boutiques spécialisées.
C’est enfin – et surtout – en raison de leur provenance mystérieuse que
les météorites excitent la curiosité de tous. Si elles ont parcouru des
centaines de millions de kilomètres avant de tomber sur Terre, on ignore
trop souvent d’où elles viennent exactement. Arrivent-elles de notre
galaxie, du Soleil, de la planète Mars ou d’autres corps du système solaire ?
Elles sont aussi perçues comme des menaces. Certaines d’entre elles
tombent sans crier gare, endommagent des bâtiments, blessent des passants
ou des animaux. Je songe en particulier à la météorite tombée en Russie en
février 2013. Son explosion dans le ciel de l’Oural a fait l’ouverture des
journaux télévisés du monde entier. Plus près de nous, la météorite tombée
à Draveil, dans l’Essonne, en juillet 2011, a brisé les tuiles du toit de
Madame Comette, la bien nommée. Des astéroïdes, qui ne sont rien d’autre
que de grosses météorites, passent régulièrement à proximité de la Terre.
Ces objets, dont le diamètre de certains atteint plusieurs centaines de
mètres, sont au cœur de l’attention grandissante des scientifiques, mais
aussi des médias. Parfois, une comète balaye le ciel de sa chevelure.
Les traces tangibles des impacts du passé s’ajoutent à ces corps
tournoyant inlassablement au-dessus de nos têtes. On pourrait assez
facilement penser, en observant les cratères d’impact qui ont stigmatisé par-
ci par-là les cinq continents, qu’un jour le ciel finira par nous tomber sur la
tête. Une météorite gigantesque n’a-t-elle pas causé la disparition soudaine
des dinosaures il y a 65 millions d’années ? La peur gagne donc les esprits,
et d’autant plus que certains n’hésitent pas à écrire que la Terre elle-même
serait en danger. Au « temps des catastrophes 4 », la menace extraterrestre
suscite un grand nombre d’interrogations. Il s’agit pour les scientifiques de
répondre à une demande sociétale forte : il faut surveiller le ciel, quantifier
les risques, imaginer des moyens efficaces de protéger la planète et ses
habitants d’un impact destructeur.
Au-delà des craintes qu’elles suscitent et de la fascination qu’elles
exercent, les météorites sont aussi et avant tout des objets de science.
L’immense majorité d’entre elles sont beaucoup plus âgées que les plus
anciennes roches terrestres. Contrairement à ces dernières, maintes et
maintes fois transformées en raison de l’intense activité géologique de notre
planète, un nombre important de météorites ont préservé la mémoire de nos
origines 5.
Les météorites primitives sont des archives qui nous permettent de
déchiffrer l’histoire de notre système solaire pour peu qu’on les mette en
regard d’autres savoirs (géologiques, astronomiques…). Leur étude aide à
reconstituer les premiers millions d’années de notre système solaire, les
différentes étapes de la formation planétaire ou encore les mécanismes
régissant la naissance, la vie et la mort des étoiles. D’autres, un peu plus
jeunes (mais toujours anciennes comparées aux roches terrestres),
proviennent de corps planétaires, tels Mars ou la Lune, et permettent de
comprendre l’évolution précoce de ces corps.
Les météorites sont aussi un moyen privilégié de revenir sur la question
de l’origine de la vie. Même s’il est improbable que les météorites aient
apporté la vie sur Terre, comme certains savants l’ont prétendu, elles
auraient pu contribuer à la dot originelle de notre planète en eau et en
matière carbonée, deux ingrédients indispensables à l’émergence de la vie
telle que nous la connaissons et dont la présence sur Terre requiert une
explication. Ni Mars ni Vénus, les deux planètes les plus proches de la
Terre, ne possèdent par exemple d’océans.
Aujourd’hui encore, les questions que posent les météorites sont
innombrables, même si elles ont déjà révélé quelques-uns de leurs secrets.
D’où viennent-elles ? De quoi sont-elles faites ? Sont-elles dangereuses ?
Peut-on s’en protéger ? Que nous apprennent-elles sur l’origine de la Terre,
sur celle de la vie ?
Étudier les météorites, c’est voyager dans le temps et dans l’espace, à une
époque où les premiers solides se formaient, où les premières molécules
organiques s’assemblaient ; c’est imaginer des collisions gigantesques entre
des protoplanètes ou encore l’arrivée sur Terre de corps glacés apportant
l’eau et les briques moléculaires de la vie ; c’est aussi se projeter loin dans
l’espace, à des dizaines de millions de kilomètres de la Terre, afin d’étudier
les différents corps du système solaire.
Le sujet étant particulièrement vaste, je m’en tiendrai à la présentation
des propriétés les plus importantes des météorites et n’entrerai pas dans le
détail des questions de classification qui n’intéressent que les spécialistes.
J’ai également pris le parti de donner une place importante à toutes les
disciplines connexes, en particulier à l’astrophysique, et de m’appuyer sur
la recherche telle qu’elle se fait 6. Des encadrés précisent des points
techniques ou attirent l’attention sur des notions élémentaires qui seront
développées ultérieurement. Pour illustrer l’ouvrage, j’ai bénéficié non
seulement des excellentes photographies des météorites conservées au
Muséum national d’histoire naturelle, mais également des clichés d’un
grand nombre de corps célestes pris par les principales agences spatiales
internationales.
C’est donc à ce va-et-vient entre la Terre et le ciel, entre l’ancien et le
lointain, entre astronomie et géologie, que les météorites nous convient.
Mais commençons par le commencement : levons la tête et examinons les
conséquences de l’arrivée inattendue d’une pierre animée d’une vitesse
considérable en haut de l’atmosphère terrestre.
I
LA MENACE EXTRATERRESTRE
1
Tombées du ciel

Mai 1864, 20 heures. La nuit vient de tomber sur Toulouse et sa région


quand une gigantesque boule de feu traverse le ciel d’ouest en est en
illuminant la ville et sa campagne. Presque immédiatement, elle se scinde
en plusieurs parties dans un tonnerre assourdissant tandis que, dans la
localité d’Orgueil (Tarn-et-Garonne), à 15 kilomètres au sud de Montauban,
des pierres s’abattent en une pluie violente. Des dizaines de curieux se
précipitent pour ramasser les pierres brûlantes.
Peu de temps après cet événement inattendu qui fit la une de la presse
régionale, Gabriel-Auguste Daubrée, titulaire de la chaire de géologie du
Muséum national d’histoire naturelle, reçoit des dizaines de lettres de
témoins qui disent leur effroi et leur stupeur. La boule de feu a été aperçue
jusqu’à Arras et les roulements de tonnerre ont été entendus jusqu’à
Bordeaux. Alexandre Leymerie, professeur de minéralogie à l’université de
Toulouse, présent lui aussi lors de l’arrivée dans l’atmosphère terrestre de
ce météoride 1 d’environ un mètre de diamètre (cf. figure 1.1), parle d’« une
masse lumineuse de forme arrondie, un peu plus large en avant qu’en
arrière, et d’un volume apparent comparable à celui de la Lune en son
plein 2 ». Si un objet aussi petit a fait une apparition si spectaculaire dans
notre ciel, c’est qu’il est arrivé sur Terre à une vitesse considérable (on parle
d’hypervitesse ou de vitesse cosmique), de l’ordre de 20 km/s (soit
72 000 km/h), convertissant une quantité gigantesque d’énergie cinétique en
énergies lumineuse, thermique et acoustique (cf. l’encadré ci-dessus).

Vitesse et énergie
La vitesse des météorides entrant dans l’atmosphère terrestre varie entre 11 et 72 km/s. Le
plus souvent, elle avoisine 20 km/s, soit 72 000 km/h. Ces vitesses correspondent à celles des
corps qui tournent autour du Soleil. L’énergie cinétique dépend de la masse (m) et de la vitesse
(v) d’un objet suivant la formule EC = ½ mv2. Un météoride de 1 tonne animé d’une vitesse
de 20 km/s a une énergie cinétique de EC = ½ mv2 = ½ ×1 000 × (20 000)2 = 2 ×1011 J
(200 milliards de joules). Par comparaison, une voiture de même masse animée d’une vitesse
de 72 km/h (20 m/s) a une énergie cinétique 1 million de fois moins importante (2 × 106 J).
En raison des énergies considérables des météorides, on utilise souvent comme terme de
comparaison l’énergie dégagée par l’explosion de 1 tonne de TNT (4,2 ×109 J) ou de la bombe
d’Hiroshima (6,3 ×1013 J). Un météoride de 300 tonnes (quelques mètres de diamètre) animé
d’une vitesse de 20 km/s suffit pour libérer dans l’atmosphère une énergie comparable à
l’explosion d’Hiroshima.

Le phénomène lumineux, connu sous le nom de météore (cf. Ill. 29 3), est
dû à l’intense frottement du météoride contre les molécules d’air qui porte
les météorides à incandescence. La couleur du météore dépend de sa
composition, de même que la couleur d’une flamme dépend de la nature de
la matière brûlée. On a vu des météores bleus, d’autres rouges, certains sont
verts. D’après les témoins, le météore d’Orgueil 4 aurait été d’un beau rouge
orangé.

FIGURE 1.1. Phénomènes accompagnant l’entrée atmosphérique d’un météoride de pierre


de quelques dizaines de centimètres de diamètre. Le météore (phénomène lumineux) prend
fin à environ quelques dizaines de kilomètres d’altitude lorsque l’objet a perdu l’essentiel
de sa vitesse cosmique. La fragmentation a lieu d’autant plus bas que le météoride est massif.
Tandis que le météore file dans le ciel et attire tous les regards, la surface
fondue de la pierre est portée à une température de l’ordre de 1 500 °C et
s’évapore. La matière produite se répand alors dans l’atmosphère et finit par
former un nuage (cf. Ill. 30) qui peut persister plusieurs jours après le
passage du météoride. Ce phénomène d’ablation conduit à des pertes de
masse de l’ordre de 90 % en quelques secondes. Il s’accompagne d’un
important dépôt de chaleur dans l’atmosphère.
L’arrivée à hypervitesse dans l’atmosphère soumet également le
météoride à un choc mécanique très violent pouvant provoquer sa
fragmentation explosive, souvent le long de lignes de fracture préexistantes.
En effet, à une telle vitesse, l’atmosphère constitue presque un corps solide
pour le météore, un peu comme un plongeur qui arriverait trop vite à la
surface de l’eau. Le roulement de tonnerre n’est que l’effet de la détonation
causée par l’explosion du météoride dans l’atmosphère 5. Les ondes sonores
émises par la déflagration peuvent être enregistrées par des sismographes
ou des détecteurs acoustiques situés à des centaines de kilomètres du lieu de
chute.
La combustion du météoride commence très tôt dans l’atmosphère, dès
70-100 km d’altitude. La fragmentation a lieu à environ 30-40 km pour un
corps du diamètre d’Orgueil et à environ 10 km pour un corps de 50 m de
diamètre. Les météorides de taille inférieure à quelques dizaines de
centimètres ne se fragmentent généralement pas. L’essentiel de leur énergie
cinétique est converti en énergie lumineuse et thermique plutôt qu’en
énergie acoustique. Les étoiles filantes ne sont rien d’autre que des
météorides de taille centimétrique brûlées (en partie, puisqu’elles
conservent environ 10 % de leur masse) dans la haute atmosphère.
L’essentiel de l’énergie cinétique portée par les météorides est donc
dissipé en quelques secondes dans l’atmosphère par tous les phénomènes
que nous venons d’exposer. Cette dissipation d’énergie s’accompagne d’une
décélération du météoride, qui perd peu à peu de sa vitesse cosmique
jusqu’à tomber en chute libre, à quelques centaines de mètres par seconde
(la vitesse de chute d’un parachutiste avant l’ouverture de sa toile). Pendant
cette phase, le météoride est invisible du sol, car il ne va plus suffisamment
vite pour se consumer dans l’atmosphère terrestre. C’est pour cette raison
qu’on appelle cette phase, qui dure quelques dizaines de secondes, le vol
sombre (dark flight en anglais).

FIGURE 1.2. Ellipse de chute de la météorite d’Homestead (Iowa, États-Unis, 1875). Les fragments
de météorites les plus massifs se trouvent à l’extrémité la plus éloignée (dans le sens de la trajectoire)
de l’ellipse. La carte a été redessinée d’après le croquis du géologue Oliver Cummings Farrington,
conservateur de la collection de météorites du Field Museum of Natural History à Chicago de 1894
à 1904.

Au terme du vol sombre, les météorides touchent terre et prennent le nom


de météorites. Il est rare de trouver une météorite unique et le nombre de
fragments est extrêmement variable : quelques dizaines dans le cas
d’Orgueil ; quelques milliers dans celui de la chute de Pultusk (Pologne,
1868), pour laquelle on a recensé jusqu’à deux tonnes de pierres dispersées
en cent mille fragments. Lorsque le nombre de fragments est supérieur à
plusieurs dizaines, on parle d’une pluie ou d’une averse de météorides. Les
fragments se répartissent sur une ellipse de chute (cf. figure 1.2), les plus
massifs se trouvant à l’extrémité la plus éloignée (dans le sens de la
trajectoire) de l’ellipse.
Les météorites à peine tombées sont recouvertes d’une croûte de fusion
(cf. Ill. 1-5), une fine coquille sombre qui enrobe entièrement la pierre.
Cette croûte de fusion n’est autre que la dernière surface du météoride figée
après l’interruption du processus d’ablation. D’un aspect noir et plus ou
moins vernissé, la croûte de fusion permet de distinguer les météorites
fraîchement tombées des roches terrestres. Dans certains cas, la surface des
météorites est couverte de dépressions ressemblant à des empreintes de
pouces. Ce motif, appelé « régmaglypte » (cf. Ill. 4), est causé par la
turbulence de l’air.
Bien qu’elles aient brûlé dans l’atmosphère, les météorites ne sont pas
toujours chaudes quand on les ramasse. Elles ont en effet largement le
temps de se refroidir lors du vol sombre ainsi qu’entre l’atterrissage et le
moment où elles sont recueillies. Il arrive même que des météorites soient
froides, qu’elles conservent les températures basses du milieu
interplanétaire qu’elles ont parcouru pendant des millions d’années avant de
tomber sur Terre. Dans le cas des météorites de Dharamsala (1860, Inde) et
de Colby (1917, États-Unis), on a fait état de givre les recouvrant ; il ne
s’agissait évidemment pas de givre extraterrestre, mais d’eau terrestre se
condensant autour d’un corps froid. Certains témoins ont aussi rapporté que
des météorites fraîchement tombées dégageaient une odeur nauséabonde ;
cette odeur proviendrait des composés riches en soufre abondants dans les
météorites, leur combustion produisant du sulfure d’hydrogène (la molécule
qui donne son odeur fétide aux boules puantes).
Dans la mesure où leur vitesse n’est pas très élevée lors du vol sombre,
les météorites de taille modeste font peu de dégâts lorsqu’elles tombent sur
le sol. Elles créent une excavation qualifiée élégamment de trou de
pénétration, dont le diamètre est comparable à leur propre diamètre. Les
météorites de Pultusk (1868, Pologne) et de Tagish Lake (2000, Canada)
n’ont même pas brisé la glace des lacs gelés sur lesquels elles sont tombées.
En dépit de certaines légendes (comme celle du général rebelle
Catillianis qui aurait été tué par une météorite en 1906), il n’existe pas de
victime (connue) d’une chute de météorites. La blessure la plus
spectaculaire provoquée par une météorite est celle d’une jeune femme
frappée le 30 novembre 1954 à Sylacauga, en Alabama. Tandis qu’elle se
reposait sur son divan, elle reçut sur la hanche une pierre d’environ quatre
kilos provoquant un singulier hématome. Presque quarante ans plus tard, un
jeune garçon fut touché par un fragment de météorite à Mbale, en Ouganda,
le 14 août 1992. La pierre de 3,6 g fut freinée par des feuilles de bananier et
le jeune garçon put poser fièrement, après la chute, la météorite en main.
Enfin, très récemment, l’onde de choc générée par la météorite de
Tcheliabinsk (cf. l’encadré suivant) a blessé environ mille personnes.

La météorite de Tcheliabinsk
Le 15 février 2013, en Oural (Russie), des milliers de personnes ont aperçu un météore au
lever du jour. Il a été filmé par les caméras embarquées dans les véhicules des particuliers
(pour se prémunir de la corruption policière), entre autres au-dessus de la ville industrielle de
Tcheliabinsk. Le météoride a explosé à environ 40 km d’altitude, relâchant quelques dizaines
de grammes de météorites qui ont été trouvées autour du lac Tcherbakoul. Très rapidement, à
partir des films, des enregistrements sismiques et des données satellitaires, les scientifiques ont
estimé qu’il s’agissait d’un objet de 17 m environ, pesant 10 000 tonnes et animé d’une vitesse
préatmosphérique de 15 km/s.

Si l’on ne recense que deux animaux tués par des météorites, la palme de
la malchance revient à un chien, touché par une météorite martienne à
Nakhla, dans le nord de l’Égypte, le 28 juin 1911 ; un comble quand on sait
que les météorites martiennes représentent moins de 0,1 % des chutes
météoritiques. L’histoire n’a pas retenu le nom de ce malheureux. L’autre
infortuné animal est une vache qui aurait été heurtée par une chondrite
ordinaire, ce qui est moins insolite puisque les chondrites ordinaires
représentent plus de 80 % des chutes de météorites (cf. chapitre 7).
Quant aux dégâts matériels causés par les météorites, ce sont ceux de
Tcheliabinsk qui ont établi un record en endommageant plus de 3 000
appartements et presque 1 000 bâtiments publics. Avant février 2013, le
dégât le plus remarquable a été causé par la météorite de Peekskill (États-
Unis), tombée le 9 octobre 1992 sur le phare arrière gauche d’une Chevrolet
Malibu rouge. La propriétaire de la voiture a su tirer profit de cet
événement extraordinaire puisqu’elle a revendu dix mille dollars un
véhicule acheté trois cents quelques jours plus tôt. La voiture a été
présentée au public en de nombreux endroits dans le monde, dont le
Muséum national d’histoire naturelle, à Paris, à l’occasion de l’exposition
« Météorites ! » en 1996.
L’atmosphère terrestre agit donc comme un coussin protecteur. En
consumant les météorides, en les ralentissant et en les fragmentant 6, elle a
pour conséquence que les météorites tombent rarement sur Terre ou alors à
relativement basse vitesse. Mais l’atmosphère ne peut pas tout. Si le corps
arrive trop vite ou est trop massif, l’atmosphère n’est pas assez dense pour
le freiner et il (on parle alors de bolide) arrive au sol à hypervitesse.
2
Le danger des impacts extraterrestres

On considère qu’un impact est catastrophique si le météoride parvient au


sol sans avoir été détruit par l’atmosphère ou si l’explosion a lieu si près du
sol que les conséquences en sont dramatiques. C’est ce qui s’est passé en
Sibérie centrale le 30 juin 1908 à 7 h 20, heure locale, après qu’une
gigantesque boule de feu eut traversé le ciel en direction du nord, à
proximité de la rivière Podkamennaïa Toungouska, et eut explosé en
embrasant tout l’horizon. Un témoin situé à la station de trappeurs de
Vanorava, distante d’environ 50 km du lieu de l’explosion, a affirmé que les
vitres des bâtiments avaient été brisées, que les portes étaient sorties de
leurs gonds et qu’il avait été projeté par le souffle de l’explosion à environ
sept mètres de l’endroit où il coupait du bois.
À cette époque, la situation politique est compliquée en Russie. Depuis la
révolution avortée de 1905, le régime impérial est affaibli. Il finira par
s’écrouler, comme on le sait, en 1917. Comment alors considérer comme
une priorité l’envoi d’une expédition en Sibérie centrale pour enquêter sur
la chute d’un bolide extraterrestre ? Il faudra attendre 1921 pour que Leonid
Koulik, de la toute jeune Académie des sciences soviétique, parte à la
recherche des vestiges de l’explosion (la météorite et son cratère) et
interroge les témoins à Vanorava, sans néanmoins parvenir à rejoindre le
point supposé de l’impact, trop difficile d’accès. C’est en 1927 qu’il
l’atteindra, découvrant un spectacle digne de l’apocalypse : devant lui, des
dizaines de milliers d’arbres, sur plusieurs milliers de kilomètres carrés,
littéralement soufflés par l’explosion, mais aucune trace de cratère d’impact
ni de météorite… qui ne seront jamais découverts. La seule preuve
matérielle attestant de la présence d’un corps extraterrestre est la poussière
météoritique identifiée en 1957 dans des prélèvements réalisés trente ans
plus tôt. L’absence de cratère a longtemps nourri les spéculations : on a
parlé de trou noir, d’antimatière et bien sûr d’explosion de vaisseau
extraterrestre…

FIGURE 2.1. Arbres de la forêt sibérienne couchés par l’explosion du bolide de la Toungouska
(longitude 101°57’E, latitude 60°55’N) en 1908. Photographie prise en 1927 lors de la seconde
expédition de Koulik.

Ces explications sont évidemment fantaisistes. Elles proviennent de la


méconnaissance des phénomènes provoqués par l’entrée à hypervitesse
dans l’atmosphère d’un corps extraterrestre. Les dernières modélisations de
l’entrée atmosphérique du bolide de Toungouska suggèrent qu’on avait
affaire à un corps pierreux d’environ 50 m de diamètre animé d’une vitesse
de 20 km/s. Il se serait désintégré à 10 km d’altitude et aurait libéré une
énergie équivalant à environ 8 400 bombes d’Hiroshima.
FIGURE 2.2. Projection de la zone de destruction du bolide Toungouska sur l’Île-de-France.

Les seules victimes de cette énorme explosion ont été des rennes, sans
qu’on en connaisse précisément le nombre. Si le bolide était arrivé cinq
heures plus tard, il aurait explosé au-dessus de Saint-Pétersbourg (du fait de
la rotation de la Terre). La capitale de l’empire russe, qui comptait alors
1 700 000 habitants, aurait probablement été rasée. Difficile de mieux
illustrer la nature hasardeuse des impacts des bolides extraterrestres qui
tombent n’importe où, n’importe quand et sans prévenir. Les effets
dévastateurs produits par un événement du type Toungouska demeurent
cependant circonscrits et concernent uniquement leur environnement
proche.

Ceux des corps les plus massifs qui parviennent au sol sans exploser dans
l’atmosphère créent des cratères d’impact 1. Grâce à des travaux théoriques
et à des études de terrain, mais aussi à l’analyse des effets des explosions
nucléaires, les mécanismes de formation des cratères d’impact sont
désormais relativement bien connus (cf. figure 2.3). Lorsque le météoride
touche le sol à sa vitesse cosmique, son énergie cinétique est transmise à la
roche via une onde de choc pouvant atteindre 100 GPa (lire gigapascals 2).
C’est la propagation de cette onde qui creuse le cratère et lui donne sa
forme circulaire au cours d’un phénomène explosif qui dure une fraction de
seconde. Le diamètre d’un cratère d’impact est environ vingt fois celui du
bolide incident. Le météoride est en général presque entièrement vaporisé et
on ne retrouve à proximité du cratère que quelques fragments de météorites.
Pour les impacts les plus importants, des tectites 3 peuvent être envoyées
jusqu’à des milliers de kilomètres de distance.
Les dégâts causés aux roches par les impacts sont considérables. Une
partie d’entre elles sont choquées, broyées et deviennent de nouvelles
roches appelées impactites (ou brèches d’impact) pouvant contenir une
faible proportion de matériau extraterrestre. Certaines impactites ne
contiennent pas de composante météoritique, mais sont constituées
uniquement de matériau terrestre fragmenté, puis rassemblé. D’autres
roches ont été tellement compressées par l’onde de choc qu’elles forment
des cônes de percussion (cf. Ill. 33). Il s’agit de roches coniques dont les
fractures s’étendent radialement depuis le sommet du cône selon un angle
de 75 à 90 degrés. On n’en trouve cependant pas autour de tous les cratères
puisqu’ils se forment préférentiellement dans des terrains sédimentaires. En
se plaçant à plus petite échelle, on peut aussi observer les effets du choc sur
la structure de certains minéraux, comme le quartz. On parle alors de quartz
choqués. Ces effets sur les roches sont des moyens d’identification des
cratères (des dépressions circulaires peuvent être créées par bien d’autres
phénomènes).
FIGURE 2.3. Mécanisme de formation d’un cratère simple (créé par un bolide de diamètre inférieur
à 4 km). Phase de compression : le projectile extraterrestre parvient au sol à hypervitesse. Une onde
de choc se propage dans le sol et compresse la roche cible. Phase d’excavation : la roche mère
est vaporisée en surface et fondue en profondeur. Elle est entraînée à grande vitesse avec le projectile,
qui est complètement
vaporisé. Une cavité transitoire est formée par le passage de l’onde de choc. Phase d’ajustement :
les bords du cratère s’effondrent, résultant en un comblement partiel de la cavité transitoire.
Les brèches d’impact sont un mélange de roches cibles fondues, vaporisées et fracturées
et de matériau extraterrestre. L’ensemble du processus dure seulement quelques minutes. Dans
le cas d’un cratère complexe (créé par les bolides de diamètre supérieur à 4 km), un pic central –
dû à la compression puis au relâchement des roches cibles – est formé. (D’après French [1998]
et Brandstätter et al. [2013].)

Un cratère de 50 m de diamètre (cf. Ill. 32) a récemment été identifié à


Kamil dans le sud-ouest de l’Égypte, en 2008, grâce à des images de
Google Earth. La découverte de ce cratère, échantillonné par une expédition
scientifique italo-égyptienne en février 2010, a fait quelque peu parler d’elle
en raison de la rareté des petits cratères (inférieurs à 100 m de diamètre) sur
Terre et de son jeune âge (inférieur à 5 000 ans 4). Les chercheurs ont trouvé
autour du cratère 1,7 tonne de météorites de fer. Les débris arrachés aux
roches terrestres, appelés éjectas, dont la masse peut atteindre 4 tonnes, ont
été projetés en moyenne à 50 m du cratère et jusqu’à 350 m pour les plus
lointaines. Cette couverture d’éjectas est distribuée de façon asymétrique,
indiquant une arrivée oblique du bolide. Les dégâts occasionnés concernent
seulement quelques hectares, la taille approximative de plusieurs terrains de
football.

Plus impressionnant, Meteor Crater, en Arizona (États-Unis), situé à


60 km environ à l’ouest de Flagstaff : d’un diamètre de 1,2 km et d’un
volume de plusieurs millions de km3 (cf. Ill. 31), ce cratère a été formé il y a
environ 50 000 ans par un bolide de 100 m de diamètre. On a retrouvé
autour de lui seulement 30 tonnes de météorites de fer dispersées en
12 000 fragments, alors que la masse estimée du météoride était d’au moins
30 millions de tonnes. Les météorites associées à Meteor Crater ont pris le
nom de Canyon Diablo 5, en référence à un petit canyon se trouvant 3 km à
l’ouest du cratère. L’énergie dissipée lors de l’impact est estimée pour
Meteor Crater à plusieurs mégatonnes de TNT, l’équivalent de plusieurs
centaines de bombes d’Hiroshima.
FIGURE 2.4. Distribution des cratères d’impact à la surface terrestre. D’après la carte établie
par le Planetary and Space Science Centre (University of New Brunswick, Canada).

Les effets d’un tel impact vont au-delà de la modification des roches et
dépassent l’échelle locale. Le bolide a probablement provoqué un
tremblement de terre et de gigantesques glissements de terrain. Des millions
de mètres cubes de poussière ont été arrachés du sol, fondus et envoyés
dans des lieux très éloignés du point d’impact, provoquant à leur retombée
des incendies qui auraient pu toucher l’ensemble du continent nord-
américain, lequel, rappelons-le, n’était pas encore peuplé d’hommes il y a
cinquante mille ans 6. La faune et la flore ont en revanche été certainement
extrêmement perturbées par l’impact. On estime qu’il a fallu un siècle à
l’environnement pour en effacer les stigmates.

Les cratères sur Terre


On dénombre plus de 180 cratères sur Terre, inégalement répartis géographiquement ( cf.
figure 2.4) : principalement en Amérique du Nord, en Europe du Nord et en Australie, c’est-à-
dire dans des régions où ils sont faciles à observer au sol ou à détecter des satellites. La
couverture végétale est en effet plus modeste dans les hautes latitudes que dans les régions
équatoriales, couvertes de forêts denses. Un autre facteur explique la surabondance des
cratères dans ces régions : leur ancienneté (l’Afrique ou l’Asie sont des continents plus jeunes
que l’Amérique du Nord ou l’Australie). Plus un socle continental est ancien, plus il aura
enregistré de cratères. C’est la raison pour laquelle un seul cratère a été identifié sur le
plancher océanique alors que 80 % des impacts se produisent dans l’océan. Le recyclage de la
croûte océanique est si rapide (180 millions d’années au plus) que les cratères y disparaissent
presque aussi « vite » qu’ils se forment. Les cratères qui sont particulièrement érodés et
difficilement reconnaissables sont appelés des astroblèmes (littéralement cicatrices
cosmiques). C’est le cas du seul cratère français, situé à Rochechouart (à cheval sur les
départements de la Haute-Vienne et de la Charente), qui n’a pu être identifié qu’en 1969 (grâce
à la nature particulière des roches). D’un diamètre de 23 km, il se serait formé il y a environ
200 millions d’années. Le site www.passc.net/EarthImpactDatabase recense et met à jour tous
les cratères d’impact sur Terre.

La surface terrestre étant couverte à 80 % d’océans, il est important


d’envisager les conséquences d’un impact similaire en milieu marin. Les
modèles indiquent que des objets de plus de 100 m peuvent provoquer des
vagues géantes (ou tsunamis). L’effet d’un tsunami provoqué par un impact
extraterrestre dépend bien sûr de la distance à la côte de l’impact, mais
aussi du rapport entre le diamètre du bolide et la profondeur de l’océan.
Plus ce rapport est élevé, plus le tsunami est destructeur.
En dépit de sa supériorité sur Kamil Crater, Meteor Crater est un nain
comparé au cratère de Chicxulub, astroblème à cheval sur le golfe du
Mexique et la péninsule du Yucatan (cf. figure 2.5). L’origine extraterrestre
du cratère de Chicxulub, partiellement comblé par des sédiments, a été
établie à la fin des années 1980. D’un diamètre de 180 km environ 7, c’est le
second plus large cratère d’impact après ceux de Vredefort, en Afrique du
Sud, et de Sudbury, au Canada (diamètres respectifs de 250 et 300 km).
C’est un monstre, et le bolide qui l’a formé atteignait la taille respectable de
dix kilomètres de diamètre.

Impacts de fer, impacts de pierre


Le comportement des météorides dans l’atmosphère est connu essentiellement de façon
empirique. Il dépend de la vitesse, de l’angle d’entrée, de la forme du météoride… Des
simulations informatiques visant à reproduire ce phénomène complexe commencent à être
entreprises par plusieurs groupes de recherche. Une importante différence semble exister entre
les météorides de fers et ceux de pierres. Les premiers sont moins sujets à la destruction dans
l’atmosphère terrestre et, toutes choses égales par ailleurs, tendent à former plus facilement
des cratères. La majorité des plus petits cratères sont donc provoqués par des météorides
ferreux bien que ceux-ci soient plus rares que les météorides de pierre ( cf. chapitre 7).
La particularité du cratère de Chicxulub est son âge. Il est estimé à
65 millions d’années, ce qui correspond à la transition entre les âges
géologiques du crétacé et du tertiaire. À ce moment de l’histoire de la Terre,
près de 40 % de la faune terrestre a disparu, dont les emblématiques
dinosaures non aviens 8. Dès 1980, le géologue Luis Alvarez et ses
collaborateurs ont suggéré que cette extinction massive était due à un
impact météoritique, fondant cette thèse sur l’observation d’un fort
enrichissement en iridium (élément abondant dans les météorites et très
appauvri dans la croûte terrestre) à l’intérieur de la couche sédimentaire
correspondant à la limite crétacé-tertiaire. Cet enrichissement,
originellement découvert en Italie, dans la région de Gubbio (Ombrie),
s’observe dans une centaine de sites sur Terre, d’où l’idée d’une cause
unique. L’hypothèse d’Alvarez ayant d’abord été fortement critiquée, la
découverte du cratère de Chicxulub a représenté un argument de poids pour
les défenseurs de l’origine extraterrestre de l’extinction.

FIGURE 2.5. Localisation de l’impact météoritique de Chicxulub, responsable de la disparition


de près de 40 % de la faune terrestre il y a 65 millions d’années.

Depuis l’identification du cratère, on a également mis au jour une petite


météorite (de 2 cm de diamètre) lors d’un forage océanique, en Pacifique
Nord, dans la couche correspondant à la limite crétacé-tertiaire. Cette
météorite riche en carbone pourrait être un fragment du bolide responsable
de l’impact crétacé-tertiaire. Encore plus récemment (en février 2013), la
formation du cratère de Chicxulub a pu être datée avec une précision
exceptionnelle grâce à des techniques de pointe en radiochronologie (cf.
infra). Son âge coïnciderait avec l’extinction crétacé-tertiaire à 30 000
années près.
Ces découvertes vont clairement dans le sens de l’hypothèse
extraterrestre, même si l’extinction massive a pu avoir des causes multiples.
De gigantesques épanchements volcaniques, contemporains de la transition
crétacé-tertiaire, ont peut-être joué un rôle important dans la disparition des
dinosaures et des autres espèces. Situés dans le Deccan, en Inde, ils auraient
empoisonné l’atmosphère en y larguant des gaz toxiques pendant des
centaines de milliers d’années. Dans ce cas, l’impact extraterrestre aurait
représenté le coup de grâce pour un certain nombre d’espèces affaiblies par
les changements climatiques attestés lors du dernier million d’années de
l’ère tertiaire.
L’impact de Chicxulub aurait provoqué un séisme de magnitude 10
(d’après des expériences de simulation, on estime que la fraction d’énergie
incidente transformée en énergie sismique est de l’ordre d’une partie pour
dix mille). Un tremblement de terre d’une telle intensité (par comparaison,
le tremblement de Terre qui a dévasté Haïti en 2010 était de magnitude 7)
aurait occasionné des dégâts bien au-delà de la zone de l’impact proprement
dite. Il aurait libéré du méthane séquestré dans certains sédiments, provoqué
glissements de terrain et tsunamis (l’impact a eu lieu sur une plate-forme
continentale en partie immergée).
Les incendies allumés par les éjectas se seraient propagés à des distances
considérables. Des modèles ont montré que la végétation – particulièrement
abondante à la fin du crétacé – avait pu prendre feu jusqu’à 3 000
kilomètres du point d’impact. Certains chercheurs ont même supposé que
les feux de forêt eussent pu s’étendre à l’ensemble de la planète en raison
d’éjectas qui auraient momentanément quitté la planète avant de retomber à
une vitesse très élevée en pluie ardente.
On estime que 5 ×1012 tonnes de poussières ont été produites par
l’impact. La poussière répandue dans l’atmosphère aurait eu pour effet de
réfléchir la lumière solaire, provoquant une nuit durable que certains ont
comparé à l’hiver nucléaire. Elle aurait été aidée en cela par la suie produite
par la combustion des forêts. Des modèles climatiques sophistiqués –
semblables à ceux utilisés pour prédire les climats à venir – indiquent que la
température mondiale aurait baissé de 12 °C après l’impact. Les
précipitations, quant à elles, auraient diminué de 90 % pendant plusieurs
mois et auraient pris le goût amer de l’acide. Les centaines de gigatonnes de
dioxyde de soufre relâchées dans l’atmosphère se seraient en effet
combinées avec l’eau pour former de l’acide sulfurique ensuite retombé en
pluie sur Terre.

FIGURE 2.6. Évolution qualitative de la température en fonction du temps après l’impact


de Chicxulub. L’absence d’échelle verticale est due aux incertitudes sur la valeur absolue
de la température il y a 65 millions d’années. La figure vise à rendre compte des processus et de leurs
conséquences sur la température terrestre globale. (Source : Philippe Claeys [UVB].)

Plus que les effets instantanés de l’impact, ce serait le changement


climatique durable induit par le relargage de poussières et de gaz à effet de
serre qui aurait conduit à une catastrophe écologique. L’impact aurait en
effet libéré des centaines de gigatonnes de CO2 piégé dans les carbonates de
la roche ou l’eau du golfe du Mexique, auquel se serait ajouté le CO2
produit par la combustion des végétaux. Comme chacun sait, des excès de
gaz à effet de serre dans l’atmosphère ont pour conséquence de faire
augmenter la température à l’échelle du globe. Dans le cas de l’impact
Chicxulub, elle se serait élevée de plusieurs degrés pendant des milliers
années (cf. figure 2.6), fragilisant un grand nombre d’espèces.
Avec les dinosaures non aviens, 40 % des espèces se sont éteintes, à des
degrés divers. Tandis que certaines espèces ont succombé, d’autres ont
survécu et ont même pu se développer. C’est le cas des mammifères, qui ont
colonisé la planète à partir de la disparition des dinosaures, et d’autres
espèces qui occupaient des niches écologiques communes. Soixante-
cinq millions d’années après les dinosaures, ce sont les hommes qui
occupent l’ensemble de la planète et à qui il est donné de réfléchir à leur
destin, et notamment à la menace extraterrestre.
Mais que risquons-nous vraiment ?
3
Un risque mesuré

Le danger potentiel posé par les impacts extraterrestres dépend


évidemment de la taille du bolide incident. Plus un objet est massif, plus les
dommages causés sont importants. Pour évaluer le risque encouru, il faut
donc commencer par déterminer le nombre (ou la masse) de corps d’une
taille donnée qui arrivent sur Terre dans une période de temps de référence,
généralement l’année. Cette grandeur s’appelle le flux, et ce qui nous
intéresse ici est le flux de matière extraterrestre en haut de l’atmosphère.
Le flux des micrométéorides (de quelques centièmes de millimètre de
diamètre à un millimètre) a été mesuré en exposant, six années durant, 6 m2
de panneaux au bombardement de poussière interplanétaire : 761 cratères
d’impacts ont été recensés par les équipes de la NASA, permettant
d’estimer le flux de micrométéorides à environ 20 000 tonnes par an sur
toute la Terre

FIGURE 3.1. Météore photographié par le réseau européen de surveillance des météores (European
Fireball Network), analogue au réseau canadien qui a permis de mesurer le flux de météorides
sur Terre. (Crédit : Pavel Spurný [Ondrejov Observatory].)
Le flux d’objets de taille centimétrique à décimétrique est déterminé en
photographiant et en dénombrant les météores traversant une région du ciel
bien circonscrite. La masse desdits météorides est calculée à partir de
l’intensité lumineuse des météores (cf. figure 3.1). Cette approche a été
développée par le programme canadien de surveillance du ciel baptisé
MORP (Meteorite Observation and Recovery Program), dont les quatre
caméras ont scruté onze années durant (de 1974 à 1985) 1 300 000 km² du
ciel. Le nombre de météorides annuels de masse supérieure à 1 kg (diamètre
d’environ 8 cm) parvenant sur l’atmosphère terrestre est estimé à 35 000 et
celui de météorides de masse supérieure à 10 kg (diamètre d’environ
20 cm) à 5 000.
Pour les corps de diamètre compris entre un mètre et une dizaine de
mètres, on ne peut se fonder sur l’observation des météores par des
caméras, car ils sont trop rares. Afin d’estimer leur fréquence d’impact, on a
recours à des satellites dont le champ d’observation couvre une plus grande
partie du ciel : cinquante météorides de taille métrique tomberaient sur
Terre chaque année et un météoride de taille décamétrique tous les dix ans.

Flux de (micro)météorites
En raison des phénomènes d’ablation et de fragmentation dans l’atmosphère ( cf.
chapitre 1, p. 18-19), le flux des (micro)-météorites est plus faible que celui des
(micro)météorides. Des méthodes de comptage permettent de le déterminer. Pour ce qui est
des micrométéorites, on détermine leur nombre dans un volume de neige ou de glace donné.
Ces expériences s’effectuent en Antarctique, car les poussières terrestres y sont très rares et
parce que le taux d’accumulation de la neige y est bien connu. Le flux mesuré dans les glaces
antarctiques est de l’ordre de quelques milliers de tonnes sur toute la Terre, ce qui correspond
très approximativement à une micrométéorite de 0,2 mm parvenant sur 1 m2 de sol tous les
dix jours. Pour les météorites de plus grande taille, on se rend dans les déserts chauds ( cf.
annexes, p. 188-191) et on compte le nombre de météorites tombées sur une surface donnée
d’âge connu. Ce travail a été effectué dans plusieurs déserts, en particulier dans celui du
Nullarbor, en Australie. Il conduit au chiffre de 3 à 7 tonnes par an sur l’ensemble du globe
dans le domaine de masse [10 g - 1 kg]. En termes de nombre de météorites, cela correspond à
environ 3 000 météorites de plus de 1 kg par an sur la surface terrestre.
Les objets dont le diamètre dépasse 10 m sont si rares qu’on ne peut plus
mesurer directement leur flux. On est contraint de se tourner vers l’espace
et d’évaluer la fréquence d’impact à partir du nombre d’astéroïdes 1 croisant
à proximité de la Terre. Cette méthode peut s’appliquer jusqu’aux tailles les
plus élevées, c’est-à-dire une centaine de mètres. On estime à dix mille ans
le temps moyen entre deux chutes d’un objet de 100 m de diamètre.
Pour des corps de diamètre supérieurs à 100 m, on compte le nombre de
cratères existants, on les classe selon leur diamètre (proportionnel à celui
des bolides) et on évalue une fréquence de chutes en fonction de leur âge
respectif. Un corps de 1 km de diamètre tomberait tous les 5 millions
d’années tandis qu’un corps de 10 km de diamètre tomberait tous les
100 millions d’années.
La méthode de comptage des cratères ne peut s’appliquer à des corps de
diamètre inférieur à 100 m. Il y a trois raisons à cela : la première est que,
comme nous l’avons vu, au-dessous d’une centaine de mètres de diamètre
les astéroïdes de pierre explosent en général dans l’atmosphère et seuls les
astéroïdes de fer (minoritaires) forment des cratères ; la deuxième est due
au fait que les cratères les plus petits sont très facilement comblés par des
sédiments ou effacés par l’érosion (notre recensement des petits cratères est
donc extrêmement incomplet) ; enfin, il existe certainement un grand
nombre de cratères qui n’ont pas encore été découverts car ils sont
dissimulés par la végétation.
FIGURE 3.2. Fréquence des impacts de corps extraterrestres sur Terre en fonction du diamètre
des bolides. Pour des raisons de simplicité, nous n’avons pas porté sur ce graphe la fréquence
de chute des objets de diamètre inférieur à quelques mètres. Il apparaît clairement que les corps
les plus massifs sont ceux qui tombent le plus rarement. (D’après Defending Planet Earth [2010].)

En mettant à profit ces différentes estimations, il est possible de résumer


dans une figure la fréquence d’impact en fonction du diamètre des bolides
(cf. figure 3.2) et d’y placer certains événements bien documentés. Un
événement comme celui de Chicxulub (bolide de 10 km) surviendrait
environ tous les 100 millions d’années, tandis qu’un événement du type
Meteor Crater (bolide de 100 m) surviendrait tous les 50 000 ans environ.
Pour ce qui est des météorides russes (plus petits), un corps de diamètre
comparable à celui qui fut à l’origine de l’« événement » Toungouska
tomberait tous les mille ans, tandis qu’un corps de diamètre comparable au
météoride de Tcheliabinsk tomberait sur Terre tous les cent ans.
Ces chiffres ont bien sûr un sens statistique : il s’agit de valeurs
moyennes établies sur les deux derniers milliards d’années de la Terre. Il
peut très bien arriver que trois météorides de diamètre comparable à celui
du bolide de Tcheliabinsk tombent sur Terre à dix années d’intervalle ou
que quatre astéroïdes de diamètre comparable à celui du géant de Chicxulub
tombent en dix millions d’années. Il est également possible qu’aucun
astéroïde de diamètre comparable à celui de ce dernier ne tombe sur Terre
durant des centaines de millions d’années.
C’est en combinant la fréquence d’impact des météorides connus avec
leurs effets que l’on peut évaluer la menace représentée par les corps
extraterrestres en fonction de leur diamètre. L’intensité de ladite menace
peut se mesurer en quantité d’énergie libérée 2 ainsi qu’en nombre de
victimes potentielles, mais ce dernier calcul, effectué sur la base
d’événements aussi singuliers qu’inédits, est évidemment extrêmement
difficile.
À partir des effets des impacts cosmiques discutés plus haut, on identifie
généralement quatre grands domaines de taille en fonction de l’échelle des
dommages produits et en particulier du nombre de victimes potentielles :
Au-dessous de 30 m de diamètre, la majorité des météorides
explosent dans la partie haute de l’atmosphère et il n’y a pas de
véritable danger, sinon celui pour un individu malchanceux d’être
tué par une météorite résiduelle. En effet, si environ
3 000 météorites de plus de 1 kg tombent sur Terre chaque année,
cela signifie qu’une météorite de 1 kg tombe sur une surface de
1 km 2 tous les… 2 millions d’années environ. Avec une densité
humaine de 14 personnes par km 2 , et sans même tenir compte de
la faible surface du corps humain directement exposé au ciel, il
est aisé de se rassurer : il est plus probable de gagner à la loterie
que d’être heurté par une météorite.
Entre 30 et 100 m de diamètre, on estime que la catastrophe est
locale. Les dégâts seraient causés par une onde de choc pour un
astéroïde de pierre et par la cratérisation pour un astéroïde de fer.
Le nombre de morts dépendrait essentiellement de l’endroit où le
bolide exploserait ou tomberait. Il varierait en moyenne entre la
dizaine de milliers et la centaine de milliers par événement. Ce
nombre est à comprendre dans un sens statistique : à Toungouska,
le bolide n’a provoqué aucun mort alors qu’il en aurait provoqué
des millions s’il était tombé sur une ville. Pour déterminer le
nombre de morts caractéristiques d’une catastrophe locale, il faut
donc établir une moyenne à partir d’un grand nombre
d’événements fictifs.
Entre 100 m (Meteor Crater) et 1 km de diamètre, on est dans la
gamme des catastrophes régionales. Les effets d’un impact
peuvent affecter des régions entières, occasionnant des feux de
forêts, des tsunamis ou des changements climatiques modérés. Le
nombre de victimes pourrait varier entre une centaine de milliers
et un million. Rappelons que le tsunami de 2010 en Asie a
provoqué la mort de 220 000 personnes. Le nombre de victimes
pourrait être considérablement réduit si le temps de préavis, c’est-
à-dire le temps dont on dispose pour agir avant l’impact, est
suffisamment long.
Au-delà de 1 km de diamètre, la catastrophe est considérée
comme globale. Des incendies à l’échelle de continents entiers,
des tremblements de terre, des tsunamis géants causeraient un
nombre effroyable de victimes et menaceraient la production
agricole mondiale. Le nombre de morts pourrait se compter
en millions, voire en milliards d’individus, mettant en péril la
survie de l’espèce humaine. Les extinctions massives (plus de
30 % des espèces) ne seraient causées que par des corps
supérieurs à 10 km de diamètre, comme celui responsable de la
formation du cratère de Chicxulub.

Cette classification est bien sûr en grande partie arbitraire. Elle dépend de
modèles et de l’appréciation de risques auxquels l’espèce humaine n’a
jamais dû faire face. Le seuil de catastrophe globale est mal défini : à partir
de quelle taille peut-on dire que la production agricole mondiale est
détruite ? À partir de quel seuil parle-t-on d’extinction massive des
espèces ? Il est d’ailleurs troublant qu’on n’ait attribué qu’une seule
extinction massive à un impact extraterrestre. Si le temps de récurrence de
l’impact qui a provoqué l’extinction crétacé-tertiaire est de cent millions
d’années, on aurait dû compter plusieurs extinctions massives causées par
un bolide extraterrestre depuis l’explosion cambrienne 3 il y a 540 millions
d’années. Les traces de ces extinctions ont-elles été effacées des
enregistrements sédimentaires ? Ou notre estimation de la récurrence des
impacts est-elle fausse ? Il est également possible que tous les impacts de
corps décakilométriques et au-delà ne provoquent pas les mêmes effets que
l’impacteur de Chicxulub.
On peut aller plus loin et tenter d’estimer le risque « absolu » de
succomber à un impact extraterrestre, de manière à comparer ce risque à
d’autres causes de décès naturels (accidents de la route, attaques de
requins…). Pour ce faire, on a calculé le nombre de morts annuels causés
par des impacts extraterrestres, en effectuant bien sûr une moyenne sur des
centaines de millions d’années (fréquence de chute des impacteurs les plus
massifs). Il est comparable au nombre de morts par piqûre de méduse et
inférieur au nombre de morts par piqûre d’abeille ou de frelon.

Événement Nombre de décès annuels moyens

Attaque de requins 3-7

Méduses 50

Impact extraterrestre 90

Abeilles/frelons 400
Tremblement de terre 36 000

Malaria 1 000 000

Accident de la route 1 200 000

Pollution atmosphérique 2 000 000

VIH 2 100 000


TABLEAU 3.1. Estimation du nombre de décès annuels (dans certains cas, virtuels) provoqués
par diverses causes. Les sources de cette compilation hétéroclite – et à prendre avec précaution – sont
données dans Defending Planet Earth (2010), d’où est extraite cette table.
FIGURE 3.3. Nombre de décès annuels virtuels provoqués par un impact météoritique en fonction
de la taille de l’impacteur. Cette moyenne du nombre de décès est établie sur des périodes très
longues afin de pouvoir prendre en compte les morts causés par les catastrophes extrêmement rares.
(D’après Defending Planet Earth [2010].)

On peut étudier la distribution de ces 91 morts (virtuels et moyens) en


fonction de la taille du bolide (cf. figure 3.3). Deux pics apparaissent dans
la distribution, indiquant que l’essentiel du risque est porté par les objets les
plus massifs (qui sont rares mais extrêmement destructeurs) et les objets de
taille modeste, de l’ordre de 50 à 100 m (moins destructeurs mais plus
fréquents). Cela illustre bien le type de moyenne qui est effectué. Si un
impact géant peut provoquer des dizaines de millions de morts, il ne
survient que tous les millions d’années, raison pour laquelle le nombre
moyen de décès annuels causés par des bolides dont le diamètre est
supérieur à 1 km est seulement de l’ordre d’une cinquantaine.
Le risque (moyen et virtuel) de décéder d’un impact extraterrestre est
donc relativement faible ; il est en tout état de cause nettement inférieur à
celui de mourir d’un accident de la route ou de la malaria. Si on se place sur
des échelles de temps un peu plus longues (des dizaines de milliers
d’années), il est probable que l’humanité aura à faire face à une catastrophe
locale, voire régionale. Cette probabilité inquiète et, comme de juste, les
citoyens exigent de leurs États une certaine forme de protection.
4
Surveiller le ciel

Dans le cas des impacts extraterrestres, la protection commence par la


surveillance attentive du ciel, c’est-à-dire des astéroïdes géocroiseurs
(cf. l’encadré suivant). Il existe des programmes systématiques de détection
et de surveillance des géocroiseurs depuis une quinzaine d’années
seulement. Ce sont les États-Unis qui, les premiers, ont lancé le
mouvement. En 1998, leur Congrès a confié le soin à la National
Aeronautics and Space Administration (NASA) de découvrir sous dix ans
90 % des géocroiseurs d’au moins 1 km de diamètre (projet SpaceGuard).
Comme nous l’avons vu plus haut, les objets de cette taille définissent le
seuil de destruction globale. En 2005, le Congrès a étendu l’objectif de
recensement aux astéroïdes géocroiseurs d’un diamètre supérieur à 140 m,
en donnant comme horizon la date de 2020. La taille de 140 m correspond
au seuil de catastrophe régionale 1. À l’heure actuelle, le programme le plus
actif dans la détection des astéroïdes géocroiseurs est le Catalina Sky
Survey, composé d’un ensemble de trois télescopes (deux en Arizona et un
troisième en Australie, aux antipodes) financé par la NASA, permettant par
leur disposition de suivre un objet vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

Astéroïdes géocroiseurs
On appelle géocroiseurs la fraction des astéroïdes dont la trajectoire autour du Soleil (ou
orbite) approche celle de la Terre sans nécessairement la rencontrer ( cf. figure 4.1). Quant à
ceux dont l’orbite croise celle de la Terre, ils ne heurteront pas obligatoirement notre planète.
On peut faire une analogie avec les trains. Ce n’est pas parce que deux voies ferrées se croisent
que les trains qui les empruntent vont entrer en collision. Pour qu’il y ait collision, il faut
qu’ils passent au même endroit au même moment. Il en va de même des astéroïdes
géocroiseurs et de la Terre : il faut qu’ils aient « rendez-vous » pour que la collision ait lieu.
Le Catalina Sky Survey peut d’ailleurs se vanter d’être pour le moment
l’unique programme de surveillance à avoir détecté un corps dans l’espace
avant sa chute sur Terre. Le 6 octobre 2008, l’astronome Richard Kowalski
découvre, du Mount Lemmon Observatory, un objet de 3 à 4 m de diamètre.
À 14 h 59 UTC 2, le Minor Planet Center (« Centre des petites planètes »)
publie un communiqué laconique : « D’après la trajectoire nominale
calculée, l’astéroïde 3 2008 TC3 entrera dans l’atmosphère terrestre le
7 octobre 2008 à 2 h 46 UTC au-dessus du nord du Soudan. » En clair, un
impact extraterrestre aura lieu dans dix-neuf heures. L’astéroïde 2008 TC3
est alors étudié en détail par les astronomes jusqu’à ce qu’il entre dans
l’ombre de la Terre, le 7 octobre à 1 h 49 UTC. L’impact, observé en direct
par le satellite Meteosat, a eu lieu le 7 octobre à 2 h 45 min 54 s UTC.
L’erreur sur le moment de l’impact a été de 6 secondes et celle sur sa
localisation inférieure à un kilomètre. L’énergie d’impact a été estimée à
6,5 ×1012 J, c’est-à-dire un dixième de l’énergie libérée par la bombe
atomique d’Hiroshima. L’objet s’est fragmenté à une altitude de 37 km,
libérant environ 600 météorites de masses comprises entre 0,2 et 379 g. Au
total, 10,7 kg de la météorite appelée Almahata Sitta ont été retrouvées par
les différentes équipes de recherche.
L’exemple (unique) de 2008 TC3 ne doit pas dissimuler les difficultés
que rencontrent les astronomes cherchant à recenser les astéroïdes
géocroiseurs. Certains astéroïdes sont difficilement détectables. Il est, par
exemple, plus facile pour une taille et une distance au Soleil données de
détecter un astéroïde d’albédo 4 élevé (brillant) qu’un astéroïde de faible
albédo (sombre). En outre, il est important d’avoir à l’esprit que les
astéroïdes se trouvant entre nous (la Terre) et le Soleil sont presque
impossibles à détecter en raison de l’effet éblouissant de l’astre du jour.
Le 25 juin 2013, le dix millième astéroïde géocroiseur découvert a pris le
nom de 2013 MZ5. Bien que 859 astéroïdes géocroiseurs d’un diamètre
supérieur à 1 km aient été dénombrés 5, 7 astéroïdes de diamètre supérieur à
1 km ont été détectés en 2012, ce qui prouve qu’il reste du pain sur la
planche. De fait, à partir de modèles, on estime qu’il y aurait 940 astéroïdes
géocroiseurs plus grands que 1 km : 90 % d’entre eux auraient donc été
détectés, comme l’attendait le Congrès américain. Si ce premier objectif a
été atteint, celui visant à détecter 90 % des astéroïdes de diamètre supérieur
à 140 m à l’horizon 2020 a été récemment jugé irréaliste par la commission
mise en place par la NASA pour examiner les stratégies de défense des
impacts extraterrestres 6. Cette même commission recommande en
revanche qu’un effort de financement soit fait pour l’atteindre en 2030. Elle
demande également qu’une attention particulière et nouvelle soit portée aux
objets de 30 à 50 mètres de diamètre, dans la mesure où il devient de plus
en plus évident qu’ils représentent les objets les plus menaçants dans l’état
actuel de nos connaissances (cf. supra, p. 47).
Lorsqu’un géocroiseur a été identifié, il importe d’établir précisément sa
trajectoire afin d’évaluer sa probabilité d’impact avec la Terre. La
détermination de l’orbite d’un astéroïde et de son évolution dans le temps
n’est pas aisée. Cela passe d’abord par l’identification de sa trajectoire
actuelle. Il faut ensuite, grâce à des observations répétées et des calculs,
estimer quelle sera l’évolution de sa trajectoire avec le temps. Il n’est pas
toujours évident de suivre le mouvement d’un astéroïde autour du Soleil. Ils
peuvent être déviés par leur passage à proximité d’une planète comme la
Terre ou Vénus, ou subir des collisions susceptibles de les fragmenter et de
les rendre trop petits pour être détectés. Il arrive enfin que des astéroïdes
soient tout simplement perdus de vue par les télescopes parce qu’ils sont
sortis de leur champ d’observation. Les déterminations de trajectoire des
astéroïdes nécessitent donc du temps et des moyens d’observation
importants.
Grâce à ces suivis de trajectoire, on peut identifier des astéroïdes
potentiellement dangereux (potentially hazardous asteroids, PHAs), qui
sont, d’après la définition de la NASA, les astéroïdes de diamètre supérieur
à 100 m pour lesquels la distance minimale entre leur orbite et celle de la
Terre est vingt fois inférieure à la distance Terre-Lune. Le choix de cette
distance « de sécurité » est arbitraire. Elle peut paraître petite, mais ce n’est
pas le cas : la Lune est assez éloignée de la Terre (380 000 km) et un grand
nombre d’astéroïdes (potentiellement dangereux) passent à des distances
bien moindres tout en demeurant totalement inoffensifs. C’est par exemple
le cas de l’astéroïde 2012 DA14, d’un diamètre de 40 à 45 m, qui est passé
à 28 000 km de la Terre dans la nuit du 15 au 16 février 2013 7.
Le nombre d’astéroïdes potentiellement dangereux représente environ
20 % du total des astéroïdes géocroiseurs : on en compte donc environ deux
mille. Ce sont eux qu’il faudrait « caractériser physiquement » pour mieux
préparer les actions de protection de la planète. La caractérisation physique
des PHAs est en effet indispensable pour développer une stratégie de
défense efficace. Les différents télescopes tentent de déterminer les formes,
les périodes de rotation, la porosité, la masse, la nature, ainsi que la taille
exacte des astéroïdes placés sous surveillance. Pour ces mesures, on fait
beaucoup appel à des antennes radars comme celle située à Arecibo, à
Porto-Rico. Lorsque l’astéroïde est suffisamment proche et suffisamment
gros, la résolution des images radars peut atteindre 7,5 m par pixel. Rien ne
remplace cependant les missions spatiales d’exploration, qui permettent
d’obtenir des images de très grande résolution (on pourra comparer l’image
d’un astéroïde prise du sol [cf. Ill. 23] avec celle d’astéroïdes observés par
des missions spatiales [cf. Ill. 20-22]). Dans le cas des astéroïdes
potentiellement dangereux, il faudrait pouvoir mettre sur pied une mission
de caractérisation extrêmement rapidement, en tout cas dans un temps
inférieur au temps de préavis.
L’astéroïde 2004 MN4 a été l’objet d’une surveillance toute particulière.
Également baptisé Apophis, en l’honneur du dieu égyptien de l’obscurité et
du chaos, il a été découvert dans la nuit du 19 juin 2004 par le Bok
Telescope de l’observatoire Kitt Peak. Peu après sa détection, les
astronomes l’ont perdu de vue. C’est un autre observatoire, celui de Siding
Spring, qui le redécouvrit le 18 décembre 2004. Fin décembre 2004, sa
probabilité d’impact pour le 13 avril 2029 fut estimée à 2,7 %, ce qui
conduisit la NASA à placer l’astéroïde au niveau 4 de l’échelle de Turin
(cf. l’encadré suivant et la figure 4.2), créant un certain émoi dans les
médias. Mais, en 2006, une analyse plus approndie des données écarta la
possibilité d’un impact en 2029 et la reporta en 2036 avec une probabilité
de 1/45 000, abaissée à 1/250 000 en 2009. À l’occasion du passage
d’Apophis à proximité de la Terre en janvier 2013, de nouvelles mesures
ont été réalisées et l’estimation de la taille 8 ainsi que la trajectoire de
l’astéroïde ont été affinées. Le risque d’impact est désormais écarté et
Apophis placé au niveau 0 de l’échelle de Turin.
FIGURE 4.1. Orbite de l’astéroïde géocroiseur Apophis. La couronne de points figure la position
de la ceinture d’astéroïdes. L’étoile au centre indique le Soleil. (Données orbitales :
http://neo.jpl.nasa.gov/orbits/.)

FIGURE 4.2. Échelle de Turin imaginée par Richard Binzel, du MIT (Massachusetts Institute
of Technology), et présentée pour la première fois en 1995 à une conférence internationale à Turin
(Italie).

Échelle de Turin
Une échelle a été proposée pour évaluer semi-quantitativement le niveau de dangerosité des
impacts extraterrestres. L’échelle de Turin est graduée de 0 à 10. Elle se fonde sur la
probabilité de collision et l’énergie dégagée (proportionnelle à la taille du corps) par l’impact
envisagé. Le niveau 0 correspond à des objets dont la dangerosité est virtuellement nulle, soit
parce qu’ils sont trop petits pour parvenir au sol sans être détruits, soit parce que leur
probabilité de collision est trop faible. Les niveaux 8 à 10 correspondent à des objets dont la
collision est certaine. Seuls deux astéroïdes ont dépassé le niveau 1 et atteint le niveau 2
(collision improbable mais trajectoire proche) depuis la création de l’échelle : 2004 VD17 et
Apophis. Ils sont depuis repassés au niveau 0. L’évolution dans le temps du niveau sur
l’échelle de Turin s’explique facilement : dès qu’un astéroïde passe au niveau 1 et a fortiori au
niveau 2, il est activement surveillé. Son observation répétée permet de mieux contraindre sa
trajectoire et donc sa probabilité de collision, mais aussi sa taille. Jusqu’à maintenant,
l’affinement des trajectoires a toujours permis de diminuer le niveau d’alerte.

Bien qu’il n’y ait pas, à l’heure actuelle, d’astéroïde menaçant, une
réflexion est d’ores et déjà en cours sur les moyens nécessaires pour se
protéger d’un impact extraterrestre catastrophique. La « mitigation » est
définie comme « l’ensemble des moyens visant à protéger la Terre et ses
habitants des effets d’un impact imminent par un astéroïde géocroiseur ».
L’expression même de « mitigation », qui signifie atténuation ou
adoucissement, traduit la difficulté de mettre en place un véritable
programme de protection des impacts catastrophiques.
5
Protection planétaire

Les différentes solutions envisagées pour se protéger d’un impact


dévastateur varient selon la taille de l’impacteur, son point de chute et le
temps de préparation disponible pour la riposte (ce qu’on appelle le temps
de préavis, voir figure 5.1). On peut distinguer deux types d’approches : la
protection, fondée essentiellement sur des actions de sécurité civile, et la
déviation, cette dernière se déclinant selon trois modes : le « rendez-vous
raté », l’impact cinétique et la détonation nucléaire. Les scientifiques,
jamais en panne d’imagination, ont également réfléchi à des méthodes plus
fantaisistes, comme la transformation de l’astéroïde en planche à voile
géante, voire en œuvre d’art.

FIGURE 5.1. Domaines approximatifs d’applicabilité des différentes méthodes de mitigation


en fonction du diamètre de l’astéroïde et du temps de préavis. (D’après Defending Planet Earth
[2010].)

Sécurité civile
Cette méthode peut s’appliquer à tous les objets dont le diamètre est
inférieur au seuil de catastrophe globale, c’est-à-dire environ 1 km. Elle
consiste à évacuer les zones menacées par l’impact et à protéger les
populations des conséquences physiques, sociales et politiques générées par
une catastrophe inédite dans l’histoire de l’humanité. Une telle évacuation
est décrite par Éric Pessan dans son roman Les Géocroiseurs, publié à La
Découverte en 2004. L’évacuation des populations menacées et leur
protection sont possibles dans la mesure où le point d’impact peut être
prédit avec suffisamment de précision (comme cela a été le cas pour
l’astéroïde 2008 TC3) et suffisamment à l’avance (comme cela n’a pas été
le cas pour le même astéroïde).
Le déploiement de mesures de protection civile dépendra également de
notre capacité à comprendre les effets des impacts en fonction des lieux
d’explosion (atmosphère, terre ou mer) et à nous adapter à la spécificité de
chaque situation. On pourra tirer profit de l’expérience acquise au cours
d’autres catastrophes naturelles (inondations ou éruptions volcaniques, par
exemple). Il est évident que plus le temps de préavis sera long et l’astéroïde
petit (donc avec des effets circonscrits dans l’espace), plus cette méthode
sera facile à mettre en œuvre. Pour ce qui est des comètes dites de Oort 1,
les temps de préavis sont malheureusement très courts puisque ces comètes
arrivent sans prévenir des zones les plus lointaines du système solaire,
comme nous le verrons dans le chapitre suivant. Heureusement, les impacts
cométaires représenteraient seulement 1 % environ des impacts astéroïdaux.

Rendez-vous raté
La méthode dite du rendez-vous raté serait opérationnelle pour les
astéroïdes dont le diamètre est inférieur à 100 m (cf. figure 5.1). Elle
consiste à modifier l’orbite de l’astéroïde en lui appliquant une force
constante, de telle façon que l’astéroïde arrive en retard ou en avance à son
« rendez-vous » avec la Terre. On estime qu’un astéroïde doit passer à plus
de 15 000 km de la Terre (un peu plus de deux rayons terrestres) pour que le
risque soit nul 2. Il y a trois façons de mettre en œuvre ce rendez-vous raté,
c’est-à-dire d’appliquer une force suffisante pour dévier l’astéroïde de
15 000 km. La première consiste à vaporiser les éléments volatils 3 contenus
dans l’astéroïde : la projection de gaz dans l’espace exercerait alors une
force de réaction sur l’astéroïde suffisamment intense pour en modifier la
trajectoire. Il y a pour le moment deux obstacles majeurs à cette méthode :
le premier est qu’elle ne fonctionnerait que pour les rares astéroïdes riches
en éléments volatils ; le second est qu’il n’existe pas pour le moment de
technologie capable de provoquer l’évaporation d’éléments volatils à la
surface des astéroïdes. Des miroirs focalisant la lumière du Soleil à la
surface de l’astéroïde afin de la chauffer et d’expulser les éléments les plus
volatils ont été envisagés par divers groupes de recherche, mais cette
technologie est encore loin d’être opérationnelle.
Une autre façon d’appliquer une force constante serait d’amarrer un
vaisseau spatial à l’astéroïde. Bien que considérablement moins massif que
l’astéroïde, ce vaisseau agirait comme un remorqueur agit sur un
gigantesque porte-conteneurs. Cette méthode est peu réaliste en raison des
périodes de rotation des astéroïdes (quelques heures en général), qui sont
trop rapides pour permettre un amarrage durable.
Une dernière possibilité consisterait à mettre en orbite autour de
l’astéroïde un vaisseau spatial exerçant sur lui une force gravitationnelle.
Comme les forces mises en jeu sont relativement faibles (pour des masses
de vaisseaux et des quantités de carburant réalistes), le vaisseau spatial
devrait passer beaucoup de temps (des dizaines d’années) à proximité de
l’astéroïde. Le temps nécessaire serait d’autant plus long que l’astéroïde
serait massif. Cette méthode n’est donc envisageable que pour des temps de
préavis suffisamment longs et/ou des astéroïdes peu massifs (cf. figure 5.1).
On estime qu’il faudrait environ vingt ans pour dévier de 15 000 km, grâce
à ce « tracteur gravitationnel », un astéroïde de 100 m de diamètre.

Impact cinétique
Il s’agit là de percuter l’astéroïde menaçant à l’aide d’un vaisseau spatial
suffisamment massif pour modifier sa vitesse et donc sa trajectoire. Les
vitesses d’impact envisagées vont de quelques km/s à 10 km/s. Cette
méthode sera d’autant plus efficace que l’énergie d’impact sera utilisée pour
expulser la matière de l’astéroïde, l’efficacité minimale ayant lieu lorsque
toute l’énergie de l’impact est absorbée par l’astéroïde cible sans qu’il y ait
expulsion de matière. La réaction de l’astéroïde à l’impact dépend de sa
nature (fer, pierre…), de sa forme et de sa porosité. Des calculs estiment
que, dans le cas le plus favorable, un impacteur de 10 tonnes animé d’une
vitesse de 50 km/s pourrait dévier des 15 000 km requis un astéroïde de
700 m de diamètre. Dans le cas plus défavorable d’un astéroïde poreux et
moins dense qui absorberait l’essentiel de l’énergie communiquée et d’un
vaisseau animé d’une vitesse d’impact plus réaliste (de 5 km/s), seuls des
objets de moins de 200 m de diamètre seraient déviés. Cette méthode à
l’allure quelque peu brutale serait, dans l’état actuel de nos connaissances,
plus facile à mettre en œuvre que le « rendez-vous raté » et permettrait – en
envisageant une série d’impacts sur un même astéroïde et en se plaçant dans
l’hypothèse la plus optimiste – de dévier des astéroïdes de 1 km de diamètre
(cf. figure 5.1).

Détonation nucléaire
L’emploi d’une bombe nucléaire a été envisagé uniquement pour faire
face aux astéroïdes les plus massifs (de diamètre supérieur à 500 m), pour
lesquels les autres options seraient inopérantes. Contrairement aux idées
reçues, il ne s’agit pas de faire exploser l’astéroïde, mais de le dévier,
comme dans les deux méthodes précédentes. L’énergie nucléaire a
l’avantage d’être une technologie qui, à défaut d’être parfaitement
maîtrisée, est suffisamment ancienne pour autoriser les projets de déviation
d’astéroïdes géocroiseurs. Le principe en est simple : faire exploser la
charge nucléaire à proximité de l’astéroïde-cible de manière à en chauffer la
surface et à en faire s’évaporer la matière. La force de réaction aurait pour
effet de changer la vitesse de l’astéroïde et donc de le dévier. Cette méthode
est plus efficace que celle de Bruce Willis consistant à faire exploser la
charge dans l’astéroïde lui-même 4.
Planche à voile cosmique
Le Soleil émet en permanence des particules chargées (majoritairement,
des protons et des électrons) qui se propagent à haute vitesse (jusqu’à
plusieurs centaines de km/s) dans l’espace interplanétaire. On appelle ce
flot de particules le « vent solaire » : il résulte de la combinaison de
l’activité magnétique du Soleil et de sa rotation sur lui-même (en vingt-six
jours à l’équateur). C’est l’interaction du vent solaire avec le champ
magnétique terrestre qui est responsable des aurores boréales et australes.
Ce sont aussi des sursauts particulièrement intenses de cette activité
magnétique qui provoquent occasionnellement des perturbations dans les
systèmes de télécommunication. Pour ce qui est de la déviation des
astéroïdes, l’idée est simple et belle : elle consiste à équiper l’astéroïde-
cible d’une voile et à orienter celle-ci de telle sorte que le vent solaire
pousse l’astéroïde et le dévie de sa trajectoire. La question de la fixation de
la voile sur l’astéroïde n’a pas encore été étudiée en détail.

Peinture
Cette méthode vise à modifier l’intensité d’une force additionnelle (par
rapport à la seule force gravitationnelle exercée par le Soleil) ressentie par
les astéroïdes et appelée force de Yarkovksy 5, du nom du scientifique russe
qui l’a mise en évidence. L’intensité de cette force dépendant de la
conductivité thermique et de l’albédo (cf. p. 51) de l’astéroïde, deux
solutions sont envisageables : recouvrir le corps d’un matériau augmentant
sa conductivité thermique (il ressemblerait alors aux installations de l’artiste
Christo) ou le peindre en blanc pour augmenter son albédo. La surface d’un
astéroïde sphérique de 100 m est de l’ordre de 124 000 m2. À raison de
10 m2 par peintre et par jour, il faudrait une équipe de 33 peintres à pied
d’œuvre pendant un an, sans tenir compte des congés payés. La question du
transport, du gîte et du couvert des peintres n’est pas résolue.

On ne connaît donc pas, à l’heure actuelle, de moyens véritablement


efficaces pour se protéger de l’impact d’un astéroïde ou d’une comète,
même s’il existe, sur le papier, une gamme de solutions en fonction du
diamètre de l’objet (cf. figure 5.1). Il n’est cependant pas interdit de
réfléchir à l’organisation d’une riposte contre un objet menaçant et aux
problèmes de fond posés par la menace extraterrestre.
Dans le film Deep Impact (Mimi Leder, 1998), un scientifique amateur
de pizzas découvre une comète menaçante. Isolé dans un observatoire sur
une montagne au cœur des États-Unis, il se précipite vers la plaine pour
donner l’alerte et meurt avec son secret dans un accident de voiture. Ce
n’est que des mois après sa disparition que la comète est redécouverte par
des collègues : un temps précieux a donc été perdu, qui aurait pu être
employé à la mise en œuvre d’une solution efficace.
Évidemment, rien ne se passerait ainsi dans la réalité. D’abord, parce que
la mise en réseaux des différents observatoires via Internet assurerait une
communication instantanée de la nouvelle. Ensuite, parce que la sensibilité
des scientifiques et des gouvernements à la question des impacts
extraterrestres est bien plus grande aujourd’hui qu’à la fin des années 1990.
Il n’en demeure pas moins que, dans l’éventualité de la détection d’un
astéroïde menaçant, des questions aiguës de coordination se poseraient.
Une certaine forme de coopération internationale existe d’ores et déjà : la
fondation SpaceGuard – une organisation internationale non
gouvernementale rassemblant entre autres les États-Unis, l’Europe et le
Japon – coordonne la détection et le suivi des astéroïdes géocroiseurs 6. Elle
est basée dans les locaux de l’Agence spatiale européenne (European Space
Agency, ESA), à Frascati, à proximité de Rome. Outre les télescopes
américains dont nous avons déjà parlé, elle rassemble des télescopes pilotés
par l’Italie, l’Allemagne et le Japon. Elle associe les centres de traitement
de données de l’université Harvard (Minor Planet Center, MPC) et de Pise
(Near-Earth Objects Dynamic Site, NEODyS). Par ailleurs, aux Nations
unies, le groupe de travail sur les géocroiseurs du COPUOS (Committee Of
Peaceful Use of Outer Space) prépare un rapport sur la détection des
astéroïdes potentiellement dangereux et sur la prévention des impacts
extraterrestres. Il vise à améliorer la chaîne de décisions dans l’éventualité
d’une menace extraterrestre avérée.
Des fonds privés sont également investis depuis peu dans des activités de
protection planétaire. La fondation B162 a décidé de lancer en 2018 un
télescope spatial baptisé Sentinel, visant à détecter en cinq ans et demi 90 %
des objets supérieurs à 140 m. Cette fondation à but non lucratif, dont le
nom est inspiré de l’astéroïde « à peine plus grand qu’une maison » dans
lequel vit le Petit Prince de Saint Exupéry, est pilotée par un ancien
astronaute de la NASA.
L’ébauche de coordination internationale concerne uniquement la
détection des astéroïdes et le suivi des astéroïdes potentiellement
dangereux. Si l’humanité devait faire face à une véritable menace, la
question de la solidarité internationale se poserait de façon plus radicale.
Comme on l’a vu précédemment, la chute d’un objet de 100 m est plus
fréquente que celle d’un objet de 1 km : il est donc probable que l’espèce
humaine ait à faire face à une catastrophe locale ou régionale avant une
catastrophe globale.
Deux questions se poseront alors. La première concerne la mise à
disposition d’éventuels moyens de mitigation dont on peut douter qu’ils
soient développés par l’ensemble des pays de la communauté mondiale. La
seconde sera celle de l’accueil des populations menacées dans le cas où la
mitigation n’aurait pas fonctionné ou n’aurait pas été mise en œuvre. Des
problèmes géopolitiques inédits pourraient se poser. Dans le film Le Jour
d’après (Roland Emmerich, 2004), une évacuation de la population est
laborieusement orchestrée par les États-Unis pour faire face à un
changement climatique de grande ampleur. Ce n’est pas sans ironie ni sans
poser de sérieux problèmes de sécurité que les réfugiés climatiques sont
accueillis par le gouvernement du Mexique.
La notion même de mitigation pourrait être discutée. Il n’est pas évident
que l’ensemble de la communauté mondiale soit par exemple disposé à
envoyer des charges nucléaires dans l’espace. La rencontre de la sonde de la
NASA Deep Impact (cf. l’encadré ci-dessous) avec la comète 7 Tempel 1
(cf. Ill. 28), pourtant beaucoup plus douce que ne l’aurait été l’explosion
d’une charge nucléaire, avait déjà provoqué des protestations de différentes
associations, préoccupées par la défense des objets planétaires. La question
du « droit des objets spatiaux » intéresse pour le moment peu les juristes.
Jusqu’à maintenant, les rares puissances spatiales (États-Unis, Union
soviétique puis Russie, Europe, Chine, Inde, Japon) ont agi à leur guise. Si
on devait avoir recours à des actions violentes contre d’autres corps
célestes, peut-être cette question serait-elle discutée un peu plus en
profondeur. Dans le cas de l’envoi d’une charge nucléaire, on peut
également être confronté au risque d’une explosion anticipée de la charge
sur le pas de tir ou dans l’atmosphère. Une telle explosion menacerait des
pays non nucléarisés susceptibles de s’opposer à cette solution.

La mission Deep Impact


En juillet 2006, le vaisseau spatial Deep Impact a heurté la comète Tempel 1 à la vitesse de
10 km/s. On peut considérer cette rencontre comme un test (partiel) de la méthode de l’impact
cinétique. Le noyau de Tempel 1 mesurant plus de 6 km de diamètre a cependant été plus
facile à atteindre – et à caractériser préalablement – que ne l’aurait été un astéroïde de
quelques centaines de mètres. L’impact a créé un cratère de 100 m de diamètre et de 30 m de
profondeur. Il a produit environ 5 millions de kilogrammes de vapeur d’eau et 20 millions de
kilogrammes de poussières.

Plus important encore : ne doit-on pas se poser la question de


l’opportunité même des études approfondies de mitigation ? Leur coût est
estimé, d’après le rapport de la NASA, à 1 million de dollars par an. Ce
n’est pas énorme. Cette somme doit-elle augmenter ? Quels moyens doivent
investir les États pour protéger leurs populations du risque d’un impact
cosmique ? Ou, inversement, doit-on continuer de financer une protection
contre un risque extrêmement faible ? Dans un contexte budgétaire difficile,
la question du niveau de financement des activités relatives à la protection
planétaire mériterait d’être explicitement et publiquement débattue.
II
LA FABRIQUE DES MÉTÉORITES
6
Le système solaire et ses habitants

L’Univers, dont les dimensions ne sont pas très bien connues, est rempli de vide et
de galaxies, elles-mêmes constituées de gaz et d’étoiles. Les galaxies, dont le
diamètre caractéristique est de 50 000 années-lumière (cf. l’encadré suivant), sont
séparées les unes des autres par des millions d’années-lumière. Il y aurait dans
l’Univers 100 milliards de galaxies qui, chacune, contiendrait 100 milliards d’étoiles.
Notre Soleil est une étoile parmi d’autres dans la Galaxie 1. Situé à environ 25 000
années-lumière du centre galactique occupé par un trou noir, il est en quelque sorte
un banlieusard. L’étoile la plus proche, Proxima du centaure, se trouve à la distance
de 4,2 années-lumière du Soleil. Seulement 52 étoiles sont à moins de 15 années-
lumière du Soleil. Ces distances vertigineuses sont considérables par rapport à
l’étendue de notre système solaire (un dixième d’année-lumière), défini comme
l’ensemble des corps liés gravitationnellement au Soleil

FIGURE 6.1. Place du système solaire dans la Galaxie « vue de haut ». Les trois nébuleuses sont des régions
de formation d’étoiles dans lesquelles sont en gestation d’innombrables étoiles semblables à notre Soleil
(cf. chapitre 10).

Distances astronomiques
Étant donné les distances auxquelles ils ont affaire, les astronomes utilisent des unités un peu
particulières. L’année-lumière est, par définition, la distance parcourue par la lumière en un an, elle vaut
environ 10 000 milliards de kilomètres. L’unité astronomique (UA) est, par définition, la distance
moyenne entre le Soleil et la Terre, elle vaut 150 millions de kilomètres. L’année-lumière est la distance
caractéristique entre les étoiles, tandis que l’unité astronomique est la distance caractéristique séparant les
corps du système solaire. Une année-lumière vaut 63 300 UA.

FIGURE 6.2. Architecture du système solaire où apparaissent les orbites des huit planètes, la ceinture
d’astéroïdes (entre Mars et Jupiter) et la ceinture de Kuiper (au-delà de Neptune). En raison de la vue plongeante,
l’échelle est approximative. Bien évidemment, les planètes ne sont jamais exactement alignées. (D’après
Brandstaëtter et al. [2013].)

Le Soleil occupe donc le centre du système solaire. C’est en raison de sa très


grande masse (2 ×1030 kg, 300 000 fois celle de la Terre) que tous les autres corps,
piégés dans son champ gravitationnel, tournent autour de lui (la planète la plus
massive, Jupiter, a une masse mille fois inférieure à celle du Soleil). Les corps du
système solaire décrivent des ellipses (proches du cercle) et appartiennent (pour
l’immense majorité d’entre eux) à un même plan, dit de l’écliptique. La distance
moyenne au Soleil d’un corps s’exprime en unités astronomiques (cf. l’encadré ci-
dessus). Le temps que met un corps à effectuer un tour autour du Soleil est appelé
période de révolution et vaut un an pour la Terre. Plus un corps est éloigné du Soleil,
plus sa période de révolution est élevée 2 : par exemple, la période de révolution de
Jupiter, qui se trouve 5,5 fois plus loin du Soleil que la Terre, est de douze ans
(cf. tableau 6.1).
Planète Distance Période Masse Rayon Densité Nombre
(UA) (années) (MTerre) (km) (g/cm3) de
satellites

Mercure 0,39 0,24 0,055 2440 5,4 -

Vénus 0,72 0,61 0,815 6052 5,2 -

Terre 1 1 1 6371 5,5 1

Mars 1,5 1,8 0,11 3390 3,9 2

Jupiter 5,5 12 318 69911 1,3 67

Saturne 9,5 30 95 58232 0,69 200

Uranus 19,2 84 15 25362 1,3 27

Neptune 30,1 165 17 24622 1,6 14


TABLEAU 6.1. Caractéristiques physiques et orbitales des planètes du système solaire. Les distances au Soleil
sont exprimées en unités astronomiques (UA = 150 millions de km) et les masses en masses terrestres
(MTerre = 5,97 ×1024 kg). Le quatorzième satellite de Neptune a été découvert au mois de juillet 2013.

Le Soleil est entouré de huit planètes, qui sont, par ordre de distance croissante :
Mercure, Vénus, Terre, Mars (cf. Ill. 24), Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune. Tandis
que les six premières planètes sont visibles à l’œil nu et donc connues depuis
toujours, Uranus a été découverte au XVIIIe siècle et Neptune au XIXe siècle 3. Les
quatre premières planètes ont une masse plutôt faible comparée à celle des planètes
dites géantes : Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune. Chacun le sait, Pluton n’est plus
considéré comme une planète depuis août 2006. Nous reviendrons sur cette
spectaculaire exclusion dans un instant.
Certaines planètes ont des satellites. C’est le cas de la Terre, bien sûr, qui est
accompagnée dans son mouvement autour du Soleil par la Lune, mais aussi de Mars,
qui possède deux satellites, Phobos (la Crainte, cf. Ill. 25) et Deimos (la Terreur). Les
satellites les plus massifs de Jupiter (Europe, Io, Callisto et Ganymède, tou(te)s des
amant[e]s du dieu Jupiter) ont été découverts une nuit d’hiver 1610 par Galilée, qui
avait eu la bonne idée de braquer vers le ciel une lunette jusqu’alors utilisée sur les
champs de bataille et dans les salons. On connaît maintenant 67 satellites jupitériens.
Saturne, Uranus et Neptune ont respectivement 200, 27 et 14 satellites connus. Le
diamètre des satellites est variable. Si la Lune, Ganymède ou Titan (satellite de
Saturne) sont massifs et approchent la taille de Mars (respectivement 13, 23 et 20 %
de la masse de la planète rouge), Phobos et Deimos ont un diamètre inférieur à
100 km. Certains satellites de planètes géantes ont un diamètre de l’ordre du
kilomètre.
Continuons notre inventaire des habitants du système solaire avec les petits corps.
C’est une classe un peu fourre-tout qui regroupe approximativement tout ce qui n’est
ni planète ni satellite. En s’éloignant du Soleil, les premiers petits corps rencontrés
sont les astéroïdes. L’essentiel de ces petits corps se trouve concentré dans une
ceinture située entre 2 et 3,3 UA, c’est-à-dire approximativement entre Mars et
Jupiter (cf. figure 6.2). On ne trouve pas d’astéroïdes au-delà de Jupiter. Le plus
massif d’entre eux, Cérès, a une masse de 1021 kg (un millième de la masse de Mars)
et un diamètre de 1 000 km. Certains astéroïdes ont des satellites, c’est le cas de
l’astéroïde Ida, autour duquel tourne Dactyl, une lune miniature de 1,4 km de
diamètre.
C’est en raison de la petite taille des astéroïdes (relativement aux planètes) qu’il a
fallu attendre 1801 pour que le premier d’entre eux, Cérès, soit découvert par
l’astronome palermitain Giuseppe Piazzi. Il y aurait plus de 1 million d’astéroïdes
d’un diamètre supérieur à 1 km. Deux cents astéroïdes ont un diamètre supérieur à
100 km. La masse totale des astéroïdes est estimée à 4 % de celle de la Lune, Cérès
représentant à lui seul un tiers de cette masse. Un certain nombre d’astéroïdes se
trouvent sur des orbites qui s’approchent de celle de la Terre, ce sont les astéroïdes
géocroiseurs (cf. chapitre 4).
La région située entre Jupiter et Saturne contient très peu de petits corps. À partir
de Neptune, c’est-à-dire au-delà de 30 UA, on rencontre les objets transneptuniens.
Une première concentration de corps forme la ceinture dite de Kuiper, située entre 30
et 55 UA. En raison de leur éloignement, le premier objet de Kuiper (sans tenir
compte de Pluton, voir infra) a été découvert en 1992. On estime à 1 milliard le
nombre d’objets de Kuiper d’un diamètre supérieur à 1 km, pour une masse totale
qui serait de l’ordre d’un dixième de la masse de la Terre. Le plus gros d’entre eux,
Éris (la Discorde), a un diamètre de 2 326 12 km, légèrement supérieur à celui de
Pluton (2 306 10 km).
C’est la découverte d’Éris qui a conduit à la révision de la définition d’une planète
et à la dégradation de Pluton. En effet, le diamètre d’Éris étant légèrement supérieur
à celui de Pluton, son découvreur a revendiqué pour Éris le statut de dixième planète
du système solaire, ce qui lui aurait permis d’entrer dans les livres d’histoire. Un
certain nombre d’astronomes se sont alors inquiétés. Grâce au développement
régulier des méthodes d’observation n’allait-on pas découvrir indéfiniment des corps
lointains de plus en plus massifs auxquels on serait contraint d’octroyer le statut de
planète ? Cette possible inflation compliquerait la tâche des enseignants et ferait du
nombre de planètes du système solaire un chiffre susceptible de varier avec le temps.
Au terme d’un vote houleux qui a eu lieu lors de la 26e assemblée générale de
l’Union astronomique internationale (UAI), à Prague, en août 2006, il a donc été
décidé de changer la définition d’une planète.
Une planète est désormais un objet qui satisfait aux caractéristiques suivantes : 1)
il est en orbite autour du Soleil, 2) il est rond sous l’effet de sa propre gravité, 3) il a
éliminé les autres corps de masse comparable à sa propre masse du voisinage de son
orbite, 4) il n’est pas un satellite. Les objets qui satisfont tous les critères à
l’exception du troisième sont appelés des « planètes naines ». Tous les autres corps
sont appelés des « petits corps ». La nouvelle définition permet de fixer
définitivement le nombre de planètes à 8 et exclut de facto Pluton, qui devient une
planète naine. Bien que l’exclusion de Pluton puisse à première vue sembler
arbitraire, elle est justifiée par son orbite particulière (il n’appartient pas au plan de
l’écliptique) et par sa composition, similaire à celle des objets de la ceinture de
Kuiper et distincte de la huitième planète, Neptune. Si le découvreur d’Éris n’est pas
entré dans les livres d’histoire, Clyde Tombaugh, qui le premier avait observé Pluton
en 1930, en est sorti.
Avec cette définition, le système solaire contient cinq planètes naines : Cérès,
Pluton, Makemake, Haumea et Éris. La première est située dans la ceinture
d’astéroïdes tandis que les quatre dernières sont situées dans la ceinture de Kuiper. Il
est peu probable que ce concept de planète naine (qui a permis de consoler les
partisans de Pluton) passe l’épreuve du temps. Il rassemble des corps de nature
physique différente et éloignés les uns des autres (par exemple, Cérès et Éris). En
outre, la condition n° 3, qui a servi à dégrader Pluton, est pour le moins vague. On
continue en général d’utiliser les vieilles appellations d’astéroïde (pour Cérès) ou
d’objet de Kuiper (pour Pluton, Éris, Haumea et Makemake), quand bien même ces
définitions sont également imparfaites.
Plus loin encore se trouvent les objets du nuage de Oort. Situé à des dizaines de
milliers d’unités astronomiques, le nuage de Oort est en quelque sorte la frontière
externe du système solaire. Il contiendrait 50 milliards d’objets dont le diamètre est
supérieur à 1 km (les plus massifs auraient un diamètre de quelques milliers de
kilomètres). Le nuage de Oort n’a jamais été observé directement ; son existence est
connue par des méthodes indirectes (cf. infra). Il s’agirait, comme son nom
l’indique, d’une coquille sphérique plutôt que d’une ceinture.
Après cette présentation rapide de la géographie du système solaire, revenons sur
la composition et la nature de tous ces corps. Commençons par le Soleil, autour
duquel tous les autres corps gravitent. Le Soleil est, comme toutes les étoiles, une
gigantesque boule de gaz (son diamètre est 109 fois celui de la Terre). Sa
composition chimique est connue depuis le XIXe siècle : il est composé
majoritairement d’hydrogène (73,5 % en masse) et d’hélium (24,8 %). Les quatre-
vingt-dix autres éléments qui existent dans l’Univers sont présents dans le Soleil
mais sous forme de traces (si on les compare à l’hydrogène) 4. Le Soleil tire son
énergie de la fusion nucléaire de l’hydrogène en son centre, où la température atteint
15 millions de degrés (pour quelques milliers de degrés à sa surface). Le Soleil est le
seul corps du système solaire à briller par lui-même. Les autres corps du système
solaire (planètes, satellites, petits corps) brillent car ils réfléchissent la lumière du
Soleil.

Les planètes du système solaire sont très différentes les unes des autres, par leur
taille, bien sûr, mais aussi et surtout par leur composition et leur structure interne. Il
existe une ligne de partage essentielle entre le système solaire interne (en deçà de
Jupiter) et le système solaire externe (au-delà de Jupiter). Les planètes internes
(Mercure, Vénus, Terre, Mars) sont solides, on les appelle aussi les planètes
telluriques, du latin tellus, terre. Les planètes externes (Jupiter, Saturne, Uranus,
Neptune) sont composées majoritairement de gaz d’hydrogène.
Bien qu’appartenant à une même classe, on observe une grande variabilité parmi
les planètes telluriques. Mars et Mercure sont plus petites que Vénus et la Terre. La
Terre et Vénus ont des atmosphères épaisses, contrairement à Mercure et Mars.
L’atmosphère de Vénus est faite de dioxyde de carbone (97 %) et d’azote (3 %),
tandis que l’atmosphère de la Terre (cent fois moins massive) est composée d’azote
(78 %) et d’oxygène (20 %). Mercure possède un noyau métallique qui occupe 75 %
de son volume, tandis que ce même noyau est beaucoup plus petit pour les autres
planètes telluriques. La Terre est l’unique planète tellurique à posséder des océans.

Composition et structure des corps célestes


Notre connaissance de la composition et de la structure interne des corps résulte de la combinaison de
plusieurs approches. La spectroscopie consiste à analyser la lumière solaire réfléchie (ou absorbée) par un
corps solide (ou gazeux). L’intensité de la lumière réfléchie (ou absorbée) en fonction de la longueur
d’onde (infrarouge, visible, ultraviolet) dépend en effet de la composition du corps. Les spectres de
réflexion (absorption) de certains minéraux possèdent des bandes caractéristiques ( cf. infra figure 9.1) .
La spectroscopie ne donne cependant accès qu’à la surface d’un corps qui peut ne pas être représentative
de l’intérieur. La connaissance de la densité d’un corps peut, en revanche, contraindre l’abondance relative
de ses composants intérieurs (métal, roche, glace, gaz), dans la mesure où ces différents matériaux ont des
densités très distinctes les unes des autres (7 g/cm3, 3 g/cm3, 1 g/cm3 et inférieur à 1 g/cm3
respectivement). Les missions spatiales d’exploration fournissent également des informations très
précieuses, inaccessibles du sol. L’imagerie à haute résolution peut, par exemple, donner une idée des
processus géologiques et de la nature des terrains (volcans, calottes polaires, etc.). Étant donné le coût des
missions spatiales, on ne peut cependant pas explorer tous les corps du système solaire avec le même
niveau de détail. En raison de sa relative proximité et parce qu’il s’agit d’une cible de choix pour la
recherche de la vie extraterrestre ( cf. chapitre 13), Mars est actuellement le corps le plus visité du
système solaire, avec trois sondes en orbite (Mars Express, Mars Odyssey, Mars Reconnaissance Orbiter)
et deux robots en goguette (Opportunity et Curiosity).

On observe également une importante diversité au sein du groupe des planètes


géantes. Jupiter et Saturne sont plus géantes qu’Uranus et Neptune. Tandis que
Jupiter et Saturne sont composées d’un noyau rocheux entouré d’une gigantesque
atmosphère de gaz, Uranus et Neptune contiendraient entre leur noyau et leur
atmosphère une épaisse couche de glace (on parle parfois à leur propos de géantes
glacées). Les atmosphères de Jupiter et de Saturne sont animées de gigantesques
mouvements de convection et sont riches en nuages (contrairement à Uranus et
Neptune). Saturne est la seule planète à avoir un système d’anneaux si développé
(Jupiter, Uranus et Neptune ont également des anneaux, mais ils sont beaucoup plus
ténus).
Quant aux satellites, on ne saurait imaginer une population plus riche et plus
hétéroclite. Les satellites de Mars, Phobos et Deimos, qui sont des corps de forme
irrégulière et seraient de nature primitive, n’ont rien de commun avec la Lune, corps
sphérique qui possède une histoire géologique ancienne et complexe. Le satellite de
Jupiter, Europe, est composé essentiellement de glaces et posséderait un océan
souterrain, tandis que son compagnon Io (ils orbitent respectivement à 700 000 et
420 000 km de Jupiter) est couvert de volcans actifs émettant des composés soufrés.
Quant à Titan, satellite de Saturne qui possède une atmosphère d’azote, qu’a-t-il en
commun avec Encelade – lui aussi satellite de Saturne – à la surface duquel on a
observé un spectaculaire geyser d’eau salée provenant d’un océan souterrain ?
Les astéroïdes ont des formes très variables, même si la patate informe semble
dominante (cf. Ill. 20-23). Leurs spectres de réflexion et leur albédo permettent
d’établir une classification (taxonomie) fondée sur la composition de leur surface.
Les astéroïdes de type S (pour stone, qui signifie pierre en anglais) et de type V
(d’après Vesta, le deuxième en masse des astéroïdes) sont composés pour l’essentiel
de roche. Les astéroïdes de type M sont riches en métal. Ces trois types d’astéroïdes
sont secs. Les astéroïdes de type C (comme carbone) sont composés de roches qui
peuvent contenir de la matière carbonée en faible pourcentage. Certains d’entre eux
contiennent de l’eau soit sous forme de glace, soit piégée dans des minéraux de la
famille des argiles. C’est le cas de Pallas, le troisième en taille des astéroïdes
(environ 500 km de diamètre) ou encore de Cérès. La glace est en général absente de
leur surface mais pourrait être abondante à l’intérieur des astéroïdes 5. Si l’on compte
24 classes taxonomiques d’astéroïdes, les types les plus abondants sont les S et les C,
les premiers dominant la partie interne de la ceinture d’astéroïdes, les seconds sa
partie externe.
Les corps transneptuniens sont des corps rocheux très riches en glaces de
différents types. On a observé à la surface de Pluton et des autres objets de la
ceinture de Kuiper des glaces d’eau, de méthane, de dioxyde de carbone, etc. Bien
que leur composition soit difficile à étudier en raison de leur éloignement, il semble
qu’il y ait également une grande diversité de compositions parmi les corps
transneptuniens. Pluton et son satellite Charon (1 200 km de diamètre) seront bientôt
explorés par la sonde de la NASA New Horizons, dont l’arrivée sur ce lointain
système double est prévue pour le mois de juillet 2015.
Avant d’en finir avec cette présentation des corps du système solaire, il reste à
aborder l’évolution dynamique de leurs orbites. En effet, si les corps du système
solaire tournent sans cesse autour du Soleil, leurs orbites peuvent être perturbées, en
particulier par les planètes. Un corps étant d’autant plus sensible à une excitation
gravitationnelle que sa masse est faible, ce sont surtout les orbites des petits corps
qui peuvent être modifiées par des rencontres plus ou moins proches avec des
planètes.
De façon très générale, il existe donc dans le système solaire des zones instables
d’où les petits corps sont expulsés et des zones stables où ils peuvent demeurer
pendant des temps comparables à l’âge du système solaire. Certaines de ces zones
instables se trouvent en plein milieu de la ceinture d’astéroïdes. Dans ces zones,
appelées lacunes de Kirkwood, du nom de l’astronome qui les a découvertes, il n’y a
pas d’astéroïdes. Ils en ont été chassés par l’influence gravitationnelle de Jupiter
pour se rendre dans le système solaire interne et devenir des astéroïdes géocroiseurs.

FIGURE 6.3. Orbites des comètes de Hale-Bopp (type de Oort) et de Wild 2 (type Jupiter). La couronne
de points figure la position de la ceinture d’astéroïdes. L’étoile au centre indique le Soleil. (Données orbitales :
http://neo.jpl.nasa.gov/orbits/.)

Les orbites des objets transneptuniens les moins massifs peuvent être modifiées
par une cascade d’interactions gravitationnelles avec les planètes géantes (en
commençant par Neptune et en finissant par Jupiter) qui ont pour effet de les
envoyer dans le système solaire interne. Lorsqu’ils s’approchent du Soleil, les
grandes quantités de glace (d’eau et de monoxyde de carbone) qu’ils contiennent
sont vaporisées et forment une chevelure (coma, en grec) qui se développe en une
queue 6 pouvant s’étendre sur des centaines de milliers de kilomètres (cf. Ill. 27) :
c’est en raison de cette chevelure qu’on les nomme comètes. Elles ont été observées
par les hommes depuis toujours (cf. encadré). Ces comètes, dites de Jupiter (car leur
orbite finit par être contrôlée par la planète géante, cf. figure 6.3), ont une période de
révolution de l’ordre de la dizaine d’années. Au bout de quelques milliers de
passages à proximité du Soleil, elles épuisent leur glace de surface et deviennent
inactives 7. Elles ressemblent alors à des astéroïdes de type C.

Les comètes
Aristote parlait déjà des comètes dans sa physique. Elles appartenaient selon lui à l’atmosphère
terrestre. En dépit de cette tentative de rationalisation, l’apparition de comètes a longtemps été considérée
comme un bon (ou mauvais) présage. C’est le grand astronome danois Tycho-Brahé qui a prouvé en 1577
que les comètes étaient des objets célestes. En utilisant la mécanique newtonienne, Edmond Halley a
montré à la fin du XVIIe siècle que la comète aperçue en 1531, 1607 et 1682 était le même objet revenant
à proximité de la Terre tous les soixante-quinze ans. Depuis le XIXe siècle et les premières mesures de la
composition de la chevelure, les comètes sont devenues des objets de science.

Les objets du nuage de Oort sont, pour certains, envoyés dans le système solaire
interne parce qu’ils ressentent l’influence gravitationnelle de l’ensemble des étoiles
de la Galaxie. Ils deviennent alors des comètes dites de Oort. Cette influence
gravitationnelle (on parle de marée galactique) est suffisamment puissante pour
envoyer dans le système solaire interne des corps pouvant atteindre 50 km de
diamètre (taille de la comète de Hale-Bopp passée à proximité de la Terre en 1997).
Les comètes de Oort ont une période de révolution très élevée (jusqu’à des dizaines
de milliers d’années), étant donné leur provenance lointaine (cf. figure 6.3). En
raison de leur orbite très allongée, la vitesse des comètes de Oort est très élevée lors
de leur passage dans le système solaire interne. Cela explique pourquoi on ne peut
les détecter que quelques années avant leur passage à proximité de la Terre
(cf. chapitre 5).
Ce sont les comètes de Oort qui, en déboulant dans le système solaire interne,
nous ont révélé l’existence du nuage de Oort et sa forme sphérique (les comètes de
Oort n’appartiennent pas au plan de l’écliptique mais proviennent de toutes les
directions de l’espace). Les comètes de Oort sont en général beaucoup plus actives
que les comètes de type Jupiter. L’activité de la comète Hale-Bopp était par exemple
de 200 tonnes d’eau par seconde et de 1 000 tonnes par seconde de poussières, tandis
qu’on pouvait à peine détecter la chevelure de la comète de Jupiter Wild 2, cible de
la mission Stardust (cf. infra).
Les corps du système solaire sont donc nombreux et divers. Même si certains
d’entre eux ont été visités par des sondes spatiales, les météorites restent un moyen
unique de connaître leurs propriétés en détail. Encore faut-il faire le lien entre les
différents groupes de météorites et les corps du système solaire.
7
Les différents types de météorites

Plus de quarante mille météorites sont recensées dans les collections du


monde (cf. annexes, p. 183), classées en différents groupes. Ce classement
n’a pas été facile à établir et continue de poser problème. Les spécialistes se
disputent souvent pour savoir dans quel groupe ranger telle ou telle
météorite récemment découverte. Certains classificateurs ont pu différencier
jusqu’à cent trente-cinq groupes de météorites. Il n’est pas question ici
d’entrer dans le détail de cette classification, ni nécessaire pour le lecteur de
retenir le nom de chacun des groupes de météorites, leur spécimen type et
leurs caractéristiques uniques. Mais il peut être utile de présenter les
groupes les plus importants.
La surface extérieure, la forme ou la couleur des météorites ne servent
pas de critère de classification. La forme des météorites est assez variable.
Elles peuvent être rondes, coniques, voire cubiques (cf. Ill. 1-3). Les angles
des météorites fraîchement tombées sont assez doux en raison de leur fusion
dans l’atmosphère. Les météorites qui sont restées longtemps au sol peuvent
être anguleuses.
Quant à la couleur intérieure des météorites, elle peut être blanche, noire,
vert pâle ou encore grise (cf. Ill. 4-6). Il n’y a pas d’association nette entre
groupe de météorites et couleur. En revanche, l’abondance du métal est un
critère de classification depuis les premières taxonomies proposées par
Auguste Daubrée en 1867, trois ans après la chute d’Orgueil (cf. chapitre 1).
Sur le terrain, quand nous partons à la recherche de météorites (cf. annexes,
p. 189-191), nous utilisons d’ailleurs un petit magnétomètre pour évaluer la
teneur en métal. Cette méthode est moins destructrice que celle qui consiste
à casser les météorites au marteau pour en connaître le contenu.
FIGURE 7.1. Classification (simplifiée) des météorites et abondance des différents groupes.
Les sommes ne correspondent pas toujours aux totaux indiqués car, par souci de clarté, certains
groupes n’ont pas été mentionnés. Il existe également un grand nombre de météorites qui, bien
qu’identifiées comme chondrites, par exemple, n’appartiennent à aucun groupe défini. L’abondance
des groupes représentant moins de 1 % des chutes n’est pas indiquée. Le groupe des SNC rassemble
les shergottites, nakhlites et chassignites, tandis que le groupe des HED réunit les howardites,
eucrites et diogénites (cf. infra). Les chondrites sont des météorites primitives, tandis que tous
les autres météorites sont dites différenciées.

La classification s’articule également suivant la composition chimique et


minéralogique des météorites (cf. l’encadré suivant). On distingue trente-
huit groupes de météorites, formant deux grands clans : les météorites
primitives, appelées chondrites, et les météorites différenciées, regroupant
les météorites de fer, les météorites mixtes et les achondrites (cf. figure 7.1).
Pour une meilleure lecture, je ne présenterai que les plus importants des
différents groupes. Leur abondance relative est fondée sur les statistiques de
chutes de météorites 1.

Roches et minéraux
Les roches sont formées de minéraux, eux-mêmes composés d’arrangements d’atomes
reproduisant un motif régulier dans l’espace. Un minéral se caractérise donc par sa
composition chimique et ce qu’on appelle sa structure cristallographique. Il existe sur Terre
des milliers de minéraux différents, plusieurs centaines dans les météorites. Les minéraux les
plus communs des météorites sont des silicates : des combinaisons de silicium, d’oxygène et
de différents éléments (cations) comme le fer, le magnésium ou le calcium. L’olivine de
composition (Mg,Fe)2SiO4 et le pyroxène de composition (Mg,Fe,Ca)SiO3 sont deux des
silicates les plus communs des météorites. Leur teneur relative en magnésium (Mg), fer (Fe) et
calcium (Ca) dépend de leurs conditions de formation. On trouve aussi des éléments à l’état
métallique, c’est-à-dire non combiné avec l’oxygène : c’est le cas du fer, par exemple (un abus
de langage consiste à dire « métal » pour « fer métallique »).

Les chondrites
Les chondrites sont des roches uniques. Comme leur nom l’indique, elles
sont formées essentiellement de chondres 2, qui sont de petites (entre 0,1 et
1 mm) billes de silicates et de métal (cf. Ill. 13-15). Il y a une grande
diversité de chondres qui obéissent également à une classification
complexe, hors de propos dans le présent ouvrage. Les principaux minéraux
des chondres sont l’olivine et le pyroxène (cf. l’encadré ci-dessus). Ils
contiennent également du verre et des grains de métal. Certains chondres
sont faits exclusivement de métal.
On trouve également dans les chondrites des composants plus rares, des
inclusions blanches formées de minéraux calciques et aluminiques (cf.
Ill. 14, 17). Surnommées CAIs (de l’anglais Calcium-, Aluminium-rich
Inclusions), ces objets dont le diamètre varie entre quelques centièmes et
quelques dizaines de millimètres peuvent avoir des formes compactes ou
encore amiboïdales. Parce qu’elles se sont formées à très haute température,
les inclusions blanches prennent également le nom d’inclusions réfractaires.
Découverts en 1967 par la minéralogiste française Mireille Christophe
Michel-Lévy, les inclusions réfractaires seraient les premiers solides du
système solaire à s’être formés, comme nous le verrons dans le chapitre 11.
FIGURE 7.2. Chondrite carbonée de Leoville (1961, Kansas, États-Unis [trouvaille]). Les inclusions
réfractaires sont les rares objets blancs. Les chondres sont les objets circulaires plus abondants.
(Crédit : Sara Russell [NHM].)

Tous ces composants (chondres, métal, inclusions réfractaires) sont


cimentés ensemble par une matrice. La matrice est un matériau
extrêmement petit (inférieur au millième de millimètre) et mal caractérisé.
En raison de la très petite taille des minéraux contenus dans la matrice, son
étude nécessite des microscopes extrêmement puissants.
Chimiquement, la composition des chondrites est très proche de celle du
Soleil. Seuls l’hydrogène, l’hélium et quelques autres éléments (comme le
carbone et l’azote) font exception. Cette identité de composition chimique
avec le Soleil est valable à la fois pour des éléments très abondants, comme
le fer ou le magnésium, et pour des éléments plus rares, comme le tantale
ou le cuivre. Si l’hydrogène, l’hélium et dans une moindre mesure le
carbone et l’azote sont appauvris dans les météorites par rapport au Soleil,
c’est tout simplement parce que, dans les conditions de formation des
météorites, ces éléments existaient à l’état gazeux et non solide. La
composition dite chondritique est considérée comme la composition
originelle du système solaire (cf. tableau 7.1).
Il existe une très grande diversité de chondrites. Certaines sont riches en
métal, d’autres en sont presque entièrement dépourvues. Elles peuvent
contenir quasi exclusivement des chondres ou quasi exclusivement de la
matrice. Les inclusions réfractaires, toujours rares, sont même absentes de
certains groupes de chondrites. Ces variations d’abondance des différents
composants se retrouvent dans la composition chimique : bien que toutes
les chondrites aient globalement une composition proche de celle du Soleil,
on peut observer des différences significatives de groupe à groupe. La
chondrite dont la composition chimique est la plus proche de notre étoile est
la fameuse météorite d’Orgueil dont j’ai décrit la chute dans le premier
chapitre. 3
Les différences d’abondance entre les composants et les variations
chimiques qui en résultent permettent d’identifier plusieurs groupes de
chondrites : les chondrites ordinaires, les chondrites carbonées et les
chondrites à enstatite (forme magnésienne du pyroxène). Ces dernières,
contenant beaucoup de minéraux inexistants sur Terre, ont connu des
conditions de formation très particulières. Elles sont rares (1 % des chutes
totales). Les deux autres types de météorites sont beaucoup plus abondants
(80 % et 4 % des chutes, respectivement). Certaines des chondrites
carbonées sont, comme leur nom l’indique, particulièrement riches en
carbone. Les chondrites ordinaires non seulement ne contiennent pas de
carbone, mais elles ne contiennent pas non plus d’inclusions réfractaires.
Elles sont en général plus riches en métal que les chondrites carbonées. À
l’intérieur du groupe des chondrites ordinaires on distingue trois sous-
groupes (H, L, LL) selon la proportion de métal et la taille de leurs
chondres 4. Les chondrites carbonées se divisent, quant à elles, en huit sous-
groupes (CM, CI, CO, CV, CK, CH, CB, CR). Certaines chondrites
carbonées sont riches en eau (CM, CI) piégée sous forme d’argiles.
Les chondrites sont donc des roches singulières à plus d’un titre. Tout
d’abord, leurs composants (chondres, métal, inclusions réfractaires) ne se
rencontrent pas dans les roches terrestres (même si l’on trouve des grains de
métal dans de rares roches terrestres). En outre, leur composition chimique
est proche de celle du Soleil. Ces caractéristiques les distinguent
radicalement des météorites différenciées.

Élément Abondance

Oxygène (O) 45,8 %

Fer (Fe) 18,2 %


Silicium (Si) 10,6 %

Magnésium (Mg) 9,6 %

Soufre (S) 5,1 %


Carbone (C) 3,5 %

Hydrogène (H) 2,1 %

Nickel (Ni) 1,0 %


Calcium (Ca) 0,91 %

Aluminium (Al) 0,85 %

Sodium (Na) 0,50 %

Azote (N) 0,29 %


Chrome (Cr) 0,25 %

Manganèse (Mn) 0,19 %

Phosphore (P) 0,092 %


TABLEAU 7.1. Composition moyenne des chondrites de type Orgueil pour les quinze éléments
les plus abondants. Cette composition, appelée composition chondritique, est considérée comme
la composition originelle des solides du système solaire. (D’après Lodders1 [2003].)

Les météorites différenciées


Les météorites différenciées comportent les météorites de fer, les
météorites mixtes (qui sont un mélange de fer et de pierre) et les
achondrites.
Les achondrites sont des météorites pierreuses qui, comme leur nom
l’indique, ne contiennent pas de chondres et sont pauvres en métal. Ce sont
des roches ignées, proches des laves terrestres. Elles sont composées des
minéraux typiques de roches ignées que l’on trouve également sur Terre :
des olivines, des pyroxènes, des oxydes de fer… Il est difficile à première
vue de les distinguer des roches terrestres, à moins qu’elles soient
récemment tombées et couvertes d’une belle croûte de fusion. Comme elles
ne contiennent pas de métal, après que la croûte de fusion a disparu (dans le
cas d’un séjour prolongé sur Terre), il est presque impossible de reconnaître
leur nature extraterrestre. Il existe cinq groupes principaux d’achondrites :
les météorites lunaires 5 (cf. Ill. 10), les SNC (pour shergottites, nakhlites,
chassignites, cf. Ill. 1), les HED (pour howardites, eucrites, diogénites,
cf. Ill. 11), les angrites et les aubrites. On distingue les différents groupes
sur la base de leur minéralogie (l’abondance relative des différents
minéraux), de leur texture (taille des cristaux) et de leur composition
chimique.
Poursuivons avec les météorites de fer, qui représentent 5 % des chutes
(cf. Ill. 6-8). Elles sont faites d’alliages de fer à l’état métallique,
extrêmement rares à la surface de la Terre, où l’immense majorité du fer se
trouve dans l’état oxydé, c’est-à-dire combiné avec de l’oxygène 6. Le métal
des météorites a une concentration en nickel très élevée (quelques pour
cent) par rapport à l’immense majorité des roches terrestres. Sur la base de
leur composition chimique (abondance du nickel, de l’iridium, etc.), on
distingue douze groupes de météorites de fer généralement désignés par un
nombre en chiffres romains suivi d’une ou de deux lettres (par exemple,
IVB ou IIIAB).
Quand les météorites de fer sont polies puis traitées à l’acide nitrique, on
fait apparaître la structure complexe de ce métal (cf. Ill. 7-8). L’acide
nitrique agit en effet comme un révélateur photographique et met en
évidence les figures (ou les bandes) de Widmanstätten décrites en 1808 par
le scientifique autrichien du même nom. Ces bandes sont dues à la présence
de deux alliages métalliques constituant les météorites de fer et réagissant
différemment à l’acide : la kamacite, qui contient environ 5 % de nickel, et
la taénite, qui contient environ 20 % de nickel. Ces deux minéraux ont
également une structure cristallographique différente.
Il est difficile, voire impossible, de reproduire les figures de
Widmanstätten au laboratoire. Prenez un bout de métal auquel vous aurez
donné la composition approximative du métal météoritique, fondez-le et
refroidissez-le le plus calmement possible. Jamais vous ne verrez apparaître
ces magnifiques structures d’acier qui semblent être réservées aux corps
venus de l’espace. Si on ne peut reproduire les figures de Widmanstätten au
laboratoire, c’est parce que leur formation a nécessité des millions
d’années.
Les météorites mixtes sont les moins abondantes des météorites
différenciées puisqu’elles représentent à peine 1 % des chutes. Elles se
divisent en mésosidérites et pallasites. Les premières sont des assemblages
désordonnés de roche et de gros grains de métal. Les secondes, associant du
métal et de l’olivine, sont parmi les plus belles des météorites. Une fois
coupées en tranches fines et exposées à la lumière, les pallasites offrent le
magnifique spectacle d’un kaléidoscope extraterrestre (cf. Ill. 9).
Avant d’associer des types de corps célestes à des groupes de météorites,
on peut, sur la base de la grande ligne de partage entre météorites primitives
et météorites différenciées 7, et grâce à la compréhension très générale de
l’évolution géologique des corps, avoir une idée des types de corps dont
sont issus les différents types de météorites.
L’évolution géologique d’un corps dépend principalement de la
température atteinte par ce corps au cours de son histoire, donc de son
diamètre. Les corps célestes sont en effet chauffés par des éléments
radioactifs (cf. l’encadré suivant) présents dans l’ensemble de leur volume
et se refroidissent par leur surface. Plus leur rapport surface/volume est
élevé, plus ils se refroidissent efficacement, limitant ainsi l’intensité et la
durée de la montée en température. Comme le rapport surface/volume
dépend de l’inverse du rayon, plus un corps est gros (petit), plus la
température maximale atteinte sera élevée (basse) et plus le temps de
chauffe sera long (court).

Radioactivité
Un élément est dit radioactif lorsqu’il se transforme spontanément en un autre. Cette
désintégration s’effectue plus ou moins rapidement selon les éléments. On appelle « période »
le temps caractéristique de désintégration d’un élément donné (c’est le temps qu’il faut pour
que la moitié des atomes de départ se soient désintégrés). Lors de la désintégration radioactive,
des particules ionisantes sont émises, qui déposent de l’énergie (chaleur) dans le corps où elles
sont relâchées. Un bon exemple d’élément radioactif est le carbone-14 (14C), qui se
transforme en azote-14 (14N) avec une période de 5 730 ans. Certains éléments radioactifs ont
des périodes de désintégration extrêmement courtes (nanoseconde), tandis que d’autres ont des
périodes très longues (plusieurs milliards d’années). Les éléments qui ne sont pas radioactifs
sont dits stables. C’est la désintégration des éléments radioactifs à longue période (comparée à
l’âge du système solaire), comme le potassium-40 (40K, période 1,25 milliard d’années), qui
est la source de l’énergie interne de la Terre. L’aluminium-26 (26Al), radioactivité de courte
période (période 0,7 million d’années), serait quant à lui responsable de l’élévation de
température des petits corps pendant les premiers millions d’années du système solaire.
Un petit corps qui ne connaît pas d’élévation de température reste
inchangé. Il conserve les propriétés qu’il a acquises au moment de sa
formation. En revanche, un gros corps peut atteindre des températures qui
dépassent la température de fusion des minéraux (de l’ordre du millier de
degrés Celsius). Une fois le corps fondu, le fer, plus dense que les silicates,
plonge alors vers son intérieur. Ce phénomène de séparation du métal des
silicates s’appelle la différenciation. Il conduit à la formation d’un corps
stratifié composé d’un noyau riche en fer métallique, d’un manteau et d’une
croûte riches en silicates. La Terre est un bon exemple de corps différencié.

FIGURE 7.3. Structure d’un corps différencié. Le noyau est composé de fer à l’état métallique, tandis
que le manteau et la croûte sont constitués de roches (silicates). [D’après Brandstätter et al. (2013).]

Pour simplifier, on se trouve, au terme de l’évolution géologique, avec


deux types de corps : les corps suffisamment grands pour avoir fondu et
s’être différenciés, et les petits corps qui n’ont pas été modifiés. On parle de
corps planétaires 8 ou évolués géologiquement pour les premiers et de corps
primitifs pour les seconds. La limite de taille entre les deux n’est pas très
nette, des paramètres autres que la taille entrant en ligne de compte dans
l’évolution géologique d’un corps. Il va sans dire que les chondrites
proviennent des corps primitifs, tandis que les météorites différenciées
proviennent des corps différenciés. On en déduira donc que les premières
proviennent des plus petits corps et les secondes des plus gros.
On peut même aller plus loin pour ce qui concerne les météorites
différenciées. Au vu de la similitude entre les achondrites et les roches de
surface terrestre, il est probable que les premières échantillonnent la surface
de corps planétaires (au sens géologique du terme). Quant aux météorites de
fer, elles proviennent bien sûr du noyau de corps différenciés (cf.
figure 7.3). C’est parce qu’elles ont refroidi dans le centre d’un astéroïde
isolé du vide intersidéral par un manteau de plusieurs centaines de
kilomètres d’épaisseur qu’elles ont refroidi si lentement et ont formé des
bandes de Widmanstätten.
La variabilité chimique et minéralogique des météorites indique donc
qu’elles proviennent d’une grande diversité de corps du système solaire.
Dans le chapitre 9, nous verrons comment les différents groupes de
météorites peuvent être associés à des planètes, à des satellites ou encore à
des astéroïdes plus ou moins bien identifiés. Auparavant, examinons les
mécanismes qui permettent aux météorites de parvenir jusqu’à nous.
8
Collisions et transport

Tout commence par des collisions extrêmement violentes – celles de


petits corps, en particulier, qui voyagent aisément dans le système solaire.
Régulièrement (à l’échelle des temps astronomiques), les astéroïdes et les
comètes se percutent entre eux ; ils viennent aussi heurter à hypervitesse les
planètes et leurs satellites. Des fragments de toutes tailles sont alors
arrachés au corps cible et envoyés dans l’espace sous forme de météorides.

FIGURE 8.1. Vue d’artiste d’une collision entre deux astéroïdes conduisant à la formation d’une
famille d’astéroïdes. (Crédit : NASA.)

Il est difficile d’imaginer l’importance des collisions dans l’histoire du


système solaire puisque celles-ci sont (heureusement) rares à l’échelle
humaine. On trouve en revanche des traces de collisions sur tous les corps
célestes (sous forme de cratères d’impact). La Lune, couverte de cicatrices
cosmiques, en est le parfait exemple (cf. figure 8.2). L’histoire des cratères
lunaires est d’ailleurs assez édifiante. Ils ont été découverts par Galilée en
même temps que les satellites de Jupiter. Longtemps on a cru qu’il
s’agissait de cratères volcaniques. Même après la démonstration de
l’origine extraterrestre de Meteor Crater (à la fin des années 1940), une
grande partie des planétologues continuait de pencher pour une origine
volcanique. C’est l’étude des échantillons lunaires rapportés par les
missions Apollo qui a permis de prouver l’origine par impact des cratères
lunaires. Plus de trois cent mille cratères de diamètre supérieur à 1 km sont
recensés sur la Lune – le plus grand, le bassin Aitken (2 240 km de
diamètre), se trouvant sur la face cachée.
Les astéroïdes et les comètes ne sont pas en reste. Indétectables du sol en
raison de leur petite taille, les cratères qui les couvrent ont été découverts
par l’exploration spatiale. Au mois de septembre 2013, six comètes et dix
astéroïdes avaient été visités par dix sondes spatiales de la NASA, de la
JAXA (Japan Aerospace Exploration Agency) ou de l’ESA (une même
sonde visite en général plusieurs petits corps). Des cratères ont été observés
sur la majorité de ces petits corps (cf. Ill. 20-22, 28), révélant l’ancienneté
de leur surface 1. L’astéroïde Vesta, exploré par la sonde Dawn, est
particulièrement riche en cratères. Son pôle Sud est d’ailleurs recouvert par
un cratère, baptisé Rheasilvia, de 505 km de diamètre, proche du diamètre
de l’astéroïde.
FIGURE 8.2. Cratères dus à des impacts météoritiques à la surface de la Lune. L’impression de relief
est due aux conditions d’illumination de la surface lunaire. Les noms des cratères sont ceux
des astronautes décédés dans l’explosion de la navette Challenger en 1986. Largeur de la prise
de vue : 190 km. (Crédit : NASA/GSFC/Arizona State University.)

L’existence de « familles » d’astéroïdes est une autre indication de


l’importance des collisions dans la vie des petits corps. Les similarités de
trajectoires de certains astéroïdes indiquent en effet une origine commune :
un astéroïde ayant subi une collision géante produisant des milliers de
fragments. En reconstituant l’histoire de la trajectoire de chacun des
fragments, on peut estimer l’âge d’une famille et donc le moment de la
collision.
On dénombre une vingtaine de familles d’astéroïdes dans la ceinture
principale. La famille la plus peuplée est la famille de Flore, centrée autour
de l’astéroïde Flora, de 130 km de diamètre et situé à 2,2 UA du Soleil.
Cette famille se serait formée il y a 200 millions d’années et l’astéroïde
initial aurait eu une masse double de la masse de Flora. Flora et tous les
autres membres de la famille sont des astéroïdes riches en pierre, de type S.
La famille de Baptistina (un astéroïde d’environ 20 km de diamètre) a
pendant un temps été soupçonnée d’avoir produit, il y a 160 millions
d’années, l’astéroïde qui a mis fin à l’existence des dinosaures non aviens.
Il a ensuite été démontré que le type spectral (cf. chapitre 6) de Baptistina
était incompatible avec la classe du fragment de l’impacteur trouvé dans la
limite crétacé-tertiaire.
On estime que chaque astéroïde a subi au moins une collision de la part
d’un corps de sa propre taille et qu’une collision entre deux corps d’un
diamètre supérieur à 10 km a lieu tous les 10 millions d’années dans la
ceinture d’astéroïdes. Presque tous les astéroïdes actuels seraient d’ailleurs
des fragments d’astéroïdes plus gros. C’est particulièrement évident dans le
cas de l’astéroïde Itokawa, survolé par la sonde Hayabusa (cf. Ill. 21).
L’astéroïde Vesta serait une exception, car il semble ne pas avoir été détruit
par une collision. Mais le gigantesque cratère Rheasilvia tend à indiquer
qu’il n’est pas passé très loin de la pulvérisation…
Les collisions sont donc la règle plutôt que l’exception dans le système
solaire. Cela n’était pas évident pour les chercheurs il y a une quarantaine
d’années. L’exploration spatiale, à commencer par celle de la Lune, a joué
un rôle clé dans notre compréhension de l’importance des impacts dans
l’histoire du système solaire (outre notre satellite et les petits corps, les
différentes sondes ont révélé des cratères sur Mars, Mercure, Vénus, les
satellites des planètes géantes…).
Le 18 juillet 1994, on a assisté à une collision sur Jupiter. La comète
Shoemaker-Lévy 9 s’est fragmentée en une vingtaine de morceaux avant de
percuter la planète à 60 km/s. L’impact majeur a eu lieu à 7 h 33 UTC : le
fragment « G » de la comète a produit une tache sombre de plus de
12 000 km de diamètre qui a perduré plusieurs mois dans l’atmosphère de
Jupiter, libérant une énergie estimée à 6 milliards de bombes d’Hiroshima.
Bien que cet impact n’ait pas propulsé de météorides dans l’espace en
raison de la nature gazeuse de Jupiter, il témoigne de la permanence des
collisions entre les corps célestes et des gigantesques énergies en jeu.
Les collisions à la surface des corps solides produisent des éjectas (ou
fragments) de toutes tailles (cf. figure 8.1). La vitesse de ces fragments
(arrachés aux corps-cibles) dépend de l’énergie de l’impact et donc de la
masse et de la vitesse de l’impacteur. Si les fragments ont une vitesse
suffisamment élevée, ils pourront échapper à l’attraction gravitationnelle de
leur corps d’origine. Mais, si celui-ci est trop gros, ils ne pourront pas
échapper à l’attraction gravitationnelle du corps-cible et y retomberont. Sur
Terre, par exemple, seuls les astéroïdes les plus massifs peuvent arracher
des fragments avec suffisamment de force pour qu’ils deviennent des
météorides 2.
Si le corps cible est un astéroïde, les éjectas les plus gros deviennent de
nouveaux astéroïdes et forment une famille. Les fragments plus petits
deviennent des météorides. Les météorides suivent dans un premier temps
la même orbite que leur corps d’origine. Puis leur orbite se modifie sous
l’effet de la force de Yarkovksy (cf. chapitre 5) : au lieu de continuer à
tourner autour du Soleil à distance constante, le météoride se met à
« spiraler » vers notre étoile 3. Le météoride « spirale » d’autant plus vite
qu’il est petit. Ce mouvement de spirale que l’on peut assimiler à une dérive
vers le Soleil est relativement lent, de l’ordre de 0,002 UA par million
d’années 4. Des météorides issus d’astéroïdes placés dans la ceinture
principale (entre 2 et 3,3 AU) mettraient donc des milliards d’années pour
parvenir jusqu’à nous s’ils n’étaient soumis qu’à la force de Yarkovsky. Or
on sait que la majorité des météorides passent seulement quelques millions
à quelques dizaines de millions d’années dans l’espace, selon les groupes
chimiques (cf. l’encadré ci-dessous) auxquels ils appartiennent.
Si les météorides parviennent sur Terre en des temps aussi courts
(comparés aux temps de dérive dus à l’effet Yarkovsky), c’est qu’ils sont
chassés avec vigueur de la ceinture d’astéroïdes par le biais d’un
phénomène dynamique complexe appelé résonance. Un petit corps est dit
en résonance avec une planète lorsqu’il est gravitationnellement en phase
avec elle. Au moyen de divers mécanismes, le météoride reçoit alors un
surcroît d’énergie qui a pour effet d’allonger son orbite et parfois de la
rendre géocroiseuse 5. Ce sont des résonances avec Jupiter qui envoient les
météorites astéroïdales sur Terre, tandis que ce sont des résonances avec
Mars elle-même qui sont responsables du placement des météorides
martiens sur des orbites géocroiseuses.

Temps d’exposition des météorites


Pendant leur long voyage dans l’espace, les météorides sont irradiés par le rayonnement
cosmique galactique, un flux de protons à l’énergie très élevée qui provient de l’extérieur du
système solaire et baigne toute la Galaxie. Ce rayonnement, en interagissant avec les atomes
du météoride, provoque des réactions nucléaires et produit de nouveaux éléments, pour
l’essentiel radioactifs. La quantité de ces éléments, qui peut être mesurée dans les laboratoires
sur Terre, est proportionnelle au temps passé dans l’espace. Les temps de voyage des
météorides depuis leurs corps sources respectifs (ou temps d’exposition) varient entre
quelques centaines de milliers d’années et un milliard d’années environ (pour certaines
météorites de fer).

Les temps d’exposition des météorites sont compatibles avec le


mécanisme de « transport » que je viens de détailler : collisions entre petits
corps, production d’éjectas, dérive des météorides par effet Yarkovsky,
rencontre d’une résonance et finalement placement sur une orbite
géocroiseuse. La phase la plus longue est la phase de dérive. Elle dure
d’autant plus longtemps que l’astéroïde-cible est loin d’une résonance 6. Il
existe deux exceptions audit mécanisme : les météorides lunaires et ceux
issus des astéroïdes géocroiseurs, car ils sont en quelque sorte envoyés
directement sur Terre sans passer par une résonance. Ce mode de transport
direct explique les faibles temps d’exposition des météorites lunaires et de
certaines chondrites (inférieur à 1 million d’années). Les météorites
provenant des astéroïdes géocroiseurs représentent seulement 10 % de la
population des météorites.
La population des météorites sur Terre est fortement influencée par la
formation des familles d’astéroïdes. Elle est en effet dominée par les
familles qui produisent un grand nombre de fragments et se trouvent à
proximité des résonances 7. Comme de nouvelles familles d’astéroïdes sont
en permanence produites (sur de longues échelles de temps), on peut
imaginer que le flux de météorites sur Terre change de nature au cours du
temps. Il n’est malheureusement pas possible aujourd’hui de tester cette
assertion, même si la découverte, dans des sédiments âgés de 240 millions
d’années, de météorites appartenant au sous-groupe LL des chondrites
ordinaires (qui ne représentent à l’heure actuelle que 8 % des chutes)
semble aller dans ce sens.
9
Les corps sources des météorites

La question de la provenance des météorites est ancienne. Elle a été


posée pour la première fois par le philosophe ionien Anaxagore de
Clazomènes, qui avait, dit-on, prédit la chute d’une météorite à Aegos
Potamos (Thrace) la seconde année de la huitième olympiade (en 467 avant
notre ère). Anaxagore, dont les opinions « hérétiques » lui valurent en 432
d’être chassé d’Athènes, défendait en effet l’idée selon laquelle les
météorites proviendraient du Soleil. En 1803, alors que l’origine
extraterrestre des météorites vient à peine d’être démontrée (cf. l’encadré
suivant), Jean-Baptiste Biot, Pierre-Simon Laplace et d’autres éminents
savants proposent que les météorites proviennent de la Lune. La même
année, le mathématicien Denis-Siméon Poisson calcule (erronément) qu’il
suffit de deux jours et demi à une météorite projetée par un volcan lunaire
pour se rendre sur Terre, en supposant une trajectoire directe.
C’est en 1845 que le célèbre naturaliste allemand Alexander von
Humboldt établit le lien entre les météorites et les astéroïdes. Il écrit avec
perspicacité, dans le premier volume de son célèbre ouvrage Cosmos, que
« les météorites sont les plus petits des astéroïdes 1 ». Ce rapprochement
coïncide avec l’observation de nouveaux astéroïdes. En décembre 1845, la
découverte du cinquième des astéroïdes, Astrée, fait suite à de nombreuses
années de « disette » (après Cérès en 1801, Pallas, Junon et Vesta ont été
observés pour la première fois en 1802, 1804 et 1807). Trois astéroïdes sont
découverts pour la seule année 1847. À cette époque, les grands musées
comptent dans leurs collections des dizaines de météorites (près de soixante
pour le Muséum de Paris).
On sait désormais qu’il n’existe pas une source unique de météorites,
mais que ces dernières proviennent d’un grand nombre de corps solides du
système solaire. Cela exclut bien sûr le Soleil, en dépit de tout le respect
qu’on doit à Anaxagore, mais aussi les géantes gazeuses : Jupiter, Saturne,
Uranus et Neptune. S’il ne fait pas de doute que tous les types de corps
(planètes, satellites, astéroïdes et objets transneptuniens) sont représentés
dans le flux de météorites sur Terre, rares sont cependant les cas pour
lesquels on peut associer avec certitude une classe de météorites à un corps
céleste bien identifié. Le cas le plus simple est celui des achondrites
échantillonnant des surfaces planétaires (au sens géologique du terme).
2

Histoires de météorites
Pendant longtemps les météorites ont été considérées comme des pierres magiques. Elles
faisaient l’objet d’un culte, en particulier en Orient. En 219, Héliogabale, jeune prêtre du
Soleil de la ville d’Emèse (aujourd’hui Homs), a même apporté une météorite de la Syrie
jusqu’à Rome après son élection à la dignité d’empereur des romains. Jusqu’à la Renaissance,
on a attribué aux chutes de météorites un pouvoir oraculaire, comme dans le cas de la
météorite d’Ensisheim, dont la chute a décidé Maximilien de Habsbourg à entrer en guerre
contre les Français en 1492. Au XVIIIe siècle, il n’était pas rare que les savants, qui peinaient
à identifier l’origine extraterrestre des pierres qu’on leur apportait, raillassent les paysans qui
disaient avoir assisté à une chute de météorites. La première analyse chimique d’une météorite
a été effectuée par Antoine Lavoisier et deux autres chimistes en 1769. Utilisant des
techniques d’analyse rudimentaires, ils ont conclu qu’il s’agissait d’un grès frappé par la
foudre. Il fallut attendre 1794 pour qu’un savant allemand, Ernst Florens Friedrich Chladni,
défendît l’origine extraterrestre de ces pierres qu’on disait « de tonnerre » ou « de foudre ».
Son petit livre de soixante-trois pages publié simultanément à Leipzig et Riga rencontra un
accueil contrasté. En 1802, le jeune chimiste anglais Edward C. Howard détecta du nickel (un
élément, nous l’avons dit, très rare sur Terre) dans quatre météorites et se rallia à l’hypothèse
de Chladni. Il fallut cependant attendre la chute de milliers de pierres à L’Aigle, survenue en
Basse-Normandie le 26 avril 1803, pour que l’ensemble de la communauté scientifique se
convainquît de l’origine extraterrestre des pierres tombées du ciel. Ce changement d’attitude
fit suite à la publication d’un rapport rédigé par Jean-Baptiste Biot intitulé « Relation d’un
voyage fait dans le département de l’Orne pour constater la réalité d’un météore observé à
L’Aigle le 6 floréal an XI ». Dans ce rapport, Biot établit la réalité de la chute, démontra que
les pierres tombées du ciel n’ont rien à voir avec l’orage ou les volcans et légitima les
témoignages des observateurs en arguant que « toutes ces personnes, de professions, de
mœurs, d’opinions si différentes, n’ayant que peu ou point de relations entre elles, sont tout à
coup d’accord pour attester un même fait (la chute de pierres) qu’elles n’ont aucun intérêt à
supposer 1 ». Les météorites étaient devenues des objets scientifiques.

Les météorites lunaires, dont la première, ALH81005, a été découverte


en Antarctique le 18 janvier 1982, étaient au nombre de 165 en septembre
2013. Leur origine lunaire ne fait aucun doute. Entre 1969 et 1972, les
missions Apollo de la NASA ont permis de rapporter environ 380 kg de
roches lunaires et les missions soviétiques Luna environ 380 g 3. Ces roches
lunaires sont parmi les cailloux les plus étudiés au monde. L’identité de
texture et de composition de ces 165 météorites et des échantillons lunaires
établit leur origine de façon certaine. Quelques-unes d’entre elles
proviendraient de la face cachée de la Lune, que ni les Américains ni les
Soviétiques n’ont explorée.
L’origine martienne des météorites SNC a été envisagée dès la fin des
années 1970. Certains scientifiques ont alors fait remarquer que la
« jeunesse » de certaines d’entre elles (1,4 milliard d’années, à comparer
aux 4,6 milliards d’années du système solaire) imposait qu’elles vinssent
d’un corps évolué et donc relativement massif. Mars a tout de suite été un
candidat crédible. La preuve définitive de leur origine martienne a été
apportée au début des années 1980, lorsqu’une équipe de la NASA a
analysé d’infimes quantités de gaz piégées dans les minéraux de la
météorite EET79001 (shergottite). En établissant que la composition
chimique de ce gaz était identique à celle de l’atmosphère martienne
analysée par les sondes Viking en 1976, ils ont révélé le secret de leur
origine (et multiplié leur prix par cent…).

Le prix des météorites


Le négoce des météorites se pratique essentiellement sur Internet. Comme pour tout bien
marchand, les météorites sont soumises à la loi de l’offre et de la demande. Plusieurs facteurs
déterminent leur prix : la provenance, la rareté, l’état de conservation, l’aspect esthétique, mais
aussi le caractère historique. Les météorites les plus chères sont les météorites lunaires et
martiennes, qui s’échangent à environ un millier d’euros le gramme. Pour un même type de
météorites, les « chutes » sont davantage appréciées que les « trouvailles » en raison de leur
meilleur état de conservation. Les chondrites ordinaires, très abondantes, sont les moins chères
des météorites, à l’exception de certaines chutes historiques, comme celles de L’Aigle ou
d’Ensisheim ( cf. ci-dessus). Certaines météorites – celle d’Orgueil, par exemple – n’ont pas
de prix en raison de leur rareté sur le marché (tous les échantillons sont détenus par des
institutions scientifiques qui ne les mettent pas en vente). La valeur des météorites a connu un
boom en 1996 après que le président américain Bill Clinton eut repris l’annonce (prématurée)
de la découverte de traces de vie fossile dans une météorite martienne ( cf. chapitre 13). Si le
prix des météorites s’est depuis stabilisé, il demeure élevé, compliquant la tâche des
conservateurs des collections publiques.

La coïncidence entre le spectre de réflexion des météorites HED (mesuré


au laboratoire) et celui de l’astéroïde Vesta (mesuré par des télescopes)
indique que ces achondrites proviennent de Vesta (cf. figure 9.1). Cela a été
confirmé par des analyses beaucoup plus précises menées par la sonde
Dawn, qui s’est approchée à 200 km de l’astéroïde en 2011 (cf. Ill. 20).
Ladite sonde aurait même identifié les différents terrains correspondant aux
eucrites (le E de HED) et diogénites (le D de HED). L’association des
météorites HED et de l’astéroïde Vesta n’est pas une surprise dans la
mesure où les HED sont des achondrites (elles proviennent donc d’un corps
planétaire plutôt que primitif) et où Vesta est le deuxième plus massif des
astéroïdes, avec une masse de 3 ×1020 kg, un tiers de celle de Cérès.
FIGURE 9.1. Comparaison des spectres de réflexion des météorites HED et de l’astéroïde Vesta.
Les bandes d’absorption (les creux dans la courbe) sont attribuées au minéral pyroxène. (Source :
Pierre Vernazza [CNRS].)

On ne connaît pas l’origine des aubrites ni des angrites. Bien que certains
scientifiques aient évoqué Mercure, cette association est difficile à
démontrer. Il est également possible qu’elles proviennent d’un astéroïde
différencié qui n’aurait pas encore été identifié par spectroscopie.
Régulièrement, des achondrites étranges sont présentées par leurs
découvreurs comme des roches provenant de Mercure. Cette obsession
récurrente n’est que l’écho de notre relative ignorance des propriétés de
cette planète.
Les météorites de fer proviendraient d’astéroïdes de type spectral M que
l’on retrouve dans toute la ceinture d’astéroïdes. Les météorites de fer
provenant du noyau de corps différenciés, la partie supérieure de leurs corps
sources (manteau et croûte) a été complètement détruite. Cela n’est pas
surprenant dans la mesure où les météorites de pierre sont beaucoup plus
fragiles que les météorites de fer. Il est en revanche plus étonnant que les
météorites provenant des manteaux de ces astéroïdes soient absentes de nos
collections. Cela signifie que la destruction des corps a eu lieu très tôt dans
l’histoire du système solaire et que les fragments des manteaux ont fini par
être réduits en poussière. Quant aux pallasites et aux mésosidérites, on n’a
pas identifié à ce jour leurs astéroïdes parents.
La situation est à la fois plus simple et plus compliquée pour les
chondrites. En raison de leur primitivité, on sait qu’elles viennent de petits
corps, comme les astéroïdes ou les comètes. Cette hypothèse est confirmée
par la détermination des orbites de dix-sept chondrites de tous types à l’aide
de réseaux de caméras dédiés (comme celui qui a permis de mesurer le flux
de météorites sur Terre), mais aussi par la capture fortuite de météores par
des caméras d’amateur ou de vidéosurveillance. Toutes les orbites mesurées
entre 1959 (chondrite de Příbram) et 2012 (chondrite de Sutter Mill)
indiquent une origine astéroïdale pour les chondrites (cf. figure 9.2), quel
que soit leur type.
FIGURE 9.2. Orbites des chondrites de Peekskill (1992, New York, États-Unis, chondrite ordinaire
H), Neuschwanstein (2002, Allemagne, chondrite à enstatite) et Tagish Lake (2000, Canada,
chondrite carbonée). La couronne de points figure la position de la ceinture d’astéroïdes. L’étoile
au centre indique le Soleil.

La célèbre chondrite d’Orgueil (cf. Ill. 12) semble faire exception à la


règle. À partir des descriptions précises de sa chute en mai 1864 en
France 4, un groupe de chercheurs a pu reconstituer en 2005 l’orbite de cette
météorite possédant la même composition chimique que le Soleil. Ils ont
réussi à montrer que l’orbite d’Orgueil était compatible avec celle d’une
comète.
L’identification d’une météorite cométaire à une époque où les comètes
étaient vues comme des corps faits essentiellement de glace a d’abord
surpris les spécialistes. Cette idée est cependant de mieux en mieux
acceptée depuis que la sonde spatiale américaine Stardust a rapporté des
grains de poussière d’une comète (cf. l’encadré suivant). L’analyse au
laboratoire de ces échantillons cométaires a montré qu’ils partageaient
beaucoup de propriétés avec les chondrites carbonées, et donc avec la
météorite d’Orgueil. Il est par conséquent possible que la différence de
nature entre certains astéroïdes de type C (dont proviennent les chondrites
carbonées) et les comètes soit ténue, voire inexistante.
Les chondrites proviennent pour l’essentiel des astéroïdes et pour une
faible part des comètes. Mais peut-on en savoir plus ? Par exemple,
connaître l’astéroïde ou la comète dont une classe de chondrites serait
issue ? La réponse à cette question est négative. Contrairement aux
achondrites, on ne peut pas faire d’association définitive, et ce pour
plusieurs raisons.
Il existe tout d’abord un très grand nombre d’astéroïdes et de comètes de
petite taille dont peuvent potentiellement provenir les chondrites. Les petits
corps sont bien plus nombreux que les planètes et les astéroïdes massifs
d’où proviennent les achondrites. Par ailleurs, chaque corps différencié a
connu une évolution singulière conduisant à une composition
minéralogique et chimique unique, rendant plus aisée son identification à
une classe de météorites. La variabilité de composition entre astéroïdes
primitifs est en revanche moindre.

On ne peut donc dire de quel astéroïde ou de quelle comète visible dans


le ciel provient tel ou tel groupe de chondrites 5. Il est cependant possible de
faire des associations générales. Le spectre de réflexion des chondrites
carbonées est similaire au spectre des astéroïdes de type C, qui, rappelons-
le, sont majoritaires dans la partie la plus externe de la ceinture
d’astéroïdes. Pour ce qui est des chondrites ordinaires, leur spectre présente
de fortes analogies avec celui des astéroïdes de type S malgré un léger
décalage. Bien que celui-ci ait été attribué de longue date à l’effet du vent
solaire, il a entretenu le doute sur l’association entre les chondrites
ordinaires (les plus abondantes des météorites) et les astéroïdes de type S.

La mission Stardust
Le vaisseau spatial Stardust a décollé de Cap Canaveral le 7 février 1999 à bord d’une
fusée Delta avec pour cible la comète Wild 2. La rencontre a eu lieu presque cinq ans après, le
2 janvier 2004. La petite sonde spatiale (385 kg) a alors déployé une sorte de raquette
composée de parallélépipèdes d’aérogel, un matériau de faible densité développé par la
NASA. Les poussières relâchées par la comète à des vitesses de 6,1 km/s ont pu être capturées
par ce matériau particulier sans qu’elles soient détruites. La raquette d’aérogel chargée de son
précieux butin a ensuite pris le chemin de la Terre où elle est revenue le 15 janvier 2006.
Quelques semaines plus tard, la NASA distribuait des échantillons à des laboratoires
sévèrement sélectionnés, dont le Laboratoire de minéralogie et de cosmochimie du Muséum. À
la fin de l’année 2006, sept articles paraissaient dans la revue Science synthétisant les
propriétés des premiers échantillons extraterrestres rapportés par une mission spatiale depuis la
dernière mission Apollo en 1972.

Ce doute a été spectaculairement levé par la mission japonaise Hayabusa,


dont le vaisseau spatial éponyme a collecté entre octobre et novembre 2005
des poussières de la surface de l’astéroïde Itokawa (type S). L’analyse au
laboratoire des poussières itokawaïennes a démontré qu’elles étaient
identiques, du point de vue chimique et minéralogique, au groupe LL des
chondrites ordinaires, confirmant l’association faite grâce aux analyses
spectroscopiques et le rôle du vent solaire dans le rougissement des
spectres.
On remarquera au passage l’importance des missions spatiales
d’exploration et en particulier des missions de retour d’échantillons
(Apollo, Stardust, Itokawa). Elles sont complémentaires de l’analyse des
météorites en laboratoire, dans la mesure notamment où elles offrent à ces
dernières un contexte géologique. Par rapport aux missions d’observation in
situ (c’est-à-dire qui se contentent de procéder à des mesures sur place),
elles ont l’avantage de permettre des analyses sans contrainte de temps. Les
échantillons lunaires sont étudiés de nos jours avec des instruments dont les
capacités surpassent infiniment les moyens dont disposaient les
scientifiques à l’époque d’Apollo 6.
À l’heure où j’écris ces lignes, deux missions de retour d’échantillons
visant des astéroïdes géocroiseurs sont en préparation aux États-Unis et au
Japon. Osiris-REx partira à l’automne 2016 à la rencontre de l’astéroïde
1999 RQ36 et Hayabusa 2 en 2014 à la rencontre de l’astéroïde 1999 JU3.
Ces deux astéroïdes étant de type C, ces missions seront d’excellents
compléments d’Hayabusa et de Stardust. Une troisième mission
(MarcoPolo-R) visant l’astéroïde primitif 2008 EV5 est en cours d’étude en
Europe. À l’instar de leurs prédécesseurs, ces missions seront sans doute
une occasion unique de préciser les liens entre les météorites et les
astéroïdes, ainsi que de reconstituer l’histoire de notre système solaire et de
notre Terre.
III
HISTOIRE DE NOS ORIGINES
10
Comment naissent les étoiles

Notre histoire commence avec celle du Soleil, sans lequel il n’y aurait
pas de planètes. Comme n’importe quelle étoile, notre Soleil est né et
mourra. Âgé de 4,6 milliards d’années environ, il a commencé son
existence 8,8 milliards d’années après la formation de notre Galaxie. Des
centaines de milliards d’étoiles sont nées avant lui dans notre Galaxie, dont
la majorité sont encore bien vivantes 1.
Notre Soleil est une étoile assez banale. Ni trop grosse ni trop petite, elle
est dans la moyenne. La masse du Soleil est quinze fois supérieure à celle
des plus petites étoiles (cf. l’encadré suivant) et cent fois inférieure à celle
des plus grosses étoiles. Le Soleil mourra dans 5 milliards d’années, après
être passé par une phase dite de géante rouge durant laquelle il gonflera et
perdra de gigantesques quantités de matière (cf. Ill. 35). Il englobera alors la
Terre, qui sera entièrement vaporisée. Après avoir perdu une partie de sa
masse, le Soleil deviendra une naine blanche, un objet compact (de
quelques milliers de kilomètres de diamètre), peu lumineux (un millième de
la luminosité du Soleil actuel), très dense (dix mille fois plus que la Terre),
composé essentiellement de carbone et d’oxygène.
Le Soleil lui-même a conservé peu de traces de sa naissance. Pour
comprendre les conditions de sa formation, on s’appuie sur certaines
propriétés des météorites et sur les observations astronomiques des régions
de formation d’étoiles. Certaines de ces régions sont tellement fécondes
qu’on a parlé à leur propos de pouponnières : les plus proches, celles
d’Orion et du Taureau (situées respectivement à 1 000 et 400 années-
lumière), sont de gigantesques nuages de gaz froid (– 250 °C) atteignant des
tailles de centaines de milliards de kilomètres et des masses des dizaines de
milliers de fois plus élevées que celle du Soleil (cf. Ill. 36, 38). On les
appelle nuages moléculaires, car leur composant majoritaire (l’hydrogène)
existe sous forme de molécule (H2).
Outre l’hydrogène, le gaz des nuages moléculaires est constitué d’hélium
et des 90 autres éléments chimiques existants dans l’Univers. Ces éléments
ont été synthétisés dans les milliards d’étoiles qui nous ont précédées dans
la Galaxie et ont été relâchés dans le milieu interstellaire lors de leur mort
(cf. l’encadré suivant). Les nuages moléculaires contiennent également
environ 1 % de poussières, pour l’essentiel formées dans l’atmosphère de
géantes rouges ou lors d’explosions de supernovae. On retrouve d’ailleurs
dans les météorites des « poussières d’étoiles » qui ont survécu à la
formation du système solaire. Ces poussières d’étoiles, appelées grains
présolaires, se trouvent dans les chondrites les plus primitives
(cf. figure 10.1). L’étude au laboratoire des grains présolaires permet de
mieux comprendre les réactions nucléaires qui ont lieu dans le cœur des
étoiles, et donc l’évolution chimique de la Galaxie.

Évolution des étoiles


Les étoiles sont des boules de gaz chaud dont le cœur – où la température atteint plus de
dix millions de degrés – est le siège de réactions nucléaires qui transforment l’hydrogène en
hélium puis en éléments de plus en plus lourds. En dépit de l’énergie considérable qu’elles
dégagent, les étoiles sont des corps très simples dont l’évolution est presque entièrement
déterminée par leur masse et, dans une moindre mesure, leur composition chimique. Plus une
étoile est massive, plus sa température centrale est élevée et plus elle produit des éléments
lourds (la limite étant le fer). Les étoiles massives sont plus lumineuses mais vivent moins
longtemps que les petites. La durée de vie d’une étoile de masse quarante fois supérieure à
celle du Soleil est seulement de 5 millions d’années. Les plus petites étoiles ont une masse
d’environ 0,07 masse solaire. En dessous de cette masse, la température du cœur est trop faible
pour que l’hydrogène soit converti en hélium. Ces petites étoiles ont une durée de vie plus
longue que l’âge actuel de l’Univers (13,8 milliards d’années). Les étoiles dont la masse est
inférieure à huit masses solaires ont une évolution semblable à celle du Soleil, décrite plus
haut. Les étoiles dont la masse est supérieure à huit masses solaires, après avoir émis des vents
très puissants, terminent leur vie en explosant en supernovae, laissant derrière elles une étoile à
neutrons ou un trou noir. Les éléments plus lourds que le fer sont produits au cours de ces
explosions, qui peuvent libérer des énergies de l’ordre de 1044 joules. Les éléments chimiques
produits par les étoiles au cours de leur vie sont rejetés dans le milieu interstellaire (entre les
étoiles) sous forme de gaz et de poussières, prêts à participer à la formation de nouvelles
générations stellaires. C’est en raison de ce cycle cosmique (les étoiles se forment à partir des
débris des étoiles des générations précédentes) que la composition du milieu interstellaire
évolue au cours du temps et que la Galaxie s’enrichit progressivement en éléments plus lourds
que l’hydrogène.

Un équilibre s’établit au sein des nuages moléculaires entre les forces de


pression, qui ont tendance à les disloquer (comme un gaz cherchant à se
répandre dans une pièce), et la gravité, qui tend à les faire s’effondrer sur
eux-mêmes. Il existe cependant dans les nuages moléculaires des zones de
plus forte concentration en gaz où la gravité sort vainqueur de ce duel. À
partir d’une certaine concentration en gaz, ces zones (appelées cœurs
moléculaires) s’effondrent sur elles-mêmes et donnent naissance à des
protoétoiles qui contiennent environ 80 % de leur masse finale.
L’effondrement gravitationnel des cœurs moléculaires est un phénomène
extrêmement violent et très rapide comparé à la durée de vie des nuages
moléculaires. Cet effondrement s’effectue en quelques centaines de milliers
d’années, alors que les nuages vivent 5 à 20 millions d’années (selon leur
taille), durant lesquelles plusieurs générations d’étoiles se succèdent.
En général, une étoile ne se forme pas seule, mais en famille : des
centaines, voire des milliers d’étoiles sœurs naissent avec elle. Son
environnement originel (le nombre et la masse des étoiles sœurs et parents)
peut jouer un rôle important dans son développement futur. Pour ce qui est
de notre Soleil, l’histoire de sa naissance a pu être reconstituée grâce à la
découverte dans les météorites d’un élément radioactif : l’aluminium-26. Le
Soleil serait une étoile de seconde génération dont la naissance (avec
quelques centaines d’autres étoiles) aurait été provoquée par une étoile
massive de première génération (cf. Ill. 34). Les vents puissants émis par
cette étoile (dont la masse aurait été supérieure à trente fois celle du Soleil)
auraient ensemencé le système solaire naissant en aluminium-26, source de
chaleur des petits corps. Cette étoile (aujourd’hui disparue) peut être vue
comme l’étoile parente du Soleil et a été baptisée par les chercheurs
Coatlicue, en référence à la mère du Soleil dans la cosmogonie aztèque.
FIGURE 10.1. Micrographie électronique d’un grain présolaire de carbure de silicium (SiC). D’un
diamètre d’un millième de millimètre, ce grain se serait formé dans l’atmosphère d’une géante rouge.
(Crédit : Larry Nittler [Carnegie Institution, Washington DC].)

Si on regarde d’un peu plus près ces protoétoiles émergeant de leur cocon
de gaz, on observe qu’elles sont systématiquement entourées d’un disque de
gaz circumstellaire de quelques centaines d’unités astronomiques de
diamètre (cf. Ill. 37). Depuis leur découverte, il y a environ vingt ans, les
disques circumstellaires (dont la masse représente environ 1 % de la masse
de l’étoile) sont observés à toutes les longueurs d’onde (UV, visible,
infrarouge, radio). Jusqu’à maintenant on avait accès principalement aux
régions externes, où est concentré l’essentiel du gaz. Avec le
développement d’un radiotélescope géant (appelé ALMA), situé dans le
désert d’Atacama et combinant les signaux de 66 antennes montées en
parallèle, on pourra bientôt obtenir des images des zones internes du disque
où, pense-t-on, se forment les planètes.
Les disques circumstellaires sont avant tout des disques d’accrétion :
c’est par leur intermédiaire que la protoétoile reçoit en quelques millions
d’années les 20 % de masse qui lui manquent pour finir de se construire. Il
faut les imaginer comme de gigantesques tapis roulants apportant la matière
en spirale jusqu’à l’étoile (cf. figure 10.2) : c’est parce qu’ils sont en
permanence alimentés en gaz depuis le nuage moléculaire ambiant qu’ils
peuvent nourrir la protoétoile.
La température des disques protoplanétaires varie en fonction de la
distance à l’étoile. Les régions les plus internes sont les plus chaudes, tandis
que les régions externes sont les plus froides. Au-delà d’une certaine
distance de l’étoile centrale (quelques unités astronomiques), le froid dans
le disque est tel que l’eau ne peut demeurer sous forme de vapeur et se
condense. La distance à l’étoile à partir de laquelle la vapeur d’eau se
transforme en glace est appelée « ligne de neige ». C’est une frontière
essentielle à l’intérieur des disques circumstellaires (nous y reviendrons au
chapitre suivant). Il existe également d’immenses écoulements de gaz,
appelés jets moléculaires, qui prennent naissance à la frontière entre le
disque et l’étoile, et s’étendent sur plusieurs années-lumière. Ils
résulteraient de l’interaction des champs magnétiques du disque et de
l’étoile. Jusqu’à 30 % de la matière du disque peut être emportée par ces
jets, en particulier lors du premier million d’années de son existence.
FIGURE 10.2. Schéma d’un disque d’accrétion autour d’une protoétoile. Le gaz se déplace
des régions externes vers les régions internes. Bien que les poussières soient difficiles à observer,
en raison de leur sédimentation dans le plan médian du disque, des minéraux comme l’olivine
ou le pyroxène1 (similaires à ceux observés dans les météorites) ont été détectés dans l’atmosphère
de plusieurs disques protoplanétaires. La position de la ligne de neige (cf. supra) coïncide
approximativement avec l’orbite de Jupiter. Au-delà de la ligne de neige, les poussières sont
couvertes de glaces.

Les disques sont des objets dynamiques qui évoluent. La quantité de


matière qu’ils transportent et qui alimente l’étoile diminue au cours du
temps. Les disques eux-mêmes deviennent de plus en plus ténus et de plus
en plus froids. Pour les disques protoplanétaires les plus proches, on peut
observer au télescope la croissance en taille des grains de poussière et leur
changement de composition 2. Après environ 5 millions d’années
d’existence, les disques finissent par disparaître. Les raisons de leur
disparition sont multiples, mais l’une d’entre elles mérite qu’on s’y arrête :
des planètes ont commencé à se former en leur sein. 3
11
L’origine des planètes

La formation des planètes du système solaire a principalement eu lieu


dans le disque circumsolaire, qui est donc aussi un disque protoplanétaire 1.
Elle s’est faite par agglomérations successives de corps de plus en plus gros
(cf. figure 11.1). Certains corps étant demeurés à un stade intermédiaire de
croissance, leur étude (par le biais des météorites) permet de comprendre
les grandes phases de la formation planétaire et de l’évolution géologique
des corps.
La formation des inclusions réfractaires et des chondres (cf. chapitre 7)
est la première étape de la formation planétaire. Ils sont les premiers solides
à se former dans le disque protoplanétaire par condensation du gaz et
agglomération des poussières héritées du nuage moléculaire.
Les inclusions réfractaires sont les solides les plus vieux à avoir été
datés 2 (cf. l’encadré suivant). Elles seraient âgées de 4 567 millions
d’années. Cet âge vénérable est connu à moins d’un million d’années près.
On assimile le moment de formation des inclusions réfractaires au « temps
0 » du système solaire, même s’il est probable que le Soleil existait déjà à
ce moment-là. Elles se seraient formées par condensation du gaz dans des
régions où la température du disque excédait 1 500 °C, probablement à
proximité du protosoleil. Les inclusions réfractaires auraient été
transportées plus loin dans le disque, soit par de gigantesques tourbillons,
soit par les jets moléculaires, qui les auraient soulevées au-dessus du disque
avant qu’elles ne retombent à plus grande distance du protosoleil. On a
retrouvé des inclusions réfractaires dans les échantillons cométaires
rapportés par la sonde spatiale Stardust, ce qui confirme que les
mécanismes de transport des inclusions réfractaires sont très efficaces
(puisque les comètes proviennent des zones externes du système solaire).
Bien que certains chondres se soient formés en même temps que les
inclusions réfractaires, un grand nombre d’entre eux sont beaucoup plus
jeunes (jusqu’à 3 millions d’années après le « temps 0 »). Pour la majorité
des chercheurs, les chondres proviendraient de la zone située entre Mars et
Jupiter, à l’endroit où se trouve actuellement la ceinture d’astéroïdes. On ne
peut cependant pas écarter la possibilité qu’ils aient vu le jour près du
Soleil, comme les inclusions réfractaires, et qu’ils aient été eux aussi
transportés jusqu’aux distances astéroïdales par des tourbillons ou des jets
moléculaires.

FIGURE 11.1. Temps caractéristiques de formation des différents corps à l’origine des planètes.
La formation des inclusions réfractaires définit le « temps 0 » du système solaire. La frontière
à 5 millions d’années correspond à la disparition du gaz du disque protoplanétaire. Comme nous
le verrons dans le chapitre suivant, la Lune s’est formée tardivement et très rapidement.

La forme sphérique des chondres est due au fait qu’ils sont restés durant
plusieurs jours à l’état liquide (fondus) dans un champ de gravité très
faible 3. La formation des chondres résulterait du passage, dans la ceinture
d’astéroïdes, d’ondes de chocs extrêmement puissantes qui auraient conduit
à la fusion et à l’agglomération des poussières interstellaires du disque. La
source de ces ondes de chocs – qui aurait perduré des millions d’années –
demeure mystérieuse.
Il existe une grande variété de chondres, chaque groupe de chondrites
possédant sa propre population. Puisqu’on n’observe aucune différence
d’âge entre, par exemple, la population des chondres des chondrites
carbonées et celle des chondrites ordinaires, on suppose que cette variabilité
est due à des différences d’environnement physico-chimiques dans le
disque plutôt qu’à l’évolution temporelle de ce dernier. Il semble que les
chondres des chondrites ordinaires se soient formés plus près du Soleil que
les chondres des chondrites carbonées, ce qui est en accord avec
l’observation selon laquelle les astéroïdes de type C se trouvent en moyenne
plus loin du Soleil que les astéroïdes de type S.
Les composants des chondrites s’agglomèrent ensuite en planétésimaux,
dont la formation a longtemps été mal comprise. On pense désormais
qu’elle s’effectue par effondrement gravitationnel quasi instantané. De
gigantesques tourbillons joueraient le rôle de berger et rassembleraient dans
le disque les inclusions réfractaires, les chondres, la poussière interstellaire
qui n’a pas été détruite par la formation des chondres et la glace. Une fois
une concentration critique atteinte, cet assemblage s’effondrerait sous son
propre poids et formerait des corps d’environ 100 à 1 000 km de diamètre.
La formation des planétésimaux chondritiques a certainement eu lieu autour
de 4 millions d’années après le « temps 0 ». En effet, ce mécanisme ne peut
avoir lieu sans les chondres, dont la production, nous l’avons vu,
s’interrompt environ 3 millions d’années après le « temps 0 » et avant la
disparition du disque, qui aurait eu lieu autour de 5 millions d’années après
le « temps 0 ».
Au-delà de la ligne de neige, de la glace d’eau était présente en grande
quantité dans le disque protoplanétaire. On ne retrouve pas cette glace dans
les chondrites, mais elles en portent la trace. Certaines chondrites sont en
effet riches en argiles, formées par l’action de l’eau (cf. l’encadré suivant).
Ces minéraux se trouvent en particulier dans quelques groupes de
chondrites carbonées, confirmant que ces dernières se sont formées plus
loin du Soleil que les chondrites ordinaires (là où il y avait davantage de
glace). On estime que les planétésimaux dont sont issues les chondrites
carbonées CM et CI contenaient jusqu’à 50 % de glace.
Suivant l’endroit où ils se sont agglomérés, les différents groupes de
chondrites ont incorporé des proportions variables d’inclusions réfractaires,
de chondres, de poussières interstellaires et de glace. Étant donné les
différentes conditions dans lesquelles se sont formés ces composants, on
appelle parfois les chondrites des conglomérats cosmiques.

Altération des chondrites


Bien que les chondrites appartiennent à des corps trop petits pour avoir fondu ( cf.
chapitre 7, p. 96), certaines d’entre elles ont connu des augmentations de température
importantes qui ont modifié leurs propriétés originelles. Quand la température d’un corps
céleste ne contenant pas de glace augmente, il subit ce qu’on appelle du métamorphisme
thermique, conduisant à la formation de nouveaux minéraux et à une homogénéisation de la
composition chimique des silicates (olivines et pyroxènes). Si le corps contient de la glace,
l’élévation de température provoque la fusion de la glace et l’apparition d’eau liquide ou de
vapeur. L’eau, qui est un fluide extrêmement agressif, corrode alors les minéraux du
planétésimal et les transforme en minéraux dits secondaires, comme des argiles, des
carbonates ou des oxydes de fer (rouille). Ce phénomène prend le nom d’altération
hydrothermale.

À partir des planétésimaux, des embryons planétaires se forment en


quelques centaines de milliers d’années suivant un mode de croissance
exponentiel. Dans une région donnée, si un planétésimal est
particulièrement massif, il aura tendance à attirer davantage de
planétésimaux que ses voisins. Ce phénomène s’emballant, le planétésimal
le plus massif concentrera rapidement l’essentiel de la masse de la région
considérée. Il sera devenu un embryon planétaire. Le diamètre des
embryons peut atteindre quelques diamètres lunaires, voire un diamètre
martien dans le système solaire interne et dépasser la taille de la Terre dans
le système solaire externe.
En effet, au-delà de la ligne de neige, l’eau existe sous forme de glace.
S’y trouve donc beaucoup plus de matière solide disponible que dans le
système solaire interne. En raison de cette abondance de matière solide, les
embryons sont plus gros dans le système solaire externe qu’en deçà de la
ligne de neige. À partir d’une masse critique, ces embryons attirent tout le
gaz du disque présent autour d’eux. Cet effondrement rapide du gaz conduit
à la formation des planètes géantes gazeuses : Jupiter, Saturne, Uranus et
Neptune. Si on pouvait plonger à l’intérieur de ces planètes, on découvrirait
sous l’épaisse atmosphère d’hydrogène un noyau solide d’une masse
équivalant à plusieurs masses terrestres.
Bien qu’on ne puisse dater avec précision la formation des planètes
géantes gazeuses, il va sans dire qu’elle a eu lieu lorsque le disque de gaz
était suffisamment massif, c’est-à-dire au plus tard quelques millions
d’années après le « temps 0 ». La phase d’effondrement du gaz lui-même
est très rapide, presque instantanée.
Immédiatement après leur formation, Jupiter et Saturne seraient parties à
toute allure en direction du Soleil, laissant sur place Uranus et Neptune. Dû
à l’interaction complexe entre le gaz du disque et les géantes, ce phénomène
dit de migration est probablement relativement commun lors de la
formation planétaire. Sa prise en compte a constitué une véritable
révolution conceptuelle, dans la mesure où cela a permis de rompre avec
une vision fixiste du système solaire dans laquelle les planètes se sont
toujours trouvées à leur emplacement actuel.
D’après les derniers modèles, la migration des deux géantes de notre
système solaire, Saturne et Jupiter, se serait brusquement interrompue. Elles
auraient en effet rebroussé chemin au bout de cent milliers d’années pour
revenir en arrière et s’arrêter à leur position actuelle. Pourquoi cette valse-
hésitation ? Il semblerait que cela soit en grande partie dû à leur mutuelle
proximité et à leur rapport de masse (Jupiter est trois fois plus massive que
Saturne). Si Saturne avait eu la même masse que Jupiter ou en avait été plus
éloignée, ce phénomène, baptisé par ses découvreurs le « grand virement de
bord », n’aurait peut-être pas eu lieu.
Le grand virement de bord a eu des conséquences déterminantes pour la
formation des planètes telluriques dans le système solaire interne. Pendant
leur déplacement, Jupiter et Saturne ont fait le vide sur leur chemin. Il faut
vous imaginer un chien (deux chiens) dans un jeu de quilles, des chiens
particulièrement massifs qui bousculeraient les planétésimaux sur leur
passage. Quatre-vingt-dix-neuf pour cent des planétésimaux et des
embryons initialement présents dans le système solaire interne ont été
chassés de leur position première : avalés par le Soleil, déportés dans
d’autres régions ou encore expulsés du système solaire. Ce « nettoyage » a
eu lieu entre approximativement 1,5 UA et 5 UA, point de départ de Jupiter
et de Saturne. Il expliquerait pourquoi Mars (situé à 1,5 UA du Soleil) est
moins massive que la Terre ou Vénus (situées respectivement à 1 UA et 0,7
UA du Soleil) : elle n’aurait pas grandi beaucoup après la fin du virement
de bord et serait demeurée au stade de l’embryon planétaire. Ce serait
également ce grand nettoyage qui aurait conduit à la disparition de 99 % de
la masse originellement présente dans la ceinture d’astéroïdes.
Les embryons planétaires et les planétésimaux les plus massifs présents
dans le disque au moment du grand virement de bord avaient déjà évolué
géologiquement. C’est le cas par exemple de l’astéroïde Vesta, planétésimal
survivant. On a pu mesurer grâce aux météorites HED (qui proviennent de
Vesta, comme on l’a vu) l’âge de sa croûte et de ses volcans. De l’ordre de
quelques millions d’années après le « temps 0 », cette datation indique une
différenciation et une activité géologique très précoce. Plus étonnant
encore, on a découvert récemment que certaines météorites de fer étaient
presque aussi anciennes que les inclusions réfractaires. Dans la mesure où
les météorites de fer proviennent du noyau de planétésimaux ou
d’embryons planétaires (désormais disparus), cela signifie que des corps se
sont différenciés et fragmentés dès les commencements du système
solaire 4. Enfin, pour les corps glacés, la fusion des glaces a relâché des gaz,
générant des proto-atmosphères composées d’eau, de méthane et de
dioxyde de carbone. Transitoire pour les corps les plus petits (dont la
gravité est trop faible pour retenir les gaz), ces proto-atmosphères ont pu
durer des millions d’années, voire des dizaines de millions d’années pour
les plus gros des embryons, avant de disparaître – pour la plupart d’entre
elles – à la suite de divers impacts 5.
La phase du disque terminée, il reste des corps célestes de toutes tailles et
de toutes natures, dont certains ont achevé leur croissance : c’est le cas des
planètes géantes et des satellites de Jupiter 6. Dans le système solaire
interne, la formation planétaire n’est en revanche pas encore parvenue à
terme et une centaine d’embryons planétaires et d’innombrables
planétésimaux, dont certains sont géologiquement évolués, sont présents et
prêts à former les planètes telluriques.
12
Histoires d’eau et de Lune

Les planètes telluriques, dont la Terre, finirent de se former en cent


millions d’années environ, par collisions successives entre embryons
planétaires et planétésimaux. Les collisions entre les embryons sont
extrêmement violentes, les vitesses d’impact pouvant atteindre des dizaines
de kilomètres par seconde. Les collisions à faible vitesse sont constructives
et conduisent à une croissance nette de la planète, tandis que les collisions à
grande vitesse sont érosives 1. Bien que les simulations informatiques de ces
impacts soient extrêmement compliquées tant les énergies mises en jeu sont
importantes, elles tendent à montrer que la moitié environ des collisions
subies par la protoTerre ont été constructives. Il aurait fallu une dizaine
d’embryons et des milliers de planétésimaux pour fabriquer la Terre.
La Terre, en raison de l’énergie libérée par les impacts géants et de celle
libérée par la désintégration radioactive, était extrêmement chaude pendant
la phase collisionnelle. Elle devait être régulièrement couverte d’un océan
de magma. C’est donc à ce moment-là qu’elle s’est différenciée
(cf. chapitre 7, p. 96), le métal plongeant vers le centre de la Terre et
laissant derrière lui les silicates, moins denses. Il faut imaginer une grande
boule de lave tournant autour du Soleil et recevant « en permanence » des
planétésimaux et, tous les quelques millions d’années en moyenne, des
embryons planétaires.
En dépit de ces conditions extrêmes, c’est pendant cette période que la
Terre aurait reçu sa dot en eau, dont la présence à sa surface n’a rien
d’évident. Dans la région de formation de la Terre, il faisait en effet trop
chaud pour que l’eau se condense sous forme de glace et soit séquestrée par
les corps solides. Les planétésimaux et les embryons appartenant à la zone
de croissance terrestre étaient donc dépourvus d’eau. De fait, la Terre est
longtemps demeurée sèche. Mais, au bout de quelques dizaines de millions
d’années, la Terre a commencé à recevoir des embryons et des
planétésimaux provenant de régions plus externes du système solaire,
situées au-delà de la ligne de neige 2. Envoyés dans le système solaire
interne par l’influence gravitationnelle de Jupiter, ces corps riches en glace
sont à l’origine de l’eau terrestre. La proportion d’eau sur Terre a augmenté
progressivement jusqu’à atteindre la valeur actuelle au bout de quelques
dizaines de millions d’années d’évolution.
Bien qu’on ne sache pas combien de corps glacés ont été nécessaires
pour apporter à la Terre sa dot en eau 3 (équivalant environ à la masse de la
planète naine Cérès), on peut aisément calculer que deux embryons de
1 000 km de diamètre ou 2 000 planétésimaux de 100 km de diamètre
possédant chacun 50 % de glace auraient suffi.
En plus de l’eau, ces embryons contenaient de l’ammoniaque, du dioxyde
de carbone et d’autres glaces qui ont été ajoutés à la dot initiale de la Terre.
Ces glaces ont certainement été volatilisées au contact des hautes
températures de surface et ont ainsi pu constituer une proto-atmosphère. Les
proto-atmosphères successives ont probablement été arrachées par des
impacts géants, dont le plus spectaculaire a sans doute donné naissance à la
Lune.
L’origine de la Lune est pendant longtemps restée mystérieuse. La Terre
est la seule des planètes telluriques à posséder un satellite dont le diamètre
est proche du sien. Ni Mercure ni Vénus ne possèdent de satellites. Quant à
Phobos (cf. Ill. 25) et Deimos, les deux satellites de Mars, ils ont un
diamètre bien inférieur à celui de notre Lune et pourraient être des
astéroïdes capturés (même si certains chercheurs considèrent qu’ils ont été
formés à la suite de l’impact d’un gros astéroïde sur la planète rouge). Outre
sa taille élevée, notre satellite a la particularité de ne pas posséder de noyau
métallique (au vu des mesures de densité effectuées par les sondes
spatiales) et d’avoir la même composition isotopique que la Terre (d’après
l’analyse des roches et des météorites lunaires).

Les rapports isotopiques, ADN des corps célestes


Un atome est composé d’un noyau et d’un cortège d’électrons orbitant autour de ce noyau.
Le noyau est composé de protons et de neutrons. Le nombre de protons (noté Z) définit un
élément chimique et détermine ses propriétés. Par exemple, l’hydrogène a 1 proton, l’oxygène,
8, et le fer, 26. Un même élément chimique peut cependant avoir un nombre de neutrons (N)
variable, chaque combinaison de N et de Z définissant ce qu’on appelle un isotope. Les
différents isotopes d’un même élément ont des propriétés chimiques identiques. L’hydrogène a
2 isotopes stables : 1H (1 proton, 0 neutron) et 2H (1 proton, 1 neutron). L’oxygène a 3
isotopes stables : 16O (8 protons, 8 neutrons), 17O (8 protons, 9 neutrons) et 18O (8 protons,
10 neutrons). Chaque corps a sa propre signature isotopique, c’est-à-dire des rapports
isotopiques fixes. On peut considérer les rapports isotopiques, en particulier ceux de
l’oxygène, comme l’ADN des corps célestes.

C’est en 1975 (trois ans après la dernière mission Apollo) qu’est avancée
l’idée qu’un impact géant aurait été à l’origine de la Lune (cf. figure 12.1).
L’impacteur, parfois appelé Théia, aurait eu une masse comparable à celle
de Mars (10 % de la masse de la Terre actuelle). Comme la Terre, il aurait
été différencié, c’est-à-dire composé d’un noyau métallique et d’un manteau
rocheux. La collision aurait eu lieu de façon oblique à une vitesse
« modérée », de l’ordre de quelques kilomètres par seconde. La Terre aurait
été formée environ à 90 % au moment de l’impact et c’est l’impacteur qui
aurait apporté l’essentiel de la masse manquante à notre planète.

FIGURE 12.1. Formation de la Lune à la suite d’un impact géant entre la Terre et un impacteur
de la taille approximative de la planète Mars.
Immédiatement après l’impact, un disque de débris se serait formé autour
de la Terre. Il aurait été composé principalement de matière ayant
originellement appartenu au manteau de Théia, avec une petite proportion
de matériau arraché au manteau terrestre. Le noyau métallique de Théia
aurait plongé vers le centre de la Terre et se serait mélangé au noyau
terrestre. La Lune se serait formée à partir du disque de débris en quelques
heures ou en quelques siècles, selon les modèles. Le modèle de l’impact
géant explique donc assez naturellement à la fois la taille de la Lune
(comparable à celle de l’impacteur) et l’absence de noyau métallique
(puisqu’elle est composée d’un mélange des manteaux de la Terre et de
Théia).
Le modèle de l’impact géant résout en outre le problème de la formation
tardive de la Lune (50 millions d’années après le « temps 0 » 4). Ce
« jeune » âge est paradoxal si on cherche à expliquer la formation de la
Lune par les mécanismes usuels de construction planétaire, l’essentiel des
corps de la taille de la Lune (les embryons planétaires) s’étant formés très
tôt dans l’histoire du système solaire 5. Ce jeune âge se comprend mieux si
la Lune est le résultat d’un impact au cours de la phase collisionnelle qui
s’étend approximativement entre 3 et 100 millions d’années après le
« temps 0 ».
Toutefois, ce modèle traditionnel d’impact rend difficilement compte de
l’identité de composition isotopique entre la Lune et la Terre. En effet, la
Lune est issue du disque de débris formé à la suite de la collision et
composé essentiellement du matériau provenant du manteau de l’impacteur.
Or il n’y a aucune raison que l’impacteur ait eu la même composition
isotopique que la Terre. Par conséquent, dans le modèle d’impact géant, la
Terre et la Lune devraient avoir une composition isotopique différente.
Un nouveau modèle présenté en 2012 par une équipe de l’université
Harvard propose une solution à ce problème. Les chercheurs considèrent un
impact entre une Terre déjà formée et un impacteur légèrement moins
massif que dans les précédents modèles (la moitié ou le quart de la masse
de Mars). L’impact aurait eu lieu de face et à grande vitesse (20 km/s). Dans
leur modèle, la Terre a la particularité de tourner extrêmement vite sur elle-
même (la durée du jour n’excédant pas quelques heures). Ces conditions
auraient eu pour effet de créer un disque de débris composé essentiellement
de matériau terrestre (90 % au moins). Cette version du modèle d’impact
géant dans laquelle la Lune n’est autre qu’un fragment de Terre est proche
de la vieille conception de formation par fission 6 proposée pour la première
fois en 1879 par George Darwin, le fils de Charles. Ce modèle produit une
Lune – tournant autour de la Terre plus vite qu’à l’heure actuelle – qui
aurait pu être ensuite ralentie par des forces de marée exercées
ultérieurement par la Terre.
Bien que nous ne disposions pas de roches terrestres datant de la période
qui a suivi la formation de la Lune, on suppose que la Terre était alors
entièrement ou partiellement couverte d’un magma de roches fondues à
l’intérieur duquel l’eau et les autres éléments volatils étaient dissous. Ce
magma se serait rapidement refroidi, permettant la libération de l’eau et des
autres éléments volatils, et donc l’apparition des premiers océans et de
l’atmosphère 7.
On a retrouvé en Australie des minéraux, les zircons, formés 290 millions
d’années seulement après le « temps 0 ». La formation de ces zircons
nécessitant de l’eau liquide, cela signifie que des océans couvraient la Terre
avant cette date. Certains chercheurs estiment même que le magma aurait
pu se refroidir suffisamment rapidement pour que des océans soient
présents à la surface de la Terre 130 millions d’années après le « temps 0 ».
Deux cents millions d’années environ après le « temps 0 », on a donc une
Terre dotée d’une Lune, d’une atmosphère et d’un océan 8 (même si toutes
ces caractéristiques ont depuis considérablement évolué). Ce sont les traits
essentiels de notre planète, essentiels en particulier à la vie, comme nous le
verrons dans le chapitre suivant. On peut donc considérer comme achevée
la construction de la Terre. Mais qu’en est-il des planètes telluriques
voisines ?
On comprend que les autres planètes telluriques n’aient pas de satellite
comparable à la Lune au vu de la nature hasardeuse de sa formation. Il a
fallu un impact très particulier (en termes de vitesse et d’angle d’impact)
pour qu’elle apparaisse 9. Mais les impacts géants ont laissé bien d’autres
traces sur les planètes. C’est un impact géant qui serait responsable de la
rotation rétrograde de Vénus (contrairement aux autres planètes, Vénus
tourne sur elle-même dans le sens opposé à celui de sa révolution) et de
l’inclinaison de l’axe de rotation d’Uranus (son pôle nord se situe au niveau
de l’équateur des autres planètes). C’est aussi un impact géant qui permet
d’expliquer la faible épaisseur du manteau de Mercure (et donc
l’importance relative de son noyau). D’après les derniers modèles, Mercure
serait entré en collision avec une autre planète (probablement Vénus), aurait
perdu l’essentiel de son manteau et se serait ensuite éloignée à toute vitesse
de sa cible (ce type de collision est appelé en anglais hit & run).
Pour ce qui concerne l’eau et l’atmosphère, il existe à l’évidence une
grande différence entre les planètes telluriques. Mercure ne possède ni l’une
ni l’autre. Vénus ne semble pas contenir d’eau, tandis que Mars en a une
petite quantité piégée dans le sol, ou à l’ombre de cratères dans des calottes
polaires (cf. Ill. 26). De nombreux indices laissent à penser que l’eau
martienne était cependant plus abondante et à l’état liquide par le passé ;
une partie se serait échappée avec l’atmosphère de la planète il y a environ
4 milliards d’années, d’après des mesures effectuées sur les météorites
SNC. Cette disparition est probablement liée à celle du champ magnétique
de la planète rouge. Les champs magnétiques planétaires forment en effet
un bouclier de protection contre le vent solaire. En l’absence de ce bouclier,
les particules ionisantes du vent solaire dissocient les molécules de
l’atmosphère et les transforment en atomes (plus légers), lesquels finissent
par échapper à la gravité de la planète. La disparition du champ magnétique
serait due, quant à elle, à l’arrêt de la dynamo dans le cœur martien. C’est
aussi la perte de l’atmosphère qui serait responsable du passage de l’état
liquide à l’état solide de l’eau martienne 10. Pour ce qui est de Vénus, il
semble que sa proximité avec le Soleil ait provoqué l’emballement de
l’effet de serre et l’évaporation de son eau dans l’espace. Sans météorites
vénusiennes à notre disposition, il est difficile de dater ce processus.
On a cependant peu de certitudes sur les concentrations en eau initiales
(après la fin de la période collisionnelle) des planètes telluriques autres que
la Terre. Mars, que certains identifient à un embryon planétaire plutôt qu’à
une planète, n’a peut-être pas reçu son eau selon les mêmes mécanismes
que la Terre. Sur Vénus, la quantité d’eau initiale a pu être différente de
celle de la Terre (plus élevée ou plus faible). Comme on l’a vu, l’apport
d’eau dépend d’une chaîne de processus hasardeux dont le déroulé est sans
aucun doute différent d’une planète à une autre. Il n’y a, par exemple,
aucune raison pour que Vénus ait reçu le même nombre d’embryons riches
en eau que la Terre.

Étant donné le nombre d’embryons et de planétésimaux nécessaires pour


fabriquer une planète, la nature hasardeuse des impacts et les chemins
d’évolution complexes guidés par la taille et la distance au Soleil, une part
importante de la diversité planétaire du système solaire s’élabore pendant la
phase collisionnelle et les premiers cent millions d’années d’évolution des
planètes. Il y a autant de chemins de formation que de planètes et, si la
Terre peut apparaître comme la norme, elle n’est qu’une réalisation – certes
singulière puisqu’elle abrite la vie – parmi l’infini des possibles.
13
L’émergence de la vie

Disons-le d’emblée, aucune forme de vie n’a été trouvée à ce jour dans
les météorites, nonobstant plusieurs annonces aussi spectaculaires que
fantaisistes. Si la matière carbonée présente dans les météorites est, dès le
milieu du XIXe siècle, comparée à la matière carbonée issue de la
dégradation des organismes vivants terrestres, il faut attendre la fin du
même siècle pour que des savants croient apercevoir des formes de vie
fossiles dans les météorites.
En 1880, Otto Hahn 1, avocat de profession et géologue amateur, publie
un recueil de photographies de chondres (dont l’essentiel provient de la
météorite de Knyahinya, tombée en 1866 en Ukraine) qu’il identifie comme
étant des éponges, des coraux et des crinoïdes fossiles. Un zoologiste
allemand, David Weinland, confirme les élucubrations de Hahn et pousse la
complaisance jusqu’à donner le nom de Hahna meteoritica à l’un des
coraux fossiles. En dépit de la beauté de leurs reproductions, ils ne
convainquent pas grand monde et leurs travaux tombent rapidement dans
l’oubli.

Matière carbonée des météorites


La première chondrite carbonée est tombée en France à Alais (ancienne orthographe
d’Alès, dans le Gard), en 1806. Les personnes qui l’ont ramassée ont comparé la pierre à « une
mine de charbon de terre ». Si elle n’était pas tombée trois ans après la reconnaissance de
l’existence des météorites, il est peu probable qu’elle ait été identifiée comme provenant de
l’espace et conservée. C’est seulement en 1833 que le chimiste suédois Jöns Jacob Berzelius
étudie en détail la matière carbonée d’Alais, qu’il compare à de l’humus provenant de la
dégradation des organismes vivants terrestres. Si Berzelius demeure prudent, Friedrich Wöhler
affirme presque trente ans plus tard, après avoir analysé la météorite de Cold Bokkeveld
(1838, Afrique du Sud), qu’« il est indubitable que les masses météoritiques tombées des
espaces célestes sur notre Globe contiennent aussi une substance carburée n’ayant pu avoir
qu’une origine organique1 ». C’est ainsi que la matière carbonée des météorites est devenue de
la matière organique, bien qu’elle n’ait rien à voir avec la vie.

Un siècle plus tard, en 1962, deux scientifiques appartenant à la


prestigieuse université de Chicago annoncent la découverte d’éléments
organisés dans la célèbre météorite d’Orgueil (cf. figure 13.1). Ils en
identifient cinq types différents, qu’ils assimilent à des restes d’organismes
vivants. 2Leur publication dans le magazine Nature est extrêmement
médiatisée et certaines revues de vulgarisation comme Planète 3 assurent
une très grande publicité à cette découverte. Après quelques années, il fut
cependant démontré qu’il s’agissait soit de minéraux ayant une
morphologie proche de celle d’êtres vivants, soit de pollens provenant du
lieu de la chute.

FIGURE 13.1. « Eléments organisés » découverts dans la météorite d’Orgueil en 1962 et associés –
à tort – à de la matière vivante. La barre d’échelle correspond à 10 millièmes de millimètre. (D’après
la revue Nature.)

La « découverte » de vie extraterrestre la plus médiatisée remonte à 1996,


quand, au cœur de l’été, le président Clinton lui-même annonce
l’identification, par une équipe de la NASA, de formes de vie fossile dans la
météorite martienne ALH84001. Trouvée en Antarctique douze ans plus tôt,
cette météorite est rapidement devenue une des roches les plus étudiées du
monde. Bien que les clichés de « vers martiens » aient fait le tour de la
planète, les innombrables travaux réalisés sur ALH84001 ont montré que
l’interprétation de l’équipe américaine était erronée et que ces formes de vie
fossile n’étaient rien d’autre que des artefacts analytiques.
Contrairement aux cas précédents, cette découverte ne s’appuyait pas
uniquement sur des analyses morphologiques (particulièrement susceptibles
de générer des interprétations fantaisistes), mais aussi sur des analyses
chimiques et en particulier sur la présence de molécules organiques (des
hydrocarbures polycycliques aromatiques) à proximité des « vers ». S’il est
vrai que ces molécules se trouvent en abondance dans les gisements
d’énergie fossile (charbon, pétrole…), on les a également détectées dans le
gaz interstellaire, où il est peu probable que la vie se soit développée.
La provenance martienne de la météorite n’est pas étrangère à l’écho
médiatique rencontré par cette découverte. Mars a toujours été considérée
comme un lieu propice à la recherche de vie extraterrestre en raison de la
présence passée d’eau liquide à sa surface 4. L’exploration spatiale intensive
de la planète rouge vise d’ailleurs à identifier la durée et la forme prise par
l’épisode « humide » de Mars. La planète a-t-elle possédé des océans
pérennes ? de grands fleuves ? En 1976, la sonde Viking a cru avoir
identifié une signature de vie dans le sol martien. Cette découverte a
rapidement été infirmée par les ingénieurs du Jet Propulsion Laboratory
(JPL), qui pilotaient la mission depuis Pasadena (Californie). Le robot
Curiosity, qui explore actuellement la surface de la planète, cherche
également à y détecter des traces de vie passée.
Il semble donc que nous soyons, pour le moment, seuls dans le système
solaire 5. On n’a trouvé de traces de vie ni dans les météorites ni sur la
planète Mars, notre voisine. La vieille idée de la panspermie (cf. l’encadré
suivant) n’a donc pas de fondement expérimental, et c’est sur Terre qu’il
faut essayer de comprendre les « débuts » de la vie.

Panspermie
La panspermie est une théorie scientifique proposant que des germes de vie ou la vie elle-
même aient pu être apportés sur Terre en provenance d’autres mondes. Si le mot
« panspermie » est utilisé par Aristote dans ses commentaires des ouvrages d’Anaxagore de
Clazomènes et de Démocrite, ce sont Hermann von Helmoltz et William Thomson, au
XIXe siècle, qui les premiers formulent la possibilité d’un ensemencement de la Terre par des
germes de vie venus d’ailleurs. Le terme de panspermie lui-même est popularisé par le savant
suédois Svante Arrhenius au début du XXe siècle. Pour les partisans de la panspermie, les
germes de vie peuvent avoir été présents dans des météorites tombées sur Terre
(lithopanspermie) ou être arrivés directement de l’espace, où ils flottaient librement. Dans ce
dernier cas, il est difficile de concevoir des organismes survivant à de longs voyages
interplanétaires en raison des multiples champs de radiation présents dans l’espace. Dans le
cas de la lithopanspermie, les organismes vivants auraient pu être protégés par l’enveloppe de
pierre. Différentes expériences semblent montrer qu’il serait en outre possible à des bactéries
de survivre aux températures élevées qu’elles rencontreraient lors de leur entrée
atmosphérique.

La question de l’origine de la vie est éminemment complexe. On ne sait


d’ailleurs pas très bien la nommer. Peut-être faudrait-il parler d’émergence
plutôt que d’origine ou de début. Un autre obstacle à la compréhension de
cette émergence réside dans la tendance spontanée des êtres humains à
identifier cette vie des origines à celle que nous connaissons aujourd’hui, et
notamment à la vie humaine. Bactéries et archées 6 sont probablement
beaucoup plus proches de la vie des origines que ne le sont les hommes ou
les 3 millions d’espèces d’insectes. Cela étant dit, les premiers organismes
vivants ne pourront sans doute jamais être identifiés sous forme de fossiles
et LUCA (Last Universal Common Ancestor) – l’être vivant (conceptuel)
dont toute la vie descendrait – peine à trouver une réalité.
La définition et les contours mêmes de la vie ne font pas l’unanimité au
sein de la communauté scientifique et génèrent bien souvent des débats
houleux lors de conférences internationales. Si une définition minimaliste
suggère l’autonomie d’un système chimique capable d’autoréplication et
d’évolution promue par la pression environnementale (sélection naturelle),
il est évident qu’elle ne rend pas compte de la complexité des phénomènes
en jeu. Cette définition parle d’ailleurs de la vie telle qu’elle est, c’est-à-dire
telle qu’elle s’est développée. Or il se peut que les mécanismes qui la
régissent aujourd’hui soient différents de ceux qui l’ont rendue possible. On
s’affranchit généralement de ces difficultés en s’intéressant au passage du
prébiotique (avant la vie) à la vie et en se restreignant aux structures
moléculaires. On assimile ledit passage à une transition faisant appel à
certains ingrédients élémentaires : l’eau, la matière carbonée et l’énergie.

Composé Abondance (ppm)

Acides carboxyliques 332


Acides sulfoniques 67

Acides aminés 60

Cétone 17

Hydrocarbures 40
Alcools 11

Amines 8

Bases azotées 1
TABLEAU 13.1. Abondance de quelques composés organiques dans la chondrite carbonée
de Murchison (Australie, 1969). Les ppm sont des parties par million : 10 000 ppm correspondent
à 1 %. (D’après Martins1 [2011].)

L’eau semble en effet indissociable de la vie telle que nous la


connaissons. Grâce à des propriétés électrochimiques exceptionnelles, elle
participe à de nombreuses fonctions vitales. À la suite de Charles Darwin,
qui, le premier, a évoqué une soupe primitive, de nombreux spécialistes
sont convaincus que la vie a commencé dans un milieu aquatique. Elle a du
reste été confinée aux océans durant l’essentiel de son développement, pour
en sortir il y a seulement 450 millions d’années environ.
La matière carbonée est le support de la biochimie. Son rôle dans la vie
est dû à la capacité de l’atome tétravalent 7 de carbone à former une grande
diversité de liaisons chimiques et de longues chaînes moléculaires. La
versatilité de l’atome de carbone est telle qu’il existe presque une infinité de
molécules carbonées. Aucun autre atome n’a des propriétés similaires.
L’atome de silicium, qui peut également former des liaisons tétravalentes,
n’est pas aussi polyvalent que le carbone en raison de sa plus grande taille.
L’hydrogène, l’azote, l’oxygène, le phosphore, le potassium semblent aussi
indispensables à la vie 8.
Pour passer de molécules simples à des molécules plus complexes, une
source d’énergie est indispensable On songe spontanément à l’énergie
solaire, mais d’autres sont possibles, comme l’énergie radioactive, l’énergie
chimique (certaines réactions produisent de l’énergie plutôt qu’elles n’en
consomment) ou encore l’énergie relâchée par les impacts des bolides
extraterrestres.
L’eau, on le sait, a été apportée par la matière extraterrestre sous forme
d’embryons glacés venus d’au-delà de la ligne de neige. Mais elle n’est pas
la seule matière à être arrivée de l’espace. La matière carbonée a également
été apportée par les météorites, probablement par les mêmes corps que ceux
qui ont apporté l’eau et sans doute par des corps assez proches des
chondrites carbonées qui tombent sur Terre actuellement.
Comme on l’a vu, les chondrites carbonées contiennent jusqu’à 5 % de
carbone. Une partie, environ 70 %, de cette matière organique est insoluble
(on ne peut l’extraire avec des solvants) et comparable aux kérogènes
terrestres 9. Dans la fraction soluble, on a détecté des molécules de la classe
des alcools, des acides carboxyliques ou des cétones, qui ne jouent aucun
rôle dans la vie, mais aussi des molécules dites d’intérêt biologique : c’est
le cas des acides aminés, des bases azotées ou encore 10de l’urée 11
(cf. tableau 13.1).
Les acides aminés sont les constituants des protéines, tandis que certaines
bases azotées (guanine, thymine, adénine, cytosine) définissent
l’architecture de l’acide désoxyribonucléique (ADN), molécule support de
l’hérédité. La concentration des premiers peut atteindre quelques millièmes
de pour cent dans certaines météorites, telle celle de Murchison (cf. Ill. 3),
tandis que la concentration des bases azotées est seulement de quelque dix
millièmes de pour cent. Alors que seulement 20 acides aminés jouent un
rôle dans la vie, plus de 80 types différents d’acides aminés ont été détectés
dans Murchison. La composition isotopique du carbone de ces molécules
est différente de la composition terrestre, excluant qu’il puisse s’agir d’une
contamination en laboratoire. Certains acides aminés découverts dans les
météorites semblent posséder un léger excès de la forme énantomiérique 12
gauche, excès présent initialement dans la dot de la Terre qui aurait pu être
amplifié par les premières réactions prébiotiques.
On présente souvent ces molécules carbonées météoritiques comme les
« briques » de la vie. Cette notion est cependant étrange. Tout d’abord,
parce que leur rôle dans la vie actuelle n’implique pas nécessairement
qu’elles aient pu en jouer un dans l’émergence de la vie. Ensuite, parce
qu’il y a loin des molécules carbonées météoritiques à la vie. La
problématique de l’émergence de la vie renvoie à la question essentielle du
passage de la chimie à la biologie, c’est-à-dire aux processus et à
l’environnement permettant ledit passage.
Même si c’est certainement sur Terre que ce passage a eu lieu, la matière
extraterrestre a pu jouer un rôle clé en fournissant un environnement
favorable aux réactions prébiotiques. On trouve en effet dans les chondrites
carbonées et les micrométéorites de la matière organique étroitement
associée à des minéraux au pouvoir catalytique, comme l’argile ou le
sulfure de fer (cf. figure 13.2). Dans le cas des micrométéorites, la
coexistence de la matière carbonée et des catalyseurs dans un petit volume
permet en outre de confiner les produits de potentielles réactions chimiques
prébiotiques. On a parlé à leur sujet de microréacteurs chimiques.
La matière extraterrestre a donc joué un rôle de fertiliseur en apportant
sur Terre l’eau et la matière carbonée – indispensables, pense-t-on, à
l’émergence de la vie. En outre, des travaux récents ont montré que
l’énergie transmise par certains impacts (qui seraient considérés aujourd’hui
comme catastrophiques) était suffisamment importante pour permettre le
développement local d’environnements favorables à l’émergence de la vie
(concentration de matière organique, circulation d’eau tiède, etc.). Reste à
savoir si les environnements situés autour des cratères d’impact ont duré
suffisamment longtemps pour que la vie y apparaisse.
FIGURE 13.2. Association de matière minérale (Min) et organique (MO) dans la météorite
de Murchison (chondrite carbonée). (Crédit : Laurence Garvie [Arizona State University].)

Le grand bombardement tardif


Le grand bombardement tardif (GBT) a eu lieu environ 700 millions d’années après le
« temps 0 ». Pendant environ 100 millions d’années, les corps du système solaire interne ont
été soumis à de nombreux impacts extraterrestres, les fréquences de chute dépassant plusieurs
milliers de fois la fréquence actuelle. Cet épisode a été mis en évidence sur les roches lunaires
étudiées après le retour des missions Apollo. Des modèles ont permis de calculer que la Terre
avait été touchée, pendant le GBT, par dix bolides de plus de 100 km de diamètre.

Finissons avec l’importante question du temps. Les plus vieux fossiles


indiquent que la vie est apparue sur Terre il y a environ 4 milliards
d’années. À moins que de premières formes de vie aient été détruites par le
grand bombardement tardif (cf. l’encadré ci-dessus), cela signifie que la vie
a mis au minimum plusieurs centaines de millions d’années pour émerger
sur Terre. La prise en compte de ce temps long expliquerait pourquoi on n’a
pas trouvé de formes de vie dans les chondrites carbonées provenant
d’astéroïdes qui ont vu de l’eau liquide circuler à leur surface. Le temps
leur aurait tout simplement manqué pour que des réactions prébiotiques
complexes conduisant à la vie y aient eu lieu 13. En revanche, la longue
activité géologique terrestre (elle dure toujours) a permis l’apparition d’une
très grande diversité d’environnements (en termes de ressources chimiques
et énergétiques) propice à l’émergence de la vie. Mais la Terre est-elle la
seule planète dans l’Univers à avoir cette particularité ?
14
D’autres Terres ?

Une des plus grandes avancées astronomiques des cinquante dernières


années a été la découverte de planètes orbitant autour d’autres étoiles que le
Soleil (appelées exoplanètes). Démocrite, au IVe siècle av. J.-C., et Giordano
Bruno, au XVIe siècle, avaient eu, parmi les premiers, l’intuition qu’il pût
exister d’autres mondes. Ces autres mondes sont désormais une réalité et
l’étude des exoplanètes pose la question de la singularité de notre système
solaire et de la Terre.
La majorité des exoplanètes ont été détectées par la méthode dite des
vitesses radiales, qui met en évidence la perturbation gravitationnelle des
étoiles par les planètes. En effet, même si la masse d’une étoile est
beaucoup plus grande que celle d’une planète, celle-ci impose à l’étoile une
attraction en retour qui la fait tourner très légèrement autour de son centre
de gravité. C’est cette minuscule variation de la vitesse de l’étoile que les
astronomes sont capables de détecter. Depuis la découverte de la première 1
exoplanète 2 (51 Peg b) en 1995 autour de l’étoile 51 Pegasi (51 Peg), plus
de six cents exoplanètes ont été détectées par la méthode des vitesses
radiales.

Giordano Bruno et l’infinité des mondes


Né en 1548 à Nola, dans la province de Naples, Giordano Bruno entre à dix-sept ans dans
l’ordre des dominicains. Après huit années de noviciat, il est ordonné prêtre en 1573, puis
rompt avec l’église en 1576. S’ensuivent seize années d’errance en Italie, Savoie, France,
Angleterre, Allemagne… pendant lesquelles il développe une pensée dont l’originalité et
l’audace restent sans égale. Il publie notamment, en 1584, L’Infini, l’Univers et les Mondes
dans lequel il proclame : « Il est donc d’innombrables Soleils et un nombre infini de terres
tournant autour de ces Soleils, à l’instar des sept “terres” que nous voyons tourner autour du
Soleil qui nous est proche. » Accusé d’hérésie, il est arrêté en 1592, et passera huit années en
détention avant d’être brûlé vif par l’Église catholique sur la place Campo de’ Fiori à Rome le
17 février 1600.

Une autre méthode, dite du transit photométrique, qui consiste à observer


la baisse de luminosité stellaire due au passage d’une planète entre une
étoile et un observateur terrestre (cf. Ill. 40), a permis de détecter environ
deux cents exoplanètes supplémentaires 3. Cependant, d’autres causes
peuvent être à l’origine de la baisse d’intensité de la luminosité des étoiles,
comme le passage entre l’étoile et l’observateur terrestre d’une étoile
compagne (près de 60 % des étoiles vivent en couple dans des systèmes dits
binaires). On contrôle donc a posteriori la réalité de la présence des
planètes détectées par des transits photométriques en s’appuyant sur la
méthode des vitesses radiales 4.
Les deux méthodes de détection donnent accès à des paramètres
physiques complémentaires de la planète : celle des vitesses radiales permet
de mesurer la masse (minimale) des planètes, celle des transits permet
d’évaluer le rayon. Cette dernière méthode a en outre l’avantage d’identifier
la composition de l’atmosphère des exoplanètes lorsqu’elles en ont une.
D’autres techniques de détection existent (comme celle dite des lentilles
gravitationnelles), mais elles n’ont conduit qu’à la découverte d’un petit
nombre d’exoplanètes. Dans quelques rares cas (tel celui de Fomalhaut b,
découverte par une équipe française), on a pu observer des exoplanètes par
imagerie directe (cf. Ill. 39).
Au 6 septembre 2013, 905 exoplanètes avaient une existence confirmée
et plus de 3 000 exoplanètes potentielles, mises en évidence par le télescope
spatial Kepler (qui utilise la méthode du transit), étaient en cours de
vérification par la méthode des vitesses radiales. Ce télescope, lancé par la
NASA en 2009, observe en permanence l’intensité lumineuse de près de
150 000 étoiles.
La première exoplanète observée par la méthode des vitesses radiales, 51
Peg b, a une masse minimale inférieure de moitié à celle de Jupiter et tourne
en 4,2 jours, à une distance de 0,05 UA, autour de son étoile centrale (51
Peg). La planète 51 Peg b est exceptionnelle au regard de notre système
solaire : de taille comparable à Jupiter, elle est plus proche de son étoile que
Mercure ne l’est du Soleil. On a appelé cette classe d’exoplanètes les
Jupiters chauds (en raison de leur proximité avec leur étoile, on suppose que
leur température de surface est extrêmement élevée). Bien qu’on en ait
découvert un grand nombre, on estime que ce type de planètes représente
moins de 1 % de l’ensemble des exoplanètes. La découverte des Jupiters
chauds a nécessité l’invention du concept de migration planétaire, devenu
indispensable pour comprendre l’histoire de notre propre système solaire.
La gamme de masses des exoplanètes est très grande. Les planètes les
plus massives ont environ dix fois la masse de Jupiter. On trouve aussi,
autour d’une trentaine d’étoiles, des super-Terres, c’est-à-dire des planètes
de masse supérieure à dix fois celle de la Terre. Deux planètes de taille
terrestre, Kepler 20e et Kepler 20f, de rayon 0,87 et 1,03 fois le rayon
terrestre, ont été découvertes en 2011 ; elles orbitent respectivement à 0,05
et 0,11 UA de leur étoile et ont au moins trois compagnes. Récemment, une
planète plus petite que Mercure a été détectée autour d’une étoile possédant
une masse comparable à celle du Soleil.
Au cours de transits photométriques la composition de l’atmosphère
d’une poignée d’exoplanètes a pu être établie. En mars 2013, de l’eau et du
monoxyde de carbone ont été détectés dans l’atmosphère de l’exoplanète
HR8799 c. Bien qu’il s’agisse d’une planète géante, semblable à Jupiter, la
présence d’eau dans l’atmosphère d’une exoplanète (par ailleurs dominée
par l’hydrogène) a bien sûr eu de grands échos médiatiques.
L’exoplanète la plus proche a été détectée autour de α Centauri B, une
étoile située à seulement 5 années-lumière de la Terre. Pour des raisons
évidentes de facilité d’observation, toutes les exoplanètes détectées se
trouvent à peu de distance de la Terre (moins de 400 années-lumière). Le
système planétaire autour de 51 Peg se trouve par exemple à 40 années-
lumière. En dépit des limites imposées par les méthodes de détection, on
peut, grâce à des modèles, extrapoler la fréquence d’occurrence des
exoplanètes. Ces extrapolations sont indispensables dans la mesure où notre
connaissance des exoplanètes est biaisée par nos méthodes d’observation
(les exoplanètes les plus faciles à détecter étant les plus massives et les plus
proches de leurs étoiles).
On estime que 30 % environ des étoiles de masse solaire possèdent une
super-Terre. Plus généralement, les observations suggèrent qu’au moins
50 % des étoiles de la Galaxie possèdent au moins une planète. Dans
environ un cas sur six, on a détecté un exosystème planétaire plutôt qu’une
exoplanète isolée. Les exoplanètes sont donc la règle plutôt que
l’exception. C’est Giordano Bruno qui avait raison : où qu’on tourne nos
regards, on trouve des planètes.
Le graal des chasseurs d’exoplanètes est bien sûr de découvrir une
planète – si possible de masse proche de celle de la Terre – dans la zone
habitable circumstellaire, définie comme la zone autour d’une étoile à
l’intérieur de laquelle une planète peut avoir de l’eau liquide à sa surface
(cf. figure 14.1). Cette définition repose entièrement sur l’idée discutée au
chapitre précédent, à savoir que l’eau liquide est indispensable à la vie telle
que nous la connaissons.
La présence d’eau liquide dépendant (entre autres) de la température à la
surface, la position de la zone habitable circumstellaire dépend de la
luminosité et donc de la masse de l’étoile. Pour le Soleil, la zone habitable
est située entre 0,9 et 2 UA. La Terre est bien sûr à l’intérieur de la zone
habitable circumsolaire, tandis que Mars et Vénus se trouvent à la
frontière 5. Pour Gliese 667, étoile trois fois moins massive que le Soleil, la
zone habitable circumstellaire est située entre 0,05 et 0,2 UA. C’est dans
cette zone qu’on a découvert un système de trois super-Terres, les
exoplanètes Gliese 667 c, d et e.

FIGURE 14.1. Zone habitable circumstellaire. Outre la zone habitable du système solaire (dans
laquelle se trouve la Terre), on a indiqué en gris la zone habitable de Gliese 667, étoile autour
de laquelle un exosystème planétaire (figuré sur le diagramme) a récemment été découvert.

Plus de dix exoplanètes de masse proche de celle de la Terre ont été


découvertes dans la zone habitable de leur étoile. La dernière en date,
Kepler 69c, dont le diamètre est le double de celui de la Terre, orbite autour
d’une étoile de même luminosité que le Soleil. Sa découverte a eu un grand
écho médiatique en raison de sa ressemblance avec le système Terre-Soleil.
Certains chroniqueurs sont allés jusqu’à évoquer de possibles océans à sa
surface, bien que les scientifiques soient incapables, pour le moment, de
détecter de l’eau liquide sur les exoplanètes.
Le concept de zone habitable circumstellaire est par ailleurs quelque peu
simpliste. Comme nous l’avons vu au chapitre 13, l’eau liquide n’est stable
que dans une certaine gamme de température et de pression
atmosphériques. Il ne suffit donc pas qu’une planète se trouve à la
« bonne » distance de son étoile pour qu’elle possède de l’eau liquide ;
encore faut-il qu’elle possède une atmosphère dont la taille et la
composition permettent la présence d’eau liquide à sa surface. La définition
de la zone habitable circumstellaire concerne par ailleurs uniquement
l’environnement de surface. Or on sait que, sur Terre, la vie peut se
développer à des profondeurs extrêmes 6, à des endroits que n’atteint pas la
lumière du Soleil.
Une définition plus complète de la zone habitable inclut les corps
susceptibles de posséder des océans souterrains. Cette définition fait
d’Europe et d’Encelade (satellites respectifs de Jupiter et de Saturne), qui
posséderaient de tels océans, de potentiels corps habitables. Jupiter, Europe
et ses autres satellites seront explorés par la sonde européenne JUICE aux
alentours de 2026 (pour un lancement prévu en 2020). Il n’en demeure pas
moins que la notion d’habitabilité est un concept minimal dans la mesure où
il est fondé sur un ensemble restreint de conditions peut-être nécessaires,
mais certainement pas suffisantes, à l’émergence de la vie 7.
Ces considérations sur la notion d’habitabilité illustrent les problèmes
soulevés par l’utilisation de l’expression, pourtant prometteuse, d’« autres
Terres ». Elle repose sur l’idée qu’il serait possible d’identifier à coup sûr
les propriétés qui font la singularité de la Terre : une planète bleue abritant
la vie. Comme nous l’avons vu, il n’est pas évident de caractériser, pour
notre Terre, les conditions « nécessaires » à l’émergence de la vie. Par
ailleurs, la découverte de la richesse et de la diversité des systèmes
planétaires démontre que, si d’« autres Terres » existent, il n’est pas
inimaginable que d’autres vies y soient apparues en suivant des mécanismes
différents.
L’indispensable mise en regard des exosystèmes planétaires avec notre
système solaire illustre la nature nécessairement interdisciplinaire de notre
questionnement. Bien qu’ils soient trop lointains pour que nous en
recevions jamais des météorites, la lumière venue des exoplanètes nous est
(presque) aussi précieuse que les minéraux des pierres tombées du ciel.
Conclusion

L’étude des météorites – ainsi que celle des étoiles en formation et


l’exploration spatiale des corps du système solaire – fait résonner en nous
deux questions essentielles. D’où venons-nous ? Quand mourrons-nous ?
Si notre histoire se trouve dans le ciel sous la forme de cailloux, c’est
parce que la majorité des météorites proviennent de petits corps, astéroïdes
et comètes, qui n’ont pas ou peu évolué depuis la formation du système
solaire. Ces corps primitifs sont les témoins uniques de notre passé. C’est
leur primitivité qui rend les météorites si précieuses aux yeux du
scientifique, qui justifie qu’on aille les chercher dans les déserts les plus
lointains et qu’on les conserve avec un soin jaloux dans les musées.
Grâce aux météorites, on connaît l’âge du système solaire –
4,567 milliards d’années – ainsi que les différents stades de sa formation et
de son évolution. Tout a commencé dans un grand nuage de gaz et de
poussière à l’intérieur duquel une étoile massive s’est formée en même
temps que des milliers d’autres étoiles. Quelques millions d’années après sa
naissance, la pression des gigantesques vents émis par cette étoile aurait
provoqué la formation de plusieurs centaines d’autres étoiles. Notre Soleil
serait une de ces étoiles de seconde génération.
Très vite, autour du protosoleil, des solides millimétriques – comme les
chondres présents dans les météorites – se seraient condensés à l’intérieur
d’un disque de gaz. En quelques millions d’années, des planétésimaux puis
des embryons planétaires se seraient agglomérés à partir de ces premiers
solides. Puis, peu de temps avant la dissipation du disque de gaz, les
planètes géantes seraient apparues. La Terre et les autres planètes
telluriques auraient eu besoin de cent millions d’années supplémentaires et
d’un grand nombre de collisions constructives pour achever leur croissance
et recevoir – pour certaines – de l’eau et de la matière organique,
indispensables à l’émergence de la vie.
Quatre milliards d’années et demi après ses débuts, le système solaire se
caractérise par une grande diversité de corps planétaires. Qu’y a-t-il de
commun entre Titan, le satellite de Saturne, et Jupiter ? entre la Terre et
Mercure ? On pourrait même forger, sur le modèle de la biodiversité, le
terme de planétodiversité. La planétodiversité est également une
caractéristique fondamentale des systèmes planétaires présents autour de
l’immense majorité des étoiles 1.
La planétodiversité s’est élaborée à toutes les étapes de la formation
planétaire, lors de la phase du disque mais aussi durant la phase
collisionnelle. Elle est le résultat de la succession de processus physico-
chimiques complexes dont seule une infime partie est accessible à notre
compréhension.
Bien que la formation des planètes obéisse à des lois physiques
déterministes, le « hasard » a joué un grand rôle dans l’élaboration de la
planétodiversité. On songe, par exemple, à la migration des planètes géantes
ou encore à l’impact géant qui a formé la Lune. Les deux événements
auraient pu ne pas avoir lieu ou s’être déroulés différemment. Ils ont
influencé le destin de la Terre en diminuant le nombre d’astéroïdes (et donc
le nombre d’impacts extraterrestres) et en lui donnant un satellite dont on a
vu qu’il est susceptible d’avoir joué un rôle dans le développement de la
vie.
Il existe autant de chemins de formation que de planètes et, si la Terre
peut apparaître comme la norme, elle n’est qu’une réalisation – certes
singulière puisqu’elle abrite la vie – parmi l’infini des possibles. D’autres
vies auraient pu se développer en suivant des mécanismes distincts et sur
des planètes possédant une histoire entièrement différente de la nôtre. Notre
capacité à imaginer ces autres possibles est une des perspectives les plus
passionnantes de notre discipline. Nous sommes en tout cas invités par ces
découvertes à nous penser comme une banale singularité résultant d’une
hasardeuse nécessité.
C’est aussi de notre avenir que parlent les météorites. Perçues comme
une menace, elles posent la question de la disparition possible de l’espèce
humaine. En effet, bien que le risque moyen de mort par un impact
d’astéroïde soit très inférieur à celui induit par les tremblements de terre ou
le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), la peur est grande et occupe
les esprits. Elle est dans une certaine mesure entretenue par la nature
incertaine et évolutive de notre savoir sur les impacts extraterrestres. Il est
difficile, voire impossible, de prévoir sur une échelle de temps supérieure à
1 siècle la chute d’un astéroïde sur Terre.
Nous touchons ici à la difficulté générale de la restitution du savoir
scientifique et de son utilisation à des fins sociétales immédiates. Le
personnel politique et les citoyens attendent des scientifiques des chiffres
précis et certains. Nous avons vu qu’on ne peut leur donner que des
estimations, par exemple concernant les effets des impacts ou la probabilité
de collision d’un corps donné. Cette imprécision, indissociable de la nature
même du savoir scientifique, est anxiogène.
Plus profondément, l’angoisse suscitée par les météorites provient de ce
que les impacts cosmiques sont associés à la peur de la fin du monde qui
hante l’homme depuis qu’il est un être de culture. Nous avons pourtant vu
que les impacts susceptibles de provoquer des extinctions massives
d’espèces sont extrêmement rares. Il est d’ailleurs peu probable qu’un tel
impact survienne pendant le temps de vie de l’espèce humaine. On oublie
en effet souvent que les espèces apparaissent et disparaissent
« naturellement » sur des échelles de temps variant entre 100 000 ans et
4 millions d’années. C’est un temps relativement court au vu de la
périodicité de 100 millions d’années des impacts décakilométriques. En
d’autres mots, il est probable que l’espèce humaine disparaîtra, laissant sa
place à d’autres espèces, sans l’intervention d’un impact extraterrestre.
Quand bien même un impact géant causerait une extinction massive
d’amplitude comparable à celle de la limite crétacé-tertiaire, serait-ce la
« fin du monde » ? La Terre est-elle vraiment en danger ? Cette vision
catastrophiste et finaliste donne beaucoup trop d’importance à l’espèce
humaine ainsi qu’à l’état présent de la planète. Un impact géant pourrait
certes causer la fin de notre monde, mais certainement pas celle de la Terre,
qui, en tant que planète, ne connaît évidemment pas le danger.
Non seulement la Terre est indifférente aux impacts cosmiques, mais il
est impossible d’envisager son histoire sans ces derniers. Son eau provient
d’astéroïdes et de comètes. Les météorites auraient apporté les molécules
organiques indispensables à l’émergence de la vie. L’impact crétacé-
tertiaire – qui a mis fin à l’existence des dinosaures non aviens – a été
l’occasion d’un renouvellement des espèces sans lequel l’homme ne serait
peut-être pas apparu. Pour peu qu’on se place dans une perspective
temporelle suffisamment longue, les impacts ne sont ni bons ni mauvais : ils
sont un des nombreux événements qui ont jalonné l’histoire de la Terre et
du système solaire.
C’est une longue et riche histoire que la nôtre, histoire dont nous ne
connaissons que les grands repères. La chaîne des causes et des
conséquences qui a mené jusqu’à la vie nous échappe en grande partie et
l’avenir de l’homme, comme celui de toutes les espèces, est incertain. Il ne
fait pas de doute, en revanche, que l’immensité des possibles qui s’ouvre
devant nous est aussi vaste que notre passé. Les météorites, quant à elles,
continueront de façonner le visage singulier de notre planète et de raconter
son histoire.
Annexes
A
Comment reconnaître une météorite ?
La présence d’une croûte de fusion est un des premiers critères de
reconnaissance d’une météorite (cf. Ill. 1-5). La croûte perd cependant
rapidement son aspect sombre et vernissé en restant exposée aux
intempéries. En raison de leur forte teneur en métal, la majorité des
météorites a tendance à rouiller et à prendre une couleur marronnasse qui
peut servir de critère d’identification. Ce critère n’est malheureusement pas
univoque puisqu’il existe des oxydes de fer possédant une teinte similaire.
On peut d’autant plus facilement être trompé par ces oxydes de fer qu’ils
attirent l’aimant.
Il n’est toutefois pas recommandé d’utiliser l’aimant comme moyen de
reconnaissance, et ce pour deux raisons. Premièrement, en approchant un
aimant d’une météorite, on en modifie certaines propriétés magnétiques,
importantes pour comprendre l’histoire primitive de la pierre.
Deuxièmement, certaines météorites, dont les météorites martiennes ou
lunaires, ne contiennent pas (ou très peu) de métal. En utilisant l’aimant
comme moyen d’identification, on se priverait de la découverte de
météorites particulièrement précieuses sur le plan scientifique et
commercial.
Les formes des météorites sont assez variables et ne constituent donc pas
un critère absolu de reconnaissance. Il est cependant rare que les météorites
soient anguleuses. Elles peuvent avoir une forme ronde, conique,
légèrement aplatie (soucoupe volante…). Elles présentent parfois à leur
surface des dépressions formées lors de leur chute par la turbulence de l’air
(cf. Ill. 4). Les bulles d’air sont extrêmement rares dans les météorites, à
part dans Ibitira (1957, Brésil). Les bulles sont en revanche fréquentes dans
les basaltes, des roches sombres qui sont souvent prises pour des météorites.
On confond également souvent les météorites avec des rognons de
marcassite. Ce sulfure de fer, de couleur bronze, se rencontre assez
communément dans les paysages français. Son lustre métallique et ses
protubérances correspondent assez bien à l’idée qu’on se fait des
météorites. Les résidus métalliques de fonderie, d’aspect torturé, sont le
troisième type d’objet qu’on peut aisément confondre avec une météorite.
Là encore, ils sont assez communs puisque par le passé il y avait des lieux
de production d’acier (bas-fourneaux) sur tout le territoire.
Les objets pris à tort pour des météorites s’appellent les meteorwrongs.
On notera le jeu de mot en anglais puisque meteorwrong s’oppose à meteor-
right, façon dont se prononce meteorite en anglais… L’importante fraction
des meteorwrongs ne doit pas vous empêcher d’envoyer des clichés de vos
échantillons au Muséum si vous pensez avoir trouvé une météorite. Un
simple examen visuel suffit souvent pour identifier l’origine extraterrestre
d’une pierre. S’il s’agit effectivement d’une météorite, des analyses plus
poussées pourront être conduites.

Déclarer une météorite


Pour qu’un objet soit reconnu comme une météorite, il faut remplir une demande qui sera
évaluée par le comité de nomenclature ( Nomenclature Committe , NomCom pour les initiés)
de la Meteoritical Society, constitué de douze membres appartenant à des institutions
scientifiques internationales. La demande doit fournir suffisamment de renseignements pour
garantir qu’il ne s’agit pas d’un objet volé ou sorti illégalement d’un pays. Il faut également
justifier que 20 g de la météorite ou 20 % de la masse totale pour les météorites de moins de
100 g ont été déposés dans une institution scientifique (Muséum d’histoire naturelle ou
laboratoire de recherches). Le comité de nomenclature doit faire face à plusieurs centaines de
demandes par an. Le temps caractéristique d’instruction des demandes varie de quelques jours
pour les météorites les plus communes (chondrites ordinaires métamorphosées en provenance
des déserts) à plusieurs mois pour les météorites inhabituelles. En 2011, année faste, 1 167
météorites ont été approuvées par le NomCom .

La structure interne d’une météorite peut également servir de critère


d’identification. On peut évidemment aisément distinguer une météorite de
fer d’une roche terrestre puisqu’elle est constituée de fer à l’état métallique.
Les chondrites – qui sont les plus abondantes des météorites – contiennent
également du métal, bien qu’en plus faible quantité que les météorites de
fer. Elles sont également riches en chondres (cf. Ill. 13-14), des petites billes
de silicates facilement identifiables à l’œil nu. Il est cependant dangereux
de se fier uniquement à la présence de chondres ou de métal puisque les
achondrites (dont font partie les météorites martiennes et lunaires) et
certaines chondrites fortement métamorphisées en sont dépourvues.

D’autres analyses assez simples permettent de préciser la nature


extraterrestre d’une roche. La majorité des météorites, en raison de leur
richesse en métal, ont une densité (environ 3,3 g/cm3) plus élevée que les
roches terrestres les plus communes. Il est cependant déconseillé de plonger
une météorite dans un liquide pour en estimer la densité. On peut aussi
tester la présence de nickel, comme l’a fait Howard, ou révéler les figures
de Widmanstätten (cf. Ill. 7-8) dans les météorites de fer. Ces dernières
techniques faisant appel à des produits chimiques toxiques, la meilleure
solution consiste à contacter les chercheurs du Muséum national d’histoire
naturelle (www.mnhn.fr/lmcm). Une roche sera officiellement reconnue
comme une météorite si elle est approuvée par la Meteoritical Society 1.
B
Des chutes dans le monde entier

Les météorites tombant indifféremment en tous points du globe 1,


l’essentiel des chutes passe inaperçu. Une majorité de météorites
atterrissent en effet dans les océans, qui occupent 80 % de la surface de la
planète. Une proportion importante des 20 % de météorites tombant sur une
surface solide atterrit dans des zones peu peuplées ou désertiques (les
déserts occupent environ un tiers de la surface continentale). En tout,
5 chutes 2 ont été dénombrées en 2009 et 2010, 7 en 2007 et 9 en 2008.
Pour les années plus récentes (2011-2012), le travail de déclaration et
d’enregistrement est en cours.
De fait, le nombre de chutes de météorites observées depuis la première
recensée en 861 à Nogata (Japon) était seulement de 1 112 au 6 septembre
2013 : les pays qui en ont recensé le plus sont les États-Unis d’Amérique
(146), suivis de l’Inde (126) et de la France (64). Si on rapporte le nombre
de chutes à la superficie du pays, la République tchèque (79 000 km²)
l’emporte haut la main avec 190 chutes par million de km2, suivie du
Japon (111 chutes par million de km2) et de l’Italie (103 chutes par million
de km2). La France est quatrième, avec 100 chutes par million de km2. Si
on rapporte le nombre de chutes au nombre d’habitants, la République
tchèque compte 1,50 chute par million d’habitants, la France 0,98 et
l’Australie 0,73.
La chute observée la plus massive est celle de Sikhote-Alin (Russie,
1947). Avec une masse de 23 tonnes, elle l’emporte largement sur les 4 et 2
tonnes des météorites de Jilin et d’Allende tombées respectivement en
Chine et au Mexique en 1976 et 1969. On compte 5 chutes dont la masse
est supérieure à 1 tonne. La chute observée la plus petite est une météorite
de pierre, Yoshiki, tombée au Japon en 1928. Avec une masse de 0,1 g et
une densité de 3 g/cm3, elle a un si petit diamètre (2 millimètres) qu’on se
demande comment elle a pu être trouvée après sa chute. La dernière chute
de météorite en France a eu lieu dans la nuit du 12 juillet 2011 à Draveil,
dans l’Essonne. Une des pierres est conservée au Muséum national
d’histoire naturelle 3.
C
Des trouvailles dans les déserts

Il y a aujourd’hui 46 346 météorites officiellement déclarées 1. Le


nombre de météorites est donc largement dominé par les trouvailles. On
peut évidemment découvrir des météorites n’importe où. Mais, si le nombre
de météorites dans les collections mondiales est passé de moins de 2 000 en
1970 à près de 50 000, c’est parce que les scientifiques (et les marchands)
sont partis activement à la recherche des pierres tombées du ciel dans les
endroits où elles sont concentrées : les déserts.
Les déserts sont des zones de recherche privilégiées parce qu’ils sont des
zones d’accumulation de météorites. Dans les déserts, celles-ci résistent en
effet plus longtemps à l’action destructive des agents atmosphériques
qu’elles ne le feraient en des lieux plus humides 2. Par ailleurs, les
météorites sont plus faciles à repérer dans un désert que dans un endroit où
le couvert végétal est important. Si les déserts de glace ou de sable sont des
endroits particulièrement appropriés, des déserts riches en cailloux peuvent
convenir pour peu que ces derniers aient un aspect différent des météorites.
FIGURE A.1. Principaux emplacements de collecte de météorites en Antarctique. Indiqués
approximativement, ils se trouvent à proximité des montagnes, en particulier des montagnes
transantarctiques.

L’Antarctique est le plus vaste (14 millions de km2) et un des plus arides
déserts de la Terre (30 mm de précipitations par an dans les régions
centrales). Véritable continent (parfois appelé « sixième continent »),
puisque la calotte polaire repose sur un socle rocheux, son statut juridique
particulier est régi par un traité international signé en 1961, qui gèle toute
revendication territoriale et réserve l’Antarctique à des activités
scientifiques, dont la chasse aux météorites.
FIGURE A.2. Météorite trouvée en Antarctique. On aperçoit au loin les montagnes transantarctiques.
(Crédit : Luigi Folco [Università di Pisa]/PNRA.)

La première météorite antarctique a été découverte par une expédition de


reconnaissance australienne le 5 décembre 1912 à une trentaine de
kilomètres de Cap Denison (Terre-Adélie), où se trouvait le gros des troupes
de Douglas Mawson, le célèbre explorateur du sixième continent. Il
s’agissait d’une belle météorite de pierre de 10 centimètres environ, dont la
description scientifique ne fut publiée qu’en 1923.
FIGURE A.3. Mécanisme d’accumulation des météorites en Antarctique. (Croquis : Julie Desprez,
d’après McSween [1999].)

Tout commence véritablement au mois de décembre 1969, quand une


équipe de glaciologues japonais découvre 9 météorites à quelques jours
d’intervalle. La découverte a lieu sur de la glace bleue, dans les montagnes
de Yamato, à l’ouest de l’Antarctique. L’analyse des pierres montre, contre
toute attente, que ces 9 météorites appartiennent à cinq groupes différents.
Les glaciologues comprennent alors qu’elles ont été rassemblées par un
mécanisme d’accumulation particulier dont le mouvement et la structure de
la glace seraient responsables. En décembre 1974, une expédition japonaise
exclusivement dévolue à la recherche de météorites collecte 663
échantillons.
Les collectes systématiques de météorites antarctiques prennent de
l’ampleur avec l’entrée en lice des Américains. Le programme de
recherches Antarctic Search for Meteorites (ANSMET) est lancé en 1975.
Pendant les trois premières années, près de 500 météorites sont découvertes
dans les montagnes transantarctiques, à proximité de la base américaine de
McMurdo, dans le cadre d’une collaboration américano-japonaise. Les
campagnes de recherche américaines se déroulent depuis annuellement,
tandis que les campagnes japonaises ont lieu de façon plus sporadique. Les
Européens ont organisé peu de campagnes, même si les Italiens (depuis
1993) et, plus récemment, les Belges ont développé leurs propres
programmes, enrichissant les collections de milliers de spécimens.
La technique de recherche est assez simple. Il s’agit de se déplacer sur la
glace en cherchant du regard des roches sombres. On peut se déplacer à
pied ou à motoneige. Il est recommandé de se trouver au pied des
montagnes, là où s’accumulent les météorites grâce au mécanisme identifié
par les glaciologues japonais (cf. figure A.3).
Les météorites tombent dans le névé 3, qui se transforme progressivement
en glace extrêmement pure. Celle-ci se déplace vers les côtes sur des
échelles de temps longues (entre 0,5 et 1 million d’années). Les météorites
sont entraînées par ce mouvement. Lorsque la glace qui contient les
météorites rencontre un obstacle (comme les montagnes transantarctiques),
son mouvement vers la côte est interrompu. Les vents catabatiques 4, qui
peuvent atteindre des vitesses de 300 km/h à proximité des côtes, érodent
alors la glace et les météorites se trouvent exposées à la surface. Il ne reste
plus qu’à les ramasser.
Près de 31 000 météorites ont été collectées en Antarctique par les
différents programmes de recherche de météorites. Cela représente plus de
70 % du nombre total de météorites. On a qualifié ces programmes de
« sonde spatiale du pauvre » puisque les météorites découvertes (en
Antarctique et ailleurs) permettent d’échantillonner un grand nombre de
corps planétaires.
L’importance des collectes en Antarctique tient non pas au nombre de
météorites trouvées, mais plutôt à la découverte de spécimens rares. C’est
en Antarctique que la première météorite lunaire a été trouvée en 1982,
suivie depuis par 32 autres météorites provenant de notre satellite et 25
météorites martiennes. Le premier spécimen d’un groupe de chondrites
carbonées particulièrement rare et important (CH) a également été
découvert en Antarctique. Prises dans la glace pendant des centaines de
milliers d’années, les météorites antarctiques bénéficient en outre d’une
préservation cryogénique, celle dont rêvent certains milliardaires désireux
de ressusciter après des milliers d’années de conservation dans des
chambres froides.
Le plus difficile, pour trouver des météorites polaires, est encore d’aller
en Antarctique 5. Le voyage est long. Il peut prendre jusqu’à onze jours si
une partie du transport inclut une traversée en bateau. Il est plus facile de se
rendre dans les déserts chauds, surtout pour les marchands de météorites,
puisque les activités en Antarctique sont strictement réglementées et
réservées aux institutions scientifiques nationales.

Ce sont donc les déserts chauds, plus nombreux et plus accessibles, qui
se prêtent le mieux à la chasse aux météorites. Les collectes systématiques
n’ont véritablement débuté que dans les années 1960 dans le désert de
Nullarbor (Australie) et dans celui de Roosevelt County, au Nouveau-
Mexique (États-Unis). L’exploration du Sahara commence dans les années
1980. Mais la ruée vers l’or céleste a lieu en 1996, après l’annonce de la
découverte d’une forme prétendument fossile dans une météorite martienne,
ALH84001. L’écho médiatique est énorme et le public se passionne tout à
coup pour les météorites. Leur prix grimpe en flèche, suscitant bien des
vocations d’amateurs.
Nommer une météorite dans un désert
En raison du grand nombre de météorites collectées dans les régions désertiques (cela peut
aller jusqu’à plusieurs dizaines d’objets par kilomètre carré dans certaines zones du Chili), on
a dû adapter la règle en vigueur concernant le nom des météorites. Pour chaque zone
d’accumulation (appelée DCA pour Dense Collection Area), on donne aux météorites un nom
de toponyme suivi d’un numéro. Par exemple, au Chili, on parlera de San Juan 014, la
14e météorite trouvée dans la zone d’accumulation de San Juan. En Antarctique, en raison du
très grand nombre de météorites trouvées, on précise l’année de la trouvaille. ALH84001 est la
première météorite trouvée en 1984 sur le site de Alan Hills.

Le Sahara, en raison de son accessibilité au départ de l’Europe et des


facilités logistiques offertes par des pays comme le Maroc, est un désert de
choix. La majorité des collectes, ces dernières années, y ont été réalisées par
des marchands privés européens, américains ou marocains. La majorité des
météorites trouvées au Sahara sont déclarées sous le nom générique de
NWA (North West Africa). L’engouement pour les météorites sahariennes a
été tel que cette ressource naturelle a désormais probablement en partie
disparu.

FIGURE A.4. Météorite découverte dans le désert d’Atacama lors de l’expédition de 2012 organisée
par le CEREGE (CRNS-Université d’Aix-Marseille). [Crédit : Jérôme Gattacceca (CNRS).]
Depuis peu, de nouveaux déserts sont prospectés, en particulier dans la
péninsule arabique. De nombreuses météorites ont été trouvées dans la zone
du Dhofar, dans le sud du sultanat d’Oman. Ce désert particulièrement aride
est tout à fait approprié à la recherche de météorites. Il s’est révélé très
favorable à la découverte de météorites lunaires et martiennes. Leur croûte
de fusion étant légèrement différente de celle des chondrites, leur
identification est « aisée » dans ce désert pauvre en roches. Les lois sont
cependant plus sévères en Oman que dans les pays du Maghreb et,
récemment, un marchand américain y a été arrêté et emprisonné au motif
d’opérations minières illégales.
Dans le désert d’Atacama (dans le nord du Chili), où près de 350
météorites ont été collectées ces dernières années par une équipe franco-
chilienne, la situation est différente. Le désert étant riche en pierres, les
météorites se repèrent grâce à la couleur rouille de leur surface extérieure.
Dans ce désert, il est donc presque impossible de trouver des météorites
lunaires ou martiennes, qui sont pauvres en métal. Les météorites de fer,
particulièrement reconnaissables, ayant été ramassées par des prospecteurs 6
dès le XIXe siècle, on y trouve essentiellement des chondrites.
La technique de collecte adoptée dans le désert d’Atacama est simple.
Elle consiste à marcher lentement en regardant attentivement le sol. Cette
attention est dite « vague » puisqu’on ne saurait examiner chaque caillou.
On essaie de travailler dans les meilleures conditions d’éclairement
possibles, c’est-à-dire lors du printemps austral, lorsque le Soleil n’est pas
trop haut dans le ciel (et qu’il ne fait ni trop chaud ni trop froid).
Bien qu’il y ait en moyenne entre 1 et 10 millions de cailloux terrestres
pour une météorite, la vision d’une pierre extraterrestre ne laisse guère de
doutes (cf. figure A.2) et l’on peut trouver plusieurs météorites par jour et
par personne. Les surfaces sont d’autant plus riches en météorites qu’elles
ont été peu modifiées par des mouvements de terrain ou des écoulements
d’eau (bien que l’Atacama soit un désert très sec, des pluies occasionnelles
y forment des barrancas, des sortes de ravins). L’action du vent a un effet
positif sur l’accumulation des météorites puisqu’il emporte le sable et
permet aux roches (dont les météorites) d’être exposées en surface
(phénomène de déflation).
Temps de résidence terrestre
Il est possible de connaître l’âge terrestre – c’est-à-dire la durée pendant laquelle elles ont
résidé sur terre – des météorites (des « trouvailles ») en dosant des éléments radioactifs qui
sont produits par le rayonnement cosmique galactique dans les météorites pendant leur voyage
dans l’espace. Une fois la météorite sur Terre, ces éléments radioactifs se désintègrent à un
rythme connu. Leur abondance dans la roche à un moment donné est donc directement liée au
temps que la météorite a passé sur Terre. En Atacama, le temps de résidence moyen des
météorites est de quelques dizaines de milliers d’années. Il est plus court dans les déserts plus
humides comme le Sahara.

Les recherches de météorites ont mené l’homme plus loin encore que
l’Atacama ou l’Antarctique. On ne saurait rêver désert plus exotique que la
surface de la planète Mars. Alors que Mars a possédé une atmosphère
épaisse et connu des épisodes de circulation d’eau qui ont laissé des traces
morphologiques et minéralogiques, il semble que la planète rouge soit
dominée par un climat désertique depuis environ 3,8 milliards d’années
(correspondant à la fin de l’ère géologique martienne du noachien). En
janvier 2005, le robot d’exploration martienne Opportunity a identifié grâce
à son spectromètre X une météorite de fer de la taille d’un ballon de rugby.
Cette météorite a été officiellement approuvée par la Meteoritical Society
(Meteoritical Bulletin, nº 90) en dépit de l’absence de spécimen type dans
une collection terrestre. On lui a donné le nom de Meridiani Planum,
endroit de la surface martienne où elle a été découverte (00°10’ Nord
02°30’ Ouest). Depuis, cinq autres météorites (Block Island, Shelter Island,
Mackninac Island, Oiléan Ruaidh et Ireland) ont été découvertes par
Opportunity au cours de sa traversée de 25 km de Meridiani Planum. Elles
ont entre 30 et 60 cm de diamètre et reposent sur des sédiments riches en
sulfates. Il s’agit exclusivement de météorites de fer.
Remerciements

Ce travail n’aurait pas été possible si je n’avais été soutenu par un grand
nombre de collègues et d’amis. Thomas Bourgeois et Dominique Lecourt
m’ont encouragé à écrire cet ouvrage. Franck Selsis, Pierre Venazza,
Alessandro Morbidelli, Thierry Montmerle, Philippe Claeys, Pascal Tassy,
Patrick Michel, François Robert, Madeleine Selo, Sébastien Charnoz,
Jérôme Gattacceca et Alexandra Roussopoulos m’ont fait l’amitié de relire
tout ou partie du manuscrit. Leurs corrections et suggestions ont été très
précieuses. Ce livre a également bénéficié de photographies uniques
amicalement fournies par Christine Fiéni, Luigi Folco, Pavel Spurný, Anton
Kearsley, Sara Russell, Larry Nittler, Lise Deharveng, Peter Jenniskens,
Marat Akhmetvaleev et Laurence Garvie. Je remercie tout particulièrement
Louis-Dominique Bayle pour m’avoir permis d’utiliser les magnifiques
clichés qu’il a pris de la collection de météorites du Muséum. J’ai
également sollicité de nombreux collègues à propos d’une question
scientifique précise ou pour obtenir une figure que je n’ai en définitive pas
utilisée. Que chacun trouve ici l’expression de ma profonde gratitude.
Michel Serrano m’a grandement aidé dans la préparation des figures. Merci
à lui et à l’ensemble du personnel du laboratoire de minéralogie et de
cosmochimie du Muséum pour leur soutien sans faille. Je suis reconnaissant
à Sylvie Fenczak et Cédric Weis, des éditions Flammarion, de la confiance
qu’ils m’ont accordée. J’ai bénéficié au printemps 2013 de l’hospitalité du
domaine des Treilles. La Fondation des Treilles, créée par Anne Gruner
Schlumberger, a notamment pour vocation d’ouvrir et de nourrir le dialogue
entre les sciences et les arts afin de faire progresser la création et la
recherche contemporaines. Elle accueille également des chercheurs et des
écrivains dans le domaine des Treilles (Var) (www.lestreilles.com).
Bibliographie sélective

Monographies en français
CARION A. (1997), Les Météorites et leurs impacts, Masson, 222 p.
GOUNELLE M. (2009), Les Météorites, PUF, coll. « Que sais-je ? », 128 p.
LUMINET J.-P. (2012), Astéroïdes. La Terre en danger, Le Cherche-Midi,
262 p.
MAURETTE M. (1994), Chasseur d’étoiles, Hachette, 171 p.
PELÉ P.-M. (2005), Les Météorites de France. Guide pratique, Hermann,
336 p.
ZANDA B. & ROTARU M. (1996), Les Météorites, Bordas et Muséum
national d’histoire naturelle, 128 p.

Monographies en anglais
BRANDSTÄTTER F ., FERRIÈRE L. & KÖBERL C. (2013), Meteorites. Witnesses
of the Origin of the Solar System, Lammerhuber, 272 p. (bilingue allemand-
anglais).
BURKE J. G. (1991), Cosmic Debris : Meteorites in History, University of
California Press, 455 p.
CLANCY P., BRACK A. & HORNECK G. (2009), Looking for Life, Searching
the Solar System, Cambridge University Press, 484 p.
FRENCH B. M. (1998), Traces of Catastrophe, Lunar and Planetary Institute,
120 p.
GRADY M. M. (2000), Catalogue of Meteorites, Cambridge University
Press, 696 p.
HEIDE F. & WLOTZKA F. (1995), Meteorites. Messengers From Space,
Springer, 231 p.
MAURETTE M. (2006), Micrometeorites and the Mysteries of Our Origins,
Springer, 330 p.
MCSWEEN H. Y. (1999), Meteorites and Their Parent Planets, Cambridge
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NORTON O. R. (2002), Rocks from Space. Meteorites and Meteorite
Hunters, Mountain Press Publishing Company, 467 p.
ROTHERY D., MCBRIDE N. & GILMOUR I. (2011), An Introduction to the
Solar System, Cambridge University Press, 418 p.
SMITH C., RUSSELL S. S. & BENEDIX G. (2009), Meteorites, The Natural
History Museum, 112 p.
TAYLOR S. R. (2012), Destiny or Chance Revisited. Planets and their Place
in the Cosmos, Cambridge University Press, 313 p.
WASSON J. T. (1985), Meteorites. Their Record of Early Solar System
History, W. H. Freeman, 267 p.

Ouvrages collectifs en anglais


Committee to Review Near-Earth Object Surveys and Hazard Mitigation
(2010), Strategies. National Research Council Defending Planet Earth :
Near-Earth Object Surveys and Hazard Mitigation Strategies, National
Academy of Sciences, 152 p.
DAVIS A. M., HOLLAND H. D. & TUREKIAN K. K. (2003), Treatise on
Geochemistry, vol. 1, Meteorites, Comets and Planets, Elsevier, 747 p.
GARGAUD M., CLAEYS P., LÓPEZ-GARCÍA P., MARTIN H., MONTMERLE T.,
PASCAL R. & REISSE J. (2006), From Suns to Life, Springer, 370 p.
GARGAUD M., LÓPEZ-GARCÍA P. & MARTIN H. (2011), Origins of Life. An
Astrobiological Perspective, Cambridge University Press, 546 p.
LAURETTA D. S. & MCSWEEN Jr H. Y. (2006), Meteorites and Early Solar
System 2, Arizona University Press, 943 p.
MCCALL G. J. H., BOWDEN A. J. & HOWARTH R. J. (2006), The History of
Meteoritics and Key Meteorite Collections. Fireballs, Finds and Falls,
Geological Society Special Publications, 513 p.
OSINSKI G. R. & PIERAZZO E. (2012), Impact Cratering – Processes and
Products, Wiley-Blackwell, 330 p.
REIPURTH B., JEWITT D. & KEIL K. (2007), Protostars and Planets V.,
Arizona University Press, 1024 p.
SEAGER S. (2011), Exoplanets, Arizona University Press, 500 p.
Numéros spéciaux
« Impact ! », in JOURDAN F. & REIMOLD W. U (éd.), Elements, 8 (1), 2012.
« Cosmochemistry », in LAURETTA D. S. (éd.), Elements, 7 (1), 2011.
« Les Météorites. Des météorites différenciées aux planètes », in BAYLE J.-
D., JAMBON A. & ZANDA B. (éd.), Les Cahiers du règne minéral, 1, 2012.

Liens Internet
Meteoritical society : http://meteoriticalsociety.org
The Meteoritical Bulletin database : http://tin.er.usgs.gov/
meteor/metbull.php
Orbites des astéroïdes et des comètes : http://neo.jpl.nasa.gov/ orbits
Matériaux extraterrestres à la NASA : http://curator.jsc.nasa.gov
Laboratoire de minéralogie et de cosmochimie du Muséum :
http://www.mnhn.fr/lmcm
NASA Exoplanet archive : http://exoplanetarchive.ipac.caltech. edu
Recensement des cratères d’impact : www.passc.net/EarthImpactDatabase

Articles scientifiques
Les principaux journaux publiant les actes de recherche concernant les
météorites sont Meteoritics & Planetary Sciences, Geochimica &
Cosmochimica Acta, Earth & Planetary Science Letters, The Astrophysical
Journal, Icarus, Planetary & Space Sciences, Nature, Science, Proceedings
of the National Academy of Sciences.

Une liste d’articles scientifiques utilisés dans ce livre pourra être trouvée à
l’adresse suivante : www2.mnhn.fr/hdt205/leme/ gounelle.php
Crédits des illustrations (cahier central)

Toutes les météorites présentées dans le cahier proviennent de la


collection de météorites du Muséum national d’histoire naturelle (MNHN,
images Louis-Dominique Bayle et Brigitte Zanda), à l’exception de
GRA95229 (cliché 16, collection ANSMET).

1-14. L.-D. Bayle (revue Le Règne minéral)


15. C. Fiéni (MNHN)
16. A. Kearsley (NHM)
17. C. Fiéni (MNHN)
18. C. Fiéni (MNHN)
19. C. Fiéni
20. NASA/JPL-Caltech/UCAL/MPS/DLR/IDA
21. JAXA
22. ESA 2010 MPS for OSIRIS Team MPS/UPD/ LAM/
IAA/RSSD/INTA/UPM/DASP/IDAA
23. NASA/JPL-Caltech
24. NASA
25. NASA/JPL-Caltech/University of Arizona
26. ESA/DLR/FU Berlin (G. Neukum)
27. ESO/E. Slawik
28. NASA/JPL/UMD
29. M. Akhmetvaleev
30. M. Elhassan Abdelatif Mahir (Noub NGO), M. H. Shaddad (Univ.
Khartoum), and P. Jenniskens (SETI Institute/NASA Ames)
31. Droits réservés
32. L. Folco (Universitá di Pisa)
33. C. Fiéni (MNHN)
34. L. Deharveng (Laboratoire d’astrophysique de Marseille)
35. NASA/JPL-Caltech
36. NASA, ESA, and M. Livio and the Hubble 20th Anniversary Team
(STScI)
37. NASA, ESA, J. Bally (University of Colorado, Boulder), H. Throop
(Southwest Research Institute, Boulder), and C. O'Dell (Vanderbilt
University)
38. NASA, ESA, STScI, J. Hester and P. Scowen (Arizona State
University)
39. NASA, ESA, P. Kalas, J. Graham, E. Chiang, E. Kite (University of
California, Berkeley), M. Clampin (NASA Goddard Space Flight Center),
M. Fitzgerald (Lawrence Livermore National Laboratory), and K.
Stapelfeldt and J. Krist (NASA Jet Propulsion Laboratory)
40. ESO/L. Calçada
Table des figures

1.1 Entrée atmosphérique d’un météoride


1.2 Ellipse de chute d’une météorite
2.1 Arbres détruits par le bolide de la Toungouska
2.2 Projection de la zone de destruction de la Toungouska sur l’Île-de-
France
2.3 Mécanismes de formation d’un cratère d’impact
2.4 Carte de distribution des cratères d’impact sur Terre
2.5 Localisation de l’impact crétacé-tertiaire à Chicxulub (Mexique)
2.6 Évolution de la température post-impact (cas de Chicxulub)
3.1 Météore dans le ciel européen
3.2 Fréquence des impacts extraterrestres sur Terre
3.3 Nombre moyen et virtuel de décès dus à des bolides extraterrestres
4.1 Orbite de l’astéroïde géocroiseur Apophis
4.2 Échelle de Turin
5.1 Domaine d’applicabilité des méthodes de mitigation
6.1 Place du système solaire dans la Galaxie
6.2 Architecture du système solaire
6.3 Orbite des comètes Hale-Bopp et Wild 2
7.1 Classification simplifiée des météorites
7.2 Chondrite carbonée de Leoville
7.3 Structure interne d’un corps différencié
8.1 Collision entre deux astéroïdes
8.2 Cratères d’impact sur la Lune
9.1 Spectre de réflexion des météorites HED et de l’astéroïde Vesta
9.2 Orbites de météorites chondritiques
10.1 Grain présolaire
10.2 Schéma d’un disque d’accrétion
11.1 Temps caractéristiques de la formation planétaire
12.1 Formation de la Lune par un impact géant
13.1 « Éléments organisés » dans les chondrites
13.2 Matière organique dans les chondrites
14.1 Zone habitable circumstellaire

A.1 Carte des collectes de météorites en Antarctique


A.2 Météorite en Antarctique
A.3 Mécanisme d’accumulation des météorites en Antarctique
A.4 Météorite dans le désert d’Atacama
Table des encadrés

Vitesse et énergie
La météorite de Tcheliabinsk
Les cratères sur Terre
Impacts de fer, impacts de pierre
Flux de (micro)météorites
Astéroïdes géocroiseurs
Échelle de Turin
La mission Deep Impact
Distances astronomiques
Composition et structure des corps célestes
Les comètes
Roches et minéraux
Radioactivité
Temps d’exposition des météorites
Histoires de météorites
Le prix des météorites
La mission Stardust
Évolution des étoiles
Altération des chondrites
Les rapports isotopiques, ADN des corps célestes
Matière carbonée des météorites
Panspermie
Le grand bombardement tardif
Giordano Bruno et l’infinité des mondes
Déclarer une météorite
Nommer une météorite dans un désert
Temps de résidence terrestre
CAHIER PHOTOS
TABLE
Du même auteur
Introduction
I - La menace extraterrestre
1 - Tombées du ciel
2 - Le danger des impacts extraterrestres
3 - Un risque mesuré
4 - Surveiller le ciel
5 - Protection planétaire
II - La fabrique des météorites
6 - Le système solaire et ses habitants
7 - Les différents types de météorites
8 - Collisions et transport
9 - Les corps sources des météorites
III - Histoire de nos origines
10 - Comment naissent les étoiles
11 - L’origine des planètes
12 - Histoires d’eau et de Lune
13 - L’émergence de la vie
14 - D’autres Terres ?
Conclusion
Annexes
Remerciements
Bibliographie sélective
Crédits des illustrations (cahier central)
Table des figures
Table des encadrés
Notes
1. Il y a deux types principaux de météorites : les fers et les pierres. Les
premières sont faites de fer presque pur ; les secondes contiennent en
général une quantité importante de fer métallique.
2. On a aussi évoqué une origine extraterrestre pour la pierre noire de La
Mecque.
3. C’est ainsi qu’on nomme les météorites dont la chute n’a pas été
constatée, pour les distinguer des chutes proprement dites (les météorites
qu’on a vu tomber).
4. Voir par exemple le numéro de mars/avril 2008 de la revue Esprit.
5. Il s’agit ici de l’origine du système solaire, né il y a 4,6 milliards
d’années, et non de l’origine de l’Univers, qui aurait commencé dans un big
bang il y a 13,8 milliards d’années.
6. Il est bien sûr impossible dans un tel livre de rendre compte de tous les
travaux et débats scientifiques actuels. Le choix que j’ai fait de présenter tel
ou tel aspect est fondé sur une appréciation personnelle de l’état de la
discipline. En dépit de l’effort d’objectivité qui anime les scientifiques, il ne
saurait en être autrement.
Notes
1. En toute rigueur, une pierre extraterrestre ne prend le nom de météorite
qu’une fois parvenue au sol. Tant que la pierre est dans l’espace ou qu’elle
traverse l’atmosphère, on parle de météoride. Le mot de météore s’applique
uniquement au phénomène lumineux. Je commettrai parfois un abus de
langage et utiliserai le mot météorite pour météoride, comme le veut l’usage
commun et scientifique. Dans certains cas, l’ambiguïté entre les deux
termes est due à la rapidité de la traversée de l’atmosphère : les météorides
deviennent très vite des météorites.
2. A. Daubrée [1864], Note sur les météorites tombées le 14 mai aux
environs d’Orgueil (Tarn-et-Garonne), Comptes rendus acad. sci., Paris, 58,
p. 984-990.
3. Cette codification renvoie aux illustrations du cahier couleur.
4. On donne à une météorite (et à son météore associé) le nom du lieu de sa
chute ou de sa trouvaille.
5. On peut entendre les sons (et voir le météore) produits par la météorite de
Peekskill (New York, États-Unis, 1992) en tapant « Peekskill meteorite »
dans un moteur de recherche.
6. Dans le cas de la météorite de Revelstoke tombée en 1965 en Colombie-
Britannique (Canada), un seul fragment de 1 g a été retrouvé, alors même
que la masse initiale du météoride a été estimée à 100 tonnes.
Notes
1. Le diamètre au-delà duquel l’atmosphère ne joue plus son rôle protecteur
dépend de la nature du corps. Il serait d’environ 100 mètres pour les pierres
et d’une dizaine de mètres pour les fers.
2. Le gigapascal (GPa) vaut un million de pascals. Rappelons que la
pression atmosphérique est de 105 Pa environ, c’est-à-dire un dix millième
de GPa et qu’une roche enfouie à 30 km de profondeur subit une pression
de 1 GPa.
3. Les tectites sont des petits objets vitreux de taille centimétrique. Elles se
forment par solidification de billes de roche fondue produites par l’impact
et projetées dans l’atmosphère à des vitesses élevées. Elles ont une forme en
bouton de culotte ou en larme.
4. Bien que l’âge du cratère ne soit pas précisément connu, les auteurs ont
pu en donner une borne inférieure grâce à un raisonnement particulièrement
astucieux. Ils ont observé que les fragments de météorites recouvraient un
sentier préhistorique. Les hommes ayant cessé d’occuper cette région il y a
cinq mille ans, cela signifie que le cratère est postérieur à cette date.
5. Bien que les Indiens d’Amérique aient utilisé très tôt les fragments de la
météorite de Canyon Diablo pour fabriquer des artefacts, elle n’a été
redécouverte par les colons blancs qu’en 1891.
6. Les premiers hommes seraient arrivés il y a environ 15 000 ans sur le
continent américain depuis l’Asie, après avoir traversé le détroit de Béring,
pris par les glaces. Il est peu probable que les hommes qui peuplaient déjà à
l’époque les continents européen et africain aient souffert de cet impact,
bien qu’ils aient probablement aperçu le météore associé.
7. Le diamètre exact d’un cratère fortement érodé comme celui de
Chicxulub est difficile à déterminer.
8. Les oiseaux sont considérés par les paléontologues comme des
dinosaures. Les oiseaux ont survécu à l’extinction crétacé-tertiaire.
Notes
1. À partir de 10 m de diamètre, on parle plus volontiers d’astéroïdes que de
météorides, et ce par convention, les météorides n’étant après tout que des
fragments d’astéroïdes.
2. L’énergie libérée dépend linéairement de la masse du bolide et
quadratiquement de sa vitesse (cf. l’encadré, chapitre 1, p. 16).
3. L’explosion cambrienne est dans l’histoire géologique un moment de
grande diversification des espèces, en particulier des espèces animales,
végétales et bactériennes. Elle a été mise en évidence à partir de l’étude des
schistes de Burgess, au Canada.
Notes
1. J’ai pris précédemment comme seuil pour une catastrophe régionale un
diamètre de 100 m. Ce n’est pas du tout contradictoire dans la mesure où les
seuils sont assez arbitraires. On est de fait incapable de différencier les
effets causés par l’impact d’un corps de 100 m et ceux causés par un corps
de 140 m (qui correspond à 500 pieds, un chiffre rond pour les Américains).
2. UTC désigne le temps universel coordonné. Cette appellation a remplacé
l’ancien temps moyen de Greenwich (GMT pour Greenwich Mean Time).
3. La procédure d’attribution des noms des astéroïdes est complexe. Si,
pour les premiers astéroïdes, toute liberté était donnée aux découvreurs, il
existe désormais des règles plus contraignantes. Ils reçoivent lors de leur
détection un nom provisoire, par exemple 2007 VK184, qui fonctionne
comme une plaque d’immatriculation. Une fois leur orbite établie, ils
prennent un nom définitif composé d’un numéro d’ordre placé entre
parenthèses et, parfois, d’un nom propre, qui peut être une personnalité
scientifique, un héros littéraire (Beowulf, Odysseus…) et/ou
cinématographique (James Bond).
4. L’albédo d’un corps est la mesure de sa capacité de réflexion de la
lumière. Un corps complètement réfléchissant (blanc) a un albédo de 1. Un
corps absorbant toute la lumière (noir) a un albédo de 0.
5. http://neo.jpl.nasa.gov/stats.
6. Un comité ad hoc constitué d’une quarantaine de spécialistes américains
a remis en 2010 à l’Académie des sciences américaine un rapport intitulé
« Defending Plant Earth : Near-Earth Object Surveys and Hazard
Mitigation Strategies ».
7. Contrairement à ce qui a été dit, le passage de cet astéroïde est sans lien
avec la chute de la météorite de Tcheliabinsk, le même jour.
8. Apophis s’est approché le 9 janvier 2013 à 15 millions de kilomètres de
la Terre. Son diamètre, initialement estimé à 270 60 m, a été remesuré par le
télescope spatial Herschel. Il serait de 325 15 m, ce qui place Apophis dans
la gamme des corps susceptibles de causer une catastrophe régionale.
Notes
1. On distinguera dans le chapitre 6 les comètes de Oort des comètes de
Jupiter.
2. Ce choix de la « distance de sécurité » nominale est arbitraire.
3. Un élément volatil est un élément qui a une affinité plus grande pour
l’état gazeux que pour l’état solide.
4. Dans le film Armageddon (Michael Bay, 1998), Harry Stamper (incarné
par Bruce Willis), spécialiste des forages pétroliers en conditions extrêmes,
est chargé par la NASA d’aller placer une charge nucléaire dans un
astéroïde menaçant de s’écraser sur la Terre dans dix-huit jours.
5. La force de Yarkovsky est due à la réémission, sous forme de chaleur, de
la lumière visible solaire absorbée par la surface de l’astéroïde. Cette
réémission s’effectue de façon asymétrique en raison du mouvement de
rotation du corps sur lui-même induisant une force que l’on pourrait
comparer à celle qui fait décoller une fusée expulsant son gaz propulseur.
6. Le programme américain Sentry (sentinelle en anglais), porté par le Jet
Propulsion Laboratory (Pasadena), effectue la même tâche. Les deux
programmes n’utilisant pas tout à fait les mêmes méthodes de calcul des
trajectoires, ils sont complémentaires.
7. On donne généralement aux comètes le nom de leur découvreur. Dans le
cas de découvertes multiples par un même individu, on ajoute un numéro au
nom propre.
Notes
1. On met une majuscule à notre galaxie pour la distinguer des autres.
2. C’est en 1618 que Johannes Kepler formule la relation quantitative
reliant la distance au Soleil d’un corps et sa période de révolution on
l’appelle la troisième loi de Kepler (les deux premières concernent la nature
elliptique des orbites des corps en révolution autour du Soleil).:
3. Un corps céleste est d’autant plus facile à détecter (et à observer) qu’il est
proche de la Terre et massif.
4. L’immense majorité de ces éléments ont été formés par des générations
d’étoiles antérieures à la nôtre. Je reviendrai sur cette question dans le
chapitre 10.
5. Les astéroïdes se trouvant relativement proches du Soleil, leur glace de
surface est volatilisée par la chaleur qu’il émet. La glace mise en évidence
sur une poignée d’astéroïdes a probablement été récemment exposée à la
surface par un impact.
6. La queue de la comète est double. Une partie est composée de gaz ionisé,
tandis qu’une autre est composée de poussières.
7. L’activité d’une comète est la quantité de gaz et de poussière libérée en
fonction du temps.
Notes
1. Il est préférable de se fonder sur les météorites qu’on a vues tomber (les
« chutes ») plutôt que sur les météorites qu’on ramasse dans les déserts (les
« trouvailles »). En effet, suivant leur nature, les météorites résistent plus ou
moins bien à l’action de l’atmosphère, conduisant à une sur- ou à une sous-
représentation de certains groupes parmi les « trouvailles ».
2. Ce nom provient du grec ancien χόνδρος qui signifie petit grain (de sel,
de céréale, d’encens…).
3. K. Lodders [2003], « Solar System abundances and condensation
temperatures of the elements », The Astrophysical Journal, 591, p. 1220-
1247.
4. Les acronymes H, L, LL se rapportent à la teneur en fer des chondrites
ordinaires. Celle-ci peut être importante (high), faible (low) et très faible
(low low).
5. Il est difficile de dissimuler que les météorites lunaires proviennent de…
la Lune. Nous nous intéresserons à elles plus en détail au chapitre 9.
6. C’est d’ailleurs pour fabriquer du fer métallique, plus solide que le fer
oxydé, que l’homme a inventé la métallurgie, qui consiste à séparer le fer de
l’oxygène avec lequel il est combiné. Avant l’invention de la métallurgie, la
source unique de fer forgeable était… les météorites. On a retrouvé dans de
nombreux sites archéologiques des outils et des armes de fer fabriqués avec
du métal météoritique.
7. Certaines météorites, comme les lodranites, les brachinites ou encore les
acapulcoites, ne sont ni véritablement primitives ni véritablement
différenciées… On les regroupe sous le terme d’achondrites primitives.
8. Selon le contexte, l’usage du mot planète est donc différent (dans le
chapitre précédent, nous évoquions les planètes d’un point de vue
astronomique, non géologique).
Notes
1. Fort logiquement, plus une surface planétaire est ancienne, plus elle a été
longtemps exposée au flux de météorides. La rareté des cratères sur la
surface de la Terre, comparée par exemple à celle de la Lune, est une
indication de la jeunesse de la surface de notre planète qui continue à
évoluer en raison de son activité géologique. Le dénombrement des cratères
sur une surface planétaire permet de déterminer approximativement son
âge. C’est ainsi qu’on date les différentes régions de Mars, par exemple.,
2. Bien qu’il existe certainement sur la Lune ou sur Mars des météorites
terrestres, celles-ci sont probablement très rares.
3. Dans certains cas, il peut « spiraler » en direction des régions externes du
système solaire.
4. Il faudrait donc à un météoride situé à 2 UA 500 millions d’années pour
parvenir au niveau de l’orbite terrestre, à 1 UA.
5. Un exemple de résonance est la résonance dite orbitale, qui a lieu
lorsqu’un corps tourne autour du Soleil avec une période qui est une
fraction entière de celle de la planète. Par exemple, un météoride qui ferait
deux fois le tour du Soleil pendant que Jupiter en ferait trois est dit dans une
résonance 3:2 avec Jupiter. C’est cette résonance qui fournit l’essentiel des
météorites arrivant sur Terre depuis la ceinture d’astéroïdes.
6. Les météorites de fer dont les temps d’exposition sont supérieurs à
1 milliard d’années proviennent d’astéroïdes éloignés des résonances.
L’absence de météorites de pierres avec des temps d’exposition aussi longs
est due à leur moins grande résistance mécanique.
7. On pense, par exemple, que la famille de Flora est la source unique des
chondrites ordinaires de type LL.
Notes
1. A. von Humboldt [1845], Cosmos, trad. fr., H. Faye, Paris, Gide et Cie,
1846.
2. J.-B. Biot [1803], « Relation d’un voyage fait dans le département de
l’Orne pour constater la réalité d’un météore observé à L’Aigle le 6 floréal
an XI », Paris, Baudouin, 47 p.
3. Si l’apport soviétique peut paraître dérisoire, il est essentiel pour infirmer
la théorie du complot déniant l’exploration de la Lune par les Américains.
En effet, les Soviétiques comme les Américains ont distribué leurs
échantillons à la communauté scientifique internationale. L’identité des
roches rapportées par les deux pays rivaux et leur différence avec les roches
terrestres attestent de la réalité des voyages Terre-Lune (on imagine mal que
Nikita Khrouchtchev et Richard Nixon aient de concert décidé de fabriquer
de fausses roches lunaires) et de la présence d’astronautes américains sur la
Lune (une sonde automatique n’aurait pas pu collecter 380 kg de roches).
4. Voici l’une des descriptions précises du passage du météore transmise à
Auguste Daubrée par M. Piaulet, régent de mathématiques à Montauban :
« Le bolide a été vu d’abord dans la direction du sud-ouest ; après avoir
traversé la constellation du Lion, il a passé à gauche (à l’est) de Saturne et
de l’Épi de la Vierge, et a éclaté un peu au-dessous de Jupiter », in
A. Daubrée [1864], « Nouveaux renseignements sur le bolide du 14 mai
1864 », Comptes rendus acad. sci., Paris, 58, p. 1065-1072.
5. Il y aurait une exception notable qui demande cependant à être
confirmée. Un scientifique russe a proposé que la mystérieuse chondrite de
Kaidun (Yémen, 1980), qui contient des inclusions de météorite martienne,
provienne du satellite de Mars, Phobos (cf. Ill. 25).
6. Les missions Apollo, dont la dernière a eu lieu en 1972, ont permis un
développement sans précédent des sciences planétaires et des études de
météorites. C’est aussi le rôle des missions de retour d’échantillons que de
stimuler la recherche au moyen d’investissements qui, sans elles, n’auraient
pas été réalisés.
Notes
1. Parce que cette idée est plaisante et apparemment paradoxale, on pense
souvent qu’une proportion importante des étoiles que nous observons
(plusieurs milliers à l’œil nu) sont mortes. Cette idée est fausse. L’immense
majorité des étoiles sont bien vivantes, même si leur lumière met beaucoup
de temps à nous parvenir en raison de leur éloignement.
2. On ne voit évidemment pas les poussières individuelles, qui sont bien
trop petites. C’est à partir des propriétés globales des disques (température,
densité…) que l’on peut, grâce à des modèles, déduire la taille moyenne des
poussières.
3. On retrouve ces silicates un peu partout, car ce sont les minéraux les plus
simples qui puissent se former à partir du silicium, du fer, du magnésium et
de l’oxygène, quatre des éléments les plus importants dans l’Univers
(cf. tableau 7.1).
Notes
1. L’existence d’un disque protoplanétaire avait été déduite, au XVIIIe siècle,
de la coplanarité des orbites des planètes par trois grands pionniers de la
planétologie : Emanuel Swedenborg, Emmanuel Kant et Pierre-Simon
Laplace.
2. On mesure l’âge des météorites et de leurs composants en utilisant des
éléments radioactifs, un peu comme on le fait en archéologie avec le
carbone-14.
3. Rappelez-vous le whiskey du capitaine Haddock dans On a marché sur
la Lune. C’est parce que le capitaine se trouve dans l’espace que son
whiskey prend la forme d’équilibre d’un liquide en gravité zéro : la sphère.
4. Ils se seraient formés à partir de corps primitifs qui n’auraient pas été
préservés.
5. Peut-être l’atmosphère d’azote de Titan, le satellite de Saturne, est-elle un
exemple d’une atmosphère primitive qui aurait perduré.
6. Les satellites de Jupiter (ainsi que Titan, satellite de Saturne) se seraient
formés en même temps que leur planète hôte, dans un « sous-disque » de
gaz. Pour ce qui est des satellites des autres planètes géantes, ils se seraient
formés ultérieurement, à partir d’anneaux issus du bris de comètes
capturées.
Notes
1. La vitesse seuil (entre collision destructive et collision érosive) dépend
de la masse des objets se percutant, ainsi que de leur nature, de leur période
de rotation, de l’angle d’impact… Pour deux embryons de la taille de Mars,
on estime que la collision est constructive si leur vitesse relative est
inférieure à quelques kilomètres par seconde.
2. Un débat concernant la nature astéroïdale ou cométaire des corps ayant
apporté l’eau sur Terre a longtemps agité la communauté scientifique. Cette
question perd de sa pertinence depuis qu’on a démontré qu’il existait un
continuum entre comètes et astéroïdes (cf. chapitre 9).
3. Bien qu’occupant plus de 80 % de sa surface, les océans représentent une
faible fraction en masse ou en volume de notre planète. La proportion d’eau
dans les océans s’élèverait à 0,01 % de la masse de notre planète. Une
quantité similaire se trouverait sequestrée dans les minéraux du manteau,
pour une masse totale de 1021 kg.
4. L’âge de formation de la Lune n’est pas connu avec précision, mais
l’analyse au laboratoire des roches Apollo et des météorites lunaires permet
d’en donner une limite inférieure.
5. Mars, qui est dix fois plus massive que la Lune, se serait par exemple
formée moins de 10 millions d’années après le « temps 0 », selon des
mesures récentes faites sur les météorites SNC.
6. Ce modèle avait été écarté, car il impliquait un positionnement de l’orbite
lunaire dans le plan équatorial de la Terre, contrairement à ce qui est
observé.
7. C’est en raison de cette apparition tardive, après que des proto-
atmosphères eurent été soufflées par des impacts géants, dont celui qui
aurait donné naissance à la Lune, qu’on parle pour l’atmosphère terrestre
d’atmosphère secondaire. Probablement dominée par le CO2, sa
composition était très différente de la composition de l’atmosphère actuelle
résultant de la libération d’O2 par des organismes vivants et de la
séquestration du CO2 dans les sédiments.
8. Dans l’état actuel de nos connaissances, on suppose que la Terre était
alors couverte d’un océan unique, duquel émergeaient de rares continents.
9. Des travaux récents montrent qu’une planète tellurique sur deux cents
subit un impact pouvant conduire à la formation d’un satellite tel que notre
Lune.
10. Pour que l’eau subsiste à l’état liquide à la surface d’une planète, il faut
que la pression atmosphérique soit suffisamment élevée.
Notes
1. À ne pas confondre avec le célèbre chimiste allemand Otto Hahn, lauréat
du prix Nobel en 1944.
2. F. Wöhler, [1860], « Neuere Untersuchungen über die Bestandtheile des
Meteorsteines vom Capland », Sitzungsberichte Akademie der
Wissenschaften in Wien, 41, p. 565-567.
3. La revue Planète, publiée entre 1961 et 1971, dont le motto était « Rien
de ce qui est étrange ne nous est étranger ! », était une revue à succès
promouvant le réalisme fantastique.
4. Comme nous le verrons en détail un peu plus loin, on considère que l’eau
liquide est indispensable à l’émergence de la vie.
5. Une annonce récente ne doit pas semer le trouble dans l’esprit du lecteur.
Des chercheurs ont prétendu en janvier 2013 avoir découvert des diatomées
fossiles dans une météorite tombée au Sri Lanka. Publiés dans la revue
électronique Journal of Cosmology, qui ne soumet pas ses publications à la
critique scientifique, ces résultats sont probablement fantaisistes.
6. Les archées forment avec les bactéries et les eucaryotes les trois grandes
divisions du vivant.
7. Un atome est tétravalent s’il peut se combiner avec un nombre maximal
de quatre atomes.
8. La concentration de ces éléments augmentant dans la Galaxie au cours du
temps (puisqu’ils sont libérés dans le milieu interstellaire par des étoiles en
fin de vie), la vie n’aurait probablement pas pu apparaître dans un système
planétaire formé au début de l’histoire galactique.
9. Le kérogène est la fraction insoluble qui reste dans les sédiments marins
après la dégradation de la matière organique d’origine biologique.
10. Z. Martins [2011], « Organic chemistry of carbonaceous chondrites »,
Elements, 7, p. 35-40.
11. Le lieu de formation de ces molécules organiques est débattu. Elles ont
pu s’assembler dans le nuage moléculaire parent du système solaire ou dans
les zones externes du disque circumsolaire. Leur apport par les météorites
rend en tout cas superflue (mais pas impossible) leur synthèse dans
l’atmosphère, comme l’avaient envisagé les géochimistes Harold Urey et
Stanley Miller au XXe siècle.
12. Les molécules carbonées asymétriques existent sous deux formes (deux
énantiomères) qui sont l’image l’une de l’autre dans un miroir. On parle de
forme droite ou gauche. La vie n’utilise qu’une de ces formes, droite pour
les bases azotées et gauche pour les acides aminés.
13. La présence d’eau liquide sur les astéroïdes, d’après les dernières
datations effectuées sur les météorites, aurait duré au plus une dizaine
de millions d’années.
Notes
1. Une exoplanète avait été détectée en 1992 autour du pulsar
PSR B1257+12. En raison de la nature insolite de l’étoile hôte (un pulsar
est une étoile à neutrons tournant très vite sur elle-même), cette planète ne
nous apprend pas grand-chose sur les mécanismes de formation et
d’évolution planétaire.
2. On donne aux exoplanètes le nom de leur étoile suivi d’une lettre
minuscule (à partir de b).
3. On peut comparer un transit photométrique à une mini-éclipse.
4. Les perturbations de mouvement d’une étoile dues à une compagne sont
en effet beaucoup plus importantes que celles engendrées par une planète et
ne peuvent donc être confondues avec cette dernière.
5. Les limites de la zone habitable dépendent des propriétés des planètes
(diamètre, masse et composition de l’atmosphère…). Elles ne sont pas aussi
bien délimitées que pourrait le laisser penser la figure 14.1.
6. Certains organismes vivants, appelés endolithes, ont été découverts dans
des roches à plus de trois kilomètres de profondeur.
7. Il y a quelques années, un groupe de dynamiciens français a montré que
la Lune stabilisait l’axe de rotation de la Terre, favorisant indirectement le
développement de la vie. Bien que cette conclusion dépende de la vitesse de
rotation initiale de la Terre – qui est mal connue –, elle illustre la possible
complexité de la notion d’habitabilité d’une planète.
Notes
1. Les différentes planètes d’un même système planétaire sont distinctes les
unes des autres, et chacun de ces systèmes semble unique.
Notes
1. Fondée en 1933, cette société savante revendique près de mille membres,
scientifiques professionnels ou amateurs enthousiastes.
Notes
1. Des travaux récents suggèrent que les zones équatoriales seraient
légèrement favorisées, avec un excès de 20 % par rapport aux pôles.
2. On parle ici des chutes observées, c’est-à-dire des météorites qui ont été
vues tomber.
3. La collection du Muséum à Paris est une des plus riches du monde. Plus
de 1 300 météorites, dont 515 « chutes » (les météorites dont la chute a été
observée) sont conservées au Jardin des Plantes. Seules les collections de la
Smithonian Institution à Washington et du Natural History Museum à
Londres comptent davantage de « chutes ».
Notes
1. www.lpi.usra.edu/meteor/metbull.php.
2. Certaines météorites « survivent » des dizaines de milliers d’années dans
les déserts chauds.
3. Le névé est de la neige qui n’est pas encore compactée en glace.
4. Ces vents, particuliers à l’Antarctique, sont accélérés par la gravité en
dévalant la pente et se déplacent des régions centrales vers la côte.
5. Le mécanisme d’accumulation de météorites ne fonctionne pas au
Groenland, l’autre « continent » polaire, en raison de l’absence de vents
catabatiques et de taux de précipitations trop élevés.
6. L’Atacama, extrêmement riche en minerais de toutes sortes, est exploité
depuis le XIXe siècle.
Table of Contents
Identité
Copyright
Couverture
Du même auteur
MÉTÉORITES
Introduction
I - La menace extraterrestre
1 - Tombées du ciel
2 - Le danger des impacts extraterrestres
3 - Un risque mesuré
4 - Surveiller le ciel
5 - Protection planétaire
II - La fabrique des météorites
6 - Le système solaire et ses habitants
7 - Les différents types de météorites
8 - Collisions et transport
9 - Les corps sources des météorites
III - Histoire de nos origines
10 - Comment naissent les étoiles
11 - L’origine des planètes
12 - Histoires d’eau et de Lune
13 - L’émergence de la vie
14 - D’autres Terres ?
Conclusion
Annexes
A - Comment reconnaître une météorite ?
B - Des chutes dans le monde entier
C - Des trouvailles dans les déserts
Remerciements
Bibliographie sélective
Crédits des illustrations (cahier central)
Table des figures
Table des encadrés
Cahier photos
Table

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