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Introduction 3 27 L
es géantes rouges 108
28 L
es étoiles pulsantes 112
01 Notre place dans l’Univers 4 29 L
es supergéantes 116
02 Observer les cieux 8 30 L es supernovæ 120
03 Le royaume du Soleil 12 31 L es vestiges stellaires 124
04 La formation du Système solaire 16 32 L es étoiles binaires extrêmes 128
05 Les migrations planétaires 20 33 L es trous noirs 132
06 L’origine de la Lune 24 34 L a Voie lactée 136
07 De l’eau sur Mars 28 35 L e cœur de la Voie lactée 140
08 Géantes de gaz et géantes de glaces 32 36 L es types de galaxies 144
09 Les lunes-océan 36 37 C ollisions et évolution de galaxies 148
10 Les planètes naines 40 38 Q uasars et galaxies actives 152
11 Astéroïdes et comètes 44 39 L ’Univers à grande échelle 156
12 De la vie dans le Système solaire ? 48 40 L ’expansion cosmique 160
13 Notre Soleil, une étoile en gros plan 52 41 L e Big Bang 164
14 Mesurer les étoiles 56 42 N ucléosynthèse et évolution
15 La chimie stellaire 60 cosmique 168
16 Le diagramme de Hertzsprung-Russell 64 43 É toiles-monstre et galaxies
17 La structure des étoiles 68 primordiales 172
18 La source d’énergie des étoiles 72 44 L es confins de l’Univers 176
19 Le cycle de vie des étoiles 76 45 L a matière noire 180
20 Nébuleuses et amas stellaires 80 46 L ’énergie sombre 184
21 La naissance des étoiles 84 47 R elativité et ondes gravitationnelles 188
22 Les étoiles naines 88 48 L a vie dans l’Univers 192
23 Les systèmes d’étoiles binaires 49 L e multivers 196
et multiples 92 50 L e destin de l’Univers 200
24 La recherche des exoplanètes 96
25 Les autres systèmes solaires 100 Glossaire 204
26 Les zones habitables 104 Index 206
Introduction 3
introduction
Dans la mesure où le comportement des astres sur la voûte céleste n’a que très
rarement un impact direct sur les vies humaines, il peut sembler étrange de
voir l’astronomie se vanter d’être la plus ancienne des sciences. Et pourtant,
les racines de l’astronomie remontent à la Préhistoire – la plus ancienne carte
d’étoiles connue a été peinte sur les parois de la grotte de Lascaux, au beau
milieu de la dernière glaciation, il y a 17 300 ans. À première vue, il s’agit sim-
plement d’une belle représentation d’un taureau qui charge, mais une inspec-
tion plus approfondie révèle un groupe de signes derrière la bosse de l’animal :
c’est la représentation sans équivoque de l’amas d’étoiles des Pléiades dans
l’actuelle constellation du Taureau.
Pour les anciens, les mouvements du Soleil, de la Lune et des étoiles avaient un
lien vital avec les événements sur Terre : la technologie nous a peut-être rendus
moins sensibles aux changements des saisons, mais pour nos ancêtres, c’était
une question de vie et de mort. Aujourd’hui, l’astronomie exerce son influence
sous d’autres formes, souvent à travers l’innovation scientifique qu’elle inspire
(comme l’atteste la caméra CCD de votre smartphone). Mais peut-être la vraie
fascination pour l’astronomie réside-t-elle, en ces temps confus, dans le fait
qu’elle touche les mystères de l’infini et aborde plus que n’importe quelle autre
science l’explication de nos origines.
Ce livre est une célébration des plus grandes idées de l’astronomie et des esprits
brillants, perspicaces et parfois iconoclastes qui ont contribué à les façonner.
Au travers d’une cinquantaine de thèmes, j’espère tout aborder, de la diversité
des planètes et des autres mondes au seuil de notre porte céleste, en passant par
la vie et la mort des étoiles, jusqu’à la structure et les origines de l’Univers lui-
même. Certaines des théories passées en revue remontent à des siècles, d’autres
sont étonnamment modernes, et certaines sont encore en cours de mise au
point – l’une des grandes beautés de l’astronomie en tant que science est que,
comme l’Univers lui-même, elle est en perpétuelle évolution. Ma sélection de
sujets est forcément personnelle, façonnée par mes propres intérêts et mes
discussions avec de nombreux astronomes en activité, mais j’espère qu’il y a
matière ici pour fasciner, voire inspirer tout un chacun.
4 50 clés pour comprendre l’Univers
01 N
otre place
dans l’Univers
L’astronomie nous aide à comprendre notre place dans l’Univers et progresse
à mesure que notre importance au sein du cosmos diminue. Jadis au centre
de la création, notre Terre est désormais perçue comme une poussière dans
l’immensité du cosmos.
L’humanité a été fascinée par les étoiles tout au long de son histoire, non seu-
lement en racontant des légendes à leur sujet et en leur attribuant des signi-
fications, mais aussi en les utilisant à des fins pratiques comme la mesure du
temps. Les Égyptiens de l’Antiquité prédisaient l’arrivée de la saison des crues
du Nil lorsque Sirius, l’étoile la plus brillante du ciel, se levait peu avant l’aube.
Mais un autre volet important de la pensée des anciens, l’astrologie, a produit
les premières représentations de notre place dans le cosmos.
À l’époque, les astrologues voyaient les cieux comme un miroir de la Terre : pour
eux, les mouvements du Soleil, de la Lune et autres astres errant parmi les figures
remarquables que forment les étoiles fixes – les constellations – n’influençaient
pas nécessairement les événements sur Terre, mais ils les reflétaient. Ainsi, si une
grande famine frappait lorsque Mars et Jupiter étaient en conjonction (proche
l’une de l’autre sur le ciel) dans la constellation du Taureau, alors vous pourriez
anticiper un événement similaire si ces deux planètes s’approchaient de nou-
veau dans cette même constellation. Qui plus est, les mouvements des planètes
n’étaient pas totalement imprévisibles, donc anticiper leurs déplacements pou-
vait signifier être en mesure de prédire les événements futurs sur Terre.
chronologie
– 150 1543 1608
L’Almageste de Ptolémée Copernic publie sa vision d’un Kepler modélise les orbites
consolide la vue classique Univers héliocentrique, centré comme des ellipses plutôt
d’un Univers géocentrique, sur le Soleil. que comme des cercles,
centré sur la Terre. expliquant enfin les
mouvements des planètes.
Notre place dans l’Univers 5
»
mouvements apparents observés sur la
voûte céleste (voir l’encadré page 6). de sable dans un océan
Malheureusement, ce modèle géocentrique cosmique.
(centré sur la Terre), pourtant d’une sédui- Carl Sagan
sante simplicité, ne faisait pas de prédic-
tions correctes. Les planètes s’écartaient
rapidement de leurs trajectoires prédites sur le ciel, ce que les astronomes corri-
gèrent au prix d’artifices variés. Le modèle géocentrique atteignit son apogée au
iie siècle de notre ère grâce aux travaux de l’astronome grec-égyptien Ptolémée
d’Alexandrie. Son grand ouvrage, l’Almageste, émettait l’idée que chaque pla-
nète se déplaçait sur un petit cercle, appelé épicycle, dont le centre tournait
lui-même autour de la Terre. Les astronomes de l’Empire romain, comme leurs
successeurs chrétiens et musulmans, adoptèrent tous le modèle de Ptolémée
qui domina pendant plus d’un millénaire. Ils se consacrèrent, pour la plupart, à
affiner les mesures des mouvements planétaires dans l’espoir de mieux estimer
les divers paramètres du modèle afin d’en améliorer les prédictions.
Mouvements planétaires
Sur la voûte céleste, les planètes sont globa- ment se complique de boucles rétrogrades,
lement divisées en deux groupes : celles dont périodes où elles ralentissent et inversent
l’orbite est plus petite que celle de la Terre (les temporairement leur dérive vers l’est par
planètes « inférieures ») et celles dont l’orbite rapport aux étoiles, avant de reprendre leur
est plus grande (les planètes « supérieures »). cours. Le mouvement rétrograde était un
Les planètes inférieures – Mercure et Vénus – défi majeur pour les modèles géocentriques
font des boucles sur la voûte céleste autour du Système solaire, et pour l’expliquer,
de la position du Soleil, sans jamais s’éloigner Ptolémée introduisit la théorie des épicycles.
de lui, et apparaissent donc toujours à l’ouest En revanche, dans un système héliocentrique,
après le crépuscule, ou à l’est avant l’aube. le mouvement rétrograde est assez facile à
En revanche, les planètes supérieures – Mars, expliquer : les planètes extérieures se dépla-
Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune – suivent çant plus lentement sur leurs orbites que la
des trajectoires qui les emmènent tout autour Terre sur la sienne, notre planète les rattrape
du ciel et peuvent apparaître sur le ciel du puis les dépasse périodiquement, nous don-
côté opposé au Soleil. Mais leur mouve- nant l’illusion que ces planètes reculent…
que même notre Soleil n’avait rien de spécial. Ce n’est en fait qu’une étoile
naine jaune, dont l’éclat, assez faible, est dépassé par celui de beaucoup des
quelque 200 milliards d’étoiles de notre galaxie.
L’idée clé
Chaque nouvelle découverte
réduit notre place
dans l’Univers
8 50 clés pour comprendre l’Univers
02 O
bserver
les cieux
Lunettes et télescopes ont transformé notre aptitude à comprendre l’Univers.
Aujourd’hui, observatoires terrestres et spatiaux peuvent scruter jusqu’aux
confins de l’espace et discerner maints détails sur de vastes distances, tandis
que d’autres instruments sophistiqués utilisent des rayonnements invisibles
pour découvrir des aspects cachés du cosmos.
chronologie
1609 1668 Années 1870
Galilée est l’un des premiers Isaac Newton construit William Huggins commence
à pointer une lunette le premier télescope réflecteur à utiliser la photographie
d’approche vers le ciel. fonctionnel. et la spectroscopie sur
lunette et télescope comme
outil de recherche.
Observer les cieux 9
»
instrument astronomique inédit : le télescope (ou
réflecteur). Cet instrument est composé d’un miroir électromagnétique
primaire incurvé, qui recueille et focalise la lumière, qui nous atteint.
et d’un plus petit, le miroir secondaire, qui dévie
les rayons lumineux vers un oculaire. Le premier Lyman Spitzer
télescope de cette conception, réalisé en 1668 par
Isaac Newton, a engendré de nombreuses variantes. Les télescopes offrent aux
astronomes une meilleure collecte de lumière et une puissance de résolution
améliorée. Pour recueillir la faible lueur des étoiles, l’objectif d’un réfracteur
ou le miroir primaire d’un réflecteur disposent d’une bien plus grande sur-
face de collection que le petit diamètre d’une pupille humaine ; lunettes et
télescopes sont ainsi en mesure de discerner des objets beaucoup plus pâles.
Oculaire
Lentille
objectif
Miroir
Miroir secondaire
primaire
Oculaire
Représentation schématique des deux téléscopes les plus répandus. Dans une lunette astronomique de type
réfracteur (en haut), la lumière collectée par un objectif est déviée vers un foyer où elle forme une image
qui est ensuite agrandie par la lentille de l’oculaire. Dans un télescope de type réflecteur newtonien (en bas),
un miroir primaire courbé recueille la lumière et la renvoie vers un miroir secondaire qui la défléchit
jusqu’à la lentille de l’oculaire.
Bien sûr, la plupart des télescopes modernes ne sont pas construits pour l’œil
humain, et depuis le milieu du xixe siècle, la photographie joue un rôle impor-
tant dans l’astronomie. Elle permet non seulement l’enregistrement d’images
pour études ultérieures, mais elle amplifie surtout davantage la capacité d’un
télescope à collecter la lumière. À condition que le télescope soit assujetti à une
monture lui permettant de pallier les effets de la rotation du globe terrestre, il
peut enregistrer une image à longue exposition qui intègre des heures durant
les faibles quantités de lumière que rayonnent les astres distants. La photog-
raphie astronomique est désormais dominée par les dispositifs électroniques
de type CCD, qui peuvent même suivre le nombre précis de photons frappant
un pixel semi-conducteur individuel. La lumière d’un objet éloigné traverse
souvent un spectroscope (un dispositif avec un réseau de diffraction finement
gravé qui agit à la manière d’un prisme), qui la décompose en un spectre aux
allures d’arc-en-ciel dans lequel on peut mesurer l’intensité de couleurs spéci-
fiques dans le cadre d’une étude spectroscopique (voir page 60).
Les rayons ultraviolets, à l’inverse, ont des longueurs d’onde plus courtes que
la lumière violette et emportent plus d’énergie, tandis que les rayons X et les
rayons gamma ont des longueurs d’onde encore plus courtes et emportent
encore plus d’énergie. Ces trois types de rayonnement électromagnétique
peuvent être nocifs pour les tissus vivants. Heureusement, ils sont pour
la plupart bloqués par l’atmosphère terrestre. L’ère de l’astronomie à haute
énergie a suivi l’avènement des télescopes spatiaux, et les appareils aptes à
collecter et détecter les rayons X et les rayons gamma ne ressemblent guère plus
aux schémas familiers des instruments de Galilée et de Newton.
L’idée clé
Les télescopes révèlent
les secrets cachés de l’Univers
12 50 clés pour comprendre l’Univers
03 L e royaume
du Soleil
Notre Système solaire comprend le Soleil, tous les objets qui gravitent autour
de lui, ainsi que toute la région de l’espace placée sous son influence directe. Il
englobe huit planètes majeures, cinq planètes naines connues, de nombreuses
lunes et d’innombrables objets célestes plus petits faits de roches ou de glaces.
chronologie
1543 1610 1781 1801
Copernic propose une Galilée découvre William Herschel En recherchant une
configuration du Système des lunes, jamais découvre une nouvelle nouvelle planète entre
solaire centrée sur vues auparavant, planète au-delà de Mars et Jupiter, Giuseppe
le Soleil, la Terre étant en orbite autour Saturne, nommée plus Piazzi découvre Cérès,
l’une des six planètes. de Jupiter. tard Uranus. le plus grand astéroïde.
Le royaume du Soleil 13
»
l’ami de Newton, avait calculé l’orbite en 1705. Les
comètes étaient alors perçues comme des visiteurs
que nous prenons
occasionnels de l’intérieur du Système solaire. C’est une par une.
ainsi qu’en 1781, l’astronome d’origine allemande Neil deGrasse Tyson
William Herschel, qui avait repéré une vague tache
bleu-vert alors qu’il effectuait un recensement
d’étoiles depuis son domicile dans la ville anglaise de Bath, supposa tout
naturellement qu’il s’agissait d’une comète. Une série d’observations ultérieures
révélèrent sa véritable nature : le lent déplacement de l’objet par rapport aux
étoiles indiquant une distance d’environ 20 UA, il fut alors suggéré qu’il ne
s’agissait pas d’une comète, mais d’une planète majeure à part entière, que
nous connaissons aujourd’hui sous le nom d’Uranus. La découverte d’Herschel
déclencha une frénésie de chasse à la planète. L’intérêt se porta sur un supposé
déficit de planète entre les orbites de Mars et de Jupiter, débouchant en 1801 sur
la découverte de Cérès (voir page 40). Ce petit planetoïde n’était en fait pas une
véritable planète, mais le premier et le plus grand spécimen d’une nombreuse
population d’astéroïdes – des corps rocheux en orbite autour du Soleil dans tout
le Système solaire interne, mais qui peuplent surtout une large ceinture entre
Mars et Jupiter.
Alors qu’Uranus et les astéroïdes ont été détectés à la suite d’heureux hasards,
ce furent les mathématiques pures qui conduisirent en 1846 à la découverte
d’une autre planète majeure. En l’occurrence, le mathématicien français Urbain
Le Verrier avait réalisé une analyse approfondie des irrégularités observées dans
l’orbite d’Uranus, en déterminant la taille et l’emplacement d’un astre plus dis-
tant (connu maintenant sous le nom de Neptune), qui fut rapidement repéré
par l’astronome allemand Johann Galle à l’observatoire de Berlin.
L’héliosphère
Quand ils discutent des limites du Système à des vitesses supersoniques bien au-delà de
solaire, certains astronomes préfèrent mettre l’orbite de Pluton, mais se dégrade en turbu-
en avant non pas la portée gravitationnelle du lences subsoniques dans la région où il fait
Soleil, mais l’héliosphère, la région où le vent face à une pression croissante du milieu inters-
solaire domine l’influence des autres étoiles. tellaire environnant (voir page 170). Le bord
Le vent solaire est un flux de particules (élec- extérieur de l’héliosphère, là où cesse l’écou-
triquement chargées et soufflées par la surface lement du vent solaire, est connu sous le nom
du Soleil) qui emporte le champ magnétique d’héliopause ; c’est la limite qu’invoquent les
du Soleil à travers le Système solaire. Ce vent spécialistes des sciences spatiales à propos de
est responsable de phénomènes comme les missions sortant du Système solaire. La sonde
aurores polaires (boréales et australes) sur Voyager 1 de la NASA a franchi l’héliopause à
diverses planètes. Il se propage avec r égularité environ 121 UA du Soleil en août 2012.
L’idée clé
La taille et la complexité
de notre Système solaire
ne cessent de s’accroître
16 50 clés pour comprendre l’Univers
04 L a formation du
Système solaire
Comment se sont formés le Soleil et le système hétéroclite de planètes et de
petits corps qui l’entourent ? Pendant plus de deux siècles, les scientifiques
ont avancé différentes théories, mais une nouvelle idée, l’accrétion de
cailloux, promet désormais de résoudre les questions restées sans réponse.
chronologie
1734 1755 1796
Emanuel Swedenborg suggère Emmanuel Kant propose l’idée Laplace avance sa propre
que les planètes se forment que le Soleil et les planètes version de l’hypothèse
par effondrement de nuages se condensent ensemble à de la nébuleuse en décrivant les
de gaz éjectés par le Soleil. partir d’une nébuleuse initiale. processus physiques à l’œuvre.
La formation du Système solaire 17
»
chée à l’atmosphère solaire au passage d’une étoile ?
Qu’elles aient été créées à partir de matière capturée de continuer…
par le Soleil auprès d’une autre étoile ? Ou qu’elles
aient été détachées d’un nuage de « protoplanètes »
y poseront le pied.
dans l’espace extérieur ? Emmanuel Kant
Il fallut attendre les années 1970 pour que les astronomes reprennent à leur
compte l’hypothèse de la nébuleuse, en grande partie grâce aux travaux de l’as-
tronome soviétique Viktor Safronov. Les nouveaux éléments alors introduits
dans la théorie permettaient aux planètes de se former à partir d’un disque
protoplanétaire bien moins massif, réduisant ainsi la nécessité d’un Soleil en
rotation rapide. La clé du modèle de disque de nébuleuse solaire de Safronov
était le concept d’accrétion par collision, un processus dans lequel des objets
individuels se développent par une succession de collisions et de fusions à
partir de grains de poussière, jusqu’à des protoplanètes de la taille de Mars.
Loin de l’étoile, il fait plus froid. Les matériaux volatiles restent congelés et le
gaz a tendance à persister, ce qui laisse beaucoup de matériaux pour construire
des planètes. Le processus de formation de planète s’y déroule plus ou moins
de la même manière, mais à beaucoup plus grande échelle, ce qui conduit à
des planètes dotées de gros noyaux solides attirant ensuite le gaz alentour et
se nimbant d’une atmosphère dense, riche en hydrogène. Sur les bords exté-
rieurs de la région où se forment les planètes, la matière est trop dispersée
pour former de grands individus, seule peut se constituer une proto-ceinture
de Kuiper de planétésimaux nains et faits de glaces.
Safronov. Les scientifiques ont également réalisé qu’il y avait une lacune dans la
chaîne de croissance : à petite échelle, les grains de poussière peuvent s’assembler
sous l’effet des minuscules charges d’électricité statique qu’ils emportent, tandis
que les objets de grande taille peuvent s’agglomérer par attraction gravitationnelle
mutuelle. Mais qu’en est-il des objets de taille intermédiaire, celle d’un rocher par
exemple ? Ces problèmes trouveraient une solution dans le cadre d’une remar-
quable nouvelle théorie, l’accrétion de cailloux (voir l’encadré ci-dessous), qui
implique la coalescence simultanée d’un grand nombre de petits objets.
Accrétion de cailloux
Les planétologues ont récemment mis au point formation du Soleil, ces amoncellements ont
une nouvelle théorie pour expliquer plusieurs suffisamment grandi pour devenir gravitation-
mystères restés en suspens dans la formation nellement instables, s’effondrant en quelques
planétaire : comment la croissance des corps années, voire en quelques mois, pour former
par accrétion a pu franchir la limite entre petite des planétésimaux de la taille de Pluton. La
et grande taille, comment les planètes géantes gravité de ces derniers a alors rapidement
gazeuses ont vu leur noyau s’accroître suffi- attiré les cailloux restants alentour, ne laissant
samment vite pour retenir un gaz disparaissant subsister que quelques dizaines de planétési-
rapidement, pourquoi les planètes telluriques maux de la taille de Mars. Les planètes géantes
(similaires à la Terre) semblent s’être formées ont ainsi été très tôt en mesure d’amasser leurs
à des époques aussi différentes ? La théorie enveloppes de gaz et de glaces, alors que Mars
de l’accrétion de cailloux avance l’hypothèse avait déjà achevé sa croissance. Seules les plus
que le Système solaire primitif a rapidement grandes des planètes telluriques, la Terre et
créé d’énormes entassements de petits frag- Vénus, nécessitèrent, au cours des cent mil-
ments solides, freinés et regroupés par leurs lions d’années suivantes, une phase finale de
déplacements à travers le gaz environnant. En collisions de type Safronov pour atteindre leur
seulement quelques millions d’années après la taille actuelle.
L’idée clé
La croissance des planètes
se fait par le regroupement
de petits objets
20 50 clés pour comprendre l’Univers
05 L es migrations
planétaires
Encore récemment, la plupart des astronomes croyaient que les planètes de
notre Système solaire avaient suivi les mêmes orbites stables tout au long
de leur histoire. Mais de nouvelles avancées en matière de modélisation
informatique suggèrent qu’à son début, le Système solaire a vu se dérouler
une formidable partie de flipper à échelle planétaire, dont les répercussions
sont encore visibles aujourd’hui.
Avant la découverte des premières exoplanètes au milieu des années 1990 (voir
page 96), les astronomes avaient tendance à penser que les autres systèmes solaires
seraient plus ou moins semblables au nôtre, avec des planètes ancrées sur des
orbites quasi circulaires autour de leur étoile. Cependant, au moment même où
les deux dernières décennies de recherche astronomique montraient que les sys-
tèmes planétaires sont beaucoup plus variés que prévu, des progrès dans la simu-
lation et la modélisation du modèle de la formation de notre Système solaire par
accrétion collisionnelle ont suggéré que les ingrédients de la formation planétaire
se raréfiaient vers l’orbite de Saturne. Mais alors, comment se sont formées Uranus
et Neptune ? En 2005, dans une démarche visant à répondre (entre autres) à ces
questions, un groupe d’astronomes présenta une nouvelle théorie très remarquée
selon laquelle l’échelonnement des planètes aurait été bouleversé au cours des
premières centaines de millions d’années d’existence de notre Système solaire.
chronologie
1950 1974 2005
L’ouvrage Mondes en Collision Tera, Papanastassiou et Wasserburg Lancement du modèle
d’Immanuel Velikovsky tente découvrent des éléments de preuve Nice par la publication
d’expliquer des événements historiques du grand bombardement tardif dans de trois articles
au moyen d’une théorie pseudo- les échantillons de roches lunaires scientifiques
scientifique de migration planétaire. rapportés lors des missions Apollo. dans la revue Nature.
Les migrations planétaires 21
«
seraient à peu près de la taille des planètes naines d’aujourd’hui.
»
nèrent bientôt à passer près de Jupiter et de Saturne,
deux planètes majeures dont la puissante gravité les
de millions
envoya autour du Soleil sur des trajectoires elliptiques d’années.
bien plus grandes, et fit graviter Neptune au-delà Hal Levison
d’Uranus pour la première fois. C’est sans doute aussi
au cours de cet événement que l’axe de rotation d’Uranus acquit sa remarquable
inclinaison, qui fait que la géante gazeuse pivote couchée sur le flanc, à la manière
d’une balle qui roule, contrairement au mouvement de toupie des autres planètes.
L’idée clé
Les planètes n’ont pas
toujours suivi les mêmes orbites
24 50 clés pour comprendre l’Univers
06 L ’origine
de la Lune
Notre Lune est très différente de la majorité des autres satellites du Système
solaire. Sa très grande taille, comparée à celle de notre propre planète, est le
signe d’une origine peu commune. C’est seulement depuis les années 1980
que la vérité sur cette origine a été éclaircie, même si certaines questions
demeurent sans réponse.
chronologie
1946 1969‑1972 1974
Reginald Daly est le premier Les atterrissages des modules Hartmann et Davis
à suggérer qu’un impact géant habités Apollo apportent sur élaborent un modèle
est à l’origine de la Lune. Terre 382 kg de roches lunaires des origines probables
en vue d’analyses ultérieures. d’un planétoïde impacteur.
L’origine de la Lune 25
portée d’une planète assez petite que d’une géante (et même alors, un seul
gros satellite est connu pour avoir été capturé dans le Système solaire externe :
Triton, la lune de glaces de Neptune).
Dans les années 1970, de nouveaux indices parvinrent enfin sous la forme
d’échantillons de roches rapportés par les missions lunaires Apollo. Ces der-
niers montrèrent que les roches lunaires étaient extrêmement sèches – ce n’est
pas seulement l’eau qui manque dans les couches supérieures de la croûte, mais
également les minéraux hydratés présents sur Terre. S’agissant des éléments
volatils (à bas point de fusion) tels que le potassium, le plomb et le rubidium,
les roches lunaires s’avérèrent aussi très appauvries, par comparaison avec
la Terre et les modèles de la nébuleuse solaire primordiale locale. La Lune se
révéla, à l’inverse, plus riche en oxyde de fer que le manteau de la Terre, bien
que dotée seulement d’un petit noyau de fer.
Modélisation de Théia
Au fur et à mesure que s’accumulaient les que cette explication soit suffisante). De plus,
preuves que la Lune s’était formée à partir de les deux planetoïdes évoluant sur des orbites
matériaux pour l’essentiel semblables à ceux très similaires, l’énergie de la collision aurait
de la Terre, des contraintes de plus en plus été bien plus faible, expliquant peut-être la
sévères ont pesé sur les origines du plané- persistance aujourd’hui de résidus d’éléments
toïde impacteur. Les abondances relatives des volatils dans la Lune.
isotopes à travers la nébuleuse solaire étant
tellement sensibles à leur distance au Soleil
(voir page 18), il est évident que Théia a dû se
former à proximité de la Terre, pour l’essentiel
à partir du même mélange de matériaux. La
gravité de la Terre étant susceptible d’entraver
la formation de tout objet dans son voisinage,
d’où Théia pourrait-elle donc bien provenir ?
Une théorie suggère que Théia s’est formée
en l’un des deux points de Lagrange L4 ou L5
– emplacements attrayants d’un point de vue
gravitationnel sur l’orbite même de la Terre,
mais à 60 degrés en avant ou en arrière de
la plus grande planète, là où l’emprise de
la Terre était amoindrie. C’est là que Théia
aurait pu se développer jusqu’à atteindre
environ 10 % de la masse de la Terre, avant
que la stabilité de son orbite soit finalement
Une simulation par ordinateur modélise
perturbée et qu’elle rejoigne le chemin d’une la formation d’une proto-Lune quelques
inévitable collision. Ce scénario pourrait expli- heures seulement après la collision entre
un planétoïde de la taille de Mars et
quer la similitude des matériaux de base dans une Terre primitive dont la masse serait
les deux mondes (bien que certains doutent d’environ 90 % de sa masse actuelle.
»
4,45 milliards d’années, la Lune s’agglomérant
rapidement dans les heures suivant l’événement. de façon égale entre
Le planétoïde impacteur a même été officieusement
elles deux.
dénommé Théia, d’après le nom de la mère de
Séléné, la déesse de la Lune dans la mythologie de la Edward Young
Grèce antique. Toutefois, d’importantes questions
restent encore sans réponse. Une étude plus approfondie des échantillons
de roches lunaires a montré qu’elles ne sont pas suffisamment dépourvues
d’éléments volatils comme cela devrait être le cas après une collision aussi
violente. En fait, les températures ne semblent pas s’être élevées au-dessus
de 950 °C environ. En parallèle, le dosage des isotopes (atomes d’un même
élément avec des masses différentes, dont les abondances relatives sont des
traceurs ultra-sensibles de l’origine des matériaux de base dans la nébuleuse
solaire) s’est avéré en parfaite adéquation avec celui de la Terre, au point de ne
pas imposer de contribution de Théia.
Différentes théories ont été avancées pour répondre à ces questions, la plus
radicale sans doute supposant que la Terre et la Lune se sont formées simulta-
nément par coalescence à la suite d’une collision initiale entre deux planétoïdes
beaucoup plus grands, chacun d’environ cinq fois la taille de Mars. En 2016,
au même moment, une équipe dirigée par Edward Young, de l’université de
Californie à Los Angeles, a mis en évidence de nouveaux indices basés sur des
comparaisons chimiques en faveur d’une collision entre Théia et la Terre de
type frontal, donc plus apte à homogénéiser leurs compositions respectives.
Il semble clair que la genèse de la Lune – voire celle de la Terre – a été plus
désordonnée et plus complexe que ce qu’avait suggéré l’hypothèse du simple
impact géant.
L’idée clé
Notre satellite est né d’une
collision interplanétaire
28 50 clés pour comprendre l’Univers
07 D
e l’eau sur Mars
Une succession de découvertes a transformé notre vision de Mars, la célèbre
planète rouge. Juste au-dessous de sa surface, longtemps considérée comme
un désert aride et froid, il est aujourd’hui établi que se cache de l’eau à
profusion sous forme de glace, mais aussi à l’état liquide. De plus, de temps
en temps, il est possible que de l’eau devienne bien plus répandue.
Les astronomes sont fascinés par la possibilité que de l’eau coule à la surface de
Mars depuis que l’Italien Giovanni Schiaparelli a déclaré, en 1877, percevoir des
chenaux étroits (canali) reliant les zones plus sombres de sa surface. Interprétés
à tort dans le monde anglophone comme étant des canaux artificiels, des che-
naux similaires furent signalés par bien d’autres observateurs, suscitant une
vague de suppositions sur la possibilité d’une forme intelligente de vie sur
Mars. Même lorsque des observations de meilleure qualité menées au début
des années 1900, avec de meilleurs instruments, montrèrent que les canaux
n’étaient rien d’autre qu’une illusion d’optique, la croyance que Mars était un
monde accueillant, avec une atmosphère assez dense et de l’eau en surface,
subsista pendant une bonne partie du xxe siècle. La vérité n’éclata qu’au milieu
des années 1960, lors des survols de la planète par les sondes spatiales Mariner
de la NASA : l’atmosphère ténue de Mars ne laissait entrevoir qu’un monde de
cratères, froid et d’aspect lunaire, saupoudré à l’infini de poussière rouge.
chronologie
1877 1965 1972
Giovanni Schiaparelli Mariner 4 devient le premier Mariner 9 découvre à la
annonce à tort l’existence vaisseau spatial à survoler Mars, surface de Mars des preuves
de chenaux d’eau sur Mars. en renvoyant des images qui d’inondations passées et
suggèrent un monde aride et mort. de cours d’eau asséchés.
De l’eau sur Mars 29
»
être humide. Mais qu’en est-il aujourd’hui ? Alors
qu’au milieu des années 1970, les modules orbiteurs de l’eau liquide à la
des missions Viking renforçaient les preuves de pré- surface de Mars.
sence d’eau dans le passé martien et que les modules
atterrisseurs découvraient des indices montrant que, Michael Mayer,
dans un passé lointain, les roches en surface avaient NASA, 2015
été exposées à de l’humidité, voire submergées, il n’y
avait que très peu de preuves d’une présence d’eau dans le présent, mis à part
celle éventuellement congelée dans les calottes polaires martiennes.
Réchauffement climatique ?
Des preuves récentes provenant de sondes comme s’échappant de la fonte de glaces
spatiales suggèrent que le climat de Mars souterraines. Bien qu’à courte durée de vie
pourrait passer sous nos yeux de froid et sec à dans l’atmosphère, le méthane est un gaz
plus chaud et plus humide. Les comparaisons à effet de serre efficace et pourrait ainsi agir
entre les températures moyennes globales pour accélérer le taux de réchauffement.
mesurées par les orbiteurs Viking au cours
des années 1970 et celles enregistrées au
milieu des années 2000 montrent une éléva-
tion de 0,5 °C sur trois décennies, coïncidant
avec une rétraction des glaces au niveau des
calottes polaires (voir photo ci-contre). Un
agent important de ce réchauffement clima-
tique apparent pourrait être l’émission d’im-
menses panaches de méthane, découverts en
2009 au-dessus des zones les plus chaudes
de la planète, panaches qui sont considérés 1999 2001
L’idée clé
Mars est peut-être
un désert, mais il n’est pas
d’une extrême aridité
32 50 clés pour comprendre l’Univers
08 G
éantes de gaz et
géantes de glaces
Les astronomes ont récemment découvert qu’il existe deux types de planète
géante dans le Système solaire externe : les géantes de gaz, Jupiter et Saturne,
énormes et de faible densité, et les géantes de glaces, Uranus et Neptune,
plus petites et plus denses. Mais, précisément, comment ces planètes se
sont-elles formées et pourquoi les deux types sont-ils si différents ?
Jusqu’aux années 1990, les termes « géante gazeuse » et « planète géante »
étaient synonymes. Les plus grandes planètes du Système solaire étaient toutes
supposées avoir une structure similaire, avec un noyau solide (peut-être d’une
taille comparable à celle de la Terre) entouré d’une atmosphère épaisse com-
posée principalement d’éléments légers, hydrogène et hélium. On estimait alors
que les couleurs distinctives remarquées dans la haute atmosphère des planètes
géantes étaient dues à d’assez petites quantités d’autres composés chimiques,
tandis que la pression croissante régnant à 1 000 kilomètres et plus sous la sur-
face visible transformait les éléments gazeux en un océan d’hydrogène liquide.
chronologie
1665 1690 1781 1846
Jean-Dominique Cassini mesure des vitesses William Herschel Johann Galle
Cassini fait la de rotation variables de découvre Uranus, découvre Neptune,
première observation traits distinctifs de Jupiter, la première nouvelle à la suite d’une
de la grande tache prouvant qu’il ne s’agit pas planète dans prédiction d’Urbain
rouge de Jupiter. d’un corps solide. le Système solaire. Le Verrier.
Géantes de gaz et géantes de glaces 33
»
milliers de kilomètres, les couches extérieures riches
en hydrogène laissent place à un manteau constitué
réactions chimiques
de composés relativement lourds – pour l’essentiel de à l’œuvre.
l’eau, de l’ammoniac et du méthane. Donc, bien que Laura Robin Benedetti
l’hydrogène et l’hélium représentent plus de 90 %
de la masse de Jupiter et de Saturne, ces
deux éléments ne constituent que 20 % STRUCTURE DES GÉANTES
de la masse d’Uranus et de Neptune. GAZEUSES
Noyau solide
Ce serait cependant une erreur de consi-
Couche d’hydrogène
dérer les géantes de glaces, en dépit de métallique liquide
leur nom, comme des globes surgelés
faits de matière solide. Le terme de glaces Couche d’hydrogène
est en fait le raccourci que les planétolo- moléculaire liquide
gues utilisent pour désigner un mélange
Atmosphère riche
de composés volatils – eau, méthane en hydrogène
et ammoniac – qui forment un océan
liquide tourbillonnant sous une atmos-
phère extérieure d’hydrogène. On estime
STUCTURE DES GÉANTES
que la circulation de courants électriques DE GLACES
de faible intensité dans cette zone du
Noyau solide
manteau des géantes de glaces explique
les singularités de leur magnétisme. Manteau fait d’une
gadoue gelée de
composés chimiques
L’origine des géantes Toutefois,
Atmosphère épaisse
comprendre comment ces étranges comprimée en
planètes intermédiaires se sont formées hydrogène liquide
reste une énigme pour les planétologues. Haute atmosphère
Le modèle traditionnel de formation riche en hydrogène
planétaire par accrétion (voir page 17)
éprouve des difficultés à constituer quoi que ce soit si loin dans le Système solaire
(Uranus est en orbite à environ 19 UA du Soleil, Neptune à environ 30 UA). Le
problème est que les planétésimaux (phase intermédiaire de taille moyenne dans
la formation planétaire) qui seraient en orbite aussi loin du Soleil n’auraient
besoin que d’un petit coup de gravité pour être complètement éjectés du Système
solaire. L’effet de la gravité de Jupiter et de Saturne, en orbite plus près du Soleil,
ferait qu’il serait plus facile pour de tels planétésimaux d’être éjectés que de
s’agglutiner en nombre par collision.
Une éventuelle solution serait de s’en remettre au modèle de formation par insta-
bilité de disque, dans lequel les planètes géantes ne se développent pas par accré-
tion, mais résultent de l’effondrement très soudain de remous à grande échelle
dans la nébuleuse solaire. Selon les promoteurs d’un tel modèle, une planète pour-
rait ainsi se former en moins de mille ans. Une solution alternative serait l’idée
que toutes les géantes se seraient formées dans des conditions plus stables plus
près du Soleil, Uranus et Neptune passant ensuite par une période de change-
ment orbital qui les aurait fait migrer vers leurs orbites actuelles (voir page 20 les
bases du modèle de Nice de migration planétaire). Dans ce contexte, de nouveaux
modèles montrent que leurs noyaux auraient pu se former assez vite par accrétion
de cailloux (voir page 19). En moins de dix millions d’années, ces mêmes noyaux
auraient pu exercer une gravité suffisante pour soutirer assez de gaz avant que ce
dernier ne soit balayé au loin par un jeune Soleil en train de se renforcer.
Aucun modèle ne propose pourtant d’explication satisfaisante aux différences
entre géantes de gaz et géantes de glaces. Pour y parvenir, les planétologues
ont avancé différents mécanismes : par exemple, dans le cadre du modèle de
formation par instabilité de disque, ils émettent l’hypothèse que toutes les
planètes géantes se sont formées encore plus gigantesques, avant de perdre la
plus grande partie de leurs couches atmosphériques sous les assauts du féroce
rayonnement ultraviolet que produisent d’autres étoiles proches (un processus
dénommé photo-évaporation qui a été vu autour d’étoiles nouvellement for-
mées aujourd’hui ; voir page 84). Jupiter et Saturne, plus massives, étaient plus
en mesure de résister à cette épreuve et conservaient donc davantage d’hydro-
gène, tandis qu’Uranus et Neptune en avaient été largement dépouillées.
Une étude récente portant sur l’accrétion de cailloux suggère une autre possibi-
lité, dans laquelle une petite différence initiale entre noyaux planétaires en phase
de croissance aboutit à une grande différence entre les planètes créées. Ce modèle
de « seuil de masse » suggère l’idée que la croissance rapide de noyaux planétaires
par accrétion de cailloux – dont les tailles sont de l’ordre du centimètre – génère
une quantité de chaleur qui entrave la chute de gaz sur le noyau. Toutefois,
pour peu que le noyau atteigne un certain seuil de masse, sa gravité ouvre une
séparation dans le disque de cailloux en orbite autour de lui, interrompant le
processus d’accrétion. Le noyau, qui commence à refroidir, accumule rapidement
Géantes de gaz et géantes de glaces 35
le gaz qu’il peut à nouveau soutirer dans son environnement proche, devenant
ainsi une géante de gaz. Les géantes de glaces, quant à elles, sont des planètes
dont les noyaux – qui se sont formés un peu plus à la périphérie de la nébuleuse
protoplanétaire – n’ont jamais atteint le seuil de masse, ou l’ont du moins atteint
trop tard pour fixer une bonne partie d’un hydrogène primitif en voie de dis-
parition rapide. Elles préservent donc une composition qui tient beaucoup aux
cailloux de glaces primitifs de la nébuleuse solaire extérieure.
L’idée clé
Les planètes géantes de gaz
et de glaces ont des
compositions très différentes
36 50 clés pour comprendre l’Univers
09 L es lunes-océan
Chacune des planètes géantes du Système solaire externe est entourée
d’une grande famille de satellites de glaces dont beaucoup se sont formés
en même temps et à partir des mêmes matériaux que les planètes elles-
mêmes. Mais il y a de plus en plus de preuves que plusieurs de ces lunes ne
sont pas aussi profondément gelées qu’elles semblent l’être à première vue.
Les plus grandes lunes du Système solaire externe furent découvertes dans la
foulée de l’invention des lunettes et télescopes, au début du xviie siècle – les
quatre grands satellites de Jupiter en 1610 et Titan, la lune géante de Saturne,
en 1655. Par la suite, de nombreuses autres lunes furent identifiées autour de
ces deux planètes, tandis qu’Uranus et Neptune s’avéraient également entou-
rées de leurs propres familles de satellites. La nature de ces lunes resta toutefois
inconnue jusqu’au milieu du xxe siècle, quand des télescopes terrestres perfec-
tionnés découvrirent par spectroscopie (voir page 60) que la surface de beau-
coup d’entre elles était faite de glace d’eau. En règle générale, la proportion de
roche dans les lunes diminue avec la distance du Soleil, mais les glaces restent
les éléments majeurs de presque tous les principaux satellites, ce qui est tout
à fait prévisible dans la mesure où tous ces objets se sont formés au-delà de la
ligne de gel du Système solaire primordial, dans une région où les glaces étaient
les plus abondants des éléments de base de la formation planétaire.
chronologie
1971 1979
Lewis fait valoir que certaines lunes Peale propose le processus de chauffage
peuvent être suffisamment chauffées par par effet de marée comme un mécanisme
désintégration radioactive pour maintenir pouvant entraîner une activité géologique
des océans liquides sous une croûte glacée. sur les plus grandes lunes de Jupiter.
Les lunes-océan 37
semblait toutefois très différente, sans aucune trace d’eau dans sa composition.
Elle présentait un problème patent et tout au long des années 1970, les
«
spécialistes s’efforcèrent de trouver la cause de cette différence frappante.
»
des lunes joviennes –, une explication audacieuse
des particularités d’Io fut divulguée. Stanton Peale, pas de vous y
de l’université de Californie à Santa Barbara, soute- poser.
nait, avec deux collègues de la NASA, que Jupiter, par
le truchement de sa puissante gravité, échauffe par Arthur C. Clarke,
effet de marée ses satellites les plus proches. Même 2010 : Odyssée deux
si elles évoluent sur des orbites quasi circulaires, les
lunes intérieures (notamment Io et Europe) restent sujettes à de légères différences
de distance qui provoquent des contractions à chaque orbite. Ces dernières pro-
duisent, au sein de leurs roches, des phénomènes de friction qui les échauffent
bien plus que ne pourraient le faire les seules désintégrations radioactives.
Plus important encore, Peale suggéra l’idée que la surface d’Io devrait montrer
des signes d’activité volcanique, une prédiction confirmée par Voyager 1 qui
renvoya des photos de flux de lave et un énorme panache de composés soufrés
fondus, projetés dans l’espace au-dessus de la lune. Il semble évident que toute
l’eau qu’Io aurait pu contenir autrefois se serait évaporée depuis longtemps.
Les panaches d’Encelade Encelade, une lune bien plus petite, fut
néanmoins, contre toute attente, le clou de la mission Cassini. Avec un diamètre de
seulement 504 kilomètres, ce satellite possède l’une des surfaces les plus brillantes
du Système solaire dont l’apparence, si l’on en croit la poignée de photos prises par
les sondes Voyager, est celle d’un paysage couvert de neige fraîche. La surprise fut
pourtant de taille lorsque Cassini, au cours de l’un de ses premiers survols, traversa
un grand panache de cristaux de glace d’eau jaillissant non loin du pôle sud de la
lune. Certains des contenus du panache s’échappent dans l’espace où ils forment
un anneau ténu autour de Saturne, la plupart retombant sur Encelade lui-même.
Cryovolcanisme
Encelade et Europe sont peut-être les seuls liquide – même avec un processus de chauf-
globes où le processus de chauffage par effet fage par effet de marée moins efficace –, suffi-
de marée suffit à faire fondre de la glace d’eau samment également pour qu’elle se vaporise
pure, mais bon nombre des autres lunes-océan sous forme de panaches à l’aspect de geyser,
du Système solaire externe peuvent devoir leur comme ceux vus sur Encelade. De plus, un
environnement liquide à la présence d’autres mélange ammoniaque-eau conservant un
produits chimiques. On sait aujourd’hui que aspect de neige mouillée sur une gamme de
la présence de sel dans les océans terrestres température beaucoup plus étendue, les pla-
abaisse le point de congélation à environ nétologues estiment qu’à l’instar du magma
– 2 °C, et il semble bien établi que de nom- volcanique sur Terre, cette mixture a été en
breux océans souterrains extraterrestres mesure de s’épancher à travers des fissures et
sont tout aussi salés que ceux de la Terre. de ragréer des zones entières de nombreuses
Cependant, la présence d’ammoniaque a un lunes. Un tel « cryovolcanisme » pourrait être
effet encore plus spectaculaire : elle abaisse à l’œuvre aujourd’hui encore sur des astres
le point de congélation de plusieurs dizaines tels que Titan, Pluton et Triton, un des satel-
de degrés, suffisamment pour que l’eau reste lites de Neptune.
Plus d’une centaine de panaches distincts furent identifiés, dont beaucoup jail-
lissent le long de structures à l’allure de faille, dénommées rayures de tigre. Il s’agit
de points faibles de la croûte où des fissures permettent à l’eau liquide salée des
sous-sols de s’évaporer dans l’espace. La cause en serait une fois de plus le processus
de chauffage par effet de marée ; en l’occurrence, il trouve son origine dans le fait
que l’attraction de Dioné, la lune voisine, force l’ellipticité de l’orbite d’Encelade.
Contrairement à Europe, les conditions semblent réunies sur Encelade pour qu’il y
ait de l’eau au voisinage immédiat de la surface, faisant de cette lune l’un des sites
les plus prometteurs de notre Système solaire pour rechercher des formes de vie.
L’idée clé
Plusieurs lunes du Système
solaire externe dissimulent
de profonds océans
40 50 clés pour comprendre l’Univers
10 L es planètes naines
Reconnues récemment comme une classe distincte d’objets célestes, les
planètes naines de notre Système solaire semblent être l’un des territoires les
plus excitants et les plus surprenants pour l’exploration planétaire. Deux d’entre
elles en particulier – Cérès et Pluton – ont reçu la visite de sondes spatiales.
chronologie
1801 1930 2005
Giuseppe Piazzi découvre Clyde Tombaugh découvre Pluton, Des astronomes découvrent
Cérès, le premier astéroïde le premier objet de la ceinture Éris, un objet de taille similaire
et la planète naine la plus de Kuiper. Il est initialement classé à Pluton, évoluant au-delà
proche du Soleil. comme une planète. de la ceinture de Kuiper.
Les planètes naines 41
anglais) faisait déjà route de Vesta vers Cérès, des astronomes, en utilisant l’ob-
servatoire spatial infrarouge Herschel, détectèrent autour de la planète naine une
mince atmosphère de vapeur d’eau et déterminèrent que cette dernière était
renouvelée par un certain mécanisme d’émission à partir de la surface – le plus
probable étant la sublimation des glaces de surface directement en gaz. Alors
que Dawn s’approchait de Cérès début 2015, la sonde dévoila le plus gros des
astéroïdes avec un luxe de détails sans précédent. Sa surface est assez lisse, avec
un certain nombre de cratères au relief émoussé, suggérant ainsi que Cérès pos-
sède une croûte malléable, riche en glace d’eau, qui se « détend » au fil du temps
pour niveler les surélévations comme les dépressions de sa surface.
Dans les années 1990 et 2000, les premières tentatives de cartographie de Pluton
furent menées avec le télescope spatial Hubble dans le but de surveiller les suc-
cessions d’éclipses mutuelles entre Pluton et sa lune géante Charon. Il ne fut
pas possible de résoudre directement les caractéristiques de surface, mais l’étude
des variations de luminosité et de couleur quand chacun des deux globes mas-
«
quait une partie de la lumière de l’autre, a révélé de
forts contrastes d’éclat et de teinte de surface. Les
planétologues ont ainsi identifié de grandes taches Ce monde est
rouge foncé qu’ils supposent dues à des tholins, actif. Il a une météo,
des molécules d’hydrocarbures complexes formées il a des nuages dans
par le méthane dans la mince atmosphère avant de son atmosphere,
»
retomber à la surface.
il a une géologie
La plus grande surprise du rendez-vous avec New dynamique.
Horizons fut la variété des terrains de Pluton, non
seulement au niveau des couleurs, mais aussi de la Alan Stern,
géologie globale. Alors que la surface de Cérès est d’un investigateur principal
aspect assez uniforme, celle de Pluton présente des de la mission New Horizons
différences frappantes qui dénotent un passé géolo-
gique turbulent, voire un présent lui aussi actif. La région Tombaugh, une région
claire en forme de cœur, dévoile une surface lisse avec très peu de cratères, elle est
donc considérée comme relativement jeune (peut-être cent millions d’années).
Elle semble couverte par une grosse épaisseur de glace d’azote, et présente des
caractéristiques dénotant sans doute le travail des glaciers. En revanche, la région
Cthulhu, plus sombre, apparaît accidentée et fortement cratérisée ; elle signale les
zones de tholins identifiées dans les images du télescope spatial Hubble.
Ailleurs, les planétologues ont trouvé des traces d’éruptions de gaz à l’allure
de geysers, le long de deux montagnes très élevées (altitude d’environ 5 kilo-
mètres) faites de glace d’eau. De profondes dépressions centrales (ou calderas)
suggèrent que ces deux sommets, le mont Wright et le mont Piccard, sont des
cryovolcans (voir page 39). Si l’hypothèse se confirme, ce serait de loin les plus
grands spécimens jamais découverts dans le Système solaire externe.
L’idée clé
Les petits mondes du
Système solaire peuvent être
étonnamment complexes
44 50 clés pour comprendre l’Univers
11 A
stéroïdes
et comètes
Les astronomes partagent généralement les corps célestes plus petits qui
gravitent entre les planètes en fonction de leur composition : les astéroïdes
rocheux d’un côté, et les comètes de glaces de l’autre, bien que la distinction
soit un peu floue. Ils peuvent également les classer en fonction des zones
orbitales dans lesquelles ils évoluent. Ils distinguent ainsi les groupes
d’astéroïdes, les centaures de glaces, les comètes à longue et à courte période,
les objets relevant de la ceinture de Kuiper et ceux du disque des objets épars.
Il y a environ 4,6 milliards d’années, après la formation du Système solaire,
d’importantes quantités de matériau restaient en orbite entre les planètes et
au-delà. L’influence gravitationnelle de Jupiter provoqua l’arrêt brutal de la
croissance de Mars et débarrassa son voisinage orbital d’ingrédients de forma-
tion planétaire (voir page 23). N’a subsisté qu’un anneau clairsemé de débris
rocheux, qui forme la ceinture d’astéroïdes actuelle.
chronologie
1705 1801 1866 1866
Edmond Halley prédit Piazzi découvre Kirkwood identifie des lacunes Schiaparelli relie
que la comète qui porte Cérès, le premier dans la ceinture d’astéroïdes, les pluies d’étoiles
son nom gravite sur une et le plus grand confirmant que les orbites des filantes aux orbites
orbite qu’elle boucle astéroïde. astéroïdes peuvent évoluer des comètes.
en 76 ans. avec le temps.
Astéroïdes et comètes 45
»
corps le plus proche de l’orbite terrestre, mais c’est
aussi le seul à avoir été trouvé par hasard. Après bien plus qu’une
la découverte d’Uranus en 1781, de nombreux comète.
astronomes accordèrent du crédit à une relation
empirique, la loi de Bode, qui semblait expliquer Giuseppe Piazzi
l’échelonnement des orbites planétaires et prédisait
une planète « manquante » entre Mars et Jupiter. En 1801, l’astronome italien
Giuseppe Piazzi découvrit Cérès, le plus grand et le plus brillant des astéroïdes
gravitant dans cette région, une découverte bientôt suivie de beaucoup d’autres.
En 1866, les astronomes avaient reconnu assez d’astéroïdes pour que l’améri-
cain Daniel Kirkwood identifie un certain nombre de lacunes dans la ceinture
d’astéroïdes. Ces vides se produisent lorsque l’orbite de n’importe quel astéroïde
à l’intérieur de la ceinture entre en résonnance avec celle de Jupiter. L’astéroïde
est alors vite expulsé sur une trajectoire plus elliptique. En 1898, l’astronome
allemand Gustav Witt découvrit le premier objet ainsi refoulé de la ceinture,
433 Éros, un astéroïde dit géocroiseur (gravitant à proximité de la Terre). Plusieurs
catégories d’objets de ce type sont désormais reconnues et leur relation avec
l’orbite terrestre est étroitement surveillée en raison de menaces potentielles.
son orbite encore davantage. Certaines comètes finissent plutôt sur des orbites
semblables à celles des astéroïdes, avec des périodes orbitales d’à peine quelques
années, perdant rapidement les glaces qui leur restent, jusqu’à ce que ne sub-
siste qu’un noyau noir et desséché, indiscernable d’un astéroïde.
à envisager l’existence d’un réservoir de comètes très lointain afin d’apporter une
explication au fait que les comètes à longue période abordent le Système solaire
interne en provenant de toutes les directions. En 1950, le Néerlandais Jan Oort
avança indépendamment une hypothèse similaire pour expliquer comment les
comètes avaient pu subsister depuis le début du Système solaire sans disparaître,
après avoir entièrement perdu toutes les glaces dont elles sont constituées.
En revanche, après de la découverte de Pluton en 1930, de nombreux astronomes
proposèrent l’existence de la ceinture de Kuiper. C’est par un hasard de l’histoire
que le nom de l’astronome néerlando-américain Gerard Kuiper lui fut attaché,
après que ce dernier ait publié, en 1951, un article proposant qu’une telle cein-
ture ait existé dans les premiers jours du Système solaire. Contrairement au
nuage d’Oort, dont la réalité tient à divers éléments de preuve, l’existence de la
ceinture de Kuiper n’a été confirmée qu’à la suite de la découverte de 1992 QB1,
avec le télescope spatial Hubble, le premier des nombreux nouveaux objets iden-
tifiés dans la partie du Système solaire qui s’étend au-delà de l’orbite de Neptune.
L’idée clé
Les comètes et les astéroïdes
sont les débris de notre
Système solaire
48 50 clés pour comprendre l’Univers
12 D
e la vie dans le
Système solaire ?
Se pourrait-il que des formes de vie primitives, voire relativement avancées,
soient en attente de découverte sur l’un ou l’autre des myriades de mondes
de notre Système solaire ? De récentes découvertes ont mis à jour une variété
inattendue d’habitats potentiellement viables, mais également le fait que la
vie elle-même serait bien plus robuste qu’on ne le pensait auparavant.
Depuis l’Antiquité, les hommes ont spéculé sur les perspectives de vie dans les
autres mondes de notre Système solaire, mais jusqu’à la fin du xixe siècle, alors
que le compte-rendu de Giovanni Schiaparelli sur les canaux de Mars (voir
page 28) inspirait la première étude scientifique de ce sujet, la vie extraterrestre
restait en grande partie le domaine des satiristes et des conteurs. Par analogie
avec la Terre, de nombreux astronomes étaient prêts à accepter que Vénus soit
une planète humide et tropicale sous ses nuages, et que Mars, plus froide et
aride, soit encore en mesure d’héberger une vie végétale primitive, voire les
créatures extraterrestres intelligentes imaginées par Percival Lowell.
Cependant, dès le début du xxe siècle, les perspectives de vie subirent une série
de revers spectaculaires. En 1926, l’astronome américain Walter Adams montra
que l’atmosphère martienne était presque entièrement dépourvue d’oxygène
et de vapeur d’eau, tandis que Bernard Lyot établit en 1929 qu’elle était consi-
dérablement plus ténue que celle de la Terre. Prises ensemble, ces découvertes
révélaient un monde des plus arides, à la surface duquel les températures ne
dépassaient que rarement le point de fusion de la glace d’eau. Au cours des
années 1960, les survols de sondes spatiales apportèrent un coup d’arrêt défi-
nitif aux espoirs de vie sur Mars. Les premières explorations spatiales de Vénus
transmirent des informations tout aussi sombres : la surface avait tout d’un four
toxique qui détruisit en quelques minutes des atterrisseurs lourdement blindés.
Les espoirs de vie dans le Système solaire (et au-delà) resurgirent à la suite de
deux afflux distincts de découverte, qui se sont rapidement fortifiés l’un l’autre
chronologie
1977 1977 1979
Les océanographes Carl Woese identifie La découverte du processus
découvrent sur Terre des un troisième domaine de chauffage par effet de marée
écosystèmes florissants du vivant, celui des archées, accroît les possibilités de
autour de cheminées qui comprend de nombreux rencontrer de l’eau liquide sur les
volcaniques sous-marines. organismes extrémophiles. lunes du Système solaire externe.
De la vie dans le Système solaire ? 49
depuis les années 1970. Des missions spatiales vers les planètes lointaines
confirmèrent que d’immenses nappes d’eau liquide pouvant convenir au déve-
loppement de la vie se dissimulaient contre toute attente au sein de certains
planétoïdes (surtout les lunes Europe et Encelade – voir chapitre 9), tandis que
des études plus approfondies montrèrent que Mars n’était peut-être pas une
«
planète si aride qu’on imaginait auparavant (voir chapitre 7).
»
commencèrent en 1977, lorsque les océanographes indications de vie
utilisant le submersible Alvin mirent en évidence
d’abondantes formes de vie au voisinage de
hors de la Terre.
cheminées volcaniques présentes en eau profonde Ellen Stofan
sur le plancher de l’océan Pacifique. Sans lumière
solaire pour stimuler la photosynthèse (un processus
Scientifique en chef de la NASA, 2015
habituellement à la base de la chaîne alimentaire
sur les continents comme dans les océans),
ces formes de vie ont plutôt développé un écosystème fondé sur des micro-
organismes prospérant à des températures proches de l’ébullition et assimilant
des composés soufrés volcaniques. Ces bactéries existent dans les boyaux de
longs vers tubicoles et contribuent au bout du compte à la subsistance d’autres
créatures telles que les poissons et les crustacés qui se sont retrouvés isolés sur
ces points chauds nichés dans les profondeurs glaciales des océans.
À la fin des années 1970, le microbiologiste américain Carl Woese fit la décou-
verte remarquable, en étudiant l’ADN des micro-organismes attachés à ces che-
minées volcaniques sous-marines, qu’il ne s’agissait pas simplement de bactéries
adaptées, mais plutôt des membres d’un domaine à part entière de la classifica-
tion du vivant, à savoir celui des archées. Caractérisées par des processus uniques
dans leur métabolisme cellulaire, les archées se retrouvent d’une manière surpre-
nante dans une grande variété de biotopes tels que l’eau des océans, le sol et la
flore intestinale. Plus important encore pour la recherche de vie extraterrestre,
des archées extrémophiles spécialisées prospèrent aussi dans une vaste gamme
d’environnements hostiles – pas uniquement à basse et haute température, mais
aussi dans les conditions les plus arides, salées, acides, alcalines, voire toxiques.
Les affinités évolutives des archées sont encore incertaines : elles partagent des
caractéristiques avec les membres des deux grands autres domaines du monde
vivant, les bactéries et les eucaryotes multicellulaires. Certains experts pensent
qu’elles pourraient être la forme de vie la plus ancienne sur Terre, augmentant
la probabilité qu’elles se soient développées dans ce que l’on pourrait considérer
aujourd’hui comme un environnement extrême. Avant d’atteindre sa compo-
sition actuelle, l’atmosphère terrestre a certainement subi des changements
majeurs, certains d’entre eux ayant été influencés par l’apparition et l’évolution
de la vie elle-même. Il est certain que les conditions dans lesquelles les premiers
organismes ont évolué seraient hostiles à la grande majorité de la vie d’au-
jourd’hui. Du point de vue des archées, c’est nous qui sommes les extrémophiles.
Panspermie
La possibilité que la vie ait pu être ense- suggéra que des microbes pourraient se
mencée depuis l’espace est une idée certes propager à travers l’espace, entraînés par la
ancienne, mais elle est devenue populaire pression de la lumière des étoiles.
au xixe siècle, quand les scientifiques se Plus récemment, les études sur les bactéries
sont rendu compte que des matériaux tom- et les archées extrémophiles ont montré que
baient régulièrement sur Terre sous forme de des micro-organismes peuvent survivre dans
météorites. En 1834, le chimiste suédois Jöns l’espace pendant des temps assez longs (en
Jakob Berzelius discerna pour la première fois particulier s’ils sont confinés à l’intérieur de
la présence de carbone dans une météorite, météorites). La découverte de météorites
et plus tard, les scientifiques observèrent ce provenant à la fois de la Lune et de Mars a
qu’ils pensaient être des traces de bactéries ravivé l’intérêt pour des idées avançant que
fossilisées dans les météorites carbonées. En des formes de vie pourraient être transférées
1903, un autre Suédois, Svante Arrhenius, d’une planète à l’autre du Système solaire.
De la vie dans le Système solaire ? 51
Microfossiles martiens ?
En 1996, une équipe de chercheurs de la son arrivée sur
NASA fit la une des journaux en affirmant que Terre, un groupe
la météorite d’origine martienne, cataloguée démontra que
ALH 84001, contenait d’anciennes traces de ces mêmes molé
vie. À côté de molécules biogéniques, qui sur cules pouvaient
Terre seraient considérées comme résultant se former sans
du travail d’organismes vivants, l’équipe a nécessiter une
trouvé de minuscules structures tubulaires quelconque forme de vie. Les microfossiles
évoquant des bactéries fossilisées (voir photo présumés, quant à eux, sont plus petits que
ci-contre). En dépit de l’enthousiasme suscité n’importe quel micro-organisme terrestre
à l’époque, d’autres scientifiques exprimèrent reconnu. Avec tant de questions soulevées,
rapidement des réserves. Alors que certains se il faudra s’en remettre à de nouvelles décou-
demandaient si des molécules biogéniques vertes pour apporter la preuve définitive d’une
avaient pu s’introduire dans la météorite après forme de vie sur Mars.
Les deux vaisseaux spatiaux seraient des orbiteurs ; dans le cas d’Encelade, il serait
aussi envisageable de détecter des signatures de vie dans le matériau éjecté dans
les célèbres panaches de glaces de cette lune.
Toute recherche robotique d’une forme de vie a une portée inévitablement limitée
si on la compare à ce qui pourrait être atteint in situ par d’authentiques géologues
ou biologistes, de sorte qu’un verdict final sur la vie dans le Système solaire pour-
rait finalement devoir attendre l’exploration humaine. L’identification des météo-
rites réputées provenir de Mars (et éventuellement d’autres objets célestes) ouvre la
possibilité d’obtenir une réponse plus rapide, mais comme l’a montré la polémique
sur les « microfossiles martiens », les preuves ainsi recueillies apportent leur propre
lot de complications (voir encadré ci-dessus). En effet, le fait que les matériaux en
question soient ainsi transférés d’un monde à l’autre soulève des questions intri-
gantes quant aux origines de la vie sur notre propre planète.
L’idée clé
Des habitats propices à la vie
se trouvent à notre porte
cosmique
52 50 clés pour comprendre l’Univers
13 N
otre Soleil,
une étoile
en gros plan
L’étoile la plus proche de notre planète se trouve à à peine 150 millions
de kilomètres de la Terre, et elle domine le Système solaire. En raison de
sa proximité, nous pouvons étudier le Soleil en détail et repérer certains
processus qui se produisent aussi sur la plupart des autres étoiles, mais qui
demeurent impossibles à détecter.
À première vue, le Soleil semble n’être que ce disque incandescent aux bords
nets qui domine les cieux diurnes. Mais même les tout premiers astronomes
auraient vu que ce n’était pas le cas. En premier lieu, durant une éclipse solaire
totale, le passage de la Lune – qui bloque l’éclat de ce disque – fait en effet
apparaître de grandes bandes lumineuses d’une brillante pâleur.
Cette couche externe du Soleil s’appelle la couronne, tandis que le terme « protu-
bérances » désigne les anneaux roses et rouges en forme de flammes qui décrivent
un arc juste au-dessus du disque sombre de la Lune lors des éclipses. Vers 1605,
Johannes Kepler suggéra l’idée que la couronne était produite par une matière ténue
autour du Soleil réfléchissant quelque peu sa lumière, mais il fallut attendre 1715
pour qu’Edmond Halley soutienne que le Soleil avait sa propre atmosphère.
chronologie
1612 1843 1863
Galilée mène la première Samuel Schwabe découvre Carrington découvre la rotation
observation des taches la variation périodique différentielle du Soleil, prouvant
solaires et les utilise pour du nombre de taches qu’il ne s’agit pas d’un corps
mesurer la rotation du Soleil. solaires. solide.
Notre Soleil, une étoile en gros plan 53
»
du reste de la partie visible. Cette dernière observation
permit à William Herschel, dont l’influence s’était
l’activité magnétique
considérablement accrue à la suite de la découverte du Soleil.
d’Uranus et d’autres avancées majeures, de conclure Dr Giuliana de Toma
que la surface brillante du Soleil n’était en réalité
qu’une couche de nuages. Ces nuages denses enveloppaient une surface solide
bien plus froide, Herschel spéculant même que cette dernière pourrait être habitée.
Un autre astronome allemand, Johann Schröter, créa le terme « photosphère »
pour décrire cette incandescente surface apparente, et ce nom perdure.
Dans les années 1870, l’hypothèse d’un Soleil solide fut finalement infirmée par
l’astronome amateur anglais Richard Carrington. Grâce à des mesures minu-
tieuses, il parvint à la conclusion que la vitesse de rotation des taches solaires
variait avec la latitude. Cette rotation différentielle, plus rapide à l’équateur
qu’aux pôles, démontrait que le Soleil était en réalité un corps fluide.
L’année 1859 apporta le premier indice en faveur de l’idée que des événements
survenant sur le Soleil pouvaient avoir un effet spectaculaire sur Terre, alors
que Carrington et d’autres surveillaient le développement d’une tache bril-
lante dans la photosphère. En quelques jours, une vaste tempête géomagné-
tique bouscula le champ magnétique terrestre en affectant tout, des aurores
polaires jusqu’aux réseaux télégraphiques. Ce fut la première mention d’une
éruption solaire, un violent jaillissement de matière extrêmement chaude juste
solaire. En début de cycle, les boucles magnétiques sortent du Soleil à des latitudes
assez élevées, mais le cycle se poursuivant, le champ s’enchevêtre de plus en plus,
la quantité de boucles s’accroît, ces dernières étant peu à peu entraînées vers
l’équateur, ce qui correspond à un maximum d’activité solaire. C’est également
le maximum du nombre des éruptions solaires. Ces dernières sont suscitées par
le court-circuitage des boucles de champ magnétique au voisinage de la surface
du Soleil, relâchant une énorme quantité d’énergie magnétique, échauffant le
gaz environnant à des températures extrêmes, se projetant au travers du Système
solaire et transportant des enchevêtrements de champ magnétique.
L’idée clé
Le magnétisme changeant
du Soleil peut produire
des effets spectaculaires
56 50 clés pour comprendre l’Univers
14 M
esurer
les étoiles
Même un simple coup d’œil sur le ciel nocturne révèle des disparités au
sein des étoiles – d’éclat et de couleur, notamment. Comprendre comment
ces différences d’aspect reflètent des particularités physiques permet de
montrer que les étoiles sont encore plus diverses que ce que pourrait
suggérer leur apparence.
Depuis la nuit des temps, les astronomes se sont efforcés de mesurer et de cata-
loguer les inégalités d’éclats flagrantes entre les étoiles. Vers 129 avant notre ère,
l’astronome grec Hipparque classait les étoiles en six magnitudes, des plus bril-
lantes, comme Sirius, de première magnitude, aux plus ténues, encore visibles
à l’œil nu, de sixième magnitude. L’avènement des lunettes et télescopes ayant
aussitôt mené à la découverte d’innombrables étoiles d’éclats encore plus faibles,
l’échelonnement fut étendu à des magnitudes plus grandes et ne fut appliqué
avec une véritable rigueur scientifique qu’en 1856 par Norman Pogson à l’obser-
vatoire de Madras, aujourd’hui Chennai, en Inde (voir l’encadré page suivante).
chronologie
1827 1838 1856
Félix Savary calcule l’orbite Bessel parvient à mesurer Pogson normalise l’échelle
de l’étoile binaire Xi la distance de 61 du Cygne des magnitudes apparentes
de la Grande Ourse, clé de la en utilisant la méthode utilisée pour mesurer
détermination de sa masse. de la parallaxe. l’éclat des étoiles.
Mesurer les étoiles 57
À la fin du xixe siècle, des progrès techniques ayant permis de mesurer directe-
ment plus de distances stellaires, les astronomes prirent rapidement conscience de
l’extrême diversité des étoiles en termes d’éclat. Sirius, par exemple, se tient à notre
porte cosmique, à une distance de 8,6 années-lumière à peine, et s’avère environ
25 fois plus lumineuse que le Soleil. Canope, la deuxième étoile la plus brillante du
ciel, se trouve à une distance estimée à 310 années-lumière (trop éloignée pour une
mesure de distance par la méthode de la parallaxe jusqu’à une époque récente) et
doit donc afficher un éclat 15 000 fois plus grand que celui du Soleil.
Cependant, même sans mesure directe de distance, les astronomes peuvent
parfois prendre un raccourci pour estimer les luminosités relatives des étoiles.
Ils se basent ainsi sur la présomption que les étoiles des amas stellaires serrés
– comme celui des Pléiades dans la constellation du Taureau (dont les étoiles
sont trop étroitement assemblées pour qu’il s’agisse d’un regroupement dû à
un hasard statistique) – sont bien toutes à la même distance de notre Système
solaire. Toute différence de magnitude apparente traduit donc une différence
en magnitude « absolue », autrement dit en luminosité.
La méthode de la parallaxe
Le seul moyen direct pour mesurer la distance d’une étoile est Changement
l’effet de parallaxe, c’est-à-dire le changement de la position de
position
angulaire d’un objet proche par rapport à un fond plus éloigné par rapport
dès lors que le point de vue de l’observateur se modifie. À partir aux étoiles
lointaines Étoile
du moment où les astronomes ont compris que la Terre tour-
proche
nait autour du Soleil et qu’ils avaient bien évalué l’échelle du
Système solaire, le déplacement de la Terre entre deux positions
opposées de son orbite autour du Soleil (environ 300 millions
de kilomètres) fournissait une base de référence idéale pour une
mesure de ce type, même si seules les étoiles les plus proches
présentaient une parallaxe mesurable avec les techniques du
xixe siècle. Les étoiles-cibles potentielles avaient été choisies sur
la base de leurs grands mouvements propres, autrement dit leurs
grands déplacements sur la voûte céleste (voir page 65). Il n’en « Base de
fallut pas moins des années d’effort à Friedrich Bessel pour effec- référence »
entre deux
tuer sa mesure de la parallaxe de 61 du Cygne – 0,313 seconde positions
d’arc, soit 1,11005 centième de degré. De nos jours, des satel- opposées de
lites – comme Gaia de l’Agence spatiale européenne – peuvent l’orbite de la Terre
autour du Soleil
mesurer des angles 50 000 fois plus petits.
et celles que rayonne, par exemple, une barre de fer chauffée dans un four, mais
ce n’est qu’en 1869 que Gustav Kirchhoff théorisa le rapport entre température
et couleur d’ensemble. Il détermina une courbe de radiation caractéristique
qui exprime la quantité de rayonnement de différentes longueurs d’onde et
couleurs émis par un « corps noir » porté à une température donnée (un corps
noir est un objet hypothétique qui absorbe parfaitement la lumière, mais il
se trouve que les étoiles se comportent de manière très semblable). Kirchhoff
découvrit que plus un objet est chaud, plus son rayonnement d’ensemble tire
vers le bleu. Avec le développement de la spectroscopie stellaire au tournant
du xxe siècle (voir page 60), il devint possible d’estimer la température de
surface effective d’une étoile à partir de sa couleur. Ce nouvel outil s’avéra des
plus efficaces dans la mesure où il permit aux astronomes d’estimer, pour la
première fois, la taille des étoiles.
La marche à suivre pour cette estimation n’est pas très compliquée : on calcule
d’abord la puissance nécessaire pour porter à la température mesurée un mètre
carré de la surface de l’étoile (en utilisant une relation assez simple, la loi de Stefan-
Boltzmann). Puis on évalue la puissance totale rayonnée par l’étoile, autrement dit
Mesurer les étoiles 59
«
ainsi facilement la surface de l’étoile qui est elle-même fonction de son diamètre.
Pour donner un exemple concret, une étoile jaune
assez petite, comme le Soleil, a une température Cette réussite
moyenne de 5 800 °C, résultant du chauffage de sa a été l’objet des plus
surface par la puissance (d’une luminosité solaire)
hautes aspirations
»
qu’elle relâche. Par contraste, l’étoile jaune instable
rho Cassiopeiæ passe par des phases durant les- de chaque
quelles sa température de surface est similaire à celle astronome…
du Soleil, bien qu’elle soit un incroyable demi-mil- John Herschel,
lion de fois plus lumineuse (comme l’implique sa
distance de 8 200 années-lumière et sa magnitude
à propos de la mesure de la parallaxe
apparente de 6,2). Dans ces conditions, son diamètre stellaire par Bessel
doit être environ 500 fois celui du Soleil. C’est en
fait une supergéante jaune (voir chapitre 29), une étoile si grande que, placée
au centre de notre Système solaire, elle s’étendrait au-delà de l’orbite de Mars.
Peser les étoiles La dernière caractéristique clé d’une étoile est sa masse.
Mais comment pouvons-nous peser une étoile ? Jusqu’à une période très récente,
le seul moyen de mesurer directement des masses stellaires a été de calculer
l’orbite de systèmes binaires (voir page 95). Dans de tels systèmes, les étoiles sont
en orbite autour de leur centre de gravité commun, autrement dit leur barycentre,
à une distance moyenne qui dépend de leurs masses relatives (la plus massive se
tenant plus près du barycentre). Dès 1827, le mathématicien et astronome français
Félix Savary calcula de cette manière la première orbite d’un système binaire. En
associant des données portant sur les binaires spectroscopiques et sur des mesures
de parallaxe, il est possible de trouver des paramètres plus détaillés concernant les
orbites de certaines binaires. On peut alors calculer soit des masses exactes, soit
une fourchette de masses, mais même la seule connaissance des masses relatives
s’est avérée très précieuse pour comprendre l’évolution des étoiles (voir page 76).
L’idée clé
La couleur et l’éclat
d’une étoile révèlent
sa distance et sa taille
60 50 clés pour comprendre l’Univers
15 L a chimie stellaire
La spectroscopie est un procédé permettant de découvrir les constituants
chimiques des matériaux à partir de la lumière qu’ils émettent. Elle a un très
grand nombre d’applications en chimie et en physique, mais elle est d’une
importance toute particulière en astronomie, la lumière que produisent les
objets distants étant généralement notre seul moyen de les étudier.
En 1835, Auguste Comte déclarait : « nous ne saurons jamais étudier, par aucun
moyen, la composition chimique des étoiles ». Quelques décennies plus tard,
cette prédiction s’avéra tout à fait erronée, mais il serait injuste de critiquer le
manque de clairvoyance du philosophe français : bien d’autres négligèrent des
indices découverts plus de 20 ans auparavant.
En effet, dès 1814, l’opticien allemand Joseph von Fraunhofer publia en détail
les découvertes faites avec ses nouvelles inventions en matière d’optique : le
spectroscope et le réseau de diffraction. Les deux instruments permettaient
d’étudier le spectre de la lumière solaire de manière bien plus précise qu’en la
décomposant avec un simple prisme de verre. Fraunhofer se rendit compte que
le spectre solaire, loin d’être l’étalement continu des couleurs de l’arc-en-ciel
identifié par Isaac Newton plus d’un siècle auparavant, était en réalité par-
semé d’étroites raies sombres, comme si des substances inconnues bloquaient
la lumière correspondant à certaines couleurs. Fraunhofer recensa quelque
574 raies dans le spectre solaire. Il trouva même des raies sombres dans le
spectre d’étoiles brillantes comme Sirius, Bételgeuse et Pollux, et montra aussi
que certaines raies des spectres stellaires correspondaient à celles du spectre
solaire, tandis que d’autres étaient différentes.
chronologie
1814 1842 1848 1859
Fraunhofer Doppler décrit le décalage Hippolyte Fizeau suggère Kirchhoff et Bunsen
découvre des raies en longueur d’onde de la que l’effet Doppler établissent le lien
sombres dans lumière dû au mouvement se manifestera le plus entre raies spectrales
le spectre solaire. relatif de la source et clairement par le décalage et présence de certains
de l’observateur. des raies spectrales. éléments.
La chimie stellaire 61
Source de lumière Nuage de gaz ou Prisme/spectroscope Spectre dispersé avec raies d’absorption
continue (une étoile atmosphère stellaire
par exemple) intervenant
L’effet Doppler
La présence de raies d’absorption dans la beaucoup plus faible que ce qu’il avait prévu
lumière des étoiles fournit un ensemble pra- (sauf dans des circonstances extrêmes, voir
tique de marqueurs pour mesurer le mou- page 160). L’effet Doppler, attesté dans le
vement des étoiles grâce à l’effet Doppler. Il cas des ondes sonores en 1845, n’est donc
s’agit d’un décalage, en fréquence et en lon- pas l’explication de la couleur des étoiles. Il
gueur d’onde, des ondes atteignant un obser- n’en reste pas moins que les « décalages vers
vateur en fonction du mouvement de la source le rouge » (redshift) et les « décalages vers le
de ces mêmes ondes. En 1842, le physicien bleu » (blueshift) des raies d’absorption par
autrichien Christian Doppler fut le premier à rapport aux positions attendues peuvent être
proposer un tel décalage dans l’espoir d’ex- utilisés pour mesurer avec précision la vitesse
pliquer les différentes couleurs des étoiles : la d’un objet qui s’éloigne ou qui s’approche de
lumière de celles s’approchant de nous aurait la Terre. William Huggins fut parmi les pre-
une plus haute fréquence et une plus courte miers à essayer d’utiliser ce procédé dans le
longueur d’onde, elle serait donc plus bleue, cas des étoiles, mais ce sont Angelo Secchi et
tandis que la lumière des étoiles s’éloignant l’astronome allemand Herman Vogel qui, au
de nous aurait une plus basse fréquence, une cours des années 1870, utilisèrent avec succès
plus grande longueur d’onde, elle serait alors le décalage Doppler des raies d’absorption
plus rouge. Hélas pour Doppler, la très grande dans la lumière provenant de différentes par-
vitesse de la lumière faisait qu’un tel effet était ties du Soleil pour en démontrer la rotation.
»
d’argent et d’équipements à l’observatoire de l’uni-
versité Harvard pour financer le projet le plus ambi-
Soleil et des étoiles
tieux de l’époque en matière d’astronomie : établir fixes.
un catalogue photographique de grande ampleur Robert Bunsen
de spectres stellaires. Il fallut près de quatre décen-
nies pour achever le catalogue Henry Draper, fort en définitive des spectres de
plus de 225 000 étoiles.
L’idée clé
La lumière des étoiles
porte l’empreinte de leur
composition chimique
64 50 clés pour comprendre l’Univers
16 L e diagramme
de Hertzsprung-
Russell
L’avancée la plus importante dans la compréhension des cycles de l’évolution
stellaire eut lieu au début du xxe siècle, lorsque les astronomes mirent en
regard la luminosité des étoiles avec leurs types spectraux qui venaient d’être
catalogués. Le graphique de propriétés stellaires obtenu, le diagramme de
Hertzsprung-Russell (H-R), changea l’astronomie à jamais.
chronologie
1890 Années 1890 1901
Publication de Maury lance une classification Cannon élabore la version finale du
la première édition du des étoiles basée sur la largeur système de classification de Harvard
catalogue Henry Draper. des raies spectrales. des différents types spectraux.
Le diagramme de Hertzsprung-Russell 65
Pickering, elle refusa d’abandonner son travail sur les largeurs des raies et espéra
une reconnaissance officielle lorsque son catalogue de quelque 600 étoiles fut
finalement publié en 1897.
«
au rouge aboutissent à la succession des types spectraux O, B, A, F, G, K et M.
»
pas être mesurée par la méthode de la parallaxe.
Il soutint qu’en règle générale, les étoiles plus
structure de
distantes auraient un plus petit mouvement propre l’Univers.
(les déplacements d’année en année sur la voûte Annie Jump Cannon
céleste dus aux mouvements relatifs d’une étoile et
du Système solaire). Le mouvement propre pourrait ainsi être utilisé comme
une mesure grossière de distance par procuration : si deux étoiles étaient d’une
même magnitude apparente, on pourrait présumer que celle avec le plus petit
mouvement propre était plus éloignée, et donc d’une plus grande luminosité.
Quoique nécessai-
Géantes rouges rement limité car
les étoiles impli-
quées sont large-
Séquence principale
ment similaires, le
diagramme montre
une tendance sans
Ténue
Naines blanches équivoque : plus une
étoile est lumineuse,
O B A F G K M
Bleu TYPE SPECTRAL Rouge plus sa température
de surface est élevée.
La grande majorité des étoiles peuple une bande qui s’étire en diagonale de
la zone des astres rouges et froids jusqu’à celle des astres bleus et très chauds.
Cette bande, qu’Hertzsprung avait déjà identifiée, englobait la totalité des étoiles
naines et fut désignée du nom de séquence principale. Bien moins nombreuses,
les étoiles géantes et supergéantes s’éparpillaient dans la partie supérieure du
diagramme à toutes couleurs et à toutes températures, avec, se détachant de la
séquence principale, une concentration de géantes lumineuses rouges et oranges.
cette zone. Toute la démarche pourrait aussi être inversée : l’analyse appro-
fondie du spectre d’une étoile peut lui assigner un emplacement précis sur le
diagramme, ce qui permet non seulement d’estimer le type spectral et la tem-
pérature de surface de l’étoile en question, mais fournit aussi une idée approxi-
mative de sa luminosité intrinsèque et donc de sa distance à la Terre.
L’idée clé
Comparer couleur et éclat
révèle les secrets des étoiles
68 50 clés pour comprendre l’Univers
17 L a structure
des étoiles
Connaître la structure interne des étoiles est un facteur clé pour expliquer
leurs différences. Les astrophysiciens n’ont toutefois commencé à se rendre
compte de leur diversité qu’au début du xxe siècle, avec la mise au point du
diagramme de Hertzsprung-Russell.
chronologie
1906 1925 1926
Schwarzschild étudie dans une étoile Cecilia Payne L’ouvrage d’Eddington intitulé
l’équilibre entre les forces de pression soutient que le The Internal Constitution of Stars
dues à des facteurs thermiques qui Soleil est surtout introduit l’idée d’une pression
s’exercent vers l’extérieur et les forces fait d’hydrogène. de radiation s’exerçant vers
de gravité qui s’exercent vers l’intérieur. l’extérieur à partir du noyau.
La structure des étoiles 69
»
Eddington, contraint de mettre en œuvre une
grande part de sa théorie en partant des principes quelle autre région
de base, arriva à la conclusion que les étoiles ne
pouvaient rester stables que si l’énergie était pro-
de l’Univers.
duite uniquement dans le cœur, à des températures Arthur Eddington
de millions de degrés (bien plus élevées que celles
qui règnent à la surface des étoiles les plus chaudes). Il démontra aussi que,
grâce à la diminution du rayonnement à plus grande distance du cœur, chaque
couche donnée de l’étoile se maintenait en équilibre hydrostatique. En d’autres
termes, en un point donné à l’intérieur de l’étoile, pression de radiation et
pression thermique s’ajustaient pour contrebalancer les effets centripètes de la
force de gravité.
D’après Eddington, la structure interne des étoiles était régie par les change-
ments d’opacité de ses matériaux. Un autre astronome britannique, James
Jeans, avait auparavant soutenu qu’à des températures aussi élevées, les atomes
du milieu seraient totalement ionisés (dépouillés de leurs électrons et réduits
à l’état de simples noyaux atomiques). Eddington réalisa alors que différents
degrés d’ionisation (à différents niveaux de pression et températures à l’inté-
rieur de l’étoile) déterminaient si le milieu était opaque ou transparent. La
théorie d’Eddington des intérieurs stellaires s’avéra efficace en prédisant la
manière dont se comportaient les étoiles : elle apporta notamment une explica-
tion concernant les étoiles présentant des pulsations cycliques (voir page 112).
L’intensité des raies spectrales avait jusqu’alors été considérée comme décou-
lant directement de l’abondance relative des éléments chimiques au sein de
l’atmosphère d’une étoile, mais Payne démontra qu’elle découlait avant tout,
en réalité, d’écarts de température. Elle estima ainsi que dans l’ensemble, les
proportions d’oxygène, de silicium et de carbone dans l’atmosphère du Soleil
étaient les mêmes que sur Terre, mais que notre étoile contenait une quantité
d’hélium, et surtout d’hydrogène, qui dépassait tout ce qu’on avait pu imaginer
auparavant. Payne en concluait que ces deux éléments étaient les principaux
constituants du Soleil et donc de toutes les étoiles. Plusieurs années furent tou-
tefois nécessaires pour que son idée soit largement admise.
Ernst Öpik avança toutefois en 1938 une théorie selon laquelle la matière cir-
culant au cœur d’une étoile y demeure tout au long de son évolution. Le cœur
est enveloppé d’une vaste zone radiative où les rebonds des photons sur les par-
ticules du milieu créent d’énormes pressions. Dans les étoiles comme le Soleil,
cette zone radiative est elle-même couronnée d’une couche s upplémentaire
La structure des étoiles 71
d’un milieu convectif assez froid, dont l’existence fut établie en 1930 par
l’astrophysicien allemand Albrecht Unsöld. Ce changement de moyen de
transport d’énergie est dû à une transition où le milieu devient brusquement
opaque. Au sommet de cette couche, le Soleil devient à nouveau transparent,
mais les particules y sont bien moins densément comprimées, tant et si bien
que le rayonnement émis par le gaz qui remonte de l’intérieur peut tout sim-
plement s’échapper dans l’espace. C’est ainsi que se constitue cette surface
incandescente de l’étoile, ou photosphère, que nous observons depuis la Terre.
Héliosismologie
Le moyen le plus direct d’étudier la structure comme de simples effets de surface, jusqu’à
du Soleil ou de n’importe quelle étoile est de ce qu’un autre physicien solaire, l’Américain
tirer parti des ondes sonores qui les rident Roger Ulrich, suggère en 1970 qu’il s’agissait
en permanence. Ces ondes sismiques sont d’une structure permanente due à des ondes
du même type que celles qui provoquent oscillant de haut en bas à l’intérieur du Soleil.
les tremblements de terre sur notre planète. Quelques années plus tard, en 1975, Douglas
En 1962, des physiciens solaires de l’Institut Gough démontra comment les modes d’oscil-
de technologie de Californie qui utilisaient lation de type P pouvaient être utilisés pour
la spectroscopie pour étudier le Soleil ont sonder l’intérieur du Soleil. Selon la manière
découvert une structure oscillante de cellules, dont ces ondes P pouvaient influencer l’allure
chacune d’un diamètre d’environ 30 000 kilo- des structures oscillantes en surface, Gough
mètres, se décalant alternativement de haut en déduisit la présence de frontières à l’inté-
en bas avec une période de 5 minutes environ. rieur du Soleil, comme celle entre les zones
Ces cellules ont été longtemps considérées convectives et radiatives.
L’idée clé
Pression et gravité
s’équilibrent subtilement
à l’intérieur des étoiles
72 50 clés pour comprendre l’Univers
18 L a source d’énergie
des étoiles
Comprendre comment le Soleil et les autres étoiles produisaient chaleur
et lumière était l’une des plus vieilles énigmes de l’astronomie, et l’une
de celles dont la solution ne pouvait venir de la seule physique classique.
Les pièces du puzzle de l’énergie des étoiles ne se sont emboîtées qu’avec
l’avènement de la physique nucléaire, dans la première moitié du xxe siècle.
Les toutes premières théories qui tentaient d’expliquer le Soleil en tant qu’objet
physique présumaient que notre étoile n’était qu’une énorme boule faite de
charbon (ou de tout autre combustible) flambant joyeusement dans l’espace. Le
processus chimique de la combustion était alors méconnu, de même que l’ab-
sence d’oxygène dans l’espace, et il fallut attendre 1843 pour que le physicien
écossais John Waterston analyse correctement les implications d’une telle théorie.
Il démontra que si le Soleil devait briller avec son éclat actuel tout au long de son
histoire, il ne renfermerait pas assez de combustible pour brûler durant plus de
20 000 ans, même si les réactions chimiques impliquées étaient des plus efficaces.
chronologie
1843 1854 De 1856 aux années 1890
Waterston démontre Helmholtz propose un Plusieurs estimations menées dans le cadre
que l’éclat du Soleil ne mécanisme, que Kelvin remaniera du mécanisme de Kelvin-Helmholtz placent
peut pas résulter d’une plus tard, qui permettrait aux la durée de vie du Soleil aux alentours
réaction chimique telle étoiles de produire de l’énergie de 20 millions d’années.
que la combustion. par contraction gravitationnelle.
La source d’énergie des étoiles 73
Un tel laps de temps était en bon accord avec les idées sur l’âge de la Terre, que les
géologues de l’époque estimaient être de quelques dizaines de millions d’années,
faute de quoi l’intérieur de notre planète se serait refroidi et solidifié.
»
suggérait que plusieurs centaines de millions, voire
des milliards d’années de sélection naturelle étaient lent d’annihilation
nécessaires pour rendre compte de la diversité de matière.
actuelle de la vie. Lorsqu’Arthur Eddington aborda
le problème de la source d’énergie du Soleil dans Arthur Eddington
son œuvre maîtresse de 1926 sur la structure des
étoiles (voir page 68), la question était donc à nouveau à l’ordre du jour.
Mais comment cette énergie était libérée ? Eddington envisagea trois options
principales : la division radioactive de noyaux atomiques lourds (la fission), le
regroupement de noyaux légers pour en fabriquer de plus lourds (la fusion), et
une hypothétique « annihilation » de la matière, lors de la rencontre d’électrons
ou de protons de charges opposées. Il en conclut rapidement que le mécanisme
le plus probable était la fusion. À titre de démonstration, il souligna qu’un noyau
d’hélium était 0,8 % moins massif que les quatre noyaux d’hydrogène requis
pour le créer (un « défaut de masse » qui correspond à la quantité de matière
relâchée sous forme d’énergie lors du processus de fusion). Comme les idées de
Cecilia Payne sur la composition stellaire (voir page 70) avaient été admises dès
Le cycle proton-proton
Le cycle proton-proton implique la fusion de Fusion des
deux noyaux d’hydrogène (protons), dont l’un protons
se transforme spontanément en neutron pour Noyaux de
créer un noyau stable de deutérium (hydro- deutérium
la fin des années 1920, les astronomes se rendirent à l’évidence que l’hydrogène
et l’hélium étaient bel et bien les éléments principaux à l’intérieur des étoiles.
Le cycle CNO
Dans des conditions de températures plus s upérieure à 1,3 masse solaire, est si rapide et
élevées que celles prévalant au sein du noyau efficace que sa présence ou son absence dans
de notre Soleil, le carbone peut servir de cata- une étoile est un facteur clé pour déterminer
lyseur, tout en restant lui-même inchangé, sa durée de vie (voir page 77).
accélérant le taux de fusion d’hydrogène
en hélium. Les noyaux d’hydrogène (pro-
Carbone-12
tons) fusionnent avec le noyau de carbone Hélium-4 Proton
pour créer un noyau d’azote, puis un noyau Proton γ (rayon
d’oxygène. Enfin, lorsqu’un proton supplé- gamma)
Azote-15
mentaire tente de fusionner avec le noyau Azote-13
ν
d’oxygène, ce dernier se désintègre, libérant
Positron ν (neutrinos)
un noyau d’hélium complètement formé et
restituant le noyau de carbone d’origine. Oxygène-15 Carbone-13
Encore une fois, l’énergie est libérée à tous γ Proton
les stades du processus. Le cycle CNO, γ
Proton Azote-14
qui domine dans les étoiles d’une masse
dont l’émigré allemand Hans Bethe. Bien que ne manifestant pas beaucoup
d’intérêt pour ce problème, Bethe n’en eut pas moins l’intuition d’une solution
possible dont il élabora rapidement les détails avec Charles Critchfield. L’année
suivante, il publia deux articles décrivant non seulement le processus de fusion
de l’hydrogène qui domine dans les étoiles comme le Soleil, mais également un
processus alternatif, le cycle CNO, qui se déroule surtout dans les intérieurs plus
chauds d’étoiles plus massives (voir l’encadré ci-dessus). En estimant rigoureuse-
ment les taux respectifs des deux processus dans diverses conditions, Bethe put
non seulement expliquer comment les étoiles brillent, mais aussi comment leurs
différents cycles de fusion produisent une grande variété d’éléments lourds.
L’idée clé
Les étoiles brillent en faisant
fusionner des noyaux atomiques
pour libérer de l’énergie
76 50 clés pour comprendre l’Univers
19 L e cycle de vie
des étoiles
Conjointement, le diagramme de Hertzsprung-Russell et les avancées dans
la compréhension des sources d’énergie des étoiles ont finalement permis
aux astronomes d’attaquer l’un des plus grands mystères scientifiques :
comment vivent et meurent les étoiles. Cependant, la démarche impliquait
l’abandon de certaines théories largement répandues.
chronologie
1913 1926 1938
Les astronomes interprètent Eddington souligne Öpik soutient que le matériau
initialement la séquence l’importance de la relation stellaire n’est pas bien mélangé, ce
principale du diagramme H-R masse-luminosité pour qui limite les réserves de combustible
en tant que chemin évolutif. l’évolution stellaire. et donc l’âge des étoiles.
Le cycle de vie des étoiles 77
fondamentale entre masse et luminosité pour presque toutes les étoiles : plus
l’étoile est massive, plus elle devrait être brillante.
Cette idée n’était pas nouvelle ; Hertzsprung lui-même en avait déjà trouvé l’indice
dans des étoiles binaires (voir chapitre 23). Cependant, l’approche d’Eddington
confirmait théoriquement que la masse augmentait avec la luminosité et la tem-
pérature de surface. En supposant que les étoiles gardent la même masse tout au
long de leur évolution, il leur était impossible de changer leur équilibre entre
température et luminosité sans modifications majeures de leur source d’énergie
interne. La conséquence pour les étoiles conformes au modèle de structure stellaire
d’Eddington était qu’elles se situaient pour la plus grande partie de leur évolution
en un point précis de la séquence principale du diagramme H-R – un emplacement
fixé à la naissance par la masse avec laquelle elles avaient été formées.
Cette nouvelle interprétation révolutionnaire du schéma H-R fut accueillie avec
un scepticisme retentissant chez les collègues d’Eddington, ne fût-ce qu’en raison
du problème récurrent des sources d’énergie des étoiles. Eddington lui-même
avait contribué à réfuter l’ancien modèle de contraction gravitationnelle, mais
»
leur éclat faiblir à mesure qu’elles évoluaient.
et à la fin, elles Ce ne fut qu’à la fin des années 1930, avec les tra-
meurent. vaux innovants de Hans Bethe sur le cycle proton-
proton (voir page 74) que tout commença à se
Hans Bethe mettre en place. Pour garantir aux étoiles le débit
d’énergie observé, la fusion nucléaire devrait certes
suivre un rythme plus rapide que le processus d’annihilation, mais elle n’en
permettrait pas moins à une étoile comme le Soleil de briller régulièrement
pendant des milliards d’années. Qui plus est, il y aurait alors assez peu de perte
de masse entre le début et la fin de la vie de l’étoile.
suggérée par George Gamow, Öpik soutint que la proximité d’un noyau de plus
en plus chaud pourrait échauffer la base de l’enveloppe radiative au point qu’elle
devienne à son tour le siège de réactions de fusion. Cette migration des réactions
de fusion provoquerait aussi un accroissement démesuré de la taille de l’enveloppe.
Le modèle en couches d’Öpik se révéla être la clé pour expliquer les schémas de
l’évolution stellaire, mais il fallut attendre quelques années avant qu’il soit large-
ment accepté. George Gamow tenta lui aussi de modéliser la structure des étoiles
géantes rouges et leur séquence évolutive, mais il fut à plusieurs reprises induit en
erreur par la conviction que les étoiles devaient être « bien mélangées ». Ce n’est
qu’en 1945 qu’il incorpora une approche en couches dans son modèle et démontra
que les géantes rouges sont une étape tardive de l’évolution d’étoiles normales, la
fusion de l’hydrogène dans une coquille autour du noyau les rendant à la fois très
brillantes et bien plus grandes que leurs précurseurs sur la séquence principale.
Gamow réalisa même qu’une géante rouge finirait par se dépouiller de ses couches
extérieures ; son noyau ainsi mis à nu ne serait plus qu’une naine blanche encore
très chaude, mais d’un bien faible éclat (voir page 124). Ces avancées ne furent
qu’une première étape provisoire dans les tentatives de clarification de l’histoire
compliquée des phases d’évolution stellaire au-delà de la séquence principale.
L’idée clé
La masse d’une étoile
à sa naissance détermine
sa durée de vie
80 50 clés pour comprendre l’Univers
20 N
ébuleuses
et amas stellaires
Les étoiles proviennent de l’effondrement d’énormes nuages de gaz
interstellaire, et leur formation illumine souvent ce gaz pour créer de
spectaculaires nébuleuses. Mais alors que l’association entre amas stellaires
compacts et nébuleuses a été reconnue dès le début des années 1800, il a
fallu du temps pour déterminer comment l’un engendre l’autre.
Nebula, le terme latin pour « nuage », fut utilisé dès Ptolémée d’Alexandrie
par les passionnés d’astronomie pour désigner une poignée d’objets du ciel
nocturne d’apparence diffuse, qui de toute évidence n’étaient pas composés
d’étoiles individuelles. Ce n’est toutefois qu’à l’avènement des lunettes et téles-
copes que les astronomes commencèrent à découvrir un grand nombre de ces
objets. L’un des premiers catalogues de nébuleuses, et certainement le plus
célèbre, fut dressé par le chasseur de comètes français Charles Messier en 1771,
manifestement pour aider les astronomes à éviter de mal identifier les objets
célestes quand ils arpentaient le ciel à la recherche de comètes.
chronologie
1771 1791‑1811 1864
Messier dresse le premier Herschel décèle des nébuleuses Huggins démontre la
catalogue d’objets gazeuses en tant que « fluides nature gazeuse des fluides
astronomiques non stellaires. brillants ». brillants.
Nébuleuses et amas stellaires 81
«
serrés lui semblaient plus anciens que les plus dispersés.
»
caractérisaient plutôt par la présence de raies sombres
d’absorption se détachant sur un fond continu afin de devenir
mêlant différentes couleurs. C’était bien la preuve que des étoiles.
ces nébuleuses supposées former des étoiles (appelées
de nos jours nébuleuses en émission) étaient surtout William Herschel
de nature gazeuse, mais c’était aussi l’indice que beau-
coup d’autres, souvent en forme de spirale, combinaient la lumière d’un grand
nombre d’étoiles (voir page 146).
Amas globulaires
En plus des amas ouverts, Dreyer a iden- avec des durées
tifié un deuxième type d’amas stellaire. de vie de plusieurs
Ces amas globulaires ont une structure milliards d’années.
beaucoup plus concentrée et une origine Des preuves spec-
radicalement différente. Ils renferment des troscopiques sug-
centaines de milliers d’étoiles, dont les gèrent que ces
orbites elliptiques s’entremêlent pour édi- dernières sont
fier une structure grossièrement sphérique dépourvues des
ou elliptique. Les distances entre étoiles éléments les plus
individuelles se comptent en jours-lumière, lourds trouvés dans des étoiles nées plus
voire en mois-lumière, plutôt qu’en années- récemment, elles se sont donc formées
lumière. Des amas globulaires se trouvent longtemps avant notre Soleil, au cours des
près du centre des galaxies, d’autres évo- premières phases de l’Univers. Au vu des
luent dans le halo de ces dernières (voir travaux les plus récents, des collisions entre
page 137) ; ils sont presque entièrement galaxies seraient à l’origine des amas globu-
composés d’étoiles naines de faible masse laires (voir page 149).
La datation des amas stellaires Même s’il semblait certain que les
nébuleuses en émission étaient des sites de formation d’étoiles, l’enchaînement
réel des événements était désespérément incertain. Pourtant, des avancées dans
la compréhension des cycles de vie des étoiles et de l’évolution des amas stellaires
commençaient à faire sens. En 1929, par exemple, Ejnar Hertzsprung nota des
différences significatives dans les propriétés des étoiles des célèbres amas ouverts
des Pléiades, de la Ruche et des Hyades. Les étoiles les plus brillantes de l’amas des
Pléiades sont toutes chaudes et bleues, tandis que celles de la Ruche, et surtout
celles des Hyades, contiennent plus d’étoiles brillantes orange et rouges. Quelques
années plus tard, il devint évident que les différences de couleur sont une
indication de l’âge relatif des amas : les étoiles les plus brillantes et les plus massives
sont les plus chaudes et elles brillent d’un éclat plus bleu lorsqu’elles résident sur
la séquence principale, mais elles vieillissent beaucoup plus rapidement quand
elles la quittent pour devenir, en quelques millions d’années seulement, des
étoiles géantes encore plus brillantes, mais plus froides. Par conséquent, plus un
amas stellaire est vieux, plus il contient de géantes rouges lumineuses.
La faculté de classer les amas stellaires par ordre chronologique a montré qu’il
fallait inverser ce que disait Herschel lorsqu’il affirmait que les amas stellaires
devenaient de plus en plus denses au fil du temps. En fait, les amas les plus
jeunes sont les plus resserrés et ils n’arrêtent pas de se disperser pendant des
Nébuleuses et amas stellaires 83
L’idée clé
Les nuages de gaz interstellaires
sont les pépinières
des nouvelles étoiles
84 50 clés pour comprendre l’Univers
21 L a naissance
des étoiles
Au milieu du xxe siècle, les astronomes admettaient que les étoiles naissaient
au sein d’amas stellaires denses que produisait l’effondrement de nuages
de gaz au sein de nébuleuses en émission. Il fallut cependant attendre
l’avènement de l’astronomie spatiale pour dénicher, à l’intérieur de ces
nébuleuses, de nouveaux détails propres à élucider les processus spécifiques
à l’œuvre dans la formation stellaire.
chronologie
1852 Années 1940 1947 1954
John Hind découvre George Herbig et Guillermo Bok identifie des Victor Ambartsumian suggère
l’étoile T Tauri, Haro étudient de petites globules opaques que les objets de Herbig-Haro
l’archétype des étoiles nébuleuses découvertes et compacts au prennent forme quand des
variables de la pré- dans le voisinage de jeunes sein de nébuleuses étoiles de type T Tauri éjectent de
séquence principale. étoiles individuelles. formant des étoiles. la matière lors de leur évolution.
La naissance des étoiles 85
«
globule de Bok) demeurait intact même si son environnement était bousculé.
»
mées contribue à former dans la nébuleuse envi-
ronnante de grandes cavités. Piliers et filaments se
s’éloigner de leur
dégagent des parois, marquant les sites où la forma- lieu de naissance.
tion stellaire persiste. Les effets de ce rayonnement Georges Herbig
qui entraîne le matériau de la nébuleuse – s’ajoutant
aux ondes de choc lorsque ces étoiles précoces explosent en tant que supernovæ
(voir chapitre 30) – limitent efficacement la croissance de leurs congénères plus
jeunes dans l’amas. Selon une étude de 2001, seulement un tiers environ du gaz
de la nébuleuse primitive finit par être incorporé dans des étoiles qui se forment
en son sein, et le processus de formation stellaire dure quelques millions d’an-
nées tout au plus avant que tout le gaz soit perdu. Dans la grande majorité des
cas, la perte d’une telle quantité de matière fait que l’amas stellaire embryonnaire
perd son intégrité gravitationnelle, il est alors victime d’une sorte de « mortalité
infantile », dans la mesure où les étoiles et les protoétoiles qui le composent
partent toutes à la dérive. Seule une minorité en réchappe pour édifier des amas
stellaires ouverts adultes, renfermant une centaine à quelques milliers d’étoiles
pouvant être maintenues ensemble pendant des dizaines de millions d’années.
Brillante
ils peuvent varier de
manière imprévisible.
60 000 ans
9,0
Une phase T Tauri typique
150 000 ans
dure 100 millions d’an-
nées ou plus, période 3,0
3 millions d’années
pendant laquelle l’étoile
LUMINOSITÉ
se contracte progres- 1,0
sivement tandis que 50 millions 0,5
son transport interne d’années masse
d’énergie se modifie. En solaire
1961, l’astrophysicien 150 millions
d’années
Chushiro Hayashi sché-
matisa ce que ces chan-
gements signifient au
Ténue
niveau du diagramme
de Hertzsprung-Russell. Bleue M Rouge
O B A F G K
Avant de rejoindre la
séquence principale, les
étoiles deviennent moins lumineuses à mesure qu’elles deviennent plus denses, Ce diagramme
ce qui leur permet de conserver la même température de surface. Les étoiles H-R présente les
trajets évolutifs
dont la masse vaut moins de la moitié de celle du Soleil suivent ce « trajet de de Hayashi
Hayashi » jusqu’à ce que leurs noyaux soient assez denses pour que s’amorce et de Henyey
d’une étoile
le cycle proton-proton et qu’elles se stabilisent à l’état de naines rouges (voir nouvellement
page 88). Les étoiles dont la masse vaut jusqu’à deux fois celle du Soleil voient formée
à l’approche
cependant leur trajet évolutif changer de direction quand leur intérieur devient de la séquence
suffisamment chaud pour développer une zone radiative (voir page 70). Elles principale.
conservent alors la même luminosité tout en continuant à se contracter, ce
qui entraîne une augmentation de leur température de surface (le « trajet de
Henyey »). Dans les deux cas, le début du cycle proton-proton marque le point
où l’étoile rejoint la séquence principale, entamant la période la plus longue et
la plus stable de sa vie.
L’idée clé
L’astronomie infrarouge révèle
comment naissent les étoiles
88 50 clés pour comprendre l’Univers
22 L es étoiles naines
Les étoiles dont la masse est inférieure à celle du Soleil ont des propriétés
uniques et parfois surprenantes, notamment la surprenante violence de
leur activité. À très faibles masses, ces naines rouges deviennent des naines
brunes – des étoiles dites avortées –, dont l’existence n’est confirmée que
depuis les années 1990.
Techniquement, presque toutes les étoiles sont des naines, y compris notre
Soleil, de même que des étoiles beaucoup plus massives et lumineuses comme
Sirius (voir encadré ci-contre). Cependant, dans l’usage courant, le terme
est plus particulièrement utilisé pour qualifier de petites étoiles beaucoup
moins lumineuses que le Soleil. Mais même cette acception peut être source
de confusion : les naines blanches par exemple, des résidus stellaires entière-
ment consumés (voir page 124), sont des astres foncièrement différents des
naines rouges, qui ne sont que des étoiles ordinaires de très faible masse sur la
séquence principale. Qui plus est, elles se différencient toutes deux des naines
brunes, qui ne répondent même pas à la définition habituelle d’une étoile.
Les étoiles présentent une bien plus grande disparité de luminosité que de
masse : les poids lourds ont la capacité de briller cent mille fois plus que le Soleil,
et les étoiles les moins massives peuvent quant à elles s’avérer cent mille fois
moins lumineuses. Une étoile dont la masse est la moitié de celle du Soleil
(soit une masse considérée en général comme limite supérieure pour une
naine rouge) brille d’un éclat valant seulement un seizième de la luminosité
de notre étoile, tandis que l’éclat d’une étoile d’une masse de 0,2 masse solaire
est environ 1/200e de celui du Soleil. Les naines rouges sont donc majoritai-
rement des astres à l’éclat des plus ténus. Pendant longtemps, les seuls spéci-
mens connus étaient ceux se trouvant à notre seuil cosmique, comme l’étoile
de Barnard (voir page 96) et Proxima du Centaure (l’étoile la plus proche du
Soleil). Bien que la distance de cette dernière soit de 4,25 années-lumière seule-
ment, cette naine, d’une masse de 0,12 masse solaire, 100 fois moins lumineuse
que la plus ténue des étoiles visibles à l’œil nu, n’a été découverte qu’en 1915.
La surabondance de naines rouges dans notre galaxie est devenue patente au cours
des années 1980, avec le lancement des premiers télescopes spatiaux o
pérant dans
chronologie
1915 1948 1962
Robert Innes découvre Proxima Jacob Luyten détecte l’étoile Shiv Kumar prédit qu’il existe
du Centaure, une naine rouge proche UV Ceti, la première un grand nombre d’étoiles
très peu lumineuse, l’étoile la naine rouge manifestant une avortées, dénommées naines
plus proche du Soleil. évidente activité éruptive. brunes par la suite.
Les étoiles naines 89
Structure des naines Une différence importante entre les naines rouges et
les étoiles plus massives, d’ailleurs mise à profit pour définir la limite supérieure de
leur masse, est qu’elles ne transportent pas, en interne, l’énergie par rayonnement.
Les intérieurs de ces étoiles sont au contraire entièrement convectifs, le matériel
qu’ils renferment étant donc mélangé et recyclé en permanence. L’hélium produit
par les réactions de fusion nucléaire est ainsi transporté hors du cœur et remplacé
par de l’hydrogène frais ; toute la matière qui constitue l’étoile est donc disponible
pour alimenter les réactions de fusion. Une telle situation, s’ajoutant au fait que le
taux des réactions de fusion est naturellement plus lent en raison de la moindre
température du cœur, fait que les naines rouges peuvent en théorie maintenir
le cycle proton-proton (et donc rester sur la séquence principale) des milliers de
milliards d’années – bien plus longtemps que toute autre étoile.
Le noyau d’une naine rouge libère beaucoup moins de rayonnement que celui
du Soleil, il exerce donc une pression moindre vers l’extérieur pour empêcher
l’effondrement des couches externes de l’étoile. Par conséquent, ces étoiles sont
1995 2006
Rebolo et ses collaborateurs En se basant sur les étoiles les moins lumineuses d’un amas
découvrent Teide 1, la première globulaire, Michael Marks et Pavel Kroupa démontrent que la limite
naine brune authentifiée. inférieure de masse des étoiles est 0,083 masse solaire.
90 50 clés pour comprendre l’Univers
beaucoup plus petites et plus denses que ne le suggèrent leurs masses. Proxima du
Centaure n’est que 40 % plus grande que Jupiter, et environ 40 fois plus dense,
en moyenne, que le Soleil. Cette haute densité, associée à la structure convective
«
d’une naine rouge, peut avoir des effets inhabituels.
La première preuve que les naines peuvent avoir une
Les étoiles dont la activité spectaculaire fut fournie par l’astronome
masse est inférieure néerlando-américain Jacob Luyten qui mit en évi-
à une certaine dence, dans les années 1940, des variations insolites
masse critique dans les spectres de plusieurs naines proches. L’une
se contracteront d’elles en particulier, l’étoile la plus brillante d’un
système binaire située à environ 8,7 années-lumière
jusqu’à devenir des
»
dans la constellation de la Baleine, était ainsi sujette à
objets totalement d’énormes sursauts d’éclat de courte durée. Au cours
degénérés. d’une éruption en 1952, la luminosité de cette étoile
« UV Ceti » augmenta d’un facteur 75 en quelques
Shiv S. Kumar
secondes. Les astronomes réalisèrent dans les années
1970 que les sursauts de cette étoile ne se manifestaient pas uniquement dans le
domaine visible, mais aussi dans celui des ondes radio et des rayons X de haute
énergie, et qu’ils étaient très semblables aux éruptions solaires (voir page 54),
quoiqu’à une beaucoup plus grande échelle, ce qui leur vaut aujourd’hui la déno-
mination d’étoiles éruptives. La densité de ces étoiles et le malaxage convectif
de leurs intérieurs génèrent des champs magnétiques beaucoup plus puissants et
concentrés que ceux observés dans les étoiles comme le Soleil. Les naines rouges
sont ainsi sujettes à des épisodes de « reconnexion » magnétique pouvant libérer
jusqu’à 10 000 fois plus d’énergie que ceux qui déclenchent les éruptions solaires,
avec des résultats bien plus impressionnants.
Rafael Rebolo, cette naine brune présumée, dénommée Teide 1, était l’un des
astres les plus ténus de l’amas stellaire lointain des Pléiades. La présence attestée
de lithium dans son spectre était bien la preuve de sa véritable nature naine
brune, car même les moins massives des étoiles véritables sont encore assez
chaudes pour faire disparaître toute trace de cet élément par fusion nucléaire.
Par la suite, les astronomes identifièrent des centaines d’autres naines brunes,
souvent en orbite autour d’autres étoiles naines, dont beaucoup dans notre voi-
sinage cosmique ou dans des nébuleuses connues pour former des étoiles. Les
estimations de leurs masses suggèrent que les plus petites naines brunes peuvent
tout à fait être moins massives que les plus grandes planètes gazeuses géantes, le
seul facteur distinctif entre les deux types d’objets étant leur mode de formation.
L’idée clé
Les étoiles les plus petites sont
aussi les plus nombreuses
92 50 clés pour comprendre l’Univers
23 L es systèmes
d’étoiles binaires
et multiples
Son statut d’étoile unique fait de notre Soleil un astre minoritaire. Nous
savons aujourd’hui que la plupart des étoiles de la Voie lactée font partie de
systèmes binaires ou de systèmes d’étoiles multiples. Pour les étoiles de tels
systèmes, avoir le même âge et se trouver à la même distance peut révéler
des éléments importants concernant l’évolution stellaire.
La distribution sur la voûte céleste des quelques milliers d’étoiles visibles à l’œil nu
depuis la Terre paraît plus ou moins aléatoire, et pourtant, même un astronome
amateur sans assistance peut repérer un couple d’étoiles qui semble faire figure
d’exception. Les jumelages proches sur la voûte céleste sont généralement connus
sous le nom d’étoiles doubles, l’exemple le plus célèbre étant sans doute Mizar et
Alcor, le couple d’étoiles qui se trouve au milieu de la queue de la Grande Ourse.
Les premiers astronomes s’en sont peu souciés : même si la distribution des étoiles
était réellement aléatoire, des couples aussi rapprochés restaient possibles. Mais
au début de l’année 1617, quand l’astronome italien Benedetto Castelli braqua
une des premières lunettes vers ce système d’étoiles, il découvrit tout autre chose.
Alors que Mizar apparaît à l’œil nu comme une étoile unique, c’est en réalité un
couple serré de deux étoiles blanches, chacune d’un éclat perceptible à l’œil nu.
Un rapprochement aussi étroit de deux étoiles brillantes est bien moins pro-
bable que la liaison assez lâche entre Mizar et Alcor, mais il fallut encore bien
du temps avant que quiconque n’en mesure correctement les implications.
C’est le philosophe anglais John Michell qui fut, en 1767, le premier à suggérer
que les étoiles jumelles de Mizar étaient de véritables voisines dans l’espace.
Puis, en 1802, William Herschel produisit les preuves statistiques – suite à
un balayage minutieux de la voûte céleste – que les étoiles doubles étaient
chronologie
1617 1783 1804
Castelli découvre Mizar Goodricke propose un Herschel démontre que les
dans la Grande Ourse, mécanisme d’éclipse pour deux étoiles du couple stellaire
la première étoile expliquer l’étoile variable Alula Australis sont en orbite
double télescopique. Algol dans Persée. l’une autour de l’autre.
Les systèmes d’étoiles binaires et multiples 93
»
24 ans auparavant) avaient modifié leur position de leur centre de
relative, démontrant qu’elles étaient bien en orbite
l’une autour de l’autre. En 1826, l’astronome
gravité commun.
français Félix Savary observa cette paire d’étoiles William Herschel
avec assez d’attention pour analyser leur orbite en
détail. Il démontra qu’il s’agissait de deux étoiles d’une masse solaire environ,
qui suivaient des orbites elliptiques parcourues en 60 ans avec une séparation
variant entre 12 et 39 UA.
Au xixe siècle, profitant de l’amélioration des lunettes et télescopes, les astro-
nomes découvrirent de nombreuses étoiles binaires, voire des systèmes mul-
tiples contenant plus de deux composants. Il apparut rapidement que dans
de tels systèmes, la distance entre les étoiles varie énormément : elles peuvent
être séparées par des distances type interplanétaires de quelques unités astro-
nomiques, ou par des distances interstellaires d’une année-lumière ou plus.
Les systèmes binaires et multiples aidèrent également les astronomes à comprendre
les relations entre les étoiles. Par exemple, comme toutes les étoiles d’un système
donné se trouvent à la même distance de la Terre, les différences de magnitude
apparente correspondent à des différences de luminosité réelle. De plus, en déter-
minant la taille de l’orbite de chaque étoile, nous pouvons estimer leurs masses
relatives, et comme nous pouvons présumer que toutes les étoiles d’un système
donné se sont formées en même temps, nous pouvons même entrevoir comment
des propriétés telles que la masse affectent l’évolution d’une étoile au fil du temps.
Curieusement, ce furent des études de Mizar qui ouvrirent à nouveau la voie. Dans
le cadre de son projet de cataloguer les types spectraux et la composition chimique
des étoiles (voir page 63), l’astronome de Harvard Edward Pickering avait recueilli
en 70 nuits, de 1887 à 1889, une série de spectres des deux composantes de la
célèbre étoile double, puis avait chargé Antonia Maury, âgée de 21 ans, de les ana-
lyser. Maury mit rapidement en évidence un fait étrange dans la suite des spectres
de Mizar A, la composante la plus brillante. L’une des raies en absorption, la raie K
dénotant la présence de calcium dans l’atmosphère de l’étoile, apparaissait nette et
bien définie dans certains spectres, large et floue dans d’autres, et sur trois plaques
photographiques, elle était même divisée en deux raies distinctes.
Maury s’était aussi rendu compte que cet effet de « dédoublement de raies » se
produisait tous les 52 jours, un fait dont Pickering identifia correctement la cause :
Mizar A, en réalité, est elle-même un système de deux étoiles très rapprochées en
orbite l’une autour de l’autre. Les deux étoiles contribuent chacune au spectre du
système, mais le déplacement de la raie K révèle que leurs émissions de lumière
sont continuellement décalées par effet Doppler en fonction de leurs mouvements
relatifs par rapport à la Terre (voir page 62). En certains points de leurs orbites,
l’une des étoiles du système se déplace vers la Terre, provoquant la diminution de
la longueur d’onde de la lumière qu’elle rayonne, ainsi que le déplacement de la
raie K vers l’extrémité bleue du spectre, tandis qu’au même moment, l’autre étoile
s’éloigne de la Terre et voit augmenter la longueur d’onde de la lumière qu’elle
Les systèmes d’étoiles binaires et multiples 95
L’idée clé
Les étoiles uniques comme
notre Soleil sont en minorité
96 50 clés pour comprendre l’Univers
24 L a recherche
des exoplanètes
Lorsque les astronomes commencèrent à accepter que notre Soleil et notre
place dans la Voie lactée n’avaient rien d’exceptionnel, il fut difficile de
comprendre pourquoi les étoiles distantes n’auraient pas leurs propres
systèmes planétaires. Il fallut bien du temps pour le prouver, et ce n’est que
depuis les années 1990 que ces objets célestes dénommés « exoplanètes »
ont été trouvés en grand nombre.
La recherche de planètes en orbite autour d’autres étoiles a longtemps été entravée
par des limitations technologiques. Cependant, la découverte de l’étoile de Barnard
en 1916 fit entrevoir, pour la première fois, la possibilité de découvrir des planètes
extraterrestres. Cette naine rouge d’un faible éclat était déjà répertoriée dans les
catalogues stellaires, mais l’astronome-photographe Edwards Barnard fut le pre-
mier à constater qu’elle avait un mouvement propre exceptionnel par rapport à
l’arrière-plan des étoiles. Un déplacement sur la voûte céleste dont la vitesse angu-
laire était estimée à un diamètre apparent de la pleine Lune par 180 ans suggérait
que l’étoile de Barnard était proche de notre propre Système solaire. Les mesures
de cet effet de parallaxe (voir page 58) confirmèrent rapidement qu’étant située à
six années-lumière de la Terre, c’était la quatrième étoile la plus proche du Soleil.
Faux départ L’astronome néerlandais Peter van de Kamp eut tôt fait de
comprendre que le rapide cheminement de l’étoile de Barnard devrait présenter
des oscillations mesurables, pour peu que l’étoile soit soumise à l’attraction
gravitationnelle de grandes planètes en orbite autour d’elle-même. À partir de
1937 et pendant plus de trois décennies, il suivit régulièrement la position précise
de l’étoile avant de finalement rendre publiques en 1969 les preuves que son
mouvement propre était effectivement perturbé par deux planètes de type Jupiter.
Il s’avéra toutefois difficile pour d’autres de répéter ses observations et dans les
années 1980, la plupart des astronomes s’accordaient pour conclure que Van de
Kamp s’était trompé, peut-être en raison de défauts dans son équipement. L’affaire
de l’étoile de Barnard ayant laissé beaucoup d’astronomes mal à l’aise, une vague
de scepticisme déferla sur la communauté scientifique, persuadée que pour une
chronologie
1969 1992 1995
Van der Kamp publie des éléments Wolszczan et Frail Mayor et Queloz annoncent
de preuve erronés en faveur découvrent la première la découverte de 51 Pegasi b, la
de la présence d’une planète autour planète en orbite première exoplanète en orbite
de l’étoile de Barnard. autour d’un pulsar. autour d’une étoile normale.
La recherche des exoplanètes 97
Planètes de pulsars
En vérité, les toutes premières planètes décou- d’apparition des éclairs de rayonnement que les
vertes autour d’une autre étoile furent dénichées pulsars produisent avec une grande régularité,
quelques années avant 51 Pegasi b. Elles ne firent moments a priori mesurés avec une extrême pré-
toutefois pas l’objet d’une aussi grande attention cision. En notant les minimes décalages Doppler
car leur situation au voisinage d’un pulsar les qui se produisent quand le pulsar se déplace
rendait hostiles à la vie. En 1992, les astronomes dans différentes directions sous l’effet des globes
Aleksander Wolszczan et Dale Frail annoncèrent massifs en orbite autour de lui, les astronomes
la découverte de deux planètes en orbite autour peuvent estimer certains paramètres orbitaux de
du pulsar matricule PSR B1257+12, situé à une ces mêmes planètes. Il est peu probable que des
distance d’environ 23 000 années-lumière dans planètes aient survécu à l’explosion de super-
la constellation de la Vierge (voir page 126). La nova à l’origine du pulsar. On estime plutôt que
détection d’une troisième planète suivit en 1994. les planètes dont il est question se sont formées
Plusieurs systèmes planétaires furent ainsi iden- à partir des débris d’une éventuelle étoile com-
tifiés grâce à une étude minutieuse des instants pagnon détruite par la suite.
raison ou pour une autre, les planètes autour d’autres étoiles étaient très rares. Par
chance, il ne fallut pas longtemps avant que cette posture négative soit ébranlée
par une nouvelle méthode de détection de planète d’une sensibilité accrue.
Enfin la réussite Dès 1952, Otto Struve avait eu l’idée de détecter la
présence de planètes autour d’autres étoiles en mesurant les changements
de vitesse radiale (c’est-à-dire les mouvements de l’étoile s’approchant ou
s’éloignant de la Terre). Cet astronome russo-américain suggérait qu’à l’instar
des binaires « spectroscopiques », dont la véritable nature se signale par le va-et-
vient du décalage Doppler de raies spectrales à mesure que l’une ou l’autre des
deux composantes s’éloigne ou se rapproche de l’observateur (voir page 94), il
serait possible de mettre en évidence l’influence d’une planète sur son étoile
pour peu qu’un spectrographe suffisamment sensible soit utilisé.
Toutefois le problème majeur, comme l’avait découvert Van de Kamp à ses
dépens, est qu’une planète n’exerce qu’une influence minime sur son étoile.
En fonction de leurs masses relatives et de la taille de l’orbite de la planète, la
perturbation la plus grande que l’on pourrait envisager serait une oscillation de
l’ordre de quelques mètres par seconde, se superposant à une vitesse moyenne
qui se mesure en général en kilomètres par seconde. Détecter des variations
aussi minimes avait comme implication de répartir la lumière de l’étoile sur
un très grand spectre à « haute dispersion », un procédé incompatible avec la
1999 2009
Première découverte La NASA lance la mission Kepler
d’une exoplanète par dévolue à la recherche de planètes,
la méthode du transit. débouchant sur l’identification
de milliers de nouvelles exoplanètes.
98 50 clés pour comprendre l’Univers
«
même type en opération dans l’hémisphère sud.
»
devant. Comme la taille de l’étoile est assez facile
monde d’origine est à estimer à partir de ses caractéristiques spectrales
typique. (voir page 65), la variation relative de l’émission
lumineuse révèle aussi la taille de la planète
Set h Shostak en transit. De toute évidence, les transits ne se
produisent que dans les rares cas où l’orbite d’une
planète est directement alignée avec la Terre, mais compte tenu de la sensibilité
des photomètres modernes aptes à mesurer des quantités précises de lumière, la
méthode du transit est pour l’instant le moyen le plus pratique pour identifier
des exoplanètes de nature tellurique de petite taille.
En 1999, eut lieu la première découverte par la méthode du transit d’une exo
planète en orbite autour de l’anonyme étoile de type solaire, matricule HD 209458,
située dans la constellation de Pégase, à 150 années-lumière du Soleil. Grâce à la
méthode de la vitesse radiale, les astronomes savaient déjà qu’une planète évo-
luait sur une orbite serrée autour de HD 209458, mais la méthode du transit leur
permit d’évaluer que son rayon valait environ 1,4 fois celui de Jupiter. Depuis cette
première découverte, à porter au crédit de l’observatoire Keck à Hawaï, les cham-
pions de la chasse à la planète sont des télescopes spatiaux dévolus au repérage des
transits. Le premier fut opérationnel de 2006 à 2012 dans le cadre de la mission
française COROT, la mission Kepler de la NASA (voir encadré ci-contre) arrivant
plus tard. Une orbite spécifique permet à ces télescopes de surveiller sans cesse les
luminosités des étoiles de tout un champ stellaire pendant de longues périodes,
ce qui facilite la détection du transit de planètes évoluant sur de grandes orbites.
La recherche des exoplanètes 99
La mission Kepler
Lancé en 2009, le satellite Kepler de la NASA est lactée s’étendant surtout dans la constellation du
un vaisseau spatial dédié à la chasse aux planètes Cygne. À la suite de la défaillance de deux de ces
qui a bouleversé notre compréhension des exo- roues et de la perte de suivi précis qui en a résulté,
planètes. L’unique instrument qu’il emporte est les ingénieurs ont trouvé une manière astucieuse
un télescope d’un diamètre de 0,95 m équipé de maintenir l’orientation du télescope dans l’es-
d’une caméra photométrique apte à mesurer de pace en tirant parti de la pression de radiation
petites variations d’éclat des étoiles dans le but induite par le rayonnement solaire. Ils ont ainsi
de détecter les transits planétaires. Au cours de pu préserver des périodes de suivi d’étoiles plus
sa mission principale, quatre « roues de réac- courtes, mais toujours profitables. La mission
tion » étaient mises en œuvre pour maintenir Kepler a jusqu’à présent permis la découverte de
l’axe de visée du télescope en direction d’un plus d’un millier d’exoplanètes, plusieurs milliers
unique champ de vue – un secteur de la Voie d’autres étant en attente de confirmation.
L’idée clé
Rechercher des planètes autour
d’autres étoiles exige des
méthodes ingénieuses
et des instruments sensibles
100 50 clés pour comprendre l’Univers
25 L es autres
systèmes solaires
Avant la découverte des premières exoplanètes, les astronomes supposaient
que l’aspect des systèmes planétaires autour d’autres étoiles serait le même
que celui de notre Système solaire. De récentes découvertes ont révélé toute
une gamme de types d’orbites imprévus et de planètes nouvelles, ce qui
suggère que les systèmes planétaires évoluent d’une manière importante
tout au long de leur histoire.
chronologie
1995 2005 2007
Mayor et Queloz Eugenio Rivera et collaborateurs Snellen et collaborateurs
découvrent le premier découvrent Gliese 867 d, la déduisent la présence de vents à
« Jupiter chaud », première super-Terre autour d’une haute vitesse dans l’atmosphère
51 Pegasi b. étoile de la séquence principale. de HD 209548 b.
Les autres systèmes solaires 101
»
planétaire, d’après lesquelles les planètes peuvent se
déplacer sur de longues périodes de temps. Pour peu de leurs étoiles
que les bonnes conditions initiales soient réunies, parentes.
il n’est pas trop difficile de concevoir un scénario
dans lequel une planète géante se forme au-delà de Otto Struve, 1952
la ligne de gel de son système stellaire, là où le gaz
et les glaces sont abondants, avant de cheminer en spirale vers l’intérieur sous
l’effet d’interactions gravitationnelles de type effet de marée avec le gaz qui
subsiste dans la nébuleuse protoplanétaire. Une planète géante évoluant ainsi
lentement vers l’intérieur pourrait perturber les orbites de tous les planétoïdes
qui s’étaient formés plus près de son étoile, soit précisément le genre de petits
mondes rocheux qui auraient pu accueillir des formes de vie extraterrestre.
Les exoplanètes de type Jupiter chaud déjà identifiées présentent un large éven-
tail de masses qui s’étend d’un peu moins d’une masse jovienne (la masse
de Jupiter), jusqu’à environ dix fois plus, soit à peu près la masse des plus
petites étoiles de type « naines brunes » (voir page 90). S’agissant des objets
les moins massifs de cette gamme, la chaleur de l’étoile voisine peut d’autant
mieux dilater l’atmosphère de la planète que sa gravité est relativement petite,
créant ainsi une « planète enflée » dont la densité est assez faible. Un tel effet,
prédit théoriquement, s’est vu confirmé par des observations ultérieures d’exo-
planètes en transit, dont le diamètre peut être estimé directement.
Des astronomes ont toutefois noté que certaines exoplanètes plus massives,
avec une gravité plus élevée, s’avèrent plus grandes et plus chaudes que ne le
prédit la théorie. En 2013, Derek Buzasi, de l’université de la côte du golfe de
Floride, a identifié un éventuel lien entre ces planètes plus grandes que prévu et
l’activité magnétique de leurs étoiles, suggérant que le magnétisme peut jouer
un rôle important dans le processus de chauffage.
2009 2012
Le lancement de la mission Nikku Madhusudhan et
Kepler renouvelle les types collaborateurs identifient
d’exoplanètes pouvant être 55 Cancri e comme une
détectées. éventuelle planète de carbone.
102 50 clés pour comprendre l’Univers
planétaires
nom l’indique, ces planètes sont des
géantes d’une masse comparable
à celle de Neptune, évoluant sur
Jusqu’à présent, produire l’image d’exoplanètes à des orbites proches de leur étoile.
partir de leurs seules lumières n’est possible que Étonnamment, certains modèles
dans de très rares cas. Cependant, les observations de formation planétaire laissent
d’exoplanètes en transit peuvent fournir à l’occa- à penser que des géantes de cette
sion des données sur leur atmosphère. Quand une classe pourraient éventuellement se
planète passe devant son étoile, les gaz de son former à une distance de leur étoile
atmosphère absorbent certaines longueurs d’onde comparable à la distance Terre-Soleil
de lumière, modifiant en conséquence la configu- et qu’une phase de migration ne
ration et l’intensité du spectre en absorption de serait donc pas nécessaire.
l’étoile en question (voir page 60). En 2001, cette
• Les planètes chthoniennes. Les pla-
technique a été utilisée pour identifier du sodium
nétologues ont découvert quelques
dans l’atmosphère de HD 209548 b, un Jupiter
systèmes planétaires où rayonne-
chaud situé à environ 154 années-lumière dans la
ment et vents stellaires dégagent
constellation de Pégase. D’autres études de cette
les couches externes d’une planète
planète intrigante ont révélé une enveloppe riche
de type Jupiter chaud en formant
en hydrogène, carbone et oxygène, s’étendant à
une queue semblable à celle d’une
plus de deux fois son propre rayon. C’est l’indice
comète. Les planètes chthoniennes
que la planète perd son atmosphère sous l’effet de
sont l’éventuel produit final d’un
l’afflux de chaleur de son étoile parente qui élève
tel processus. Ainsi, d’une planète
sa température à environ 1000 °C. En mesurant
autrefois géante, un implacable vent
le décalage Doppler des raies d’absorption du
stellaire ne laisserait plus subsister
monoxyde de carbone dans l’atmosphère de la
qu’un noyau rocheux d’une masse
planète, une équipe dirigée par Ignas Snellen de
comparable à celle de la Terre.
l’université de Leiden aux Pays-Bas a non seulement
mesuré la vitesse orbitale précise de la planète, mais • Les super-Terres. Les planètes de
elle a également repéré dans son atmosphère la ce type ont une masse d’environ
présence de vents soufflants à très hautes vitesses, 5 à 10 masses terrestres. Au vu des
entre 5 000 et 10 000 kilomètres par heure. observations, les super-Terres pré-
sentent une grande variété de den-
sité et donc une grande disparité de
compositions. Certaines peuvent
simplement n’être que des planètes rocheuses surdimensionnées, d’autres des
« naines de gaz ». La distance de l’étoile centrale détermine les conditions de
surface, qui pourraient éventuellement passer de l’état de mers de lave semi-
fondues à celui de glace surgelée. Les planètes-océan sont un sous-groupe des
Les autres systèmes solaires 103
COMPOSITION Ce tableau
montre
Silicate Monoxyde comment
Fer (cf. la Terre) Carbone Eau de carbone Hydrogène pur
les tailles
d’exoplanètes
Planète
plus ou moins
de la
semblables à la
même
Terre varient en
masse
fonction de leur
que la Équivalent masse et de leur
MASSE
Super-
20 000 km
Terre
plus intrigants, les grandes quantités d’eau qu’elles contiennent pouvant appa-
raître quand un monde au départ fait de glace migre plus près de son étoile.
• Les planètes de carbone et les planètes de fer. En fonction des conditions régnant
dans la nébuleuse protoplanétaire initiale, des planètes de type terrestres peuvent se
retrouver avec des quantités beaucoup plus importantes de carbone ou de fer, alors
que le manteau de notre Terre est plutôt composé de roches silicatées. Des mondes
dominés par le fer peuvent également être créés pour peu qu’une planète subisse
des impacts majeurs éliminant les éléments plus légers de son manteau. Dans notre
Système solaire, une telle éventualité est envisageable dans le cas de Mercure.
L’étude de ces exoplanètes, dont le nombre ne cesse de croître, n’en est aujourd’hui
qu’à ses débuts, mais il est déjà possible de reconnaître une surprenante variété
de caractéristiques physiques pour ces objets que nous ne pouvons pas encore
observer directement. Les astronomes préparent déjà la nouvelle génération des
télescopes géants qui pourront résoudre et étudier les exoplanètes individuelles
afin d’en savoir encore plus sur ces mondes aussi fascinants que variés.
L’idée clé
La configuration de notre
Système solaire n’est qu’une
possibilité parmi tant d’autres
104 50 clés pour comprendre l’Univers
26 L es zones habitables
La recherche de planètes qui ressemblent vraiment à la Terre, aptes à
accueillir des formes de vie mettant en œuvre une biochimie à base de
carbone, est l’un des plus grands défis de l’astronomie moderne. Toutefois,
comprendre de façon précise ce qui crée la « zone habitable » d’une étoile
donnée est pourtant une tâche étonnamment complexe.
Par allusion au conte Boucle d’or et les trois ours, la zone dite « Goldilocks »
devrait être celle où il ne fait ni trop chaud ni trop froid, mais « juste comme
il faut ». Dans le cas d’une planète, l’orbite idéale pourrait sembler assez
simple à déterminer : la distance à l’étoile doit être telle qu’à la surface de
la planète, le rayonnement stellaire ne soit pas trop intense pour vaporiser
l’eau (point d’ébullition), mais quand même suffisamment intense pour
chronologie
1953 1959 1979
Strughold et Arp étudient Su-Shu Huang combine La découverte du processus
indépendamment les les idées de Strughold de chauffage par effet de marée et
facteurs qui conditionnent et Arp pour établir le de lunes-océan ouvre la possibilité
la température et l’habilité des concept de zone habitable d’existence de formes de vie
planètes autour d’autres étoiles. autour de chaque étoile. en dehors de la zone habitable.
Les zones habitables 105
»
galactique », les étoiles situées dans le cœur bondé
d’une galaxie sont plus susceptibles d’être en proie
orbite autour d’une
aux rayonnements stérilisants des explosions de naine de type M.
supernova, tandis que les étoiles à la périphérie se Elisa Quintana,
formeront sans la poussière nécessaire pour éla- Institut SETI
borer en premier lieu des planètes de type terrestre.
Certains astrophysiciens doutent cependant que la
position d’une étoile soit aussi utile. Nikos Pranzos, de l’Institut d’astrophy-
sique de Paris, a ainsi soutenu qu’il y a tout simplement trop de variables impli-
quées, parmi lesquelles, et non des moindres, le fait que dans une galaxie, la
trajectoire d’une étoile peut considérablement changer tout au long de sa vie.
Une autre considération, non pas d’ordre spatial mais temporel, rappelle, en
prenant l’exemple de notre planète, que l’évolution vers des formes de vie
avancées semble prendre du temps. Dans le cas de la Terre, les formes de vie
unicellulaires les plus primitives apparurent environ un milliard d’années après
la formation de notre planète, mais trois milliards d’années supplémentaires
furent nécessaires pour que l’explosion de la vie multicellulaire se produise.
La possibilité d’accueillir des formes de vie évoluées serait ainsi limitée aux
systèmes planétaires des étoiles avec une durée de vie de plusieurs milliards
d’années, c’est-à-dire celles dont la limite supérieure de masse est à peine plus
grande que la masse de notre Soleil. Certains ont enfin soutenu que notre géné-
ration de mondes est peut-être la première abritant une forme de vie avancée,
dans la mesure où galaxie a mis du temps à développer les éléments lourds
nécessaires à la formation de planètes de type terrestre.
L’idée clé
Des conditions propices
à la vie pourraient exister sur
de nombreuses exoplanètes
108 50 clés pour comprendre l’Univers
chronologie
1920 1938 1945
Michelson et Pease Öpik présente l’idée d’un George Gamow élabore un
confirment le processus de fusion en coquilles modèle des géantes rouges
gigantesque diamètre dont la croissance déclenche en tant que stade avancé de
de l’étoile Bételgeuse des changements de la taille et l’évolution des étoiles de type
dans Orion. de la luminosité d’une étoile. solaire.
Les géantes rouges 109
vers l’intérieur, il montra comment un tel noyau deviendrait plus dense et plus
chaud en consommant ses réserves d’hydrogène. Au bout du compte, en dépit du
tarissement du combustible en son sein, le noyau dégage une telle quantité de cha-
leur dans le milieu environnant que les conditions sont réunies pour que des réac-
tions de fusion nucléaire s’amorcent dans une coquille de matériau autour de lui.
»
qu’il s’agissait d’une phase relativement brève dans
le cycle de vie d’une étoile, expliquant pourquoi sur la séquence
les géantes rouges sont bien plus rares dans notre principale.
galaxie que les étoiles naines.
George Gamow
Au-delà des couches d’hydrogène Au
début des années 1950, les astrophysiciens
s’accordaient sur l’idée que la fusion nucléaire de l’hydrogène était la principale
source de l’énergie stellaire et qu’un processus de fusion en couches était bien
le facteur de l’évolution des géantes rouges. La question suivante était bien sûr
de savoir si d’autres réactions de fusion pourraient également jouer un rôle.
L’hélium était particulièrement mis en avant, car il est produit en abondance
par les premiers cycles de fusion de l’hydrogène. Plusieurs astrophysiciens et
physiciens nucléaires commencèrent à s’intéresser à une chaîne spécifique de
réactions de fusion de l’hélium comme moyen par lequel les étoiles pourraient
continuer à briller tout en générant certains éléments parmi les plus abondants
de l’Univers. La solution s’est présentée sous la forme de la réaction triple-alpha
(voir encadré page 110). Il s’agit d’une réaction de fusion entre les noyaux
d’hélium pouvant s’amorcer dès que certains seuils de densité et de température
sont atteints au sein du noyau d’une géante rouge.
Brillante
les nébuleuses planétaires étaient
un « chaînon manquant » de leur 4
parcours évolutif. Ces magnifiques 2
bulles de gaz interstellaire en
LUMINOSITÉ
forme de sabliers et d’anneaux
qu’illumine en leur centre une 3
1
étoile blanche chaude, semblent
s’étendre à une vitesse formidable.
Chklovski se rendit compte que Séquence principale
Ténue
des nébuleuses planétaires des
objets à courte durée de vie en
termes astronomiques (peut-être Bleue O B A F G K M Rouge
quelques milliers d’années). Il en
conclut qu’elles ne devaient représenter qu’une phase entre deux stades Quand une étoile de type
d’évolution incarnés par des types d’astres plus répandus. L’étoile solaire a épuisé tout
l’hydrogène présent dans
centrale blanche et chaude semble être une version plus chaude encore son noyau, elle quitte
d’une « naine blanche » (voir page 124), le destin ultime de toutes les la séquence principale
du diagramme de
nébuleuses planétaires. Quant aux bulles de gaz interstellaires évoquées Hertzsprung-Russell (1)
plus haut, elles présentent une forte similitude avec les atmosphères en augmentant d’éclat
et en se dilatant pour
des géantes rouges. Pouvaient-elles être à l’origine des nébuleuses devenir une géante
planétaires ? rouge (2). Lors de la
phase de combustion
de l’hélium dans le
Des recherches ultérieures confirmèrent ces audacieuses déductions. En cœur, l’étoile rejoint la
1966, George Abell et Peter Goldreich montrèrent précisément comment branche horizontale (3),
mais dès que l’étoile
les couches les plus externes d’une géante rouge pouvaient s’échapper entame la phase de
pour former une nébuleuse planétaire, tandis qu’entre les années 1950 combustion de l’hélium
en coquille, elle se dilate
et 1970, Martin Schwarzschild et Richard Härm de Princeton modéli- encore plus et rejoint la
sèrent sur ordinateur l’histoire complète des géantes rouges avec un luxe zone dite asymptotique
des géantes (4).
croissant de détails. Plus récemment, les images fournies par le téles-
cope spatial Hubble et d’autres observatoires modernes ont révélé encore
davantage de détails sur la fin de vie des étoiles comme le Soleil.
L’idée clé
Les géantes rouges sont
de vieilles étoiles de type
solaire ayant évolué
112 50 clés pour comprendre l’Univers
Les étoiles variables, qui n’ont été découvertes en grand nombre qu’à partir de
la fin du xviiie siècle, ont vite fait preuve d’une surprenante variété. Alors que
certaines, comme Mira, étaient assurément des étoiles rouges avec des pulsa-
tions de longue période, d’autres, comme delta de Céphée, variaient de façon
moins spectaculaire et en quelques jours seulement.
Si les variations de Mira pouvaient s’avérer quelque peu erratiques, les étoiles
dites céphéides ont vite été connues pour répéter leur cycle avec une précision
de métronome. Au xxe siècle, les progrès des techniques photométriques pour
la mesure à haute précision des magnitudes stellaires révélèrent un éventail de
changements encore plus grand, comprenant notamment des étoiles modifiant
leur luminosité par des fractions de magnitude en quelques minutes, ainsi que des
configurations plus complexes constituées de pulsations multiples superposées.
chronologie
1596 1784 1879
Fabricius note le changement John Goodricke Ritter propose l’hypothèse que
d’éclat de Mira, la première découvre la variabilité la pulsation des étoiles résulte de
étoile variable jamais de delta Cephei. changements internes plutôt que
découverte. d’interactions avec d’autres étoiles.
Les étoiles pulsantes 113
»
une importante découverte. Parmi des milliers de les periodes plus
variables de type céphéide photographiées dans le
Petit Nuage de Magellan (un nuage d’étoiles isolé
longues.
désormais reconnu comme galaxie satellite de la Henrietta Leavitt
Voie lactée), une association évidente se faisait jour :
plus l’éclat moyen d’une céphéide était grand, plus son cycle de variation était
long. En supposant que le nuage était bien un objet physique à une distance
relativement grande de la Terre (de sorte que toutes ses étoiles sont effectivement
à la même distance et que les différences de magnitude apparente représentent
bien des différences de luminosité intrinsèque), Leavitt fut en mesure de conclure
qu’une véritable relation entre période et luminosité était à l’œuvre.
En 1912, elle publia des preuves plus détaillées de cette relation période-lumi-
nosité. Sa découverte infirma des idées soutenues depuis longtemps au sujet
des étoiles variables, faute d’explication plausible pour justifier qu’un sys-
tème binaire à éclipse ou un système similaire doive se conformer à cette règle
période-luminosité. La relation que Miss Leavitt avait découverte devait aussi
jouer un rôle clé dans la mise au point d’idées concernant l’Univers à grande
échelle (voir page 146).
Malgré les preuves rassemblées en 1914 par Harlow Shapley en faveur de l’hypo-
thèse que les céphéides étaient stimulées par un type quelconque de mécanisme
de pulsation, une explication détaillée restait inaccessible. Puis, dans les années
1920, Arthur Eddington, en s’appuyant sur son nouveau modèle d’intérieurs
stellaires, affirma que les pulsations devaient être régulées par une « soupape »
naturelle limitant le rayonnement qui s’échappe de la surface de l’étoile.
Le kappa-
mécanisme
commence
par une zone
d’ionisation partielle
transparente aux
rayonnements.
Sa présence réduit
la pression de
radiation, si bien
que les couches
1. Effondrement lent 2. Ionisation 3. Dilatation 4. De nouveau transparent externes de l’étoile
tombent lentement
vers l’intérieur
• Les étoiles de type RR Lyræ. Ces vieilles étoiles de « Population II » se trouvent (1). Sous l’effet de
souvent dans des amas globulaires (voir page 82). cette compression,
les températures
augmentent au
• Les étoiles de type delta Scuti. Également connues sous le nom de « céphéides point que la zone
naines », ces étoiles, moins lumineuses que les céphéides, ont un profil de devient plus ionisée
et opaque, piégeant
variabilité assez similaire, mais d’une bien plus courte période. le rayonnement (2).
Cet épisode
Bien que le kappa-mécanisme ait souvent réussi à expliquer de nombreux types augmente la
pression vers
d’étoiles variables, les astronomes sont encore à la recherche d’une compréhen- l’extérieur et l’étoile
sion complète de Mira, le meilleur exemple d’étoile pulsante sur toute la voûte commence à se
dilater (3) jusqu’à
céleste. Sa classe de « variables à longue période » rassemble des astres trop ce que la zone,
froids pour que le kappa-mécanisme fonctionne comme dans les céphéides. Le se refroidissant
et voyant son
mécanisme à l’œuvre dans ces étoiles ne semble pas modifier leur production ionisation diminuer,
globale d’énergie, mais la déplacer totalement du domaine de la lumière visible devienne à nouveau
à celui de l’infrarouge, et inversement. L’explication la plus probable pour le transparente
(4) pour que le
moment est que les pulsations des variables à longue période seraient créées par processus puisse
un mécanisme d’opacité externe, comme le serait, dans la haute atmosphère, se répéter.
une formation corrélée à la température de grains de poussières absorbant sélec-
tivement le rayonnement de l’étoile.
L’idée clé
Bien des étoiles varient
en luminosité, certaines avec
une périodicité pouvant
être prédite
116 50 clés pour comprendre l’Univers
29 Les supergéantes
Les étoiles les plus brillantes de l’Univers sont jusqu’à un million de fois plus
lumineuses que le Soleil. Elles vont des supergéantes bleues compactes de la
catégorie poids lourd jusqu’à des supergéantes rouges boursoufflées, certes
moins massives, mais tout aussi brillantes. De tels monstres stellaires jouent
un rôle clé dans l’enrichissement du cosmos en éléments lourds.
La recherche des étoiles les plus brillantes et les plus massives est une activité
pérenne pour les astronomes, mais déterminer la physique sous-jacente fut une
avancée cruciale dans notre compréhension de l’Univers dans son ensemble.
Le terme supergéante tient à la position de ces étoiles sur le diagramme de
Hertzsrprung-Russell. Au cours des années 1940 et 1950, William Morgan,
Philip Keenan et Edith Kellman formalisèrent une répartition des étoiles en
différentes « classes de luminosité », destinée à accompagner leurs types spec-
traux. Dans cette classification, souvent dite classification MK ou de Yerkes
(voir encadré page 119), chaque classe de luminosité est désignée par un chiffre
romain. C’est ainsi que la classe V a été attribuée aux naines normales de la
séquence principale, tandis que les supergéantes sont réparties en deux classes,
Ia et Ib. La classe O a été ajoutée plus tard pour les hypergéantes, une catégorie
d’étoiles encore plus brillantes.
Dès les années 1920, Arthur Eddington suggéra qu’il existe une limite de
luminosité au-delà de laquelle aucune étoile ne peut rester stable, la pres-
sion de radiation exercée vers l’extérieur ne pouvant plus être contenue.
Masse et luminosité étant liées, il existe donc une limite supérieure de masse
pour les étoiles stables. Jusque récemment, les astrophysiciens pensaient que
cette limite se situait autour de quelques dizaines de masses solaires, mais
ils ont maintenant compris qu’une vaste gamme de facteurs affecte la sta-
bilité des étoiles et leur permet de devenir considérablement plus massives
sans que le processus de formation en soit vraiment affecté. Ainsi, l’étoile
la plus massive connue aujourd’hui est R136a1, une géante de 265 masses
solaires située au cœur d’un amas stellaire jeune et dense du Grand Nuage
de Magellan.
chronologie
1843 1867 1943
L’étoile bleue variable Êta de Charles Wolf et Georges Morgan, Keenan et Kellman
la Carène entre en éruption Rayet identifient les adoptent le terme supergéante
et devient brièvement premiers exemples pour désigner les étoiles les
la deuxième étoile la plus d’étoiles de Wolf-Rayet. plus brillantes de leur système
brillante de la voûte céleste. de classification.
Les supergéantes 117
»
dizaines de milliers de degrés. Toutefois, le point
essentiel d’Eddington, à savoir que la grande la plus massive
luminosité des étoiles massives les rend instables,
se confirme dans la diversité des supergéantes
en son sein.
étudiées jusqu’à présent. Les variables lumineuses Paul Crowther
bleues (Luminous Blue Variables en anglais, ou LBV)
sont des étoiles très évoluées (bien qu’âgées seulement de quelques millions
d’années en raison de la durée de vie accélérée des étoiles les plus massives)
qui fluctuent violemment en taille, en luminosité et en température de surface
quand s’approche la fin de leur brève existence.
Un peu moins massives que les LBV, les supergéantes blanches, dites étoiles de
Wolf-Rayet, furent observées pour la première fois dans les années 1860. Les
études de leurs spectres révèlent qu’elles sont entourées de gaz en expansion
rapide, et qu’elles ne se conforment pas à ce qui est attendu des relations entre
masse, température et luminosité. Elles sont un exemple classique de la théorie
d’Eddington en action : il s’agit en effet d’étoiles qui commencent leur vie avec
une luminosité telle qu’un vent stellaire à grande vitesse emporte au loin leurs
couches superficielles. Le fait d’exposer ainsi les couches plus profondes et plus
chaudes ne fait qu’accroître la pression de radiation dirigée vers l’extérieur,
instaurant un effet d’emballement qui fait qu’elles perdent une énorme frac-
tion de leur masse – peut-être des dizaines de masses solaires – au cours de leur
courte phase de combustion de l’hydrogène. Cette rapide perte de masse a un
effet significatif sur la manière dont ces étoiles évoluent au cours des dernières
étapes de leur vie.
Les supergéantes jaunes, plus froides, sont des étoiles qui ont épuisé l’hydro-
gène de leur noyau et sont en expansion vers l’état de supergéante rouge. Ce fai-
sant, elles traversent la « bande d’instabilité » du diagramme H-R et deviennent
des variables de type céphéide (voir page 112). En raison d’une perte de masse
antérieure, elles ont tendance à être moins massive que les LBV, avec une masse
ne dépassant pas 20 masses solaires. Les supergéantes rouges, quant à elles, sont
Un tel processus pourrait au bout du compte créer tous les éléments jusqu’au fer,
au cobalt et au nickel – les plus lourds des éléments, dont la formation rejette
plus d’énergie qu’elle n’en capte. Les origines des éléments plus lourds que le fer
demeuraient toutefois mystérieuses. Puis, en 1952, les époux Geoffrey et Margaret
Burbidge découvrirent quelques rares étoiles qui semblaient être enrichies de tels
éléments encore plus lourds. Comme ils ne pouvaient pas avoir été synthétisés
par fusion directe, la seule solution pour expliquer leur formation était le lent
bombardement de noyaux plus légers par des neutrons subatomiques indivi-
Les supergéantes 119
duels. William Fowler, ayant remarqué le travail des Burbidge, commença à tra-
vailler avec eux, ainsi qu’avec Fred Hoyle. Ils publièrent f inalement un article de
revue, en 1957, resté célèbre en tant qu’article B2FH (acronyme bâti avec les ini-
tiales de ses auteurs). C’était la première fois qu’un article exposait le rôle joué,
dans la création des éléments dans les étoiles massives, par la fusion nucléaire,
mais aussi par deux types de capture de neutrons, le lent « processus-s » et le
rapide « processus-r ». L’astrophysicien canadien Alastair Cameron, en suivant
de son côté une ligne de recherche similaire, relia le processus-r aux explosions
de supernova (voir page 122). Ce succès constitua la dernière étape cruciale de
l’explication de l’origine des éléments dans les étoiles.
Classes de luminosité
En 1913, le physicien allemand Johannes Stark détectées dans les spectres des naines doivent
découvrit un phénomène connu sous le nom donc être plus larges que celles observées
d’élargissement par pression, ayant pour effet dans les spectres des géantes. Ce fut l’une
d’élargir les raies d’absorption ou d’émission des innovations clé du système de classifica-
d’un gaz donné, quand le gaz en question est tion MK, créant un raccourci pour déterminer
soumis à une pression plus élevée. Cet effet les luminosités stellaires.
est dû à un accroissement du nombre de col- Une fois que cette méthode indépendante
lisions entre les particules du gaz proches les pour mesurer les tailles stellaires fut com-
unes des autres, créant de légères variations binée avec des informations sur la couleur et
de l’énergie totale émise ou absorbée par le type spectral, il devint possible de déduire
chaque atome individuel. Morgan et Keenan, directement les luminosités des étoiles, et par
de l’observatoire Yerkes, s’aperçurent qu’un conséquent, d’estimer leur probable distance
tel effet pourrait être utilisé pour estimer la de la Terre. Pour la première fois, il apparut
taille d’une étoile. Étant donné que la pression que plusieurs types d’étoiles apparemment
des gaz de la photosphère d’une petite étoile sans rapport, aux couleurs et aux propriétés
dense est plus élevée que celle des gaz de la différentes, étaient en fait toutes des super-
photosphère d’une géante distendue, les raies géantes très lumineuses.
L’idée clé
Les étoiles poids lourd
vivent vite et meurent jeunes
120 50 clés pour comprendre l’Univers
30 Les supernovæ
Alors que les étoiles comme le Soleil finissent leurs vies dans les ronds de
fumée cosmique assez paisibles d’une nébuleuse planétaire, les poids lourds
stellaires vivent à toute vitesse et meurent jeunes. Ils finissent leurs vies dans
l’explosion spectaculaire d’une supernova, dont l’éclat peut alors surpasser
celui des mille milliards d’étoiles de toute une galaxie et projeter à travers
l’espace de nouveaux matériaux de formation stellaire.
Les supernovæ se produisent en moyenne une fois par siècle, dans notre galaxie,
et peuvent parfois devenir les objets les plus brillants de notre voûte céleste. À ce
titre, leurs apparitions furent remarquées et consignées tout au long de l’histoire,
notamment en 1054, lorsque la mort violente d’une étoile dans la constellation
du Taureau illumina le ciel nocturne et abandonna le nuage effiloché de gaz sur-
chauffé connu sous le nom de nébuleuse du Crabe. Plus tard, en 1572, une nou-
velle supernova contribua à ébranler les hypothèses sur l’immuabilité des cieux et
précipita la révolution copernicienne (voir page 5). Mais en raison de leur rareté, les
supernovæ sont difficiles à étudier – depuis l’invention des lunettes et télescopes,
les astronomes n’en ont répertorié aucune dans notre galaxie. Il fallut attendre les
années 1920 et l’acceptation de l’existence de galaxies bien au-delà de la Voie lactée
pour que les études des supernovæ prennent vraiment leur essor, alors que les astro-
nomes commençaient à les repérer et à les examiner dans de lointaines galaxies.
chronologie
1921 1934 1941
John Duncan découvre que Baade et Zwicky calculent Rudolph Minkowski et Zwicky
la nébuleuse du Crabe est en le véritable éclat classent les supernovæ
expansion. Knut Lundmark note de la nova S Andromedæ. en deux types distincts.
sa parenté avec la nova de 1054.
Les supernovæ 121
Dans les années qui suivirent, Zwicky, Baade et Rudolph Minkowski menèrent
un suivi intensif de supernovæ se produisant dans d’autres galaxies. Zwicky
était en charge de la recherche initiale de l’apparition d’étoiles nouvelles,
Baade en faisait le suivi en mesurant l’évolution de leur luminosité (en
bâtissant un modèle de leurs « courbes de lumière ») tandis que Rudolph
Minkowski se concentrait sur l’obtention de spectres. Baade étudia égale-
ment les éventuelles supernovæ historiques dans notre galaxie. Il confirma
ainsi que l’astre considéré en 1572 comme une « étoile nouvelle » était bien
une supernova, et découvrit que la nébuleuse du Crabe devait aussi être une
supernova (plutôt qu’une nébuleuse planétaire) en raison de son taux d’ex-
pansion rapide.
»
en types I et II, avec quelques subdivisions dans
chaque catégorie. Une telle répartition peut tou-
composée surtout
tefois sembler quelque peu contestable, dans la de neutrons.
mesure où l’on sait aujourd’hui que l’origine des Fritz Zwicky
objets classés supernovæ de type Ia est assez diffé-
rente de celles de tous les autres (voir page 130).
En expliquant la fusion du carbone dans les étoiles (voir page 110), Hoyle
s’était convaincu que les intérieurs des astres les plus massifs (plus de
huit fois la masse du Soleil) édifiaient, à l’abri d’une vaste enveloppe d’hy-
drogène, une série de coquilles en pelure d’oignon dévolues à la synthèse
des éléments jusqu’au fer et au nickel. Toutefois, la synthèse du fer absor-
bant plus d’énergie qu’elle n’en relâche, priverait l’étoile de toute source
d’énergie. Hoyle comprit que, ne disposant plus d’une pression de radia-
tion dirigée vers l’extérieur pour le soutenir, le cœur de l’étoile, dont la
masse dépassait forcément la limite de Chandrasekhar de 1,4 masse solaire
(voir page 125), s’effondrerait brutalement pour former une étoile à neutrons
(voir encadré ci-contre).
Effondrement et rebond
Faute de support, les coquilles
L’idée clé
Les étoiles supergéantes
meurent dans de violentes
explosions
124 50 clés pour comprendre l’Univers
Naines blanches Tous les vestiges stellaires sont bien plus petits que
leurs étoiles progénitrices, ils brillent donc d’un plus faible éclat et sont plus
difficiles à détecter. Aucun n’est visible à l’œil nu ; la première naine blanche
fut détectée dès 1783 par William Herschel qui la répertoria comme un membre
du système d’étoiles multiples 40 Eridani. L’importance de cette étoile ne
fut comprise que beaucoup plus tard, c’est pourquoi les premières naines
blanches reconnues comme une classe stellaire importante et rare furent les
compagnons de deux des étoiles les plus brillantes du ciel : Sirius et Procyon.
En 1844, Friedrich Bessel, ayant noté de légères variations dans la position de
ces deux astres proches, imputa ces oscillations à la présence d’étoiles invisibles
en orbite autour d’elles. L’étoile liée à Sirius (Sirius B) ne fut toutefois pas
repérée avant 1862, quand l’astronome américain Alvan Clark parvint enfin à
la détecter avec une lunette astronomique.
chronologie
1862 1926 1931
Clark découvre la petite Fowler décrit une naine blanche Chandrasekhar calcule la
et dense naine blanche comme une étoile effondrée limite supérieure de la masse
Sirius B. soutenue par la pression de des naines blanches.
dégénérescence des électrons.
Les vestiges stellaires 125
»
conditions, la pression de radiation ne pouvait pas
contrebalancer les forces de gravité comme c’est seconde et
le cas dans des étoiles bien plus grandes, quelque un tiers.
chose d’autre devait donc empêcher les naines
blanches de s’effondrer entièrement sous leur Jocelyn Bell Burnell
propre poids.
Étoiles à quarks
Pour peu que la masse d’un noyau stellaire objets étranges sont maintenus par une sorte
en effondrement soit supérieure à la limite de pression de dégénérescence suscitée par
dite Tolman-Oppenheimer-Volkoff (TOV) les quarks eux-mêmes. Une matière faite de
– valant entre deux et trois masses solaires –, quarks ne peut rester stable que sous l’effet
alors même la pression de dégénérescence de températures et de pressions extrêmes et
des neutrons n’est pas suffisante pour mettre pourrait limiter l’effondrement à un diamètre
un terme à son effondrement. On présumait équivalent à la moitié de celui d’une étoile
autrefois qu’un tel noyau devrait s’effondrer à neutrons, soit environ 10 kilomètres. Il est
en un trou noir dès que les neutrons se désin- aussi possible que se crée, à l’intérieur d’une
tégreraient en composants connus sous le étoile à neutrons, un noyau hyperdense de
nom de quarks, mais la physique nucléaire matière de quarks, ce qui pourrait permettre
contemporaine suggère un éventuel sursis à l’étoile à neutrons en question de subsister
sous la forme d’une étoile à quarks. Ces au-delà de la limite TOV.
L’idée clé
La mort des étoiles laisse
derrière elle les objets les
plus étranges de l’Univers
128 50 clés pour comprendre l’Univers
32 L es étoiles
binaires extrêmes
Au xxe siècle, les astronomes qui étudiaient les domaines spectraux en
dehors de celui de la lumière visible dénichèrent toute une gamme d’objets
exotiques, comme des étoiles émettant de forts signaux dans les domaines
des rayons X et des ondes radio. L’interprétation de ces étranges systèmes
s’est avérée tenir aux interactions entre étoiles normales et vestiges stellaires.
Dans un article scientifique de 1941 visant à expliquer les propriétés de Bêta Lyræ,
une binaire à éclipse singulière (voir page 94), Gerard Kuiper suggéra que des
étoiles en système binaire pourraient parfois graviter suffisamment près l’une de
l’autre pour que s’opère un transfert de matière entre elles. Il modélisa alors le cas
où une étoile d’un tel système (voire les deux) débordait de son « lobe de Roche »
(la limite au-delà de laquelle elle ne peut plus résister aux forces d’attraction gra-
vitationnelle de sa voisine). Il démontra que dans une telle situation, la matière
ne serait pas seulement déplacée d’une étoile vers l’autre, mais constituerait un
« disque d’accrétion » ceinturant l’équateur de l’étoile de réception. Cette éven-
tualité est particulièrement susceptible de survenir dans des systèmes composés
d’un petit vestige stellaire dense et d’une géante rouge pléthorique n’ayant qu’une
emprise assez faible sur ses couches externes de gaz (un scénario possible car des
étoiles de différentes masses vieillissent à des rythmes différents). Dans un tel cas,
l’étoile initialement moins massive et d’un plus faible éclat peut devenir la plus
lumineuse de la paire, avec en orbite autour d’elle une naine blanche, petite mais
massive, voire une étoile à neutrons ou un trou noir, pour peu que l’étoile com-
pagne ait produit une supernova. En raison de la présence d’un disque d’accré-
tion, un tel système est en mesure de produire tout un éventail d’effets.
chronologie
1892 1941 1967
Un gaz en expansion est Kuiper propose Chklovski esquisse le modèle du
détecté autour de la nova l’existence de binaires disque d’accrétion des binaires à
T Aurigæ, attestant à contact pour expliquer rayons X utilisé pour la détection des
sa nature explosive. l’étoile Bêta Lyræ. étoiles à neutrons et des trous noirs.
Les étoiles binaires extrêmes 129
Désintégration d’étoiles
Novæ naines Pour les novæ, des paramètres comme
l’intensité des éruptions et le laps de
temps entre deux éruptions consé-
Certaines éruptions de nova se produisent à
cutives dépendent de la dynamique
beaucoup plus petite échelle et de manière quasi
précise du système, il n’y a donc pas
régulière, avec des périodes allant de la journée à
deux novæ identiques. Il en va tout
quelques années. Ces « novæ naines » (souvent
autrement des aînées de la grande
appelées étoiles U Geminorum, d’après le spécimen
fratrie des variables cataclysmiques,
prototype découvert en 1855) impliquent le même
à savoir les supernovæ de type Ia. En
genre de système binaire à transfert de masse ren-
réalité, une clé de compréhension
contré dans les « novæ classiques » bien plus lumi-
contemporaine décisive de l’Univers
neuses. En 1974, l’astronome britannique Brian
repose sur le fait que l’intensité de ces
Warner fut le premier à expliquer de quelle manière
explosions spectaculaires est toujours
survient l’éruption des novæ naines en mettant en
la même.
avant un mécanisme tout à fait différent. La matière
transférée s’accumule avec une telle densité dans Les supernovæ de type Ia se déve-
le disque d’accrétion qu’il devient instable, ce qui loppent à partir de novæ dans
déclenche son brutal effondrement à la surface de lesquelles la masse de la naine
la naine blanche, suivi d’une spectaculaire explo- blanche est proche de la limite de
sion dont l’éclat décroît avant que le système Chandrasekhar (1,4 masse solaire, voir
revienne à la normale. Plusieurs centaines d’étoiles page 125). Les astronomes partaient
U Geminorum ont été découvertes, révélant une du principe que si une assez grande
tendance claire entre intensité et fréquence de leurs quantité de matière s’accumulait dans
éruptions : plus l’attente entre deux explosions est l’atmosphère d’une naine blanche,
longue, plus l’explosion est lumineuse. Des astro- l’astre subissait tout simplement un
nomes envisagèrent ainsi d’étudier la possibilité effondrement soudain et violent pour
d’utiliser les novæ naines comme chandelles stan- former une étoile à neutrons. Des
dards – moyen, entre autres, d’étalonner les dis- recherches récentes ont toutefois sug-
tances au sein de notre galaxie. géré qu’avant d’atteindre ce stade, la
pression croissante au sein de la naine
blanche déclenche une nouvelle
vague de fusion des noyaux de car-
bone et d’oxygène qui y sont implantés. Dans la mesure où la matière au sein de
la naine blanche est dégénérée, l’astre ne peut pas se dilater à l’instar d’une étoile
normale, la température de son cœur grimpe donc en flèche jusqu’à atteindre des
milliards de degrés ; les processus de fusion échappent alors à tout contrôle. Les
conditions de dégénérescence sont finalement transgressées à l’occasion d’une
explosion aussi soudaine que spectaculaire qui détruit totalement l’étoile et dont
la luminosité maximale est environ 5 milliards de fois plus élevée que celle du
Soleil. Comme les supernovæ de type Ia convertissent toujours la même quantité
de masse en énergie, les cosmologistes peuvent les utiliser comme chandelles
standards pour mesurer la distance des galaxies lointaines (voir page 184).
Les étoiles binaires extrêmes 131
«
visibles sont apparemment aussi de brillantes sources de rayons X.
»
deux étoiles à neutrons voire de deux trous noirs
– les astrophysiciens estiment en effet que de tels Qu’est-ce que ça peut
systèmes constituent une proportion substantielle bien être ?
de toutes les binaires extrêmes. Dans l’un ou l’autre
type de binaires, la formidable gravité qui s’exerce Carl Sagan
entre vestiges stellaires suscite de puissantes forces
de marées qui les font tomber en spirale l’un vers l’autre sur une trajectoire
inexorable de collision, dont les ultimes moments génèrent des trains d’ondes
gravitationnelles (voir page 191). Alors que la coalescence de deux trous noirs
ne produit pas d’explosion apparente, celle de deux étoiles à neutrons pourrait
être à l’origine d’énormes bouffées de rayons gamma, et certains astrophysi-
ciens suggèrent que ces événements pourraient aussi offrir un autre moyen de
synthétiser les éléments les plus lourds dans l’Univers.
L’idée clé
Les étoiles en systèmes binaires
peuvent avoir des cycles de
vie radicalement différents
132 50 clés pour comprendre l’Univers
Schwarzschild démontra que tout objet de masse donnée, s’il est comprimé au
point de se maintenir dans une sphère d’un rayon inférieur à un certain rayon
critique (connu maintenant sous le nom de rayon de Schwarzschild), ne serait
plus en mesure de respecter les équations d’Einstein : en langage mathéma-
tique, l’objet deviendrait une singularité. En outre, la vitesse nécessaire pour
échapper à la gravité de cet objet (autrement dit, la vitesse d’échappement,
comme nous la désignons désormais) dépasserait la vitesse de la lumière. Il
serait donc véritablement impossible de s’échapper d’un tel objet car, d’après
la théorie de la relativité, la vitesse de la lumière est la vitesse la plus élévée de
l’Univers.
Arthur Eddington, qui avait déjà fait beaucoup pour défendre la théorie d’Eins-
tein (voir page 191), tint compte de ces astres effondrés dans son livre de 1926
sur la structure stellaire, et affina considérablement l’idée de base. La vitesse de
la lumière étant constante, la lumière émise par une étoile, aussi super-dense
soit-elle, ne peut pas ralentir. Eddington soutint au contraire que la lumière
doit perdre de l’énergie, sa longueur d’onde étant de plus en plus décalée
vers le rouge du côté des plus grandes longueurs d’onde. Quand l’étoile est
comprimée au point que son rayon est égal à son rayon de Schwarzschild,
chronologie
1783 1941 1926 1931
Michell prédit l’existence Schwarzschild prédit Eddington montre Chandrasekhar affirme
d’étoiles sombres dont la l’existence des trous comment des que des singularités
gravité est si intense que noirs à partir de son singularités décalent pourraient être dues à
la lumière ne peut s’en analyse de la relativité la lumière vers le l’effondrement des cœurs
échapper. générale. rouge autour d’elles. stellaires les plus massifs.
Les trous noirs 133
sombres
pour contrebalancer sa propre
gravité. Il n’avait cependant pas
anticipé la découverte des étoiles
à neutrons, mais en 1939, Robert En 1783, l’Anglais John Michell, pasteur et astro-
Oppenheimer et ses collègues nome, présenta à la Royal Society de Londres
montrèrent que même ces étoiles un document remarquablement prémonitoire.
super-denses ont une limite La plupart des scientifiques de l’époque avaient
supérieure de masse d’environ adopté la théorie corpusculaire d’Isaac Newton,
3 masses solaires. Oppenheimer selon laquelle la lumière se composait de minus-
argua alors qu’au moment où cules particules se déplaçant à des vitesses élevées.
le rayon de l’étoile en train Michell estimait quand à lui que ces particules
de s’effondrer devient égal à devant être soumises à la gravité, il était donc pos-
son rayon de Schwarzschild, sible en théorie qu’une étoile suscite une gravité
la distorsion de l’espace-temps tellement puissante que la vitesse nécessaire pour
est alors telle qu’à la surface de s’en échapper soit supérieure à la vitesse de la
l’astre, le temps semble gelé. lumière. Il fit valoir que dans un tel cas, le résultat
C’est ainsi que ces astres contre- serait un « astre sombre » : un astre n’émettant
intuitifs furent connus, pendant aucun rayonnement, mais qui pourrait néanmoins
un certain temps, sous le nom être détecté par son influence gravitationnelle sur
d’étoiles gelées. des étoiles visibles s’il appartenait à un système
binaire. Le document de Michell était une prédic-
Une nouvelle ère dans l’étude tion impressionnante du phénomène des trous
des trous noirs s’ouvrit en 1958 noirs, mais son travail fut négligé jusqu’aux années
quand le physicien américain 1970, date à laquelle des trous noirs avaient été
David Finkelstein redéfinit leur découverts par d’autres moyens.
rayon de Schwarzschild comme
un « horizon des événements ».
Ergosphère où
Axe de rotation À l’intérieur de cette limite, l’effon-
les objets doivent drement de l’étoile continuait jusqu’à
tourner avec le trou former un point infiniment dense (la
noir mais peuvent
encore s’échapper Singularité vraie singularité), mais aucune infor-
annulaire mation n’était en mesure de parvenir
à un observateur extérieur à l’horizon
– et tout ce qui franchissait cette
frontière était voué à un voyage sans
retour.
Heureusement pour les astronomes, les conditions sont si extrêmes autour des
trous noirs qu’ils produisent d’autres effets pouvant être détectés. Plus précisé-
ment, des rayons X sont émis par la matière tombant dans un trou noir, cette
dernière étant portée à des températures se mesurant en millions de degrés
par l’action des forces de marées dues à l’énorme gravité que suscite l’astre
effondré. Dans les années 1960, plusieurs sources cosmiques de rayons X ont
été découvertes à l’aide d’instruments portés par fusées, puis des centaines
d’autres après le lancement, en 1970, du satellite Uhuru, le premier consacré
«
à l’astronomie des rayons X. Beaucoup de ces sources se sont avérées être des
nuages de gaz surchauffé au sein de lointains amas
de galaxies (voir page 157), mais certaines d’entre
elles étaient compactes et apparurent comme étant
Les trous
associés à des étoiles visibles de la Voie lactée. noirs de la nature
sont les objets
Le scénario le plus probable pour expliquer ces macroscopiques les
»
sources lumineuses et rapidement variables met-
tait en scène une « binaire à rayons X », avec un
plus parfaits dans
vestige stellaire compact qui soutire la matière l’Univers.
d’une étoile compagne visible (voir page 131). En Subrahmanyan Chandrasekhar
général, ces systèmes font intervenir des étoiles à
neutrons, mais en 1973, les astronomes britanniques Louise Webster et Paul
Murdin, ainsi que le Canadien Thomas Bolton, étudièrent la brillante source de
rayons X Cygnus X-1 et mesurèrent le décalage Doppler de la lumière rayonnée
par l’étoile visible, une supergéante bleue. Cette étude révéla que l’étoile était
en orbite autour d’un compagnon invisible d’une masse de plus de huit fois
celle du Soleil. Un tel astre ne pouvait être qu’un trou noir. Ce procédé de
détection d’un trou noir par son influence sur une étoile compagne a été utilisé
depuis pour dénicher plusieurs systèmes similaires.
L’idée clé
Il n’y a pas d’échappatoire
pour les objets les plus
denses de l’Univers
136 50 clés pour comprendre l’Univers
34 La Voie lactée
La Voie lactée est une bande de lumière diffuse qui s’étend tout autour du
ciel nocturne. Célébrée depuis la Préhistoire, sa nature plus profonde ne fut
révélée qu’après l’invention de la lunette astronomique, et son identité en tant
que vaste système d’étoiles en forme de spirale ne fut établie qu’au xxe siècle.
Il n’est pas surprenant que la Voie lactée ait été l’une des premières cibles de
l’astronome italien Galilée qui, en janvier 1610, braqua dans sa direction sa
lunette astronomique primitive. En découvrant qu’elle était constellée d’in-
nombrables étoiles invisibles à l’œil nu, il en conclut que la Voie lactée devait
aussi contenir un nombre incommensurable d’étoiles hors de portée de son
instrument. Allant encore plus loin, il soutint que les « nébuleuses » à l’aspect
de nuages diffus étaient également constituées d’étoiles distantes (une conclu-
sion parfois correcte mais pas toujours).
C’est seulement en 1750 que l’astronome anglais Thomas Wright émit l’hypo-
thèse que la Voie lactée devait être un vaste nuage d’étoiles en rotation que la
gravité aplatissait pour ne former qu’un unique plan avec une structure similaire à
celle de notre propre Système solaire. Cinq ans plus tard, Emmanuel Kant évoqua
également une galaxie semblable à un disque, suggérant, avec une remarquable
prescience, que la Voie lactée n’était qu’un des nombreux « univers-îles », certains
d’entre eux étant perceptibles à d’immenses distances en tant que nébuleuses.
chronologie
1000‑1300 1610 1750 1785
Divers astronomes Galilée mène la première Wright estime pour Herschel publie la
islamiques soutiennent étude de la Voie lactée avec la première fois la première carte de
que la Voie lactée une lunette astronomique et forme de la Galaxie la Voie lactée.
rassemble les lueurs découvre un grand nombre en se basant sur la
d’innombrables étoiles. de nouvelles étoiles. répartition des étoiles.
La Voie lactée 137
»
parties du ciel (voir page 82). Il en conclut que ces
amas étaient approximativement groupés autour d’innombrables
d’une région distante de l’espace dans la direction étoiles en amas.
de la constellation du Sagittaire. À en croire Shapley,
cette région était le véritable centre de la Voie lactée,
Galileo Galilei
dont notre Système solaire, à la périphérie du vaste
disque de notre galaxie, se trouvait très éloigné.
e
Br
ire
tta
as
menées avec le télescope spatial Spitzer gi
de la Rè
le
a
de la NASA confirmèrent la présence
ra
uS
nt
ce
de la barre centrale, le positionne-
d
Bras
rre
gl
ment des géantes rouges sur une
Ba
e
Épe Bra
étendue de 28 000 années-lumière
on
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attestant sans aucun doute que la s
d’O
r io n
de
Voie lactée est bel et bien une spirale
Br
Pers
ée
as
barrée (voir page 144). Les galaxies de e xt
ern
ce type ont deux grands bras spiraux e
De nouvelles études seront sans aucun doute nécessaires pour résoudre cette
divergence entre étoiles anciennes et étoiles jeunes, mais la solution pour-
rait être liée à une succession continue de collisions entre la Voie lactée et
la plus petite galaxie elliptique naine du Sagittaire. Selon des simulations
numériques publiées en 2011, cette petite galaxie – située actuellement à
environ 50 000 années-lumière de l’autre côté du centre galactique – est quasi-
certainement responsable de la structuration actuelle en spirale de la Voie lactée.
L’idée clé
Notre galaxie est une spirale
d’étoiles avec le Soleil
loin de son centre
140 50 clés pour comprendre l’Univers
35 L e cœur
de la Voie lactée
Les régions centrales de notre galaxie se trouvent à 26 000 années-
lumière, dans la constellation du Sagittaire. Des nuages denses empêchent
l’observation visuelle de ce noyau, mais les progrès importants des
observations menées dans le domaine radio, ainsi que les télescopes
spatiaux, ont permis de révéler la présence d’un monstre tapi au cœur de la
Voie lactée : un trou noir d’une masse de quatre millions de Soleils.
L’idée selon laquelle des noyaux galactiques pourraient dissimuler des trous
noirs « supermassifs », dont les masses se mesurent en millions de fois celle du
Soleil, émergea suite aux tentatives menées dans les années 1960 et 1970 pour
expliquer les quasars et autres galaxies actives (voir page 152). En 1971, Donald
Lynden-Bell et Martin Rees soutinrent que des trous noirs supermassifs dormants
pourraient se trouver au centre de toutes les galaxies, y compris celui de la Voie
lactée, agissant comme un centre gravitationnel autour duquel tournerait tout le
système. Avec un centre galactique échappant aux observations dans le domaine
visible en raison de nuages placés sur la ligne de visée des télescopes, et avec des
observations spatiales encore à leurs balbutiements, les premiers indices corro-
borant les vues de Lynden-Bell et Rees émergèrent du domaine des ondes radio.
chronologie
1921 1933 1971 1974
Shapley localise le Jansky identifie Lynden-Bell et Rees Brown et Balick
centre de notre galaxie les émissions radio suggèrent qu’il existe un identifient la source
loin dans le Sagittaire. des régions centrales trou noir supermassif au radio compacte
de la Galaxie. cœur de la Voie lactée. Sagittarius A*.
Le cœur de la Voie lactée 141
Signaux du centre Le
premier radiotélescope était un
réseau improvisé d’antennes, Populations stellaires
très différent des collecteurs
L’idée de deux populations stellaires distinctes fut
paraboliques qui existent
lancée par Walter Baade sur la base de ses études de
ajourd’hui. Construit dans les
la galaxie voisine d’Andromède, puis mise en pra-
années 1930 par le physicien
tique sur des étoiles d’autres sites, y compris celles
Karl Jansky dans les laboratoires
de notre propre galaxie. Les étoiles de Population I
de la compagnie Bell Telephone
se trouvent dans les disques et les bras des galaxies
dans le New Jersey, ses
spirales. Elles sont relativement jeunes, offrent toute
capacités directionnelles
une gamme de couleurs, et leur « métallicité » (pro-
étaient rudimentaires ; ce fut
portion d’éléments plus lourds que l’hydrogène
pourtant suffisant pour que
et l’hélium) est assez élevée, ce qui leur permet
Jansky identifie un signal radio
de briller par le truchement du cycle CNO (voir
provenant du ciel qui semblait
page 75). Les étoiles de Population II, en revanche,
se lever et se coucher tous
se retrouvent surtout dans les bulbes centraux des
les jours. Au départ, le signal
galaxies spirales, les amas globulaires et les galaxies
paraissait se conformer au
elliptiques (voir pages 82 et 145). Individuellement,
mouvement diurne du Soleil,
elles brillent d’un faible éclat, leur masse est en
mais au bout de quelques mois,
général plus petite que celle du Soleil, et elles sont
Jansky remarqua qu’il dérivait,
majoritairement rouges et jaunes. Un manque de
se levant et se couchant un
métaux restreint leur capacité de fusion de l’hydro-
peu plus tôt chaque jour,
gène au cycle proton-proton (voir page 74) et leur
correspondant au mouvement
assure une vie longue et peu spectaculaire. Les
apparent d’un objet solidaire de
étoiles de Population II sont en général regardées
la voûte céleste. En 1933, Jansky
comme étant aujourd’hui les plus vieilles de l’Uni-
fut en mesure d’annoncer
vers, certaines subsistant depuis le premier milliard
la détection d’ondes radio
d’années qui a suivi le Big Bang.
provenant de la Voie lactée, le
signal étant le plus fort dans la
direction du Sagittaire.
« La clé pour
attester la présence
d’un trou noir est de
Les années 1970 et 1980 virent également naître
d’autres méthodes pour voir à travers les nuages
de poussières et d’étoiles placés entre la Terre et le
centre de la Voie lactée. Les télescopes spatiaux opé-
rant dans l’infrarouge se révélèrent très utiles pour
démontrer qu’une repérer les amas stellaires ouverts massifs qui par-
énorme quantité de sèment la région centrale. Les astronomes décou-
matière se trouve vrirent ainsi que l’un d’eux, l’amas du Quintuplet,
»
dans un volume hébergeait un phénomène stellaire considérable,
connu sous le nom d’étoile du pistolet. Avec une
très petit. luminosité environ 1,6 million de fois plus élevée
Andrea Ghez que celle du Soleil, c’est le plus formidable des nom-
breux géants stellaires qui se pressent dans l’amas
du Quintuplet ainsi que dans l’amas voisin, plus massif, des Arches (découvert
tardivement, dans les années 1990).
Bien que ces deux amas stellaires soient situés à des dizaines d’années-lumière
de Sagittarius A*, la présence d’étoiles aussi monstrueuses à courte durée de vie
a sapé les hypothèses selon lesquelles le centre galactique n’abriterait que de
modestes étoiles naines de Population II à longue durée de vie. Il semble au
contraire que les régions les plus centrales de la galaxie ont été les sites d’une
intense formation stellaire, active au cours des derniers millions d’années.
Les décalages Doppler montrèrent que les étoiles de cet amas se déplacent à des
centaines de kilomètres par seconde, voire plus. En l’espace de quelques années,
des observations à très haute résolution angulaire ont permis de suivre le dépla-
cement de ces étoiles et de démontrer qu’elles évoluent sur des orbites elliptiques
autour d’un corps central invisible, ce qui permet de contraindre la taille de cet
objet massif qui fournirait un ancrage à tout l’amas stellaire ainsi qu’à l’ensemble
de la Voie lactée. Une étoile en particulier, nommée S2, une géante de 15 masses
Le cœur de la Voie lactée 143
L’idée clé
Un trou noir supermassif est
tapi au cœur de la Voie lactée
144 50 clés pour comprendre l’Univers
36 L es types
de galaxies
Edwin Hubble découvrit, en 1924, que de nombreuses nébuleuses du ciel
sont des galaxies à part entière situées bien au-delà de la nôtre, ouvrant
un champ astronomique complètement nouveau. Il fut ainsi possible de
comparer la Voie lactée avec ces autres systèmes, et il devint tout à fait
évident que certains types de galaxies sont très différents.
Le système de classification des galaxies utilisées de nos jours a été maintes fois
modifié et amendé, mais les astronomes reconnaissent aujourd’hui encore les
cinq principaux types de galaxies identifiés par Hubble dans son livre de 1936,
The Realm of the Nebulae (le royaume des nébuleuses en français) : les spirales,
les spirales barrées, les elliptiques, les lenticulaires et les irrégulières.
chronologie
1924 1936 1937 1939
Hubble confirme que Hubble présente Shapley découvre Babcock confirme la
les nébuleuses spirales un système de la première des rotation différentielle
sont des galaxies bien classification global nombreuses galaxies des étoiles au sein
au-delà de la Voie lactée. des types de galaxie. naines sphéroïdales. des galaxies spirales.
Les types de galaxies 145
»
subdivisa les deux types de spirales en fonction du
resserrement de leurs bras spiraux. Il existe d’autres histoire d’horizons
différenciations notables, parmi lesquelles, peut- qui s’éloignent.
être, la plus importante sépare spirales de « grand
style », avec des bras s piraux bien définis, et spirales Edwin Hubble
dites « cotonneuses », dans lesquelles la formation
stellaire est plus dispersée et fragmentée. Les spécialistes estiment que la diffé-
rence entre les deux tient aux contributions relatives à la formation stellaire de
facteurs à grande échelle comme les ondes de densité spirales (voir page 138)
et des facteurs locaux tels que les ondes de choc de supernova.
Les tailles des elliptiques sont bien plus variées que celles des spirales, leurs dia-
mètres s’étalant de quelques milliers à quelques centaines de milliers d’années-
lumière. Elles représentent aujourd’hui environ 15 % de toutes les galaxies, mais
les plus grands spécimens ne se trouvent que dans des amas de galaxies denses,
une particularité qui fournit un indice important quant à leur origine (voir
pages 150 et 157). Hubble disposa spirales, spirales barrées et elliptiques sur son
célèbre schéma, dont la forme de fourche lui valut le surnom de « diapason »
(voir page 147), avec un type de galaxie intermédiaire, les lenticulaires, qui se
place à la jonction entre les deux branches et la tige de ce diapason. Les lenticu-
laires ressemblent à des « spirales sans bras ». Elles ont un bulbe central d’étoiles,
entouré d’un disque de gaz et de poussière, mais peu de signe de formation stel-
laire en cours pour créer des bras spiraux. Comme Hubble l’avait deviné, les lenti-
culaires marqueraient un stade clé de l’évolution des galaxies d’un type à l’autre.
Hubble divisa les irrégulières en deux classes : les galaxies « Irr I », présentant
une vague structure interne, et les galaxies « Irr II », dépourvues de structure
organisée. L’agencement interne des plus grandes galaxies Irr I peut inclure des
traces de barres centrales ou de bras spiraux mal définis. Les images de l’Uni-
Les types de galaxies 147
SPIRALE
Schéma représentant la classification
des galaxies de Hubble.
ÉLLIPTIQUE S0 Sa Sb Sc
LENTICULAIRE IRRÉGULIÈRE
E0 E3 E6 SPIRALE BARRÉE
vers lointain enregistrées par le télescope spatial Hubble, qui montrent que les
galaxies irrégulières étaient bien plus abondantes dans le passé, accréditent
l’idée que les spirales proviennent de fusions.
En dépit d’une similitude extérieure avec les galaxies elliptiques, les naines
sphéroïdales semblent contenir un mélange plus complexe d’étoiles, ainsi que
de grandes quantités de « matière noire » indétectable dont la gravité main-
tient ensemble les éléments dispersés détectés dans le domaine visible. Plus
des deux tiers des galaxies situées dans le voisinage de la nôtre sont des naines
sphéroïdales, impossibles à repérer à de plus grandes distances.
L’idée clé
Les galaxies se présentent
sous des formes
très différentes
148 50 clés pour comprendre l’Univers
37 C
ollisions
et évolution
de galaxies
Alors que les distances séparant les galaxies sont immenses comparées à
nos échelles quotidiennes, elles sont relativement modestes en regard de
la taille des galaxies elles-mêmes, ce qui fait des collisions et rencontres
rapprochées entre galaxies un événement étonnamment commun, jouant
un rôle clé dans leur évolution.
Une fois la vraie nature des galaxies révélée, dans les années 1920, les astro-
nomes s’aperçurent rapidement que maintes galaxies situées les unes à côté
des autres sur la voûte céleste sont effectivement proches dans l’espace. Dès
1937, l’astronome suédois Erik Holmberg accomplit dans ce domaine un tra-
vail de pionnier : en 1941, il fut ainsi le premier à étudier ce qui se passerait si
deux galaxies entraient en collision. Il utilisa dans ce but un ordinateur ana-
logique primitif, composé de dizaines d’ampoules électriques dont les inten-
sités variables représentaient des concentrations d’étoiles. Ses travaux mirent
en évidence plusieurs effets importants : il montra notamment comment des
galaxies, en s’approchant l’une de l’autre, induiraient des forces de marée au
sein de chacune d’entre elles, lesquelles déclencheraient des vagues de for-
mation stellaires, tout en ralentissant leur mouvement d’ensemble à travers
l’espace, de sorte qu’elles finiraient par s’interpénétrer puis par fusionner.
Les collisions entre galaxies ne furent pourtant perçues que comme des acci-
dents inhabituels jusqu’en 1966, avec la publication, par Halton Arp, de l’Atlas
of Peculiar Galaxies (Atlas de galaxies particulières en français), un catalogue
décrivant la grande variété de galaxies qui ne s’ajustaient pas au schéma de
classification d’Edwin Hubble (voir page 147).
chronologie
1941 1951 1966
Holmberg simule Lyman Spitzer Jr. et Walter Baade Alton Arp publie
les événements associés à suggèrent que les collisions pourraient son Atlas of Peculiar
d’hypothétiques collisions être un mécanisme pour transformer Galaxies.
de galaxies. des galaxies d’un type en un autre.
Collisions et évolution de galaxies 149
fusionné supprime une possibilité clé de rectifier les orbites stellaires. Lorsqu’ils
entrent en collision, les nuages de gaz s’aplatissent naturellement en un disque
exerçant une attraction gravitationnelle sur les étoiles existantes et contrôlant
le plan dans lequel se forment les nouvelles générations d’étoiles. À mesure que
vieillissent et meurent les étoiles plus brillantes et plus massives créées lors de la
véritable fusion, le résultat final est une boule amorphe d’étoiles rouges et jaunes
plus tranquilles gravitant sur des orbites se chevauchant, autrement dit une
galaxie elliptique. En supposant que toutes les galaxies ont commencé en tant que
spirales, Toomre calcula le taux de fusion probable depuis le début de l’Univers,
montrant qu’il correspondait à la proportion actuelle de galaxies elliptiques.
»
donc à une époque plus précoce de l’évolution cos-
mique (voir page 177), le télescope spatial Hubble
de rencontres
montra que la plupart des galaxies débutaient en tant rapprochées.
qu’irrégulières avant de fusionner et de se développer Erik Holmberg
en spirales plus complexes. Il apparut également que
les elliptiques issues de processus de fusion peuvent peu à peu récupérer du gaz à
partir de leur environnement. Elles peuvent ainsi se régénérer à travers une phase
lenticulaire (voir page 146) pour former de nouveaux bras spiraux. L’ensemble
du processus de fusion se répète probablement plusieurs fois – le gaz étant porté à
des températures de plus en plus élevées et repris de plus en plus lentement – au
cours de l’évolution d’une galaxie au cœur d’un amas de galaxies, depuis l’état de
jeune spirale à celui d’ancienne géante elliptique (voir page 157).
L’idée clé
Les galaxies entrent souvent
en collision et changent
de forme en conséquence
152 50 clés pour comprendre l’Univers
38 Q
uasars et
galaxies actives
Les galaxies actives se présentent sous diverses formes, mais sont rassemblées
par la présence d’un noyau central lumineux et variable, dans lequel un trou
noir supermassif se nourrit de matériaux provenant de son environnement.
Les galaxies actives les plus célèbres sont sans aucun doute les quasars, qui
ont tenu un rôle clé dans l’histoire de l’évolution des galaxies.
chronologie
1943 1953 1960 1963
Seyfert identifie un certain Baade et Rudolph Sandage identifie Schmidt découvre
nombre de galaxies Minkowski établissent un la première des la grande distance
spirales avec des noyaux lien entre la radiosource radiosources quasi- du quasar 3C 273.
compacts brillants et des Cygnus A et une étrange stellaires ou quasars.
raies d’émission larges. galaxie distante.
Quasars et galaxies actives 153
»
que Cygnus A était en fait constituée de deux lobes
étendus de part et d’autre d’une structure centrale. présent avec des
Le mystère des quasars La fin des années
radiosources.
1950 vit s’épanouir la radioastronomie avec la Maarten Schmidt
mise au point à Jodrell Bank, près de Manchester
en Angleterre, du premier radiotélescope à surface collectrice en forme de
paraboloïde. Beaucoup de nouvelles radiosources extragalactiques furent alors
découvertes, certaines conformes au modèle à deux lobes de Cygnus A, d’autres
n’étant que des sources isolées. En 1960, l’astronome américain Allan Sandage,
en examinant avec soin la voûte céleste dans la direction de ces objets, constata
qu’ils étaient généralement associés à des astres d’aspect stellaire et de faible
éclat. Il les nomma sources radios quasi stellaires, expression à laquelle fut
préférée, au bout de quelques années, l’abréviation plus élégante de « quasar ».
Le spectre de leur lumière visible paraissait montrer de larges raies d’émission
lumineuses, bien plus intenses que celles des galaxies de Seyfert, mais il était
frustrant de ne pouvoir les associer à aucun élément connu.
L’idée clé
Les trous noirs monstrueux
peuvent générer de violentes
activités au sein des galaxies
156 50 clés pour comprendre l’Univers
39 L ’Univers
à grande échelle
Les galaxies se rassemblent à diverses échelles, constituant des groupes et
des amas assez compacts dont les bords se chevauchent pour former de plus
vastes superamas, ainsi qu’un réseau de filaments et de vides immenses à
l’échelle du cosmos. La distribution des différents types de galaxies nous
révèle les secrets de leur évolution et nous informe sur les conditions de
l’Univers primitif.
Plus les astronomes des xviiie et xixe siècles découvraient les nébuleuses deve-
nues aujourd’hui galaxies spirales et elliptiques, plus il devenait évident que
ces objets étaient inégalement distribués sur la voûte céleste. L’amas le plus
visible se trouvait dans la constellation de la Vierge, mais d’autres avaient aussi
été repérés dans différentes constellations, comme la Chevelure de Bérénice,
Persée, ou le Fourneau et la Règle dans l’hémisphère sud. Quand Edwin Hubble
découvrit, en 1929, une relation entre la distance d’une galaxie et le décalage
vers le rouge de sa lumière (voir page 161), il confirma que dans chacune de ces
régions, des centaines de galaxies brillantes étaient entassées dans un assez petit
volume d’espace. Notre « Groupe Local » – le groupe de galaxies auquel appar-
tient la Voie lactée – est beaucoup moins impressionnant que ces lointains
amas. Identifié par Hubble en 1936, cette collection de quelques douzaines de
galaxies contient seulement trois spirales – la Voie lactée et celles d’Andromède
et du Triangle – et deux grandes irrégulières (les Nuages de Magellan).
Tout au long des années 1930, les astronomes identifièrent des amas de galaxies
et mirent en place une approche plus exigeante pour déterminer la composi-
tion d’un amas, ces derniers n’étant plus définis sur la simple base de proxi-
mité d’individus, mais en tant qu’agrégats de galaxies liées par leur attraction
gravitationnelle, à laquelle elles ne peuvent échapper. Les amas de galaxies
sont souvent reconnus comme les plus grandes structures de l’Univers liées
par la gravitation. L’effet de la gravité diminuant rapidement avec la distance,
chronologie
1929 1933 1936 1953
Hubble établit le lien Zwicky applique le Hubble identifie De Vaucouleurs
entre la distance théorème du viriel à le groupe local suggère l’existence d’un
d’une galaxie et le l’amas de galaxies de la des galaxies superamas contenant le
décalage vers le Chevelure de Bérénice et proches de la Groupe Local et l’amas
rouge de sa lumière. découvre la matière noire. Voie lactée. de la Vierge.
L’Univers à grande échelle 157
Un autre aspect notable est la répartition particulière des types de galaxies. Les
galaxies du champ – les 20 % des galaxies proches qui ne font partie d’aucun
groupe ou amas particulier – ne sont en général que des irrégulières ou des spi-
rales, alors que celles qui se trouvent dans des groupes assez relâchés comme
le nôtre sont de tous les types. Quant aux amas denses, ils sont dominés par
des elliptiques, et leurs centres mêmes se distinguent souvent par la présence
d’une galaxie elliptique géante énorme (voir encadré page 157). En 1950, Lyman
Spitzer Jr. et Walter Baade soutinrent qu’une telle distribution était le signe que
«
l’évolution des elliptiques est le résultat de collisions plus susceptibles de se
produire dans les environnements encombrés des
amas denses. Ils prédirent même que de telles col-
Depuis le lisions videraient les galaxies de leur gaz interstel-
4 septembre laire, anticipant les théories d’évolution des galaxies
2014, nous avons des années 1970 (voir page 149), prédiction qui fut
officiellement une corroborée par la découverte du gaz intra-amas
cosmique !
»
nouvelle adresse émettant des rayons X.
Hélène Courtois,
à propos du superamas Laniakea
Dans les années 1950, George Abell débuta la
compilation d’un catalogue exhaustif d’amas de
galaxies, qu’il n’acheva qu’en 1989. Le catalogue
Abell conduisit à de nombreuses découvertes
importantes, mais la plus remarquable fut proba-
blement la « fonction de luminosité des amas » : la relation entre la luminosité
intrinsèque de la galaxie la plus lumineuse d’un amas et le nombre de galaxies
dont la luminosité se situe au-dessus d’un seuil donné. Même s’il est facile de
mesurer la luminosité relative des galaxies d’un amas, la fonction de luminosité
permet de prédire leurs luminosités vraies et constitue donc une importante
« chandelle standard » pour la mesure des distances cosmiques à grande échelle.
Les progrès technologiques ont rendu possible, depuis les années 1970, la collecte
de spectres et de décalages vers le rouge pour un grand nombre de galaxies, per-
mettant de réaliser des cartes précises de l’Univers à grande échelle. Ces relevés
montrent que les superamas s’enchaînent bord à bord, formant des filaments
longs de centaines de millions d’années-lumière qui entourent de vastes régions
apparemment dépourvues
de matière, nommées
vides. Cette découverte
inattendue allait à l’en-
contre des hypothèses
selon lesquelles le cosmos
serait, en principe, le
même dans toutes les
directions. Bien que
l’uniformité semble rede-
venir la règle aux échelles
encore plus grandes
de milliards d’années-
lumière, la plus grande
structure que nous perce-
vons ne peut pas résulter
d’interactions gravitation-
nelles sur la durée de vie
du cosmos. Ceci n’est pas Tranche du relevé de décalages vers le rouge de galaxies, produit
par le balayage du ciel mené par le télescope anglo-australien
sans poser de restrictions de Siding Spring, en Australie, au moyen du spectrographe
importantes sur la façon multi-objets dont le champ est de deux degrés (d’où son nom :
2dF, acronyme pour Two-degree Field, champ de deux degrés),
dont l’Univers s’est formé qui révèle la distribution de dizaines de milliers de galaxies dans
(voir chapitre 41). un réseau cosmique de filaments et de vides.
L’idée clé
Des structures sont trouvées à
toutes les échelles du cosmos
160 50 clés pour comprendre l’Univers
40 L ’expansion
cosmique
La découverte surprenante que l’Univers dans son ensemble est en
expansion a révolutionné l’astronomie au milieu du xxe siècle, bien que les
astronomes aient discuté de sa signification pendant plusieurs décennies.
Étonnamment, ces derniers n’ont établi que récemment le véritable taux
de cette expansion, avec des implications importantes pour l’origine et le
destin de l’Univers.
chronologie
1912 1922 1927 1929
Slipher découvre Friedmann trouve une Lemaître prédit que Hubble établit la
le grand décalage solution de la relativité des galaxies plus relation entre distance
vers le rouge générale dans laquelle éloignées devraient d’une galaxie et
de nombreuses l’Univers est en afficher de plus décalage vers le rouge
nébuleuses spirales. expansion. grands décalages de sa lumière.
vers le rouge.
L’expansion cosmique 161
«
distante, plus sa vitesse de récession par rapport à la Voie lactée est grande.
»
lages vers le rouge consignés par Slipher et son col- ne disparaissent
lègue Milton Humason. Hubble découvrit toutefois
rapidement la relation exacte prédite par Lemaître
jamais.
et il en publia les indices en 1929, y compris Harlow Shapley
un graphique montrant le lien entre distance et
vitesse de la galaxie. Cette relation est maintenant connue sous le nom de loi
de Hubble, alors que le gradient du graphique – le taux avec lequel la vitesse
de récession des galaxies augmente avec la distance – s’appelle la constante de
Hubble (notée H0).
L’idée clé
L’Univers s’accroît
à chaque moment
qui passe
164 50 clés pour comprendre l’Univers
41 Le Big Bang
L’idée que l’Univers s’est formé dans une énorme explosion il y a environ
13,8 milliards d’années est le pilier de la cosmologie moderne et est
essentielle pour expliquer de nombreuses observations. Pourtant, quand il
fut avancé pour la première fois, le concept d’un univers fini dans le temps
était une abomination pour beaucoup dans la communauté scientifique.
Bien que le physicien russe Alexander Friedmann ait indiqué dès 1922 qu’un
Univers en expansion était en adéquation avec la théorie de la relativité générale
d’Einstein (voir page 161), c’est le prêtre belge Georges Lemaître qui est habituel-
lement considéré comme le pionnier du concept de Big Bang, avec sa théorie de
l’atome primitif publiée en 1931. À première vue, il pourrait paraître étrange pour
un prêtre catholique d’apporter une contribution aussi fondamentale à la physique
moderne, mais Lemaître avait étudié la cosmologie à Cambridge sous la férule
d’Arthur Eddington et à Harvard avec Harlow Shapley. Il avait également invoqué
l’expansion de l’Univers bien avant qu’elle soit confirmée par Edwin Hubble.
chronologie
1931 1948 1948
Lemaître soutient à partir de Alpher et Gamow montrent Alpher et Herman prédisent
l’expansion cosmique que comment les conditions dans l’existence d’un rayonnement
l’Univers est originaire d’un l’Univers primordial pourraient baignant tout l’espace comme
atome primitif chaud et dense. produire des éléments. conséquence de la théorie
de l’atome primordial.
Le Big Bang 165
»
preuve tiennent au fait que la masse et l’énergie sont
équivalentes et peuvent être échangées dans des votre physique est
situations extrêmes, un fait contenu dans la célèbre abominable.
équation d’Einstein E = mc2 (voir page 189). Si l’on
remontait aux temps primordiaux de l’expansion de Albert Einstein
l’Univers, la hausse des températures verrait alors la à Georges Lemaître
matière se désintégrer en ses particules constitutives,
et finalement disparaître dans un déchaînement d’énergie pure. En 1948, Ralph
Alpher et George Gamow publièrent un article marquant qui exposait comment
la dégradation de cette boule de feu intense produirait des éléments dans des
proportions identiques à celles attendues dans l’univers primitif (voir page 169).
De l’énergie à la matière
Une grande partie de notre compréhension des triplets pour former les protons et les
du Big Bang, en particulier la manière dont neutrons nécessaires à la nucléosynthèse (voir
de l’énergie pure produit rapidement de la page 168). Des particules plus légères de la
matière, provient d’expériences utilisant des famille des leptons (principalement des élec-
accélérateurs de particules. Ces énormes trons), ont continué à se former jusqu’à ce
machines utilisent de puissants électroai- que l’Univers soit âgé d’environ 10 secondes.
mants pour accélérer des particules subato- Curieusement, les cosmologistes ne trouvent
miques électriquement chargées jusqu’à des pas dans la théorie du Big Bang des argu-
vitesses très proches de celle de la lumière, ments propres à expliquer pourquoi l’Univers
avant de les précipiter les unes contre les est dominé par des particules de matière de
autres et d’observer les résultats. Des colli- la famille des « baryons » plutôt que par des
sions telles que celles provoquées au LHC particules d’antimatière (particules miroir
(Large Hadron Collider, grand collisionneur avec des charges électriques opposées).
d’hadrons), à Genève, en Suisse, transfor- La plupart des cosmologistes estiment que
ment de petites quantités de matière en une l’explosion initiale a créé en quantités égales
énergie pure qui se matérialise ensuite en une particules de matière et d’antimatière, la
foule de particules de masses et de propriétés grande majorité d’entre elles s’annihilant
différentes. C’est de cette manière que nous mutuellement dans une débauche d’énergie.
savons que des particules relativement mas- Les spécialistes soupçonnent qu’un processus
sives, les quarks, n’ont pu se former que dans encore inconnu de « baryogénèse » a permis
les températures ultra-hautes du premier mil- qu’il y ait en définitive un tout petit excès
lionième de seconde après le Big Bang, après de matière, expliquant l’absence quasi-totale
quoi ils se retrouvent rapidement liés dans d’antiparticules dans l’Univers actuel.
Fin de la nucléosynthèse
Fin de formation de la
Découplage
Début de la
Inflation
matière
brillent
0 10–32 s 10 s 3 minutes 20 minutes 380 000 ans 560 millions d’années
chaudes et plus denses. Au fil du temps, des variations mineures pourraient Chronologie
ainsi constituer les noyaux autour desquels la matière s’est accumulée. simplifiée
montrant
les principales
La théorie de Guth, rapidement nommée inflation, fut adoptée avec enthou- étapes de
l’histoire
siasme par bien des cosmologistes, y compris Andrei Linde (voir page 197). La de la matière,
vraisemblance de leurs modèles fut aidée par la reconnaissance croissante du du Big Bang
rôle joué par la soi-disant matière noire. Cette dernière, étant insensible à la à la formation
des premières
pression de radiation qui empêche la matière normale de se regrouper (voir étoiles
chapitre 45), serait donc apte à débuter la formation de structure précoce bien et galaxies.
avant l’étape de découplage. Cette idée fut confirmée avec panache, en 1992,
par les résultats du satellite COBE (voir page 179), puis corroborée par d’autres
instruments. Alors que les cosmologistes continuent à se heurter à certaines
des implications plus larges de l’inflation, cette dernière est un élément clé du
Big Bang tel que nous le concevons aujourd’hui.
L’idée clé
L’Univers a vu le jour
dans une explosion
d’énergie dense et chaude
168 50 clés pour comprendre l’Univers
42 N
ucléosynthèse
et évolution
cosmique
Comment le Big Bang a-t‑il fabriqué les éléments de base du cosmos, et
comment ces derniers ont-ils ensuite changé au fil du temps pour créer
le mélange de matière que l’on observe aujourd’hui dans l’Univers ? Les
réponses se trouvent dans une multitude de processus différents réunis sous
le nom de nucléosynthèse.
Dans l’Univers actuel, toute matière est faite d’atomes, et chaque atome se
compose d’un noyau atomique (un assemblage de protons et de neutrons rela-
tivement massifs) entourés d’un nuage d’électrons beaucoup plus légers. Les
atomes des différents éléments se distinguent les uns des autres par le nombre
de protons contenu dans leur noyau, tandis que les neutrons influencent
leur stabilité. C’est pourquoi la fabrication des éléments consiste principa-
lement à créer différents noyaux dans un processus connu sous le nom de
nucléosynthèse.
chronologie
1904 1930 1948 1952
Hartmann identifie Robert Trumpler L’article signé par Fred Hoyle et Alfred
l’existence d’un gaz démontre les effets Alpher, Bethe et Gamow Fowler découvrent la
interstellaire froid d’absorption de la décrit la manière dont les réaction de fusion triple
grâce à son effet sur poussière interstellaire éléments peuvent être alpha de l’hélium pour la
les spectres stellaires. de la Voie lactée. formés dans le Big Bang. synthèse d’éléments tels
que le carbone.
Nucléosynthèse et évolution cosmique 169
nickel (voir page 118). Enfin, les explosions de supernova constituent le dernier
barreau de l’échelle vers les éléments naturels les plus lourds (voir page 122).
tous les éléments devaient être créés par capture de neutrons. C’est en effet
impossible en raison du « goulot d’étranglement » dû au fait que des noyaux
avec certaines configurations se désintègrent aussi rapidement qu’ils se for-
ment. De tels goulots ne peuvent pas être franchis en ajoutant des particules
une par une ; dans ces conditions, le béryllium est l’élément le plus massif dont
le noyau peut être créé de zéro en suivant cette voie. Fabriquer des éléments
plus lourds nécessite l’implication d’un plus grand nombre de particules, ce que
seule la réaction triple-alpha est en mesure d’accomplir.
« Nous sommes
des fragments de
matiére stellaire qui
La preuve qu’il existe de grands nuages de matière
entre les étoiles fut apportée dans la première
moitié du xxe siècle. Edward Barnard vit son mérite
reconnu pour sa photographie de nébuleuses obs-
cures – des nuages opaques de gaz et de poussières
se sont refroidis par qui ne sont visibles que lorsqu’ils se détachent
accident, fragments
»
sur un fond plus brillant –, mais l’astronome alle-
d’une étoile qui a mand Johannes Hartmann fut le premier à prouver
mal tourné. l’existence de nuages de gaz froids et invisibles en
identifiant les faibles empreintes de leurs raies d’ab-
Arthur Eddington sorption laissées sur les spectres d’étoiles à l’arrière-
plan (voir page 60).
Depuis les années 1970, la plupart des astrophysiciens se sont ralliés à un modèle
à trois phases du MIS, les différentes phases se distinguant par leur température
et leur densité. La phase froide consiste en nuages relativement denses d’atomes
d’hydrogène neutre, à une température de quelques dizaines de degrés au-dessus
du zéro absolu. La phase chaude contient de l’hydrogène neutre et ionisé bien
plus chaud, à des températures de milliers de degrés. Quant à la phase très
chaude, elle comprend de l’hydrogène ionisé très dispersé et des éléments plus
lourds avec des températures d’un million de degrés ou plus.
semble toutefois peu probable que les étoiles manquent de carburant dans
un futur proche : le gaz dans le milieu interstellaire de notre galaxie actuelle
est encore composé en masse de 70 % d’hydrogène et de 28 % d’hélium, avec
seulement 1,5 % d’éléments plus lourds, malgré plus de 13 milliards d’années
de nucléosynthèse stellaire.
L’idée clé
Notre Univers est une usine
où se fabriquent des éléments
172 50 clés pour comprendre l’Univers
43 É toiles-monstre
et galaxies
primordiales
Les premiers objets de l’Univers ne sont pas encore à la portée des télescopes,
même les plus perfectionnés. Néanmoins, la plupart des astronomes
estiment que des indices indiquent l’existence d’une génération initiale
d’étoiles-monstre à courte durée de vie dont les fins violentes ont créé les
conditions pour former de futures galaxies.
chronologie
1974 1978 2002
Cameron et Truran Rees propose que des étoiles Bromm, Coppi et Larson montrent
proposent l’existence de Population III aient produit comment les premières étoiles
d’une population stellaire des objets compacts massifs du pouvaient s’affranchir des limites
distincte, la Population III. halo, une solution possible au admises aujourd’hui en matière
problème de la masse cachée. de masse stellaire.
Étoiles-monstre et galaxies primordiales 173
2003 2005
Alexander Heger et Le télescope spatial Spitzer
collaborateurs modélisent détecte une lueur infrarouge
les processus qui mettent fin supposée provenir d’étoiles
à la vie des étoiles les plus de Population III.
massives.
174 50 clés pour comprendre l’Univers
les années 1990, après que les astronomes constatèrent que même les quasars les
plus anciens et les plus distants, ainsi que les galaxies primordiales, étaient déjà
«
enrichis d’éléments lourds synthétisés par quelque source antérieure.
»
fond cosmologique (voir page 178), ils recréèrent
finalement permis le comportement de la matière lumineuse et celui
de la matière noire (voir page 182). Ils découvrirent
d’être ici. ainsi que de petites « protogalaxies » ont commencé
David Sobral à entrer en coalescence au cours des 200 millions
d’années suivant le Big Bang. Chacune contenant
jusqu’à un million de masses solaires de gaz apte à former des étoiles dans une
région d’une taille de quelques dizaines d’années-lumière, ces protogalaxies
constitueraient des sites de choix pour former des étoiles de Population III.
Il convient de noter que la masse de ces premières étoiles est encore un sujet
de débat. Certains éléments de preuve suggèrent que leurs masses ne seraient
pas très différentes de celles des étoiles les plus massives de l’Univers actuel. La
preuve définitive pourra probablement être fournie par le télescope spatial James
Webb de la NASA, qui espère capturer pour la toute première fois la lumière de
ces étoiles de Population III à la suite de son lancement, autour de 2018.
L’idée clé
Les premières protogalaxies
étaient peuplées
d’étoiles-monstre
176 50 clés pour comprendre l’Univers
44 L es confins
de l’Univers
La lumière a beau être la chose la plus rapide qui soit, sa vitesse reste malgré
tout finie. Cela signifie qu’en regardant loin dans l’immensité de l’espace,
nous remontons le temps. Et parce que l’Univers a une histoire finie, la
vitesse limitée de la lumière crée également une frontière cosmique au-delà
de laquelle notre regard ne pourra jamais porter.
Le fait que la lumière se propage dans l’espace à environ 300 000 kilomètres
par seconde a été établi aux xviiie et xixe siècles. Les résultats d’une panoplie
d’expériences ingénieuses furent appuyés d’un point de vue théorique par les
travaux du physicien écossais James Maxwell, qui montra dans une publica-
tion historique datée de 1864 que la lumière est une onde électromagnétique,
c’est-à-dire une combinaison de perturbations électriques et magnétiques qui
se propagent à travers l’espace à une vitesse fixe.
Dans la plupart des situations, les astronomes prirent simplement cet effet, connu
sous le nom de remontée dans le temps, pour acquis, mais sur des distances très
importantes, il a des effets secondaires utiles. Lorsque nous examinons des objets
situés à des milliards d’années-lumière dans l’espace, nous les voyons aussi des
milliards d’années en arrière dans l’histoire. Regardons suffisamment loin, et la
lumière des galaxies que nous percevrons dans nos télescopes sera encore dans
chronologie
1864 1948 1964
Maxwell établit que Alpher et Herman prédisent Penzias et Wilson détectent
la vitesse de la lumière que les confins de l’Univers des signaux radio du
est fixe dans le vide. observable devraient émettre rayonnement micro-onde
un faible rayonnement. de fond cosmologique.
Les confins de l’Univers 177
« J’ai observé
des étoiles dont on
peut prouver que la
en œuvre des instruments opérant dans le proche
infrarouge qui lui permettent de suivre les galaxies
un peu au-delà du domaine de la lumière visible,
mais pas très loin du côté des grandes longueurs
lumière a mis plus d’onde. Il y a encore des galaxies d’un si faible éclat
de deux millions qu’elles n’apparaissent même pas sur les poses les
»
plus longues des champs profonds de Hubble. Les
d’années à atteindre objets les plus distants dont les astronomes ont
la Terre. réussi à obtenir l’image sont de rares galaxies dont
William Herschel le rayonnement (infrarouge pour l’essentiel) est
amplifié par un mécanisme dit de lentille gravita-
tionnelle (voir page 190). Pour détecter les objets très distants, les astronomes
profitent aussi de très brèves bouffées de rayons gamma d’une incroyable puis-
sance, atteignant de temps en temps la Terre en provenance d’une quelconque
partie du ciel, et qui sont le signe d’événements cataclysmiques survenant dans
des galaxies si lointaines qu’elles seraient autrement impossibles à repérer avec
les moyens d’observation actuels (voir pages 123 et 131).
Le télescope spatial James Webb de la NASA, le successeur infrarouge du téles-
cope spatial Hubble, devrait pouvoir capturer l’image de beaucoup de ces
galaxies archaïques et autres objets de l’Univers primordial (voir page 175),
mais pour l’instant, les confins de l’Univers disparaissent dans l’obscurité à
13 milliards d’années-lumière de nous, soit un intervalle de temps frustrant
de quelques centaines de millions d’années après le Big Bang lui-même. Par
chance, ce n’est pas encore la fin de l’histoire.
Carte détaillée
du CMBR dressée
avec les données
recueillies par
la sonde spatiale
WMAP (Wilkinson
Microwave
Anisotropy Probe,
sonde Wilkinson
des anisotropies
micro-ondes) de
la NASA au cours
de neuf années
d’observation.
Les parties plus
claires dénotent
les régions d’une
température
plus élevée que
la température
moyenne du CMBR
de 2,73 K, tandis
le fameux rayonnement micro-onde de fond cosmologique (ou CMBR, de que les zones plus
sombres sont
l’anglais Cosmic Microwave Background Radiation). légèrement plus
froides.
Dans les années qui suivirent la découverte initiale du CMBR, les astronomes
améliorèrent leurs observations et constatèrent que ce rayonnement correspon-
dait à celui d’un corps noir porté à une température uniforme de 2,73 kelvins
(soit 2,73 °C au-dessus du zéro absolu, ou – 270,4 °C). Cependant, l’uniformité
apparente du rayonnement devint un problème en soi, car elle ne cadrait pas
avec les propriétés de l’Univers telles que nous les connaissons aujourd’hui (voir
page 165). En 1992, le satellite COBE (Cosmic Background Explorer, explorateur
du fond cosmique) a finalement résolu ce problème en découvrant de petites
variations (une partie sur 100 000 environ) de la température du CMBR. Ce sont
les germes des structures à grande échelle repérées dans le cosmos actuel. Depuis
lors, notamment avec la mission Planck qui s’est achevée en 2013, le CMBR a
été mesuré avec une précision toujours plus importante, devenant un outil pri-
mordial dans la compréhension des conditions régnant juste après le Big Bang.
L’idée clé
Plus notre regard porte loin
dans l’espace, plus il porte
loin dans le passé
180 50 clés pour comprendre l’Univers
45 La matière noire
L’idée que plus de 80 % de la matière de l’Univers n’est pas seulement
sombre, mais qu’elle n’interagit pas avec la lumière, est l’un des aspects
les plus déroutants de la cosmologie moderne. Les preuves en faveur de
l’existence de la matière noire sont accablantes, mais sa nature véritable
demeure désespérément insaisissable.
En 1933, peu de temps après que les astronomes attestent la présence de galaxies
au-delà de la Voie lactée et commencent à admettre que les amas de galaxies
étaient des structures physiques (voir page 156), Fritz Zwicky fut le premier à
vouloir estimer d’une manière rigoureuse la masse des galaxies. Il essaya diverses
méthodes, dont la plus intrigante était inspirée de la thermodynamique, une
technique connue sous le nom de théorème du viriel, un moyen d’estimer la
masse des galaxies d’un amas en étudiant la dispersion de leurs vitesses. Lorsque
Zwicky appliqua cette méthode au célèbre amas de la Chevelure de Bérénice,
il constata que les galaxies de cet amas se comportaient comme si leurs masses
étaient 400 fois plus élevées que celles déduites de la quantité de lumière visible
qu’elles rayonnaient. Zwicky, citoyen suisse germanophone, attribua cette dif-
férence à une soi-disant dunkle Materie (matière noire).
L’idée de Zwicky n’était pas sans rappeler les découvertes de Jan Oort, qui
s’était employé à mesurer la rotation de la Voie lactée (voir page 137). Il avait
constaté que si la vitesse des objets en orbite autour du centre de notre galaxie
diminue avec la distance au centre (tout comme les planètes les plus éloignées
de notre Système solaire tournent plus lentement autour du Soleil), cette vitesse
ne diminue pas autant que prévu, pour peu que la distribution de la matière
dans la Voie lactée corresponde à celle de ses étoiles. Oort avait donc suggéré
qu’il y avait une grande quantité de matière invisible dans le halo de la Voie
lactée, au-delà de la structure visible en bras spiraux.
chronologie
1932 1933 1975
Oort présente les Zwicky utilise le théorème du viriel Rubin publie des preuves
problèmes liés à la rotation pour estimer la masse des galaxies en faveur de l’existence
des étoiles autour de de l’amas de la Chevelure de de la matière noire à partir
la Voie lactée, impliquant Bérénice et découvre de grandes d’une étude détaillée
une masse manquante. quantités de matière noire. de la rotation des galaxies.
La matière noire 181
1998 2003
Des chercheurs japonais Richard Massey et collaborateurs tirent parti
confirment que les neutrinos du phénomène de lentille gravitationnelle pour
ont une masse et qu’ils mesurer la répartition de la matière noire dans
constituent donc une petite l’amas dit du Boulet.
fraction de la matière noire.
182 50 clés pour comprendre l’Univers
Une première étape importante pour comprendre la nature des WIMPs consiste à
mesurer leur distribution par rapport à la matière normale : sont-elles « froides », se
rassemblant en étroite association avec des objets lumineux, sont-elles « chaudes »,
s’envolant au loin et ne maintenant plus que les liens les plus ténus avec l’Univers
visible ? Depuis les années 1990, les astrophysiciens ont développé une nouvelle
technique pour déceler la présence de matière noire et pour la cartographier par le
truchement du phénomène de lentille gravitationnelle, à savoir la manière dont
de grandes concentrations de matière, comme les amas de galaxies, courbent et
La matière noire 183
L’idée clé
Quatre-vingts pour cent de
la matière de l’Univers est une
mystérieuse substance invisible
184 50 clés pour comprendre l’Univers
46 L’énergie sombre
La découverte du fait que l’expansion de l’Univers accélère plutôt qu’elle
ne ralentit, est l’une des avancées scientifiques les plus formidables de ces
dernières années. Les astronomes sont toujours dans l’incertitude quant
à la nature même de l’énergie sombre, mais les solutions possibles ont
d’énormes conséquences sur notre compréhension du cosmos.
Les deux équipes en lice, regroupant des spécialistes du monde entier, étaient
le Supernova Cosmology Project (projet de cosmologie avec des supernovæ), basé
en Californie, et la High-Z supernovæ search team (équipe de recherche de super-
novæ à grands décalages vers le rouge), basée en Australie. Les deux équipes
chronologie
1915 1929 1998
Einstein ajoute un terme ad hoc, la La découverte de Deux équipes scientifiques
« constante cosmologique », à ses l’expansion cosmique déclarent que l’expansion
équations de la relativité générale semble rendre cosmique s’accélère.
afin de maintenir l’Univers statique. inutile la constante
cosmologique.
L’énergie sombre 185
«
sèrent des mois à enquêter sur les causes possibles
de cette différence, avant de présenter en 1998 leurs
résultats à l’ensemble de la communauté scienti-
fique. La conclusion inéluctable était qu’une fois Les astronomes
tous les autres facteurs pris en compte, l’éclat des devraient être en
supernovæ distantes de type Ia est réellement plus mesure de poser des
faible que prévu, ce qui implique que l’expansion questions de fond
»
cosmique n’a pas ralenti au cours du temps, mais sans accélérateurs
s’est bel et bien accélérée. Ce résultat inattendu
a désormais été confirmé par plusieurs autres
[de particules].
méthodes, y compris à partir des mesures détail- Saul Perlmutter
lées du rayonnement micro-onde de fond cosmolo-
gique (CMBR) et des études de structure cosmique
à grande échelle. Le terme « énergie sombre » fut inventé en 1998, et, en 2011,
Saul Perlmutter, du Supernova Cosmology Project, partagea le prix Nobel de phy-
sique avec Brian Schmidt et Adam Riess, de la High-Z supernovæ search team.
Quelle que soit la vraie nature de l’énergie sombre, les scientifiques poursui-
vront l’étude de ses effets dans l’Univers actuel et dans son passé. Quant à ses
implications pour l’avenir, elles peuvent s’avérer considérables, et peut-être
condamner le cosmos à une fin longue et froide (voir page 200).
L’idée clé
L’expansion cosmique
accélère, mais nous ne savons
pas pourquoi
188 50 clés pour comprendre l’Univers
47 R
elativité et ondes
gravitationnelles
Les théories jumelles de la relativité restreinte et générale d’Einstein ont
révolutionné la physique au début du xxe siècle. Elles fournissent aux
cosmologistes les bases pour saisir la nature de l’Univers et offrent aux
astronomes de nouveaux outils pour explorer les extrêmes du cosmos.
Albert Einstein, un universitaire raté, était employé au bureau suisse des bre-
vets, à Berne, quand il publia, en 1905, une série de quatre articles qui le pro-
pulsèrent vers la gloire scientifique. Deux d’entre eux concernaient le domaine
atomique et subatomique, mais les deux suivants examinaient le comporte-
ment d’objets en mouvement non accéléré à une vitesse proche de la celle de
la lumière – phénomène connu aujourd’hui sous le nom de relativité restreinte.
Einstein avait été conduit à explorer les extrêmes du mouvement par le biais
des problèmes de physique qui s’étaient manifestés au cours de la décennie
précédente – en particulier, des questions tenant à la vitesse de la lumière.
Le physicien écossais James Maxwell avait établi en 1865 que la lumière a une
vitesse constante dans le vide (noté c) d’environ 300 000 kilomètres par seconde.
Les physiciens supposaient à l’époque qu’il s’agissait d’une vitesse de propaga-
tion à travers un milieu omniprésent de transmission de la lumière qu’ils appe-
laient éther luminifère. Avec des techniques de mesure ultrasensible, il devait
être possible de mesurer la légère variation de la vitesse de la lumière provenant
de différentes directions en raison du déplacement de la Terre à travers l’éther.
En 1887, Albert Michelson et Edward Morley mirent donc au point une nouvelle
expérience, ingénieuse et très sensible, pour détecter cette légère différence. Leur
expérience ayant fait chou blanc, la physique entra en crise. Diverses théories
furent proposées pour expliquer ce résultat négatif, mais seul Einstein osa accepter
les faits tels qu’ils se présentaient et considérer la possibilité que l’éther n’existait
pas. Il se demanda plutôt ce qu’il en serait si la vitesse de la lumière était juste
une constante, quel que soit le mouvement relatif de la source et de l’observateur.
chronologie
1865 1887 1905 1907
Maxwell calcule la vitesse L’échec de Einstein publie sa Hermann Minkowski montre
fixe de la lumière et l’expérience de théorie de la relativité comment la relativité
d’autres rayonnements Michelson-Morley restreinte, incluant restreinte peut être traitée
électromagnétiques dans provoque une crise l’équivalence de la comme un effet géométrique
le vide. de la physique. masse et de l’énergie. dans un espace-temps
à quatre dimensions.
Relativité et ondes gravitationnelles 189
»
constance de la vitesse de la lumière et le « principe
de relativité » (c’est-à-dire que les lois de la physique le monde à quatre
devraient toujours apparaître comme étant les dimensions.
mêmes pour des observateurs dans des systèmes
de référence – des référentiels – différents mais Arthur Eddington
équivalents). Mettant de côté les cas d’accélération,
Einstein ne considéra que le cas « restreint » des référentiels inertiels (c’est-à-dire
non accélérés). Dans la plupart des situations courantes, il montra que les lois
de la physique sont les mêmes que celles décrites par Isaac Newton à la fin du
xviie siècle. Mais deux observateurs dans des référentiels en mouvement relatif
à des vitesses proches de celle de la lumière commenceraient à interpréter les
événements de manière radicalement différente. Ces effets dits « relativistes »
comprennent la contraction des longueurs dans la direction du mouvement et le
ralentissement (la dilatation) du temps. Dans son deuxième article sur la relativité,
Einstein montra que des objets qui se déplacent à des vitesses relativistes (vitesses
proches de celle de la lumière) voient également leur masse augmenter, et prouva
ainsi l’équivalence entre masse et énergie, obtenant la fameuse équation E = mc2.
Dans tous les cas, les distorsions n’apparaissent qu’à un observateur extérieur au
référentiel. Pour tout individu qui s’y trouve, tout semble normal.
La relativité restreinte est importante pour les astronomes, car elle implique qu’il
n’y a pas de référentiel fixe à partir duquel l’Univers doit être mesuré – aucune
place qui soit vraiment stationnaire, aucun site où le temps s’écoule à une vitesse
absolue. Des expériences terrestres ont mis en évidence les effets que prédit la
relativité restreinte, mais cette dernière s’est également avérée utile pour expliquer
une variété de phénomènes astronomiques, allant du comportement des jets rela-
tivistes (ceux émis par les pôles des étoiles à neutrons comme ceux suscités par
l’accrétion sur des objets compacts) jusqu’à l’origine de la matière dans le Big Bang.
Lentilles gravitationnelles
Le phénomène de lentille gravitationnelle se pro- lentille gravitationnelle – en particulier dans
duit lorsque les rayons lumineux d’objets distants la direction d’amas denses de galaxies, où la
voient leurs trajectoires déviées par des distorsions lumière provenant d’objets en arrière-plan
de l’espace-temps induites par la présence d’un apparaît sur les images de la voûte céleste
objet très massif en avant-plan. Pour un astre comme des motifs en forme d’arc. Le phéno-
comme le Soleil, l’effet est à peine perceptible (l’ex- mène de lentille gravitationnelle est donc un
pédition organisée par Eddington pour observer outil puissant pour cartographier la répartition
une éclipse a permis de mesurer des déviations de des masses au sein des amas de galaxies afin
la position apparente de certaines étoiles de moins d’en savoir plus sur la présence de matière
d’un dixième de degré), mais dans le cas de plus noire, mais il peut également avoir une applica-
grandes concentrations de matière, les résultats tion plus directe. À l’instar de l’objectif en verre
peuvent être beaucoup plus spectaculaires. Le pre- d’une lunette astronomique, une lentille gravi-
mier aperçu de ce phénomène de lentille gravita- tationnelle peut intensifier la lumière d’objets
tionnelle, identifié en 1979, est le soi-disant quasar très éloignés, permettant ainsi à des galaxies
jumeau, un quasar lointain dont la lumière, déviée extrêmement ténues de voir leur éclat franchir
par une galaxie interposée en avant-plan, atteint la limite de visibilité de puissants télescopes.
la Terre en donnant l’impression de parvenir de C’est ainsi que les astronomes ont détecté la
deux directions distinctes. galaxie la plus lointaine jamais découverte,
Les astronomes ont identifié depuis bien située à une distance d’environ 13,2 milliards
d’autres manifestations du phénomène de d’années-lumière.
dans son habitacle le chemin suivi par un faisceau de lumière s’infléchir vers le bas, il en
va de même pour un observateur au sein d’un champ gravitationnel fort. C’est la base du
phénomène spectaculaire dit de lentille gravitationnelle (voir l’encadré ci-dessus).
Après 1905, l’année charnière de sa carrière, Einstein travailla des années sur les impli-
cations de ses découvertes, fortement influencé par les idées de son ancien professeur
Hermann Minkowski sur la relativité restreinte. Ce dernier avait étudié les distorsions
relativistes dans le cadre des règles de la géométrie, traitant les trois dimensions de l’espace
et celle du temps comme une variété d’espace-temps, une structure unifiée dans laquelle
chaque dimension peut être échangée contre les autres. Einstein conçut alors la gravité
comme une distorsion de l’espace-temps et développa les équations pour la décrire.
Ondes gravitationelles Au
xxe siècle, la relativité restreinte et Observateur
sur Terre
la relativité générale se révélèrent
correctes à tous points de vue, mais
jusque très récemment, une prédiction clé de la théorie restait sans preuve Pour aborder la
expérimentale. Les ondes gravitationnelles sont des ondulations infimes de relativité générale,
on peut imaginer
l’espace-temps se manifestant par des modifications minuscules (de la taille l’espace-temps
d’un atome) des dimensions de l’espace. Elles sont produites par des masses comme une feuille
de caoutchouc
non symétriques en rotation rapide (comme des trous noirs ou des étoiles à distordue par des
neutrons en systèmes binaires se précipitant l’un vers l’autre sur des trajectoires objets massifs. De
telles distorsions
en spirale ; voir page 131). affectent non
seulement les
En février 2016, des scientifiques américains annoncèrent enfin la détection orbites d’autres
d’ondulations de l’espace-temps induites par une paire de trous noirs entrant objets, mais elles
dévient aussi les
en coalescence. L’observation décisive avait été menée le 14 septembre 2015 trajectoires des
au LIGO (Laser Interferometer Gravitational-Wave Observatory, ou observatoire rayons lumineux,
donnant lieu
d’ondes gravitationnelles par interférométrie laser), installé sur deux sites aux au phénomène
États-Unis, l’un dans l’état de Washington, l’autre en Louisiane. Cette décou- connu sous le
nom de lentille
verte confirme non seulement la théorie d’Einstein (et atteste sans le moindre gravitationnelle.
doute l’existence des trous noirs), mais elle marque également les grands
débuts d’une nouvelle forme d’astronomie. Les ondes gravitationnelles étant
créées par de la masse plutôt que par de la matière lumineuse, les futurs obser-
vatoires d’ondes gravitationnelles devraient être en mesure d’étudier la matière
noire, voire de scruter l’Univers au-delà des limites de l’ère du découplage (voir
page 165) afin d’étudier les conditions physiques jusqu’au Big Bang lui-même.
L’idée clé
L’espace et le temps
sont entrelacés
192 50 clés pour comprendre l’Univers
48 L a vie
dans l’Univers
La recherche de la vie et de l’intelligence extraterrestre est l’un des
domaines les plus difficiles de l’astronomie moderne, mais c’est l’un des plus
stimulants. Pourtant, même sans autres découvertes similaires, l’existence
de notre planète habitable soulève une question fascinante : pourquoi
l’Univers devrait-il être capable de porter la vie ?
Les dernières décennies ont vécu une véritable révolution dans les perspectives
de vie dans notre galaxie et dans l’Univers en général (voir chapitres 12 et 26).
Mais la plus grande question reste celle de l’intelligence : une preuve de vie
extraterrestre changerait certes pour toujours notre compréhension du cosmos,
mais un contact provenant d’une espèce extraterrestre, avec sa propre science,
sa technologie et sa philosophie, serait un événement bien plus considérable
et le point de départ de transformations incroyables.
chronologie
1960 1961 1973
Frank Drake utilise le Drake élabore une équation Carter utilise ses principes
radiotélescope de Green Bank pour trouver le nombre anthropiques pour expliquer
pour la première recherche de civilisations dans notre pourquoi l’Univers fait bon
moderne du programme SETI. galaxie, contenant toutefois de accueil à la vie.
nombreux facteurs inconnus.
La vie dans l’Univers 193
convient à l’évolution de la vie. Nous ne devrions donc pas être surpris de vivre
au moment le plus accueillant. Un concept similaire était à la base du « principe
anthropique », proposé sous deux formes en 1973 par l’astrophysicien australien
Brandon Carter. Dans sa version faible, le principe anthropique de Carter affirme
uniquement que comme nous sommes ici, notre positionnement dans l’espace
et dans le temps doit être celui qui est approprié pour donner naissance à la vie.
La version forte fait état du même argument en ce qui concerne les valeurs des
constantes de la physique, soulignant que si elles étaient violemment différentes,
«
nous ne serions pas là pour les mesurer.
»
des principes anthropiques faibles et forts, et ce sont
leurs versions, plutôt différentes de celles de Carter, Les deux sont tout
qui sont généralement utilisées de nos jours. La ver- aussi effrayantes.
sion faible de Barrow et Tipler recouvre pour l’essen-
tiel les variantes faibles et fortes de Carter, arguant Arthur C. Clarke
que tous les aspects physiques de l’Univers seront
naturellement adaptés à la vie simplement parce que nous sommes ici pour les
mesurer. Toutefois, leur version du principe fort va beaucoup plus loin, suggérant
que l’Univers recèle quelque chose qui lui donne l’obligation de produire la vie
– en d’autres termes, l’Univers est subtilement ajusté par une influence extérieure.
Les auteurs ont avancé trois possibilités : soit l’Univers a été délibérément conçu
pour donner naissance à la vie par une entité extérieure, soit la présence d’observa-
teurs est en quelque sorte nécessaire pour que l’Univers apparaisse (une approche
qui fait écho à certains aspects de la physique quantique), soit enfin, notre Univers
est l’un parmi beaucoup d’autres dans un plus vaste « ensemble », ce qui permet
d’explorer tous les paramètres possibles. Comme nous le verrons au chapitre 49,
cette troisième option n’est pas nécessairement aussi improbable qu’il y paraît.
L’idée clé
L’aptitude de l’Univers
à la vie soulève
d’embarrassantes questions
196 50 clés pour comprendre l’Univers
49 Le multivers
Notre Univers pourrait-il n’être qu’une petite partie d’un multivers beaucoup
plus vaste, voire infini ? Beaucoup de cosmologistes s’intéressent à cette
idée, mais quelles preuves peuvent être trouvées pour l’appuyer ? Et quelle
forme les parties invisibles du multivers pourraient-elles prendre ?
Sur la base du postulat que notre Univers visible est « homogène et isotrope »
à très grande échelle (en d’autres termes, qu’il a toujours la même apparence,
indépendamment de l’endroit où l’on se trouve et de la direction où l’on porte
le regard), il est raisonnable de conclure que ce multivers est pour l’essentiel
toujours la même chose ; mais quelle pourrait bien être sa taille ? La réponse à
chronologie
1957 1981 1983
Hugh Everett formule la Alan Guth suggère que Steinhardt soutient
théorie des mondes multiples, notre Univers n’est qu’une que l’inflation peut être
une interprétation de petite bulle inflationnaire un processus éternel.
la mécanique quantique. du Big Bang initial.
Le multivers 197
Les transitions entre ces phases libèrent beaucoup plus d’énergie que celles
entre les phases de la matière, et de nouvelles phases peuvent surgir spontané-
ment dans le vide de l’espace. Leur destin dépend alors de leur mélange précis
de propriétés – celles avec une énergie de vide négative s’effondrent rapidement
sur elles-mêmes, mais celles avec une énergie positive commencent à se déve-
lopper, créant potentiellement un univers bulle doté de ses propres propriétés
et lois physiques, voire de son propre mélange de dimensions. Dans de nom-
breux cas, l’énergie du vide pourrait y être beaucoup plus grande que celle de
notre propre Univers, stimulant peut-être un univers qui se développe de façon
exponentielle. En dehors de notre propre bulle, le reste du multivers serait tout
sauf homogène et isotrope.
Le multivers 199
»
éternelle est qu’elle fait des prédictions vérifiables.
En théorie en effet, les bulles devraient de temps en se dérouler quelque
temps se heurter l’une contre l’autre, leurs parois part.
extérieures se fracassant à grande vitesse. Il en résul-
terait pour notre Univers divers effets qui impri- Max Tegmark
meraient des motifs distinctifs sur le rayonnement
micro-onde de fond cosmologique. Même si de tels motifs n’ont pas encore été
détectés, ils seraient à l’extrême limite des techniques d’observation actuelles,
de sorte que le cas de ce type de multivers manque cruellement de preuve.
L’idée clé
Notre Univers n’est
peut-être qu’un
parmi beaucoup d’autres
dans un cosmos infini
200 50 clés pour comprendre l’Univers
50 L e destin
de l’Univers
Quel est le sort ultime de notre Univers ? Depuis la naissance de la cosmologie
moderne, les astronomes ont tenté d’établir une distinction entre plusieurs
alternatives, mais la découverte récente de l’énergie sombre a introduit un
nouveau facteur important, condamnant clairement le cosmos à une mort
longue et froide.
L’idée que l’Univers pourrait un jour prendre fin était aussi étrangère aux
astronomes du début du xxe siècle que celle qu’il avait un début. Jusqu’alors,
le cosmos avait généralement été considéré comme éternel et, dans un loin-
tain passé, avoir été à peu près le même qu’aujourd’hui. La première personne
à considérer sérieusement une autre option fut Alexander Friedmann, qui,
en 1924, s’appuya sur son idée antérieure d’un espace-temps en expansion
(voir page 161) pour réfléchir sur la manière dont l’Univers pourrait évoluer.
Friedmann soutint que l’Univers devait être en expansion pour surmonter l’in-
fluence gravitationnelle de la matière. Combien de temps cette expansion se
poursuivrait dépendait d’un facteur crucial, le paramètre de densité (désigné
par la lettre grecque oméga, Ω) – la distribution moyenne de masse et d’énergie
par rapport à une certaine densité critique.
chronologie
1924 1934 1969 1977
Friedmann étudie Tolman montre qu’un Rees examine Islam étudie le
une possible univers oscillant les conditions dans un sort à long terme
expansion de enfreint les lois de univers fermé à l’approche de la matière dans
l’espace-temps. la thermodynamique. du « Big Crunch ». un univers ouvert.
Le destin de l’Univers 201
»
semblait en effet plus éternel que l’instant décisif soit aussi intéressant
de création inséparable d’un modèle d’expansion
simple, mais Richard Tolman démontra en 1934
que possible.
qu’aucun univers oscillant ne pouvait se poursuivre Freeman Dyson
à jamais sans violer les lois de la thermodynamique.
Puisqu’il fallait toujours un commencement formel, les promoteurs se conten-
tèrent d’échanger un instant de création plus récent avec un plus éloigné.
L’expansion accélère
DISTANCE MOYENNE ENTRE LES GALAXIES en raison de l’énergie sombre
Les éventuels destins de l’Univers
furent traditionnellement évalués en L’expansion
fonction du paramètre de densité Ω, reste constante
mais la découverte de l’énergie L’expansion ralentit un
=0
sombre semble devoir l’emporter <1 peu mais continue pour
sur les autres possibilités. toujours
=1 L’expansion ralentit
et va bientôt s’arrêter
Présent
>1
L’expansion s’inverse
sous l’effet de la gravité
TEMPS
L’idée clé
Comment l’Univers
finira-t‑il – d’ailleurs,
finira-t‑il un jour ?
204 Glossaire
Glossaire
Amas globulaire de doughnut) de de supernova. De Galaxie active
Agglomérat sphérique planétoïdes faits de nombreuses étoiles à Galaxie dont les régions
et dense d’étoiles glaces situé juste au-delà neutrons se comportent centrales rayonnent
anciennes à grande de l’orbite de Neptune. au début comme des de grandes quantités
durée de vie, gravitant pulsars. d’énergie.
autour d’une galaxie. Chandelle standard
Tout objet céleste dont Étoile binaire Géante rouge
Amas ouvert on connaît l’éclat absolu, Paire d’étoiles en orbite Étoile passant par une
Vaste groupe d’étoiles ce qui permet d’estimer l’une autour de l’autre. phase de son évolution
jeunes et brillantes nées sa distance à partir de durant laquelle sa
récemment d’une même la mesure de son éclat Étoile de Wolf-Rayet luminosité s’accroît
nébuleuse à formation apparent. Étoile de très grande considérablement, ce qui
stellaire. masse, développant des entraîne l’expansion de
Comète vents stellaires si violents ses couches externes et
Année-lumière Agrégat de roche et que ses couches externes le refroidissement de sa
Distance parcourue en de glace provenant sont soufflées. surface.
un an par la lumière (ou des confins du
Étoile variable Jets relativistes
d’autres rayonnements Système solaire.
Étoile dont l’éclat varie, Faisceaux de particules
électromagnétiques),
Espace-temps soit à la suite d’une accélérées à des vitesses
équivalant à environ
« Variété » géométrique interaction avec une proches de celle de la
9 461 milliards de
à quatre dimensions autre étoile, soit en lumière, éjectés auprès
kilomètres.
dans lequel les raison des spécificités de d’objets célestes comme
Astéroïde trois dimensions l’étoile elle-même. des trous noirs.
L’un des innombrables d’espace sont imbriquées
Ligne de gel
objets célestes rocheux du avec la dimension du Fusion nucléaire
Point de tout système
Système solaire interne. temps, donnant lieu Union sous haute
planétaire où le
aux effets des relativités température et haute
rayonnement de l’étoile
Atmosphère restreinte et générale. pression de noyaux
centrale est assez faible
Enveloppe de gaz atomiques légers pour
pour que la glace d’eau
confinée par gravité Étoile en constituer de plus
et d’autres composés
autour d’une planète Énorme boule de massifs en relâchant
chimiques volatils
ou d’une étoile. gaz dont le cœur est de grandes quantités
subsistent à l’état solide.
suffisamment chaud d’énergie. La fusion est
Binaire à éclipse et dense pour que s’y le processus grâce auquel Naine blanche
Système binaire dont amorcent des réactions les étoiles brillent. Cœur se refroidissant
les étoiles passent de fusion nucléaire lentement et subsistant
régulièrement l’une grâce auxquelles l’étoile Galaxie
après la mort d’une
devant l’autre, brille. Assemblage autonome
étoile d’une masse
produisant une baisse d’étoiles, de gaz et
inférieure à huit fois
globale d’éclat. Étoile à neutrons d’autres composants
celle du Soleil.
Cœur effondré d’une dont la taille se mesure
Ceinture de Kuiper étoile très massive que en milliers d’années- Naine brune
Anneau (en forme produit une explosion lumière. Étoile « avortée » d’une
Glossaire 205
Index
51 Pegasi b 96-97, 100 Charon 42-43 Éris 40-41 spirale 138, 141, 144, 149-
chauffage par effet de marée 36- éruption solaire 53, 55, 90 150, 152, 156, 181
A 37, 39, 48, 104 étoile(s) spirale barrée 137, 139, 144-
Abell, George 111, 157-158 Chklovski, Iossif 77, 109-111, à neutron 121-122, 124-128, 145, 147
accélérateur de particules 165- 128, 131 130-131, 133, 189, 191, Galilée 8-9, 11-12, 52, 136
166, 183, 185 classes de luminosité 116, 119 204-205 Gamow, George 73-74, 77, 79,
accrétion classification MK 116, 119 à quarks 127 108-109, 164-165, 168-169
de cailloux 16-17, 19, 33-34 collisions de galaxies 148-149, Ae/Be de Herbig 86 Ganymède 36-38
par collision 17 154, 157 binaire 54, 56, 77, 92-95, géante
AGN 155 comète 13, 15, 44-47, 80, 102, 113, 204 de gaz 32-35, 91, 100-101
Alcor 92 204 de Barnard 88, 96 de glaces 21-22, 32-35
Alpher, Ralph 164-165, 168-169, constante de Tabby 194 rouge 66, 76-77, 79, 82, 108-
176, 178 cosmologique 161, 184, 186 de Wolf-Rayet 116-117, 111, 118, 128, 139, 168,
amas de Hubble 161-162, 184 123, 204 174, 204-205
de galaxies 135, 145, 151, Copernic, Nicolas 4-5, 8, 12, 161 du pistolet 142 géocroiseur 45
156-158, 172, 180-182, cosmologie branaire 197-198, 201 -monstre 123, 172, 174-175 globule de Bok 84-86
190, 194 courant d’étoiles de la Grande multiples 92-93, 124 grand bombardement tardif 20-22
globulaire 81-82, 89, 115, 137, Ourse 83 naine 7, 66, 82, 88, 91, 109, Guth, Alan 165-167, 196-197
141, 149, 157, 204 cryovolcanisme 39 142
stellaire 57, 67, 80-85, 91, cycle(s) pulsante 112, 115 H
116, 137, 142, 149, 193 CNO 73, 75, 77, 141, 168 sombre 132 Halley, Edmond 13, 44, 46, 52
archées 48-50 de Milanković 30 variable 54, 66, 84, 86, 92, Hartmann, Johannes 168, 170
Aristarque 14 de vie des étoiles 76 94, 112-115, 146, 160, 162, Hawking, Stephen 134
article B2FH 119, 121-122, 169 proton-proton 73-74, 77-78, 184, 204 héliosismologie 69, 71
astéroïde 12-13, 16-17, 22-23, 40- 87, 89-90, 141, 168, 174 eucaryote 50 héliosphère 15
41, 44-47, 131, 141, 143, 204 solaire 53-55 Europe 36-39, 49-50 Helmholtz, Hermann von 72
Cygnus A 152-153 évolution des galaxies 146, 148- Herman, Robert 164, 176, 178
B
Cygnus X-1 133, 135 149, 152, 156, 158 Herschel, John 59
Baade, Walter 120-121, 125-126, exoplanète 20, 54, 96-107, Herschel, William 5, 12-13, 32, 53,
129, 141, 145, 148, 152-153, D 192, 194 56, 80-82, 92-94, 124, 136, 178
158, 173 Darwin, George 25 expansion de l’Univers 154, 160, Hertzsprung, Ejnar 65-66, 76-77,
Barnard, Edward 81, 96, 170 delta Scuti 115 163-165, 184 81-82, 89, 108, 146
Bell, Jocelyn 125-127 destin de l’Univers 160, 200, 203 extrémophile 48-50, 106 Holmberg, Erik 148-149, 151
Bessel, Friedrich 56, 58-59, 124 diagramme de Hertzsprung- horizon des événements 133-134
Bételgeuse 60, 62, 108 Russell 64, 66, 68, 76, 87, 111 F Hoyle, Fred 109-110, 117-119,
Bethe, Hans 73-75, 78, 168-169 Dicke, Robert 194 Fleming, Williamina 63-65 121-122, 164-165, 168
Big Bang 5, 141, 162, 164-169, Dioné 39 formation Hubble, Edwin 5, 7, 144-148,
172-174, 177-179, 182, 185, 189, Doppler, Christian 60, 62 du Système solaire 16, 18, 156, 160-162, 164, 200
191, 194, 196, 198-199, 201 Draper (catalogue) 61, 63-64 24, 44 Huggins, William 8, 61-62, 80-81
Big Crunch 198, 200-202 durée de vie des étoiles 77 planétaire 19-20, 22, 33-34, hypernova 123, 175
Big Slurp 202 36, 44, 101-102 hypothèse de la nébuleuse 16-17
binaire E stellaire 81, 83-85, 120, 138-
à contact 93, 95, 128-129 E = mc2 73, 121, 165, 187, 189 139, 142, 144-146, 148-150, I
à éclipse 54, 94-95, 112-113, eau sur Mars 28-29 154, 171, 173, 177, 204 impact géant 24-25, 27
128, 204 Eddington, Arthur 68-70, 73-74, Friedmann, Alexander 160-161, inflation 165, 167, 196-197,
à rayons X 128, 131, 135 76-78, 108, 113-114, 116-117, 164, 200 199, 203
extrême 128, 131 132, 164, 170, 189-191 fusion de l’hélium 79, 109, 118 Io 36-37, 176
Bohr, Niels 61 effet IRAS 84-85
Bunsen, Robert 60-61, 63 de marée 17, 36-37, 39, 48, G
101, 104, 154 galaxie J
C de parallaxe 6, 58, 96 active 134, 140, 152-155, Jansky, Karl 140-141
Callisto 36-38 Doppler 60, 62, 94-95, 153, 177, 204 Jupiter 4, 6, 8, 12-13, 21-23, 32-
Canope 57 160, 162 de Seyfert 152-155 34, 36-38, 40, 44-45, 90-91, 96,
Carter, Brandon 192, 195 Zeeman 54 des Antennes 149 98, 100-101, 118, 176
ceinture de Kuiper 13-14, 16, 18, Einstein, Albert 68, 73, 121, 132, elliptique 139, 141, 147, 150- Jupiter chaud 100-102
21, 23, 40-42, 44-45, 47, 204 160-161, 164-165, 184, 186- 151, 154, 157-158, 177
Centaurus A 154 191, 200 elliptique géante 157-158 K
céphéide 7, 112-115, 117, 146, Encelade 37-39, 49-51 irrégulière 144, 146-147, 149 Kant, Emmanuel 16-17, 47, 136
160, 162-163, 184 énergie lenticulaire 144-147 kappa-mécanisme 114-115
Cérès 12-14, 40-45 du vide 186, 198-199 naine sphéroïdale 144, 147, Kapteyn, Jacobus 136-137
champ magnétique 15, 32, 38, sombre 184-187, 197-198, 150 Kelvin, William Thomson (Lord)
53-55, 86, 90, 114, 126-127, 205 201-203 primordiale 172, 174 72, 201
Index 207
Kepler, Johannes 4-5, 8, 52 multivers 7, 196-199, 203 Q de type Ia 7, 121, 123, 129-
Kirchhoff, Gustav 57-58, 60-61 quasar 133, 140, 152-155, 172- 130, 184-185
Kuiper Belt Object (KBO) 14-15 N de type II 121, 123, 171
174, 177, 190
Kuiper, Gerard 47, 128 naine quintessence 187 super-Terre 100, 102-103
blanche 66, 79, 88-89, 109, Système solaire 12-15
L 111, 124-126, 128-130, 171, R externe 13, 15, 21, 25, 32-33,
Laniakea 157-159 181, 184, 204-205 R Coronæ Borealis 114 36-37, 39, 41, 43, 45, 48, 106
Laplace, Pierre-Simon de 16 brune 88-91, 101, 204 radioastronomie 127, 153 interne 13, 15, 21-23, 45, 47,
Le Verrier, Urbain 13, 32 rouge 54, 87-91, 96, 205 radiogalaxie 154-155 106, 204
Leavitt, Henrietta 113, 146 naissance des étoiles 84 raies de Fraunhofer 60-61
Lemaître, Georges 160-162, 164- rayonnement T
Nebula 80-81, 144
165, 200 nébuleuse du Crabe 120-121 de Hawking 135, 201 T Aurigæ 128-129
lentille gravitationnelle 178, 181- Neptune 6, 13-14, 20-23, 25, 32- électromagnétique 9, 11, 188, T Tauri 84-87, 114
183, 189-191 204-205 taches solaires 8, 52-55
36, 39, 41-42, 44-45, 47, 102,
limite de Chandrasekhar 122, micro-onde de fond télescope spatial Hubble 9-10,
143, 204
125-126, 130, 184 cosmologique (CMBR) 162, 14, 37, 40, 42-43, 45, 47, 85,
Neptunes chauds 102 111, 147, 149, 151, 161, 163,
Linde, Andrei 167, 197, 201-202 164-166, 174, 176-177, 179,
neutrinos 75, 122, 181, 183 177-178, 184-185
loi 182, 185-186, 199, 201
de Bode 45 New General Catalogue (NGC) 81 Théia 26-27
Newton, Isaac 8-9, 11-13, 60, 95, réaction triple-alpha 109, 118,
de Hubble 7, 154, 161, 185 168, 170 théorie des mondes multiples
Lowell, Percival 14, 48 133, 189 196-197
notre place dans l’Univers 4, 6-7 Rees, Martin 134, 140, 172,
lune(s) Titan 9, 36, 38-39
nouveau-nés stellaires 86 200-201
joviennes 36-37 Toomre, Alar et Jüri 149-151
nova naine 129-130 réionisation 173
-océan 36, 39, 104 trou noir 123-128, 131-135,
nuage d’Oort 15-16, 44, 47, 205 relation masse-luminosité 76
lunettes et télescopes 8-9, 24, 140-143, 152-155, 157, 171-
nucléosynthèse 166-169, 171, relativité
36, 56, 80, 93, 120 173, 175, 177, 181, 191, 201,
175, 182 générale 68, 132, 160, 164,
Lynden-Bell, Donald 133-134, 204-205
183-184, 189-191, 204
140, 153, 155 type de galaxies 144, 154-156, 158
O restreinte 188-191, 204
M onde RR Lyræ 115, 162 U
MACHO 181-182 de densité 138, 145, 170 Rubin, Vera 180-181 unité astronomique (UA) 12-13,
magnétars 126 gravitationnelle 131, 133, 154, Russell, Henry 65-66, 76, 108 15, 21, 34, 40, 93, 106, 205
Mars 4, 6, 12-14, 17, 19, 21- 188-189, 191 univers bulle 197-198
S
23, 26-31, 40, 44-45, 48-51, Oort, Jan 47, 137, 180 Univers observable 166, 176-177,
Safronov, Viktor 17-19 196-197
59, 106 Öpik, Ernst 45-46, 69-70, 76, 78- Sagan, Carl 5, 105, 131, 193 Uranus 6, 13, 20-23, 32-36,
Mars Global Surveyor (MGS) 79, 108-109
29-30 Sagittarius A 141-142 44-45, 53
Oppenheimer, Robert 125, 127, 133 Sagittarius A* 140-143
matière noire 147, 150, 156, 167, origine de la Lune 24 Sandage, Allan 152-153, 161-163 V
174, 180-183, 186, 190-191,
197, 202 P Saturne 6, 9, 12-13, 20-23, 32- variables
Maury, Antonia 64-65, 93-94 Pacini, Franco 126-127 34, 36, 38 cataclysmiques 128-130
Maxwell, James 176, 188 Schiaparelli, Giovanni 28, 44, lumineuses bleues 117
panspermie 50
Mercure 6, 12, 14, 100, 103, 47-48 Vénus 6, 8, 12, 19, 48, 106
Payne, Cecilia 68, 70, 73
106, 190 Secchi, Angelo 61-63 vestige stellaire 124, 126, 128-
Pickering, Edward 63-65, 93- 129, 131, 135, 143
message d’Arecibo 193 SETI 107, 192-194
95, 113 vie
Messier 77 152 Shapley, Harlow 113, 137, 140,
piliers de la création 85 extraterrestre 48-49, 101,
Messier 87 157 144, 147, 161, 164
planète 105, 192
météorite 46, 49-51, 72, 123 Sirius 4, 56-57, 60, 62, 88, 124
chthonienne 102 Soleil 12-15, 52-55 sur Mars 28, 31, 48, 51
méthode de carbone 101, 103
de la vitesse radiale 98-100 source d’énergie des étoiles 72- vitesse de la lumière 62, 132-133,
de fer 103 73, 76-77 176, 188-189, 196, 202, 205
du transit 97-100 naine 12, 14, 21, 40-42, 205
migration planétaire 20, 34, 101 spectroscopie 8, 36, 58, 60, 68, Voie lactée 5-7, 56, 89, 92, 96,
planétésimaux 18-19, 21-22, 34 71, 205 99, 113, 120, 135-146, 149,
milieu interstellaire 15, 169-171,
Pluton 13-15, 19, 39-43, 45, 47 structure des étoiles 68-69, 73, 152, 156-157, 160-161, 168, 180
174-175
Pogson, Norman 56-57 76, 79
Minkowski, Hermann 188, 190 W
Population I 141, 144, 162, 173 Struve, Otto 97, 101
Minkowski, Rudolph 120-121, W Virginis 114
152-153 Population II 115, 140-142, 144- superamas
145, 162, 173 Waterston, John 72
Mira 112, 115 de galaxies 165, 172, 182 Weizsäcker, Carl Friedrich von
mission Kepler 97-99, 101, 194 Population III 172-175 stellaire 149
principe 73-74
Mizar/Mizar A 92-95 supergéante 66, 76, 114, 116-119, WIMP 181-183
modèle anthropique 195 123-124, 168, 174, 205 Wov ! 193
de fusion 74 d’exclusion de Pauli 125 bleue 116-117, 135
de Nice 20-22 processus-r 119, 122-123 jaune 59, 117 Z
géocentrique 5-6 processus-s 119 rouge 116-117 zone
héliocentrique 5, 8 Proxima du Centaure 88, 90 supernova 83, 85, 97, 107, Goldilocks 104
mort thermique 201 Ptolémée 4-6, 80 118-126, 128-129, 141, 145, habitable 104-107
mouvement rétrograde 6 pulsar 96-97, 125, 127, 131, 149-150, 153, 169-171, 174-175, Zwicky, Fritz 120-121, 125-126,
M-théorie 198 204-205 183-186, 204-205 129, 156-158, 180-181, 183
Remerciements
Merci à Paul Crowther, Matthew Kleban, Hal Levison, Giuliana de Toma
et aux nombreux chercheurs qui ont aimablement pris le temps de m’informer des domaines
les plus excitants de l’astronomie moderne apparus au cours de ces derniers mois.
Ce livre n’aurait pas été possible sans l’assistance de Tim Brown et de Dan Green
– merci à tous les deux pour leurs efforts surhumains !
Et par-dessus tout, merci à Katja pour son soutien infaillible.
Toutes les autres illustrations ont été réalisées par Tim Brown.
L’édition originale de cet ouvrage a été publiée en 2016 au Royaume-Uni par Quercus Publishing
Plc sous le titre 50 ideas you really need to know Astronomy.
© Quercus 2016