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L es antidépresseurs

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Les états dépressifs, par M. Goudemand
Suicides et tentatives de suicide, par Ph. Courtet
Psychiatrie de la personne âgée, par J.-P. Clément

Dans la collection « Cahiers Sainte-Anne »


Surdité et santé mentale, par C. Quérel
Regards périphériques sur l’autisme, par Y. Contejean et C. Doyen
L’accueil familial thérapeutique pour adulte. Des familles qui soignent ?, par P. Barreau, O. Dupuy, B. Gadeyne,
B. Garnier et A. Velasco
Santé mentale et précarité. Aller vers et rétablir, par J.-P. Arveiller et A. Mercuel

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Psychopharmacologie essentielle, par S.M. Stahl
Psychopharmacologie essentielle : le guide du prescripteur, par S.M. Stahl
Traité d’addictologie, par M. Reynaud
Addiction au cannabis, par M. Reynaud et A. Benyamina
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Guide pratique de thérapie cognitive et comportementale dans les troubles liés à l’usage de cocaïne ou de drogues
stimulantes, par L. Karila et M. Reynaud
Thérapies cognitives et comportementales et addictions, par H. Rahoui et M. Reynaud
Stress, pathologie et immunité, par J.-M. Thurin et N. Baumann
Psychologie, de D. Myers

Traité de médecine, par P. Godeau, S. Herson et J.-Ch. Piette


Principes de médecine interne Harrison, par E. Braunwald, A.S. Fauci, D.L. Kasper, S.L. Hauser, D.L. Longo
et J.L. Jameson
La petite encyclopédie médicale Hamburger, par M. Leporrier
Guide du bon usage du médicament, par G. Bouvenot et C. Caulin
Le Flammarion médical, par M. Leporrier
Dictionnaire français-anglais/anglais-français des termes médicaux et biologiques et des médicaments, par G.S. Hill
L’anglais médical : spoken and written medical english, par C. Coudé et X.-F. Coudé
Arnaud Basdevant
Avec la collaboration de
Jean-Luc Bouillot
Collection Psychiatrie dirigée par le Professeur Jean-Pierre Karine
OliéClément
Professeur de Psychiatrie à l’université Paris-Descartes,
Chef de service à l’hôpital Saint-Anne,Jean-Michel
Paris Oppert
Patrick Tounian

Traité Emmanuelle CORRUBLE

médecine et
L es antidépresseurs
chirurgie de
l’obésité

Médecine Sciences
Publications
http://www.editions.lavoisier.fr
http://www.medecine.lavoisier.fr
Direction éditoriale : Emmanuel Leclerc
Édition : Béatrice Brottier
Couverture : Isabelle Godenèche
Fabrication : Estelle Perez

Composition : Softwin, Bucarest


Impression et brochage : EMD, Lassay-les-Châteaux

ISBN : 978-2-257-20527-8
© 2013, Lavoisier, Paris
L iste des collaborateurs
........

Baumann Pierre, Professeur honoraire, département de Psychiatrie, CHU vaudois, Lausanne.


Becquemont Laurent, Professeur de Pharmacologie clinique, unité et centre de recherche clinique, université
Paris-Sud, CHU de Bicêtre, Le Kremlin-Bicêtre.
Bellivier Frank, Professeur des Universités, Praticien hospitalier, service universitaire de Psychiatrie, hôpital
Fernand-Widal, Paris.
Bertschy Gilles, Professeur des Universités, Praticien hospitalier, pôle de Psychiatrie et Santé mentale, service
de Psychiatrie II, CHU, Strasbourg.
Bordet Régis, Professeur des Universités, Praticien hospitalier, service de Pharmacologie médicale, faculté de
Médecine, université Lille 2 ; CHU, Lille.
Bougerol Thierry, Professeur des Universités, Praticien hospitalier, Inserm U836 ; pôle de Psychiatrie et de
Neurologie, clinique universitaire de Psychiatrie, CHU, Grenoble.
Boulenger Jean-Philippe, Professeur des Universités, Praticien hospitalier, service universitaire de Psychiatrie
adulte, hôpital de la Colombière, CHU, Montpellier.
Briki Malick, Chef de clinique-Assistant, service de Psychiatrie et d’Addictologie, CHU, Dijon.
Butlen-Ducuing Florence, Médecin, Central Nervous System, Safety & Efficacy of Medicines, European
Medicines Agency, Londres.
Corruble Emmanuelle, Professeur des Universités, Praticien hospitalier, unité Inserm U669, faculté de
Médecine Paris-Sud ; service de Psychiatrie, CHU de Bicêtre, Le Kremlin-Bicêtre.
Coudoré François, Professeur des Universités, Praticien hospitalier, laboratoire de Neuropharmacologie
EA3544, faculté de Médecine, université Paris-Sud, Chatenay-Malabry.
Courtet Philippe, Professeur des Universités, Praticien hospitalier, université de Montpellier ; département
d’Urgence et Post-urgence psychiatrique, CHU Lapeyronie, Montpellier.
David Denis, Maître de conférences, laboratoire de Neuropharmacologie EA3544, faculté de Pharmacie, uni-
versité Paris-Sud, Chatenay-Malabry.
Delaveau Pauline, Docteur en Neurosciences, CNRS USR3246, centre Émotion, CR-ICM, hôpital Pitié-
Salpêtrière, Paris.
Delavenne Héloïse, Psychiatre-Addictologue, département de Psychiatrie, université fédérale du Minas Gerais,
Belo Horizonte, Brésil.
Dereux Alexandra, Assistante spécialiste, unité Inserm U894 (centre de Psychiatrie et de Neurosciences), cli-
nique des Maladies mentale et de l’Encéphale, hôpital Sainte-Anne Paris.
Duarte Garcia Frederico, Professeur de Psychiatrie et d’Addictologie, département de Psychiatrie, université
fédérale du Minas Gerais, Belo Horizonte, Brésil.
Fève Bruno, Professeur des Universités, Praticien hospitalier, service d’Endocrinologie, unité Inserm U938,
hôpital Saint-Antoine, Paris.
Fossati Philippe, Professeur des Universités, Praticien hospitalier, CNRS USR3246, centre Émotion, CR-ICM,
université Pierre-et-Marie-Curie ; service de Psychiatrie adulte, hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris.
Gaillard Adeline, Chef de Clinique-Assistant, université Paris-Descartes ; service hospitalo-universitaire, hôpi-
tal Sainte-Anne, Paris.
Gaillard Raphaël, Professeur des Universités, Praticien hospitalier, unité Paris-Descartes ; service hospitalo-
universitaire d’Addictologie, hôpital Sainte-Anne, Paris.
Gallarda Thierry, Praticien hospitalier, unité Inserm U894 (centre de Psychiatrie et de Neurosciences) ; centre
d’Évaluation des troubles psychiques et du vieillissement, hôpital Sainte-Anne, Paris.
Gardier Alain, Professeur des Universités, laboratoire de Neuropharmacologie EA3544, faculté de Pharmacie,
université Paris-Sud, Chatenay-Malabry.
Gilquin Anne Flavie, Assistante des Hôpitaux, service des Spécialités et de Médecine polyvalente, hôpital de
Ville-Évrard, Neuilly-sur-Marne.
Les antidépresseurs

Ginestet Daniel, Professeur honoraire à la faculté de Médecine, Paris.


Gorwood Philip, Professeur des Universités, Praticien hospitalier, unité Inserm U894 (centre de Psychiatrie et
de Neurosciences), clinique des Maladies mentales et de l’Encéphale, hôpital Sainte-Anne, Paris.
Gressier Florence, Praticien hospitalier, Inserm U669, service de Psychiatrie, CHU de Bicêtre, Le Kremlin-Bicêtre.
Guelfi Julien-Daniel, Professeur émérite, université Paris-Descartes ; clinique des Maladies mentales et de
l’Encéphale, hôpital Sainte-Anne, Paris.
Guiard Bruno, Maître de conférences, laboratoire de Neuropharmacologie EA3544, faculté de Pharmacie,
université Paris-Sud, Chatenay-Malabry.
Guilloux Jean-Philippe, Ph.D., Maître de conférences, laboratoire de Neuropharmacologie EA3544, faculté de
Pharmacie, université Paris-Sud, Chatenay-Malabry.
Hache Guillaume, Interne en Pharmacie, laboratoire de Neuropharmacologie EA3544, faculté de Pharmacie,
université Paris-Sud, Chatenay-Malabry.
Haffen Emmanuel, Professeur des Universités, Praticien hospitalier, université de Franche-Comté ; service de
Psychiatrie de l’adulte, CHU, Besançon.
Hamon Michel, Professeur des Universités, unité Inserm U894, université Pierre-et-Marie-Curie, hôpital Pitié-
Salpêtrière, Paris.
Jouvent Roland, Professeur des Universités, Praticien hospitalier, service de Psychiatrie adulte, hôpital Pitié-
Salpêtrière, Paris.
Krebs Marie-Odile, Professeur des Universités, Praticien hospitalier, laboratoire de Physiopathologie des
Maladies psychiatriques, unité Inserm U894 (centre de Psychiatrie et de Neurosciences) ; service hospitalo-
universitaire de Santé mentale et de Thérapeutique, hôpital Sainte-Anne, Paris.
Krieger Vincent, Praticien hospitalier contractuel, service de Psychiatrie adulte, hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris.
Lanfumey Laurence, Directeur de recherche Inserm, unité Inserm U894, université Pierre-et-Marie-Curie,
hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris.
Lejoyeux Michel, Professeur des Universités, Praticien hospitalier, service de Psychiatrie et d’Addictologie
Bichat-Beaujon, service sectorisé de Psychiatrie de Maison blanche, hôpital Bichat, Paris.
Llorca Pierre-Michel, Professeur des Universités, Praticien hospitalier, Clermont université, université d’Au-
vergne ; service de Psychiatrie, CHU Gabriel-Montpied, CMP B, Clermont-Ferrand.
Maricourt Pierre de, Interne, service hospitalo-universitaire de Santé mentale et de Thérapeutique, hôpital
Sainte-Anne, Paris.
Martinez Gilles, Assistant spécialiste, université Paris-Descartes ; service hospitalo-universitaire/centre de
recherche clinique, hôpital Sainte-Anne, Paris.
Martinot Jean-Luc, Pédopsychiatre, Directeur de recherche Inserm, unité Inserm-CEA U1000 (Imagerie et
psychiatrie), université Paris-Sud et université Paris-Descartes, Maison de Solenn, hôpital Cochin, Paris ; ser-
vice hospitalier Frédéric-Joliot, Orsay.
Moisan Delphine, Interne, service de Psychiatrie et d’Addictologie Bichat-Beaujon, service sectorisé de
Psychiatrie de Maison blanche, hôpital Bichat, Paris.
Moncany Anne-Hélène, Chef de clinique-Assistant, service des Urgences psychiatriques, CHU, Toulouse.
Mongeau Raymond, Maître de conférences, laboratoire de Pharmacologie de la circulation cérébrale (EA4475),
université Paris-Descartes, Paris.
Naveau Sylvie, Professeur des Universités, Praticien hospitalier, service d’Hépato-Gastro-entérologie, hôpital
Antoine-Béclère, Clamart.
Nourry Aurore, Interne, service de Psychiatrie, Clermont université, université d’Auvergne ; service de
Psychiatrie, CHU Gabriel-Montpied, Clermont-Ferrand.
Olié Émilie, Chef de clinique-Assistant, université de Montpellier ; département d’Urgence et Post-urgence
psychiatrique, CHU Lapeyronie, Montpellier.
Passerieux Christine, Professeur des Universités, Praticien hospitalier, université Versailles-Saint-Quentin-en-
Yvelines ; service de Psychiatrie de l’adulte, centre hospitalier André-Mignot, Versailles
Pelissolo Antoine, Professeur des Universités, Praticien hospitalier, université Pierre-et-Marie-Curie ; service
de Psychiatrie adulte, hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris.
Perlemuter Gabriel, Professeur des Universités, Praticien hospitalier, université Paris-Sud ; Inserm U996,
IPSIT ; service d’Hépato-Gastro-entérologie et Nutrition, hôpital Antoine-Béclère, Clamart.

VI
L I S T E D E S C O L L A B O R AT E U R S

Petit Pierre, Professeur des Universités, Praticien hospitalier, coordonnateur du département de Pharmacologie
médicale et Toxicologie, service universitaire de Psychiatrie de l’adulte, CHU, Montpellier.
Poirier Marie-France, Praticien, Directeur de recherche, université Paris-Descartes ; service hospitalo-universi-
taire/centre de recherche clinique, hôpital Sainte-Anne, Paris.
Purper-Ouakil Diane, Professeur des Universités, Praticien hospitalier, service de Médecine psychologique de
l’enfant et de l’adolescent, hôpital Saint-Éloi, Montpellier.
Quillerou Bluenn, Praticien hospitalier, service universitaire de Psychiatrie, hôpital Saint-Antoine, Paris.
Roblin Julie, Praticien hospitalier, service hospitalo-universitaire de Santé mentale et de Thérapeutique, hôpital
Sainte-Anne, Paris.
Rouillon Frédéric, Professeur des Universités, Praticien hospitalier, clinique des Maladies mentales et de
l’Encéphale, hôpital Sainte-Anne, Paris.
Saravane Djéa, Praticien hospitalier, directeur de l’enseignement à la faculté de Médecine Paris-Sud, service des
Spécialités et de Médecine polyvalente, hôpital de Ville-Évrard, Neuilly-sur-Marne.
Schmitt Laurent, Professeur des Universités, Praticien hospitalier, faculté de Médecine Toulouse-Rangueil,
université Paul-Sabatier ; service universitaire de Psychiatrie et de Psychologie médicale, CHU, Toulouse.
Sechter Daniel, Professeur des Universités, Praticien hospitalier, université de Franche-Comté ; service de
Psychiatrie de l’adulte, CHU, Besançon.
Thibaut Florence, Professeur des Universités, Praticien hospitalier, université de Rouen ; service de Psychiatrie,
CHU Charles-Nicolle, Rouen.
Tournier Marie, Maître de conférences, Praticien hospitalier, centre hospitalier Perrens, université Bordeaux
Segalen, Bordeaux.
Turpin Elena, Chef de clinique-Assistant, service universitaire de Psychiatrie, hôpital Saint-Antoine, Paris.
Vandel Pierre, Professeur des Universités, Praticien hospitalier, université de Franche-Comté ; service de
Psychiatrie de l’adulte, CHU, Besançon.
Verdoux Hélène, Professeur des Universités, Praticien hospitalier, pôle universitaire de Psychiatrie adulte,
Inserm U657, centre hospitalier Perrens, université Bordeaux Segalen, Bordeaux.
Verstuyft Céline, Maître de conférences, Praticien hospitalier, service de Génétique moléculaire,
Pharmacogénétique et Hormonologie, CHU de Bicêtre, Le Kremlin-Bicêtre.
Vidailhet Pierre, Professeur des Universités, Praticien hospitalier, unité inserm U666 (Physiopathologie et
Psychopathologie cognitive de la schizophrénie), université de Strasbourg ; pôle de Psychiatrie et de Santé
mentale, CHU, Strasbourg.
Voican Cosmin Sebastian, service d’Hépato-Gastro-entérologie, hôpital Antoine-Béclère, Clamart.
Vulser Hélène, Doctorante en Neurosciences, Interne, unité Inserm-CEA U1000 (Imagerie et psychiatrie),
université Paris-Sud et université Paris-Descartes, Maison de Solenn, hôpital Cochin, Paris ; service hospitalier
Frédéric-Joliot, Orsay.
Yadak Julien, Interne, service de Psychiatrie adulte, hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris.
Yon Liova, Praticien hospitalier, pôle de Psychiatrie, hôpital Henri-Mondor, Créteil.
Younès Nadia, Maître de conférences, Praticien hospitalier, université Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines ;
service de Psychiatrie de l’adulte, centre hospitalier André-Mignot, Versailles.

VII
S ommaire
........

Chapitre 1. Historique et classifications des antidépresseurs, par D. Ginestet. . . . . . . . . . . . . . . . . 1


Traitement des états dépressifs avant les médicaments antidépresseurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1
Découverte des deux premiers antidépresseurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2
Iproniazide. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2
Imipramine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2
Découvertes : intuition, persévérance et sérendipité. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
Développement des médicaments antidépresseurs IMAO. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
Développement des médicaments imipraminiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4
Médicaments inhibiteurs spécifiques de la recapture de la sérotonine (ISRS) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
Inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSNa) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
Autres antidépresseurs. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .6
Extension du champ thérapeutique des antidépresseurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
Action antalgique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
Troubles anxieux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
Autres indications. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
Classifications des médicaments antidépresseurs. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
Classification chimique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
Classifications biochimiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
Classifications thérapeutiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9

Pharmacologie

Chapitre 2. Des effets neurobiologiques aux mécanismes d’action :


hier, aujourd’hui et demain, par R. Mongeau, M. Hamon et L. Lanfumey. . . . . . . . . 15
À partir du début du xxe siècle : des médicaments agissant
sur le GABA pour les problèmes « nerveux ». . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
Des psychostimulants des années 1930 aux antidépresseurs dopaminergiques modernes. . . . . . . . . . 17
Introduction du concept d’antidépresseur dans les années 1950. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
Inhibiteurs des monoamines oxydases. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
Antidépresseurs tricycliques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
Antidépresseurs atypiques ciblés sur les récepteurs 5-HT2 ou a-adrénergiques . . . . . . . . . . . . . . . . . 21
Inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
Effets indésirables des antidépresseurs monoaminergiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24
Nouvelles cibles des traitements antidépresseurs. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25
Les antidépresseurs stimulent les voies de signalisation impliquant pCREB, le BDNF et pERK. . . . . . . . . 25
Les antidépresseurs

Les antidépresseurs préviennent l’inhibition de la neurogenèse hippocampique par le stress. . . . . . . . . . . . 27


Une nouvelle vague d’antidépresseurs ciblés sur la neurotransmission glutamatergique ?. . . . . . . . . . 28
Un antidépresseur agissant sur les rythmes circadiens. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29
Stimulations électriques et magnétiques du système nerveux central. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30
Retour aux années 1930 : l’introduction de l’électroconvulsivothérapie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30
Stimulation magnétique transcrânienne. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31
Stimulations électriques focalisées. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31

Chapitre 3. Modèles animaux, par D. David, B. Guiard, J.-P. Guilloux et A.M. Gardier. . . . . . 40
Modèles animaux prédictifs d’une activité anxiolytique/antidépressive chez l’animal . . . . . . . . . . . . 43
« Tests comportementaux » prédictifs de l’activité anxiolytique ou antidépressive d’un antidépresseur
chez le rat ou la souris. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44
Test prédictif d’une activité mixte anxiolytique/antidépressive des antidépresseurs. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44
Tests prédictifs d’une activité de type antidépresseur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45
Modélisation de la dépression chez l’animal. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45
Modèles fondés sur le stress . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45
Souris génétiquement manipulées. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49
Applications pharmacologiques récentes. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51

Chapitre 4. Études d’imagerie cérébrale, par H. Vulser et J.-L. Martinot. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 55


Traitements antidépresseurs pharmacologiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 55
Psychothérapies . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57
Électroconvulsivothérapie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57
Stimulation magnétique transcrânienne. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58
Stimulation cérébrale profonde. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58

Chapitre 5. Méthodes d’étude chez l’homme, par F. Butlen-Ducuing et J.-D. Guelfi . . . . . . . . . 61


Généralités sur les différentes phases de développement d’un médicament antidépresseur. . . . . . . . . 61
Essais de pharmacologie humaine (phase I) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61
Essais thérapeutiques (phases II et III) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62
Essais thérapeutiques postérieurs à la commercialisation (phase IV). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63
Design des essais cliniques de phase III évaluant l’efficacité d’un médicament antidépresseur . . . . . . 63
Sélection des patients. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63
Critères de jugement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63
Différents types d’essais évaluant l’efficacité d’un nouvel antidépresseur. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64
Analyse des résultats. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 65
La question du placebo. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 66
Étude de l’efficacité d’un médicament antidépresseur et cas particuliers. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67
Réponse partielle et résistance au traitement. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67
Évaluation des antidépresseurs dans les troubles bipolaires. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 68
Population pédiatrique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 68
Personnes âgées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 68
Évaluation de la tolérance dans les essais cliniques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 68
Discussion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69

Chapitre 6. Pharmacodynamie chez l’homme, par R. Bordet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 72


Pharmacodynamie de l’effet antidépresseur. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73

X
SOMMAIRE

Antidépresseurs et humeur. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73
Antidépresseurs et autres fonctions. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 74
Pharmacodynamie des antidépresseurs et autres pathologies. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 78
Trouble anxieux. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 78
Douleur. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 78
Addictions. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 78
Pharmacodynamie des antidépresseurs et biomarqueurs. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 79
Pharmacodynamie des antidépresseurs et efficacité thérapeutique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 79
Cinétique de la pharmacodynamie
des antidépresseurs. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 79
Variabilité de la réponse. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 80
Pharmacorésistance. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .80

Chapitre 7. Pharmacocinétique, par P. Baumann et G. Bertschy . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 82


Bases générales de la pharmacocinétique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 83
Biodisponibilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 83
Volume de distribution . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 83
Clairance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 84
Demi-vie d’élimination . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 84
État d’équilibre. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 84
Étapes du système LADME . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 85
Libération. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 85
Absorption. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 85
Distribution. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 85
Métabolisme. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 87
Excrétion. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91
Situations et influences spécifiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 92
Influence des pathologies somatiques associées et de l’âge. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 92
Influence du genre. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 92
Aspects chronothérapeutiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 92
Surveillance des concentrations plasmatiques des antidépresseurs. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 92
Antidépresseurs tricycliques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 92
Autres antidépresseurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 93
Indications pour la surveillance des taux plasmatiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 93
Bonnes conditions de réalisation de l’examen. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 94

Chapitre 8. Pharmacogénétique, par L. Becquemont. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 97


Qu’est-ce que la pharmacogénétique ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 97
Variants génétiques modifiant la pharmacocinétique des antidépresseurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 98
Variations génétiques du métabolisme des antidépresseurs. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 98
Variations génétiques du transport des antidépresseurs. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 99
Variants génétiques modifiant l’effet des antidépresseurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 99
Variants HLA associés à des effets indésirables des thymorégulateurs. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 100

Chapitre 9. Interactions médicamenteuses, par C. Verstuyft . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 102


Épidémiologie des interactions médicamenteuses. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 102

XI
Les antidépresseurs

Les différents types d’interactions. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 102


Interactions d’ordre pharmacocinétique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103
Absorption digestive perturbée. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103
Métabolisme hépatique et interactions au niveau des cytochromes P450 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 104
Distribution et élimination. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 107
Interactions médicamenteuses pharmacodynamiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 107
Syndrome sérotoninergique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 108
Torsades de pointes médicamenteuses et toxicité cardiaque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 109
Risque hémorragique et ISRS. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 109

Chapitre 10. Effets cognitifs, par P. Vidailhet. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 114


Les antidépresseurs exercent-ils des effets cognitifs délétères ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 115
Études menées chez le volontaire sain. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 115
Études menées chez les patients . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 116
Arrêt brutal et effets de sevrage. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 119
Quelles stratégies adopter face à des troubles cognitifs persistants
induits par les antidépresseurs ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 119
Certains antidépresseurs améliorent-ils le fonctionnement cognitif ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 120
Études menées chez le volontaire sain. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 120
Études menées chez les patients . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 120
Cas particulier de la conduite automobile et autres engins . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 121
Quels sont les processus cognitifs modifiés par les antidépresseurs
possiblement en lien avec leurs effets thérapeutiques ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 123
Modifications des cognitions associées à la dépression et/ou à l’anxiété. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 123
Modifications de la neuroplasticité cérébrale. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 124

Chapitre 11. Effets des antidépresseurs


sur les processus émotionnels, par P. Delaveau et Ph. Fossati. . . . . . . . . . . . . . . . . 129
Processus émotionnels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 129
Processus émotionnels et effets précoces des antidépresseurs chez le sujet sain. . . . . . . . . . . . . . . . . 131
Application à la dépression. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 132
Délai de l’action thérapeutique des antidépresseurs. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 132
Explication neuropsychologique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 132
Rôle de la neurogenèse. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 132
Lien entre le niveau neurochimique et neuropsychologique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 132
Effets des antidépresseurs sur les corrélats cérébraux des processus émotionnels . . . . . . . . . . . . . . . 133
Chez les sujets sains . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 133
Chez les patients déprimés. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 133
Antidépresseurs avec d’autres mécanismes d’action. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 133
Agoniste mélatoninergique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 133
Antagoniste des récepteurs NK1. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 134
Érythropoïétine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 134
Antagoniste des récepteurs glutamatergiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 135

Chapitre 12. Pharmaco-épidémiologie, par H. Verdoux et M. Tournier. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 138


Études d’utilisation des antidépresseurs dans la population adulte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 138
Fréquence d’utilisation des antidépresseurs : données françaises. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 139

XII
SOMMAIRE

Fréquence d’utilisation des antidépresseurs : données internationales. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 140


Études d’utilisation des antidépresseurs dans des populations spécifiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 141
Enfants et adolescents. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 141
Personnes âgées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 141
Femmes enceintes. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 142
Modalités de prescription et d’usage des antidépresseurs. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 143
Congruence entre usage d’antidépresseur et diagnostic psychiatrique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 143
Prescripteurs et filières de soins. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 144
Durée de prescription. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 145
Impact des antidépresseurs sur le risque suicidaire. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .146
Antidépresseurs et conduites suicidaires chez les enfants et les adolescents . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 146
Antidépresseurs et conduites suicidaires dans la population adulte. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 146
Modélisation de l’impact des antidépresseurs sur le risque suicidaire dans la population française. . . . . . . 147

Indications et modalités de prescription

Chapitre 13. Traitement des troubles dépressifs unipolaires, par F. Rouillon . . . . . . . . . . . . . . . 153
Indications des antidépresseurs, en général. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 153
Modalités générales de prescription d’un antidépresseur. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 156
Indications et modalités de prescription selon les classes d’antidépresseurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 160
Inhibiteurs spécifiques de la recapture de la sérotonine (ISRS). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 160
Inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSNa) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 160
Antidépresseurs tricycliques imipraminiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 160
Inhibiteurs de la monoamine oxydase (IMAO). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 161
Autres antidépresseurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 162

Chapitre 14. Traitement des dépressions


des troubles bipolaires, par B. Quillerou, L. Yon et F. Bellivier. . . . . . . . . . . . . . 165
Efficacité. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .165
Études en faveur de l’utilisation des antidépresseurs. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 166
Éléments contre l’utilisation des antidépresseurs dans la dépression bipolaire. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 166
Tolérance. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 167
Virage maniaque ou hypomaniaque. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 167
Antidépresseur et risque d’induction de cycles rapides . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 168
Tolérance des nouveaux antidépresseurs par rapport à celle des tricycliques et des IMAO. . . . . . . . . . . . . 168
Association. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 168
Synthèse. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 169
National Institute for Health and Clinical Excellence. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 169
Canadian Network for Mood and Anxiety Treatments (CANMAT)
et International Society for Bipolar Disorders (ISBD). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 172
World Federation of Societies of Biological Psychiatry (WFSBP) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 172

Chapitre 15. Antidépresseurs et traitement des troubles anxieux,


par J. Yadak et A. Pelissolo. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 175
Troubles obsessionnels-compulsifs. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 175

XIII
Les antidépresseurs

Efficacité des antidépresseurs dans les TOC. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 176


Modalités de prescription. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 177
Trouble panique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 178
Efficacité des antidépresseurs dans le trouble panique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 178
Modalités de prescription. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 179
Trouble anxieux généralisé. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 181
Efficacité des antidépresseurs dans le trouble anxieux généralisé. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 181
Modalités de prescription. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 182
Phobies sociales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 183
ISRS dans les phobies sociales. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 183
IRSNa dans les phobies sociales. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 184
IMAO dans les phobies sociales. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 184
Modalités de prescription. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 184
État de stress post-traumatique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 185
Efficacité des antidépresseurs dans l’ESPT . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 185
Modalités de prescription. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 186

Chapitre 16. Antidépresseurs et traitement des douleurs chroniques, par F. Coudoré


et G. Hache. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 192
La douleur chronique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 192
Co-morbidité douleur et dépression. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 192
Intérêt des antidépresseurs dans le traitement de la douleur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 193
Bases de l’efficacité des antidépresseurs. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 193
Antidépresseurs dans le traitement des douleurs chroniques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 195
Polyneuropathies douloureuses . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 195
Douleurs neuropathiques centrales. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 195
Douleurs post-zostériennes. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 195
Lombalgies chroniques douloureuses . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 195
Algies de la face . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 196
Fibromyalgie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 196
Neuropathies médicamenteuses. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 196

Chapitre 17. Les prescriptions dimensionnelles aujourd’hui,


par V. Krieger et R. Jouvent. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 200
Approche catégorielle, approche dimensionnelle. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 200
Modèle des tempéraments . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 201
Dimension et psychobiologie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 202

Chapitre 18. Indications frontières et dérives de prescription,


par P. Petit et J.-P. Boulenger . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 205
Indications frontières . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 205
Indications dans le cadre des troubles psychiatriques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 206
Indications dans le cadre des syndromes douloureux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 208
Indications dans le cadre des troubles du sommeil . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 210
Indications dans le cadre des addictions. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 210
Dérives de prescription. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 211

XIV
SOMMAIRE

Tolérance

Chapitre 19. Effets indésirables prévisibles du fait des propriétés


pharmacologiques, par P.-M. Llorca et A. Nourry . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 219
Antidépresseurs tricycliques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 220
Mécanismes d’action . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 220
Effets indésirables pharmacologiquement prévisibles. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 220
Conséquences cliniques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 221
Inhibiteurs de la monoamine oxydase . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 221
Mécanismes d’action . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 221
Effets indésirables pharmacologiquement prévisibles. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 221
Conséquences cliniques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 222
Inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 222
Mécanismes d’action . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 222
Effets indésirables pharmacologiquement prévisibles. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 222
Conséquences cliniques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 223
Inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 223
Mécanismes d’action . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 223
Effets indésirables pharmacologiquement prévisibles. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 223
Conséquences cliniques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 224
Inhibiteur de la recapture de la noradrénaline et de la dopamine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 224
Mécanismes d’action . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 224
Effets indésirables pharmacologiquement prévisibles. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 224
Conséquences cliniques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 224
Inhibiteurs sélectifs de la recapture de la noradrénaline. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 224
Mécanismes d’action . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 224
Effets indésirables pharmacologiquement prévisibles. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 225
Conséquences cliniques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 225
Antagonistes a2 agissant comme désinhibiteurs de la sérotonine et de la noradrénaline . . . . . . . . . 225
Mécanismes d’action . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 225
Effets indésirables pharmacologiquement prévisibles. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 225
Conséquences cliniques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 226
Antagonistes/inhibiteurs de la recapture de la sérotonine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 226
Mécanismes d’action . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 226
Effets indésirables pharmacologiquement prévisibles. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 226
Conséquences cliniques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 226
Agomélatine, agoniste mélatoninergique et antagoniste sérotoninergique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 226
Mécanismes d’action . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 226
Effets indésirables pharmacologiquement prévisibles. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 226
Conséquences cliniques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 227
Syndrome sérotoninergique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 227
Physiopathologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 227
Critères diagnostiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 227
Diagnostics différentiels. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 227
Modalités de prise en charge. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 227

XV
Les antidépresseurs

Chapitre 20. Effets sur la libido, par M. Briki, E. Haffen, D. Sechter et P.  Vandel . . . . . . . . . 229
Investiguer la sexualité du patient : un challenge pour le thérapeute. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 229
Dysfonctionnements sexuels : où commence la pathologie ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 231
Psychopharmacologie de la réponse sexuelle. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 232
Effets des antidépresseurs sur la réponse sexuelle. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 233
Prise en charge des effets secondaires sexuels des antidépresseurs. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 235

Chapitre 21. Risque de virage maniaque, par É. Olié et P. Courtet. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 238


Hypothèses avancées. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 238
Dépression bipolaire et antidépresseurs. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 239
Dépression bipolaire. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 239
Des sous-groupes de patients pourraient-ils bénéficier des antidépresseurs ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 240
Cycles rapides. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 240
Facteurs associés au risque de virage maniaque. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 241
Facteurs cliniques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 241
Facteurs génétiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 242
Facteurs liés au traitement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 242
Support neurobiologique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 243
Recommandations et perspectives. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 243

Chapitre 22. Risque suicidaire, par M.-F. Poirier et G. Martinez . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 247


Historique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 247
Éléments pour ou contre l’induction d’une suicidalité par les antidépresseurs. . . . . . . . . . . . . . . . . 248
Chez l’enfant et l’adolescent. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 248
Chez l’adulte jeune. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 249
Mises en garde dans d’autres pays. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 249
Chez l’adulte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 250
Chez le sujet âgé. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 251
Limites méthodologiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 251
Facteurs de risque. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 251
Facteurs de risque cliniques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 251
Facteurs de risque neurobiologiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 252

Chapitre 23. Risque de syndrome d’arrêt, par D. Moisan et M. Lejoyeux . . . . . . . . . . . . . . . . . . 256


Définitions. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 256
Épidémiologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 256
Facteurs de risque. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 256
Présentation clinique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 257
Inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 257
Inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 257
Antidépresseurs tricycliques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 258
Inhibiteurs de la monoamine oxydase. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 258
Classification . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 258
Hypothèses étiologiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 259
Diagnostic différentiel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 259
Traitement. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 259

XVI
SOMMAIRE

Préventif. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 259
Curatif. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 260

Chapitre 24. Risques hémostatique et ionique, par T. Bougerol. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 262


Anomalies ioniques, hyponatrémie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 262
Risque hémorragique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 264

Chapitre 25. Risque cardiovasculaire et métabolique, par E. Turpin et B. Fève . . . . . . . . . . . . . . 269


Étude des psychotropes sur des modèles expérimentaux. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 269
In vitro. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 269
Dans le cadre des troubles de l’humeur. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 270
Dans les autres indications. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 274
Mécanismes des effets métaboliques des antidépresseurs. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 274
Effets centraux. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 274
Effets périphériques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 276

Chapitre 26. Risque hépatique et antidépresseurs, par C.S. Voican,


S. Naveau et G. Perlemuter . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 281
Épidémiologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 281
Mécanismes pathogéniques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 281
Facteurs prédisposants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 284
Sexe. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 284
Âge. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 284
Dose. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 284
Hépatotoxicité croisée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 284
Interactions médicamenteuses . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 284
Consommation d’alcool. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 284
Co-morbidités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 285
Facteurs génétiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 285
Diagnostic . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 286
Symptômes. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 286
Examens paracliniques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 286
Évaluation de la relation causale. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 287
Traitement. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 287
Aspects particuliers de l’hépatotoxicité liée aux antidépresseurs. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 287
Inhibiteurs spécifiques de la recapture de la sérotonine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 287
Inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 288
Antidépresseurs atypiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 288
Antidépresseurs tricycliques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 289
Inhibiteurs de monoamine oxydase . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 289
Agomélatine. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 289
Prévention . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 289

Spécificités liées au terrain

Chapitre 27. Enfants et adolescents, par D. Purper-Ouakil. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 297


Familles chimiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 297

XVII
Les antidépresseurs

Tricycliques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 297
Inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 298
Antidépresseurs non tricycliques, non ISRS. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 299
Effets psychocomportementaux des antidépresseurs chez le sujet jeune. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 299
Tolérance à long terme, toxicité et risque létal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 300
Pharmaco-épidémiologie des antidépresseurs en population pédiatrique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 301
Efficacité des antidépresseurs dans leurs principales indications pédiatriques. . . . . . . . . . . . . . . . . . 301
Épisode dépressif majeur du sujet jeune. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 301
Troubles anxieux (sauf TOC). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 304
Trouble obsessionnel-compulsif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 304
Rapport bénéfices/risques des antidépresseurs dans les principales indications pédiatriques. . . . . . . 305
Quand la prescription peut-elle être envisagée ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 306
Dépression de l’enfant et de l’adolescent. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 306
Troubles anxieux (non TOC). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 306
Trouble obsessionnel-compulsif. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 306

Chapitre 28. Grossesse et allaitement, par F. Gressier. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 309


Antidépresseurs et grossesse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 309
Antidépresseurs et avortements spontanés. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 310
Risque tératogène. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 310
Effets secondaires des antidépresseurs pour la femme enceinte. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 312
Antidépresseurs, âge gestationnel et poids de naissance. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 313
Syndromes périnatals. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 313
Persistance de l’hypertension artérielle pulmonaire chez le nouveau-né. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 313
Développement à long terme. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 314
Synthèses de données de la littérature. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 314
Recommandations pendant la grossesse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 314
Antidépresseurs et allaitement. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 314
Imipraminiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 315
ISRS. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 315
Autres antidépresseurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 316
Recommandations pour l’allaitement. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 316

Chapitre 29. Sujet âgé, par J. Roblin et Th. Gallarda. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 320


Prescription des psychotropes chez le sujet âgé. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 320
Modifications physiologiques liées à l’âge. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 321
Absorption. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 321
Distribution. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 321
Métabolisme. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 322
Élimination . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 322
Intérêts du monitoring biologique et de la pharmacogénétique chez le sujet âgé. . . . . . . . . . . . . . . 323
Principes généraux de la thérapeutique antidépressive. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 324
Phases et modalités du traitement d’un épisode dépressif majeur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 324
Comment améliorer l’adhésion au traitement ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 325
Traitements antidépresseurs. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 325
Efficacité globale des antidépresseurs dans le traitement de la dépression
de la personne âgée. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 325

XVIII
SOMMAIRE

Le rapport efficacité/tolérance guide le choix thérapeutique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 326


Efficacité des antidépresseurs dans le traitement des dépressions co-morbides avec
des affections neurologiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 327

Chapitre 30. Schizophrénies, par P. de Maricourt et M.-O. Krebs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 331


Indication des traitements antidépresseurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 331
Place de la dépression dans la schizophrénie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 331
Antidépresseurs dans la dépression associée à la schizophrénie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 332
Antidépresseurs et symptômes négatifs. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 333
Trouble anxieux, schizophrénie et antidépresseurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 334
Intérêt des antidépresseurs dans le traitement de la personnalité schizotypique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 334
Intérêt des antidépresseurs dans le traitement de l’akathisie induite par les neuroleptiques. . . . . . . . . . . . 334
Antidépresseurs chez les sujets à ultrahaut risque de psychose. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 334
Utilisation des antidépresseurs dans la schizophrénie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 335
Interactions médicamenteuses . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 335
Choix des symptômes, choix des molécules . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 335
Règles de prescription. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 336

Chapitre 31. Addictions, par A. Dereux et P. Gorwood . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 339


Rechercher systématiquement une addiction lorsque l’on fait un diagnostic d’épisode dépressif. . . 339
Quelle est la nature du lien entre dépression et addiction ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 340
Hypothèse de l’automédication . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 340
Substances addictives dépressogènes. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 341
Un terrain commun de vulnérabilité. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 342
Une co-morbidité expliquée
par des facteurs de risque communs, notamment génétiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 343
Faire le diagnostic d’un épisode dépressif majeur chez un sujet abuseur
ou dépendant est difficile, mais important . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 344
Faire le diagnostic. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 344
Surveillance particulière des dépressions chez le sujet addict. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 344
Efficacité des antidépresseurs sur les addictions. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 345
Une prise en charge combinée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 345
Patterns de prescription . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 346
Spécificités des différentes classes d’antidépresseurs. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 347
IMAO et tricycliques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 347
Inhibiteurs spécifiques de la recapture de la sérotonine. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 347
Biaminergiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 348
Autres. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 348

Chapitre 32. Personnalité et troubles de la personnalité, par A.-H. Moncany et L. Schmitt. . . . 352
Trouble de la personnalité : catégorie et dimension. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .352
Efficacité des traitements antidépresseurs dans les troubles de la personnalité :
revue de la littérature . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 353
Efficacité des traitements antidépresseurs dans le trouble de la personnalité borderline. . . . . . . . . . . . . . . 354
Efficacité des traitements antidépresseurs dans les autres troubles de la personnalité. . . . . . . . . . . . . . . . . 355
La prescription d’antidépresseurs et les questions du clinicien. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 356
Les antidépresseurs sont-ils aussi efficaces dans les dépressions avec et sans trouble
de la personnalité ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 356

XIX
Les antidépresseurs

L’utilisation des antidépresseurs peut-elle modifier des dimensions de personnalité ? . . . . . . . . . . . . . . . . 356


Certains troubles de la personnalité s’atténuent-ils sous antidépresseur ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 356

Chapitre 33. Maladies somatiques : généralités, par D. Saravane et A.-F. Gilquin . . . . . . . . . . . 359
Prévalence de la dépression dans les maladies somatiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 359
Conséquences de la co-morbidité dépression-pathologie somatique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 360
Relations entre dépression et maladie somatique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 360
Dépister et évaluer la dépression. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 360
Médicaments antidépresseurs dans la pathologie organique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 360

Chapitre 34. Antidépresseurs et pathologies somatiques :


l’exemple des pathologies neurologiques, par A.-F. Gilquin et D. Saravane. . . . . . 365
Accident vasculaire cérébral et antidépresseurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 365
Éléments physiopathologiques et anamnestiques pouvant justifier
l’administration précoce d’antidépresseurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 365
Critères et méthodes d’évaluation de l’effet des antidépresseurs dans le traitement et la prévention
de la dépression post-AVC. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 366
Profil de populations incluses dans ces études. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 366
Synthèse des résultats d’études analysant l’efficacité d’un antidépresseur
dans le traitement et la prévention de la dépression post-AVC. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 366
Maladies neurodégénératives et antidépresseurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 368
Maladie de Parkinson. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 369
Maladie d’Alzheimer . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 370
Antidépresseurs et autres pathologies neurologiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 370

Autres aspects

Chapitre 35. Observance, par N. Younès et C. Passerieux. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 375


Définition et évaluation de l’observance. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 375
Fréquence et caractéristiques de l’inobservance. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 376
Déterminants de l’observance. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 376
Caractéristiques de la dépression. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 376
Croyances. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 377
Facteurs liés au traitement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 377
Rôle de la relation patient-médecin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 377
Autres facteurs. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 377
Enjeux de l’observance. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 377

Chapitre 36. Aspects médicolégaux, par H. Delavenne, F. Duarte Garcia et F. Thibaut. . . . . 380
Contexte actuel : médiatisation et image négative des médicaments antidépresseurs. . . . . . . . . . . . 380
Médicaments antidépresseurs et comportements violents chez l’animal. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 381
Médicaments antidépresseurs et risque suicidaire. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 381
Médicaments antidépresseurs comme traitement des comportements agressifs et impulsifs. . . . . . . 382

XX
SOMMAIRE

Événements indésirables et passage à l’acte violent observés


avec les médicaments antidépresseurs. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 383
Rapport bénéfices/risques des médicaments antidépresseurs. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 383

Chapitre 37. Perspectives : quels antidépresseurs pour demain ?, par A. Gaillard
et R. Gaillard. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 386
Du Graal sérotoninergique aux thériaques à large spectre. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 387
Vers une molécule tout-en-un . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 387
Redécouvrir les molécules existantes. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 387
Cibler les récepteurs monoaminergiques spécifiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 387
Antipsychotiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 388
Agonistes dopaminergiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 389
Explorer de nouvelles voies non monoaminergiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 389
Agir sur l’axe corticotrope. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 389
Voies de la douleur et substance P . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 389
Voie cholinergique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 390
Voie glutamatergique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 390
Au-delà des récepteurs : cibler directement les voies de signalisation intracellulaire. . . . . . . . . . . . . . . . . . 391
Techniques de stimulation cérébrale. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 392
Stimulation magnétique transcrânienne. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 392
Stimulation du nerf vague . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 392
Stimulation cérébrale profonde. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 396

Liste des principales abréviations. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 401

Déclaration de conflits d’intérêt . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 403

Index . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 405

XXI
1
H istorique et classifications
des antidépresseurs
........
D. Ginestet

La découverte des premiers antidépresseurs, en


1957, a constitué une étape majeure de la psychophar-
®
mais aussi les barbituriques (Véronal , Somnifène )
ou le chloral.
®
macologie moderne après celle des neuroleptiques en Les cliniciens suisses recouraient à des associations
1952 et celle des tranquillisants en 1954. médicamenteuses : le Cloetta, par exemple, du nom
de son inventeur, combinait chloral, para-aldéhyde
et hydrate d’amylène. Klaesi pratiquait des narco-
thérapies qui plongeaient le patient dans un sommeil
T raitement des états dépressifs
profond de plusieurs jours, anticipant les « cures de
avant les médicaments sommeil potentialisées » avec les antihistaminiques
antidépresseurs et la chlorpromazine. De petites doses d’insuline
(« insuline humide ») permettaient de restaurer un
état général affaibli, en dehors même de l’effet de
Les dépressions étaient schématiquement classées choc escompté. Les limites et les risques de ces cures
en dépressions endogènes, mélancoliques dans le de sommeil draconiennes (confusion mentale, collap-
cadre de la psychose maniacodépressive, et en dépres- sus) et leur inefficacité sur le trouble fondamental de
sions simples, névrotiques ou réactionnelles. Les cha- l’humeur soulignent, s’il en était besoin, les extraordi-
pitres dédiés à leur thérapeutique étaient succincts : la naires progrès réalisés à partir des années 1950.
Psychiatrie clinique de Paul Guiraud en 1956 [18] n’y À l’opposé des médications sédatives que nous
consacre qu’une page. venons d’évoquer, certains essais avaient été entrepris
Les accès mélancoliques relevaient de la sismothéra- avec des substances stimulantes.
pie mise au point par Bini et Cerletti en 1938. La cure La piste des amphétamines, connues depuis 1935,
comportait une douzaine d’électrochocs et guérissait fut rapidement abandonnée en raison de l’exacerba-
habituellement les accès, mais avec le risque d’une tion de l’angoisse et des risques de passages à l’acte
inversion brutale de l’humeur en épisode maniaque. suicidaire chez les déprimés authentiques alors que
Elle n’avait pas d’effet favorable sur le cours même ces psychostimulants pouvaient améliorer certains
de la maladie, précipitant au contraire le rythme des psychasthéniques. Parmi les dérivés des dinitriles,
accès. réputés activateurs de la cellule nerveuse, le dinitrile
Les dépressions simples, réagissant mal aux électro- malonique était d’un emploi dangereux en raison des
chocs, étaient surtout traitées par des produits sédatifs
pour réduire l’angoisse, l’insomnie et le risque de ®
risques de collapsus. Le dinitrile succinique (Suxil )
comportait moins de risques, mais les résultats furent
raptus suicidaire. Les médications utilisées étaient
parfois séculaires comme l’opium, voire le cannabis
rapidement décevants. Le pentétrazol (Cardiazol ),
utilisé en intraveineux comme traitement de choc,
®
recommandé par Moreau de Tours, en 1845, dans était parfois administré per os comme stimulant
la mélancolie. La prescription la plus courante était psychique.
le laudanum de Sydenham à doses croissantes, puis Enfin, en 1952, un essai de l’équipe de Delay
lentement décroissantes pendant plusieurs semaines, avec Laîné et Buisson [11] mérite d’être rapporté.

1
introduction

Un bactériostatique antituberculeux, l’isoniazide Déjà, expérimentalement, Brodie et Pletscher, en


®
(Rimifon ), était utilisé par les phtisiologues qui
avaient remarqué un effet favorable sur le psychisme
janvier 1956 [4], avaient mis en évidence un effet
antagoniste de l’iproniazide sur la réserpine, dont
et l’état général des malades. Une évaluation psy- Kline avait démontré les propriétés neuroleptiques
chologique chez des malades tuberculeux non psy- en 1954. En novembre 1956, en milieu hospita-
chiatriques avec le test de personnalité MMPI fut lier, Kline eut l’idée de reproduire cliniquement la
pratiquée avant et après un mois de traitement : elle séquence expérimentale de Brodie : dix-sept patients
montra une sensible amélioration du profil psycho- « déprimés et ralentis » furent ainsi placés sous l’asso-
logique chez trois quarts des sujets. D’autre part, ciation iproniazide-réserpine puis sous iproniazide
l’administration d’isoniazide chez des malades dépri- seul, et le psychiatre américain commença à traiter en
més avait eu des résultats favorables mais inconstants pratique privée des patients déprimés (neuf au total)
dans la moitié des cas : optimisme, regain d’intérêt avec l’iproniazide seul à la dose de 75 à 150 mg/j.
et d’activité. En revanche, des aggravations furent Kline, sur cette courte série, fut certain que l’ipro-
constatées : excitation, insomnie, confusion mentale. niazide, qualifié par lui de psycho-energizer, pouvait,
Des polynévrites et des crises comitiales, retrouvées dans certains cas, remplacer l’électrochoc. Malgré
également par d’autres auteurs aux États-Unis et en le scepticisme du laboratoire Hoffmann-Laroche,
Europe, mirent un terme à cette tentative : elle pré- il communiqua ses premières observations en avril
ludait cependant à la découverte, 5 ans plus tard, des 1957 [32] à la conférence régionale de recherche de
propriétés antidépressives d’un autre antituberculeux, Syracuse (NY), en compagnie de Loomer, avec Crane
l’iproniazide. comme discutant tandis que Saunders précisait le
mode d’action inhibiteur de la monoamine oxydase
(IMAO) de l’iproniazide : cette propriété permet le
D écouverte des deux premiers blocage de la dégradation d’amines cérébrales comme
la noradrénaline et la dopamine. Kline confirma ses
antidépresseurs résultats en 1958 [23].
Des polémiques s’élevèrent à propos de son anté-
Elle revient à deux cliniciens : l’un, américain, riorité dans la découverte des capacités antidépres-
Nathan Kline (1918-1983), en avril 1957 pour l’ipro- sives de l’iproniazide [29], certains cliniciens comme
niazide ; l’autre, suisse, Roland Kuhn (1912-2005), Kinross-Wrigth, Smith et Kamman avaient déjà fait
en septembre 1957 pour l’imipramine. Ces deux part de leur expérience avec l’iproniazide [24] chez
psychiatres ont rapporté à plusieurs reprises l’histoire des malades mentaux, mais ils l’avaient évalué comme
de leur découverte et nous nous appuierons sur leurs tranquilizer. En tout cas, dans l’année qui suivit cette
témoignages personnels. publication, pas moins de 400 000 patients furent
traités aux États-Unis par l’iproniazide. Kline obtint
pour cette découverte son deuxième prix Lasker, en
Iproniazide 1964, après celui qu’il avait reçu en 1957 pour ses
travaux sur la réserpine.
Après la mise sur le marché de l’isoniazide par le
laboratoire Hoffman-Laroche, en 1952, une molécule
voisine, l’iproniazide fut essayée aux États-Unis à par- Imipramine
tir de juillet 1952 dans les tuberculoses pulmonaires et
osseuses, avec des résultats inégaux et des effets secon- En 1956, dans la même année que les recherches
daires psychiques : agitation, excitation euphorique. entreprises par Nathan Kline sur l’iproniazide, un
Directeur du Centre de recherche psychiatrique du clinicien suisse, Roland Kuhn, convainquait le labo-
Rockland State Institute à Orangeburg (NY), Nathan ratoire Geigy de poursuivre des essais avec un dérivé
Kline [24] raconte comment il reçut la visite, en tricyclique, le G22355, ou imipramine, chimique-
mai 1956, du directeur médical d’Hoffman-Laroche
qui n’était pas spécialement intéressé par l’ipronia-
®
ment proche de la chlorpromazine (Largactil ). Les
premiers neuroleptiques n’avaient pas montré d’effi-
zide, voué à l’arrêt de sa commercialisation comme cacité spécifique dans le traitement des états dépres-
antituberculeux : il cherchait un médicament pour
les dépressions et souhaitait un opiacé sans risque
®
sifs, même si la lévomépromazine (Nozinan ) avait
suscité quelques espoirs vite déçus. En fait, Kuhn [26]
d’addiction. raconte comment le laboratoire Geigy, en particulier

2
H I S TO R I Q U E E T C L A S S I F I C AT I O N S D E S A N T I D É P R E S S E U R S

le pharmacologue Domenjoz, lui avait confié l’imi- échelles d’évaluation, « nuages annonciateurs d’un
pramine comme un possible neuroleptique en rem- désastre » [26].
®
placement du Largactil , de coût très élevé à l’époque.
Les essais durèrent 18 mois à la clinique cantonale
Dès leur publication princeps, ces deux auteurs
posèrent les bases de la cure antidépressive qui devait
de Münsterlingen, près de Bâle. Trois cents malades être continue, prolongée et attentive aux effets indési-
furent inclus dans les mêmes indications que celles rables ; ils avaient noté que le délai d’action était d’au
de la chlorpromazine sans bénéfice thérapeutique moins 2 à 3 semaines.
significatif. Le laboratoire Geigy se préparait donc à Disons cependant que le dénuement thérapeutique
envoyer l’imipramine au « cimetière des molécules », qui était le nôtre à cette époque a sans doute facilité,
mais Kuhn insista pour inclure, début 1956, quelques pour des cliniciens expérimentés, le repérage immé-
patients dans une indication non prévue, les dépres- diat d’une authentique révolution.
sions endogènes.
Dès les trois premiers cas, en février 1956, Kuhn
comme Kline avec l’iproniazide, eut la conviction
que l’imipramine possédait des propriétés antidépres-
D éveloppement des médicaments
sives caractérisées dont il informa aussitôt le labora- antidépresseurs IMAO
toire Geigy : il poursuivit ses essais aux doses de 75
à 125 mg/j chez un total de quarante-cinq déprimés,
Après les publications retentissantes de N.S. Kline
dont les trois quarts, en majorité atteints de dépression
sur l’iproniazide, les psychiatres américains et euro-
endogène, furent guéris ou nettement améliorés. Il
péens évaluèrent à leur tour les capacités antidépres-
présenta ses résultats le 6 septembre 1957, au congrès
sives de cet IMAO. Les résultats thérapeutiques furent
de Zürich devant une salle d’une douzaine d’audi-
à peu près concordants ; 40 à 60 p. 100 de résultats
teurs, mais leur publication dans le Journal suisse de
favorables furent obtenus, en particulier dans les
psychiatrie [25] eut immédiatement un retentisse-
dépressions endogènes [3, 37]. On peut citer ici les
ment considérable : les psychiatres du monde entier
observations faites par Delay et Deniker [9] : « Les
voulurent confirmer les résultats de Kuhn, ce qui fut
bonnes améliorations se traduisent par une modifi-
fait à la conférence internationale sur la dépression de
cation fondamentale de l’humeur, et non seulement
Montréal, en mars 1959.
par une sédation de symptômes pénibles. Il s’agit d’un
véritable renversement de la tonalité affective foncière,
Découvertes : comparable à celui que l’on obtient avec les méthodes
intuition, persévérance et sérendipité de choc [...], réapparition de ce goût de vivre, de cette
euphorie vitale minima, dont la disparition est au
Les circonstances de la découverte des propriétés fond des plaintes des déprimés. » La stimulation de
antidépressives de l’iproniazide, puis de l’imipra- l’humeur est parfois telle que l’iproniazide est qualifié
mine, présentent quelques traits communs. Le mérite de « thyméréthique », ce qui n’est pas sans rappeler le
en revient à des psychiatres engagés depuis long- psycho-energizer de Kline.
temps dans la recherche. Certes, leurs personnalités Mais l’inflation des prescriptions, par centaines de
étaient très différentes : Kline, flamboyant, habitué milliers, favorisée par l’enthousiasme général, révéla
aux médias, et Kuhn, plus discret et modeste. Mais rapidement des accidents majeurs. Des hypotensions
tous deux possédaient une intense curiosité intellec- artérielles sévères avec syncopes, des hypertensions para-
tuelle qui s’exerçait en dehors de la psychiatrie, dans doxales liées à la correction intempestive de ces hypo-
les domaines de la littérature et de la philosophie. tensions, des polynévrites et surtout des ictères graves,
Ils furent tenaces et n’hésitèrent pas à s’opposer à parfois mortels, mirent un terme à la commercialisation
l’incrédulité, voire à l’hostilité des laboratoires phar- de l’iproniazide aux États-Unis. En France, il est tou-
maceutiques qui leur avaient confié les molécules. Ils jours disponible en prescription très encadrée en raison
furent capables de distinguer, après quelques cas, ce de sa non-sélectivité sur les formes A et B de la monoa-
qui était spécifiquement nouveau à partir d’obser- mine oxydase (MAO) : interdiction d’association avec
vations minutieuses et pluriquotidiennes. L’un et les morphiniques, les vasopresseurs, les médicaments
l’autre firent remarquer qu’ils n’eurent pas besoin sérotoninergiques et les aliments riches en tyramine.
d’appareil statistique pour valider leurs résultats et D’autres IMAO, hydraziniques, furent propo-
Kuhn va jusqu’à déplorer l’apparition, en 1960, des
®
sés, sans succès durable : la phénelzine (Nardil ), la

3
introduction

Tableau 1-I. – Antidépresseurs IMAO.

DCI Nom de spécialité Fourchette posologique dans l’indication :


épisode dépressif majeur

Iproniazide Marsilid
® 50-100 mg/j
Moclobémide Moclamine
® 300-600 mg/j

®
phényprazine (Catron ) connurent la même et brève
faveur interrompue par des accidents tensionnels,
Delay et al. [10] décrivent la séquence thérapeu-
tique observée sous imipramine : amélioration len-
neurologiques et des troubles de la crase sanguine. tement progressive, après une dizaine de jours, de
®
En France, l’isocarboxazide (Marplan ) et le niala- l’inhibition, de l’anxiété et de la douleur morale, puis
®
mide (Niamide ), deux IMAO hydrazidiques, ne
montrèrent pas une efficacité comparable à celle des
réapparition du goût de vivre et du désir d’activité.
Comme avec l’iproniazide, on assiste alors à une
antidépresseurs imipraminiques qui s’étaient imposés transformation radicale de l’humeur. Ces auteurs
entre-temps. avaient déjà noté le décalage qui peut exister entre la
La recherche de nouveaux antidépresseurs IMAO restauration de l’activité et la persistance de thèmes
se ralentit jusqu’à la fin des années 1990 où les phar- mélancoliques et des idées de suicide. Ils distinguent
macologues mirent au point des IMAO inhibiteurs clairement les nouvelles substances antidépressives
spécifiques de la MAO-A et rapidement réversibles : des amphétamines : celles-ci stimulent la vigilance
l’arrêt du traitement fait rapidement cesser le blocage tandis que les antidépresseurs possèdent une action
de la MAO. La toloxatone ne put s’imposer comme spécifique sur la thymie. Cette différence essentielle
antidépresseur de première intention et, dans cette avait conduit Delay à proposer dès 1957, au deuxième
catégorie, seul demeure en France le moclobémide congrès international de Zürich [8] une classification
(Tableau 1-I). des médicaments psychotropes selon leur action sur
la vigilance et les fonctions intellectuelles ou sur la
fonction thymique. La catégorie des psycholeptiques
D éveloppement des médicaments ou sédatifs psychiques réunit les hypnotiques, les
neuroleptiques et les tranquillisants ; celle des psy-
imipraminiques choanaleptiques ou stimulants psychiques compte les
amines psychotoniques, stimulantes de la vigilance,
De nombreux colloques et publications confir- et les thymoanaleptiques ou antidépresseurs, stimu-
mèrent les résultats de Kuhn. Les équipes de Steck lants de l’humeur.
[38], Kielholz [21], Freyhan [16], Fazio [15] et Les études ultérieures confirmèrent la posi-
Guyotat [19] aboutirent à des conclusions identiques tion prééminente de l’imipramine par rapport aux
concernant les indications et les résultats du traite- IMAO de l’époque : l’iproniazide, le nialamide ou
ment par l’imipramine. l’isocarboxazide.

Tableau 1-II. – Antidépresseurs imipraminiques.

DCI Nom de spécialité Fourchette posologique dans l’indication :


épisode dépressif majeur

Amitriptyline Élavil®, Laroxyl® 75-150 mg/j


Amoxapine Défanyl® 100-400 mg/j
Clomipramine Anafranil® 75-150 mg/j
Dosulépine Prothiaden® 75-150 mg/j
Doxépine Quitaxon® 50-300 mg/j
Imipramine Tofranil® 75-150 mg/j
Maprotiline Ludiomil® 75-150 mg/j
Trimipramine Surmontil® 75-150 mg/j

4
H I S TO R I Q U E E T C L A S S I F I C AT I O N S D E S A N T I D É P R E S S E U R S

L’imipramine est restée pendant 50 ans la réfé- aussi efficaces que les imipraminiques, mais dépour-
rence d’efficacité dans la majorité des essais cliniques vues de leurs effets indésirables.
comparatifs qui ont permis la mise sur le marché de Le premier antidépresseur de ce type commercialisé
nouveaux antidépresseurs. Citons les produits imi- en France fut la fluvoxamine par le laboratoire Solvay,
praminiques encore commercialisés : l’amitriptyline, en 1984. La fluoxétine fut introduite aux États-Unis
l’amoxapine, la clomipramine, la dosulépine, la doxé- en 1986 par le laboratoire Eli Lilly, puis en France en
pine, la maprotiline, la trimipramine (Tableau 1-II). 1988. Le succès de cet antidépresseur a été planétaire,
L’efficacité des antidépresseurs imipraminiques générant des controverses dans les années 1990 : la
n’était pas contestée, mais leurs effets indésirables fluoxétine fut accusée de favoriser, voire de provoquer
sont communs à toute cette famille chimique et liés des suicides [40] : il semble que dans les six premiers
en grande partie à leurs propriétés anticholinergiques. cas incriminés, l’indication n’était pas pertinente et les
Ils sont contre-indiqués en cas de troubles urétropros- posologies étaient très élevées. Néanmoins, ces obser-
tatiques, de glaucome et d’infarctus récent ; ils sont vations eurent le mérite de rappeler qu’une levée de
responsables de tremblements, de tachycardies, de l’inhibition, des réactions impulsives et une akathisie
sensations vertigineuses, d’éruptions cutanées, et leur peuvent exister pendant toute la durée du traitement
toxicité est grande en cas d’ingestion massive dans un et justifient une surveillance particulière, notamment
but suicidaire. Toutes ces limitations d’emploi ont chez les sujets jeunes.
incité les laboratoires pharmaceutiques à leur trouver D’autres antidépresseurs de cette catégorie se succé-
des successeurs à partir des années 1970. dèrent parmi lesquels, en France, le citalopram, l’esci-
talopram, la paroxétine, la sertraline (Tableau 1-III).
Selon les études contrôlées, toutes ces molécules
possèdent la même puissance antidépressive et une
M édicaments inhibiteurs autorisation de mise sur le marché (AMM) pour
spécifiques de la recapture l’indication « épisodes dépressifs majeurs, c’est-à-
de la sérotonine (ISRS) dire caractérisés ». Cette indication est calquée sur le
diagnostic de major depressive episode du Manuel diag-
nostique et statistique des troubles mentaux américain
Si la capacité des imipraminiques à inhiber la recap- dont la première version, le DSM-III, fut utilisée à
ture de la noradrénaline était connue, Glowinski et partir de 1980 : « épisode dépressif majeur » pouvant
Axelrod [17] et Carlsson et Linqvist [5] mirent en sous-entendre « épisode dépressif grave » pour les cli-
évidence une autre de leurs propriétés, l’inhibition de niciens français et prendre un sens restrictif, l’Agence
la recapture de la sérotonine : elle est établie pour les française de sécurité sanitaire des produits de santé
imipraminiques possédant une amine tertiaire comme (Afssaps) [1] ajouta « c’est-à-dire caractérisé » à « épi-
l’amitriptyline, l’imipramine et surtout la clomipra- sode dépressif majeur ».
mine. Ces résultats confortèrent l’hypothèse que la Les effets indésirables sont communs à toute la
dépression pouvait être liée à un déficit sérotoniner- classe des ISRS. Ces antidépresseurs, dépourvus de
gique et/ou noradrénergique. propriétés anticholinergiques, entraînent surtout
Dès lors, biochimistes et pharmacologues recher- des troubles digestifs, des réactions allergiques, et
chèrent des molécules sérotoninergiques qui soient leur arrêt brutal provoque un syndrome de sevrage :

Tableau 1-III. – Antidépresseurs inhibiteurs spécifiques de la capture de la sérotonine


(ISRS).

DCI Nom de spécialité Fourchette posologique dans l’indication :


épisode dépressif majeur

Citalopram Seropram
® 20-60 mg/j
Escitalopram Seroplex
® 10-20 mg/j
Fluoxétine Prozac
® 20-60 mg/j
Fluvoxamine
®
Floxyfral 100-300 mg/j
Paroxétine
®
Deroxat , Divarius
® 20-50 mg/j
Sertraline Zoloft
® 50-200 mg/j

5
introduction

Tableau 1-IV. – Antidépresseurs inhibiteurs spécifiques de la capture de la sérotonine et de la


noradrénaline (IRSNa).

DCI Nom de spécialité Fourchette posologique dans l’indication :


épisode dépressif majeur

Duloxétine Cymbalta
® 60-120 mg/j
Minalcipram
®
Ixel 100 mg/j
Venlafaxine Effexor
® 75-150 mg/j

sensations vertigineuses, tremblement, anxiété, nau- A utres antidépresseurs


sées, troubles intestinaux. L’association aux IMAO,
aux autres médicaments sérotoninergiques, au lithium
ou au tryptophane peut faire redouter un syndrome L’Afssaps [1] range dans cette catégorie des médi-
sérotoninergique : hypo- ou hypertension, tremble- caments plus ou moins récents comme la miansérine
ment, myoclonies, confusion mentale, hyperthermie. en 1979, antidépresseur sédatif sans effet anticholi-
La demi-vie d’élimination des ISRS est très variable, nergique, la tianeptine en 1987, tricyclique non anti-
de 24 heures pour la paroxétine, à 4 à 16 jours pour la cholinergique qui augmente la vitesse de recapture de
norfluoxétine, métabolite actif de la fluoxétine. la sérotonine, ou la mirtazapine en 1999, qui favorise
On peut dire, en conclusion, que les ISRS, d’une la transmission noradrénergique et sérotoninergique
efficacité peu différente de celle des imipraminiques, avec une action antagoniste sur les récepteurs H1 de
ont apporté une sécurité d’emploi très appréciable l’histamine. L’agomélatine, commercialisée en 2009,
dans l’initiation et la conduite prolongée du traite- est un agoniste des récepteurs mélatoninergiques
ment, comme dans le cas d’une ingestion massive du MT1/MT2 et un antagoniste des récepteurs 5-HT2C :
médicament. l’action mélatoninergique permettrait de resynchro-
niser les rythmes circadiens perturbés lors des états
dépressifs et s’associerait à l’action aminergique
5-HT2 (Tableau 1-V).
I nhibiteurs de la recapture
de la sérotonine
et de la noradrénaline (IRSN a ) E xtension
du champ thérapeutique
Apparus en France en 1996 avec le minalcipran, la des antidépresseurs
venlafaxine et, en 2008, la duloxétine (Tableau 1-IV),
ces antidépresseurs exercent une action mixte de
recapture de deux amines cérébrales, la sérotonine et Les capacités thérapeutiques des médicaments anti-
la noradrénaline, avec peu ou pas d’action sur la dopa- dépresseurs en dehors de leur action sur l’humeur ont
mine ; ils sont sans affinité significative pour les récep- été explorées systématiquement à partir des années
teurs histaminiques, cholinergiques ou adrénergiques. 1980, souvent après des observations fortuites. Il
Les contre-indications d’association concernent sur- s’agit essentiellement de leur action antalgique et
tout les IMAO non sélectifs et les agonistes 5-HT1D de leur efficacité dans les troubles anxieux : trouble
par crainte d’un syndrome sérotoninergique. obsessionnel-compulsif, trouble panique, trouble

Tableau 1-V. – Autres antidépresseurs.

DCI Nom de spécialité Fourchette posologique dans l’indication :


épisode dépressif majeur

Agomélatine Valdoxan
® 25-50 mg/j
Miansérine Athymil
® 30-90 mg/j
Mirtazapine Norset
® 15-45 mg/j
Tianeptine Stablon
® 37,5 mg/j

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H I S TO R I Q U E E T C L A S S I F I C AT I O N S D E S A N T I D É P R E S S E U R S

anxieux généralisé, phobie sociale et état de stress IMAO et la clomipramine ont été les premiers antidé-
post-traumatique. presseurs à être prescrits dans cette indication. Mais la
meilleure tolérance et l’efficacité démontrée des ISRS
(citalopram, escitalopram, paroxétine) et d’un IRSNa
Action antalgique (venlafaxine) les ont faits supplanter. La posologie en
est très progressive et le traitement prolongé, 18 mois
Cette propriété avait été cliniquement constatée
à 2 ans.
par Hippius [20] dès les années 1970, en particulier
dans les algies faciales et les migraines, et attribuée à un
autre mécanisme que l’action antidépressive. Devoize Trouble anxieux généralisé
et al. [13] ont présenté en 1984 une analyse des aspects Ce trouble, constitué d’attente anxieuse perma-
cliniques et pharmacologiques de l’effet antalgique nente et d’hypervigilance, souvent compliqué de
des antidépresseurs tricycliques et l’on trouvera dans fléchissements dépressifs, a longtemps été traité
l’ouvrage de Queneau et Ostermann [35] une synthèse par les anxiolytiques, benzodiazépines en particu-
des données biochimiques et thérapeutiques actuelles. lier. Comme dans la plupart des troubles anxieux,
L’action antalgique est plus rapide, 4 à 7 jours, les antidépresseurs se sont également avérés effi-
que l’effet antidépresseur et s’exercerait par les voies caces. L’escitalopram, la paroxétine, la venlofaxine
ascendantes sérotoninergiques et noradrénergiques. et la duloxétine ont obtenu l’AMM dans le trouble
Cette action est reconnue pour certains médicaments anxieux généralisé.
imipraminiques (clomipramine, imipramine, amitrip-
tyline) et un IRSNa (duloxétine) : ces médicaments
Trouble anxiété sociale
possèdent une AMM dans l’indication « douleur
neuropathique de l’adulte » ou « algies rebelles » Si la crainte excessive et invalidante des situations
(imipramine). sociales et de la performance justifie en premier lieu
une thérapie cognitivo-comportementale, celle-ci
peut être associée à certains antidépresseurs comme
Troubles anxieux l’escitalopram, la paroxétine ou la venlafaxine.
Trouble obsessionnel-compulsif
État de stress post-traumatique
L’efficacité des antidépresseurs fut empiriquement
constatée avec la clomipramine, puis confirmée pour Les résultats des traitements psychotropes sont
la plupart des antidépresseurs sérotoninergiques, inconstants dans cette pathologie d’évolution impré-
même si les implications réciproques du système séro- visible et souvent prolongée : parmi les antidépres-
toninergique et des autres neurotransmetteurs ne sont seurs, la paroxétine a obtenu une AMM pour l’état de
stress post-traumatique.
pas clairement établies.
Les posologies préconisées dans cette indication
sont supérieures à celles qui sont utilisées pour le trai- Autres indications
tement des états dépressifs, et les premiers résultats
favorables peuvent nécessiter un délai de 2 à 3 mois Il n’est guère de troubles psychiatriques dans
d’une cure longue. Les antidépresseurs qui possèdent lesquels les antidépresseurs n’aient été essayés :
l’AMM pour le trouble obsessionnel-compulsif sont cette inflation, souvent officialisée par une AMM,
la clomipramine, l’escitalopram, la fluoxétine, la flu- explique, pour une part, la forte hausse de leur
voxamine, la paroxétine et la sertraline. consommation.
Sur le plan symptomatique, certains antidépres-
Trouble panique seurs sédatifs comme l’amitriptyline, la trimipramine,
la miansérine sont utilisés à petites doses comme
Dès 1964, Klein [22] avait établi que l’imipra- somnifères pour éviter le risque de dépendance lié aux
mine, à la dose de 75 à 150 mg, prévenait les crises benzodiazépines ; cependant, on ne doit pas oublier
d’anxiété paroxystique alors qu’elle était inefficace sur les effets indésirables propres à chacun de ces antidé-
la crise elle-même. La récurrence de ces crises a consti- presseurs, même à faible posologie.
tué, dans le DSM-III, le trouble panique, avec ou Dans les troubles des conduites alimentaires – anorexie
sans complication agoraphobique. L’imipramine, les mentale restrictive ou crises de boulimie/vomissements –,

7
introduction

des antidépresseurs sérotoninergiques comme la fluoxé- la plus ou moins bonne acceptabilité des molécules
tine sont prescrits pour contrôler l’impulsivité de ces antidépressives.
patients ou leur anxiété.
Certaines formes de délires paranoïaques, chez des
sensitifs de type Kretschmer, peuvent bénéficier de Classification chimique
faibles doses d’antidépresseurs associés à un antipsy-
chotique. Dans les états dépressifs de la schizophrénie, Antidépresseurs tricycliques
la clomipramine possède une AMM, toujours en asso-
ciation au traitement antipsychotique. Ils forment une classe homogène et dérivent du
Enfin, la prescription d’antidépresseurs chez les noyau iminodibenzyle avec une chaîne latérale
enfants a été longtemps taboue, sauf pour l’énurésie variable, porteuse d’une fonction amine secondaire ou
(imipramine, amitriptyline, clomipramine). Les sujets tertiaire. La parenté chimique avec la chlorpromazine
de moins de 18 ans étaient exclus des essais pour avait conduit le laboratoire Hoffman-Laroche à pro-
une autorisation de mise sur le marché dans les états poser l’imipramine comme un possible neuroleptique,
dépressifs. Les raisons de cette prudence sont nom- et nous avons rappelé plus haut la perspicacité de
breuses et pertinentes, en dehors même de la crainte Kuhn qui avait repéré son activité clinique totalement
de la judiciarisation. Dès la découverte des antidé- différente. Au plan chimique, la différence tenait au
presseurs, les pédopsychiatres, souvent en désac- remplacement du soufre présent dans le squelette phé-
cord sur le plan nosographique, avaient cependant nothiazinique par un groupe éthylène.
constaté la vulnérabilité somatique et psychologique L’imipramine, la clomipramine et la trimipra-
des enfants et des adolescents à ces médicaments. mine sont des dérivés de l’iminodibenzyle, tandis
Le risque de comportements suicidaires en début de que l’amitriptyline appartient à la famille des diben-
traitement et une médiocre efficacité ont été confir- zoheptadiènes. On range souvent dans cette classe
més par les travaux contemporains : Tapsakis et al. d’antidépresseurs la maprotiline, quadricyclique mais
[39], dans une méta-analyse de trente articles com- dérivée directement d’un tricyclique, le dihydro-
prenant 3 069 patients âgés de 13 ans en moyenne, 9,10-anthracène ; elle possède toutes les propriétés
ont constaté une très faible différence entre antidé- pharmacologiques et thérapeutiques des médica-
presseurs et placebo. La fluoxétine est le seul antidé- ments cités plus haut.
presseur qui ait obtenu une AMM pour les épisodes
dépressifs majeurs chez l’enfant de plus de 8 ans et
chez l’adolescent : ce traitement médicamenteux doit Antidépresseurs inhibiteurs
être impérativement associée à une psychothérapie et de la monoamine oxydase
à une surveillance médicale (courbes de croissance et
Certains produits de cette classe possèdent une
bilan endocrinien) [2].
fonction hydrazine (phénelzine), et les autres une
fonction hydrazide (isoniazide, iproniazide).
Rappelons que parmi les IMAO non spécifiques,
C lassifications des médicaments seul l’iproniazide reste commercialisé en France.
antidépresseurs Un IMAO spécifique de la MAO-A, rapide-
ment réversible à l’arrêt du traitement est éga-
lement disponible, le moclobémide qui est un
Il est habituel de proposer trois types de classifica- chloro-éthyl-benzamide.
tions, selon la structure chimique, le mode d’action Quant à la sélégiline, IMAO spécifique de la MAO-
biochimique et le profil thérapeutique des molécules B, elle est réservée au traitement de la maladie de
[33, 36]. Ce qui était relativement simple pendant les Parkinson.
dix premières années, où n’étaient disponibles que les
antidépresseurs imipraminiques et les IMAO, devient
quasiment impossible aujourd’hui en raison de la mul- Inhibiteurs spécifiques de la recapture
tiplicité des produits nouveaux et leur hétérogénéité :
de la sérotonine
il s’agit plutôt de catalogues que de classifications ;
cependant, nous verrons que l’on peut parfois orien- Cette classe de médicaments, homogène sur le
ter la prescription selon certaines particularités phar- plan biochimique, présente des formules très variées
macologiques ou biochimiques qui conditionnent sur le plan chimique. Ainsi, le citalopram est une

8
H I S TO R I Q U E E T C L A S S I F I C AT I O N S D E S A N T I D É P R E S S E U R S

phényl­ phtalane, l’escitalopram est un énantiomère Propriétés anticholinergiques


du citalopram, la fluoxétine dérive de la phénoxypro-
pylamine, la fluvoxamine dérive des arakylcétones, la Les effets indésirables anticholinergiques des anti-
paroxétine est un dérivé de la phénylpipéridine et la dépresseurs imipraminiques ont été signalés dès les
sertraline est un dérivé arakylcétonique. premières publications : ils sont liés à leurs propriétés
antagonistes des récepteurs cholinergiques musca-
riniques M1. Ces effets de type atropinique consti-
Inhibiteurs de la recapture tuent des contre-indications dans certaines affections
comme le glaucome à angle fermé, l’hypertrophie
de la sérotonine et de la noradrénaline prostatique. Tous les médicaments imipraminiques
À l’heure actuelle, on range dans cette catégorie entraînent, à des degrés divers, ces effets anticholiner-
d’antidépresseurs le minalcipran, dérivé du cyclopro- giques, en particulier l’amitriptyline, la doxépine et
pane, la venlafaxine, dérivée de la phényléthylamine, la trimipramine. En revanche, les ISRS ne présentent
et la duloxétine, dérivée de la propanamine. pas ces inconvénients.

Autres antidépresseurs Propriétés antihistaminiques


La diversité de ces produits confirme l’impossibilité Les propriétés antihistaminiques d’un antidépres-
de proposer aujourd’hui une classification chimique
seur, corrélées de façon inégale à une action séda-
cohérente de l’ensemble des antidépresseurs. La mian-
tive, peuvent orienter la prescription selon le type de
sérine est quadricyclique comme la mirtazapine, la
dépression, agitée ou ralentie. Ainsi l’amitriptyline, la
tianeptine dérive de la dibenzothizépine.
miansérine, la mirtazapine, de grande affinité pour
Parmi les antidépresseurs en cours de développe-
les récepteurs histaminiques, sont-elles aussi connues
ment, la néfazodone, la phénylpipérazine ou la réboxé-
pour exercer une action sédative marquée. Les ISRS
tine ont aussi des formules très différentes.
et les IRSNa ne possèdent pas ces caractéristiques. Les
récepteurs histaminiques sont aussi mis en cause dans
Classifications biochimiques les importantes prises de poids observées avec l’ami-
triptyline et la mirtazapine.
Lôo et al. [31] et Olié et al. [33] mettent en doute
la pertinence des classifications biochimiques mais
proposent néanmoins des repères qui permettent aux
Propriétés a-adrénolytiques
cliniciens de se guider parmi la trentaine de molécules L’activité a1-adrénolytique doit être prise en
aujourd’hui disponibles. compte pour les effets sédatifs qu’elle peut engen-
Selon les propriétés biochimiques, ils distinguent drer, mais surtout pour la tachycardie et l’hypoten-
quatre possibilités de classifications que nous repren- sion artérielle. L’amitriptyline, la clomipramine,
drons ici. la maprotiline, la miansérine, la mirtazapine et la
trimipramine justifient une surveillance attentive à
Propriétés monoaminergiques cet égard, ce qui n’est pas le cas avec les ISRS ou la
tianeptine.
Certains antidépresseurs possèdent une action
monoaminergique non spécifique, comme les IMAO,
certains tricycliques et les IRSNa. Classifications thérapeutiques
Les autres inhibent spécifiquement la recapture de
la sérotonine : ce sont les ISRS, comme le citalopram, L’objectif final d’un médicament antidépresseur
l’escitalopram, la fluoxétine, la fluvoxamine, la paroxé- est bien de guérir la « dépression vitale » selon Kuhn
tine et la sertraline ; la tianeptine se singularise par un ou de « redresser l’humeur dépressive » selon Delay et
mécanisme inverse, augmentant en aigu la recapture Deniker. Mais la séquence thérapeutique s’accompagne
présynaptique de la sérotonine. Olié et al. [33] font aussi d’une action sur des symptômes non spécifiques
remarquer que tous les inhibiteurs de la recapture de de la dépression : anxiété, inhibition ou, au contraire,
la sérotonine, outre leur capacité antidépressive, pos- excitation, troubles du sommeil. Kuhn, dans sa publi-
sèdent des propriétés anti-obsessionnelles souvent vali- cation princeps sur l’imipramine [26], avait noté que
dées par une autorisation de mise sur le marché. les dépressions ralenties étaient plus améliorées que les

9
introduction

Puissance
d’action

Accroît l’élan pulsionnel (dissipe l’inhibition)


Dissipe la dépression (relève l’humeur)
Combat l’anxiété, l’angoisse (anxiolytique)

IMAO Désipramine Nortriptyline Protriptyline Imipramine Maprotiline Clomipramine Noxiptiline Amitriptyline Trimipramine Chlorprothixène
(Pertofran®) (Psychostyl®) (Concordine®) (Tofranil®) (Ludiomil®) (Anafranil®) (Agédal®) (Élavil®, (Surmontil®) (Taractan®)
Laroxyl®)

Figure 1-1. – Classification des antidépresseurs de Kielholtz d’après leur profil thérapeutique [27].

dépressions anxieuses et agitées. Delay et Deniker [10] classification plusieurs fois remaniée a été reprise en
constataient qu’une association imipramine-lévomé- France par Lambert [27] (Figure 1-1).
promazine était plus efficace que l’imipramine seule Dans la même perspective, Deniker et Ginestet
dans le traitement des dépressions anxieuses : ce résul- [12] prirent en compte la puissance antidépressive et
tat incita le laboratoire Spécia à synthétiser la trimipra- les propriétés sédatives ou stimulantes selon le schéma
mine, noyau imipraminique sur lequel est greffée la présenté dans la figure 1-2.
chaîne aliphatique de la lévomépromazine [28]. Ces paramètres furent actualisés en 1979 par Lôo et
Au début des années 1970, le psychiatre suisse Cuche [30] au colloque de Monaco sur les désordres
Kielholz fut parmi les premiers à proposer une clas- de l’humeur (Figure 1-3).
sification des antidépresseurs selon leur profil thé- Ces tentatives de classifications fondées sur l’expé-
rapeutique, d’abord sur un mode bidimensionnel rience clinique et un accord entre les prescripteurs,
(sédatif-stimulant), puis tridimensionnel (humeur, même si elles sont appuyées par des échelles d’évalua-
anxiété et inhibition). Les IMAO et la désipramine tion, ne peuvent constituer des références scientifiques
étaient considérés comme les plus stimulants, l’ami- indiscutables : elles reposent sur un niveau de preuve
triptyline et la trimipramine comme les plus anxio- faible et sont sans cesse révisables. Ainsi, concernant
lytiques, la maprotiline occupant une place médiane. la puissance antidépressive, l’Afssaps [1] attribuait
L’imipramine, la maprotiline, la clomipramine possé- encore en 2006 à certains antidépresseurs imipra-
dait la capacité antidépressive la plus marquée. Cette miniques une AMM ajoutant les « épisodes sévères
chez les patients hospitalisés » à l’indication classique
d’« épisodes dépressifs majeurs, c’est-à-dire caractéri-
sés » ; cette mention a depuis disparu. Il est en effet
Plus puissant Clomipramine
très difficile de démontrer la supériorité d’un antidé-
X Amitriptyline Imipramine presseur sur un autre lors d’études en aveugle chez des
Moins puissant Trimipramine Désipramine centaines de sujets très sélectionnés avec de nombreux
critères d’exclusion : rappelons, par exemple, que
X les patients présentant un fort risque suicidaire sont
Plus de sédatif Moins de sédatif
écartés des essais. Il s’agit le plus souvent d’une équi-
Figure 1-2. – Classification des antidépresseurs tricy­ valence ou d’une non-infériorité d’efficacité. Une dif-
cliques [12]. férence entre deux médicaments peut apparaître selon

10
H I S TO R I Q U E E T C L A S S I F I C AT I O N S D E S A N T I D É P R E S S E U R S

(65 millions de boîtes prescrites par an) associée à


IMAO
Nomifensine, amineptine celle des anxiolytiques qui n’a pas fléchi sensible-
Métapramine, désipramine
Viloxazine ment. Les avis polémiques ne manquent pas : médi-
Psychotonique

Clomipramine calisation abusive du malaise social, volonté de


Imipramine
Protriptyline profits des laboratoires pharmaceutiques, influence
Propizépine
Nortriptyline
hégémonique du DSM-IV , trop laxiste avec le
Doxépine, dibenzépine diagnostic de dépression, créant des « troubles » sur
Maprotiline, amitriptyline
Trimipramine mesure pour être la cible de tel ou tel médicament. La
Sédatif santé est devenue un droit au bien-être, condition de
l’accomplissement personnel et de la performance :
Figure 1-3. – Classification des antidépresseurs de Lôo la publicité sur internet pour la vente en ligne des
et Cuche [30]. antidépresseurs met en avant la « confiance en soi »
obtenue grâce à eux.
Un autre sujet de polémique est récurrent : les
le pourcentage et la sévérité des effets indésirables, antidépresseurs favoriseraient les raptus suicidaires.
définissant alors un index thérapeutique : rapport Nous avons vu que le problème avait été soulevé
entre efficacité/tolérance ou bénéfice/risque. dans les années 1990, dès l’apparition des premiers
ISRS ; rappelons que l’indication doit être correcte-
ment posée et que la surveillance du traitement doit
C onclusion s’exercer non seulement à son initiation, mais pen-
dant toute sa durée nécessaire, c’est-à-dire plusieurs
mois.
Les antidépresseurs ont marqué un temps fort de L’évaluation du bénéfice/risque des antidépres-
la thérapeutique pendant la féconde décennie des seurs reste difficile. Il apparaît en outre qu’un faible
années 1950. Ce progrès a été contemporain d’un nombre de déprimés est correctement traité. Le taux
vaste mouvement institutionnel et de l’enrichisse- actuel de morts par suicide en France est de 17,7
ment des techniques psychothérapiques. Il a permis pour 100 000 habitants : il serait en baisse après une
la prise en charge ambulatoire de patients souvent hausse dans les années 1975-1985 (Inserm, 2006). À
condamnés à de longues hospitalisations ou à d’in- titre anecdotique, il y une centaine d’années, il était
nombrables rechutes ou récidives. Dans la période de 26,9 avec la même proportion de décès de quatre
suivante, jusqu’aux années 1990, la psychiatrie hommes pour une femme (ministère de la Justice,
a connu un essor sans précédent et le nombre de 1897). Pour soutenir l’hypothèse favorable, des tra-
psychiatres a décuplé : le « livre blanc » coordonné vaux récents analysés par Courtet [7] révèlent qu’il
par H. Ey de 1965 à 1967 [14] recensait en France existe une corrélation inverse entre la prescription
environ 1 200 psychiatres dont 500 de pratique judicieuse d’antidépresseurs et le taux de suicide,
libérale, soit 2,5 psychiatres pour 100 000 habi- mais au prix d’un considérable effort d’éducation
tants. Ils sont actuellement 14 000, dont environ sanitaire et de prévention. Ces recherches indiquent
6 000 de pratique libérale ou mixte, soit 24 pour la voie à suivre pour optimiser les capacités théra-
100 000 habitants. Le nombre des médecins géné- peutiques des antidépresseurs.
ralistes, premiers recours des patients déprimés et
principaux prescripteurs, a quadruplé pendant la
même période, passant de 25 000 en 1967 à 95 000
en 2009 (CNAM). Références
Nous avons vu combien le champ thérapeutique 1. Agence française de sécurité sanitaire des pro-
des antidépresseurs s’était étendu au point que le qua- duits de santé. Bon usage des médicaments antidé-
lificatif « antidépresseur » est inadéquat dans beau- presseurs dans le traitement des troubles dépressifs et des
coup d’indications. Comme le soulignent Pelissolo troubles anxieux de l’adulte. Saint-Denis. Afssaps, 2006.
[34] et Corruble [6], les rapports entre la dépression, 2. Agence française de sécurité sanitaire des pro-
duits de santé. Antidépresseurs chez l’enfant et l’ado-
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12
P harmacologie
............
2
D es effets neurobiologiques
aux mécanismes d ’ action  :
hier , aujourd ’ hui et demain
........
R. Mongeau, M. Hamon et L. Lanfumey

Une multitude de traitements antidépresseurs la dépression en termes de troubles de l’humeur


ayant des mécanismes d’action primaire souvent mélancolique ou non mélancolique. La mélancolie
très différents, sont utilisés aujourd’hui pour traiter (ou dépression endogène) est souvent associée à une
la dépression. Le trouble dépressif majeur (TDM) hyperactivité de l’axe hypothalamo-hypophyso-sur-
inclut non seulement la dépression de l’humeur, rénalien (HHS), à un retard psychomoteur et à une
mais aussi la perte de la faculté de ressentir le plaisir forte dévalorisation de soi. C’est une situation sévère
(anhédonie), des retards psychomoteurs ou cognitifs, qui peut se détériorer jusqu’à une véritable psychose
la perturbation des cycles circadiens et du sommeil, [149]. En revanche, la dépression non mélancolique
l’hyperactivité de l’axe du stress, etc. Ces symptômes inclut des symptômes de troubles de l’humeur moins
peuvent être associés à des co-morbidités comme la sévères, de l’anxiété et généralement une sensation
psychose, la manie ou l’anxiété. Après plus de 60 ans de détresse. Au début du xixe siècle, on la désignait
de recherches, on dispose aujourd’hui de très nom- sous le terme de névrose. Aujourd’hui, la mélancolie,
breuses données pharmacologiques sur les effets neu- la dépression non mélancolique, la manie et quel-
robiologiques des antidépresseurs, mais leurs actions quefois l’anxiété sont regroupées collectivement sous
en relation directe avec les mécanismes régulant les le diagnostic de désordres de l’humeur ou maladies
émotions ou les signes particuliers de la dépression psychoaffectives [149]. Parfois, tous ces désordres
restent encore, pour l’essentiel, à élucider. peuvent être traités par une même molécule antidé-
L’invention du concept d’antidépresseur date des pressive, suggérant l’implication de processus physio-
années 1950 avec l’introduction des antidépresseurs pathologiques homologues.
tricycliques (ATC) et des inhibiteurs des monoamines Nous focaliserons notre propos sur le mécanisme
oxydases (IMAO). Mais bien avant déjà, existaient d’action thérapeutique des antidépresseurs vis-à-vis
des traitements pharmacologiques que les cliniciens d’un syndrome que l’on pourrait qualifier d’anxiodé-
de l’époque reconnaissaient efficaces pour le traite- pressif. Jusque dans les années 1950-1960, l’anxiété
ment de certains symptômes associés à la dépression était le problème de santé mentale le plus souvent dia-
[69]. Nous recenserons dans cette revue les principaux gnostiqué et la dépression (dite endogène) était alors
mécanismes d’action des traitements utilisés pour soi- considérée comme une condition plutôt rare. Le diag-
gner la dépression, incluant les traitements d’hier, nostic d’anxiété était souvent associé à des conceptions
ceux que nous employons couramment aujourd’hui mal définies nosologiquement, telles que la névrose, et
et ceux que nous utiliserons peut-être demain. pour lesquelles la pharmacopée à disposition, essen-
Auparavant, il convient de nous interroger sur ce tiellement les barbituriques, pouvait conduire à une
qu’est ou ce qu’a été la nature exacte des symptômes accoutumance, voire à une véritable addiction. Il y a
ciblés pour le traitement biologique de la dépression, eu une forte volonté de porter le diagnostic de TDM
pathologie multiforme regroupée sous le terme TDM. aux dépens de celui d’anxiété, et donc de prescrire
Les classifications nosologiques antérieures décrivaient des antidépresseurs plutôt que des tranquillisants. Le

15
Pharmacologie

diagnostic d’anxiété a depuis été subdivisé en plu- réduire les symptômes d’anxiété. Leur action théra-
sieurs sous-catégories (désordres de panique, stress peutique reste cependant pertinente dans le contexte
post-traumatique, troubles obsessionnels compulsifs, plus spécifique de la dépression, puisque des études
phobies…) pour lesquelles des antidépresseurs ciblés récentes montrent une réduction du nombre de neu-
ont été mis sur le marché, réduisant encore davan- rones GABAergiques frontocorticaux ainsi qu’une
tage la prescription d’anxiolytiques classiques pour les réduction des taux de GABA dans le liquide céphalora-
diagnostics d’anxiété généralisée [69]. chidien de patients ayant souffert de dépression
Avant l’avènement des traitements antidépres- mélancolique [141, 143]. En outre, la diminution de
seurs proprement dits, on utilisait les barbituriques l’activité inhibitrice des afférences GABAergiques sur
(agents GABAergiques) pour les problèmes « ner- la production de la corticolibérine (CRH) au niveau
veux » (névrose et nervosisme) et les psychostimu- du noyau paraventriculaire de l’hypothalamus pour-
lants (agents catécholaminergiques) pour traiter rait être à l’origine de l’hyperactivité de l’axe HHS
les symptômes de fatigue chronique, l’apathie ou le souvent observée chez les patients dépressifs [91]. Des
ralentissement psychomoteur associé à la dépression. études électrophysiologiques chez l’animal montrent
L’efficacité des antidépresseurs modernes semble être par ailleurs comment un stress à valence dépressio-
liée à leurs effets combinés sur les différentes com- gène peut atténuer l’inhibition GABAergique de l’axe
posantes motrices et émotionnelles de l’anxiété et de HHS [170]. Malgré la dissociation qui s’est opérée
l’humeur. Les mécanismes d’action primaire reconnus à partir des années 1960 entre les médicaments qui
sont l’augmentation des concentrations extracellu- agissent sur l’anxiété via le GABA et le traitement de
laires des monoamines (noradrénaline [NA], séroto- la dépression, le système GABAergique semble tou-
nine [5-HT] et dopamine [DA]) par inhibition des jours constituer une cible thérapeutique de choix, non
transporteurs membranaires (NAT, SERT et DAT, seulement pour les troubles anxieux, mais aussi pour
respectivement) en charge de leur recapture dans les les composantes mélancoliques de la dépression [91].
neurones spécifiques respectifs. Toutefois, les effets À partir du début du xxe siècle, les cliniciens
neurobiologiques observés après des traitements chro- ont utilisé les barbituriques pour le traitement des
niques avec ces molécules semblent plutôt liés à des névroses (comme le barbital introduit par les labora-
changements stables des transmissions monoami- toires Bayer en 1903), puis, dans les années 1950,
nergiques via la régulation de la sensibilité et/ou du les carbamates (comme le méprobamate introduit
nombre de différents récepteurs ainsi que des voies par Carter-Wallace en 1955) et plus récemment les
de signalisations cellulaires en aval de ces récepteurs benzodiazépines (comme le diazépam commercialisé
dans des structures cérébrales clefs. Nous donnerons par Hoffmann-Laroche en 1962) pour les problèmes
des exemples de ces régulations, essentiellement au « nerveux » d’une manière générale. Tous ces compo-
niveau des systèmes sérotoninergique et noradréner- sés ont eu un énorme succès commercial. D’ailleurs,
gique. Cependant, les systèmes GABAergiques, glu- les benzodiazépines sont toujours utilisées aujourd’hui
tamatergiques et dopaminergiques suscitent un fort comme molécules anxiolytiques à action rapide et
regain d’intérêt. De plus, les théories les plus récentes sont souvent associées à un antidépresseur en début
incluent des mécanismes de plasticité neuronale sur de traitement [42]. Le mécanisme d’action des ben-
lesquels diverses catégories d’antidépresseurs semblent zodiazépines est bien connu : ces composés se lient de
avoir une action commune. manière spécifique aux « sites benzodiazépines » qui
modulent positivement la fixation du GABA sur le
récepteur GABAA [11]. L’action des barbituriques sur
À partir du début du xx e siècle : le récepteur GABAA a pu, quant à elle, être largement
étudiée puisque ces composés sont toujours utilisés
des médicaments agissant aujourd’hui comme sédatifs et hypnotiques.
sur leGABA pour les problèmes Les barbituriques et les benzodiazepines agissent
sur différentes sous-unités des récepteurs GABAA.
« nerveux » Ces récepteurs ionotropiques sont composés de cinq
unités protéiques organisées en un cylindre autour
Nous retrouvons parmi les premières molécules les d’une lumière centrale constituant le canal chlore
plus répandues pour le traitement des névroses des (Figure 2-1A). La famille abondante et hétérogène des
agents dit « tranquillisants », agissant sur le système récepteurs GABAA est construite à partir de seize sous-
GABAergique et surtout connus pour leur capacité à unités différentes : a1-6, b1-3, g1-3, d, e, p, a, q [108].

16
DES EFFETS NEUROBIOLOGIQUES AUX MÉC ANISMES D’ACTION

GABA
Site du GABA
GABAB1
Site de la picrotoxine GABAB2
Site des stéroïdes
Site
des barbituriques Site des benzodiazépines

A) GABAA B) GABAB

Figure 2-1. – Structures des sous-unités du récepteur canal GABAA et des dimères composant le récepteur GABAB
couplé à la protéine G. A) Récepteur GABAA : le récepteur GABAA est une glycoprotéine transmembranaire formée
de plusieurs sous-unités. En dehors du site récepteur du GABA, le récepteur GABAA présente d’autres sites capables
de reconnaître des substances actives, comme les benzodiazépines (BZD), les barbituriques, les neurostéroïdes, les
convulsivants, l’alcool… B) Récepteur GABAB : le récepteur GABAB est un hétérodimère constitué de deux sous-
unités GABAB1 et GABAB2. La sous-unité GABAB1 reconnaît le ligand alors que c’est la sous-unité GABAB2 qui se
couple aux protéines G.

Les permutations possibles de ces sous-unités au sein responsables d’une composante plus lente de l’inhi-
de la structure pentamérique commune conduisent bition neuronale via une baisse de l’activité adény-
à l’expression d’un très grand nombre de récepteurs late cyclase et l’ouverture de canaux potassiques. Les
GABAA, qui ont tous comme fonction de permettre récepteurs GABAB sont des hétéromères composés
l’entrée de l’ion Cl– dans la cellule et d’induire le plus de sous-unités GABAB1 et GABAB2 (Figure 2-1B). Il
souvent une hyperpolarisation neuronale. Les sites existe en réalité deux sous-unités GABAB1, appelées
respectifs de liaison du GABA et des benzodiazépines GABAB1a et GABAB1b, et des mutations à leur niveau
sont localisés à l’interface des sous-unités a/b et a/g2. peuvent conduire à des phénotypes anxieux [71]. Les
Le site g2 est nécessaire pour que le complexe penta- récepteurs GABAB possédant la sous-unité GABAB1a
mérique subisse une modulation allostérique par les ont une fonction d’hétérorécepteurs inhibiteurs sur
benzodiazépines. La mutation de la sous-unité a2 les terminaisons glutamatergiques, mais il n’existe
dans l’hippocampe et le cortex supprime l’effet malheureusement pas encore de composés pharma-
anxiolytique des benzodiazépines, mais pas celui des cologiques pouvant agir spécifiquement sur ces sous-
barbituriques [108]. Les complexes a-b ne sont pas types de récepteurs.
modulés par les benzodiazépines, mais la sous-unité b
est essentielle pour la liaison des barbituriques comme
pour celle du GABA. Une mutation au niveau de la D es psychostimulants
sous-unité a1 dans le complexe a1, b2, g2, correspon-
dant à près de 60 p. 100 des récepteurs GABAA dans des années 1930
le cortex et le thalamus, supprime les effets amnésiants aux antidépresseurs
et sédatifs des benzodiazépines (mais pas ceux des bar-
dopaminergiques modernes
bituriques), sans altérer leurs effets anxiolytiques et
myorelaxants [108].
Depuis quelques années, les recherches visent au Les premiers agents commercialisés et prescrits pour
développement de modulateurs allostériques de la traiter spécifiquement les symptômes de la dépression
transmission GABAB, dont les effets thérapeutiques ont été des psychostimulants comme l’amphéta-
ne seraient pas associés à un risque d’addiction ou mine (commercialisée par Smith, Kline & French en
d’accoutumance [72]. Contrairement aux récep- 1935). Les psychostimulants ont une action inverse
teurs-canaux GABAA, les récepteurs métabotro- de celle des tranquillisants. Ils tendent à aggraver les
piques GABAB sont liés aux protéines Gai et sont symptômes d’anxiété [15] et ont, bien entendu, un

17
Pharmacologie

effet plutôt stimulant que calmant. En plus de leur est toujours utilisée pour cette indication aujourd’hui
action stimulante, utile pour réduire les symptômes [149]. Dans les années 1950, une véritable révolution
de fatigue et de ralentissement psychomoteur liés thérapeutique a vu le jour avec l’introduction des
à la dépression, il semble que les psychostimulants IMAO et des ATC, deux classes de médicaments effi-
agissent aussi sur l’anhédonie [135]. Néanmoins, caces pouvant se substituer à l’électroconvulsivothé-
contrairement aux antidépresseurs typiques, l’admi- rapie comme traitement de première intention pour
nistration d’amphétamine chez l’animal ne supprime réduire les dépressions sévères.
pas l’anhédonie induite par des stress dépressiogènes
[176], indiquant les limites du potentiel antidépres-
seur de ces composés. Du fait de leur fort potentiel Inhibiteurs des monoamines oxydases
addictif, ils ne sont d’ailleurs généralement plus pres-
crits aujourd’hui. Seul le méthylphénidate (commer- À partir de la deuxième moitié des années 1950 com-
cialisé par Ciba en 1954) est prescrit pour réduire les mence une décennie considérée comme l’âge d’or du
déficits d’attention. Toutefois, comme les psychosti- traitement pharmacologique de la dépression grâce,
mulants, certains composés antidépresseurs tels que le entre autres, à l’introduction de composés ayant une
bupropion bloquent les transporteurs NAT et DAT. action spécifique sur l’humeur, comme les IMAO.
La libération phasique, plutôt que tonique (comme Ce sont les premiers médicaments commercialisés sur
celle induite par le bupropion), de noradrénaline et de la base d’une théorie neurobiologique : la dépression
dopamine dans des structures tel le noyau accumbens est due à un déficit des monoamines et les IMAO ont
seraient à l’origine des effets euphorisants et addictifs un effet antidépresseur car ils inhibent la dégradation
des psychostimulants. Contrairement à l’amphéta- enzymatique de ces neurotransmetteurs et s’opposent
mine, le bupropion a des effets anxiolytiques en plus donc à ce déficit. En vérité, leur découverte a été le fruit
de ses propriétés antidépressives [25]. du hasard et d’observations cliniques opportunes. Les
Les effets anxiogènes et addictifs induits par les premiers IMAO dérivent de composés hydrazines qui
psychostimulants altèrent certainement leur potentiel ont été synthétisés dans les années 1910. Les hydrazines
antidépresseur. L’arrêt brutal de la prise d’un psy- avaient été délaissées pendant presque 40 ans quand,
chostimulant conduit à des symptômes d’anxiété et par hasard, leur puissante efficacité thérapeutique
de dépression. Chez l’animal, les manifestations com- contre la tuberculose a été mise en évidence. Quelques
portementales de type « dépression » qui surviennent cliniciens perspicaces ont ensuite observé de manière
après le retrait de composés addictifs peuvent être pré- fortuite que des patients tuberculeux traités pendant
venues par le bupropion [125]. Ainsi la stimulation plusieurs semaines avec des composés comme l’isonia-
catécholaminergique tonique semble-t-elle exercer zide avaient comme réactions secondaires au traitement
une action antidépressive et anxiolytique en s’oppo- un regain d’appétit, une euphorie, une amélioration de
sant aux effets négatifs de la stimulation phasique de leur vitalité et de leur sommeil. C’est en 1957 que l’on
la libération de noradrénaline et de dopamine qui sur- a commencé véritablement à parler des IMAO comme
vient lors de la prise d’amphétamine. de composés « antidépresseurs » ayant une nette effi-
cacité clinique chez des patients dépressifs. À la même
époque, Chessin et al. [30] montrèrent que l’immobi-
lité induite chez la souris par l’injection aiguë de réser-
I ntroduction du concept pine, composé qui provoque un épuisement des stocks
d ’ antidépresseur cellulaires des monoamines et connu pour ses proprié-
tés dépressiogènes chez l’homme, était prévenue par
dans les années 1950
un traitement avec l’iproniazide, un IMAO dérivé de
l’isoniazide, mais sans effet sur le bacille de Koch. On
Pendant la première moitié du xxe siècle, les médi- a alors porté à l’avant-scène les IMAO sur la base de
caments utilisés pour le traitement de la dépression, leur mécanisme d’action « énergisant », en opposition
comme les barbituriques et les psychostimulants, aux composés « tranquillisants ». Cependant, contrai-
n’ont montré qu’une efficacité très relative pour rement aux psychostimulants de type amphétamine,
soigner la constellation de symptômes associés à la les IMAO ont des propriétés anxiolytiques autant chez
dépression. L’électroconvulsivothérapie (ECT), intro- l’homme que chez l’animal [56].
duite en 1938, s’est révélée efficace pour réduire les Il existe deux isoformes de monoamine oxydase :
symptômes sévères de la dépression mélancolique et la MAO-A et la MAO-B. La MAO-A est l’enzyme

18
DES EFFETS NEUROBIOLOGIQUES AUX MÉC ANISMES D’ACTION

la plus efficace pour la dégradation des monoamines, dans les cellules gliales (astrocytes) qui entourent ces
tandis que la MAO-B métabolise surtout des amines neurones. Néanmoins, bien que la MAO-B métabo-
traces (trace amines) qui sont en faible quantité dans lise la sérotonine et la noradrénaline lorsqu’elles sont
le cerveau, telle la phénéthylamine. Les neurones caté- présentes à des concentrations anormalement élevées,
cholaminergiques expriment les deux isoformes, mais les inhibiteurs spécifiques de la MAO-B ne montrent
la MAO-A y est en plus grande quantité, alors que pas de propriétés antidépressives.
les neurones sérotoninergiques n’expriment que la L’efficacité thérapeutique des IMAO pour réduire
MAO-B. Par ailleurs, ces iso-enzymes sont abondantes la dépression et les troubles anxieux nécessite un

Figure 2-2. – Action des antidépresseurs typiques et atypiques sur certains récepteurs modulant la transmission
sérotoninergique. En utilisation chronique, différentes catégories d’antidépresseurs réduisent les effets délétères
du stress chronique sur la neuroplasticité en facilitant la transmission sérotoninergique. Les ISRS désensibilisent
les autorécepteurs somatodendritiques 5-HT1A qui inhibent la décharge des neurones sérotoninergiques (A) et
désensibilisent les autorécepteurs terminaux 5-HT1B/1D inhibant la libération de sérotonine (B). Les ATC ainsi que
l’ECT sensibilisent les récepteurs 5-HT1A post-synaptiques (C). Les antidépresseurs qui ont comme effet primaire
d’augmenter la concentration extracellulaire de noradrénaline (IMAO, IRN, ISRNa) désensibilisent les récepteurs
α2-adrénergiques qui inhibent la décharge des neurones sérotoninergiques et la libération de sérotonine (D), mais
les autorécepteurs α2-adrénergiques ne sont pas altérés par ces traitements (E). Les antidépresseurs qui augmentent
la concentration extracellulaire de sérotonine (IMAO, ISRS) désensibilisent les récepteurs 5-HT2C qui activent les
interneurones GABAergiques inhibant les neurones sérotoninergiques (F). Les ATC et les antidépresseurs atypiques
ont souvent des propriétés antagonistes sur ces récepteurs 5-HT2C (F). Certains antidépresseurs atypiques (comme la
mirtazapine) bloquent les autorécepteurs α2-adrénergiques, augmentant ainsi le tonus noradrénergique au niveau des
récepteurs α1-adrénergiques qui simulent les neurones sérotoninergiques (G). Les antidépresseurs atypiques bloquent
aussi les récepteurs 5-HT2C qui inhibent indirectement la transmission noradrénergique via des interneurones
GABAergiques (H).

19
Pharmacologie

traitement chronique, alors que la capacité de ces psy- ces études n’ont toujours pas été réalisées, un demi-
chotropes à augmenter les taux cérébraux des mono­ siècle après la découverte des IMAO.
amines se manifeste dès le début du traitement. En Si l’on poursuit le raisonnement sur la base d’une
réalité, en administration aiguë, les IMAO réduisent diminution de la transmission noradrénergique par les
l’activité électrique des neurones noradrénergiques IMAO, celle-ci pourrait conduire à modérer l’inhibi-
et sérotoninergiques. Il faut attendre 3 semaines de tion de la transmission sérotoninergique par la nora-
traitement pour que le taux de décharge des neurones drénaline via les récepteurs a2-adrénergiques. En effet,
sérotoninergiques du raphé dorsal retourne à son il existe sur les terminaisons sérotoninergiques des
niveau de base, celui des neurones noradrénergiques hétérorécepteurs a2-adrénergiques dont l’activation
du locus cœruleus restant atténué même après ce délai. provoque une inhibition tonique de la libération de
À ce stade, le blocage de la MAO-A, mais pas celui sérotonine [109]. Cette régulation pourrait se mani-
de la MAO-B, augmente alors globalement la trans- fester notamment pendant les épisodes de stress où
mission inhibitrice sérotoninergique, sans modifier l’on observe une augmentation du taux de décharge
la transmission excitatrice noradrénergique au niveau des neurones noradrénergiques du locus cœruleus. À
de l’hippocampe (l’élévation des taux de noradré- la suite d’un traitement à long terme avec un IMAO,
naline compensant probablement la diminution de ces hétérorécepteurs se désensibilisent (mais pas les
la fréquence de décharge des neurones noradréner- autorécepteurs a2-adrénergiques terminaux régulant
giques) [18]. On sait depuis que l’augmentation de la libération de noradrénaline), ce qui conduit à une
l’action inhibitrice de la sérotonine sur les neurones facilitation de la transmission sérotoninergique [112]
pyramidaux de l’hippocampe, qui résulte du blocage (Figure 2-2D).
de la MAO-A par les IMAO, implique l’activation de
récepteurs 5-HT1A à l’origine d’une hyperpolarisation
via l’ouverture de canaux potassiques [8]. Cette facili- Antidépresseurs tricycliques
tation de la transmission sérotoninergique ne survient
pas au niveau de tous les récepteurs de la sérotonine. En 1955, commence une seconde révolution phar-
En effet, les traitements chroniques avec les IMAO macologique avec l’introduction d’un dérivé phéno-
diminuent la densité des récepteurs 5-HT2 [126, 175], thiazine des antihistaminiques, la chlorpromazine,
en particulier ceux de type 5-HT2A [164]. Par ail- tranquillisant majeur et neuroleptique montrant,
leurs, l’hypolocomotion et l’hyperthermie induites par pour la première fois, une remarquable efficacité
l’administration d’un agoniste des récepteurs 5-HT2C pour calmer les patients psychotiques [44]. Le suc-
sont diminuées par les traitements avec les IMAO [90, cès des premiers antipsychotiques a incité les com-
178] (Figure 2-2F). Les récepteurs 5-HT2A et 5-HT2C pagnies pharmaceutiques à synthétiser de nouveaux
sont couplés à l’hydrolyse des inositols phosphates via composés en modifiant la structure de base de la
la phospholipase C, qui permet la mobilisation du phénothiazine, ce qui a conduit en réalité aux pre-
Ca2+ intracellulaire ainsi que l’activation de la protéine miers composés ATC, comme l’imipramine [39].
kinase C. Les traitements chroniques avec les IMAO Tout comme les IMAO, les ATC se sont substitués à
semblent donc diminuer les effets stimulants de la l’ECT pour le traitement de la dépression mélanco-
sérotonine sur ces voies de signalisation cellulaire. lique. De plus, les ATC ont des effets anxiolytiques
En traitement chronique, les IMAO (et les antidé- chez l’homme et aussi dans quelques modèles pré-
presseurs en général) désensibilisent aussi les récepteurs cliniques, mais seulement après leur administration
b-adrénergiques [126]. L’activation de l’adénylate chronique, l’anxiété étant – au contraire – augmentée
cyclase via ces récepteurs est diminuée par l’inhibition en début de traitement [20]. La majorité des ATC
chronique de la MAO-A [105]. L’ensemble de ces comme l’imipramine bloquent la recapture à la fois
régulations négatives des récepteurs noradrénergiques de la sérotonine et de la noradrénaline. Cependant, la
et du taux de décharge des neurones noradrénergiques désipramine augmente préférentiellement la concen-
contribuerait globalement à une diminution, plutôt tration extracellulaire de noradrénaline en inhibant le
qu’à une augmentation, de la transmission noradré- NAT. La clomipramine, tout particulièrement utili-
nergique centrale après traitement avec un IMAO. sée depuis les années 1990 pour les troubles dépressifs
Cette hypothèse ne reposant que sur des données expé- et obsessionnels-compulsifs [180], est un inhibiteur
rimentales obtenues chez l’animal sain, il serait inté- puissant de SERT, alors que son métabolite, la des-
ressant d’en vérifier le bien-fondé dans des modèles méthylchlorimipramine, inhibe préférentiellement
précliniques validés de dépression. Malheureusement, la NAT. Ainsi la clomipramine est-elle en réalité un

20
DES EFFETS NEUROBIOLOGIQUES AUX MÉC ANISMES D’ACTION

inhibiteur mixte de la recapture de la sérotonine et de (ATV), par exemple, inhibent de façon tonique l’ac-
la noradrénaline dans les conditions in vivo. tivité des neurones dopaminergiques, et leur désen-
C’est parce qu’elle augmente la concentration extra- sibilisation par un traitement à long terme avec la
cellulaire de sérotonine au niveau somatodendritique désipramine modère ce frein, conduisant à une faci-
que l’administration aiguë d’ATC, comme par exemple litation de la libération de dopamine dans le noyau
la clomipramine, peut diminuer l’activité électrique accumbens (NAc) [41]. Dans le cas de l’amitriptyline,
des neurones sérotoninergiques des noyaux du raphé. qui se comporte comme un antagoniste direct des
L’effet inhibiteur des ATC sur le taux de décharge récepteurs 5-HT2, un traitement aigu suffit pour aug-
de ces neurones est directement proportionnel à leur menter la concentration de dopamine extracellulaire
potentiel de blocage du SERT (clomipramine > imi- dans le noyau accumbens [37]. Il en ressort donc que
pramine > amitriptyline). En revanche, les ATC qui les ATC, comme les IMAO ou le bupropion, pour-
bloquent surtout la recapture de la noradrénaline, raient agir sur les symptômes d’anhédonie via une
comme la désipramine, produisent peu ou pas d’effet augmentation de la transmission dopaminergique au
sur le taux de décharge des neurones sérotoniner- niveau des circuits mésolimbiques de la récompense.
giques. Par ailleurs, la plupart des ATC, en particulier Toutefois, on a depuis toujours favorisé l’hypo-
la désipramine, diminuent aussi le taux de décharge des thèse d’une implication du système sérotoninergique
neurones noradrénergiques ainsi que l’expression de la plutôt que dopaminergique dans le mode d’action
tyrosine hydroxylase (enzyme de synthèse des catécho- des ATC. De fait, de nombreuses données indiquent
lamines) dans le locus cœruleus [110, 117]. que les ATC augmentent la transmission séroto-
Contrairement aux inhibiteurs sélectifs de la recap- ninergique au niveau de l’hippocampe ainsi que
ture de la sérotonine (ISRS), les ATC ne sont géné- dans d’autres structures du cerveau. Dès la fin des
ralement pas assez puissants au niveau du SERT pour années 1970, il a été montré que les ATC adminis-
désensibiliser les autorécepteurs somatodendritiques trés chroniquement potentialisaient les effets inhi-
5-HT1A en réaction à un excès de la concentration de biteurs de la sérotonine, médiés par les récepteurs
sérotonine extracellulaire. En revanche, au niveau des 5-HT1A, dans diverses structures télencéphaliques
sites de projections noradrénergiques, la plupart des [36] (Figure 2-2C). Au niveau du mésencéphale, un
ATC désensibilisent, après administration chronique, traitement à long terme avec l’imipramine promeut
les récepteurs b1-adrénergiques via une diminution de aussi les effets inhibiteurs de l’activation des récep-
leur densité membranaire. Cela se traduit aussi bien par teurs 5-HT1A de la substance grise péri-aqueducale
la diminution de la capacité de la noradrénaline à exci- sur les réactions de défense [113]. La facilitation de
ter les neurones pyramidaux de l’hippocampe que par la transmission sérotoninergique par les ATC pour-
une baisse de la production d’AMPc en réponse à l’acti- rait être expliquée par une augmentation du cou-
vation b-adrénergique. Les récepteurs b-adrénergiques plage de ces récepteurs avec les voies de transduction
sont en effet couplés aux protéines Gas qui modulent (protéines G) et de signalisation, qui sont également
positivement l’activité de l’adénylate cyclase. Ainsi, modifiées lors de traitements avec des ATC [85].
bien que des antidépresseurs comme la désipramine Cependant, la potentialisation de la transmission
augmentent la concentration extracellulaire de noradré- sérotoninergique n’explique que partiellement les
naline, plusieurs phénomènes adaptatifs contribuent à effets des ATC puisque, par exemple, la lésion des
diminuer la transmission noradrénergique après un fibres afférentes sérotoninergiques ne prévient pas
traitement chronique avec un ATC [110]. leur action de type antidépresseur dans le modèle du
En parallèle avec la désensibilisation b1-adréner- désespoir acquis [153].
gique, l’un des effets neurobiologiques les plus sou-
vent rapportés dans les premières études portant
sur les mécanismes d’action des ATC en utilisation
chronique est la diminution de la densité des sites de A ntidépresseurs atypiques ciblés
liaison 5-HT2 dans le cortex cérébral [175]. Par ail- sur les récepteurs 5-HT 2
leurs, plusieurs ATC ont des propriétés antagonistes
directes vis-à-vis des récepteurs 5-HT2A et 5-HT2C
ou a- adrénergiques
(Figure 2-2F). La réduction des effets médiés par les
récepteurs 5-HT2 qui en résulte a des conséquences À partir des années 1960, une nouvelle étape dans
physiologiques importantes. En effet, les récepteurs le développement des antidépresseurs a été la syn-
5-HT2C présents dans l’aire tegmentale ventrale thèse de molécules dérivées de l’imipramine, mais

21
Pharmacologie

de structure nettement distincte. Cela s’est soldé par excitateur des neurones sérotoninergiques [35].
l’introduction d’antidépresseurs atypiques ayant une Cependant, cette action ne concerne en réalité que
structure tétracyclique, comme la maprotiline qui s’est quelques antidépresseurs comme la miansérine et la
avérée être un inhibiteur sélectif de la recapture de la mirtazapine, car d’autres antidépresseurs atypiques
noradrénaline. En fait, la plupart de ces antidépres- comme la néfazodone et la trazodone exercent au
seurs tétracycliques ont perdu la capacité d’inhiber la contraire une action antagoniste directe sur les récep-
recapture des monoamines. C’est le cas en particulier teurs a1-adrénergiques.
de la miansérine qui été introduite à partir des années Une autre propriété pharmacologique importante
1970. Ses effets thérapeutiques dans la dépression et des composés comme la trazodone est le blocage des
l’anxiété sont principalement attribués à ses proprié- récepteurs 5-HT2A/2C. La diminution de la transmis-
tés antagonistes vis-à-vis des récepteurs a2-adrener- sion médiée par ces récepteurs est très probablement
giques et 5-HT2A/2C. Un autre antidépresseur atypique anxiolytique. En effet, l’invalidation génique des
introduit dans les années 1980, la trazodone, a des récepteurs 5-HT2A ou 5-HT2C induit des phéno-
propriétés antagonistes directes vis-à-vis des récep- types de type anxiolytique chez les souris mutantes
teurs 5-HT2A/2C et a1-adrénergiques. Cependant, la [63, 173]. De plus, de nombreuses études comporte-
trazodone (qui inhibe faiblement la recapture de la mentales utilisant le modèle des interactions sociales
sérotonine) est métabolisée en méta-chlorophénylpi- montrent que le blocage des récepteurs 5-HT2C a un
pérazine (mCPP) qui montre, au contraire, une nette effet anxiolytique, particulièrement en situation de
activité agoniste sur les récepteurs 5-HT2C et s’oppose stress [4, 114]. Cependant, l’administration aiguë du
donc – au moins en partie – à l’action de la molécule métabolite principal de la trazodone, la mCPP, induit
mère. L’histoire des composés atypiques s’est pour- l’activation de l’axe HHS et provoque des attaques
suivie jusqu’aux années 1990 avec l’introduction de d’anxiété chez l’homme [28]. De fait, la mCPP est
molécules ayant des structures similaires, telles la un agoniste direct des récepteurs 5-HT2C et s’oppose à
néfazodone, antagoniste des récepteurs 5-HT2A/2C et l’action antagoniste du composé mère sur ces mêmes
a1-adrénergiques, et la mirtazapine, antagoniste des récepteurs. Cependant, les propriétés aversives de la
récepteurs 5-HT2/3 et a2-adrénergiques, sans effet mCPP s’atténuent rapidement au cours d’un traite-
notable sur les sites de recapture des monoamines. ment chronique (du fait de la désensibilisation des
L’action thérapeutique à long terme des antidépres- récepteurs 5-HT2C), de telle sorte que l’action anxioly-
seurs atypiques peut être expliquée sur la base de leurs tique de la trazodone l’emporte finalement [12]. Dans
propriétés pharmacologiques particulières. Des études le cas de la miansérine, l’effet anxiolytique est proba-
de libération in vitro et d’électrophysiologie in vivo blement aussi lié à son action antagoniste directe sur
ont montré dans les années 1990 que la noradrénaline les récepteurs 5-HT2C [139] (Figure 2-2F).
inhibe de manière tonique la libération de sérotonine Le récepteur 5-HT2C est par ailleurs connu pour
via l’activation des hétérorécepteurs a2-adrénergiques représenter une voie d’entrée importante pour les
présynaptiques [109], et le blocage de ces récepteurs interactions de la sérotonine avec la noradrénaline
par la mirtazapine ou la miansérine facilite la trans- et la dopamine. En effet, les taux de décharge des
mission sérotoninergique (en particulier de type neurones noradrénergiques du locus cœruleus et des
5-HT1A) en réduisant le frein médié par la noradré- neurones dopaminergiques de l’ATV sont diminués
naline [59, 60, 111]. Cette action contribue très par l’activation des récepteurs 5-HT2C sur les inter-
probablement aux effets thérapeutiques de ces anti- neurones GABAergiques présents dans ces deux
dépresseurs, particulièrement pendant les périodes où noyaux catécholaminergiques [51]. De plus, l’acti-
les neurones noradrénergiques du locus cœruleus ont vation des récepteurs 5-HT2C sur des interneurones
un fort taux de décharge, comme durant le stress et les du télencéphale inhibe la libération de dopamine et
états d’hypervigilance ou d’anxiété [22]. de noradrénaline dans le cortex frontal [102]. Or, la
On connaît aussi depuis longtemps l’existence de dépression est associée à une diminution d’activité
récepteurs a1-adrénergiques sur les neurones séroto- au niveau des lobes frontaux, et les ralentissements
ninergiques du raphé, dont l’activation tonique par la moteurs et cognitifs des patients dépressifs pourraient
noradrénaline est essentielle pour le maintien du taux très bien être liés à cette hypoactivité frontale [52], sur
de décharge de ces neurones [6]. Le blocage du feed- laquelle les systèmes catécholaminergiques exercent
back négatif via les autorécepteurs a2-adrénergiques une influence modulatrice majeure [147]. Des com-
a pour effet d’augmenter la libération de noradré- posés atypiques comme la mirtazapine augmentent la
naline et, par conséquent, le tonus a1-adrénergique libération corticale de dopamine et de noradrénaline

22
DES EFFETS NEUROBIOLOGIQUES AUX MÉC ANISMES D’ACTION

via le blocage des récepteurs 5-HT2C qui inhibent ne peut évidemment pas expliquer les effets théra-
ces systèmes (Figure 2-2H). Par ailleurs, le blocage peutiques des ISRS à long terme. Ce n’est qu’après
des autorécepteurs a2-adrénergiques qui inhibent quelques semaines de traitement avec le même ISRS
l’activité électrique des neurones noradrénergiques du que le taux de décharge de ces neurones est rétabli du
locus cœruleus ainsi que la libération de noradréna- fait de la désensibilisation des autorécepteurs soma-
line contribuerait aussi à l’action thérapeutique de cet todendritiques 5-HT1A à l’origine des mécanismes de
antidépresseur [104] (Figure 2-2E). rétrocontrôle négatif (Figure 2-2A).
La majorité des auteurs admettent de façon consen-
suelle que la désensibilisation des autorécepteurs
somatodendritiques 5-HT1A est à la base de l’action thé-
I nhibiteurs sélectifs
rapeutique des ISRS [19]. Ce phénomène, qui apparait
de la recapture de la sérotonine dès le 3e jour de traitement [82], résulte de la stimu-
et de la noradrénaline lation tonique des récepteurs par la sérotonine extra-
cellulaire en excès du fait du blocage de sa recapture.
L’adaptation fonctionnelle des autorécepteurs 5-HT1A
Sur la base de l’hypothèse sérotoninergique de la qui survient sous traitement avec un ISRS semble être
dépression [32, 169], le développement d’inhibiteurs sous-tendue par une diminution de la transcription du
sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) a été gène des récepteurs 5-HT1A, leur découplage des pro-
de grande actualité dans les années 1970. On estimait téines Gai/o [81, 94] et/ou leur internalisation dans les
déjà à l’époque que le mécanisme d’action thérapeu- neurones sérotoninergiques [138]. L’internalisation des
tique des ATC était davantage lié à leurs propriétés récepteurs 5-HT1A de même que leur désensibilisation
d’inhibition du SERT plutôt que du NAT. Cela ne se produisent pas dans les régions post-synaptiques
conduisit à mettre sur le marché la zimélidine, un comme l’hippocampe, vraisemblablement à cause de
ISRS qui se révéla d’efficacité égale à l’amitriptyline différences dans leur couplage aux protéines G dans ces
pour le traitement de la dépression. De même, l’indal- régions par rapport au raphé [94, 138].
pine, un autre ISRS développé à la même époque [80], Outre les autorécepteurs 5-HT1A, qui contrôlent
permit de confirmer l’efficacité antidépressive du blo- indirectement la libération de sérotonine via la régu-
cage sélectif de la recapture de la sérotonine. Avec les lation de l’activité électrique des neurones séroto-
ISRS, on se débarrassait enfin des effets secondaires ninergiques et jouent de fait un rôle central dans les
gênants de types anticholinergiques, anti-adréner- mécanismes d’action des antidépresseurs, d’autres
giques et antihistaminiques des ATC. Cependant, ces types d’autorécepteurs sont également concernés. C’est
deux premiers ISRS furent rapidement retirés du mar- le cas des autorécepteurs terminaux de type 5-HT1B et
ché pour divers problèmes de toxicité. Ils ont laissé la 5-HT1D qui régulent plus directement la libération de
place à partir des années 1990 à d’autres ISRS beau- l’indolamine. Aussi bien les études in vivo (stimulation
coup mieux tolérés comme la fluoxétine, la paroxé- des projections sérotoninergiques couplée à des enre-
tine, la sertraline et le citalopram. gistrements électrophysiologiques de neurones pyra-
Les études de microdialyse chez l’animal ont claire- midaux de l’hippocampe ou microdialyse au niveau
ment démontré que le blocage des sites de recapture du cortex frontal [27, 148]), qu’in vitro (libération
par les ISRS augmentait rapidement la concentration de [3H]5-HT à partir de tranches d’hypothalamus ou
extracellulaire de sérotonine, que ce soit en réponse d’hippocampe) apportent des arguments en faveur
à une injection systémique ou à une administration d’une désensibilisation de ces autorécepteurs termi-
locale de ces composés dans telle ou telle région du cer- naux après un traitement chronique avec un ISRS [17,
veau. Toutefois, lorsque les sites de recapture sont pré- 116] (voir Figure 2-2B). Cependant, cette désensibili-
alablement bloqués localement, l’injection systémique sation n’a pas été retrouvée par tous les auteurs [50].
d’un ISRS entraîne, paradoxalement, une baisse de la Malgré leur nette supériorité en termes d’effets
concentration extracellulaire de sérotonine. En réalité, secondaires par rapport aux ATC, les ISRS induisent
cela s’explique par une diminution de la libération de tout de même des effets indésirables (anxiété, baisse
sérotonine résultant de l’activation des mécanismes de de la libido et autres effets inhibiteurs d’ordre sexuel),
rétrocontrôle négatif mis en jeu par l’activation des surtout en début de traitement. Le blocage des récep-
autorécepteurs 5-HT1A [2, 65]. En aigu, l’administra- teurs 5-HT2 a été proposé comme stratégie pour
tion d’ISRS diminue fortement l’activité électrique réduire ces effets négatifs [119]. Chez le rongeur,
spontanée des neurones sérotoninergiques, ce qui l’effet anxiogène des ISRS résulte de l’activation des

23
Pharmacologie

récepteurs 5-HT2C [4], mais ceux-ci sont désensibilisés électrique des neurones noradrénergiques n’est pas
suite à un traitement chronique avec ces antidépres- changée suite à un traitement à long terme avec un IRN
seurs [23, 114]. D’ailleurs, les effets hypolocomoteurs et le taux de décharge de ces neurones reste déprimé du
et hyperthermiques induits par l’activation des récep- début à la fin du traitement [160]. De même, la sen-
teurs 5-HT2C sont fortement atténués suite à un trai- sibilité des autorécepteurs terminaux n’est pas altérée
tement au long cours avec un ISRS [97]. par l’inhibition sélective à long terme du NAT [43].
Les hypothèses concernant l’implication des récep- En revanche, les hétérorécepteurs a2-adrénergiques qui
teurs 5-HT2A et 5-HT2C dans la dépression et l’anxiété inhibent l’activité électrique des neurones sérotoniner-
ont récemment évolué. Contrairement aux récepteurs giques au niveau du raphé dorsal ainsi que ceux situés
5-HT1A et a2-adrénergiques, ces récepteurs ne régulent sur les terminaisons sérotoninergiques où leur activa-
pas la transmission monoaminergique directement, mais tion inhibe la libération synaptique de sérotonine sont
indirectement via des interneurones GABAergiques. Les désensibilisés suite à un traitement chronique avec la
ISRS produisent une diminution graduelle de l’activité réboxetine ou la nisoxétine [112, 160] (Figure 2-2D).
électrique des neurones catécholaminergiques dans Une autre innovation thérapeutique de la fin des
le locus cœruleus et dans l’ATV. Les diminutions de années 1990 a été l’introduction des inhibiteurs mixtes
libération de noradrénaline et de dopamine induites de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline
par l’activation des récepteurs 5-HT2A et 5-HT2C à ces (IRSNa), comme la venlafaxine, le milnacipran et la
niveaux pourraient être à l’origine des symptômes rési- duloxétine. Ces composés ont le même potentiel que
duels de fatigue, de manque d’énergie et d’anhédonie les ATC en termes d’inhibition de la recapture des
que ressentent souvent les patients ayant globalement monoamines, mais sont dépourvus des effets secon-
répondu de manière favorable aux ISRS. Curieusement, daires médiés par les récepteurs cibles annexes des
après un traitement chronique, les ISRS ne désensibili- ATC. Il semble que les IRSNa aient une plus grande
seraient pas les récepteurs 5-HT2C qui contrôlent le taux efficacité d’action que les ISRS dans certaines sous-
de décharge des neurones dopaminergiques de l’ATV populations de patients [156]. Il est probable que ces
[40]. Il serait donc nécessaire de bloquer directement ces composés combinent les effets des ISRS et des IRN.
récepteurs, comme le fait d’ailleurs à un certain degré la De fait, plusieurs des mécanismes d’action des ISRS
fluoxétine qui possède des propriétés antagonistes vis- et des IRN se manifestent de manière conjointe avec
à-vis des récepteurs 5-HT2C [21]. Contrairement à la les IRSNa, comme par exemple la désensibilisation
libération de dopamine et de noradrénaline, celle de des autorécepteurs somatodendritiques 5-HT1A et des
sérotonine n’est pas altérée par l’activation des récep- autorécepteurs terminaux 5-HT1B [9, 107] et celle des
teurs 5-HT2C dans les conditions basales. Cependant, hétérorécepteurs a2-adrénergiques sur les neurones
dans les situations de stress aigu, il se produit une aug- sérotoninergiques [115, 142] (Figure 2-2).
mentation de la libération de sérotonine, qui participe Des agents bloquant sélectivement les trois transpor-
très probablement à l’adaptation au stress et est inhibée teurs NAT, SERT et DAT, les « inhibiteurs de recap-
par l’activation des récepteurs 5-HT2C. Récemment, ture triple », sont actuellement en développement. Une
nous avons montré que l’effet négatif de l’activation observation en faveur d’une telle démarche a été la
5-HT2C est fortement réduit par un traitement chro- démonstration que l’action antidépressive des ISRS est
nique avec la paroxétine, cette modulation sous-tendant renforcée par l’adjonction de bupropion censé bloquer
très probablement l’action anxiolytique de l’ISRS [114]. les recaptures de noradrénaline et de dopamine [96]. De
À côté des nombreux ISRS disponibles aujourd’hui, plus amples études sont requises pour déterminer si les
il existe relativement peu d’antidépresseurs ciblés sélec- mécanismes d’action énumérés ci-dessus entrent égale-
tivement sur la recapture de la noradrénaline (IRN) ment en jeu avec les « inhibiteurs de recapture triple ».
(comme la réboxétine ou la nisoxétine). Dans les
années 1960-70, les cliniciens ne disposaient que de la
désipramine, un ATC ayant une haute spécificité pour
le NAT. Cependant, la désipramine, comme tous les E ffets indésirables
ATC, se lie aussi à toute une gamme de récepteurs. des antidépresseurs
Contrairement à l’action des ISRS sur la transmission
monoaminergiques
sérotoninergique, les IRN ne semblent pas augmenter
la transmission noradrénergique suite à un traitement
chronique. La sensibilité des autorécepteurs soma- Les antidépresseurs dans leur ensemble, qu’ils
todendritiques a2-adrénergiques régulant l’activité soient « classiques » (IMAO ou ATC), atypiques,

24
DES EFFETS NEUROBIOLOGIQUES AUX MÉC ANISMES D’ACTION

ou encore inhibiteurs sélectifs de la recapture des blessure chez les patients à risque. Au niveau central,
monoamines (ISRS ou IRSNa), produisent de nom- l’augmentation des actions de la sérotonine sur une
breux effets secondaires, dont plusieurs sont dus aux multitude de récepteurs sérotoninergiques peut aussi
caractéristiques pharmacologiques propres à certaines avoir des effets indésirables et induire notamment une
molécules antidépressives, tandis que d’autres sont insomnie, une somnolence diurne, des vertiges, et des
communs à toute une classe de composés. dysfonctionnements sexuels [61].
Ainsi les IMAO inhibent non seulement la dégra- Les effets sexuels comme l’anxiété transitoire qui
dation des monoamines, mais aussi celle des amines apparaissent en début de traitement, semblent mettre
normalement présentes à l’état de traces dans le cer- en jeu les récepteurs 5-HT2 centraux [45, 119]. Les
veau. En empêchant la dégradation de la tyramine, les études précliniques pointent particulièrement les
IMAO permettent son accumulation aux dépens de la récepteurs 5-HT2C qui, à l’opposé des récepteurs
noradrénaline dans ses sites vésiculaires de stockage, 5-HT2A, sont impliqués dans un contrôle inhibi-
ce qui entraîne une forte libération de noradrénaline teur des fonctions sexuelles [130]. L’administration
à l’origine d’une hypertension qui peut être fatale d’ISRS provoque une hyperprolactinémie associée à
[155]. Cet effet est diminué avec les IMAO sélectifs l’inhibition du désir et des performances sexuelles, en
et réversibles. particulier chez le rat mâle [140]. Chez l’homme, un
Pour leur part, les ATC exercent aussi des effets traitement chronique avec la paroxétine semble dimi-
secondaires, dont on connaît maintenant les bases nuer la libération de prolactine induite par l’activa-
pharmacologiques. Ces molécules ont toutes des pro- tion des récepteurs 5-HT2C [131] comme attendu de
priétés antagonistes au niveau des récepteurs choliner- la désensibilisation de ces récepteurs (voir plus haut).
giques muscariniques M1 et M3, histaminergiques H1 De toute évidence, plusieurs des effets indésirables
et a1-adrénergiques. L’action antihistaminergique des antidépresseurs monoaminergiques pourraient
induit une sédation et un gain de poids, tandis que le être évités si leurs actions étaient ciblées uniquement
blocage muscarinique induit une rétention urinaire, vers le système nerveux central ou même plus spécifi-
une vision trouble, une bouche sèche, une constipa- quement vers des structures particulières du système
tion et des déficits cognitifs (mnésiques). Le blocage limbique que l’on pense être impliquées dans les
des récepteurs M3 en particulier peut interférer avec troubles anxiodépressifs. Dans le futur, nous dispose-
l’action de l’insuline, et celui des récepteurs a1-adré- rons probablement de transporteurs ou vecteurs phar-
nergiques cause une hypotension orthostatique et maceutiques (drugs delivery systems), permettant, en
des sensations de perte d’équilibre postural. Les ATC temps opportun, de libérer à partir de nanoparticules
bloquent aussi les canaux sodiques voltage-dépen- un antidépresseur dans des régions cérébrales données
dants dans le cerveau et le cœur. De ce fait, en cas et à des concentrations optimales, en vue d’atteindre
de surdosage, ils peuvent induire un coma, des crises son index thérapeutique maximal [76].
épileptiques, ou encore une arythmie, voire un arrêt
cardiaque [155].
Avec l’introduction des ISRS, les effets indésirables
énumérés ci-dessus ont pu être éliminés. Cependant, N ouvelles cibles
les modifications induites par les ISRS ne sont pas des traitements antidépresseurs
toutes bénéfiques. En particulier, le blocage de la
recapture de la sérotonine a des effets néfastes en péri-
phérie où la sérotonine est présente en grande quan- Les antidépresseurs stimulent les voies
tité, en particulier dans l’estomac et l’intestin. Une de signalisation impliquant pCREB,
élévation importante de la concentration extracellu-
laire de sérotonine induit des dysfonctionnements le BDNF et pERK
gastro-intestinaux, comme des nausées et une diar-
rhée, souvent en début de traitement. Ces effets sont Il y a généralement peu de corrélats neuro-anato-
provoqués par la stimulation des récepteurs 5-HT3 sur miques au niveau macroscopique des maladies psy-
les fibres vagales dans le plexus gastro-entérique [61]. chiatriques, y compris les troubles anxiodépressifs.
Par ailleurs, la diminution de la capture de la séro- C’est donc avec un très grand intérêt que l’on a vu
tonine au niveau des plaquettes sanguines pendant apparaître dans la littérature, à partir des années 2000,
un traitement chronique par un ISRS peut ralentir plusieurs études d’imagerie clinique indiquant que le
l’hémostase qui survient spontanément suite à une volume de l’hippocampe pouvait être réduit chez les

25
Pharmacologie

NT NT BDNF

TrkB
AC PLC
PLC Raf
AMPc IP3 DAG

DAG MEK
PKA [Ca++]i PKC Akt

PKC MAPK/ERK
CaMK MAPK/ERK

CREB/pCREB BDNF Effets neurotrophiques


A) B)

Figure 2-3. – Voies de signalisation sous-tendant les effets trophiques des antidépresseurs. A) Schéma de synthèse
des diverses voies de signalisations intracellulaires activées par des récepteurs métabotropiques et conduisant à la
phosphorylation de CREB. B) Voies de signalisation intracellulaire du BDNF. AC : enzyme adénylyl cyclase ;
AMPc : adénosine monophosphate cyclique ; Akt : protéine kinase sérine/thréonine spécifique ; CaMK : protéine
kinase Ca2+/calmoduline-dépendante ; CREB : cAMP response element binding protein ; DAG : diacylglycérol ; ERK :
extracellular signal-regulated kinase ; IP3 : inositol trisphosphate ; MAPK : mitogen-activated protein kinase ; PLC :
phospholipase C ; PKA : protéine kinase AMPc-dépendante ; PKC : protéine kinase C ; Raf : protéine kinase sérine/
thréonine spécifique ; TrkB : récepteur tyrosine kinase B.

patients souffrant de dépression et que cette involu- la transcription de plusieurs gènes dont celui codant
tion était souvent liée au stress chronique et à la durée le BDNF [118]. Cependant, comme nous l’avons vu
de la maladie [101]. En plus de la sérotonine, dont précédemment, de nombreuses données portant sur
le rôle important dans la plasticité synaptique hip- le mécanisme d’action des antidépresseurs pointent
pocampique a été récemment démontré, les antidé- autant une augmentation de la transmission médiée
presseurs en général, qu’ils aient ou non une action par les récepteurs 5-HT1A qui inhibent l’adény-
primaire sur la sérotonine, induisent la production de late cyclase qu’une diminution de la signalisation
facteurs trophiques comme le BDNF (brain-derived b-adrénergique qui stimule cette enzyme. En réalité,
neurotrophic factor) [98]. En outre, la stimulation l’augmentation de la phosphorylation de CREB par
du récepteur tyrosine kinase TrkB par le BDNF les antidépresseurs pourrait avoir lieu dans d’autres
déclenche au niveau cytoplasmique l’activation de types cellulaires ou via l’activation d’autres récepteurs
cascades intracellulaires, induisant des effets tro- sérotoninergiques (5-HT4,6,7), qui sont couplés posi-
phiques autant dans l’hippocampe que dans d’autres tivement à la production de l’AMPc. Récemment,
régions du cerveau [98]. des effets de type antidépresseur rapide ont été rap-
Les voies de signalisation par lesquelles les anti- portés à propos d’un agoniste des récepteurs 5-HT4
dépresseurs induisent leurs effets trophiques et une (le prucalopride) qui stimule la phosphorylation de
augmentation de la production de BDNF ne sont CREB via l’AMPc [88].
encore qu’incomplètement élucidées. Il est pos- Ces données laissent penser que les antidépres-
sible qu’elles soient directement dépendantes des seurs du futur pourraient stimuler directement soit
systèmes monoaminergiques, de la synthèse de la phosphorylation de CREB, soit la production de
l’AMPc et de l’activation de la protéine kinase A BDNF. Chez la souris, une surexpression de CREB,
en aval, qui conduisent finalement à la phospho- suite à l’administration d’un vecteur viral recombi-
rylation de CREB (cAMP response element binding nant au niveau de l’hippocampe, produit des effets
protein) (Figure 2-3A). Ce dernier facteur contrôle de type antidépresseur [29]. L’injection de BDNF

26
DES EFFETS NEUROBIOLOGIQUES AUX MÉC ANISMES D’ACTION

directement dans l’hippocampe ou dans la substance Les antidépresseurs préviennent


grise péri-aqueducale produit aussi des comporte-
l’inhibition de la neurogenèse
ments de type antidépresseur. De même, l’admi-
nistration périphérique de BDNF induit des effets hippocampique par le stress
homologues à ceux observés à la suite d’un traitement
Depuis la fin des années 1990, le dogme de l’ab-
antidépresseur ainsi qu’une augmentation des taux
sence de production de nouveaux neurones dans le
tissulaires de p-CREB, la forme active phosphorylée
cerveau adulte a été remis en cause. On sait mainte-
de CREB, et de BDNF dans l’hippocampe. De plus,
nant que de nouveaux neurones sont générés pendant
le BDNF induit aussi la phosphorylation activatrice
la vie entière au niveau de l’hippocampe autant chez
de la kinase ERK (ou MAPK) en réponse à la sti-
mulation de TrkB et à l’activation de la cascade de l’homme que chez l’animal, que la diminution de la
signalisation intracellulaire qui en dépend. La phos- neurogenèse causée par le stress chronique peut être
phorylation de la kinase ERK passe par l’activation corrigée par l’administration chronique d’antidépres-
d’une autre kinase, MEK, et il n’est donc pas éton- seurs [53, 122].
nant de constater que l’inhibition de cette dernière De fait, les données de la littérature montrent que
prévient les effets de type antidépresseur du BDNF les traitements antidépresseurs, dans leur ensemble,
(Figure 2-3B). En revanche, des souris mutantes défi- stimulent la neurogenèse hippocampique. En effet,
cientes en BDNF ou en TrkB ne présentent pas ces des traitements chroniques (de 2 ou 3 semaines) avec
réponses [26, 58]. un IMAO (tranylcypromine), un ATC (imipramine),
Chez l’homme, les taux tissulaires de BDNF sont un ISRS (fluoxétine) ou encore un IRN (réboxétine)
diminués dans le cerveau de patients suicidés ainsi que induisent une augmentation de la prolifération cellu-
dans le sérum et le plasma de patients souffrant de laire dans le gyrus denté de l’hippocampe [93, 167].
dépression majeure [83]. L’administration périphé- En outre, les antagonistes des récepteurs 5-HT7 ou les
rique soit d’un analogue du BDNF, soit d’un modu- agonistes des récepteurs 5-HT4, qui produisent des
lateur du TrkB pourrait potentiellement être utilisée effets comportementaux et électrophysiologiques de
comme traitement antidépresseur. type antidépresseur plus rapides que les antidépres-
Une sécrétion soutenue de glucocorticoïdes pour- seurs classiques, exercent aussi une influence positive
rait très vraisemblablement être en cause dans la plus précoce sur la neurogenèse [89, 106]. Cependant,
diminution des taux d’ARNm codant le BDNF dans il semblerait que l’augmentation de neurogenèse,
l’hippocampe de sujets déprimés ou suite à un stress même par ces derniers agents, implique dans tous
chronique [83, 145]. Les effets inhibiteurs du stress les cas l’activation des récepteurs 5-HT1A. En parti-
sur la production de BDNF pourraient être médiés culier, la forte prolifération de neurones induite par
par la stimulation des récepteurs 5-HT2A [165], la fenfluramine, qui libère massivement la sérotonine,
d’autant que la densité de ces récepteurs est augmen- ou par la fluoxétine est supprimée aussi bien par un
tée dans le cortex frontal des sujets à risque de mala- antagoniste sélectif des récepteurs 5-HT1A que par la
dies psychoaffectives [48]. Cependant, dans d’autres délétion génique de ces récepteurs [70]. En revanche,
régions du cerveau, comme l’hypothalamus, et dans l’administration chronique de buspirone, un ago-
l’hypophyse, l’expression de BDNF serait plutôt niste partiel des récepteurs 5-HT1A utilisé en clinique
augmentée par le stress [152]. En fait, il est difficile comme anxiolytique, augmente aussi la prolifération
d’identifier les changements de l’expression cérébrale neuronale dans l’hippocampe [54].
de BDNF qui sont directement associés aux effets Malgré la cohérence de ces données pharmacolo-
dépressiogènes du stress au regard de ceux qui inter- giques, la place et la signification de la prolifération
viennent dans les conditions physiologiques pour la cellulaire hippocampique dans les mécanismes d’ac-
gestion saine du stress. Ainsi, pour certains auteurs, tion thérapeutique des antidépresseurs sont actuel-
la dépression serait-elle associée à une dérégulation lement remises en question. Bien que les premières
plutôt qu’à un déficit de BDNF. Les traitements études aient montré un rôle central de la neuroge-
antidépresseurs permettraient une réactivation ou nèse dans l’expression comportementale d’un traite-
une plasticité des réseaux neuronaux via des chan- ment chronique aux antidépresseurs [144, 157], ce
gements de la production de BDNF permettant rôle est désormais discuté [67]. De fait, il est établi
l’adaptation comportementale la plus appropriée en aujourd’hui que le niveau de neurogenèse n’est pas
réaction à des conditions environnementales stres- corrélé à l’expression de comportements modélisant
santes [26]. la dépression comme, par exemple, le désespoir acquis

27
Pharmacologie

(learned helplessness) : dans ce cas, le stress induit non codante du gène du GR inséré dans l’orientation
une diminution identique de la prolifération cellu- antisens dans le génome de souris, et conduisant à
laire dans l’hippocampe, qu’il produise ou non des une diminution importante de l’expression cérébrale
désordres comportementaux, réductibles par des anti- des GR. Ces souris (GR impaired ou GRi) présentent
dépresseurs [172]. La neurogenèse aurait en revanche des altérations comportementales de type dépression
un lien avec l’effet anxiolytique des antidépresseurs ainsi qu’une diminution de l’expression du BDNF et
dans le novelty suppressed feeding test (NSF), un de la neurogenèse dans l’hippocampe. Tous ces effets
modèle d’inhibition néophobique de la prise alimen- sont corrigés par l’administration chronique d’ISRS
taire [144]. En accord avec cette hypothèse, d’autres [123]. Bien que la suppression de la neurogenèse n’ait
études utilisant le méthylazoxy méthanol pour stop- pas d’effet sur l’activité de base de l’axe HHS, cette
per la prolifération cellulaire montrent que cet agent intervention empêche néanmoins les antidépresseurs
cytostatique s’oppose aux effets anxiolytiques des monoaminergiques de restituer à l’hippocampe sa
antidépresseurs (dans le paradigme NSF) sans altérer capacité à réguler négativement l’axe HHS lorsque
leur capacité à réduire les manifestations comporte- les niveaux de glucocorticoïdes deviennent élevés en
mentales davantage en rapport avec la symptomato- condition de stress chronique [158].
logie dépressive (immobilité dans le test de la nage Des composés qui augmenteraient spécifiquement
forcée [FST pour forced swim test], anhédonie dans la neurogenèse hippocampique ou l’expression du
le modèle de stress chronique modéré [CMS pour BDNF pourraient éventuellement prévenir les effets
chronic mild stress]) [14]. Enfin, des études chez des à long terme du stress et de l’anxiété sur les circuits
souris mutantes dont la neurogenèse hippocampique de l’hippocampe, même si, a priori, il pourrait appa-
est invalidée [136] rapportent une forte augmentation raître plus simple de viser directement les récepteurs
des comportements d’anxiété (qui peuvent être nor- du CRF à la source de l’hypersécrétion des glucocorti-
malisés par l’administration d’une benzodiazépine, coïdes. En fait, on sait aujourd’hui que cette stratégie
comme le chlordiazépoxide), sans changement signi- est inopérante : il a en effet été montré que des anta-
ficatif des comportements de type dépression. Tous gonistes des récepteurs CRF-1 n’ont aucun potentiel
ces résultats s’accordent avec l’idée émise par J. Gray thérapeutique dans la dépression, ni dans l’anxiété
dès 1987 selon laquelle l’hippocampe jouerait un rôle [16, 33, 181].
central dans l’expression des comportements anxieux
et dans les effets anxiolytiques des benzodiazépines et
des antidépresseurs [55]. U ne nouvelle vague
Par ailleurs, compte tenu du rôle de l’hippocampe
dans la régulation de l’axe HHS du stress, on pourrait d ’ antidépresseurs ciblés
s’attendre à une influence significative du niveau d’ac- sur la neurotransmission
tivité de cet axe sur la neurogenèse hippocampique.
De fait, celle-ci diminue lors d’un stress répété avec
glutamatergique ?
des taux élevés de corticostérone dans la circulation
sanguine chez des rongeurs [93, 122]. De même, en En l’absence d’effet thérapeutique des agents agis-
clinique, comme la dépression est très souvent asso- sant spécifiquement au niveau hypothalamique, une
ciée à une hyperactivité de l’axe HHS, il existe très autre piste consiste à bloquer les effets du stress sur les
probablement une relation causale entre la diminu- systèmes excitateurs centraux. Lors d’un stress aigu, il
tion de la neurogenèse hippocampique et les taux existe une forte libération de glutamate dans plusieurs
circulants de cortisol anormalement élevés chez les aires cérébrales, mais après des stress répétés, cet effet
patients dépressifs. L’hyperactivité de l’axe HHS s’atténue, probablement du fait d’une augmentation
se traduit effectivement par une hypersécrétion de de la recapture du glutamate par les cellules gliales
cortisol sous l’action du CRF (et de la vasopressine) (astrocytes). Néanmoins, pendant des stress de type
produit dans l’hypothalamus. Elle résulte en grande dépressiogène (prolongés et inévitables), la capacité
partie d’une diminution du rétrocontrôle inhibiteur des cellules gliales (et/ou des sites de recapture) à
médié par les récepteurs des glucocorticoïdes (GR) éliminer l’excès de glutamate serait diminuée [166].
au niveau de l’hippocampe et du noyau paraventri- En accord avec cette hypothèse, une diminution du
culaire de l’hypothalamus. Cette perte du rétrocon- nombre et de la densité des cellules gliales (astrocytes)
trôle a pu être reproduite chez des souris exprimant a été rapportée dans le cortex frontolimbique de
un transgène correspondant à un fragment de la partie patients déprimés [133].

28
DES EFFETS NEUROBIOLOGIQUES AUX MÉC ANISMES D’ACTION

Dans des conditions physiologiques normales, augmentent la neurogenèse [74, 75] ainsi que les
l’activation des récepteurs glutamatergiques intrasy- taux de BDNF [3, 74] dans l’hippocampe, comme
naptiques de type NMDA et AMPA met en jeu plu- on l’observe régulièrement avec les différentes classes
sieurs voies de signalisation cellulaire qui conduisent d’antidépresseurs (voir plus haut).
à la phosphorylation de CREB et la production de La tianeptine est un composé antidépresseur et
BDNF. Au contraire, lorsque les taux extracellulaires anxiolytique qui n’a pas d’affinité agoniste ou anta-
de glutamate dépassent les limites normales, la forte goniste connue pour les récepteurs de neurotrans-
activation des récepteurs NMDA extrasynaptiques metteurs. Son mécanisme d’action primaire n’est pas
qui en résulte entraîne une baisse de la phosphoryla- vraiment identifié, mais il agit vraisemblablement
tion de CREB et de la production de BDNF. Ces via le système glutamatergique [100]. Ce composé a
dernières modifications peuvent causer l’atrophie et la quelques similitudes structurelles avec les ATC, mais
mort neuronale dans le SNC [62]. ses propriétés pharmacologiques sont différentes,
Chez l’homme, le potentiel antidépresseur de com- puisque non seulement il ne bloque pas la recapture
posés pouvant prévenir l’hyperactivation glutamater- des monoamines, mais qu’il stimule au contraire celle
gique est maintenant bien démontré. En particulier, de la sérotonine dans le cerveau du rat [46]. En rela-
plusieurs études ont montré que le riluzole, développé tion avec l’hypothèse glutamatergique de la dépres-
initialement pour le traitement de la sclérose latérale sion, des auteurs ont montré que la tianeptine, mais
amyotrophique, pouvait avoir des propriétés antidé- pas la fluoxetine, prévenait l’augmentation de la libé-
pressives. Ce composé diminue le taux extracellulaire ration de glutamate induite au niveau de l’amygdale
de glutamate en augmentant sa recapture dans les par un stress aigu [137]. Curieusement, cette aug-
astrocytes, ce qui prévient les éventuels effets neuro- mentation est bloquée par la tianeptine spécifique-
toxiques de l’acide aminé excitateur durant le stress, ment au niveau du noyau basolatéral de l’amygdale,
notamment dans le cas d’un stress dépressiogène chez mais pas dans son noyau central [137]. De plus, un
le rat [5]. La kétamine, un antagoniste des récepteurs traitement chronique, mais pas aigu, avec cet anti-
NMDA, produit aussi un effet antidépresseur appré- dépresseur augmente la phosphorylation de la sous-
ciable dès les premières heures après son administra- unité GluR1 du récepteur AMPA [159]. Enfin, la
tion [3, 92]. Son action antidépressive (mais pas son tianeptine, via ses effets multiples (et complexes) sur la
exceptionnelle rapidité) s’explique très probablement neurotransmission glutamatergique, exerce des effets
par sa capacité à prévenir l’hyperactivation des récep- positifs sur la neuroplasticité et la neurogenèse dans
teurs NMDA extrasynaptiques par le glutamate libéré l’hippocampe [100].
massivement pendant le stress.
Cependant, l’effet de type antidépresseur de la
kétamine dans le test de la nage forcée est également
bloqué par l’administration d’un antagoniste des Un antidépresseur agissant
récepteurs AMPA/kaïnate [77]. Les récepteurs AMPA sur les rythmes circadiens
ont une plus faible affinité pour le glutamate que les
récepteurs NMDA. Pour certains auteurs, l’augmen-
tation du ratio de transmission AMPA versus NMDA, Une nouvelle catégorie d’antidépresseur atypique,
qui influence finalement les phénomènes de potenti- représentée pour l’instant seulement par l’agoméla-
alisation synaptique, serait à l’origine des effets anti- tine, agirait sur les rythmes circadiens.
dépresseurs de la kétamine [92]. En faveur de cette La perturbation des rythmes circadiens est une
hypothèse, on constate que plusieurs antidépresseurs caractéristique commune chez de nombreux patients
(ATC, ISRS et IRN) augmentent l’expression des présentant des troubles de l’humeur [177]. En parti-
sous-unités des récepteurs AMPA (GluR1-GluR4) culier, les patients mélancoliques montrent des déré-
ainsi que des protéines interagissant avec ces récep- gulations circadiennes qui affectent non seulement la
teurs [92]. Ces effets au niveau des récepteurs AMPA sécrétion de la mélatonine, mais aussi celles du cor-
s’opposent à ceux observés au niveau des récepteurs tisol et de la noradrénaline [154]. On sait depuis les
NMDA puisque plusieurs types d’antidépresseurs années 1980 que l’exposition à une lumière de forte
induisent au contraire une diminution de la densité intensité au lever le matin a un effet antidépresseur
des récepteurs NMDA [150]. chez des sujets souffrant de dépression saisonnière
Enfin, il est aussi important de noter que les [86, 177]. Par ailleurs, la privation de sommeil pour-
traitements répétés avec la kétamine ou le riluzole rait aussi avoir des effets antidépresseurs chez certains

29
Pharmacologie

patients [84]. Dans un cas comme dans l’autre, l’effet Enfin, plusieurs études récentes indiquent qu’un
thérapeutique pourrait être lié à une avance de phase traitement chronique avec l’agomélatine peut aussi
de la libération de mélatonine à partir de la glande avoir des effets trophiques via le BDNF dans le cortex
pinéale. De fait, le pic important de mélatonine, nor- et l’hippocampe [24, 123]. D’ailleurs, la diminution
malement présent pendant la nuit, est absent chez les de neurogenèse hippocampique observée soit après
patients dépressifs [154] suggérant qu’un supplément un traitement au long cours avec la corticostérone,
mélatoninergique pourrait présenter un intérêt thé- soit chez les souris transgéniques GRi (qui présentent
rapeutique chez ces patients s’il est administré à un une activation tonique de l’axe HHS consécutive au
moment précis du cycle circadien. déficit induit de son rétrocontrôle) est corrigée par
L’agomélatine, composé à activité agoniste au l’administration chronique d’agomélatine [123, 132].
niveau des récepteurs mélatoninergiques MT1 et Enfin, l’agomélatine normalise aussi la survie cel-
MT2, a des effets antidépresseurs [73]. Contrairement lulaire qui peut être affaiblie en réaction à un stress
aux antidépresseurs « classiques », l’agomélatine ne dépressiogène [34].
bloque ni la recapture des monoamines, ni les MAO.
Administrée le soir, elle active les récepteurs MT1
et MT2 dans le noyau suprachiasmatique (NSC) de
l’hypothalamus, ce qui entraîne une baisse du taux
S timulations électriques
de décharge des neurones dans cette structure, véri- et magnétiques
table horloge interne pour l’individu dans son entier. du système nerveux central
La modification de phase du cycle circadien qui en
résulte conduirait à sa resynchronisation [73, 129].
Néanmoins, l’administration de mélatonine n’a ni Retour aux années 1930 :
action antidépressive, ni action anxiolytique [38]. En l’introduction
fait, l’agomélatine n’est pas seulement un agoniste des
récepteurs de cette neurohormone, mais aussi un anta- de l’électroconvulsivothérapie
goniste des récepteurs 5-HT2C, et c’est cette double
action qui sous-tendrait son efficacité antidépressive. Notre tour d’horizon des mécanismes d’action des
Comme nous l’avons vu précédemment pour d’autres traitements antidépresseurs inclut nécessairement les
antidépresseurs, le blocage des récepteurs 5-HT2C a ECT, l’un des traitements les plus anciens et les plus
pour conséquence de faciliter les neurotransmissions efficaces de la dépression. Aujourd’hui, d’autres tech-
dopaminergique et noradrénergique dans le cortex niques de stimulation innovantes comme la stimula-
frontal [103]. Le gain apporté par le blocage des récep- tion magnétique transcrânienne (SMT), la stimulation
teurs 5-HT2C concernerait aussi le potentiel anxioly- du nerf vague ou la stimulation électrique profonde
tique de l’agomélatine en conditions de stress (tests de [66] sont développées pour traiter les dépressions
conflits et d’interactions sociales) [97]. La mélatonine récurrentes, résistantes aux antidépresseurs.
est dépourvue de toute action anxiolytique, ce qui Il est difficile de décrire précisément le méca-
pourrait expliquer qu’elle n’ait pas d’effet thérapeu- nisme d’action thérapeutique des ECT, parce que
tique chez les patients anxiodépressifs [38]. leurs effets sur la physiologie du cerveau sont très
Dans le modèle de désespoir acquis chez le rongeur, nombreux. Ils produisent plusieurs adaptations
l’administration d’agomélatine induit un effet de type neuronales similaires à celles des antidépresseurs
antidépresseur, qui n’est pas reproduit par la mélato- classiques et, en outre, ils s’opposent aux effets
nine, ni par un antagoniste spécifique des récepteurs anhédoniques induits par le sevrage amphétami-
5-HT2C. Cependant, il est prévenu par la co-adminis- nique [7]. Les ECT augmentent la libération de
tration d’un antagoniste des récepteurs MT1 et MT2 noradrénaline et de sérotonine, mais cet effet ne
[13]. De même, dans le modèle du stress chronique se maintient pas dans le temps [163]. Les ECT,
inévitable, l’administration chronique d’agomélatine comme les ATC, diminuent la sensibilité des récep-
rétablit l’appétence pour le glucose (effet anti-anhé- teurs b-adrénergiques dans le cortex et l’hippo-
donie), comme c’est le cas pour les autres antidépres- campe ainsi que l’activité de la tyrosine hydroxylase
seurs. Il est intéressant de noter, en revanche, qu’un au niveau du locus cœruleus. De plus, tout comme
antagoniste mélatoninergique n’altère pas les effets de les ATC, ils sensibilisent les récepteurs 5-HT1A
type antidépresseur de la fluoxétine ou de l’imipra- post-synaptiques à l’origine des effets inhibiteurs
mine dans ce modèle [124]. de la sérotonine sur les neurones, notamment dans

30
DES EFFETS NEUROBIOLOGIQUES AUX MÉC ANISMES D’ACTION

l’hippocampe [59, 110]. Au niveau présynaptique, effets thérapeutiques de la SMT [121]. En revanche,
ils ne changent pas la sensibilité des autorécepteurs la majorité des études soulignent les effets positifs de
5-HT1A somatodendritiques ni celle des hétérorécep- la SMT sur l’activité dopaminergique qui, incidem-
teurs a2-adrénergiques qui inhibent la transmission ment, est aussi augmentée par les ECT [174]. De
sérotoninergique [111]. Contrairement aux ATC et fait, la SMT induit la libération de dopamine dans
aux antidépresseurs atypiques, les ECT augmentent le striatum et le cortex frontal, autant chez l’animal
la densité des récepteurs 5-HT2A/2C chez le rongeur, que chez l’homme [31, 68, 128]. Néanmoins, à long
ce qui pose la question de la relation de tels chan- terme, les effets de la SMT sur la synthèse de la dopa-
gements avec l’efficacité antidépressive. Cependant, mine seraient limités [79]. Il faut toutefois noter que
des études récentes par tomographie d’émission de les effets aigus de la SMT sur les niveaux de dopa-
positons (TEP) ont montré chez l’homme une dimi- mine sont aussi importants que ceux observés après
nution, plutôt qu’une augmentation, de la densité l’administration d’amphétamine [127]. Il est donc
des récepteurs 5-HT2A/2C corticaux suite à un traite- possible que les traitements par la SMT augmentent
ment par ECT [179]. Enfin, comme la kétamine, la fonction dopaminergique du circuit de récompense
les ECT induisent la phosphorylation des récepteurs au niveau corticolimbique. Cette activation survient
glutamatergiques, ce qui aurait pour conséquence probablement suite à la stimulation de neurones glu-
une diminution de la transmission médiée par les tamatergiques du cortex frontal qui projettent vers les
récepteurs NMDA et une augmentation de la trans- neurones dopaminergiques de l’ATV. De fait, une
mission AMPA [49]. Le fait que les ECT, comme activation de ces neurones a pour effet d’augmenter
les autres traitements antidépresseurs, augmentent la libération de dopamine dans des structures impli-
la production de BDNF ainsi que la neurogenèse et quées dans le circuit de la récompense comme le
suppriment l’effet délétère sur ces processus de l’ex- noyau accumbens [161].
position chronique aux glucocorticoïdes renforce
l’idée que ces phénomènes trophiques jouent un
rôle majeur dans la thérapie de la dépression [1, 64]. Stimulations électriques focalisées
On peut mettre dans cette catégorie deux types
Stimulation magnétique transcrânienne de traitements : la stimulation électrique du nerf
vague (SNV) et la stimulation électrique profonde de
Les chocs électroconvulsifs ont de nombreux effets diverses structures du télencéphale (DBS pour deep
secondaires comme la confusion post-ictale, des alté- brain stimulation).
rations transitoires de la mémoire et d’autres pro- La majorité des études invoquent le rôle des caté-
blèmes cognitifs à long terme. Il y a donc une nécessité cholamines dans les effets de la SNV [68]. Les consé-
de rendre plus spécifique ce type de traitement tout quences les plus importantes de la SNV semblent être
en conservant son efficacité. Dans ce contexte, une l’activation du noyau du tractus solitaire et du locus
technique prometteuse est la stimulation magné- cœruleus. La SNV augmente le taux de décharge des
tique transcrânienne (SMT) qui consiste à placer une neurones noradrénergiques innervant le télencéphale
bobine électromagnétique sur le scalp dans le but [57]. Une élévation du taux de décharge des neu-
d’induire des changements magnétiques rapides qui rones sérotoninergiques et de la transmission 5-HT1A
dépolarisent les neurones corticaux. Plusieurs études post-synaptique a aussi été rapportée, mais celle-ci est
cliniques montrent l’efficacité de l’application répétée probablement une conséquence indirecte de la stimu-
de SMT au niveau du cortex dorsolatéral préfrontal lation du locus cœruleus. En effet, elle est abolie par la
gauche [134]. lésion des fibres noradrénergiques. En d’autres termes,
Comme on pouvait s’y attendre, un certain nombre l’élévation du tonus sérotoninergique résulte proba-
d’effets de la SMT sont similaires à ceux des ECT : blement d’un accroissement de l’influence activatrice
diminution de la production d’AMPc stimulée par de la noradrénaline via les récepteurs a1-adrénergiques
les récepteurs b-adrénergiques [171], augmentation portés par les neurones sérotoninergiques [95].
de la transmission médiée par les récepteurs 5-HT1A La DBS bilatérale du noyau subthalamique ou du
[78]. Néanmoins, la SMT ne mettrait pas en jeu le globus pallidus (pallidum interne) a été principa-
système sérotoninergique puisqu’une déplétion de lement utilisée pour le traitement de la maladie de
tryptophane, qui induit une rechute après traitement Parkinson. Or, chez plusieurs de ces patients, des épi-
chronique avec les IMAO et les ISRS, n’altère pas les sodes dépressifs rapides et réversibles ont été décrits

31
Pharmacologie

lors de la mise en œuvre de la DBS [10]. En outre, effets antidépresseurs [151]. Il semble donc que la
une stimulation au niveau de la capsule interne réduit DBS provoque une facilitation très ciblée de la neu-
à long terme et de manière très significative les symp- rotransmission GABAergique et que cela soit à la base
tômes de troubles obsessionnels-compulsifs (TOC) de ses effets thérapeutiques.
sévères [120]. Ces études montrent que la stimulation
cérébrale peut avoir des effets majeurs sur l’humeur et
les comportements d’anxiété.
À l’opposé des effets négatifs de la DBS subtha-
C onclusion
lamique sur l’humeur, une étude récente montre la
possibilité d’utiliser la DBS avec des électrodes pla- L’histoire des antidépresseurs commence à partir
cées dans la substance blanche du cortex cingulaire des années 1950, quand pour la première fois, ont
(dont l’hyperactivité a été bien montrée par les études été introduits des composés pharmacologiques, les
d’IRM fonctionnelle lors de troubles dépressifs) pour IMAO et les ATC, ayant la capacité de se substituer
améliorer les symptômes chez des patients dépressifs aux ECT dans le traitement des symptômes sévères
résistant aux traitements pharmacologiques [99]. de la mélancolie. Les mécanismes d’action primaire
Par ailleurs, la DBS appliquée au noyau accumbens, des antidépresseurs ont été rapidement élucidés : ils
au cœur du circuit de la récompense, réduit signifi- augmentent les concentrations extracellulaires des
cativement l’état anhédonique de certains patients monoamines soit par inhibition des enzymes de
dépressifs [146]. Néanmoins, ce type de stimulation dégradation, soit par blocage des sites de recapture.
chez l’animal ne change pas les taux extracellulaires Cependant, ce n’est qu’à partir des années 1980 que
des monoamines, en particulier ceux de la dopamine les nombreuses adaptations fonctionnelles au niveau
[168]. Ce serait plutôt des changements induits de la des récepteurs et voies de signalisations noradréner-
neurotransmission GABAergique qui sous-tendraient giques et sérotoninergiques, pouvant expliquer les
les effets anxiolytiques et antidépresseurs de la DBS. effets thérapeutiques à long terme de ces psycho-
D’ailleurs, la stimulation du noyau subthala- tropes, ont été mises en évidence (Tableau 2-I). Au
mique, qui est dépressiogène autant chez l’animal vu des données convergentes ciblant en particulier
que chez l’homme, inhibe l’activité électrique des la neurotransmission sérotoninergique, l’étape sui-
neurones sérotoninergiques du raphé via l’activation vante a été le développement d’inhibiteurs sélectifs
de neurones GABAergiques. L’effet est reproduit par de la recapture de la sérotonine. En plus du blocage
l’injection locale d’un agoniste GABAA au niveau du SERT, les ISRS induisent à long terme une inac-
subthalamique et prévenu par l’administration d’un tivation des mécanismes d’autorégulation négatifs
antidépresseur sérotoninergique [162]. Il est probable (désensibilisation de récepteurs 5-HT1A, 5-HT1B/1D
que les effets thérapeutiques de la DBS résultent de et 5-HT2C) facilitant la transmission sérotoniner-
la libération de GABA au site de stimulation, comme gique. Les IRSNa, comme les ATC, inhibent aussi la
le prouvent les mesures de ce neurotransmetteur recapture de la noradrénaline, mais de manière plus
par microdialyse chez le rongeur ou dans le liquide sélective. Ils exercent une action similaire aux ISRS
céphalorachidien de patients stimulés [47]. Dans le sauf qu’ils désensibilisent également les hétérorécep-
modèle du désespoir acquis, les échecs à l’échappe- teurs a2-adrénergiques inhibiteurs de la transmission
ment qui signent l’état « dépressif » des animaux sont sérotoninergique (voir Figure 2-2D). En plus de
associés à une activation des projections glutamater- leurs effets facilitateurs sur la transmission 5-HT1A
giques de l’ATV en provenance de l’habénula laté- post-synaptique, tous ces antidépresseurs exercent
rale. Or, la DBS de cette région, vraisemblablement une influence positive sur des phénomènes neuro-
via la libération locale de GABA, inhibe l’activité des plastiques, comme la neurogenèse, sous l’action de
neurones glutamatergiques qui projettent vers l’ATV la sécrétion de BDNF. Cependant, certains de ces
et exerce des effets de type antidépresseur autant en mécanismes semblent plutôt associés à la réduction
clinique que dans des modèles animaux [87]. Par des symptômes d’anxiété ou à la gestion du stress
ailleurs, chez le rongeur, l’inactivation de la région qu’à une élévation de l’humeur. D’autres méca-
infralimbique par l’application locale d’un agoniste nismes, comme par exemple l’activation de la trans-
des récepteurs GABAA, le muscimol, produit un effet mission dopaminergique au niveau du circuit de la
de type antidépresseur et, chez l’homme, la DBS au récompense (noyau accumbens) ou la régulation du
niveau de l’aire 25 de Brodmann, qui correspond à noyau suprachiasmatique de l’hypothalamus par les
la région infralimbique du rongeur, induit aussi des agonistes mélatoninergiques, pourraient jouer des

32
DES EFFETS NEUROBIOLOGIQUES AUX MÉC ANISMES D’ACTION

Tableau 2-I. – Effets à long terme des différentes classes d’antidépresseurs sur des marqueurs de la neurotransmission
monoaminergique et de la neuroplasticité.

Autorécepteur Autorécepteur Hétérorécepteur Hétérorécepteur Tonus 5-HT1A BDNF Neurogenèse


5-HT(1A/1B) NA (a2) a2-adrénergique 5-HT2C post-synaptique

IMAO (ipro- Désensibilisé Inchangé Désensibilisé Désensibilisé Augmenté Augmenté Augmenté


niazide 1957,
phénelzine
1959…)

ATC (imipra- Inchangé Inchangé ? Bloqué Augmenté Augmenté Augmenté


mine 1957,
amitriptyline
1961…)

Antidépresseurs Inchangé Bloqué Désensibilisé Bloqué Augmenté Inchangé ?


atypiques (tra-
zodone 1971,
mirtazapine
1990…)

ISRS (fluoxétine Désensibilisé Inchangé Inchangé Désensibilisé Augmenté Augmenté Augmenté


1986, paroxé-
tine 1993…)

IRN (maprotiline Inchangé Inchangé Désensibilisé ? Augmenté Inchangé Augmenté


1980, réboxé-
tine 2007…)

IRSNA (venla- Désensibilisé Inchangé Désensibilisé ? Augmenté Augmenté Augmenté


faxine 1993,
duloxétine
2007…)

rôles plus directement en relation avec la réduction stimulation (DBS) nous apparait désormais comme
de l’anhédonie et la resynchronisation des rythmes un facilitateur local de la transmission GABAergique.
circadiens par les antidépresseurs. Une élévation du tonus GABAergique au niveau de
Sans pour autant rejeter les théories monoaminer- l’axe HHS ou dans le cortex frontal pourrait aussi
giques de la dépression, certains auteurs proposent avoir des effets bénéfiques autant dans les troubles
que l’action délétère du stress chronique et les effets anxieux que dépressifs. En outre, plusieurs procédures
neurotoxiques du glutamate dans des régions clefs récentes (stimulation électrique du nerf vague, stimu-
du système limbique pourraient être à la base des lation magnétique transcrânienne) mettent en avant
troubles de l’humeur. Des médicaments antidépres- les bénéfices d’une augmentation aiguë du tonus
seurs disponibles actuellement ciblent le système glu- catécholaminergique, comme le font les psychosti-
tamatergique, mais aucune molécule véritablement mulants. Mais ces techniques de stimulation sont le
antidépressive ou anxiolytique agissant au niveau du plus souvent invasives (à l’exception de la stimulation
CRF et de l’axe HHS n’a encore été développée. De magnétique transcrânienne), et ne peuvent pas être
façon intéressante, plusieurs des cibles des médica- envisagées pour traiter le nombre croissant de sujets
ments commercialisés avant les années 1950 pour les souffrant de troubles dépressifs et anxieux. L’avenir
problèmes dits « nerveux » se révèlent de nouveau per- semble davantage ouvert à des stratégies pharmaco-
tinentes. En effet, alors que des composés comme les logiques ciblant plus précisément les circuits neuro-
carbamates et les barbituriques avaient comme cible naux sous-tendant les symptômes spécifiques de la
principale le système GABAergique, la deep brain dépression.

33
Pharmacologie

Remerciements. Les auteurs remercient l’Inserm, 13. Bertaina-Anglade V, Drieu La Rochelle C, Boyer
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39
3
M odèles animaux
........
D. David, B. Guiard, J.-P. Guilloux et A.M. Gardier

La dépression et les troubles anxieux sont des pro- semaines) à se manifester chez l’homme [41], comme
blèmes de santé publique fréquents et invalidants chez l’animal [20]. Des expériences menées sur des
[28, 29, 47]. La dépression est responsable d’altéra- rongeurs ont montré que cette apparition tardive
tions de diverses fonctions physiologiques : le som- de l’action thérapeutique est probablement liée à la
meil, l’appétit, le métabolisme, le système nerveux nécessaire adaptation d’un type de récepteurs parti-
autonome et le système neuro-endocrinien [29]. culiers, les autorécepteurs présynaptiques inhibiteurs
Cependant, les mécanismes moléculaires et cellulaires de type 5-HT1A, qui se désensibilisent graduellement
qui sous-tendent ces troubles dépressifs sont encore après l’instauration du traitement antidépresseur
mal compris. Plusieurs hypothèses concernant l’étio- chronique [2]. Cette latence représente un problème
logie de ces pathologies ont été émises. L’hypothèse important. Ainsi, depuis plusieurs décennies, les
monoaminergique, la plus ancienne, repose sur le mêmes questions se posent-elles en recherche : existe-
fait que les médicaments antidépresseurs tels que t-il une origine commune aux pathologies anxiodé-
les inhibiteurs sélectifs de recapture de la sérotonine pressives ? Peut-on développer des antidépresseurs
(5-hydroxytryptamine [5-HT]) (ISRS) (Tableau 3-I), d’action plus rapide ?
sélectifs de la noradrénaline (IRSNa) ou inhibiteurs L’hypothèse neurotrophique de la dépression, plus
mixtes de la sérotonine et de la noradrénaline sont récente, repose sur des études approfondies effec-
efficaces dans le traitement des troubles de l’humeur tuées au cours de la dernière décennie. Celles-ci ont
et de l’anxiété [82]. mis en évidence des perturbations de la plasticité
Le tableau 3-II résume les principales classes d’anti- neuronale et de l’équilibre neurotrophique dans des
dépresseurs indiqués pour le traitement des épisodes maladies psychiatriques comme la dépression majeure
dépressifs majeurs de l’adulte. [69, 78]. La neuroplasticité correspond à un proces-
Toutefois, ces médicaments présentent plusieurs sus impliquant la production de nouvelles cellules
limites. En particulier, si ces antidépresseurs pro- (neurogenèse et gliogenèse), le développement de
duisent un blocage relativement rapide du transpor- l’arborisation dendritique neuronale accompagné de
teur de la sérotonine (SERT) in vitro, l’apparition d’un connexions synaptiques. Cette hypothèse propose que
effet de type antidépresseur in vivo est lente (plusieurs la dépression majeure est due à une diminution de la
neuroplasticité, notamment fr la neurogenèse hippo-
campique adulte, qui engendrerait des modifications
morphologiques et structurales de certaines régions
Tableau 3-I. – ISRS commercialisés en France. cérébrales (revue in [21]).
Chez les mammifères (mais aussi les oiseaux, les
DCI Nom commercial
poissons, les insectes, et d’autres espèces), le proces-
sus de neurogenèse adulte est principalement localisé
Fluvoxamine
®
Floxyfral
dans deux régions cérébrales : la zone sous-ventricu-
Fluoxétine Prozac
® laire (ZSV) et la zone sous-granulaire (ZSG) du gyrus
Paroxétine (le plus puissant) Deroxat
® dentelé de l’hippocampe. La neurogenèse hippo-
Sertraline Zoloft
® campique est possible grâce à la présence de cellules
Citalopram (le plus sélectif) Seropram
® souches dans la zone sous-granulaire du gyrus dentelé
Escitalopram Seroplex
®
40
MODÈLES ANIMAUX

Tableau 3-II. – Les principales classes d’antidépresseurs et leur structure chimique.


DCI Formule chimique Dénomination chimique

Augmentation sélective de la trans- Paroxétine F


(3S-trans)-3-[1,3-benzodioxol-5-
mission sérotoninergique O
O
yloxy) méthyl]-4-(4-fluorophé-
O
nyl)pipéridine)
CH2

N
H

Sertraline Cl (+)cis(1S,4s)-4-(3,4-
NHCH3
dichlorophényl)-1,2,3,4-tétrahy-
Cl
dro-N-méthyl-1-naphtylamine

Citalopram CN
O
1-[3-(diméthylamino)propyl]-1-(p-
CH3
fluoirophényl)-1,3-dihydro-
CH2 CH2 CH2 N
isobenzofuran-5-carbonitrile
CH3

Fluvoxamine (E)-5-méthoxy-4’-(trifluorométhyl)
CF 3 CCH2 CH2 CH2 CH2 OCH3
valérophénone-0-(2-amino-éthyl)
N oxime
OCH2 CH2 NH2

Augmentation sélective de la trans- Maprotiline CH2 CH2 CH2 NHCH3 N-méthyl-9,10-éthanoanthracène-


mission noradrénergique 9(10H)-propylamine
CH2
CH2

Désipramine H
N 5-[3-(méthylamino)propyl]-
H3 C
10,11-dihydro-5H-dibenz[b,f]
azépine
N

Augmentation des transmis- Imipramine CH3 5-[3-(diméthylamino)propyl]-


sions sérotoninergique et N 10,11-dihydro-5H-dibenz[b,f]
H3 C
noradrénergique azépine

Venlafaxine CH2 (+/-)-1-[2-(diméthylamino)-


N 1-(p-méthoxyphényl)éthyl]
CH
OH 3 cyclohexan-1-ol

CH3 O

Augmentation de la transmission Bupropion NHC(CH3 )3 (+)-2-(tert-butylamino)-3’-chloro-


dopaminergique COCHCH3 propiophénone

Cl

Agoniste des récepteurs de la méla- Agomélatine O N-[2-(7-méthoxynaphthalén-1-yl)


tonine de types 1 et 2 et antago- éthyl]acétamide
niste des récepteurs 5-HT2C de la H
sérotonine N
O

41
Pharmacologie

de l’hippocampe. Ces cellules souches évoluent en Le point fort de cette hypothèse neurotrophique de
cellules progénitrices neurales qui peuvent produire la dépression est de corréler le temps nécessaire aux
plusieurs types cellulaires du système nerveux central remodelages des structures corticolimbiques et celui
tels que des neurones, des astrocytes, des oligoden- nécessaire pour observer l’apparition des bénéfices
drocytes ou des cellules microgliales [83]. Chez les comportementaux d’un traitement antidépresseur
rongeurs, on retrouve une production d’environ chronique (2 à 3 semaines).
8 000 à 10 000 nouveaux neurones par jour [53]. Les études précliniques réalisées chez le rat et la
Sachant que le gyrus dentelé comprend approximati- souris suggèrent également une association étroite
vement un million de cellules granulaires, ce phéno- entre une altération de la neurogenèse dans l’hip-
mène est donc capable d’engendrer l’ajout quotidien pocampe adulte, la baisse des concentrations céré-
d’un peu moins de 1 p. 100 du total de cellules gra- brales d’un facteur neurotrophique, le brain-derived
nulaires. Toutefois, la proportion de néoneurones neurotrophic factor (BDNF), et un état dépressif ou
qui survivent au-delà d’un mois n’atteint pas plus de la réponse à un traitement antidépresseur. Le BDNF
50 p. 100, et cette production de nouvelles cellules est chargé d’augmenter la survie et la croissance des
pourrait s’équilibrer avec la perte quotidienne de cel- neurones hippocampiques [74]. En effet, le stress, via
lules granulaires matures. une augmentation des concentrations plasmatiques
Le processus de neurogenèse peut être divisé en de glucocorticoïdes, reconnus pour être des phéno-
quatre étapes : la phase des cellules précurseurs, une mènes majeurs de la dépression, provoque aussi bien
première phase de survie, une phase de maturation une atrophie de l’hippocampe, une augmentation de
post-mitotique et une phase tardive de survie. À par- la mort neuronale, une diminution de l’arborisation
tir d’un précurseur radial présentant des marqueurs dendritique et de la neurogenèse chez le rongeur ou le
astrocytaires (exprimant la GFAP), la neurogenèse primate (revue in [18]).
adulte progresse vers trois étapes de progéniteurs asso- L’existence de ces corrélations ne fait pas consen-
ciées à une haute activité de prolifération, puis vers sus, mais la baisse des concentrations cérébrales de
une étape de maturation post-mitotique pour enfin BDNF pourrait contribuer à l’atrophie de l’hippo-
donner une cellule granulaire [24]. Au final, la neuro- campe adulte mesurée chez des patients déprimés
genèse hippocampique adulte est à l’origine d’un seul [72]. Ainsi une diminution de la synthèse du BDNF
type neuronal : les cellules granulaires du gyrus den- et de sa signalisation provoquerait-elle des modifi-
telé. Ces cellules sont les principaux neurones excita- cations cérébrales morphologiques et fonctionnelles
teurs du gyrus dentelé qui reçoivent des connexions qui précipiteraient la survenue d’une pathologie
du cortex entorhinal et envoient leurs projections le anxiodépressive, tandis que l’augmentation de ces
long des fibres moussues de la région CA3, où elles différents marqueurs serait nécessaire aux effets
se terminent dans des structures riches en synapses et bénéfiques d’un traitement antidépresseur. La vali-
en interneurones. Elles ont un rôle excitateur sur les dation clinique de cette hypothèse est en cours. Une
cellules pyramidales de la région CA3 et les neurones augmentation de l’immunoréactivité du BDNF a
du hilus (voir la bibliographie des pionniers dans ce été décrite en post-mortem sur des tissus hippocam-
domaine, les groupes d’Elizabeth Gould à l’université piques de patients déprimés sous traitement antidé-
de Princeton [5] et de Fred Gage au Salk Institute en presseur comparés à des patients déprimés non traités
Californie [25]). L’exercice physique, l’apprentissage [8]. La mesure de la neurogenèse par IRM cérébrale
et la mémorisation, un environnement enrichi, un in vivo (et non en post-mortem) dans l’hipppo-
traitement antidépresseur, le blocage du récepteur de campe adulte a déjà été réalisée chez des volontaires
type NMDA du glutamate favoriseraient ce processus, sains [51, 62] mais, à ce jour, il n’y a pas encore de
tandis que la dépression, un stress prénatal, le vieillis- résultats publiés évaluant la neurogenèse in vivo chez
sement le diminueraient (revue in [68]). des patients déprimés.
Deux méta-analyses faites à partir d’études cliniques Pour répondre aux questions ci-dessus, il faut dis-
d’imagerie cérébrale ont pu mettre en évidence une poser de bons « outils ». Or, par le passé, la plupart
diminution du volume de l’hippocampe pendant un des études précliniques visant à préciser le mécanisme
épisode dépressif [6, 77]. Ces résultats sont corrélés d’action des antidépresseurs, ont été effectuées chez des
à d’autres études d’imageries et d’examens post-mor- animaux normaux, sains, c’est-à-dire « naïfs, non dépri-
tem indiquant des atrophies ou des pertes de neurones més ». Cette approche a donné d’importants résultats,
dans l’hippocampe et le cortex préfrontal chez les mais on peut en espérer de bien meilleurs grâce à l’uti-
patients déprimés. lisation de modèles physiopathologiques. Comprendre

42
MODÈLES ANIMAUX

la physiopathologie des troubles affectifs et leur traite- Quelques-uns de ces modèles parmi les plus per-
ment repose sur la disponibilité de modèles expérimen- tinents seront présentés dans ce chapitre. Quelques
taux qui imitent le plus précisément possible quelques exemples souligneront l’intérêt de ce type d’approches
symptômes de la maladie. Il n’existe naturellement pas expérimentales et ses bénéfices, c’est-à-dire les pro-
d’animaux se trouvant dans un « état dépressif » et, en priétés ou effets pharmacologiques qu’elles ont révélés
clinique humaine, les antidépresseurs induisent peu (par exemple, agomélatine) [67].
d’effets chez les individus sains. Il existe, d’autre part, un certain nombre de tests
Le développement de modèles animaux est néces- comportementaux permettant de « prédire l’activité
saire pour apprécier les divers aspects de la pathologie anxiolytique et/ou antidépressive d’une molécule ».
humaine, comme les changements physiologiques ou Les réponses à ces tests complètent celles que les
comportementaux, mais aussi pour comprendre la modèles animaux nous apportent. En effet, dans ce
dynamique des effets thérapeutiques. On devrait donc domaine de recherche en pharmacologie, il est impor-
évaluer de façon plus systématique les antidépresseurs, tant de faire la différence entre :
non plus chez des animaux normaux, mais dans des –– les tests comportementaux, prédictifs de l’activité
modèles animaux présentant certains symptômes des d’un antidépresseur après son administration unique
pathologies anxiodépressives. Paul Willner, entre (test de nage forcée [FST], test de suspension caudale
autres, a proposé certains critères à l’établissement [TST]) chez le rat ou la souris ;
d’un bon modèle animal de la pathologie [79] : –– les modèles animaux de dépression, qui sont des
–– une validité prédictive : les traitements efficaces modèles physiopathologiques « imparfaits » (modèles
en clinique doivent l’être dans le modèle ; de stress modéré chronique, modèle CORT, modèle
–– une validité phénoménologique : la capacité du de désespoir acquis ou learned helplessness).
modèle à induire les symptômes de la pathologie ; L’utilisation de rongeurs génétiquement manipulés
–– une validité théorique : la place du modèle par (principalement des souris) a également contribué à
rapport au cadre théorique. apporter des réponses, du moins en partie, aux ques-
Le modèle animal anxiodépressif idéal, proche de la tions concernant le mécanisme d’action des antidépres-
pathologie humaine, serait celui qui aurait comme fon- seurs. Nous en verrons également quelques exemples.
dement des causes et des symptômes identiques et répon-
drait aux mêmes traitements. Les différentes approches
utilisées en psychiatrie peuvent être regroupées en une
approche génétique, pharmacologique, comportemen-
M odèles animaux prédictifs
tale ou par lésions électriques ou chimiques. Pour cha- d ’ une activité anxiolytique /
cune de ces approches, différentes méthodes d’études antidépressive chez l ’ animal
sont proposées avec leurs forces et leurs faiblesses.
Concernant la dépression, il est difficile d’établir
un bon modèle animal, puisque, le diagnostic de la Les modèles animaux de dépression devraient
dépression majeure chez l’homme repose sur l’observa- prendre en compte le phénomène de co-occurrence
tion des comportements et des relations interperson- entre les symptômes. Comme nous l’avons décrit par
nelles et qu’un score est attribué à un questionnaire. ailleurs, la co-morbidité des troubles anxieux et dépres-
Un certain nombre de modèles de comportement ont sifs est importante. La création et la validation des
cherché à explorer la dépression en manipulant les rela- modèles animaux en psychiatrie ont été difficiles en
tions sociales chez les animaux. On peut, par exemple, raison de la complexité de modéliser des symptômes.
évoquer l’utilisation de la perturbation psychosociale Les premiers modèles animaux étaient des modèles
comme facteur déclenchant du stress, ou bien un stress induits par des agents pharmacologiques, notamment
chronique chez le mâle tupaïa adulte (Tupaia belan- par la réserpine et l’oxotrémorine. Ils ont rapidement
geri) qui consiste à faire vivre un animal subordonné laissé leur place à des modèles fondés sur un stress aigu
en présence d’un animal dominant, les deux ani- comme le test de la nage forcée (FST pour forced swim
maux étant séparés par une cloison vitrée perméable test), développé initialement par Porsolt en 1977 [66],
aux odeurs. Cette situation représente une condition ou le test de suspension caudale (TST pour tail sus-
expérimentale valable pour étudier le comportement pension test) [75]. Ces tests, plutôt que des modèles
animal ainsi que les changements neurobiologiques et prédictifs d’un phénotype dépressif, sont des tests de
endocriniens qui sous-tendent l’évolution des troubles criblage pharmacologique (voir plus loin). Par ailleurs,
liés au stress et à la dépression [30]. les antidépresseurs tels que les ISRS (escitalopram)

43
Pharmacologie

ou les ISRNa (venlafaxine) ont fait la preuve de leur Test du labyrinthe en croix surélevée
efficacité dans le traitement de l’anxiété généralisée. (elevated plus maze)
C’est la raison pour laquelle, depuis quelques années,
des modèles animaux prédictifs d’une activité anxio- Ce paradigme est un test de mesure d’un compor-
lytique, tels que le « champ ouvert » (open field) sont tement de type anxieux développé d’abord chez le rat
aussi couramment utilisé pour le criblage de nouvelles [61], puis chez la souris. Le labyrinthe situé à 50 cm
au-dessus du sol est composé de deux bras ouverts et de
molécules.
deux bras fermés reliés par une plateforme centrale, et
Dans un premier temps, nous développerons donc
éclairé par une lampe de faible puissance (20 watts). Les
les modèles animaux prédictifs d’une activité anxioly-
souris sont placées individuellement sur la plateforme
tique/antidépressive les plus couramment utilisés, puis
centrale, face à un bras ouvert, et peuvent explorer
nous insisterons sur les modèles de dépression à part librement l’ensemble du labyrinthe pendant 5 minutes.
entière puisque, dans le cas spécifique des modèles Afin de discriminer un effet anxiolytique d’un effet
animaux des troubles psychiatriques chez le rongeur, sédatif, le nombre total d’entrées dans les quatre bras
comme la dépression, il est souhaitable que le modèle est mesuré. Un phénotype anxieux se caractérise par
induise des dimensions pathologiques mesurables à une diminution du temps passé dans les bras ouverts
long terme. par rapport au temps passé dans les bras fermés [12].
L’administration d’une dose unique de benzodiazépine
augmente le temps passé dans les bras ouverts.
« Tests comportementaux » prédictifs
de l’activité anxiolytique
ou antidépressive d’un antidépresseur Test prédictif d’une activité mixte
anxiolytique/antidépressive
chez le rat ou la souris
des antidépresseurs
Test du champ ouvert (open field)
Test d’alimentation supprimée par la
Il s’agit de l’un des tests les plus utilisés en psycho- nouveauté (novelty suppressed feeding [NSF])
pharmacologie. Il est réalisé en plaçant l’animal dans
un actimètre, c’est-à-dire une cage de 1 600 cm2, Ce test induit une situation de motivations conflic-
ouverte pendant 30 minutes. Les mouvements de tuelles chez l’animal, entre celle de se diriger vers la
l’animal sont mesurés grâce à un système infrarouge nourriture et la peur de s’aventurer au centre de l’en-
[20]. L’open field est aussi un modèle animal utilisé ceinte fortement éclairée. Ce test a montré son capacité
afin de prédire l’activité de type anxiolytique d’une à mettre en évidence des changements dans le compor-
molécule. Pour cela, une aire centrale virtuelle repré- tement des rongeurs comme le rat et la souris, après
sentant un carré de 12,3 cm de côté est définie. En un traitement anxiolytique (à dose unique) et antidé-
presseur (traitement chronique) [69]. L’animal à jeun
général, les animaux présentent un haut degré d’évite-
depuis 24 heures est placé dans une cage rectangulaire
ment de l’aire centrale par rapport à la périphérie. Les
de 2 500 cm2 (50 × 50 × 20 cm). Au centre de cette
anxiolytiques de référence, les benzodiazépines, aug-
cage, on dispose un cercle blanc éclairé sur lequel on
mentent le nombre d’entrées et le temps passé dans
dépose deux granulés de nourriture. L’animal est alors
l’aire centrale. Au final, les variables mesurées dans placé dans un coin du dispositif, la tête face à la paroi,
l’open field sont l’activité ambulatoire totale, le nombre puis un chronomètre est immédiatement déclenché. On
d’entrées dans l’aire centrale, le temps passé dans le enregistre le temps de latence pour mordre manifeste-
centre de l’arène et le nombre de redressements. Ce ment le granulé de nourriture (croquer dans le granulé
modèle peut aussi être utilisé pour une mesure simple en utilisant ses pattes avant). Les animaux sont testés
de l’activité locomotrice et donc également permettre individuellement pendant une période de 10 minutes
d’interpréter un autre test, le test de la nage forcée [12, 69]. Une administration aiguë d’anxiolytique ou
par exemple, en recherchant un éventuel effet sédatif chronique d’antidépresseur réduit le temps de latence
ou hyperlocomoteur des antidépresseurs. Il est utilisé à se nourrir. À la suite de ce test, l’animal est replacé
également pour mettre en évidence l’effet anxiogé- dans sa cage afin de mesurer sa consommation de nour-
nique d’un ISRS administré à dose unique et son effet riture et vérifier que les variations du temps de latence
anxiolytique après administration chronique [11]. entre les animaux traités et ceux non traités sont dues

44
MODÈLES ANIMAUX

à l’activité anxiolytique/antidépresseur des molécules expériences de séparations maternelles infantiles chez


étudiées et non à leurs effets sur l’appétence. les primates non humains [39]. Chez le rongeur, le
stress prénatal ainsi que la résignation acquise, le
stress chronique et l’administration chronique de
Tests prédictifs d’une activité corticostérone seront développés dans cette partie. La
de type antidépresseur lésion des bulbes olfactifs est volontairement délaissée
puisque, même si ce modèle à un fort rationnel théo-
Test de nage forcée rique, sa validité de construction reste éloignée de la
(forced swimming test [FST]) pathologie humaine.
Le test de la nage forcée a été établi par Porsolt en
1977 [66] : c’est un test prédictif de l’activité des antidé-
presseurs, reconnu et fiable [63]. Il consiste à placer une Modèles fondés sur le stress
souris dans un bocal de 19 cm de diamètre et de 25 cm
de profondeur, qui est rempli d’eau à une température
Résignation apprise
de 23-25 °C. Le test dure 6 minutes et mesure le temps
d’immobilité des animaux sur les quatre dernières Certains types de dépression chez l’homme appa-
minutes. Après une période de nage d’échappement, raissent à la suite d’événements stressant au cours de
l’animal s’immobilise et adopte un comportement dit la vie. Dans cette perspective, des stress peuvent être
de désespoir. Les souris sous traitement antidépres- appliqués chez le rongeur. À l’heure actuelle, l’un des
seur (administré 30 minutes avant le test) ont classi- modèles les plus utilisés est le modèle de la résignation
quement un temps d’immobilité réduit comparés aux apprise qui consiste à soumettre l’animal à des chocs
souris non traitées. Il existe une très bonne corrélation électriques modérés imprévisibles [71]. Ce modèle
entre l’activité de type antidépresseur prédite pour une peut induire des effets après 1 à 7 jours d’exposition à
molécule par le FST chez la souris et son effet avéré plusieurs chocs. La procédure la plus utilisée consiste
en clinique, puisque 94 p. 100 des molécules dont le à effectuer de légers chocs sur la queue ou les pattes,
test montre une baisse du temps d’immobilité se sont dans des cages adaptées. Le comportement de résigna-
révélées être de futurs antidépresseurs : ce chiffre n’est tion est évalué en analysant les performances des ani-
que de 89 p. 100 pour le FST chez le rat. Cette corré- maux dans un contexte où ils peuvent s’évader et ne
lation entre l’effet antidépresseur dans le FST et l’effet pas subir de choc électrique. Les animaux subissant ce
thérapeutique n’est retrouvé dans aucun autre modèle. type de stress présentent des altérations du sommeil,
Récemment, des versions automatisées de ce test sont du poids, une diminution des comportements sexuels
apparues, utilisant le plus souvent le video-tracking. ainsi qu’une concentration élevée de corticostérone
plasmatique et de CRF.
Test de suspension caudale Un traitement antidépresseur [52] réduit la latence
(tail suspension test [TST]) chez les animaux à échapper aux chocs électriques.
De nombreuses molécules testées (benzodiazépines,
De la même façon que le test de la nage forcée, le amphétamine, caféine) ne permettent pas de contrer
test de suspension caudale développé initialement par les effets induits par ce modèle, suggérant une sélecti-
Steru et al. en 1985 [75] mesure l’immobilité chez vité d’action des antidépresseurs.
l’animal. Un scotch doux est placé au bout de la par- Malgré les avantages de ce modèle, il ne suffit pas
tie caudale de l’animal, ce qui permet de le suspendre à établir des symptômes de type dépressif persistants
par la queue à un crochet. Le crochet est relié à un après l’arrêt des chocs incontrôlables. De plus, il existe
capteur qui enregistre les variations de mouvements. une grande variabilité dans l’exécution de la procé-
L’enregistrement des données est effectué sur la dure selon les laboratoires.
période totale du test, qui dure 6 minutes.

Modèles de stress modéré chronique (CMS)


M odélisation de la dépression
chez le rongeur
chez l ’ animal
Après avoir observé chez l’animal qu’un unique
Les premiers « véritables » modèles d’états dépres- stress répété peut provoquer un comportement
sifs chez les animaux étaient construits sur des d’adaptation, on a imaginé que l’exposition à plusieurs

45
Pharmacologie

procédures de stress appliquées dans un ordre « aléa- ISRNa ou des IMAO permettent de contrer les effets
toire » pourrait être plus efficace. C’est dans ce but de ce modèle sur la préférence pour le saccharose. Ainsi,
qu’a été initialement développé le modèle de stress chez le rongeur, le modèle de CMS représente-t-il un
modéré chronique (CMS pour chronic mild stress) modèle animal de choix pour étudier aussi bien la phy-
introduit par Katz et al. [42], puis mieux développé siopathologie des troubles de l’humeur que leur traite-
par Paul Willner [80]. ment. Ce modèle possède une bonne validité prédictive,
Le CMS consiste en l’exposition de rongeurs pen- de face et de construction. Par la nature du modèle,
dant plusieurs semaines à divers paramètres de stress le CMS est actuellement le modèle le plus proche,
sociaux et environnementaux, d’intensité variable en termes de contexte environnemental du dévelop-
[79]. Le protocole initiale comprenait 3 semaines pement de la dépression majeure chez l’homme. Les
d’exposition à des chocs électriques, une immersion états comportementaux induits sont proches des symp-
dans l’eau froide, des contentions, une alternance tômes observés dans la dépression chez l’homme [37],
des cycles lumière/obscurité. On effectue ensuite des notamment une dérégulation de l’axe hypothalamo-
mesures physiques (poids corporel, prise alimentaire, hypophysaire et une augmentation des concentrations
activité locomotrice, état du pelage), biochimiques plasmatiques de corticostérone chez les animaux [34].
(concentration de corticostérone dans le plasma, De même, comme chez l’homme, les souris femelles
expression de BDNF dans le gyrus dentelé de l’hip- présentent une vulnérabilité plus importante (en fré-
pocampe, etc.) et comportementales (voir plus haut) quence et en intensité) de développement d’un phé-
pour évaluer la vulnérabilité au stress de ces animaux. notype anxiodépressif que leurs congénères mâles après
Les effets initialement notés étaient une augmentation un stress chronique modéré [10, 36, 40]. Enfin, tous
des concentrations plasmatiques de corticostérone les animaux ayant subi un CMS ne développent pas
et une diminution de la préférence pour le sucrose, un phénotype anxiodépressif, reflétant ainsi la même
suggérant que le stress pouvait être à l’origine d’un diversité des réponses comportementales et de vulnéra-
phénomène d’anhédonie. Cette série de stresseurs bilité au stress que celle observée chez l’homme.
sévères n’a pas été reconduite après les publications Ce modèle comporte en revanche deux inconvé-
originales pour des raisons d’éthique. Par la suite, nients majeurs. Le premier, pratique, est la réalisation
le CMS a été affiné afin d’obtenir les mêmes effets d’un protocole chronophage et très contraignant pour
qu’avec la séquence originale en diminuant cependant l’expérimentateur. Le second est la reproductibilité
l’intensité des événements stressants [79, 80]. Ces entre laboratoires, compte tenu des environnements et
nouveaux stress comprennent des périodes sans eau des séquences d’événements stressants qui dépendent
ou nourriture, des changements de partenaires dans la du choix de l’expérimentateur.
cage de vie, des diminutions légères de la température
ambiante. Les résultats obtenus vont dans le même
sens que ceux observés avec la séquence originale,
Modèles fondés sur les interactions sociales
notamment une diminution de la consommation de Chez l’homme, la majorité des facteurs stressants
saccharose et une dégradation de l’état du pelage. sont d’origine sociale [3] ; aussi est-il important pour
Une autre variante de ce modèle est l’UCMS (unpre- l’étude de la dépression de pouvoir disposer d’un
dictible chronic mild stress) qui conserve l’exposition modèle animal construit sur des stress sociaux. Il
des animaux à divers événements stressant légers, mais existe plusieurs modélisations utilisant les interactions
inclut une séquence aléatoire des stresseurs appliqués, sociales chez le rongeur (Tableau 3-III). Les modèles
rendant la prédictibilité du protocole impossible à anti- de défaite sociale et de séparation maternelle seront
ciper pour l’animal [19]. L’un des avantages de cette développés dans cette section.
procédure est de conserver les altérations induites plu-
sieurs semaines après l’arrêt du protocole. Ce modèle Défaite sociale
induit des modifications comparables à celles mesurées La défaite sociale est un modèle animal qui repose
chez les patients dépressifs, comprenant une diminu- sur le stress induit chez la souris ou le rat lors de la ren-
tion des comportements exploratoire, sexuel, agressif contre entre deux mâles [1]. En effet, un mâle est intro-
et de l’activité locomotrice. En opposition à ces résul- duit dans le territoire d’un autre mâle agressif. L’intrus
tats, ce modèle ne semble pas induire d’état anxieux. est rapidement attaqué et battu par le résident. Afin de
Les effets induits par le CMS peuvent être préve- favoriser le conflit, le résident est choisi pour son niveau
nus par un traitement antidépresseur chronique. Par d’agressivité et sa taille. Il est généralement issu d’une
exemple, les antidépresseurs tricycliques, les ISRS, les souche connue pour avoir un haut niveau d’agressivité

46
MODÈLES ANIMAUX

Tableau 3-III. – Effets comportementaux et neuro-endocriniens de différents modèles de stress sociaux [57].

Modèle de stress social Comportement Réponse endocrinienne Références

Isolation sociale Hyperactivité Sensibilité de la réponse de l’axe HHS Valzelli, 1973 [76]
au CRF
Instabilité sociale Diminution de l’auto-administration Hyperactivité de l’axe HHS Maccari et al., 1991
d’amphétamine et de la locomotion [48]
induite par les amphétamines
Séparation maternelle Augmentation des performances dans le Augmentation des ARNm des récep- Plotsky et Meaney,
brève Morris water maze teurs des glucocorticoïdes 1993 [65]
Augmentation de l’activité dans un Protection de l’hypercorticostéronémie
nouvel environnement par de futurs stress
Séparation maternelle Diminution des performances dans le Diminution des ARNm des récepteurs Meaney et al., 1996
prolongée Morris water maze des glucocorticoïdes [55]
Diminution de l’activité dans un nouvel Augmentation basale de corticostérone
environnement et en réponse au stress
Ulcères gastriques et réponse d’hypo-
thermie aux stress environnementaux.
Défaites sociales brèves Induction de la tolérance aux effets Libération de dopamine dans les struc- Miczek et Yoshimura,
ou prolongées analgésiques des opiacés tures mésocorticolimbiques 1982 [56]
Induction d’une sensibilité com- Aucune adaptation de la réponse de
portementale aux drogues l’axe HHS
psychostimulantes
Subordination Suppression de la réponse immunitaire Hypertrophie des glandes surrénales Davis et Christian,
chronique Diminution de l’activité 1957 [13]
Diminution de la motivation

[4]. Après plusieurs minutes d’interactions entre les ani- la troisième semaine post-natale. Cette procédure
maux, le résident et l’intrus sont séparés par une plaque induit deux éléments : les petits sont privés de soins
en plastique transparent, perméable aux odeurs. Ainsi maternels pendant une période critique pour leur
le sujet de l’expérience est-il en permanence exposé à développement physique et émotionnel. De plus, le
la présence visuelle, olfactive et auditive de l’agresseur comportement maternel devient inadapté à cause de
pendant 24 heures. Pendant plusieurs jours, l’animal ces périodes de séparation qui favorisent l’anxiété et
étudié est quotidiennement exposé à un nouvel agres- un comportement de type dépressif chez le rat [27].
seur [1]. Ce modèle permet d’établir une diminution Seule une isolation prolongée (3 à 4 h/j) permet
des interactions sociales et une anhédonie, accompa- d’induire des comportements dépressifs chez les petits
gnées de modifications endocriniennes, physiologiques dans leur vie adulte, en comparaison à de courtes
et neurobiologiques, mimant les symptômes observés séparations (15 min/j). On a noté des modifications
chez l’homme déprimé [4]. de l’axe HHS, des systèmes monoaminergiques et
Seul un traitement antidépresseur chronique, plus opioïdes centraux.
précisément la clomipramine, l’imipramine et la fluoxé-
Ce modèle est intéressant pour étudier l’impact des
tine [1], peut prévenir les effets induits par ce modèle.
événements stressants au début de la vie d’un individu
En dépit d’une bonne validité prédictive, l’inconvénient
et leurs conséquences sur l’apparition de symptômes
majeur de ce modèle est la nécessité d’une exposition
à l’âge adulte.
d’au moins 3 semaines pour obtenir un phénotype
dépressif, une exposition plus courte induisant un phé-
notype anxieux. De plus, ce modèle n’est efficace que Modèle d’injections chroniques
chez les individus mâles, jouant sur l’instinct de domi- de corticostérone
nance territoriale, prépondérant chez les rongeurs mâles.
Une alternative intéressante à ce modèle consiste
Modèle de séparation maternelle à administrer directement aux animaux un excès de
Dans ce modèle, la mère est séparée de ses petits corticostérone exogène par voie orale. Ce modèle
pendant des périodes désignées entre la première et repose sur le constat que les patients déprimés ont

47
Pharmacologie

des concentrations plasmatiques de cortisol élevées à la CORT induit une atrophie dendritique des cel-
par rapport aux volontaires sains [7]. La corticosté- lules pyramidales de l’hippocampe et une perte de
rone chez les rongeurs est l’équivalent du cortisol volume des dendrites apicaux des régions CA3 et
chez l’homme : ces hormones sont produites par les CA1 de cette région cérébrale [49]. Bien que ces effets
glandes surrénales en réponse à un stress. soient souvent réversibles après l’arrêt du stress [64],
Comme nous l’avons vu précédemment, les stress une dose ou une période d’administration de CORT
sociaux ou le stress chronique induisent des pertur- suffisamment élevée peut provoquer la mort cellu-
bations de l’axe HHS chez le rongeur. Cela se maté- laire. De la même façon, l’atrophie relevée dans le cor-
rialise par une augmentation des concentrations tex préfrontal qui apparaît dans ce modèle implique
plasmatiques en glucocorticoïdes (corticostérone). une réorganisation de l’arborisation des neurones des
Ainsi le modèle développé à partir de l’augmentation couches corticales II et III et une diminution de la
des concentrations en glucocorticoïdes par l’apport prolifération des cellules gliales et endothéliales. En
de corticostérone exogène (CORT), soit par injec- opposition aux observations cellulaires de l’hippo-
tion sous-cutanée à l’aide d’une pompe osmotique campe et du cortex préfrontal, une hypertrophie den-
ou plus simplement diluée dans l’eau de boisson ou dritique est constatée dans l’amygdale [58].
dans la nourriture, permet-il d’étudier directement Une autre forme d’altération structurale de la plas-
l’influence des glucocorticoïdes sur le développement ticité associée à la dépression concerne la diminution
d’un trouble anxiodépressif. Nous avons ainsi décrit du processus de prolifération cellulaire et de la neuro-
récemment un modèle de souris présentant un phé- genèse dans l’hippocampe adulte [12, 50]. À part l’ad-
notype anxiodépressif induit par un traitement chro- ministration chronique de CORT, d’autres modèles
nique avec de la corticostérone (souris CORT) [12]. fondés sur le stress provoquent une diminution de la
En outre, l’administration répétée de CORT prolifération et de la survie cellulaire dans l’hippo-
semble inhiber le comportement sexuel, provoque une campe de rongeurs adultes [12, 81]. Fait intéressant,
diminution de la prise de saccharose, mais également non seulement un traitement antidépresseur chro-
une diminution de la réponse à un renforcement ali- nique inverse l’inhibition de la neurogenèse hippo-
mentaire ainsi que du toilettage, tous ces paramètres campique dans le modèle CORT, mais on observe en
étant des indicateurs d’une anhédonie [12, 32, 33]. plus une réponse potentialisée. Ces observations sur
L’apparition de la dépression sans phénotype anxieux la plasticité neuronale s’intègrent dans la plus récente
est rarement référencée chez les patients, ce qui ren- hypothèse de l’étiologie de la dépression, stipulant
force les résultats obtenus dans le modèle CORT. que l’apparition d’un épisode dépressif résulterait
D’autres paramètres physiologiques indicateurs de d’une altération de la neurogenèse hippocampique
dépression sont également altérés dans ce modèle adulte (revue in [68]).
(dérégulation de l’axe HHS, poids des glandes surré- L’administration de CORT chez l’animal et chez
nales [59]). En outre, la majorité des comportements l’homme est associée à une réduction du facteur de
induits dans ce modèle est corrigée par l’administra- transcription de l’élément de réponse liant l’AMPc
tion chronique d’antidépresseurs [12, 67], supportant (CREB) [33, 64]. L’activation de CREB induit la
la validité prédictive de ce modèle préclinique de la neurogenèse hippocampique adulte tandis que son
dépression humaine. inhibition la réduit, faisant de CREB un acteur impor-
Au-delà des modifications comportementales tant de la stabilité neuronale associée au stress et à la
induites par l’administration chronique de CORT, on dépression. CREB contrôle des gènes effecteurs, eux
observe également dans ce modèle des modifications aussi impliqués dans la stabilité de la plasticité synap-
structurales liées à la plasticité neuronale. Ces chan- tique, tels que le BDNF. Comme nous l’avons vu
gements sont accompagnés d’un déficit d’apprentis- précédemment, le BDNF joue un rôle critique sur la
sage et de mémoire [54]. Plusieurs études ont mis en plasticité neuronale au cours du développement, dans
évidence que les atteintes de la plasticité se localisent la survie et la fonction des neurones [64]. L’exposition
dans les régions cérébrales clefs impliquées dans la aux glucocorticoïdes altère aussi bien CREB que le
dépression. En effet, il a été observé un remodelage BDNF dans le régions limbiques chez l’animal [33],
dendritique induit par la CORT dans l’hippocampe mais également chez les patients atteints de dépression
[49] l’amygdale [58] et le cortex préfrontal [70]. Ces [17, 22].
résultats sont également retrouvés après des études Enfin, la neuroplasiticité, notamment cette neuroge-
post-mortem de patients souffrant de dépression [44]. nèse, est un acteur central de la physiopathologie et de
En particulier, il est connu que l’exposition prolongée la réponse médicamenteuse. Il faut néanmoins garder

48
MODÈLES ANIMAUX

Tableau 3-IV. – Résumé des effets des traitements antidépresseurs sur les altérations comportementales et
neurogéniques induites par une administration chronique de corticostérone (modèle CORT).

Traitements antidépresseurs Effets comportementaux Effets neurogéniques Références

Fluoxétine Corrige l’état anxiodépressif, Augmente les différents stades David et al., 2009 [12]
mais pas les altérations du de neurogenèse, de façon
rythme circadien induites plus prononcée après un
par un traitement chronique traitement chronique à la
à la corticostérone corticostérone
Imipramine Corrige l’état anxiodépressif Non testé David et al., 2009 [12]
Réboxétine Corrige l’état anxiodépressif Non testé David et al., 2009 [12]
Agomélatine Corrige l’état anxiodépressif Corrige l’inhibition de la pro- Rainer et al., 2011 [67]
et l’altération du rythme lifération cellulaire induite
circadien induits par le par un traitement chronique
traitement chronique à la à la corticostérone
corticostérone

à l’esprit que les effets des antidépresseurs reposent sur dépression, mais surtout chez des animaux sains,
des mécanismes à la fois tributaires de la neurogenèse « non déprimés ». Afin de mieux comprendre les
et indépendants de celle-ci (Tableau 3-IV). En effet, en mécanismes physiopathologiques sous-jacents qui
abolissant la neurogenèse hippocampique par l’irradia- limitent les effets des traitements actuels des épisodes
tion aux rayons X chez ces souris CORT, l’efficacité de dépressifs majeurs et d’identifier la nature des cascades
la fluoxétine est bloquée dans certains tests comporte- moléculaires conduisant à l’installation des troubles
mentaux, mais pas dans tous [12]. En outre, nous avons comme l’anxiété et la dépression, on peut bénéfi-
identifié un certain nombre de gènes impliqués dans le cier en 2013 de la mise à disposition d’un très grand
couplage ou la signalisation cellulaire, dont l’expression nombre de souris génétiquement manipulées. Il est
est diminuée chez les souris CORT et normalisée par en effet largement reconnu que les épisodes dépres-
un traitement chronique avec de la fluoxétine. sifs majeurs résultent d’une combinaison de facteurs
Il faut cependant se rappeler que toute modélisation génétiques et environnementaux. À ce jour, plusieurs
animale d’une pathologie psychiatrique humaine pos- gènes semblent exercer chez l’homme et chez l’animal,
sède ses limites. En effet, le modèle animal fondé sur une influence plus élevée que les autres et émergent
l’administration chronique de corticostérone n’est pas de la littérature. Parmi eux, la présence d’un poly-
une simulation « réaliste » de la pathologie humaine. morphisme du transporteur de la sérotonine [45], du
Toutefois, il permet de reproduire certaines altérations récepteur 5-HT1A [46], de la tryptophane hydroxy-
comportementales et neurobiologiques semblables à lase de type 2 (TPH-2) [38] et du BDNF [9, 15,
celles observées dans la pathologie humaine. En outre, 16, 31, 35] serait associée à la survenue d’une dépres-
ce parallèle se poursuit dans la réponse aux principales sion relative au stress, ou d’une modulation des états
classes d’antidépresseurs (voir Tableau 3-IV). dépressifs et de la réponse aux tests comportemen-
Ce nouveau modèle murin offre donc des perspec- taux prédictifs de l’activité des antidépresseurs (voir
tives très intéressantes pour la recherche en neuropsy- plus haut). Il est également intéressant de noter que
chopharmacologie, notamment la possibilité d’évaluer les dépressions précoces, sévères et récurrentes [26],
des antidépresseurs agissant sur des cibles différentes comme les formes mélancoliques et atypiques, ont
afin d’affiner la compréhension de leur mécanisme une héritabilité plus importante que des syndromes
d’action centrale. mixtes ou moins sévères [43]. La part de l’héritabilité
serait plus importante dans les formes sévères ou sur-
venant précocement.
Parallèlement, il a également été démontré que, grâce
S ouris génétiquement manipulées
au modèle de la souris « résignée dite de Rouen », les
facteurs génétiques jouent un rôle clef dans l’étiologie
De nombreuses études précliniques ont déjà des comportements de type dépressif [23]. Depuis le
été effectuées dans le domaine de l’anxiété et de la début des années 1990, des modèles animaux tels que

49
Pharmacologie

des rongeurs knock-out (KO) ou transgéniques ont été modifications de poids corporel ou de prise alimen-
développés afin d’identifier les fonctions de base et les taire, pourraient représenter un bon modèle animal
comportements altérés, par exemple, lors la mutation des troubles anxiodépressifs. Dans un tel modèle,
d’un gène d’intérêt. Ces souris génétiquement mani- on peut également étudier l’augmentation des taux
pulées peuvent également fournir des informations de corticostérone plasmatique, les changements de
sur le mécanisme d’action des antidépresseurs. C’est métabolisme de la sérotonine dans les homogénats
le cas quand une mutation sélective d’un gène altère de tissus cérébraux, de l’activité électrique des neu-
les réponses des animaux à des tests neurochimiques rones sérotoninergiques dans le noyau du raphé
ou comportementaux réalisés après l’administration dorsal et les conséquences de la stimulation des
aiguë ou chronique du médicament. autorécepteurs 5-HT1A. Les variations de ces diffé-
Les premières souris KO ont été générés par rents marqueurs centraux ainsi que les réponses aux
recombinaison homologue dans le laboratoire de tests comportementaux mesurées chez les souris KO
S. Tonegawa au MIT [73]. La souris est un organisme sont comparées à celles des souris témoins de type
modèle de choix car : sauvage (WT), d’abord dans des conditions basales,
–– nombre de ses gènes ont un équivalent chez puis après un traitement aigu ou chronique avec
l’homme ; un antidépresseur. Ainsi, par exemple, différentes
–– de nombreuses fonctions biologiques et bio- lignées de souris KO présentent des dysfonction-
chimiques de la souris sont similaires à celles des nements du système sérotoninergique central et
hommes ; des troubles comportementaux comparables à ceux
–– le génome de la souris est facilement manipu- associés à la dépression endogène chez l’homme.
lable par recombinaison homologue. Les souris KO présentant des mutations des cibles
Cette technique a permis la création d’animaux en sérotoninergiques que sont le transporteur de la
rapport avec des modèles de pathologies du cerveau sérotonine (SERT), les récepteurs 5-HT1B, 5-HT1A
humain. Le fond génétique est un paramètre fonda- et 5-HT4, présentent des changements de phéno-
mental pour l’analyse du phénotype des souris KO. types ressemblant à ceux induits par un traitement
Historiquement, les souris mutantes ont été établies chronique avec des antidépresseurs chez des souris
en utilisant des cellules souches embryonnaires (ES) contrôles. Certaines de ces souris KO ont ainsi per-
de la lignée 129/Sv. Toutefois, la création de nou- mis d’identifier des gènes de susceptibilité à l’an-
velles lignées de souris mutantes sur un fond géné- xiété et la dépression.
tique C57BL/6 est maintenant préférée, même s’il Récemment, de nombreux arguments expérimen-
existe des limites à l’utilisation de cette souche dans taux ont suggéré que les antidépresseurs exercent leur
certains tests comportementaux ou des phénomènes activité comportementale chez les rongeurs adultes
compensatoires (revue in [31]). grâce à des changements cellulaires et moléculaires
La caractérisation du phénotype de ces souris KO dans l’hippocampe ainsi que dans d’autres structures
repose sur la disponibilité (et la nécessaire utilisation) cérébrales. Un traitement antidépresseur chronique
d’une large batteries de tests comportementaux permet- peut réguler l’expression d’un facteur neurotrophique,
tant l’évaluation de leur état basal de type anxieux ou le BDNF [60], et stimuler le processus de neurogenèse
dépressif, en tenant compte de la modification de l’acti- adulte dans le gyrus dentelé chez le rat [50] et la sou-
vité locomotrice. Par exemple, parmi les tests compor- ris adulte [11, 69]. Les études menées chez la souris
tementaux les plus utilisés, le FST et le TST (voir plus hétérozygotes BDNF+/– [16, 35] ainsi que chez la sou-
haut) évaluent la résignation de l’animal et permettent ris KO 5-HT1A [36] ont remarquablement contribué
de prédire le potentiel antidépresseur d’une molécule à ces connaissances.
chez les animaux KO et la sélectivité des réponses com- Les souris KO pour les cibles données en exemple
portementales par comparaison aux animaux contrôles, ci-dessus représentent une alternative à l’utilisation
non mutés : si ces réponses sont diminuées ou absentes d’outils pharmacologiques, qui représentait encore
chez les souris KO privées d’un gène codant un récep- récemment la principale approche expérimentale pour
teur de neurotransmetteur donné, on pourra conclure étudier la participation de ces transporteurs et récep-
que ce récepteur joue un rôle partiel ou majeur dans teurs de monoamines dans les troubles de l’humeur
l’effet antidépresseur de la molécule. ou dans les effets d’un traitement antidépresseur. Les
Des souris KO présentant certaines des altérations souris BDNF+/– ont également permis d’étudier les
observées chez les patients déprimés, notamment les interactions BDNF-sérotonine qui sont actuellement
perturbations des états de veille-sommeil, ou des à l’origine d’un intérêt considérable.

50
MODÈLES ANIMAUX

A pplications pharmacologiques nos résultats montrent que les effets de l’agomélatine


sur la maturation des jeunes neurones dans le gyrus
récentes
dentelé de l’hippocampe adulte sont essentiellement
la conséquence d’une augmentation de l’arborisation
Un exemple récent souligne l’intérêt d’utiliser un dendritique dans l’hippocampe ventral.
modèle animal physiopathologique des pathologies Cette étude suggère donc que l’agomélatine, qui
anxiodépressives et le bénéfice thérapeutique éventuel possède un mécanisme d’action reposant sur la syner-
d’une nouvelle molécule : on peut ainsi révéler des pro- gie entre l’agonisme mélatonergique et l’antagonisme
priétés ou effets pharmacologiques non observés chez des récepteurs 5-HT2C, offre un spectre d’action
des souris normales, saines « non déprimées » [67]. distinct des autres antidépresseurs actuellement
®
L’agomélatine (Valdoxan , S20098) possède un
mécanisme d’action mixte en agissant à la fois sur les
commercialisés.
systèmes mélatoninergique et sérotoninergique cen-
traux. Il s’avère que le rythme circadien régulé par la
mélatonine est perturbé pendant un épisode dépressif C onclusion
(revue in [14]). L’agomélatine possède des propriétés
pharmacologiques originales puisque c’est un agoniste Le traitement de la dépression et des troubles
des récepteurs de la mélatonine MT1, MT2 et un anta-
anxieux est complexe et a besoin d’être amélioré. Pour
goniste des récepteurs 5-HT2C de la sérotonine. Cette
cela, il est nécessaire de développer un plus grand
double action suggère une possibilité de contrôle
nombre de modèles animaux (principalement chez les
des troubles de l’humeur et de la réponse au stress.
Ce nouvel antidépresseur présente des propriétés rongeurs, rat ou souris) capables de reproduire cer-
antidépressive/anxiolytique dans différents modèles tains aspects des troubles antidépressifs observés chez
animaux et chez l’homme. Dans le modèle de sou- l’homme.
ris CORT anxiodépressive, dans lequel la réponse de Différents modèles animaux sont disponibles,
l’axe HHS est émoussée, l’agomélatine (10 ou 40 mg/ parmi lesquels on distingue les tests comportemen-
kg/j pendant 4 semaines), tout comme la fluoxétine taux prédictifs d’une activité anxiolytique/antidépres-
(18 mg/kg/j), est capable de contrer les altérations sive d’un médicament et les tentatives de modélisation
comportementales induites par une exposition pro- de certains symptômes d’anxiété et de dépression chez
longée à la corticostérone dans plusieurs paradigmes l’animal comme, par exemple, le stress prénatal, la
comportementaux prédictifs d’un phénotype anxiodé- résignation acquise, le stress modéré chronique et
pressif (le test du champ ouvert, le test de la nouveauté l’administration chronique de corticostérone. Le phé-
supprimant la faim et le splash test). L’agomélatine notypage des souris KO privées d’un gène codant un
se distingue de la fluoxétine, puisque que, aux deux type de récepteur de neurotransmetteur qui est la cible
doses étudiées, elle renforce les différences d’activité directe ou indirecte de l’action des antidépresseurs a
locomotrice entre les périodes de lumière/obscurité également révélé, chez certaines, la présence de symp-
chez les animaux contrôles. En outre, contrairement tômes associés à ces maladies. L’intérêt de ces modèles
à la fluoxétine, elle limite les perturbations du rythme est de mesurer des perturbations de différents mar-
circadien observées chez les animaux exposés à la cor- queurs phénotypiques neurochimiques ou comporte-
ticostérone [67].
mentaux, qui devraient régresser après administration
Afin d’approfondir les mécanismes cellulaires
chronique d’un antidépresseur.
impliqués dans les effets comportementaux de l’ago-
L’hypothèse neurotrophique, la plus récente, suggère
mélatine, nous avons étudié l’impact de ce traitement
ainsi que celui de la fluoxétine sur la neurogenèse hip- que l’augmentation de la neurogenèse hippocam-
pocampique adulte. Les deux composés sont capables pique adulte est nécessaire, mais non suffisante, à
de restaurer la diminution de la prolifération cellulaire l’apparition des effets bénéfiques des antidépresseurs
provoquée par un traitement chronique à la corticosté- noradrénergiques et/ou sérotoninergiques et mélato-
rone. De plus, l’agomélatine et la fluoxétine augmen- ninergiques. De nombreux résultats rendent crédibles
tent le nombre de cellules DCX-positives possédant le lien entre la réduction de la plasticité neuronale liée
des dendrites tertiaires chez les animaux CORT, au stress, l’activation des récepteurs de certains fac-
indiquant que ces deux antidépresseurs augmentent teurs neurotrophiques et le traitement des troubles
l’arborisation dendritique des jeunes neurones. Enfin, antidépressifs.

51
Pharmacologie

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54
4
É tudes d ’ imagerie cérébrale
........
H. Vulser et J.-L. Martinot

Au cours des vingt dernières années, de nombreuses plus fréquente est celle d’une normalisation de l’hypo-
études de neuro-imagerie ont été réalisées dans le but ou de l’hyperactivité corticale frontale. Des modifica-
de mieux comprendre les mécanismes cérébraux mis en tions métaboliques ont également été observées dans les
jeu dans la dépression et ses traitements. Les méthodes régions limbiques impliquant le cortex cingulaire sub-
utilisées sont des méthodes de neuro-imagerie ana- génual, l’amygdale, l’hippocampe, le cortex cingulaire
tomique (imagerie par résonance magnétique [IRM] postérieur et l’insula, indiquant préférentiellement une
anatomique) et surtout fonctionnelle (tomographie baisse de métabolisme lié au traitement [20].
par émission de positons [TEP], IRM fonctionnelle Ainsi des études en TEP utilisant le 18F-fluoro­
(IRMf), tomographie par émission monophotonique désoxyglucose (18F-FDG) ont montré une augmen-
[SPECT], magnéto-encéphalographie [MEG]. tation de l’activité du cortex préfrontal dorsolatéral
Ces études d’imagerie cérébrale fonctionnelle sug- (DLPFC) après 6 semaines de traitement par fluoxétine
gèrent notamment qu’il existe des anomalies du méta- [17, 19] ou après 10 semaines de traitement par ser-
bolisme cérébral basal dans la dépression. Des anomalies traline [6], ou encore une diminution du métabolisme
ont ainsi été décrites, principalement dans les régions frontal ventral sous venlafaxine et paroxétine [4].
frontales et limbiques [18]. L’anomalie la plus robuste L’efficacité des ISRS a également été mise en rela-
et la plus répliquée est une diminution de l’activité fron- tion avec des réductions du métabolisme cérébral
tale dans la dépression, bien que des hyperactivités cor- basal cingulaire et du tronc.
ticales aient aussi été rapportées [19]. Plusieurs auteurs Par ailleurs, des modifications du métabolisme
ont ainsi suggéré qu’il existerait, dans la dépression, une avant traitement seraient précurseurs de la réponse au
diminution de l’activité du cortex préfrontal dorsolatéral traitement antidépresseur.
et une augmentation dans les régions ventrales (préfron- Une étude de Mayberg et al. [16] en TEP montre
tal ventral et cortex cingulaire antérieur ventral) [4, 27]. ainsi qu’un hypermétabolisme basal du cortex cingu-
Les apports de la neuro-imagerie concernant les laire antérieur rostral (aire 24a/b de Brodmann) est
effets cérébraux de différentes modalités de traitement corrélé à une bonne réponse à 6 semaines de traite-
de la dépression : traitements antidépresseurs médica- ment antidépresseur tandis que son hypométabolisme
menteux, psychothérapies, électroconvulsivothérapie, est corrélé à une non-réponse.
stimulation magnétique transcrânienne et stimulation Dans l’étude de Little et al. [13], le métabolisme
cérébrale profonde, sont ici illustrés à partir d’études
glucidique prétraitement des sujets répondeurs était
récentes sur le sujet, sans prétendre à l’exhaustivité.
plus bas dans l’amygdale gauche, le cortex temporal
gauche et le cortex frontal bilatéral que chez les non-
T raitements antidépresseurs répondeurs. En adéquation avec cette étude, un plus
haut métabolisme basal hippocampo-amygdalien était
pharmacologiques
retrouvé chez des non-répondeurs versus des répon-
deurs et des patients contrôles par Hornig et al. dans
Dans les différentes études portant sur les traitements une étude en SPECT [9].
antidépresseurs les plus communément utilisés, il a été Un phénomène de balance corticolimbique pour-
rapporté une normalisation partielle de ces anomalies rait ainsi différencier les répondeurs des non-répon-
métaboliques par le traitement [4-5]. La description la deurs aux traitements antidépresseurs [4].

55
Pharmacologie

Cependant, les résultats des différentes études, dépression, notamment sérotoninergiques, dopami-
notamment en TEP-FDG, donnent des résultats nergiques et noradrénergiques.
contradictoires en ce qui concerne le sens du chan- Cependant la plupart des études en TEP portant
gement de métabolisme, même si les localisations sur les modifications métaboliques cérébrales induites
cérébrales impliquées restent similaires. Ainsi, pour par les antidépresseurs ont été réalisées en utili-
certaines études, un haut métabolisme basal du cortex sant le 18F-FDG dont la liaison n’est pas spécifique.
cingulaire prégénual prédirait-il une bonne réponse Quelques études en imagerie moléculaire se sont donc
au traitement antidépresseur, tandis que d’autres sug- intéressées aux récepteurs sur lesquels agissent les
gèrent, à l’inverse, une corrélation positive entre cette antidépresseurs.
réponse et un bas métabolisme basal [4]. L’étude d’Attar-Levy et al. [1] en TEP in vivo est
Ces différences pourraient s’expliquer en partie par ainsi fondée sur l’utilisation de la setoperone marquée
les différences de molécules antidépressives, comme le au 18F-fluoride, ligand présentant une haute affinité
suggèrent les études comparant les effets cérébraux de spécifique pour le récepteur 5-HT2 du cortex cérébral.
plusieurs traitements médicamenteux. Des anomalies de la fonction sérotoninergique, en
Ainsi les travaux de Ketter et al. [11] montrent particulier des récepteurs de la sérotonine 5-HT2, ont
qu’un hypermétabolisme basal paralimbique et pré- en effet été suggérées comme étant impliquées dans la
frontal est associé à une bonne réponse à la carbama- physiopathologie de la dépression avec une modifica-
zépine tandis qu’un hypométabolisme généralisé est tion de la densité des récepteurs 5-HT2 et une dimi-
associé à une bonne réponse à la nimodipine. nution du nombre de récepteurs 5-HT2 induites par
Dans l’étude de Little et al. [13], un hypermétabo- le traitement antidépresseur à long terme. Dans cette
lisme basal cérebelleux était constaté chez les répon- étude, les données d’imagerie de sept patients traités
deurs au bupropion tandis que les répondeurs à la pendant 3 semaines par clomipramine (150 mg/j) ont
venlafaxine présentaient un hypométabolisme tempo- été comparées à celles de sept sujets contrôles. Avant
ral bilatéral et des noyaux gris centraux. traitement, cette étude ne retrouve pas de différence
Il apparait ainsi à travers ces études que les traite- entre les patients et les contrôles concernant la liaison
ments antidépresseurs pharmacologiques ont tendance à la 18F-sétopérone, sauf dans le cortex frontal où la
à diminuer les altérations métaboliques observées liaison est plus basse chez les sujets déprimés. Chez
dans la dépression, même si les effets semblent différer les patients après traitement, les scores cliniques de
selon les classes médicamenteuses. dépression s’amélioraient (Montgomery-Asberg rating
Mais il faut souligner que la cinétique de norma- scale [MADRS] et Hamilton depression rating scale
lisation des modifications fonctionnelles varie pro- [HDRS]), et la liaison du 18F-sétopérone diminuait
bablement en fonction des régions cérébrales et des dans les régions corticales. Cela suggère une down-
techniques de mesure. La plupart des mesures d’acti- regulation de la densité et/ou de l’occupation des
vité régionale étaient en effet exprimées par rapport récepteurs 5-HT2 par la clomipramine.
à l’activité de l’ensemble du cerveau. Lorsque les Une réduction de la liaison du 18F-sétopérone
mesures sont modélisées selon une quantification éva- aux récepteurs 5-HT2A corticaux est retrouvée dans
luant l’activité globale, une baisse de plus de 20 p. 100 une autre étude chez de jeunes patients déprimés
du métabolisme énergétique du cerveau a été mesurée de 20 à 30 ans après 6 semaines de traitement par
au cours d’une dépression d’intensité mélancolique paroxétine [24].
[14]. Cette baisse ne régressait que très partiellement Des études en TEP et en SPECT ont également
en 1 mois, même si l’hypofrontalité relative s’amen- étudié in vivo les effets dopaminergiques des anti-
dait, et il est probable qu’il faille attendre plusieurs dépresseurs chez des sujets déprimés. Une étude en
mois avant de constater une normalisation des alté- TEP au 11C-raclopride [8] ne retrouve pas de modi-
rations cognitives [28]. Cela s’accorde bien avec la fication de la liaison aux récepteurs D2/D3 striataux
constatation empirique de la nécessité de poursuivre après 4 mois de traitement par fluoxétine, bien que
un traitement antidépresseur au moins 4 mois après la les scores cliniques soient améliorés. Cette étude
sédation des symptômes dépressifs, car une interrup- retrouve, en revanche, une augmentation de la liaison
tion prématurée expose au risque de récidive. aux récepteurs D2/D3 dans le thalamus, qui n’est pas
Ces altérations métaboliques constatées dans la retrouvée chez des patients traités par psychothérapie
dépression et modifiées par les traitements antidépres- seule.
seurs sont très probablement liées aux interactions de Les traitements antidépresseurs semblent donc bien
ces molécules avec les récepteurs impliqués dans la avoir un impact sur la densité des récepteurs et/ou la

56
ÉTUDES D’IMAGERIE CÉRÉBRALE

liaison aux récepteurs impliqués dans la dépression, L’étude de Goldapple et al. [7], également en TEP-
notamment sérotoninergiques et dopaminergiques. FDG, montre une diminution du métabolisme cortical
Les effets neuronaux du traitement médicamenteux préfrontal ventrolatéral, dorsolatéral et orbitofrontal
différeraient donc selon sa cible pharmacologique. et une augmentation du métabolisme hippocam-
L’étude de McCabe et al. [22] illustre ce propos en pique et cingulaire postérieur après une moyenne de
comparant l’action d’un inhibiteur sélectif de la séro- 26 semaines de thérapie cognitivo-comportementale.
tonine à celui d’un inhibiteur de la noradrénaline sur Il est possible que les types et degrés de dépression
l’activation cérébrale au cours des phénomènes de des patients donnant leur accord pour une évaluation
récompense et de punition. Quarante-cinq sujets sains de leur psychothérapie, incluant des mesures en ima-
ont ainsi été étudiés en IRM fonctionnelle après 7 jours gerie cérébrale, ne soient pas les mêmes que ceux des
de traitement par citalopram, réboxétine ou placebo études pharmacologiques uniquement. Il est d’autant
(randomisation en double aveugle). L’activation céré- plus remarquable que la réponse à une thérapie cogni-
brale était mesurée chez ces sujets par la mesure du tivo-comportementale ou interpersonnelle semble
signal BOLD (blood oxygen level-dependent) lors d’une donc également contemporaine de modifications
tâche de « récompense » (présentation de chocolat) et des réseaux frontolimbiques. Les effets de celles-ci
d’une tâche de « frustration » (présentation de fraises semblent principalement liés à une diminution de
moisies). L’activation cérébrale diminuait dans le stria- l’activité préfrontale [20].
tum ventral et le cortex orbitofrontal lors de la présen- Néanmoins, les résultats des différentes études en
tation de chocolat chez les sujets traités par citalopram. neuro-imagerie portant sur les effets des psychothé-
Chez les sujets traités par réboxétine, il n’y avait pas rapies dans le cadre de la dépression sont très hété-
de diminution d’activation du striatum ventral, mais rogènes. Cela s’expliquerait par le faible nombre
une augmentation de l’activité du cortex orbitofron- d’études, l’absence de randomisation entre patients
tal. La présentation de fraises moisies entraînait une traités par psychothérapie ou traitement médicamen-
réduction de l’activation du cortex orbitofrontal laté- teux dans la plupart d’entre elles, le petit nombre de
ral, commune aux deux classes médicamenteuses mais sujets ou encore les différences de type ou de durée de
plus forte pour le citalopram. Ces données sont en psychothérapie [12].
faveur d’une réduction des processus neuronaux de
réponse à la « récompense » et à la « frustration » par
les inhibiteurs sélectifs de la recapture de sérotonine.
É lectroconvulsivothérapie

Bien que l’électroconvulsivothérapie (ECT) soit un


P sychothérapies traitement très efficace sur la symptomatologie dépres-
sive, ses mécanismes d’action restent peu connus.
Il existe très peu d’études en imagerie portant sur les Quelques études récentes apportent cependant de
modifications cérébrales après traitement psychothéra- nouveaux éléments. Ainsi l’étude en TEP-FDG de
peutique. Les études réalisées portent notamment sur McCormick et al. [23] montre-t-elle une augmenta-
les thérapies interpersonnelles et les thérapies cogni- tion du métabolisme du cortex cingulaire antérieur
tivo-comportementales. Quelques données récentes subgénual ainsi que de l’hippocampe chez dix sujets
sont ici présentées. déprimés après 2 à 3 semaines de séances d’électro-
L’étude de Brody et al. en TEP-FDG [4] a retrouvé convulsivothérapie. Ces réductions de métabolisme
une diminution du métabolisme préfrontal droit et étaient corrélées à la baisse du score de l’échelle de
du cortex cingulaire antérieur ventral gauche et une dépression d’Hamilton (HDRS) [23].
augmentation du métabolisme temporal gauche après Les travaux de Yatham et al. [29] montrent des effets
12 semaines de thérapie interpersonnelle. de l’électroconvulsivothérapie sur les récepteurs 5-HT2
Dans l’étude en TEP-FDG de Kennedy et al. [10], similaires à celui des antidépresseurs. Quinze sujets
la réponse au traitement par 16 semaines de thérapie déprimés résistant au traitement antidépresseur ont été
cognitivo-comportementale était corrélée à une dimi- étudiés par TEP marquée à la 18F-sétopérone après une
nution du métabolisme glucidique dans le cortex orbi- période d’arrêt des traitements antidépresseurs d’au
tofrontal bilatéral et dans le cortex préfrontal médial moins un mois. Les effets observés après traitement par
gauche, et à une augmentation du métabolisme du ECT sont les mêmes que ceux décrits pour les traite-
cortex temporo-occipital droit. ments antidépresseurs, à savoir une baisse de la liaison

57
Pharmacologie

à la 18F-sétopérone dans les régions corticales, en lien n’étaient pas liés à des changements morphologiques.
avec une down-regulation des récepteurs 5-HT2. Cette étude retrouve par ailleurs des corrélations entre
les métabolismes du cortex orbitofrontal et de l’amyg-
dale chez les sujets déprimés résistants : corrélation
négative pour les non-répondeurs à la SMT, posi-
S timulation magnétique tive pour les répondeurs, aucune corrélation n’étant
transcrânienne retrouvée chez les sujets sains. Ces résultats suggèrent
que différents patterns d’anomalies fronto-temporo-
limbiques pourraient distinguer les répondeurs des
Les études en neuro-imagerie, notamment la TEP, non-répondeurs à la stimulation magnétique préfron-
ont également été utilisées afin de mieux comprendre tale. Des volumétries de cortex orbitofrontaux et un
les mécanismes d’action cérébraux de la stimulation métabolisme basal amygdalien préservés pourraient
magnétique transcrânienne (SMT). conditionner la réponse à la SMT.
La SMT à haute fréquence est en effet utilisée comme
traitement des sujets déprimés résistants au traitement
médicamenteux, dans le but de stimuler le cortex pré-
frontal dorsolatéral (DLPFC) gauche afin d’agir sur le
S timulation cérébrale profonde
métabolisme cérébral, altéré chez les sujets déprimés
[26]. La stimulation cérébrale profonde a été utilisée avec
Chez le sujet sain, la SMT à haute fréquence sur des résultats prometteurs chez des patients déprimés
le DLPFC a montré une modulation de l’activité résistants aux autres modalités de traitement [2].
du cortex cingulaire antérieur et des noyaux caudés Cette technique chirurgicale est notamment utilisée
[3]. Chez les sujets répondeurs à la SMT à haute fré- pour stimuler le cortex cingulaire subgénual (aire 25
quence, une étude rapporte une augmentation du flux de Brodmann), fondée sur des données convergentes
sanguin cérébral dans le cortex orbitofrontal et le cor- suggérant que cette région cérébrale était impliquée
tex cingulaire antérieur [25]. dans la tristesse et la modulation des affects négatifs.
Une étude récente de Paillère Martinot et al. [15] Une étude de Mayberg et al. [21] a étudié en TEP
montre que la réponse à la SMT chez les patients le flux sanguin cérébral avant chirurgie, puis à 3 et
résistant au traitement médicamenteux pourrait être 6 mois de la stimulation cérébrale profonde du cortex
conditionnée par différents patterns d’anomalies cingulaire subgénual. Cette étude retrouve une hype-
fronto-temporo-limbiques. Dans cette étude contrô- ractivation du cortex cingulaire subgénual (Cg25) et
lée, les images en TEP-FDG et en IRM anatomique une diminution du flux sanguin cérébral du cortex pré-
de trente et un patients déprimés résistants ont été frontal et du cortex cingulaire antérieur (Cg24) avant la
analysées avant traitement par dix séances de SMT à chirurgie. À 3 et 6 mois de la stimulation sont consta-
haute fréquence, et comparées à celles de trente-neuf tées une amélioration des scores cliniques de dépression
sujets sains. Chez les patients, dix-sept étaient répon- ainsi qu’une diminution du métabolisme du cingulaire
deurs (c’est-à-dire ont obtenu une amélioration des subgénual, de l’hypothalamus, de l’insula antérieure, du
scores cliniques de dépression d’au moins 50 p. 100), cortex frontal médial et orbitofrontal et une augmenta-
quatorze non-répondeurs. tion du métabolisme préfrontal et cingulaire postérieur.
Par rapport aux contrôles, les sujets déprimés résis- Ainsi la stimulation cérébrale profonde agit-elle,
tants (répondeurs et non répondeurs) avaient une comme les autres modalités de traitement, sur les
baisse du métabolisme glucidique dans le cortex dor- réseaux fonctionnels frontolimbiques.
solatéral, le cortex cingulaire antérieur droit et le cortex
ventrolatéral préfrontal gauche. Les non-répondeurs
présentaient en outre un hypométabolisme dans le
DLPFC gauche, le cortex cingulaire antérieur et l’in-
C onclusion
sula et un hypermétabolisme dans l’amygdale gauche.
La baisse du métabolisme a été mise en relation avec Les études en neuro-imagerie réalisées au cours de
des variations de volume de matière grise, notamment ces dernières années ont donc apporté des éclairages
dans le cortex orbitofrontal gauche et l’amygdale, originaux sur les mécanismes cérébraux mis en jeu dans
où une réduction de volume a été observée chez les les différentes modalités de traitement de la dépression.
non-répondeurs. En revanche, les hypermétabolismes Il apparaît notamment que les altérations du

58
ÉTUDES D’IMAGERIE CÉRÉBRALE

métabolisme basal présents dans la dépression, situés post-treatment with paroxetine. Psychiatry Res, 1999, 91 :
principalement dans les régions frontales et limbiques, 127-139.
semblent s’atténuer sous l’effet du traitement, quelle 5. Brody AL, Saxena S, Stoessel P et al. Regional brain
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qu’en soit la modalité. ted with either paroxetine or interpersonal therapy : preli-
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interindividuelles, des pratiques thérapeutiques et des 6. Buchsbaum MS, Wu J, Siegel BV et al. Effect of ser-
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le système frontolimbique soit ainsi étayé. 7. Goldapple K, Segal Z, Garson C et al. Modulation of
cortical-limbic pathways in major depression : treatment-
Les modifications métaboliques détaillées diffèrent
specific effects of cognitive behavior therapy. Arch Gen
néanmoins dans leurs particularités selon les méthodes Psychiatry, 2004, 61 : 34-41.
et le type de traitement utilisé. Les différentes classes 8. Hirvonen J, Hietala J, Kajander J et al. Effects of
d’antidépresseurs, notamment, semblent avoir des antidepressant drug treatment and psychotherapy on
actions différentes sur le métabolisme cérébral. striatal and thalamic dopamine D2/3 receptors in major
Les études portant sur les récepteurs impliqués dans depressive disorder studied with [11C]raclopride PET.
la physiopathologie de la dépression, principalement J Psychopharmacol, 2010, 25 : 1329-1336.
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sérotoninergiques et dopaminergiques, montrent SPECT brain imaging in treatment-resistant depression.
quelques similitudes, notamment la down-regulation Prog Neuropsychopharmacol Biol Psychiatry, 1997, 21 :
des récepteurs 5-HT2 retrouvée après traitement anti- 1097-1114.
dépresseur ou électroconvulsivothérapie. 10. Kennedy S, Konarski J, Segal Z et al. Differences in
Les hétérogénéités constatées peuvent être mises brain glucose metabolism between responders to CBT and
en lien notamment avec le faible nombre de patients venlafaxine in a 16-week randomized controlled trial. Am
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inclus dans chaque étude, l’absence de randomisation
11. Ketter TA, Kimbrell TA, George MS et al. Baseline
fréquente entre les différentes modalités de traitement cerebral hypermetabolism associated with carbamazepine
ou encore les durées de traitement différentes. response, and hypometabolism with nimodipine response
Pour chaque modalité cependant, ces études ont in mood disorders. Biol Psychiatry, 1999, 46 : 1364-1374.
permis d’observer des différences, notamment en 12. Linden DEJ. How psychotherapy changes the brain : the
termes de métabolisme basal, entre répondeurs et contribution of functional neuroimaging. Mol Psychiatry,
non-répondeurs. Ainsi la réponse au traitement serait- 11 : 528-538.
13. Little JT, Ketter TA, Kimbrell TA et al. Bupropion
elle associée à un pattern d’activation corticolimbique
and venlafaxine responders differ in pretreatment regional
qui pourrait différer selon le traitement utilisé. cerebral metabolism in unipolar depression. Biol Psychiatry,
Des recherches seront nécessaires à l’avenir pour pré- 2005, 57 : 220-228.
ciser les effets cérébraux des traitements de la dépres- 14. Martinot JL, Hardy P, Feline A et al. Left prefrontal
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60
5
M éthodes d ’ étude chez l ’ homme
........
F. Butlen-Ducuing et J.-D. Guelfi

Huit à dix années sont le plus souvent nécessaires pour La réglementation de ces recherches cliniques chez
développer un nouveau médicament. Une telle durée l’homme est encadrée en France par des textes législa-
est requise du fait des exigences scientifiques et éthiques tifs précis, la « loi Huriet » [24], réformée en 2004 suite
concernant l’obtention d’une autorisation de mise sur à la directive européenne « essais cliniques » [11]. Au
le marché d’un nouveau produit, que ce soit à l’échelle niveau international, l’ICH (International Conference
nationale par l’Agence française de sécurité sanitaire des on Harmonisation of Technical Requirements for
produits de santé (Afssaps), devenue Agence nationale Registration of Pharmaceuticals for Human Use), for-
de sécurité du médicament (ANSM) ou, à l’échelle mée notamment des instances réglementaires et des asso-
européenne, par l’EMA (European Medicines Agency). ciations d’entreprises pharmaceutiques d’Europe, du
Le présent chapitre traite des méthodes d’évaluation des Japon et des États-Unis, traite des aspects scientifiques,
médicaments antidépresseurs chez l’homme. techniques et réglementaires des mises sur le marché de
Les essais thérapeutiques chez l’homme sont précé- nouveaux médicaments dans ces trois régions.
dés d’essais précliniques (in vitro et in vivo) chez l’ani- Le programme de développement d’un nouveau
mal. Ces études préliminaires permettent d’évaluer la médicament chez l’homme inclut plusieurs milliers
qualité du traitement investigué (dossier analytique), de sujets (patients et volontaires sains) et comporte
de définir ses caractéristiques pharmacocinétiques et classiquement les quatre phases cliniques développées
également de fournir des informations pharmacody- ci-après.
namiques sur son mécanisme d’action et celui de ses
métabolites (affinité réceptologique et études de com-
portement chez l’animal). Il n’existe pas de modèles G énéralités sur les différentes
animaux spécifiques de dépression permettant une
phases de développement
extrapolation directe chez l’homme. Néanmoins, les
modèles animaux de dépression (par exemple, test de d ’ un médicament antidépresseur
la nage forcée, test de résignation apprise, test de sus-
pension caudale, stress précoce) peuvent être utilisés
pour le screening des antidépresseurs et/ou pour l’étude Essais de pharmacologie humaine
des mécanismes neurobiologiques de leurs effets. (phase I)
Enfin, les expérimentations chez l’animal permettent
de fournir des données sur certains aspects de la noci- La première phase du développement d’une molécule
vité potentielle du produit testé : études de toxicologie est appelée phase I et vise à fournir des informations
cumulée et études de génotoxicité, de cancérogenèse, sur la tolérance du médicament ainsi que de premières
de tératogenèse et de reproduction. De façon générale, données d’efficacité chez l’homme. Ces premiers essais
il est également opportun pour les médicaments psy- cliniques concernent typiquement un petit groupe de
chotropes de conduire des études précliniques sur le sujets (quelques dizaines) traités avec des doses crois-
potentiel addictogène de la substance investiguée. santes du produit testé dans une unité appropriée (ayant
Les essais cliniques chez l’homme ne débutent que reçue l’habilitation du ministère de la Santé en France).
lorsque l’on a l’assurance suffisante que la nouvelle Ces essais permettent d’identifier la première dose
molécule ne va pas représenter de danger notable. qui entraîne une manifestation clinique décelable

61
Pharmacologie

(dose minimale active) ainsi que la dose maximale ainsi que sur la nature des effets indésirables les plus
tolérée (dose au-delà de laquelle les effets secondaires fréquents à court terme.
requièrent des précautions particulières). D’autres éléments sont caractérisés au cours de ces
Les études de phase I permettent aussi de définir essais de phase II, tels que la recherche d’une augmen-
les caractéristiques pharmacocinétiques et pharma- tation de l’effet clinique en fonction de la dose, ou
codynamiques du ou des principes actifs qui consti- relation dose-effet, et d’une relation concentration
tuent le médicament testé, prérequis indispensable à circulante-effet observé.
l’utilisation rationnelle de ce dernier. Les études de Enfin, les études de pharmacocinétique chez des
pharmacocinétique fournissent en effet des données patients déprimés et dans des populations particu-
sur l’absorption (Cmax, tmax, AUC0-∞ [area under curve], lières (insuffisants rénaux ou hépatiques par exemple)
biodisponibilité), sur le volume de distribution et sur sont également poursuivies en phase II.
l’élimination (métabolisme et excrétion, métabolites, Ces essais de phase II ont généralement des résul-
polymorphisme génétique) du produit testé. Ces tats surestimés trop optimistes en raison de l’enthou-
études permettent aussi de définir la demi-vie d’élimi- siasme et des attentes conscientes ou non des patients
nation plasmatique du produit testé et de rechercher et des prescripteurs, de la fréquence des améliorations
un rapport de proportionnalité entre la dose adminis- spontanées et de la puissance de l’effet placebo. De
trée et certains paramètres pharmacocinétiques. Les plus, un double risque pèse sur les essais thérapeu-
études pharmacodynamiques précisent le mécanisme tiques précoces : d’une part, ne pas identifier comme
d’action du produit testé ainsi que sa tolérance. Enfin, antidépresseur un produit qui ne serait actif que dans
des études d’interactions pharmacologiques avec un sous-groupe particulier de déprimés et, d’autre
d’autres produits psychoactifs ainsi qu’avec la nourri- part, considérer comme antidépresseur un médica-
ture et l’alcool sont habituellement conduites lors de ment n’ayant en fait qu’une activité anxiolytique ou
la phase I. psychostimulante sans action thymo-analeptique spé-
cifique [16].
Les essais de phase II fournissent donc un certain
Essais thérapeutiques (phases II et III) nombre de données préliminaires sur le produit
testé. Cependant, l’efficacité et la tolérance de ce der-
Les essais thérapeutiques chez l’homme débutent nier devront être confirmées dans des études pivots
après la phase I de développement et l’on distingue incluant un plus grand nombre de patients, au cours
les essais thérapeutiques précoces (phase IIA précoce), d’essais multicentriques le plus souvent. Ces essais
qui ont comme objectif de déterminer la dose opti- dits de phase III visent à démontrer l’efficacité d’un
male à utiliser, et les essais thérapeutiques ultérieurs nouveau traitement par rapport à un placebo ou par
(essais de phase IIB et III) destinés à vérifier sur un rapport à un traitement de référence (traitement
plus grand nombre de patients l’efficacité du produit considéré comme le meilleur ou reconnu par l’usage,
testé. mais dont le choix doit être justifié).
Les essais thérapeutiques précoces ont lieu chez un Les groupes de traitement doivent être les plus
petit nombre de patients hospitalisés et sont conduits homogènes possibles quant au diagnostic, à l’âge, au
contre placebo (substance dénuée d’activité phar- sexe, à l’ethnie, aux facteurs socioculturels, à l’ancien-
macologique, mais perçue par le patient comme un neté des troubles et aux traitements antérieurs pour
traitement). Les études dites « preuve de concept » s’assurer d’une comparabilité suffisante. Ces essais
en phase IIA visent à démontrer que le produit testé de phase III se pratiquent chez des patients déprimés
produit l’effet clinique recherché dans une population dans les conditions aussi proches que possible des
de patients et à définir la dose optimale pour le déve- conditions habituelles d’utilisation. Ainsi les patients
loppement ultérieur en phase III. La dose minimale peuvent-ils être hospitalisés initialement. Toutefois,
efficace est définie comme la posologie entraînant un la majorité de la base de données doit concerner des
effet maximal pour un minimum d’effets secondaires. patients en ambulatoire pour permettre une meilleure
Les essais de phase II fournissent aussi des infor- généralisation des résultats.
mations sur la modalité optimale de prescription Le traitement antidépresseur testé doit être prescrit
(d’emblée ou par paliers successifs), sur l’existence isolément (monothérapie) chaque fois que cela s’avère
éventuelle d’un délai pour l’obtention d’un effet spé- possible. Au cas où une psychothérapie est conduite
cifique, (par exemple, un effet antidépresseur après un pendant l’essai clinique, une stratification par groupes
effet portant sur l’anxiété ou les troubles du sommeil) est nécessaire.

62
M É T H O D E S D ’ É T U D E C H E Z L’ H O M M E

Si cela est techniquement possible, il est souhaitable systèmes de classification et à des critères diagnostiques
de déterminer les quantités de médicament circulant opérationnels tels que ceux du Manuel diagnostique
dans le sang des patients. Le dosage des taux sanguins et statistique des troubles mentaux (DSM) publié par
apporte en effets des éléments de réponse aux ques- l’American Psychiatric Association [2, 3] ou bien ceux
tions suivantes : compliance, relation dose-réponse et de la Classification internationale des maladies (CIM)
fourchette thérapeutique. publiés par l’Organisation mondiale de la santé [41] .
Les essais de phase III contrôlés, comparatifs, en Cette sélection des patients peut néanmoins poser un
groupes parallèles, randomisés visent donc à vérifier le problème de comparabilité des résultats dû au carac-
rapport efficacité-tolérance d’un nouveau médicament tère changeant de ces classifications diagnostiques.
et à fournir des renseignements précis sur ses règles de Par exemple, avant l’implémentation du DSM-III-R
prescriptions. Précautions d’emploi et risques d’inte- [1], nombre de hiérarchies diagnostiques figuraient
ractions avec d’autres produits sont identifiés pendant dans la classification, par exemple la dépression avait
ces essais pivots de confirmation de l’efficacité d’un la préséance sur le trouble panique. Ainsi les patients
médicament antidépresseur. qui remplissaient les critères pour les deux troubles
devaient-ils être catégorisés comme dépressifs, alors
qu’aujourd’hui ces mêmes patients seraient exclus des
Essais thérapeutiques postérieurs principaux essais cliniques initiaux, étant donné que
à la commercialisation (phase IV) la présence co-morbide d’un autre trouble de l’axe I y
représente généralement un critère d’exclusion.
Les essais de phase IV (ou essais de pharmacovigi- Une plus grande homogénéité de l’échantillon peut
lance) sont des essais qui ont lieu après l’autorisation être obtenue si l’on définit l’inclusion des patients non
de mise sur le marché. Ce type d’essais cliniques seulement grâce à des critères diagnostiques standar-
permet d’avoir des données sur le médicament qui disés, mais aussi en fonction de l’obtention d’un score
n’ont pas pu être mises en évidence par les études minimal sur des échelles d’évaluation standardisées.
pré-AMM, étant donné le nombre limité de malades Ainsi est-il accepté que, pour être inclus dans un essai
traités en pré-autorisation et les caractéristiques de la clinique évaluant un médicament antidépresseur, les
population étudiée qui ne correspondent pas à l’hété- patients doivent remplir les critères diagnostiques d’un
rogénéité clinique des patients traités lorsque le pro- état dépressif majeur (ou caractérisé) et également avoir
duit est mis sur le marché. Ils ont donc pour objectif un score minimal sur une échelle de notation standar-
d’étudier la tolérance du produit sur un grand nombre disée. Dans les essais cliniques sur la dépression, les
de patients dans des conditions « naturelles » d’utilisa- échelles les plus souvent utilisées et reconnues par les
tion. Enfin, certaines études spécifiques de phase IV recommandations de l’EMA incluent l’échelle d’Ha-
peuvent avoir comme objectifs d’explorer au long milton (Hamilton depression rating scale [HDRS]) [19]
cours la qualité de vie des malades traités, le confort et l’échelle de dépression de Montgomery et Asberg
apporté par le nouveau traitement sur la qualité de (Montgomery-Asberg depression rating scale [MADRS])
vie ou encore la réalisation d’études pharmaco-écono- [27]. Un score supérieur ou égal à 18 sur l’échelle de
miques, de coût-efficacité par exemple. dépression d’Hamilton de dix-sept items (HAM-17)
Les considérations méthodologiques propres aux est généralement requis pour l’inclusion des patients
essais de phase III évaluant l’efficacité d’un médica- (dans les essais cliniques évaluant un nouveau médi-
ment antidépresseur vont à présent être développées. cament antidépresseur). Une note minimale garantit
l’existence d’une symptomatologie manifeste jugée
suffisante, mais ne garantit en rien un diagnostic, ce
D esign des essais cliniques dernier repose sur un nombre suffisant de critères diag-
nostiques présents conjointement.
de phase  III évaluant l ’ efficacité
d ’ un médicament antidépresseur
Critères de jugement
Sélection des patients Les critères d’évaluation doivent aussi être définis
avec soin car l’efficacité du médicament antidépres-
Les patients doivent être définis avec le plus de seur testé ne pourra pas être établie de façon indiscu-
précision possible. Pour ce faire, on a recours à des table s’ils sont inadéquats.

63
Pharmacologie

Le principal critère de jugement pour évaluer l’effet La MADRS apparaît globalement meilleure que
d’un traitement antidépresseur dans les essais cliniques l’échelle d’Hamilton et surtout que l’inventaire de
est l’importance de l’amélioration de la symptomato- dépression de Beck, pour évaluer l’intensité de la
logie dépressive, mesurée sur une échelle standardisée dépression [22]. D’une manière générale, la sensibi-
(c’est-à-dire l’évolution de la note entre le début et la lité au changement des échelles d’hétéréo-évaluation
fin du traitement). est supérieure à celle des autoquestionnaires. Enfin,
En outre, le taux de réponse, défini par la propor- l’inventaire des trente items de symptomatologie
tion de répondeurs (typiquement, la proportion de dépressive (IDS) qui est disponible à la fois comme
patients ayant une amélioration d’au moins 50 p. 100 une auto-évaluation (IDS-SR30) et comme une
de la note totale sur une échelle standardisée de échelle de cotation réalisée par le clinicien (IDS-C30)
dépression), contribue à documenter la pertinence a été développé pour évaluer la sévérité des épisodes
clinique du traitement investigué. Enfin, la gravité de dépressifs caractérisés [32]. Une excellente sensibilité
l’état clinique du patient peut être établie comme cri- au changement pour ce dernier instrument dans une
tère secondaire sur une échelle d’impression clinique forme à vingt-huit items a été signalée [20].
globale telle que la clinical global impression-severity Enfin, la structure factorielle de ces échelles doit
scale (CGI-S) [18]. être suffisamment stable ; les calculs effectués sur les
Il faut souligner que tous les instruments de mesure scores factoriels permettent de préciser le type d’ac-
qui visent à quantifier des données physiologiques, tion prédominant de l’antidépresseur testé : thymo-
comportementales ou psychopathologiques doivent analeptique, anxiolytique ou psychostimulant.
répondre à un certain nombre de critères de qua-
lité métrologique [17]. Une bonne adéquation de
l’échelle aux objectifs poursuivis (la fiabilité) repose Différents types d’essais évaluant
sur sa cohérence interne, c’est-à-dire son homogénéité, l’efficacité d’un nouvel antidépresseur
qui mesure le niveau moyen des corrélations entre
items (coefficient alpha de Cronbach), et aussi sur sa La durée d’un épisode dépressif est variable dans la
fidélité temporelle (test-retest) qui correspond à la sta- littérature et se situe entre 6 mois et 1 an. Une distinc-
bilité de la mesure lorsque sont comparés les résultats tion est faite entre la phase aiguë (4 à 12 semaines), la
de deux évaluations du même sujet, effectuées en deux phase de consolidation (4 mois à 1 an) et la phase de
ou plusieurs temps par le même examinateur. maintenance. À la phase aiguë, le but est la rémission
La fidélité interjuges doit aussi être vérifiée préala- des symptômes alors que l’objectif lors de la phase de
blement à l’utilisation des échelles d’évaluation, elle consolidation est la prévention des rechutes (réap-
mesure la concordance des résultats obtenus par deux parition de symptômes au cours du même épisode
ou plusieurs examinateurs qui évaluent le même sujet dépressif). Enfin, en cas de trouble dépressif récurrent,
avec la même échelle d’hétéro-évaluation (coefficient s’ajoute une phase de maintenance, lors de laquelle
kappa de Cohen). Le nombre d’évaluateurs, l’exis- l’objectif est la prévention des récidives (apparition
tence d’un entraînement suffisant à la cotation et les d’un nouvel épisode dépressif).
notes de fidélité interévaluateurs doivent être docu-
mentés dans les essais cliniques, ce qui n’est pas tou- Essais à court terme :
jours systématiquement vérifié [28].
évaluation de l’efficacité en phase aiguë
La sensibilité des instruments d’évaluation stan-
dardisés correspond à leur capacité à discriminer les Pour démontrer l’efficacité du nouvel antidépres-
troubles et leur sensibilité au changement. L’échelle seur dans le traitement de la dépression en phase
d’Hamilton différencie bien les sujets dépressifs des aiguë, des études à trois bras versus placebo et ver-
sujets contrôles, mais sa capacité à différencier dif- sus comparateur actif (un traitement antidépresseur
férents stades de gravité de la dépression est sans de référence) sont habituellement recommandées par
doute inférieure à celle de la MADRS. Sa sensibilité les instances réglementaires. À l’échelle européenne,
au changement est excellente, que ce soit sous traite- la guideline de l’EMA sur l’évaluation clinique des
ment pharmacologique ou psychologique. De plus, il médicaments dans le traitement de la dépression est
a été montré récemment qu’une version à six items de actuellement en cours de révision [12]. Elle aborde
l’échelle de dépression de Hamilton (HAM-6) aurait en particulier le design des essais cliniques dans des
une utilité dans l’évaluation de l’effet clinique des populations particulières : patients résistants au trai-
antidépresseurs [7]. tement et répondeurs partiels, mais aussi population

64
M É T H O D E S D ’ É T U D E C H E Z L’ H O M M E

pédiatrique et personnes âgées. Le développement partie de l’étude pour distinguer les symptômes d’une
d’essais cliniques sur les médicaments visant à prévenir rechute de ceux qui témoignent éventuellement d’un
les récurrences dépressives y est également encouragé. sevrage. La réponse au traitement en phase aiguë doit
L’objectif des essais à court terme doit être d’éta- être confirmée dans au moins une étude à long terme
blir la supériorité de l’antidépresseur testé par rapport de 6 mois. En effet les guides de bonne pratique cli-
au placebo ou au comparateur actif, ou au moins la nique recommandent de poursuivre un traitement
démonstration d’une balance bénéfices/risques du antidépresseur pendant 4 à 6 mois après la phase aiguë.
produit testé similaire à celle du traitement de réfé- Il a été montré que l’arrêt du traitement antidépres-
rence, lorsque les deux sont supérieurs au placebo. La seur pendant la phase de consolidation faisait courir un
durée de ces essais est autour de 6 semaines ; une durée risque très élevé de rechutes (d’environ 50 p. 100 dans
de 4 semaines est généralement considérée comme le les groupes traités par placebo versus 5 à 30 p. 100 dans
minimum indispensable pour pouvoir séparer claire- les groupes traités par un produit de référence) [15]. Le
ment un traitement actif d’un placebo. protocole de ces essais à long terme doit inclure des
La technique utilisée pour le contrôle des variables mesures spécifiques concernant en particulier le risque
non spécifiques (par exemple, l’effet placebo, l’évoluti- de suicide ainsi que la possibilité de prescrire un traite-
vité spontanée des troubles ou encore les facteurs envi- ment approprié aux patients qui s’aggravent.
ronnementaux) repose sur le traitement en parallèle de
groupes comparables (produit testé, placebo et traite- Évaluation de l’efficacité en phase de maintenance,
prévention des récidives
ment standard). Pour ne pas favoriser (consciemment
ou non) l’un des groupes, les meilleures méthodes Dans de telles études, il est important de disposer,
sont le tirage au sort (ou randomisation) des patients lors de l’inclusion des patients, du maximum d’infor-
et la prescription du traitement en double insu (ou mations disponibles sur tous les épisodes antérieurs
double aveugle), prescripteur et patient ignorant tous (dates, durée, intensité). Les critères de jugement
deux la nature du traitement administré. sont généralement exprimés en taux de patients qui
Bien que ces essais cliniques randomisés en double récidivent et/ou en temps passé en rémission avant la
insu et contrôlés contre placebo soient le moyen stan- survenue d’une récidive.
dard pour évaluer l’efficacité d’un nouveau médica- La récidive doit être définie initialement dans le
ment, le maintien du double insu n’est pas toujours protocole et correspond à une augmentation clinique-
garanti [13]. Lorsque le produit expérimental a un pro- ment significative des symptômes dépressifs, évalués
fil d’effets secondaires très distinct de celui du produit sur une échelle de notation standardisée.
de référence, le maintien de l’insu peut en effet s’avérer La durée des essais versus placebo destinés à étu-
dier l’effet d’un médicament sur la prophylaxie des
difficile. De plus, lorsque des produits administrés par
récidives dépressives est généralement d’une année.
des voies différentes ou de présentation différente sont
La rémission totale correspond généralement à une
comparés, la procédure du « double placebo » peut être
note inférieure ou égale à 7 sur l’échelle de dépression
nécessaire. En cas de non-maintien de l’insu au cours de
HAM-17. Selon certains auteurs, une note maximale
l’étude, des biais importants dans l’évaluation de l’effica-
de 2 à 3 est préférable pour parler d’une véritable
cité et de la tolérance du médicament peuvent survenir.
rémission totale.
On a pu montrer que la comparaison dans chaque
Essais à long terme groupe de traitement du nombre de patients en rémis-
Évaluation de l’efficacité en phase sion complète, sans symptôme résiduel, représentait
de consolidation-prévention des rechutes
sans doute le critère le plus strict, mais aussi le meil-
Les essais randomisés de retrait permettent de déter- leur de la qualité du résultat obtenu.
La méthodologie générale de ces essais au long
miner l’effet de la prolongation d’un traitement sur la
cours peut aussi s’appliquer au cadre nosologique par-
prévention de la rechute dépressive. Dans les essais de
ticulier des dépressions mineures et chroniques que
retrait, tous les patients ayant répondu au traitement
sont les dysthymies.
investigué continuent à recevoir celui-ci durant une
certaine période de temps, puis ce dernier est arrêté
et remplacé (retrait) par le placebo chez un certain Analyse des résultats
nombre de patients sélectionnés par randomisation
jusqu’à la survenue du critère de jugement. Une Lorsque les précautions méthodologiques détail-
attention particulière est nécessaire dans la deuxième lées précédemment ont été bien suivies et lorsque le

65
Pharmacologie

nombre de patients inclus est suffisamment impor- à interpréter car la réponse au placebo est fréquente
tant pour minimiser les risques d’erreur statistique a et importante chez les patients déprimés. En effet, des
(risque de conclure à tort à un effet du traitement études ont montré que, dans un à deux tiers des essais
antidépresseur testé devant une différence en réalité cliniques dans lesquels un traitement de référence était
due au hasard, risque de faux positifs) et b (supériorité utilisé comme troisième bras, l’effet du traitement
non mise en évidence), une comparaison statistique standard ne pouvait être distingué de celui du placebo.
des effets obtenus dans les deux groupes est possible. Pour évaluer l’efficacité d’un nouveau médicament
Pour conclure à la réalité statistique d’un résultat, il est antidépresseur, la comparaison au placebo lors d’essais
nécessaire que la différence observée entre les groupes randomisés en double insu apparaît donc scientifique-
soit statistiquement significative à un seuil inférieur ment nécessaire. La démonstration de la supériorité
ou égal à 5 p. 100 (p < 0,05). Mais une significativité sur un traitement de référence peut être considérée
statistique ne signifie pas pour autant qu’il existe une comme une preuve suffisante de l’efficacité d’un nou-
significativité clinique. Quand un effet statistique- veau médicament antidépresseur, lorsque les résultats
ment significatif est démontré de façon fiable (validité obtenus avec le produit de référence correspondent à
interne), ce résultat doit en effet être ensuite analysé ce que l’on était en droit d’attendre, compte tenu de la
en termes cliniques, en prenant en compte le but de nature de la population de déprimés concernés.
l’étude. La taille de l’effet, la précision avec laquelle L’utilisation d’un placebo reste une question contro-
cette taille est connue ainsi que l’intérêt de l’effet versée ; elle ne s’avère possible, d’un point de vue
observé pour la pratique médicale courante (représen- éthique en particulier, que si l’on s’entoure de garan-
tativité) sont les éléments sur lesquels doit être fondée ties suffisantes : essais réalisés dans des unités spécia-
l’évaluation de la pertinence clinique du nouveau trai- lisées dans lesquelles les patients font l’objet d’une
tement. Il faut noter que la pertinence de l’effet est la surveillance soutenue, non-inclusion des patients dont
principale base de l’évaluation bénéfices/risques pour la gravité de l’état ou le risque suicidaire sont jugés très
l’obtention de l’autorisation de mise sur le marché. importants, sortie précoce d’essai décidée par le pres-
Les études de phase III, pour autant qu’elles suivent cripteur en cas d’aggravation ou en cas d’insuffisance
des règles méthodologiques satisfaisantes, peuvent d’amélioration et passage à un médicament approprié
donc permettre d’évaluer l’efficacité et la tolérance [9]. C’est dans ces conditions qu’il peut être estimé
d’un nouveau traitement. Néanmoins, l’usage du pla- qu’il n’y aura pas de « perte de chances » pour les
cebo dans les essais cliniques évaluant un médicament patients inclus dans ces essais versus placebo.
antidépresseur amène des questions particulières que Enfin, il est important de souligner que l’inclusion
nous allons à présent développer. de patients relativement peu déprimés dans les essais
versus placebo augmente le risque d’avoir un effet
placebo particulièrement important, pouvant dépas-
La question du placebo ser nettement 50 p. 100 et rendant alors difficile la
mise en évidence d’une différence statistiquement
L’utilisation d’un groupe placebo permet de contrô- significative entre le placebo et le produit testé et d’un
ler des facteurs tels que l’évolution naturelle de la effet cliniquement intéressant de ce dernier. Cela a été
maladie et les effets non spécifiques d’un traitement. confirmé dans une méta-analyse récente, incluant non
L’évaluation de l’efficacité et la mise en évidence seulement des études publiées mais aussi non publiées,
d’une relation dose-effet peuvent en effet être brouil- qui a démontré que le seuil de pertinence clinique de
lées par certains effets secondaires des antidépresseurs l’efficacité des antidépresseurs versus placebo n’était
(par exemple, nausée, troubles gastro-intestinaux, atteint que pour les formes sévères de dépression
insomnie ou autres troubles du sommeil, asthénie) qui [21]. Dans cette analyse, les résultats étaient en effet
miment la symptomatologie dépressive. L’HAM-17 mesurés en fonction du seuil de pertinence clinique
est en effet une échelle pluridimensionnelle fortement fixé par le National Institute for Health and Clinical
chargée en symptômes somatiques, qui mesure donc Excellence (NICE) dans son guide de pratiques pour
à la fois les symptômes cardinaux de la dépression et la dépression : différence moyenne pondérée (DMP)
les symptômes somatiques qui peuvent ressembler à de 3 points sur l’échelle d’Hamilton correspondant à
certains des effets secondaires mentionnés précédem- une différence moyenne standardisée (DMS) de 0,50
ment [6]. pour les traitements par antidépresseurs versus placebo
De plus, dans la dépression, la comparaison entre le [29]. Cette analyse a montré que la comparaison entre
produit testé et le traitement de référence est difficile les différentes tailles d’effet mesurées statistiquement

66
M É T H O D E S D ’ É T U D E C H E Z L’ H O M M E

est à interpréter en fonction du seuil d’efficacité cli- ISRS). En outre, cela implique que changer pour un
nique choisi. Certains auteurs ont néanmoins émis traitement de la même classe pharmacologique serait
des doutes sur ce choix dichotomique d’une taille moins efficace que changer pour une autre classe.
d’effet : « efficace » ou « non efficace » [38]. Cependant, cela a été récemment mis en question par
Une analyse récente portant sur plusieurs essais les résultats du programme STAR*D (sequenced treat-
cliniques évaluant spécifiquement l’efficacité de ment alternatives to relieve depression) parrainé par le
l’escitalopram dans la dépression, a montré que le National Institute of Mental Health (NIMH) [39].
pourcentage de patients qui bénéficiaient de ce traite- Cette étude est la plus longue et la plus importante
ment était plus élevé dans le sous-groupe de patients jamais réalisée pour évaluer le traitement de la dépres-
présentant des symptômes plus sévères de dépression sion. C’est une étude d’efficacité (effectiveness) qui vise
(défini par un score à la MADRS ≥ 30) que dans le à définir, en cas de non-réponse à un traitement anti-
sous-groupe avec des symptômes moins sévères (défini dépresseur standard, quelles sont les stratégies théra-
par un score à la MADRS < 30) [35]. peutiques les plus efficaces et les mieux tolérées (choix
De façon plus générale, d’autres études ont mon- des médicaments, séquence temporelle, association).
tré que la différence d’efficacité entre les médica- Les participants ont reçu d’abord du citalopram ; si les
ments antidépresseurs et le placebo s’accroissait symptômes persistaient après 8 à 12 semaines de trai-
avec le degré de sévérité de la dépression [14]. Cette tement, jusqu’à quatre autres niveaux de traitement
différence resterait néanmoins faible, même chez les pouvaient être proposés, incluant la thérapie cognitive
patients sévèrement déprimés. Le lien entre le degré et d’autres médicaments soigneusement sélectionnés
de sévérité initiale et l’augmentation de la taille de parmi les mieux tolérés, les plus faciles à prendre et
l’effet serait apparemment attribuable à une réponse les plus fréquemment utilisés par les praticiens. Il n’y
plus faible au placebo chez les patients sévèrement avait pas de placebo dans cette étude. Les premiers
déprimés plutôt qu’à une réponse accrue au médi- résultats ont montré que les taux de rémission dimi-
cament [26]. nuaient et les taux de rechute augmentaient lorsque
plusieurs changements thérapeutiques étaient néces-
saires [33].
Les difficultés inhérentes aux essais cliniques du
É tude de l ’ efficacité traitement de la dépression résistante résident prin-
d ’ un médicament cipalement dans la définition de la population à
antidépresseur et cas particuliers inclure et dans le choix du produit de référence. Au
moins un échec thérapeutique doit être observé de
manière prospective. Différents questionnaires tels
Réponse partielle et résistance que le Massachusetts General Hospital antidepressant
treatment response questionnaire (ATRQ) peuvent
au traitement être utilisés pour évaluer de manière rétrospective
l’histoire de la maladie dépressive et les traitements
Des études suggèrent que, dans 30 à 50 p. 100 des antérieurs [10].
cas, la réponse au traitement antidépresseur initial ne La question d’un troisième bras avec un produit de
sera pas satisfaisante, quel que soit le choix de l’anti- référence est également problématique car, à l’heure
dépresseur [36]. actuelle, il n’y a pas de traitement autorisé en Europe
La résistance au traitement de la dépression majeure dans l’indication « dépression résistante ». De plus,
est définie comme l’absence d’amélioration clini- les études cliniques incluant comme troisième bras
quement significative de l’épisode dépressif malgré la sismothérapie ou des techniques de stimulation
le traitement consécutif de l’épisode avec deux anti- cérébrale posent des problèmes méthodologiques
dépresseurs de classes pharmacologiques différentes, évidents.
pendant une durée suffisante et à une posologie adé- La situation est différente pour les essais évaluant
quate [8]. Cette approche suggère que la non-réponse des produits adjuvants qui visent à augmenter l’activité
à deux composés de mécanisme d’action différent d’un antidépresseur dans une population de patients
(par exemple, un tricyclique et un inhibiteur spéci- répondeurs partiels à une monothérapie, étant donné
fique de la recapture de la sérotonine [ISRS]) est plus qu’un antipsychotique atypique, la quétiapine, a été
difficile à traiter que la non-réponse à deux composés autorisé dans cette indication et peut donc être utilisé
de mécanisme d’action similaire (par exemple, deux comme comparateur.

67
Pharmacologie

Évaluation des antidépresseurs Des données de sécurité propres à cette population


dans les troubles bipolaires doivent aussi être obtenues (effets à long terme sur
l’apprentissage, le développement, la croissance et la
Les médicaments investigués peuvent être utilisés en fonction sexuelle). De manière générale, l’usage des
monothérapie ou en association. Tout traitement par le antidépresseurs chez les enfants et les adolescents doit
lithium ou par un autre régulateur de l’humeur doit être se faire de manière particulièrement prudente et bien
arrêté avant la mise en route d’un essai clinique visant encadrée [5, 30].
à investiguer un produit en monothérapie. Un essai à
trois bras de 6 à 8 semaines, incluant à la fois un pla-
cebo et un traitement de référence, est généralement
Personnes âgées
recommandé pour démontrer l’efficacité du traitement. Comme souligné dans la guideline révisée de l’EMA
Les conférences de consensus consacrées aux traitements sur l’évaluation clinique des médicaments dans le
des troubles bipolaires proposent les stratégies suivantes traitement de la dépression, des études menées chez
pour le traitement de la dépression en phase aiguë. Dans les personnes âgées ont montré qu’il n’était pas aisé
les formes sans cycle rapide, lorsque l’état dépressif est de distinguer l’effet du placebo de celui du produit
modéré ou chez les patients pour lesquels un traitement testé, même si l’efficacité du produit avait déjà été
antidépresseur a induit un épisode maniaque, il est pré- démontrée chez des adultes plus jeunes. De plus,
férable d’utiliser un thymorégulateur seul, le lithium en l’extrapolation de la dose peut être difficile en raison
priorité. Lorsque le lithium ne peut pas être employé, de propriétés pharmacocinétiques du produit et d’une
le divalproate et la lamotrigine peuvent être envisagés sensibilité différente des personnes âgées aux proprié-
[31]. Lorsque la dépression est sévère, l’adjonction d’un tés pharmacodynamiques du produit. Par conséquent,
antidépresseur est recommandée et, dans ce cas, les inhi- des études de pharmacocinétique devraient justifier le
biteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) choix de la posologie à préconiser. En principe, deux
et le bupropion font référence. De nombreuses études approches sont possibles : l’une est l’analyse de la base
cliniques contre placebo sont en effet en faveur de l’effi- de données globale ; l’autre consiste à mener des études
cacité de différents antidépresseurs dans le traitement spécifiques contrôlées de dose-réponse versus placebo.
de la dépression unipolaire [34]. De plus, deux antipsy- En ce qui concerne la tolérance des médicaments
chotiques ont récemment émergé comme traitements antidépresseurs et des psychotropes en général, cer-
potentiels de la dépression bipolaire. De larges études tains aspects spécifiques aux personnes âgées doivent
multicentriques contrôlées versus placebo ont en effet également être pris en considération. Certains antidé-
démontré, d’une part, que la quétiapine en monothé- presseurs peuvent en effet entraîner des hypotensions
rapie ou comme traitement adjuvant pouvait être une à l’origine de chutes chez ces patients. D’autres effets
stratégie efficace [40]. D’autre part, l’efficacité de l’olan- secondaires potentiels tels qu’une hyponatrémie, une
zapine en association avec la fluoxétine a été démontrée perte de poids ou encore des interactions médica-
dans une étude contrôlée versus placebo [37] et cette menteuses peuvent représenter un sérieux problème
association est autorisée aux États-Unis. chez les patients âgés, alors que leur impact aurait été
Dans le cas particulier des épisodes dépressifs sur- moindre dans des populations plus jeunes.
venant au cours d’un trouble bipolaire, la survenue Les essais cliniques chez les personnes âgées suivent
potentielle d’un passage à un état hypomaniaque ou les recommandations de l’ICH E7 et d’un docu-
maniaque fait partie de l’étude du profil de sécurité du ment qui y a été récemment annexé, dans lequel sont
traitement investigué. décrites les particularités des essais cliniques chez les
personnes âgées (ICH E7, « Studies in support of spe-
cial populations : geriatrics » [12]).
Population pédiatrique
L’extrapolation des données d’efficacité et de sécu-
rité des adultes aux enfants et adolescents n’est pas É valuation de la tolérance
considérée comme appropriée. Les critères de juge-
dans les essais cliniques
ment doivent apprécier le changement évalué sur des
échelles validées pour l’âge. L’efficacité du traitement
en phase aiguë doit être démontrée dans un essai à Les effets secondaires doivent être présentés pour le
court terme versus placebo et comparateur actif. traitement testé, le placebo et le comparateur actif lors

68
M É T H O D E S D ’ É T U D E C H E Z L’ H O M M E

d’essais à trois bras. Les effets secondaires peuvent être D iscussion


mis en perspective de l’action présupposée du médica-
ment. Il est également important de rechercher quels
effets secondaires semblent être dose-dépendants. Des Le développement de la méthodologie scientifique
échelles visant à mesurer les événements indésirables des essais thérapeutiques en psychiatrie a été consi-
peuvent être utilisées dans les essais cliniques avec dérable au cours des cinquante dernières années, et
des médicaments psychotropes, par exemple l’échelle de nombreux médicaments antidépresseurs de méca-
Udvalg for kliniske Undersøgelser [23]. Certaines nisme d’action différent ont pu être commercialisés
données physiques doivent être systématiquement après obtention d’une autorisation de mise sur le mar-
recueillies et complétées par des tests de laboratoire ché. La démonstration d’une balance bénéfices/risques
appropriés ainsi que des examens cardiovasculaires. intrinsèque favorable par des essais cliniques contrô-
Les raisons de tous les retraits prématurés de lés, randomisés en double aveugle chez des patients
l’étude doivent être explicités (effet thérapeutique modérément déprimés est considérée comme satisfai-
sante par les instances réglementaires pour l’obtention
insuffisant, effet secondaire, retrait du consente-
d’une autorisation de mise sur le marché dans l’indi-
ment). Les événements indésirables graves entraînant
cation « traitement des épisodes dépressifs majeurs »
des sorties d’essai doivent être documentés et analy-
(c’est-à-dire caractérisés).
sés au vu de la durée du traitement, de la posologie,
Les traitements antidépresseurs modernes repré-
du temps de récupération, de l’âge et de l’ensemble
sentent, dans la plupart des cas, une stratégie thé-
des autres variables pertinentes (co-médications,
rapeutique efficace et bien tolérée dans la prise en
co-morbidités).
charge globale des patients dépressifs, comme le
Certains effets secondaires doivent particulière-
démontre d’ailleurs un rapport récent de la section
ment retenir l’attention : événements indésirables
de pharmacopsychiatrie de l’Association mondiale de
psychiatriques, en particulier suicide/tentative de
psychiatrie [4].
suicide, effets sur le temps de réaction et la conduite Cependant, il est important de souligner qu’à
automobile et gravité de la sédation. Enfin, des ce jour, il n’y a pas de médicament antidépresseur
études sur la cognition ou l’architecture du som- « idéal », c’est-à-dire dont l’action pharmacologique
meil sont également recommandées lors d’essais n’engendrerait que l’effet thérapeutique recherché,
cliniques avec un antidépresseur. Chez les enfants sans effet secondaire, car cette sélectivité est relative et
et les adolescents, une surveillance des effets sur la disparaît lorsque les doses sont augmentées. De plus,
mémoire et l’apprentissage scolaire est nécessaire. il n’existe pas actuellement de marqueurs cliniques,
Les effets sur le poids, la glycémie et le métabolisme biologiques ou issus des techniques d’imagerie céré-
lipidique doivent être mesurés et comparés avec les brale qui permettent d’individualiser les traitements
résultats obtenus avec un placebo et le traitement en fonction des patients. À cet égard, les progrès en
de référence. Une attention particulière doit être pharmacogénétique permettent néanmoins d’envisa-
accordée aux effets sur le fonctionnement sexuel et ger que des médicaments plus personnalisés puissent
la libido. Dans la population adolescente, les effets être développés à l’avenir [25].
sur la croissance et la maturation sexuelle exigent De plus, même si la généralisation de l’emploi de
une étroite surveillance. En raison de la potentielle critères diagnostiques précis et d’instruments stan-
cardiotoxicité des psychotropes et conformément dardisés d’évaluation a permis d’améliorer l’homogé-
aux recommandations ICH E14 [12], les effets néité des groupes de patients inclus dans les études et
indésirables de nature cardiovasculaire, tels que l’al- la concordance des évaluations, l’appartenance à une
longement de l’intervalle QT, doivent être particu- catégorie diagnostique ne suffit pas, en psychiatrie, à
lièrement surveillés. Dans le cas particulier des essais garantir une homogénéité suffisante des patients. À
cliniques évaluant l’augmentation de l’activité d’un ce propos, il est important de souligner que les classi-
antidépresseur par l’ajout d’un antipsychotique, la fications que nous utilisons sont perpétuellement en
recherche d’un syndrome malin des neuroleptiques révision. Ces révisions des critères diagnostiques en
doit être systématique. Lors des essais à long terme, psychiatrie sont d’indispensables nécessités, avec en
il est important d’évaluer le risque de dépendance particulier l’utilisation de critères aux qualités métro-
d’un nouvel antidépresseur ainsi que les phéno- logiques de mieux en mieux assurées, permettant
mènes de rebond et de sevrage qui peuvent survenir d’individualiser des formes cliniques de dépression
à l’arrêt du traitement. qui sont les bases des indications thérapeutiques.

69
Pharmacologie

Toutes ces évolutions indispensables et perma- plus approfondie des différentes facettes du produit
nentes représentent aussi une source de difficultés permet ainsi de mieux préciser la place qui peut être
supplémentaires pour les prescripteurs. La prescrip- donnée à ce nouveau traitement antidépresseur dans
tion des antidépresseurs en 2012-2013 se fait en effet la pratique clinique.
avec des produits ayant été testés en majorité sur des
critères retenus dans les études du début des années
2000, dans un marché où les principaux produits de
référence ont été testés, eux, antérieurement, dans Références
les années 1960-1970, sur des critères différents. Les
1. American Psychiatric Association. Diagnostic and
études sur les antidépresseurs réalisées aujourd’hui
statistical manual of mental disorders, 3rd ed. revised (DSM-
utilisent les critères retenus soit dans le DSM-IV-TR, III-R). Washington, APA, 1987. Trad. Fr. sous la direction
soit dans la CIM-10. Les essais de demain utiliseront de JD Guelfi, Paris, Masson, 1989.
soit les critères du DSM-5 (à partir de 2013), soit 2. American Psychiatric Association. Diagnostic and
ceux de la CIM-11 dont la publication est prévue en Statistical Manual of Mental Disorders, 4th Ed. (DSM-IV),
2015. Or il est vraisemblable que le DSM-5 ajoutera Washington DC, 1994. Traduction française sous la direc-
tion de JD Guelfi et al, Paris, Masson, 1996.
une perspective plus dimensionnelle que l’approche
3. American Psychiatric Association. Diagnostic and
strictement catégorielle actuelle. Ces changements statistical manual of mental disorders, 4th ed., text revised
auront des conséquences (avantages et inconvé- (DSM-IV-TR), Washington, APA, 2000. Trad. fr. sous la
nients) pour la méthodologie et l’évaluation des direction de JD Guelfi et MA Crocq, Paris, Masson, 2003.
essais cliniques en psychiatrie. L’impact des modifi- 4. Baghai TC, Blier P, Baldwin DS et al. General and
cations des critères diagnostiques sur les populations comparative efficacy and effectiveness of antidepressants in
traitées représente une donnée très peu étudiée sur le the acute treatment of depressive disorders : a report by the
WPA section of pharmacopsychiatry. Eur Arch Psychiatry
plan scientifique, entre autres par manque de recul Clin Neurosci, 2011, 261 (Suppl. 3) : 207-245.
temporel suffisant. 5. Bailly D. Benefits and risks of using antidepressants in child-
Enfin, il est également important de souligner ren and adolescents. Expert Opin Drug Saf, 2008, 7 : 9-27.
que les malades inclus dans les essais cliniques repré- 6. Bech P, Boyer JM, Germain K. HAM-17 and HAM-6
sentent un groupe très sélectionné de patients. En sensitivity to change in relation to desvenlafaxine dose and
particulier, ils ne présentent pas de risque suicidaire baseline depression severity in major depressive disorder.
Pharmacopsychiatry, 2010, 43 : 271-276.
considéré comme important, n’ont pas de patholo-
7. Bech P, Fava M, Trivedi MH et al. Factor structure and
gies co-morbides et sont à risque d’avoir une réponse dimensionality of the two depression scales in STAR*D
au placebo supérieure à celle de patients plus sévère- using level 1 datasets. J Affect Disord., 2011, 132 :
ment déprimés. Or plus les patients sont sélectionnés 396-400.
de façon stricte, moins ils sont représentatifs de la 8. Berlim MT, Turecki G. Definition, assessment, and sta-
population générale des déprimés et plus les résultats ging of treatment-resistant refractory major depression : a
sont difficiles à généraliser. Néanmoins, il convient review of current concepts and methods. Can J Psychiatry,
2007, 52 : 46-54.
d’insister sur le fait que les essais contrôlés randomi- 9. Comité national d’Éthique. Avis sur l’utilisation de
sés restent, à ce jour, l’outil standard pour démontrer placebo dans les essais thérapeutiques d’antidépresseurs,
l’efficacité et la tolérance d’un nouveau traitement 1993, 34 : 359-364.
antidépresseur avant son autorisation de mise sur le 10. Desseilles M, Witte J, Chang TE et al. Assessing the
marché. Ensuite, au cours d’études de post-autori- adequacy of past antidepressant trials : a clinician’s guide to
sation, il est possible d’évaluer le nouvel antidépres- the antidepressant treatment response questionnaire. J Clin
Psychiatr, 2011, 72 : 1152-1154.
seur dans ses conditions « naturelles » d’utilisation
11. Directive 2001/20/CE du Parlement européen et du
au cours d’études à grande échelle de pharmacovi- Conseil du 4 avril 2001, concernant le rapprochement des
gilance. C’est aussi après cette étape préliminaire dispositions législatives, réglementaires et administratives
et nécessaire de confirmation de l’efficacité d’un des États membres relatives à l’application de bonnes pra-
nouveau traitement que d’autres aspects du médica- tiques cliniques dans la conduite d’essais cliniques de médi-
ment peuvent être étudiés au cours d’essais contrô- caments à usage humain, JOCE, 1er mai 2001.
lés postérieurs à son autorisation. Il peut s’agir, par 12. European Medicines Agency (EMA), website (www.
ema.europa.eu).
exemple, d’étudier l’intérêt du nouvel antidépresseur 13. Even C, Siobud-Dorocant E, Dardennes RM.
dans de nouvelles indications thérapeutiques ou Critical approach to antidepressant trials. Blindness protec-
à des posologies inhabituelles, ou encore dans des tion is necessary, feasible and measurable. Br J Psychiatry,
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70
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71
6
P harmacodynamie chez l ’ homme
........
R. Bordet

Une meilleure connaissance des propriétés pharma- La recherche neurobiologique a permis de caracté-
codynamiques cliniques peut être un vecteur de dédra- riser les mécanismes d’action pharmacologiques des
matisation du recours aux antidépresseurs en même médicaments antidépresseurs [16]. Le rôle d’un défaut
temps qu’un moyen d’éviter leur prescription chez des de neurotransmission par l’hypoactivité des systèmes
sujets qui n’en ont pas besoin et de favoriser leur pres- monoaminergiques constitue le mécanisme neuro-
cription chez les patients déprimés [15]. La pharma- chimique qui a été le plus étudié dans la dépression.
codynamie des antidépresseurs peut aider à répondre La sérotonine et la noradrénaline sont les deux prin-
aux questions pragmatiques qui se posent concernant cipaux systèmes de neurotransmission activés par les
leur maniement : quelle réponse pharmacologique antidépresseurs actuellement disponibles. Cette action
adaptée en fonction des populations cibles ? Comment sur les systèmes de transmission sérotoninergique et
améliorer la réponse au traitement compte tenu de la noradrénergique peut emprunter trois modalités : une
fréquence non négligeable (environ 30 p. 100) des inhibition de l’enzyme de dégradation de ces deux
patients non répondeurs ? Comment accélérer le délai neurotransmetteurs ; l’inhibition de leurs systèmes de
d’action des antidépresseurs qui est en moyenne de 2 à recapture ; le blocage de récepteurs présynaptiques. La
3 semaines en raison de l’adaptation neurobiologique dopamine n’est plus une voie modulée par les antidé-
nécessaire à l’observation du plein effet pharmacolo- presseurs depuis le retrait de l’amineptine en raison
gique ? Quelles bases pharmacologiques justifient l’uti- de ses effets indésirables hépatiques et de son poten-
lisation dans d’autres pathologies que la dépression ? tiel addictogène. Seul le bupropion, qui n’est utilisé
La réponse à ces questions passe par une meilleure comme antidépresseur que dans certains pays mais pas
connaissance et une approche intégrée de la pharmaco- en France, constitue un inhibiteur mixte de la noradré-
dynamie des antidépresseurs et de la disparité des effets naline et de la dopamine. Cependant, les mécanismes
entre les antidépresseurs (Figure 6-1). Elle passe égale- physiopathologiques sont peut-être plus complexes et
ment par l’optimisation des traitements actuels ou par font probablement intervenir des anomalies de la plas-
la mise sur le marché de nouveaux antidépresseurs [6]. ticité synaptique avec, à l’échelon moléculaire, des ano-
malies des facteurs neurotrophiques, comme le BDNF
(brain-derived neurotrophic factor), qui pourraient
Stress Vulnérabilité Contexte
se manifester par une atrophie de certaines régions
cérébrales, notamment l’hippocampe. Ces anomalies
Voies moléculaires synaptiques peuvent être à l’origine de la défaillance
et cellulaires
 Humeur des systèmes monoaminergiques. Mais la plasticité cel-
 Émotion
Perturbations  Cognition lulaire est probablement impliquée, avec une baisse de
fonctionnelles  Sommeil la capacité du cerveau à régénérer ses cellules, en parti-
Antidépresseurs
 Rythmes culier via la neurogenèse hippocampique, en réponse
Dépression  Sexualité
au stress. Par le biais de l’activation monoaminergique,
mais aussi probablement par des effets directs au niveau
Impact individuel
et sociétal des systèmes de transduction du neurone, les inhibi-
teurs spécifiques de la recapture de la sérotonine (ISRS)
Figure 6-1. – Approche intégrée de la sont capables d’activer un certain nombre de facteurs
pharmacodynamie des antidépresseurs.

72
P H A R M AC O DY N A M I E C H E Z L’ H O M M E

de transcription au niveau de la cellule. Ces facteurs de dans le traitement des addictions. L’impact global des
transcription sont des petites molécules qui circulent antidépresseurs sur l’activité cérébrale et sur la plasticité
dans les cellules, ont la capacité de pénétrer dans le cérébrale peut s’apprécier par leur évaluation en image-
noyau pour aller y activer les gènes, en particulier ceux rie ou par des techniques neurophysiologiques.
qui régulent la synthèse de facteurs neurotrophiques,
comme le BDNF. Ces facteurs neurotrophiques sont
capables d’activer la neurogenèse au niveau hippocam-
pique. Différents travaux expérimentaux ont permis de
P harmacodynamie
montrer que l’administration à des rongeurs d’un ISRS de l ’ effet antidépresseur
est capable d’augmenter le BDNF et la neurogenèse
hippocampique. Plus récemment, une désorganisation
plus globale des rythmes biologiques observée chez les Antidépresseurs et humeur
patients déprimés a été suggérée pour expliquer une
partie des effets de l’agomélatine. La modulation de l’humeur est la fonction première
Les cibles d’action des antidépresseurs sont des des antidépresseurs [13, 26, 39]. L’humeur est une
systèmes neurobiologiques qui régulent physiologi- fonction subjective interne déterminant l’état affec-
quement de multiples fonctions susceptibles d’être tif dominant du sujet. L’humeur comporte diverses
perturbées au cours de la dépression. Leur modulation dimensions comme la motivation, la projection dans
par les antidépresseurs a pour principal objectif de l’avenir, le niveau d’activité comportementale... Dans
réguler l’humeur. Mais cela explique que d’autres fonc- la mesure où il est difficile de définir un état thymique
tions puissent être modifiées par les antidépresseurs, « normal » qui permettrait d’évaluer l’effet des anti-
soit avec un impact thérapeutique, soit expliquant des dépresseurs, il est préférable de faire référence aux
effets indésirables au cours du traitement de la dépres- effets sur les symptômes qui sous-tendent l’humeur
sion. Les antidépresseurs peuvent modifier la cogni- dépressive : tristesse et vision pessimiste de l’avenir,
tion, l’émotion, la mémoire, le sommeil, la sexualité, sentiment de désespoir et d’impuissance, sentiment
les rythmes circadiens, le fonctionnement psychosocial de culpabilité et perte de l’estime de soi, anhédonie,
avec un effet bidirectionnel : l’amélioration de l’hu- ralentissement psychomoteur et aboulie, mise en
meur contribue à améliorer ces fonctions ; les effets sur danger par des tentatives de suicide... Le sentiment
ces différentes fonctions participent à l’amélioration de de tristesse a pu être relié à des anomalies cérébrales
l’humeur (Figure 6-2). Les effets sur l’anxiété, la dou- morphologiques ou fonctionnelles, en particulier du
leur, voire les systèmes de récompense peuvent expli- cortex préfrontal, du cortex orbitofrontal ou du cortex
quer leur intérêt dans la prise en charge des troubles cingulaire antérieur. Des travaux ont montré que les
anxieux ou comme antalgiques ainsi que leur évaluation antidépresseurs sont capables de corriger ces anoma-
lies cérébrales et de réduire le sentiment de tristesse
provoqué par des images ou des films. Le désespoir et
Antidépresseurs
le sentiment d’impuissance pourraient correspondre à
une perte de contrôle vis-à-vis des sentiments aversifs,
Émotion
en particulier ceux engendrés par le stress chronique
Sommeil Cognition ou la perception négative des relations interindivi-
duelles, conduisant à une résignation, modélisée par
les modèles animaux dits de « dépression ». Le sen-
Antidépresseurs Humeur timent de désespoir ou d’impuissance est d’ailleurs
associé à un polymorphisme du transporteur de la
Rythmes Sexualité sérotonine, renforçant son intérêt potentiel dans la
circadiens Fonctions
sociales compréhension de l’effet des antidépresseurs. L’effet
des antidépresseurs sur cet ensemble « désespoir-rési-
gnation » est avéré dans les modèles animaux, puisqu’il
Antidépresseurs constitue même l’élément déterminant de la sélection
des molécules ayant des propriétés antidépressives. Les
Figure 6-2. – Effets pharmacodynamiques bidirec­ mécanismes neurobiologiques – transmission monoa-
tionnels des antidépresseurs sur l’humeur et les autres minergique et neurogenèse – pourraient favoriser un
fonctions cérébrales. meilleur contrôle de ces sentiments aversifs, prévenant

73
Pharmacologie

les sentiments de désespoir et d’impuissance et leur au détriment du versant positif et au profit du ver-
corollaire que constitue la résignation. Cependant, sant négatif du traitement des processus affectifs et
la situation est probablement plus complexe dans la émotionnels. Elle s’accompagne également d’une
mesure où l’intensité de ces dimensions symptoma- réduction de la mémoire des émotions positives, de
tiques peut être associée à une moindre réponse au trai- la réactivité aux stimuli émotionnels positifs, de la
tement. L’anhédonie consécutive au stress chronique, reconnaissance des expressions faciales de peur et de
probable primum movens du syndrome dépressif chez la réponse aux phénomènes de récompense. Cette
les sujets vulnérables, est également favorablement altération des processus émotionnels semble s’accom-
modulée par les antidépresseurs, via un effet direct pagner de modification dans les régions préfrontales,
ou indirect sur le système mésolimbique. L’un des sous-corticales, l’hippocampe, l’amygdale, l’insula.
principaux effets des antidépresseurs sur le syndrome Des modifications comportementales et cérébrales
dépressif est probablement l’effet psychostimulant similaires, indépendantes des désordres thymiques,
qui permet de lever le ralentissement psychomoteur ont été décrites chez le patient déprimé, suggérant
et l’altération des processus motivationnels. Cet effet que leur correction pharmacologique puisse contri-
est directement relié aux effets monoaminergiques des buer à améliorer le syndrome dépressif.
antidépresseurs, tant la sérotonine, la dopamine et la L’administration aiguë d’antidépresseur chez le
noradrénaline sont impliquées dans le contrôle de ces volontaire sain induit des effets sur les émotions
fonctions. Les idées suicidaires et le suicide ont été inverses de ceux observés en cas de déplétion en tryp-
associés à des modifications neurochimiques, même tophane, en particulier un renforcement du versant
si les mécanismes sont plus complexes. Au total, si les positif du traitement de l’information émotionnelle.
antidépresseurs ont bien un effet sur les troubles de Des antidépresseurs sérotoninergiques ou mixtes aug-
l’humeur, la caractérisation spécifique de l’effet sur mentent la reconnaissance des expressions faciales
la fonction thymique reste finalement assez difficile gaies et favorisent l’attention vis-à-vis de stimuli
pour des raisons méthodologiques potentiellement sociaux positifs. En revanche, les effets sur la percep-
dues aux liens étroits qui existent entre l’humeur et tion de la peur et sur le réflexe de sursaut semblent
d’autres fonctions (émotion, cognition, sommeil...) plus contrastés en raison d’une probable augmenta-
qui sont également modifiées par les antidépresseurs tion de l’anxiété observée dans les phases précoces
au cours du syndrome dépressif. d’un traitement antidépresseur de type sérotoniner-
gique, agissant via une inhibition de la recapture alors
que cet effet est inverse avec d’autres antidépresseurs
Antidépresseurs et autres fonctions agissant par le biais d’un antagonisme des récepteurs
a2-adrénergiques. Ces effets comportementaux sont
Émotions accompagnés de modifications dans certaines régions
Les processus émotionnels jouent un rôle impor- cérébrales, comme l’amygdale, visualisées en imagerie.
tant dans la régulation de l’humeur et leur pertur- Un traitement chronique par antidépresseurs per-
bation contribue au syndrome dépressif [7, 34, 36]. met de maintenir ces effets positifs sur les fonctions
Il a été notamment observé un biais négatif dans la émotionnelles. Sous traitement prolongé par un
perception et la gestion des informations émotion- inhibiteur de la recapture de la sérotonine, les sujets,
nelles. Les patients déprimés ont une plus grande sains ou déprimés, voient augmenter leur capacité à
propension à considérer comme négatives les émo- associer un aspect positif à des expressions faciales
tions faciales ambiguës et cette tendance est associée ambiguës et diminuer leur perception de la peur et
à un risque accru de rechute. Des biais attentionnels leur réflexe de sursaut. Un traitement antidépresseur
et d’interprétation conduisent ces patients à être plus chronique permet de diminuer les comportements
aisément attirés et à plus facilement reconnaître des sociaux de soumission, en bonne concordance avec
expressions faciales marquant la crainte. L’irruption les effets positifs sur la dominance sociale observée
de ces biais négatifs de perception, d’attention et chez le singe. Ces effets comportementaux sont asso-
de mémoire dans le champ de conscience participe ciés à une activation du cortex préfrontal dorsolaté-
à la genèse et au maintien des symptômes. Ce dys- ral, dorsomédial et ventrolatéral et à une diminution
fonctionnement émotionnel est sous-tendu par les de l’activation de l’amygdale, de l’hippocampe et des
anomalies monoaminergiques. La diminution de régions parahippocampiques, du cortex cingulaire
la transmission sérotoninergique chez le volontaire antérieur, du cortex orbitofrontal et de l’insula. Les
sain ou chez le patient est associée à un déséquilibre effets sur les régions cérébrales impliquées dans la

74
P H A R M AC O DY N A M I E C H E Z L’ H O M M E

perception des stimuli émotionnels négatifs sont pro- antidépresseur prolongé. Sur le plan mnésique, s’il est
bablement plus complexes, dépendant du type d’an- difficile de distinguer un effet différentiel en fonction
tidépresseur : les antidépresseurs noradrénergiques de la prédominance des systèmes monoaminergiques
agissent préférentiellement sur le cortex préfrontal modulés, il apparaît en revanche clairement que des
dorsolatéral tandis que les antidépresseurs sérotoni- propriétés pharmacodynamiques annexes, comme
nergiques agissent préférentiellement sur le cortex l’effet antagoniste des récepteurs muscariniques, peut
préfrontal ventromédian. faire perdre l’effet bénéfique sur la cognition, comme
c’est le cas avec la désipramine. Si un effet significatif
Cognition sur les fonctions cognitives peut être mesuré, il est en
revanche difficile de faire la part entre la responsabilité
Les relations entre humeur et cognitions sont com- de l’amélioration de l’humeur ou un effet direct sur
plexes puisque un syndrome dépressif peut s’accompa- les processus cognitifs. La possibilité d’induire, chez
gner de troubles cognitifs consécutifs à l’altération des des sujets sains ou sans trouble de l’humeur, un effet
fonctions thymiques, mais des travaux suggèrent que bénéfique ou parfois délétère sur la cognition traduit
ces troubles cognitifs pourraient contribuer à péren- l’existence d’un effet indépendant de la correction du
niser, voire à initier le syndrome dépressif [1, 10, 11]. trouble thymique. Cependant, ces données ne per-
Parmi les fonctions cognitives les plus souvent impli- mettent pas de trancher la question de marqueur de
quées au cours d’un syndrome dépressif, on trouve trait ou de marqueur d’état du désordre cognitif au
les fonctions exécutives, les fonctions attentionnelles, cours de la dépression. Certains travaux montrant la
la mémoire de travail et à court terme. La mémoire persistance d’un dysfonctionnement cognitif après
verbale et l’apprentissage semblent moins réguliè- correction pharmacologique du syndrome dépressif
rement concernés. À l’inverse, en particulier chez le suggèrent qu’il constitue un trait de vulnérabilité vis-
sujet âgé, a été caractérisé un syndrome dysexécutif à-vis de la survenue d’une dépression. La mise en évi-
associé à un syndrome dépressif, surtout marqué par dence du dysfonctionnement cognitif comme facteur
un ralentissement idéomoteur, une altération des pro- de moindre réponse au traitement pharmacologique
cessus motivationnels et un manque d’intérêt. Cette antidépresseur va dans le même sens. À l’inverse, des
fonction bidirectionnelle entre humeur et cognition travaux ont permis de montrer que le traitement anti-
souligne l’importance de la compréhension de l’effet dépresseur pouvait induire un effet clinique durable
des antidépresseurs sur les fonctions cognitives. Cette sur des fonctions cognitives, en particulier mnésiques,
question est d’autant plus intéressante que les anti- dépendantes de l’hippocampe parallèlement à une
dépresseurs sont utilisés dans de nombreuses patho- récupération à long terme d’un volume hippocam-
logies neurologiques qui sont caractérisés par des pique normal. La dimension cognitive des effets phar-
troubles cognitifs. D’autre part, ces altérations cogni- macodynamiques des antidépresseurs, qui contribue à
tives peuvent être un frein à l’effet des antidépresseurs. l’amélioration de la qualité de vie des patients dépri-
Enfin, compte tenu des mécanismes moléculaires, cel- més, prendra une place prépondérante, à l’instar de
lulaires et fonctionnels complexes des antidépresseurs, la prise en charge pharmacologique d’autres maladies
il est également nécessaire de prendre en compte mentales, dans le développement et l’évaluation des
des effets potentiellement négatifs sur les fonctions antidépresseurs, d’autant qu’ils peuvent, en fonction
cognitives. de leur profil pharmacodynamique ou de leur effet
Par leurs effets sur la transmission monoaminer- sur d’autres fonctions comme le sommeil, avoir éga-
gique et sur la neurogenèse hippocampique, les anti- lement un effet délétère sur certains axes des fonctions
dépresseurs ont, au plan théorique, un effet potentiel cognitives.
sur la cognition. Cependant, peu de travaux ont réelle-
ment exploré cette dimension des traitements antidé-
Sommeil
presseurs. Néanmoins, il a été montré que la sertraline
pouvait accélérer les processus cognitifs, améliorant Les preuves de l’importance du sommeil – de
ainsi les fonctions exécutives. L’attention est améliorée son altération et de son amélioration – au cours du
par la fluoxétine ou la paroxétine. Les performances syndrome dépressif se sont progressivement accu-
mnésiques peuvent être améliorées par les antidépres- mulées, au point que, dans certaines théories physio-
seurs comme cela a été montré avec la fluoxétine et la pathologiques, les troubles du sommeil ne sont plus
réboxétine. La mémoire épisodique comme la mémoire considérés comme un épiphénomène du syndrome
de travail peuvent être améliorées après un traitement dépressif, mais comme un élément à part entière, voire

75
Pharmacologie

un mécanisme causal ou aggravant des troubles de observés dans des modèles animaux. Les antagonistes
l’humeur [18, 29]. Les effets de la privation de som- des récepteurs a2-adrénergiques (mirtazapine et mian-
meil sur la régulation émotionnelle ou sur les fonc- sérine) sont efficaces sur les troubles du sommeil, avec
tions cognitives viennent renforcer cette hypothèse. le moins d’effet sur la structure du sommeil, expli-
Ces troubles du sommeil sont le plus souvent des dif- quant qu’ils soient proposés à ce titre en dehors de
ficultés d’endormissement et de maintien du sommeil tout syndrome dépressif. L’agomélatine, par son
ou des réveils précoces. Plus rarement, ces troubles action mélatoninergique, a un effet significativement
se manifestent par une hypersomnie, en particulier bénéfique sur le sommeil au cours de la dépression.
au cours de la dépression saisonnière. Ces anomalies
subjectives du rythme veille-sommeil sont également Rythmes circadiens
objectivée par des enregistrements polysomnogra-
phiques : la latence entre le début du sommeil et le Certains patients déprimés, en particulier dans le
premier épisode de sommeil paradoxal est diminuée cadre des troubles bipolaires, ont des anomalies docu-
chez le patient déprimé ; la durée du sommeil para- mentées de la rythmicité circadienne de l’activité, du
doxal est augmentée alors que la quantité de sommeil sommeil, de la température et des sécrétions neuro-
lent est réduite. Ces troubles du sommeil sont associés endocriniennes [5, 9, 23]. Les troubles affectifs de
à un plus mauvais pronostic : dépression majeure plus l’enfance et de l’adolescence sont associés à une désor-
fréquente et risque suicidaire accru. Les mécanismes ganisation des rythmes diurnes d’activité motrice.
en jeu dans les troubles du sommeil au cours du syn- Des désynchronisations du rythme de température
drome dépressif sont complexes et mettent en jeu des et de l’activité motrice ont été décrites chez le sujet
dimensions comportementales, sociales, cognitives et âgé déprimé. Il existe une avance de phase de l’activité
neurobiologiques. Il existe une forte intrication avec motrice chez les patients présentant un trouble bipo-
les perturbations des rythmes biologiques, également laire alors que, dans les autres formes de dépression,
observées au cours du syndrome dépressif. une tendance au retard de phase serait observée. Une
Les effets pharmacodynamiques des antidépresseurs température corporelle nocturne élevée a été décrite
sur le sommeil sont complexes et dépendent de la dans les troubles de l’humeur et pourrait contribuer
classe d’antidépresseurs en raison de profils pharma- aux anomalies du rythme veille-sommeil. La ryth-
cologiques différents. Les antidépresseurs tricycliques, micité circadienne d’un certain nombre de systèmes
en dépit de la suppression du sommeil paradoxal neuro-endocriniens (axe hypothalamo-hypophyso-
qu’ils induisent, améliorent cliniquement le sommeil, surrénalien, axe thyréotrope, hormone de croissance,
à la fois en termes de durée et de sensation réparatrice, prolactine…) est désorganisée au cours des troubles
avec toutefois des différences entre l’amitriptyline, de l’humeur. À côté des hypothèses physiopatholo-
plus efficace, et la clomipramine, probablement en giques de la dépression impliquant les monoamines et
raison d’un effet différent sur la transmission hista- la neurogenèse hippocampique, s’est également impo-
minergique, même si l’effet sédatif de l’amitriptyline sée une hypothèse chronobiologique de la dépression.
expose à un risque accru de somnolence diurne. Les Une perturbation de la synchronisation des rythmes
inhibiteurs de la monoamine oxydase semblent asso- diurnes serait l’un des primum movens de la surve-
ciés à des perturbations du sommeil et à une durée nue d’un trouble de l’humeur. Une désynchronisa-
plus courte. Ils altèrent significativement le sommeil tion entre les rythmes psychosociaux et les rythmes
paradoxal. Ces effets délétères sur le sommeil semblent endogènes semble impliquée dans la dépression.
moindres avec le moclobémide. Les inhibiteurs de la De manière plus générale, les différents traitements
recapture de la sérotonine et les inhibiteurs mixtes antidépresseurs ont la capacité d’influencer la modi-
induisent une fragmentation du sommeil et une per- fication des rythmes biologiques observés au cours
turbation du sommeil paradoxal, mises en évidence des troubles de l’humeur. Les antidépresseurs ont
par les enregistrements polysomnographiques, ainsi tendance à normaliser les anomalies du rythme cir-
qu’une augmentation de la latence d’endormissement cadien de la température centrale observées au cours
et une réduction de la durée du sommeil. Cet effet, de la dépression. Il en est de même pour le rythme
en apparence délétère, contraste avec une sensation d’un certain nombre d’hormones (cortisol, hormone
d’amélioration subjective du sommeil qui suggère de croissance, prolactine), même si ces résultats néces-
que les troubles de l’humeur sont en cause dans les sitent d’être interprétés avec précaution, tant les biais
troubles du sommeil et non l’inverse. Ces anomalies méthodologiques peuvent être importants dans toutes
peuvent également expliquer des troubles mnésiques ces études.

76
P H A R M AC O DY N A M I E C H E Z L’ H O M M E

Compte tenu des interactions entre mélatonine et l’un des sous-types de la mélatonine. L’agomélatine,
rythmes biologiques, le rôle de cette neurohormone qui est un agoniste des récepteur MT1 et MT2, a
a été pointé dans la physiopathologie de la dépres- démontré son effet sur les tests précliniques clas-
sion. Différentes modifications de la libération de siques, permettant d’évaluer l’effet antidépresseur
mélatonine ont été décrites au cours de la dépres- ainsi que son effet dans l’épisode dépressif majeur
sion non saisonnière, uni- ou bipolaire : modifica- en populations cliniques, apportant des éléments
tion de la quantité de mélatonine sécrétée, existence en faveur de l’implication de la mélatonine dans la
de pics de sécrétion diurnes, avance de phase du pic physiopathologie des troubles de l’humeur.
de sécrétion nocturne. Des études sont en faveur
d’une baisse de la sécrétion de mélatonine, alors que
d’autres ne mettent pas en évidence de modifica- Sexualité
tion. Il reste donc difficile à établir, comme pour La dépression est associée à des anomalies de la
les autres rythmes biologiques, si les anomalies de sexualité associant, selon les cas, une baisse de désir
sécrétion de la mélatonine sont un facteur causal et de la libido, une baisse de l’orgasme, voire chez
dans la cascade physiopathologique des troubles de l’homme des troubles érectiles [28, 35]. L’un des
l’humeur ou si elles ne sont éventuellement qu’un objectifs du traitement antidépresseur devrait être une
épiphénomène. Cependant, l’importance des modi- amélioration de cette dimension du syndrome dépres-
fications de la mélatonine dans la physiopathologie sif qui pourrait, à son tour, contribuer à une amé-
de la dépression saisonnière fait soupçonner un rôle lioration de l’humeur. Cependant, ce potentiel effet
plus important de cette neurohormone dans l’étio- bénéfique du traitement antidépresseur est en fait
pathogénie et dans la physiopathologie de la dépres-
obéré par les troubles de la fonction sexuelle engen-
sion. Certains postulent qu’une perturbation de la
drés par les antidépresseurs eux-mêmes, en particulier
rythmicité biologique endogène sous-tendue par
les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine
une susceptibilité génétique pourrait constituer un
et les inhibiteurs mixtes.
facteur de vulnérabilité empêchant l’adaptation de
l’individu aux changements environnementaux et
provoquant une désynchronisation conduisant à un Fonctions psychosociales
épuisement psychique du sujet. Dans ce scénario, les
altérations de la mélatonine auraient un rôle essen- Au-delà du seul impact individuel de la prise
tiel, tant cette neurohormone est essentielle dans la d’antidépresseur qui permet au patient d’avoir un
synchronisation des rythmes biologiques. Toutes ressenti interne du bénéfice, le traitement peut éga-
ces données mettent en relief l’intérêt potentiel de la lement lui permettre d’améliorer son comportement
modulation des voies de la mélatonine dans le trai- social en facilitant les interactions interindividuelles,
tement de la dépression. Cette modulation peut être l’insertion sociale et le vécu des dominances hié-
indirecte par les traitements actuels de la dépression rarchiques [22]. L’amélioration de l’humeur, des
mais, au-delà de cet effet indirect, l’intérêt de la processus émotionnels et de la cognition favorise
modulation directe du système mélatoninergique est cet effet social des antidépresseurs. Mais les antidé-
également maintenant démontré. Quelques études presseurs peuvent également avoir un impact direct
tendent à montrer que la mélatonine pourrait pal- sur ces fonctions sociales, contribuant ainsi à l’effet
lier, au moins partiellement, les effets négatifs sur antidépresseur. Des travaux chez le volontaire sain
l’humeur du travail posté ou de nuit. Quelques ont permis de montrer que la prise aiguë ou répé-
travaux sont également en faveur d’un effet béné- tée d’antidépresseur favorise la coopération dans des
fique sur certains symptômes (mauvaise qualité du jeux dyadiques, les interactions entre co-locataires,
sommeil, perte de vitalité) observés au cours de la les relations sociales évaluées par le nombre de mes-
dépression saisonnière. Cependant, l’hypothèse sages amicaux envoyés, la diminution de l’agressi-
selon laquelle l’efficacité de la photothérapie dans vité. Ces données font écho à celles recueillies chez le
la dépression saisonnière résulterait de la modula- singe, montrant que les antidépresseurs favorisaient
tion de la rythmicité circadienne de la mélatonine les comportements de toilettage. Au plan de l’inser-
ne semble pas confirmée. L’implication sélective de tion sociale, les antidépresseurs favorisent à la fois
certains des sous-types de récepteurs de la mélato- une réduction des comportements de passivité et une
nine explique également la mise au point d’agents perception plus juste et plus positive de la position
pharmacologiques agissant préférentiellement sur sociale.

77
Pharmacologie

P harmacodynamie modulation des facteurs associés (troubles du som-


meil, tristesse de l’humeur, perturbations affectives,
des antidépresseurs et autres dysfonctionnement cognitif). Mais les antidépres-
pathologies seurs sont capables d’exercer un effet antinociceptif
direct, hors contexte dépressif, comme en témoigne
leur capacité à augmenter le seuil douloureux chez
Trouble anxieux le sujet sain. Les effets s’expliquent principalement
par une modulation des mécanismes centraux de la
Les antidépresseurs sont capables de moduler les nociception. Par la stimulation de la transmission
réactions anxieuses, qu’elles s’intègrent à un syn- sérotoninergique et noradrénergique descendante,
drome dépressif ou qu’elles constituent la base de les antidépresseurs renforcent le contrôle supraspi-
l’un des six types de troubles anxieux [2, 4, 27]. Les nal de la douleur. D’autres mécanismes, dépendants
inhibiteurs de la recapture de la sérotonine ou les du type d’antidépresseur considéré, peuvent être en
inhibiteurs mixtes sont plus efficaces sur les troubles jeu : modulation de canaux ioniques, stimulation de
anxieux que les autres antidépresseurs qui sont des la voie GABAergique, interaction avec les systèmes
traitements de seconde ou de troisième ligne. Ces opioïdes, modulation de la voie de l’adénosine. Des
effets sont liés à une modulation des différentes travaux récents de neuro-imagerie ont également
composantes du syndrome anxieux : la réponse au montré que les antidépresseurs pouvaient moduler
stress, la peur, la détresse psychologique. Des études les zones cérébrales impliquées dans l’intégration de
chez l’animal ont permis de montrer que les anti- la douleur. À titre d’exemple, la duloxétine modifie
dépresseurs permettaient de prévenir les consé- l’activité fonctionnelle du cortex préfrontal et du cor-
quences comportementales et biologiques liées à un tex cingulaire antérieur générée par une stimulation
stress chronique. Les antidépresseurs sont capables douloureuse. L’ensemble de ces propriétés pharma-
de normaliser les modifications morphologiques et codynamiques des antidépresseurs explique l’utilisa-
fonctionnelles cérébrales associées à l’anxiété, en tion dans la prise en charge des douleurs chroniques.
particulier dans l’amygdale, le cortex préfrontal, le En cas de douleur chronique sont indiqués, avec
locus cœruleus et l’hippocampe. Ils permettent éga- une efficacité variable, les inhibiteurs sélectifs de la
lement d’éviter les phénomènes de mémoire aver- recapture de la sérotonine, les inhibiteurs mixtes et
sives et d’évitement, induits par des stimuli de peur. les tricycliques.
Chez le volontaire sain, ces effets ont été confirmés
dans quelques rares études. Ces effets peuvent être
sous-tendus par différents mécanismes : modula- Addictions
tion de l’axe hypothalamo-surrénalien, stimulation
de la neurogenèse hippocampique, stimulation de la Si le processus physiopathologique des addic-
transmission sérotoninergique. tions implique principalement la dopamine, les
interactions entre systèmes de neurotransmission
expliquent que la sérotonine et la noradrénaline
Douleur puissent également jouer un rôle, donnant une base
scientifique à l’évaluation des antidépresseurs dans
Au-delà de la douleur morale liée au syndrome la prise en charge thérapeutique de l’addiction [31].
dépressif, les antidépresseurs peuvent également De fait, le bupropion, qui est utilisé comme anti-
avoir un effet sur la douleur physique [3, 33]. Cet dépresseur dans certains pays, est indiqué dans la
effet s’exerce à la fois par une action sur les méca- prise en charge de l’addiction au tabac. Les résultats
nismes périphériques et centraux du contrôle de la sont moins probants dans d’autres formes d’addic-
douleur, mais aussi par un impact sur les éléments tion (cocaïne, alcool, opiacés...), y compris avec le
contextuels émotionnels, comportementaux, cogni- bupropion. Ces données négatives sont en faveur
tifs et sociaux qui sont également la cible d’action des d’une absence d’effet pharmacodynamique direct sur
antidépresseurs. L’importance des éléments contex- le processus d’addiction. En revanche, des données
tuels est suggérée par la co-morbidité entre douleur d’essais cliniques ou de méta-analyses pointent l’in-
chronique et dépression qui, à elle seule, pourrait térêt, pour aider à maintenir l’abstinence, de l’uti-
permettre d’expliquer les effets analgésiques des anti- lisation des antidépresseurs en cas de co-morbidité
dépresseurs qui pourraient ne s’expliquer que par la dépressive.

78
P H A R M AC O DY N A M I E C H E Z L’ H O M M E

P harmacodynamie biomarqueurs puissent être validés comme des mar-


queurs pharmacodynamiques utilisables dans le déve-
des antidépresseurs et loppement de nouveaux antidépresseurs ou comme
biomarqueurs marqueurs prédictifs de la réponse au traitement.

Si le seul paramètre pharmacodynamique considéré


pour juger de l’efficacité thérapeutique potentielle P harmacodynamie
d’un antidépresseur est un critère clinique fonction- des antidépresseurs et efficacité
nel, qu’il soit global ou focalisé sur une dimension
fonctionnelle précise, les biomarqueurs (imagerie, thérapeutique
neurophysiologie ou biologie) peuvent permettre
d’affiner l’évaluation ou la compréhension de la
pharmacodynamie des antidépresseurs [12, 17, 19,
Cinétique de la pharmacodynamie
24, 30]. En matière d’imagerie, deux principaux para- des antidépresseurs
mètres, potentiellement modifiés au cours d’un épi-
sode ou d’une maladie dépressive, peuvent être pris La prise en compte du facteur « temps » dans la
en compte : le volume cérébral global ou régional, notion de pharmacodynamie des antidépresseurs est
l’activation régionale déterminée en IRM fonction- essentielle pour analyser le délai d’action, les effets
nelle ou en imagerie métabolique. Au plan fonction- à long terme et la durée nécessaire de traitement
nel, la réponse clinique induite par les antidépresseurs [8, 20]. Le délai d’action des antidépresseurs reste
est associée à une correction des anomalies observées, une question cruciale, même si des données plus
au cours de la dépression, dans le cortex préfrontal récentes ont remis en cause le dogme de la période
dorsolatéral ou ventrolatéral. Le cortex cingulaire des deux semaines nécessaires à l’objectivation d’une
rostral antérieur a été identifié, en neuro-imagerie et efficacité thérapeutique. En effet, au plan pharma-
par des approches neurophysiologiques, comme une codynamique, il n’y a pas de réel retard puisque des
région dont l’hyperactivité avant la mise en route dimensions fonctionnelles de l’état dépressif peuvent
du traitement permet de prédire une bonne réponse être modifiées dès les premiers jours de traitement.
pharmacodynamique. L’hyperactivité provoquée par L’effet thérapeutique, qui résulte d’une combinai-
des paradigmes de stimulation émotionnelle est sup- son d’effets fonctionnels, nécessite quant à lui plus
primée sous traitement antidépresseur en lien avec de temps, compte tenu notamment de la métrologie
l’amélioration des processus émotionnels et l’effet utilisée, puisque l’effet est jugé positif au regard d’un
anxiolytique. L’étude globale du cerveau montre que seuil fixé par une échelle composite. Cette remise en
des changements dans d’autres structures cérébrales perspective du délai d’action des antidépresseurs ren-
sont associés aux effets pharmacodynamiques fonc- voie aux mécanismes d’action moléculaires et cellu-
tionnels des antidépresseurs : putamen, thalamus, laires, qui ne peuvent être immédiats car nécessitant
cortex pariétal, cortex temporal, cortex occipital. Les la mise en jeu de phénomènes neurobiologiques ne
études volumétriques suggèrent également un lien répondant pas de manière on-off : adaptation de la
entre l’amélioration fonctionnelle et la correction de neurotransmission, plasticité synaptique, neuroge-
l’atrophie hippocampique mise en évidence au cours nèse, recalage des rythmes circadiens... Cette prise
de la dépression. Au plan neurophysiologique, les en compte de l’aspect cinétique peut aussi amener la
effets pharmacodynamiques cliniques sont également notion selon laquelle, au-delà de la mesure d’un effet
associés à des effets électrophysiologiques, notamment à partir d’un seuil d’efficacité sur une échelle d’évalua-
la correction de l’asymétrie frontale ou l’amélioration tion, le médicament antidépresseur peut continuer à
de l’onde P300 des potentiels évoqués. Des biomar- développer une action sur le long terme, sous-tendue
queurs biologiques peuvent également être associés par des mécanismes de plasticité cérébrale qui, eux
aux effets pharmacodynamiques fonctionnels. Ces aussi, s’inscrivent dans la durée et donnent une base
marqueurs biologiques peuvent être des facteurs pharmacodynamique à la durée minimale nécessaire
neurotrophiques (BDNF), des marqueurs hormo- du traitement antidépresseur fixée arbitrairement.
naux, en particulier de l’axe corticotrope, ou des mar- Une analyse cinétique plus fine de la réponse pharma-
queurs inflammatoires. Néanmoins, la recherche codynamique des antidépresseurs, évaluée clinique-
dans ce domaine doit se poursuivre avant que ces ment ou à l’aide de biomarqueurs, devrait permettre

79
Pharmacologie

de progresser dans la définition de la durée du main- Pharmacorésistance


tien du traitement antidépresseur.
La résistance au traitement antidépresseur est liée à
la variabilité pharmacodynamique et en constitue la
Variabilité de la réponse conséquence la plus invalidante [38]. Elle peut être
liée aux facteurs individuels de variabilité sous-ten-
La pharmacodynamie des antidépresseurs peut dant une dose insuffisante ou un manque de com-
être modifiée par différents facteurs [14, 21, 25, pliance. Une résistance liée à un dysfonctionnement
32, 37]. Ces facteurs de variabilité peuvent être liées majeur et génétiquement déterminé d’une cible molé-
aux caractéristiques du sujet, être en rapport avec culaire justifie un changement de classe. La résistance
la maladie dépressive, être induits par le contexte peut aussi être liée au contexte pathologique, en lien
pathologique associé à la dépression, voire être en avec une forme particulière de dépression (dépression
relation avec les spécificités de l’antidépresseur consi- psychotique, trouble bipolaire...) ou lien avec des co-
déré. Les facteurs liés aux caractéristiques du sujet morbidités (démence, maladie générale). Il reste à
peuvent être l’âge, en particulier les âges extrêmes de déterminer les formes de résistance liées à des particu-
la vie, le genre, les traits de personnalité, les facteurs larités physiopathologiques, qui expliquent le recours
ethniques et socioculturels, des facteurs génétiques. à des traitements adjuvants modulant d’autres voies
Parmi les facteurs génétiques connus, il faut insis- moléculaires et cellulaires.
ter sur les polymorphismes associés au métabolisme
des médicaments antidépresseurs et ceux associés
aux cibles pharmacologiques des antidépresseurs, en
particulier le polymorphisme génétique des systèmes C onclusion
de recapture. Les caractéristiques de la dépression
peuvent influencer la réponse pharmacodynamique Les propriétés pharmacodynamiques multiples
des antidépresseurs, même si les mécanismes restent des antidépresseurs permettent de rendre compte de
largement inconnus : nombre d’épisodes antérieurs, leurs indications thérapeutiques dans la dépression, les
intensité de l’épisode dépressif, symptôme rési- troubles anxieux et les douleurs chroniques. Le déve-
duels d’épisodes antérieurs, chronicité de la maladie loppement de l’imagerie cérébrale et des techniques de
dépressive, sévérité des troubles cognitifs associés. En génétique et neurophysiologie offre un accès à des bio-
dehors des propriétés pharmacodynamiques intrin- marqueurs permettant d’affiner la compréhension de
sèques des antidépresseurs utilisés pour un épisode la pharmacodynamie des antidépresseurs. Ces données
dépressif majeur, le contexte pathologique associé à la favoriseront une meilleure intégration de la cinétique
survenue d’une dépression et de son traitement peut et de la variabilité interindividuelle des effets pharma-
influencer la pharmacodynamie. Dans le champ de codynamiques des antidépresseurs dans une perspec-
la maladie mentale, une littérature abondante et des tive de personnalisation du traitement de la dépression.
méta-analyses suggèrent une moins bonne réponse
aux antidépresseurs des dépressions associées à un
trouble bipolaire. De même, au cours des dépressions Références
survenant dans un contexte psychotique, la réponse
pharmacodynamique peut changer, avec une moins 1. Castaneda AE, Tuulio-Henriksson A, Marttunen
bonne réponse. Des données récentes suggèrent que M et al. A review on cognitive impairments in depressive
and anxiety disorders with a focus on young adults. J Affect
la réponse pharmacodynamique peut être modifiée
Disord, 2008, 106 : 1-27.
dans un contexte de maladie neurologique ou en 2. Dell’Osso B, Buoli M, Baldwin DS, Altamura AC.
cas de démence associée. Une complexité accrue de Serotonin norepinephrin reuptake inhibitors (SNRIs) in
la physiopathologie pourrait expliquer ces change- anxiety disorders : a comprehensive review of their clini-
ments pharmacodynamiques : dysfonctionnement cal efficacy. Hum Psychopharmacol Clin Exp, 2010, 25 :
d’autres systèmes de neurotransmission ; altération 17-29.
des capacités de neurogenèse. Si la plupart des anti- 3. Dharmshaktu P, Taya V, Kalra BS. Efficacy of antide-
pressant as analgesics : a review. J Clin Pharmacol, 2012,
dépresseurs ont une relation dose-réponse linéaire, 52 : 6-17.
une relation dose-réponse en « cloche » a été décrite 4. Donovan MR, Glue P, Kollun S, Emir B. Comparative
avec les antidépresseurs tricycliques, pouvant égale- efficacy of antidepressants in preventing relapse in anxiety
ment expliquer une variabilité interindividuelle. disorders. A meta-analysis. J Affect Disord, 2010, 123 : 9-16.

80
P H A R M AC O DY N A M I E C H E Z L’ H O M M E

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81
7
P harmacocinétique
........
P. Baumann et G. Bertschy

Les antidépresseurs agissent au niveau de cibles bio- autre de l’organisme). Ce devenir du médicament
logiques, protéines avec des fonctions de récepteurs dans l’organisme dépend des activités d’élimination
ou de transporteurs, situées à la surface externe des qui portent sur les médicaments comme sur tous
neurones. Pour l’essentiel des usages thérapeutiques les xénobiotiques. On a donc l’habitude de définir
des antidépresseurs (dépression, troubles anxieux, la pharmacocinétique par l’acronyme LADME en
démences, douleurs neuropathiques…), ces neurones français, ce qui correspond aux différentes étapes de
sont situés dans le système nerveux central. Ce que libération, absorption, distribution, métabolisme et
les médicaments antidépresseurs vont faire au niveau excrétion (Figure 7-1). Ce chapitre aborde ces étapes
de ces cibles relève de la pharmacodynamie. Le champ LADME pour l’ensemble des antidépresseurs avec des
de la pharmacocinétique couvre ce qui se passe en données générales et des données par produit. Cette
amont (entre l’étape où le médicament est introduit partie centrale sera précédée d’un rappel de quelques
dans l’organisme et celle où il atteint ses cibles bio- concepts basiques de pharmacocinétique. Elle sera
logiques au cœur du système nerveux central) et en ensuite complétée par deux volets plus proches de
aval (entre l’étape où le médicament quitte ses cibles la pratique clinique : l’un consacré à l’influence de
et celle où il ressort, sous une forme ou sous une certaines variables liées à l’individu et l’autre traitant

Barrière
hémato-
AD encéphalique
Cibles biologiques
du système nerveux
Absorption central

Libération Distribution AD AD

M Métabolisme M M

Excrétion

Milieu extérieur Milieu intérieur

Figure 7-1. – Système LADME (libération, absorption, distribution, métabolisme, excrétion).


AD : antidépresseurs ; M : métabolite.

82
PHARMACOCINÉTIQUE

Tableau 7-I. – Quelques équations pharmacocinétiques de base.

Équation Abréviations Unités de mesure habituelles

Biodisponibilité
AUCPO × DIV F : biodisponiblité mg × h/l
F=
AUCIV × DPO AUC : aire sous la courbe
Distribution
V = M/C V : volume de distribution total (normalisé) l (l/kg)
M : masse totale de médicament présent dans l’organisme mg
C : concentration plasmatique totale du médicament nM/l, mg/l, ng/ml
M=F×D D : dose mg
fu = Cu/C fu : fraction libre nM/l, mg/l, ng/ml
Cu : concentration plasmatique libre
Élimination
Cl = M/AUC Cl : clairance ml/min
AUC : aire sous la courbe
Cl = ClR + ClH Clairance rénale (R), hépatique (H)
ke = Cl/V ke = constance d’élimination h–1
T1/2 = ln2ke = 0,693k T1/2 : demi-vie d’élimination h
f×D Css : concentration à l’équilibre (steady-state) nM/l, mg/l, ng/ml
Css =
Cl × t t : intervalle de dosage h

de la surveillance des concentrations plasmatiques. d’administration orale, la quantité qui va être dispo-
Comme, en plus de ce chapitre de pharmacociné- nible dans la circulation générale est influencée non
tique, deux autres chapitres sont consacrés respecti- seulement par l’étape de libération (qui peut varier
vement à la pharmacogénétique (voir Chapitre 8) et selon la forme galénique) et l’étape d’absorption (qui
aux interactions médicamenteuses (voir Chapitre 9), peut être incomplète : on parle alors de fraction absor-
la présentation d’éléments de pharmacogénétique est bée), mais aussi par une première étape de métaboli-
limitée à un minimum et les interactions médicamen- sation. En effet, l’antidépresseur peut déjà subir un
teuses pharmacocinétiques ne seront pas abordées. Par métabolisme intestinal et, une fois absorbé dans le
ailleurs, ce chapitre ne tient compte que des antidé- tractus digestif, il est drainé par la circulation porte
presseurs actuellement commercialisés en France. et passe par le foie, où il subit une première vague de
biotransformation hépatique. Cet « effet de premier
passage hépatique » réduit d’autant la quantité de
l’antidépresseur qui atteint la circulation générale. On
B ases générales peut déterminer la biodisponibilité d’un médicament
de la pharmacocinétique par voie orale à partir du calcul de l’aire sous la courbe
d’évolution des concentrations plasmatiques en fonc-
tion du temps après une administration unique. La
Ce chapitre résume les définitions des termes les biodisponibilité s’exprime comme une fraction (ou un
plus usuels dans le domaine de la pharmacocinétique pourcentage inférieur à 100 p. 100) entre l’aire sous la
[31, 54, 60]. courbe après administration orale et celle après admi-
nistration intraveineuse rapide (Tableau 7-I).
Biodisponibilité
Volume de distribution
Le concept de biodisponibilité intègre à la fois la
mesure de la vitesse d’absorption de l’antidépresseur Le volume apparent de distribution est une
et la quantité de médicament absorbée. Une admi- construction fictive pour refléter la distribution
nistration intraveineuse rapide permet d’atteindre d’un médicament dans l’organisme. C’est en fait le
une biodisponibilité absolue de 100 p. 100. En cas volume dans lequel il faudrait dissoudre la quantité

83
Pharmacologie

de l’antidépresseur qui a été administrée pour obtenir chaque minute. Après normalisation pour le poids, on
dans tout l’organisme la même concentration que celle l’exprime habituellement en ml/min × kg. C’est une
obtenue dans la circulation. Il se calcule donc en litres, clairance totale qui inclut donc la clairance rénale et
puisqu’il résulte du rapport entre la masse totale de la clairance hépatique. On peut la calculer à partir de
l’antidépresseur dans l’organisme et la concentration mesures rapprochées des concentrations plasmatiques
plasmatique de l’antidépresseur. Plus ce volume de après administration intraveineuse d’une dose unique
distribution est élevé, plus l’antidépresseur est présent (permettant le calcul de l’aire sous la courbe des
en grande quantité dans les tissus. Cela est favorisé concentrations plasmatiques en fonction du temps)
par les caractéristiques physicochimiques du produit selon la formule présentée dans le tableau 7-I. La
(lipophilie, solubilité, taille…) ainsi que par son affi- quantité absorbée est égale à la quantité administrée
nité pour les protéines plasmatiques et tissulaires et multipliée par la fraction de biodisponibilité.
pour d’autres structures tissulaires. On décrit ainsi
dans le secteur plasmatique une fraction de médica-
ment libre (c’est-à-dire non liée aux protéines plasma- Demi-vie d’élimination
tiques) et une fraction liée aux protéines plasmatiques.
Il en est de même au niveau tissulaire par rapport aux La demi-vie d’élimination indique la durée de
protéines tissulaires et c’est donc entre les fractions temps nécessaire pour que la concentration du médi-
non liées aux protéines que s’établit un équilibre entre cament dans le plasma soit réduite de moitié. Elle est
le secteur plasmatique et les secteurs tissulaires. liée à une constante d’élimination par la formule :
Demi-vie d’élimination = 0,693/constante
Clairance d’élimination
Cette constante d’élimination est elle-même égale
Les antidépresseurs sont essentiellement éliminés au rapport entre la surface de l’aire sous la courbe des
par les reins sous forme de métabolites issus d’une
concentrations plasmatiques en fonction du temps et
biotransformation hépatique du produit initial. La
le volume de distribution.
biotransformation permet d’obtenir des substances
dont l’hydrosolubilité augmentée facilite l’excré-
tion rénale ou biliaire. Par analogie avec ce que l’on État d’équilibre
connaît avec la clairance rénale de la créatinine, la clai-
rance de l’antidépresseur est définie comme le volume Après la prise de la première dose de l’antidépres-
de plasma complètement épuré de l’antidépresseur seur, la seconde dose intervient avant que la totalité de

Concentration
plasmatique C

Taux toxique Marges


minimal thérapeutiques

Taux plateau (steady-state)

Taux thérapeutique Intervalle


minimal de dosage τ

Courbe d’élimination
après administration unique

Temps t

Figure 7-2. – Évolution des concentrations plasmatiques avec la répétition des doses et état d’équilibre.

84
PHARMACOCINÉTIQUE

la quantité absorbée après la première administration limitée au sevrage tabagique. Mais il n’existe pas de
ne soit éliminée. Il en résulte un processus d’accumu- formes retard ou dépôt pour les antidépresseurs, à la
lation qui se poursuit avec les prises suivantes jusqu’à différence des antipsychotiques, même si l’idée a déjà
atteindre un moment où la quantité d’antidépresseur été considérée [5].
qui entre dans l’organisme chaque jour est égale à la
quantité éliminée. C’est ce qu’on appelle l’état d’équi-
libre (steady-state). Les concentrations plasmatiques Absorption
minimales mesurées juste avant une nouvelle prise
Pour atteindre la circulation sanguine, la molécule
de l’antidépresseur et les concentrations plasmatiques
d’antidépresseur doit traverser plusieurs membranes
maximales au pic d’absorption après une nouvelle
cellulaires. Cette diffusion se fait principalement de
prise sont approximativement stables. Cet état d’équi-
manière passive à travers la double couche lipidique
libre est atteint après un intervalle de l’ordre 4 à 5 fois
des membranes cellulaires, favorisée par la bonne
la demi-vie d’élimination (Figure 7-2).
lipophilie des antidépresseurs. Des mécanismes de
transport actif peuvent limiter ce passage. Après
chaque prise de l’antidépresseur, sa libération et son
absorption résultent en une augmentation des concen-
É tapes du système LADME trations plasmatiques qui culminent en un pic plasma-
tique (appelé Tmax) qui se situe en général entre 1 et
Libération 2 heures, sauf pour quelques molécules où il est plus
tardif comme pour les ISRS sertraline et fluoxétine.
Parmi les mécanismes qui peuvent activement
C’est l’étape de la mise à disposition de l’antidé-
refouler la molécule au niveau de l’épithélium intesti-
presseur sous une forme moléculaire au niveau du site
nal, celui de la molécule de transport glycoprotéine P
d’absorption. Elle est importante quand le médica-
(P-gp) sera évoqué plus loin à propos de la barrière
ment est ingéré par voie orale en vue d’une absorption
hémato-encéphalique. Son activité, associée à l’effet
au niveau du tractus digestif. Elle dépend de la forme
de premier passage hépatique, contribue dans une cer-
galénique, et les antidépresseurs disponibles en France
taine mesure à faire que la biodisponibilité de certains
ont différentes formes galéniques (à type de compri-
antidépresseurs, en dépit d’une absorption facile, est
més, gélules, solutés liquides…). Il peut en résulter
bien inférieure à 100 p. 100 (Tableau 7-II).
des petites différences pour l’étape suivante d’absorp-
tion, en particulier entre formes génériques du même
antidépresseur, mais cela est habituellement consi- Distribution
déré comme insignifiant sur le plan clinique pour ces
médicaments. Une fois présents dans la circulation sanguine,
Cette étape de libération ne concerne pas la voie les antidépresseurs sont fortement liés aux protéines
intraveineuse. Seul un petit nombre d’antidépresseurs plasmatiques (voir Tableau 7-II), les seules excep-
est disponible en France sous forme intraveineuse : tions notables étant constituées par le moclobémide,
deux antidépresseurs tricycliques, l’amitriptyline et la IMAO (inhibiteur de la monoamine oxydase) sélectif
clomipramine, et un inhibiteur sélectif de la recapture (IMAO-A) et réversible, et la venlafaxine, un IRSNa.
de la sérotonine (ISRS), le citalopram. L’albumine joue un rôle de premier plan comme
Des préparations galéniques à libération lente ou protéine de transport, mais les antidépresseurs tricy-
prolongée ont étés conçues pour certains antidépres- cliques se fixent aussi à l’α1-glycoprotéine acide (appe-
seurs, de façon à limiter l’ampleur et la rapidité des lée aussi orosomucoïde) [38].
variations des concentrations plasmatiques entre les La forte fixation aux protéines se retrouve aussi au
prises, ce qui, en améliorant la tolérance et en permet- niveau tissulaire, ce qui se traduit par des volumes de
tant de réduire le nombre de prises quotidiennes, peut distribution moyens à élevés, notamment pour les
favoriser une meilleure observance. De telles formes antidépresseurs tricycliques et apparentés. À l’inverse,
galéniques concernent en France la venlafaxine, un et logiquement, compte tenu de sa relativement faible
inhibiteur sélectif de la recapture de la sérotonine et de fixation aux protéines plasmatiques, le moclobémide a
la noradrénaline (IRSNa), et le bupropion, un inhibi- un volume de distribution faible.
teur sélectif de la recapture de la noradrénaline et de Au-delà de la distribution reste la question de la
la dopamine, qui dispose en France d’une indication pénétration dans le système nerveux central et de la

85
Pharmacologie

Tableau 7-II. – Caractéristiques pharmacocinétiques des antidépresseurs : Tmax, biodisponibilité, volume de


distribution et fraction libre [15, 63].

Antidépresseur + métabolite Tmax Biodisponibilité Volume de distribution Fraction libre


(heures) (p. 100) (l/kg) (p. 100)

Antidépresseurs tricycliques et apparentés


Amitriptyline 2-5 37-53 15-23 7-9
– nortriptyline – 10-12
Amoxapine
Clomipramine 3-5 36-68 12-22 1,4-3,5
– desméthylclomipram – – –
Dosulépine 2-5
Doxépine 2,5 30 20 8,5-12,5
– nordoxépine
Imipramine 2-6 29-80 12-24 10-12
– désipramine – – – 13-17
Maprotiline 3-8 48-86 34-70 9-12
Trimipramine 1-6 18-63 17-48 5±1
Inhibiteurs sélectifs de recapture de la sérotonine
Citalopram 2-4 80-95 15 18
Escitalopram 80 19
Fluoxétine 6-8 85 35 5
– norfluoxétine – – –
Fluvoxamine 2-8 50 25 23
Paroxétine 1-11 12 3-28 7
Sertraline 4-8 >40 25 22-36
Inhibiteurs de recapture de la sérotonine et de la noradrénaline
Duloxétine 6 50 17
Milnacipran 2 85 5 87
Venlafaxine 2-4 29-59 2,5-6,3 70
– desméthylvenlafaxine
Autres antidépresseurs
Agomélatine 1-2 5 35 1-2
Bupropion 2,5-3 > 87 30 16
– 4-OH-bupropion – – – 23
Iproniazide
Miansérine 1-2 13-27 4-6
Mirtazapine 1-3 40-60 3,1-3,9 15
Moclobémide 0,5-1,5 44-86 0,8-1,2 50
Tianeptine 6

barrière hémato-encéphalique. À la barrière histolo- MDR1, aussi appelé ABCB1. La P-gp, exprimée dans
gique passive que constituent successivement, depuis les cellules endothéliales comme dans les cellules de
la lumière des vaisseaux, les cellules endothéliales l’épithélium intestinal, joue un rôle de transporteur
étroitement soudées (par des tight junctions), les péri- actif pour refouler des molécules qui tentent de péné-
cytes et les cellules gliales s’ajoute le rôle de la P-gp trer dans le cerveau. Les travaux concernant le rôle de
[40, 43]. Cette protéine est synthésée par le gène la P-gp dans la pénétration des antidépresseurs dans

86
PHARMACOCINÉTIQUE

le système nerveux central ont été faits chez l’animal, pour la biotransformation des antidépresseurs sont
et il est difficile de dire si leurs résultats s’appliquent les iso-enzymes CYP1A2, CYP2B6 (pour un nombre
aussi chez l’homme, d’autant qu’il existe d’autres pro- relativement limité de substrats), CYP2C9, CYP2C19,
téines de transport que la P-gp. En ce qui concerne des CYP2D6 et CYP3A4 (Tableau 7-III). D’autres
médicaments commercialisés sous forme de racémate, enzymes contribuent de façon plus marginale à ces
la P-gp peut exercer une activité stéréosélective [17]. réactions de phase I, telles que la flavine mono-oxydase
Toujours est-il que, chez des souris génétiquement (FMO) [25] ou même les monoamines oxydases A et
dépourvues de P-gp, les concentrations intracérébrales B [58]. Une variabilité interindividuelle importante
de l’amitriptyline, du citalopram, de la doxépine, de d’origine génétique peut être observée concernant
la paroxétine, de la trimipramine et de la venlafaxine l’équipement en iso-enzymes du cytochrome P450, ce
sont modérément plus élevées que chez des souris nor- qui entraîne des différences interindividuelles majeures
males. En revanche, la fluoxétine et la mirtazapine ne sur le plan pharmacocinétique [33]. D’autre part, des
seraient pas substrats de ce transporteur [40]. Chez variations intra-individuelles dans la pharmacociné-
l’homme, un premier travail suggère l’existence d’une tique des psychotropes sont liées à l’environnement et
relation entre le génotype de la P-gp et la réponse cli- à l’exposition à des substances ayant des effets inhibi-
nique à des antidépresseurs substrats de la P-gp [62]. teurs ou inducteurs de telle ou telle iso-enzyme. Ces
Pour les extraits végétaux d’Hypericum perforatum substances peuvent être contenues dans l’alimenta-
(ou millepertuis), plusieurs substances sont probable- tion. On évoquera par exemple : l’effet inhibiteur
ment impliquées dans l’action monoaminergique du sur le CYP3A4 du jus de pamplemousse [18] ; l’effet
produit (notamment hypericine, pseudo-hypericine, inducteur sur le CYP1A2 de la fumée de cigarette sur
hyperforine, quercétine, amentoflavone, biapigé- la biotransformation de la mirtazapine [39]. Plusieurs
nine...), et leur pénétration dans le système nerveux médicaments sont des inhibiteurs et/ou inducteurs de
central semble limitée. certaines formes de cytochrome P450 mais, à part le
millepertuis (CYP3A4), aucun antidépresseur n’est
un inducteur enzymatique. En revanche, certains sont
Métabolisme des inhibiteurs, comme par exemple la fluoxétine qui
inhibe le CYP2D6. Des métabolites issus d’une bio-
Tous les antidépresseurs sont concernés par des transformation peuvent aussi être à l’origine d’une
étapes du métabolisme hépatique. Des activités de interaction médicamenteuse. Ainsi la paroxétine, un
biotransformation des antidépresseurs sont aussi ISRS, présente-t-elle une pharmacocinétique non
présentes dans la muqueuse intestinale et, dans une linéaire (ses concentrations plasmatiques augmentent
moindre mesure, dans les poumons et même dans le plus que ce que prédit l’augmentation de posologie :
cerveau [24, 36, 64]. si la pharmacocinétique est linéaire, l’augmentation
Ce métabolisme hépatique commence par des réac- des concentrations plasmatiques est proportionnelle
tions dites de phase I qui transforment les molécules à l’augmentation de posologie) : cette non-linéarité
d’antidépresseurs très lipophiles en métabolites plus est liée au fait que l’un de ses métabolites inhibe le
hydrosolubles pour faciliter leur élimination. Cela métabolisme de la paroxétine par le CYP2D6. Cette
passe principalement par diverses réactions oxydatives, mechanism-based inhibition est en fait la conséquence
notamment par l’hydroxylation (par exemplen ami- d’une liaison irréversible du métabolite à l’enzyme, la
triptyline) [14], la déalkylation (par exemple, démé- rendant inactive. Elle ne retrouve son activité originale
thylation d’amines tertiaires comme l’amitriptyline, le qu’après sa nouvelle synthèse [11].
citalopram) et la sulfoxydation (dosulépine). La super- Ces différents facteurs génétiques et environnemen-
famille d’enzymes connues sous la dénomination de taux expliquent pourquoi, pour les antidépresseurs,
cytochrome P450 joue un rôle prépondérant. Elle est les concentrations plasmatiques à l’état d’équilibre
constituée de plusieurs familles de gènes (par exemple, peuvent, pour une même dose, varier considéra-
CYP3), de sous-familles (par exemple, CYP3A) et blement selon les individus. Dans une étude sur les
d’iso-enzymes fonctionnelles (par exemple, CYP3A4) taux plasmatiques du médicament chez soixante-cinq
[31, 33]. Cette classification est fondée sur le degré patients traités par la clomipramine à des doses entre
d’homologie de la séquence d’acides aminés : famille 25 et 225 mg/j, les taux de clomipramine (CMI) et de
(> 40 p. 100 d’homologie), sous-famille (> 55 p. 100). son métabolite, la desméthylclomipramine (DCMI),
La dénomination est donc complétée par un nombre variaient respectivement de 51 à 1 824 ng/ml et de 26
qui désigne le gène. Les isoformes les plus importantes à 2 895 ng/ml [48].

87
Pharmacologie

Tableau 7-III. – Caractéristiques pharmacocinétiques des antidépresseurs : demi-vies, iso-enzymes du cytochrome


P450 (CYP450) impliquées dans leur métabolisme et concentrations plasmatiques usuelles [15, 63].

Antidépresseur + métabolite Demi-vie Iso-enzymes du CYP450 impli- Concentrations plasmatiques usuelles


(heures) quées dans le métabolisme (ng/ml)

Antidépresseurs tricycliques et apparentés


Amitriptyline 16-26 2D6, 3A4, 2C19, 2C8/9, 1A2 80-200
– nortriptyline 13-37 2D6, 2C19, 1A2 (somme des deux)
Amoxapine 8
Clomipramine 7-35 2D6, 2C19, 1A2, 3A4 175-450
– desméthylclomipram. 36 2D6 (somme des deux)
Dosulépine 14-24
Doxépine 18 2D6, 2C19, 1A2, 2C9 50-150
– nordoxépine 54 2D6 (somme des deux)
Imipramine 12-25 2D6, 3A4, 2C19, 1A2 175-300
– désipramine 18-161 2D6 (somme des deux)
Maprotiline 15-104 2D6, 1A2 125-200
Trimipramine 16-39 2D6, 2C19 150-350
Inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine
Citalopram 23-45 3A4, 2C19, 1A2 30-130
Escitalopram 30 2C19, 3A4, 2D6 15-80
Fluoxétine 24-144 2D6, 2C19, 2C9, 3A4 120-300
– norfluoxétine 180 2D6, 3A4
Fluvoxamine 9-28 2D6 150-300
Paroxétine 7-65 2D6, 3A4 40-120
Sertraline 22-36 2D6, 2C9, 2B6, 2C19, 3A4 10-50
Inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline
Duloxétine 12 2D6, 1A2 20-80
Minalcipran 8
Venlafaxine 2-6 2D6, 2C19, 3A4, 2C9
– O-desméthylvenlafaxine 11 195-400
Autres antidépresseurs
Agomélatine 1-2 1A2, 2C9, 2C19
Bupropion 20 2B6, 1A2, 2A6, 2C9,3A4
– 4-OH-hydroxybupropion 20
Hypericine (millepertuis) 20-60
Iproniazide –
Miansérine 21-61 2D6, 1A2, 3A4, 2C19, 2B6 15-70
Mirtazapine 20-40 2D6, 1A2, 3A4 40-80
Moclobémide 5 2C19 300-1 000
Tianeptine 2-3

Pratiquement tous les antidépresseurs sont concer- plus élevée par rapport à la substance-mère. Cela est
nés par ces réactions de phases I à II. Les métabolites notamment le cas chez les patients qui présentent une
issus de cette phase peuvent aussi avoir une action déficience génétique du CYP2D6, ce qui a comme
antidépressive [55], qui sera d’autant plus significa- conséquence une hydroxylation réduite du métabo-
tive cliniquement que leur concentration sera souvent lite (par exemple, de la desméthylclomipramine pour

88
PHARMACOCINÉTIQUE

laquelle cela constitue la voie métabolique majeure), trois métabolites diffèrent par leur profil pharmacody-
tandis que, pour la substance mère (la clomipramine), namique de leurs substances mères respectives : ils sont
d’autres enzymes continuent à exercer une biotrans- tous trois essentiellement inhibiteurs de la recapture de
formation (Figure 7-3). La clomipramine, mais aussi la noradrénaline alors que leur substance mère inhibe
l’amitriptyline et l’imipramine, subissent une réaction aussi (amitriptyline, imipramine) ou quasi exclusive-
de déméthylation et sont transformées respectivement ment (clomipramine) la recapture de la sérotonine [56].
en amines secondaires desméthylclomipramine, nor- On relèvera que ces trois antidépresseurs tricycliques
triptyline et désipramine. La figure 7-3 propose, à titre ont des demi-vies de l’ordre d’une vingtaine d’heure,
d’exemple, une vue d’ensemble du métabolisme de la alors que la demi-vie de leur métabolite principal est
clomipramine [37] : peuvent être considérés comme plus longue, de l’ordre d’une trentaine d’heures ou
produits actifs la clomipramine, la desméthylclomipra- plus. Ainsi, selon le profil pharmacocinétique, qu’il soit
mine ainsi que leurs métabolites hydroxylés [41]. Les de base ou modifié par une interaction médicamen-
antidépresseurs nortriptyline et désipramine ne sont teuse, la balance entre action sérotoninergique et action
plus disponibles sur le marché français, mais ils le sont noradrénergique peut-elle considérablement varier.
encore dans certains pays. Point majeur, ces principaux Ce type de différence de profil pharmacologique peut

N
Cl
Clomipramine-N-glucuronide CH2
H2C
CH2
Flavine H3C N+ –
mono-oxygénase O
H3C
Clomipramine-N-oxyde

CYP3A4 CYP1A2
N N N
CH2 Cl CYP2C19 Cl Cl
CH2 CH2
H2C CYP1A2
H2C H2C
CH2 * CH 2 CH 2
N N N
H3C CH3 H3C H H H

Clomipramine Desméthylclomipramine Didesméthylclomipramine

CYP2D6 CYP2D6

HO HO
N N
Cl Cl
CH2 CH2
H 2C H 2C
CH2 CH2
N N
H3C CH3 H3C H

8-OH-Clomipramine 8-OH-Desméthylclomipramine

8-OH-Clomipramine-O- 8-OH-Desméthyclomipramine-O-
glucuronide glucuronide

Figure 7-3. – Métabolisme de la clomipramine. La clomipramine, la desméthylclomipramine ainsi que les


métabolites hydroxylés sont considérés comme des produits pharmacologiquement actifs (antidépresseurs).
La 2-hydroxylation constitue aussi une voie métabolique de la clomipramine.

89
Pharmacologie

aller encore plus loin : l’amoxapine, un antidépresseur de demi-vie beaucoup plus courte (voir Tableau 7-III)
tétracyclique de la classe des dibenzoazépines, a parmi concernent : l’agomélatine, agoniste des récepteurs
ses métabolites son produit N-déméthylé, l’antipsycho- à la mélatonine et antagoniste des récepteurs 5HT2c
tique loxapine [35], ce qui peut expliquer les risques (demi-vie de 1 à 2 heures), la tianeptine qui augmente
d’effets extrapyramidaux observés. la libération de sérotonine et agit probablement sur
Parmi les antidépresseurs non tricycliques, nom- la neuromédiation glutamatergique (demi-vie de 2 à
breux sont ceux qui ont des métabolites actifs 3 heures) et le moclobémide, IMAO sélectif et réver-
comme par exemple l’ISRS citalopram avec le sible (demi-vie de 5 heures).
N-desméthylcitalopram [56] ou le bupropion dont Signalons que les données disponibles en matière
le métabolite 4-hydroxy-bupropion est actif [28]. de pharmacocinétique et de métabolisme sont parfois
Deux antidépresseurs méritent une mention parti- très limitées [3]. C’est le cas pour les IMAO classiques
culière pour la contribution de leur métabolite prin- (l’iproniazide est le seul encore disponible en France).
cipal à l’effet clinique, notamment en raison de leur À ce sujet, rappelons cette particularité pharmacolo-
demi-vie plus longue que celle de la substance mère gique des IMAO classiques qui est la nature covalente
(Tableau 7-III). Il s’agit d’abord de l’ISRS fluoxétine de la liaison établie avec l’enzyme MAO (monoamine
qui possède une demi-vie relativement longue (24- oxydase) : une fois fixée, aucune dissociation ulté-
144 heures), mais moindre que celle de son méta- rieure n’est possible dans un état d’équilibre avec les
bolite principal, la norfluoxétine (200-223 heures), autres molécules non fixées de l’antidépresseur. Dès
qui présente un profil pharmacodynamique similaire lors, l’élimination de l’IMAO irréversiblement fixé se
[22]. De telles demi-vies peuvent expliquer pourquoi fera avec le catabolisme de la protéine.
la fluoxétine, à la différence des autres inhibiteurs de Pour les extraits végétaux d’Hypericum perforatum
la recapture de la sérotonine (ISRS ou IRSNa), semble (millepertuis), la question pharmacocinétique est un
moins exposer au risque de manifestations de sevrage peu plus complexe étant donné la multiplicité des
[49]. Il s’agit ensuite de l’IRSNa venlafaxine, dont substances potentiellement impliquées [16]. La demi-
le métabolite principal, la O-desméthylvenlafaxine, vie plasmatique varie considérablement entre les
présente un profil pharmacologique proche de la différents constituants, par exemple de 3 heures (quer-
substance mère et a été commercialisé dans certains cétine) à 19 heures (hypericine) (voir Tableau 7-III),
pays. Leur demi-vie est respectivement de l’ordre de et des données cliniquement significatives sur leur
5 et 11 heures [1]. Dans l’ensemble, les demi-vies des métabolisme manquent [57].
antidépresseurs non tricycliques se situent entre une Enfin, une question particulière en matière de
demi-journée et une journée. Les exceptions notables métabolisme est celle de la stéréosélectivité [44].

HO

N N
N H N H

N CYP2D6
N
CH3 CH3
S(+)-Mirtazapine S(+)-8-OH-Mirtazapine

HO

N N
N H N H

N
CYP2D6
N
CH3 CH3
R(-)-Mirtazapine R(-)-8-OH-Mirtazapine

Figure 7-4. – Hydroxylation stéréosélective de la mirtazapine par le CYP2D6 en 8-OH-mirtazapine. Le rôle d’autres
formes de cytochrome P450 et les autres voies métaboliques ne sont pas présentés.

90
PHARMACOCINÉTIQUE

Certains antidépresseurs sont des molécules chirales la conjugaison par formation d’un sulfate ou d’un
disponibles sous formes de racémates, c’est-à-dire dérivé de glutathion, l’acétylation et la méthylation
sous la forme d’un mélange en proportions iden- [42]. La glycuronidation s’effectue par la famille
tiques de deux énantiomères [10]. Ils ont la même UGT (UDP-glycuronosyltransférase), composée
formule chimique plane, mais une structure dans l’es- de nombreuses iso-enzymes, dont certaines sont
pace qui diverge. Il en résulte des interactions entre génétiquement polymorphes. Il faut préciser que,
l’antidépresseur et les récepteurs sur lesquels repose dans le cas d’antidépresseurs disponibles sous forme
l’action pharmacologique de l’antidépresseur, ou les d’amines tertiaires, comme l’imipramine [47] et la
enzymes de biotransformation qui diffèrent selon clomipramine, des amines quaternaires sont for-
l’énantiomère. Si l’affinité des deux énantiomères mées par glycuronidation tandis que les amines
n’est pas la même pour certaines iso-enzymes du secondaires ne forment guère de produits conjugués
cytochrome P450, il en résulte un destin pharmaco- [21]. La glycuronidation de métabolites hydroxylés
cinétique différent pour les deux énantiomères. C’est d’antidépresseurs est importante, mais des données
le concept de stéréoselectivité du métabolisme qui sur le rôle d’UGT individuelles font défaut. Dans
concerne plusieurs antidépresseurs : la trimipramine le cas très complexe de l’amitriptyline, huit métabo-
parmi les tricycliques, le citalopram et la fluoxétine lites hydroxylés sont décrits : (–)- et (+)-(E)-10-OH
parmi les ISRS, la venlafaxine parmi les IRSNa, la et (–)- et (+)-(Z)-10-OH de l’amitriptyline et de la
mirtazapine et la miansérine parmi les autres anti- nortriptyline [14].
dépresseurs [10]. La figure 7-4 illustre la stéréosé- Les antidépresseurs modernes présents sous forme
lectivité de l’hydroxylation de la mirtazapine par le d’amines tertiaires, dont le citalopram [19], la mirta-
CYP2D6, qui métabolise préférentiellement la S(+)- zapine (et son métabolite la 8-OH-mirtazapine) [50],
mirtazapine, considérée comme l’énantiomère prin- subissent aussi une conjugaison dans l’organisme.
cipalement responsable de l’effet antidépresseur de ce Précisément, dans le cas du citalopram, les métabo-
médicament chiral [50]. lites glycuroconjugués des molécules suivantes ont été
Chez des patients traités par citalopram, les concen- observés dans l’urine chez des volontaires sous cita-
trations plasmatiques de l’énantiomère S-citalopram, lopram : citalopram, didesméthycitalopram, citalo-
commercialisée dans un second temps sous le nom pram acide propionique (mais pas l’amine secondaire
d’escitalopram, ne représentent que 50 à 70 p. 100 desméthycitalopram) [19]. Dans le cas de la mirta-
des concentrations plasmatiques de l’énantiomère zapine, on observe même une stéréosélectivité de la
R-citalopram dont l’action pharmacologique est très glycuroconjugaison, dans ce sens que c’est plutôt la
limitée [6, 59]. La R-norfluoxétine se différencie de R-mirtazapine qui est préférentiellement métabolisée
la S-norfluoxétine par son absence d’activité pharma- en amine quaternaire.
cologique antidépressive. Dans le cas de la réboxé-
tine, la molécule possède deux centres asymétriques
et il existe donc quatre énantiomères. Et lorsque la Excrétion
chiralité ne concerne pas la molécule mère, elle peut
cependant être présente dans les métabolites, comme L’élimination des antidépresseurs hors de l’orga-
le montre l’exemple de l’amitriptyline (voir plus loin). nisme se fait essentiellement par voie rénale sous
Ces réactions de biotransformation de phase I, forme de métabolites dont l’hydrosolubilité par
qui produisent des métabolites plus hydrophiles rapport à la substance mère a été considérablement
que leur substance mère, sont complétées par des accrue par les réactions de phase I, puis de phase II
réactions de phase II qui consistent principalement [54]. Seule une toute petite fraction des molé-
en des réactions de conjugaison. La glycuronidation cules mères est excrétée par voie rénale sous forme
est un mécanisme parmi d’autres d’élimination de inchangée : par exemple, pour l’imipramine à un
xénobiotiques selon une réaction de phase II qui, en pH urinaire de 5, c’est environ 1 p. 100 de la dose
principe, rend la molécule plus hydrophile et donc initiale qui est éliminée inchangée dans les urines.
plus propice à une élimination rénale. Les produits L’élimination par voie biliaire joue un rôle secon-
glycuronidés issus des antidépresseurs n’ont pas daire, à l’exception du citalopram pour lequel elle
d’action pharmacologique, ce qui explique en par- représente 85 p. 100 de l’excrétion. Ces éliminations
tie pourquoi les études sur les réactions de phase II rénale et biliaire mettent à contribution différents
pour cette classe de médicaments soient plutôt systèmes de transporteurs protéiques, y compris des
rares. D’autres réactions de phase II comprennent protéines de la famille MDR, dont la P-gp.

91
Pharmacologie

Situations et influences spécifiques biologiques concernant, par exemple, la température,


la production d’hormones (cortisol, hormones thyroï-
diennes) ou le sommeil. Dès lors, on peut se deman-
Influence des pathologies somatiques der si la pharmacocinétique des antidépresseurs peut
associées et de l’âge être mise à contribution pour influencer l’effet théra-
peutique des antidépresseurs, comme cela a été envi-
sagé dans d’autres domaines. On peut objecter à cela
L’importance du métabolisme hépatique des anti- que l’effet antidépresseur se développe sur plusieurs
dépresseurs implique que, de façon générale, en cas semaines en impliquant probablement des modifica-
d’insuffisance hépatique, une réduction de la posolo- tions lentes au niveau de l’activité de certains gènes,
gie quotidienne doit être envisagée [7]. En cas d’in- de la synthèse de protéines et même de la structure ou
suffisance rénale, l’impact est moins important, car de la survie de neurones. Certes, mais d’un autre côté,
plus en aval dans le processus d’élimination. De ce certaines manipulations pharmacologiques au cours
fait, le changement pour la substance mère est souvent du traitement antidépresseur peuvent produire leur
absent. Toutefois, l’accumulation peut porter sur des effet en quelques heures (comme, par exemple, avec
métabolites d’aval qui peuvent participer à des effets le test de déplétion en tryptophane qui réduit bruta-
pharmacologiques, thérapeutiques ou non. Par consé- lement la production de sérotonine). Toujours est-il
quent, une adaptation de posologie est recomman- qu’à ce jour, il n’existe aucune donnée suggérant une
dée, notamment pour les tricycliques en général et les importance de l’heure de prise et donc du pic plasma-
ISRS sertraline, paroxétine et citalopram [4]. tique pour obtenir l’effet pharmacodynamique voulu.
La diminution avec l’âge, en particulier le grand Il existe cependant une exception notable avec l’ago-
âge, des capacités de métabolisme hépatique et d’éli- mélatine, dont l’action thérapeutique passerait, entre
mination rénale nécessitent, chez les sujets vieillissant, autres, par son action agoniste des récepteurs M1 de la
une adaptation à la baisse de la posologie de l’antidé- mélatonine [20] : pour cette raison, on recommande
presseur et une introduction prudente, sachant qu’à la sa prise au moment du coucher pour que les pics plas-
modification du profil pharmacocinétique s’ajoutent matiques coïncident avec le pic physiologique attendu
d’autres éléments pharmacodynamiques propres à de mélatonine.
l’âge [23]. L’utilisation des antidépresseurs chez l’en- De façon analogue, pour les antidépresseurs ayant
fant doit donner lieu à une adaptation posologique et un effet pharmacologique immédiat de sédation lié
à une grande attention dans la mesure où les études de au blocage des récepteurs à l’histamine de type H1
pharmacocinétique des antidépresseurs chez l’enfant comme l’amitriptyline, la trimipramine, la miansé-
sont en nombre limité [51]. rine ou la mirtazapine, les cliniciens proposent aux
patients des prises en soirée ou au coucher de façon à
utiliser les pics plasmatiques de l’antidépresseur pour
Influence du genre favoriser le sommeil et limiter le retentissement cogni-
Les données disponibles sont limitées et parfois tif diurne.
contradictoires mais une tendance se dessine dans le
sens de concentrations plus élevées chez la femme pour
la clomipramine, la nortriptyline, le citalopram et sur- S urveillance des concentrations
tout la mirtazapine [12]. Des modifications selon le
plasmatiques des antidépresseurs
cycle génital constituent une spécificité pour la femme,
les plus significatives étant susceptibles de se produire
pendant la grossesse. Ainsi, au cours de la grossesse, Antidépresseurs tricycliques
peut-on observer une modification de l’activité de cer-
taines iso-enzymes du cytochrome P450 : par exemple,
La surveillance des concentrations plasmatiques
inhibition du CYP1A2 et induction du CYP3A4 [12].
(TDM pour therapeutic drug monitoring des auteurs
de langue anglaise) des antidépresseurs a été intro-
Aspects chronothérapeutiques duite il y a 40 ans déjà [2, 30] d’après l’hypothèse
selon laquelle les taux plasmatiques du médicament
L’étiopathogénie complexe des troubles dépressifs reflètent mieux la dose que les concentrations céré-
inclut la contribution de modifications de rythmes brales des principes actifs [29, 45, 52, 61]. Dans ce

92
PHARMACOCINÉTIQUE

sens, dès 1983, une réunion remarquable avait été efficace qui a été définie sur la base des essais cliniques.
organisée à Paris afin de faire le point sur l’importance Donc, il doit bien aussi exister, si ce n’est un seuil, au
de cette technique en clinique [13]. Elle a connu une moins une zone minimale efficace pour les concentra-
première heure de gloire avec les antidépresseurs tricy- tions. Certains des quelques patients qui tirent profit
cliques. Cette classe médicamenteuse conjugue pour d’une augmentation de la dose le font probablement
cela quatre éléments majeurs : parce que leurs concentrations plasmatiques initiales
–– comme nous l’avons déjà évoqué, il existe une étaient basses. Mais la littérature sur le sujet est plutôt
très forte variabilité interindividuelle des concentra- maigre. On relèvera aussi quelques travaux suggérant
tions plasmatiques ; aussi que des concentrations plus élevées sont asso-
–– il existe une relation concentration plasmatique- ciées, non pas à une réponse plus fréquente, mais à
effet thérapeutique positive, qui permet de cerner une réponse plus rapide, comme cela a été observé
une concentration plasmatique minimale à partir de pour la venlafaxine et la paroxétine [26, 27].
laquelle la probabilité de réponse clinique favorable Cela explique pourquoi, pour ces antidépresseurs de
est plus élevée ; 2e et 3e générations, le niveau de recommandation est
–– avec l’élévation des concentrations plasmatiques, 2 (recommandé), 3 (utile) ou même 4 (probablement
on franchit un nouveau seuil, au-delà duquel la utile) [8, 9]. Cela s’explique en partie par le manque
réponse thérapeutique est moins bonne (on parle de d’études pour certains antidépresseurs. Entre-temps,
relation curvilinéaire) et/ou la tolérance, notamment ce même groupe d’auteurs [32] a édité une version
sur le plan cérébral et cognitif (mais aussi cardiovas- mise à jour des recommandations pour la surveillance
culaire), se détériore, ce qui, en combinaison avec la des concentrations plasmatiques de psychotropes,
notion de seuil d’efficacité minimal, permet de déter- fondée sur un consensus.
miner une marge ou fenêtre thérapeutique ;
–– cette marge est relativement étroite, dans
un rapport de l’ordre de 1 sur 2 ou 3 entre le seuil Indications pour la surveillance
minimal et le seuil maximal (voir Tableau 7-III), ce des taux plasmatiques
qui est sans commune mesure avec les différences
interindividuelles. En tenant compte des différences de niveaux de
Récemment, un groupe d’auteurs a défini des niveaux recommandation pour la surveillance des concentra-
de recommandation pour la surveillance des concentra- tions plasmatiques des différentes classes d’antidépres-
tions plasmatiques de médicaments psychotropes, dont seurs, les indications suivantes sont à retenir :
les antidépresseurs. Les antidépresseurs tricycliques font –– résistance au traitement ;
partie des groupes, comme les sels de lithium, pour les- –– signes de mauvaise tolérance ;
quels le niveau de recommandation pour la surveillance –– associations médicamenteuses connues pour
est 1, soit fortement recommandé [8, 9]. comporter un risque d’interactions ;
–– situations particulières (personne âgée, enfant,
insuffisance hépatique ou rénale, polypathologie asso-
Autres antidépresseurs ciée à une polypharmacie…) ;
–– suspicion de mauvaise observance.
Pour les autres antidépresseurs, le problème se pose Les éléments présentés ci-dessus ont été surtout
différemment. La variabilité interindividuelle est approfondis avec les tricycliques majeurs (et, point
un peu moins importante et il n’y a pas de relation important, leurs métabolites principaux) que sont
concentration plasmatique-effet thérapeutique évi- l’amitriptyline, la clomipramine et l’imipramine. Les
dente, ce qui peut être rapproché du fait que la courbe valeurs des concentrations plasmatiques usuelles pré-
dose-effet thérapeutique est plate pour la plupart de sentées dans le tableau 7-III peuvent donc être utili-
ces ISRS [46, 53]. En comparaison aux tricycliques, sées par le clinicien pour adapter la posologie de son
l’index thérapeutique est plus large pour les antidé- traitement en interaction, bien sûr, avec les éléments
presseurs plus récents. En effet, même à des taux rela- de l’observation clinique concernant la réponse théra-
tivement élevés, leur toxicité reste modérée. L’IRSNa peutique et les effets secondaires.
venlafaxine fait exception, mais c’est peut-être aussi en En pratique, en cas de réponse partielle, les clini-
raison du recrutement de l’effet noradrénergique avec ciens optent souvent pour une augmentation de la
les posologies les plus élevées. Toutefois, cette courbe posologie, sans recours à la surveillance des concentra-
dose-effet est plate au-delà d’une dose minimale tions plasmatiques. Celle-ci peut toutefois constituer

93
Pharmacologie

un point de repère lorsqu’il s’agit de dépasser les doses de connaître les propriétés métaboliques et cinétiques
usuelles. des antidépresseurs afin d’interpréter des cas de phar-
Finalement, l’utilité de la surveillance des concen- macovigilance [34].
trations plasmatiques reste une aide pour détecter
les problèmes de mauvaise observance. Les cliniciens
n’aiment jamais se rappeler que 10 à 30 p. 100 des Référence
patients déprimés traités en ambulatoire ne prennent
pas ou peu leur traitement antidépresseur, ce qui 1. Artigas F. Selective serotonin/noradrenaline reuptake
fait de la non-observance une source importante inhibitors (SNRIs). Pharmacology and therapeutic poten-
tial in the treatment of depressive disorders. CNS Drugs,
de pseudo-résistance au traitement. La mesure des
1995, 4 : 79-89.
concentrations vient donc compléter utilement les 2. Asberg M, Cronholm B, Sjöqvist F, Tuck D.
éléments recueillis auprès du patient lors de la discus- Relationship between plasma level and therapeutic effect of
sion de l’observance. nortriptyline. Br Med J, 1971, 3 : 331-334.
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Le clinicien se rappellera qu’il doit attendre que 5. Baumann P, Bertschy G. Long-term treatment of
l’état d’équilibre soit atteint, non seulement pour la depression : is there a use for depot antidepressants ? Int
molécule mère, mais aussi pour le métabolite principal Clin Psychopharmacol, 1997, 12 : 77-80.
lorsqu’il est important de le mesurer en même temps 6. Baumann P, Eap CB. Enantiomeric antidepressant
que la molécule mère, comme nous l’avons indiqué drugs should be considered on individual merit. Hum
pour les principaux antidépresseurs tricycliques. Cela Psychopharmacol Clin Exp, 2001, 16 : S85-S92.
7. Baumann P, Eap CB, de Mendonça Lima CA,
veut dire après un délai équivalent à quatre à cinq fois
Zullino D. Characteristics of psychotropic drug metabo-
la demi-vie de l’antidépresseur ou de son métabolite lism in geriatric patients. In : N Brunello N, SZ Langer, G
actif. En pratique, une semaine est considérée comme Racagni. Mental disorders in the elderly : new therapeu-
suffisante pour pratiquement tous les médicaments, tic approaches. Basel, Karger, International Academy for
sauf la fluoxétine. Biomedical and Drug Research, 1998 : 159-170.
Le prélèvement doit être fait au moins 12 heures 8. Baumann P, Hiemke C, Ulrich S et al. The AGNP-
après la dernière prise de l’antidépresseur, soit, de TDM expert group consensus guidelines : therapeutic drug
monitoring in psychiatry. Pharmacopsychiatry, 2004, 37 :
façon optimale, le matin, en rappelant au patient, en
243-265.
cas de prise habituelle le matin, d’attendre que le pré- 9. Baumann P, Hiemke C, Ulrich S et al. Le dosage
lèvement soit fait pour prendre son traitement. plasmatique des médicaments psychotropes à des fins
thérapeutiques : recommandations du groupe d’experts
AGNP-TDM. Rev Méd Suisse, 2006, 2 : 1413-1426.
10. Baumann P, Zullino DF, Eap CB. Enantiomers’
C onclusion potential in psychopharmacology : a critical analysis with
special emphasis on the antidepressant escitalopram. Eur
Neuropsychopharmacol, 2002, 12 : 433-444.
Les connaissances sur le métabolisme et la pharma- 11. Bertelsen KM, Venkatakrishnan K, Von Moltke
cocinétique ont considérablement augmenté ces der- LL et al. Apparent mechanism-based inhibition of human
CYP2D6 in vitro by paroxetine : comparison with fluoxe-
nières années, surtout depuis le développement de la tine and quinidine. Drug Metab Dispos, 2003, 31 :
pharmacogénétique. On constate cependant que les 289-293.
recherches sur les propriétés des médicaments tricy- 12. Bigos KL, Pollock BG, Stankevich BA, Bies RR. Sex
cliques ont beaucoup diminué avec l’introduction de differences in the pharmacokinetics and pharmacodyna-
nouveaux antidépresseurs, même si ceux-ci ont été mics of antidepressants : an updated review. Gend Med,
peu nombreux au cours de la dernière décennie. Il 2009, 6 : 522-543.
13. Boyer P, Guelfi J-D, Lavoisy J. Antidépresseurs : phar-
s’agit donc d’optimiser l’utilisation des médicaments
macocinétique et applications cliniques. Actualités psychia-
actuellement disponibles, d’autant plus que l’on triques, 1984, 6A : 1-116.
assiste à une augmentation de la fréquence des co- 14. Breyer-Pfaff U. The metabolic fate of amitriptyline, nor-
médications psychiatriques ou somatiques. Dans ce triptyline and amitriptylinoxide in man. Drug Metab Rev,
contexte, de nombreux exemples montrent l’avantage 2004, 36 : 723-746.

94
PHARMACOCINÉTIQUE

15. Breyer-Pfaff U, Gaertner HJ, Baumann P. 32. Hiemke C, Baumann P, Bergemann N et al. AGNP
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95
Pharmacologie

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96
8
P harmacogénétique
........
L. Becquemont

Q u ’ est - ce que des médicaments (absorption, distribution, méta-


bolisme et excrétion, c’est-à-dire essentiellement des
la pharmacogénétique ? transporteurs et des enzymes du métabolisme hépa-
tique) et, d’autre part, ceux qui codent des protéines
Depuis l’achèvement du séquençage du génome impliquées dans l’effet des médicaments (récepteurs
humain au début de ce siècle, l’une des principales et transduction du signal intracellulaire) comme indi-
surprises a été de découvrir à quel point la séquence qué dans le tableau 8-I. Les variants des gènes dont les
de notre génome variait d’un individu à l’autre, et ce protéines sont impliquées dans la pharmacocinétique
physiologiquement, en dehors de toute maladie rare des antidépresseurs seront associés à des sous- ou sur-
consécutive à des mutations rares. Notre génome com- dosages et donc à des non-réponses au traitement ou
prend environ 3 milliards de paires de bases et nous à des effets indésirables. Les variants des gènes dont
différons les uns des autres de plusieurs millions de les protéines sont impliquées dans l’effet (pharmaco-
paires de bases. On distingue les polymorphismes géné- dynamique) des antidépresseurs seront associés à des
tiques simples (remplacement d’une base par une autre, non-réponses au traitement.
encore appelés single nucleotide polymorphism [SNP]),
les insertions ou les délétions de bases et les variations
du nombre de copies d’une séquence donnée (courte Tableau 8-I. – Gènes codant des protéines impliquées
ou longue), encore appelées copy number variations dans la pharmacocinétique et la pharmacodynamique
(CNV). La fréquence de ces variations de séquence des antidépresseurs.
de notre génome, que nous appellerons variants, peut
être très différente d’un groupe ethnique à l’autre : un Gènes impliqués dans la pharmacocinétique des antidépresseurs
même variant peut concerner 5 p. 100 d’un groupe CYP2D6 (métabolisme hépatique)
ethnique et 50 p. 100 d’un autre groupe ethnique. CYP2C19 (métabolisme hépatique)
Fort heureusement, la plupart de ces variants n’ont CYP1A2 (métabolisme hépatique)
aucune conséquence clinique. En revanche, les porteurs ABCB1 (pénétration intracérébrale)
asymptomatiques de certains variants peuvent, une fois
Gènes impliqués dans l’effet (pharmacodynamique)
exposés à un médicament donné, réagir de façon diffé- des antidépresseurs
rente du reste de la population. La pharmacogénétique
étudie les conséquences de la variabilité physiologique SLC6A2 (transporteur de la noradrénaline)
de notre génome sur la réponse aux médicaments. En SLC6A4 (transporteur de la sérotonine)
pratique, trois phénotypes cliniques sont recherchés : HTR1A (récepteur de la sérotonine)
HTR2A (récepteur de la sérotonine)
–– les patients qui sont à risque de développer un HTR5A (récepteur de la sérotonine)
effet indésirable médicamenteux ; HTR6 (récepteur de la sérotonine)
–– ceux qui ne vont pas du tout répondre à un GNB3 (sous-unité de la protéine G)
médicament donné ; NR3C1 (récepteur glucocorticoïdes)
–– ceux nécessitant une dose journalière différente CREB1 (facteur de transcription AMPc-dépendant)
des autres patients. CRHR1 (corticotropin releasing hormone receptor 1)
NTRK2 (neurotrophic tyrosine kinase receptor)
Les gènes d’intérêt sont, d’une part, ceux qui codent
BDNF (brain-derived neurotrophic factor)
des protéines impliquées dans la pharmacocinétique

97
Pharmacologie

V ariants génétiques modifiant ultrarapides (MUR) (2 p. 100 des Occidentaux) ;


ce dernier groupe est caractérisé par la duplication
la pharmacocinétique du gène (deux copies du gène sur le chromosome).
des antidépresseurs Les métaboliseurs lents du CYP2D6 ont des concen-
trations plasmatiques 2 à 10 fois plus élevées du fait
d’une élimination hépatique ralentie et sont plus à
Variations génétiques risque de manifester des effets indésirables, en par-
ticulier avec les tricycliques, et nécessitent de ce fait
du métabolisme des antidépresseurs plus fréquemment de devoir changer de traitement en
raison d’une mauvaise tolérance. À titre d’exemple, les
Tous les antidépresseurs sont éliminés par métabo- concentrations de venlafaxine sont 7 fois plus élevées
lisme hépatique ; deux enzymes sont principalement chez les patients métaboliseurs lents du CYP2D6 [7].
impliqués, le cytochrome P450 2D6 (CYP2D6) et Les métaboliseurs ultrarapides du CYP2D6 ont des
le CYP2C19 [6, 12]. Des recommandations interna- concentrations plasmatiques 1,5 à 3 fois plus basses en
tionales d’adaptation posologique ont récemment été raison d’une élimination hépatique accélérée et sont
proposées [25], et sont résumées dans le tableau 8-II. de ce fait plus fréquemment qualifiés de non-répon-
Le CYP2D6 est responsable du métabolisme de deurs [3] ou de résistants aux antidépresseurs [9]. Ils
onze antidépresseurs (amitriptyline, nortriptyline, nécessitent des doses plus élevées [4] et changent plus
clomipramine, désipramine, imipramine, fluoxé- fréquemment de traitement antidépresseur [4]. Chez
tine, fluvoxamine, paroxétine, venlafaxine, mian- les suicidés, on trouve plus de métaboliseurs ultrara-
sérine, mirtazapine) [2] ; les variants génétiques du pides que chez les patients décédés de cause naturelle
CYP2D6 permettent de distinguer les patients dont [27]. La fréquence de suicide est plus importante
l’activité enzymatique est normale, appelés métabo- chez les métaboliseurs ultrarapides du CYP2D6, en
liseurs rapides (MR) (90 p. 100 des Occidentaux), raison probablement de concentrations d’antidé-
ceux dont l’activité est très basse, appelés métaboli- presseurs plus faibles et donc d’inefficacité thérapeu-
seurs lents (ML) (7 p. 100 des Occidentaux) et ceux tique. Cependant, il est aussi possible que l’élévation
dont l’activité est très élevée, appelés métaboliseurs du risque de suicide puisse également être en partie

Tableau 8-II. – Recommandations récemment proposées pour l’adaptation thérapeutique des antidépresseurs
fondées sur les données pharmacogénétiques [25].

Molécule Gène Recommadations

Amitriptyline CYP2D6 ML : à éviter, choisir une autre molécule


MUR : sélectionner une autre molécule ou surveiller les concentrations
plasmatiques
Clomipramine CYP2D6 ML : réduire la posologie de 50 p. 100 et surveiller les concentrations
plasmatiques
MUR : sélectionner une autre molécule ou surveiller les concentrations
plasmatiques
Imipramine CYP2D6 ML : réduire la posologie de 70 p. 100 et surveiller les concentrations
plasmatiques
MUR : sélectionner une autre molécule ou augmenter la dose de 70 p. 100
et surveiller les concentrations plasmatiques
Imipramine CYP2C19 ML : réduire la posologie de 30 p. 100 et surveiller les concentrations
plasmatiques
Venlafaxine CYP2D6 MUR : surveiller les concentrations plasmatiques en augmentant la dose
jusqu’à 1,5 fois la dose maximale de l’AMM
Citalopram, escitalopram CYP2C19 MUR : surveiller les concentrations plasmatiques en augmentant la dose
jusqu’à une fois et demi la dose maximale de l’AMM
Sertraline CYP2D6 ML : réduire la posologie de 50 p. 100

ML : métaboliseurs lents ; MUR : métaboliseurs ultrarapides.

98
PHARMACOGÉNÉTIQUE

liée à des effets endogènes du CYP2D6 cérébral : une Variations génétiques


récente étude a montré que les génotypes du CYP2D6 du transport des antidépresseurs
étaient associés à des débits sanguins cérébraux diffé-
rents chez des sujets sains [13]. Il est possible que le Une source possible de variation de réponse
CYP2D6, également exprimé dans le cerveau, puisse aux antidépresseurs tient peut-être à une variation
être associé au métabolisme de neurotransmetteurs. interindividuelle de passage de la barrière hémato-
Le CYP2C19 est responsable du métabolisme de encéphalique). Le franchissement de la barrière
cinq antidépresseurs : l’imipramine, l’amitriptyline, le hémato-encéphalique est limité par des transporteurs
citalopram, la clomipramine, et le moclobémide [2], d’efflux exprimés dans les cellules endothéliales des
certains étant également métabolisés par le CYP2D6 capillaires cérébraux. L’expression et l’activité de cer-
(un même médicament peut être métabolisé par plu- tains de ces transporteurs comme la glycoprotéine P
sieurs enzymes). Comme pour le CYP2D6, on dis- codée par le gène ABCB1 (autrefois appelé MDR1)
tingue également le groupe des métaboliseurs lents sont en partie contrôlées par des polymorphismes
(3 p. 100 des Européens, mais 20 p. 100 des sujets génétiques. Ainsi a-t-il été montré qu’un polymor-
d’origine asiatique), les métaboliseurs ultrarapides phisme d’ABCB1 était associé à la résistance aux
(6 p. 100 des Européens) et la majorité de la popu- anti-épileptiques [24]. Une hypothèse semblable a été
lation qualifiée de « métaboliseurs rapides ». Les testée pour la résistance aux antidépresseurs avec des
conséquences en termes de concentrations plasma- résultats contradictoires [15, 17, 18, 26], ne permet-
tiques sont superposables à celles du CYP2D6 en ce tant pas de conclure.
qui concerne les métaboliseurs lents. En revanche, les
conséquences pharmacocinétiques chez les métabo-
liseurs ultrarapides du CYP2C19 sont moins impor- Variants génétiques modifiant
tantes [23]. À titre d’exemple, chez les métaboliseurs l’effet des antidépresseurs
lents du CYP2C19, les concentrations plasmatiques
d’escitalopram sont 5 fois plus élevées et, chez les Les deux gènes les plus étudiés ont été le transpor-
métaboliseurs ultrarapides du CYP2C19, réduites teur de la sérotonine (SERT ou 5-HTT) (codé par
de moitié [22]. Cependant, même si la génétique le gène SLC6A4) et le transporteur de la noradré-
du CYP2C19 influe sur les concentrations de citalo- naline (NAT ou NET) (codé par le gène SLC6A2),
pram, l’étude STAR*D (n = 1 953) n’a pu mettre en qui sont les cibles privilégiées de la plupart des
évidence de relation entre les génotypes de CYP et la antidépresseurs [11].
réponse ou la tolérance au citalopram [19]. Le polymorphisme du gène codant le transporteur
L’une des explications à la fréquente absence d’asso- de recapture de la sérotonine (SLC6A4) est le plus
ciation entre génotype et réponse clinique, alors que étudié. Ce polymorphisme dans le promoteur est de
les concentrations d’antidépresseurs sont parfois très type insertion/délétion (5-HTTLPR) qui identifie
différentes, tient en partie au fait que les métabolites un promoteur de taille longue (l) et un promoteur
des antidépresseurs sont très souvent aussi actifs que de taille courte (s pour small), ce dernier entraînant
le produit parent. L’effet clinique résulte donc de la une baisse d’un facteur 2 de l’expression du gène
somme du produit parent et de ses métabolites, qui [12]. Ce polymorphisme 5-HTTLPR a été proposé en
reste souvent comparable quel que soit le génotype. l’absence de tout médicament comme un facteur de
Il n’existe pas de grandes études comparatives bien risque de dépression [20], mais dont l’effet n’a pu être
conduites, avec un comparateur placebo, permettant de confirmé dans une méta-analyse bien conduite [12].
clairement relier un génotype du CYP2C19 ou CYP2D6 D’innombrables articles ont étudié la relation entre
à la réponse thérapeutique. Il semble cependant préfé- la réponse aux antidépresseurs et le polymorphisme
rable, avant d’affirmer qu’un patient ne répond pas à un 5-HTTLPR [10, 11] mais avec des résultats discor-
antidépresseur, de contrôler ses concentrations plasma- dants aboutissant à des méta-analyses négatives [8].
tiques qui peuvent être basses, voire effondrées chez les Si un effet de ce polymorphisme existe sur la réponse
métaboliseurs ultrarapides. Il faut, dans ce, cas augmen- aux antidépresseurs, il est probablement mineur, sans
ter la posologie au-delà de la dose maximale préconisée implication clinique.
de l’AMM en surveillant les taux plasmatiques. Il n’est Bien d’autres gènes candidats ont été étudiés
pas impossible que certains patients considérés comme comme source potentielle de variabilité interin-
résistants aux antidépresseurs et traités par sismothéra- dividuelle de la réponse aux antidépresseurs (voir
pie soient en fait des métaboliseurs ultrarapides. Tableau 8-II). Après les cibles des médicaments

99
Pharmacologie

(transporteurs et récepteurs de monoamines), les C onclusion


voies de transduction du signal ont été testées. Les
travaux s’orientent maintenant sur les gènes de l’axe
corticotrope et plus récemment sur ceux impliqués En conclusion, de nombreux gènes codant la cible
dans la neurogenèse. Quel que soit le gène candidat des antidépresseurs et leurs systèmes de transduction
testé, on se heurte toujours à des études discordantes ont été associés à la réponse aux antidépresseurs, mais
et à des méta-analyses négatives. les résultats des études sont contradictoires et les
Enfin, plusieurs analyses d’association dans le méta-analyses négatives.
génome entier (GWAS) ont été pratiquées sur les En ce qui concerne les gènes CYP2D6 et CYP2C19,
grandes cohortes de patients traités par antidépres- responsables de l’élimination des antidépresseurs,
seurs (comme STAR*D et GENDEP) ; après cor- les génotypages permettent d’expliquer la survenue
de certains effets indésirables, surtout avec les tricy-
rection statistique pour comparaisons multiples,
cliques. Un petit nombre de non-réponses aux anti-
aucun polymorphisme parmi des centaines de
dépresseurs peut être expliqué par des génotypes de
milliers testés n’a pu être associé à la réponse aux
métaboliseurs ultrarapides qui méritent d’être identi-
antidépresseurs [14].
fiés, car il convient d’augmenter la posologie plutôt
Les études pharmacogénétiques dans le domaine
que de tenter un autre antidépresseur ou de passer à
de la psychiatrie sont souvent discordantes et ne per-
un traitement par sismothérapies.
mettent pas, la plupart du temps, d’affirmer le rôle
d’un variant génétique dans la réponse aux antidé-
presseurs. Cela tient à plusieurs facteurs : les faibles
effectifs de la plupart des études, l’hétérogénéité Références
des traitements administrés, la définition variable
de ce qu’est un répondeur, le temps après lequel on 1. Becquemont L. HLA : a pharmacogenomics success
décide que le patient est répondeur ou pas, l’ethnie story. Pharmacogenomics 2010, 11 : 277-281.
étudiée et enfin, la plupart du temps, l’absence de 2. Bertilsson L. Metabolism of antidepressant and neuro-
leptic drugs by cytochrome p450s : clinical and interethnic
comparateur. Or on connaît très bien l’effet placebo aspects. Clin Pharmacol Ther, 2007, 82 : 606-609.
des traitements antidépresseurs qui, s’il ne peut être 3. Bijl MJ, van Schaik RH, Lammers LA et al. The
estimé grâce à un groupe placebo, rend l’interpré- CYP2D6*4 polymorphism affects breast cancer survival
tation du statut répondeur/non-répondeur encore in tamoxifen users. Breast Cancer Res Treat, 2009, 118 :
plus difficile. 125-130.
4. Bijl MJ, Visser LE, Hofman A et al. Influence of the
CYP2D6*4 polymorphism on dose, switching and discon-
tinuation of antidepressants. Br J Clin Pharmacol, 2008,
65 : 558-564.
Variants HLA associés à des effets 5. Chen P, Lin JJ, Lu CS et al. Carbamazepine-induced
toxic effects and HLA-B*1502 screening in Taiwan. N
indésirables des thymorégulateurs Engl J Med, 2011, 364 : 1126-1233.
6. Gardiner S, Begg E. Pharmacogenetics, drug-metaboli-
La carbamazépine est classiquement utilisée zing enzymes, and clinical practice. Pharmacol Rev, 2006,
comme traitement thymorégulateur. Elle peut mal- 58 : 521-590.
heureusement conduire, dans un petit nombre de 7. Hermann M, Hendset M, Fosaas K et al. Serum
cas, à des syndromes d’hypersensibilité cutanée, concentrations of venlafaxine and its metabolites
dont les plus graves sont les syndromes de Stevens- O-desmethylvenlafaxine and N-desmethylvenlafaxine in
heterozygous carriers of the CYP2D6*3, *4 or *5 allele. Eur
Johnson et de Lyell, pouvant engager le pronostic
J Clin Pharmacol, 2008, 64 : 483-487.
vital. Depuis peu, on a découvert que ces effets indé- 8. Kato M, Serretti A. Review and meta-analysis of antide-
sirables graves de la carbamazépine ne surviennent pressant pharmacogenetic findings in major depressive
que chez des personnes génétiquement susceptibles disorder. Mol Psychiatry, 2010, 15 : 473-500.
car porteuses d’un locus HLA particulier [26]. Les 9. Kawanishi C, Lundgren S, Agren H, Bertilsson
porteurs d’origine asiatique de l’allèle HLA-B*1502 L. Increased incidence of CYP2D6 gene duplication in
patients with persistent mood disorders : ultrarapid meta-
[5] sont 1 023 fois plus à risque de développer cet
bolism of antidepressants as a cause of nonresponse. A pilot
effet indésirable avec la carbamazépine alors que, study. Eur J Clin Pharmacol, 2004, 59 : 803-807.
chez les Européens, ce sont les porteurs de l’allèle 10. Keers R, Uher R, Huezo-Diaz P et al. Interaction
HLA-A*3101 [16] qui sont 26 fois plus à risque. between serotonin transporter gene variants and life events

100
PHARMACOGÉNÉTIQUE

predicts response to antidepressants in the GENDEP pro- 20. Pezawas L, Meyer-Lindenberg A, Drabant EM et
ject. Pharmacogenomics J, 2011, 11 : 138-145. al. 5-HTTLPR polymorphism impacts human cingulate-
11. Kim H, Lim SW, Kim S et al. Monoamine transporter gene amygdala interactions : a genetic susceptibility mechanism
polymorphisms and antidepressant response in Koreans for depression. Nat Neurosci, 2005, 8 : 828-834.
with late-life depression. JAMA, 2006, 296 : 1609-1618. 21. Risch N, Herrell R, Lehner T et al. Interaction between
12. Kirchheiner J, Nickchen K, Bauer M et al. the serotonin transporter gene (5-HTTLPR), stressful life
Pharmacogenetics of antidepressants and antipsychotics : events, and risk of depression : a meta-analysis. JAMA, 2009,
the contribution of allelic variations to the phenotype of 301 : 2462-2471.
drug response. Mol Psychiatry, 2004, 9 : 442-473. 22. Rudberg I, Mohebi B, Hermann M et al. Impact of the
13. Kirchheiner J, Seeringer A, Godoy al. et al. CYP2D6 ultrarapid CYP2C19*17 allele on serum concentration of
in the brain : genotype effects on resting brain perfusion. escitalopram in psychiatric patients. Clin Pharmacol Ther,
Mol Psychiatry, 2011, 16 : 237, 333-41. 2008, 83 : 322-327.
14. Laje G, McMahon FJ. Genome-wide association studies 23. Schenk PW, van Vliet M, Mathot RA et al. The
of antidepressant outcome : A brief review. Prog Neuro­ CYP2C19*17 genotype is associated with lower imipra-
psychopharmacol Biol Psychiatry, 2010, 35 : 1553-1557. mine plasma concentrations in a large group of depressed
15. Leschziner GD, Andrew T, Pirmohamed M, Johnson patients. Pharmacogenomics J, 2009, 10 : 219-225.
MR. ABCB1 genotype and PGP expression, function and the- 24. Siddiqui A, Kerb R, Weale ME et al. Association of
rapeutic drug response : a critical review and recommendations multidrug resistance in epilepsy with a polymorphism in
for future research. Pharmacogenomics J, 2007, 7 : 154-79. the drug-transporter gene ABCB1. N Engl J Med, 2003,
16. McCormack M, Alfirevic A, Bourgeois S et al. HLA- 348 : 1442-1448.
A*3101 and carbamazepine-induced hypersensitivity reac- 25. Swen J, Nijenhuis M, de Boer A et al. Pharmacogenetics :
tions in Europeans. N Engl J Med, 2011, 364 : 1134-1143. from bench to byte- an update of guidelines. Clin
17. Menu P, Gressier F, Verstuyft C et al. Antidepressants Pharmacol Ther, 2010, 89 : 662-673.
and ABCB1 gene C3435T functional polymorphism : a 26. Uhr M, Tontsch A, Namendorf C et al. Polymorphisms
naturalistic study. Neuropsychobiology, 2010, 62 : 193-197. in the drug transporter gene ABCB1 predict antidepressant
18. Peters EJ, Reus V, Hamilton SP. The ABCB1 trans- treatment response in depression. Neuron, 2008, 57 :
porter gene and antidepressant response. F1000 Biol Rep, 203-209.
2009, 1 : 23. 27. Zackrisson AL, Lindblom B, Ahlner J. High frequency
19. Peters EJ, Slager SL, Kraft JB et al. Pharmacokinetic of occurrence of CYP2D6 gene duplication/multiduplica-
genes do not influence response or tolerance to citalopram tion indicating ultrarapid metabolism among suicide cases.
in the STAR*D sample. PLoS One, 2008, 3 : e1872. Clin Pharmacol Ther, 2010, 88 : 354-359.

101
9
I nteractions médicamenteuses
........
C. Verstuyft

Les antidépresseurs sont parmi les cinq classes phar- représente 4,6 p. 100 des 2 286 000 morts rapportés
maceutiques les plus fréquemment prescrites et appa- pour toute cause pendant la même année. Dans la
raissent prédestinés pour présenter des interactions même méta-analyse, l’incidence des effets indésirables
médicamenteuses du fait de leurs multiples méca- sévères était de 6,7 p. 100 des patients hospitalisés.
nismes d’action et de leur influence sur les enzymes Au niveau européen, une étude prospective anglaise
du métabolisme de type cytochrome P450. Entre les a permis d’inclure 18 820 patients et d’analyser la
années 1960 et 1986, les antidépresseurs de première prévalence des admissions dues à des effets indési-
génération (antidépresseurs tricycliques ou imipra- rables, la durée d’hospitalisation que ces effets ont
miniques et IMAO) ont été les molécules de choix entraîné et leur évolution [38]. Ainsi a-t-on observé
dans le traitement de la dépression. Depuis 1986, la que les antidépresseurs arrivaient au cinquième rang
pharmacologie de la dépression a évolué, avec la mise (soit 7,1 p. 100 des cas) des classes thérapeutiques
sur le marché de nouveaux antidépresseurs qui se impliquées dans des interactions médicamenteuses,
distinguent par une action préférentielle, sur le plan derrière les AINS (29,6 p. 100), les diurétiques
biochimique, au niveau du système sérotoninergique (27,3 p. 100), les antivitamines K (10,5 p. 100) et les
(ISRS), puis de ceux ayant une action d’inhibiteur de inhibiteurs de l’enzyme de conversion (7,7 p. 100).
la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline Par ailleurs, cette étude suggère que près de 70 p. 100
(IRSNa). Bien que les ISRS et les autres nouveaux des effets indésirables survenus étaient potentielle-
antidépresseurs présentent un profil d’utilisation ment évitables.
moins à risque, certaines interactions médicamen-
teuses demeurent importantes à considérer.
Les différents types d’interactions

É pidémiologie Lorsque deux ou plusieurs médicaments sont prescrits


simultanément à un même malade, leurs effets peuvent
des interactions médicamenteuses
être potentialisés ou opposés. Les interactions médica-
menteuses relèvent de deux mécanismes : d’ordre phar-
Les interactions médicamenteuses peuvent macocinétique et d’ordre pharmacodynamique.
entraîner des effets indésirables mineurs, mais par- Comme avec de nombreux médicaments à index
fois graves, attendus ou inattendus. Les données thérapeutique étroit qui nécessitent un suivi théra-
prospectives concernant l’épidémiologie des effets peutique (anti-épileptiques, immunosuppresseurs…),
indésirables et leur incidence sont assez rares. En on observe une grande variabilité interindividuelle de
effet, aux États-Unis, une méta-analyse américaine la réponse aux antidépresseurs. Cette variabilité peut
a estimé que les décès dus à des effets indésirables s’expliquer notamment par des causes environnemen-
d’un ou de médicaments occupent la sixième place tales, physiopathologiques, mais aussi génétiques.
après les maladies cardiaques, le cancer et les AVC, Dans ce chapitre, nous ne traiterons que des causes
les maladies pulmonaires et les accidents [28]. Ils ont environnementales, les causes physiopathologiques
estimé que 106 000 décès étaient dus à la survenue étant détaillées dans le chapitre 7 et les causes géné-
d’effets indésirables en 1994 aux États-Unis, ce qui tiques dans le chapitre 8.

102
INTERACTIONS MÉDIC AMENTEUSES

I nteractions En voici quelques exemples, selon le mécanisme


sous-jacent.
d ’ ordre pharmacocinétique

Les diverses étapes du devenir d’un médicament


Absorption digestive perturbée
dans l’organisme d’un patient dépendent des capa- La voie d’administration de la plupart des antidépres-
cités d’absorption, de distribution, de métabolisme seurs est orale. Des interactions physicochimiques avec
(intestinal et hépatique) et d’élimination. Les inter­ un autre médicament peuvent avoir lieu (par exemple,
actions d’ordre pharmacocinétique dépendent tétracycline, anti-acide, complément en fer). Ainsi
des caractéristiques physicochimiques propres à l’association des antidépresseurs avec certains médica-
chaque substance médicamenteuse. Les interac- ments ou certains composés alimentaires (comme le jus
tions médicamenteuses peuvent survenir à toutes de pamplemousse par inhibition du métabolisme et du
les étapes du devenir d’un médicament dans l’orga- transport intestinal) peut-elle entraîner une modification
nisme. On parle d’interaction pharmacocinétique de leur absorption du fait de la variation du pH intes-
lorsqu’un médicament modifie les concentrations tinal (par exemple, antihistaminique H2), de la motilité
plasmatiques d’un autre médicament avec comme gastrique (par exemple, anticholinergiques, antidépres-
conséquence une altération de l’absorption, du seurs tricycliques, laxatifs). Tous ces éléments peuvent
métabolisme, de la distribution ou de l’excrétion. influencer la biodisponibilité des antidépresseurs.

Tableau 9-I. – Principaux effets indésirables des antidépresseurs en fonction de leur classe.

Classe d’antidépresseurs DCI/classe chimique Présentation Type d’effet indésirable Gravité Fréquence

Inhibiteurs sélectifs de Citalopram Seropram


® Baisse de la libido + Fréquente
la recapture de la Escitalopram Seroplex
® Syndrome sérotoninergique +++ Rare
sérotonine Fluoxétine Prozac
®
Paroxétine Deroxat
®
Fluvoxamine
®
Floxyfral
Sertraline Zoloft
®
Inhibiteurs mixtes de Minalcipran Ixel
® Effets cardiovasculaires ++ Fréquents
la recapture de la
sérotonine et de la
Venlafaxine Effexor
® (pression artérielle,
fréquence cardiaque)
noradrénaline
Troubles érectiles ++ Rares

Imipraminiques Clomipramine Anafranil


® Hypotension ++ Fréquente
Amitryptiline Laroxyl
® Sécheresse buccale
Effets neurologiques
+
++
Très fréquente
Fréquents
Troubles du rythme +++ Peu fréquents
cardiaque
Troubles sexuels + Rares à peu fréquents

Antagonistes des récep- Mirtazapine Norset


® Prise de poids ++ Assez fréquente
teurs a2-adrénergiques Miansérine Athymil
® Effets neurologiques
Effet hématologique
+
++
Assez fréquents
Rare

Inhibiteurs de la MAO-A Moclobémide Moclamine


® Syndrome sérotoninergique
Hypotension orthostatique
+++
+
Rare
Fréquente
Troubles sexuels + Rares

Agoniste
mélatoninergique
Agomélatine Valdoxan
® Effets hépatiques
Effets cardiovasculaires
++
++
Peu fréquents
Rares
Troubles sexuels + Rares à peu fréquents

103
Pharmacologie

Tableau 9-II. – Degré d’inhibition des enzymes cytochromes P450 par les antidépresseurs utilisés à leurs doses
usuelles [1, 8, 16, 20, 21, 24, 39, 42, 43, 50, 52, 54, 58].

CYP2D6 CYP1A2 CYP3A4 CYP2C9 CYP2C19

Amitriptyline + ++ 0 + +++
Bupropion ++ 0 0 0 0
Citalopram ++ 0 0 0 0
Clomipramine +? ++ ? 0 +? +++
Désipramine + 0 0 0 +
Dosulépine + +? 0? +? +++ ?
Doxépine + +? 0? +? +++ ?
Duloxétine ++ 0 0 0 0
Escitalopram ++ 0 0 0 0
Fluoxétine +++ + ++ +++ ++
Fluvoxamine + +++ ++ +++ +++
Imipramine + ++ + + +++
Milnacipran 0 0 0 0 0
Mirtazipine 0 0 0 0 0
Paroxétine +++ + + + +
Sertraline + 0 0 0 0
Tianeptine 0 0 0 0 0
Venlafaxine + 0 0 0 0
Guide pour évaluer les effets : 0 : négligeable ; + : mesurable mais pro- risque d’interactions sérieuses fortement prévisible avec certains médica-
bablement non significatif cliniquement ; ++ : cliniquement signi- ments ; ? : indique une estimation d’analyse structurale parce qu’il n’y a
ficatif, avec un risque sérieux si médicament à index thérapeutique pas de donnée spécifique.
étroit ; +++ : effet important, souvent cliniquement significatif, avec Voir : http://medicine.iupui.edu/flockart/clinlist.htm.

Métabolisme hépatique et interactions Des effets indésirables non négligeables ont été
au niveau des cytochromes P450 décrits en clinique avec l’utilisation des imiprami-
niques et des ISRS, mais leurs fréquences sont assez
Les interactions médicamenteuses liées au métabo- faibles (Tableau 9-I). Cependant, l’utilisation à dose
lisme des antidépresseurs impliquent principalement thérapeutique des imipraminiques lors de la co-pres-
les enzymes hépatiques de phase I, appelées cyto- cription avec des ISRS peut conduire à des concen-
chromes P450 (CYP). trations plasmatiques d’imipraminiques supérieures
Au cours des vingt dernières années, beaucoup à la zone maximale tolérée. Des études d’interac-
d’études ont été menées in vitro et in vivo sur les ISRS tions pharmacocinétiques avec les imipraminiques
et IRSNa. À l’inverse, peu de données sont dispo- ont ainsi démontré des interactions notamment
nibles pour les antidépresseurs tricycliques du fait de avec la fluoxétine, la paroxétine et la sertraline
leur ancienneté de mise sur le marché. lorsque ces molécules étaient co-administrées avec la
désipramine.
Des effets indésirables graves tels que des arythmies
Antidépresseurs tricycliques ou imipraminiques cardiaques, des arrêts cardiaques, des morts subites ont
Ils sont plus rarement que d’autres antidépresseurs été observés et sont favorisés quand la concen­tration
la « cause directe » d’interactions médicamenteuses d’imipraminique dépasse 450 mg/l [18, 44]. Géné­
pharmacocinétiques. En effet, ils semblent impliquer ralement, l’usage des imipraminiques en clinique est
plus modérément que d’autres antidépresseurs cer- préconisée à des doses plus faibles lorsqu’ils sont associés
tains cytochromes P450 hépatiques importants dans à des ISRS (par exemple, désipramine 25 à 50 mg/j), ce
le métabolisme de médicaments potentiellement co- qui permet d’obtenir une concentration plasmatique de
prescrits et ayant un index thérapeutique étroit. l’imipraminique dans la zone thérapeutique.

104
INTERACTIONS MÉDIC AMENTEUSES

Une synthèse des données in vitro et/ou in vivo le métabolisme des imipraminiques, des études ont
disponibles sur les voies métaboliques des antidé- été réalisées avec des médicaments connus pour être
presseurs est résumée dans le tableau 9-II. Celui-ci des inhibiteurs ou des inducteurs de ces enzymes
montre que les imipraminiques, actuellement cytochromes P450 hépatiques [59]. Des études in
commercialisés en France, apparaissent méta- vitro ont permis de comparer le pouvoir inhibiteur
bolisés par différentes enzymes de la famille des de ces imprimaniques vis-à-vis des principaux cyto-
cytochromes P450. Le CYP2C19 est l’enzyme prin- chromes P450 [50, 59].
cipalement impliquée dans la N-déméthylation de Des études in vitro et in vivo ont démontré qu’ils
l’imipramine, et de l’amitriptyline en désipramine avaient un pouvoir modeste d’inhibition du métabo-
et nortriptyline [13]. Les imipraminiques sont aussi lisme médié par le CYP2D6 [12, 53]. Ainsi le pouvoir
métabolisés en dérivés 2- et 10-hydroxy-métabo- inhibiteur du CYP2D6 apparaît-il le plus important
lites par le CYP2D6, mais ce dernier ne constitue pour la nortriptyline (Ki = 7,9 mM), suivi de la dési-
pas la principale voie de métabolisme hépatique [9]. pramine (12,5 mM), de l’imipramine (28,6 mM) et de
Du fait de l’implication de plusieurs enzymes dans l’amitriptyline (31 mM) [50].

Tableau 9-III. – Les médicaments antidépresseurs, anti-épileptiques et antipsychotiques et leurs capacités à être
substrats inhibiteurs ou inducteurs des cytochromes P450.

Cytochromes Substrats Inhibiteurs Inducteurs

CYP1A2 Antidépresseurs tricycliques (déméthylation) Fluvoxamine Carbamazépine


Fluvoxamine Phénytoïne
Clozapine Phénobarbital
Olanzapine Primidone
CYP2C9 Phénytoïne Fluoxétine
Phénobarbital Valproate
CYP2C19 Antidépresseurs tricycliques (déméthylation) Felbamate
Citalopram
Phénytoïne
Diazépam
CYP2D6 Antidépresseurs tricycliques (déméthylation)
Fluoxétine
Paroxétine
Venlafaxine
Miansérine
Thioridazine
Perphénazine
Halopéridol
Clozapine
Olanzapine
Rispéridone
Sertindole
CYP3A4 Antidépresseurs tricycliques (déméthylation) Fluoxétine Carbamazépine
Sertraline Fluvoxamine Phénytoïne
Néfazodone Néfazodone Phénobarbital
Diazépam Primidone
Alprazolam Oxcarbazépine
Midazolam Topiramate
Triazolam Felbamate
Halopéridol Millepertuis
Clozapine
Rispéridone
Carbazépine
Felbamate
Tiagabine
Zonisamide

105
Pharmacologie

Les imipraminiques possédant une structure d’amine augmentation significative des valeurs des concen-
tertiaire, comme c’est le cas de l’amitriptyline et de trations plasmatiques des antidépresseurs tricycliques
l’imipramine, présentent un fort pouvoir inhibiteur du (imipraminiques) lors de l’association de fluoxétine
CYP2C19. En revanche, les imipraminiques ayant une ou de fluvoxamine. En effet, la fluoxétine et la paroxé-
structure d’amine secondaire, tels que la nortriptyline tine sont de forts inhibiteurs du CYP2D6. La fluvoxa-
et la désipramine, sont des inhibiteurs plus faibles du mine inhibe le CYP1A2, avec un effet plus modéré sur
CYP2C19, mais plus importants pour le CYP2D6. Le le CYP2C9 et CYP3A4 (voir Tableaux 9-II et 9-III).
pouvoir inhibiteur des imipraminiques sur le métabo- Ainsi a-t-on observé des augmentations impor-
lisme hépatique d’autres médicaments, qui pourraient tantes des concentrations plasmatiques de désipra-
être co-prescrits du fait d’une co-morbidité bien iden- mine au pic (4 fois la valeur observée sans association)
tifiée, apparaît in fine dorénavant moins probléma- lors de l’administration de fluoxétine (20 mg/j),
tique en clinique qu’avec les ISRS. après 4 semaines de traitement (état d’équilibre) et
Parmi toutes les études d’interactions impliquant de désipramine (50 mg/j) du fait d’une inhibition
les imipraminiques, on peut souligner celles relatant du CYP2D6. Par ailleurs, le métabolite actif, la nor-
plus particulièrement des interactions avec les médi- fluoxétine, était responsable d’une élimination retar-
caments anticonvulsivants de première génération dée de la désipramine (3 semaines) après l’arrêt de
(Tableau 9-III). En effet, ce type d’interaction a été la fluoxétine [40]. De même, lors de la co-adminis-
assez communément décrit, puisque ces médicaments tration de paroxétine (20 mg/j) avec la désipramine
sont fréquemment associés en raison d’une augmen- (100 mg en dose unique), une augmentation similaire
tation de l’incidence des événements psychiatriques des concentrations de désipramine (3 fois supérieures)
chez les patients souffrant d’épilepsie [34]. Des tra- a été observée [12]. Ces augmentations sont signalées
vaux in vitro de Shin et al. avaient montré que tous les dès les premières semaines de traitement selon les
imipraminiques, et plus spécialement l’amitriptyline études considérées et persistent tout au long de l’asso-
et l’imipramine, sont de remarquables inhibiteurs de ciation, et même plusieurs semaines après l’arrêt de
la première étape du métabolisme de la phénytoïne l’antidépresseur sérotoninergique en fonction de la
réalisé par le CYP2C19 [50]. Cela a été vérifié en cli- demi-vie d’élimination [19, 66].
nique par une étude décrivant, lors de la co-adminis- En revanche, la co-administration de sertraline avec
tration de nortriptyline et de phénytoïne, une modeste la désipramine (50 mg/j) pendant 4 semaines n’en-
augmentation des concentrations de phénytoïne [23], traîne pas d’augmentation importante des concentra-
alors que l’association à l’imipramine est plus à risque tions de désipramine (30 p. 100), confirmant ainsi un
d’une augmentation importante des concentrations pouvoir moins inhibiteur du CYP2D6 de la sertraline
de phénytoïne (voir Tableau 9-III) [37]. comparée aux deux autres ISRS [44].
Une aggravation des effets indésirables des tricy-
Antidépresseurs sérotoninergiques cliques, en particulier la sédation, l’asthénie, l’hy-
potension orthostatique, les troubles visuels et la
Dans la fin des années 1980, la mise sur le mar- constipation, est rapportée lors de l’association fluoxé-
ché des antidépresseurs sérotoninergiques a modifié tine-désipramine, mais aussi fluoxétine-nortriptyline
les stratégies thérapeutiques. Ces derniers ayant été et fluvoxamine-imipramine (voir Tableau 9-I) [32].
décrits comme mieux tolérés et moins à risque d’effets Dans ces différentes observations, l’augmentation des
indésirables, leur prescription a considérablement valeurs des concentrations plasmatiques de l’antidé-
augmenté. À ce jour, la littérature est bien documen- presseur tricyclique, secondaire à l’association de l’an-
tée sur les interactions médicamenteuses impliquant tidépresseur sérotoninergique, est considérée comme
les enzymes hépatiques du métabolisme des ISRS, des responsable de l’apparition des effets indésirables.
IRSNa et des autres nouveaux antidépresseurs avec Les ISRS doivent être utilisé de façon plus méti-
des médicaments susceptibles d’être associés chez les culeuse puisque l’on sait que 1/10e de la dose
patients. Des interactions médicamenteuses plus « à recommandée de la fluvoxamine (100 mg) inhibe
risque de relevance clinique » ont été rapportées avec significativement le métabolisme de la caféine, utilisé
ces nouveaux antidépresseurs. La raison majeure est comme molécule substrat « test » de référence pour
que ces substrats peuvent aussi être inhibiteurs du tester l’activité métabolique du CYP1A2 chez des
métabolisme médié par les cytochromes hépatiques, volontaires sains [14]. Par le même mécanisme d’ac-
tels que le CYP2D6 et/ou le CYP2C19. tion, il a été aussi décrit que cette dernière, associée à
Ainsi de nombreux travaux rapportent-ils une la clomipramine, entraînait une forte augmentation

106
INTERACTIONS MÉDIC AMENTEUSES

des concentrations plasmatiques de clomipramine nombreux médicaments et donc leur biodisponibilité.


supérieures à 1 200 ng/ml chez des patients recevant L’un des exemples les plus marquants se trouve être
des doses usuelles [57]. De même l’association dosulé- le millepertuis (St. John’s wort) qui est commercialisé
pine-fluvoxamine serait potentiellement à risque d’en- pour ses propriétés antidépressives et qui s’avère être
traîner des surdosages en dosulépine et elle devrait un puissant inducteur enzymatique du CYP3A4 et du
être évitée. Cependant, malgré des cas rapportés CYP3A5 [72]. Cette substance conduit à une diminu-
depuis plus de 10 ans, décrivant des effets indésirables tion très importante des concentrations plasmatiques
impliquant les ISRS associés aux imipraminiques, les des médicaments co-administrés s’ils sont métabolisés
études cliniques sont peu nombreuses [5, 6, 43, 67]. par les CYP3A4/3A5 (voir Tableau 9-III).
Seuls deux types d’études ont apparus. Les premières,
recherchant à évaluer l’avantage de l’association dans
le but d’une stratégie thérapeutique chez des patients
Distribution et élimination
résistants ou répondant de façon inadéquate [35, 70],
études ont donné des résultats contradictoires ne per- La distribution et l’élimination des médicaments
mettant pas de conduire à des recommandations sur antidépresseurs sont peu étudiées chez l’homme du
la combinaison des ISRS et des imipraminiques. Les fait de la difficulté à doser les molécules ou à les mar-
deuxièmes, des études d’interaction, ont été réalisées le quer de manière « non radioactive » pour suivre leur
plus souvent chez des volontaires sains afin d’évaluer diffusion à travers les différentes barrières constituées
l’effet inhibiteur des ISRS et des nouveaux antidépres- de transporteurs. La plus grande partie des études
seurs sur le CYP2D6 et d’autres cytochromes P450 publiées réalisées in vitro et in vivo chez l’animal
[2, 3, 11, 40]. Ainsi les données d’études d’interaction concerne la glycoprotéine P (P-gp), transporteur d’ef-
combinant ces composés et les données de pharmaco- flux de la famille des ATP-binding cassettes et exprimé
cinétique chez des patients déprimés manquent-elles de façon ubiquitaire. Il a été montré in vitro que la
cruellement pour aider à la bonne adaptation de ces paroxétine et la sertraline étaient de bons inhibiteurs
co-prescriptions en pratique clinique. de la P-gp, du même ordre que la quinidine, utili-
Avec l’amélioration des connaissances sur les voies sée comme inhibiteur contrôle in vitro [71]. D’autres
métaboliques de certains médicaments antidépres- auteurs ont montré in vitro que la fluoxétine pouvait
seurs et sur les propriétés d’inducteurs ou d’inhibi- inhiber la P-gp et diminuer les phénomènes de résis-
teurs du métabolisme d’autres médicaments pouvant tance aux anticancéreux [36].
être potentiellement co-prescrits, il convient de sou- À ce jour, les données concernant les antidépres-
ligner l’intérêt de considérer avec attention les asso-
seurs et d’autres transporteurs sont peu nombreuses et
ciations de ces nouveaux antidépresseurs à d’autres
ont été obtenues d’études in vitro ou chez des souris
thérapeutiques. La prise de fluoxétine 20 mg/j admi-
knock-out [25, 63, 71]. En raison des nombreuses dif-
nistrée de façon concomitante pendant 2 à 4 semaines
férences interespèces en ce qui concerne les affinités
à l’halopéridol et à la rispéridone a augmenté les taux
de certaines protéines transporteurs pour les médica-
plasmatiques de ces molécules de 35 et 75 p. 100 res-
ments, il est difficile de conclure quant aux propriétés
pectivement [54].
« substrat inhibiteur ou inducteur » de certains trans-
Par ailleurs, les associations avec des médicaments
porteurs pour ces molécules. L’étude des polymor-
« prodrogues » principalement métabolisés par le
phismes génétiques de certains transporteurs associés
CYP2D6 sont à prendre en compte lors de l’instau-
à un phénotype particulier peuvent aider à préciser,
ration d’un traitement antidépresseur. C’est le cas
dans certains cas, l’importance des transporteurs sur la
du tamoxifène, anticancéreux administré sous forme
diffusion cérébrale ou l’élimination rénale [31].
orale et inactive qui doit être métabolisé pour devenir
actif. Il est important de ne pas associer la fluoxétine
ni la paroxétine au tamoxifène, puisque cette associa-
tion a montré un risque de diminution de la survie I nteractions médicamenteuses
chez des patientes recevant cette co-prescription [51, pharmacodynamiques
70]. Selon Sideras et al., il semble préférable de choisir
la venlafaxine qui n’inhibe pas le CYP2D6 [51].
Enfin, ces dernières années, des interactions avec Il n’est pas toujours facile de différencier les
des produits d’origine « naturelle » ont aussi été interactions pharmacodynamiques des interac-
décrites comme pouvant influencer le métabolisme de tions pharmacocinétiques. On parle d’interaction

107
Pharmacologie

pharmacodynamique lorsqu’un médicament modifie évoluant favorablement très rapidement. Dans cer-
les effets au niveau de la cible d’un médicament ou tains cas, des complications graves surviennent, telles
d’une étape clef de son mécanisme d’action tel qu’au qu’une hyperthermie sévère, des convulsions, voire le
niveau synaptique, au niveau des canaux ioniques, au décès.
niveau d’un récepteur ou au niveau de la régulation de La liste des médicaments impliqués est longue
l’homéostasie d’un organe. mais, au premier plan, apparaissent les psychotropes.
Ces aspects sont plus difficiles à évaluer dans les Les IMAO, qu’ils soient non sélectifs (iproniazide),
études cliniques mais ils apparaissent également sélectifs de type A (moclobémide) ou B (sélégiline,
importants à considérer pour les antidépresseurs. rasagiline), sont les médicaments les plus fréquem-
ment impliqués dans la survenue d’un syndrome
sérotoninergique, suivis par les ISRS, puis les imipra-
Syndrome sérotoninergique miniques, les IRSNa, les précurseurs de la sérotonine
(5-OH-tryptophane, L-tryptophane), les agonistes
Ce syndrome a été pour la première fois décrit dans sérotoninergiques (triptans, dérivés ergotés, buspi-
les années 1980 suite à des observations cliniques rone), les substances augmentant la libération de séro-
humaines, du fait de la similitude avec des syndromes tonine (ecstasy, dérivés p-chloroamphétamine…),
observés expérimentalement chez des animaux de enfin des molécules diverses (lithium, cocaïne, opia-
laboratoire. Classiquement, le syndrome sérotoni- cés, ginseng, millepertuis, lévodopa…) [7, 55].
nergique s’observe chez des malades qui reçoivent Dans le cas d’un mécanisme d’action d’inhibition
deux médicaments différents augmentant la bio- non réversible, comme celui de l’IMAO iproniazide,
disponibilité de la sérotonine au niveau du système le risque d’interaction dépend de la vitesse de régé-
nerveux central par deux mécanismes différents. La nération de l’enzyme. Dans le cas d’une inhibition
physiopathologie de ce syndrome reposerait sur une réversible, comme celle du moclobémide, la durée
rupture de l’équilibre fonctionnel entre les systèmes de l’inhibition dépend de la demi-vie d’élimination
sérotoninergique et dopaminergique. Ainsi le risque de l’inhibiteur qui est en général de quelques heures.
de rupture de cet équilibre apparaît-il plus important Ainsi, au vu des risques encourus de syndrome séro-
avec les antidépresseurs qui inhibent de manière pré- toninergique et de crises hypertensives, est-il justi-
férentielle la recapture de la sérotonine comme les fié de ne pas réaliser d’associations dans le cas d’un
nouveaux antidépresseurs et également la clomipra- traitement par IMAO non sélectif. Il est nécessaire
mine [7]. Il semble que, parmi les récepteurs séroto- de respecter un délai de 2 semaines entre l’arrêt des
ninergiques, on puisse imputer le sous-type 5-HT1A IMAO non sélectifs et le début du traitement par
[55]. Ce syndrome semble aussi survenir plus fré- un médicament qui expose à un risque d’interaction
quemment après l’administration d’un traitement ou pharmacodynamique, comme les ISRS. Pour les
une augmentation récente des doses d’un médicament IMAO non sélectifs, une contre-indication est spéci-
sérotoninergique. Il est observé plus spécifiquement fiée dans les résumés des caractéristiques du produit.
lors de l’utilisation d’IMAO, d’ISRS ou d’imiprami- Pour les IMAO sélectifs de type A, l’association aux
niques. Selon la FDA, la prévalence du syndrome est ISRS est déconseillée. Il faut au moins 1 semaine
de l’ordre de 0,5 à 0,9 pour 1 000 patients sous traite- entre l’arrêt de ces médicaments et le début du trai-
ment par des ISRS [7]. tement par IMAO (par exemple, le délai pour la
Le syndrome sérotoninergique, afin d’être iden- paroxétine et la sertraline est de 2 semaines ; pour
tifié comme tel, doit comporter au minimum trois la fluoxétine, il est de 5 semaines du fait de sa demi-
symptômes de catégories différentes. Ces symptômes vie longue ; pour la clomipramine et l’imipramine,
peuvent être : il est de 3 semaines). Mieux vaut éviter ces associa-
–– psychiques (agitation, confusion, hypomanie, tions avec un IMAO sélectif de type A. Si, excep-
voire coma) ; tionnellement, l’association est jugée nécessaire, la
–– moteurs (myoclonies, tremblements, hyperré- surveillance clinique doit être très étroite, et mieux
flexie, rigidité, hyperactivité) ; vaut débuter l’association aux posologies minimales
–– végétatifs (hypotension ou hypertension, tachy- recommandées.
cardie, frissons, hyperthermie, sudation) ; Les dérivés triptans, du fait de leur mécanisme d’ac-
–– digestifs (diarrhée) [7]. tion de type « agoniste sérotoninergique », sont aussi
La plupart des observations de syndrome sérotoni- à risque d’interaction pharmacodynamique avec les
nergique décrivent quelques symptômes sans gravité, antidépresseurs. Ce sont également des médicaments

108
INTERACTIONS MÉDIC AMENTEUSES

susceptibles d’induire la survenue de syndromes séro- avaient plus fréquemment un QTc plus allongé
toninergiques. En 2006, la FDA a publié une alerte (> 450 ms) avant le début du traitement. Une autre
afin de rappeler le risque de survenue d’un syndrome étude a observé un effet significatif du traitement
sérotoninergique lors de l’association d’ISRS/IRSNa antipsychotique en monothérapie versus polythérapie
et de triptans (almotriptan, élétriptan, sumatriptan, sur le QTc chez trente-huit patients atteints de schi-
zolmitriptan) très fréquemment prescrits. Par ail- zophrénie, de troubles bipolaires ou de trouble schizo-
leurs, certains triptans étant métabolisés par la MAO affectif [48]. Cette étude, malgré un nombre de sujets
(almotriptan, rizatriptan, sumatriptan, zolmitriptan), assez faible, montre que la combinaison de neurolep-
ils sont contre-indiqués avec les IMAO non sélectifs tiques et de médicaments antidépresseurs conduit à
et sélectifs en raison d’un risque majeur d’hyperten- une augmentation de l’intervalle QTc. Ces résultats
sion artérielle et de vasoconstriction artérielle coro- renforcent l’idée de l’importance d’un monitoring
naire. En ce qui concerne les triptans non métabolisés ECG plus intensif chez ce type de patients.
par la MAO (élétriptan, frovatriptan, naratriptan), Enfin, une revue de la littérature de 2004 souligne
l’association reste déconseillée avec les IMAO et une le danger de la co-administration de médicaments
surveillance cardiologique est recommandée si une co- imipraminiques avec des neuroleptiques de type
prescription est justifiée [27]. phénothiazine [68]. L’étude prospective de l’effet
des médicaments psychotropes sur le QTc dans la
cohorte de Rotterdam, comportant 3 337 patients
Torsades de pointes médicamenteuses et 4 845 patientes, confirme un effet de la classe thé-
et toxicité cardiaque rapeutique sur les modifications des ECG [64]. Elle
relève un effet significatif des imipraminiques sur l’al-
Les torsades de pointes surviennent dans le contexte longement du QTc, avec un effet plus marqué pour
d’un allongement de l’intervalle QT, qui peut être l’amitriptyline (8,5 ms ; IC 95 p. 100 : 2,8-14,2 ms),
congénital ou acquis. Certains médicaments peuvent suivi par ordre décroissant par la clomipramine
être une cause fréquente d’allongement acquis de l’in- (6,0 ms, IC 95 p. 100 : 4,9-17 ms), la nortriptyline
tervalle QT [46]. (35,3 ms, IC 95 p. 100 : 3,0-62,6 ms), la doxépine et
Les antidépresseurs de type imimpraminiques/ l’imipramine.
IMAO, mais aussi les ISRS ont été décrits comme Concernant les nouveaux antidépresseurs de type
pouvant interagir sur la repolarisation des canaux ISRS, la mirtazapine et la venlafaxine apparaissent
potassiques (hERG) et sodiques lors de la dépolari- comme moins toxiques au niveau cardiovasculaire.
sation, ce qui peut provoquer une prolongation de Cependant, un effet toxique ne peut pas être exclu en
l’intervalle QT à l’ECG [47]. L’association à d’autres cas de surdosage [29].
médicaments qui allongent l’intervalle QT augmente Enfin, chez les sujets âgés polymédicamentés, des
ce risque, de même que les médicaments bradycardi- complications cardiaques peuvent être plus fréquem-
sants ou hypokaliémiants [46]. Les principaux médi- ment observées lors de l’association des ISRS et de
caments qui allongent l’intervalle QT et favorisent médicaments hyponatrémiants. Une hyponatrémie
les torsades de pointes sont des anti-arythmiques de est un effet indésirable d’installation progressive, faci-
classe I (cibenzoline, disopyramide, flécaïnide, hydro- lement décelable par un dosage biologique simple.
quinidine, quinidine) et des anti-aryhtmiques de Les effets sympathomimétiques a et b sont plus fré-
classe III (amiodarone, dofétilide, ibutilide, sotalol). quemment observés avec les imipraminiques du fait
Des études prospectives ont été réalisées afin d’éva- de leur capacité à inhiber la recapture de la noradré-
luer le risque d’allongement du QTc chez des patients naline. Ainsi des interactions pharmacodynamiques
traités par antidépresseurs et d’autres médicaments. existent-elles en cas d’association aux sympathomimé-
Une étude a montré chez soixante et une patientes tiques a et b (adrénaline, noradrénaline et dopamine).
schizophrènes traitées par des antipsychotiques en Le risque est celui d’une hypertension avec possibilité
monothérapie versus polythérapie associant des anti- de trouble du rythme cardiaque.
dépresseurs qu’il n’y avait pas de différences significa-
tives de survenue d’événements indésirables entre les
deux groupes [56]. Cette étude d’un faible effectif a Risque hémorragique et ISRS
cependant confirmé que l’on doit renforcer la surveil-
lance cardiaque lors de la prescription de ces médi- Outre le fait d’être un composé endogène impor-
caments puisque plus de 36 p. 100 de ces femmes tant dans le processus physiopathologique de la

109
Pharmacologie

dépression, la sérotonine joue aussi un rôle majeur lors Parmi les interactions médicamenteuses ayant un
de la survenue du processus d’agrégation plaquettaire retentissement pharmacodynamique important avec
et d’hémorragie puisqu’elle est un composé endo- un risque de survenue d’hémorragie, celles avec les
gène majeur des plaquettes. Récemment, plusieurs anticoagulants oraux restent un sujet de préoccupa-
études de cohorte ou cas témoins ont montré une tion. Cette interaction a été analysée à travers plu-
augmentation du risque de saignement due aux ISRS sieurs études de grande taille [49, 69]. Une revue
[15, 17, 33, 65]. En outre, ce risque serait augmenté récente conclut que l’évidence de cette association est
lorsqu’ils sont administrés de façon concomitante faible et la survenue de tels événements serait majorée
avec des AINS, des anti-agrégants ou des anticoagu- chez des sujets traités par des ISRS ayant un niveau
lants [26, 49, 61]. différent d’inhibition de la recapture de la sérotonine
Une première étude rétrospective a tenté de vérifier et qui auraient soit une déficience de leur système
l’hypothèse selon laquelle les antidépresseurs de type de coagulation [33], soit une prise de médicaments
ISRS augmentaient le risque d’hémorragie cérébrale prédisposant à la survenue d’effets indésirables gastro-
[26]. Ainsi, parmi 916 patients ayant fait un accident intestinaux tels que les AINS [74]. Parmi ces étude,
vasculaire cérébral, 7,8 p. 100 des patients recevaient une étude cas-témoins hollandaise relate la survenue
des ISRS. En analysant les autres facteurs de risque d’hémorragies lors de l’association de traitement
de faire un AVC, les ISRS pris comme facteur indé- ISRS et d’anticoagulants antivitamine K de type
pendant, n’ont pas été associés à une augmentation coumarinique [49]. Dans cette étude qui regroupait
du risque hémorragique (OR : 0,8, IC 95 p. 100 : 2 403 patients traités par anticoagulants oraux (acéno-
0,5-1,2, p = 0,25). De même, l’analyse multivariée coumarol, phenprocoumon) ayant nécessité une hos-
a permis de montrer qu’il n’y avait pas de risque pitalisation pour une première hémorragie, 1 848 cas
d’hémorragie intracérébrale (OR : 1,1, IC 95 p. 100 ; ont été inclus et associés à 5 818 contrôles. L’analyse
0,7-1,8, p = 0,63) ou sous-arachnoïdale (OR : 0,6, IC des événements graves de type hémorragie a montré
95 p. 100 : 0,4-1,0) favorisé par des traitements ISRS. que les plus fréquents étaient les hémorragies gas-
Une autre étude cas-contrôle a été réalisée sur une tro-intestinales de la partie supérieure, suivies par les
cohorte de patients européens, dans le but d’analyser le hémorragies intracrâniennes. Cette étude a également
risque d’hémorragie gastro-intestinale chez les patients montré que les patients sous ISRS avaient un plus fort
traités par ISRS, imipraminiques et AINS entre 1990 risque d’être hospitalisés pour une hémorragie non
et 2003 [62]. Elle a permis d’apparier 11 261 patients gastro-intestinale (OR ajusté : 1,7, IC 95 p. 100 :
à 53 156 contrôles. Les résultats de cette analyse ont 1,1-2,5), mais pas pour des hémorragies gastro-intes-
montré que ces traitements augmentaient chacun tinales (OR ajusté : 0,8, IC 95 p. 100 : 0,4-1,5). Ce
le risque d’un facteur 2, avec un OR de 2,38 (IC risque d’hémorragie non gastro-intestinale est du
95 p. 100 : 2,08-2,72) pour les ISRS et un OR de même ordre que celui retrouvé pour les AINS dans
2,15 pour les AINS (IC 95 p. 100 : 2,02-2,28). Le cette même population. Pour les non-ISRS, nortrip-
risque d’hémorragie était légèrement augmenté par la tyline et mirtazapine, aucune augmentation du risque
prise concomitante d’AINS et d’ISRS (OR : 2,83, IC d’hémorragie n’a été retrouvée.
95 p. 100 : 2,39-3,34) comparé à une prise et prescrip- Par ailleurs, lors de l’association d’AINS ou d’anti-
tion séparées [62]. Une autre grande étude de cohorte coagulants à des ISRS, une augmentation du risque
canadienne décrit des OR plus faibles d’hémorragie d’hémorragie haute gastro-intestinale a été obser-
gastro-intestinale, de 1,43 (IC 95 p. 100 : 1,09-1,89) vée. L’association des ISRS et des anticoagulants est
sous ISRS [60]. D’une manière intéressante, l’ajout donc plus significativement à risque d’entraîner des
d’ISRS à un traitement existant d’AINS n’augmente hémorragies non gastro-intestinales. Les auteurs ne
pas le risque puisque l’on passe à un OR de 1,20 (IC concluent pas à une suppression de cette association à
95 p. 100 : 0,72-1,92) comparé à un OR important risque, mais conseillent un monitoring intensif.
sous AINS seul (2,62, IC 95 p. 100 : 2,26-3,03). Pour compléter ces données, une étude récente a
Cette étude confirme aussi que l’ajout d’inhibiteurs de exploré l’effet pharmacocinétique et pharmacodyna-
la pompe à protons pour la protection gastrique de ces mique des ISRS sur la réponse à un traitement anti-
patients réduit le risque d’hémorragie gastro-intesti- coagulant [63]. Connaissant le pouvoir inhibiteur de
nale de façon considérable puisque l’OR ajusté est alors certains ISRS sur le CYP2C9, principale voie méta-
de 0,39 (IC 95 p. 100 : 0,16-0,94) chez les patients bolique impliquée dans l’élimination des anticoagu-
traités par ISRS seuls et de 0,29 (IC 95 p. 100 : 0,08- lants oraux de certains ISRS, ces auteurs ont analysé
1,03) pour ceux traités par AINS et ISRS. les modifications de l’INR chez des patients traités

110
INTERACTIONS MÉDIC AMENTEUSES

par acénoucoumarol et génotypés pour le CYP2C9. 3. Alfaro CL, Lam YW, Simpson J, Ereshefsky L.
Ils ont montré que, parmi tous les ISRS, seules la CYP2D6 inhibition by fluoxetine, paroxetine, sertraline, and
venlafaxine in a crossover study : intraindividual variability
fluvoxamine et la venlafaxine avaient été associées à
and plasma concentration correlations. J Clin Pharmacol,
un doublement du risque d’INR supérieur à 6. Cela 2000, 40 : 58-66.
confirmait deux cas cliniques publiés avec la warfarine 4. Apseloff G, Wilner KD, Gerber N, Tremaine LM.
[30, 73]. Les résultats observés avec les autres molé- Effect of sertraline on protein binding of warfarin. Clin
cules comme la fluoxétine, la paroxétine, le citalo- Pharmacokinet, 1997, 32 (Suppl. 1) : 37-42.
pram et la sertraline vont dans le même sens que des 5. Aranow AB, Hudson JI, Pope HG Jr et al. Elevated
essais cliniques qui analysaient ces interactions avec la antidepressant plasma levels after addition of fluoxetine.
Am J Psychiatry, 1989, 146 : 911-913.
warfarine [4, 22, 45].
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Les médicaments antidépresseurs de type imiprami- transformation of antidepressants. Therapie, 2004, 59 : 5-12.
9. Brosen K, Gram LF. First-pass metabolism of imipra-
nique, ISRS, IRSNa sont tous impliqués dans diffé- mine and désipramine : impact of the sparteine oxidation
rents types d’interactions médicamenteuses. Alors que phenotype. Clin Pharmacol Ther, 1988, 43 : 400-406.
certaines interactions observées in vitro s’avèrent peu 10. Brosen K, Hansen JG, Nielsen KK et al. Inhibition by
importantes en clinique, il reste crucial de mieux les paroxetine of desipramine metabolism in extensive but not
décrire et les anticiper, en particulier dans des popu- in poor metabolizers of sparteine. Eur J Clin Pharmacol,
lations à risque comme celle des sujets âgés polymé- 1993, 44 : 349-355.
11. Brosen K, Skjelbo E, Rasmussen BB et al. Fluvoxamine
dicamentés ou des sujets métaboliseurs lents. Ainsi
is a potent inhibitor of cytochrome P4501A2. Biochem
une meilleure compréhension du mécanisme d’inter­ Pharmacol, 1993, 45 : 1211-1214.
action, mais aussi des facteurs environnementaux et 12. Brosen K, Zeugin T, Meyer UA. Role of P450IID6,
génétiques, est-elle nécessaire pour recommander cer- the target of the sparteine-debrisoquin oxidation polymor-
taines associations. phism, in the metabolism of imipramine. Clin Pharmacol
Même si le risque d’effets indésirables semble Ther, 1991, 49 : 609-617.
moindre pour les nouveaux antidépresseurs, les inter­ 13. Chiba K, Saitoh A, Koyama E et al. The role of
S-mephenytoin 4’-hydroxylase in imipramine metabolism by
actions des antidépresseurs ISRS et IRSNa, tant sur human liver microsomes : a two-enzyme kinetic analysis of
le plan pharmacocinétique que pharmacodynamique, N-demethylation and 2-hydroxylation. Br J Clin Pharmacol,
avec les autres antidépresseurs, mais aussi les thy- 1994, 37 : 237-242.
morégulateurs, les neuroleptiques et quelques autres 14. Christensen M, Tybring G, Mihara K et al. Low daily
médicaments apparaissent importantes à considérer 10-mg and 20-mg doses of fluvoxamine inhibit the meta-
par le prescripteur. Les recommandations concernant bolism of both caffeine (cytochrome P4501A2) and ome-
prazole (cytochrome P4502C19). Clin Pharmacol Ther,
les associations médicamenteuses avec les ISRS sont
2002, 71 : 141-152.
les plus documentées. Lorsque certaines associations 15. Dalton SO, Johansen C, Mellemkjaer L et al. Use
« potentiellement à risque » sont nécessaires, il est of selective serotonin reuptake inhibitors and risk of upper
important de minimiser le risque pour le patient en gastrointestinal tract bleeding : a population-based cohort
mesurant les concentrations plasmatiques et, si néces- study. Arch Intern Med, 2003, 163 : 59-64.
saire, le génotype du patient pour les molécules forte- 16. Danie WA, Syrek M, Rylko Z, Wojcikowski J. Effects
ment métabolisés par le CYP2D6 et CYP2C19. of antidepressant drugs on the activity of cytochrome
P-450 measured by caffeine oxidation in rat liver micro-
somes. Pol J Pharmacol, 2001, 53 : 351-357.
17. de Abajo FJ, Rodriguez LA, Montero D. Association
Références between selective serotonin reuptake inhibitors and upper
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113
10
E ffets cognitifs
........
P.  Vidailhet

L’intérêt des cliniciens et des chercheurs pour les par les antidépresseurs, afin de comprendre, au niveau
effets cognitifs des médicaments psychotropes en cognitif, les mécanismes d’action de ces médicaments.
général, et pour ceux des antidépresseurs en particu- Enfin, le médicament peut être utilisé comme un
lier, va grandissant, et ce pour plusieurs raisons. outil pour mieux comprendre les bases neurobio-
Les antidépresseurs sont parmi les psychotropes les logiques des fonctions cognitives, ce qui permet en
plus prescrits au monde, souvent sur le long cours, chez retour d’aider au développement de molécules mieux
des patients souffrant de différents troubles : dépression tolérées et/ou plus efficaces. Ces médicaments intera-
bien sûr, mais aussi troubles obsessionnels-compulsifs, gissent en effet avec des systèmes de neurotransmission,
troubles anxieux, troubles alimentaires ou encore énu- sérotoninergiques, adrénergiques et noradrénergiques,
résie ou syndromes douloureux. La grande majorité de dopaminergiques, cholinergiques, qui sont impliqués
ces patients sont traités en ambulatoire et doivent pou- dans le fonctionnement cognitif normal (attention,
voir faire face à leurs activités professionnelles et person- vigilance, mémoire, fonctions exécutives…).
nelles. Il apparaît donc important que ces traitements L’étude des effets cognitifs des antidépresseurs chez
n’ajoutent pas leurs propres effets négatifs sur les capa- les patients se heurte à différentes difficultés : il est
cités cognitives déjà altérées des patients. La dépression souvent difficile de savoir si les effets observés sont
et l’anxiété sont en effet associées, pendant les périodes directement liés à l’action du médicament ou s’il s’agit
aiguës, mais aussi chez un certain nombre de sujets en d’un effet indirect via l’amélioration symptomatique ;
rémission de leur trouble (particulièrement dans les les patients présentent des troubles hétérogènes ; ils
formes sévères) [55, 68], à des troubles de mémoire, sont souvent polymédiqués, et il n’est pas simple de
d’attention, de fonctionnement exécutif (planification, séparer les effets propres à chaque médicament. Il est
résolution de nouveaux problèmes, capacités d’inhibi- donc important de pouvoir explorer les effets observés
tion d’une réponse ou d’un comportement automa- chez le sujet sain. Cela peut se faire lors d’une prise
tique, allocation des ressources attentionnelles) et de unique, ce qui est plus simple sur le plan pratique et
vitesse de traitement de l’information. Ces difficultés éthique. Cependant, les effets neurobiologiques et
sont associées à une part conséquente du handicap lié psychiques étant fréquemment différents, voire oppo-
à ces troubles mentaux, à une mauvaise observance du sés, à ceux observés en chronique, les études menées
traitement et à un risque accru de rechute et de récidive. lors de prises répétées sont utiles. Bien que ce chapitre
De façon plus ambitieuse, il existe aujourd’hui des soit centré sur les effets chez l’homme, il sera parfois
modèles cognitifs de compréhension des troubles men- intéressant de faire quelques détours par les travaux
taux. La dépression est, par exemple, associée à des menés sur des modèles animaux.
biais dans le traitement de l’information, à une réponse Malgré l’intérêt grandissant pour les effets cogni-
anormale à un feedback négatif, à des altérations des tifs des antidépresseurs, les revues de la littérature
capacités à prendre une décision, qui participeraient sur le sujet restent peu nombreuses [1, 2, 11, 52, 55,
à l’installation, au maintien, aux rechutes et aux réci- 65, 82]. Nous séparerons ici de façon artificielle les
dives de ce trouble [20]. Les patients anxieux ont eux travaux s’intéressant aux effets délétères ou favorables
une tendance à surtraiter les informations menaçantes des antidépresseurs sur différentes fonctions cognitives
[58]. Des travaux essaient donc de connaître les per- élémentaires et ceux s’intéressant à leurs effets sur le
turbations du fonctionnement cognitif associées aux processus cognitifs supposés à l’œuvre dans les troubles
troubles de l’humeur ou à l’anxiété, qui sont modifiées dépressifs et anxieux pour lesquels ils sont prescrits.

114
EFFETS COGNITIFS

L es antidépresseurs exercent - ils antidépresseurs, son rôle est confirmé par différents
travaux ; par exemple, l’altération mnésique induite
des effets cognitifs délétères ? par l’amitriptyline chez la souris est prévenue par la
tacrine, un inhibiteur de l’acétylcholinestérase [68].
Cela expliquerait que certains antidépresseurs comme
Études menées chez le volontaire sain l’amitriptyline, l’imipramine et la doxépine dont l’affi-
nité pour les récepteurs muscariniques est plus grande
Les tricycliques sont les antidépresseurs qui que celle, par exemple, de la nortriptyline ou de la
induisent le plus de troubles cognitifs après une prise désipramine entraînent des troubles mnésiques plus
unique [2]. La dose, la concentration plasmatique et sévères. D’autres antidépresseurs exercent également
le temps passé depuis la prise influencent la sévérité une action anticholinergique, notamment la paroxé-
des troubles observés [11]. Subjectivement, les sujets tine, ce qui rendrait compte de ses effets délétères par-
reconnaissent souffrir d’une diminution de leurs fois observés dans des tests de mémoire [34, 81] ; si la
capacités cognitives : baisse des capacités de concen- fluoxétine, la mirtazapine ou le citalopram ont aussi
tration, nécessité de fournir plus d’efforts pour réa- une affinité pour les récepteurs muscariniques, celle-ci
liser les mêmes tâches [1]. Ces effets délétères sont est plus modérée [21].
rapportés aux effets anticholinergiques et sédatifs de La sédation est un effet secondaire que partagent
ces médicaments (pour un tableau classant les diffé- d’autres antidépresseurs, dits sédatifs, qui exercent
rents antidépresseurs selon ces deux axes, voir [11]), un effet antihistaminergique et/ou anti-a1-adréner-
ces derniers apparaissant surtout liés aux effets his- gique. C’est le cas notamment de la trazodone, la
taminergiques (blocage des récepteurs H1) et adré- néfazodone, la miansérine et la mirtazapine. Parmi
nergiques (blocage des récepteurs a1-adrénergiques). les tricycliques, l’amitriptyline, l’imipramine, la tri-
L’histamine facilite l’éveil via ses interactions avec les mipramine et la doxépine sont sédatives alors que la
récepteurs H1 au sein d’un réseau cérébral se proje- désipramine, la protiptyline, l’amoxapine et la nor-
tant depuis l’hypothalamus vers le télencéphale et les triptyline le sont peu ou pas. Dans leur ensemble,
structures limbiques ; le système cholinergique, plus les antidépresseurs sédatifs exercent des effets néga-
diffus, est aussi impliqué dans l’éveil ainsi que dans tifs, après une prise unique, sur la cognition ; ces
les fonctions d’apprentissage et de mémoire [55]. effets sont assez larges, puisque non spécifiques, et
L’amitriptyline, qui est à la fois anticholinergique concernent les performances de mémoire à court
et sédative, est considérée comme le comparateur de (empan verbal ou visuo­ spatial) et à long terme
choix (verum négatif) dans les études de psychophar- (mémoire antérograde pour des listes de mots ou de
macologie sur les antidépresseurs. Une étude [24] a textes), les capacités d’attention, les habiletés psy-
comparé, chez des sujets sains, les effets de quatre chomotrices, le temps de réaction, le niveau d’éveil
antidépresseurs ayant des profils anticholinergiques (tel que mesuré par le test de fréquence critique de
(A) et sédatifs (S) différents – l’amitriptyline (A+/ fusion [CFF]) [2].
S+), la protiptyline (A+/S–), la trazodone (A–/S+) Avec la répétition des prises s’installe cependant
et la viloxazine (A–/S–) – afin de séparer les effets une tolérance aux effets cognitifs liés aux effets anti-
cognitifs liés à l’une et l’autre action. L’amitriptyline cholinergiques et sédatifs. Une normalisation des per-
et la trazodone perturbaient également l’attention formances est observée habituellement entre les 8e et
et l’évaluation subjective de fatigue, mais l’ami- 14e jours ; cela peut être plus long pour les antidépres-
triptyline perturbait plus sévèrement les indices de seurs les plus sédatifs et/ou anticholinergiques comme
mémoire à court et long terme et elle seule altérait l’amitriptyline (revue in [2, 55]).
le rappel d’un texte et la reconnaissance de visages Quant aux autres antidépresseurs, ils semblent globa-
familiers. lement exempts de troubles cognitifs significatifs, en
La responsabilité de l’action anticholinergique des prise unique ou répétée, qu’ils soient comparés à un
tricycliques dans leur effet amnésiant est concor- placebo ou à un tricyclique (revue in [1, 2, 82]). C’est
dante avec ce que l’on sait du rôle de ce système généralement le cas pour les ISRS, comme l’indiquent
dans l’apprentissage et les processus mnésiques : les études menées avec le citalopram, l’escitalopram,
son dysfonctionnement est connu pour être causal la sertraline, la fluoxétine ou la fluvoxamine. Certains
dans les troubles mnésiques liés à l’âge [7] et à dif- suggèrent cependant que ces médicaments pourraient
férentes pathologies cérébrales dégénératives, y com- provoquer, en prise unique ou répétée, une altération
pris la démence de type Alzheimer. Concernant les de la vigilance (différente d’une atteinte non spécifique

115
Pharmacologie

liée à un simple effet sédatif rencontré par exemple n’ont pas non plus entraîné d’effet délétère sur les per-
avec les tricycliques) ; cette altération est par exemple formances cognitives mesurées chez le volontaire sain.
mise en évidence dans une tâche consistant à observer Les effets cognitifs des antidépresseurs ont été
une horloge pour repérer des sauts de la trotteuse de explorés de façon spécifique chez les sujets âgés sains.
2 secondes (au lieu de 1 seconde) survenant de façon Les prescriptions d’antidépresseurs sont en effet
irrégulière en moyenne toutes les 90 secondes (il s’agit fréquentes chez le sujet âgé, et il est important de
d’un test qui était utilisé pour évaluer les techniciens connaître les effets particuliers qui peuvent être obser-
de radar durant la Deuxième Guerre mondiale). vés dans cette population. Les observations faites chez
Riedel et al. [79] ont montré une altération modé- les sujets adultes sont globalement applicables aux
rée de la vigilance lors d’une prise unique et subchro- sujets âgés [65]. Par exemple, Oxman [65] rapporte
nique de citalopram, ce qu’ils mettent en lien avec que l’amytriptyline (50 mg), mais pas la sertraline
l’apathie parfois décrite sous ISRS. Cependant, Paul (50 mg), altère les performances mnésiques et psycho-
et al. [67] n’ont pas retrouvé un tel effet sous cita- motrices en comparaison au placebo. Hindmarch et
lopram (40 mg/j pendant 15 jours) ou escitalopram al. [46] montrent l’absence d’effet délétère de la ser-
(20 mg/j pendant 15 jours) et considèrent que ces traline en prise unique ou répétée en comparaison à la
médicaments apparaissent sûrs chez des personnels de miansérine sur les performances mnésiques, attention-
bord aériens qui pourraient retourner travailler alors nelles et psychomotrices. De même, la trazodone, en
qu’ils prennent encore des antidépresseurs, et plus comparaison au moclobémide, altère les performances
généralement chez des sujets devant rester vigilants dans une batterie de tests cognitifs. L’effet délétère des
dans des conditions de travail monotones. Cet effet médicaments ayant un effet anticholinergique et/ou
sur la vigilance serait lié à l’action sérotoninergique sédatif apparaît encore plus marqué chez le sujet âgé
de ces médicaments et ne serait pas retrouvé sous ser- que chez le sujet jeune. Par exemple, Ogura et al. [63]
traline du fait de son action dopaminergique associée. ont montré un effet cognitif délétère de l’amitriptyline
Nous avons vu que certaines études trouvaient une plus sévère chez les sujets âgés (71 ans en moyenne)
perturbation des performances mnésiques sous l’effet que chez les sujets jeunes (23 ans). Cela résulte de
de la paroxétine, et des posologies de 40 mg de ce facteurs pharmacocinétiques et pharmacodynamiques
médicament ou de la fluoxétine ainsi que la sertraline rendant les sujets âgés particulièrement sensibles aux
ont aussi induit une altération du seuil de CFF [1, 2]. effets sédatifs et anticholinergiques : diminution des
Cependant, l’augmentation du seuil de CFF pourrait capacités de transformation, de distribution, d’élimi-
être secondaire à la mydriase induite par les IRS plutôt nation des médicaments, modification du fonction-
qu’à un réel effet sur l’éveil ; le diamètre pupillaire est nement des systèmes de neurotransmission. Il existe
en effet un déterminant important du seuil de CFF aussi une baisse, liée à l’âge, de la « réserve cognitive »
[55] (le lecteur peut également se référer à cet article faisant qu’un même effet délétère sera chez eux plus
de revue pour une analyse plus détaillée des altéra- apparent et deviendra cliniquement significatif. Par
tions cognitives parfois retrouvées sous ISRS, en prise exemple, il a été montré que la scopolamine, un anti-
unique ou répétée). cholinergique, avait des effets amnésiants plus mar-
C’est également le cas pour les IRSNa : Nathan et qués chez le sujet âgé que chez le sujet jeune [99]. Il
al. [62] n’ont pas retrouvé d’altération cognitive ou existe aussi chez le sujet âgé un effet de potentialisa-
psychomotrice après une prise unique de venlafaxine, tion par l’alcool des effets délétères des antidépresseurs
et Siepmann et al. [84] n’ont pas observé d’altération sédatifs, ce qui n’est pas le cas avec les autres antidé-
du temps de réaction, des performances psychomo- presseurs [65].
trices et de la mémoire après l’administration de ven-
lafaxine (150 mg/j) pendant 2 semaines ; il pourrait
cependant exister une altération des performances de Études menées chez les patients
vigilance liée aux effets sérotoninergiques de ces médi-
caments [55, 61]. Les données obtenues dans les études menées chez
La tianeptine [50, 72], le bupropion (un antidépres- le sujet sain ne peuvent être directement généralisées
seur agissant sur la noradrénaline et la dopamine qui aux patients traités par antidépresseurs. Les tests utili-
n’est pas commercialisé en France pour ses propriétés sés ne reflètent que de loin les performances cognitives
antidépressives, mais l’est dans d’autres pays [86]), mises en jeu dans les activités quotidiennes auxquelles
la viloxazine (un IRNa qui n’est plus commercialisé doivent faire face les patients. Surtout, chez les sujets
en France) et les IMAO sélectifs et réversibles [2, 82] sains ne vont survenir que les effets secondaires, alors

116
EFFETS COGNITIFS

que les effets cognitifs observés chez les patients seront dans les études contrôlées randomisées, les patients
la résultante des effets cognitifs liés au trouble cli- sous traitement antidépresseur ont de meilleures per-
nique et de ceux secondaires aux antidépresseurs, aux- formances lorsqu’ils sont traités qu’avant qu’ils ne le
quels peuvent s’ajouter ceux associés au terrain (par soient, et les performances sous traitement verum sont
exemple, à l’âge). Les effets secondaires mesurés chez meilleures que sous placebo. Cela est vrai pour les dif-
le sujet sain permettent cependant d’approcher ce qui férentes fonctions cognitives connues pour être per-
se passe chez le sujet malade avant que ne survienne turbées dans la dépression : mémoire et apprentissage,
l’amélioration clinique : les effets anticholinergiques attention, fonctionnement exécutif, ralentissement
et sédatifs existent dès la première prise et persistent psychomoteur [19, 23, 53]. Il est cependant diffi-
quelques jours ou quelques semaines alors que les cile de savoir si les sujets récupèrent leurs capacités
effets cliniques mettent souvent plusieurs semaines à cognitives antérieures à la maladie et, si ce n’est pas le
s’installer. D’autre part, certains patients ne répondent cas, de savoir quelle est la part jouée par le trouble de
pas au traitement et n’en ressentent pas moins les l’humeur lui-même (il existe, d’une part, des pertur-
effets indésirables des médicaments. Les effets cogni- bations thymiques subsyndromiques et, d’autre part,
tifs pourront donc être particulièrement marqués en des perturbations cognitives chez des sujets en rémis-
début de traitement et chez les sujets non répondeurs. sion de leur trouble thymique et non traités) et la part
Les cliniciens doivent les prendre en compte dans leur qui peut être rapportée au traitement psychotrope. Il
choix de traitement et dans sa surveillance, surtout en est de même pour les effets positifs des traitements
chez les patients traités de façon ambulatoire. sur la cognition : il est difficile de connaître la part
jouée par un effet direct du médicament sur le fonc-
tionnement cognitif et celle liée à un effet indirect
En prise aiguë secondaire à l’amélioration des troubles cliniques. Les
Peu d’études ont évalué les performances cognitives travaux s’étant intéressés à cette question suggèrent
dans les heures suivant une prise unique d’antidépres- que les deux types d’effets co-existent. D’une part,
seur. Dans les quelques études qui l’ont fait, les effets l’amélioration clinique s’accompagne d’une amélio-
observés apparaissent semblables à ceux observés chez ration des difficultés cognitives qui y sont associées :
les sujets sains [2]. Peselow et al. [70] ont ainsi montré que l’altération
des performances de mémoire de sujets déprimés
répondeurs après 4 semaines à un traitement par imi-
Au long cours pramine étaient similaires à celles de sujets sains, alors
Les antidépresseurs étant souvent prescrits durant que celles des sujets non répondeurs restaient altérées.
plusieurs mois ou plusieurs années chez un même Sternberg et Jarvik [90] ont évalué les effets de l’ami-
patient, il est important de pouvoir évaluer leurs triptyline, un antidépresseur tricyclique, chez vingt-
effets cognitifs sur des périodes de temps similaires. six patients souffrant de dépression ; séparant quatre
D’autant que certains patients, même traités depuis groupes selon le degré d’amélioration de la sympto-
plusieurs mois et en rémission de leur dépression, matologie clinique, ils ont montré que la performance
continuent à se plaindre de difficultés cognitives de mémoire était corrélée positivement à la qualité de
(inattention, oublis, manque de mots, ralentissement la réponse au traitement. Raskin et al. [75] ont com-
psychique) qui peuvent être rapportées au trouble paré, dans une étude randomisée en double aveugle,
de l’humeur ou aux effets des médicaments prescrits les effets de la duloxétine (un IRSNa, 60 mg/j) chez
(30 p. 100 des patients dans l’étude de Fava et al. 207 patients âgés (65-90 ans) déprimés à ceux d’un
[32]). Mais les études sur le long cours qui peuvent placebo (104 sujets) ; l’amélioration clinique et les
apporter des réponses fondées sur le plan scientifique capacités d’apprentissage et de mémoire (mais pas
sont difficiles à réaliser en pratique et la plupart des attentionnelles ou exécutives) étaient significative-
données concernent des périodes d’évaluation de ment plus importantes sous duloxétine que sous pla-
quelques semaines à quelques mois. Quelques études cebo ; une analyse statistique (path analysis) montrait
permettent cependant aujourd’hui de se faire une que l’amélioration cognitive était majoritairement
opinion sur ce qui se passe sur des périodes de temps due à un effet direct (80 à 90 p. 100 selon l’échelle
correspondant à la réalité de la prescription de ces d’évaluation dépressive utilisée) et, de façon moindre,
médicaments en pratique clinique. indirect (10 à 20 p. 100).
Globalement, les études montrent un effet positif Comme le montre l’étude précédente, si les anti-
des antidépresseurs sur le fonctionnement cognitif : dépresseurs permettent une amélioration de certaines

117
Pharmacologie

fonctions cognitives, d’autres peuvent ne pas être amé- Après 8 semaines de traitement chez des patients
liorées, voire être altérées sous l’effet du traitement chez souffrant d’un trouble panique et traités par clomipra-
les mêmes sujets. Par exemple, dans une étude menée mine (50 mg/j en moyenne), imipramine (114 mg/j
chez des femmes d’âge moyen souffrant d’un épisode en moyenne) ou un placebo actif, Marcourakis et al.
dépressif majeur, Wroolie et al. [98] ont montré une [57] n’ont pas trouvé d’effet du traitement sur les per-
amélioration des performances avant/après 3 mois de formances mnésiques et psychomotrices. Il pourrait
traitement par escitalopram dans différents domaines donc s’installer un effet de tolérance avec le temps.
cognitifs (mémoire, attention, fonctionnement exécu- Cela est également suggéré par l’étude de Gorenstein
tif), mais une altération de la fluence verbale. et al. [37] qui ont évalué, chez des patients déprimés
La question est alors de savoir si, à efficacité égale ambulatoires traités depuis plus de 6 mois, les effets de
sur la symptomatologie dépressive, certains antidé- l’imipramine (posologie moyenne : 230 mg/j ; durée
presseurs sont moins délétères que d’autres sur le plan moyenne de traitement : 2,4 ans ) de la clomipramine
cognitif. (219 mg/j, 2,8 ans), de la fluoxétine (54 mg/j, 1,8 an)
Comme chez le volontaire sain, les antidépresseurs et de la sertraline (157 mg/j, 1,5 an) sur différentes
considérés comme ayant le plus d’impact négatif poten- fonctions cognitives (mémoire épisodique, implicite,
tiel sur la cognition sont les tricycliques, avec un effet de travail et métamémoire) : les performances objec-
délétère dont la sévérité est liée à la dose du médica- tives des patients différaient très peu de celles des
ment, à sa concentration plasmatique et au temps passé témoins sains appariés (31 sujets) ; en revanche, les
depuis la dernière administration [11]. Ces effets ont patients se plaignaient dans tous les groupes de dif-
été montrés dans des études contrôlées versus placebo ficultés mnésiques. Cet effet de tolérance peut rester
et/ou versus antidépresseurs appartenant à d’autres incomplet : dans l’étude de De Carvalho et al. [27], la
classes, notamment les ISRS. Les altérations concernent durée de traitement par clomipramine (à la posologie
la vitesse de traitement de l’information, l’attention et moyenne de 57 mg/j) était associée à de plus faibles
la mémoire. Dans une étude [88] menée chez trente- performances de mémoire ; de plus, de moins bonnes
cinq patients déprimés ambulatoires recevant de l’ami- performances de métamémoire et de fonctionnement
triptyline (114 mg/j en moyenne), de la clovoxamine exécutif étaient observées aux concentrations sériques
(un ISRS ; 138 mg/j en moyenne) ou un placebo, les les plus élevées de clomipramine/desméthylclomi-
performances de mémoire, de vitesse de traitement de pramine. L’effet de tolérance pourrait mettre plus
l’information et psychomotrices des sujets sous ami- de temps à s’installer chez le sujet âgé : dans un tra-
triptyline étaient inférieures pour ce qui concerne la vail de Hoff et al. [47], les sujets âgés continuaient à
mémoire à celles observées sous placebo après 28 jours souffrir de troubles de mémoire après 4 semaines de
de traitement (alors que l’amélioration de la sympto- traitement par nortriptyline alors que la tolérance est
matologie dépressive ne différait pas entre les groupes). habituellement complète chez le sujet jeune après 2 à
Les patients âgés apparaissent là encore particulière- 3 semaines [2].
ment vulnérables aux effets cognitifs délétères des tri- Comme nous l’avons vu, les effets délétères des
cycliques. Dans une étude [51], soixante-six patients antidépresseurs tricycliques sont liés à leurs actions
âgés déprimés recevaient en double aveugle soit de la anticholinergique et/ou sédative et concernent les
fluoxétine (20 mg/j), soit de l’amitriptyline (75 mg/j) autres antidépresseurs qui partagent ces effets.
pendant 42 jours ; alors que les deux médicaments Tous les médicaments ayant une activité anticho-
ne différaient pas dans leur efficacité antidépressive, linergique peuvent en effet entraîner sur le court
les patients sous amitriptyline présentaient significa- terme, de façon proportionnelle à la puissance de
tivement plus de difficultés cognitives et psychomo- l’action anticholinergique, des syndromes confu-
trices. Il en était de même dans une étude plus large sionnels et des perturbations attentionnelles et
(255 patients âgés) comparant la sertraline, la fluoxé- mnésiques (revue in [17]). Un effet de tolérance
tine et la nortriptyline sur 3 mois : si les différents s’installe généralement avec le temps [3]. Les médi-
traitements s’accompagnaient d’une amélioration des caments ayant une forte activité anticholinergique
performances évaluées par un score cognitif global, semblent cependant pouvoir garder sur le long cours
elles étaient meilleures sous ISRS que sous tricyclique un effet cognitif délétère potentiel. Une étude lon-
[30]. De plus, si l’on regarde plus précisément dans gitudinale menée chez 13 000 patients âgés de plus
cette étude les performances de mémoire, elles ne de 65 ans ambulatoires ou institutionnalisés montre
s’amélioraient pas sous tricyclique par rapport à avant que l’utilisation de médicaments ayant des proprié-
le traitement, même chez les patients répondeurs. tés anticholinergiques (évaluées à 2 ou 3, sur une

118
EFFETS COGNITIFS

échelle allant de 0 à 3) au moment de l’inclusion question des posologies des antidépresseurs compa-
est associée à une baisse significative des perfor- rés influence les résultats, de même que le temps de
mances cognitives après 2 ans de traitement (les l’exploration par rapport à la prise. On peut cepen-
performances cognitives étaient ici évaluées par le dant conclure que, dans leur ensemble, ces antidé-
minimental status dont on connaît pourtant la faible presseurs ne semblent pas provoquer de troubles
sensibilité). Cela incite à la prudence, notamment cognitifs significatifs susceptibles d’interférer avec la
chez les sujets fragiles comme les personnes âgées, vie quotidienne, ou alors de façon idiosyncrasique et
dans la prescription des antidépresseurs ayant un difficilement prédictible.
effet anticholinergique marqué. Certaines com- Quelques rapports de cas évoquent, par exemple, la
binaisons d’antidépresseurs peuvent aussi être à possibilité de survenue de troubles mnésiques sévères
risque [8]. Le clinicien doit savoir que c’est souvent sous fluoxétine [49], sans que les études classiques
l’association de plusieurs médicaments ayant des puissent les mettre clairement en évidence : Pande
effets anticholinergiques, parfois modestes, qui pose et Sayler [66], dans une revue de dix-neuf essais cli-
problème, et que tenter l’arrêt de ces traitements niques ayant inclus plus de 3 000 patients, ne font
peut s’accompagner d’une amélioration des perfor- pas mention de troubles mnésiques, et aucune pertur-
mances cognitives. bation mnésique n’a été observée dans une étude en
Les antidépresseurs ayant des effets sédatifs sont éga- prise unique chez quatre-vingt-dix volontaires sains
lement susceptibles d’exercer des effets délétères non avec le même médicament [59].
spécifiques sur les performances cognitives. Dans
une étude randomisée en double aveugle réalisée
chez soixante-quinze patients déprimés âgés de plus Arrêt brutal et effets de sevrage
de 65 ans, Siegfried et O’Connolly [84] ont comparé
au cours du temps (J3, J10 et J28) les effets cognitifs Il faut aussi rappeler que l’arrêt brutal d’un
de la maprotiline (un antidépresseur qui est anticho- traitement antidépresseur peut s’accompagner de
linergique et sédatif), de la miansérine (qui n’est pas manifestations de sevrage, comprenant des troubles
anticholinergique, mais sédative) et de la nomifen- cognitifs, en particulier lorsqu’il s’agit de médica-
sine (un IRNaDA qui n’est ni sédatif, ni anticho- ments ayant une courte demi-vie comme la paroxé-
linergique). Il existait une amélioration progressive tine [45].
des performances cognitives dans les trois groupes
mais le profil temporel était différent : le niveau
d’éveil et les performances psychomotrices observées Quelles stratégies adopter face
dans le groupe nomifensine après 3 jours n’étaient à des troubles cognitifs persistants
atteints que le 28e jour dans le groupe maprotiline ; induits par les antidépresseurs ?
la miansérine avait une position intermédiaire (J8).
Là encore, les effets sont surtout marqués dans le Certains patients se plaignent sous antidépresseur
court terme, puisque s’installe rapidement un effet de difficultés de mémoire, de ralentissement cogni-
de tolérance à la plupart des effets sédatifs (sauf tif, de problèmes pour trouver leurs mots, de troubles
peut-être chez des patients particulièrement fragiles, attentionnels. Face à ces plaintes, les façons de faire
mais aucune étude n’a exploré cette question à notre habituelles sont d’abord à essayer : réduire la posolo-
connaissance). gie, éviter l’association de médicaments susceptibles
Quant aux autres antidépresseurs, des études ont été d’additionner ou de potentialiser leurs effets cogni-
menées dans des groupes de patients avec des ISRS tifs, changer de classe pour choisir un médicament
(fluoxétine, paroxétine, sertraline, clovoxamine, mieux toléré.
citalopram et escitalopram), la duloxétine, la réboxe- D’autres stratégies sont parfois suggérées : la
tine, la tianeptine, la trazodone, le moclobémide caféine, le donépézil (un inhibiteur de l’acétylcho-
et les IMAO non sélectifs non réversibles (tableau linestérase : 5-10 mg/j), le pramipexole (un agent
récapitulatif in [11]) [2, 35, 43, 44, 88, 98]. Il est dopaminergique : 0,125-0,25 mg 3 fois par jour),
difficile de faire une synthèse des résultats observés et le modafinil (un éveillant ; 100-200 mg 2 fois par
de conclure sur une réelle différence d’effet délétère jour) ou le méthylphénidate (un psychostimulant :
sur la cognition entre antidépresseurs : la plupart des 10-40 mg 2 fois par jour) ont été proposés sans que
études n’inclut pas de groupe placebo ; les tâches de telles associations, qui apparaissent rationnelles sur
utilisées sont différentes d’une étude à l’autre, la le plan théorique, n’aient été évaluées [18].

119
Pharmacologie

C ertains antidépresseurs résultats très fluctuants selon le moment de l’explora-


tion rendent les résultats difficilement interprétables
améliorent - ils et ne permettent pas de penser qu’il existe un effet
le fonctionnement cognitif ? d’amélioration des performances cognitives qui puisse
être considéré comme cliniquement significatif. Une
telle méta-analyse ne permet cependant pas de mettre
Études menées chez le volontaire sain en évidence un effet possible d’un médicament parti-
culier. Il se peut que d’autres études soient menées sur
Plusieurs études ont montré que certains antidé- la question en raison de l’intérêt actuel pour l’amélio-
presseurs, administrés chez le volontaire sain, s’ac- ration des capacités physiologiques. Mais, au mieux,
compagnaient, en prise unique ou répétée, d’une les résultats obtenus avec les antidépresseurs seront
amélioration des performances cognitives (effet pro- modestes. De plus, observées à partir d’épreuves de
cognitif) par rapport à un placebo. Des études menées laboratoire, il est difficile de savoir si ces améliora-
chez l’animal ont pu aussi mettre en évidence de tels tions se traduiront par des effets intéressants dans les
effets [10]. En d’autres termes, ces médicaments pour- tâches de la vie quotidienne. Ces travaux menés chez
raient permettre d’être « mieux que bien » ; l’effet n’a le volontaire sain sont, en revanche, utiles pour guider
d’ailleurs pas été seulement observé sur le fonctionne- les études réalisées chez les patients.
ment cognitif, mais aussi sur l’humeur. D’un point
de vue théorique, la facilitation de la transmission
dopaminergique et noradrénergique pourrait effecti- Études menées chez les patients
vement s’accompagner d’un accroissement des capaci-
tés attentionnelles ; la réboxétine, un IRNa a montré La même question a été posée chez les patients.
chez l’animal qu’elle pouvait augmenter les concen- Nous avons déjà souligné que l’amélioration cogni-
trations d’acétylcholine au niveau hippocampique, tive est le cas avec l’ensemble des antidépresseurs du
ce qui pourrait se traduire par de meilleures perfor- fait, d’une part, de l’atténuation des troubles pour les-
mances de mémoire [94]. Cependant, un tel effet n’a quels le médicament est prescrit (lorsque le trouble
pas été confirmé chez l’homme avec la réboxétine [11] s’améliore, les altérations cognitives qui y sont asso-
et le bupropion (un IRNaDA) n’a montré ni effet ciées s’améliorent également) et, d’autre part, d’effets
négatif, ni effet positif sur les performances cogni- directs. Cela a été montré, dans la dépression et l’an-
tives, notamment mnésiques chez l’homme [11]. xiété, avec les différentes familles d’antidépresseurs, de
Une revue récente [77] retrouve 135 études contrô- façon concordante dans plusieurs études [43]. Il est
lées versus placebo s’étant penchées sur le sujet d’une possible que l’amélioration soit parfois décalée dans
éventuelle amélioration des performances cognitives le temps, les troubles cognitifs mettant plus de temps
chez l’homme. Elles portaient sur les antidépresseurs à s’améliorer que le reste de la symptomatologie cli-
suivants : le bupropion, le citalopram, la duloxétine, nique [29].
l’escitalopram, la fluoxétine, la fluvoxamine, le moclo- Là encore, certains se sont interrogés sur l’existence
bémide, la paroxétine, la réboxétine, la sertraline et la d’une différence d’effets d’un antidépresseur à l’autre :
venlafaxine. Les modifications observées concernaient l’étude de Ferguson et al. [33] montre que la réboxé-
les performances d’éveil, d’attention, de vigilance, de tine (un IRNa), mais pas la paroxétine (un ISRS),
mémoire et d’apprentissage. Les auteurs ont mené une améliore l’attention soutenue ; Herrera-Guzman et al.
méta-analyse sur les soixante-cinq études répondant [43, 44] montrent qu’après 6 mois de traitement, les
aux critères fixés. Nous en reprenons les conclusions : patients déprimés traités par duloxétine (un ISRSNa,
les études ont surtout été menées en prise unique 37 semaines, 60 mg/j) avaient de meilleures per-
et, pour celles ayant exploré les effets de prises répé- formances de mémoire épisodique et de travail que
tées, la durée était rarement supérieure à 15 jours les sujets sous escitalopram (un ISRS, 36 semaines,
(17 études). Les résultats sont les suivants : après 10 mg/j) ; en revanche, la vitesse de traitement, les per-
une prise unique, il existe un effet négatif modeste formances attentionnelles et exécutives, mesurées grâce
sur l’éveil, ce qui correspond à l’impression clinique à une large batterie de tests, ne différaient pas entre les
fréquente d’un effet sédatif de ces médicaments après deux groupes. Dans une étude menée chez 235 patients
la première prise ; un effet positif sur la mémoire à comparant la sertraline (50-100 mg/j) et la fluoxétine
distance de la prise était également observé, mais était (20-40 mg/j), les deux médicaments exerçaient un effet
dû à une seule étude [39] ; lors de prises répétées, les antidépresseur similaire, mais les performances au test

120
EFFETS COGNITIFS

de substitution de chiffres par des symboles étaient Concernant les médicaments, plusieurs études épi-
supérieures après 6 et 12 semaines sous sertraline (in démiologiques indiquent que la prise d’antidépresseurs
[55]). Les différences observées, quoique significatives tricycliques est effectivement associée à un risque accru
sur le plan statistique, apparaissent cependant modestes. d’accidents de la circulation chez les sujets âgés (plus
Les effets cognitifs dépendent de facteurs complexes et de 60 ans), avec l’existence d’un effet-dose [55, 73].
intriqués incluant le type de pathologie (et la physio- Par exemple, dans l’étude rétrospective [76] menée
pathologie des troubles cognitifs qui y sont associés), la chez des sujets américains de plus de 65 ans victimes
durée de traitement, la posologie, le domaine cognitif d’accidents de la route, le risque relatif d’accident était
exploré et le test utilisé pour le faire, le moment d’éva- 2,2 fois (IC : 1,3-3,5) plus élevé chez les patients pre-
luation par rapport à la dernière prise. Tous ces élé- nant des tricycliques que chez ceux n’en prenant pas,
ments font que les différences observées dans une seule et le risque était encore plus élevé (5,5 fois) lorsqu’il
étude restent difficiles à interpréter. D’autre part, les s’agissait d’une dose de tricyclique supérieure à 125 mg
tâches utilisées sont des tâches de laboratoire n’ayant équivalent d’amitriptyline. Ces médicaments sont sus-
qu’un rapport lointain avec les cognitions mises en jeu ceptibles d’induire une sédation, des troubles visuels,
dans la vie quotidienne, posant la question de la perti- voire (rarement) des effets anxiogènes, confusiogènes
nence clinique de ces résultats. Enfin, pour le moment, ou des troubles du comportement, pouvant interférer
aucune étude n’a jusqu’à présent clairement pu mettre avec la conduite automobile. Chez le sujet plus jeune,
en relation les effets cognitifs et le mode d’action de les données sont plus équivoques, de même que pour
l’antidépresseur. les autres classes d’antidépresseurs [12, 26]. Ross et al.
Une donnée récente mérite d’être soulignée. Dans [80] n’ont pas trouvé que les antidépresseurs (dans leur
la schizophrénie, plusieurs études suggèrent que ensemble, y compris les tricycliques) pris par les per-
l’association de la mirtazapine à un traitement anti- sonnels de bord et les contrôleurs aériens australiens
psychotique de première ou deuxième génération étaient associés à un risque plus élevé d’accident aérien
pourrait améliorer, après quelques semaines de trai- (l’Australie autorise, sous certaines conditions, que les
tement, la symptomatologie psychotique, mais aussi personnels aériens poursuivent leur activité profession-
les difficultés cognitives rencontrées par les patients nelle alors qu’ils sont traités par antidépresseurs). Il est
[22, 28, 89] (mais un résultat négatif est relevé par cependant difficile, dans de telles études, de faire la
Berk et al. [9]). Cet effet serait direct et pas seulement part des effets de la dépression, des antidépresseurs et
attribuable à une amélioration de troubles dépressifs des caractéristiques particulières des personnes impli-
associés. Cela vient reposer la question d’éventuels quées. Une étude montre, par exemple, que le risque
effets procognitifs des antidépresseurs, ou de certains d’accident grave de la circulation est plus élevé chez les
d’entre eux, lorsqu’ils sont prescrits sur le long cours. patients déprimés ayant présenté des idées suicidaires
et qui ne sont pas traités que chez les patients déprimés
non traités n’ayant pas eu d’idées suicidaires, ce qui
n’est pas le cas lorsque les patients sont traités [54].
C as particulier de la conduite D’autres effets de certains antidépresseurs peuvent
augmenter le risque accidentel, comme les effets hypo-
automobile et autres engins
tenseurs ou arythmogènes cardiaques.
Il est donc utile d’explorer les effets des médi-
La conduite automobile est une préoccupation caments en situation expérimentale contrôlée ; les
lorsque les patients prennent des médicaments psy- capacités à conduire peuvent être déduites des per-
chotropes. La question est de savoir s’il est raison- formances obtenues dans des tâches cognitives de
nable que les patients puissent conduire alors qu’ils laboratoire, ou évaluées plus directement dans des
prennent un traitement antidépresseur. simulateurs de conduite sur ordinateur ou, mieux
Rappelons d’abord que l’état dépressif caractérisé est encore, lors de mises en situation réelle (généralement
lui-même associé à un risque accru d’accident [3, 55]. sur des circuits avec conduite en double commande).
Les mécanismes en sont multiples sur le plan cogni- Une mesure classique est la capacité de garder le véhi-
tif : la motivation, la vigilance, l’attention, les capaci- cule dans la voie de circulation ; les écarts mesurés
tés mnésiques et exécutives, la vitesse psychomotrice, ont été normés pour différentes alcoolémies, permet-
qui sont altérées dans la dépression, sont des habiletés tant de comparer les effets des traitements à ceux de
nécessaires à la conduite. Les accidents peuvent aussi l’alcool, facteur de risque accidentel connu. La vitesse
être liés à des comportements suicidaires. d’appui sur le frein est aussi utilisée. D’autres épreuves

121
Pharmacologie

permettent d’évaluer la capacité à conduire dans un avec les benzodiazépines (du fait de l’inhibition de cer-
environnement complexe. L’évaluation se fait sûre- taines iso-enzymes du cytochrome P450 participant
ment aux dépens d’une certaine validité écologique, au métabolisme de la benzodiazépine). Cela est plus
mais est complémentaire des études épidémiologiques généralement le cas chez les patients polymédiqués. Par
pour permettre d’établir un lien causal entre médica- exemple, la fluoxétine et la paroxétine sont des inhibi-
ment et risque accidentel. teurs du CYP2D6 qui intervient dans le métabolisme de
Les travaux menés chez le sujet sain confirment nombreux médicaments psychotropes comme les tricy-
que les antidépresseurs ayant un effet sédatif (anti- cliques, les neuroleptiques et les opiacés ; la fluoxétine et
dépresseurs tricycliques et tétracyliques, miansérine, la fluvoxamine inhibent le CYP3A3/4 et le CYP2C19,
mirtazapine) altèrent, en prise unique ou lors de qui interviennent dans le métabolisme de la carbama-
prises répétées sur le court terme, différentes mesures zépine (pour le premier) et des benzodiazépines comme
évaluant les habilités de conduite [26, 73]. De plus, le midazolam, le triazolam, le bromazépam, l’alprazo-
les sujets évaluent mal leurs performances réelles de lam, le diazépam et le desméthydiazépam. Des effets
conduite [73]. Après une prise vespérale, les perfor- cognitifs et psychomoteurs de telles interactions ont été
mances mesurées le lendemain matin semblent cepen- mis en évidence dans plusieurs études (revue in [55])
dant peu altérées, et après une semaine de traitement et les cliniciens doivent aujourd’hui être attentifs aux
un effet de tolérance s’installe (pour la doxépine, interactions possibles entre médicaments psychotropes
l’imipramine, l’amitriptyline, la mirtazapine, mais qui sont souvent prescrits en association. Les études ne
pas pour la miansérine dans la revue de Ramaekers semblent, en revanche, pas indiquer de potentialisation
[73]). Les autres antidépresseurs comme les ISRS, les des effets de l’alcool par la fluoxétine ou la sertraline,
ISRSNa ou les IMAO-A réversibles n’altèrent pas les potentialisation qui pourrait exister avec la fluvoxamine
évaluations des capacités de conduite [6, 31, 73, 78]. ou la paroxétine [55].
Peu d’études ont été menées chez des patients trai- Une seule étude, à notre connaissance, a évalué les
tés par antidépresseurs. Dans un travail réalisé chez effets des antidépresseurs pris au long cours par des
soixante-quatre patients déprimés hospitalisés, un patients : dans un travail de thèse, Wingen [97] a
avantage est retrouvé pour les antidépresseurs non tri- exploré les capacités de conduite de patients prenant
cycliques par rapport aux antidépresseurs tricycliques pour une dépression un ISRS (citalopram, sertraline
dans une tâche de type « action-réaction », même si ou paroxétine) ou la venlafaxine (un ISRSNa) depuis
les premiers sont associés dans cette étude à des per- 6 à 52 semaines sans autre psychotrope. Le test de
formances inférieures à celles de témoins sains [14]. conduite était réalisé de façon standardisée sur un
Cependant, un effet de la symptomatologie dépressive circuit réel, en double commande. Les performances
ne peut être écarté. objectives (et subjectives) de conduite étaient altérées
Concernant les antidépresseurs non tricycliques, dans les deux groupes de patients par rapport à un
plusieurs études montrent que les performances dans groupe de sujets sains appariés, mais étaient meilleures
des simulateurs de conduite, alors que les patients que celles de patients déprimés non traités. Même si
sont traités depuis 2 à 4 semaines, sont significative- les auteurs rapportent les effets délétères observés sous
ment meilleures qu’avant traitement, même avec un médicaments à la symptomatologie dépressive rési-
antidépresseur connu pour ses propriétés sédatives duelle, ils conseillent de prévenir les patients de l’exis-
comme la mirtazapine [15, 83]. Avec les tricycliques, tence de possibles effets sur la conduite. En France,
il est possible que l’effet globalement positif soit plus les antidépresseurs sont associés à un pictogramme de
lent à se mettre en place : chez des patients déprimés niveau 2 pour la conduite automobile, indiquant des
prenant de l’amitriptyline depuis 6 semaines, l’amé- effets délétères possibles et la nécessité de discuter avec
lioration des performances observée dans une batterie son médecin des conditions de cette conduite.
de tâches de laboratoires visant à explorer les capacités Au total, certains antidépresseurs semblent asso-
à conduire était faible alors que la symptomatologie ciés à un risque accru d’accidents, surtout lorsqu’ils
dépressive s’était améliorée de façon significative [36]. exercent un effet sédatif, notamment chez le sujet âgé,
En revanche, chez des patients traités par amitripty- et particulièrement en début (ou au changement) de
line (25 mg/j) pour des douleurs chroniques, les per- traitement. Après 2 à 4 semaines s’installe une tolé-
formances étaient de nouveau normales après 15 jours rance aux effets négatifs des antidépresseurs qui, asso-
de traitement [96]. Il faut aussi faire attention lors de ciée à l’amélioration de la symptomatologie dépressive,
l’association de certains antidépresseurs (la fluoxétine permet que le risque accidentel soit moindre que celui
et la dothiépine dans l’étude de Ramaekers et al. [73]), qui existe lorsque la dépression n’est pas traitée.

122
EFFETS COGNITIFS

Quels sont les processus cognitifs la reconnaissance de visages joyeux [40], mais égale-
ment une facilitation de la reconnaissance de signaux
modifiés par les antidépresseurs de peur (Harmer et al. [40] pour la reconnaissance
possiblement en lien avec leurs d’expressions faciales de peur ; Browning et al. [13]
effets thérapeutiques ? pour une accentuation des réactions d’alarme lors de
la présentation d’images effrayantes). Cela pourrait
être associé aux effets anxiogènes ou d’agitation par-
Modifications des cognitions associées fois observés sous ISRS en début de traitement. En
revanche, lors d’une administration plus chronique
à la dépression et/ou à l’anxiété (7 jours dans l’étude d’Harmer et al. [42]), ces effets
sur le traitement des signaux de peur s’inversent ; cette
Les processus physiopathologiques impliqués dans différence d’effets lors d’une administration unique et
les troubles mentaux peuvent être envisagés à diffé- répétée d’ISRS est concordante avec la mise en évi-
rents niveaux : génétique, neurobiologique, neuro- dence d’un effet accru, puis abaissé de conditionne-
fonctionnel, cognitif et comportemental. Le mode ment à la peur chez le rat lors, respectivement, d’une
d’action des médicaments psychotropes peut aussi administration aiguë et chronique de citalopram [16].
être considéré à chacun de ces niveaux. Nous nous Tse et Bond [93] ont aussi montré une diminution
intéresserons ici au niveau cognitif. Dans l’anxiété des comportements de soumission et une plus grande
et la dépression, des particularités dans la façon de tendance à la coopération sociale dans une situation
traiter l’information, en particulier l’information de jeu dérivé de celui du « dilemme du prisonnier »
ayant une valence émotionnelle, participeraient au après une prise chronique (2 semaines) de citalopram.
développement, au maintien et/ou à la récidive des Il est intéressant de noter que ces modifications du
troubles : les patients auraient des biais d’attention, traitement de l’information émotionnelle ont été
de jugement, d’interprétation et/ou de mémoire mises en évidence alors que les évaluations que fai-
pour les informations chargées émotionnellement. saient les sujets de leur état d’anxiété ou d’humeur
Par exemple, dans l’anxiété, les patients ont une n’étaient pas modifiées. Ainsi les ISRS induisent-ils,
tendance à focaliser leur attention sur des informa- chez le sujet sain, des modifications dans le traitement
tions menaçantes ; dans la dépression, l’attention et de l’information émotionnelle ou sociale inverses des
la mémoire sont plus orientées vers des informations biais cognitifs observés dans la dépression.
tristes ou péjoratives. Certains font donc l’hypothèse D’autres travaux ont exploré, grâce aux techniques
que les antidépresseurs exerceraient leurs effets cli- d’imagerie cérébrale, les corrélats anatomofonction-
niques via les modifications qu’ils induisent sur ces nels de ces effets cognitifs des ISRS. Ils permettent
processus cognitifs. d’approcher le mode d’action de ces médicaments au
Des travaux de recherche ont été menés chez l’ani- niveau neurofonctionnel. Par exemple, il a été montré
mal et chez l’homme afin d’explorer l’effet des anti- qu’une prise unique ou répétée d’ISRS diminuait le
dépresseurs sur les processus cognitifs altérés dans la degré d’activation cérébrale dans différentes régions
dépression et/ou l’anxiété. Chez l’homme, les études impliquées dans le traitement des émotions, en par-
ont surtout concerné le sujet sain ; chez les patients, ticulier les régions amygdaliennes et limbiques, lors
il est en effet difficile de séparer les effets directs et de la présentation d’images désagréables [91] ou de
indirects secondaires aux modifications de l’humeur la reconnaissance d’émotions faciales [4]. Simmons
(mais nous verrons plus loin que l’observation d’effets et al. [87] ont aussi montré une diminution d’acti-
très précoces est une voie d’approche intéressante). vation de l’insula et des régions cingulaires anté-
Les études ont essentiellement porté sur les ISRS, et rieures lors d’une tâche d’anticipation (un processus
particulièrement le citalopram du fait de son mode cognitif impliqué dans les troubles anxieux) après la
d’action plus spécifique que d’autres ISRS sur le sys- prise répétée d’escitalopram. Ainsi les antidépresseurs
tème sérotoninergique [82]. Après une prise aiguë de viendraient-ils corriger certaines altérations cognitives
ce médicament, les études montrent un biais vers le associées à la dépression ou à l’anxiété, ces effets pou-
traitement préférentiel des informations positives vant être observés précocement également sur le plan
ainsi qu’une inhibition des réactions négatives face à neurofonctionnel.
une situation de frustration sociale. Un double effet Les effets d’autres classes d’antidépresseurs sur les
précoce, apparemment contradictoire, est cependant cognitions ont également été explorés. La réboxétine,
observé avec ce médicament : une amélioration de un IRNa, en prise unique, améliore les performances

123
Pharmacologie

de reconnaissance des expressions faciales de joie et l’effet sur l’humeur de ces médicaments serait indi-
accélère la classification et le rappel de descriptions de rect, passant par une modification préalable des biais
soi favorables plutôt que défavorables [40], mais sans de traitement cognitif des informations émotion-
provoquer l’effet initial sur le traitement des informa- nelles. Cet effet cognitif serait précoce, survenant dès
tions associées à la peur observé sous citalopram. Il en les premiers jours de traitement, même s’il n’est pas
serait de même après une prise unique de mirtazapine forcément perceptible par le sujet. Il permettrait des
qui, en revanche, ne s’accompagnait pas dans l’étude modifications dans les interactions que le sujet met en
d’Arnone et al. [5] de modifications de la reconnais- place avec son environnement et son entourage. En
sance des émotions faciales joyeuses. La duloxétine d’autres termes, le « filtre » au travers duquel le sujet
accroît, après 2 semaines de traitement, la motivation traite les événements serait plus positif, permettant
à la récompense [64], les auteurs suggérant que cela progressivement à une modification de l’humeur de
pourrait sous-tendre l’action anti-anhédonique de survenir. Cela ouvre des perspectives intéressantes sur
l’antidépresseur. Ce même antidépresseur diminue des projets innovants, alliant traitements antidépres-
l’activation d’un réseau amygdalien élargi impliqué seurs et psychothérapies.
dans le traitement de l’information émotionnelle [95].
L’agomélatine, après 7 jours de traitement, diminue
la reconnaissance des expressions faciales de tristesse, Modifications
accroît la mémoire pour les informations positives et de la neuroplasticité cérébrale
diminue les réactions d’alarme. Ces résultats confir-
ment les effets des antidépresseurs sur les réseaux Récemment, des études contrôlées randomisées ont
cérébraux impliqués dans le traitement de l’informa- montré une amélioration des performances cognitives
tion émotionnelle et suggèrent de possibles particula- (notamment mnésiques et exécutives) et des capaci-
rités dans les effets cognitifs des antidépresseurs qui tés fonctionnelles dans la vie quotidienne, chez des
pourraient guider leurs indications sur une base plus patients ayant fait un accident vasculaire cérébral et
individuelle. Les différences d’effet cognitif observées traités par antidépresseur dans les premières semaines
d’un médicament à l’autre pourraient expliquer leurs ou mois suivant l’accident. Cet effet a surtout été
différences d’effets cliniques ; Harmer [38] souligne montré avec les médicaments ayant un effet séroto-
par exemple que le citalopram qui exerce, en plus ninergique, notamment les ISRS comme l’escitalo-
de ses effets antidépresseurs, des effets anxiolytiques pram ou la fluoxétine, ou la nortriptyline, mais pas
diminue la réaction de sursaut et le niveau de vigilance avec la maprotiline, un antidépresseur inhibiteur de la
face à des informations menaçantes ; c’est aussi le cas recapture de la noradrénaline [25, 48, 61]. Les effets
du diazépam, un anxiolytique, qui ne modifie pas observés apparaissent indépendants de l’effet antidé-
la mémoire pour les informations ayant une valence presseur en tant que tel [48]. Dans une population
émotionnelle ; en revanche, la réboxétine, un antidé- de sujets non déprimés souffrant d’un déficit cogni-
presseur dépourvu d’effets anxiolytiques, montre un tif léger, Mowla et al. [60] ont montré une amélio-
profil inverse. ration des performances cognitives et de mémoire
La question de savoir si ces effets, mis en évidence après 8 semaines de traitement par fluoxétine, non
jusque-là chez le sujet sain, sont repérables chez des retrouvée sous placebo. Les effets favorables observés
patients déprimés a été posée dans une première étude sont rapportés aux effets neurotrophiques des antidé-
contrôlée versus placebo [41] : une prise unique de presseurs : augmentation de l’expression des facteurs
réboxétine (4 mg) permet effectivement de corri- neurotrophiques, accroissement du sprouting axonal,
ger différents biais cognitifs associés à la dépression, développement de nouvelles synapses, augmentation
alors même qu’aucune modification de l’anxiété ou de la neurogenèse hippocampique. Cela rejoint cer-
de l’humeur n’est relevée par les patients. De plus, tains modèles physiopathologiques qui considèrent
dans l’étude de Tranter et al. [92], l’amélioration de la la dépression et les troubles cognitifs qui lui sont
reconnaissance d’expressions faciales joyeuses obser- associés comme des altérations de la neuroplasticité
vée après 2 semaines de traitement par citalopram cérébrale. Les antidépresseurs exerceraient leur effet
était prédictive de l’amélioration clinique des patients antidépresseur via leur effet de stimulation de la
déprimés 4 semaines plus tard. Ces résultats viennent neurogenèse, dans des interactions réciproques entre
changer la perspective classique selon laquelle ces cognition, axe corticotrope et systèmes de neurotrans-
médicaments mettent plusieurs semaines avant d’agir. mission. Le temps nécessaire à son développement et
Pour l’équipe de Harmer et Goodwin, à Oxford, à sa maturation expliquerait le délai d’action de ces

124
EFFETS COGNITIFS

médicaments [70]. Par exemple, en atténuant les 7. Bartus RT. On neurodegenerative diseases, models, and
réponses émotionnelles au stress, les antidépresseurs treatment strategies : lessons learned and lessons forgotten
permettraient d’éviter les effets négatifs de la réponse a generation following the cholinergic hypothesis. Exp
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corticotrope sur les structures limbiques et sur le 8. Benazzi F. Severe anticholinergic side effects with ven-
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la prise d’antidépresseur participeraient à l’améliora- 9. Berk M, Gama CS, Sundram S et al. Mirtazapine
tion clinique. add-on therapy in the treatment of schizophrenia with
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melatine in the novel object recognition memory paradigm
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non une revue exhaustive des travaux menés sur cette
12. Bramness JG, Skurtveit S, Neutel CI et al. Minor
question. Cette approche permet bien sûr de décrire increase in risk of road traffic accidents after prescriptions
et de mesurer les effets des médicaments psycho- of antidepressants : a study of population registry data in
tropes sur le fonctionnement cognitif, mais aussi de Norway. J Clin Psychiatry, 2008, 69 : 1099-1103.
renouveler la compréhension du mode d’action de ces 13. Browning M, Reid C, Cowen PJ et al. A single dose
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le premier point, les antidépresseurs bénéficient d’un J Psychopharmacol, 2007, 21 : 684-690.
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rapport bénéfices/risques favorable, surtout si l’on sive drugs. Psychiatr Prax, 2003, 2 : 102-105.
évite, en première intention, les tricycliques chez 15. Brunnauer A, Laux G, David I et al. The impact of
les sujets fragiles sur le plan cognitif. Concernant le reboxetine and mirtazapine on driving simulator perfor-
second point, les modifications des biais cognitifs mance and psychomotor function in depressed patients.
associés à la dépression ou à l’anxiété permises par ces J Clin Psychiatry, 2008, 69 : 1880-1886.
médicaments précèdent et prédisent leur action anti- 16. Burghardt NS, Sullivan GM, McEwen BS et al. The
dépressive, ouvrant la voie à une possible compréhen- selective serotonin reuptake inhibitor citalopram increases
fear after acute treatment but reduces fear with chronic
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128
11
E ffets des antidépresseurs
sur les processus émotionnels
........
P. Delaveau et Ph. Fossati

Les antidépresseurs agissent principalement sur les comportementales (nos actions). La perception d’un
systèmes sérotoninergique et noradrénergique, en aug- stimulus émotionnel déclenche ainsi un ensemble de
mentant la transmission de ces neurotransmetteurs. processus émotionnels. La reconnaissance émotionnelle
Ils ont montré leur intérêt dans la prise en charge des découle de l’évaluation et de l’identification (consciente
troubles dépressifs. Cependant, un délai de plusieurs ou inconsciente) de la pertinence émotionnelle du sti-
semaines est nécessaire avant qu’une amélioration cli- mulus perçu. L’expérience émotionnelle correspond à
nique de la dépression ne soit apparente et perçue par le des sentiments émotionnels et à la production d’un état
patient et son entourage. L’évaluation de la réponse thé- affectif spécifique en réponse à ce stimulus, compre-
rapeutique se mesure habituellement sur les symptômes nant des réponses végétatives (augmentation ou dimi-
dépressifs de façon globale et catégorielle, à travers par nution de la fréquence cardiaque, du tonus musculaire,
exemple une réduction de 50 p. 100 du score à l’échelle du rythme respiratoire, de la tension artérielle, de la
de Hamilton ou à la MADRS. Or la dépression peut sudation), neuro-endocriniennes (activation de l’axe
être définie par plusieurs dimensions symptomatiques hypothalamo-hypophysaire) et motrices (expressions
telles que la dimension cognitive (troubles de l’atten- faciales, vocales, comportements). Enfin, la régulation
tion, de la concentration, de la mémoire), émotionnelle de ces états affectifs et du comportement émotionnel
(tristesse, anhédonie, labilité de l’humeur), neurovégé- module les étapes de reconnaissance et d’expérience
tative (troubles du sommeil, de l’appétit, somatique) émotionnelles afin que cet état soit adapté au contexte.
ou encore psychomotrice (ralentissement). Il existe de Les processus émotionnels mettent en jeu deux systèmes
nombreux arguments, en particulier cliniques, pour neuronaux distincts, mais fortement interconnectés
penser que l’évolution de ces dimensions sous traitement (revue in [45]). Le système dorsal, incluant l’hippo-
antidépresseur médicamenteux n’est pas synchrone, cer- campe, les parties dorsales du cortex cingulaire antérieur
taines dimensions s’améliorant avant d’autres. et du cortex préfrontal, serait davantage engagé dans la
L’intérêt d’une telle approche dimensionnelle de la régulation de la réponse émotionnelle en intégrant des
dépression est également de permettre de décrire des processus « plus cognitifs » (par exemple, l’attention
phénomènes continus allant du normal au patholo- sélective, la planification, la mémoire) et en adaptant le
gique et susceptibles d’investigations chez le sujet sain. comportement à la situation. Le système ventral, quant
Des études récentes ont évalué les effets des antidé- à lui, dont font partie l’amygdale, l’insula, le striatum
presseurs sur les processus émotionnels chez le sujet ventral, le thalamus, les régions ventrales du cortex cin-
sain et le sujet déprimé. gulaire antérieur et du cortex préfrontal, serait principa-
lement impliqué dans l’identification de la signification
émotionnelle d’un stimulus externe ainsi que dans la
production d’états émotionnels.
P rocessus émotionnels
Méthodes d’étude des émotions en situation
L’émotion peut se définir comme une réaction expérimentale. Le processus le plus étudié est la
soudaine à un événement qui a des composantes phy- reconnaissance des émotions. Elle se fonde essen-
siologiques (notre corps), cognitives (notre esprit) et tiellement sur la capacité du sujet à reconnaître

129
PHARMACOLOGIE

l’expression manifestée par un visage et repose sur Elle peut être implicite comme catégoriser le genre,
l’hypothèse d’universalité des émotions [12]. Par l’âge des visages présentés ou apparier deux expres-
exemple, le test appelé morphing consiste à trans- sions faciales d’une même émotion (Figure 11-1).
former le même visage de manière informatisée en Enfin, elle peut être subliminale, ce qui permet
mélangeant deux expressions faciales : une expres- l’étude du priming dans la reconnaissance des émo-
sion neutre et une émotion à différentes intensi- tions (présentation brève d’une expression faciale
tés, de 0 (neutre) à 100 p. 100. Cette méthode qui affecte de façon non intentionnelle et automa-
permet d’étudier la précision de la discrimination tique l’évaluation ultérieure du second stimulus, un
de chaque expression faciale et ainsi d’étudier visage neutre auquel il faut attribuer une valence
finement la perception des visages exprimant des émotionnelle).
émotions. Selon la consigne donnée, une tâche de Par ailleurs, des tests se sont intéressés aux processus
reconnaissance peut être explicite, comme nommer d’évaluation de la pertinence de stimuli émotionnels
les émotions ou évaluer une intensité émotionnelle. pour soi, tels que les tâches de référence à soi. Dans ce

Figure 11-1. – Exemple de test de reconnaissance émotionnelle implicite. Il est demandé au sujet de choisir lequel des
deux visages (B) ou (C) exprime la même émotion que le visage cible (A) (peur ou colère).

130
E F F E T S D E S A N T I D É P R E S S E U R S S U R L E S P RO C E S S U S É M OT I O N N E L S

type de tâche, on demande au sujet s’il peut attribuer un négative (revue in [6]), sur la détérioration de la
trait de personnalité (positif ou négatif) à lui-même ou mémoire autobiographique concernant les événements
s’il aimerait qu’on lui attribue ce trait. Immédiatement positifs [32] ou encore sur l’excès de référence à soi de
après cette phase d’évaluation, il est demandé au sujet stimuli émotionnels, en particulier négatifs (revue in
de rappeler ou reconnaître les mots présentés. En géné- [29]) retrouvés chez les patients déprimés.
ral, les mots associés à soi sont mieux rappelés et recon- L’administration d’une dose unique de différents
nus que les mots encodés de façon impersonnelle. antidépresseurs (réboxétine, duloxétine et citalopram)
Il existe aussi différentes méthodes pour évaluer améliore la reconnaissance d’expressions faciales de
les réponses émotionnelles. Par exemple, des échelles joie par une réduction des temps de réaction et par
permettent de recueillir l’évaluation subjective de une augmentation de la précision dans la détection
l’état émotionnel du sujet, soit portant sur le ressenti des visages. La vitesse de catégorisation en référence
immédiat, qui permettent une mesure à un moment à soi des traits de personnalités positifs [16, 20] et la
donné après un événement précis, soit sur le ressenti vitesse de rappel de ces mots positifs après la tâche de
habituel du sujet. D’un point de vue physiologique, référence à soi [20, 40] étaient également accrues. Le
les mesures les plus utilisées sont des mesures cardio- citalopram (ISRS) conduit à un biais attentionnel sur
vasculaires (fréquence cardiaque, pression artérielle, des mots à valence positive comparé au placebo [8].
fréquence respiratoire), de la conductance cutanée ou Cependant, en même temps, le citalopram augmente
du réflexe de sursaut (en réponse à un bruit abrupt la précision dans la détection des visages exprimant
pendant la perception d’images désagréables). la peur [8, 14, 16]. De façon semblable aux ISRS,
une dose unique d’un inhibiteur de la recapture de la
sérotonine et de la noradrénaline (IRSNa, duloxétine)
a conduit à une augmentation de la discrimination
P rocessus émotionnels et effets
de visages de dégoût [19]. Ces effets apparemment
précoces des antidépresseurs contradictoires sont en accord avec les effets secon-
chez le sujet sain daires anxiogènes des ISRS rencontrés chez les
patients déprimés en début de traitement [54], l’effet
anxiolytique mis en évidence par une diminution du
Les études des effets des antidépresseurs sur les réflexe de sursaut apparaissant après plusieurs jours de
processus émotionnels ont principalement utilisé les traitement. Contrairement au citalopram, la réboxé-
tâches de reconnaissance des émotions ou des tâches tine n’augmente pas la reconnaissance de la peur après
de référence à soi. Dans une étude chez le sujet sain, une dose unique [20], mais ne diminue pas le réflexe
une semaine de traitement par un inhibiteur sélectif de sursaut après l’administration de doses répétées
de la recapture de la sérotonine (ISRS, citalopram) ou [23]. D’autre part, une dose unique de mirtazapine,
de la noradrénaline (ISRNa, réboxétine) diminue la qui a une action pharmacologique complexe (antago-
capacité des sujets sains à reconnaître des visages expri- niste de récepteurs noradrénergiques, histaminiques,
mant la peur ou la colère dans un test de morphing. De et sérotoninergiques), entraîne une réduction de la
même, le nombre de mots rappelés avec une valence reconnaissance des visages de peur, un rappel plus
émotionnelle positive (par rapport aux mots néga- grand des mots positifs comparés aux mots négatifs
tifs) était augmenté dans une tâche de reconnaissance après une tâche de référence à soi et une réduction
consécutive à un encodage en référence à soi [21, 23]. du réflexe de sursaut [4]. Ces effets de la mirtazapine
Une diminution du réflexe de sursaut en réponse à des sont en accord avec les effets anxiolytiques précoces
visages émotionnels négatifs [23] et une diminution observés avec ce traitement dans la pratique clinique.
de l’attention envers des visages de peur [42] ont spé- Dans l’ensemble, les études réalisées chez des sujets
cifiquement été retrouvées suite à un traitement par non déprimés mettent en évidence des effets précoces
le citalopram. Ces effets précoces observés après une des antidépresseurs sur les processus émotionnels
semaine de traitement chez des sujets sains pourraient (incluant la perception, l’attention et la mémoire), en
ainsi corriger les biais négatifs dans le traitement de favorisant l’information émotionnelle à valence posi-
l’information émotionnelle rencontrés dans la dépres- tive et en diminuant la perception de l’information
sion. Plus précisément, les antidépresseurs pourraient émotionnelle à valence négative, avec la réserve d’un
agir de façon précoce sur les déficits du traitement des effet très précoce des ISRS sur le traitement émo-
expressions faciales positives et/ou l’augmentation du tionnel négatif réversible après 7 jours de traitement
traitement de l’information des expressions faciales (revue in [18, 48]).

131
Pharmacologie

A pplication à la dépression engendré par les antidépresseurs serait une sorte


de filtre pour traiter l’information émotionnelle,
mais qui n’affecterait pas directement l’humeur.
Les effets de biais positifs sur l’information émo- L’amélioration clinique liée à la réponse aux antidé-
tionnelle observés après l’administration d’une dose presseurs résulterait d’une exposition répétée et de
unique chez des sujets sains sont également présents l’expérience de différents événements, suggérant une
chez des patients déprimés. En effet, alors que les interaction entre les mécanismes neuropsychophar-
patients déprimés sous placebo montraient une dimi- macologiques et l’environnement [18, 48].
nution de la discrimination des expressions faciales
positives et du nombre de mots à valence positive rap-
pelés dans une tâche de mémoire suivant une tâche Rôle de la neurogenèse
de référence à soi comparés aux sujets contrôles, une
dose unique de réboxétine a permis d’inverser ce biais Il a été mis en évidence, dès la découverte des premiers
négatif sans changement de l’humeur [22]. Par ail- traitements ayant des effets antidépresseurs [27, 33],
que ces traitements augmentaient la transmission
leurs, une autre étude a montré une corrélation entre
monoaminergique. Cet effet neurochimique survient
l’augmentation de la capacité à reconnaître les expres-
quelques heures après l’administration du traitement
sions faciales de joie chez les patients déprimés après
par un blocage des transporteurs ou une inhibition de
2 semaines de traitements par du citalopram ou de la
la dégradation de la sérotonine et de la noradrénaline
réboxétine et l’amélioration clinique de ces patients
au niveau de la terminaison présynaptique. Comme
mesurée à 6 semaines de traitement [55]. Ces résultats
les effets thérapeutiques n’apparaissent pas avant plu-
suggèrent que les antidépresseurs peuvent inverser les
sieurs semaines de traitement, l’idée d’un second méca-
biais émotionnels négatifs présents chez les patients
nisme biochimique neuro-adaptatif est apparue, ce
déprimés dès le début du traitement, ce qui prédit une
mécanisme nécessitant une administration répétée de
bonne réponse aux traitements.
l’antidépresseur. Les théories neurochimiques actuelles
de l’action des antidépresseurs incluent le rôle de fac-
teurs transcriptionnels et neurotrophiques et donnent
D élai de l ’ action thérapeutique une place centrale à la neurogenèse, en particulier au
des antidépresseurs niveau de l’hippocampe. Des études en imagerie par
résonance magnétique structurale ont mis en évidence
une réduction du volume hippocampique chez les
Explication neuropsychologique sujets déprimés comparés à des témoins [5]. Les études
chez l’animal suggèrent qu’un traitement par antidé-
presseurs augmente la neurogenèse au niveau de l’hip-
L’ensemble de ces changements précoces sur les pocampe (revue in [35]) et, inversement, le blocage de
processus émotionnels est détecté en absence de cette neurogenèse bloquerait les effets comportemen-
modification de l’humeur (à l’exception de l’étude taux des antidépresseurs [52].
utilisant la duloxétine). Harmer et al. ont émis une
hypothèse visant à expliquer pourquoi les antidé-
presseurs mettent longtemps à agir sur l’état dépres- Lien entre le niveau neurochimique et
sif. Ils suggèrent que le délai d’efficacité clinique des neuropsychologique
antidépresseurs observé chez les patients déprimés
résulterait de la nécessité que ces changements émo- Ces effets neurochimiques ne donnent pas un
tionnels précoces soient traduits en amélioration aperçu des mécanismes psychologiques par lesquels
subjective de l’humeur à travers l’interaction avec les changements neuraux, en réponse aux antidépres-
l’environnement et le réapprentissage graduel de seurs, agissent sur les processus émotionnels pour
nouvelles associations émotionnelles plus positives améliorer l’humeur dépressive. Cependant, ils ne sont
(« modèle neuropsychologique cognitif de l’action pas en compétition avec la théorie neuropsycholo-
des antidépresseurs »). En d’autres termes, ces chan- gique. Il a été suggéré que l’augmentation de la neuro-
gements précoces de l’équilibre entre le traitement genèse pourrait faciliter l’adaptation et l’apprentissage
de l’information positive et négative corrigeraient le médiées par l’hippocampe [25]. Une hypothèse inté-
biais négatif rencontré chez les patients déprimés en ressante est que la neurogenèse est à la base du réap-
favorisant l’information positive. Le biais cognitif prentissage des nouvelles associations émotionnelles

132
E F F E T S D E S A N T I D É P R E S S E U R S S U R L E S P RO C E S S U S É M OT I O N N E L S

résultant des effets précoces des antidépresseurs sur les un rétablissement de l’équilibre entre l’activité des
processus émotionnels, conduisant aux améliorations régions limbiques et corticales concomitant de
de l’humeur dépressive. l’amélioration de l’humeur. Notamment, de façon
similaire aux sujets sains, l’activité de l’amygdale et
d’autres régions limbiques est diminuée après plu-
E ffets des antidépresseurs sieurs semaines de traitements par antidépresseurs en
réponses à des stimuli émotionnels négatifs (revue
sur les corrélats cérébraux in [10]). De plus, la réponse cérébrale à des stimuli
des processus émotionnels positifs, retrouvée réduite chez les patients déprimés
avant la prise d’un traitement, notamment au niveau
des régions visuelles (comparés aux sujets contrôles),
Chez les sujets sains semble se normaliser après plusieurs semaines de
traitement [13, 53]. D’autre part, les antidépres-
Plusieurs études en imagerie par résonance magné- seurs semblent restaurer la désactivation du réseau
tique fonctionnelle (IRMf) ont étudié les effets pré- appelé « mode par défaut » dont fait partie le cortex
coces des antidépresseurs sur la réponse cérébrale à préfrontal médial (CPM) et le cortex cingulaire pos-
des stimuli émotionnels chez des sujets sains. Une térieur (CCP) pendant la perception émotionnelle
attention particulière a porté sur une structure d’inté- [10]. Ce réseau se désactive lorsque l’attention est
rêt, l’amygdale, région clef dans les processus émo- dirigée vers l’environnement extérieur et est activé
tionnels. De façon concordante avec les résultats lorsque l’attention est dirigée vers soi. Un plus
comportementaux, un biais sur l’information émo- grand recrutement du CPM dorsal et du CCP a
tionnelle positive par rapport à l’information négative été retrouvé chez des personnes ayant une vulnéra-
se retrouve au niveau de l’activité de l’amygdale. Ainsi bilité à la dépression (c’est-à-dire avec une person-
une diminution de l’activité de l’amygdale pendant nalité associée à une affectivité négative) pendant
la perception de visages exprimant la peur a-t-elle été une tâche de référence à soi d’images émotionnelles,
retrouvée après une semaine de traitement par citalo- plus marqué pour les stimuli négatifs dans le cortex
pram [21], par réboxétine [44] ou encore après une préfrontal médial [30]. De façon similaire, dans une
dose unique de citalopram [2, 41]. Cet effet perdure étude chez des patients déprimés, les activations du
après 3 semaines de traitement par l’escitalopram cortex préfrontal médial dorsal et dorsolatéral étaient
(ISRS) [3], tandis qu’une augmentation de l’activité spécifiquement retrouvées chez les patients en phase
de l’amygdale a été retrouvée en réponse à la percep- aiguë pendant la tâche de référence à soi de traits de
tion de visages exprimant la joie après une semaine personnalité positifs et négatifs (comparé à une tâche
de traitement par citalopram [43]. Ces effets inversés contrôle). Après plusieurs semaines de traitements,
sur l’activité de l’amygdale sont retrouvés avec la mir- tandis que le pattern d’activation de la partie dor-
tazapine, antagoniste de récepteurs noradrénergiques, somédiale persiste, l’activation du cortex préfrontal
histaminiques et sérotoninergiques, en réponse à des dorsolatéral s’équilibre entre les deux tâches. Cela
expressions de joie et de peur [50]. De façon similaire, suggère que les antidépresseurs entraînent une attri-
dans une étude électro-encéphalographique, après une bution plus équilibrée du contrôle cognitif à travers
semaine de traitement par citalopram ou réboxétine les processus de référence à soi [31].
(comparé au placebo) chez des sujets sains, l’ampli-
tude du décours temporel associé au processus de
décodage de visages émotionnels de joie (composante
N250) a été augmentée, tandis qu’elle était diminuée
A ntidépresseurs
en réponse aux visages exprimant la tristesse, sans avec d ’ autres mécanismes
modification de l’encodage initial des visages (com- d ’ action
posante N170) [26].

Chez les patients déprimés Agoniste mélatoninergique

L’ensemble des études sur les effets des antidé- D’autres molécules avec des mécanismes d’action
presseurs chez les patients déprimés met en évidence différents des traitements classiques de la dépression

133
Pharmacologie

ont montré des effets antidépresseurs. Alors que la émotionnelle dans une tâche visuelle de détection
plupart des antidépresseurs agissent en inhibant la de cible appelée dot-probe. Cependant, l’aprépitant
recapture des monoamines, l’agomélatine, un nou- a également induit une détérioration de la mémoire
vel antidépresseur, est un agoniste des récepteurs émotionnelle consécutive à une tâche de référence à
mélatoninergiques et un antagoniste des récepteurs soi dans son ensemble (pour les mots à valence posi-
sérotoninergiques 5-HT2C. Ses effets antidépres- tive et négative) et un ralentissement de la recon-
seurs semblent être médiés par une restauration d’un naissance des expressions faciales, ce qui suggère une
rythme circadien normal [28] et une augmentation détérioration plus générale des fonctions cognitives
de la libération de la noradrénaline et de la dopa- [9]. Par ailleurs, après une semaine de traitement par
mine dans le cortex préfrontal [36]. Chez des sujets aprépitant, le réflexe de sursaut pendant la perception
sains, un traitement de 7 jours par agomélatine a de stimuli émotionnels négatifs disparaît, la mémori-
induit une diminution sélective de la discrimination sation des mots positifs par rapport aux mots négatifs
de visages exprimant la tristesse (mais pas la peur, la augmente et l’attention à des stimuli émotionnels
colère ou le dégoût), une amélioration de la mémoire négatifs (comparés aux positifs) diminue dans la
de mots affectifs à valence positive après un test de tâche de détection de cible dot-probe. En revanche,
référence à soi et une diminution du réflexe de sur- aucun effet n’a été retrouvé sur la catégorisation émo-
saut pendant la perception de stimuli émotionnels tionnelle de traits de personnalités, ni sur la recon-
négatifs [17]. L’agomélatine présente donc un pro- naissance des expressions faciales [49]. Ces résultats
fil d’action neuropsychologique similaire aux autres suggèrent que ce traitement agit sur certains aspects
antidépresseurs plus conventionnels avec un effet des processus émotionnels et a un effet anxiolytique.
anxiolytique comme les ISRS (c’est-à-dire le citalo- Mais son effet semble plus restreint que les antidé-
pram) après une semaine de traitement. Toutefois, presseurs conventionnels, ce qui est concordant avec
les autres antidépresseurs ont une action plus géné- les effets cliniques observés qui se sont révélés limités
ralisée sur la perception des visages à valence néga- chez des patients déprimés [15].
tive. Des patients traités par ISRS décrivent une
réduction générale de l’intensité de leurs expériences
émotionnelles et attribuent ce ressenti comme étant
un effet secondaire de l’antidépresseur [47]. Cet Érythropoïétine
émoussement affectif pourrait être la conséquence
de la réduction de la reconnaissance de l’ensemble De part le rôle central que semble jouer la neuro-
des expressions faciales négatives. Ainsi les possibles plasticité dans la physiopathologie et le traitement à
implications cliniques de l’action plus sélective de long terme de la dépression, l’érythropoïétine pourrait
l’agomélatine sur la tristesse pourraient-elles se tra- être un candidat potentiel au traitement de la dépres-
duire par un moindre émoussement émotionnel chez sion. Outre son rôle bien connu dans la régulation
ces patients traités par agomélatine. Mais cela néces- des globules rouges, l’érythropoïétine est aussi produit
site d’être confirmé par d’autres études. dans le cerveau par les neurones et les astrocytes et
exerce une action neurotrophique et neuroprotectrice
vitale (revue in [7]). Il a été montré qu’une adminis-
Antagoniste des récepteurs NK1 tration unique d’érythropoïétine modulait les proces-
sus émotionnels de sujets sains 3 et 7 jours après son
D’autre part, une attention particulière a été por- administration. Ainsi, de façon similaire aux antidé-
tée sur les récepteurs NK1 comme une possible cible presseurs conventionnels de type ISRS, l’érythropoïé-
pharmacologique dans la dépression. En effet, des tine améliore-t-elle la discrimination des expressions
études précliniques ont montré des effets positifs faciales, en particulier celles exprimant la joie et la
prometteurs d’un antagoniste des récepteurs NK1 peur de façon très précoce (après 3 jours) [38]. Par
sur des modèles animaux de la dépression (revue la suite, 7 jours après l’administration d’érythropoïé-
in [11]). Une étude récente, explorant l’effet d’une tine, la précision à reconnaître des visages exprimant
dose unique d’aprépitant (antagoniste des récep- la peur est diminuée (comparé au placebo) [39]. La
teurs NK1) sur les processus émotionnels chez des même équipe de recherche a ensuite mis en évidence
sujets sains, a mis en évidence une augmentation que la modulation des processus émotionnels par
de la discrimination des visages exprimant la joie l’érythropoïétine était retrouvée chez des patients
et une augmentation de la vigilance à l’information déprimés. Ils ont montré que l’érythropoïétine avait

134
E F F E T S D E S A N T I D É P R E S S E U R S S U R L E S P RO C E S S U S É M OT I O N N E L S

un effet similaire aux antidépresseurs classiques sur la (effets anxiolytiques versus anxiogènes en début de
réponse cérébrale à la perception d’images émotion- traitement). Ces modifications précoces des processus
nelles négatives comparées aux positives, suivi d’un émotionnels sont également observées chez les dépri-
meilleur rappel de ces images émotionnelles évalué més, mais cela doit être confirmé par de nouvelles
après l’examen en IRMf [37]. études. L’action des antidépresseurs sur les processus
émotionnels pourrait avoir une implication pratique
dans la personnalisation des options de traitement du
Antagoniste des récepteurs patient déprimé.
glutamatergiques Existe-t-il des actions précoces sur d’autres dimen-
sions symptomatiques de la dépression telles que les
Étant donnée l’émergence du rôle du glutamate processus cognitifs ? L’une des caractéristiques de la
dans la pathophysiologie de la dépression et dans les cognition du déprimé est un excès d’attention portée sur
mécanismes d’action des antidépresseurs (revue in soi et une difficulté du patient à détourner son attention
[24]), un intérêt particulier a porté sur les traitements vers l’environnement extérieur, ce qui pourrait en partie
ayant une action sur le système glutamatergique. En expliquer les problèmes attentionnels de la dépression.
particulier, la kétamine, antagoniste des récepteurs Il semblerait intéressant d’évaluer le rôle des antidépres-
glutamatergiques de type NMDA, a montré qu’elle seurs sur la modulation de ces processus attentionnels
avait des effets antidépresseurs très rapides (quelques et leurs capacités à rétablir un équilibre chez les patients
heures) et relativement soutenus (1 à 2 semaines) chez déprimés entre l’orientation de la flèche attentionnelle
des patients déprimés résistant aux autres traitements vers le monde interne et le monde extérieur.
(revue in [34]). Très peu d’études ont été réalisées sur
les effets de la kétamine sur les processus émotion-
nels. Dans une étude en IRMf réalisée chez les sujets
sains, l’activation des régions cérébrales classiquement Bibliographie
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modulation of neuronal responses to aversive face emotions :
tionnels a mis en évidence le rôle prépondérant du
a functional MRI study. Neuroreport, 2007, 18 : 1351-1355.
cortex cingulaire antérieur rostral (revue in [46]). 3. Arce E, Simmons AN, Lovero KL et al. Escitalopram
L’activité de cette région, hyperactive en réponse à effects on insula and amygdala BOLD activation during
des stimuli négatifs chez les patients déprimés, semble emotional processing. Psychopharmacology (Berl), 2008,
être un bon marqueur biologique de la réponse aux 196 : 661-672.
traitements classiques de la dépression. De façon inté- 4. Arnone D, Horder J, Cowen PJ, Harmer CJ. Early
ressante, une étude évaluant des patients déprimés effects of mirtazapine on emotional processing. Psycho­
pharmacology (Berl), 2009, 203 : 685-691.
résistants en magnéto-encéphalographie a montré que
5. Bergouignan L, Chupin M, Czechowska Y et al. Can
l’hyperactivité du cortex cingulaire antérieur rostral voxel based morphometry, manual segmentation and auto-
en réponse à de rapides présentations d’expressions mated segmentation equally detect hippocampal volume dif-
faciales de peur était un facteur prédictif d’une bonne ferences in acute depression ? Neuroimage, 2009, 45 : 29-37.
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9. Chandra P, Hafizi S, Massey-Chase RM et al. NK1
sur leurs corrélats neuronaux (c’est-à-dire l’activité de receptor antagonism and emotional processing in healthy
l’amygdale) chez les sujets sains. Toutefois, des effets volunteers. J Psychopharmacol, 2010, 24 : 481-487.
différents sont décrits selon l’antidépresseur étudié, 10. Delaveau P, Jabourian M, Lemogne C et al.
en accord avec ce qui est observé en pratique clinique Brain effects of antidepressants in major depression : a

135
Pharmacologie

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136
E F F E T S D E S A N T I D É P R E S S E U R S S U R L E S P RO C E S S U S É M OT I O N N E L S

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137
12
P harmaco - épidémiologie
........
H. Verdoux et M. Tournier

La pharmaco-épidémiologie a pour objectif d’étu- La classe pour laquelle la progression a été la plus
dier l’usage et l’impact (bénéfices et risques) des médi- spectaculaire depuis les années 1980 est celle des anti-
caments en conditions réelles d’utilisation [6]. Les dépresseurs. Aux États-Unis, la proportion de patients
données obtenues dans les essais thérapeutiques lors de traités pour dépression est passée de 0,7 p. 100 en
la phase précédant l’autorisation de mise sur le mar- 1987 à 2,3 p. 100 en 1997, et la probabilité d’être
ché (AMM) doivent en effet être complétées par des traité par un antidépresseur a été multipliée par près
études post-AMM conduites en population générale. de 5 au cours de la période, augmentation attribuable
Les données d’efficacité et de tolérance issues des essais à la mise sur la marché des inhibiteurs sélectifs de
thérapeutiques sont obtenues sur un nombre restreint recapture de la sérotonine (ISRS) [42]. En France, la
de personnes sélectionnées par des critères d’inclusion progression de la consommation des antidépresseurs
et d’exclusion stricts, qui sont donc peu représenta- a été soulignée en 1996 dans le rapport Zarifian [65].
tives de la population traitée en post-AMM. De plus, Un rapport publié vingt ans plus tard [59] montre que
les modalités d’utilisation des médicaments dans les les antidépresseurs arrivent actuellement en seconde
essais thérapeutiques sont très contrôlées, notamment position des psychotropes les plus consommés en
en termes de durée d’administration, de doses et de France, environ une personne sur dix en faisant usage
co-prescriptions. Ces études post-AMM permettent par an, et 5 p. 100 en ayant un usage régulier.
d’évaluer si la population effectivement traitée est Nous nous proposons de passer en revue les études
superposable à la population cible définie par l’AMM, pharmaco-épidémiologiques portant sur l’usage des
et si l’efficience du produit en conditions réelles d’uti- antidépresseurs. Comme la littérature est particulière-
lisation confirme l’efficacité mise en évidence en pré- ment abondante sur ce thème, cette revue sera centrée
AMM. Ces études permettent également de s’assurer sur les études les plus récentes. Nous avons également
de la tolérance des médicaments mis sur le marché, fait le choix de détailler les études conduites dans la
puisque des effets secondaires rares, mais potentielle- population française et de passer plus brièvement
ment graves, peuvent ne pas être identifiés lors de la en revue les études conduites dans d’autres pays.
phase pré-AMM en raison des effectifs limités. Concernant les études évaluant le ratio bénéfices/
risques des antidépresseurs, nous évoquerons exclusi-
Ce champs de recherche est particulièrement perti-
vement le lien entre antidépresseurs et suicide, même
nent dans le domaine des médicaments psychotropes
si d’autres études d’impact auraient pu être dévelop-
du fait de la prévalence élevée d’exposition à ces médi-
pées, telles que celles évaluant le risque d’hémorragie
caments dans la population générale [58, 62]. Ainsi
digestive ou d’accident vasculaire cérébral.
estime-t-on qu’une personne sur quatre résidant en
France fait usage au moins une fois par an des médi-
caments psychotropes, que plus d’une personne sur
trois en fait usage au moins une fois au cours de sa
É tudes d ’ utilisation
des antidépresseurs
vie et qu’environ une personne sur dix en a un usage
dans la population adulte
régulier (plus de 3 mois) [59]. De plus, la proportion
des personnes exposées est croissante [31, 47]. Le
pourcentage de personnes faisant usage d’au moins un Nous analyserons ici les études conduite depuis
psychotrope par an est ainsi passé de 6 p. 100 en 1996 2000 ayant évalué l’usage des antidépresseurs avec
à 8 p. 100 en 2001 aux États-Unis [42]. une méthode d’échantillonnage permettant de

138
PHARMACO-ÉPIDÉMIOLOGIE

sélectionner une population représentative de la Enquête « santé mentale en population


population générale. Ce critère exclut donc les études générale (SMPG) : images et réalité »
conduites sur des populations sélectionnées sur un cri-
tère d’accès aux soins : sujets recrutés dans des services L’enquête SMPG a été réalisée sous l’égide de
hospitaliers psychiatriques ou autres, ou en consulta- l’OMS par le centre collaborateur de l’OMS pour
tion de médecine générale ou de psychiatrie. la recherche et la formation en santé mentale (Lille-
Hellemmes, France) et la DREES (Direction de la
recherche, des études, de l’évaluation et des statis-
Fréquence d’utilisation tiques) [7]. Elle avait pour objectifs d’évaluer la
des antidépresseurs : données françaises prévalence des troubles psychiatriques et les repré-
sentations liées à ces troubles. L’enquête a porté sur
Étude ESEMeD (European study of the 39 617 personnes de 18 ans et plus recrutées entre
epidemiology of mental disorders) 1999 et 2003 dans des lieux publics dans quarante-
sept sites de France métropolitaine et des départe-
Il s’agit d’une étude transversale conduite entre
ment d’outre-mer. Pour chaque site, la méthode des
2001 et 2003 chez 21 425 personnes de 18 ans et
quotas a été utilisée pour sélectionner un échantil-
plus, non institutionnalisées et ayant un domicile
lon d’environ 900 personnes représentatives de la
fixe, dans six pays européens (Allemagne, Belgique,
population générale du site pour l’âge, le sexe et
Espagne, France, Italie, Pays-Bas) [2]. En France, les
la catégorie socioprofessionnelle. Le questionnaire
2 894 participants ont été sélectionnés à partir d’une incluait des questions sur les modes d’aides et de
liste de numéros de téléphone générés aléatoirement, soins, dont la question : « avez-vous déjà pris des
avec sélection des numéros correspondant à des per- médicaments pour les nerfs, pour la tête ? ». Nous
sonnes recensées dans l’annuaire [20]. Les données sur avons mené une analyse secondaire des données
la consommation de psychotropes au cours des douze collectées à partir de cette question [25]. Plus d’un
derniers mois ont été recueillies lors d’un entretien tiers (36,3 p. 100) des personnes avec une réponse
au domicile. La fréquence d’utilisation des psycho- documentée à la question rapportaient avoir déjà
tropes dans les douze derniers mois est quasiment fait usage au cours de leur vie d’un tel traitement,
2 fois supérieure en France (18,6 p. 100) par rapport quelle que soit sa durée. Les médicaments cités
à la moyenne des six pays européens (10,2 p. 100). ont été catégorisés en thymorégulateurs, neurolep-
Un écart comparable est identifié pour les antidépres- tiques, antidépresseurs, anxiolytiques, hypnotiques,
seurs, avec 6 p. 100 des personnes vivant en France remèdes traditionnels, homéopathie et autres. Les
rapportant un usage au cours de l’année écoulée, antidépresseurs étaient la deuxième classe la plus
contre 3,5 p. 100 en moyenne dans les six pays. Les utilisée (11,6 p. 100 d’usagers), derrière les anxioly-
durées de traitement sont en moyenne plus courtes en tiques (19,4 p. 100). La moitié des sujets ayant pris
France que dans les autres pays : 20,8 p. 100 des anti- un antidépresseur rapportaient avoir également fait
dépresseurs sont prescrits moins de 15 jours en France usage d’anxiolytiques.
versus 16 p. 100 pour les six pays. Dans l’ensemble La principale limite méthodologique de cette étude
des pays européens, anxiolytiques et antidépresseurs est liée au fait que ni le moment, ni la durée de la
sont fréquemment co-prescrits. prise n’étaient documentés et que les biais de mémo-
La limite la plus importante de cette étude est risation sont nettement plus importants lorsque l’on
liée au taux de participation relativement bas dans explore l’usage au cours de la vie plutôt que l’usage
l’échantillon français (46 contre 61 p. 100 dans l’en- récent. Enfin, même si l’échantillon est représentatif
semble des six pays) et au fait que les caractéristiques de la population française en termes de caractéris-
des non-répondeurs ne sont pas documentées. Les tiques sociodémographiques, le taux de participation
données de la littérature montrent que la fréquence et les caractéristiques des sujets exclus ne sont pas
des troubles psychiatriques est plus élevée chez les connus. Du fait du mode de recrutement (dans les
sujets refusant de participer à des enquêtes sur la lieux publics), il est probable que l’éventuel biais de
santé mentale. Si un tel biais de sélection a existé sélection a contribué à exclure les sujets présentant
dans l’étude, il a donc plus probablement entraîné des troubles psychiatriques sévères et donc à mino-
une sous-évaluation plutôt qu’une surévaluation de rer, plutôt qu’à majorer, les fréquences d’usage des
la fréquence d’usage des antidépresseurs. psychotropes.

139
Pharmacologie

Données sur les ventes d’antidépresseurs sondage visant à identifier un échantillon de per-
en France sonnes représentatives de la population générale, qui
sont interrogées à trois reprises au cours de l’année
Une étude réalisée par la DREES [3] sur l’évolution sur leur consommation de soins. De 1996 à 2005,
des ventes d’antidépresseurs a montré que le chiffre la proportion d’usagers annuelle d’antidépresseurs
d’affaire correspondant aux ventes d’antidépresseurs a est passée de 5,8 à 10,1 p. 100 chez les personnes
augmenté entre 1980 et 2001 de 84 millions d’euros de 6 ans et plus, soit 13,3 millions de personnes
à 543 millions d’euros, soit un facteur multiplicatif traitées par antidépresseurs en 1996 et 27 millions
de 6,7, alors que pendant la même période les ventes en 2005. Cette augmentation est similaire chez les
globales de médicaments ont été multipliées par 2,7. hommes et les femmes, concerne toutes les classes
Cette croissance explique en partie la croissance du d’âge et toutes les catégories sociales. Les indications
marché de l’ensemble des psychotropes, de 317 mil- dans lesquelles l’augmentation est la plus marquée
lions d’euros en 1980 à plus d’un milliard d’euros en sont les troubles anxieux (49 à 66 p. 100 des per-
2001. En 1980, les anxiolytiques et les hypnotiques sonnes avec ce diagnostic traitées), dépressifs (72 à
représentaient près de 60 p. 100 du chiffre d’affaire 80 p. 100) et de l’adaptation (22 à 39 p. 100) ainsi
hors taxe des psychotropes contre 25 p. 100 pour les que les douleurs lombaires (14 à 23 p. 100) et neu-
antidépresseurs. En 2001, la situation s’est inversée ropathiques (18,5 à 31 p. 100). Concernant les
puisque 50 p. 100 des ventes de psychotropes étaient traitements associés, le pourcentage d’utilisateurs
représentées par les antidépresseurs. d’antidépresseur bénéficiant d’une psychothérapie
Les dernières données de vente publiées par l’Assu- décroît significativement (31,5 à 19,9 p. 100), de
rance maladie montrent une stabilisation, puis une même que la proportion de ceux ayant été hospita-
diminution des montants remboursés par l’Assurance lisés en psychiatrie (3,9 à 2,1 p. 100). On constate
maladie pour les antidépresseurs [10]. Ce montant une augmentation significative des co-prescriptions
était de 481 millions d’euros en 2004, et de 388 mil- d’antidépresseurs et d’antipsychotiques, qui passent
lions d’euros en 2009, soit près de 20 p. 100 de baisse. de 5,5 à 8,9 p. 100, tandis que les prescriptions de
Pendant la même période, le nombre de boîtes rem- thymorégulateurs diminuent (de manière non signi-
boursées est resté globalement stable, cette baisse des ficative) de 8,2 à 5,9 p. 100. Cette augmentation des
coûts remboursés est donc très probablement impu- co-prescriptions antidépresseurs-antipsychotiques
table au fait que plusieurs antidépresseurs ont été est également retrouvée dans une étude conduite à
génériques pendant cette période. partir des données collectées en 1996 et 2006 dans
une enquête transversale conduite sur les prescrip-
tions ambulatoires de psychiatres libéraux (national
Fréquence d’utilisation ambulatory medical care survey) [38].
des antidépresseurs : Au Royaume-Uni, les prescriptions d’antidépresseurs
données internationales ont augmenté de 36 p. 100 entre 2000 et 2005 [40].
Une étude a été conduite sur ces prescriptions à partir
L’augmentation des prescriptions des antidépres- de la base de données GPRD (general practice research
seurs au cours des dernières décennies a été mise en database) qui recueille des données collectées par un
évidence dans tous les pays industrialisés, et de nom- panel de médecins généralistes. Tous les cas incidents
breuses publications ont été consacrées à ce sujet au de dépression entre 1993 et 2005 ont été identifiés
cours des deux dernières décennies du xxe siècle. Une sur une population de 1,7 million de patients sui-
revue exhaustive de ces études étant ici hors de pro- vis dans 170 cabinets de médecine générale, qui ont
pos, nous présenterons donc une sélection de quelques été inclus dans une cohorte avec un suivi prospectif
études conduites au cours de la dernière décennie. des prescriptions d’antidépresseur. Au cours de cette
Aux États-Unis, les antidépresseurs sont devenus période, l’incidence de la dépression est restée globa-
en 2005 la classe médicamenteuse la plus prescrite en lement stable, même si elle a augmenté chez les sujets
prescriptions ambulatoires, devant les antihyperten- jeunes. La proportion de sujets ayant un diagnostic
seurs [42]. Une étude a été conduite sur la période de dépression traitée par antidépresseur était elle aussi
1996-2005 à partir des données des enquêtes medi- globalement stable (75 à 80 p. 100). En revanche, les
cal expenditure panel survey, menées sous l’égide prescriptions d’antidépresseurs ont quasiment doublé
de l’Agency for Healthcare Research and Quality. au cours de la période. Cette croissance est surtout
Ces enquêtes sont fondées sur des techniques de expliquée par l’accumulation au fil du temps dans la

140
PHARMACO-ÉPIDÉMIOLOGIE

cohorte de patients avec un traitement chronique ou Une étude menée aux États-Unis dans deux échantil-
des épisodes itératifs de traitement. L’intérêt de cette lons représentatifs, en 1987 (national medical expendi-
étude est donc de montrer que l’augmentation des ture survey) et 1996 (medical expenditure panel survey),
prescriptions d’antidépresseurs dans une population a montré que 1,4 p. 100 des sujets de 18 ans ou moins
donnée n’est pas exclusivement expliquée par l’aug- utilisaient des psychotropes en 1987 et 3,9 p. 100
mentation de la proportion de personnes traitées par en 1996 [45]. La progression était particulièrement
ces produits. Cette augmentation est aussi liée au fait importante pour les antidépresseurs (0,3 à 1 p. 100),
qu’une proportion croissante de personnes prennent avec une prévalence de 2,1 p. 100 chez les adolescents
un traitement antidépresseur au long cours, avec donc de 15-18 ans. L’usage d’antidépresseurs en popula-
un effet cumulatif sur les volumes de prescription. tion pédiatrique est plus importante aux États-Unis
que dans de nombreux pays européens [66]. Dans
tous les pays, la classe la plus utilisée est celle des ISRS,
à l’exception de l’Allemagne et du Royaume-Uni où
É tudes d ’ utilisation les tricycliques prédominaient encore en 2000. Au
Pays-Bas, la prévalence de l’usage des ISRS se situait à
des antidépresseurs 1,1 pour 1 000 enfants ou adolescents en 2005 [64].
dans des populations spécifiques La prescription hors indications officielles était de
34,4 p. 100 pour les ISRS et de 58,3 p. 100 pour la
venlafaxine en 2005, aucun produit n’étant autorisé
Enfants et adolescents dans cette tranche d’âge.
Une étude québécoise montre que la sélection du
Malgré de nombreuses interrogations concernant type d’antidépresseur ne dépend pas uniquement de
l’efficacité et la tolérance des antidépresseurs chez les l’âge de l’enfant (tricycliques plus fréquemment pres-
enfants et les adolescents, leur usage a augmenté depuis crits aux enfants et ISRS aux adolescents) ou de l’indi-
les années 1990 dans cette population. Quelques cation, mais également d’éléments non cliniques, tels
études françaises récentes ont évalué l’usage d’antidé- que la spécialité du prescripteur ou la date de com-
presseurs dans cette tranche d’âge. La première a été mercialisation du produit [56]. Les indications les
menée en 2000 à partir de la base de données nationale plus fréquentes étaient les troubles anxieux et défi-
de l’Assurance maladie, montrant que dans la tranche citaire de l’attention avec hyperactivité chez l’enfant
d’âge 10-19 ans, la prévalence annuelle d’usage des et les troubles anxieux et dépressifs chez l’adolescent.
antidépresseurs était de 0,9 p. 100 chez les garçons et Cette étude met également en lumière une réduction
de 1,6 p. 100 chez les filles [34]. Une étude conduite de l’usage des antidépresseurs dans la population
chez les adolescents de 13-17 ans à partir des données pédiatrique, également montrée aux États-Unis et
de l’Assurance maladie des Bouches-du-Rhône en en Hollande, après les avertissements des agences de
2002 [36] a estimé que la prévalence annuelle d’utilisa- régulation concernant un éventuel risque suicidaire
tion des antidépresseurs était de 7,7 pour 1 000, allant sous antidépresseur.
de 3 pour 1 000 chez les garçons de 13 ans à 21 pour
1 000 chez les filles de 17 ans. Enfin, une étude fran-
çaise a été conduite en 2004-2005 chez des sujets âgés Personnes âgées
de 3 à 18 ans, à partir des bases de données du Régime
social des travailleurs indépendants (n : 536 606) et de L’étude française la plus récente est l’étude 3-Cités
la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs (3C), conduite sur une cohorte de plus de 9 000 per-
salariés de Franche-Comté (n : 259 885), et a permis sonnes âgées de 65 ans et plus, vivant dans la com-
une extrapolation au niveau national français [1]. munauté, tirées au sort entre 1999 et 2001 sur les
L’estimation de la prévalence de l’usage des ISRS se listes électorales de trois villes françaises (Bordeaux,
situait entre 5,2 et 5,4 pour 1 000, avec un accroisse- Dijon et Montpellier) [53]. La prévalence d’usage des
ment avec l’âge, allant de 1,2-1,3 pour 1 000 enfants antidépresseurs au cours du mois précédent était de
de moins de 5 ans à 3,2-3,3 enfants pour 1 000 entre 7 p. 100 à l’inclusion et de 8,6 p. 100 2 ans plus tard.
10 et 14 ans et 12-12,3 pour 1 000 adolescents âgés de La plupart des personnes âgées (70 p. 100) faisant
15 à 18 ans. Jusqu’à l’âge de 14 ans, la prévalence est usage d’antidépresseurs à l’inclusion étaient toujours
similaire chez les garçons et les filles. À 18 ans, elle est traitées à 2 ans lors des deux évaluations, soit 5 p. 100
2 fois supérieure chez les filles. de la population totale. La prévalence d’usage dans

141
Pharmacologie

l’étude 3C est inférieure à celle mise en évidence à la même adresse. L’exposition aux antidépresseurs
dans la cohorte PAQUID portant sur une popula- était de 2,9 p. 100 avant la grossesse, de 2 p. 100 au
tion comparable recrutée une décennie auparavant en premier trimestre, de 1,8 p. 100 aux deuxième et troi-
Aquitaine, où la prévalence était passée de 5 p. 100 sième trimestres. Une étude conduite au Royaume-
en 1989 à 12 p. 100 en 1999 [39]. Cette fréquence Uni, sur la base de données GPRD entre 1991 et 1999,
relativement basse est probablement liée à un biais a montré une diminution de l’usage des antidépresseur
de sélection favorisant l’inclusion dans l’étude 3C de de 1,8 p. 100 dans les 90 jours précédant la grossesse
personnes âgées en bonne santé et avec un haut niveau à 0,2 p. 100 au premier trimestre [28]. Une étude
d’étude. norvégienne a inclus 106 329 grossesses à partir de la
Une étude conduite aux Pays-Bas, où la fréquence base de données des délivrances de médicaments qui
d’utilisation des psychotropes est en règle générale couvre l’ensemble de la population (Norwegian pres-
inférieure à celle de la population française [59], rap- cription database) et le registre des naissances (medical
porte une fréquence d’usage passant de 2 à 6 p. 100 birth registry of Norway) [15]. Elle montre également
entre 1992 et 2002 dans une cohorte de personnes une chute de l’usage des antidépresseurs de 1,8 p. 100
âgées de 65-85 ans représentatives de la population dans les trois mois qui précèdent la conception à 1,
générale [52]. Cette augmentation est essentiellement 0,4 et 0,3 p. 100 aux premier, deuxième et troisième
le fait des ISRS et est particulièrement marquée chez trimestres. Globalement, 71 p. 100 des antidépres-
les personnes les plus âgées (entre 75 et 85 ans). Une seurs sont des ISRS. Une étude finlandaise a utilisé
étude italienne menée sur les bases de données de les bases de données de l’assurance sociale (KELA) et
l’Assurance maladie en Lombardie trouve en 2001 inclus 43 470 femmes recevant des allocations mater-
une prévalence annuelle d’usage des antidépresseurs nité, enceintes ou allaitant, en 1999 [35]. Elle a com-
proche de 10 p. 100 chez les sujets âgés de plus de paré les médicaments prescrits et remboursés, avant et
65 ans [46]. Là encore, la prévalence augmente avec pendant la grossesse et l’allaitement, chez ces femmes
l’âge, de même que la chronicité du traitement. et des femmes non enceintes appariées sur l’âge et la
zone de résidence. Les femmes enceintes ou allaitant
étaient moins exposées aux antidépresseurs (1 versus
Femmes enceintes 4,6 p. 100). Il existait, comme dans les études pré-
cédentes, une forte diminution de l’exposition à ces
La principale étude française, EFEMERIS (« éva- médicaments au cours du premier trimestre de gros-
luation chez la femme enceinte des médicaments et sesse. Dans une étude menée chez 97 680 femmes
de leurs risques »), a pour objectif de créer une base de entre 1998 et 2002, à partir de la base de données de
données française des médicaments délivrés pendant l’Assurance maladie québécoise, la délivrance d’anti-
la grossesse et du devenir de ces grossesses. Elle a inclus dépresseurs diminue de 6,6 p. 100 avant la grossesse à
40 355 couples mère-enfant à ce jour. Une première 3,7, 1,6 et 1,1 p. 100 au cours des premier, deuxième
publication a concerné 10 174 paires, qui représen- et troisième trimestres [48]. Les facteurs associés à
taient 86 p. 100 des naissances en Haute-Garonne l’usage d’antidépresseur pendant la grossesse étaient
entre juillet 2004 et juin 2005 [32]. La plupart des un âge plus élevé, un bas niveau socio-économique,
femmes (93 p. 100) avaient reçu un traitement pen- un diagnostic de dépression dans l’année qui précède
dant la grossesse, en excluant les supplémentations en la grossesse, le nombre de prescripteurs, de consulta-
fer et en vitamines. Un traitement psychotrope avait tions médicales et de médicaments prescrits autres.
été délivré à 6 p. 100 des femmes et un antidépresseur Une seule étude montre peu de variation de l’usage
à 2 p. 100. L’exposition in utero aux médicaments des antidépresseurs au cours de la grossesse. Il s’agit
psychotropes est supérieure en France par rapport à d’une étude allemande ayant inclus 41 293 femmes à
d’autres pays, en particulier pour les antidépresseurs. partir des bases de données de l’Assurance maladie et
La prévalence d’exposition décroît tout au long de la étudié les médicaments remboursés 450 jours avant et
grossesse. 180 jours après les accouchements survenus entre juin
Une étude s’est intéressée à la prévalence et au 2000 et mai 2001 [14]. Cependant, l’exposition aux
mode d’usage des antidépresseurs avant, pendant et antidépresseurs était très faible (33 femmes exposées
après la grossesse, à partir de la base de données de au troisième trimestre). Une autre étude néerlandaise
l’Assurance maladie des Pays-Bas [63]. Elle a inclus a évalué l’évolution des délivrances d’antidépresseurs
29 005 bébés nés vivants entre janvier 2000 et juillet de type ISRS pendant la grossesse, entre 1995 et 2004,
2003 et 26 719 femmes âgées de 15 à 50 ans et vivant à partir d’InterAction DataBase, la base de données

142
PHARMACO-ÉPIDÉMIOLOGIE

des pharmacies publiques [4]. Le taux d’exposition somatique (incluant les indications hors AMM telles
a augmenté durant cette période, de 1,22 p. 100 en que les céphalées ou les douleurs neuropathiques)
1995-1996 à 2,85 p. 100 en 2003-2004, de manière [18]. Dans l’étude conduite sur les enquêtes medical
parallèle à la prescription chez les femmes en âge de expenditure panel survey aux États-Unis, l’indication
procréer. Cette augmentation s’est essentiellement était précisée pour 79 p. 100 des personnes trai-
faite au profit de la paroxétine. tées par antidépresseurs en 2005 [42]. Concernant
les troubles et symptômes psychiatriques, qui tota-
lisaient 53 p. 100 des motifs de prescription, la
dépression arrivait en tête (26,9 p. 100), suivie par
M odalités de prescription les troubles anxieux (14 p. 100) et les troubles du
et d ’ usage des antidépresseurs sommeil (5 p. 100). Les indications neurologiques
concernaient 25 p. 100 des motifs de prescription
avec en tête les douleurs lombaires (15 p. 100) et les
Congruence entre usage céphalées (8 p. 100). La fréquence des prescriptions
hors indication des antidépresseurs a été confirmée
d’antidépresseur et diagnostic par une méta-analyse montrant que les diagnostics
psychiatrique de dépression sont plus souvent posés par excès que
par défaut en médecine générale et que les antidé-
Nous analyserons ici les études conduites depuis presseurs sont fréquemment prescrits hors indication
2000 ayant évalué la congruence entre traitement pour des troubles de l’adaptation ou chez des per-
antidépresseur et trouble psychiatrique sur une popu- sonnes présentant des symptômes anxieux ou dépres-
lation représentative de la population générale avec sifs subsyndromiques [37].
une méthode standardisée d’évaluation des diagnos- Ce constat ne doit cependant pas occulter le fait
tics psychiatriques. Deux études françaises répondent que l’absence de prescription d’antidépresseur en
à ces critères. La congruence diagnostic-traitement a cas d’indication avérée représente également un réel
été évaluée dans l’échantillon français ESEMeD en problème de santé publique. Dans l’étude ESEMeD,
estimant la proportion de personnes souffrant ou seul un quart des sujets répondant aux critères de
non d’un trouble psychiatrique chez les usagers de trouble dépressif a été traité par antidépresseur, et près
psychotropes au cours de l’année écoulée [20]. Les de la moitié a été traitée exclusivement par anxioly-
diagnostics de troubles psychiatriques selon les cri- tiques [20]. Dans l’enquête SMPG, moins d’un tiers
tères du DSM-IV ont été posés à partir de l’entretien (31 p. 100) des sujets ayant un diagnostic de trouble
diagnostique structuré WMH-CIDI (world mental de l’humeur et moins d’un quart (24 p. 100) des sujets
health-composite international diagnostic interview). ayant un diagnostic de trouble anxieux ont fait usage
Ces estimations montrent que plus de la moitié des au cours de leur vie d’un traitement antidépresseur,
usagers d’antidépresseurs (56,0 p. 100) ne présen- et la fréquence d’usage des anxiolytiques est plus éle-
taient aucun trouble psychiatrique identifié au cours vée que celle des antidépresseurs dans ces deux types
des douze derniers mois. Cette proportion était de de troubles [25]. Ces proportions sont comparables
20,3 p. 100 si l’on considérait l’absence de trouble au si l’on restreint la catégorie des troubles de l’humeur
cours de la vie. Dans l’enquête SMPG, les diagnostics à celle des troubles dépressifs récurrents [26]. Seules
de troubles psychiatriques ont été posés selon les cri- 33 p. 100 des personnes présentant un tel diagnostic
tères de CIM-10 à partir d’un entretien diagnostique ont été traitées au cours de leur vie par antidépresseur
structuré avec le mini-international neuropsychiatric ou thymorégulateur, dans plus de la moitié des cas en
interview (MINI). Près de la moitié (41 p. 100) des association avec un anxiolytique ou un hypnotique.
usagers d’antidépresseurs n’avaient aucun trouble Plus d’un quart (29 p. 100) a été traité par anxioly-
identifié au MINI [25]. tique ou hypnotiques seuls, et 31 p. 100 n’ont jamais
Des résultats comparables ont été obtenus dans les pris de traitement psychotropes. La proportion de per-
études conduites dans les autres pays industrialisés. sonnes ayant bénéficié d’une psychothérapie est supé-
Par exemple, une étude conduite aux Pays-Bas en rieure chez les personnes traitées par antidépresseurs,
2001 sur les prescriptions d’antidépresseurs en méde- ce qui exclut l’hypothèse selon laquelle l’absence de
cine générale (second dutch national survey of general traitements adéquat serait expliquée par le choix pré-
practice) montre que plus d’un tiers des prescriptions férentiel d’un traitement psychothérapique. Les autres
ne correspond à aucune indication psychiatrique ou études européennes rapportent des fréquences de

143
Pharmacologie

l’ordre de 15 à 20 p. 100 de traitement antidépresseur généraliste dans l’accès aux soins psychiatriques. Ce
chez les sujet présentant une dépression [33, 54]. Dans rôle de « gardien de porte » (gatekeeper), selon le
la national comorbidity survey replication conduite aux concept développé par Golberg et Huxley [24], a
États-Unis [30], la fréquence des traitements « adé- initialement été mis en évidence dans des pays tels
quats » pour la dépression était de 21 p. 100, l’adé- que le Royaume-Uni, où l’adressage par le médecin
quation étant définie comme la présence d’au moins généraliste est un prérequis pour l’accès au spécia-
quatre consultations avec prescription d’antidépres- liste. Il apparaît toutefois que le filtre entre médecine
seur ou de thymorégulateur pour au moins 30 jours générale et psychiatrique existe de manière univer-
ou huit consultations de psychothérapie. selle dans les pays industrialisés, indépendamment
du modèle d’organisation des soins. Seules deux
études ont, à notre connaissance, étudié les filières
Prescripteurs et filières de soins d’accès aux soins psychiatriques chez les patients trai-
tés par antidépresseurs. La première a été conduite
Les études conduites dans les pays industrialisés aux Pays-Bas, où l’accès aux soins psychiatriques se
montrent de manière convergente que la plupart fait systématique par adressage par le médecin géné-
des antidépresseurs sont prescrits par les médecins raliste [16]. Cette étude montre que seuls 5 p. 100
généralistes. Par exemple, dans une étude conduite des patients ayant une prescription initiale d’antidé-
aux Pays-Bas à partir d’une base de données de déli- presseur par un médecin généraliste ont ensuite une
vrances en pharmacie, 80 p. 100 des prescriptions prescription par un psychiatre au cours du même
d’antidépresseurs étaient faites par des médecins géné- épisode de traitement, avec une durée médiane égale
ralistes [17]. Dans l’étude medical expenditure panel à 4 mois entre la prescription initiale et l’adressage.
survey, conduite aux États-Unis à partir des enquêtes Dans l’étude conduite en France sur les données de
1996 et 2005, moins de 20 p. 100 des antidépresseurs l’EBG [61], un patient sur cinq (20 p. 100) dont le
était prescrits par des psychiatres [42]. prescripteur initial était un médecin généraliste avait
Afin de caractériser les prescripteurs d’antidépres- une prescription de psychotropes au cours du suivi
seurs dans la population française, nous avons mené par un autre prescripteur, qui était le plus souvent
une étude à partir des bases de données de l’Assurance un médecin hospitalier (10 p. 100) ou un psychiatre
maladie sur l’échantillon généraliste des bénéficiaires libéral (7 p. 100). La durée médiane entre les deux
(EGB) [62], qui est un échantillon représentatif prescripteurs était de 5 mois. La fréquence plus éle-
incluant 1 p. 100 des bénéficiaires de chaque régime vée de transition du généraliste vers le spécialiste dans
de l’Assurance maladie, tirés au sort [17]. Une cohorte l’échantillon français s’explique par des critères plus
a été créée au sein de l’EGB à partir des personnes âgées larges, incluant notamment toutes les prescriptions
de 18 ans et plus ayant eu au moins une prescription de psychotropes par un spécialiste, alors que seules
incidente d’antidépresseurs en 2005-2006 (définie les prescriptions d’antidépresseurs étaient prises en
par une période d’au moins 6 mois sans antidépres- compte dans l’étude néerlandaise. Dans les deux
seur). Sur les 479 319 personnes de plus de 18 ans de études, la transition vers un psychiatre est toutefois
l’EGB, 35 053 (7,3 p. 100) avaient eu une délivrance l’exception plus que la règle après une prescription
incidente. Ces personnes étaient âgées en moyenne de initiale d’antidépresseur par un généraliste. Comparés
50 ans et étaient dans deux tiers des cas des femmes. aux patients ayant une prescription exclusive par un
La prescription initiale d’antidépresseur était faite par médecin généraliste, les patients avec une prescrip-
un médecin généraliste dans 81 p. 100 des cas, qui tion par un spécialiste hospitalier ou un psychiatre
était le prescripteur exclusif dans 65 p. 100 des cas. libéral étaient plus jeunes, de sexe masculin, avaient
Les autres prescripteurs étaient, par ordre décroissant, plus souvent une affection de longue durée (ALD),
les médecins hospitaliers (9,3 p. 100, on ne dispose un traitement antidépresseur d’une durée supérieure
pas d’information dans les bases de l’Assurance mala- à 6 mois et des co-prescriptions d’autres classes de
die sur la spécialité du prescripteur quand elle émane psychotropes. Les caractéristiques associées à une
d’un médecin hospitalier), les psychiatres libéraux plus forte probabilité de recours à des soins spéciali-
(5,8 p. 100) et les autres spécialistes (4 p. 100), les sées sont des marqueurs de sévérité ou de résistance.
trois spécialités les plus représentées étant les neurolo- Ces résultats sont comparable à ceux obtenus dans
gues, les rhumatologues et les cardiologues. les autres études évaluant l’adressage au spécialiste
Les études sur les filières d’accès aux soins psychia- [16, 29, 50], et sont en faveur d’une répartition cohé-
triques ont mis en exergue le rôle clef du médecin rente des tâches entre généraliste et spécialiste.

144
PHARMACO-ÉPIDÉMIOLOGIE

Durée de prescription également observée chez les enfants et adolescents ;


dans l’étude québécoise précédemment citée, la durée
Durée du traitement antidépresseur de traitement était de moins de 6 mois pour environ
en conditions réelles de prescription 60 p. 100 des sujets [56].

Les guides de bonne pratique internationaux


recommandent de poursuivre un traitement anti-
Impact de la durée du traitement antidépresseur
dépresseur au moins 6 mois après l’obtention d’une La recommandation de poursuivre le traitement
rémission symptomatique [5, 41]. Deux études fran- antidépresseur plusieurs mois après l’obtention d’une
çaises ont été conduites depuis 2000 sur la durée des rémission clinique repose sur les données d’études
traitements antidépresseurs à partir des bases de don- randomisées montrant que le risque de rechute/réci-
nées du régime général de l’Assurance maladie. Une dive est réduit de manière notable quand le traite-
première étude incluant les bénéficiaires ayant reçu ment antidépresseur est maintenu [21]. Comme nous
au moins une délivrance d’antidépresseur en 2000 venons de le voir, cette recommandation est très peu
a montré que 29 p. 100 de ces sujets n’avaient reçu respectée en conditions naturelles de prescription.
qu’une délivrance d’antidépresseur dans l’année et L’impact pronostique de la durée du traitement anti-
que 34 p. 100 d’entre eux avaient reçu plus de six dépresseur a été évaluée à partir des bases de données
délivrances dans l’année [34]. Toutefois, cette étude de l’Assurance maladie française, dans la cohorte
ne permettait pas d’estimation précise de la durée de précédemment décrite issue de l’EGB [60]. Trois
traitement puisqu’elle ne recueillait pas d’information groupes de patients ont été constitués en fonction de
sur la continuité du traitement dans la période étudiée. la durée du traitement antidépresseur index : « ultra-
De plus, cette étude portait sur les traitements antidé- court » (< 1 mois), incluant 58 p. 100 des personnes ;
presseurs prévalents, ce qui entraîne une surestima- « court » (2-5 mois), incluant 24 p. 100 des per-
tion de la durée moyenne des traitements prescrits en sonnes ; « long » (6 mois et plus), incluant 18 p. 100
France, car les traitements efficaces et bien tolérés sont des personnes. Pour mémoire, le traitement index
surreprésentés dans les traitements prévalents. Dans le correspondait au premier traitement antidépresseur
cadre de la cohorte d’usagers d’antidépresseurs issues survenant après une période sans antidépresseur d’au
de l’EGB [55], moins d’un patient sur six avait une moins 6 mois au cours de la période 2005-2006.
durée de traitement conforme aux recommandations. Comme les informations n’étaient pas disponibles
Le premier épisode de traitement par antidépresseur pour la période antérieure à 2005, il n’est donc pas
avait duré moins de 6 mois pour 82 p. 100 des sujets, possible de déterminer s’il s’agissait du premier trai-
et il était inférieur à 1 mois pour plus de la moitié tement antidépresseur sur la vie entière. La rechute/
(58 p. 100) de la population. Ces proportions étaient récidive a été définie comme la survenue d’un nouvel
comparables pour toutes les classes d’antidépresseurs. épisode de prescription d’antidépresseur après une
Des résultats comparables ont été obtenus par les période d’au moins 2 mois sans délivrance.
études menées dans d’autres pays. Par exemple, une Près de la moitié des personnes (48 p. 100) présen-
étude conduite à partir des données collectées dans taient une rechute/récidive, avec une durée médiane de
l’enquête medical expenditure panel survey 1996-2001 99 jours entre la fin de l’épisode index de traitement
aux États-Unis montre que 42 p. 100 des patients antidépresseur et le début de l’épisode suivant. Les ana-
souffrant de dépression interrompent leur traitement lyses de survie montraient que les personnes ayant eu un
antidépresseur incident au cours du premier mois et traitement index de durée supérieure à 6 mois avaient
que seuls 27,6 p. 100 le prennent plus de 3 mois [44]. un risque significativement plus élevé de présenter un
Une étude conduite aux Pays-Bas chez les patients nouvel épisode au cours du suivi que les personnes
ayant une nouvelle prescription d’antidépresseur par ayant eu un traitement court ou ultracourt, indépen-
un généraliste met en évidence que 4 p. 100 n’ont pas damment de toutes les autres caractéristiques prédisant
de délivrance après cette prescription (c’est-à-dire ne un risque accru de rechute/récidive. Cette association
vont pas chercher le médicament à la pharmacie) et était identique pour toutes les classes d’antidépresseurs.
que 24 p. 100 ont une seule délivrance. Les patients Des résultats comparables ont été obtenus dans une
qui présentent des symptômes dépressifs ou anxieux, étude conduite sur une base de données des médica-
mais pas de trouble psychiatrique caractérisé, sont ments dispensés en pharmacie aux Pays-Bas [19].
3 fois plus susceptibles de ne pas suivre le traitement Comment est-il possible d’expliquer ce résul-
prescrit [57]. Une durée de traitement insuffisante est tat paradoxal obtenu, montrant qu’en conditions

145
Pharmacologie

réelles de prescription, un traitement antidépresseur à tous les antidépresseurs et aux adultes de moins
de durée inférieure aux recommandations est associé de 25 ans. Ce lien étant traité de manière exhaus-
à un meilleur pronostic, résultat contradictoire avec tive par ailleurs, nous évoquerons ici brièvement les
les données des essais thérapeutiques ? Comme nous études pharmaco-épidémiologiques explorant cette
l’avons déjà souligné, en conditions naturelles, une association.
large proportion d’utilisateurs d’antidépresseurs ne
présentent pas de pathologie psychiatrique identifiée.
On peut postuler que les traitements antidépresseurs Antidépresseurs et conduites suicidaires
interrompus précocemment sont plus fréquemment chez les enfants et les adolescents
prescrits hors indication, par exemple à des personnes
présentant des troubles de l’adaptation ou des symp- L’accentuation du risque suicidaire sous antidépres-
tômes anxieux ou dépressifs subsyndromiques [37]. seur a été suspectée au travers d’essais cliniques menés
L’interruption prématurée d’un traitement pourrait chez l’enfant [27]. Toutefois, les essais cliniques sont
ainsi avoir peu de conséquences, tout au moins en limités par leur durée brève et la sélection de sujets peu
termes de risque de rechute/récidive, s’il n’était pas représentatifs des sujets traités en conditions réelles
indiqué au départ. d’utilisation. De plus, l’évaluation du risque suici-
Jusqu’à l’introduction des ISRS, le problème majeur daire n’appartient généralement pas aux objectifs des
de santé publique concernant les modalités d’utilisation essais ; ces événements ne sont pas toujours réperto-
des antidépresseurs en conditions réelles était le non- riés et les analyses sont rétrospectives. La plupart des
respect des posologies, les antidépresseurs tricycliques études pharmaco-épidémiologiques sont fondées sur
étant souvent prescrits à des doses inférieures à celles une méthode dite « écologique », qui explore l’associa-
recommandées [13]. L’écart entre doses recommandées tion entre conduites suicidaires et taux de prescription
et doses prescrites s’est nettement réduit depuis l’intro- d’antidépresseurs à l’échelle d’une population, sans
duction des ISRS. Le non-respect du critère « durée de que les données ne soient disponibles à l’échelon indi-
traitement » représente actuellement le point le plus viduel. Ces études ne montrent pas d’augmentation
problématique. Les données issues d’études pharmaco- des suicides ou des tentatives de suicide parallèlement
épidémiologiques montrant une association inverse à l’augmentation de la prescription des antidépresseurs
entre traitement de courte durée et mauvais pronostic dans cette population. Certaines identifient même une
n’invalident pas le bien-fondé des recommandations relation inverse entre les taux de prescription d’anti-
internationales concernant la durée du traitement anti- dépresseurs et de suicide [23]. De plus, différents pays
dépresseur. Elles mettent en exergue l’écart entre les observent une augmentation du taux de suicide dans la
données issues des essais thérapeutiques et celles issues population pédiatrique, depuis la réduction de la pres-
des pratiques réelles de prescription. Dans une pers- cription des antidépresseurs consécutive aux avertisse-
pective de santé publique, la mise en évidence de cette ments des agences de régulation [22]. Enfin, parmi les
association inverse est extrêmement préoccupante. études menées sur des bases de données d’Assurance
Ainsi les personnes faisant usage d’antidépresseurs de maladie américaines, les études de cohorte montrent
manière même très brève sont-elles exposées aux risques une réduction du risque de tentatives de suicide sous
liés à l’usage de ces médicaments, tels que le risque antidépresseur [49]. Toutes ces études sont observa-
suicidaire, sans aucun bénéfice. Dans une perspective tionnelles et soumises au biais d’indication, c’est-à-dire
médico-économique, la fréquence très élevée des traite- que les conduites suicidaires pourraient être liées non
ments antidépresseurs brefs implique que des sommes pas au traitement lui-même, mais à la pathologie qui
considérables sont gaspillées chaque année. justifie la prescription du traitement.

Antidépresseurs et conduites suicidaires


I mpact des antidépresseurs dans la population adulte
sur le risque suicidaire
La plupart des études écologiques montrent une
diminution du taux de suicide depuis la commercia-
Le lien entre antidépresseur et suicide est étudié lisation des antidépresseurs tricycliques, puis séroto-
depuis 2003, tout d’abord pour des molécules spé- ninergiques. Cependant, pour certains auteurs, cette
cifiques chez l’enfant et l’adolescent, pour s’étendre diminution serait décalée dans le temps par rapport à

146
PHARMACO-ÉPIDÉMIOLOGIE

l’extension de la prescription des antidépresseurs [8]. Ces résultats suggèrent donc, qu’à l’échelon de la
Une étude identifie une relation intéressante entre population générale, la prescription d’antidépresseurs
l’impact des ventes d’antidépresseurs sur le taux de aux personnes souffrant de dépression caractérisée est
suicide et le niveau de vente initial [9]. Une augmen- une stratégie efficace pour réduire le risque de suicide.
tation des ventes d’antidépresseurs serait associée à
une réduction du taux de suicide dans les régions où
le niveau de vente initial était bas, tandis elle n’aurait
aucun impact dans celles où le niveau de vente initial
C onclusion
était élevé. Rappelons que ces études sont confrontées
à des biais de confusion, aucune information indivi- Depuis la mise sur le marché de la fluoxétine en
duelle n’étant disponible, et qu’elles ne permettent 1987, la prescription des antidépresseurs s’est consi-
pas d’inférer de causalité. Les études observationnelles dérablement banalisée, notamment en médecine
en population traitée conduisent à des résultats très générale, avec une explosion des fréquences d’usage
contradictoires. Le taux de suicide diminuerait avec dans tous les pays industrialisés. Toutefois, une large
le nombre de prescriptions et la durée du traite- proportion de ces prescriptions sont inadéquates, tout
ment [51]. Au total, l’impact des antidépresseurs est d’abord concernant les indications qui n’entrent pas
probablement variable en fonction de la population, dans le champs de celles mentionnées dans l’AMM
du type, de la dose et de la durée du traitement ainsi ou préconisées dans les recommandations internatio-
que de l’événement considéré (idées et tentatives sui- nales, mais également du fait des modalités de pres-
cidaires, suicide ou auto-agression). cription qui respectent rarement les recommandations
minimales de durée. Au total, même si l’augmenta-
tion des prescriptions des antidépresseurs a clairement
Modélisation de l’impact eu un impact bénéfique pour l’industrie pharmaceu-
des antidépresseurs sur le risque tique [43], l’impact en termes de santé publique n’est
suicidaire dans la population française pas clairement démontré à ce jour.

Du fait de l’absence de données dans la population


française sur la relation entre antidépresseur et suicide,
Références
nous avons conduit une analyse de décision afin d’es-
timer le nombre de suicides évités/induits par les trai- 1. Acquaviva E, Legleye S, Auleley GR et al. Psychotropic
tements antidépresseurs chez les sujets présentant une medication in the French child and adolescent population :
dépression caractérisée, en conditions réelles de pres- prevalence estimation from health insurance data and natio-
cription [11]. L’analyse de décision est une technique nal self-report survey data. BMC Psychiatry, 2009, 9 : 72.
de modélisation permettant de comparer différentes 2. Alonso J, Angermeyer MC, Bernert S et al. Psychotropic
drug utilization in Europe : results from the European study
stratégies thérapeutiques. Nous avons ainsi utilisé les
of the epidemiology of mental disorders (ESEMeD) project.
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sur l’impact des antidépresseurs sur le risque suici- 285 pages.
daire. Par exemple, nous avons postulé que le risque 4. Bakker MK, Kolling P, van den Berg PB et al.
Increase in use of selective serotonin reuptake inhibitors
suicidaire était multiplié par plus de 40 chez les per- in pregnancy during the last decade, a population-based
sonnes dont le traitement antidépresseur était d’une cohort study from the Netherlands. Br J Clin Pharmacol,
durée inférieure au délai d’action. Cette modélisation 2008, 65 : 600-606.
montre que, quelle que soit la classe d’âge, le traite- 5. Bauer M, Bschor T, Pfennig A et al. World Federation
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149
I ndications et modalités
de prescription
............
13
T raitement
des troubles dépressifs unipolaires
........
F. Rouillon

Si tous les antidépresseurs ont, par définition, une chez l’enfant et l’adolescent (voir Chapitres 27 et 28).
action sur l’humeur dépressive, leurs indications Leur utilisation s’intègre dans une prise en charge thé-
dépassent largement celles des troubles de l’humeur. rapeutique qui associe éventuellement d’autres traite-
Leurs mécanismes d’action, leurs profils cliniques, ments, notamment psychothérapeutiques.
leurs contre-indications et leurs rapports efficacité/ Ils ne sont indiqués que dans les dépressions d’in-
tolérance conditionnent leurs indications ainsi que tensité moyenne à sévère, conformément aux recom-
leurs modalités de prescription qui varient selon leur mandations de l’Agence française de sécurité sanitaire
appartenance à une classe chimique. On distingue, à des produits de santé (Afssaps) [1] et uniquement
cette fin, les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la dans les syndromes psychopathologiques, dépressifs
sérotonine (ISRS) et/ou de la noradrénaline IRSNa), ou anxieux caractérisés, c’est-à-dire qu’il n’y a pas
les tricycliques classiques, les IMAO et les autres lieu de les prescrire à des patients souffrant seule-
antidépresseurs. Depuis leur apparition en thérapeu- ment de symptômes dépressifs (deuil, par exemple)
tique, de nombreux antidépresseurs ont été retirés du ou de manifestations anxieuses non invalidantes (par
marché, soit pour des raisons de pharmacovigilance exemple, une timidité non intégrée dans une phobie
(indalpine, nomifensine, amineptine…), soit pour sociale invalidante). Leur utilité thérapeutique (taille
des raisons commerciales, d’autres ne sont pas ou plus d’effet supérieure à 0,20) n’est d’ailleurs manifeste
disponibles en France (la brofaromine, la réboxétine, que chez les patients sévèrement déprimés comme
la trazodone…), d’autres encore ont un usage réservé l’ont montré plusieurs méta-analyses récentes [13].
(comme le bupropion dans le sevrage tabagique) ; Chaque classe d’antidépresseur, et même chaque
restent, à ce jour, deux douzaines de molécules anti- molécule, présente des avantages et des inconvé-
dépressives à la disposition du corps médical français, nients ; le choix de l’une d’entre elles se fera donc sur
dont nous analyserons l’utilisation dans le traitement leurs caractéristiques, en fonction de l’effet attendu
des troubles dépressifs unipolaires, leur prescription pour le patient. Si les tricycliques et les IMAO clas-
dans d’autres indications étant abordée dans d’autres siques ont une efficacité probablement inégalée,
chapitres. comme le montrèrent les essais contrôlés de certains
nouveaux antidépresseurs sérotoninergiques, ver-
sus clomipramine, conduits pas le DUAG (Danish
I ndications des antidépresseurs , University Antidepressant Group) à la fin du siècle
dernier, la sévérité de leurs effets secondaires en a fait
en général
des médicaments de réserve. Anderson [4], dans sa
méta-analyse de ces essais, avait conclu que les ISRS
Les antidépresseurs sont indiqués dans tous les seraient moins efficaces que les tricycliques dans
troubles dépressifs caractérisés, mais également dans certains sous-groupes de patients. En pratique cou-
de nombreux troubles anxieux ainsi que, pour certains rante, on leur préfère donc les ISRS ou les IRSNa.
d’entre eux, dans d’autres affections comme les dou- Classiquement, la nature « anxieuse » ou « inhibée »
leurs neuropathiques par exemple. Ils le sont à tous (ralentie) de la symptomatologie dépressive invitait à
les âges de la vie, mais avec des précautions d’emploi opter pour un antidépresseur plutôt sédatif ou plu-
particulières chez les sujets âgés ou des restrictions tôt « désinhibiteur », comme le rappellent Ansseau

153
I n d i c at i o n s e t m o da l i t é s d e p r e s c r i p t i o n

et Pitchot [5], qui s’empressent d’ajouter qu’aucun s’est avéré efficace en phases curative et de prévention
antidépresseur n’a démontré d’effet psychostimulant, des rechutes, même si Lépine et al. [22] ont montré,
même si certains semblent plus anxiolytiques que avec la sertraline, que cet antidépresseur prévenait les
d’autres… Pour les troubles anxieux, il convient de récurrences, quel que soit l’antidépresseur qui était
s’assurer que l’antidépresseur que l’on souhaite pres- à l’origine de la rémission. Pour autant, seuls deux
crire, bénéficie d’une AMM car ce n’est pas le cas de antidépresseurs ont une AMM dans cette indication
toutes les molécules (Tableau 13-I) à la différence de prophylactique (venlafaxine et sertraline) ; cela ne
l’indication épisode dépressif majeur (EDM), tel que signifie pas que les autres n’aient pas d’intérêt pour la
défini dans le DSM-IV [2], qui les concerne tous. prévention des récurrences qui a d’ailleurs été établie,
Enfin, même s’il n’est pas parfaitement établi qu’un pour certains produits, dans des essais thérapeutiques
antidépresseur, qui s’est avéré efficace lors d’un accès méthodologiquement irréprochables (Tableau 13-II).
dépressif antérieur, le sera encore lors d’un nouvel De surcroît, en pratique, il apparaît difficile de chan-
épisode, il convient de préféré un antidépresseur qui ger l’antidépresseur, qui a été bénéfique pour un patient,
a déjà été efficace et surtout bien toléré, ne serait-ce à la seule fin de se conformer à cette mention légale.
que parce qu’il sera psychologiquement mieux investi Par ailleurs, l’usage veut que l’on maintienne la même
par le patient dont, de surcroît, la sensibilité indivi- dose que celle à laquelle le patient s’est avéré répondeur,
duelle à tel ou tel produit risque de faire réapparaître contrairement à une idée ancienne qui recommandait
des effets indésirables si l’on réintroduit un antidé- de réduire la posologie de moitié lorsque le patient était
presseur antérieurement mal supporté. Il en est de en rémission. Les rares études à avoir évalué des doses
même pour la phase de prévention des récidives où différentes dans la prévention de récidives confirment
le bon sens nous invite à reconduire le traitement qui ce principe de la full dose pour le long terme [15, 24].

Tableau 13-I. – Indications des antidépresseurs (reconnues par une AMM).

Produits (par classes) Épisodes dépressifs Prévention Phobie sociale TOC TAG TP Autres
majeurs (dont sévères) Récidives

Amitriptyline +(+) Énurésie-douleurs


Amoxapine +
Clomipramine +(+) + + + Énurésie-douleurs
Dosulépine +
Doxépine +
Imipramine + (+) Énurésie-douleurs
Maprotiline + (+)
Trimipramine + +
Citalopram + +
Fluoxétine + + EDM (enfants)-boulimie
Fluvoxamine + +
Paroxétine + + + + + ESPT
Sertraline + + + TOC (enfants)
Duloxétine + + Douleurs
Milnacipran +
Venlafaxine +(+) + + + +
Iproniazide +
Moclamine +(+)
Agomélanine +
Miansérine +
Mirtazapine +
Tianeptine +
EDM : épisode dépressif majeur ; TAG : trouble anxieux généralisé ; TOC : trouble obsessionnel-compulsif ; TP : trouble panique.

154
TRAITEMENT DES TROUBLES DÉPRESSIFS UNIPOLAIRES

Tableau 13-II. – Études de prévention des récidives en trois phases.

Auteurs Traitement N Phase aiguë Continuation Prévention :


taux de récidive

Hochstrasser et al. (2001) [17] Citalopram 427 6 à 9 semaines : titration 4 mois 6 mois
22 p. 100 (verum) versus
76 p. 100 (placebo)

Kornstein et al. (2006) [19] Escitalopram 515 8 semaines 4 mois 1 an


5 ISRS différents Escitalopram 27 p. 100 (verum) versus
65 p. 100 (placebo)

Lépine et al. (2004) [22] Sertraline 371 – 4 mois 18 mois


17 p. 100 (verum) versus
33 p. 100 (placebo)

Le choix d’un antidépresseur se fait également en associé, on préfère un antidépresseur qui dispose
fonction du sous-type clinique de dépression : d’une AMM pour le trouble en question, etc.
–– la dépression atypique (au sens anglo-saxon du L’âge du patient déprimé est aussi déterminant dans
terme, celui-ci étant parfois assimilé par les psy- le choix d’un antidépresseur. La seule molécule béné-
chiatres français à la dépression chez un patient ayant ficiant d’une AMM chez l’enfant est la fluoxétine (à
un trouble psychotique), qui se caractérise par une partir de 8 ans), en association à une prise en charge
hypersomnie, une boulimie et des manifestations psychothérapeutique. Il convient d’être très attentif
névrotico-anxieuses, est plutôt sensible aux IMAO ; chez les enfants et les adolescents au risque suicidaire
–– le trouble dysthymique n’est par reconnu par (black box). Chez les sujets âgés, ce sont surtout les
l’Afssaps comme une indication des antidépresseurs, interférences médicamenteuses ou les surdosages liés
même si plusieurs produits ont démontré leur supé- à des causes métaboliques qui doivent être pris en
riorité par rapport au placebo dans cette indication ; compte. Au-delà de l’effet sur l’humeur, on peut espé-
–– la dépression saisonnière est plus sensible à la pho- rer une amélioration des capacités cognitives en cas de
tothérapie qu’aux antidépresseurs, si ce n’est pour la détérioration légère des fonctions supérieures ; encore
phase d’entretien ou en association à la lux-thérapie ; faut-il que les effets secondaires n’obèrent pas le béné-
–– la dépression post-psychotique ou au cours d’un fice thérapeutique attendu.
trouble psychotique se traite en associant antidépresseur L’objectif d’un traitement antidépresseur n’est pas
et antipsychotique, en prenant en compte les possibles la simple « réponse » favorable au traitement. En effet,
interactions médicamenteuses et en surveillant une toutes les recommandations, nationales (Afssaps [1])
éventuelle recrudescence délirante ; et internationales (American Psychiatric Association
–– les dépressions co-morbides supposent que l’on [3], Canadian Network for Mood and Anxiety
prenne en compte la nature (addictive, personnalité Treatment [17, 18], World Federation of Societies
pathologique, troubles anxieux, maladie organique…) of Biological Psychiatry [6, 7]), insistent actuellement
de la pathologie associée qui peut faire l’objet de trai- sur la nécessité d’obtenir une rémission complète des
tements spécifiques. La complexité des liens entre les symptômes dépressifs, l’existence d’une symptomato-
troubles dépressifs et l’affection co-morbide souligne logie résiduelle étant un important facteur prédictif de
l’importance de sa prise en compte dans le projet de récidive. Spadone et Corruble [33] rappellent qu’un
soins ; par exemple, il convient de distinguer, en cas patient n’est considéré en rémission complète que
d’alcoolisation pathologique associée à une dépres- si son score à l’échelle de dépression d’Hamilton est
sion, s’il s’agit d’une dépression de sevrage, qui peut inférieur à 8 ; entre 8 et 14, il est en rémission partielle
s’amender spontanément, d’une dépression secon- et, au-delà, il est considéré comme non-répondeur au
daire à un abus d’alcool ou d’une alcoolo-dépendance traitement (pour la MADRS, les seuils sont inférieur à
survenue au cours d’un trouble dépressif (alcoolisme 9 ; entre 10 et 20 ou au-delà de 20). Il convient donc
secondaire). L’existence d’une pathologie douloureuse de ne pas se satisfaire d’une amélioration partielle et
invite à choisir un antidépresseur auquel on reconnaît d’engager d’autres moyens thérapeutiques si le patient
une action antalgique ; en cas de trouble anxieux n’est pas totalement guéri de son épisode dépressif.

155
I n d i c at i o n s e t m o da l i t é s d e p r e s c r i p t i o n

La question du risque « suicidogène » des antidé- peut être instaurée d’emblée ou nécessite parfois une
presseurs a longtemps été débattue, trop souvent de « titration » progressive, elle est ensuite maintenue en
manière polémique ! Il n’est pas démontré dans les plateau.
études contrôlées versus placebo (sauf chez les enfants En milieu hospitalier, la voie d’administration peut
et les adolescents), et de nombreuses données épidé- être, en début de traitement, la voie intraveineuse
miologiques semblent confirmer que, au niveau popu- (perfusion lente) pour les rares antidépresseurs qui
lationnel, le traitement des troubles dépressifs par disposent de cette forme galénique. Celle-ci permet
antidépresseurs réduit la mortalité suicidaire puisque une sédation rapide (somnolence au cours de la per-
la dépression représente l’un des facteurs de risque fusion, diminution de l’anxiété). Ses avantages sont
majeur de suicide, notamment lorsqu’elle n’est pas néanmoins plus psychologiques que pharmacodyna-
traitée. Le risque suicidaire est donc présent au cours miques et les psychiatres n’y ont actuellement qu’ex-
du traitement d’un patient déprimé, sans que la res- ceptionnellement recours, préférant les formes orales
ponsabilité de la maladie ou de son traitement puisse ou orodispersibles, qui prévalent, bien entendu, en
être clairement différenciée, et pas seulement lors de ambulatoire.
l’initiation du traitement antidépresseur comme nous L’horaire des prises est fonction des produits ; les
l’apprenions, il y a quarante ans, sur les bancs des antidépresseurs considérés comme psychostimulants
facultés de Médecine. Il faut donc que le prescripteur seront recommandés le matin. En revanche, les anti-
soit vigilant pour prévenir un éventuel passage à l’acte dépresseurs sédatifs, qui favorisent l’endormissement
suicidaire, lors de la prise en charge thérapeutique de ou ceux dont le mécanisme d’action l’impose (agomé-
tous les patients déprimés (voir Chapitre 22). latine), seront prescrits en une seule prise vespérale.
Rappelons que, comme pour tous les médicaments,
la prise unique, lorsqu’elle est possible, est préférable
M odalités générales de pour améliorer l’observance.
La consommation de boissons alcoolisées est décon-
prescription d ’ un antidépresseur
seillée, comme avec la plupart des psychotropes, de
même que la conduite automobile ou le maniement
Le traitement antidépresseur est entrepris à l’hôpital d’outils possiblement dangereux. Si le grand âge n’est
en cas de dépression sévère et/ou de risque suicidaire. pas une contre-indication, il impose une surveillance
En effet, l’hospitalisation d’un patient mélancolique clinique étroite à la recherche de signes de confusion
est souvent une nécessité impérieuse et urgente. Elle mentale. Enfin, si aucun risque tératogène n’a jamais
permet de prévenir une tentative de suicide par une été retrouvé avec la plupart des antidépresseurs, il
surveillance étroite et prolongée du malade, de pallier convient d’éviter de les prescrire dans les trois pre-
son isolement ou l’incompréhension de l’entourage miers mois de la grossesse.
et de corriger un mauvais état somatique éventuel La surveillance a pour but de suivre l’évolution de
(fréquente incurie et négligence des mélancoliques). la symptomatologie dépressive et de rechercher des
En l’absence de menace suicidaire ou d’autre risque, effets secondaires liés au traitement (voir Chapitres 19
la cure antidépressive est entreprise en ambulatoire à 26). Les éléments de surveillance sont fonction du
en suivant le patient régulièrement et fréquemment, produit utilisé : pouls, tension artérielle, durée et
notamment au début. Elle est entreprise aussi rapi- qualité du sommeil, prise de poids, vigilance, niveau
dement que possible, après avoir vérifié l’absence de d’anxiété, émergence d’idées suicidaires, évolution
contre-indications, au besoin en effectuant un bilan de l’humeur… La survenue d’effets secondaires,
clinique et paraclinique minimal (bilan biologique, lorsqu’ils se maintiennent et qu’ils ne peuvent être
ECG…). Lorsque des mesures thérapeutiques d’ur- corrigés, peut amener à reconsidérer la prescription.
gence s’imposent, on peut être amené à poser l’indica- Le délai d’action des antidépresseurs est d’au moins
tion d’une sismothérapie d’emblée. 10 à 15 jours, parfois plus long, et il faut attendre 4 à
L’aspect sémiologique de la dépression, sa sévérité, 8 semaines de traitement insuffisamment efficace pour
l’existence d’antécédents dépressifs pour lesquels on conclure à leur échec éventuel selon les recomman-
recherche l’efficacité des médications antérieurement dations de bonne pratique de l’American Psychiatric
utilisées, une contre-indication à l’utilisation de cer- Association-Revision [3]. On peut recourir au dosage
taines molécules orientent le choix de l’antidépresseur. des taux plasmatiques pour certains antidépresseurs,
La posologie doit être suffisante et se situer dans les afin de s’assurer que l’inefficacité n’est pas le fait d’une
limites de celles définies par l’AMM ; cette posologie insuffisance posologique ou d’une inobservance.

156
TRAITEMENT DES TROUBLES DÉPRESSIFS UNIPOLAIRES

Tableau 13-III. – Études contrôlées des antidépresseurs au long cours dites de « discontinuation » (rechutes) [24].

Auteurs Phase ouverte Traitement N Durée Taux (p. 100)

Coppen et al. (1978) [24] 1,5 Amitriptyline/placebo 29 12 0/31


Lendresse et al. (1984) [24] 2 Nomifenzine/placebo 142 6 20/40
Harisson et al. (1986) [24] 1,5 Phénelzine/placebo 12 6 20/100
Doogan et Caillard (1988) [24] 2 Sertraline/placebo 480 12 39/62
Dunbar et al. (1991) [24] 2 Paroxétine/placebo 135 12 16/43
Dalery et al. (1997) [11] 1,5 Tianeptine/placebo 185 18 16/36
Simon et al. (2004) [32] 2 Venlafaxine/placebo 318 6 28/52
Perahia et al. (2006) [27] 3 Duloxétine/placebo 278 6 20/38
Goodwin et al. (2009) [16] 2 Agomélatine/placebo 367 6 20/41

Après avoir obtenu une normalisation de l’humeur, (Tableau 13-IV) et dont la validité méthodologique
il est nécessaire de maintenir la même posologie pen- était contestée [24]. Au terme de ces 6 à 8 mois de
dant plusieurs mois. On distingue arbitrairement une traitement, et en l’absence d’indication d’un trai-
phase de traitement aigu de 2 mois et une phase de tement prophylactique, l’arrêt de l’antidépresseur
traitement d’entretien de 4 à 6 mois dont l’objectif peut être envisagé ; il doit être progressif avec cer-
est de prévenir les rechutes. La plupart des antidépres- taines molécules pour éviter un syndrome de sevrage.
seurs ont fait l’objet d’études (obligatoires en Europe L’interruption brutale n’est autorisée qu’en cas de
depuis quelques années pour l’AMM de nouveaux virage maniaque de l’humeur qui signe la « bipola-
antidépresseurs) pour établir que leur effet thérapeu- rité » du trouble et conduit à reconsidérer la prise en
tique ne s’épuisait pas et qu’ils étaient utiles pour pré- charge ultérieure.
venir les rechutes (classiquement définies comme la La question de la prescription d’un traitement pré-
réapparition d’une symptomatologie dépressive dans ventif pour le moyen et long terme se pose pour les
les six mois suivant la rémission et donc considérées, patients souffrant de dépressions récurrentes (au-delà
à la différence des récidives, comme appartenant au de 6 mois de rémission, on considère qu’il s’agit d’un
même épisode). Le schéma méthodologique de ces nouvel épisode), c’est-à-dire ayant fait au moins trois
études dites de « discontinuation » prévoit que ne épisodes incluant l’épisode index (pour les psycho-
sont inclus dans la phase contrôlée, en double aveugle, pharmacologues, alors qu’il n’est par définition que
que les patients en rémission après une phase curative de deux dans les critères du DSM-IV). De nombreux
« ouverte » de 1,5 à 3 mois (Tableau 13-III), à la dif- antidépresseurs ont été évalués dans cette indication
férence des études plus anciennes qui n’étaient qu’une [30] ; ces études comprennent une phase de pré-
simple extension de la phase aiguë du traitement inclusion de 4 à 6 mois conformément à la distinction

Tableau 13-IV. – Études contrôlées des antidépresseurs au long cours (extension de la phase aiguë) [24].

Auteurs Traitement N Durée (mois) Rechutes/récidives, taux


(p. 100)

Seager et Bird (1962) [24] Imipramine/placebo 28 6 25/69


Kay et al. (1970) [24] Amitriptyline/diazépam 102 7 24/47
Mindham et al. (1973) [24] Amitriptyline/imipramine/placebo 92 6 24
Klerman et al. (1974) [24] Amitriptyline/placebo 92 8 15/40
Van Praag et De Hann (1980) [24] 5-Hydroxytryptophane/placebo 20 24 5-Hydroxytrypto­
phane < placebo
Stein et al. (1980) [24] Amitriptyline/placebo 55 6 28/69
Claghorn et al. (1993) [8] Paroxétine/imipramine/placebo 219 12 15/4/25
Entsuah et al. (1996) [12] Venlafaxine/placebo 304 6 ⎧ 11/23
(pooled analysis) 12 ⎨ 20/34

157
I n d i c at i o n s e t m o da l i t é s d e p r e s c r i p t i o n

Tableau 13-V. – Études contrôlées de prévention des récidives par les antidépresseurs dites de « discontinuation »
(récidives) [24].

Auteurs Phase ouverte Traitement N Durée Taux (p. 100)

Bjork (1983) [24] 4 Zolpidem/placebo 38 18 32/84


Montgomery et al. (1988) [24] 6 Fluoxétine/placebo 182 12 26/57
Robinson et al. (1991) [24] 4 Phénelzine/placebo 51 24 29/81
Terra et Montgomery (1996) [34] 6 Fluvoxamine/placebo 204 12 13/35
Versiani et al. (1999) [35] 1,5 Réboxétine/placebo 286 6 39/60
(+6) 12 12/41
Rouillon et al. (2000) [29] 4 Milnacipran/placebo 224 12 16/24
Rapaport et al. (2004) [28] 4 Escitalopram/placebo 274 9 26/40

entre rechute et récidive (Tableau 13-V). En cas de de l’utilisation d’un antidépresseur seul, en l’occur-
« bipolarisation » du trouble dépressif, initialement rence imipraminique (34 p. 100), d’un antipsycho-
considéré comme unipolaire, il convient de substituer tique seul (51 p. 100) ou de l’association des deux,
un thymorégulateur à l’antidépresseur ayant induit le même si, avec cette dernière, la différence n’est pas
virage maniaque. La meilleure stratégie de prévention statistiquement significative selon la méta-analyse de
des récidives, comme l’avait montré l’étude pionnière, Kroessler [20]. Les sels de lithium, le valproate ou les
réalisée à Pittsburgh sur les traitements d’entretien antipsychotiques atypiques peuvent être maintenus en
dans le trouble dépressif récurrent (Pittsburgh study association aux antidépresseurs chez les patients bipo-
of maintenance therapies in recurrent depression), était laires ou prescrits pour compléter l’action des antidé-
l’association antidépresseur et psychothérapie [14]. presseurs lorsque celle-ci se révèle insuffisante (effet
Sans être à proprement parlé une psychothéra- add on). Même si les associations médicamenteuses
pie, la psycho-éducation est essentielle lors d’un trai- sont possibles et souvent utiles, l’idéal demeure néan-
tement antidépresseur ; elle ne se résume pas à la moins la monothérapie antidépressive. C’est vers elle
simple information sur la maladie et son traitement, qu’il faut tendre, dès que le trouble dépressif est bien
qui accompagne toute prescription médicale, quelle contrôlé par le traitement. La justification d’associer
que soit la pathologie traitée, mais se structure dans deux antidépresseurs n’est pas scientifiquement éta-
un programme d’éducation thérapeutique codifié. blie, sauf dans les protocoles de traitement des dépres-
Celui-ci ne se limite pas à une information éclairée, ni sions résistantes.
à des stratégies d’accompagnement appropriées, mais En cas d’échec d’un traitement correctement suivi
répond à des critères précis [9]. et après s’être assuré de l’absence de causes éven-
Les associations médicamenteuses ne doivent pas être tuellement curables (hypothyroïdie...), il convient
systématiques. Les troubles du sommeil sont fréquents de changer de molécule. La question du recours à
dans la dépression et se corrigent spontanément avec une molécule d’une autre classe se pose alors ; cer-
l’amélioration de l’humeur ; toutefois, la prescription tains considèrent que les différences intraclasses des
d’un hypnotique peut se justifier, surtout au début produits sont aussi importantes que les différences
du traitement, lorsque l’insomnie est marquée et interclasses et que l’on peut donc utiliser un autre
gênante pour le patient. Les tranquillisants peuvent antidépresseur de la même famille en deuxième inten-
être associés dans les dépressions très anxieuses, mais tion. Les résultats de la méta-analyse de Papakostas et
doivent être interrompus dès que possible. Dans les al. [26] plaident toutefois en faveur d’une légère, mais
formes délirantes d’épisode dépressif majeur, certains significative, supériorité d’un changement de classe
recommandent l’association d’un neuroleptique séda- d’antidépresseur plutôt que de produit à l’intérieur de
®
tif (type Nozinan ), d’autres l’association d’un anti-
psychotique atypique ; cette association s’est avérée
la même classe. Loze et al. [23] concluaient dans le
même sens, au décours d’une vaste étude (n = 6 000)
supérieure à l’utilisation isolée d’un antipsychotique, sur la deuxième intention de traiter par antidépres-
comme l’atteste la méta-analyse de Wijkstra et al. [38]. seur ; leurs résultats étaient toutefois surtout signifi-
En cas d’échec, le recours aux électrochocs s’impose ; catifs pour des changements d’antidépresseurs vers les
leur taux de réponse (82 p. 100) est supérieur à celui seuls antidépresseurs tricycliques.

158
TRAITEMENT DES TROUBLES DÉPRESSIFS UNIPOLAIRES

Comme le montre les résultats de l’étude STAR*D, des mesures d’adjonction à visée potentialisatrice
le taux de réponse au traitement diminue aux diffé- [25] avec le lithium ou les anticonvulsivants (carba-
rentes étapes de changement de traitement, que l’on mazépine, valproate de sodium, lamotrigine), comme
passe de la monothérapie par citalopram aux switchs nous venons de le voir, avec de la tri-iodothyronine,
vers d’autres antidépresseurs ou à différentes stratégies la buspirone, le modafinil, ou les antipsychotiques
d’augmentation [31, 36]. atypiques (olanzapine, rispéridone ou aripiprazole).
Les dépressions résistantes (définies comme l’échec Le recours aux œstrogènes est surtout justifié en cas
d’au moins deux traitements antidépresseurs correc- de dépression de la ménopause. Quoiqu’il en soit,
tement conduits) concernent environ 10 à 15 p. 100 au-delà des principes généraux de la conduite à tenir
des patients déprimés traités. Avant toute initiative en cas de dépression résistante, les recommandations
thérapeutique, elles nécessitent un bilan clinique éva- internationales varient selon les sociétés savantes qui
luant l’histoire de la maladie et des traitements reçus, les ont produites et les caractéristiques cliniques de
une analyse des facteurs environnementaux (stress l’épidose dépressif majeur (avec ou sans symptômes
et difficultés de vie), des traits de personnalité, des psychotiques) ou la phase de traitement (curative/
pathologies psychiatriques et somatiques associées et aiguë ou prévention des rechutes). Il s’agit principa-
de l’observance. Outre le changement ou l’augmen- lement du Canadian Network for Mood and Anxiety
tation de la posologie de l’antidépresseur, et avant de Treatments, du Texas Medication Algorithm Project
poser l’indication d’une sismothérapie ou d’une autre et de la World Federation of Societies of Biological
technique de stimulation (rTMS), on peut envisager Psychiatry (Tableau 13-VI).

Tableau 13-VI. – Recommandations en cas de dépression résistante.

TMAP-MDD [10]

Sans trouble psychotique associé


– consultation psychopharmacologique
– après deux antidépresseurs en monothérapie, faire une troisième tentative avec un produit de classe
différente ou une association tricyclique + ISRS
– en cas d’échec : électrochocs
Avec troubles psychotique associé
– consultation psychopharmacologique
– amoxapine ou association antidépresseurs + antipsychotiques
– tricycliques (si jamais utilisés antérieurement)
– si échec tricycliques : électrochocs
– si échec électrochocs : associations de produits non utilisés antérieurement, dont lithium, ou add on

WFSBP [6, 7]

Phase aiguë
– bilan des traitements (dose, durée…)
– stratégies d’« augmentation » ou add on
– TMS et stimulation nerf vague
– électrochocs
Phase d’entretien
– antidépresseurs ou lithium au long cours
– association antidépresseur + différents thymorégulateurs ou hormones thyroïdiennes

CANMAT [17, 21]

Stratégies d’augmentation pharmacologiques ou psychothérapeutiques (evidence based) ou stimultations


(électrochocs ou rTMS)
Switch d’antidépresseurs ou add on de différents produits
Simulation profonde
CANMAT : Canadian Network for Mood and Anxiety Treatment ; MDD : major depressive discorder ; TMAP : Texas
Medication Algorithme Project ; TMS : stimulation magnétique transcrânienne ; WFSBP : World Federation of Societies of
Biological Psychiatry.

159
I n d i c at i o n s e t m o da l i t é s d e p r e s c r i p t i o n

I ndications et modalités d’autres médicaments s’ils leur sont associés, ce qui


impose de connaître les différentes interactions
de prescription selon les classes médicamenteuses.
d ’ antidépresseurs Leur posologie est d’une à deux gélules ou com-
®
primés le matin pour le Prozac , le Zoloft , le
®
Inhibiteurs spécifiques de la recapture ® ® ®
Seropram , le Deroxat et le Seroplex et de 100 à

de la sérotonine (ISRS)
300 mg/j pour le Floxyfral .
®
Les antidépresseurs de cette classe de produits Inhibiteurs
purement sérotoninergiques sont globalement bien de la recapture de la sérotonine
tolérés, ce qui explique qu’ils aient progressivement et de la noradrénaline (IRSNa)
supplanté les tricycliques imipraminiques et les
IMAO classiques depuis une vingtaine d’années. On Certains antidépresseurs ont une double action
en dénombre six, par ordre historique de commer- spécifique sur la recapture de la sérotonine et de
®
cialisation : la fluoxétine (Prozac ), la fluvoxamine la noradrénaline : milnacipran (Ixel ), venla-
®
® ®
(Floxyfral ), la paroxétine (Deroxat ), le citalopram
®
faxine (Effexor ) et, plus récemment, duloxétine
® ®
(Seropram ), la sertraline (Zoloft ) et l’escitalopram
®
(Cymbalta ). Ils constituent une nouvelle classe, qui
®
(Seroplex ). a une efficacité et une tolérance comparables à celles
des ISRS.
Indications et contre-indications
Les ISRS sont les antidépresseurs largement les plus
Indications et contre-indications
prescrits du fait de leur bonne tolérance (environ les Outre le traitement des troubles dépressifs, la venla-
trois quarts de la prescription en France, surtout par faxine a fait la preuve de son intérêt dans le traitement
les médecins généralistes) ; ils sont donc des produits des troubles anxieux (trouble anxieux généralisé). La
de première intention pour les troubles dépressifs duloxétine, efficace dans le traitement de la dépression
et anxieux. Ils ont démontré leur efficacité dans les et de certains troubles anxieux, est aussi indiquée dans
épisodes dépressifs majeurs ainsi que dans la plupart les douleurs chroniques (neuropathies diabétiques).
des troubles anxieux et, à un moindre degré, dans le Les IRSNa n’ont pas de contre-indications absolues,
trouble boulimique. mais des précautions d’emploi, par exemple chez les
Ils n’ont pas de contre-indication absolue, sinon patients hypertendus.
les précautions d’usage propres aux psychotropes
en général. Toutefois, il convient d’éviter d’associer Modalités de prescription
certains d’entre eux aux anticoagulants oraux ainsi
qu’aux IMAO non sélectifs non réversibles. La venlafaxine a une posologie efficace comprise
entre 75 et 300 mg/j. Si l’on doit recourir à une dose
supérieure, cela doit se faire de manière progressive.
Modalités de prescription La surveillance de la prescription de ces traitements
Les ISRS n’ayant pas d’effets indésirables anticho- est simple, car ils sont bien supportés, même s’ils par-
linergiques ou cardiovasculaires, leur surveillance est tagent de nombreux effets indésirables avec les ISRS.
donc simple, si ce n’est en début de traitement où Du fait de leur léger effet sur la tension artérielle,
l’on peut observer des nausées, des vomissements, notamment systolique, ils nécessitent une surveillance
une insomnie, une irritabilité, des tremblements... Ils particulière chez les patients hypertendus.
perturbent les fonctions sexuelles (baisse de la libido
et retard ou inhibition de l’éjaculation chez l’homme
et de l’orgasme chez la femme). Enfin, ils peuvent Antidépresseurs tricycliques
entraîner un syndrome sérotoninergique caractérisé imipraminiques
par une réactivation anxieuse avec agitation, myoclo-
nies, hyperréflexivité, tremblements, incoordination Les principaux antidépresseurs tricycliques
et éventuellement frissons, fièvre, diarrhée… Par ail-
®
sont : l’imipramine (Tofranil ) et la désipramine
leurs, ils risquent d’augmenter les taux plasmatiques
®
(Pertofran ) dont le profil d’action clinique est plutôt

160
TRAITEMENT DES TROUBLES DÉPRESSIFS UNIPOLAIRES

®
psychotonique ; la clomipramine (Anafranil ) et la
®
(propranolol [Avlocardyl ] à petites doses), et surtout
®
dosulépine (Prothiaden ) au profil intermédiaire ; l’effet anticholinergique périphérique, responsable
®
l’amitriptyline (Laroxyl ) la doxépine (Quitaxon ,
® d’une constipation, de trouble de l’accommodation
®
Sinequan ) ou la trimipramine (Surmontil ) plu-
®
tôt sédatives. Il faut faire une place particulière à la
visuelle, d’hyposialorrhée et de dysurie. L’effet adré-
nomimétique périphérique peut provoquer des palpi-
®
maprotiline (Ludiomil ) qui, bien que chimique-
ment quadricyclique, s’apparente aux tricycliques
tations, des sueurs, des bouffées de chaleur, dans les
premières semaines du traitement.
imipraminiques par toutes ses propriétés cliniques et Les complications médicales sont assez rares si
biochimiques. l’on respecte les contre-indications, que ce soient les
troubles du rythme et de la conduction cardiaque ou
l’épilepsie généralisée qui peut survenir même chez
Indications et contre-indications
des sujets sans antécédents comitiaux mais, en géné-
Les dépressions sévères et résistantes sont l’indica- ral, pour de fortes doses (200 mg). Certains accidents
tion privilégiée des antidépresseurs tricycliques ; on neurovégétatifs sont liés à l’effet anticholinergique
y a recours après l’échec de plusieurs traitements. En des tricycliques : glaucome aigu parfois révélateur
dehors des états dépressifs, les antidépresseurs tricy- d’un glaucome chronique méconnu, rétention aiguë
cliques, notamment la clomipramine, sont actifs dans d’urine avec ou sans hypertrophie prostatique, glos-
d’autres troubles psychiatriques (troubles paniques site et stomatite consécutives à la sécheresse de la
et phobiques, trouble obsessif-compulsif) et dans bouche ou occlusion intestinale. Les complications
certaines algies rebelles, les troubles des conduites psychiatriques sont parfois le fait même de l’effet
alimentaires, l’akinésie de la maladie de Parkinson, thérapeutique, comme l’inversion maniaque de l’hu-
l’énurésie, la narcolepsie... meur. Les antidépresseurs peuvent, en outre, induire
Ils sont absolument contre-indiqués en cas de glau- une angoisse et une réactivation délirante, notam-
come chronique à angle iridocornéen fermé, du fait ment chez certains schizophrènes, ou une confusion
du risque d’accident d’hypertension oculaire dû à l’ef- mentale par l’effet anticholinergique. Enfin, il faut
fet anticholinergique des imipraminiques, d’adénome savoir prévenir le passage à l’acte suicidaire favorisé
de la prostate et autres troubles urétroprostatiques par la classique « levée d’inhibition psychomotrice »,
pouvant provoquer un accident de rétention aiguë précédant la normalisation de l’humeur pendant les
d’urine, de maladie de Basedow, d’insuffisance car- premiers temps du traitement ; l’intoxication aiguë
diaque, d’infarctus du myocarde récent ou de trouble accidentelle ou suicidaire par tricycliques est dan-
de la conduction auriculoventriculaire. De plus, il gereuse. Lorsque le traitement doit être interrompu
convient d’éviter de les associer aux IMAO, ce qui après plusieurs mois, la posologie doit être réduite de
pourrait déclencher un collapsus cardiovasculaire (il façon progressive si l’on veut éviter quelques réactions
faut attendre un délai de 2 semaines avant de subs- de sevrage (vertiges, sueurs, labilité tensionnelle).
tituer un traitement tricyclique à ces médicaments
IMAO).
Par ailleurs, la toxicité des tricycliques pour le myo- Inhibiteurs de la monoamine oxydase
carde impose une surveillance électrocardiographique
rigoureuse en cas de trouble de la conduction intra- (IMAO)
cardiaque. De même, l’épilepsie doit faire discuter Les IMAO, en inhibant l’activité enzymatique de
l’indication des tricycliques, surtout si elle est mal la monoamine oxydase, augmentent la concentration
équilibrée. synaptique de l’ensemble des monoamines et en par-
ticulier de la noradrénaline, de la sérotonine et de la
Modalités de prescription dopamine.

La surveillance clinique recherchera les princi-


Indications et contre-indications
paux effets secondaires des tricycliques que sont
l’hypotension artérielle, surtout orthostatique, que Ils sont en général prescrits en deuxième intention,
l’on peut corriger par des analeptiques cardiovascu- après les tricycliques, parce qu’ils sont moins faciles à
laires, les troubles du sommeil, la somnolence diurne, manier, contre-indiquent la prescription de nombreux
le syndrome tremblement-dysarthrie d’intensité autres médicaments et imposent un régime alimentaire
variable, que l’on peut corriger par un bêtabloquant particulier, dépourvu de tyramine. Les IMAO classiques

161
I n d i c at i o n s e t m o da l i t é s d e p r e s c r i p t i o n

dont il n’y a plus qu’un représentant commercialisé craindre la survenue d’une hypotension orthostatique,
®
en France – l’iproniazide (Marsilid ) – nécessitent
d’importantes précautions de prescription (associations
particulièrement gênante chez le sujet âgé et en cas
d’insuffisance cardiaque, de troubles sexuels (anorgas-
de nombreux médicaments interdites, régime alimen- mie, impuissance), d’une prise de poids, de sueurs, de
taire). Les IMAO de deuxième génération, réversibles vertiges, voire d’une certaine excitation euphorique.
et sélectifs, dont seul le moclobémide (Moclamine )
est disponible en France, sont plus maniables (pas de
® Plus rares, mais plus graves, sont les hépatites
cytolytiques, les polynévrites ou les crises comitiales
contre-indication d’association, pas de régime alimen- auxquelles il faut ajouter les mêmes complications
taire), mais s’avèrent sensiblement moins efficaces. psychiatriques que celles des tricycliques. Les IMAO
Même s’ils sont efficaces dans toutes les formes de deuxième génération sont mieux tolérés ; tout au
de dépression, les IMAO seraient particulièrement plus peuvent-ils être responsables de céphalées, de
recommandés dans les dépressions très ralenties, asso- nausées, de vertiges ou d’insomnie.
ciées à une hypersomnie et une hyperphagie. Ils sont, La durée de traitement et les autres modalités de
de surcroit, plus stimulants que la plupart des antidé- la cure antidépressive sont comparables à celles des
presseurs tricycliques et donc utiles dans les formes tricycliques.
« asthéniques » de dépression.
Les IMAO classiques sont contre-indiqués en cas
de grossesse et d’allaitement ou d’association aux anti- Autres antidépresseurs
dépresseurs, aux sympathomimétiques, au sympa-
tholytiques, à la guanéthidine, aux réserpiniques, aux
Indication et contre-indications
morphiniques, aux antiparkinsoniens, aux anticholiner- Antidépresseur anxiolytique sans effet anticholiner-
giques, aux vasoconstricteurs, aux amphétaminiques,
aux bêtabloquants, à la clonidine, au méthyldopa, au
gique, ni cardiaque marqué, la miansérine (Athymil )
est particulièrement bien supportée chez le sujet âgé.
®
vérapamil, à la carbamazépine, au hypoglycémiants... Elle n’est contre-indiquée qu’en cas d’association
L’association à ces médicaments peut provoquer une aux IMAO et doit être utilisée avec prudence chez le
hypertension paroxystique, une hypotension, parfois un patient diabétique. Plus récemment, la mirtazapine
collapsus cardiovasculaire ou une confusion mentale.
Enfin, les IMAO classiques sont prohibés en cas
®
(Norset ) a été introduite en thérapeutique. Son pro-
fil d’action est comparable à celui de la miansérine,
d’atteinte hépatique, d’état maniaque, de phéochro- puisqu’elle a un effet a2 présynaptique antagoniste
mocytome, d’alcoolisme chronique ou d’hypertension et stimulant des récepteurs 5-HT1, 5-HT2 et 5-HT3
artérielle. dont elle partage les indications.

Modalités de prescription
®
La tianeptine (Stablon ) est parfaitement bien
tolérée et prescrite à une posologie quotidienne de
1 à 3 cp/j. Elle est surtout intéressante dans les états
La prescription d’un IMAO classique impose une anxiodépressifs. Du fait du risque d’abus ou de dépen-
surveillance régulière des fonctions hépatique et dance, l’ANSM a récemment imposé sa prescription
rénale et de la tension artérielle. Il doit être arrêté sur ordonnance sécurisée pour une durée de traite-
15 jours avant une anesthésie générale ou l’utilisation ment limitée à 28 jours.
d’un autre antidépresseur. De plus, le patient doit res-
pecter un régime alimentaire excluant l’alcool et les ®
L’agomélatine (Valdoxan ) a été mise à la disposition
du corps médical français en 2010. Elle a un mécanisme
aliments riches en tyramine et en tryptophane (thé, d’action original puisqu’elle est agoniste des récep-
café, chocolat, banane, fromages fermentés, foie de teurs mélatoninergiques (MT1 et MT2) et antagoniste
volaille, viandes faisandées, fèves, levure). 5-HT2C. Indiquée dans les épisodes dépressifs majeurs,
La posologie varie selon les molécules ; elle est de son respect de l’architecture du sommeil amène à la
®
50-150 mg/j avec le Marsilid et de 300-600 mg/j recommander plus particulièrement chez les patients
avec le Moclamine .
®
Le début de traitement est progressif (50 mg/j),
dont les rythmes veille-sommeil sont très perturbés. Elle
est contre-indiquée en cas d’insuffisance hépatique.
avec augmentation de 50 mg tous les 5 ou 6 jours Nous ne ferons que citer le millepertuis, produit
®
pour le Marsilid ; le délai d’interruption d’un trai-
tement antérieur est fonction de sa demi-vie plasma-
phytothérapeutique que l’Afssaps ne reconnaît pas
comme antidépresseur, mais dont l’AMM stipule
tique (environ 24 à 48 heures pour les antidépresseurs qu’elle est « traditionnellement utilisée dans les mani-
®
tricycliques, 4 semaines pour le Prozac ). On peut festations dépressives légères et transitoires » [1]. La

162
TRAITEMENT DES TROUBLES DÉPRESSIFS UNIPOLAIRES

méta-analyse de Werneke et al. [37] ne retrouvait 8. Clagorn JL, Feighner JP. A double-blind comparison
d’ailleurs qu’une très faible « taille d’effet » pour ce of paroxetine with imipramine in the long-term treat-
ment of depression. J Clin Psychopharmacology, 1993, 13
produit.
(Suppl. 2) : 23S-27S.
9. Consoli SM. Éducation thérapeutique du patient dépressif
Modalités de prescription et de son entourage. In : M Goudemand. Les états dépres-
sifs. Paris, Médecine Sciences-Publications/Lavoisier, 2010 :
Pour la surveillance de la miansérine, il convient 538-548.
de connaître ses effets secondaires qui sont la somno- 10. Crimson ML, Trivedi M, Pigott TA et al. The Texas
lence, la sécheresse de la bouche, la constipation et la medication algorithm project : report of the Texas consen-
prise de poids du fait de son effet orexigène. Des agra- sus conference panel on medication treatment of major
depressive disorder. J Clin Psychiatry, 1999, 60 : 142-156.
nulocytoses, des crises convulsives et des hépatites ont
11. Dalery J, Dagens-Lafont V, de Bodinat C. Efficacy
également été signalées. Elle est prescrite à la dose de of tianeptine vs placebo in the long-term treatment
60 à 90 mg/j et impose une surveillance particulière (16,5 months) of unipolar major recurrent depression.
chez l’épileptique ou le diabétique. La surveillance de Hum Psychopharmacol, 2001, 16 (Suppl. 1) : S39-S47.
la prescription de la tianeptine est simple puisqu’elle 12. Entsuah AR, Rudolph RL, Hackett D, Miska S.
n’a que très peu d’effets secondaires. Efficacy of venlafaxine and placebo during long term treat-
L’agomélatine est cliniquement bien tolérée, elle ment of depression : a pooled analysis of relapses rates. Int
Clin Psychopharmacol, 1996, 11 : 137-145.
n’interfère notamment pas sur la sexualité du patient, 13. Fournier JC, de Rubeis RJ, Hollon SD et al. Anti­
entraîne peu d’effets gastro-intestinaux, améliore la depressant drug effects and depression severity. A patient-
qualité de l’éveil et n’expose pas au risque d’accidents level meta-analysis. JAMA, 2010, 303 : 47-53.
de sevrage à l’arrêt du traitement, ni de prise de poids. 14. Frank E, Kupfer DJ, Perel JM et al. Three-year out-
En revanche, sa prescription nécessite une surveil- comes for maintenance therapies in recurrent depression.
lance des enzymes hépatiques (ASAT et ALAT avant Arch Gen Psychiatry, 1990, 47 : 1092-1099.
15. Frank E, Kupfer DJ, Perel JM et al. Comparison of
le début du traitement puis à 1, 3 et 6 mois), toute
full-dose versus half dose pharmacotherapy in the mainte-
élévation significative de leurs taux imposant l’arrêt nance treatment of recurrent depression. J Affect Disord,
du traitement et un avis hépatologique. 1993, 27 : 139-145.
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163
I n d i c at i o n s e t m o da l i t é s d e p r e s c r i p t i o n

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164
14
T raitement des dépressions
des troubles bipolaires
........
B. Quillerou, L. Yon et F. Bellivier

Le trouble bipolaire est une pathologie chronique et les antipsychotiques atypiques et les antidépresseurs.
invalidante. Il est diagnostiqué avec un retard de 8 à Au sujet de cette dernière classe, ces cinq dernières
10 ans, ce qui expose les patients aux complications du années ont été marquées par des débats importants sur
trouble non ou non correctement traité [25, 39, 64]. les avantages et inconvénients de leur usage dans le
Il s’agit d’un trouble fréquent ; ainsi les études multi- trouble bipolaire. Nous nous proposons ici d’en faire
nationales ont-elles révélé un taux de prévalence sur la une synthèse.
vie entière d’environ 1,6 p. 100 pour le trouble bipo-
laire de type 1 [70] et un taux de 5,5 p. 100 pour le
spectre des troubles bipolaires de types 1 et 2 [5].
Les épisodes dépressifs caractérisés et les symptômes E fficacité
dépressifs résiduels constituent le principal handicap
de cette maladie [29, 36]. En effet, les patients bipo- Les antidépresseurs sont très largement prescrits
laires passent trois fois plus de temps déprimés que dans les troubles bipolaires, autant de type 1 que
maniaques ou hypomaniaques, et cela sans considérer de type 2. Ils constituent 50 p. 100 des traitements
les périodes de dépression résiduelle [40]. Par ailleurs, initiaux administrés chez ces patients [7, 63]. Cette
ces périodes subsyndromiques sont caractérisées par large administration s’oppose au peu de consensus
une diminution significative des performances et du qui existe quant à leur utilisation. En effet, seule la
fonctionnement social des patients [1, 44] et sont fluoxétine, en association à l’olanzapine, est approu-
associées à une augmentation du risque de récidive vée par la FDA dans la prise en charge de la dépression
d’épisode dépressif caractérisé, qui est alors triplé [37]. bipolaire [30].
Cela montre l’importance de la rémission complète Il existe de nombreuses études étayant l’efficacité
comme objectif du traitement de la dépression bipo- des différents antidépresseurs disponibles dans le trai-
laire, avec notamment comme cible un retour à un tement de la dépression unipolaire, même chez les
niveau de fonctionnement psychosocial normal. Le patients résistants [45, 51, 52, 60]. En outre, pour
but des prises en charge de la dépression bipolaire est les nouveaux antidépresseurs, les études montrant leur
également de diminuer le risque suicidaire. En effet, efficacité sont méthodologiquement sophistiquées.
parmi les troubles psychiatriques, les troubles bipo- Aussi ces antidépresseurs agréés au cours de ces deux
laires font partie de ceux qui entraînent le plus de sui- dernières décennies ont-ils recueilli un niveau A de
cides [56]. preuve pour leur efficacité [30]. Cela n’est malheu-
Ainsi les enjeux du traitement de la dépression reusement vrai que pour la dépression unipolaire. En
bipolaire sont-ils multiples et majeurs. Actuellement, effet, la bipolarité est un critère d’exclusion dans la
nous disposons d’un panel thérapeutique non médi- plupart de ces études classiques [49]. Plus récemment,
camenteux (non abordé ici) et médicamenteux, plusieurs études se sont spécifiquement penchées sur
comprenant notamment le lithium, le valproate, la cette question de l’utilisation des antidépresseurs dans
carbamazépine (et l’oxcarbamazépine), la lamotrigine, la dépression bipolaire.

165
I n d i c at i o n s e t m o da l i t é s d e p r e s c r i p t i o n

Études en faveur de l’utilisation pas à l’efficacité de cette dernière molécule dans


des antidépresseurs la prise en charge de la dépression bipolaire. Aussi
apparaît-il que toutes les conclusions ne convergent
Les premières études publiées, à la fin des années pas vers la généralisation de l’utilisation des antidé-
1980 et au début des années 1990, concernaient les presseurs dans la prise en charge de la dépression
tricycliques. Ainsi a-t-il été montré que les tricy- bipolaire.
cliques avaient un taux de réponse (défini comme
une amélioration d’au moins 50 p. 100 à l’échelle de
dépression d’Hamilton) entre 50 et 70 p. 100 dans
Éléments contre l’utilisation
le traitement de la dépression bipolaire [10, 15, 35]. des antidépresseurs
De plus, des preuves ont également été rapportées en dans la dépression bipolaire
faveur d’une efficacité comparable des tricycliques
chez des patients déprimés uni- ou bipolaires lors Une méta-analyse de quinze essais randomisés
d’une large étude rétrospective chez 2 032 patients en double aveugle comparant sur un court terme
hospitalisés dans le service de Psychiatrie universi- (c’est-à-dire moins de 4 mois) un traitement antidé-
taire de Munich [48]. Aucune différence n’a été mise presseur avec une autre molécule active dans cette
en évidence, ni dans les scores de dépression utilisés indication de dépression bipolaire ou un placebo,
en routine, ni dans les durées d’hospitalisation entre chez 2 373 patients bipolaires de type 1 ou 2, ne
les patients unipolaires et bipolaires. À l’époque, les mettait pas en évidence de bénéfice du traitement
antidépresseurs autres que les tricycliques n’étaient antidépresseur [24, 62]. Six de ces études, incluant
que rarement utilisés. L’analyse de la co-adminis- 1 469 patients, étaient des essais contre placebo éva-
tration de thymorégulateurs (quasi exclusivement le luant la fluoxétine, la paroxétine, l’imipramine et le
lithium) ne faisait pas non plus apparaître de diffé- bupropion ; plus des deux tiers des patients inclus
rence. Ainsi cette étude menée par Möller et al. était- recevaient un stabilisateur de l’humeur. Bien que la
elle en faveur de l’efficacité des tricycliques dans la définition des résultats variait d’une étude à l’autre, les
dépression bipolaire [48]. analyses mises en commun n’ont montré de bénéfice
Plusieurs essais contrôlés, sur de faibles effectifs, significatif ni pour les taux de réponse, ni pour ceux
suggèrent que les inhibiteurs irréversibles non sélec- de rémission.
tifs de la monoamine oxydase [10], les inhibiteurs Cette méta-analyse est conforme aux résultats obte-
spécifiques de recapture de la sérotonine (ISRS) nus dans les études menées avec la paroxétine. La
[3, 15] et le bupropion [33] sont plus efficaces que le paroxétine, au même titre que la fluoxétine, a plus
placebo et au moins aussi efficaces que l’imipramine particulièrement fait l’objet d’études et nous dis-
ou la désipramine dans le traitement de la dépression posons ainsi de nombreuses données la concernant.
bipolaire. Par ailleurs, une méta-analyse de 2004 de Nous vous proposons une synthèse de ces données.
Gijsman et al. [27] montre également les effets béné-
fiques des antidépresseurs dans cette indication. Les Paroxétine
résultats de cette méta-analyse, bien que controver-
sés par d’autres auteurs [20, 26, 34], ont été corro- La paroxétine est l’ISRS qui a été le plus rigoureuse-
borés par la revue de la littérature publiée en 2006 ment évalué dans la dépression bipolaire [38, 53, 58].
par Grunze [32]. Les données valables sur son efficacité n’apportent
En ce qui concerne le bupropion, son efficacité que peu de soutien à son utilisation généralisée.
a été mise en évidence par des études sur de petits Ainsi, dans l’étude EMBOLDEN II, la paroxétine
effectifs (n < 20) en double aveugle, comparant cet (à la posologie de 20 mg/j) comparée à la quétiapine
antidépresseur à la désipramine [57] ou au topira- (à la posologie de 300 ou 600 mg/j) et à un placebo
mate [47]. Toutefois, dans une large étude contre n’était pas plus efficace que le placebo pour amélio-
placebo où le bupropion était ajouté à un stabilisa- rer les scores et donc les symptômes de dépression
teur de l’humeur, il n’existait pas de bénéfice addi- et était plus fréquemment responsable de virages de
tionnel [59]. l’humeur [46].
Notons cependant que, parmi ces « nouveaux » En 1994, Prien et al. avaient déjà noté que com-
antidépresseurs, dont font partie le bupropion et les biner imipramine et lithium n’offrait pas d’avantage
ISRS, la paroxétine (un ISRS) a également fait l’ob- par rapport au lithium seul [56]. Ces résultats ont
jet de nombreuses études. Celles-ci ne concluaient été confirmés par l’étude plus récente de Nemeroff et

166
TRAITEMENT DES DÉPRESSIONS DES TROUBLES BIPOLAIRES

al. [53] où ceux-ci comparait l’adjonction de paroxé- T olérance


tine, d’imipramine ou de placebo au lithium. Ni la
paroxétine, ni l’imipramine n’étaient supérieurs au
placebo dans le traitement de la dépression bipolaire. Virage maniaque ou hypomaniaque
Toutefois, il apparaissait une supériorité de la paroxé-
tine et de l’imipramine sur le placebo lorsque la dose
moyenne de lithium était faible. Le risque de virage maniaque naturel, indépendam-
Finalement, un essai de 26 semaines a inclus ment de toute prise d’antidépresseur, au décours d’une
366 patients déprimés bipolaires de type 1 ou 2, dépression bipolaire est estimé entre 4 et 8 p. 100
ceux-ci recevaient tous un thymorégulateur. Il leur a [6, 12]. Ce taux rapporté avec une monothérapie
été assigné de manière randomisée un antidépresseur par un thymorégulateur se situe entre 0 et 5 p. 100.
(paroxétine ou bupropion) ou un placebo. Aucune Parmi ces stabilisateurs de l’humeur en monothérapie,
différence significative n’a été mise en évidence parmi le lithium apparaît sans doute comme le plus efficace
les divers groupes, autant dans les taux de réponse dans la prévention de ces virages thymiques [13]. De
définie par 8 semaines consécutives d’euthymie sans même, pour certains auteurs, le risque des nouveaux
virage de l’humeur [58]. antidépresseurs (IRSS et bupropion) ne semble pas
Ces études sont donc plutôt en défaveur de l’indica- différent du risque naturel [54].
tion de la paroxétine dans le traitement de la dépres- Il existe un risque de virage induit par les antidé-
sion bipolaire. presseurs. Cependant, une revue systématique récente
[69] ne retrouve pas d’association forte entre l’utili-
sation d’antidépresseurs et le nombre de virages. De
plus, les chiffres émanant d’études observationnelles
Fluoxétine et d’études rétrospectives divergent [14, 43]. Cela
Dès 1989, Cohn et al. mettaient en évidence l’effi- vient en partie de la question de la définition du
cacité de la fluoxétine dans la dépression bipolaire. Ils virage maniaque qui diffère d’une étude à l’autre. Ce
montraient même la supériorité de cette molécule sur n’est que récemment, en 2009, que l’ISBD a proposé
l’imipramine dans cette indication [15]. une première définition du virage de l’humeur qui
Il s’avère en fait que la plus grande preuve de son reste aujourd’hui controversée [65]. De plus, le taux
efficacité vient d’une autre étude dans laquelle la de virage n’est pas calculé de la même façon selon les
fluoxétine était associée à l’olanzapine (le bras fluoxé- essais : en intention de traiter, en incluant les non-
tine seul n’était pas significativement différent du répondeurs ou pas… Il apparaît donc que cette ques-
placebo). Cette association était significativement tion du virage induit pose de nombreuses questions
plus efficace que l’olanzapine en monothérapie ou méthodologiques.
associée à un placebo [66]. En outre, il n’était pas En ce qui concerne le risque de virage sous anti-
mis en évidence d’augmentation du risque de virage dépresseur plusieurs facteurs de risque ont été iden-
de l’humeur pendant les 24 semaines d’extension en tifiés. Ainsi les patients bipolaires de type 1 sont
ouvert de cette première étude [17]. plus à risque que les patients bipolaires de type 2 de
Dans un essai randomisé de traitement d’entre- présenter un épisode hypomaniaque ou maniaque
tien de dépression bipolaire de type 2, 81 patients induit par un traitement antidépresseur [11]. De
ayant répondu initialement à la fluoxétine adminis- plus, les virages surviennent spécialement en cas de
trée en monothérapie ont été répartis, de manière symptômes mixtes [28]. En particulier, l’accélération
randomisée, en trois bras pendant 50 semaines : motrice, psychique ou du débit verbal serait prédic-
l’un continuant la fluoxétine, l’autre remplaçant tive d’un plus grand risque de virage de l’humeur sous
la fluoxétine par du lithium et le troisième échan- antidépresseur [23]. Ces éléments invitent à considé-
geant la fluoxétine contre un placebo. Le temps de rer précisément la tonalité symptomatique de l’épi-
rechute ou de récurrence de dépression était signi- sode dépressif en cours dans le choix du traitement
ficativement plus long chez les patients recevant à instaurer.
la fluoxétine (250 jours) que chez ceux recevant le Au sein des antidépresseurs, les tricycliques sont
lithium (156 jours) ou encore le placebo (187 jours). associées à un taux plus élevé de virage de l’humeur
En outre, il n’était, là non plus, pas mis en exergue [43, 69]. Par ailleurs, Nemeroff et al., dans leur étude
d’augmentation du risque de virage de l’humeur avec de 2000 comparant la paroxétine à l’imipramine, en
la fluoxétine [4]. association au lithium, montraient que l’imipramine

167
I n d i c at i o n s e t m o da l i t é s d e p r e s c r i p t i o n

entraînait significativement plus de virages de l’hu- Tolérance des nouveaux


meur que la paroxétine [53]. Cette différence entre les antidépresseurs par rapport
tricycliques et les IRSS a été largement documentée
par ailleurs, les IRNA étant associés à un risque inter- à celle des tricycliques et des IMAO
médiaire [67]. Enfin, le risque de virage de l’humeur
Au-delà du risque d’accélération des cycles ou des
sous bupropion serait faible [33, 58], même si une
virages maniaques, la tolérance des antidépresseurs
petite étude en ouvert tend à infirmer cette donnée
dans le traitement de la dépression bipolaire est un
[21]. Par ailleurs, d’autres études ont rapporté que
autre enjeu crucial. En effet, la tolérance conditionne
le bupropion associé au lithium ou aux anticonvulsi-
la compliance au traitement.
vants n’entraîne pas de manie chez les patients à cycles
Le traitement par tricycliques est associé à une inci-
rapides [33] et semblerait induire moins de virages
dence élevée d’effets secondaires, en particulier anti-
que la désipramine. Aussi le bupropion n’apparaît-il
cholinergiques, que de nombreux patients bipolaires
pas particulièrement maniacogène.
tolèrent mal [15]. De plus, aussi bien les tricycliques
Enfin, dans la méta-analyse précédemment citée,
que les IMAO présentent un index thérapeutique
rassemblant quinze essais randomisés en double
bas, ce qui constitue un problème en cas de surdosage
aveugle et comparant sur un court terme (c’est-à-dire
volontaire chez des patients bipolaires déprimés expo-
moins de 4 mois) un traitement antidépresseur avec sés au risque suicidaire.
une autre molécule active dans cette indication de Les IRSS, quant à eux, présentent une moindre
dépression bipolaire ou un placebo, les analyses des incidence des effets secondaires que les tricycliques,
données sur plus de 1 000 patients ont suggéré que en particulier en ce qui concerne les effets anticho-
les traitements antidépresseurs n’augmentaient pas le linergiques et cardiaques [40, 62]. Ils semblent ainsi
risque de virage maniaque ou hypomaniaque [24, 62]. plus faciles à tolérer. C’est ce qu’illustre l’étude de
Nemeroff [53] comparant la paroxétine et l’imipra-
Au total, l’efficacité de la prévention des virages mine en association au lithium. Les effets secondaires
maniaques induits par les antidépresseurs, par l’asso- étaient responsables d’une sortie d’étude pour un
ciation à un thymorégulateur est étayée par de nom- patient traité par paroxétine (2,9 p. 100) contre douze
breuses données de la littérature. patients sous imipramine (30,8 p. 100). Ces observa-
tions sont conformes aux autres études concernant
Antidépresseur et risque d’induction les effets secondaires des IRSS [10, 16, 19]. Ces dif-
férences sont encore plus vraies pour des très fortes
de cycles rapides doses [8, 22, 41].
Il existe un relatif consensus pour contre-indiquer Notons cependant qu’une méta-analyse Cochrane a
les antidépresseurs au cours des dépressions bipolaires établi l’absence d’avantage significatif des IRSS sur les
émaillant l’évolution d’un trouble à cycles rapides. tricycliques lorsque l’on examinait les taux de sorties
Par ailleurs, le rôle des antidépresseurs dans l’in- d’essais cliniques [9].
duction des cycles rapides dans le trouble bipolaire
Au total, comparé aux tricycliques, les IRSS
est controversé. Altshuler et al. [2] suggèrent que les
semblent entraîner moins de virages et ne pas aug-
antidépresseurs augmentent, comme nous l’avons vu
menter le nombre d’épisodes chez les patients bipo-
précédemment, le risque de virage maniaque, donc le
laires à cycles rapides. Ce dernier point paraît surtout
nombre d’épisodes, avec une accélération des cycles.
établi lorsque l’antidépresseur est associé à un thymo-
Cependant, cela a été remis en question [18].
régulateur. En outre, ils sont mieux tolérés, même à
Compte tenu de l’opposition relativement consen-
fortes doses, que les tricycliques.
suelle à la prescription d’antidépresseurs dans la dépres-
sion bipolaire intervenant au cours de cycles rapides, il
est recommandé chez ces patients, en première inten-
tion, une monothérapie par stabilisateur de l’humeur.
En deuxième intention, on proposera une combinai-
A ssociation
son de deux thymorégulateurs. En cas d’échec ou de
résultat insuffisant, on pourra alors essayer l’électroco- La fluoxétine en association à l’olanzapine est
vulsivothérapie. Les antidépresseurs seront envisagés le seul antidépresseur approuvé par la FDA dans la
qu’en dernier recours dans cette indication [30, 31]. dépression bipolaire. Dans les études ayant permis cet

168
TRAITEMENT DES DÉPRESSIONS DES TROUBLES BIPOLAIRES

enregistrement, cette association était significative- l’humeur quand d’autres proposent un changement
ment plus efficace que l’olanzapine en monothérapie d’antidépresseur [50, 71]. Le niveau de preuves est
ou associée à un placebo [66], sans augmentation du insuffisant pour appuyer plus une option que l’autre
risque de virage de l’humeur pendant les 24 semaines [72]. Cependant, en ce qui concerne la tolérance,
d’extension en ouvert de cette première étude [17]. l’addition d’un antidépresseur non tricyclique pour-
Comme nous l’avons vu plus haut, l’association d’un rait être mieux tolérée que la combinaison de deux
antidépresseur et d’un thymorégulateur permettrait stabilisateurs de l’humeur. De toute évidence, la déci-
donc d’optimiser l’efficacité, assortie d’une meilleure sion d’associer un antidépresseur au thymorégulateur,
sécurité, au moins en ce qui concerne le risque de de changer d’antidépresseur si le premier n’est pas suf-
virage maniaque. fisamment efficace ou encore d’ajouter un deuxième
Quand on considère indépendamment l’efficacité, stabilisateur de l’humeur doit être prise au regard de
la tolérance et la sécurité des traitements à disposition l’analyse de l’histoire du patient, en particulier des
pour la prise en charge de la dépression bipolaire, il antécédents de virages maniaques ou de cycles rapides,
apparaît que les antidépresseurs sont probablement le mais aussi des autres facteurs de risque de virage de
traitement le plus efficace alors que les stabilisateurs l’humeur ou encore du risque suicidaire [30].
de l’humeur sont le traitement le plus sûr. Les antidé-
presseurs de nouvelle génération ainsi que les derniers
thymorégulateurs comme la lamotrigine semblent
être aussi bien tolérés. Quand les principaux risques
S ynthèse
de la dépression bipolaire sont le virage maniaque et
le suicide, on conçoit aisément que l’association d’un Plusieurs sociétés savantes ont proposé une synthèse
antidépresseur et d’un stabilisateur de l’humeur soit le de ces données et ainsi édité des conduites à tenir.
traitement de choix dès le début de la dépression bipo- Nous vous proposons ici une synthèse de ces recom-
laire. Ainsi propose-t-on en première intention les mandations ainsi que ces algorithmes.
IRSS comme antidépresseur, voire le bupropion selon
la disponibilité. Pour les stabilisateurs de l’humeur, on
suggère en première ligne le lithium et la lamotrigine. National Institute
La principale difficulté de la lamotrigine est que l’aug- for Health and Clinical Excellence [50]
mentation rapide du dosage est inenvisageable du fait
des risques dermatologiques graves que celle-ci peut Un antidépresseur peut être prescrit à condition
entraîner [30, 71]. Enfin, dans la mesure où le stabili- d’être associé à un antimaniaque. Le choix de ce
sateur de l’humeur est prolongé à visée prophylactique dernier doit tenir compte des objectifs préventifs à
au-delà de la phase curative de l’épisode dépressif, le moyen et long termes, puisque ce traitement (à la dif-
choix de la molécule qui est associée à l’antidépresseur férence du traitement antidépresseur) a vocation à être
peut tenir compte du profil général de cyclicité, de la poursuivi. Le choix d’un traitement pour le moyen/
polarité prédominante, d’un éventuel désir de gros- long terme doit tenir compte du profil de tolérance au
sesse ou d’antécédent de tentative de suicide grave. long cours (poids, syndrome métabolique, sédation,
Si ce premier traitement est inefficace ou insatis- interaction médicamenteuse), d’un projet de grossesse
faisant, il n’y a que peu d’études contrôlées sur les- chez les femmes en âge de procréer ou encore d’une
quelles s’appuyer pour adapter le traitement. Certains antériorité de réponse. L’antidépresseur doit être com-
préconisent l’addition d’un deuxième stabilisateur de mencé à petites doses et augmenté progressivement

Tableau 14-I. – Recommandations pour le traitement de la dépression bipolaire selon le CANMAT.

En première ligne Lithium, lamotrigine, quétiapine, quétiapine XR, lithium ou divalproate + IRSS, olanzapine + IRSS, lithium
+ divalproate, lithium ou divalproate + bupropion
En deuxième ligne Quétiapine + IRSS, lithium ou divalproate + lamotrigine, adjonction de modafinil
En troisième ligne Carbamazépine, olanzapine, lithium + carbamazépine, lithium + pramipexole, lithium ou divalproate + venla-
faxine, lithium + IMAO, ECT, lithium ou divalproate ou carbamazépine + IRSS + lamotrigine, adjonction
d’acide eicosapentaénoïque, adjonction de riluzole, adjonction de topiramate
Non recommandés Gabapentine en monothérapie, aripiprazole en monothérapie

169
I n d i c at i o n s e t m o da l i t é s d e p r e s c r i p t i o n

jusqu’à la dose minimale efficace. Cette augmentation IRSS est recommandé en première intention (à l’ex-
doit être surveillée avec attention afin de prévenir tout ception de la paroxétine, en particulier chez la femme
effet secondaire, en particulier le virage maniaque. Un enceinte), moins à risque de virage maniaque que les

Première étape : revue des principes généraux et point sur le statut du traitement

Psychothérapie, psychoéducation, stratégies comportementales et concernant les rythmes de vie

Patient Patient Agent de première ligne Pas de traitement


sous DVP sous
OLZ,
RISP,
ARI ou
ZIP

Deuxième étape : initier, optimiser le traitement et vérifier la compliance

Ajout Ajout LAM Li QUE OLZ + LI ou Li ou


ISRS/BUP ISRS, Li ISRS DVP + DVP
ou ou LAM ISRS/
ajout/switch ou switch BUP
pour LAM, pour Li,
Li ou QUE LAM ou
QUE

Troisième étape : add on ou switch

Ajout/switch Ajout Ajout Switch Swi tch Ajout


pour Li ou ISRS/BUP ISRS, Li pour pour Li ISRS/BUP
QUE ou ou LAM QUE, ou DVP ou switch
ajout/switch ou switch QUE + ou QUE pour Li ou

pour pour ISRS, Li, ou OLZ, DVP ou

LAM Li, LAM Li + ou, witch LAM


ou QUE ou OLZ + ISRS/BUP pour ou QUE
ISRS ou LAM ISRS/BUP
ou LAM

Quatrième étape : add on ou switch thérapie

Cinquième étape : ECT, agent de troisième ligne ou options expérimen tales

Figure 14-1. – Algorithme décisionnel proposé par le CANMAT et l’ISBD [71]. CANMAT : Canadian Network
for Mood and Anxiety Treatments ; ISBD : International Society for Bipolar Disorders.

170
TRAITEMENT DES DÉPRESSIONS DES TROUBLES BIPOLAIRES

tricycliques. Parmi les antimaniaques, la quétiapine au cours des derniers mois. Dans ces situations il est
occupe une place de choix dans ces recommandations alors conseillé d’optimiser le premier stabilisateur de
du fait de son efficacité sur la polarité dépressive. l’humeur (augmentation des doses et monitoring des
Selon le NICE, plusieurs contre-indications aux taux thérapeutiques le cas échéant) puis d’en ajouter
antidépresseurs doivent être considérées : patients un deuxième. Enfin, les mesures non médicamenteuses
bipolaires déprimés avec cycles rapides, épisode hypo- (psychothérapie, psycho-éducation, thérapies com-
maniaque ou mixte récent, tonalité « mixte » dans portementales des symptômes dépressifs, thérapie des
l’épisode en cours ou fluctuations thymiques rapides rythmes sociaux) devront être associées précocement.

Étape n°1 : débuter le traitement en fonction des symptômes, des


expériences antérieures, de l’efficacité dans le maintien de la
normothymie, du risque suicidaire, de la tolérance, de la facilité
d’administration…

Le traitement est efficace


après 4 semaines : poursuite
du traitement jusqu’à
rémission

Étape n° 2 : réponse partielle après 4 Étape n° 2 : absence de réponse après 4


semaines : poursuite du traitement et semaines : changer de traitement ou
optimisation de la posologie, proposer une ajouter un second agent, proposer une
psychothérapie psychothérapie

Étape n° 3 : en l’absence d’amélioration Étape n° 3 : en l’absence de réponse,


après 4 autres semaines : ajouter un deuxième augmenter les traitements
agent en association

Étape n° 4 : en cas de réponse insatisfaisante : changer l’un des


traitements de l’association (celui qui potentiellement le moins
efficace)

Étape n° 5 : en cas de réponse insatisfaisante


– changer l’un des traitements de l’association
– envisager les ECT

Figure 14-2. – Algorithme décisionnel proposé par la WFSBP [31].

171
I n d i c at i o n s e t m o da l i t é s d e p r e s c r i p t i o n

Canadian Network for Mood Références


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toujours proposés en association à un thymorégula-
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teur. De même, il est recommandé de choisir en pre- 4. Amsterdam JD, Shults J. Efficacy and safety of long-
mière intention un IRSS et d’éviter les tricycliques. term fluoxetine versus lithium monotherapy of bipolar II
Enfin, le CANMAT propose la diminution rapide disorder : a randomized, double-blind, placebo substitu-
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Afin de résumer leurs recommandations, la WFSBP 9. Barbui C, Hatopf M, Freemantle N et al. Selective
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a également proposé un algorithme décisionnel
cyclic antidepressants : comparison of drug adherence.
(Figure 14-2). Cochrane Database Syst Rev CD002791, 2000.
Ici, seule la fluoxétine peut être proposée en mono- 10. Baumhackl U, Biziere K, Fischbach R et al. Efficacy
thérapie. Pour les autres antidépresseurs, ils sont and tolerability of moclobemide compared with imi-
toujours prescrits en association à un stabilisateur de pramine in depressive disorder (DSM-III) : an Austrian
l’humeur. Parmi les antidépresseurs seront choisis en double-blind, multicentre study. Br J. Psychiatry, 1989,
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dations et de la littérature, se dégagent les éléments trials in bipolar I depression : focus on switch rates and
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suivants qui paraissent consensuels : les tricycliques et 109-112.
les IMAO doivent être évités et les ISRS préférés, sauf 14. Carlson GA, Finch SJ, Fochtmann LJ et al. Anti­
peut-être la paroxétine pour laquelle il existe plusieurs depressant-associated switches from depression to mania
études indépendantes indiquant l’absence d’efficacité. in severe bipolar disorder. Bipolar Disord, 2007, 9 :
Ils ne doivent être prescrits qu’en deuxième inten- 851-859.
tion et en association à un thymorégulateur. L’arrêt 15. Cohn JB, Collins G, Ashbrook E et al. A comparison
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TRAITEMENT DES DÉPRESSIONS DES TROUBLES BIPOLAIRES

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174
15
A ntidépresseurs et traitement
des troubles anxieux
........
J. Yadak et A. Pelissolo

La plupart des antidépresseurs aujourd’hui dispo- sur la pathologie anxieuse, et les antidépresseurs. Ces
nibles sont utilisés depuis environ 10 ans et, pour cer- derniers ont, comme dans la dépression, des effets
tains, beaucoup plus. Leurs propriétés antidépressives retardés mais susceptibles de supprimer de manière
ont été découvertes de manière fortuite initialement durable les symptômes de la plupart des troubles
et, par la suite, d’autres effets thérapeutiques ont été anxieux chroniques. En effet, ils peuvent être efficaces
observés par les cliniciens chez des patients présentant dans tous les troubles anxieux sévères, en dehors des
des co-morbidités. Ce fut le cas en particulier pour phobies spécifiques et de l’agoraphobie isolée (sans
l’action anxiolytique des tricycliques et des inhibiteurs trouble panique). Mais cette efficacité est variable
de la monoamine oxydase (IMAO), mise en évidence selon les classes pharmacologiques, et parfois même
aux États-Unis et en Europe à partir des années 1960. selon les produits, ce qui justifie un examen spécifique
Il fallut ensuite un temps assez long, parfois plus de des données existantes et des conduites à tenir pour
10 ans, pour vérifier que cet effet existait réellement chaque diagnostic.
de manière spécifique, c’est-à-dire indépendamment
de l’effet antidépresseur. Il faut, en effet, bien distin-
guer deux cibles différentes : l’anxiété symptomatique
d’une part, qui accompagne beaucoup de troubles
Troubles obsessionnels - compulsifs
psychiatriques dont la dépression, et les troubles
anxieux (phobies, troubles obsessionnels-compulsifs, Le trouble obsessionnel-compulsif (TOC) est
etc.) d’autre part, qui constituent des diagnostics à caractérisé par la présence d’obsessions, c’est-à-dire
part entière. Nous n’aborderons ici que l’utilisation d’images ou de pensées intrusives et récurrentes, et/ou
des antidépresseurs dans ces catégories de troubles de compulsions. Il s’agit d’actes ou de pensées rituali-
anxieux bien identifiés, même s’il existe par ailleurs sés et répétitifs, visant à réduire l’anxiété générée par
des données, certes moins nombreuses, sur leurs effets les obsessions. La sévérité du TOC est liée à la perte de
dans les dépressions anxieuses. temps qu’il occasionne pour le patient, ou à d’autres
Les troubles anxieux sont des pathologies très fré- conséquences négatives dans sa vie quotidienne ainsi
quentes dans l’ensemble de la population. Leur sévé- qu’au niveau de souffrance, souvent très élevé, qui
rité est variable et leur retentissement peut aller, selon l’accompagne.
les sujets, d’une gêne modeste à un véritable handi- D’après la plupart des analyses factorielles, on
cap compromettant gravement l’adaptation sociale et peut identifier quatre dimensions symptomatiques
l’équilibre personnel. Dans ces formes sévères géné- au sein des TOC : l’accumulation, les pensées inter-
rant une souffrance quotidienne et durable, il est bien dites (obsessions idéatives d’agressions, sexuelles
souvent nécessaire d’avoir recours à un traitement et religieuses), la symétrie et les doutes (obsessions
médicamenteux, associé ou non à une prise en charge idéatives de symétrie, d’ordre et d’erreur, et compul-
psychothérapeutique. Il existe alors deux grandes sions de vérification, rangement, comptage, répéti-
options pharmacologiques : les benzodiazépines qui tion) et le lavage (obsessions phobiques de souillure
visent un soulagement rapide mais sans effet prolongé et de contamination) [17]. La prévalence des TOC

175
I n d i c at i o n s e t m o da l i t é s d e p r e s c r i p t i o n

en population générale dans la plupart des pays du La stratégie d’adjonction de la clomipramine à un


monde est approximativement de 2 p. 100. La plu- ISRS, ou vice versa, est validée par des conférences
part des cas se manifestent avant l’âge adulte, avec d’experts [73, 85].
dans un tiers à 50 p. 100 des cas un début dans l’en-
fance [58]. Il peut persister tout au long de la vie, avec ISRS dans les TOC
un retentissement tel qu’il est placé au dixième rang
des maladies les plus invalidantes selon l’OMS [80]. Fluvoxamine
Le traitement des TOC repose sur deux straté- La fluvoxamine a montré son efficacité contre
gies utilisées seules ou en association : les thérapies placebo dans le TOC dans une étude randomisée
comportementales et cognitives (TCC) et les antidé- en double aveugle portant sur 253 sujets [49]. Une
presseurs au long cours, essentiellement les produits amélioration significative sur les scores de l’échelle
ayant des effets sérotoninergiques. Ceux bénéficiant Y-BOCS était obtenue à 12 semaines de traitement,
d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) pour des doses allant de 100 à 300 mg/j. D’autres
en France dans cette indication sont la clomipra- études contrôlées ont confirmé l’efficacité de la flu-
mine, la fluoxétine, la paroxétine, la sertraline et la voxamine dans les TOC, et elle bénéficie également
fluvoxamine. d’une AMM chez l’enfant et l’adolescent dans cette
L’échelle de référence pour l’évaluation de la sévé- indication.
rité des TOC dans les essais thérapeutiques est la Yale-
Brown obsessive compulsive scale (Y-BOCS). Fluoxétine
Plusieurs études sont en faveur de l’efficacité de la
fluoxétine dans les TOC, à court et long termes [39].
La comparaison de la fluoxétine à la clomipramine a
Efficacité des antidépresseurs montré une efficacité similaire, mais avec une meil-
dans les TOC leure tolérance pour la fluoxétine. La tolérance de la
fluoxétine est jugée bonne, les effets secondaires rap-
Imipraminiques dans les TOC portés étant essentiellement à type d’insomnie, de
céphalées et de troubles de la libido. Les experts inter-
La clomipramine est l’antidépresseur tricyclique le
nationaux recommandent une posologie optimale se
mieux étudié dans cette indication. Plusieurs études
situant entre 40 et 60 mg/j, pour une durée minimale
contrôlées randomisées en double aveugle ont mon-
de traitement de 1 à 2 ans. L’efficacité du traitement
tré son efficacité supérieure au placebo dans les TOC,
ne doit pas être réévaluée avant 8 semaines en raison
pour des doses allant jusqu’à 300 mg/j [38, 107].
du délai nécessaire à l’apparition des effets thérapeu-
Cependant, aucune étude n’a déterminé la dose mini-
tiques [39].
male efficace, ni la dose optimale de clomipramine.
Les effets secondaires anticholinergiques, cardiaques, Paroxétine
les hypotensions orthostatiques et les prises de poids L’efficacité de la paroxétine après 12 semaines de
sont communément observés et peuvent limiter l’uti- traitement a été mise en évidence de manière signi-
lisation des doses élevées surtout. D’autres antidé- ficative dans les TOC comparé au placebo, pour
presseurs imipraminiques n’ont pas démontré leur des doses allant de 40 à 60 mg/j, et la poursuite du
efficacité dans les TOC : nortriptyline [109], amitrip- traitement à 6 mois a entraîné un plus faible taux de
tyline [6], imipramine [42]. rechute [48].
Dans l’expérience des cliniciens, la clomipramine Comparé aux autres ISRS, la paroxétine est suscep-
reste l’antidépresseur de référence dans les TOC du tible d’entraîner plus d’effets anticholinergiques ainsi
fait d’une efficacité supérieure à celle des autres molé- qu’une prise de poids plus importante. Un syndrome
cules, notamment dans les formes sévères. Plusieurs de sevrage peut être observé à l’arrêt du traitement, il
essais comparant directement la clomipramine à convient ainsi d’opérer dans ce cas une décroissance
d’autres antidépresseurs inhibiteurs spécifiques de progressive des posologies.
recapture de la sérotonine (ISRS) comme la paroxé-
tine [118], la fluvoxamine [79] ou la fluoxétine [69] Sertraline
ont cependant montré une efficacité comparable et Plusieurs études comparatives randomisées en
une meilleure tolérance pour ces derniers. Certaines double aveugle ont montré l’efficacité de la sertraline
méta-analyses confirment une légère supériorité de la dans cette indication à court terme pour des posolo-
clomipramine [35]. gies de 50 à 200 mg/j [45, 57]. Par ailleurs, chez des

176
ANTIDÉPRESSEURS ET TRAITEMENT DES TROUBLES ANXIEUX

patients souffrant de TOC ayant obtenu une réponse Jenike et al. [50], qui la comparait à la fluoxétine et
après 52 semaines de traitement par sertraline, la au placebo. Cette famille d’antidépresseur ne présente
poursuite de la médication a permis de diminuer le pas d’indication dans les TOC à ce jour.
taux de rechute à 28 semaines comparativement au
groupe placebo [55]. La sertraline et la fluoxétine ont
été comparées dans une étude en double aveugle sur Modalités de prescription
une durée de 6 mois, ne mettant aucune différence
d’efficacité en évidence [14]. La prescription d’un traitement médicamenteux
La sertraline est le second antidépresseur à disposer chez un patient souffrant de TOC doit tenir compte
d’une AMM dans les TOC chez l’enfant et l’adolescent. de la gravité du trouble et du handicap induit, des
co-morbidités, de l’ancienneté du trouble et des sou-
Citalopram haits du patient. Une forme sévère et évoluant depuis
Une étude comparative randomisée en double plus de quelques semaines peut faire l’objet d’une
aveugle a montré l’efficacité du citalopram (20 à prescription, même si des alternatives existent (TCC).
60 mg) contre placebo dans les TOC [77], cependant Une forme très sévère, avec un retentissement majeur
cette molécule ne dispose pas de l’AMM en France. (incapacité à travailler par exemple), évoluant depuis
plusieurs mois, associée à un trouble dépressif, et résis-
Escitalopram
tant à la psychothérapie, impose systématiquement le
L’efficacité clinique de l’escitalopram dans les TOC
recours à un traitement médicamenteux. Les seuls
a été étudiée récemment dans une étude réalisée sur
traitements efficaces au long cours dans les TOC sont
466 patients comparant pendant 24 semaines l’esci-
les antidépresseurs, seuls ou en association. Seules les
talopram (10-20 mg/j), la paroxétine (40 mg/j) et
molécules ayant un effet sérotoninergique (unique ou
le placebo [98]. Les résultats montrent que l’escita-
combiné à un effet noradrénergique) ont montré leur
lopram, notamment à la dose de 20 mg/j, est signi-
efficacité dans cette indication.
ficativement plus efficace que le placebo et présente
Les ISRS ayant une meilleure tolérance que les
des avantages par rapport à la paroxétine : efficacité
imipraminiques, ils sont à considérer comme trai-
plus rapide (dès 6 semaines), pourcentage plus élevé
tement de première intention chez un patient souf-
de patients répondeurs et en rémission, meilleure tolé-
frant de TOC, même sévère. Bien que tous les ISRS
rance, en particulier sexuelle. Une étude contrôlée a
semblent avoir une efficacité comparable dans les
montré l’efficacité de l’escitalopram pour la préven-
études contrôlées, il existe une grande variabilité de
tion des rechutes de TOC à 24 semaines, avec un taux
réponse d’un sujet à l’autre. Les raisons de ces spécifi-
de rechute de 52 p. 100 lors du passage sous placebo
cités de réponses restent inconnues, et aucune variable
contre seulement 23 p. 100 en cas de maintien de
démographique ni clinique ne constitue de prédicteur
l’escitalopram [41].
d’efficacité suffisant pour orienter le choix de la molé-
cule. Celui-ci doit donc tenir compte de l’acceptabi-
Venlafaxine dans les TOC lité des effets secondaires potentiels, des antécédents
de réponses aux traitements, des interactions médica-
L’efficacité de la venlafaxine (225 à 350 mg/j) menteuses ainsi que des co-morbidités du patient.
n’était pas significativement inférieure à la clomi- Il convient d’introduire le traitement progressive-
pramine (150 à 225 mg/j) dans une étude contrô- ment en titration, jusqu’à atteindre la dose recomman-
lée sur 12 semaines, avec toutefois une meilleure dée. Le délai d’action est de l’ordre de 4 à 8 semaines,
tolérance pour la venlafaxine [1]. Une étude de et l’efficacité thérapeutique maximale est générale-
12 semaines en double aveugle a montré que la ment attendue au bout de 10 à 12 semaines. Le traite-
venlafaxine (jusqu’à 300 mg/j) et la paroxétine ment peut être jugé inefficace après 8 à 12 semaines. Il
(60 mg/j) auraient une efficacité comparable [37], doit être maintenu un an au minimum afin de réduire
néanmoins elle ne dispose pas d’AMM en France le risque de rechute, mais souvent plusieurs années.
dans les TOC. Afin d’améliorer l’observance, il peut être en général
prescrit en une prise unique [12].
Une méta-analyse a montré que de hautes doses
IMAO dans les TOC
d’ISRS étaient associées à une plus grande efficacité
La phénelzine, seul IMAO à avoir été étudié dans dans le traitement des TOC, mais avec, en contrepar-
les TOC, ne s’est pas avérée efficace dans l’étude de tie, davantage d’effets secondaires [18].

177
I n d i c at i o n s e t m o da l i t é s d e p r e s c r i p t i o n

En cas d’échec ou de mauvaise tolérance d’un pre- troubles de l’humeur, abus de substance et troubles de
mier traitement ISRS, il peut être recommandé soit la personnalité.
d’en essayer un second, soit de changer de classe et Les antidépresseurs sont étudiés dans le trouble
d’avoir recours à la clomipramine, en fonction de la panique surtout depuis les années 1980, même si
gravité du trouble. Après plusieurs essais, différentes la définition du trouble, par D. Klein initialement,
stratégies de potentialisation sont proposées : associa- reposait sur une « dissection pharmacologique » de
tion d’un ISRS et de la clomipramine, adjonction de l’ancien concept de névrose d’angoisse : l’anxiété
lithium ou d’un antipsychotique [85]. généralisée répondant plutôt aux anxiolytiques et le
Les difficultés thérapeutiques sont plus importantes trouble panique plutôt aux antidépresseurs (en traite-
chez les patients souffrant de trouble bipolaire et de ment préventif des attaques de panique). Il s’agissait,
TOC co-morbide, situation relativement fréquente. à l’époque, uniquement des antidépresseurs imipra-
La prescription d’un thymorégulateur est naturelle- miniques ou des IMAO, mais de nombreuses autres
ment indispensable, mais le recours à des doses élevées molécules ont été testées ultérieurement, parmi les
d’antidépresseur, comme cela est souvent néces- ISRS ou les inhibiteurs de recapture de la sérotonine
saire dans les TOC, risque malgré tout de favoriser et de la noradrénaline (IRSNa).
des inversions de l’humeur ou l’induction de cycles
rapides. Les antidépresseurs ISRS sont à privilégier,
car les tricycliques sont plus à risque de virages de Efficacité des antidépresseurs
l’humeur. dans le trouble panique
Enfin, l’association d’une TCC et d’un traitement
antidépresseur est habituelle dans les TOC sévères, ISRS dans le trouble panique
même si la démonstration de son intérêt, par rapport
Paroxétine
à l’une des deux stratégies utilisée seule, n’est pas faite
Dans plusieurs études, la paroxétine a fait la
dans les formes de sévérité moyenne. Il est habituel de
preuve de son efficacité à court terme (12 semaines)
constater une meilleure prévention des rechutes à l’ar-
[84, 60, 96] et à long terme (1 an) [61] dans le
rêt des traitements antidépresseurs lorsqu’une TCC a
trouble panique. Une étude contrôlée sur une période
été suivie auparavant.
de 10 semaines a comparé au placebo trois doses fixes
de paroxétine (10, 20 et 40 mg/j) : seule la dose de
40 mg/j s’est montrée efficace [10], ce qui semble cor-
T rouble panique respondre à la posologie optimale d’après une revue
de la littérature portant sur quatre études compara-
tives randomisées [72].
Le trouble panique est caractérisé par la survenue
L’efficacité de la paroxétine et de la clomipramine
d’attaques de panique récurrentes et inattendues, qui
dans le trouble panique semble comparable, mais la
s’accompagnent pendant au moins un mois d’une
première est mieux tolérée [60].
anxiété anticipatoire et de préoccupations persistantes
sur les conséquences de celles-ci. Un réaménagement Citalopram
des conduites peut survenir, souvent sur un mode Dans plusieurs études, le citalopram a montré une
d’évitement agoraphobique. L’agoraphobie corres- efficacité significative dans le trouble panique à court
pond à la crainte de se retrouver dans des lieux ou des terme (8 à 10 semaines) [116] ainsi qu’à long terme
situations dans lesquels il serait difficile de s’échap- (1 an) [63]. La posologie efficace de citalopram se
per et de se faire secourir ni nécessaire. L’attaque de situerait entre 20 à 30 mg/j [116].
panique se définit comme une période limitée d’an-
xiété ou de malaise très intense, atteignant rapidement Escitalopram
son acmé en quelques minutes et se manifestant par Une étude randomisée en double aveugle portant
une sensation angoissante de perte de contrôle, avec un sur 366 sujets souffrant de trouble panique avec ou
emballement de symptômes physiques, notamment. sans agoraphobie a comparé l’escitalopram (20 à
Il s’agit d’une affection fréquente dans la popula- 40 mg/j), le citalopram et le placebo sur une durée
tion générale, avec une prévalence de 3 p. 100 sur la de 10 semaines. Le groupe ayant reçu l’escitalopram
vie entière [62]. La présentation clinique est souvent a connu une réduction significative du nombre d’at-
polymorphe, avec fréquemment d’autres troubles taques de panique, mais aussi une amélioration sur
psychiatriques co-morbides : autres troubles anxieux, d’autres dimensions comme l’anxiété anticipatoire et

178
ANTIDÉPRESSEURS ET TRAITEMENT DES TROUBLES ANXIEUX

les évitements agoraphobiques. La tolérance de l’esci- Tricycliques dans le trouble panique


talopram était comparable à celle du placebo [97].
La clomipramine est le seul antidépresseur tri-
Sertraline cyclique bénéficiant d’une AMM pour le trouble
Les résultats de plusieurs études contrôlées sont panique. En effet, une étude en double aveugle
en faveur d’une efficacité de la sertraline dans le contrôlée versus placebo portant sur 180 sujets
trouble panique après 10 à 12 semaines de traitement souffrant de trouble panique avec ou sans agora-
[68, 88]. Cette efficacité sur les attaques de panique phobie a montré une efficacité de la molécule pour
et l’anxiété était comparable pour des posologies des doses plus faibles que dans l’épisode dépressif
allant de 50 à 200 mg/j, ne mettant pas en évidence (moins de 150 mg/j) sur une période de 8 semaines
d’effet dose-réponse [68]. Le traitement à long terme [23]. Plusieurs études sont par ailleurs en faveur de
(80 semaines) permettrait de prévenir les rechutes l’efficacité d’autres antidépresseurs tricycliques dans le
tout en étant bien toléré [90]. trouble panique : l’imipramine (150 à 300 mg/j) [21],
La sertraline s’est avérée aussi efficace que la paroxé- la désipramine [71] et la nortriptyline [81].
tine à court terme dans le trouble panique [11].
IMAO dans le trouble panique
Autres molécules
Dans une étude randomisée contre placebo portant Le seul antidépresseur IMAO non réversible dis-
sur 243 sujets, la fluoxétine à la posologie de 20 mg/j ponible en France, l’iproniazide, n’a pas fait l’objet
semble montrer une efficacité globale dans le trouble d’essais thérapeutiques dans le trouble panique. Il
panique, mais elle ne bénéficie pas d’AMM pour cette existe en revanche des données encourageantes sur
indication [76]. Certaines études se sont en effet avé- l’intérêt du moclobémide, IMAO sélectif et réversible,
rées être négatives, et l’utilisation pratique de la fluoxé- à des doses de 400 à 450 mg/j) [110, 8]. De même, la
tine est délicate dans le trouble panique, du fait d’une brofaromine, de la même famille, s’est montrée plus
exacerbation peut-être plus fréquente des attaques de efficace que le placebo dans une étude comparative
panique en début de traitement. Ce phénomène, plus randomisée [114]. Elle ne s’est pas révélée significa-
fréquent qu’avec les autres ISRS et qui nécessite une tivement différente, en termes d’efficacité, de la flu-
augmentation très progressive des doses, peut s’expli- voxamine [113] et de la clomipramine [110]. Aucun
quer par un effet moins sédatif de la fluoxétine. de ces deux antidépresseurs n’est indiqué dans le
Enfin, la fluvoxamine serait efficace à court terme trouble panique en France.
dans le trouble panique selon plusieurs études [7],
mais elle ne dispose pas d’AMM en France dans cette Autres antidépresseurs
indication.
Les antidépresseurs appartenant à d’autres familles
(mirtazapine, miansérine, bupropion, tianeptine, etc.)
IRSNa dans le trouble panique n’ont pas fait l’objet d’essais thérapeutiques contrôlés
dans le trouble panique. Il faut noter, en revanche,
Dans deux études multicentriques randomisées en l’existence d’une étude comparative ancienne de la
double aveugle, la venlafaxine (25 à 225 mg/j) a été maprotiline et de la fluvoxamine, montrant l’absence
significativement plus efficace que le placebo à court d’efficacité du premier produit [36]. Les auteurs
terme (10 à 12 semaines) chez des patients non dépri- avaient conclu, à l’époque, au rôle déterminant
més souffrant de trouble panique [22, 87]. La ven- des effets sérotoninergiques dans le traitement du
lafaxine s’est avérée aussi efficace que la paroxétine trouble panique, la maprotiline n’ayant que des effets
(40 mg/j), mais mieux tolérée en étant moins sédative. noradrénergiques.
Cette efficacité dans le trouble panique se main-
tiendrait à long terme : chez des patients répondeurs
après 12 semaines de traitement par venlafaxine (25 Modalités de prescription
à 225 mg/j), la poursuite du traitement pendant
26 semaines a permis une diminution du taux de Le traitement médicamenteux préventif du trouble
rechute comparé au groupe placebo [40]. panique est indiqué dans les formes sévères, notam-
En dehors d’études de cas ou d’études en ouvert, on ment lorsque les attaques de panique sont fréquentes,
ne dispose actuellement d’aucune donnée concernant intenses ou qu’elles perturbent notablement la vie
l’efficacité de la duloxétine dans le trouble panique. quotidienne (anxiété anticipatoire, agoraphobie

179
I n d i c at i o n s e t m o da l i t é s d e p r e s c r i p t i o n

secondaire, survenue lors d’activités importantes). parfois nécessaires (quarts de comprimés ou solutions
Seuls les antidépresseurs permettent de traiter effica- buvables), mais ces situations d’hypersensibilité per-
cement ces troubles. Ils sont d’autant plus indiqués mettent rarement d’obtenir ensuite une dose efficace
qu’un état dépressif est associé au trouble panique, car les effets secondaires sont souvent dose-dépendants.
situation fréquente. Le schéma d’efficacité des anti- Les benzodiazépines ne sont pas indiquées dans
dépresseurs est en général du même type que dans la le traitement préventif du trouble panique. Elles
dépression, avec un délai de réponse variant entre 2 et peuvent parfois être prescrites en début de traitement,
6 semaines en moyenne. à la demande en cas de crise d’angoisse ou de manière
Du fait de leur profil de tolérance favorable, les continue, soit pour apaiser les effets secondaires ini-
ISRS (escitalopram, citalopram, paroxétine) et la ven- tiaux des antidépresseurs, soit pour soulager le patient
lafaxine constituent des choix possibles en première d’une partie de son anxiété dans l’attente de l’effica-
intention. La clomipramine peut également être pres- cité du traitement principal. Il faut cependant être très
crite mais, en général, après plusieurs échecs d’antidé- vigilant et prévenir le patient des risques de dépen-
presseurs ISRS ou ISRNa. dance très élevés dans ce contexte (attachement rapide
L’efficacité de ces différents antidépresseurs semble du fait du soulagement subjectif immédiat) et de la
comparable dans le trouble panique, et aucune étude nécessité d’arrêter le traitement après quelques jours
ne permet de recommander une molécule plutôt ou quelques semaines au maximum.
qu’une autre. Le choix de la molécule pour un patient La dose optimale est ensuite atteinte en 2 ou
donné peut tenir compte des antécédents de réponse 3 semaines en moyenne, et il faut alors attendre 2 à
préalable, des effets secondaires potentiels, du poten- 4 semaines supplémentaires pour évaluer les résultats
tiel d’interaction médicamenteuse et des co-morbidi- thérapeutiques. L’évaluation de l’amélioration doit
tés générales et psychiatriques. porter sur la fréquence et l’intensité des attaques de
Au plan pratique, un élément essentiel est l’intro- panique, le niveau d’anxiété anticipatoire, le degré de
duction très progressive des antidépresseurs. En rai- conduites d’évitement et d’agoraphobie ainsi que les
son probablement d’une sensibilité particulière de différents retentissements sur la vie quotidienne. Le but
ces patients à certains effets sérotoninergiques, il n’est en effet pas seulement de supprimer les attaques
existe en effet un risque d’aggravation des attaques de de panique, mais aussi de rendre au patient son auto-
panique en début de traitement, mais aussi de beau- nomie, ce qui nécessite souvent l’adjonction d’une aide
coup d’autres réactions négatives : troubles digestifs psychothérapeutique, sous forme de TCC notamment.
(nausées, diarrhée), sédation, insomnie, douleurs et Il est aussi très important de ne pas négliger la persis-
autres troubles sensoriels, etc. Le syndrome jiteriness tance d’attaques de panique partielle ou paucisympto-
(nervosité, voire agitation, stimulation excessive) peut matiques (ne s’exprimant que par un ou deux signes
survenir dans ce contexte, proche d’un tableau de somatiques, par exemple), dont il a été montré qu’elles
syndrome sérotoninergique. Même si cela n’a pas été prédisaient les risques de rechute. Leur présence peut
étudié de manière précise, il est classique d’observer ce justifier une intensification du traitement, voire un
type de manifestations chez les patients présentant un changement de molécule ou de stratégie thérapeutique.
trouble panique sévère, mais d’autant plus en cas de En cas de réponse insuffisante, la posologie peut
traits hypocondriaques voire histrioniques associés, et être augmentée jusqu’à environ le double de la dose
en cas de « pharmacophobie » (crainte, voire réticence moyenne (40 mg/j de paroxétine, 150 à 225 mg/j de
extrême à la prise de médicaments). venlafaxine, 30 à 40 mg/j d’escitalopram). Au-delà de
Pour ces raisons, et surtout pour éviter un arrêt ces posologies, le risque d’intolérance est plus impor-
intempestif du traitement en cas d’effets secondaires, il tant que le bénéfice thérapeutique à en attendre.
est essentiel de prévenir le patient des symptômes qui Une stabilisation clinique peut être obtenue en
peuvent survenir et des moyens possibles pour y faire général en 8 à 12 semaines [82]. Il est cependant très
face : baisser temporairement la posologie ou espacer important de poursuivre ensuite le traitement pendant
les prises, prendre un antinauséeux, voire un anxioly- plusieurs mois afin d’éviter les risques de rechute [58].
tique, etc. Il est important que le médecin propose une Deux facteurs limitant à un usage chronique doivent
solution pour un contact ou une consultation rapide être connus et surveillés, comme dans la dépression,
en cas de besoin. En ce qui concerne les posologies, la afin de prévenir les risques de mauvaise observance :
dose initiale doit correspondre à la dose la plus faible les prises de poids et les effets sexuels.
disponible, par exemple 10 mg de paroxétine ou 5 mg Il n’existe pas de recommandations claires sur la
d’escitalopram. Des doses encore inférieures sont durée optimale de traitement, en l’absence d’études

180
ANTIDÉPRESSEURS ET TRAITEMENT DES TROUBLES ANXIEUX

systématiques à long terme. On peut cependant pro- dépendance de substance. Le TAG peut avoir un
poser les repères suivants, à adapter au cas par cas : retentissement socioprofessionnel important et entraî-
–– trouble panique apparu récemment (moins de ner une altération significative de la qualité de vie.
6 mois), et d’intensité moyenne : essai de réduction L’outil le plus utilisé pour évaluer l’efficacité du trai-
en vue d’un arrêt après 6 mois de rémission complète ; tement tant sur le plan des signes physiques que des
–– trouble panique datant de plusieurs années ou signes psychique est l’échelle d’anxiété de Hamilton
d’intensité sévère : essai de réduction en vue d’un arrêt (HAM-A).
après 12 à 18 mois de rémission ;
–– trouble panique sans rémission complète, ou avec
rechute systématique lors des diminutions ou arrêt du Efficacité des antidépresseurs
traitement : prolongation pendant plusieurs années. dans le trouble anxieux généralisé
En cas de non-réponse ou d’amélioration insuf-
fisante, il est justifié de changer d’antidépresseur et ISRS dans le TAG
éventuellement de mécanisme d’action (ISRS, puis
Paroxétine
IRSNa, puis clomipramine). L’intérêt de l’associa-
Une méta-analyse Cochrane a établi l’efficacité de
tion à une TCC n’a pas été formellement démontré
la paroxétine par rapport au placebo [51]. Dans deux
pour tous les patients souffrant de trouble panique, études comparatives randomisées en double aveugle
mais l’expérience clinique montre l’intérêt de ces portant sur des sujets souffrant de TAG sans co-mor-
associations dans les formes sévères ou résistantes. bidité associée, la paroxétine a permis une diminution
En dehors de ces approches, il n’existe pas de stra- significative à 8 semaines du score HAM-A comparé
tégie de potentialisation clairement validée en cas au placebo, pour des posologies allant de 20 à 50 mg
d’échec des antidépresseurs dans le traitement du [89, 93]. Dans l’une des deux études, la posologie de
trouble panique. 20 mg/j s’est avérée aussi efficace que la posologie de
40 mg/j [93].
L’efficacité de la paroxétine (20 mg/j) semble com-
T rouble anxieux généralisé parable celle de l’imipramine (75 ± 16 mg/j) dans le
TAG à court terme (8 semaines) [94]. Cette efficacité
dans le TAG semblerait se maintenir à long terme :
Le trouble anxieux généralisé (TAG) est caractérisé dans une première étude, chez des patients répon-
par une anxiété et des inquiétudes disproportionnées, deurs après 8 semaines de traitement par paroxétine
envahissantes et incontrôlables, pendant au moins (20 à 50 mg/j), la poursuite du traitement est asso-
6 mois, accompagnées des signes de tension physiques ciée à un plus faible risque de rechute et à un taux
(tension musculaire, troubles du sommeil, douleurs) de rémission deux fois plus élevé comparé au groupe
et psychiques (trouble de la concentration, fatigabi- placebo [107]. Dans une seconde étude, un traite-
lité par excès de vigilance, irritabilité). Les domaines ment par paroxétine (20 à 50 mg/j) sur une durée
les plus souvent concernés par les inquiétudes sont la de 24 semaines diminue significativement les scores
santé, le travail, les risques d’accident, les problèmes HAM-A comparativement au groupe placebo [15].
familiaux ou relationnels.
La prévalence du TAG sur la vie entière est plus élevée Escitalopram
chez la femme (7 p. 100) que chez l’homme (4,8 p. 100) Plusieurs essais ont montré l’efficacité de l’escitalo-
[62]. Son apparition est en général progressive, dans la pram (10 à 20 mg/j) dans le TAG pour des traitements
majorité des cas entre 35 et 45 ans, mais le plus souvent d’attaque sur 8 semaines [44]. Les cinq effets indési-
chez des sujets signalant un « tempérament anxieux » rables signalés chez plus de 5 p. 100 des patients et au
préalable [58]. L’évolution est chronique sur des années, moins deux fois plus que sous placebo étaient les nau-
mais souvent fluctuante avec des phases d’aggravation sées, les troubles de l’éjaculation, l’insomnie, la fatigue et
de quelques jours à quelques semaines. Le TAG est le l’anorgasmie [44]. En termes d’efficacité à court terme
trouble anxieux le plus fréquent chez le sujet âgé. (8 semaines), l’escitalopram (10 à 20 mg/j) ne s’est pas
Le risque de complications et de co-morbidités révélé significativement différent de la venlafaxine (75
est important : chez les patients souffrant de TAG, à 225 mg/j), mais semble être aussi bien toléré que le
une autre affection psychiatrique est observée dans placebo contrairement à la venlafaxine [19].
90 p. 100 des cas [58], principalement une dépres- Chez des patients répondeurs après 8 semaines de
sion, mais aussi d’autres troubles anxieux ou un abus/ traitement chez qui l’escitalopram était poursuivi

181
I n d i c at i o n s e t m o da l i t é s d e p r e s c r i p t i o n

pendant 24 semaines à dose flexible (10 à 20 mg/j), différente de la venlafaxine (75 à 225 mg/j) dans le
l’amélioration s’est maintenue dans le temps et a traitement du TAG [5].
même continué à s’accentuer, avec un score final à Il faut noter que la duloxétine fait l’objet d’une
l’échelle d’Hamilton diminué d’environ cinq points AMM en France dans le TAG, mais n’est pas rem-
en moyenne [28]. Une autre étude sur 24 semaines boursée dans cette indication.
a aussi montré une stabilité durable de l’amélioration
obtenue sous escitalopram 10-20 mg/j sur le TAG, Imipraminiques
avec une efficacité comparable à celle de la paroxétine
(20-50 mg/j) et un profil de tolérance similaire ou Une méta-analyse Cochrane a établi l’efficacité
meilleur sur plusieurs dimensions [15]. de l’imipramine contre placebo [51], mais elle n’est
Dans une étude contrôlée de prévention des rechutes cependant pas indiquée dans le TAG en France sur la
sur une période allant jusqu’à 76 semaines chez des base de l’AMM.
patients initialement répondeurs à 12 semaines de
traitement, le délai de rechute dans le groupe l’escita-
lopram (20 mg/j) était significativement plus long par
Modalités de prescription
rapport au groupe placebo [3].
Le traitement du TAG nécessite une évaluation assez
Sertraline fine du diagnostic et de la personnalité du patient,
La sertraline (50 à 150 mg/j) serait efficace à et différentes stratégies thérapeutiques peuvent être
12 semaines comparée au placebo dans le TAG [2], envisagées. S’agissant d’un trouble souvent chronique
mais elle ne dispose pas d’AMM dans cette indication. et relativement sensible aux éléments de l’environ-
nement (stress, liens sociaux, événements, etc.), une
approche psychologique est toujours indispensable.
IRSNa Celle-ci comporte des éléments de psycho-éduca-
Venlafaxine tion : comment limiter les stress, les gérer, réduire
Une méta-analyse Cochrane a établi l’efficacité les toxiques (alcool, tabac, caféine, etc.), réguler ses
de la venlafaxine comparativement au placebo [51]. émotions et son sommeil, etc. Dans certains cas, des
Cette efficacité à des posologies de 75 à 225 mg/j a psychothérapies structurées peuvent être la meilleure
été mise en évidence à court (8 semaines) [30, 92] et à solution, notamment les TCC, du fait d’un effet à
long terme (24 semaines) [43], chez des patients souf- long terme probable et pour limiter les effets secon-
frant de TAG sans co-morbidité. La venlafaxine aurait daires des médicaments. Ceux-ci s’avèrent cependant
un effet positif à court (8 semaines) et à long terme nécessaire en cas de TAG sévère et résistant, altérant
(24 semaines) sur la dimension du fonctionnement notablement la qualité de vie ou l’adaptation sociale
social chez les patients souffrant de TAG [20]. des patients. Il existe alors deux stratégies différentes
et complémentaires : les benzodiazépines, à pres-
Duloxétine crire uniquement sur des durées brèves, et donc dans
Dans une étude comparative randomisée multi- des phases aiguës de la maladie (quelques jours ou
centrique, la duloxétine (60 à 120 mg/j) a permis quelques semaines au maximum, du fait des risques
une diminution significative des scores de l’échelle de dépendance), et les antidépresseurs, qui peuvent
HAM-A comparée au groupe placebo chez des patients contrôler le trouble à long terme.
souffrant de TAG après 9 semaines de traitement, Compte tenu de l’équivalence globale d’effica-
avec un effet aussi bien sur les symptômes psychiques cité des traitements antidépresseurs dans le TAG, le
que physiques [54]. Cette efficacité semble se confir- choix de la molécule peut tenir de facteurs individuels
mer après 26 semaines de traitement et permettrait (antécédents de sensibilité aux effets secondaires et de
de diminuer le risque de rechute à long terme [33]. réponse thérapeutique) et se porter sur les ISRS indi-
Les effets secondaires les plus souvent décrits sont les qués (paroxétine, escitalopram) ou sur la venlafaxine.
nausées, les sensations vertigineuses et la somnolence. Le traitement est instauré de manière progressive,
Une analyse poolée de trois études comparatives ran- en informant le patient de la possibilité d’une recru-
domisées en double aveugle est en faveur d’une effica- descence anxieuse (même si ce phénomène s’observe
cité chez les sujets de plus de 65 ans [24]. Dans une plus dans le trouble panique que dans le TAG), d’agi-
étude comparative de non-infériorité, la duloxétine tation ou de trouble du sommeil les premiers jours,
(60 à 120 mg/j) ne s’est pas révélée significativement avant d’observer les premiers effets anxiolytiques

182
ANTIDÉPRESSEURS ET TRAITEMENT DES TROUBLES ANXIEUX

à partir de la première semaine ou plus. Il doit être ponctuelles de bêtabloquants, qui n’ont en revanche
poursuivi au moins 12 semaines avant de conclure à pas d’efficacité en prises régulières.
une inefficacité. Chez les patients de moins de 30 ans, L’évaluation d’un effet thérapeutique dans la pho-
il est recommandé d’accentuer la surveillance du bie sociale s’appuie sur l’échelle d’anxiété sociale de
risque d’idées suicidaires. Le traitement sera est au Liebowitz (LSAS), qui explore le niveau d’anxiété
minimum un an après la rémission du fait du risque et d’évitement du sujet dans vingt-quatre situations
élevé de rechute à l’arrêt [82], et un essai de réduc- sociales différentes.
tion progressive des doses puis d’arrêt pourra ensuite Jusqu’au développement de l’usage des antidépres-
être réalisé de manière pragmatique. Un traitement seurs ISRS dans l’anxiété, les seuls à avoir été étudiés
par séquences de quelques mois, dans les phases d’ac- et validés dans les phobies sociales étaient des IMAO,
centuation du trouble, peut s’envisager, un peu sur notamment la phénelzine. À partir de la fin des années
le même modèle que le traitement des dépressions 1990, différentes études ont montré l’intérêt d’ISRS
récurrentes. Une attention particulière doit être por- comme la paroxétine, puis d’IRSNa comme la ven-
tée aux effets secondaires susceptibles de persister à lafaxine, ce qui a réduit l’intérêt porté aux IMAO. Il
long terme et de réduire l’observance du traitement, à n’existe pas de données positives concernant les imi-
savoir les prises de poids et les effets sexuels. praminiques dans cette indication.

ISRS dans les phobies sociales


P hobies sociales
Paroxétine dans les phobies sociales
Les phobies sociales sont les seuls troubles pho- L’efficacité de la paroxétine dans la phobie sociale
biques à faire l’objet d’indications de traitements généralisée a été établie comparativement au placebo
médicamenteux, en particulier par antidépresseurs. à court terme (12 semaines), dans deux études mul-
L’agoraphobie ne constitue en effet pas une cible ticentriques randomisées en double aveugle à des
thérapeutique, contrairement au trouble panique, de posologies allant de 20 à 50 mg/j [67, 105]. Une
même que les phobies spécifiques. étude analysant trois essais comparant la paroxétine
Les phobies sociales regroupent des troubles au placebo suggère que le meilleur facteur prédictif
anxieux chroniques définis par une peur marquée et de réponse est une durée de traitement supérieure à
persistante du regard d’autrui, associée à la crainte 8 semaines [102].
d’être jugé ou évalué de façon négative dans des Le maintien de l’efficacité de la paroxétine sur
situations sociales ou de performance. Comme pour 24 semaines a été démontré versus placebo chez des
toutes les phobies, ces craintes s’accompagnent de patients initialement répondeurs à 12 semaines de
réactions d’anxiété intense lors des confrontations traitement. Le taux de rechute était significativement
aux situations redoutées et sont souvent à l’origine de plus bas dans le groupe paroxétine [103].
conduites d’évitement, complètes ou partielles. On La paroxétine (10 à 50 mg/j) semblerait avoir une
distingue deux types de phobies sociales : efficacité à 16 semaines chez les enfants et adolescents,
–– une forme généralisée, qui correspond aux patients de 8 à 17 ans, dont la phobie sociale est le principal
ayant peur de la majorité des situations sociales ; diagnostic psychiatrique [117], mais cette indication
–– une forme non généralisée, que l’on pourrait n’est pas reconnue en France par l’AMM.
appeler aussi « focalisée », dans laquelle le sujet redoute
un nombre limité de situations sociales, par exemple
uniquement la peur de parler en public, de s’adresser
Escitalopram
à des inconnus ou encore d’être observé en écrivant ou Une étude portant sur 839 patients souffrant de
en mangeant dans un lieu public par exemple. phobie sociale généralisée a comparé l’efficacité et
La prévalence de la phobie sociale est élevée dans la tolérance de trois doses d’escitalopram (5, 10 et
la population générale, entre 4 et 5 p. 100 [62], mais 20 mg/j) au placebo et à la paroxétine (20 mg/j) à
seules les formes généralisées et sévères peuvent faire court (12 semaines) et à long terme (24 semaines) :
l’objet de traitements antidépresseurs, du fait de leur les trois doses d’escitalopram ainsi que la paroxétine
retentissement fonctionnel et sur la qualité de vie. ont prouvé leur efficacité. La différence par rapport
Les formes focalisées, notamment l’anxiété de per- au placebo apparaît entre la deuxième ou la quatrième
formance en public, peuvent relever de prescriptions semaine selon la dose d’escitalopram. L’escitalopram

183
I n d i c at i o n s e t m o da l i t é s d e p r e s c r i p t i o n

(20 mg/j) a par ailleurs montré sa supériorité par rap- IMAO dans les phobies sociales
port à la paroxétine (20 mg/j) à la vingt-quatrième
semaine d’après les scores de l’échelle de Liebowitz L’iproniazide n’a pas été étudié dans la phobie
[59]. Cette efficacité serait similaire chez les hommes sociale. La phénelzine, IMAO non sélectif de réfé-
et les femmes, les sujets âgés ou jeunes, chez ceux pré- rence, mais non commercialisé en France, a prouvé
sentant des symptômes dépressifs ou non et quelles son efficacité contre placebo dans cette indica-
que soient la sévérité, la nature et la chronicité de la tion [47] et a montré sa supériorité par rapport aux
phobie sociale [101]. Les effets indésirables signalés bêtabloquants (aténolol) [66]. Une étude récente a
sous escitalopram seraient proches de ceux signalés montré que l’association de la phénelzine à une théra-
sous placebo, avec des fréquences un peu plus élevées pie comportementale de groupe permettait d’obtenir
concernant les nausées et la fatigue [52]. un effet thérapeutique plus large que les deux traite-
Le maintien de l’efficacité de l’escitalopram (10 à ments suivis isolément [16].
20 mg/j) à 24 semaines a été démontré contre pla- Les études évaluant le moclobémide (IMAO-A
cebo chez des patients initialement répondeurs : le sélectif et réversible) conduisent à des résultats
délai de rechute était significativement plus long variables. Deux études sont positives à court et long
dans le groupe escitalopram par rapport au groupe termes pour des posologies allant de 300 à 600 mg/j
placebo [78]. [115, 99], alors qu’une autre est négative à court
terme pour 900 mg/j [83]. Le moclobémide ne béné-
ficie pas d’AMM en France pour la phobie sociale. La
Autres ISRS dans les phobies sociales brofaromine, de la même famille, semblerait efficace
La fluvoxamine a montré son efficacité à court terme dans la phobie sociale, mais n’est pas commercialisé
(12 semaines) contre placebo dans la phobie sociale en France [70].
généralisée pour des posologies de 100 à 300 mg/j
[27, 104]. Elle ne bénéficie cependant pas d’AAM en
France pour cette indication. C’est le cas également Modalités de prescription
de la sertraline, pour laquelle deux études randomi-
sées comparatives en double aveugle sont en faveur de Un traitement antidépresseur au long cours peut se
l’efficacité sur 12 à 20 semaines de traitement, à des justifier dans les formes généralisées de phobie sociale,
posologies s’échelonnant de 50 à 200 mg/j [64, 112]. en cas de retentissement important dans la vie sociale,
Enfin, les études évaluant la fluoxétine conduisent à personnelle ou professionnelle, ou de souffrance
des résultats variables : une étude en double aveugle significative (niveau d’anxiété quotidien, attaques de
portant sur 60 patients n’a pas mis en évidence de panique, complications dépressives). Le recours à une
supériorité de la fluoxétine (20 à 60 mg/j) par rap- TCC s’avère toujours essentiel, quand cela est pos-
port au placebo [53], alors qu’un autre essai serait en sible, mais les indications respectives des deux straté-
faveur d’une efficacité partielle de posologies variant gies thérapeutiques ne sont pas encore bien définies.
entre 10 à 60 mg/j, malgré une symptomatologie rési- Dans les formes très sévères ou résistantes, l’associa-
duelle [34]. tion d’une TCC et d’un antidépresseur est justifiée.
Les trois antidépresseurs disposant d’une AMM
dans la phobie sociale sont la paroxétine, l’escitalo-
IRSNa dans les phobies sociales pram et la venlafaxine. Ils peuvent tous les trois êtres
choisis en première intention, d’abord aux posologies
La venlafaxine (75 à 225 mg/j) est le seul IRSNa à usuelles dans la dépression. L’amélioration sympto-
avoir montré une supériorité par rapport au placebo matique peut survenir au cours du premier mois, mais
dans la phobie sociale à court terme (12 semaines) [4]. elle peut apparaître plus lentement, l’évaluation des
Son efficacité et sa tolérance semblent comparables à effets étant délicate tant que les situations redoutées
celles de la paroxétine. Cependant, l’effet clinique n’ont pas été réellement rencontrées dans la vie quo-
semble débuter plus précocement avec la venlafaxine tidienne. On considère qu’une durée de 12 semaines
(1 semaine) qu’avec la paroxétine (3 semaines) [4, peut être nécessaire pour juger de l’efficacité du traite-
65]. La venlafaxine aurait une efficacité à long terme, ment. La posologie peut cependant être augmentée, si
sur 28 semaines, aussi bien pour de faibles doses (75 à besoin, avant ce délai. Bien que les données de la litté-
150 mg/j) que pour des doses élevées (150 à 225 mg/j) rature concernant la durée de traitement soient limi-
dans la phobie sociale généralisée [106]. tées, il est recommandé de poursuivre le traitement au

184
ANTIDÉPRESSEURS ET TRAITEMENT DES TROUBLES ANXIEUX

moins 6 à 12 mois après l’obtention d’une rémission. contrôlées à court terme (14 semaines ou moins), est
Un traitement à plus long terme peut être justifié du en faveur d’une efficacité des ISRS sur la symptoma-
fait du risque de rechute à l’arrêt du traitement, sur- tologie typique de l’ESPT (syndrome de répétition)
tout en l’absence de psychothérapie concomitante. et sur les symptômes associés. Elle signale cependant
Comme dans les autres troubles anxieux, une surveil- que de nombreux éléments demandent encore à être
lance particulière doit être effectuée pour identifier un précisés.
risque de virage de l’humeur, ou d’effets secondaires
durables risquant de compromettre la bonne obser-
vance (prise de poids, effets sexuels, sédation). ISRS dans l’ESPT
Paroxétine
Deux études contrôlées contre placebo sont en
É tat de stress post - traumatique faveur de l’efficacité de la paroxétine dans l’ESPT
à court terme (12 semaines). Dans la première,
551 patients ont été randomisés en trois groupes à
L’état de stress post-traumatique (ESPT) est un doses fixes : paroxétine 20 mg/j, paroxétine 40 mg/j
trouble anxieux chronique résultant directement de et placebo [74]. Les deux groupes paroxétine ont
la confrontation à un ou plusieurs événements vio- connu une amélioration significative sur les trois
lents et soudains, menaçant directement la vie du dimensions symptomatiques de l’ESPT (reviviscence,
sujet ou son intégrité corporelle ou celles de per- conduite d’évitement, hypervigilance). La réponse au
sonnes présentes à proximité du sujet. Il peut s’agir traitement ne semble pas être influencée par le type
de catastrophes naturelles, d’explosions, d’agressions et l’ancienneté du traumatisme ni par la sévérité de
physiques ou sexuelles ou encore d’accidents de la l’ESPT et des symptômes dépressifs. Les résultats de
route. Le tableau typique comporte trois composantes la seconde étude tendent vers une efficacité similaire
symptomatiques qui doivent persister plus d’un mois à 12 semaines de la paroxétine à doses flexibles (20 à
pour constituer le diagnostic : 50 mg/j) dans l’ESPT [111]. Cependant, son effica-
–– un syndrome dit de « répétition » de l’événement cité à long terme à ce jour est encore mal étayée.
traumatisant (reviviscences, cauchemars, souvenirs
envahissants, flash-back) ; Sertraline
–– des évitements de type phobique, c’est-à-dire L’efficacité de la sertraline dans l’ESPT a été établie à
des efforts pour éviter les pensées ou les situations court terme (12 semaines) dans une étude randomisée
associées au traumatisme, une incapacité à se sou- en double aveugle portant sur 208 patients [31]. Une
venir d’un aspect du traumatisme, un sentiment de amélioration a été mise en évidence chez 60 p. 100 des
détachement) ; patients du groupe sertraline (50 à 200 mg/j), contre
–– une activation neurovégétative excessive et 38 p. 100 dans le groupe placebo. La poursuite du trai-
presque permanente, avec hypervigilance, réactions tement chez des patients initialement répondeurs per-
de sursaut exagérées, trouble du sommeil, irritabilité. mettrait de diminuer le taux de rechute à 28 semaines.
L’ESPT peut être à l’origine d’une souffrance et
d’un retentissement fonctionnel très important et Fluoxétine
peut se compliquer de deux types de troubles psy- La fluoxétine, à la dose moyenne de 57 mg/j, a
chiatriques : les addictions et la dépression. La CAPS montré son efficacité à court terme (12 semaines)
(clinician-administered PTSD scale) est l’échelle d’éva- dans l’ESPT dans une étude portant chez 301 patients
luation la plus couramment utilisée dans les essais thé- exposés à des traumatismes de guerre [75], mais une
rapeutiques sur l’ESPT. autre étude similaire s’est avérée négative. La poursuite
de la fluoxétine (10 à 60 mg/j) chez des patients souf-
frant d’ESPT améliorés après 6 mois de traitement
Efficacité des antidépresseurs diminuerait significativement le taux de rechute [29].
dans l’ESPT
La plupart des familles d’antidépresseurs ont fait
IRSNa dans l’ESPT
l’objet d’études contrôlées dans le traitement de Deux études contrôlées portant respectivement sur
l’ESPT. Globalement, la méta-analyse Cochrane 538 et 329 patients souffrant d’ESPT sont en faveur
de Stein et al. [100], fondée sur trente-cinq études de l’efficacité de la venlafaxine à des doses variant

185
I n d i c at i o n s e t m o da l i t é s d e p r e s c r i p t i o n

entre 37,5 à 300 mg/j, à court et long termes [25]. les EPST sévères du fait de l’intensité de la souffrance
Cette efficacité ne semble pas être modulée par le type psychique qu’ils génèrent et des risques de complica-
de traumatisme subis [95]. tions dépressives et addictives. Les recommandations
internationales placent les ISRS en traitement de
Imipraminiques et IMAO dans l’ESPT première ligne dans l’ESPT, pour trois raisons prin-
cipales : ils ont un effet thérapeutique sur l’ensemble
L’amitriptyline (50 à 300 mg/j) et l’imipramine de la symptomatologie (syndrome de répétition, évi-
(dose moyenne 250 mg/j) se sont révélées plus effi- tement, activation neurovégétative), ils sont égale-
caces que le placebo dans deux études randomisées ment efficaces sur les troubles souvent co-morbides
comparatives d’une durée de 8 semaines [26, 56]. La de l’ESPT (dépression, autres troubles anxieux), et ils
désipramine à faibles doses (30 à 75 mg/j) ne n’est pas ont relativement peu d’effets secondaires. Leur effica-
révélée plus efficace que le placebo [91]. cité apparaît en général entre la 2e et la 4e semaine de
La phénelzine est l’IMAO le mieux étudié dans traitement. La durée totale de traitement ne fait pas
l’ESPT. À une dose moyenne de 68 mg/j, elle sem- l’objet de recommandations consensuelles, mais doit
blerait avoir une efficacité à court terme (8 semaines) être d’environ au moins un an dans les EPST chro-
supérieure à celle à l’imipramine (dose moyenne de niques [9].
205 mg/j) chez des patients souffrant d’ESPT [56]. En France, le seul antidépresseur faisant l’objet
d’une AMM dans l’ESPT est la paroxétine.
Autres antidépresseurs
Il existe une étude en faveur de l’efficacité de la
mirtazapine (jusqu’à 45 mg/j) [32] dans l’ESPT, mais C onclusion
celle-ci ne constitue pas un niveau de preuve suffisant
pour justifier son utilisation en pratique. Le bupro- Les antidépresseurs sont aujourd’hui les médica-
pion ne s’est pas montré statiquement différent du ments de référence du traitement au long cours des
placebo dans l’ESPT [13]. troubles anxieux, alors que la place des benzodiazé-
pines se réduit à la prise en charge symptomatique
et à court terme des états anxieux aigus ou subaigus.
Modalités de prescription On dispose d’un nombre assez important de données
portant sur l’intérêt des antidépresseurs dans les cinq
À coté des psychothérapies de type TCC ou EMDR grandes catégories de troubles anxieux chroniques ;
(eyes movement desensitization and reprocessing), les il s’en dégage clairement que les ISRS et IRSNa pré-
traitements médicamenteux s’imposent souvent dans sentent le meilleur rapport bénéfices/risques dans ces

Tableau 15-I. – Antidépresseurs faisant l’objet d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) en France dans les
différents troubles anxieux.

Trouble Trouble panique Trouble anxieux Phobie sociale États de stress


obsessionnel-compulsif généralisé post-traumatique

Tricycliques
– clomipramine Oui Oui
ISRS
– paroxétine Oui Oui Oui Oui Oui
– sertraline Oui Oui Oui Oui
– escitalopram Oui
– fluvoxamine Oui Oui Oui Oui
– fluoxétine Oui
IRSNa Oui Oui Oui
– venlafaxine Oui(1)
– duloxétine
(1) Indication non remboursée.

186
ANTIDÉPRESSEURS ET TRAITEMENT DES TROUBLES ANXIEUX

indications. Mais il faut souligner le fait que les dif- 6. Ananth J, Pecknold JC, van den Steen N et al.
férentes molécules ne sont pas toutes équivalentes et Double-blind comparative study of clomipramine
qu’il faut donc se référer précisément aux informations and amitriptyline in obsessive neurosis. Prog Neuro­
psychopharmacol, 1981, 5 : 257-262.
sur l’efficacité de chaque molécule dans un diagnostic 7. Asnis GM, Hameedi FA, Goddard AW et al. Fluvo­
donné. Même si les conclusions tirées de l’analyse des xamine in the treatment of panic disorder : a multicenter,
essais thérapeutiques peut varier d’un pays à l’autre, il double-blind, placebo-controlled study in outpatients.
existe en France des règles claires qui sont celles des Psychiatry Res, 2001, 103 : 1-14.
AMM, ce qui facilite la prescription (Tableau 15-I). 8. Bakish D, Saxena BM, Bowen R, D’Souza J.
Sur cette base, des ISRS et ISRNa permettent de trai- Reversible monoamine oxidase-A inhibitors in panic
disorder. Clin Neuropharmacol, 1993, 16 (Suppl. 2) :
ter de manière satisfaisante la plupart des troubles
S77-S82.
anxieux, et seule la clomipramine peut représenter 9. Ballenger JC, Davidson JR, Lecrubier Y et al.
une alternative, notamment dans les TOC sévères et Consensus statement update on posttraumatic stress
résistant aux ISRS (voir Tableau 15-I). disorder from the international consensus group on
Malgré ces connaissances aujourd’hui assez robustes depression and anxiety. J Clin Psychiatry, 2004, 65
sur l’utilisation des antidépresseurs dans les troubles (Suppl. 1) : 55-62.
anxieux, il reste de nombreux problèmes mal résolus, 10. Ballenger JC, Wheadon DE, Steiner M et al.
Double-blind, fixed-dose, placebo-controlled study
comme le choix des posologies optimales, les critères
of paroxetine in the treatment of panic disorder. Am
prédictifs de réponse, les durées de traitement et les J Psychiatry, 1998, 155 : 36-42.
mécanismes d’action. Sur ce dernier point, il existe 11. Bandelow B, Behnke K, Lenoir S et al. Sertraline
peu de recherches spécifiques mais plusieurs hypo- versus paroxetine in the treatment of panic disorder : an
thèses peuvent être proposées, allant d’un effet glo- acute, double-blind noninferiority comparison. J Clin
bal sur l’anxiété ou sur les émotions négatives à des Psychiatry, 2004, 64 : 405-413.
effets plus spécifiques sur des phénomènes particu- 12. Bandelow B, Zohar J, Hollander E et al. World
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liers, comme par exemple les attaques de panique, guidelines for the pharmacological treatment of anxiety,
les pensées intrusives ou les anticipations anxieuses. obsessive-compulsive and post-traumatic Stress disorders-
Dans tous les cas, il apparaît aujourd’hui que le terme first revision. World J Biol Psychiatry, 2008, 9 : 248-312.
« antidépresseur », qui continuera naturellement à 13. Becker ME, Hertzberg MA, Moore SD et al. A pla-
être utilisé, n’est plus vraiment approprié au vu du cebo-controlled trial of bupropion SR in the treatment
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191
16
A ntidépresseurs et traitement
des douleurs chroniques
........
F. Coudoré et G. Hache

La douleur chronique nerveuse, que l’on peut qualifier de « dysfonction-


nelles » [11]. La présence d’atteintes de la substance
grise au niveau du cortex préfrontal et du thalamus
La douleur est définie depuis 1979 par l’Inter- serait associée aux aspects neuropathiques de la dou-
national Association for the Study of Pain (IASP) leur [1]. Nous verrons par la suite les limites de cette
comme « une impression sensorielle et émotionnelle conceptualisation [26].
désagréable, associée à une lésion tissulaire réelle
ou potentielle ou décrite en termes évoquant une
telle lésion ». Cette définition multidimensionnelle
montre que cette expérience est subjective, inté- C o - morbidité
grant à la fois des éléments sensoriels et des éléments
douleur et dépression
affectifs [51].
La douleur chronique est un concept relativement
arbitraire et fonctionnel, fondé sur la notion de durée, La co-morbidité entre pathologies anxiodépressives
sans lien étroit avec les mécanismes sous-jacents. C’est et douleur touche plus de 60 p. 100 des patients dou-
une douleur persistant de 3 à 6 mois, se présentant sous loureux et la plainte douloureuse est retrouvée chez
de multiples formes, répondant mal aux approches 75 p. 100 des patients déprimés [42]. La chronicisa-
thérapeutiques usuelles [1, 51]. La douleur chronique tion de la douleur augmente la probabilité de dépres-
est associée à un ensemble de retentissements phy- sion chez les patients [74]. Effectivement, la durée de
siques, psychologiques, familiaux et sociaux, et peut la perception d’un événement douloureux, surestimée
être considérée comme une entité en soi [12]. Quelle lors de comportements émotionnels négatifs, a été
qu’en soit la cause, la douleur chronique semble résul- montrée comme un facteur augmentant l’intensité
ter d’un état complexe d’hyper­excitabilité neuronale douloureuse [60].
mettant en jeu des processus génétiques, cognitifs et La prévalence de la dépression est donc plus élevée
émotionnels [2, 50]. La douleur chronique provien- dans les cohortes de patients souffrant de douleur
drait d’un basculement d’un syndrome bas-haut, où chronique ainsi que de douleur dans les cohortes
la douleur va de la périphérie vers le cerveau, à un de patients souffrant de dépression sévère [5].
syndrome haut-bas, où les émotions et la cognition Cette co-morbidité est à l’origine de nombreuses
contrôleraient les manifestations douloureuses péri- difficultés que rencontrent les cliniciens pour pro-
phériques [61]. poser une thérapeutique antalgique efficace. Il est
On distingue classiquement trois types de dou- important de noter que, dans le cas d’un épisode
leurs chroniques : les douleurs inflammatoires, les dépressif majeur, le patient peut avoir une interpré-
douleurs neuropathiques liées à une lésion du sys- tation alarmiste des sensations corporelles (« catas-
tème nerveux et une troisième catégorie de dou- trophisme »), aboutissant à une amplification de la
leurs ni inflammatoires, ni associées à une lésion perception douloureuse [64].

192
ANTIDÉPRESSEURS ET TRAITEMENT DES DOULEURS CHRONIQUES

I ntérêt des antidépresseurs peuvent être évités en commençant par de faibles


doses et par une ascension progressive des posolo-
dans le traitement de la douleur gies. Les recommandations imposent de prescrire les
antidépresseurs tricycliques avec précaution chez les
La logique de prescription des antidépresseurs dans patients porteurs d’une cardiopathie ischémique ou
la douleur est double : comme présenté précédem- d’un trouble de conduction ventriculaire [18].
ment, l’existence d’une co-morbidité dépressive des Les inhibiteurs sélectifs de recapture de la séroto-
patients douloureux chroniques, mais aussi la possibi- nine et de la noradrénaline (IRSNa), venlafaxine et
lité d’une amélioration de certains signes douloureux duloxétine, constituent une alternative intéressante
par les antidépresseurs qui peuvent aussi avoir un effet aux tricycliques car ils présentent une meilleure sécu-
analgésique propre, isolé de leur effet antidépresseur. rité d’emploi. Ils ont été étudiés dans certains types
Cette possibilité d’un effet analgésique propre est sup- de neuropathies. Cependant, sur la base de méta-ana-
portée par l’existence d’une réponse thérapeutique lyses, leur efficacité antalgique est inférieure à celle des
dissociée avec effet analgésique sans amélioration de tricycliques [16, 21].
l’humeur, de cas d’amélioration de patients doulou-
reux chroniques sans dépression associée, d’une ciné-
tique d’apparition plus précoce de l’effet analgésique
par rapport à l’effet antidépresseur. B ases de l ’ efficacité
La douleur neuropathique reste cependant la condi-
des antidépresseurs
tion pour laquelle le plus grand nombre de preuves
existe pour l’utilisation des antidépresseurs. Si le traite-
ment des douleurs inflammatoires repose sur les antal- Douleur et dépression pourraient partager une
giques de paliers 1 à 3, les douleurs neuropathiques pathophysiologie commune. On parle maintenant de
et « dysfonctionnelles » sont peu ou pas améliorées matrice neuronale et non plus de régions distinctes
par les antalgiques conventionnels (paracétamol, du cerveau qui géreraient les deux composantes de
salicylés, anti-inflammatoires, opiacés). Cependant, la douleur chronique, la composante somatosenso-
des médicaments initialement prescrits dans d’autres rielle et la composante affectivo-émotionnelle. Les
indications comme des anti-épileptiques ou certains aires cérébrales qui traitent les signaux douloureux
antidépresseurs constituent, toutes classes médica- issus de la moelle épinière attribuent une connotation
menteuses confondues, le traitement antalgique des désagréable à ces signaux, selon les circonstances, les
douleurs neuropathiques [18]. Les recommandations expériences antérieures, l’attention et l’humeur de la
récentes montrent que les antidépresseurs, tricycliques personne, mais aussi selon des facteurs psychologiques.
ou inhibiteurs de la recapture des neurotransmetteurs Les zones contrôlant les aspects émotionnels et
tels que la duloxétine ou la venlafaxine, sont les traite- affectifs de la douleur, comme le cortex cingulaire
ments de première ligne de la douleur neuropathique antérieur (CCA) et l’insula, ainsi que celles comme
[19, 22, 68]. l’amygdale contrôlant la peur sont stimulées, sensibili-
L’efficacité antalgique des antidépresseurs tricy- sées, deviennent hyperactives lors de la chronicisation
cliques dans les douleurs neuropathiques d’origine de la douleur, associant des perturbations affectives,
diabétique, traumatique ou toxique, est confirmée de anxiété, dépression, troubles du sommeil, à la douleur
longue date, mais leur utilisation est limitée en rai- chronique [36]. La dépression ou le pessimisme aug-
son de leurs effets indésirables fréquents, à l’origine mentent l’activité neuronale du CCA et de l’insula et
d’une mauvaise observance du traitement et de dif- altèrent la perception douloureuse.
ficultés de prescription chez le sujet âgé [4, 63]. Les Les réseaux neuronaux gouvernant les dimensions
recommandations proposées concernent surtout les sensorielles et affectivo-émotionnelles de la douleur
douleurs neuropathiques périphériques car les dou- pourraient être ciblées par des traitements différents,
leurs d’origine centrale ont été moins étudiées. La ce qui expliquerait qu’un antidépresseur sans pro-
plupart des études contrôlées concernant l’effet antal- priété analgésique n’aurait pas d’effet sur la compo-
gique des antidépresseurs tricycliques ont été réalisées sante sensorielle de la douleur [28].
chez des patients atteints de polyneuropathies [71], Concernant le thalamus, gare de triage des signaux
de neuropathies post-zostériennes [62], associées au en provenance des organes sensitifs et sensoriels et
diabète [72] ou au SIDA [41]. Les effets indésirables porte d’entrée du cortex supérieur (thalamus latéral
anticholinergiques des antidépresseurs tricycliques vers le cortex pariétal somatosensitif, thalamus médial

193
I n d i c at i o n s e t m o da l i t é s d e p r e s c r i p t i o n

vers le cortex préfrontal), il a été montré chez des patients atteints d’un trouble dépressif majeur a mon-
patients neuropathiques une diminution réversible tré une diminution, après 8 semaines de traitement,
du débit sanguin, concomitante d’une hyperactivité de l’activation par la douleur expérimentale, de l’aire
électrique de la même zone, attribuée à une réaction cingulaire antérieure, du cortex préfrontal droit et du
locale à des influx nociceptifs importants ou à un pont, montrant l’importance spécifique de ces zones
découplage entre flux sanguin et activité neuronale dans les plaintes somatiques et la sensibilité doulou-
chez les patients douloureux chroniques [77]. Peyron reuse [46]. L’absence de relation démontrée entre
et al. ont observé, avec des techniques d’imagerie plaintes douloureuses et sensibilité à la douleur chez
fonctionnelle, le recrutement de réponses anormales, le patient anxiodépressif a été rapportée et serait liée
excessives, dans les aires insulaires et secondaires, de à des modifications spinales associées à un processus
façon bilatérale, en cas de douleurs neuropathiques neuro-inflammatoire [65].
chroniques ainsi que l’activation des structures pré- Il a été récemment montré chez l’animal neuropa-
frontales médiales et cingulaires rostrales, qui fait thique, où la neuropathie est induite par un diabète
intervenir un système inhibiteur descendant passant ou par des ligatures du nerf sciatique, une implication
par la substance grise péri-aqueducale lors de proces- opioïdergique dans l’effet antalgique d’un antidépres-
sus soulageant la douleur [58]. seur tricyclique antalgique sur les deux modèles, la
Les raisons de l’efficacité analgésique des antidé- clomipramine et d’un IRSNa, le milnacipran, sur le
presseurs restent mal connues. Il a été récemment modèle de ligature du sciatique alors que ce système
montré chez l’animal qu’un traitement chronique par opioïdergique ne serait pas impliqué si l’effet est plus
la désipramine noradrénergique augmentait l’activité important, ce qui est le cas d’autres IRSNa comme la
métabolique de nombreuses structures centrales, dont duloxétine ou la venlafaxine [48, 79].
celles classiquement impliquées dans le contrôle de La quasi-absence d’efficacité des inhibiteurs spéci-
la douleur, mais aussi d’autres structures impliquées fiques de recapture de la sérotonine (ISRS) dans les
dans l’apprentissage, la mémoire, la vision et l’audi- douleurs neuropathiques associées à la moindre effica-
tion [37]. cité des inhibiteurs sélectifs de recapture de la noradré-
L’inhibition de la recapture des monoamines est naline (désipramine par exemple) plaident cependant
systématiquement évoquée. Les inhibiteurs sélectifs de pour la nécessité d’associer une augmentation des
la recapture de la sérotonine (ISRS) sont tous de puis- concentrations de sérotonine et de noradrénaline,
sants inhibiteurs du transporteur de la sérotonine in propriété partagée par les tricycliques et les IRSNa.
vitro et in vivo [3]. La paroxétine est le plus puissant, De plus, un certain nombre d’études concernant des
tandis que le citalopram et l’escitalopram sont les plus molécules inhibant simultanément la recapture de
sélectifs [70]. Il est important de préciser que les ISRS sérotonine, de la noradrénaline et de la dopamine ont
diminuent significativement la fréquence de décharge été réalisées, et certaines de ces molécules sont étu-
des neurones sérotoninergiques du noyau du raphé diées dans des essais cliniques de phase III [27]. La
dorsal, mais que certains d’entre eux diminuent éga- bicifadine est actuellement testée dans le traitement
lement la fréquence de décharge des neurones nora- des douleurs neuropathiques du patient diabétique et
drénergiques du locus cœruleus et dopaminergiques des lombalgies chroniques. Les profils de tolérance des
de l’aire tegmentale ventrale, suggérant que les ISRS molécules activant la voie dopaminergique doivent
pourraient agir également sur les transporteurs de la être cependant vérifiés [7, 83].
noradrénaline et de la dopamine. Les inhibiteurs de Il convient d’intégrer le fait que les antidépresseurs
la recapture de noradrénaline (IRSNa), atomoxétine, ne manifestent leur efficacité antalgique qu’en cas de
désipramine et réboxétine, ont aussi une capacité, douleur chronique, suggérant que les modifications
certes faible, à inhiber le transporteur de la séroto- neuroplastiques qui accompagnent la chronicisation
nine [47]. Les modalités d’interactions et d’effets de la de la douleur seraient importantes pour l’efficacité
noradrénaline sur le système sérotoninergique restent antalgique des antidépresseurs [20].
controversées. En revanche, des molécules à profil Il reste que les études de physiopathologie et les essais
mixte, inhibiteurs de la recapture de sérotonine et de thérapeutiques sont difficiles à mettre en œuvre, car il
noradrénaline (IRSNa), telles que la duloxétine, le est difficile et coûteux de réunir des cohortes de patients
milnacipran et la venlafaxine, seraient plus efficaces présentant des symptômes comparables et des histoires
que les ISRS chez le patient déprimé [73]. de maladie comparables. En effet, la douleur chronique
Une étude par imagerie fonctionnelle des effets a un spectre clinique très variable, et les antécédents des
corticaux de la duloxétine (60 à 120 mg/j) chez treize patients sont souvent nombreux et variés…

194
ANTIDÉPRESSEURS ET TRAITEMENT DES DOULEURS CHRONIQUES

A ntidépresseurs de traitement des douleurs post-AVC, mais tous les


patients ne répondent pas au traitement et les effets
dans le traitement indésirables peuvent être mal tolérés [14].
des douleurs chroniques L’efficacité des IRSNa n’a pas été évaluée en cas
de douleurs neuropathiques centrales, mais ces inhi-
biteurs pourraient être utiles chez les patients en
Polyneuropathies douloureuses post-AVC souffrant de troubles cardiaques [43].
Cependant, dans un essai récemment publié, la
La polyneuropathie diabétique est une cause fré- duloxétine n’a pas montré d’efficacité sur l’intensité
quente de manifestations douloureuses neuropa- de la douleur, mais a réduit la sévérité d’une allodynie
thiques. Cette douleur est invalidante, a un impact au froid [23, 78].
significatif sur la qualité de vie du patient et des
conséquences socio-économiques importantes sur
les coûts de gestion du diabète. Un bon contrôle de Douleurs post-zostériennes
la glycémie ne permet pas d’éviter la neuropathie Les mécanismes précis de la douleur de la neuro-
douloureuse [56]. Il a été montré récemment qu’un pathie post-zostérienne demeurent obscurs bien que
dysfonctionement thalamique central surviendrait des changements à de nouveaux niveaux du système
chez les patients diabétiques et que, dans les modèles nerveux périphérique et central soient observés, pro-
expérimentaux, les neurones du thalamus ventro-pos- duisant des troubles sensoriels complexes. La plupart
téro-latéral deviendraient hyperexcitables avec des fré- des études attribue la douleur à une perte de neurones
quences de décharge anormalement élevées, générant sensoriels du système nerveux périphérique et à des
une activité spontanée aberrante [24]. modifications du système nerveux central dans la
Depuis 2010, l’efficacité des antidépresseurs tri- corne dorsale de la moelle épinière et aussi vraisem-
cycliques est confirmée et les IRSNa (venlafaxine, blablement dans les centres supérieurs. Il n’y a pas
duloxétine) sont introduits comme traitement antal- de bons modèles animaux de neuropathie post-zos-
gique des polyneuropathies diabétiques, aux côtés térienne, l’injection du virus dans le coussinet plan-
de la gabapentine et de la prégabaline [13, 59, 72]. taire du rat Wistar reproduisant seulement la douleur
L’efficacité de la duloxétine (60 mg/j) est fondée sur aiguë, déclenchant une hypersensibilité uniquement
trois essais à grande échelle [29, 39]. Elle est considérée aux stimuli mécaniques, accessible à la morphine et à
comme un médicament de première intention [56]. l’amitriptyline [55].
Elle peut être un bon choix chez des patients souffrant Concernant le traitement des douleurs post-zosté-
aussi de troubles de l’humeur ou de douleurs muscu- riennes chez l’homme, l’efficacité des antidépresseurs
losquelettiques chroniques. L’efficacité prouvée de la tricycliques est bien documentée. L’amitriptyline est le
venlafaxine semble toutefois inférieure à celle de l’imi- tricyclique le plus fréquemment utilisé, mais d’autres
pramine en termes de nombre de répondeurs et de comme la nortriptyline ou la désipramine pourraient
qualité de vie [38]. également être utilisés efficacement avec moins d’ef-
fets secondaires, mais ils n’ont pas cette indication
en France [80]. Cependant, chez les patients présen-
Douleurs neuropathiques centrales tant une intolérance aux antidépresseurs tricycliques,
les IRSNa sont utilisables, bien que présentant une
Les principales causes de douleurs neuropathiques
moindre efficacité antalgique [69].
centrales sont l’accident vasculaire cérébral (AVC), les
lésions de la moelle épinière et les scléroses multiples.
Ces douleurs centrales sont extrêmement diverses dans Lombalgies chroniques douloureuses
leur description clinique [10]. L’existence d’une dou-
leur neuropathique chronique post-AVC serait asso- Il n’y a pas de preuve claire de l’efficacité des anti-
ciée à une diminution plus importante des capacités dépresseurs dans la lombalgie chronique non spéci-
cognitives et sensori-discriminatives corticales [66]. fique [15]. Les antidépresseurs ciblent la composante
L’intérêt des antidépresseurs tricycliques est suggéré neuropathique des douleurs chroniques, mais il n’y a
dans ces douleurs post-AVC [31]. L’amitriptyline pas de preuve qu’ils soient plus efficaces que le placebo
semble efficace à fortes doses dans les suites de lésions [45, 76]. La FDA a approuvé la duloxétine dans le trai-
médullaires et est considérée comme la première ligne tement de la douleur chronique musculosquelettique.

195
I n d i c at i o n s e t m o da l i t é s d e p r e s c r i p t i o n

Algies de la face La survenue d’une neuropathie périphérique est l’une


des situations la plus fréquemment rencontrée lors de
La carbamazépine et l’oxcarbazépine sont les trai- l’emploi des chimiothérapies anticancéreuses de type
tements de référence de la névralgie du trijumeau vinca-alcaloïde (vincristine, vinblastine), sels de platine
et glossopharyngée, mais les autres entités neuropa- (cisplatine, oxaliplatine), taxanes (paclitaxel, docétaxel),
thiques douloureuses de la sphère orofaciale sont 5-fluorouracil, cytarabine, étoposide et ifosfamide.
accessibles aux traitements antidépresseurs classiques Les neuropathies d’origine médicamenteuse,
de la douleur neuropathique, tels que décrits dans les notamment celles induites par les chimiothérapies
recommandations, comme les antidépresseurs tricy- anticancéreuses, sont encore mal explorées du point
cliques, la duloxétine et la venlafaxine [25, 68, 82]. Le de vue mécanistique. Des mécanismes de type neu-
milnacipran (IRSNa) est efficace contre les douleurs ropathique sont présents. Balayssac et al. et Bennett
orofaciales, dans un essai d’une durée de 12 semaines ont présenté des modèles animaux d’étude et des
chez trente-deux patients traités à la posologie de stratégies pharmacologiques, rappelant le rôle des
15-100 mg/j [57]. antidépresseurs, amitriptyline, clomipramine et ven-
lafaxine [6, 8]. Ceux-ci ainsi que la duloxétine et le
minalcipran font partie, seuls ou associés aux opiacés
Fibromyalgie (attention au risque de syndrome sérotoninergique),
de l’arsenal thérapeutique des douleurs des chimiothé-
En France et en Europe, aucun des médicaments
rapies, chez des patients souvent dépressifs, mais les
antalgiques proposés aux patients n’a actuellement
résultats antalgiques sont variables car dépendant de
une AMM pour l’indication « fibromyalgie ». Les
l’étiologie de la douleur cancéreuse, et n’ont jamais
IRSNa comme la duloxétine, la venlafaxine et le
été formellement validés par des études cliniques de
milnacipran pourraient être utilisés chez des patients
qualité [9, 40, 44, 53, 81].
fibromyalgiques [49]. La FDA a autorisé la duloxétine
en juin 2008 et le milnacipran (IRSNa) en janvier
2009 dans cette indication. Comme en témoigne le
nombre d’études identifiées, malgré les limites métho- C onclusion
dologiques de celles-ci, les antidépresseurs restent
très utilisés. Parmi eux, l’amitriptyline est employée
Quelques remarques peuvent être données en guise
depuis les années 1980, pour ses effets sur la douleur,
de conclusion dans le cadre du traitement de la dou-
les troubles du sommeil et la fatigue à des doses de
leur chronique par les antidépresseurs [17] :
10 à 50 mg/j, inférieures à celles requises pour le trai-
–– il est évident que le besoin d’individualisation
tement de la dépression [33, 67, 75].
des posologies des traitements antidépresseurs dans ce
Les recommandations allemandes Deutsche Inter­ cadre est important ;
disziplinäre Vereinigung für Schmerztherapie publiées –– une augmentation très progressive des doses est
en 2008 [32] s’appuient sur une méta-analyse pour toujours nécessaire, sachant que des doses plus éle-
recommander l’utilisation de l’amitriptyline dans le vées n’entraînent pas toujours une meilleure efficacité
cadre d’une prise en charge de première intention si antalgique mais, au contraire, peuvent provoquer des
le patient a des limitations sévères dans les activités de effets indésirables péjoratifs, surtout chez le sujet âgé ;
la vie quotidienne, comportant en plus une thérapie –– les antidépresseurs tricycliques et les inhibiteurs
cognitive et comportementale, un réentraînement à de recapture (ISRS ou IRSNa) doivent être utilisés
l’effort, des exercices en balnéothérapie, de la physio- dans le cadre d’une stratégie thérapeutique multi-
thérapie. D’autres antidépresseurs peuvent être asso- pliant les approches antalgiques (blocs nerveux, sté-
ciés à des anti-épileptiques en troisième intention si roïdes, thérapie intrathécale, acupuncture…) ;
les symptômes ne sont pas améliorés après 6 mois de –– des études cliniques de qualité devraient être réa-
traitement [35]. lisées selon les dernières recommandations [30].

Neuropathies médicamenteuses
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199
17
L es prescriptions dimensionnelles
aujourd ’ hui
........
V. Krieger et R. Jouvent

Un livre traitant de la prescription des antidé- frontières absolues qui l’isole des autres troubles men-
presseurs, pour être exhaustif, ne pouvait pas faire taux ou de l’absence de trouble mental. »
l’impasse sur la question de la pertinence de la pres- Ce constat est partagé avec le reste de la méde-
cription dimensionnelle des psychotropes. L’idée cine. L’axiome selon lequel un médicament traite
d’une approche dimensionnelle, tant de la pathologie une maladie a largement été remis en cause avec le
que la thérapeutique, est ancienne. Elle a longtemps développement de la physiopathologie et n’est plus
été concurrente des approches catégorielles qui pré- aujourd’hui valable que dans le modèle infectieux.
valent aujourd’hui, tant dans la recherche que dans la L’idée d’un médicament spécifiquement ciblé contre
formation des psychiatres. Cependant, sa pertinence une maladie à la physiopathologie complexe paraît
demeure, dans la mesure où elle est très proche de la encore lointaine en médecine somatique. Par exemple,
clinique individuelle, élément qui manque aux grands il n’existe pas de médicament anti-infarctus du myo-
regroupements diagnostiques de la nosographie carde, mais toute une pharmacopée agissant sur les
internationale. mécanismes qui y sont en cause. De la même façon,
comme nous l’évoquerons plus loin, d’autres classes
pharmaceutiques que les antidépresseurs agissent sur
A pproche catégorielle , approche différentes composantes de la dépression. De plus, le
nom antidépresseur ne doit pas nous induire en erreur.
dimensionnelle Leur effet ne s’observe pas uniquement dans la dépres-
sion. D’autres indications très répandues peuvent être
La clinique dimensionnelle repose sur le postulat citées, comme le traitement des troubles anxieux ou
d’une continuité du normal au pathologique alors des douleurs chroniques. Un parallèle peut être établi
que l’approche catégorielle se propose d’ordonner les avec la prescription très diversifiée d’un médicament
pathologies psychiatriques en recherchant des signes comme l’aspirine par exemple qui, à dose variable,
en rupture avec le normal permettant de les distin- peut être indiquée comme analgésique, antipyrétique,
guer. C’est cette dernière approche qui a prévalu ces anti-inflammatoire, uricosurique ou anti-agrégant
dernières décennies. Cependant, même si la recherche plaquettaire. Le niveau d’intelligibilité de la prescrip-
actuelle est bornée par les catégories prototypiques tion se situe au niveau de l’effet physiologique des
décrites dans le Diagnostic and Statistical Manual of médicaments, la prescription visant certains méca-
Mental Disorders [2], on peut lire dès les pages d’intro- nismes physiopathologiques, certaines dimensions.
duction de cet ouvrage le constat de l’impossibilité à La codification actuelle de la prescription des anti-
avoir pu mettre en évidence des catégories naturelles dépresseurs ne permet pas actuellement une telle
de pathologies : « Le DSM-IV est une classification souplesse. Pourtant, une même entité nosographique
catégorielle [...]. Néanmoins, les limites du système peut recouvrir différentes réalités cliniques : il est
de classification catégoriel doivent être reconnues. courant que les patients présentent des symptômes
Rien ne garantit que chaque catégorie de trouble remplissant les critères requis pour plusieurs troubles,
mental soit une entité complètement discrète avec des et certains troubles admettent dans leurs critères

200
LES PRESCRIPTIONS DIMENSIONNELLES AUJOURD’HUI

Tableau 17-I. – Exemple de deux tableaux cliniques leur relation demeure incertaine. Un thème est
différents entrant dans le cadre de la catégorie de l’épisode récurrent dans les théories qui ont été élaborées : les
dépressif majeur d’après le DSM-IV-TR. pathologies mentales sont l’expression d’un déficit
plus général de certaines caractéristiques de la per-
Patient A Patient B
sonnalité, lié à la génétique ou au développement
Perte d’intérêt Humeur dysphorique personnel du sujet.
Ralentissement psychomoteur Agitation psychomotrice Un choix radical a été effectué dans les années
Hypersomnie Insomnie 1980 : les syndromes cliniques ont été séparés de la
Fatigue Sentiment intense de culpabilité personnalité. La conséquence immédiate fut l’obser-
Diminution de l’appétit Augmentation de l’appétit
vation de nombreux chevauchements à l’intérieur et
entre les axes qui avaient été dégagés.
La recherche de modèles théoriques d’interrelation
une importante hétérogénéité clinique. Le premier entre les troubles de l’axe I, la personnalité et les traits
constat peut mener à des dérives diagnostiques avec de personnalité est néanmoins demeurée active. Par
une multiplication artificielle de co-morbidités ; exemple, certains modèles structurent les relations
inversement, si l’on suit les critères du DSM-IV-TR, entre l’anxiété et la dépression autour de la polarité
un patient A présentant comme symptômes une perte positive ou négative des affects, voire d’autres com-
d’intérêt, un ralentissement, une hypersomnie, une posantes pouvant présenter une bonne spécificité,
fatigue et une diminution de l’appétit sera placé dans comme l’arousal dans le trouble panique [8, 19].
la même catégorie diagnostique d’épisode dépressif D’autres études montrent qu’une grande partie des
majeur d’intensité sévère qu’un patient B qui aurait relations entre l’axe I et l’axe II peuvent être compa-
tibles avec des traits de personnalités communs : le
pour plainte une humeur dysphorique, une agitation
trait de désinhibition est compatible avec le recouvre-
psychomotrice, une insomnie, une augmentation
ment de l’abus de substance et des personnalités du
de l’appétit et un sentiment intense de culpabilité
cluster B [6], de la personnalité antisociale [22] et du
(Tableau 17-I).
comportement antisocial [12, 16].
L’approche catégorielle assume l’hétérogénéité des
Cependant, la définition du tempérament, et donc
entités cliniques qu’elle distingue, supposées être de
les conclusions que l’on peut tirer des études qui s’y
même nature. Pour résoudre le problème, il s’agit
intéressent, reste un sujet de débat. Par exemple,
alors d’établir des sous-classes, correspondant à des
Cloninger et Svrakic en proposent une définition
typologies comportementales considérées comme dis-
dimensionnelle classique. Le tempérament serait
criminantes. L’approche dimensionnelle propose une
constitué de quatre facteurs héritables (recherche
solution alternative au problème en le contournant :
de nouveauté, évitement du danger, dépendance
elle réduit le niveau d’étude afin de se placer en homo-
à la récompense et persistance) impliqués dans les
thétie avec les phénomènes dimensionnels étudiés (un
réponses automatiques aux stimuli et hypothétique-
trait de personnalité, une variation de concentration
ment associés aux systèmes monoaminergiques. Le
synaptique au niveau cérébral de catécholamine),
caractère se formerait à partir des apprentissages et
sans leur postuler de valeur étiologique [14]. Cette
comprendrait la détermination, la coopération et la
décomposition de la psychopathologie en dimensions
transcendance [9]. Akiskal et al., quant à eux, défi-
multiples pourrait permettre d’appréhender l’effet
nissent plutôt le tempérament suivant une approche
de co-morbidité, comme l’hétérogénéité clinique des
catégorielle, chaque tempérament déterminé deve-
catégories, comme des variations d’intensité sur cer-
nant prédictif dans un certain environnement d’un
taines dimensions pertinentes selon des schémas, dans
trouble ou d’un mode de fonctionnement (altruisme
l’idéal, spécifiques.
en cas de tempérament inquiet, domination sociale en
cas de tempérament hyperthymique ou créativité en
cas de tempérament cyclothymique) [1].
Les implications cliniques et thérapeutiques de ces
M odèle des tempéraments
théories en restent pour le moment au stade de la
spéculation, et les relations complexes entre le tem-
La personnalité et la psychopathologie sont consi- pérament, quelle qu’en soit la définition, les facteurs
dérées depuis longtemps comme deux domaines développementaux, les traits de personnalité et la psy-
intrinsèquement liés, même si la nature exacte de chopathologie restent à délimiter.

201
I n d i c at i o n s e t m o da l i t é s d e p r e s c r i p t i o n

D imension et psychobiologie Émoussement


- – affectif

L’étude des liens entre des manifestations compor-


DA – motivationnel
– cognitif
tementales et des variations biologiques date du milieu
des années 1970, quand a été mise en évidence une rela- + Perte d’initiative
Anhédonie
tion entre des taux abaissés de sérotonine dans le liquide
céphalorachidien et une fréquence accrue de tentatives
Perte de contrôle
– émotionnel : hyperémotivité
– cognitif : précipitation
+
de suicide, de comportements agressifs et de passages
à l’acte médicolégaux [3]. Cette découverte a fait évo-
– comportemental : impulsivité
Agressivité
Agitation anxieuse
- 5–HT
luer la perspective de recherche qui passe de la tentative Consommation de glucides
biologique d’expliquer une entité nosographique, en
l’occurrence la dépression, à la mise en évidence d’un Figure 17-1. – Expression clinique
lien entre l’altération du fonctionnement du système des interactions entre les systèmes sérotoninergique et
sérotoninergique et un trait comportemental (le sui- dopaminergique. DA : dopamine ; 5-HT : sérotonine.
cide), voire une dimension (la perte de contrôle).
De nombreuses études ultérieures ont établi un
rôle conjoint de la sérotonine et de la dopamine. est souvent réduite, pour avoir une implication trans­
D’un côté, l’existence d’une relation forte entre un nosographique. L’exemple le plus frappant est le lien
déficit du système sérotoninergique et les comporte- étroit qui existe entre une déplétion dopaminer-
ments agressifs, impulsifs, violents et suicidaires a été gique et la dimension d’émoussement affectif. Cette
confirmée [17]. Ce déficit se retrouve aussi bien dans dimension peut rendre compte tant de l’akinésie
des populations de schizophrènes avec des voix leur émotionnelle du parkinsonien, de l’athymormie du
ordonnant de se suicider [24] que chez les patients schizophrène que de l’indifférence affective du mélan-
alcooliques [20] ou les sujets présentant des troubles colique [14]. Il n’est pas nécessaire de revenir ici sur le
de la personnalité [5, 25]. D’un autre côté, il existe déficit dopaminergique central qui est au cœur de la
aussi une corrélation positive entre le taux de dopa- physiologie de la maladie de Parkinson. Concernant
mine intracérébral, indicé par des dosages d’acide les sujets schizophrènes, l’observation clinique montre
homovanillique dans le LCR, et la dimension de perte tant un émoussement affectif chez les patients traités
de contrôle [23]. Augmentation de dopamine intracé- par les neuroleptiques classiques (bloquant les récep-
rébrale et comportements agressifs sont intimement teurs dopaminergiques centraux) qu’un effet favorable
liés, comme on peut l’observer chez les consomma- d’une stimulation dopaminergique sur la symptoma-
teurs d’amphétamines et de cocaïne. tologie affective des patients déficitaires [11]. Enfin, la
Il semblerait ainsi que les comportements agressifs L-dopa a une action positive sur la dimension affective
de manière générale soient modulés par une balance des schizophrènes et des mélancoliques. De façon plus
entre sérotonine et dopamine au niveau du système générale, ces descriptions empiriques sont en accord
nerveux central. En cas d’agression externe, la séroto- avec les données actuelles des neurosciences montrant
nine diminuerait l’agressivité par le biais d’une stimu- que les structures dopaminergiques sont impliquées
lation des régions corticales préfrontales qui projettent dans un vaste système de facilitation comportemen-
des neurones inhibiteurs vers le noyau accumbens (lui tale et émotionnelle [10].
même activé par l’amygdale), alors que, contrebalan- Le système noradrénergique est historiquement
çant cet effet inhibiteur sérotoninergique, le noyau le premier système neurobiologique a avoir été sus-
accumbens serait activé par les systèmes dopaminer- pecté d’avoir un rôle dans la régulation émotionnelle
giques [21]. Il existe donc une relation anatomique, et comportementale. Il est actuellement considéré
fonctionnelle et comportementale entre les systèmes comme ayant une place cruciale dans la régulation
sérotoninergiques et dopaminergiques (Figure 17-1). attentionnelle et émotionnelle [4]. Le locus cœru-
Cette relation est très étroite et peut être formalisée leus, plus particulièrement, jouerait un rôle pré-
comme un système d’homéostasie du comportement pondérant dans l’orientation attentionnelle et dans
résultant du rétrocontrôle réciproque de ces deux sys- l’organisation d’un comportement optimal. Une
tèmes monoaminergiques. altération de ce système est retrouvée tant dans les
Cette notion de régulation du comportement troubles affectifs que dans les troubles anxieux [7].
dépasse largement le cadre psychiatrique auquel elle Cependant, la libération de noradrénaline étant

202
LES PRESCRIPTIONS DIMENSIONNELLES AUJOURD’HUI

Émoussement C onclusion
DA
Ce chapitre ne permet qu’un survol rapide de la
question de la prescription dimensionnelle des anti-

5–HT NA dépresseurs. Dans l’état actuel des connaissances, les


résultats obtenus par les paradigmes dimensionnels ne
Impulsivité Ralentissement permettent pas encore de poser formellement d’indi-
– moteur
– cognitif cation à une chimiothérapie antidépressive, ni surtout
Hypovigilance de déterminer laquelle. Cette approche n’est pas tout
– coups de barre à fait à mettre en concurrence avec l’approche catégo-
– baisse de l’attention rielle. Elle vient plutôt l’enrichir et la compléter.
soutenue L’indication d’une thérapeutique médicamenteuse
repose sur une représentation catégorielle. Le suivi
Figure 17-2. – Expression clinique quotidien de la prescription nécessite une bonne
des interactions entre les systèmes sérotoninergique,
connaissance de la phénoménologie des effets des
dopaminergique et nora­drénergique. DA : dopamine ;
antidépresseurs (et plus généralement des traitements
5-HT : sérotonine ; NA : noradrénaline.
psychotropes). C’est à ce niveau que l’approche dimen-
sionnelle vient compléter l’analyse clinique et prendre
le dessus sur l’approche catégorielle. L’intérêt princi-
simultanée en de nombreuses régions cérébrales et pal de cette approche réside dans le fait qu’elle met en
l’effet du relargage de noradrénaline étant très dif- lumière des rapports directs entre comportement et
férent d’une synapse à l’autre, aucun modèle clair biochimie. Autrement dit, grâce à ce lien étroit entre
n’a encore pu être élaboré à ce jour [13]. Le ralen- la clinique et le neurobiologique, ces notions dimen-
tissement psychomoteur est en grande partie la sionnelles permettent de guider les adaptations poso-
résultante comportementale d’un déficit du système logiques en évaluant au mieux l’effet du traitement et
noradrénergique (Figure 17-2). sa tolérance (voir Figures 17-1 et 17-2).
Il est alors possible à partir des constatations précé- Le champ de recherche ouvert par la clinique
dentes de construire un modèle où ces trois systèmes dimensionnelle est encore vaste et largement inex-
monoaminergiques se trouvent en interaction. Au ploré. Il implique une meilleure connaissance des
système sérotoninergique reviendrait le rôle de filtre mécanismes physiologiques et de leurs effets cliniques.
émotionnel face aux stimuli de l’environnement. Tant dans la circonscription de dimensions pouvant
Trop activé, il serait responsable d’une distancia- enrichir et affiner la psychopathologie que dans la
tion affective, d’une impression d’éloignement du détermination de recommandations à la prescription
monde et de ses préoccupations, comme le décrivent médicamenteuse, de nombreux travaux restent à faire.
certains patients sous agonistes sérotoninergiques ;
déficitaire, son action ne pourrait plus réguler le sys-
tème dopaminergique qui s’emballerait et une symp- Références
tomatologie d’impulsivité apparaîtrait. Le système
noradrénergique, quant à lui, aurait une interaction 1. Akiskal HS, Placidi GF, Signoretta S et al. TEMPS-I :
plus complexe avec ces deux premiers systèmes. Un delineating the most discriminant traits of cyclothymic,
depressive, irritable and hyperthymic temperaments in a
déficit de ce système serait responsable d’un ralentis-
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204
18
I ndications frontières et dérives
de prescription
........
P. Petit et J.-P. Boulenger

Traiter des indications frontières et des dérives I ndications frontières


de prescription d’un médicament renvoie, d’une
part, à la notion de limite, permettant de définir un
cadre et, d’autre part, à celle d’écart par rapport à ce Le choix qui est fait dans ce chapitre est d’envisa-
cadre établi. Ces notions ont un caractère relatif et ger la prescription des antidépresseurs en dehors de
peuvent s’entendre aussi bien sur un plan qualitatif leurs indications reconnues dans le trouble dépressif
que quantitatif, ce qui donne au sujet sa diversité et caractérisé, que ce soit en phase initiale ou en période
sa complexité. de prolongation, et dans les troubles anxieux (trouble
L’action des antidépresseurs est une action phar- anxieux généralisée, phobie sociale, trouble panique,
macodynamique, c’est-à-dire s’exerçant sur des trouble obsessionnel-compulsif, état de stress post-
fonctions cellulaires au sein d’un système. Elle est traumatique). Nous n’envisagerons pas non plus
purement symptomatique, sans effet sur les détermi- l’énurésie nocturne chez l’enfant, pour laquelle cer-
nants étiologiques de la maladie. Comme l’ensemble tains antidépresseurs imipraminiques (amitriptyline,
des psychotropes, les antidépresseurs ne sont donc clomipramine, imipramine), en raison notamment de
pas curatifs ; ils n’ont pas de spécificité particulière leur action antagoniste des récepteurs cholinergiques
vis-à-vis de telle ou telle catégorie nosographique, muscariniques, ont une indication, à des posologies
en particulier de la dépression, même si celle-ci est faibles par rapport à celles utilisées dans la dépression.
un domaine majeur d’utilisation qui a été défini La plupart des indications envisagées ci-après
par la pratique et validé par la recherche clinique. relèvent de pathologies psychiatriques ou médicales
Ainsi le cadre de prescription des « antidépresseurs » appartenant au « spectre affectif », tel que défini par
n’est-il pas déterminé par un rapport sémantique et Hudson et al. [29], et comportant, outre le trouble
déborde-t-il clairement le domaine de la pathologie dépressif majeur, le trouble déficitaire de l’attention
dépressive. avec hyperactivité, la boulimie, la cataplexie, le trouble
Qu’est-ce donc qu’une indication frontière ? Une dysthymique, la fibromyalgie, le trouble anxieux géné-
indication limite par manque ou faiblesse de preuve, ralisé, le syndrome de l’intestin irritable, la migraine,
si l’on adopte un point de vue scientifique ? Une indi- le trouble obsessionnel-compulsif, le trouble panique,
cation limite par défaut d’autorisation de mise sur l’état de stress post-traumatique, le syndrome dyspho-
le marché (AMM), si l’on adopte un point de vue rique prémenstruel et la phobie sociale. Ce concept de
réglementaire ? Est-ce encore une indication quan- spectre affectif a été développé sur la base de la réponse
titativement marginale ? La dérive de prescription de ces différentes pathologies aux médicaments initia-
s’entend-elle de façon qualitative, sur des indications lement utilisés pour traiter la dépression et, pour cette
frontières insuffisamment validées, ou de façon quan- raison, nommés antidépresseurs. Il suggère que ces
titative, par rapport à des alternatives de non-pres- pathologies puissent partager certains déterminants
cription (problème de la médicalisation excessive de physiopathologiques communs. L’agrégation fami-
difficultés existentielles, par exemple) ou par rapport à liale du spectre affectif vu en tant qu’entité unique est
des doses et des durées de prescription définies ? forte, et le trouble dépressif majeur montre une forte

205
I n d i c at i o n s e t m o da l i t é s d e p r e s c r i p t i o n

co-agrégation avec d’autres formes pathologiques du Une méta-analyse de quinze essais cliniques ran-
spectre affectif [29]. domisés contre placebo chez des patients souffrant
Les indications frontières sont licites si elles corres- de trouble dysthymique a montré un risque rela-
pondent à des données scientifiquement établies ou à tif d’absence de réponse au traitement de 0,68 (IC
un progrès en cours ayant un niveau de preuve suffi- 95 p. 100 : 0,59-0,78) pour les tricycliques, quatre
sant, même s’il n’existe pas d’AMM les concernant. patients environ devant être traités pour obtenir une
La prescription d’antidépresseur, qui doit répondre réponse ; les résultats en termes d’efficacité étaient
aux principes généraux d’utilisation rationnelle des similaires avec les inhibiteurs de la recapture de séro-
médicaments dans le cadre d’une pharmacothéra- tonine [37]. Des comparaisons entre traitements actifs
pie [52], doit en outre, en l’absence d’AMM, satisfaire montrent que les différences entre familles d’antidé-
à un certain nombre de critères supplémentaires : presseurs relèvent essentiellement de leur profil d’ef-
–– la justification scientifique est établie sur la base fets indésirables ; celui-ci constitue par conséquent un
des données de la littérature internationale, issues critère de choix majeur [60]. Dans une méta-analyse
d’études cliniques apportant un niveau de preuve suf- récente d’essais randomisés en double insu d’antidé-
fisant et publiées dans des revues de bonne notoriété ; presseurs contre placebo, comparant 177 essais dans
–– la décision médicale relève d’une pratique consen- le trouble dépressif majeur et dix-sept dans le trouble
suelle ou fait l’objet d’une discussion et d’un avis collé- dysthymique, il ressort que la marge d’efficacité des
gial préalable ; antidépresseurs pour le trouble dysthymique est plus
–– la prescription hors AMM est un acte de recours grande que pour le trouble dépressif majeur [36] :
et non de première intention, mis en œuvre en cas l’efficacité des antidépresseurs dans le trouble dysthy-
d’inefficacité ou d’impossibilité d’utiliser un autre pro- mique est significativement supérieure au placebo,
duit disposant de l’AMM ou d’une autre modalité thé- tandis que la réponse au placebo dans cette patholo-
rapeutique reconnue, en particulier psychothérapique ; gie (29,9 p. 100) est significativement plus faible que
–– le consentement explicite du patient doit être dans le trouble dépressif majeur (37,9 p. 100).
préalablement obtenu, après qu’il a été informé de
façon claire et exhaustive des motifs, des modalités et Trouble dysphorique prémenstruel
des risques potentiels du traitement ; Le trouble dysphorique prémenstruel est une forme
–– un protocole de surveillance thérapeutique, le cas aggravée du syndrome prémenstruel, qui s’accom-
échéant organisé de façon multidisciplinaire, doit être pagne d’une altération du fonctionnement social et/
prédéfini ; ou professionnel pendant la phase lutéale du cycle
–– la traçabilité de ces différents points est assurée menstruel. Parmi les symptômes psychiques de ce
dans le dossier médical. trouble, on rencontre notamment l’irritabilité, l’an-
xiété et la labilité de l’humeur. La tonalité dépres-
sive est marquée par un sentiment de désespoir, un
Indications dans le cadre désintérêt et une perte d’énergie. Il existe également
des difficultés de concentration, des troubles du
des troubles psychiatriques
sommeil, des modifications de l’appétit, ainsi que
d’autres signes physiques comme un ballonnement
abdominal, une tension mammaire, des céphalées et
Troubles de l’humeur des douleurs musculaires ou articulaires. La sévérité
Trouble dysthymique des symptômes culmine le premier jours des règles
Les patients souffrant de trouble dysthymique pré- ou juste avant. La présence de ces symptômes chez
sentent une humeur dépressive chronique (pendant au certaines femmes résulterait de leur sensibilité dif-
moins 2 ans), avec des symptômes présents la plupart férentielle aux effets perturbateurs de l’humeur des
du temps, mais moins nombreux, ou moins sévères fluctuations des hormones stéroïdiennes gonadiques,
que dans le trouble dépressif caractérisé. La question sensibilité d’origine multifactorielle, en partie généti-
de l’efficacité des antidépresseurs se pose donc, dans quement déterminée [50].
la mesure où il a été montré que ces derniers étaient Parmi les interventions pharmacologiques dispo-
efficaces notamment dans le cadre d’épisodes dépres- nibles, les antidépresseurs ont montré leur efficacité,
sifs caractérisés, d’intensité modérée à sévère, la taille en particulier les inhibiteurs de la recapture de séro-
d’effet par rapport au placebo étant souvent faible tonine. Une méta-analyse de quinze essais cliniques
dans les épisodes d’intensité faible. contrôlés randomisés contre placebo dans le syndrome

206
I N D I C AT I O N S F R O N T I È R E S E T D É R I V E S D E P R E S C R I P T I O N

prémenstruel sévère, chez 904 femmes, a objectivé l’adolescent [53, 55]. Le bupropion, un inhibiteur mixte
l’efficacité de ces antidépresseurs, aussi bien sur les de la recapture de noradrénaline et de dopamine utilisé
symptômes physiques que comportementaux ; il n’y dans l’aide au sevrage tabagique, a également été étudié
avait pas de différence significative entre l’adminis- chez l’adulte ; une méta-analyse de cinq essais compara-
tration continue ou l’administration intermittente du tifs randomisés a montré un effet supérieur au placebo,
traitement [17]. Dans une méta-analyse plus récente mais plus faible que celui des médicaments stimulants
de vingt-neuf études comparatives, randomisées, en [67]. L’atomoxétine, un inhibiteur sélectif de la recap-
double insu dans le syndrome prémenstruel sévère et ture de noradrénaline, a montré son utilité clinique
le trouble dysphorique prémenstruel, ayant inclus plus chez l’enfant et l’adolescent [14] ainsi que chez l’adulte
de 2 964 femmes, ces molécules ont montré une effi- [62]. Deux méta-analyses récentes de dix-neuf et de
cacité supérieure au placebo avec un rapport de cote onze essais comparatifs contre placebo montrent que
de 0,40 (IC 95 p. 100 : 0,31-0,51), statistiquement les traitements pharmacologiques sont efficaces dans le
significatif [59]. Dans cette étude, les résultats sont syndrome déficitaire de l’attention avec hyperactivité
en revanche en faveur d’une administration continue chez l’adulte, mais que les stimulants ont une meilleure
par rapport à une administration séquentielle. Par ail- efficacité que les non-stimulants, au moins sur la durée à
leurs, quelques études plus anciennes avaient comparé court terme des essais cliniques analysé [21, 41].
entre eux des inhibiteurs de la recapture de sérotonine
et des inhibiteurs de la recapture de noradrénaline et
montré l’efficacité des premiers mais pas des seconds Boulimie et obésité
[20, 25, 51], soulignant l’implication de la sérotonine Hyperphagie boulimique
dans la physiopathologie du trouble [16]. À côté de la thérapie cognitive et comportementale
Trois molécules, la fluoxétine, la paroxétine à libé- qui constitue un traitement validé de première ligne
ration contrôlée et la sertraline, sont approuvées par la pour la boulimie et l’hyperphagie boulimique, la phar-
Food and Drug Administration (FDA) aux États-Unis macothérapie a été recommandée dans les cas où la
dans l’indication de trouble dysphorique prémens- psychothérapie n’est pas disponible ou n’est pas accep-
truel, en traitement continu ou intermittent pendant tée. Une méta-analyse de dix-neuf essais cliniques ran-
les 14 jours de la période prémenstruelle. L’efficacité domisés comparatifs par rapport au placebo a montré
thérapeutique paraît être plus rapide que dans l’épi- que les antidépresseurs de différentes classes (tricy-
sode dépressif majeur, ce qui suggère des mécanismes cliques, inhibiteurs sélectifs de la recapture de séroto-
d’action différents. Une réapparition des symptômes nine, IMAO et autres) entraînaient de façon similaire
peut survenir à l’interruption du traitement, mais il un taux de rémission des épisodes hyperphagiques
n’existe pas de recommandation fondée concernant la supérieur au placebo [6]. De plus, la combinaison d’un
durée du traitement. antidépresseur à la psychothérapie semble supérieure à
la psychothérapie seule [5]. Plus récemment, sept essais
Trouble déficitaire de l’attention cliniques d’antidépresseurs dans l’hyperphagie bouli-
avec hyperactivité mique ont fait l’objet d’une méta-analyse, montrant un
taux de rémission à court terme supérieur par rapport
Des antidépresseurs ont été utilisés comme alterna- au placebo, sans différence sur le poids ; la seule étude
tive aux psychostimulants dans le trouble déficitaire à plus long terme n’a pas montré de supériorité de
de l’attention avec hyperactivité, en cas notamment de l’antidépresseur [65]. L’interprétation des études cli-
non-réponse ou de contre-indication aux psychostimu- niques d’antidépresseurs dans la boulimie est souvent
lants comme le méthylphénidate, d’effets indésirables, gênée par le nombre important d’arrêts prématurés, le
de risque particulier d’abus ou de co-morbidité avec un niveau élevé de réponse au placebo, la durée limitée
trouble de l’humeur. Les différentes molécules essayées des essais et le manque de standardisation dans les cri-
partagent des propriétés noradrénergiques et/ou dopa- tères de jugement. Les arguments rationnels pour une
minergiques. Parmi les tricycliques, la désipramine, efficacité à long terme des antidépresseurs dans cette
une amine secondaire inhibant de façon plus sélective indication sont faibles. Par ailleurs, les études ont été
la recapture de noradrénaline, a été utilisée avec une essentiellement réalisées chez l’adulte, et les résultats
certaine efficacité [63] ; cependant, la marge thérapeu- ne peuvent pas être extrapolés chez l’enfant et l’ado-
tique étroite et le risque de toxicité cardiovasculaire des lescent, d’autant que le risque de suicidalité associé
tricycliques limitent leur usage dans cette indication. aux antidépresseurs est fortement dépendant de l’âge
Des morts subites ont été rapportées chez l’enfant ou et qu’il est notamment augmenté chez les patients de

207
I n d i c at i o n s e t m o da l i t é s d e p r e s c r i p t i o n

moins de 25 ans [66]. La fluoxétine possède une AMM chroniques, interrogés dans le cadre d’une enquête
en France dans l’indication boulimie, à une posologie au niveau européen [11]. Chez des sujets souffrant
de 60 mg/j, supérieure à celle généralement recom- de douleurs neuropathiques, une enquête transversale
mandée pour traiter la dépression (20 à 40 mg/j) ; elle européenne montre que 29 p. 100 reçoivent des anti-
diminue la fréquence des épisodes d’hyperphagie bou- dépresseurs [39]. Des données expérimentales ont été
limique et des comportements compensatoires associés établies aussi bien chez l’animal que chez l’homme,
(vomissements provoqués, usage abusif de laxatifs). attestant d’une action pharmacologique antinocicep-
tive, essentiellement pour les antidépresseurs à com-
Obésité posante noradrénergique, l’activité sérotoninergique
Les antidépresseurs ont des effets variables sur le associée augmentant l’activité analgésique, mais n’ayant
poids [58], qui dépendent notamment de leur profil en elle-même qu’une faible activité [22]. L’approche
pharmacologique et des caractéristiques individuelles. des mécanismes de l’action analgésique des antidé-
Les imipraminiques, comme l’amitriptyline, entraînent presseurs sur des modèles animaux reste difficilement
classiquement un gain pondéral ; celui-ci est attribué extrapolable à la situation clinique, dans la mesure où
notamment à leur action antihistaminique H1, action de nombreuses études sont réalisées en aigu alors que
que l’on retrouve avec la mirtazapine, induisant égale- la prescription chez l’homme est réservée aux douleurs
ment une augmentation du poids. Considérant le rôle chroniques [42]. Les douleurs chroniques sont main-
de la transmission sérotoninergique comme signal de tenant considérées comme une maladie du système
satiété au niveau de l’hypothalamus, les inhibiteurs de nerveux central, dont la neuropsychopathologie fait
la recapture de sérotonine ont été parmi les premiers intervenir les voies de la moelle épinière pour ce qui
psychotropes étudiés pour le traitement de l’obésité. concerne les douleurs spontanées, et les circuits inté-
Leur effet sur le poids est inconstant, avec des com- gratifs supraspinaux pour ce qui concerne les réponses
posés comme la paroxétine pouvant entraîner un gain exagérées aux stimuli douloureux (hyperalgésie) ou non
de poids, d’autres une diminution de poids, au moins douloureux (allodynie) [19] ; les interactions dyna-
à court terme, comme la fluoxétine, et d’autres enfin miques entre systèmes sensoriels, émotionnels et moti-
ayant un effet pondéral neutre. Le bupropion, un vationnels rendent compte de l’expérience subjective
inhibiteur mixte de la recapture de noradrénaline et et de l’expression comportementale au cours des états
de dopamine, a également un effet de réduction pon- douloureux chroniques. Les antidépresseurs facilitent le
dérale, seul ou associé à la naltrexone [69]. La sibutra- contrôle endogène de la douleur, notamment en sou-
mine, un inhibiteur de la recapture de sérotonine et tenant l’activité de la voie inhibitrice descendante bul-
de noradrénaline, a également un effet modeste sur le
bospinale par leur action centrale, au niveau du locus
poids, mais a été retirée du marché en raison d’une
cœruleus, du raphé et de la corne dorsale de la moelle
augmentation du risque cardiovasculaire.
épinière. Au niveau périphérique, l’effet analgésique
S’il n’y a pas d’indication à prescrire des antidé-
des antidépresseurs pourrait notamment impliquer leur
presseurs dans l’obésité, l’effet des antidépresseurs sur
interaction avec les modulations purinergiques, soit en
le poids est important à considérer, d’autant qu’un
favorisant l’action de l’adénosine sur les récepteurs A1
nombre significatif d’états dépressifs s’accompagnent
en inhibant sa captation cellulaire, comme pour l’ami-
d’une augmentation pondérale [35] et que l’usage
triptyline [57], soit en bloquant les récepteurs P2X4 à
prolongé d’antidépresseurs, ou de certains d’entre
l’ATP, comme pour la paroxétine [44].
eux, à doses modérées ou élevées a été associé à une
Généralement, l’effet analgésique des antidépres-
augmentation du risque de diabète [1], même si
seurs est indépendant de leur action sur l’humeur,
d’autres facteurs que la prise de poids pourraient avoir
comme le montre leur efficacité chez des sujets ne
un rôle dans cette association (effet hyperglycémiant
souffrant pas de dépression ou l’absence de corréla-
de l’activité noradrénergique).
tion avec le trouble de l’humeur, en cas de co-mor-
bidité. De plus, la dose nécessaire pour obtenir la
réponse analgésique optimale peut être inférieure à
Indications dans le cadre celle requise pour l’action antidépressive.
des syndromes douloureux
Douleur neuropathique
Les propriétés analgésiques des antidépresseurs sont
connues de longue date, et leur prescription se ren- La douleur neuropathique est une conséquence
contre chez 3 p. 100 des sujets souffrant de douleurs directe d’une lésion ou d’une maladie affectant le

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I N D I C AT I O N S F R O N T I È R E S E T D É R I V E S D E P R E S C R I P T I O N

système somatosensoriel. L’efficacité des antidépres- également être en cause [15]. À côté de la prégabaline,
seurs dans ce domaine a été montrée par plusieurs un ligand de la sous-unité a2d des canaux calciques
essais cliniques comparatifs randomisés [56]. Les anti- voltage-dépendants, diminuant l’influx de calcium et
dépresseurs tricycliques et la venlafaxine améliorent réduisant la libération des neurotransmetteurs excita-
environ un tiers des patients, au moins de façon teurs, deux antidépresseurs inhibiteurs de la recapture
modérée. Les preuves concernant les inhibiteurs sélec- de sérotonine et de noradrénaline sont approuvés par
tifs de la recapture de sérotonine sont encore limi- la FDA aux États-Unis pour le traitement pharma-
tées, même si ces médicaments apparaissent mieux cologique de la fibromyalgie : il s’agit de la duloxé-
tolérés. L’efficacité des antidépresseurs a été montrée tine, plus sélective du transporteur de la sérotonine,
notamment dans la neuropathie diabétique et dans la et du milnacipran, plus sélectif du transporteur de
névralgie post-zostérienne [12, 72]. Selon des recom- la noradrénaline [40]. Aucune de ces molécules ne
mandations récentes, les antidépresseurs tricycliques possède d’AMM dans cette indication en France. La
ainsi que les inhibiteurs mixtes de la recapture de pharmacothérapie n’améliore pas de façon globale
sérotonine et de noradrénaline font partie des médi- l’ensemble du tableau clinique, mais réduit telle ou
caments de première ligne dans les douleurs neuropa- telle de ces expressions symptomatiques. À partir
thiques [4, 34, 46]. d’une revue récente de dix-sept études comparatives
randomisées concernant plus de 7 500 patients, avec
des critères de jugement sur la douleur, la fatigue, les
Migraine perturbations du sommeil et l’humeur dépressive, il
La migraine est un trouble chronique de physiopa- a été montré que la prégabaline, la duloxétine et le
thologie complexe, parfois invalidant, caractérisé par milnacipram étaient supérieurs au placebo, excepté
des crises récurrentes de céphalées et, chez certains la duloxétine pour la fatigue, le milnacipran pour les
patients, une aura constituée de symptômes neurolo- troubles du sommeil et la prégabaline pour l’humeur
giques variés. Son évolution peut se faire sur un mode dépressive [28]. Des comparaisons ajustées entre ces
épisodique ou chronique. molécules n’ont pas montré de différence significa-
Les antidépresseurs tricycliques, en particulier tive pour 30 p. 100 d’amélioration de la douleur, ni
l’amitriptyline, ont montré leur efficacité par rapport pour le taux d’interruption thérapeutique pour effets
au placebo, dans la prévention de la migraine et les indésirables. Cependant, des différences significatives
céphalées de tension ; ils sont plus efficaces que les ont été observées dans la réduction symptomatique :
inhibiteurs sélectifs de la recapture de sérotonine, bien la duloxétine et la prégabaline étaient supérieures au
qu’avec davantage d’effets indésirables [30]. milnacipran dans la réduction de la douleur et des
perturbations du sommeil ; la duloxétine était supé-
rieure au milnacipran et à la prégabaline pour la
réduction de l’humeur dépressive, alors que ces deux
Fibromyalgie
dernières molécules étaient supérieures à la première
La fibromyalgie est caractérisée par un syndrome pour l’amélioration de la fatigue. Il y avait davantage
douloureux musculosquelettique diffus et chronique, de céphalées et de nausées avec les deux antidépres-
accompagné de fatigue, de troubles du sommeil et seurs, et davantage de diarrhées avec la duloxétine.
de perturbations psychiques, notamment dépres-
sives, altérant le fonctionnement et la qualité de vie Syndrome de l’intestin irritable
du patient qui en souffre. Aucune origine tissulaire
de la douleur ne peut être identifiée, et le trouble est Le syndrome de l’intestin irritable est un trouble
actuellement conceptualisé comme un désordre du gastro-intestinal fonctionnel chronique se tradui-
traitement central de la douleur, avec une perte de sant par des douleurs abdominales et des troubles du
modulation qui produit des réponses exagérées aux transit intestinal (diarrhée, constipation ou leur alter-
stimuli douloureux (hyperalgésie) ou des réponses nance) ; il existe également un ballonnement intesti-
douloureuses à des stimuli habituellement non dou- nal, un besoin impérieux d’aller à la selle ainsi que
loureux (allodynie). Un déficit des transmissions des nausées ou des vomissements. Une anomalie du
sérotoninergiques et noradrénergiques pourrait être traitement central de la douleur a été évoquée dans
impliqué dans la physiopathologie ; par ailleurs, une les mécanismes physiopathologiques, dans un modèle
augmentation des neurotransmetteurs pronocicep- comparable à celui de la fibromyalgie avec laquelle
tifs, tels que le glutamate et la substance P, pourrait existe une co-agrégation. Le syndrome s’accompagne

209
I n d i c at i o n s e t m o da l i t é s d e p r e s c r i p t i o n

volontiers de fatigue, d’irritabilité et d’une co-mor- Hypersomnie


bidité psychiatrique, en particulier dépressive. Une
Les antidépresseurs ont pu être recommandés
méta-analyse récente de douze essais cliniques contre
pour traiter la cataplexie dans le cadre de la narco-
placebo a montré l’efficacité des antidépresseurs, avec
lepsie, et certains d’entre eux pourraient améliorer
un risque relatif de demeurer symptomatique après le
la somnolence diurne excessive. Il ne semble pas
traitement de 0,66, significatif par rapport au placebo
toutefois y avoir d’argument solide en faveur de
[23] ; l’effet thérapeutique était similaire entre les
l’efficacité des antidépresseurs dans la narcolepsie,
tricycliques et les inhibiteurs sélectifs de la recapture
et les preuves de leur effet positif dans la cataplexie
de sérotonine. Les arguments pour un bénéfice des
sont limitées [68].
antidépresseurs chez des patients présentant un syn-
drome de l’intestin irritable associé à une dépression
paraissent cependant limités et contradictoires [26]. Indications dans le cadre des addictions
Les antidépresseurs ont été utilisés dans la pharma-
Indications dans le cadre codépendance, non seulement pour leurs effets poten-
des troubles du sommeil tiels sur certains mécanismes physiopathologiques,
mais aussi pour traiter la co-morbidité dépressive.
Les effets des antidépresseurs sur le sommeil sont Concernant la dépendance à la nicotine, quelques
variables et dépendent notamment de la classe et de antidépresseurs ont été évalués dans l’aide au sevrage
la posologie [38]. Les antidépresseurs peuvent induire tabagique, notamment la nortriptyline, métabolite
aussi bien une insomnie, en particulier les IMAO, actif déméthylé de l’amitriptyline, non disponible en
certains imipraminiques, les inhibiteurs sélectifs de la France, et le bupropion. Le bupropion est un antidé-
recapture de sérotonine et les inhibiteurs mixtes de la presseur inhibiteur de la recapture de noradrénaline
recapture de sérotonine et de noradrénaline, qu’une et de dopamine, ayant un profil clinique non sédatif ;
somnolence, notamment les imipraminiques sédatifs il possède en outre une activité agoniste des récep-
comme l’amitriptyline ou la doxépine, et d’autres teurs cholinergiques nicotiniques, qui pourrait être
substances comme la miansérine ou la mirtazapine. impliquée dans son mécanisme d’action. Son effica-
La plupart des antidépresseurs réduisent le temps de cité dans l’aide au sevrage tabagique est supérieure au
sommeil paradoxal (en dehors de la trimipramine) et placebo, avec un rapport de cote de 2,07, établi par
allongent sa latence. une méta-analyse de seize essais cliniques comparatifs
randomisés en double insu [18]. Une efficacité com-
parable se retrouve dans une population souffrant de
Insomnie
maladie mentale sévère [7].
L’action sédative des antidépresseurs relève de leurs Les antidépresseurs ont également été étudiés dans
propriétés antagonistes des récepteurs H1 de l’hista- la dépendance à la cocaïne, mais il ne semble pas y
mine (par exemple, l’amitriptyline, la doxépine, la avoir de preuve de leur efficacité dans cette indication
mirtazapine) ainsi que de l’antagonisme de récepteurs [61]. Malgré des données de pharmacologie expéri-
pour d’autres neurotransmetteurs, notamment les mentale en faveur de l’utilisation des inhibiteurs de
récepteurs a1-noradrénergiques (par exemple, l’ami- la recapture de sérotonine dans la dépendance alcoo-
triptyline, la doxépine) ou 5-HT2 sérotoninergiques lique, il n’y a pas de preuve générale d’un bénéfice
(par exemple, la mirtazapine). Par ailleurs, l’agoméla- thérapeutique chez des sujets alcoolo-dépendants.
tine, agoniste des récepteurs MT1 et MT2 de la mélato- Cependant, il semble que ces composés pourraient
nine et antagoniste des récepteurs 5-HT2C, induit une améliorer les sujets dont l’alcoolisme est de survenue
resynchronisation des rythmes biologiques et a une tardive [31].
action favorable sur le sommeil. Ces différents types
d’antidépresseurs sont plus volontiers utilisés dans les Au total, les antidépresseurs ont montré leur efficacité
troubles du sommeil chez des patients dépressifs. La dans un certain nombre de situations cliniques en dehors
doxépine à faible posologie (3 à 6 mg/j), ayant dans des troubles dépressifs et des troubles anxieux ; leur pres-
ces conditions une sélectivité antihistaminique H1 cription peut être justifiée dans certains de ces cas, en
optimale, s’est montrée efficace dans l’insomnie pri- fonction du contexte individuel et des alternatives théra-
maire [70] ; elle est approuvée par la FDA dans cette peutiques, et en pondérant l’appréciation du bénéfice thé-
indication. rapeutique potentiel par l’analyse des risques encourus.

210
I N D I C AT I O N S F R O N T I È R E S E T D É R I V E S D E P R E S C R I P T I O N

D érives de prescription prescriptions pourrait revêtir un caractère abusif et/ou


inutile. Aux États-Unis, Mojtabai [43] a mis en évi-
dence que le pourcentage de patients recevant des
L’augmentation de prescription des antidépresseurs antidépresseurs sans remplir pour autant les critères
est un phénomène universel. Aux Etats-Unis, leur diagnostiques d’un trouble anxieux ou dépressif dans
taux d’utilisation annuelle dans la population géné- l’année précédente était passé de 30 p. 100 au début
rale est passé de 2 p. 100 au début des années 1990 à des années 1990 à 46 p. 100 au début des années
10 p. 100 au début des années 2000, avec notamment 2000. Sur un échantillon représentatif de la popu-
une augmentation notable chez les patients présentant lation adulte américaine, l’étude réalisée de 2001 à
les troubles les moins sévères [49]. En France, la quan- 2003 par Pagura et al. [49] chez plus de 20 000 sujets
tité moyenne d’antidépresseurs vendue quotidienne- a retrouvé que 50 p. 100 des patients traités par un
ment a pratiquement été multipliée par cinq entre antidépresseur au cours de l’année précédant l’en-
1980 et 2001 [3]. Le rapport parlementaire de 2006 quête ne répondait à aucun diagnostic du DSM-IV
sur le bon usage des médicaments psychotropes sou- au cours de cette période et que la moitié d’entre eux
ligne que les antidépresseurs arrivent en seconde posi- n’avait même eu aucun antécédent psychiatrique de
tion pour la prescription de ce type de médicaments ce type au cours de sa vie. Des chiffres similaires ont
et qu’ils sont utilisés en moyenne par 1 personne sur été retrouvés en France par l’étude ESEMed qui, para-
10 au cours de l’année et 1 sur 20 de manière régulière doxalement, souligne également que moins de la moi-
[13]. Le même rapport mentionne qu’entre 1991 et tié des sujets répondant aux critères d’un état dépressif
1997, le nombre d’unités d’antidépresseurs vendues majeur reçoit un traitement adéquat par un antidé-
en France (prenant comme référence le nombre de presseur. Dans une enquête réalisée en France chez
boîtes) avait augmenté de 42 p. 100, de loin le chiffre des médecins généralistes de la région de Montpellier,
de croissance le plus important de toutes les catégo- chez 1 151 patients, Norton et al. [45] ont également
ries de psychotropes. Cette augmentation rapide est montré que 8 p. 100 des patients reçoivent un trai-
particulièrement nette depuis le milieu des années tement psychotrope alors qu’ils ne présentent pas
1980 et probablement liée, en partie, à l’introduc- de troubles anxieux ou dépressifs aux yeux de leurs
tion de la classe des ISRS, plus simples d’utilisation et médecins, un pourcentage qui augmente jusqu’à
mieux tolérés que leurs prédécesseurs tricycliques ou 27 p. 100 lorsque l’existence de troubles émotionnels
IMAO. D’autre part, la même période a vu se mul- est validée par l’obtention de valeurs seuil objectivées
tiplier les indications thérapeutiques des antidépres- par l’utilisation du questionnaire PHQ (patient health
seurs dont les AMM couvrent maintenant la plupart questionnaire). Certes, l’absence de diagnostic DSM
des troubles anxieux ainsi que la prévention des réci- ne permet pas d’exclure l’existence d’une souffrance
dives dépressives, indication qui a considérablement émotionnelle qui peut être invalidante, et les études
augmenté les recommandations officielles de durée épidémiologiques ont d’ailleurs démontré depuis
de ces traitements. Enfin, l’incidence même des états longtemps que ces patients consultant pour des symp-
dépressifs majeurs est également en voie d’augmenta- tomatologies dites « subsyndromiques » – particuliè-
tion, notamment dans les générations les plus jeunes, rement nombreux en médecine générale – présentent
augmentation qui, en 2020, devrait hisser ces troubles un niveau significatif de détresse psychologique et de
au deuxième rang des problèmes de santé les plus retentissement fonctionnel [9, 10] qui les rend vulné-
fréquents dans le monde [71]. En ce qui concerne la rables au développement ultérieur de troubles anxieux
France, d’autres facteurs, notamment socioculturels, ou dépressifs spécifiques, et nécessitent néanmoins
sont probablement à envisager pour rendre compte une prise en charge adaptée. Cependant, des travaux
d’une consommation de psychotropes non seule- récents suggèrent que la prescription d’antidépres-
ment élevée, mais presque deux fois supérieure à celle seurs n’a, tout au plus, qu’un intérêt marginal dans la
observée par rapport à la moyenne des six pays euro- prise en charge de ces patients dont l’intensité minime
péens ayant fait l’objet de l’étude épidémiologique ou modérée des symptômes dépressifs rentre le plus
ESEMed [2]. souvent dans le cadre des troubles de l’adaptation,
Si certains facteurs rendent compte du développe- comme le démontre la fréquence des situations stres-
ment important des prescriptions d’antidépresseurs santes ou traumatisantes dans leurs antécédents [49].
au cours des dernières décennies, l’expérience quo- Plusieurs méta-analyses récentes démontrent en
tidienne des psychiatres et les recherches cliniques effet clairement que l’efficacité des antidépresseurs ne
suggèrent également qu’une partie au moins de ces se distingue pas de celle du placebo dans le traitement

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I n d i c at i o n s e t m o da l i t é s d e p r e s c r i p t i o n

des dépressions d’intensité légère à modérée et/ou de l’utilisation de toute technique spécifique [54]. Ces
des pathologies anxiodépressives subsyndromiques effets, liés à l’établissement d’une alliance thérapeu-
[24]. Dans un article ayant eu un fort retentissement tique entre le médecin et son patient, à la possibilité
médiatique dans le monde entier [8, 32], une méta- donnée à ce dernier de pouvoir verbaliser une partie de
analyse de trente-cinq essais cliniques randomisés ses problèmes dans le cadre d’une écoute empathique
d’antidépresseurs réalisés selon les critères de la FDA et de pouvoir réévaluer certaines inquiétudes géné-
dans le traitement d’états dépressifs majeurs mettait rées par les biais cognitifs liés aux processus dépressifs
en évidence que l’effet du placebo diminuait parallè- (effet de réassurance), sont inhérents à toute prise en
lement à la gravité initiale de la dépression et que la charge, qu’elle soit réalisée par un psychiatre ou par un
différence entre le placebo et le produit actif ne deve- généraliste et amèneraient le patient à retrouver pro-
nait cliniquement significative qu’à partir d’un score gressivement les mécanismes physiologiques de coping
de sévérité initiale de 28 à l’échelle de dépression qui permettent à la plupart d’entre nous de faire face
d’Hamilton [33]. On notera cependant que, dans aux situations aversives. La similitude évolutive et
cet article, les auteurs ont retenu comme clinique- symptomatique des améliorations observées sous anti-
ment significative une différence de trois points sur dépresseurs et sous placebo est en faveur d’une telle
cette échelle, conformément aux recommandations hypothèse [64]. En atténuant l’impact émotionnel des
du NICE (National Institute for Clinical Excellence) stimuli négatifs, les antidépresseurs joueraient un rôle
britannique, alors que les experts de l’Agence euro- facilitateur qui augmenterait pour le patient déprimé
péenne du médicament (EMEA) se contentent d’une les possibilités d’accéder à ces mécanismes adaptatifs
différence de deux points avec le placebo pour la mise liés à l’influence positive des facteurs relationnels et/
sur le marché de nouveaux antidépresseurs, soit un ou sociaux de leur environnement [27], mécanismes
effet possible du traitement actif à partir du score de qui restent probablement accessibles aux patients sans
25 à l’échelle d’Hamilton, conforme aux résultats de l’aide d’antidépresseurs dans les symptomatologies
Fournier et al. [24]. mineures ou subsyndromiques.
L’absence de différence entre placebo et antidépres- Enfin, on notera qu’en dehors de leurs problèmes
seur ne doit cependant pas faire oublier que, dans ces d’indication, les antidépresseurs sont loin d’être tou-
essais cliniques, l’amélioration liée aux facteurs autres jours prescrits conformément aux recommandations
que pharmacologiques était responsable d’une grande de bonne pratique, notamment celles suggérant une
partie des effets thérapeutiques observés dans les durée optimale de 6 mois pour le traitement d’un épi-
troubles anxieux ou dépressifs et que, en l’absence de sode dépressif : dans une enquête réalisée en France en
recommandations spécifiques pour la prise en charge 1996 auprès de patients ayant débuté un traitement
des dépressions mineures et/ou subsyndromiques, antidépresseur dans le mois précédant, Olié et al.
ces facteurs mériteraient d’être étudiés de façon plus [47] rapportent que 61 p. 100 l’avaient interrompu
systématique. Dans les essais cliniques d’antidépres- dans les 4 mois suivant. Aux États-Unis, une enquête
seurs, les taux de réponse au placebo sont en effet de similaire révèle des chiffres voisins avec seulement
30 à 50 p. 100 après 6 à 8 semaines de traitement, et 28 p. 100 des patients déprimés poursuivant leur trai-
les différences observées avec le produit actif – pour tement antidépresseur au-delà de 3 mois [48]. L’étude
lequel les taux de réponse vont habituellement de 50 des remboursements mentionnée par le rapport parle-
à 70 p. 100 – montrent que la plus grande partie des mentaire sur les psychotropes montre qu’en France,
améliorations observées dans ce groupe répond à des pour près d’un tiers des assurés ayant une prescription
facteurs non spécifiques. Ces facteurs sont multiples d’antidépresseur, celle-ci n’est jamais renouvelée [13].
et vont de l’évolution spontanée des troubles au rôle Dans le but d’éviter les prescriptions abusives
des aspects relationnels et environnementaux, qu’ils précédemment mentionnées, une prise en charge
soient liés à la prise en charge médicale ou à des fac- plus adaptée des états dépressifs devrait donc passer
teurs extérieurs à cette dernière. Des études rétrospec- par une sensibilisation accrue des médecins généra-
tives ont par exemple montré une corrélation positive listes – source de plus de 70 p. 100 des prescriptions
entre le nombre des évaluations réalisées dans un essai d’antidépresseurs – à l’importance de ces facteurs
clinique et l’importance des effets placebo, ce qui sug- psychothérapiques non spécifiques, là où leur forma-
gère que les différentes étapes de ces prises en charge tion initiale reste encore le plus souvent insuffisante
très structurées (établissement d’un diagnostic, évalua- dans le domaine de la pharmacologie clinique et des
tion des symptômes, entretiens réguliers) pourraient techniques psychothérapiques de base et où leur for-
contribuer à un effet « psychothérapique » en dehors mation permanente continue à dépendre des firmes

212
I N D I C AT I O N S F R O N T I È R E S E T D É R I V E S D E P R E S C R I P T I O N

pharmaceutiques. De nombreuses études montrent en 15. Clauw DJ. Fibromyalgia : an overview. Am J Med, 2009,
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............
19
E ffets indésirables prévisibles
du fait des propriétés pharmacologiques
........
P.-M. Llorca et A. Nourry

La connaissance des différents mécanismes physio- de certains effets indésirables, ce qui présente d’ail-
pathologiques de la dépression a permis d’élaborer leurs plusieurs avantages :
les divers concepts pharmacologiques sous-tendant le –– permettre l’information des patients sur les dif-
développement et l’utilisation des antidépresseurs. La férents effets indésirables prévisibles, en particulier les
compréhension des différentes propriétés pharmaco- plus fréquents et les plus graves, ce qui peut contri-
logiques des antidépresseurs aide à prévoir la survenue buer à une meilleure alliance thérapeutique, à une

Tableau 19-I. – Liste des différents représentants de chaque famille d’antidépresseurs et leurs noms commerciaux.
Classes d’antidépresseurs DCI Spécialités
Antidépresseurs tricycliques (ADT) Amitriptyline Laroxyl
®
Amoxapine Défanyl
®
Clomipramine Anafranil
®
Dosulépine Prothiaden
®
Doxépine Quitaxon
®
Imipramine Tofranil
®
Maprotiline Ludiomil
®
Tianeptine Stablon
®
Trimipramine Surmontil
®
Inhibiteurs de la monoamine oxydase (IMAO) Iproniazine (IMAO non sélectif) Marsilid
®
Moclobémide (IMAO sélectif A) Moclamine
®
Seroplex ®
Inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) Citalopram Seropram

Prozac ®
Escitalopram
Fluoxétine
®
Deroxat ®
Fluvoxamine Floxyfral

Zoloft ®
Paroxétine
Sertraline
®
Inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSNa) Duloxétine Cymbalta
®
Minalcipran Ixel
®
Venlafaxine Effexor
®
Inhibiteurs de la recapture de la noradrénaline et de la dopamine (IRND) Bupropion Zyban
®
Inhibiteurs sélectifs de la recapture de la noradrénaline (ISRN) Réboxétine(1) Edronax
®
Antagonistes α2 comme désinhibiteurs de la sérotonine et de la noradrénaline Miansérine Athymil
®
Mirtazapine Norset
®
Antagonistes/inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (AIRS) Trazodone(1) Trazolan
®
(1) Médicaments non commercialisés en France.

219
To l é r a n c e

meilleure observance et à une meilleure compréhen- également quatre propriétés pharmacologiques, qui
sion de la maladie et du traitement ; provoquent certains effets indésirables :
–– aider au choix du traitement antidépresseur de –– blocage des récepteurs cholinergiques muscari-
façon à l’adapter à chaque patient en fonction de ses niques M1 ;
antécédents ; –– blocage des récepteurs histaminergiques H1 ;
–– aider au choix des associations médicamenteuses –– blocage des récepteurs adrénergiques a1 ;
selon les mécanismes d’action (de préférence complé­ –– blocage des canaux sodiques voltage-dépendants
mentaires) ; présents au niveau du cœur et du cerveau.
–– comprendre le pourquoi des associations à éviter
et des précautions à prendre en cas de changement de
traitement, notamment avec les IMAO.
Nous allons donc d’abord exposer les mécanismes Effets indésirables
d’action, les effets indésirables pharmacologiquement pharmacologiquement prévisibles
prévisibles ainsi que les attitudes cliniques qui en
découlent pour les neuf grandes classes d’antidépres- (Tableau 19-II)
seurs actuellement utilisées. Ensuite, nous décrirons
L’inhibition des récepteurs muscariniques sous-
le syndrome sérotoninergique, qui doit être connu
tend des effets anticholinergiques type sécheresse
des praticiens car, même s’il est peu fréquent, il peut
buccale, mydriase, trouble de l’accommodation,
s’avérer grave, voire mortel. Nous aborderons la phy-
constipation, dysurie, rétention urinaire. Les effets
siopathologie, les critères diagnostiques, les diagnos-
antihistaminiques liés au blocage des récepteurs his-
tics différentiels et les modalités de prise en charge de
taminergiques H1 sont principalement la sédation et
ce syndrome.
la prise de poids. Le blocage de récepteurs adréner-
La liste des différentes molécules de chaque famille
giques a1 entraîne une somnolence, une hypotension
d’antidépresseurs, commercialisées en France et en
orthostatique et des vertiges. Le blocage des canaux
Europe est présentée dans le tableau 19-I.
sodiques voltage-dépendants est faible ; aux doses thé-
rapeutiques, il est sans conséquence ; en revanche, en
cas de surdosage, il peut être responsable d’arythmie
cardiaque, de crises convulsives, voire de coma, d’arrêt
A ntidépresseurs tricycliques
cardiaque et de mort subite.

Mécanismes d’action

Les antidépresseurs tricycliques (ADT) tirent leur Tableau 19-II. – Effets indésirables pharmacologi­
appellation de leur structure chimique organique à quement prévisibles des antidépresseurs tricycliques
trois noyaux ; ils ont été synthétisés sur le modèle (ADT).
des phénothiazines. Leurs propriétés antidépressives
résultent de l’inhibition de la recapture présynap- Propriétés pharmacologiques Effets indésirables en rapport
tique de la noradrénaline ou de la sérotonine et de
la noradrénaline. Certains ADT bloquent plutôt la Inhibition des récepteurs Effets atropiniques : sécheresse
recapture de la sérotonine, d’autres plutôt celle de cholinergiques buccale, mydriase, trouble
muscariniques M1 de l’accommodation,
la noradrénaline, mais la plupart inhibe la recapture
constipation, dysurie, réten-
des deux monoamines. Certains ADT ont égale- tion urinaire
ment des effets antagonistes sur les récepteurs séro-
toninergiques post-synaptiques 5-HT2A et 5-HT2C. Inhibition des récepteurs Effets antihistaminiques :
Tout ceci permet une augmentation de la concen- histaminergiques H1 sédation, prise de poids
tration de sérotonine dans la fente synaptique et Inhibition des récepteurs Hypotension orthostatique,
induirait l’effet antidépresseur. L’inhibition des a1-adrénergiques vertiges
récepteurs 5-HT2A et 5-HT2C entraîne également
une désinhibition de la libération de dopamine Inhibition des canaux sodiques En cas de surdosage : aryth-
voltage-dépendants céré- mie, crises convulsives, mort
qui contribue à l’action antidépressive. Les ADT braux et cardiaques subite, coma
sont des molécules très efficaces. Elles possèdent

220
E F F E T S I N D É S I R A B L E S P R É V I S I B L E S D U FA I T D E S P RO P R I É T É S P H A R M AC O L O G I QU E S

Conséquences cliniques antidépresseur. L’inhibition de la MAO-B induit,


elle, une augmentation modérée de la concentration
Les effets indésirables les plus fréquents des ADT de dopamine, mais pas de la sérotonine, ni de la nora-
sont les effets atropiniques, les effets adrénolytiques drénaline, ces dernières étant toujours catabolisées par
(hypotension orthostatique, vertiges) et la somno- la MAO-A. Le blocage de la MAO-B n’a donc pas
lence. Ces manifestations ont tendance à s’estomper d’action antidépressive. L’inhibition simultanée des
avec le temps ; néanmoins, des conseils hygiénodiété- deux MAO peut avoir un effet antidépresseur majeur,
tiques, voire des médicaments « correcteurs » peuvent via une augmentation des concentrations des trois
être proposés : neurotransmetteurs (sérotonine, noradrénaline et
–– pour la xérose buccale : hydratation, bonbons dopamine) plus importante que celle provoquée par
sans sucre à sucer, gommes à mâcher, voire correcteur l’inhibition d’une seule des deux enzymes. Il existe
des insuffisances salivaires type Sulfarlem® ; deux types d’IMAO :
–– pour la constipation : alimentation équilibrée, –– les IMAO non sélectifs : ils se fixent de manière
riche en fibres, activité physique, laxatifs ; covalente et irréversible sur les MAO et entraînent
–– pour les vertiges et l’hypotension orthostatique : ainsi une augmentation rapide et prolongée de la séro-
passage à l’orthostatisme en plusieurs étapes, évite- tonine, de la noradrénaline et de la dopamine dans le
ment des stations debout prolongées. cerveau, mais aussi dans le cœur, le foie, l’intestin et le
plasma, d’où certains effets secondaires ;
–– les IMAO-A ou IRMA (inhibiteurs sélectifs et
réversibles de la MAO-A) : ils se fixent de manière
I nhibiteurs spécifique et non covalente sur les MAO-A. Cela
de la monoamine oxydase induit une inhibition ciblée et réversible de la MAO-
A, d’où un moindre risque d’interactions alimentaires
et médicamenteuses.
Mécanismes d’action

Les inhibiteurs de la monoamine oxydase (IMAO) Effets indésirables


sont les premiers antidépresseurs efficaces découverts. pharmacologiquement prévisibles
La monoamine oxydase (MAO) est une enzyme qui (Tableau 19-III)
intervient dans le métabolisme des monoamines. Il
en existe deux sous-types, présents dans le cerveau : Les IMAO non sélectifs, en bloquant la dégradation
la forme A, qui métabolise préférentiellement la séro- des catécholamines périphériques, peuvent entraîner
tonine et la noradrénaline, et la forme B, qui métabo- une insomnie, une hypotension orthostatique ou, au
lise plutôt les amines sous forme de traces ainsi que contraire, une crise hypertensive par « effet fromage »,
la sérotonine et la noradrénaline, mais uniquement à c’est-à-dire ingestion de tyramine contenue dans le fro-
des concentrations élevées ; les deux enzymes méta- mage (ou en cas d’interaction avec d’autres molécules
bolisent également la dopamine et la tyramine. La noradrénergiques). La tyramine stimule la libération
MAO-A est la forme prédominante, sauf au niveau de noradrénaline ; si la MAO-A est inhibée de façon
des plaquettes et des lymphocytes. L’inhibition de la irréversible, alors la noradrénaline n’est pas éliminée
MAO-A entraîne une augmentation de la concentra- et peut s’accumuler massivement. Cela conduit à une
tion de sérotonine et de noradrénaline dans la fente stimulation excessive des différents récepteurs adréner-
synaptique par défaut de destruction, d’où l’effet giques et donc notamment à une vasoconstriction et à

Tableau 19-III. – Effets indésirables pharmacologiquement prévisibles des antidépresseurs inhibiteurs de la


monoamine oxydase (IMAO).

Propriétés pharmacologiques Effets indésirables en rapport

IMAO non sélectifs Inhibition irréversible de la MAO et donc de la Effets atropiniques


dégradation des catécholamines Crise hypertensive en cas d’ingestion de tyramine
IMAO sélectifs (IRMA) Inhibition sélective et réversible de la MAO-A Effets atropiniques
Risque de crise hypertensive moindre

221
To l é r a n c e

une élévation de la pression artérielle. Une crise hyper- axonique présynaptique et au niveau somatodendri-
tensive est une réaction potentiellement létale. Elle est tique. Cela entraîne une augmentation de la séroto-
définie par une pression artérielle diastolique supérieure nine, initialement plus importante dans la région
à 120 mmHg, associée aux symptômes suivants : cépha- somatodendritique que dans la région axonique. Cette
lées occipitales avec parfois irradiations frontales, pal- accumulation de sérotonine au niveau somatodendri-
pitations, raideur ou douleur de nuque, nausées et/ou tique provoque une désensibilisation (downregulation)
vomissements, sudation parfois accompagnée de fièvre, des autorécepteurs 5-HT1A présents à cet endroit. La
mydriase, photophobie, tachycardie ou bradycardie, sérotonine ne peut plus exercer son rétrocontrôle néga-
voire douleurs thoraciques constrictives. Les IRMA tif. Le neurone sérotoninergique est donc désinhibé,
réduisent nettement le risque de poussée hypertensive la neurotransmisssion sérotoninergique stimulée et
liée à l’ingestion de tyramine : l’augmentation de nora- un flux de sérotonine libéré dans la fente synaptique.
drénaline dans l’intestin provoquée par l’absorption de Enfin, la libération massive de sérotonine par la ter-
tyramine permet de déplacer le médicament de la MAO, minaison axonique provoque une désensibilisation des
autorisant ainsi la dégradation normale de noradréna- récepteurs sérotoninergiques post-synaptiques.
line excédentaire et évitant une accumulation massive.

Effets indésirables
Conséquences cliniques pharmacologiquement prévisibles
Les effets indésirables apparaissent en général au (Tableau 19-IV)
cours des deux premières semaines de traitement et
s’estompent parallèlement à l’amélioration des symp- Les effets indésirables des inhibiteurs sélectifs de
tômes dépressifs. Les plus fréquents sont les effets la recapture de la sérotonine (ISRS) sont liés à la sti-
anticholinergiques. Le même type de conseils qu’avec mulation aiguë de récepteurs sérotoninergiques post-
les ADT peut donc être proposé aux patients pour la synaptiques, notamment 5-HT2A, 5-HT2C, 5-HT3 et
xérose buccale, la constipation ou les vertiges et l’hy- 5-HT4. Leur nature est expliquée par la topographie
potension orthostatique. Avec l’iproniazide en particu- anatomique de ces récepteurs :
lier, il existe un risque de crise hypertensive gravissime, –– la stimulation des récepteurs situés au niveau
voire létale, en cas d’ingestion d’aliments riches en des projections du raphé sur l’amygdale, du cortex
tyramine ou en tryptophane ou d’interactions médica- limbique et du cortex préfrontal ventromédian peut
menteuses. Il est donc impératif de mettre en garde les provoquer agitation, anxiété et attaque de panique en
patients sur l’importance de ne recourir à aucune auto- début de traitement (avant l’apparition des propriétés
médication, même pour des affections banales, et de anxiolytiques) ;
toujours signaler la prise d’IMAO aux différents méde- –– la stimulation des récepteurs situés au niveau
cins et pharmaciens rencontrés. Il convient également des ganglions de la base peut entraîner mouvements
de les informer de la nécessité d’éviter la consomma- anormaux, akathisie, ralentissement psychomoteur,
tion de certains aliments riches en tyramine et en tryp- syndrome parkinsonien et dystonie ;
tophane (fromages fermentés, alcool, foies de volaille, –– la stimulation des récepteurs des centres du som-
extraits de levure, bananes…). meil, dans le tronc cérébral, peut induire des myoclo-
nies durant la nuit, une interruption du sommeil lent
profond ou une augmentation des réveils nocturnes ;
–– la stimulation des récepteurs de la moelle épi-
nière peut inhiber les réflexes spinaux d’orgasme et
I nhibiteurs sélectifs de
d’éjaculation ;
la recapture de la sérotonine –– la stimulation des récepteurs des centres méso-
corticaux du plaisir peut avoir pour effet une apathie
et une baisse de la libido ;
Mécanismes d’action –– la stimulation des récepteurs dans l’hypotha-
lamus et le tronc cérébral peut engendrer nausées et
Ces produits ont pour propriété commune d’inhi- vomissements ;
ber de façon sélective et puissante la recapture de la –– la stimulation des récepteurs du tube digestif
sérotonine, en bloquant son transporteur (transporteur peuvent accélérer la motilité intestinale et avoir pour
de la sérotonine [SERT]) au niveau de la terminaison conséquences des crampes digestives et une diarrhée.

222
E F F E T S I N D É S I R A B L E S P R É V I S I B L E S D U FA I T D E S P RO P R I É T É S P H A R M AC O L O G I QU E S

Tableau 19-IV. – Effets indésirables pharmacologi­quement prévisibles des antidépresseurs inhibiteurs sélectifs de la
recapture de la sérotonine (ISRS).

Localisation des différents types de récepteurs sérotoninergiques Effets indésirables en rapport


post-synaptiques

Projection du raphé sur l’amygdale, cortex limbique, cortex pré- Agitation, anxiété, attaques de panique
frontal ventromédian
Ganglions de la base Mouvements anormaux, syndrome parkinsonien, dystonie,
akathisie, ralentissement psychomoteur
Centres du sommeil du tronc cérébral Myoclonies pendant le sommeil, interruption du sommeil lent
profond, augmentation des réveils nocturnes
Moelle épinière Inhibition des réflexes spinaux d’orgasme et d’éjaculation
Hypothalamus et tronc cérébral Nausées, vomissements
Centres mésocorticaux du plaisir Apathie, baisse de la libido
Tube digestif Accélération de la motilité intestinale, diarrhée, crampes digestives

Conséquences cliniques leurs transporteurs respectifs au niveau présynap-


tique, ce qui a pour conséquence une accumulation
Les effets secondaires des ISRS sont présents pendant des deux monoamines dans la fente synaptique. Ainsi
les premières semaines de traitement, puis s’atténuent. les concentrations de sérotonine et de noradrénaline
Les plus fréquents sont les troubles digestifs avec nau- augmentent-elles dans tout le cerveau. Les IRSNa
sées, vomissements, diarrhée. Il peut donc être conseillé ont également un troisième rôle : l’augmentation de
aux patients de d’éviter de prendre le médicament à dopamine dans le cortex préfrontal. En effet, dans
jeun et de plutôt l’avaler en milieu ou en fin de repas. cette zone du cerveau, le transporteur de la noradré-
naline (NAT) interagit également avec la dopamine.
Ainsi son blocage entraîne-t-il aussi une accumulation
I nhibiteurs de la dopamine dans la fente synaptique.
de la recapture de la sérotonine
et de la noradrénaline Effets indésirables
pharmacologiquement prévisibles
(Tableau 19-V)
Mécanismes d’action
Les effets indésirables des IRSNa sont secondaires
Les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et à la stimulation aiguë de plusieurs sous-types de
de la noradrénaline (IRSNa) offrent un mode d’action récepteurs noradrénergiques présents dans différentes
double : ils associent l’inhibition de la recapture de la régions du corps et du cerveau, à savoir, les récep-
sérotonine et celle de la noradrénaline, en bloquant teurs a1-a2- et/ou b1-adrénergiques :

Tableau 19-V. – Effets indésirables pharmacologi­quement prévisibles des antidépresseurs inhibiteurs de la recapture
de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSNa).

Localisation des sous-types Effets indésirables en rapport


de récepteurs noradrénergiques

Cervelet et système nerveux sympathique périphérique Activation motrice, tremblements


Amygdales, cortex limbique, cortex préfrontal ventromédian Agitation
Centres cardiovasculaires du tronc cérébral Modifications tensionnelles
Cœur Modification du rythme cardiaque
Système nerveux sympathique « Syndrome pseudo-cholinergique » : sécheresse buccale, troubles de
l’accommodation, mydriase, constipation, dysurie, rétention urinaire

223
To l é r a n c e

–– la stimulation des récepteurs situés dans le cer- Tableau 19-VI. – Effets indésirables pharmacologi­
velet ou au niveau du système nerveux sympathique quement prévisibles des antidépresseurs inhibiteurs de la
périphérique peut provoquer une activation motrice recapture de la noradrénaline et de la dopamine (IRND).
et des tremblements ;
Propriétés pharmacologiques Effets indésirables en rapport
–– la stimulation des récepteurs de l’amygdale, du
cortex limbique ou du cortex préfrontal ventromédian Inhibition des transporteurs Effets amphétamine-like :
peut induire de l’agitation ; cardiaques et cérébraux de la tachycardie, HTA, excita-
–– la stimulation des récepteurs présents au niveau dopamine tion, insomnie, anorexie,
des centres cardiovasculaires du tronc cérébral peut nausées, vomissements,
entraîner des modifications tensionnelles ; constipation, tremblements
–– la stimulation des récepteurs cardiaques peut
perturber le rythme cardiaque ;
–– la stimulation des récepteurs du système nerveux prodrogue. Ainsi le bupropion est-il simultanément
sympathique peut réduire franchement le tonus choli- un médicament actif et le précurseur d’autres molé-
nergique parasympathique et avoir pour conséquence cules aussi actives, voire davantage.
un syndrome « pseudo-cholinergique » avec séche-
resse buccale, mydriase, trouble de l’accommodation, Effets indésirables
constipation, dysurie, rétention urinaire.
pharmacologiquement prévisibles
(Tableau 19-VI)
Conséquences cliniques
Les IRND peuvent engendrer des effets dits
Les effets secondaires souvent retrouvés sont les amphétamine-like par inhibition trop brève et rapide
« effets pseudo-cholinergiques » et les modifications des transporteurs de la dopamine au niveau cardiaque
tensionnelles de type hypertension artérielle. Pour ce et cérébral : tachycardie, hypertension artérielle, exci-
qui est des manifestations « pseudo-cholinergiques », tation, insomnie, anorexie, nausées, vomissements,
les conseils énumérés plus hauts sont également constipation et tremblements.
valables. Les chiffres tensionnels devront être réguliè-
rement surveillés.
Conséquences cliniques
I nhibiteur de la recapture En France, le bupropion n’est pas utilisé comme
antidépresseur, il n’est d’ailleurs pas remboursé par la
de la noradrénaline Sécurité sociale. Son usage est réservé au sevrage taba-
et de la dopamine gique. Les effets amphétamine-like les plus fréquem-
ment retrouvés sont les troubles digestifs avec nausées,
vomissements et constipation, l’excitation psychomo-
Mécanismes d’action trice, l’insomnie et les tremblements. Ainsi peut-on
proposer aux patients les mêmes conseils que ceux pré-
Bien qu’il ait pour seule indication, en France, cédemment cités et de privilégier une prise matinale
pour diminuer l’impact de l’excitation sur le sommeil.
l’aide au sevrage tabagique, le bupropion (Zyban ),
®
appartient à la famille des antidépresseurs et repré-
sente le prototype du groupe des inhibiteurs de la
recapture de la noradrénaline et de la dopamine I nhibiteurs sélectifs
(IRND). Les IRND tirent, en partie, leurs propriétés
antidépressives de leur capacité à inhiber la recapture
de la recapture
de la noradrénaline et de la dopamine, en bloquant de la noradrénaline
leurs transporteurs respectifs au niveau présynaptique,
mais tout ceci de manière modérée. Le bupropion
est ensuite dégradé en plusieurs métabolites actifs, Mécanismes d’action
dont certains sont des inhibiteurs des transporteurs
de noradrénaline plus puissants et des inhibiteurs Les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la nora-
des transporteurs de dopamine aussi efficaces que la drénaline (ISRN) inhibent de façon sélective les

224
E F F E T S I N D É S I R A B L E S P R É V I S I B L E S D U FA I T D E S P RO P R I É T É S P H A R M AC O L O G I QU E S

Tableau 19-VII. – Effets indésirables pharmacologi­quement prévisibles des antidépresseurs inhibiteurs sélectifs de la
recapture de la noradrénaline (ISRN).

Propriétés pharmacologiques Effets indésirables en rapport

Inhibition des différents sous-types Cervelet et système nerveux sympathique Activation motrice, tremblements
de récepteurs noradrénergiques périphérique
Amygdale, cortex limbique, cortex pré- Agitation
frontal ventromédian
Centres cardiovasculaires du tronc cérébral Modifications tensionnelles
Cœur Modifications du rythme cardiaque
Système nerveux sympathique « Syndrome pseudo-cholinergique » avec sécheresse
buccale, trouble de l’accommodation, mydriase,
constipation, dysurie, rétention urinaire

Inhibition des transporteurs cardiaques et cérébraux de la dopamine Effets amphétamine-like : tachycardie, HTA,
anorexie, excitation, insomnie

transporteurs de la noradrénaline, d’où le blocage A ntagonistes a 2 agissant comme


de la recapture de cette monoamine. Cela entraîne
donc une augmentation diffuse de la noradrénaline désinhibiteurs de la sérotonine
au niveau de toutes les projections neuronales nora- et de la noradrénaline
drénergiques, mais également une augmentation des
concentrations de dopamine dans le cortex préfrontal.
À la différence des IRSNa, l’administration d’ISRN Mécanismes d’action
génère une occupation des sites du transporteur de L’inhibition de la recapture des monoamines n’est
noradrénaline proche de la saturation. pas le seul moyen d’augmenter leurs concentrations.
En effet, le blocage des récepteurs a2 présynaptiques
permet également d’accroître les concentrations de
Effets indésirables sérotonine et de noradrénaline. Le blocage des récep-
teurs a2 induit une désinhibition de la libération de
pharmacologiquement prévisibles sérotonine et de noradrénaline, en empêchant le
(Tableau 19-VII) rétrocontrôle négatif exercé par la noradrénaline sur sa
propre libération et sur celle de la sérotonine. Ensuite,
Les effets indésirables pharmacologiquement pré- la stimulation par la noradrénaline des récepteurs a1
visibles sont liés à la stimulation de différents récep- présents sur les corps cellulaires et les dendrites des neu-
teurs, secondaire à l’augmentation des concentrations rones sérotoninergiques accroît la libération de séro-
de noradrénaline et de dopamine. Ils sont donc super- tonine. Ainsi les antagonistes a2 agissent-ils comme
posables à ceux des IRSNa et des IRND : désinhibiteurs de la sérotonine et de la noradrénaline
–– activation motrice, tremblements ; (DISN). Enfin, les DISN exercent également un anta-
–– agitation ; gonisme sur les récepteurs sérotoninergiques 5-HT2A,
–– modifications tensionnelles ; 5-HT2C, 5-HT3 et histaminergiques H1.
–– tachycardie ;
–– effets atropiniques.
Effets indésirables
pharmacologiquement prévisibles
Conséquences cliniques (Tableau 19-VIII)
Les ISRN ne sont pas commercialisés en France et Le blocage des récepteurs 5-HT2C peut être respon-
donc non utilisés comme antidépresseurs. sable d’une prise de poids. L’inhibition des récepteurs

225
To l é r a n c e

Tableau 19-VIII. – Effets indésirables pharmacologi­ Tableau 19-IX. – Effets indésirables pharmacologi­
quement prévisibles des antidépresseurs antagonistes a2 quement prévisibles des antidépresseurs antagonistes/
comme désinhibiteurs de la sérotonine et de la nora­ inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (AIRS).
drénaline (DISN).
Propriétés pharmacologiques Effets indésirables en rapport
Propriétés pharmacologiques Effets indésirables en rapport
Inhibition des récepteurs Effets anticholinergiques :
Antagonisme des récepteurs Prise de poids a1-adrénergiques sécheresse buccale, mydriase,
sérotoninergiques 5-HT2C trouble de l’accommoda-
Antagonisme de récepteurs Prise de poids, somnolence diurne, tion, constipation, dysurie,
histaminergiques H1 hypotension orthostatique rétention urinaire
Inhibition des récepteurs Prise de poids, hypersom-
histaminergiques H1 nolence, hypotension
orthostatique
histaminergiques H1 peut également participer à la
prise de poids et aussi induire une somnolence diurne
et une hypotension orthostatique.
Le blocage des récepteurs histaminergiques H1 peut
provoquer une prise de poids, une hypersomnolence
Conséquences cliniques et une hypotension orthostatique.
La somnolence est l’effet secondaire le plus fré-
quent. Il tend cependant à s’estomper après quelques Conséquences cliniques
semaines de traitement. Notons que, parfois, cet effet
sédatif est recherché. La prise de poids est particuliè- Les AIRS ne sont pas commercialisés en France. On
rement fréquente avec la mirtazapine, il faut donc peut citer la trazodone.
insister auprès des patients sur les règles hygiénodié-
tétiques à observer pour éviter cette conséquence (ali-
mentation équilibrée, activité physique régulière). A gomélatine , agoniste
mélatoninergique et antagoniste
A ntagonistes / inhibiteurs sérotoninergique
de la recapture de la sérotonine
Mécanismes d’action
Mécanismes d’action
L’agomélatine est l’unique représentant d’une nou-
Les antagonistes/inhibiteurs de la recapture de la
velle classe d’antidépresseurs. Il a pour particularité
sérotonine (AIRS) ont plusieurs sites d’action :
d’être un agoniste mélatoninergique (récepteurs de la
–– en présynaptique, ils inhibent la recapture de la
mélatonine MT1 et MT2) et aussi un antagoniste séro-
sérotonine en bloquant son transporteur ;
toninergique (récepteurs sérotoninergiques 5-HT2C).
–– en post-synaptique, ils inhibent les récepteurs 2A
La stimulation des récepteurs de la mélatonine permet
et 2C de la sérotonine.
une resynchronisation du rythme circadien, très sou-
Tout cela contribue à l’augmentation de la concen-
vent perturbé chez les sujets déprimés. L’agomélatine
tration de la sérotonine dans la fente synaptique. Ils
augmente également la libération de noradrénaline et
ont par ailleurs un effet antagoniste sur les récepteurs
de dopamine, spécifiquement dans le cortex préfrontal.
histaminergiques H1 et adrénergiques a1.

Effets indésirables Effets indésirables


pharmacologiquement prévisibles pharmacologiquement prévisibles
(Tableau 19-IX) (Tableau 19-X)
L’inhibition des récepteurs adrénergiques a1 peut Les effets indésirables les plus fréquents, liés aux
induire des effets secondaires de type anticholinergique. propriétés pharmacologiques de l’agomélatine, sont

226
E F F E T S I N D É S I R A B L E S P R É V I S I B L E S D U FA I T D E S P RO P R I É T É S P H A R M AC O L O G I QU E S

Tableau 19-X. – Effets indésirables pharmacologi­ cas de surdosage, notamment dans un contexte d’asso-
quement prévisibles de l’agomélatine. ciation à d’autres médicaments ou agents « proséroto­
ninergiques » ;
Propriétés pharmacologiques Effets indésirables en rapport
–– manifestations cliniques (au moins trois des
Antagonisme sérotoninergique Nausées, vomissements, diar- symptômes suivants) : confusion, agitation, hypoma-
rhée, constipation, vertiges, nie, myoclonies, rigidité, hyperréflexie tendineuse,
somnolence incoordination, nystagmus horizontal, tremblements,
Agonisme mélatoninergique Maux de tête, insomnie sueurs abondantes, frissons, fièvre, diarrhée, hypo- ou
hypertension artérielle ;
–– examens complémentaires : anomalies de l’élec-
les troubles digestifs avec nausées, vomissements, trocardiogramme avec tachycardie sinusale, troubles
diarrhée ou constipation, vertiges, somnolence ou, au du rythme supraventriculaire ou ventriculaire.
contraire, insomnie, maux de tête ou migraines.

Conséquences cliniques Diagnostics différentiels


La plupart du temps, ces effets secondaires appa- Les diagnostics différentiels sont les suivants :
raissent au cours des deux premières semaines de trai- –– syndrome malin des neuroleptiques ;
tement et ne sont que temporaires. Comme pour les –– syndrome anticholinergique (intoxication aux
autres classes d’antidépresseurs, quelques règles hygié- tricycliques) ;
nodiététiques peuvent être conseillées au patient, en –– syndrome adrénergique ;
particulier pour les troubles digestifs et l’hypotension –– syndrome de sevrage éthylique ;
orthostatique. Afin de permettre une efficacité opti- –– hyperthermie maligne.
male de l’agomélatine, il est recommandé de prendre
les comprimés au coucher.
Modalités de prise en charge
La prise en charge est avant tout symptomatique
S yndrome sérotoninergique afin de corriger les effets périphériques, notamment
avec des mesures non spécifiques de réanimation :
Physiopathologie hydratation, correction des troubles hydro-électroly-
tiques, sédation par benzodiazépines, myorelaxants,
voire curares, parfois intubation et ventilation assistée,
Le syndrome sérotoninergique est un effet secondaire
arrêt des traitements et agents sérotoninergiques.
potentiellement grave, voire létal, pouvant survenir
dans diverses circonstances : utilisation à doses théra-
peutiques de certains médicaments comme les IMAO,
interactions entre différentes molécules « prosérotoni-
nergiques » ou intoxications volontaires. Il s’agit d’une C onclusion
conséquence prévisible d’un excès de sérotonine et de
ses effets agonistes au niveau des récepteurs des sys- Le développement des différentes classes d’anti-
tèmes nerveux central et périphérique. L’augmentation dépresseurs utilisées aujourd’hui s’appuie sur la
de la biodisponibilité de la sérotonine entraînerait une connaissance des mécanismes physiopathologiques de
hyperstimulation des récepteurs sérotoninergiques de la dépression. De même, la maîtrise des diverses pro-
type 5-HT1A, qui serait responsable des manifestations priétés pharmacologiques de ces médicaments permet
cliniques du syndrome sérotoninergique. d’anticiper un certain nombre d’effets indésirables,
que l’on peut donc qualifier de « pharmacologique-
Critères diagnostiques ment prévisibles ». Tout cela participe à une prise en
charge de qualité des patients souffrant de syndrome
Les critères diagnostiques sont les suivants : dépressif majeur, en aidant au choix du traitement le
–– anamnèse : apparition dans les jours suivant plus adapté et à l’information du sujet sur sa patholo-
l’introduction du traitement sérotoninergique ou en gie et sa thérapeutique.

227
To l é r a n c e

Références pharma­cological and functional diversity of 5-HT receptors.


Pharmacol Biochem Behav, 2002, 71 : 533-554.
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228
20
E ffets sur la libido
........
M. Briki, E. Haffen, D. Sechter et P.  Vandel

La dépression est une maladie qui représente cours du suivi et de la surveillance de la tolérance
actuellement une priorité en santé publique, puisque, du traitement antidépresseur instauré. Nous envisa-
en constante progression, elle devrait atteindre d’ici gerons ensuite les divers troubles sexuels fréquem-
2020 la deuxième place, derrière les pathologies ment retrouvés en tant qu’effet secondaire possible
cardiovasculaires, concernant la morbi-mortalité. des traitements antidépresseurs, puis les bases psy-
Outre les conséquences économiques, on relève les chopharmacologiques sous-tendant l’action délétère
conséquences personnelles parfois graves en termes de certaines molécules antidépressives sur la sphère
de récidive, de rechute, de chronicisation du trouble sexuelle. Nous analyserons enfin les données de la lit-
dépressif et de suicide. Cette maladie atteint toujours térature concernant les antidépresseurs et leur reten-
gravement la qualité de vie de la personne, et ce, géné- tissement sexuel en donnant les axes de leur prise en
ralement dans tous les secteurs de sa vie. Depuis les charge, avant de conclure.
années 1960 [5], on sait que les troubles sexuels sont
sur-représentés dans la population dépressive par rap-
port à la population générale, avec des proportions I nvestiguer la sexualité
de 70 et 30 p. 100 respectivement, proportions qui
du patient : un challenge
semblent rester stables dans les études plus récentes
[6]. Ces troubles sexuels sont donc importants à deux pour le thérapeute
niveaux : en termes de prévalence d’une part dans la
population dépressive et en termes de retentissement Traditionnellement et dès ses débuts aliénistes, la
sur la qualité de vie de la personne déprimée d’autre psychiatrie a eu tendance à porter un regard mora-
part, puisque ces troubles occuperaient l’une des pre- lisateur sur la sexualité, cette dernière étant suspec-
mières places dans les préoccupations des patients tée d’être à l’origine des maux les plus divers (voir
déprimés [1]. Krafft-Ebing et son Psychopathia Sexualis [17]). Il a
Les effets potentiellement délétères des traitements longtemps persisté une réticence des psychiatres à évo-
psychotropes, notamment des antidépresseurs, sur la quer la sexualité de façon positive, alors même que
sexualité humaine sont connus depuis une cinquan- la sexologie avait fait des découvertes essentielles (voir
taine d’années [27], sans que ceux-ci aient fait l’objet les études de Kinsey [15, 16], de Masters et Johnson
d’un intérêt scientifique appuyé, tant au niveau de leur [18] ou encore le rapport Simon [33] sur la sexualité
dépistage que de leur prise en charge. Depuis quelques des français en 1972) et que la société avait évolué
années cependant, une attention nouvelle est portée (mouvements féministes). Ainsi des articles datant de
sur les effets secondaires sexuels des traitements, répon- 1972 et de 1977 interrogeant des psychiatres améri-
dant d’une part à la mise sur le marché de nouvelles cains rapportaient-ils respectivement l’idée que les
molécules antidépressives compétitives en matière d’ef- comportements sexuels pourraient contribuer aux
ficacité et de tolérance et, d’autre part, à la demande désordres psychiatriques ou que l’homosexualité serait
croissante des patients concernant leur qualité de vie. une pathologie mentale [7, 26, 32]. Actuellement,
Nous aborderons donc l’importance du dépistage les questions de sexualité sont omniprésentes dans
d’éventuels troubles sexuels lors de la conduite diag- nos sociétés, avec une surenchère médiatique offrant
nostique de la dépression et de leur réévaluation au un surprenant contraste avec le relatif silence des

229
To l é r a n c e

patients et des psychiatres dans la pratique clinique systématiquement utilisés dans les études scientifiques,
quotidienne. notamment depuis la création d’outils plus simples de
En effet, évoquer la sexualité des patients en passation.
consultation semble une nécessité compte tenu de Les principales échelles de mesure sont le question-
la fréquence des troubles sexuels dans les patholo- naire de modification de la fonction sexuelle (CSFQ
gies psychiatriques, notamment anxiodépressives pour changes in sexual function questionnaire) [9], l’in-
[3, 6]. Certaines études ont mis en évidence la dif- ventaire abrégé de la sexualité (RSI pour rush sexual
ficulté des psychiatres à aborder cette thématique et inventory) [36], l’échelle d’expérience sexuelle d’Ari-
donc une sous-estimation de la fréquence des dys- zona (ASEX pour Arizona sexual experience scale) [19]
fonctionnements sexuels de leur patient avec, pour et le questionnaire des dysfonctionnements sexuels
corollaire, une absence de prise en charge adaptée d’origine psychiatrique (PRESexDQ pour psychia-
[12, 35]. Ce fait semble lié à de fausses croyances tric-related sexual dysfunction questionnaire) [20].
de la part du praticien, à un certain désintérêt et à Toutes ces échelles peuvent être utilisées durant
la crainte de conséquences négatives si le sujet est l’entretien d’évaluation initiale ou/et au cours du
abordé en entretien (sentiment de perte de temps, suivi [31]. Cependant, certaines sont de passation
d’impuissance, réticences personnelles autour de la longue et incluent des informations inutiles pour
sexualité…). La peur d’encourager une inobservance la clinique de l’évaluation des troubles sexuels. En
médicamenteuse semble également être un fac- outre, certaines échelles peuvent contenir des ques-
teur limitant l’évocation des troubles sexuels : élu- tions trop explicites qui peuvent « effrayer » le patient
der la question reviendrait à éliminer le problème. et le rendre non compliant à la passation [11].
Soulignons que, parmi les facteurs d’inobservance, L’utilisation d’échelles de qualités métrologiques
l’existence d’effets indésirables liés aux traitements variées dans le domaine de la recherche peut rendre
tient une place importante et ce d’autant plus que difficile la comparaison des données entre les études
ces effets sont invalidants [10]. s’intéressant aux dysfonctionnements sexuels entraî-
Le caractère intime du sujet et l’idée d’être jugé nés par les psychotropes. Ainsi faut-il garder à l’esprit
négativement font que peu de patients évoquent que les différences de taux de dysfonctionnements
spontanément leurs difficultés sexuelles avec leur sexuels observés entre diverses études pourraient être
médecin traitant, même lorsque celles-ci semblent liées à ce fait, les entretiens semi-structurés étant par
directement liées à la prise d’un traitement anti- exemple moins sensibles que les questionnaires spé-
dépresseur. Une étude prospective [21] réalisée en cifiques pour le dépistage des troubles sexuels [30].
2001 et portant sur 1 022 sujets a, par exemple, Pour répondre à la nécessité de développer une
montré que l’incidence des effets secondaires sexuels méthode d’évaluation des troubles sexuels induits
passait de 14,2 à 58,1 p. 100 lorsqu’un question- par les psychotropes qui soit plus pertinente, rapide
naire spécifique était utilisé pour les investiguer et acceptable par le patient et de plus fiable et sen-
(versus évocation spontanée). De façon similaire, sible aux changements, des auteurs ont mis au point
une large étude française réalisée en 2003 incluant des outils de mesure adaptés. C’est par exemple
4 557 patients traités pour dépression montrait une le cas de l’ASEX, destinée à l’évaluation de cinq
augmentation d’incidence de 35 à 69 p. 100 après aspects majeurs des troubles sexuels dans leur glo-
dépistage actif [6]. balité : pulsion, excitation, érection/lubrification
Il apparaît ainsi essentiel que le médecin dépiste vaginale, facilité à atteindre l’orgasme et satisfaction
activement ces troubles à l’aide de questions simples par rapport à l’orgasme. La plupart du temps, tous
et précises, dans un climat d’alliance thérapeutique ces domaines sont touchés par les psychotropes.
rassurante. L’utilisation de questionnaires spécifiques Une étude américaine récente a montré que l’ASEX
n’est par ailleurs pas réservée au seul domaine de la est un outil de mesure des troubles sexuels qui pos-
recherche et peut être un support utile et fiable pour sède une bonne consistance interne et qui est fiable,
la pratique clinique. valide et sensible [19]. Cette échelle est employée
Plusieurs dimensions sont à investiguer pour l’éva- dans la plupart des dernières études portant sur les
luation des troubles sexuels, et les principales échelles troubles sexuels dans la dépression, et bien qu’utili-
utilisées possèdent leurs avantages et leurs limites. sée elle n’est pas encore validée en langue française,
Les premiers questionnaires évaluant les troubles comme la plupart des questionnaires relatifs au
sexuels datent des années 1980 ; cependant, cela fait dépistage des dysfonctionnements sexuels en géné-
une dizaine d’années seulement que ceux-ci sont plus ral (Tableau 20-I).

230
EFFETS SUR LA LIBIDO

Tableau 20-I. – Principaux questionnaires utilisés dans l’évaluation des dysfonctionnements sexuels [31].

Questionnaire Principales caractéristiques

CSFQ L’échelle CSFQ comporte 35 items évaluant les modifications de la fonction sexuelle causées par la maladie et les
traitements. Vingt et un items sont communs pour les deux sexes. Les scores totaux se divisent en cinq dimen-
sions : la fréquence du désir sexuel (2 items), l’intérêt pour l’activité sexuelle (3 items), le plaisir (1 item),
l’excitation (3 items) et l’orgasme (3 items). Les autres questions explorent le changement de la fonction
sexuelle dans le temps, l’intensité, la nature et les raisons probables du changement

RSI L’autoquestionnaire RSI évalue l’évolution de l’intérêt, de la satisfaction et de l’activité de la sexualité dans le
temps. Il comporte 23 questions pour l’homme et 16 questions pour la femme. Cinq items par échelle visuelle
analogique sont communs pour les deux sexes. Trois autres questions s’intéressent à la fréquence de certains
comportements (masturbation, coït, sexualité orale), dont les plus bas scores reflètent les plus grands dysfonc-
tionnements sexuels

ASEX L’ASEX peut être utilisée en auto- ou hétéro-évaluation. Ses cinq items explorent les dimensions les plus fré-
quemment touchées par les psychotropes : le désir, l’excitation, la qualité de l’érection/lubrification, la facilité à
atteindre l’orgasme et la satisfaction relative à ce dernier. Chaque item est coté sur 6 points et les scores les plus
élevés reflètent les plus grandes dysfonctions sexuelles

PRSexDQ L’échelle PRSexDQ comporte 7 items évaluant les dysfonctionnements sexuels. Le premier item évalue la présence
ou non d’un trouble sexuel ressenti. Le second recherche si le patient en a parlé spontanément à son méde-
cin. Les items 3 à 6 explorent la fréquence et la sévérité des troubles sexuels dans cinq dimensions cotées sur
4 points. Le dernier item recherche le niveau de tolérance du patient concernant ses dysfonctionnements. Les
scores les plus élevés reflètent les plus grands dysfonctionnements sexuels
ASEX : Arizona sexual experience scale ; CSFQ : changes in sexual function questionnaire ; PRESexDQ : psychiatric-related sexual dysfunction questionnaire ;
RSI : rush sexual inventory.

D ysfonctionnements sexuels : sexuels avec douleurs. La définition du DSM-IV tient


compte du contexte environnemental et de la souf-
où commence la pathologie ? france ressentie, et la CIM 10 retient un critère de
durée de 6 mois d’incapacité à accomplir une relation
L’une des difficultés longtemps rencontrée dans sexuelle satisfaisante [2, 25].
l’estimation des effets indésirables sexuels des anti- Les traitements antidépresseurs peuvent entraîner
dépresseurs était liée à l’absence de critères diagnos- une perturbation des trois phases que sont le désir,
tiques satisfaisants pour les repérer. Les classifications l’excitation et l’orgasme, dont nous aborderons briè-
internationales, notamment depuis 1980, ont permis vement la clinique et l’épidémiologie.
de pallier ce problème en partie seulement. L’intérêt Le désir sexuel est un état psychologique et biolo-
porté à la sexualité dans nos sociétés occidentales gique qui exprime la représentation anticipatoire de
s’est grandement accru, comme en témoignent les la jouissance. Il faut distinguer, dans cette première
sujets véhiculés par les médias, allant de paire avec les phase sexuelle, la notion d’intérêt sexuel (fantasmes,
revendications du droit au plaisir et l’idée de moyens pensées, images…) de celle d’envie qui peut apparaître
thérapeutiques efficaces disponibles depuis la fin des lors de la stimulation sexuelle alors que l’intérêt en
années 1990 (inhibiteurs de la phosphodiestérase de lui-même peut avoir disparu. La baisse de désir sexuel
type 5 [IPDE5], tels que le sildénafil, le tadalafil ou peut aller jusqu’à l’aversion sexuelle et concernerait
le vardénafil). Les plaintes fonctionnelles sexuelles selon les études en population générale 4 à 15 p. 100
tendent donc à s’accroître, avec une confusion pos- des hommes et 15 à 45 p. 100 des femmes.
sible dans le continuum d’une sexualité normale à une L’excitation sexuelle est définie pour la femme par des
sexualité dysfonctionnelle [22]. manifestations physiques telles que le gonflement vul-
Les définitions consensuelles des classifications vaire et la lubrification notamment, et psychiquement
DSM-IV-TR et CIM-10 classent les dysfonctionne- par les émotions liées au plaisir sexuel. La prévalence
ments sexuels en quatre catégories distinctes que sont des troubles de l’excitation chez la femme serait de 20
les troubles du désir sexuel, les troubles de l’excita- à 30 p. 100. La composante physique seule est prise en
tion sexuelle, les troubles de l’orgasme et les troubles compte chez l’homme, dont l’indicateur est la capacité

231
To l é r a n c e

à obtenir et à conserver une érection satisfaisante. La sérotonine a aussi une influence négative sur la moti-
prévalence du dysfonctionnement érectile augmente vation et le désir sexuels, vraisemblablement liée à son
avec l’âge et concernerait 11 à 44 p. 100 des hommes. influence inhibitrice sur la libération de dopamine
L’orgasme est défini chez la femme par la capacité [34]. Cette action négative de la sérotonine sur la libido
à ressentir les manifestations physiques et psychiques pourrait expliquer les effets secondaires survenant par-
du plaisir orgastique. L’absence ou la diminution des fois avec les antidépresseurs de la classe des inhibiteurs
sensations orgastiques malgré l’excitation sexuelle sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS).
auraient une prévalence allant de 16 à 21 p. 100 chez Le deuxième stade de la réponse sexuelle est celui de
les femmes en population générale. Pour l’homme, on l’excitation sexuelle. Les réactions de lubrification/
parle plus volontiers de troubles de l’éjaculation qui érection découlent d’un message né dans le cerveau qui
peut être prématurée (c’est-à-dire survenant moins chemine dans les nerfs spinaux via le système nerveux
de deux minutes après la pénétration) et concernerait autonome jusqu’aux récepteurs vasculaires des organes
selon les études 6,5 à 30 p. 100 des hommes, ou retar- génitaux externes. L’acétylcholine joue un rôle facilita-
dée, confinant parfois à l’anorgasmie chez 8 p. 100 de teur au niveau de l’innervation parasympathique des
la population masculine générale. organes génitaux externes. Il en est de même pour le
Les dysfonctionnements sexuels sont ainsi très monoxyde d’azote (NO), gaz synthétisé à partir de la
répandus en population générale, avec une prévalence l-arginine dans certains neurones et fibres musculaires
fréquemment sous-évaluée, de l’ordre de 30 p. 100 pro- lisses. L’action du glutamate et du calcium permet de
bablement [3]. Il semble donc essentiel d’investiguer le déclencher la synthèse de NO en activant la NO syn-
domaine de la sexualité de façon pragmatique devant thétase (NOS), aboutissant à la formation de guano-
toute plainte fonctionnelle au moyen de définitions sine monophosphate cyclique (GMPc). Cette dernière
claires et d’outils standardisés afin de faire la part entre permet le relâchement des fibres musculaires lisses
des croyances infondées et de réels troubles sexuels. des vaisseaux et provoque ainsi l’afflux sanguin. La
phosphodiestérase de type 5, présente dans les cellules
des organes génitaux externes, va dégrader le GMPc
et ainsi provoquer la détumescence, d’où l’intérêt des
P sychopharmacologie IPDE5 dans le traitement des troubles de l’érection
notamment. Ainsi, du cerveau au tissu vasculaire des
de la réponse sexuelle
organes génitaux externes via les nerfs périphériques
autonomes interviennent deux neurotransmetteurs au
La réponse sexuelle normale comporte trois stades moins, l’acétylcholine dans l’innervation sympathique
psychopharmacologiques dont quelques hormones des organes génitaux externes et le NO assurant l’érec-
(testostérone, œstrogène) et neurotransmetteurs seu- tion chez l’homme et la lubrification et la tumescence
lement ont été appréhendés. Nous envisagerons suc- chez la femme. Les traitements antidépresseurs ayant
cinctement les neurotransmetteurs identifiés dans les une action anticholinergique tels que les tricycliques
trois stades (désir ou libido, excitation et orgasme) et retentissent sur cette phase d’excitation. La sérotonine
rendant compte de l’effet délétère de certains traite- a également un effet négatif sur l’excitation sexuelle
ments selon leur profil pharmacologique. par inhibition de la synthèse de NO, rendant compte
Le premier stade de la réponse sexuelle est celui de la des dysfonctionnements sexuels chez certains patients
libido, lié à l’envie et aux pulsions sexuelles, proces- traités par ISRS ou par certains IRSNa (inhibiteurs de
sus complexe régulé par des neurotransmetteurs, des la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline).
hormones (œstrogène, testostérone) et les expériences Le troisième stade de la réponse sexuelle est l’orgasme et
antérieures. La phase de libido correspond à la mise en s’accompagne de manifestations psychiques du plaisir,
jeu des centres de la récompense et de la motivation, de l’éjaculation chez l’homme et de contractions vagi-
via l’implication des réseaux dopaminergiques des nales chez la femme. Au niveau périphérique, les fibres
voies mésolimbique et mésocorticale. Les projections nerveuses sérotoninergiques spinales descendantes,
dopaminergiques vers le nucleus accumbens, l’amyg- possiblement via l’activation des récepteurs 5-HT2A et
dale et l’hypothalamus pourraient intervenir dans la 5-HT2C, auraient une action inhibitrice sur l’orgasme,
régulation du désir sexuel, via des neurones de l’aire alors que les fibres noradrénergiques spinales descen-
pré-optique médiane. La dopamine aurait donc un dantes, de même que l’innervation sympathique des
effet facilitateur du désir et de l’intérêt sexuel, alors organes génitaux externes auraient une action acti-
que la prolactine aurait l’effet inverse inhibiteur. La vatrice. Au niveau central, l’activation des récepteurs

232
EFFETS SUR LA LIBIDO

5-HT1A aurait un modeste effet positif sur l’orgasme dans les sociétés occidentales (environ 10 p. 100 des
par facilitation de libération dopaminergique [34]. hommes et 20 p. 100 des femmes). Leur évaluation
est d’autant plus ardue que les troubles sexuels sont
fréquents en population générale (estimée à 30 p. 100
mais sous-évaluée) et que la plupart des maladies
E ffets des antidépresseurs mentales, notamment les troubles anxieux et dépres-
sifs, s’accompagnent de troubles sexuels. Ainsi les dys-
sur la réponse sexuelle
fonctionnements érectiles sont-ils surreprésentés chez
les sujets atteints de troubles anxieux (deux fois plus
La majorité des études disponibles concernant les qu’en population générale), et les troubles du désir
effets secondaires sexuels des traitements psychotropes sexuel seraient deux fois plus fréquents (50 contre
concernent les antidépresseurs, ce qui n’est pas sur- 24 p. 100) chez les personnes souffrant de dépression
prenant vu la prévalence de la dépression majeure qu’en population générale [3].

Tableau 20-II. – Dysfonctionnements sexuels (DS) : classement des antidépresseurs les plus acceptables, par niveau
de preuves scientifiques. (Synthèse des données de la littérature et de Serretti et al. [30].)

Traitement Profil pharmacologique Données principales et niveaux


de preuves concernant les DS

Bupropion ISRNAD (noradrénergique et prodopaminergique) Moins de DS qu’avec :


– placebo, sertraline (I)
– venlafaxine, escitalopram, paroxétine (II)
– ISRS (III)

Agomélatine Agoniste des récepteurs de la mélatonine 1 et 2, et antagoniste Moins de DS qu’avec :


des récepteurs de la sérotonine 2C – placebo (II)
– venlafaxine (II)

Réboxétine ISRNa (noradrénergique) Autant de DS qu’avec :


– placebo (II)
Moins de DS qu’avec :
– fluoxétine, citalopram (II)

Duloxétine IRSNa (sérotoninergique et noradrénergique) Plus de DS qu’avec :


– placebo (I)
Moins ou autant de DS qu’avec :
– paroxétine (I)
Moins de DS qu’avec :
– escitalopram (II)

Mirtazapine Anti-a2 (sérotoninergique et noradrénergique) Moins de DS qu’avec :


– sertraline (II)
– ISRS et venlafaxine (III)

Moclobémide IMAO (monoaminergique réversible) Moins de DS qu’avec :


– ISRS et venlafaxine (III)

Amineptine ISRNAD Moins de DS qu’avec :


– ISRS et venlafaxine (III)

Néfazodone Anti-a2 Moins de DS qu’avec :


– ISRS et venlafaxine (III)

I : au moins deux études contrôlées randomisées (ECR) à grands échantil- prospectives contrôlées ou non, ou séries de cas, ou études rétrospectives
lons, contre placebo et/ou méta-analyse avec intervalles de confiance étroits bien menées ; IMAO : inhibiteur de la monoamine oxydase ; ISRNAD :
(IC) ; II : au moins une ECR à échantillons adéquats et/ou méta-analyse inhibiteur de la recapture de la noradrénaline et dopamine ; IRSNa :
avec larges IC ; III : ECR à petits échantillons, non randomisées, études inhibiteur de la recapture de la sérotonine et noradrénaline.

233
To l é r a n c e

Une revue de la littérature réalisée en 2002 met- particulières de ces molécules ou être dues à des dif-
tait l’accent sur la difficulté de mettre en évidence un férences de méthodologie. Les études contre placebo
niveau de preuve suffisant, tant qualitatif que quan- suggèrent des taux significativement plus élevés de
titatif, concernant les effets indésirables sexuels des troubles sexuels avec la duloxétine, l’imipramine et la
traitements antidépresseurs [22]. Les données de la lit- phénelzine. En revanche, peu, voire aucune différence
térature scientifique étaient à l’époque encore pauvres n’a été observée contre placebo en ce qui concerne le
sur le sujet, et les quelques études disponibles se révé- moclobémide, l’agomélatine, l’amineptine, la néfazo-
laient peu comparables en termes de méthodologie done, le bupropion ou la mirtazapine (Tableau 20-II).
et de niveau de preuve. Les auteurs concluaient sur Les auteurs mentionnent cependant l’inégalité des
l’importance de traiter le trouble psychiatrique avec données scientifiques disponibles en la matière, les
la meilleure balance bénéfices/risques et la nécessité plus forts niveaux de preuves concernant les ISRS, le
de développer des études mieux conduites, c’est-à-dire bupropion, la venlafaxine et l’agomélatine.
contrôlées et randomisées contre placebo et utilisant La grande majorité des dysfonctionnements sexuels
des échelles standardisées. entraînés par les antidépresseurs semble affecter
Ainsi une méta-analyse récente a-t-elle sélectionné les trois phases de la sexualité : désir, excitation et
les études ayant le meilleur niveau de preuve (entre- orgasme. Cependant, les hommes sont plus souvent
tiens structurés utilisant des questionnaires validés), touchés que les femmes sur les phases de désir et d’or-
permettant ainsi de mieux appréhender les traitements gasme (éjaculation retardée, anorgasmie), alors que
antidépresseurs selon leurs effets indésirables sexuels les femmes semblent souffrir plus souvent de troubles
[30]. Il ressort de cette méta-analyse une association de l’excitation sexuelle. Nous l’avons vu, le système
significative entre dysfonctionnements sexuels et anti- dopaminergique joue un rôle essentiel dans la phase
dépresseurs, variable selon la classe antidépressive et de désir et intervient dans la phase d’orgasme. Il n’est
le profil pharmacologique des molécules. Les traite- donc pas étonnant que les molécules (ISRS, venla-
ments possédant une action sérotoninergique prédo- faxine) réduisant la transmission dopaminergique
minante tels que les ISRS et la venlafaxine semblent via l’action agoniste des récepteurs sérotoninergiques
entraîner les plus forts taux de dysfonctionnements (5-HT2 principalement) affectent le désir sexuel et
sexuels (allant de 26 p. 100 pour la fluvoxamine à l’orgasme (par l’effet sérotoninergique surtout). Cette
80 p. 100 pour la sertraline et la venlafaxine). Les hypothèse est à mettre en relation avec les moindres
taux relativement faibles associés à la fluvoxamine et effets sexuels de molécules telles que la mirtazapine
à l’escitalopram pourraient refléter les caractéristiques et la néfazodone dont l’action est plutôt antagoniste

Tableau 20-III. – Probabilité cumulée qu’une molécule figure parmi les quatre traitements les plus efficaces (à
8 semaines, réduction > 50 p. 100 du score HAMD, MADRS ou CGI) et parmi les quatre traitements les mieux
acceptés (taux de sortie d’étude toutes raisons confondues) [8].

Efficacité Acceptabilité

Antidépresseur p. 100 Antidépresseur p. 100

Mirtazapine 24,4 Escitalopram 27,6


Escitalopram 23,7 Sertraline 21,3
Venlafaxine 22,3 Bupropion 19,3
Sertraline 20,3 Citalopram 18,7
Citalopram 3,4 Minalcipran 7,1
Minalcipran 2,7 Mirtazapine 4,4
Bupropion 2,0 Fluoxétine 3,4
Duloxétine 0,9 Venlafaxine 0,9
Fluvoxamine 0,7 Duloxétine 0,7
Paroxétine 0,1 Fluvoxamine 0,4
Fluoxétine 0,0 Paroxétine 0,2
Réboxétine 0,0 Réboxétine 0,1

234
EFFETS SUR LA LIBIDO

des récepteurs 5-HT2. La sérotonine joue également choix d’une molécule induisant le plus faible risque
un rôle négatif dans la phase d’excitation par la dimi- de dysfonctionnements sexuels est à préférer chez les
nution de synthèse du NO, de même que l’effet anti- patients à risque dans ce domaine.
cholinergique de certaines molécules (tricycliques, La prise en charge de la plainte sexuelle passe néces-
paroxétine). sairement par une évaluation globale du patient car
Ainsi les antidépresseurs peuvent entraîner des l’étiologie d’un dysfonctionnement sexuel est très
effets secondaires sexuels non négligeables qu’il est souvent plurifactorielle et se limite rarement aux seuls
essentiel de rechercher par l’interrogatoire et parfois à effets iatrogènes. L’évaluation peut ainsi retrouver,
l’aide de questionnaires adaptés. Il ne faut cependant outre la iatrogénie, la persistance d’un trouble psy-
pas oublier que le critère de choix d’un traitement chiatrique dans lequel s’inscrit le symptôme sexuel
antidépresseur repose sur la notion de balance béné- (symptomatologie dépressive résiduelle et troubles
fices/risques avec ainsi la nécessité de sélectionner une du désir par exemple), une pathologie organique
molécule efficace et aussi acceptable que possible. (importance de la recherche des facteurs de risque
Une méta-analyse récente [8] a colligé les données cardiovasculaires), un événement de vie stressant,
de 117 études randomisées concernant douze anti- des difficultés conjugales (contexte affectif, place du
dépresseurs de nouvelle génération, évaluant la pro- dysfonctionnement sexuel au sein du couple), un
babilité cumulée qu’une molécule figure parmi les manque de connaissances et d’habiletés, voire un abus
quatre premiers traitements en termes d’efficacité (à de substances. Chaque axe incriminé fera ainsi l’objet
8 semaines, réduction > 50 p. 100 du score HAMD, d’une prise en charge adaptée, avec un travail pluridis-
MADRS ou CGI) et d’acceptabilité (taux de sortie ciplinaire en lien avec le médecin généraliste, le psy-
d’étude toutes raisons confondues, à 8 semaines). chothérapeute et le sexologue si besoin.
Nous pouvons ainsi constater que les antidépresseurs Lorsque l’origine de la plainte est essentiellement
les moins pourvoyeurs d’effets secondaires sexuels ne d’origine iatrogène, il convient de tenir compte des
sont pas nécessairement les plus efficaces, ni les plus données empiriques, car il n’existe en effet pas de règle
acceptables à 8 semaines de traitement. Il faut toute- absolue consensuelle. Il est ainsi possible de réduire
fois garder à l’esprit le nécessaire caractère individuel progressivement la posologie antidépressive, tout en
de la prescription pour chaque patient et l’absence de sachant que certains traitements co-prescrits, notam-
données sur l’acceptabilité des traitements à plus long ment les anxiolytiques, sont également pourvoyeurs
terme, notamment concernant la sphère sexuelle, dans de possibles effets indésirables sexuels. Certains
cette méta-analyse (Tableau 20-III). auteurs préconisent d’organiser des « vacances théra-
peutiques » d’un jour ou deux, la suspension transi-
toire du traitement permettant une activité sexuelle
minimale [4], en ne négligeant pas le risque de
P rise en charge symptômes de sevrage et l’incertitude concernant les
des effets secondaires sexuels bénéfices réels. Plusieurs études [14, 23, 28, 29] ont
montré l’aptitude des inhibiteurs de la phosphodies-
des antidépresseurs
térase de type 5 (IPDE5 : sildénafil, tadalafil, vardéna-
fil) à corriger globalement les effets secondaires sexuels
Il semble tout d’abord essentiel de partir de la des antidépresseurs chez les patients déprimés, ce qui
demande du patient lorsqu’un dysfonctionnement est loin de l’effet attendu sur la seule fonction érec-
sexuel est dépisté car il n’y a parfois pas de désir de tile. L’efficacité porterait ainsi sur le désir, l’excitation,
prise en charge de la part de celui-ci. Les effets secon- l’orgasme et la satisfaction générale liée à la sexualité,
daires sexuels des traitements psychotropes, de par avec en outre une possible action positive chez la
leur importance, nécessitent dans tous les cas une femme même si les taux d’amélioration semblent plus
information claire et appropriée en préthérapeutique faibles que chez l’homme [24]. Les facteurs limitant
et un dépistage actif d’une possible iatrogénie lors l’usage de ces molécules, ayant par ailleurs une bonne
du suivi en raison des conséquences délétères sur la tolérance, même en association aux antidépresseurs,
qualité de vie à long terme et du risque de rupture restent leur coût onéreux et la nécessaire prudence
de l’observance médicamenteuse. La démarche pré- d’utilisation chez les personnes possédant des facteurs
ventive est à privilégier en questionnant l’indication de risque cardiovasculaires. Il est également possible
d’un traitement antidépresseur en cas de dépression de substituer le traitement iatrogène par une molécule
légère notamment. Si un traitement est nécessaire, le possédant moins d’effets secondaires sexuels avec un

235
To l é r a n c e

gain sur les effets indésirables sexuels sans modifica- 9. Clayton AH, McGarvey EL, Clavet GJ. The changes
tion d’efficacité globale [13, 29]. in sexual function questionnaire (CSFQ) : development,
reliability and validity. Psychopharmacol Bull, 1997, 33 :
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10. Corruble E., Hardy P. Observance du traitement en
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cœur de l’humain et tient une place capitale dans la
of sexual dysfunction in patients with schizophrenia :
prise en charge globale du patient. Les dysfonctionne- international variation and underestimation. Int J Neuro­
ments sexuels sont fréquemment associés aux traite- psychopharmacol, 2005, 8 : 195-201.
ments antidépresseurs, ceux-ci pouvant altérer toutes 13. Ferguson JM, Shrivastava RK, Stahl SM et al.
les étapes de la réponse sexuelle. Outre la nécessité de Reemergence of sexual dysfunction in patients with
développer les études de bonne qualité scientifique major depressive disorder : double-blind comparison of
sur le sujet, il apparaît également essentiel d’aborder nefazodone and sertraline. J Clin Psychiatry, 2001, 62 :
24-29.
la vie sexuelle du patient en entretien. Pour ce faire, 14. Gopalakrishnan R, Jacob KS, Kuruvilla A et al.
l’exploration doit être systématique et attentive, réa- Sildenafil in the treatment of antipsychotic-induced erec-
lisée dans une ambiance thérapeutique de confiance, tile dysfunction : a randomized, double-blind, placebo-
afin de détecter ces effets secondaires gênants et ris- controlled, flexible-dose, two-way crossover trial. Am
quant d’altérer l’observance du traitement et donc son J Psychiatry, 2006, 163 : 494-499.
efficacité. L’étiologie d’un dysfonctionnement sexuel 15. Kinsey AC, Pomeroy WB, Martin CE. Le comporte-
ment sexuel de l’homme. Paris, Éditions du Pavois, 1948.
est très souvent plurifactorielle et se limite rarement
16. Kinsey AC, Pomeroy WB, Martin CE et al. Le compor-
aux seuls effets iatrogènes, la meilleure prise en charge tement sexuel de la femme. Paris, Amiot Dumont, 1954.
étant pluridisciplinaire médico-psychothérapeutique, 17. Krafft-Ebing Rv, Moll A. Psychopathia Sexualis. Étude
avec l’existence de stratégies souvent efficaces dans le médico-légale à l’usage des médecins et des juristes (1886),
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236
EFFETS SUR LA LIBIDO

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237
21
R isque de virage maniaque
........
É. Olié et P. Courtet

La survenue spontanée ou pharmacologiquement stables, rendant le patient vulnérable à la survenue


induite de virages maniaques est un risque connu en d’épisode maniaque alors qu’il n’existait pas de fac-
cas de trouble bipolaire avéré. Elle n’est pas attendue teurs de risque biologiques préalables.
en cas de trouble unipolaire alors que les études ont mis 4. Hypothèse de la vigilance : les virages de l’humeur
en évidence qu’entre 1 p. 100 et 6 p. 100 des patients seraient mieux repérés sans pour autant que le risque
unipolaires présentent un virage maniaque sous anti- soit majoré. Il s’agirait d’un biais de vérification.
dépresseur [12, 49, 62]. Ce taux est estimé entre 24 et 5. Hypothèse de l’effet secondaire : les antidépres-
44 p. 100 chez les patients bipolaires [12, 25, 31, 62]. seurs sont susceptibles d’induire des changements
symptomatiques tels que dysphorie, irritabilité, voire
agitation. Ces éléments sont une forme de modifica-
tion de la symptomatologie dépressive transitoire et
H ypothèses avancées secondaire au traitement qui ne s’inscrirait pas dans le
cadre d’un trouble bipolaire. Mais la question se pose
De nombreuse hypothèses ont été formulées pour de savoir si la dysphorie induite par l’antidépresseur
tenter d’expliquer la survenue d’un virage maniaque peut favoriser un virage bipolaire. La version révisée
sous antidépresseur [37]. du DSM-IV propose de coder la manie induite par
1. Hypothèse de l’« étincelle » : la mise en place de les antidépresseurs comme substance induced mania.
l’antidépresseur permettrait l’« allumage » du trouble Cela va à l’encontre de la proposition d’Akiskal et al.
bipolaire en présence d’un substrat génétique et de incluant ces effets pharmacologiques comme manifes-
facteurs environnementaux propices. Les études de tation de type bipolaire, qualifié de type III [1].
pharmacogénétique doivent être poursuivies pour 6. Hypothèse d’une évolution naturelle : le virage
éventuellement confirmer cette hypothèse. maniaque est inscrit dans l’évolution naturelle du
2. Hypothèse d’une erreur diagnostique : un diag- trouble bipolaire, l’imputabilité au médicament
nostic de trouble unipolaire peut incorrectement être n’étant pas justifiée. L’International Society of Bipolar
posé face à un patient bipolaire [46]. On sait bien Disorders souligne l’importance de reconnaître que
que la durée des phases dépressives dans l’évolution les virages maniaques ne sont pas nécessairement des
bipolaire est très largement supérieure à la durée des phénomènes induits par le traitement, même au cours
périodes euphoriques, qui sont en outre spontané- des huit premières semaines de traitement [61].
ment moins signalées par les patients. L’évolution vers En effet, le problème auquel nous faisons souvent
un diagnostic de bipolarité concernerait 10 p. 100 des face est celui de l’erreur de logique dans l’interpréta-
patients des patients initialement diagnostiqués uni- tion du devenir sous traitement. Ainsi est-il assumé
polaires [32]. Ainsi le risque de virage de l’humeur que lorsqu’un phénomène suit l’instauration d’un
lors de la mise en place d’une monothérapie antidé- traitement, il est précipité par le traitement. Pourtant
pressive peut-il se comprendre comme une révélation Kraepelin observait des transitions maniaques « spon-
de la réalité du trouble à la faveur d’une thérapeutique tanées » d’épisodes dépressifs chez certains patients,
psychoanaleptique ? plus de 50 ans avant l’introduction des antidépres-
3. Hypothèse de la cicatrice : le traitement par anti- seurs. Il a aussi été rapporté des manies induites par
dépresseurs induit des modifications biologiques des agents antipsychotiques qui se sont ultérieurement

238
RISQUE DE VIRAGE MANIAQUE

avérés être des antimaniaques [53]. Compte tenu antidépresseurs [28] et de récurrences thymiques [52].
de la fréquence des changements de traitements au Cependant, les résultats sont contradictoires [14] et
cours des épisodes thymiques et de l’incidence élevée les données sur la réponse clinique aux antidépresseurs
des transitions maniaques, il est possible que l’intro- dans la dépression bipolaire sont éparses en regard de
duction du traitement précède le virage sans lien de celles disponibles pour la dépression récurrente [54].
causalité. Enfin, il est envisageable que la nécessité La paroxétine est l’antidépresseur (inhibiteur de la
d’un antidépresseur soit un marqueur de sévérité de recapture de la sérotonine [ISRS]) le plus étudié dans
l’évolution de la maladie, ce qui conduit à conclure la dépression bipolaire, mais les résultats concernant
par erreur que les antidépresseurs induisent une dés- son efficacité n’engagent pas à l’utiliser si largement.
tabilisation de la maladie. Aussi l’assomption selon Une étude de Mac Elroy et al. n’a pas démontré de
laquelle les antidépresseurs sont à l’origine de virages différence entre la paroxétine et le placebo quant à
maniaques pourrait-elle résulter de problèmes métho- l’amélioration des scores de dépression [43]. Dans un
dologiques de différentes natures, comme décrit par essai randomisé comparant l’adjonction de paroxétine
Grunze [33] : biais de publication, définition du (32,6 mg en moyenne) versus imipramine (166,7 mg
virage de l’humeur. Le groupe de travail de l’Interna- en moyenne) versus placebo pendant 10 semaines chez
tional Society of Bipolar Disorder propose le terme de des patients bipolaires déprimés traités par lithium,
virage de l’humeur émergent sous traitement (treat- aucune supériorité des antidépresseurs n’était démon-
ment emergent affective switch [TEAS]) permettant trée pour réduire la symptomatologie dépressive en
d’éviter la causalité, mais avec une évaluation de celle- comparaison du placebo [45]. Enfin, Sachs et al. [55]
ci ainsi que de la durée et de l’amplitude. ont comparé les taux de rémission durable (euthymie
pendant 8 semaines) chez 366 patients bipolaires I ou
II déprimés randomisés en trois groupes selon l’ad-
jonction au traitement thymorégulateur de paroxé-
D épression bipolaire
tine, de bupropion ou d’un placebo pendant 6 mois.
et antidépresseurs Aucune différence entre les groupes n’a été observée.
Ni bénéfice ni risque n’étaient attribués à l’antidépres-
seur au cours des 6 mois de l’essai.
En dépit du manque d’informations médicales
Toutefois, l’observation de virages thymiques chez
guidant leur utilisation chez les patients souffrant de
les patients bipolaires est fréquemment rapportée. Les
dépression bipolaire, ils sont pourtant très couram-
premières études ont suggéré que les antidépresseurs
ment prescrits. Ils représentent la première classe de
monoaminergiques augmentaient le risque de tran-
psychotropes utilisés dans le trouble bipolaire. Il a été
sition maniaque [16]. Dans les anciennes études, les
estimé que la moitié des patients bipolaires reçoivent
patients bipolaires ne recevaient pas de thymorégu-
un antidépresseur [9]. Cependant, aucun ne possède
lateurs et les virages maniaques pouvaient être obser-
d’indication dans le trouble bipolaire, en dehors de
vés dans la moitié des cas [19]. Il est estimé que les
la fluoxétine en association à l’olanzapine aux États-
antidépresseurs actuels combinés aux régulateurs de
Unis. Le rapport bénéfices/risques de leur utilisation
l’humeur sont responsables de 12 à 22 p. 100 des
est actuellement rediscuté. Sont-ils efficaces ? Font-
virages durant un épisode aigu selon la définition de la
ils encourir un risque important de déstabilisation
manie [5, 41]. La plupart des essais randomisés contre
de la maladie bipolaire, du fait du risque de virages
placebo indiquent que le risque de virage au cours du
maniaques et de cycles rapides ?
traitement aigu est de moins de 10 p. 100 lorsque l’an-
tidépresseur est combiné à un thymorégulateur, c’est-
Dépression bipolaire à-dire non supérieur à ce qui est observé sous placebo
[38, 45, 55]. Selon une étude récente provenant du
Il était classiquement admis que les antidépresseurs programme STEP-BD portant sur 2 166 bipolaires I
étaient efficaces dans la dépression bipolaire mais et II présentant un épisode dépressif majeur, la pré-
qu’ils augmentaient le risque de virages maniaques et valence des transitions maniaques, hypomaniaques ou
de cycles rapides. Certaines études récentes ne sont mixtes est de 21 p. 100 avant la rémission de la dépres-
pas en faveur de l’efficacité des antidépresseurs pour sion [51]. En outre, la prévalence des virages était de
traiter la dépression bipolaire ni à court terme, ni à 20 p. 100 chez les sujets traités par antidépresseurs.
long terme [27, 28]. En effet, la dépression bipo- Alors que, dans une étude rétrospective, plus de
laire est associée des taux élevés de non-réponse aux 40 p. 100 des patients rapportent un virage dans les

239
To l é r a n c e

12 semaines suivant l’instauration d’un antidépres- bipolaires. À un an, 69 p. 100 des répondeurs initiaux (à
seur [63], les taux sont bien plus bas dans les études 10 semaines) maintiennent la réponse et 53 p. 100 sont
contrôlées, ce qui est confirmé dans les études pros- en rémission. En revanche, seulement 27 p. 100 des
pectives [43]. Il existe un biais de sélection dans les répondeurs partiels initiaux sont répondeurs à un an ;
études de monothérapie antidépressive pouvant expli- 13 p. 100 des sujets répondeurs et 22 p. 100 des répon-
quer que les patients bipolaires de type I inclus pré- deurs partiels à 10 semaines ont développé une manie
sentent un risque de virage moindre à celui observable au cours du suivi. Cela indique que les patients qui ont
dans la pratique clinique. bénéficié de l’antidépresseur pendant la phase aiguë
Angst et al. [8] ont retrouvé un taux de virage méritent de le poursuivre au long cours. Ceux qui ne
maniaque similaire (29 p. 100) chez les patients bipo- répondent que partiellement sont moins susceptibles de
laires traités ou non avec un antidépresseur. Dans une continuer à s’améliorer avec la poursuite du traitement.
étude prospective, Coryell et al. [20] n’ont pas mis en Précédemment, Altshuler et al. [2, 3] ont démontré
évidence d’association entre traitement antidépresseur que la poursuite du traitement antidépresseur pen-
et virage maniaque chez 345 patients déprimés. Dans dant un an chez les sujets ayant bénéficié de l’antidé-
une méta-analyse regroupant quinze études randomi- presseur en phase aiguë (euthymie pendant 2 mois)
sées (soit 2 373 patients déprimés bipolaires I ou II), prévenait les rechutes en comparaison de l’arrêt de
Sidor et al. [60] n’ont pas montré d’augmentation l’antidépresseur (35 versus 70 p. 100) sans augmenter
significative du risque de virage lors d’un traitement le risque de virage maniaque. Ainsi, selon cette étude,
antidépresseur par rapport au placebo. Gijsman et chez les sujets (seuls 15 à 20 p. 100) qui ont répondu
al. [29] ont mis en évidence que les antidépresseurs et n’ont pas viré au cours du traitement aigu, la pour-
ne sont pas associés à une augmentation du risque de suite du traitement serait légitime.
virage de l’humeur. Inversement, une méta-analyse Le rapport bénéfices/risques pourrait être diffé-
incluant sept études randomisées (soit 350 patients rent chez les bipolaires I et II. Altshuler et al. [5] ont
bipolaires) comparant antidépresseur versus placebo rapporté que les bipolaires II traités avec un antidé-
pendant au moins 6 mois, en association ou non à un presseur (associé à un thymorégulateur) présentaient
thymorégulateur indique que l’antidépresseur réduit un taux de virages inférieur aux patients bipolaires I.
le risque de récurrence dépressive, mais augmente le Cependant, ce résultat n’a pas été répliqué dans l’étude
risque de virage de l’humeur [27]. La divergence de STEP-BD, où la définition du virage était plus stricte.
ces résultats est probablement liée au fait que la litté- Si la monothérapie antidépressive est totalement
rature scientifique évolue au gré des travaux produits contre-indiquée chez les bipolaires I, la question reste
et que les méta-analyses ne sont pas toujours compa- ouverte chez les bipolaires II, en tout cas chez cer-
rables dans leurs méthodologies. tains d’entre eux. Ainsi, dans une étude randomisée
de maintien chez des patients bipolaires II, quatre-
vingt-un patients ayant initialement répondu à une
Des sous-groupes monothérapie par fluoxétine en ouvert étaient ran-
de patients pourraient-ils bénéficier domisés pour poursuivre le traitement par fluoxétine
des antidépresseurs ? ou pour recevoir du lithium ou un placebo pendant
50 semaines [7]. La durée avant rechute ou récidive
La qualité des données scientifiques disponibles ne dépressive était significativement plus longue avec
permet pas de se positionner définitivement quant fluoxétine (250 jours) qu’avec le lithium (156 jours)
au rapport bénéfices/risques de l’usage des antidé- ou le placebo (187 jours). Le risque de virage hypo-
presseurs dans la dépression bipolaire. Les patients maniaque était comparable entre les trois groupes :
bipolaires ne sont sûrement pas tous égaux face aux 10,7 p. 100 avec la fluoxétine, 7,7 p. 100 avec le
antidépresseurs. Pacchiarotti et al. [47] ont rapporté lithium, 18,5 p. 100 avec le placebo. Ainsi, chez de
que les facteurs prédictifs de réponse à 8 semaines lors rares patients bipolaires, l’adjonction d’un antidépres-
de l’adjonction d’antidépresseurs aux thymorégula- seur représenterait-elle une solution satisfaisante.
teurs sont le faible nombre d’épisodes dépressifs et
hypomaniaques, les antécédents de réponse aux anti- Cycles rapides
dépresseurs, et l’absence de virage.
Altshuler et al. [6] ont étudié la qualité de la réponse Les cycles rapides ont été décrits bien avant l’intro-
à un traitement antidépresseur en association à un thy- duction des antidépresseurs : il existe donc des bipo-
morégulateur chez quatre-vingt-trois patients déprimés larités évoluant spontanément sous forme de cycles

240
RISQUE DE VIRAGE MANIAQUE

rapides, soit d’emblée, soit secondairement. Depuis la F acteurs associés au risque


description initiale des cycles rapides par Dunner et
Fieve [23], les travaux les plus récents suggèrent qu’il de virage maniaque
s’agit d’une modalité transitoire d’évolution du trouble
bipolaire, définie par un seuil arbitraire d’au moins
quatre épisodes thymiques par an [57]. Or il semble
Facteurs cliniques
plus pertinent de considérer les récurrences sur un
continuum d’accélération des cycles. L’existence d’une Si Altshuler et al. [4] n’ont pas mis en évidence
symptomatologie résiduelle, notamment dépressive, et de facteurs associés à l’induction de manie sous anti-
la durée de l’imprégnation par les antidépresseurs sont dépresseur chez cinquante et un patients bipolaires,
des facteurs de risque de récidive que le nombre d’épi- de nombreuses études ont tenté de mieux définir les
sodes annuels soit inférieur ou supérieur à 4. patients à risque de virage sous antidépresseur :
Wehr et Goodwin [65] ont été les premiers à envi- –– sexe : les femmes sont plus à risque de cycles
sager le rôle délétère des antidépresseurs sur cette rapides, mais le risque de virage est comparable dans
évolution, en particulier à l’époque des tricycliques. les deux sexes [11] ;
Toutefois, cette association a été récemment remise –– âge de début : les sujets présentant plus précoce-
en question. En effet, la modalité thérapeutique ne ment une dépression sont plus à risque de virage sous
serait que l’un des facteurs distinguant les patients tricycliques, mais cela n’est pas vrai si l’on prend en
avec ou sans cycles rapides. Dans la grande étude pros- compte les autres classes d’antidépresseurs [11] ;
pective du réseau de la Fondation Stanley portant sur –– antécédents familiaux de trouble bipolaire : plusieurs
540 patients, les patients à cycles rapides diffèrent des études ont retrouvé un lien entre antécédents familiaux
autres patients : plus grand nombre d’épisodes, âge de de trouble bipolaire et virage sous antidépresseur. Il est
début plus précoce, durée d’évolution de la maladie et estimé que 17 à 75 p. 100 des patients déprimés avec
délai avant traitement plus longs, sous-type bipolaire I antécédents familiaux de trouble bipolaire présente-
et antécédents de maltraitance physique ou sexuelle ront un épisode maniaque. Chez 282 patients traités
dans l’enfance, de manie ou d’hypomanie de type dys- pour trouble dépressif récurrent, les virages induits
phorique, de co-morbidités anxieuses ou addictives et (13 p. 100 de l’échantillon) sont plus fréquemment
exposition aux antidépresseurs plus fréquents [40]. La retrouvés chez les hommes et les patients ayant une
question du rôle causal des antidépresseurs est soumise histoire familiale de trouble bipolaire [64]. Ce résul-
à débat, dans la mesure où nombre d’autres facteurs tat n’a pas été répliqué par DelBello et al. [22] chez
de risque ont été identifiés et où il a été démontré que 157 sujets hospitalisés pour un épisode dépressif avec
le temps passé déprimé est plus long pour les sujets caractéristiques psychotiques sur 2 ans. Cette étude
à cycles rapides, pouvant expliquer que ces patients conclut même au possible rôle protecteur des antidé-
reçoivent plus d’antidépresseurs. Coryell et al. [20] presseurs vis-à-vis des virages de l’humeur. Cependant,
ont mis en évidence que plus longtemps les sujets sont les éléments psychotiques ont largement été associés à
déprimés, plus ils risquent d’évoluer par cycles rapides un risque de virage de l’humeur, ce qui peut faire sous-
et plus ils risquent de recevoir un antidépresseur. estimer le lien entre antidépresseur et virage ;
Toutefois, il n’était pas constaté de modification bru- –– antécédents d’abus de substances : une histoire
tale de l’évolution lors de l’introduction ou de l’arrêt d’abus/dépendance à des substances était plus fré-
de l’antidépresseur. En conclusion, il est délicat d’at- quemment retrouvée (43 versus 18 p. 100) chez les
tribuer un effet de causalité aux antidépresseurs, dans patients présentant un virage sous antidépresseurs au
la mesure où l’on manque de données issues d’études sein de la Cornell Bipolar Cohort [30] ;
contrôlées et où les études observationnelles ne sont –– – histoire de tentative de suicide [50] : une his-
pas dénuées de biais. toire personnelle de tentative de suicide est associée à
Le lien entre antidépresseurs et cycles rapides la survenue d’un virage de l’humeur chez les patients
reste l’objet de débats et d’opinions contradictoires bipolaires recevant un antidépresseur ;
[26, 33]. En synthèse, il est prudent de considérer que –– tempérament hyperthymique [34] : le tempéra-
chez patients instables, l’utilisation d’antidépresseurs ment hyperthymique est associé à un risque accru de
aggrave l’instabilité. Inversement, un sous-groupe de virage lors d’un traitement antidépresseur ;
patients bipolaires répondeurs au traitement antidé- –– traits de personnalité : chez des patients souf-
presseur durant la phase aiguë pourrait bénéficier de frant de trouble obsessionnel-compulsif, indemnes
l’utilisation au long cours d’antidépresseurs [2, 3]. de trouble de l’humeur, des virages de l’humeur ont

241
To l é r a n c e

été décrits sous antidépresseurs (3 p. 100). Tous les système catécholaminergique (gènes des récepteurs
sujets concernés avaient une co-morbidité à type de dopaminergiques D4 et D2, gène de la catéchol-O-
trouble de la personnalité cluster B [42]. Cela suggère méthyl transférase [COMT], gène de la monoamine
que l’instabilité thymique prédisposerait au risque de oxydase A [MAO-A]). Or ces gènes ont été associés à
virage chez des individus sans antécédent de trouble la qualité de la réponse aux antidépresseurs [58, 59].
thymique. Ces résultats sont à rapprocher du fait que La perspective de tels travaux est une individualisa-
les antécédents personnels d’abus dans l’enfance ont tion des décisions thérapeutiques grâce au développe-
aussi été associés aux virages induits [35]. ment de la pharmacogénétique [10].
D’autres travaux récents ont spécifiquement
tenté d’identifier les facteurs prédictifs de transition
maniaque chez des patients déprimés traités par anti-
Facteurs liés au traitement
dépresseurs. Plus un sujet présente des symptômes Peet et al. [49] ont mis en évidence que les virages
maniaques (en particulier, activation motrice, logor- maniaques survenaient plus souvent lors de traite-
rhée et fuite des idées) durant un épisode dépressif, ment par tricycliques (11,2 p. 100) que par ISRS
plus il est à risque de présenter un état maniaque, (3,7 p. 100) ou avec du placebo (4,2 p. 100). Ces
hypomaniaque ou mixte lors d’un traitement anti- résultats ont été répliqués par Koszewska et al. [39]
dépresseur [24]. Toutefois, les auteurs n’ont pas pu qui ont rapporté un taux de virage maniaque multi-
déterminer si les facteurs de risque étaient spécifiques plié par deux chez les patients bipolaires traités avec
au fait de recevoir un antidépresseur ou s’ils étaient un tricyclique versus ceux qui recevaient une autre
applicables à tout patient bipolaire. classe d’antidépresseurs (36 et 17 p. 100, respective-
L’étude STEP-BD a mis en évidence des carac- ment). Il a été suggéré que la plus grande fréquence
téristiques cliniques associées au risque de virage : des virages induits par les tricycliques pourraient être
le nombre de dépressions passées, une histoire de en partie expliquée par leur activité anticholinergique
cycles rapides, un mésusage d’alcool, un antécédent [39]. D’autres données ont aussi suggéré que la ven-
de tentative de suicide et une histoire de virage sous lafaxine induisait plus de virages maniaques que les
antidépresseur. La diminution du besoin de sommeil ISRS auxquels elle a été comparée. En effet, la venla-
et le bon insight étaient les items de la young mania faxine est associée à un taux de virage plus élevé que
rating scale (YMRS) spécifiquement associés au risque le bupropion ou la sertraline (venlafaxine : 15 p. 100 ;
de virage. Une histoire de tentative de suicide et le sertraline : 7 p. 100 ; bupropion : 5 p. 100) [60].
trouble bipolaire I étaient des facteurs de risque de D’autre part, Goldberg et al. [30] ont identifié que le
virage chez les sujets traités par antidépresseurs [50]. risque de virage était corrélé au nombre d’antidépres-
seurs pris dans l’année.
Si le lithium a démontré son intérêt dans la réduc-
Facteurs génétiques tion du risque de virage, ce n’est pas le cas du val-
proate [13]. Les recommandations plaident donc en
Certains facteurs génétiques (comme le polymor- faveur de l’adjonction d’un régulateur de l’humeur
phisme 5-HTTLPR du transporteur de la séroto- antimaniaque si un antidépresseur est introduit afin
nine) pourraient influencer la survenue de virage de de prévenir le risque de virage en cas de dépression
l’humeur sous antidépresseurs. L’allèle court « s » du bipolaire. De plus, l’utilisation d’ISRS ou d’IMAO
gène du transporteur de la sérotonine est plus fré- doit être privilégiée en première intention chez les
quemment retrouvé chez les patients ayant fait un patients bipolaires.
virage maniaque sous antidépresseurs [44]. Une méta- Wada et al. [64] ont retrouvé que les virages sur-
analyse regroupant six études a confirmé l’association venaient la plupart du temps entre 2 et 3 semaines
entre variant « s » de 5-HTTLPR et manie induite par suivant la mise en place du traitement antidépresseur,
les ISRS avec un risque relatif de 1,35 (IC 95 p. 100 : mais sans aucun lien avec la dose prescrite. Il est par-
1,04-1,76) [21]. Cependant, aucune conclusion défi- fois observé une symptomatologie dysphorique après
nitive ne peut être envisagée en raison du trop faible ajustement de la posologie antidépressive lors d’une
nombre d’études. En outre, aucune association n’a rechute thymique chez des patients traités au long
été retrouvée avec les gènes du récepteur sérotoni- cours par antidépresseurs. D’autre part, une réduc-
nergique 5-HT2A et de la tryptophane hydroxylase tion de la dose d’antidépresseurs permet d’atténuer
(TPH). Il n’a pas été retrouvé de lien entre virage la symptomatologie maniaque. Ces constations font
induit et certains polymorphismes impliqués dans le poser la question du lien entre la dose d’antidépresseurs

242
RISQUE DE VIRAGE MANIAQUE

et la survenue de virage de l’humeur sous antidépres- recours à l’antidépresseur ou, en cas de prescription,
seur. Mais des études contrôlées portant sur de larges d’associer l’antidépresseur à un thymorégulateur, bien
échantillons sont nécessaires. que la preuve de l’action prophylactique d’une telle
co-prescription ne soit pas établie.
L’émergence de molécules ayant apporté la preuve
de leur action antimaniaque aussi bien qu’antidépres-
S upport neurobiologique
sive, voire thymorégulatrice (quétiapine) pourrait
faire évoluer les règles de prescription, en particulier
Il est nécessaire de mieux comprendre le support chez les patients présentant un trouble unipolaire avec
neurobiologique des virages thymiques. De nombreux des antécédents familiaux de bipolarité.
facteurs pharmacologiques (ou non) sont pourvoyeurs Chez les patients ayant des antécédents familiaux
de virage. Les bases neurobiologiques supposées sont de trouble bipolaire, une histoire personnelle d’abus/
multiples : taux anormaux de catécholamines, dysré- dépendance à des substances ou de tentative de sui-
gulation des facteurs neurotrophiques, hyperactivité cide, il convient de veiller attentivement à l’éventuelle
de l’axe HPA, modification des rythmes circadiens… survenue de symptômes dysphoriques.
En ce qui concerne les virages sous antidépresseurs, il Chez les patients dont la réponse à un antidépres-
convient de se focaliser sur le rôle des systèmes séroto- seur est partielle, on doit s’interroger sur la pertinence
ninergique, catécholaminergique, noradrénergique et d’augmentation de la dose plutôt que d’un change-
dopaminergique [56]. ment de molécule, bien que l’on n’ait jamais montré
La déplétion en tryptophane n’est pas responsable une corrélation dose-taux d’incidence d’un virage.
de modification thymique chez les patients bipolaires Dans tous les cas, la posologie d’un médicament
traités par lithium. Le rôle de la dopamine et de la antidépresseur doit être instaurée de façon progressive
noradrénaline dans les virages induits reste peu étudié. et accompagnée d’un suivi suffisamment attentif et
Initialement, certains auteurs ont mis en évidence, rapproché.
lors de virages maniaques, une élévation des taux uri- Chez les patients présentant une symptomatologie
naires d’AMPc, de noradrénaline [15, 17, 48] et de (hypo)maniaque dans le cours d’un traitement antidé-
3-méthoxy-4-hydroxyphénylglycol (MHPG) [36]. Il presseur, cette médication doit être interrompue ou,
a été suggéré qu’une augmentation de la sensibilité des au minimum, la dose réduite et les facteurs de déstabi-
récepteurs des récepteurs post-synaptiques ou des taux lisation recherchés (autres traitements, alcool et autres
de catécholamines pourraient intervenir dans le phé- toxiques, sommeil…).
nomène de virage maniaque [17]. Or les antidépres- En regard des données de la littérature, certains
seurs inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de points demeurent à éclaircir :
la noradrénaline (IRSNa) et tricycliques, plus associés –– une définition consensuelle du virage de l’hu-
au risque de virage, sont responsables, par l’intermé- meur induit par les antidépresseurs serait utile ;
diaire de l’augmentation des taux de catécholamines, –– la relation dose-effet concernant les antidépres-
d’une up-regulation des facteurs neurotrophiques et seurs et la réalité du rôle protecteur des stabilisateurs
d’une hypersensibilité des récepteurs post-synap- de l’humeur doivent être documentés ;
tiques. L’hypersensibilité des récepteurs diminue leur –– des travaux sont nécessaires pour l’identifica-
internalisation modifiant ainsi l’activité monoaminer- tion de facteurs prédictifs de virage maniaque ou
gique, notamment au niveau préfrontal et favoriserait hypomaniaque ;
alors l’émergence de symptômes maniaques [18]. –– le risque de virage induit doit être étudié au sein
de différentes sous-populations, en particulier les ado-
lescents et les personnes âgées.
R ecommandations et perspectives

Quelques règles de prescription sont susceptibles de


C onclusion
limiter le risque de virage maniaque, bien que la ques-
tion de l’induction d’un virage spécifique des antidé- En conclusion, le risque de virage maniaque sous
presseurs reste ouverte. antidépresseurs reste une question à laquelle la
En cas de dépression bipolaire, il convient d’envi- réponse ne peut être univoque. En effet, les résultats
sager le principe de précaution consistant à éviter le des études divergent. Ils ne peuvent être interprétés de

243
To l é r a n c e

manière définitive en raison de multiples biais métho- 13. Bottlender R, Rudolf D, Strauss A, Moller HJ.
dologiques : résultats secondaires, hétérogénéité des Mood-stabilisers reduce the risk of developing antide-
pressant-induced maniform states in acute treatment of
traitements prescrits, manque de consensus sur la
bipolar I depressed patients. J Affect Disord, 2001, 63 :
définition du virage induit. Il convient cependant de 79-83.
rester prudent quant à l’émergence d’une dysphorie, 14. Bottlender R, Rudolf D, Jager M et al. Are bipolar I
d’irritabilité ou d’agitation sous antidépresseurs, d’au- depressive patients less responsive to treatment with antide-
tant que ces changements ont été associés au risque de pressants than unipolar depressive patients ? Results from
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246
22
R isque suicidaire
........
M.-F. Poirier et G. Martinez

H istorique Depuis une dizaine d’années, la probabilité d’un


risque suicidaire accru chez les enfants et les adoles-
cents avec l’utilisation des inhibiteurs de la recap-
Le risque suicidaire est l’un des principaux éléments ture de la sérotonine (ISRS), est également débattue.
de gravité de la dépression. Une revue systématique Pourtant, après 1990, date de mise sur le marché de
de la littérature indique que les inhibiteurs sélectifs de ces nouveaux antidépresseurs, le taux de suicide parmi
recapture de la sérotonine (ISRS) sont efficaces dans le les adolescents et jeunes adultes entre 10 et 24 ans,
traitement de la dépression chez l’adulte et sont mieux aux États-Unis, a commencé à baisser pour atteindre
tolérés que les antidépresseurs tricycliques [30]. Sur 6,78 pour 100 000 personnes en 2003 (9,64 en
la vie entière, l’usage de ces médicaments antidépres- 1987). Certains auteurs y ont vu un lien de cause à
seurs est inversement corrélé aux taux de suicide. effet [39]. Le même déclin a été rapporté dans d’autres
Néanmoins, depuis presque deux décennies, le
pays [19], mais l’Islande et la Norvège, entre autres,
lien entre l’utilisation des nouveaux antidépresseurs
ont à l’inverse observé un taux de suicide augmenté
et l’émergence ou le renforcement d’idéations ou
ou resté inchangé avec l’arrivée des nouveaux antidé-
de comportements suicidaires chez certains patients
presseurs [22]. En fait, le lien causal entre la prescrip-
déprimés fait l’objet d’un débat passionné [10, 33]. La
tion des antidépresseurs et les taux de suicide n’a pas
controverse continue d’alimenter l’actualité [34, 34].
pu être démontré par les études portant sur de larges
La survenue d’un comportement suicidaire suite à
échantillons (voir Chapitre 12).
l’administration d’antidépresseurs est décrite depuis
longtemps avec de nombreux composés. Il y a déjà Après l’annonce de cas de suicides chez des enfants
30 ans, l’émergence d’idées suicidaires, voire de ten- traités pour dépression, l’Agence du médicament
tatives de suicide (TS) a pu être rapportée à l’occa- (MHRA) de Grande-Bretagne en décembre 2003
sion d’une désinhibition observée avec les traitements [11] et la Food and Drug Administration (FDA) aux
antidépresseurs tricycliques et inhibiteurs de la mono­ États-Unis en mars 2004 [15] ont déconseillé sans
amine oxydase, notamment dans les dépressions agi- l’interdire la mise sous traitement antidépresseur de
tées, anxieuses [1]. En 1988, Damluji et Ferguson [13] type inhibiteur de la recapture de la sérotonine (ISRS)
décrivaient des patients présentant une aggravation des sujets de moins de 18 ans pour traiter un épisode
paradoxale de leur dépression en début de traitement dépressif majeur. Les experts jugeaient en effet que le
avec la désipramine, l’amoxapine, la norpriptyline ou ratio bénéfices/risques n’était pas favorable. Des mes-
la trazodone avec, chez certains d’entre eux, l’émer- sages de mise en garde sur le risque suicidaire chez le
gence d’idées suicidaires. Un premier rapport de sujet jeune ont été inscrits sur les notices des boîtes
Teicher et al. [45], paru en 1990, a décrit six cas de de médicaments. Aux États-Unis, cette mise en garde
patients adultes sévèrement déprimés, ayant présenté souligne « l’émergence chez l’enfant et l’adolescent de
l’émergence d’idées suicidaires intenses dans les pre- certains symptômes reconnus pour être associés aux
miers jours d’un traitement par fluoxétine. Cette antidépresseurs chez certains patients, en particulier :
publication a été suivie de plusieurs autres rapports sur anxiété, agitation, attaques de panique, insomnie,
l’induction de comportements suicidaires sous fluoxé- irritabilité, hostilité, impulsivité, akathisie (agitation
tine, puis avec la paroxétine et la sertraline. Les études sévère), hypomanie et manie. Bien qu’un lien de
systématiques étaient moins concluantes [4, 48]. causalité n’ait pas été établi entre l’apparition de tels

247
To l é r a n c e

symptômes et une aggravation de la dépression ou Plusieurs méta-analyses des études, publiées et non
l’émergence de pulsions suicidaires, ces médicaments publiées, soumises à la FDA ont ensuite été menées
doivent être interrompus si ces symptômes sont d’in- sur le risque suicidaire, comparant les médicaments
tensité sévère, d’apparition brusque ou ne faisant pas antidépresseurs inhibiteurs de recapture de la séroto-
partie de l’état initial des patients ». Les médicaments nine (ISRS) au placebo, d’une part, chez les enfants et
qui ont fait l’objet de ce changement d’étiquetage les adolescents [20, 51] et, d’autre part, chez l’adulte
sont la fluoxétine, la sertraline, la paroxétine, la flu- [14, 18, 21, 49].
voxamine, le citalopram, l’escitalopram, le bupro-
pion, la venlafaxine, la nefazodone et la mirtazapine.
Toutefois, il ne s’agissait que d’une mesure de précau- Chez l’enfant et l’adolescent
tion avant même que l’analyse par la FDA des essais
contrôlés ne soit terminée. Plus tard, en 2007, à l’issue La méta-analyse princeps qui a provoqué en 2004
de certaines analyses de données, la FDA a étendu la mise en garde de la FDA chez les sujets jeunes,
cette mise en garde aux jeunes adultes de moins de publiée par Hammad et al. en 2006 [20] en popu-
25 ans, message appliqué à tous les antidépresseurs. lation pédiatrique, repose sur vingt-quatre essais
Notons toutefois que la fluoxétine et, depuis 2009, thérapeutiques contrôlés d’antidépresseurs versus pla-
l’escitalopram ont l’indication « dépression majeure cebo ayant inclus 4 582 patients. Il s’agissait d’études
chez l’adolescent » aux États-Unis, bien qu’étant concer- de durée brève, ne durant pas plus de 16 semaines.
nés par la mesure de mise en garde de la FDA de 2004. Parmi ces vingt-quatre études, seize essais étaient
Ces recommandations ont sans doute entraîné la consacrés aux troubles dépressifs chez l’enfant et
baisse de prescription des antidépresseurs observée l’adolescent au cours desquels aucun suicide n’est
dans la population pédiatrique, une réduction du survenu. Cependant, la suicidalité (idées et tentatives
diagnostic de dépression chez l’adulte [29, 50] et, de de suicides) au cours de cette méta-analyse était de
fait, la suspension de la diminution du risque suici- 4 p. 100 chez les patients traités par antidépresseurs
daire aux États-Unis [31] observée depuis une dizaine et de 2 p. 100 chez ceux recevant un placebo. Les
d’années, voire même une augmentation du taux de auteurs ont conclu que l’utilisation des antidépres-
suicide chez les patients de moins de 25 ans [27, 32]. seurs était associée à une augmentation modeste, mais
Cependant la baisse du risque suicidaire s’est pour- significative du risque de suicidalité dans cette popu-
suivie dans d’autres pays, notamment au Danemark lation [20]. Il faut souligner que le nombre de patients
pendant 20 ans, hormis chez l’enfant [34]. n’était pas assez étendu pour détecter une légère aug-
mentation du risque suicidaire.
Dans son message d’étiquetage des boîtes d’anti-
dépresseurs le 15 octobre 2004, la FDA indique :
É léments pour ou contre « Les analyses regroupées des études à court terme
l ’ induction d ’ une suicidalité (4 à 16 semaines) contrôlées versus placebo de neuf
médicaments antidépresseurs (ISRS et autres) chez les
par les antidépresseurs
enfants et les adolescents souffrant de trouble dépressif
majeur, de trouble obsessionnel-compulsif (TOC) ou
Dans un premier temps, une revue de tous les essais d’autres troubles psychiatriques (un total de 24 essais
soumis à la FDA, réalisée par Khan et al. en 2003 [28], impliquant plus de 4 400 patients), ont révélé un
comparant les taux de suicide parmi les sujets recevant risque accru d’événements indésirables concernant la
les composés ISRS, un « autre antidépresseur » ou un survenue de pensées ou de comportement suicidaires
placebo, a montré une absence de différence entre (suicidalité) durant les premiers mois de traitement
ces catégories (au total 77 suicides rapportés chez par ces antidépresseurs. Le risque moyen de tels évé-
48 277 patients déprimés inclus dans les études). Les nements avec le médicament était de 4 p. 100, soit
composés concernés étaient, pour les ISRS, la fluoxé- deux fois le risque de 2 p. 100 observé sous placebo.
tine, la sertraline, la paroxétine, le citalopram et la Aucun suicide n’est survenu dans ces essais. »
fluvoxamine. Les antidépresseurs « autres » pris dans Posner et al., en 2007 [38], en appliquant l’algo-
leur ensemble étaient la néfazodone, la mirtazapine, rithme de classification de Columbia pour la suicida-
le bupropion, la venlafaxine, l’imipramine, l’amitrip- lité sur cette population, ont répliqué ces résultats.
tyline, la maprotiline, le trazodone, la miansérine et Une analyse de vingt-sept essais thérapeutiques éva-
la dothiépine. luant les ISRS, la néfazodone, la venlalafaxine et la

248
RISQUE SUICIDAIRE

mirtazapine chez des patients âgés de moins de 19 ans psychiatriques prises dans leur ensemble, comparati-
est aussi en faveur d’une élévation du risque suicidaire vement au placebo. Cependant une stratification par
avec pourtant une amélioration de la symptomatolo- groupe d’âge a montré que l’odds ratio et le risque
gie dépressive [7]. pour la suicidalité chez les patients recevant les anti-
Par ailleurs, au cours des méta-analyses des essais dépresseurs était plus élevé chez les jeunes adultes de
publiés et non publiés chez les enfants et les adoles- moins de 25 ans comparativement aux patients qui
cents comparant les médicaments antidépresseurs ver- recevaient un placebo, avec des résultats inverses chez
sus placebo, aucun cas de suicide réussi n’est rapporté. les sujets plus âgés [16]. Le risque de suicidalité asso-
Deux méta-analyses aboutissent aux mêmes conclu- cié à l’usage des antidépresseurs apparaissait très for-
sions, à savoir que le traitement par ISRS est associé à tement âge-dépendant. Parmi les adultes de moins de
une légère mais significative augmentation du risque 25 ans, il est proche de celui observé chez l’enfant et
d’idéation suicidaire ou de comportements suicidaires l’adolescent.
chez les jeunes patients. Devant ces résultats, le comité d’experts de la FDA
Pourtant, une étude des registres danois de 1995 à a décidé d’étendre sa mise en garde aux jeunes adultes
1999 ne retrouve pas de traitement par ISRS durant de 19 à 24 ans. Le 13 décembre 2006 [16], il a indi-
les 2 semaines précédent le passage à l’acte, chez qua- qué : « les données soumises à la FDA permettent
rante-deux enfants et adolescents suicidés âgés de 10 de conclure raisonnablement que l’augmentation à
à 17 ans [43]. court terme du risque suicidaire avec un traitement
Notons que l’analyse récente par Schneeweiss et al. antidépresseur dans la population pédiatrique semble
en 2010 [40] d’une cohorte de 20 906 enfants et ado- s’étendre aux jeunes adultes ». Ce comité a également
lescents débutant un traitement par antidépresseur indiqué que « les données de la FDA montrent qu’au-
montre que le risque de passage à l’acte suicidaire chez delà de 30 ans, les antidépresseurs commencent à
les jeunes patients déprimés âgés de 10 à 18 ans ne montrer l’effet attendu de protection du risque suici-
diffère pas entre les composés antidépresseurs : fluoxé- daire, effet plus prononcé au-delà de 65 ans. »
tine, citalopram, fluvoxamine, paroxétine, sertraline Une étude cas-contrôle [25] a examiné, à partir des
et tricycliques. registres de santé de l’Ontario, la survenue d’une sui-
cidalité dans une cohorte de sujets déprimés âgés de
10 à 69 ans, après un début de traitement par l’un
Chez l’adulte jeune des quatre antidépresseurs : fluoxétine, paroxétine,
amitriptyline et dothiépine. Le risque suicidaire était
L’extension du message d’alerte à la tranche d’âge de similaire avec les quatre médicaments. Il augmen-
18 à 24 ans repose sur deux analyses de méthodologies tait pendant le premier mois de traitement, essen-
complémentaires [44] d’une population adulte inclue tiellement durant les neuf premiers jours. Ce risque
dans 372 essais thérapeutiques randomisés, portant n’était pas majoré dans la sous-population âgée de 10
sur des dépressions majeures de l’adulte ou d’autres à 19 ans.
pathologies non psychiatriques. Chaque bras de l’essai
retenu devait comporter au moins vingt patients. Les
antidépresseurs évalués étaient : citalopram, duloxé- Mises en garde dans d’autres pays
tine, escitalopram, fluoxétine, fluvoxamine, mirtaza-
pine, néfazodone, paroxétine, sertraline, venlafaxine Des mises en garde similaires ont été publiées par
et bupropion. La majorité de ces études étaient non d’autres agences.
publiées. Parmi les 99 231 patients inclus, 77 207 Pour l’Agence européenne du médicament
étaient inclus dans 295 essais pour des troubles psy- (EMEA), le Committee for Medicinal Products for
chiatriques, principalement des dépressions majeures. Human Use (CHMP) a revu en 2003-2004 toutes
Dans ce groupe de patients, huit suicides sont surve- les données des essais thérapeutiques chez l’enfant
nus et 501 sujets ont rapporté des idées suicidaires et l’adolescent soumis par l’industrie aux autorités
ou réalisé une tentative de suicide. Les résultats des règlementaires, les études publiées, les études de cas
deux méthodes d’analyse étaient semblables : l’odds et les études épidémiologiques. Ces données concer-
ratio pour l’idéation ou le comportement suicidaire naient les ISRS et les IRSNa suivants : citalopram,
sous antidépresseurs comparé au placebo était de 0,85 duloxétine, escitalopram, fluoxétine, fluvoxamine,
(p = 0,08). Aucune augmentation de la suicidalité miansérine, milnacipran, mirtazapine, paroxétine,
n’a été observée sur la population traitée pour raisons réboxétine, sertraline, venlafaxine et atomoxétine.

249
To l é r a n c e

Leur analyse a montré une majoration du risque Dans une mise au point de l’AFSSAPS, « Le bon
suicidaire (idées suicidaires et tentatives de suicide), de usage des antidépresseurs chez l’enfant et l’ado-
l’hostilité, de l’agressivité, du comportement d’oppo- lescent », il est indiqué : « Les médicaments anti-
sition, dans ce groupe d’âge. En avril 2005, l’EMEA a dépresseurs sont déconseillés dans le traitement de
demandé qu’un message de mise en garde soit donné la dépression chez l’enfant et l’adolescent. Il existe
aux médecins et aux patients : « Les antidépresseurs cependant des situations particulières où, après une
inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (ISRS), en évaluation clinique du rapport bénéfices/risques, le
Europe, ne sont pas indiqués dans le traitement de recours à ces médicaments peut être justifié. »
la dépression et des troubles anxieux chez l’enfant et Notons que la sertraline et la fluvoxamine, deux
l’adolescent. » autres antidépresseurs ISRS, ont une indication chez
Il est ajouté que l’atomoxétine n’a pas d’efficacité l’enfant et l’adolescent dans le traitement des troubles
dans la dépression, mais est indiquée dans le trouble obsessionnels compulsifs.
déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH),
et le message met en garde contre les effets secondaires
de ce médicament à type d’hostilité et de labilité Chez l’adulte
émotionnelle.
L’Afssaps, en février 2006, mentionne : « La mise Chez l’adulte, une méta-analyse effectuée par
en évidence d’un risque de comportement suicidaire Gunnell et al. en 2005 [18], portant sur 477 essais
(idées suicidaires, tentatives de suicide) et/ou hos- randomisés britanniques ayant inclus plus de
tile (agressivité, comportement d’opposition, colère) 40 000 sujets, comparant plusieurs médicaments anti-
associé à l’utilisation chez l’enfant et l’adolescent des dépresseurs inhibiteurs de la recapture de la sérotonine
antidépresseurs inhibiteurs de la recapture de la séro- au placebo, rapporte 16 suicides et 172 tentatives de
tonine (ISRS) et apparentés, a conduit l’Agence euro- suicide. Les auteurs indiquent qu’une élévation du
péenne du médicament (EMEA) à réévaluer le risque risque suicidaire entraînée par les ISRS ne peut pas être
de ces médicaments et, en avril 2005, à les déconseil- exclue, mais que des essais plus larges et d’une durée
ler dans le traitement de la dépression chez l’enfant plus longue sont nécessaires pour asseoir la balance
et l’adolescent. Les données disponibles aujourd’hui bénéfices/risques dans l’utilisation de ces médicaments.
pour les antidépresseurs tricycliques justifient qu’ils La revue de 702 essais randomisés contrôlés
soient également déconseillés chez l’enfant et l’ado- issus de MedLine et du registre Cochrane incluant
lescent dans cette même indication. » 87 650 patients fournit des arguments pour une asso-
En France, les médicaments antidépresseurs sont ciation entre les tentatives de suicide et le traitement
déconseillés dans le traitement de la dépression chez par ISRS chez l’adulte [14].
l’enfant et l’adolescent. Parmi les ISRS, seule la fluoxé- Pourtant, une autre méta-analyse [21], utilisant
tine dispose d’une AMM au-dessous de 18 ans dans le toutes les données de l’industrie pharmaceutique, por-
traitement des épisodes dépressifs majeurs d’intensité tant sur les essais à court terme randomisés et contrô-
moyenne à sévère. Seuls deux antidépresseurs tricy- lés de neuf antidépresseurs chez des patients adultes,
cliques ont l’indication dans la dépression chez l’enfant traités pour épisodes dépressifs majeurs (207 essais,
de moins de 15 ans : l’amitriptyline et la clomipramine. 40 028 patients) et divers troubles anxieux (44 essais,
En janvier 2008, l’Afssaps a complété : « À l’excep- 10 972 patients), a conclu que l’usage des antidépres-
tion de la fluoxétine (Prozac®), les antidépresseurs seurs n’était pas associé à une augmentation du risque
ISRS et apparentés n’ont pas d’autorisation de mise de suicide. Le suivi pendant 3,4 ans d’une cohorte de
sur le marché (AMM) dans l’Union européenne, dans plus de 15 000 patients finlandais, hospitalisés après
le traitement de la dépression chez les patients de une tentative de suicide, a montré que l’utilisation
moins de 18 ans. Cependant, en raison de préoccupa- d’antidépresseurs était associée à une augmentation
tions liées au profil de sécurité d’emploi de la fluoxé- du risque de tentative de suicide, mais aussi à une
tine chez les enfants et adolescents traités, l’Afssaps baisse du nombre de suicides réussis comparativement
met en place un dispositif national de surveillance, à l’absence de traitement [47].
axé particulièrement sur le développement sexuel et la Plus récemment, une étude naturalistique pros-
croissance dans ce groupe d’âge. Le risque de compor- pective de patients hospitalisés et traités par anti-
tement suicidaire et de comportement hostile identi- dépresseurs dans douze hôpitaux psychiatriques en
fiés avec la fluoxétine lors des essais cliniques, n’est pas Allemagne [41], a rapporté un taux de suicide abouti
différent de celui observé avec les autres ISRS. » de 13,44 pour 1 000 patients-années, 3,2 p. 100

250
RISQUE SUICIDAIRE

d’émergence d’idées suicidaires, 14,74 p. 100 d’aggra- début, ou bien est-elle induite de novo par le médica-
vation et 90,79 p. 100 d’amélioration des idées suici- ment ? C’est ce que semblerait indiquer l’utilisation
daires préexistantes. Barbui et al. en 2009 [3], dans du placebo chez les enfants et les adolescents.
une méta-analyse de huit études observationnelles Par ailleurs, l’induction ou l’aggravation d’une labi-
réunissant plus de 200 000 patients déprimés traités lité émotionnelle s’intégrant dans un épisode mixte,
par ISRS, concluent que le traitement par ISRS mul- avec un risque majoré de suicide, dans le cadre d’un
tiplie par deux le risque de tentatives de suicide et de trouble bipolaire méconnu chez l’adolescent, ne sont
suicides réussis chez l’adolescent, alors que son effet pas pris en compte [12].
est neutre ou protecteur (40 p. 100) chez l’adulte, On ne peut donc extrapoler les résultats des essais à
notamment chez les sujets âgés de plus de 65 ans. la pratique réelle. En pratique, comme le mentionne
Peu de travaux existent avec les antidépresseurs Hjalmarsson et al. 2005 [24], l’évaluation du risque
inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la suicidaire lors d’un épisode dépressif majeur chez un
noradrénaline (IRSNa). Les mêmes précautions ont enfant et un adolescent, doit être systématique avant
été demandées par la FDA chez l’adulte jeune pour la et tout au long du suivi, et associée à la recherche de
venlafaxine. Le milnacipran ne semble pas augmenter facteurs favorisants.
le risque suicidaire en pratique quotidienne dans de En raison de la durée limitée des essais thérapeutiques,
petites populations de patients déprimés [12]. nous ne savons pas si certains effets peuvent émerger
avec l’utilisation au long cours des antidépresseurs.
Les stratifications selon l’âge ne sont pas toujours
Chez le sujet âgé les mêmes selon les analyses.
Le risque suicidaire est mesuré par l’indice de « sui-
Seules deux études rétrospectives se sont interro-
cidalité » (idéation suicidaire, tentatives de suicide
gées sur le risque suicidaire en relation au traitement
et/ou automutilations). En plus de l’observation de
antidépresseur dans la population de sujets âgés. Une
l’idéation suicidaire et des gestes auto-agressifs, une
étude de cohorte dans l’Ontario a rapporté une élé-
analyse plus fine des indices de « suicidalité » semble
vation notable de la suicidalité durant le premier
nécessaire au cours des différents essais thérapeutiques.
mois de traitement par ISRS chez les patients âgés de
Enfin, il faut certainement distinguer l’apparition
plus de 65 ans [26]. À l’inverse, Barak et al. en 2006
d’idées ou de comportements suicidaires de novo au
[2] ont montré une réduction du risque de tenta-
début d’un traitement par antidépresseurs, de l’aggra-
tive de suicide dans une population de sujets âgés en
vation d’idées suicidaires préexistantes au traitement.
moyenne de 76 ans traités par ISRS. De même, l’ana-
lyse à partir des dossiers soumis à la FDA a évoqué le
rôle protecteur des antidépresseurs dans cette tranche
d’âge [16]. Les antidépresseurs pourraient donc avoir
un effet réducteur du risque suicidaire chez les sujets F acteurs de risque
âgés de plus de 65 ans.
Certains facteurs cliniques de risque suicidaire sont
connus. Une autre hypothèse évoquée est celle d’une
vulnérabilité neurobiologique particulière.
L imites méthodologiques

Facteurs de risque cliniques


Statisticiens et médecins n’ont pas les mêmes
attentes et il faut distinguer signification statistique et Plusieurs mécanismes – dont deux essentiels – sont
pertinence clinique. évoqués pour expliquer l’émergence d’une suicidalité
Les patients des essais cliniques sont hautement sous antidépresseurs.
sélectionnés de manière à garantir la comparabilité des Le premier modèle repose sur la levée l’inhibition
groupes. Le risque suicidaire en est souvent écarté, ce chez certains patients, bien avant que leur humeur
qui pourrait favoriser la mise en évidence de son émer- dépressive ne soit restaurée. Il faut rapprocher de cela
gence en début de traitement antidépresseur chez des le risque de passage à l’acte dans le cadre d’une mala-
individus donnés. Mais cette émergence est-elle due die bipolaire méconnue chez les patients présentant
à l’évolution propre de l’épisode dépressif qui n’est un état mixte, à l’origine d’une levée d’inhibition
pas encore contrôlé par le traitement, inefficace à son avec impulsivité. Une deuxième explication possible

251
To l é r a n c e

serait l’aggravation paradoxale de la dépression par le adolescents aux effets suicidogènes des antidépresseurs
traitement antidépresseur chez certains sujets, favori- pourraient aussi reposer sur la modification de l’activité
sant la survenue d’idées suicidaires, voire de passages du système sérotoninergique pendant la maturation
à l’acte. Il est même évoqué une action différente chez cérébrale durant le développement [17].
les répondeurs au traitement avec réduction du risque Les effets des antidépresseurs ne s’arrêtent pas à
suicidaire, et les non-répondeurs chez lesquels ce leurs actions biochimiques. Des effets sur l’expression
risque serait majoré avec l’introduction du traitement. des gènes ont été décrits, entraînant des variations de
Un autre mécanisme évoqué est la survenue d’une la production des protéines [9]. De plus, la variabilité
akathisie avec certains antidépresseurs chez certains génétique des récepteurs et des transporteurs pourrait
patients plus vulnérables. contribuer à rendre un patient donné plus vulnérable
Un certain nombre de facteurs cliniques favorisants envers les effets indésirables d’un médicament antidé-
sont connus et viennent s’ajouter au potentiel suici- presseur [37] (le traitement serait alors inadéquat chez
dogène des antidépresseurs : sévérité de la dépression, un individu donné).
antécédent suicidaire, degré de désespoir, présence Des facteurs génétiques moduleraient la suscepti-
d’un trouble psychotique, traits d’impulsivité, abus de bilité individuelle de certains sujets aux effets séro-
substances, mauvaise réponse au traitement, akathisie, toninergiques sur le comportement suicidaire sous
accès facilité aux moyens suicidaires, mauvaise inser- antidépresseurs. Il a été montré qu’un polymorphisme
tion socioprofessionnelle et, bien sûr, isolement et du gène du transporteur de la sérotonine serait à l’ori-
événements de vie. Dans l’étude GENDEP, l’aggrava- gine d’un risque plus élevé de ce type d’effets secon-
tion des idées de suicide avec les antidépresseurs appa- daires lors d’un traitement par ISRS [35].
raît associée aux antécédents de tentatives de suicide Brent et al. en 2010 [6] ont passé en revue six études
et à l’intensité de la dépression lors de l’instauration examinant la pharmacogénétique de la suicidalité
du traitement [36]. chez des patients déprimés traités par antidépresseurs.
Si l’administration de certains ISRS augmente le Presque tous les événements suicidaires mentionnés
risque suicidaire, est-ce dû à la classique levée d’inhi- (97 p. 100) portaient sur l’émergence d’idées sui-
bition ? À la demi-vie courte caractérisant ces ISRS cidaires sans passage à l’acte. Les associations géné-
comparée à la demi-vie plus longue de la fluoxé- tiques retrouvées concernent les gènes de transcription
tine ? À l’induction ou à l’aggravation d’une labilité (CREB1), des gènes impliqués dans le neuroprotection
émotionnelle ? (BDNF et NTRK2), des gènes intervenant dans le neu-
Le risque suicidaire est donc présent au cours du rotransmission glutamatergique et noradrénergique
traitement antidépresseur du déprimé, sans que la res- (GRIA3, GRIK2 et ADRA2A), ceux impliqués dans la
ponsabilité de la maladie ou de son traitement puisse réponse au stress et la réponse inflammatoire (FKBP5
être clairement différenciée, et pas seulement lors de et IL28RP) et ceux impliqués dans la synthèse des gly-
l’initiation du traitement antidépresseur. coprotéines (PAPLN). L’association glutamatergique
est répliquée dans deux études, dont STAR*D.
Notons que la plupart des études n’ont pas inclus
Facteurs de risque neurobiologiques d’adolescents. La seule étude réalisée par Brent et al.
[5] dans un échantillon de 176 adolescents extrait de
Plusieurs anomalies ont été recherchées en associa- l’étude TORDIA, a montré une association entre les
tion avec l’émergence d’idées ou de comportements allèles du gène FKBP, rs1360780 T et rs3800373 G
suicidaires sous antidépresseurs chez des patients dépri- et l’idéation suicidaire. L’ensemble de ces résultats
més. Les mécanismes neurobiologiques évoqués dans persiste après ajustement sur le comportement suici-
l’induction d’une suicidalité par les antidépresseurs sont daire passé, l’idéation actuelle, la sévérité de la dépres-
peu connus. Certes, des modifications de la neurotrans- sion et la réponse au traitement.
mission, essentiellement sérotoninergique, ont été rap- Cependant, ces gènes sont aussi impliqués dans le
portées dans la survenue de la dépression et du suicide comportement suicidaire indépendamment de l’exis-
et seraient probablement impliquées dans la majoration tence d’un traitement antidépresseur.
du comportement suicidaire par les traitements antidé- Par ailleurs, des patients ayant un faible niveau de
presseurs. Un changement brutal de la sensibilité des biotransformation par le cytochrome P450 2D6 pour-
récepteurs sérotoninergiques centraux pourrait peut- raient présenter une clairance diminuée de certains
être expliquer ce phénomène d’activation de la suici- composés ISRS, entraînant des taux beaucoup plus
dalité. La vulnérabilité particulière des enfants et des élevés du médicament actif après son administration.

252
RISQUE SUICIDAIRE

Ce phénomène pourrait participer à l’induction d’une peut servir pour traiter efficacement et en réalité pro-
suicidalité [8]. Une méta-analyse des données du pro- téger les patients déprimés du suicide. Cependant, des
gramme TADS chez l’adolescent a montré une corré- précautions appropriées et un contrôle doivent être
lation entre le comportement suicidaire et la demi-vie exercés pour éviter le risque accru du suicide chez un
des composés antidépresseurs, particulièrement avec la petit nombre de patients. »
fluoxétine. Les raisons n’en sont pas claires [42].
Ainsi un nombre important de facteurs potentiels
de l’induction d’une suicidalité par les antidépresseurs Références
reste-t-il vraisemblablement non exploré.
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analyses appliquées à des essais thérapeutiques contrô- 4. Beasley CM Jr, Dornseif BE, Bosomworth JC,
lés dont ce n’était pas l’objectif initial et dont une Sayler ME et al. Fluoxetine and suicide : a meta-analysis
partie n’a pas été publiée. Aucun essai thérapeutique of controlled trials of treatment for depression. Br Med J,
randomisé n’a été mené pour évaluer spécifiquement 1991, 303 : 685-692.
l’impact positif ou négatif des antidépresseurs sur le 5. Brent DA, Melhem N, Ferrell R et al. Association of
FKBP5 polymorphisms with suicidal events in the treat-
risque suicidaire, qu’il soit déjà présent en début de ment of resistant depression in adolescents (TORDIA)
traitement ou émergent sous traitement. study. Am J Psychiatry, 2010, 167 : 190-197.
À l’heure actuelle, les résultats distinguent idéation 6. Brent, Melhem N, Turecki G. Pharmacogenomics of
ou comportement suicidaire du suicide abouti. Les suicidal events. Pharmacogenomics, 2010, 11 : 793-807.
études observationnelles en conditions naturelles et les 7. Bridge JA, Lyenger S, Salary CB, Barbe RP et al.
études de cohortes sont en faveur d’un effet protecteur Clinical response and risk for reported suicidal ideation
and suicide attempts in pediatric antidepressant treatment :
des ISRS sur le risque suicidaire, mais les essais contrôlés
a meta-analysis of randomized controlled trials. JAMA,
randomisés échouent à démontrer un tel effet ; ils sou- 2007, 297 : 1983-1996.
lignent même le risque d’un effet légèrement aggravant 8. Brosen K. Some aspects of genetic polymorphism in the
sur les comportements ou l’idéation suicidaires chez les biotransformation of antidepressants. Therapie, 2004, 59 :
sujets de moins de 25 ans traités par ces médicaments, 5-12.
en relation peut-être avec le niveau de maturation céré- 9. Brunner J, Bronisch T, Uhr M et al. Proteomic analy-
brale. Les antidépresseurs apparaissent neutres ou pro- sis of the CSF in unmedicated patients with major depres-
sive disorder reveals alterations in suicide attempters. Eur
tecteurs chez les adultes âgés de 25 à 64 ans et montrent Arch Psychiatry Clin Neurosci, 2005, 255 : 438-440.
un effet réducteur net de la suicidalité chez les sujets 10. Carpenter DJ, Fong R, Kraus JE et al. Meta-analysis of
âgés de plus de 65 ans. Le taux de suicide abouti ne efficacy and treatment-emergent suicidality in adults by psy-
semble pas modifié par l’usage des antidépresseurs. chiatric indication and age subgroup following initiation of
En France, les médicaments antidépresseurs sont paroxetine therapy : a complete set of randomized placebo-
déconseillés dans le traitement de la dépression chez controlled trials. J Clin Psychiatry, 2011, 72 : 1530-1514.
11. Committee on Safety of Medicines, MHRA. Selective
l’enfant et l’adolescent. Il existe cependant des situa-
serotonin reuptake inhibitors (SSRIs) : overview of regu-
tions particulières où, après une évaluation clinique latory status and CSM advice relating to major depressive
du rapport bénéfices/risques, le recours à ces médica- disorder (MDD) in children and adolescents including a
ments peut être justifié. summary of available safety and efficacy data. www.mhra.
Le consensus de l’Association mondiale de psychia- gov.uk, 10 December 2003.
trie dans ses recommandations indique que les risques 12. Courtet P. Suicidality : risk factors and the effects of antide-
de « suicidalité » avec les antidépresseurs doivent être pressants. The example of parallel reduction of suicidality and
other depressive symptoms during treatment with the SNRI,
mesurés par rapport aux bénéfices bien connus de ces milnacipran. Neuropsychiatr Dis Treat, 2010, 6 : 3-8.
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253
To l é r a n c e

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255
23
R isque de syndrome d ’ arrêt
........
D. Moisan et M. Lejoyeux

D éfinitions semble difficile à évaluer, en raison de la confusion


entre syndrome d’arrêt et symptômes signant une
récidive de l’épisode dépressif. En 2006, on estimait
Le syndrome de sevrage aux antidépresseurs n’est que le taux du syndrome d’arrêt des antidépresseurs
pas un syndrome reconnu dans la classification du variait en fonction de la classe : 29,4 p. 100 pour les
DSM-IV, ni dans la CIM-10. Il est pourtant décrit antidépresseurs tricycliques (ADT), 32,2 p. 100 pour
depuis l’introduction des premiers antidépresseurs tri- les IMAO, 42 à 86 p. 100 pour les ISRS à demi-vie
cycliques [8]. On le définit par l’ensemble des signes courte (paroxétine, fluvoxamine, venlafaxine) et 0 à
survenant lors de l’arrêt brutal d’un traitement anti- 15 p. 100 pour les ISRS à demi-vie longue (fluoxé-
dépresseur. Il peut également se manifester lors d’une tine, sertraline) [5].
réduction de dose, du remplacement du médicament
par un autre antidépresseur ou lorsque le patient
oublie son traitement.
Certains auteurs se sont intéressés plus particulière-
ment au syndrome de sevrage survenant après l’arrêt
F acteurs de risque
des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la séroto-
nine (ISRS) et proposent comme définition du syn- L’apparition, la fréquence et l’intensité des symp-
drome d’arrêt des ISRS (SRIDS) la survenue d’un tômes semblent varier en fonction des caractéristiques
ensemble de symptômes somatiques et psychiques pharmacologiques et pharmacocinétiques du médica-
suivant l’arrêt d’un ISRS et non attribuables à d’autres ment [14] :
causes (par exemple, prise d’un autre traitement médi- –– la demi-vie : en effet, une étude [12] a montré
camenteux concomitant ou autre pathologie). Le syn- qu’il existait une relation significative entre le taux de
drome peut durer jusqu’à 3 semaines et régresser avec décroissance des concentrations sériques et l’appari-
la reprise du traitement par l’ISRS antérieur ou par tion de symptômes d’arrêt ;
un ISRS ayant le même profil pharmacologique [17]. –– la présence de métabolites actifs ;
Cette définition peut vraisemblablement s’étendre –– les effets anticholinergiques de l’agent ;
aux autres classes d’antidépresseurs. –– la potentialité de l’antidépresseur pour les récep-
L’intérêt du diagnostic de syndrome d’arrêt aux anti­ teurs sérotoninergiques.
dépresseurs est majeur, puisqu’il permet notamment L’exemple du profil pharmacologique et pharma-
d’éviter un diagnostic erroné donc un mauvais traite- cocinétique de la paroxétine permet d’illustrer ces
ment du patient, mais également de favoriser la bonne trois premiers facteurs de risque puisque sa demi-vie
observance d’un futur traitement antidépresseur. courte, l’absence de métabolites actifs et, enfin, l’exis-
tence d’effets anticholinergiques marqués en font un
antidépresseur ISRS à haut risque de survenue d’un
syndrome de sevrage, alors que les patients traités
É pidémiologie par la fluoxétine, dont la demi-vie est plus longue,
semblent moins à risque de développer un syndrome
Le syndrome d’arrêt aux antidépresseurs repré- de sevrage à l’arrêt du traitement antidépresseur ou
sente une morbidité importante, mais sa proportion auront des manifestations cliniques plus tardives.

256
RISQUE DE SYNDROME D’ARRÊT

On distingue également d’autres facteurs de risque D’autre part, des troubles « psychiques » ont été
[7] tels qu’une posologie élevée [10], une durée de rapportés : anxiété, crises de larmes, agitation psycho-
traitement prolongée (même si la possibilité de surve- motrice, confusion, irritabilité, tension, voire baisse
nue après de très courtes périodes de prise existe), un de l’humeur et dépersonnalisation. Un cas d’état déli-
arrêt brutal du traitement. rant, après l’arrêt de la fluoxétine, a été décrit en 2008
Certaines populations de patients ont été repérées par Blum et al. [3]. On note également des troubles
comme plus à risque de survenue du syndrome de du sommeil tels que des rêves intenses ou inhabituels,
sevrage aux antidépresseurs : les femmes [7], chez les- une activité onirique plus importante, des cauche-
quelles la fréquence de survenue est plus élevée que mars, voire des insomnies.
chez les hommes ; les enfants [7], plus sensibles aux Enfin peuvent survenir des troubles cognitifs,
effets du sevrage que les adultes ; les personnes âgées notamment des troubles de la mémoire et de la
[1], chez qui le rebond cholinergique peut entraîner concentration, ainsi qu’un ralentissement psychique.
des troubles psychiatriques, une hypertension arté- Une échelle des signes et symptômes associés à l’arrêt
rielle et des troubles du rythme cardiaque. du traitement par ISRS, la DESS checklist (discontinua-
Chez les patients traités par des ISRS, certains auteurs tion-emergent signs and symptoms), a été proposée par
préconisent une surveillance rapprochée en cas d’antécé- l’équipe de J.F. Rosenbaum en 1998 [12]. Il s’agissait
dent de mauvaise observance, d’antécédent de SRIDS et d’une liste de quarante-trois items établie à partir des
de ceux ayant un traitement anxiolytique, tous identifiés données de la littérature, tels que l’irritabilité, la confu-
comme étant à plus hauts risques de SRIDS [13]. sion, l’agitation, l’asthénie, les céphalées, les vertiges…
Enfin, d’autres auteurs suggèrent l’existence de fac- La plupart des réactions de sevrage aux ISRS sont
teurs « psychologiques », à savoir la peur de la rechute bénignes et transitoires : le délai d’apparition est d’un
dépressive, très répandue chez les patients. Ils dis- jour à une semaine après l’arrêt de traitement par
tinguent alors un « faux » syndrome de sevrage, induit l’ISRS, et leur durée de 7 à 14 jours. Généralement,
par des réactions psychologiques à l’arrêt des antidé- ces symptômes sont d’intensité légère à modérée et
presseurs [15]. spontanément résolutifs, mais ils sont parfois sévères
et peuvent se prolonger plusieurs semaines chez une
minorité des patients [10].
Des études ont été réalisées chez des patients traités
P résentation clinique par différents ISRS et ont montré que le délai d’appa-
rition et la durée du tableau clinique pouvaient varier
en fonction de la demi-vie de l’antidépresseur : sur-
On distingue une symptomatologie du syndrome
venue 24 à 72 heures après l’arrêt d’ISRS comme la
de sevrage différente selon la classe d’antidépresseur
paroxétine ou le sertraline, la symptomatologie régres-
[3, 7-11, 13-15].
sant spontanément en 1 à 2 semaines, alors que des
ISRS à demi-vie plus longue, tels que la fluoxétine ou
Inhibiteurs sélectifs de la recapture son métabolite actif, la norfluoxétine, pouvaient avoir
un syndrome de sevrage d’apparition tardive (respec-
de la sérotonine tivement 4 à 6 jours et 4 à 16 jours) [14].
On peut différencier plusieurs groupes de symp- Certains auteurs évoquent enfin la notion de
tômes, survenant à l’arrêt des antidépresseurs ISRS SRIDS néonatal, pouvant survenir suite à l’admi-
[3, 10, 12]. D’une part, des manifestations somatiques nistration d’antidépresseurs de type ISRS pendant
peu spécifiques : le troisième trimestre de la grossesse et probable-
–– des troubles gastro-intestinaux : nausées, vomis- ment l’allaitement [13]. Il existerait un risque de
sements, diarrhées ; syndrome de sevrage, de dystonie aiguë ou de signes
–– un syndrome pseudo-grippal : myalgies, frissons, atropiniques à la naissance chez les enfants de mère
sudation, asthénie, céphalées, rhinorrhée ; sous ISRS.
–– des troubles de l’équilibre : vertiges, lipothymies,
ataxie ; Inhibiteurs de la recapture
–– des troubles sensoriels : engourdissements, pares- de la sérotonine et de la noradrénaline
thésies, sensations de décharges électriques, troubles
visuels ; Il n’existe pas de grande différence avec le syn-
–– de rares troubles moteurs. drome de sevrage des ISRS, mais il serait plus

257
To l é r a n c e

fréquent et surtout d’apparition plus brutale et plus Inhibiteurs de la monoamine oxydase


rapide sous venlafaxine que sous les autres ISRS en
raison de sa demi-vie plus courte (5 heures). Du fait Les symptômes de sevrage aux IMAO sont les plus
de cette demi-vie très courte, tout oubli ou retard graves [7, 9]. Ils comprennent, d’une part, des mani-
de prise de l’antidépresseur (ou même variation de festations psychiatriques sévères : anxiété sévère, agi-
dosage par diminution volontaire ou par interaction tation, agressivité, irritabilité, logorrhée, insomnie,
pharmacocinétique) peut engendrer des syndromes somnolence, délire paranoïde avec hallucinations
de sevrage. (visuelles, olfactives, gustatives, cénesthésiques), labi-
Le tableau clinique à l’arrêt de la venlafaxine est lité thymique, troubles cognitifs (désorientation tem-
donc parfois plus grave. Il comprend des troubles porospatiale, désorganisation de la pensée, incapacité
neurologiques périphériques et centraux (paresthé- à reconnaître les visages familiers), humeur dépressive
sies, perturbation du sommeil, asthénie, céphalées, sévère, suicidalité.
malaises, vertiges, acouphènes, troubles visuels et rares D’autre part, des troubles moteurs ont été consta-
convulsions), mais également des troubles gastro-intes- tés, tels que des secousses myocloniques, une ataxie,
tinaux (nausées, distension abdominale, diarrhée), un une athétose, voire une catatonie, pouvant constituer
syndrome grippal et des troubles psychiatriques (agita- une urgence médicale.
tion psychomotrice, hallucinations auditives) [11, 14].
Généralement, le syndrome de sevrage aux IRSNa
se déclare dans les 24 à 72 heures suivant l’arrêt de C lassification
l’antidépresseur, après une durée de traitement de 1 à
12 mois. La réintroduction de l’IRSNa fait disparaître
la symptomatologie clinique en quelques heures. En De nombreux auteurs ont proposé des critères diag-
l’absence de ré-administration, les signes cliniques nostiques du syndrome de sevrage, s’appuyant sur leurs
s’estompent en 10 à 14 jours. observations cliniques et les données de la littérature.
On peut notamment citer les critères de Taylor, en
2006, qui visent à établir la présence de symptômes
Antidépresseurs tricycliques d’arrêt, et ce, pour n’importe quelle classe d’anti­
dépresseur [14] :
Les signes cliniques les plus fréquents sont relative- –– symptômes survenant dans des délais compa-
ment aspécifiques [7, 9, 15] : tibles avec l’activité pharmacologique du produit (ven-
–– troubles gastro-intestinaux ; nausées, vomisse- lafaxine : plus de 3 jours, IMAO : plus de 2 semaines,
ments, douleurs abdominales ; fluoxétine : plus de 4 semaines) ;
–– vertiges ; –– symptômes compatibles avec une activité pharma-
–– tremblements ; cologique connue (rebond cholinergique, par exemple)
–– syndrome pseudo-grippal : asthénie, myalgies, ou syndrome d’arrêt connu (par exemple, ISRS) ;
céphalées, sudation, frissons. –– symptômes différents de ceux ressentis avant le
On note également une symptomatologie psychia- début du traitement (vertiges ; nausées, fièvre) ou dif-
trique : attaques de paniques, hypomanie, confusion, férent en qualité (réveils précoces avant le traitement,
troubles du sommeil, cauchemars ou rêves intenses, insomnies d’endormissement avec rêves marquants à
anorexie. Les véritables états maniaques de sevrage et l’arrêt) ;
les syndromes délirants sont très rares dans ce contexte, –– symptômes survenant après la diminution ou
mais constituent une urgence médicale. l’arrêt du traitement ;
Quelques troubles moteurs ont été rapportés, avec –– toute autre information permettant une confir-
de rares cas de syndromes extrapyramidaux et d’aka- mation du diagnostic (antécédent de syndrome d’ar-
thisie ainsi que des troubles du comportement. rêt, disparition des symptômes à la réintroduction du
Enfin, il existe de rares cas de troubles du rythme traitement).
cardiaque. D’autres équipes se sont intéressées plus par-
Les hypothèses physiopathologiques de certains ticulièrement à la définition du SRIDS (ISRS-
symptômes tels que l’anxiété et les troubles de la per- discontinuation syndrome) et à l’élaboration de
ception semblent être celles d’une hyperactivité adré- critères diagnostiques [2, 3, 13]. Ils définissaient
nergique et d’un rebond cholinergique à l’arrêt de alors le SRIDS comme l’association des critères
l’antidépresseur tricyclique. suivants :

258
RISQUE DE SYNDROME D’ARRÊT

–– arrêt d’un antidépresseur de type ISRS après une D iagnostic différentiel


période d’utilisation d’au moins 1 mois ;
–– développement des symptômes entre 1 à 7 jours
après l’arrêt de l’ISRS ; Devant l’absence de spécificité et la fréquence des
–– présence d’une dégradation clinique significative manifestations somatiques (syndrome pseudo-grippal,
qui ne peut pas être attribuée à une origine somatique, troubles gastro-intestinaux…) dans le syndrome de
ni à une rechute du trouble mental pour lequel l’ISRS sevrage aux antidépresseurs, il est nécessaire, dans un
était initialement prescrit ; premier temps, d’éliminer toute étiologie organique.
–– deux ou plus des symptômes suivants : vertiges Dans un second temps, on évoquera les diagnostics
ou sensations ébrieuses ou lipothymies, sensations de différentiels tels que :
décharges électriques ou paresthésies, anxiété, diar- –– un rebond ou une rechute dépressive [7, 9]. On
rhée, asthénie, marche instable, céphalées, insomnie, discutera ce diagnostic plutôt si le traitement a été
irritabilité, nausées ou vomissements, tremblements, arrêté moins de 6 mois après le début de l’amélioration
troubles visuels. des symptômes et si les symptômes apparaissent tardi-
Enfin, Mourad et al. [9], en 1998, avaient utilisé vement, c’est-à-dire après la première semaine qui suit
une autre échelle, proposée en 1994 par Cassano et al. l’arrêt, alors que le syndrome de sevrage, comme nous
[4], pour le sevrage aux benzodiazépines. Construite l’avons étudié précédemment, survient après quelques
à partir des données de la littérature, elle comprend jours d’arrêt et disparaît dans les 24 heures suivant la
l’évaluation objective de vingt-sept items (anxiété, réintroduction. La ré-administration de l’antidépres-
agitation, irritabilité, anergie, difficulté de concen- seur tout juste interrompu peut dont constituer un
tration, dépersonnalisation, troubles du sommeil et test diagnostique intéressant, en cas de doute ;
de l’appétit, douleurs musculaires, nausées, trem- –– l’inefficacité d’un antidépresseur chez un patient
blements, sudation, altération du goût, hyperosmie, non observant ;
paresthésies, photophobies, incoordination motrice, –– les effets indésirables du nouvel antidépresseur,
vertiges, hyperacousie, douleur, délire), auxquels ils lors d’un changement d’antidépresseur (certains
avaient ajouté deux autres items pour les palpitations symptômes étant similaires, comme la confusion, les
et les diarrhées. Cette échelle ainsi créée s’était avérée troubles du sommeil, voire les virages maniaques).
efficace pour l’évaluation du syndrome de sevrage aux Enfin, il convient de distinguer les syndromes de
antidépresseurs. sevrage liés à l’arrêt des antidépresseurs, de ceux liés
aux benzodiazépines ou autres produits, chez des
patients souvent polymédiqués et interrompant sou-
vent plusieurs traitements en même temps. En effet,
un grand nombre de sevrages d’antidépresseurs sont,
H ypothèses étiologiques en réalité, des sevrages multiples [8, 9].

Concernant les antidépresseurs de type ISRS, plu-


sieurs hypothèses ont été avancées [7, 13] :
–– celle d’une dysrégulation sérotoninergique, due à T raitement
la baisse soudaine de la disponibilité de la sérotonine
synaptique, face à des récepteurs sérotoninergiques
« hypo-sensibles » ; Préventif
–– l’implication probable de neurotransmetteurs
tels que la dopamine, l’adrénaline et le GABA ; Le meilleur traitement du sevrage est sans doute
–– l’existence de facteurs génétiques ou cogni- prophylactique. Plusieurs mesures sont à respecter,
tifs, soit une sensibilité individuelle du patient aux afin d’éviter la survenue d’un syndrome de sevrage
antidépresseurs ; aux antidépresseurs, et ce, quelle que soit leur classe.
–– la survenue d’un rebond cholinergique à l’arrêt La recommandation la plus souvent citée par les
de l’antidépresseur. auteurs d’essais cliniques [7-11, 13], mais égale-
D’autres hypothèses ont été proposées pour les anti- ment dans les résumés des caractéristiques des pro-
dépresseurs tricycliques [7, 12], impliquant également duits (RCP), concerne les modalités d’arrêt d’un
un rebond cholinergique, mais aussi une hyperactivité traitement par antidépresseur. Il est très fortement
noradrénergique et dopaminergique. conseillé d’effectuer une diminution progressive des

259
To l é r a n c e

doses d’antidépresseur, sur une période en fonction ses dérivés, la benzatropine, dont l’interruption ne
de la durée du traitement. La durée de cette décrois- doit pas se faire brutalement (environ 2 semaines de
sance varie selon les auteurs, allant d’un minimum décroissance avant l’arrêt).
de 1 à 2 semaines pour certains, jusqu’à 6 mois pour Le syndrome de sevrage, s’il est sévère, impose une
d’autres. On peut distinguer schématiquement : les hospitalisation du patient dans un service de médecine.
traitements de moins d’un an, pour lesquels l’arrêt se Dans tous les cas, il est recommandé de revoir le
fait en quelques semaines, en diminuant environ une patient à distance de la rémission complète. Notons
fois par semaine la posologie ; les traitements de plus qu’une surveillance rapprochée est nécessaire pour
d’un an, pour lesquels la décroissance s’étendra sur les IMAO, qui constituent parfois une urgence
plusieurs mois, avec des modifications de posologie médicale [7].
mensuelles.
H. Lôo et J.-P. Olié proposaient en 2004 [8] une
diminution moyenne de 25 à 33 p. 100 par mois pour C onclusion
une décroissance progressive avant l’arrêt.
D’autres mesures sont recommandées, à différents Bien que fréquents, les syndromes de sevrage aux
temps du suivi psychiatrique, à savoir : antidépresseurs apparaissent donc, le plus souvent,
–– informer le patient dès le début du traitement comme peu invalidants, et les signes cliniques très peu
des risques de syndrome de sevrage afin d’éviter qu’ils spécifiques. Le seul moyen d’obtenir un diagnostic de
ne l’interrompent sans consulter ; certitude serait donc d’appliquer l’imputabilité selon
–– augmenter la fréquence des consultations au la méthode française de pharmacovigilance [11] : la
moment de la diminution du traitement, avec des disparition des signes de sevrage lors de la réintroduc-
interrogatoires systématiques [7]. tion de l’antidépresseur permettrait d’affirmer, a pos-
Enfin, pour les antidépresseurs tricycliques, dont les teriori, le diagnostic de syndrome de sevrage. L’intérêt
manifestations cliniques de sevrage peuvent être car- d’établir ce diagnostic serait plutôt d’éviter de réintro-
diaques, la réalisation d’un ECG est conseillée avant duire un traitement antidépresseur à long terme ou
l’arrêt [7]. d’augmenter sa posologie sans réelle indication, mais
aussi de ne pas réaliser des explorations complémen-
taires inutiles. En effet, des auteurs ont montré que la
Curatif prise en charge de symptômes somatiques et dépressifs
dus à des oublis de doses conduisait à un recours inu-
Dans un premier temps, il s’agit de rassurer le tile au système de soins [2].
patient sur le caractère transitoire des symptômes, Il est donc nécessaire d’éduquer les patients et les
souvent spontanément résolutifs en une semaine envi- professionnels pour ne jamais arrêter brutalement un
ron [10]. antidépresseur [13]. Or une étude réalisée en 2010
Si nécessaire, le meilleur traitement curatif est de par Haw et Stubbs [6], démontrait qu’il n’existait
réintroduire, temporairement, la posologie antérieure pas toujours d’information du patient sur le syn-
du traitement antidépresseur lorsque les symptômes drome d’arrêt des antidépresseurs par tous les RCP
sont particulièrement sévères et d’assurer un sevrage des produits ou d’une manière incomplète. En effet,
du traitement encore plus progressif (diminution des les patients seraient informés du risque d’arrêt brutal,
doses à un rythme plus progressif), sur une période mais pas des raisons, ni des symptômes possibles.
d’un mois environ [10]. Un autre intérêt du sujet du syndrome de sevrage
La mise en place d’un traitement symptomatique aux antidépresseurs réside dans la discussion de la
est rare [7], la plupart des patients voient leurs symp- notion de « dépendance » aux antidépresseurs : l’exis-
tômes disparaître spontanément (réassurance et tence de manifestations cliniques survenant à l’arrêt
consultations régulières). Une intervention pharma- brutal d’un traitement antidépresseur serait-elle le
cologique n’est nécessaire que si les symptômes sont signe d’une dépendance aux antidépresseurs compa-
sévères. On introduira, par exemple, un traitement rable à d’autres produits addictifs ?
hypnotique par benzodiazépine pour une courte Peu d’auteurs se sont intéressés à cette probléma-
durée, en cas d’insomnie majeure. On peut également tique, la plupart utilisant les benzodiazépines comme
citer les anticholinergiques [7], utilisés dans le sevrage moyen de comparaison [16]. Plusieurs études contra-
aux antidépresseurs tricycliques : on privilégiera alors dictoires ont été réalisées sur la notion de dépen-
les agents muscariniques type atropine ou l’un des dance aux antidépresseurs, les résultats variant selon

260
RISQUE DE SYNDROME D’ARRÊT

les méthodes utilisées notamment l’utilisation du 5. Fava M. Prospective studies of adverse events related to
DSM-IV et de la CIM-10 ou d’autres classifications. antidepressant discontinuation. J Clin Psychiatry, 2006,
67 : 14-21.
L’équipe de Van Broekhoven, notamment, a prouvé
6. Haw C, Stubbs J. Patient information leaflets for antide-
en 2002 que les antidépresseurs avaient un plus faible pressants : are patients getting the information they need ?
potentiel de dépendance que les benzodiazépines. La J Affect Disord, 2011, 128 : 165-170.
même année, Sher affirmait que la notion de syn- 7. Lejoyeux M, Adès J, Mourad I et al. Antidepressant
drome de sevrage pour les antidépresseurs est diffé- withdrawal syndrome : recognition and prevention. CNS
rente de l’alcool et des benzodiazépines et qu’il ne Drugs, 1996, 4 : 278-292.
remplit pas les critères de dépendance, notamment 8. Lôo H, Olié JP. Traitements antidépresseurs au long
cours. Encycl Méd Chir (Paris), Psychiatrie, 2004, 1 :
pas de comportement de recherche du produit [13].
284-293.
On ajoutera enfin qu’on ne retrouve pas de craving, 9. Mourad I., Lejoyeux M., Adès J. Evaluation prospective
ni de recherche de plaisir ou d’effets positifs, ni même du sevrage des antidépresseurs. L’Encéphale, 1998, XXIV :
de perte de contrôle et que s’il existe une atténuation 215-222.
des effets indésirables en cours de traitement, il ne 10. Perahia D G, Kajdasz D K, Desaiah D et al. Symptoms
s’agit pas de tolérance à proprement parler. Par ail- following abrupt discontinuation of duloxetine treatment
in patients with major depressive disorder. J Affect Disord,
leurs, on ne décrit pas d’altération du fonctionnement
2005, 89 : 207-212.
global du sujet (activités sociales, professionnelles ou 11. Pinzani V, Giniès E, Robert L et al. Syndrome de
de loisirs). Une dépendance psychique aux antidé- sevrage à l’arrêt de la venlafaxine : à propos de six cas et
presseurs n’est donc, actuellement, pas reconnue avec revue de la littérature. Rev Méd Interne 2000, 21 : 282-284.
les molécules commercialisées. Les manifestations 12. Rosenbaum JF, Fava M, Hoog SL et al. Selective sero-
physiques et psychiques sont celles de la dépendance tonin reuptake inhibitor discontinuation syndrome : a ran-
physique. domized clinical trial. Biol Psychiatry, 1998, 44 : 77-87.
13. Sher L. Prevention of the serotonin reuptake inhibitor dis-
continuation syndrome. Medical Hypotheses, 2002, 59 :
92-94.
Références 14. Taylor D, Stewart S, Connolly A. Antidepressant
withdrawal symptoms. Telephone calls to a national medi-
1. Agelink MW, Zitzelsberger A, Klieser E. Withdrawal cation helpline. J Affect Disord, 2006, 95 : 129-133.
syndrome after discontinuation of venlafaxine. Am 15. Tyrer P. Clinical effects of abrupt withdrawal from tri-
J Psychiatry, 1997, 154 : 1473-1474. cyclic antidepressants and monoamine oxydase inhibitors
2. Black K, Shea C, Dursun S et al. Selective serotonin reup- after long-term treatment. J Affect Disord, 1984, 6 : 1-7.
take inhibitor discontinuation syndrome : proposed diagnos- 16. Van Broekhoven F, Kan CC, Zitman FG. Dependence
tic criteria. J Psychiatry Neurosci, 2000, 25 : 255-261. potential of antidepressants compared to benzodiazepines.
3. Blum D, Maldonado J, Meyer E et al. Delirium fol- Progr Neurpsychopharmacol Biol Psychiatry, 2010, 26 :
lowing abrupt discontinuation of fluoxetine. Clin Neurol 939-943.
Neurosurgery, 2008, 110 : 69-70. 17. Zajecka J, Tracy KA, Mitchell S. Discontinuation
4. Cassano G B, Petracca A, Cesana BM. A new scale symptoms after treatment with serotonin reuptake inhi-
for the evaluation of benzodiazepine withdrawal symptoms bitors : a literature review. J Clin Psychiatry, 1997, 58 :
SESSB. Curr Therap Res, 1994, 55-3 : 275-289. 291-297.

261
24
R isques hémostatique et ionique
........
T. Bougerol

Le développement d’une nouvelle génération de traités [5]. En revanche, Fabian et al., dans une étude
médicaments antidépresseurs à partir des années longitudinale, retrouvent une incidence plus élevée,
1980, avec la commercialisation des premiers inhi- 12 p. 100, chez des patients âgés de plus de 63 ans
biteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine [14]. Chez des patients hospitalisés, une publication
(ISRS) indalpine et fluoxétine, a amené un progrès australienne fait état de 24 p. 100 des patients trai-
indéniable au traitement des patients déprimés. Si, tés par paroxétine ou fluoxétine qui présenteraient
depuis, l’efficacité de ces nouveaux antidépresseurs une hyponatrémie à un moment ou un autre de leur
est apparue somme toute peu supérieure à celle des hospitalisation [33]. Ce taux très élevé dans cette
traitements conventionnels, leur meilleure tolérance population pourrait être lié à la survenue fréquente
et leur moindre toxicité en ont fait rapidement les d’une hyponatrémie, rattachée à d’autres causes, chez
traitements de première ligne. Pour autant et en les patients âgés hospitalisés [13, 19]. Un traitement
dépit d’un excellent profil de tolérance, certains effets antidépresseur serait ainsi un facteur de risque supplé-
indésirables, peu fréquents avec les antidépresseurs mentaire avec, pour Movig et al., un risque d’hypona-
conventionnels, sont apparus plus marqués avec ces trémie multiplié par 4 chez les patients traités par un
nouveaux composés, notamment les ISRS. Parmi antidépresseur sérotoninergique par comparaison avec
ceux-ci, certains effets hématologiques, modifications des sujets non traités [27].
ioniques et troubles de la crase sanguine ont attiré plus Ce risque n’est pas spécifique aux ISRS, la survenue
particulièrement l’attention. d’une hyponatrémie ayant également été observée avec
la carbamazépine, les neuroleptiques, les antidépres-
seurs tricycliques ou IMAO ainsi qu’avec des médica-
ments non psychotropes, diurétiques thiazidiques ou
Anomalies ioniques , hyponatrémie théophylline, par exemple, ou encore avec des subs-
tances non médicamenteuses telles la nicotine [25]. Le
La survenue d’une hyponatrémie chez des per- mécanisme commun en est la sécrétion inappropriée
sonnes âgées traitées par ISRS a été décrite rapidement d’hormone antidiurétique (ADH). L’hyponatrémie
pourrait être favorisée par la présence concomitante
après la mise sur le marché de la fluoxétine (Prozac )
en 1987, aux États-Unis [17]. Quelques années plus
® d’un cancer, par intrication avec un syndrome para-
tard, la mise en évidence d’une augmentation du néoplasique [4]. Dans ce cas, le diagnostic étiologique
risque avec l’âge était rapportée [20]. peut être difficile.
L’incidence de l’hyponatrémie varie de façon La survenue d’une hyponatrémie a été décrite chez
importante suivant les études, de 0,5 à 32 p. 100 [6]. les patients déprimés traités par ISRS, quel que soit
Wilkinson et al. en 1999 avancent une incidence de leur âge, mais le risque apparaît néanmoins nettement
4,7 cas pour 1 000 patients traités [37]. Ce chiffre plus élevé chez les personnes âgées, notamment les
n’est pas très différent de celui avancé par Corrington femmes. L’incidence des cas d’hyponatrémie induite
et al. en 2002 à partir d’une revue de trente-cinq cas par des antidépresseurs semble être en augmenta-
d’hyponatrémie observés pour la plupart chez des tion, possiblement du fait du vieillissement de la
sujets âgés de plus de 65 ans (30 patients sur 35) population exposant davantage les personnes âgées
avec une incidence de 3,5 cas pour 1 000 patients aux traitements antidépresseurs, de la fréquence des

262
R I S Q U E S H É M O S TAT I Q U E E T I O N I Q U E

polymédications chez les sujets âgés, mais aussi du avec diminution de la force musculaire. Lorsque ces
fait d’une plus grande attention portée à ces compli- troubles sont discrets, il est parfois difficile de rappor-
cations [29]. Il existe probablement une vulnérabilité ter ces signes à leur origine dans la mesure où nombre
individuelle à cet accident iatrogène dont témoigne de ces symptômes peuvent être confondus avec ceux
le fait que la survenue d’une hyponatrémie au cours de la dépression elle-même ou avec les effets latéraux
d’un traitement antidépresseur antérieur soit un fac- plus ordinaires des traitements.
teur prédictif de récidive au cours d’un nouveau trai- Lorsque l’hyponatrémie est plus sévère (natré-
tement antidépresseur [38]. Parmi les autres facteurs mie < 125 mEq/l), des symptômes plus spécifiques,
de risque, on retrouve la prescription concomitante de témoignant de l’atteinte du système nerveux central,
diurétiques et le moment du traitement, le risque de apparaissent sur un fond de confusion et de désorien-
survenue d’une hyponatrémie apparaissant plus mar- tation, notamment des troubles de la marche avec
qué en été [2]. L’hyponatrémie survient dans près de instabilité et céphalées. Des manifestations compor-
80 p. 100 des cas dans les 2 à 3 premières semaines du tementales peuvent également être observées avec agi-
traitement [14, 31, 37] et le risque devient minime tation, voire symptômes psychotiques. À un degré de
après 10 à 12 semaines de traitement [6]. gravité supplémentaire apparaissent une hypothermie,
La plus grande fréquence de l’hyponatrémie obser- une abolition des réflexes ostéotendineux, des troubles
vée chez les sujets âgés est difficile à expliquer. La moteurs pseudo-bulbaires et des troubles respiratoires
co-prescription avec un diurétique est un facteur de à type de dyspnée de Cheyne-Stokes [13]. Sans traite-
risque identifié, mais l’hyponatrémie a été également ment, l’évolution peut être fatale après une phase de
décrite chez des sujets ne prenant pas de diurétique. coma, convulsions et engagement du tronc cérébral,
Les modifications du métabolisme hydro-électroly- ou entraîner des séquelles neurologiques conséquences
tique chez le sujet âgé (réduction du volume hydrique de l’œdème cérébral induit par le trouble ionique.
total, diminution du débit sanguin rénal et du taux L’hyponatrémie observée sous traitement par ISRS
de filtration glomérulaire) ainsi que la réduction liée est considérée comme la conséquence de la sécrétion
à l’âge des capacités de dilution de l’urine sont proba- inappropriée d’hormone antidiurétique (SIADH). Il
blement un ensemble de facteurs permettant d’expli- s’agit d’une hyponatrémie dite isovolémique carac-
quer l’augmentation de l’incidence des hyponatrémies térisée par une augmentation de l’eau totale corpo-
constatée avec l’âge. La survenue d’une hyponatrémie relle, le sodium total de l’organisme restant inchangé
peut en effet être observée chez 7 p. 100 des personnes [13]. Dans ce cas, il n’y a pas d’œdème contrairement
âgées en dehors de tout traitement par ISRS [19] et aux hyponatrémies hypervolémiques. La sécrétion de
chez 6 p. 100 des patients hospitalisés [13]. l’ADH par l’hypophyse est normalement stimulée
L’augmentation du risque chez les femmes est éga- par la mise en jeu des osmorécepteurs de l’hypotha-
lement mal comprise. Elle pourrait être reliée à une lamus, sensibles à l’augmentation de l’osmolalité plas-
différence du métabolisme sodique selon le sexe, consé- matique. L’action de l’ADH au niveau rénal permet
quence possible de facteurs hormonaux ou de facteurs alors une hémodilution avec baisse de la natrémie,
génétiques liés au genre [15]. Un indice de masse cor- ramenant l’osmolalité au niveau normal. Au cours des
porelle bas serait également un facteur de risque de l’hy- traitements par ISRS, l’augmentation du tonus séro-
ponatrémie [14, 37], pouvant rendre compte en partie toninergique augmente la sécrétion de l’ADH par sti-
de l’élévation du risque dans le sexe féminin. mulation des récepteurs 5-HT1C et 5-HT2. Le SIADH
L’hyponatrémie correspond à un excès d’eau cor- induit par les IRS serait toutefois multifactoriel, par
porelle par rapport à la quantité totale de sodium de augmentation de la sécrétion centrale d’ADH du fait
l’organisme et se définit par une concentration sérique d’une stimulation sérotoninergique directe, mais aussi
de sodium inférieure à 135 mEq/l. Les manifestations par augmentation des effets de l’ADH au niveau de la
cliniques de l’hyponatrémie sont essentiellement médullaire rénale ainsi que par la modification de la
d’ordre neurologique, témoignant de la présence d’un sensibilité de l’osmostat avec diminution du seuil de
œdème neuronal, et dépendent de la profondeur de la déclenchement de la sécrétion d’ADH [2].
baisse de la natrémie et de la rapidité de son installa- Le rôle central de la stimulation sérotoninergique
tion. Lorsque l’hyponatrémie est modérée, des symp- explique que la survenue d’une hyponatrémie ait été
tômes généraux peu spécifiques sont le plus souvent décrite avec tous les antidépresseurs à action sérotoni-
observés. Ils comprennent habituellement des nausées nergique, ISRS (fluoxétine, fluvoxamine, paroxétine,
avec perte de l’appétit, parfois des vomissements, une citalopram, sertraline), IRSNa (venlafaxine, duloxé-
sensation de soif, des crampes musculaires, une fatigue tine, réboxétine) ou NaSSA (mirtazapine) [12]. En

263
To l é r a n c e

tant que groupe les ISRS sont néanmoins les antidé- R isque hémorragique
presseurs à risque le plus élevé d’hyponatrémie [6].
Trois molécules ISRS semblent plus particulière-
ment concernées, le citalopram, l’escitalopram et la À partir de la fin des années 1990, plusieurs obser-
fluoxétine [6]. La survenue d’une hyponatrémie ne vations d’hémorragies digestives hautes sous trai-
semble pas être dépendante du statut de métaboliseur tement antidépresseur, notamment ISRS, ont été
rapide ou lent du patient, lié au génotype du cyto- rapportées dans la littérature (revue in [1]). Plusieurs
chrome P450 2D6, principale voie de métabolisation rapports de cas, séries d’observations ou études épidé-
des ISRS [32]. miologiques ont ainsi suggéré que les traitements par
Pour certains, l’hyponatrémie induite par ces méca- ISRS augmentaient le risque de saignement anormal,
nismes pourrait n’être qu’un phénomène transitoire notamment du tractus digestif supérieur. Le risque
sujet à habituation [3] et survenant surtout lors de serait plus marqué avec les produits les plus puissam-
la première exposition aux ISRS. L’adaptation de la ment inhibiteurs de la recapture de la sérotonine, avec
sécrétion d’ADH au challenge sérotoninergique pour- l’âge plus élevé des patients et lors de la prescription
rait expliquer les incertitudes sur l’évaluation de l’inci- concomitante de médicaments connus pour favoriser
dence de cette complication, nombre d’hyponatrémies le risque de saignement, tels l’aspirine ou les AINS.
pouvant de ce fait passer inaperçues car spontanément En 1999, De Abajo et al. [10] rapportaient ainsi
réversibles. Cela pourrait autoriser une nouvelle pres- l’analyse d’une cohorte de 1 651 patients ayant pré-
cription d’ISRS chez un patient ayant présenté une senté une hémorragie digestive haute comparés à
hyponatrémie iatrogène, mais cette possibilité soulève 10 000 contrôles appariés. Le risque de saignement
évidemment de délicates questions éthiques. Par ail- apparaissait multiplié par 3 chez les patients traités
leurs, le constat d’hyponatrémies récidivantes lors de par ISRS. En contrepartie, le risque n’apparaissait pas
traitements itératifs par ISRS va à l’encontre de cette plus élevé chez les patients traités par des antidépres-
proposition [38]. seurs non spécifiquement inhibiteurs de la recapture
La prise en charge de l’hyponatrémie dépend de la de la sérotonine.
valeur de la natrémie mesurée et des manifestations En 2003, Dalton et al. [8] comparaient, à par-
cliniques observées. En cas d’hyponatrémie modérée, tir de la base de données de santé du Nord Jutland
l’arrêt du traitement et la restriction hydrique suffisent au Danemark, l’incidence des saignements digestifs
habituellement. Dans les cas les plus sévères, l’apport hauts chez 26 005 sujets traités par antidépresseurs
de sodium en perfusion, associé ou non à un apport et dans un groupe comparable de sujets non traités
potassique et à l’administration de diurétiques, peut par antidépresseurs. Dans cette population, la prise
s’avérer nécessaire. Le traitement des complications d’ISRS augmentait par 3 le risque d’hospitalisation
relève de mesures thérapeutiques spécifiques, jusqu’à pour hémorragie digestive haute. Ce risque rejoignait
des soins de réanimation médicale dans les cas les plus le risque mesuré en population non traitée par anti-
graves. Par ailleurs, la recherche de facteurs associés dépresseur après arrêt du traitement. La prise conco-
ayant pu faciliter l’apparition de l’hyponatrémie est mitante d’aspirine ou d’AINS augmentait de façon
nécessaire. Notamment, l’arrêt des traitements diuré- importante le risque de saignement (odds ratio res-
tiques co-prescrits est habituellement recommandé. pectif : 5,2 et 12,2). La prise d’un antidépresseur à
La prévention surtout est nécessaire. Elle passe par action sérotoninergique faible augmentait significati-
le repérage des facteurs de risque connus : sexe fémi- vement le risque de saignement, mais de façon plus
nin, âge élevé, co-prescription de médicaments à faible (odds ratio : 2,3), alors que celle d’un antidé-
risque, comme les diurétiques thiazidiques ou la car- presseur dénué d’action sérotoninergique ne modifiait
bamazépine. Le dosage systématique de la natrémie en pas le risque de façon significative (odds ratio : 1,7).
ligne de base, avant le début du traitement, et après 2 Cette relation directe entre l’augmentation du risque
à 4 semaines peut être recommandé [12] notamment de saignement et le degré d’inhibition de la recapture
chez les sujets à risque. Enfin, la surveillance de l’appa- de la sérotonine par le médicament antidépresseur a
rition de symptômes évocateurs (aggravation clinique, été retrouvé par une équipe hollandaise [24] dans une
perturbations cognitives, fatigue, instabilité) doit être étude prospective de 64 647 patients nouvellement
systématique au cours des premières semaines du traite- traités par antidépresseurs. Dans cette étude, le risque
ment. Le patient et son entourage doivent être avertis de d’hémorragie était significativement plus élevé chez les
ce risque et, par des mesures d’éducation thérapeutique patients traités par des produits à action sérotoniner-
adaptées, incités à les rechercher systématiquement. gique forte ou intermédiaire (odds ratio respectif : 2,6

264
R I S Q U E S H É M O S TAT I Q U E E T I O N I Q U E

et 1,9) par comparaison à celui observé sous traitement possédant une action inhibitrice élevée de la recapture
par des produits à action sérotoninergique faible. de la sérotonine. L’élévation du risque serait ainsi le
La prise concomitante de médicaments connus fait des produits à action sérotoninergique spécifique,
pour leur action favorisante des saignements diges- proportionnellement à leur puissance d’inhibition de la
tifs comme les AINS aggrave le risque de saigne- recapture. De ce fait, les antidépresseurs à action duelle,
ment de façon significative. Une étude collaborative telle la venlafaxine qui possède une action inhibitrice
italo-espagnole [36] a mesuré, dans une population de recapture de la sérotonine puissante, partageraient
de 2 813 patients hospitalisés pour une hémorragie avec les ISRS le même niveau de risque [6]. Le risque
digestive haute comparés à 7 193 témoins appariés hémorragique serait concomitant du traitement, dimi-
recrutés en population générale, le risque relatif lié nuant dès l’arrêt de celui-ci. Il serait également plus
à la prise de médicaments. La prise concomitante élevé pour les patients plus âgés. Une augmentation
d’ISRS et d’AINS augmente le risque à un niveau significative du risque de saignement n’est toutefois pas
comparable à celui observé lors de la prise d’AINS uti- retrouvée par tous les auteurs [6, 11, 36].
lisés seuls (odds ratio : 8,32 et 7,82 respectivement). La prise concomitante d’AINS et/ou d’aspirine
En revanche, la prise d’ISRS seuls n’augmenterait augmenterait par ailleurs fortement le risque de sai-
pas significativement le risque de saignement, quelle gnement [1, 9]. La co-prescription d’ISRS et de médi-
que soit leur puissance d’inhibition de la recapture caments anti-agrégants plaquettaire serait de même
de la sérotonine (odds ratio : 1,23). Ce constat est susceptible d’augmenter le risque de saignement
en partie confirmé par une autre étude comparant (risque multiplié par 2 pour van Walraven et al. [35]).
1 552 patients ayant présenté un saignement des voies D’autres résultats viennent toutefois contredire cette
digestives supérieures à 68 590 contrôles [34]. Dans observation [22].
cette étude, la prise d’ISRS augmente modérément Au total, le risque hémorragique lié aux ISRS appa-
le risque (odds ratio : 1,43) et la prise concomitante raît néanmoins de faible intensité. De Abajo et al. [10]
d’ISRS et d’AINS n’entraîne pas un risque de saigne- ont ainsi calculé que la survenue d’une hémorragie
ment plus élevé que lors de la prise d’AINS seuls. Les digestive pouvait être observée toutes les 8 000 pres-
inhibiteurs de la pompe à protons réduisent par ail- criptions d’ISRS. Loke et al. [23] à partir d’une méta-
leurs le risque lié à la prise d’IRS. analyse rassemblant 153 000 patients a pu avancer
D’autres résultats confirmeraient pourtant le lien que le nombre de patients traités par IRS devait être
entre traitement par ISRS et risque hémorragique. de 411 pour observer un saignement digestif. Ce
Ainsi, dans une étude récente, Dall et al. [7], à partir nombre de patients devant être traités pour observer
des registres de santé danois, ont analysé une cohorte un événement indésirable (number needed to harm)
de 3 652 patients hospitalisés pour une hémorragie serait même de 718 pour Dall et al. [7]. Toutefois,
digestive haute sévère, comparée à une population bien que faible, ce risque ne peut être négligé du fait
contrôle appariée sur les facteurs de risque connus. Le de la gravité potentielle de cet événement indésirable.
risque hémorragique était significativement plus élevé Les hémorragies digestives semblent être la complica-
chez les patients traités par ISRS, de façon indépen- tion la plus fréquente, probablement du fait de l’action
dante du sexe et de la dose de traitement prescrite. Il des ISRS sur la sécrétion acide gastrique. De rares cas
était plus élevé en cas d’introduction récente du traite- de saignements d’autres localisations ont été rappor-
ment et pour les patients de plus de 55 ans. Il était par tés : épistaxis, saignements gingivaux, conjonctivaux…
ailleurs plus marqué pour certains ISRS, fluoxétine, Notons que, en revanche, les ISRS ne semblent pas être
sertraline, citalopram, que pour les autres ISRS ou la associés à un risque plus élevé de saignement intracrâ-
venlafaxine. La prise concomitante d’ISRS et d’AINS nien, cérébrovasculaire ou sous-arachnoïdien [21, 28].
augmentait le risque de plus de 4 fois (odds ratio : Chez la femme, les saignements d’origine génitale,
1,70 si ISRS seul versus odds ratio : 8 si ISRS plus ménorragie, métrorragie, semblent pouvoir être facili-
AINS) et la prise concomitante d’ISRS, AINS et aspi- tés par les traitements ISRS à activité inhibitrice de la
rine multipliait par plus de 16 (odds ratio : 28 dans ce recapture élevée [24], mais des données plus précises
dernier cas) le risque de survenue d’une hémorragie. manquent pour évaluer plus précisément le risque.
De l’ensemble des études publiées, il apparaît ainsi Chez la femme enceinte, la prise d’IRS dans les trois
qu’un trouble de la coagulation, avec un risque plus mois précédant la délivrance ne semble pas augmenter
particulier d’hémorragie digestive haute, pourrait le risque d’hémorragie du post-partum [30].
être la conséquence, certes rare, de la prise d’ISRS, et La prise d’ISRS pourrait augmenter le risque
ce de façon d’autant plus marquée pour les produits de saignement anormal au cours des interventions

265
To l é r a n c e

chirurgicales. Dans une étude rétrospective, Movig et des deux types de médicaments, la prise d’AINS appa-
al. [26] ont ainsi montré un recours quatre fois plus raissant surtout comme un facteur aggravant.
fréquent à la transfusion chez des patients traités par Le déclenchement du saignement peut intervenir à
ISRS ayant bénéficié d’une intervention orthopé- un moment très variable après le début du traitement.
dique, par comparaison à des patients opérés non trai- Il dépend non seulement de la baisse significative des
tés par antidépresseurs. Peu d’études ont été publiées taux plaquettaires de sérotonine, au-dessous d’un cer-
sur d’autres procédures chirurgicales, peut-être du fait tain seuil qui n’est atteint que progressivement après
des difficultés à évaluer le saignement per opératoire l’introduction de l’antidépresseur, mais aussi du déve-
de façon suffisamment précise. La chirurgie des coro- loppement lui-même progressif de la lésion muqueuse
naires a pu être documentée, mais le risque ne semble qui se manifestera par l’apparition d’un saignement.
pas ici augmenté par les ISRS [22], possiblement du Le délai médian de survenue du saignement était ainsi
fait de l’existence d’autres facteurs de risque chez les de 25 semaines dans l’étude de Loke et al. [23]. Cette
patients présentant une cardiopathie ischémique (il variabilité est également fortement influencée par le
est à noter que l’action anti-agrégante plaquettaire fait que d’autres facteurs peuvent intervenir pour accé-
des IRS a pu être proposée comme protectrice chez lérer ou déclencher l’ulcération muqueuse elle-même
ces patients particuliers [18]). Enfin, même mineur, (par exemple, prise concomitante d’AINS), mais aussi
le risque lors d’une intervention comme une avulsion la corriger. Quoi qu’il en soit, à l’arrêt du traitement,
dentaire ne peut être négligé, même si la littérature ne la sécrétion acide gastrique et le contenu en sérotonine
permet pas de l’étayer de façon plus précise. des plaquettes reviennent à la normale dès lors que
Les mécanismes en cause sont multiples [16]. Le l’antidépresseur est éliminé de l’organisme.
principal tient au rôle important de la sérotonine dans En pratique, le risque de saignement sous traitement
les mécanismes de l’hémostase, sa libération par les par ISRS apparaît donc faible [39] mais ne peut pas
plaquettes initiant les mécanismes de lutte contre le pour autant être négligé. Une attention toute particu-
saignement : vasoconstriction et agrégation plaquet- lière doit donc être apportée aux patients présentant
taire. Les ISRS inhibent en effet non seulement la des facteurs autres de risque hémorragique : antécé-
recapture de la sérotonine au travers de la membrane dents d’ulcère gastroduodénal, insuffisance hépatique,
présynaptique du neurone, mais aussi la recapture du candidats à la chirurgie pour des interventions à haut
médiateur au travers de la membrane des plaquettes, risque hémorragique (orthopédie, chirurgie dentaire),
dépourvues de capacité de synthèse du médiateur. Les patients traités par AINS, anticoagulants ou anti-agré-
modifications de l’hémostase liées à ce mécanisme se gants plaquettaires notamment. Chez la femme, le
traduisent par un allongement du temps de saigne- risque de méno-métrorragie doit également être connu.
ment et la diminution de l’activité plaquettaire. Dans ces cas, lorsqu’elle est envisageable, la prescription
Un autre mécanisme est lié à la capacité des ISRS d’un antidépresseur à action sérotoninergique faible
à augmenter les sécrétions acides gastriques. Cet effet peut être privilégiée. Sinon, une protection vis-à-vis
est dose-dépendant et est supprimé par la vagotomie. du risque de saignement digestif peut être apportée par
Il est également augmenté par la co-administration l’adjonction au traitement de médicaments inhibiteurs
d’aspirine. Pour Andrade et al. [1], cet effet serait plus de la pompe à protons. La surveillance clinique peut
particulièrement en cause dans les accidents hémorra- être complétée par la recherche d’un saignement diges-
giques rapportés sous traitement ISRS, consistant très tif occulte (recherche de sang dans les selles). En cas de
majoritairement en hémorragies du tractus digestif chirurgie sanglante programmée, lorsque c’est possible,
supérieur. les ISRS devront être stoppés avant l’intervention, le
Enfin, les ISRS sont des inhibiteurs puissants du risque diminuant à proportion du washout ainsi réalisé.
système des cytochromes P450, ce qui pourrait jouer
un rôle dans la survenue de saignements, notam-
ment par l’augmentation des taux sanguins d’AINS Références
en cas de prises concomitantes des deux médica-
ments. Ce mécanisme semble toutefois marginal, les 1. Andrade C, Sandarsh S, Chethan KB, Nagesh KS.
AINS étant principalement métabolisés par le cyto- Serotonin reuptake inhibitor antidepressants and abnormal
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peu modifiée par les ISRS (hormis la fluvoxamine). Par 2. Arinson ZH, Lehman YA, Fidelman ZG, Krasnyansky
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268
25
R isque cardiovasculaire et métabolique
........
E. Turpin et B. Fève

Il a été établi dès le début du xxe siècle un lien le métabolisme glucidique. Elles nous permettent de
entre troubles psychiatriques et maladies métabo- supposer que les antidépresseurs imipraminiques sont
liques. Ainsi la dépression est-elle un facteur de associés à une hyperglycémie. Par opposition, certains
risque indépendant de développer un diabète de antidépresseurs sérotoninergiques semblent accroître
type 2. Inversement, il existe un risque plus impor- la sensibilité à l’insuline, réduire l’hyperglycémie et
tant d’épisode dépressif chez les patients diabétiques. faciliter le stockage du glucose en glycogène dans le
Cependant, dans les différentes études publiées sur tissu musculaire.
ce sujet, la responsabilité propre des antidépresseurs Chez des lapins, on observe une augmentation
n’a été abordée que très récemment. Il convient de de la glycémie lors d’une exposition aiguë mais pas
se demander si ces médicaments participent ou non à chronique à l’imipramine. L’administration simulta-
la forte prévalence des troubles métaboliques chez les née d’adrénaline avec l’imipramine augmente cette
patients souffrant de troubles de l’humeur. réponse hyperglycémique. Pour renforcer l’idée de
Même si les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la l’existence d’un effet hyperglycémiant des antidé-
sérotonine (ISRS) sont mieux tolérés que les molécules presseurs imipraminiques, l’administration d’insuline
plus anciennes, ils ne sont pour autant pas dépour- contemporaine à celle d’imipramine réduit la propen-
vus d’effets secondaires. Il est essentiel de prendre sion à l’hyperglycémie [30].
en compte ces effets indésirables dans la mesure où Dryden et al. [15] rapportent que l’administra-
ils sont un facteur majeur de mauvaise observance tion de fluoxétine chez des rats de poids normal ne
du traitement par ces patients, donc de rechute et de semble pas avoir d’effet sur la glycémie, mais pro-
récidive. Les effets secondaires métaboliques sont très voque une diminution des concentrations d’insu-
variables d’une classe thérapeutique à l’autre et doivent line, suggérant ainsi l’idée que les ISRS permettent
faire l’objet d’une attention particulière de la part du peut-être d’augmenter la sensibilité à l’insuline. Il
médecin et du patient (bilans paracliniques et informa- est possible que tous les ISRS n’aient pas la même
tions données). Nous nous intéresserons plus particu- influence sur la sensibilité à l’insuline. Gomez et al.
lièrement aux effets des antidépresseurs sur l’équilibre [28] montrent chez des rats traités par sertraline une
glycémique et le métabolisme lipidique ainsi qu’au absence de modification de la sensibilité périphé-
problème majeur posé par la prise de poids. rique à l’insuline.
Erenmemisoglu et al. [16] ont comparé les effets
métaboliques des imipraminiques et des ISRS chez
des souris euglycémiques et hyperglycémiques. Dans
É tude des psychotropes
leur étude, le traitement par nortriptyline est associé
sur des modèles expérimentaux à une augmentation des taux sériques de glucose et
d’insuline dans les deux groupes. Par opposition, la
fluoxétine et la sertraline ne modifient pas le taux
In vitro d’insuline dans les deux groupes et provoquent une
diminution de la glycémie.
La plupart des études précliniques se sont attachées Park et Choi [56] décrivent l’effet de la fluoxétine
à examiner l’effet des imipraminiques et des ISRS sur sur le poids, la glycémie et l’insulinémie chez des rats

269
To l é r a n c e

ayant subi une pancréatectomie partielle (90 p. 100). Dans une étude contre placebo, Paile-Havarinen
Les rats pancréatectomisés traités par fluoxétine pen- et al. [53] ont montré que le traitement par paroxé-
dant 8 semaines ont des taux sériques d’insuline plus tine était associé à une baisse du taux d’hémoglobine
faibles et une concentration plus élevée de glycogène glyquée (HbA1c) chez les femmes déprimées. Ils ont
dans le muscle soléaire, indiquant une meilleure sen- également démontré une augmentation significative
sibilité à l’insuline. Les effets métaboliques observés de la SHBG (sex hormone-binding globulin) chez les
restent tous significatifs après contrôle des effets de la sujets traités par paroxétine. Une augmentation de
fluoxétine sur le poids. la concentration plasmatique de SHBG est asso-
ciée à une amélioration de la sensibilité à l’insuline,
ce qui suggère un effet métabolique favorable de la
Dans le cadre des troubles de l’humeur paroxétine.
Lustman et al. [42] ont étudié l’effet d’un traite-
Métabolisme glucidique ment de 8 semaines par nortriptyline (un imiprami-
nique) sur le contrôle glycémique et les symptômes
Les résultats des différentes études sur ce sujet dépressifs de patients diabétiques, dans une étude ran-
sont repris dans une excellente revue de la littéra- domisée en double aveugle contre placebo. Chez les
ture de McIntyre et al. en 2006 [45]. Ils concluent sujets traités par nortriptyline, ils ont pu constater une
que les antidépresseurs sérotoninergiques comme la augmentation significative du taux d’HbA1c et une
fluoxétine réduisent l’hyperglycémie, normalisent le tendance à l’hyperglycémie, ce qui suggère un effet
métabolisme glucidique et augmentent la sensibilité métabolique défavorable de la nortriptyline.
à l’insuline, alors que des antidépresseurs imiprami- Les cliniciens rencontrent fréquemment des patients
niques exercent des effets opposés, confirmant ainsi déprimés traités par antidépresseurs qui manifestent
les résultats des études précliniques citées ci-dessus. des modifications du métabolisme glucidique et des
Les inhibiteurs de la recapture de la noradrénaline et dyslipidémies. Ghaeli et al. [26] ont montré que les
de la sérotonine (IRSN) comme la duloxétine et la patients traités par fluoxétine avaient une glycémie à
venlafaxine ne semblent pas perturber l’équilibre gly- jeun plus basse à la 8e semaine, alors que ceux traités
cémique, alors que les inhibiteurs de la monoamine par imipramine avaient une glycémie à jeun signifi-
oxydase (IMAO) non sélectifs comme la phénelzine cativement augmentée. Ces changements dans les
sont associés à une hypoglycémie et à une utilisation deux groupes restent dans les valeurs moyennes « nor-
accrue du glucose (Tableau 25-I). males » et ne seraient donc pas détectés par la plupart
des cliniciens. Ils posent cependant un problème pour
les patients présentant une intolérance au glucose ou
Tableau 25-I. – Variations de la triglycéridémie, de la un diabète, avec le risque d’aggraver la pathologie
glycémie et du poids, observées avec les antidépresseurs endocrinienne.
les plus couramment prescrits. Les données sur la possibilité d’une association
entre le traitement par antidépresseurs et l’apparition
DCI Triglycéridémie Glycémie Poids
d’un diabète de type 2 sont encore rares. La plupart
Inhibiteurs sélectifs de recapture de la sérotonine des études se sont en effet d’abord concentrées sur
– fluoxétine – – 0 l’existence d’un lien intrinsèque entre dépression
– paroxétine + + + et diabète et sur les mécanismes physiopatholo-
– sertraline 0 0 0 giques qui le sous-tendent. On peut cependant citer
– citalopram 0 0 0 quelques études intéressantes qui suggèrent fortement
Inhibiteurs de recapture de la sérotonine et de la noradrénaline l’augmentation modérée du risque de diabète chez
– venlafaxine 0 0 0 les patients traités au long cours par antidépresseurs.
– duloxétine 0 0 0 L’équipe de Andersohn [1] montre, sur une large
– imipraminiques cohorte, une augmentation du risque de développer
– amitriptyline + + + un diabète de type 2 après une prescription récente
– clomipramine + + + ou bien chronique d’antidépresseurs à des doses
Autres antidépresseurs
modérées ou élevées. Les molécules les plus à risque
– mirtazapine + + +
appartiennent à différentes classes thérapeutiques,
ce sont l’amitriptyline, la fluvoxamine, la paroxétine
– miansérine + + +
et la venlafaxine. Il ne s’agirait donc pas d’un effet

270
R I S Q U E C A R D I OVA S C U L A I R E E T M É TA B O L I Q U E

de classe spécifique aux imipraminiques comme les récurrences plus fréquentes dans la population des
données sur la glycémie pourraient le faire penser, patients déprimés. On peut donc formuler l’hypo-
mais bien d’un risque généralisé à l’ensemble des thèse que les antidépresseurs normalisent les éléments
antidépresseurs. Ces données restent identiques après du métabolisme par leurs effets sur l’AHH [48].
l’ajustement en fonction de la sévérité de la patholo- Une augmentation des cytokines pro-inflamma-
gie, suggérant ainsi un effet propre des psychotropes, toires a été rapportée chez les patients souffrant de
distinct d’un effet lié à la pathologie dépressive. Cet troubles de l’humeur [48]. Elles sont également impli-
effet des antidépresseurs sur l’incidence du diabète de quées dans la physiopathologie du diabète de type 2.
type 2 est confirmé dans une large étude de cohorte L’inflammation est associée à la résistance à l’insuline
finlandaise [36] qui retrouve une augmentation dose- et à une diminution de l’activité des cellules b de
dépendante de l’incidence du diabète à 5 ans chez Langerhans du pancréas. Ces cytokines « diabéto-
les patients traités au long cours par antidépresseurs gènes » sont activées par des facteurs de stress non spé-
(ISRS et imipraminiques). En ajustant pour les fac- cifiques comme les symptômes dépressifs et sécrétées
teurs confondants possibles (hypercholestérolémie, par les adipocytes, monocytes et macrophages [35].
hypertension artérielle et indice de masse corporelle), Les antidépresseurs pourraient alors avoir une action
le risque de développer un diabète peut être estimé « anti-inflammatoire » car ils modulent un certain
[54] pour les patients traités par ISRS à 1,10 (1,00- nombre de cytokines de l’inflammation ainsi que leurs
1,22) et pour les patients traités par imipraminiques à récepteurs solubles. Par exemple, Hinze-Selch et al.
1,26 (1,11-1,42). [31] rapportent que l’amitriptyline et la nortriptyline
Les mécanismes de l’effet des antidépresseurs sur augmentent les concentrations sériques des récepteurs
le métabolisme glucidique sont probablement mul- solubles du TNF, mais pas la concentration plasma-
tiples. On peut citer en premier la disparition de la tique de TNF-a. Les sujets traités ont également une
symptomatologie dépressive, qui tire ses effets méta- augmentation de l’indice de masse corporelle (IMC)
boliques favorables de l’augmentation de la dépense précédée, dans le temps, par une augmentation signi-
énergétique et de la diminution de la consommation ficative du taux de récepteurs solubles. On pourrait
en hydrates de carbone. La normalisation d’anoma- alors imaginer que les antidépresseurs agissent sur le
lies physiologiques qui accompagnent la dépression métabolisme de façon indirecte à travers leur modu-
comme la perturbation des phases de sommeil peut lation de cytokines pro-inflammatoires actives sur le
également être à l’origine d’une amélioration du métabolisme.
contrôle glycémique.
Par exemple, la perturbation des rythmes circa- Métabolisme lipidique
diens fait partie de la symptomatologie des troubles
de l’humeur. Un fonctionnement anormal du noyau Le métabolisme lipidique est influencé par les chan-
suprachiasmatique (NSC) de l’hypothalamus a été gements dans le régime alimentaire, le poids, la sen-
associé à des anomalies du sommeil et du poids, mais sibilité à l’insuline et le tonus sympathique. Tous ces
également à une dérégulation du métabolisme gluci- paramètres sont affectés et potentiellement altérés par
dique dans des modèles animaux. Des études précli- les traitements antidépresseurs. Les résultats des dif-
niques ont rapporté que la stimulation électrique du férentes études sur ce sujet sont repris dans une revue
NSC augmente l’activité de la glycogène phospho- exhaustive de la littérature de McIntyre et al. en 2006
rylase et diminue le contenu hépatique en glycogène. [46]. Les principaux résultats sont résumés dans le
Il a aussi été montré que des lésions du NSC chez tableau 25-I.
le rat sont associées à une hyperinsulinémie et à une Dans une large étude comparant les profils lipi-
résistance à l’insuline. Ces données indiquent que les diques de patients déprimés traités par imipraminiques
changements neurophysiologiques qui accompagnent avec ceux de sujets sains appariés [52], une améliora-
la dépression et les anomalies métaboliques sont peut- tion de la symptomatologie dépressive a été associée
être une cible commune des antidépresseurs [73]. à une augmentation du taux de cholestérol total et
L’emploi des antidépresseurs normalise les fonc- du LDL-cholestérol, sans modification significative
tions de l’axe hypothalamo-hypophysaire (AHH) et de l’IMC, des triglycérides, du HDL-cholestérol, de
d’autres composants de la réponse au stress. L’absence l’apolipoprotéine A1, de l’apolipoprotéine A2, de la
de normalisation de l’AHH indique la poursuite de la transferrine ou de l’albuminémie.
maladie et a été associée à la présence de symptômes Pollock et al. [58] ont documenté les effets méta-
résiduels, à un temps de guérison plus long et à des boliques de la nortriptyline chez les sujets âgés et ont

271
To l é r a n c e

montré une association entre le traitement par notrip- des patients obèses. Les effets de la fluoxétine sur le
tyline et une augmentation significative des trigly- métabolisme lipidique sont fortement corrélés au
cérides et du VLDL-cholestérol, indépendante de la poids et à l’IMC [51].
prise de poids, sans modification du LDL-cholestérol, De même, dans une étude sur les effets secondaires
du HDL-cholestérol ou du cholestérol total. de la mirtazapine, Nicholas et al. [50] montrent une
L’effet des ISRS et des IRSN sur le métabolisme modification du HDL-cholestérol, du LDL-cholestérol
lipidique est mal connu. Certaines études semblent et des triglycérides chez des sujets sains. Les modi-
suggérer une augmentation des triglycérides sous trai- fications du poids étaient là aussi associées de façon
tement antidépresseur [67, 68], mais ce résultat n’est linéaire aux changements constatés des taux de choles-
pas retrouvé par toutes les équipes. térol total et de triglycérides.
Dans un échantillon de patients déprimés étudié en Dans une approche originale, certaines équipes se
comparaison avec un groupe « sain » [7], les patients sont en retour intéressées à la réponse des patients au
déprimés avaient, après traitement antidépresseur, des traitement antidépresseur en fonction du bilan lipi-
taux plus bas de triglycérides et de cholestérol total en dique. Ils montrent que les patients déprimés avec
comparaison avec leur taux de base. de forts taux de cholestérol total (définis comme
Une étude réalisée chez dix-huit volontaires sains supérieurs à 200 mg/dl) sont plus à risque de ne
prenant de la paroxétine à la dose de 20 mg/j pen- pas répondre au traitement par fluoxétine [65] ou
dant 8 semaines [40] montre une augmentation de nortriptyline [55] que les patients avec des taux de
11,5 p. 100 du cholestérol total et du LDL-cholestérol cholestérol normaux, après ajustement pour l’âge, le
sous traitement. L’arrêt du traitement permet ensuite genre et l’IMC. Ils montrent également [55] que les
la disparition de cette augmentation et le retour à la patients résistant au traitement (ou non-répondeurs)
normale. L’intérêt de cette étude repose sur le contrôle présentent un taux plus élevé de triglycérides et une
des facteurs confondants comme la consommation de tendance à un taux plus élevé de cholestérol.
tabac, le régime alimentaire, le poids, la prise d’autres Les antidépresseurs, notamment ceux qui provoquent
traitements médicamenteux et la présence de troubles une prise de poids, semblent donc exercer un effet cli-
psychiatriques de l’axe I (DSM-IV). nique significatif sur le métabolisme lipidique. Cet effet
Dans une étude multicentrique en double aveugle est probablement lié aux modifications du poids. Il
[57], la trazodone, mais pas la fluoxétine, a été asso- n’existe pas de preuve définitive aujourd’hui d’un effet
ciée à une diminution significative du taux de choles- des antidépresseurs sur le métabolisme lipidique indé-
térol total chez les sujets déprimés. L’interprétation de pendant de leur effet sur le poids, l’IMC, les apports
cette étude est cependant rendue difficile par l’absence nutritionnels et la dépense d’énergie. En effet, dans
d’information quant au poids et au diagnostic spéci- une grande partie des études, l’évaluation de l’effet des
fique de ces sujets. antidépresseurs sur le métabolisme lipidique n’est qu’un
Dans une étude menée sur soixante-dix-huit objectif secondaire. Il s’agit en outre d’études menées
patients déprimés, Kopf et al. [38] trouvent une aug- sur de petits échantillons qui ne prennent pas en compte
mentation significative des triglycérides, des VLDL de nombreux facteurs potentiellement confondants
triglycérides et de l’apolipoprotéine E chez les patients comme la dépense énergétique ou la prise alimentaire.
répondant à l’amitriptyline (150 mg/j), mais pas à
la paroxétine (40 mg/j). Pour ces paramètres, ils ne
Variations pondérales
retrouvent aucun changement chez les patients non
répondeurs. Pour l’ensemble des patients traités, ils Les variations pondérales lors du traitement de
montrent une absence de modification du cholesté- troubles psychiatriques sont un effet secondaire fré-
rol total, avec une augmentation du taux de LDL- quent, représenté le plus souvent par une prise de
cholestérol et une forte augmentation du taux de poids conséquente. Il s’agit là d’une cause connue
HDL-cholestérol (ayant pour conséquence une faible d’interruption du traitement chimiothérapique par les
réduction du rapport LDL-/HDL-cholestérol) ainsi patients, qui sont alors à risque de rechute et de réci-
qu’une diminution du contenu en triglycérides des dive [6]. Les variations pondérales observées avec les
LDL par rapport au début de l’étude. différents traitements psychotropes sont résumées par
Certaines études ont rapporté une diminution Zimmerman et al. [75] dans une excellente revue de la
significative du taux de cholestérol total et des tri- littérature. Les deux paramètres à prendre en compte
glycérides ainsi qu’une augmentation du HDL- sont le poids (en valeur absolue), mais surtout l’IMC
cholestérol lors d’un traitement par fluoxétine chez qui permet une définition arithmétique de l’obésité.

272
R I S Q U E C A R D I OVA S C U L A I R E E T M É TA B O L I Q U E

Si la prise de poids est le type de variation pon- et cela a conduit à des essais thérapeutiques chez des
dérale le plus fréquemment observé sous traitement patients ne souffrant pas de troubles psychiatriques.
antidépresseur (voir Tableau 25-I), il existe également Les résultats ont été très aléatoires et peu concluants
des traitements qui provoquent une perte de poids. dans l’ensemble, les pertes de poids observées étant
L’exemple le plus courant est la perte de poids tran- transitoires, voire inexistantes [71]. Les prises de poids
sitoire constatée dans les premières semaines du trai- pharmaco-induites sont également très variables avec
tement avec certains ISRS comme la fluoxétine [47]. les différents ISRS. Au sein de cette classe, la paroxé-
L’effet des traitements psychotropes sur le poids tine est généralement reconnue comme étant la molé-
varie considérablement en fonction des classes théra- cule qui est la plus fréquemment associée à une prise
peutiques, mais il existe également une grande variabi- de poids. Dans une étude en double aveugle contre
lité interindividuelle. Cependant, les données restent placebo, Fava et al. [17] ont montré une augmentation
rares concernant les facteurs individuels prédictifs de de 3,6 p. 100 du poids corporel des patients traités par
prise de poids sous traitement psychotrope. Les fac- paroxétine. Cependant, cette prise de poids reste infé-
teurs cliniques qui pourraient permettre de prédire la rieure à celle provoquée par les imipraminiques. Dans
prise de poids de chaque patient incluent la dose et une méta-analyse récente, la prise de poids induite par
la durée du traitement, la chronicité de la maladie, la paroxétine ne serait significative que lors des traite-
la réponse clinique, l’âge, le genre, la consommation ments au long cours supérieurs à 4 mois [64], ce qui
de tabac, l’IMC, des facteurs environnementaux, les correspond à la majorité des patients pris en charge.
altérations de l’appétit, les variations de poids avant le Parmi tous les antidépresseurs introduits au cours
début du traitement et l’activation du système TNF des dernières années, la mirtazapine est celui qui est le
[31]. Cependant, la valeur prédictive de ces différents plus fréquemment le responsable d’une prise de poids.
paramètres sur la prise de poids n’est pas encore claire, Dans une méta-analyse des études menées contre pla-
car les résultats sont souvent contradictoires. cebo, il a été montré que 11 p. 100 des patients déve-
La probabilité et l’importance de la prise de poids loppent une majoration de l’appétit et 10 p. 100 une
sous imipraminiques semble différer d’un antidépres- prise de poids [8]. Dans une étude de Kraus et al. [39]
seur à l’autre. Dans une revue de la littérature, Garland la prise de poids après 4 semaines de mirtazapine était
et al. [25] rapportent que la prise de poids est plus de 2,4 kg. Il semble que pour la mirtazapine comme
importante avec l’amitriptyline qu’avec l’imipramine pour de nombreux traitements antidépresseurs, les
ou la désipramine. Le poids gagné par les patients est variations pondérales ne concernent que les premières
corrélé positivement à la dose et à la durée du traite- semaines de traitement, le poids se stabilisant par la
ment, et le poids final est plus élevé que le poids précé- suite malgré la poursuite du traitement.
dant l’épisode dépressif. Après l’arrêt du traitement, le
poids diminue mais reste plus élevé que le poids précé-
Syndrome métabolique
dant l’épisode dépressif. Dans cette étude aucun facteur
prédisposant à la prise de poids n’avait été identifié. Il n’y a pas à ce jour de consensus international sur
Bien que la prise de poids sous imipraminiques ait les effets potentiellement inducteurs des antidépres-
été largement mise en évidence dans la phase aiguë seurs sur la survenue d’un syndrome métabolique.
du traitement, l’évolution de cette prise de poids au Cependant, certaines études suggèrent un lien entre
cours de la poursuite du traitement est plus discu- quelques antidépresseurs et tout ou partie des symp-
table. Frank et al. [21] ont montré dans une étude tômes du syndrome métabolique.
prospective en double aveugle contre placebo que Raeder et al. [59] décrivent une association entre
l’imipramine est responsable d’une prise de poids chez l’utilisation des ISRS et l’obésité abdominale. Cette
66 p. 100 des patients en phase aiguë, mais ne cause association persiste en contrôlant certains facteurs
pas d’augmentation du poids lors du traitement chro- confondant environnementaux. Ils montrent égale-
nique en comparaison avec le placebo. ment une tendance vers une association entre ISRS
Les IMAO ne sont que rarement prescrits en France et diabète et l’absence de lien entre ISRS et diffé-
aujourd’hui, mais on peut citer l’exemple de la phé- rentes anomalies lipidiques (diminution du HDL-
nelzine qui est connue pour provoquer une prise de cholestérol, hypertriglycéridémie). Parmi les différents
poids importante, comparable à celle provoquée par antidépresseurs, la paroxétine est celui qui est le plus
l’imipramine [5]. fortement associé à l’obésité générale et abdominale
On a longtemps pensé que les ISRS, notamment la alors que la sertraline n’est associée à aucune modi-
fluoxétine, pouvaient provoquer une perte de poids, fication des variables métaboliques. Il est regrettable

273
To l é r a n c e

que les auteurs manquent de prendre en compte un cardiovasculaire : l’amélioration de la variabilité du


effet propre des pathologies psychiatriques dans cette rythme cardiaque [4, 9] et de la fonction plaquettaire
étude transversale réalisée en population générale et il [43, 49]. Ce sont deux domaines particulièrement
paraît donc difficile de conclure devant l’absence de incriminés dans les effets délétères de la dépression sur
groupe contrôle adéquat. la mortalité cardiovasculaire. La question se pose donc
Récemment, au sein d’une large cohorte néerlan- de savoir s’il s’agit d’une réduction propre de la mor-
daise [70], une étude transversale a permis de mettre talité cardiovasculaire liée à des effets constitutifs des
en évidence une association entre la prescription d’an- antidépresseurs ou, au contraire, de la simple inver-
tidépresseurs de la classe des imipraminiques et la pré- sion lors de la rémission des effets liés à la dépression.
sence d’un syndrome métabolique (odds ratio : 2,30)
indépendamment de la sévérité clinique de l’épisode
dépressif. Cette association n’était pas retrouvée pour Dans les autres indications
les autres classes d’antidépresseurs, notamment pour
les ISRS. Dans cette population, les composantes du Les antidépresseurs ont aujourd’hui de nombreuses
syndrome métabolique les plus fréquemment associées indications qui dépassent le cadre des troubles de l’hu-
à l’usage des imipraminiques semblent être l’obésité meur, notamment dans différents troubles anxieux.
abdominale, l’hypertriglycéridémie, mais également Chez des patients présentant un trouble panique,
l’hypertension artérielle. un traitement efficace par ISRS (paroxétine et sertra-
Des études prospectives centrées sur les potentiels line principalement) a été associé à une augmentation
effets délétères des antidépresseurs de toutes classes sur significative du LDL-cholestérol dans une étude pros-
le syndrome métabolique sont actuellement en cours. pective naturaliste [3].
Raskin et al. [60] ont évalué les effets secondaires de
la duloxétine (60 mg/j) pendant 52 semaines chez les
Mortalité cardiovasculaire patients souffrant de neuropathie périphérique d’ori-
Il est aujourd’hui bien établi qu’il existe une asso- gine diabétique. Chez les sujets traités par duloxétine,
ciation entre dépression et augmentation de la morbi- ils ont observé une diminution du HDL-cholestérol
mortalité cardiovasculaire. Au vu de l’existence de et une absence d’effet sur le LDL-cholestérol ou les
nombreux effets métaboliques des antidépresseurs et triglycérides.
surtout d’un profil défavorable de certains imiprami- Les imipraminiques sont couramment employés
niques, on peut s’attendre à observer une aggravation pour traiter les neuropathies douloureuses et sont par-
de la morbi-mortalité cardiovasculaire des patients ticulièrement efficaces chez les patients diabétiques.
déprimés. La pratique clinique ne semble cependant Malheureusement, la prescription d’imipraminiques
pas aussi tranchée. aux patients diabétiques s’accompagne du risque
Une large étude de cohorte finlandaise [69] a éva- d’augmentation de l’appétit, de prise de poids et d’hy-
lué la mortalité chez des patients hospitalisés après un perglycémie [29] et ils devront donc être employés
premier passage à l’acte suicidaire. Ils montrent une avec discernement et parcimonie.
association solide entre le traitement antidépresseur
(ISRS) et une réduction marquée de la mortalité glo-
bale, attribuable en grande partie à une diminution M écanismes des effets
de la mortalité cardiovasculaire (risque relatif : 0,48).
D’autres études semblent confirmer cette diminution métaboliques des antidépresseurs
de la mortalité cardiovasculaire de 30 à 40 p. 100 en
cas de traitement par antidépresseur, surtout dans la
population des patients déprimés post-infarctus du Effets centraux
myocarde [66]. Cet effet est assez important pour
que les cardiologues se penchent sur la question d’une La prise de poids induite par les psychotropes est
prescription systématique d’antidépresseurs après un souvent précédée par une augmentation de l’appétit,
événement ischémique ou, plus généralement, sur le plus spécifiquement pour les aliments gras et sucrés
dépistage obligatoire de la dépression dans cette popu- [34]. Cette augmentation des apports en nourriture
lation de patients à risque. peut être également remarquée chez les sujets non
Deux mécanismes sont principalement évoqués déprimés traités par imipraminiques [25]. Ces résul-
pour expliquer cette diminution de la mortalité tats suggèrent que les psychotropes qui induisent une

274
R I S Q U E C A R D I OVA S C U L A I R E E T M É TA B O L I Q U E

prise de poids pourraient interférer avec le fonction- L’action réciproque entre la sensibilité à l’insuline
nement de la partie du système nerveux central qui et l’activité centrale de la sérotonine pourrait être
régule l’appétit et la consommation de nourriture, médiée par des modifications des acides aminés plas-
tout comme le font certains troubles psychiatriques matiques induites par l’insuline. On sait que l’insuline
dans certaines circonstances. augmente la concentration du précurseur de la séroto-
Une part importante des patients se plaignent d’une nine, le tryptophane, tout en diminuant les concen-
prise de poids, malgré une diminution subjective de trations de larges acides aminés neutres comme la
l’appétit et de la consommation de nourriture pendant leucine. L’insuline facilite également le transport du
plusieurs semaines ou plusieurs mois. Cela peut appa- tryptophane à travers la barrière hémato-encépha-
raître comme paradoxal au premier abord, mais peut lique. Une concentration en insuline diminuée dans
être expliqué par une altération du métabolisme basal. le diabète prédirait alors une diminution de l’achemi-
Dans des conditions d’activité motrice standard, le nement du tryptophane au cerveau et donc une dimi-
métabolisme basal peut représenter jusqu’à 70 p. 100 nution de la synthèse de la sérotonine.
de la dépense énergétique quotidienne. Donc une On pense aujourd’hui que l’appétit et la consom-
modification même discrète du métabolisme basal, si mation de nourriture sont régulés par un système
elle est prolongée pendant un temps significatif, peut complexe et redondant, mettant en jeu différents
avoir un impact considérable sur le poids. Cette hypo- neurotransmetteurs, neuromodulateurs, cytokines et
thèse est étayée par l’observation d’une diminution de hormones. Leurs interactions dans plusieurs zones de
5 à 24 p. 100 du métabolisme basal chez dix patients l’hypothalamus résultent en un signal de faim ou de
traités par imipraminiques pendant 2 à 4 semaines, en satiété qui est alors envoyé vers le cortex [63].
comparant avec le métabolisme basal avant le début Très tôt, certains auteurs ont fait l’hypothèse d’un
du traitement. Ces patients ont pris jusqu’à 3,5 kg système de régulation de l’appétit qui serait directe-
dans cette étude [18, 19]. ment contrôlé par le tissu adipeux. La découverte de la
La sérotonine, la dopamine et la noradrénaline leptine [74] et sa caractérisation ont permis d’éclaircir
régulent une grande quantité des processus gérant certaines interactions complexes entre les nombreux
l’appétit et la prise alimentaire. neuropeptides impliqués dans le contrôle central de
Il est communément admis que la neurotransmis- l’appétit. La leptine entre dans le cerveau depuis la
sion a-adrénergique stimule l’appétit, alors que les circulation périphérique par un transport actif [63].
neurotransmissions b-adrénergique, histaminergique, Une réduction de la masse graisseuse a pour consé-
sérotoninergique et doparminergique transmettent quence une diminution de la concentration plasma-
un signal de satiété [25]. Les récepteurs choliner- tique de leptine, ce qui stimule la prise de nourriture
giques ne paraissent pas spécifiquement impliqués et réciproquement [23]. Il semble donc exister un
dans le contrôle de l’appétit [72]. Cela pourrait expli- lien direct entre l’importance de la masse graisseuse
quer pourquoi les imipraminiques avec un fort effet et les taux circulants de leptine, indépendamment de
antihistaminique provoquent une prise de poids très la satiété. Cette adipokine semble être l’un des prin-
importante. cipaux acteurs entre contrôle central et périphérique
De Vry et al. [13] passent en revue les études du poids. Il a par ailleurs été récemment démontré
animales avec des agonistes sélectifs des récepteurs que la leptine contribuait à la réponse métabolique à
5-HT1A, 5-HT1B, 5-HT2B et 5-HT2C. Ils concluent la consommation excessive de nourriture en suppri-
que la participation des nombreux récepteurs de type mant l’expression d’enzymes de la lipogenèse. La voie
5-HT1 et 5-HT2 sur l’hyporexie reste floue et difficile lipogénique est donc une cible périphérique clef de
à distinguer d’effets secondaires classiques comme les l’action régulatrice de la leptine [32].
nausées et l’anorexie. Chez la plupart des obèses, il existe probablement
La suppression de la signalisation sérotoninergique un phénomène de résistance à la leptine [62] qui
centrale est associée à une hyperphagie et à une prise pourrait être causé par une saturation du système de
de poids chez l’homme et le rongeur [27]. Cette aug- transport actif, qui permet à la leptine de traverser la
mentation de la prise alimentaire est accompagnée barrière hémato-encéphalique , ou par des altérations
d’une hypersécrétion d’insuline et d’une insulino- dans la voie de signalisation du récepteur de la leptine.
résistance. En augmentant la disponibilité synaptique La concentration plasmatique de leptine est forte-
de la sérotonine, les ISRS réduisent la consommation ment corrélée au poids corporel et à l’index de masse
de nourriture, ce qui permet la normalisation de la corporelle [44]. La sécrétion de leptine s’accroît de
glycémie et de la sensibilité à l’insuline [61]. façon marquée avec la puberté, mais elle est inhibée

275
To l é r a n c e

par la testostérone, et l’on retrouve donc des taux Si ces résultats semblent prometteurs pour la meil-
2 à 3 fois plus élevés chez les femmes que chez les leure compréhension de la prise de poids provoquée
hommes. La concentration plasmatique de leptine par les antidépresseurs, ils restent limités par le sys-
n’est pas significativement influencée par l’âge, mais tème expérimental dans lequel ils sont démontrés.
elle est augmentée par l’insuline, les glucocorticoïdes
et une forte dépense énergétique. L’activité physique
extrême et le jeûne font diminuer les taux de leptine. Effets périphériques
La leptine semble, avec l’insuline, être le signal
Les études qui s’intéressent aux effets métaboliques
clef du transport de l’information sur le stockage
périphériques des antidépresseurs sont beaucoup plus
de l’énergie au système nerveux central [22], et l’on
pense aujourd’hui qu’elle organise le réseau complexe rares. Les organes principaux du métabolisme sont le
de signaux anorexigènes et orexigènes. Il semble éga- foie, le muscle squelettique et le tissu adipeux, aux-
lement que la leptine soit impliquée dans les circuits quels on peut ajouter le pancréas, responsable de la
neuronaux de récompense, en diminuant l’autosti- sécrétion d’insuline.
mulation au niveau des sites sensibles à la restriction
en nourriture et en accroissant l’autostimulation aux Pancréas et cellules b de Langerhans
sites sans rapport avec la consommation de nourri-
Les études qui se sont intéressées aux effets des anti-
ture [24].
dépresseurs sur le pancréas et les cellules b, sécrétrices
Devant les liens étroits entre la leptine et le poids
de l’insuline sont peu nombreuses. On peut tout de
corporel, il paraît naturel de se poser la question de
même citer le travail d’Antoine et al. [2] qui montrent
l’effet des antidépresseurs sur cette adipokine. Si les
une diminution dose-dépendante de la sécrétion
résultats semblent clairs et homogènes pour les anti-
psychotiques et les thymorégulateurs, laissant à pen- d’insuline stimulée par le glucose en présence d’imi-
ser que la leptine joue peut-être un rôle de médiateur pramine. Ils semblent indiquer une diminution dose-
dans la prise de poids pharmaco-induite, ils ne sont dépendante de la sécrétion d’insuline par les cellules b
pas aussi tranchés pour le cas des antidépresseurs, et du pancréas chez le rat en présence d’imipramine.
il est probable que l’influence des antidépresseurs sur Cet effet pourrait alors être médié par l’inhibition de
la sécrétion de leptine diffère de celle des antipsycho- canaux Ca2+ voltage-dépendants et la réduction de
tiques et des thymorégulateurs. l’influx de Ca2+ qui en découle.
Dans une étude prospective, Hinze-Sech et al. [31] En 2007, Chen et al. [11] ont publié une étude
ne trouvent pas de modification des taux circulants réalisée sur vingt-trois patients non diabétiques trai-
de leptine chez des patients traités par imiprami- tés par deux ISRS différents. Ils ont montré qu’après
niques ou paroxétine, alors même qu’ils observent
la prise de poids traditionnellement occasionnée par
®
traitement par maprotiline (Ludiomil ), il existait
une augmentation de la fonction des cellules b et
ces molécules. Dans une autre étude, l’augmentation une surproduction d’insuline, dans le but probable
de la concentration de leptine est minimale après de compenser l’insulino-résistance induite par cet
4 semaines de traitement par mirtazapine, malgré une anti­dépresseur.
prise de poids conséquente [39]. Dans une étude réalisée sur des cellules pancréa-
Il a été également montré que la fluoxétine pou- tiques murines INS-1, Chadwick et al. [10] ont mon-
vait provoquer une diminution de la concentration de tré que l’amitriptyline stimulait la sécrétion d’insuline
leptine après un traitement aigu ou chronique chez alors que, dans leurs expériences sur les rats, l’amitrip-
des rats minces et après un traitement chronique chez tyline semblait avoir légèrement diminué (de façon
des rats obèses [14]. Les auteurs suggèrent alors que non significative) les taux circulants d’insuline après
la sérotonine, en plus de réduire la consommation de 14 semaines de traitement en comparaison avec le
nourriture en inhibant les neurones à neuropeptide Y, groupe témoin. L’imipraminique peut être respon-
inhiberait également la leptine via une éventuelle sable d’une augmentation de la clairance de l’insu-
action sur le tissu adipeux blanc. line à la suite de l’augmentation de sa production et
Cependant, à l’encontre de cette hypothèse, il est de sa sécrétion par les cellules b du pancréas. Cette
important de noter que le plus spécifique des ISRS, le hypothèse est supportée par l’augmentation de la
citalopram, ne semble pas provoquer de modification concentration de l’enzyme de dégradation de l’insu-
des concentrations de leptine lors du traitement de line trouvée dans le foie et dans le muscle des ani-
patientes déprimées [33]. maux traités par antidépresseurs. L’augmentation de

276
R I S Q U E C A R D I OVA S C U L A I R E E T M É TA B O L I Q U E

la concentration de cette enzyme de dégradation per- Dans une étude réalisée sur des patients obèses trai-
met alors aux animaux d’éviter l’hyperinsulinisme et tés par citalopram ou trimipramine pour un épisode
l’insulino-résistance. La surproduction et la sursécré- dépressif majeur et rapportant une prise de poids sous
tion continue d’insuline dans les cellules b pourraient antidépresseur, Flechtner-Mors et al. [20] ont étu-
conduire ultérieurement à leur apoptose et à la perte dié par microdialyse l’effet de ces molécules sur les
de la sécrétion d’insuline, ce qui mènerait à l’appari- concentrations en glucose et en lactate ainsi que le
tion d’un diabète. flux sanguin dans le tissu adipeux sous-cutané. Ils ont
Pour renforcer l’idée d’une action possible des anti- démontré que le citalopram et la trimipramine alté-
dépresseurs sur le pancréas, certains auteurs se sont raient le métabolisme du glucose et des lipides dans
attachés à mettre en évidence la présence de fibres le tissu adipeux, provoquant un relargage accentué de
sérotoninergiques dans le pancréas [37]. Ils ont égale- glycérol et d’acides gras libres dans la circulation.
ment montré la présence de tryptophane hydroxylase
dans des homogénats de pancréas. Ces fibres séroto-
ninergiques pourraient alors être impliquées dans la C onclusion
régulation des sécrétions pancréatiques, et l’on peut
imaginer une modulation de la sécrétion d’insuline
par les antidépresseurs sérotoninergiques. L’association entre dépression, antidépresseurs et
facteurs de risque cardiovasculaires est aujourd’hui éta-
blie, même si les mécanismes physiopathologiques en
Hépatocytes
restent toujours insuffisamment explicités. La majo-
Levkovitz et al. [41] ont récemment démontré que rité des antidépresseurs actuellement prescrits n’a pas
des ISRS comme la sertraline et la paroxétine acti- un profil métabolique neutre, ils modifient l’équilibre
vaient un certain nombre d’IRS kinases, menant à glycémique, l’équilibre lipidique et provoquent une
une phosphorylation suraccrue d’IRS-1 sur résidus prise de poids. Les mécanismes sous-tendant ces effets
sérine et thréonine et à une réduction concomitante métaboliques des antidépresseurs ne sont pas encore
de sa capacité à subir la phosphorylation sur résidus totalement élucidés. Les théories actuelles penchent
tyrosine induite par l’insuline. Cela provoquerait alors en faveur d’un mécanisme d’action central, ciblant le
une inhibition de l’action de l’insuline et l’induction contrôle de la prise alimentaire et la régulation de la
d’un état de résistance à l’insuline. dépense énergétique (notamment au niveau du méta-
Ces résultats suggèrent l’idée que les ISRS pourraient bolisme basal). Ces mécanismes seraient médiés par
être responsables d’une résistance à l’insuline en inhi- différents neurotransmetteurs. On a particulièrement
bant directement la cascade de signalisation de l’insu- incriminé des anomalies de la signalisation de l’hista-
line et que ce mécanisme d’action leur serait propre. mine, de la dopamine et de la sérotonine. Au-delà de
ces mécanismes centraux, on peut également s’inter-
Tissu adipeux roger sur une possible action directe des antidépres-
seurs sur les tissus périphériques, notamment ceux
Certains antidépresseurs semblent exercer un effet impliqués dans le contrôle de l’équilibre énergétique :
direct in vitro et in vivo sur le tissu adipeux. On peut le muscle squelettique et le tissu adipeux.
citer l’exemple de la phénelzine, un inhibiteur de la Il paraît très important de rechercher et de prendre
monoamine oxydase (IMAO), peu prescrit en France en compte ces éléments au moment de la prescrip-
aujourd’hui, qui inhibe la différenciation du tissu adi- tion d’un traitement antidépresseur, quelle que soit
peux [12] dans différents modèles cellulaires murins la pathologie (trouble de l’humeur, trouble anxieux,
et humains. L’action de la phénelzine n’implique ni autre), afin d’éviter au maximum chez les patients les
augmentation de la lipolyse, ni diminution du trans- plus à risque certains traitements qui pourraient favo-
port du glucose. Cette étude montre l’altération pro- riser la décompensation d’une pathologie métabolique
fonde du programme de différenciation provoquée ou cardiovasculaire. La recherche des antécédents médi-
par la phénelzine ainsi que son action inhibitrice pré- caux et la prescription d’un bilan préthérapeutique sont
férentielle sur la voie lipogénique. Il est intéressant de donc essentielles et devraient être systématisées, tant en
noter que la phénelzine diminue fortement l’expres- médecine générale qu’en psychiatrie. Il est important
sion de l’adiponectine, présentant une explication de sensibiliser dès aujourd’hui les jeunes psychiatres à
possible pour les effets métaboliques à long terme des cette pratique clinique transversale, au-delà de la simple
antidépresseurs. prise en charge des troubles psychiatriques.

277
To l é r a n c e

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280
26
R isque hépatique et antidépresseurs
........
C.S. Voican, S. Naveau et G. Perlemuter

Les différentes substances (nutriments ou xéno- Toutefois, les tests hépatiques peuvent se normali-
biotiques) absorbées par le tube digestif entrent ser spontanément dans la majorité des cas (avec ou
dans la circulation portale et arrivent au niveau du sans l’arrêt de l’agent causal) et l’incidence de l’hépa-
foie où elles sont en grande partie captées et méta- tite médicamenteuse nécessitant une hospitalisation
bolisées par les hépatocytes. Grâce aux enzymes du s’élève seulement à 1,28-4 pour 100 000 patients-
cytochrome P450 (CYP450), les hépatocytes sont années [33]. Les effets secondaires hépatiques des
capables de transformer les médicaments liposolubles antidépresseurs, en raison de leur faible incidence et
et autres xénobiotiques en dérivés hydrosolubles, de l’absence d’une relation évidente dose-effet, ne
moins toxiques et faciles à excréter. On considère que sont généralement pas détectés durant les essais cli-
les hépatites médicamenteuses sont la quatrième cause niques de phase III puisque ces essais n’incluent que
d’atteinte hépatique après le surpoids, la consomma- quelques milliers de patients. Par conséquent, les pre-
tion d’alcool et les hépatites virales [10]. De plus, les miers cas d’hépatite médicamenteuse sont souvent
hépatites médicamenteuses posent non seulement un décrits au cours des premières années de mise sur le
problème de santé publique dans le contexte actuel marché lorsqu’un plus grand nombre de patients a
de développement continu de nouvelles substances été exposé au nouvel agent thérapeutique [65]. Une
thérapeutiques et d’augmentation de la prescription étude prospective effectuée en France a montré une
médicale [1, 87], mais également un problème éco- incidence de 13,9 pour 100 000 habitants pour les
nomique pour l’industrie pharmaceutique, en par- atteintes hépatiques médicamenteuses, soit environ
ticulier quand des médicaments doivent être retirés 16 fois plus que les cas spontanément rapportés aux
du marché. Les hépatites médicamenteuses sont la autorités de pharmacovigilance [114].
première cause d’insuffisance hépatique aiguë dans
les pays occidentaux (environ 50 p. 100 des cas), en
particulier du fait de la prescription de paracétamol ; M écanismes pathogéniques
leur mortalité s’élève jusqu’à 90 p. 100 [63, 85, 89].

En fonction du mécanisme de production des


lésions, on distingue deux types majeurs d’hépatotoxi-
É pidémiologie cité associée aux médicaments :
•• une toxicité hépatique directe (intrinsèque), induite
L’incidence de l’hépatite médicamenteuse asso- par l’action directe de l’agent thérapeutique ou de ses
ciée à la prise des antidépresseurs est peu connue, métabolites. Par son caractère dose-dépendant, ce
probablement du fait de l’absence de critères diag- type d’atteinte hépatique (survenant généralement en
nostiques précis objectifs et d’une sous-déclaration cas de surdosage) est prévisible et reproductible dans
des cas. L’incidence des lésions hépatiques signi- les modèles expérimentaux, l’exemple classique étant
ficatives est estimée entre 1 pour 10 000 et 1 pour le paracétamol ;
100 000 patients [83]. On estime que 0,5 à 3 p. 100 •• une toxicité hépatique idiosyncrasique, dont l’inci-
des patients traités par antidépresseurs développent dence est faible, l’apparition non prévisible et classi-
des anomalies des tests hépatiques [41, 48, 136]. quement indépendante de la dose administrée ; elle

281
To l é r a n c e

Tableau 26-I. – Mécanisme de l’hépatotoxicité des antidépresseurs.

Type de lésion Mécanisme idiosyncrasique Antidépresseur

Hépatite cytolytique Immuno-allergique Imipramine, amitriptyline, tianeptine, iproniazide, moclobémide, sertra-


line, duloxétine, trazodone, venlafaxine, miansérine, bupropione
Métabolique Iproniazide, phénelzine, paroxétine, fluoxétine, citalopram, duloxétine,
néfazodone, venlafaxine, maprotiline, agomélatine

Hépatite cholestatique Immuno-allergique Imipramine, amitriptyline, tianeptine, moclobémide, sertraline, trazodone,


miansérine, bupropione
Métabolique Phénelzine, paroxétine, fluoxétine, duloxétine, mirtazapine, maprotiline

Hépatite mixte Immuno-allergique Sertraline, miansérine


Métabolique Sertraline, fluoxétine, mirtazapine

Tableau 26-II. – Hépatotoxicité des principaux antidépresseurs.

Antidépresseur Type de lésion Mécanisme Période de latence Tableau clinique Observations Références
à l’admission

Imipramine Cytolytique, Immuno- 1 semaine-5 mois Fièvre, rash, ictère Ictère chez 0,5-1 p. 100 [50, 55, 60,
Désipramine cholestatique, allergique des patients traités 81, 97, 98,
SDVB 115]

Amitriptyline Cholestatique, Immuno- 1-8 mois Fatigabilité, dou- Augmentation des [28, 30, 48,
cytolytique, allergique leurs abdomi- ALAT chez 3 p. 100 62, 80, 102,
SDVB nales, nausées, des patients traités 135]
vomissements,
fièvre, rash,
prurit, ictère

Tianeptine Cholestatique, Immuno- 6 jours-2 mois Douleurs abdomi- – [40, 66, 71,
cytolytique, allergique nales, fièvre ; 105]
stéatose rash, ictère

Iproniazide Cytolytique Métabolique, 4 jours-6 mois Anorexie, asthénie, Ictère chez 1,4 p. 100 [31, 72, 78,
immuno- nausées, vomis- des patients traités, 96, 107]
allergique sements, ictère associant une
mortalité élevée ;
anticorps anti-M6
positifs

Phénelzine HF, cholesta- Métabolique 2-4 mois Anorexie, prurit, Rare [17, 44]
tique, cirrhose ictère

Moclobémide Cholestatique, Immuno- 1-3 semaines Asthénie, prurit, Rare [43, 123]
cytolytique allergique ictère

Sertraline Cytolytique, Immuno- 2 semaines-6 mois Fatigabilité, nau- Augmentation des [36, 42, 47,
mixte, allergique, sées, vomisse- enzymes hépatiques 77, 93, 122,
cholestatique métabolique ments, anorexie, chez 0,5-1,3 p. 100 126]
douleur de des patients traités
l’HD, prurit,
ictère

Paroxétine Cytolytique, Métabolique 1re dose-10 mois Nausées, vomis­ Rare [15, 25, 32,
cholestatique, sements, prurit, 45, 86, 95]
HC ictère

(suite)

282
R I S Q U E H É PAT I Q U E E T A N T I D É P R E S S E U R S

Tableau 26-II. – (suite)

Antidépresseur Type de lésion Mécanisme Période de latence Tableau clinique Observations Références
à l’admission

Fluoxétine Cytolytique, Métabolique 2,5 mois-1 année Fatigabilité, Augmentation des [16, 19, 39,
mixte, choles- douleurs de enzymes hépatiques 57, 75]
tatique, HC l’HD, anorexie, chez 0,5 p. 100 des
nausées, vomis- patients traités
sements, ictère

Citalopram Cytolytique Métabolique 3-8 semaines Asthénie, perte de Stéatose chez le rat [38, 68, 84]
poids, ictère

Duloxétine Cytolytique, Métabolique, 2 semaines-3 mois Fatigabilité, nau- 26,2 cas /100 000 [46, 76, 91,
cholestatique immuno- sées, vomisse- patients-années ; 127, 130]
allergique ments, douleurs 1 p. 100 ; ALAT
de l’HD, ictère > 3 fois la limite
supérieure de la
normale

Trazodone Cytolytique, Immuno- 4 jours-18 mois Fatigabilité, ano- Rare [13, 24, 37,
cholestatique, allergique rexie, nausées, 53, 104,
HC vomissements, 117]
rush, prurit,
ictère

Néfazodone Cytolytique Métabolique 4 semaines-8 mois Fatigabilité, ano- 28,9 cas pour 100 000 [9, 21, 27, 35,
rexie, nausées, patients-années, 69, 110,
vomissements, hépatite grave 124]
douleur abdo-
minales, prurits,
ictère

Mirtazapine Cholestatique ; Métabolique 1-3 ans Ictère 2 p. 100 ; ALAT > [52]
mixte 3 fois la limite
supérieure de la
normale

Venlafaxine Cytolytique, Métabolique, 10 jours-6 mois Asthénie, vomis­ Rare [26, 34, 49,
cholestatique immuno- sements, dou- 74, 94, 134]
allergique leur de l’HD,
rash, ictère

Maprotiline Cytolytique, Métabolique 25 jours-4 ans Fatigabilité, ano- Rare [4, 79, 100,
cholestatique rexie, nausées, 129]
ictère

Miansérine Cholestatique, Immuno- 12-28 jours Fièvre, ictère Rare [12, 90]
mixte, allergique
cytolytique

Bupropion Cytolytique, Immuno- 20 jours-6 mois Asthénie, anorexie, Augmentation des [5, 11, 20, 51,
cholestatique allergique nausées, vomis- enzymes hépatiques 54, 88]
sements, douleur chez 0,1-1 p. 100
musculaire, des patients traités,
fièvre, rash, anticorps antinu-
angio-œdème, cléaires positifs
myosite, ictère

Agomélatine Cytolytique Métabolique 6 semaines Asymptomatique Cytolyse 1,1 p. 100 [99]

AAN : anticorps antinucléaires ; ALAT : alanine aminotransférase ; anti- HD : hypocondre droit ; HF : hépatite fulminante ; SDVB : syndrome de
M6 : anticorps antimitochondries de type M6 ; HC : hépatite chronique ; disparition des voies biliaires ; TFH : tests fonctionnels hépatiques.

283
To l é r a n c e

survient le plus souvent aux doses thérapeutiques. Dose


Néanmoins, des publications récentes suggèrent une
relation avec la dose, avec en particulier une augmen- L’hépatite idiosyncrasique n’était pas considé-
tation du risque à partir de 50 mg [22]. Comme pour rée classiquement comme dépendante de la dose.
la majorité des médicaments, l’hépatite induite par les Néanmoins, une étude récente a montré une relation
antidépresseurs survient selon un mécanisme idiosyn- directe entre la dose thérapeutique quotidienne d’un
crasique. Ce type d’atteinte hépatique recouvre deux médicament (≤ 10 mg/j, 11-49 mg/j ou ≥ 50 mg/j) et
autres sous-types : le risque d’insuffisance hépatique, de transplantation
–– l’hépatotoxicité idiosyncrasique immuno-aller- hépatique et de décès par hépatite médicamenteuse
gique. L’agent thérapeutique ou l’un de ses métabolites idiosyncrasique [61]. D’ailleurs, une atteinte hépa-
se lie par liaison covalente aux protéines cellulaires, tique après augmentation de la dose thérapeutique
notamment aux enzymes de la famille CYP450. Les avait déjà été rapportée pour la duloxétine, la néfazo-
conséquences sont la formation de protéines modi- done et la miansérine [27, 46, 90].
fiées avec de nouvelles propriétés antigéniques qui
déclenchent une réponse immunologique exagérée
dans le foie. Les caractéristiques sont la présence des Hépatotoxicité croisée
signes d’hypersensibilité (fièvre, rash cutané, éosino-
philie, auto-anticorps), une période de latence plus Une toxicité hépatique croisée peut parfois surve-
courte (1 à 6 semaines) qui peut se réduire lors de la nir entre médicaments ayant une structure chimique
réintroduction du médicament causal [58] ; voisine. Ainsi des cas ont-ils été décrits parmi les anti-
–– l’hépatotoxicité idiosyncrasique métabolique. dépresseurs tricycliques (ATC) : entre amineptine et
Certains métabolites du médicament administré se clomipramine [64], entre trimipramine et désipra-
lient aux protéines clefs des hépatocytes, entraînant mine [103]. La structure moléculaire à trois anneaux
une mort cellulaire. La période de latence est plus a été impliquée dans le mécanisme d’apparition de
longue (1 mois jusqu’à 1 an) et le syndrome d’hyper- l’hépatotoxicité croisée des ATC. Par conséquent, il
sensibilité est absent [58]. En pratique, il n’est pas est recommandé d’éviter la prescription d’ATC ou
toujours évident de préciser le sous-type d’atteinte d’autres agents thérapeutiques ayant une structure tri-
hépatique idiosyncrasique (immuno-allergique ou cyclique (les phénothiazines [103]) chez les patients
métabolique) [9, 127]. De plus, le type de lésion peut aux antécédents d’atteinte hépatique liée aux ATC.
varier d’un patient à l’autre pour le même antidépres- Un cas de toxicité hépatique croisée probable a égale-
seur (Tableaux 26-I et 26-II). ment été rapporté chez une patiente traitée par inhibi-
teurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS)
(fluvoxamine et citalopram) [118].

Interactions médicamenteuses
F acteurs prédisposants
La formation des métabolites toxiques est considé-
rée comme le mécanisme majeur de l’hépatotoxicité
Sexe médicamenteuse. Certains médicaments, y compris
les antidépresseurs, peuvent avoir une action inhibi-
Selon des études récentes, les femmes n’auraient pas trice ou inductrice de l’activité enzymatique CYP450.
plus de prédisposition pour une hépatotoxicité médi- De plus, certains agents thérapeutiques peuvent
camenteuse que les hommes [23, 70, 116]. entrer en compétition avec un antidépresseur en étant
métabolisés par les mêmes iso-enzymes du CYP450
(Tableau 26-III). Leur association doit être prudente
Âge en raison du risque potentiel hépatotoxique.
On considère qu’une personne âgée est généra-
lement plus susceptible de développer une hépato- Consommation d’alcool
toxicité médicamenteuse [14], probablement du fait
d’une polymédication ou d’une diminution de la Le rôle de l’alcool dans l’atteinte hépatique idio-
fonction rénale. syncrasique induite par les antidépresseurs est peu

284
R I S Q U E H É PAT I Q U E E T A N T I D É P R E S S E U R S

Tableau 26-III. – Interactions médicamenteuses potentielles des antidépresseurs.

Interactions Métabolisme CYP450 Inhibition CYP450 Mécanisme Toxicité hépatique Références


médicamenteuses possible rapportée

Moclobémide CYP 2C19 CYP 2D6, 2C9, 1A2 Inhibition Décès [123, 131]
Fluoxétine CYP 2D6, 2C CYP 2D6, 2C9/19, 3A4 enzymatique

Amitriptyline CYP 2C19, 3A4, 1A2, – Compétition Décès [6, 28, 56]
2C9, 2D6 et inhibition
Diazépam CYP 2C19, 3A4 CYP 3A4 enzymatiques
(benzodiazépine)

Néfazodone CYP 3A4, 2D6 CYP 3A4 Compétition Décès [9, 131]
Clorazépate CYP 3A4 – enzymatique
(benzodiazépine)

Néfazodone CYP 3A4, 2D6 CYP 3A4 Compétition Guérison [27, 113]
Clonazépam CYP 3A4 – enzymatique
(benzodiazépine)

Trazodone CYP 2D6 CYP 3A4, 1A2 Inhibition Décès [53, 131, 133]
Thioridazine – CYP 2D6 enzymatique
(neuroleptique)

Venlafaxine CYP 2D6, 3A4 CYP 2D6 Compétition 1 cas : transplanta- [34, 49, 131, 133]
Trazodone CYP 2D6 CYP 3A4, 1A2 et inhibition tion hépatique
enzymatique 1 cas : guérison

Duloxétine CYP 1A2, 2D6 – Compétition 1 cas : décès [46, 91, 131]
Mirtazapine CYP 1A2, 2D6 – enzymatique 1 cas : guérison
Duloxétine CYP 1A2, 2D6 – Compétition Hépatite grave, [127, 131]
Fluoxétine CYP 2D6, 2C CYP 2D6, 2C9/19, 3A4 et inhibition guérison
enzymatiques
Sertraline CYP 2D6, 3A4, 2C9/19 CYP 2D6, 3A4, 1A2 Compétition Hépatite fulmi- [18, 126, 131]
Donépézil CYP 2D6, 3A4, 1A2 – enzymatique nante, guérison
(anticholinestérasique)

Sertraline CYP 2D6, 3A4, 2C9/19 CYP 2D6, 3A4, 1A2 Compétition Décès [6, 36, 131]
Diazépam CYP 2C19, 3A4 CYP 3A4 et inhibition
(benzodiazépine) enzymatique

Agomélatine CYP 1A2, CYP2C9/19 – Inhibition – [99]


enzymatique

connu. Des cas isolés d’hépatite médicamenteuse sur- facteur favorisant l’atteinte hépatique de type idio-
venue chez des patients alcooliques ont été rapportés syncrasique [67] ; néanmoins, si une hépatite médica-
pour certains antidépresseurs : la duloxétine [127], le menteuse survenait, elle serait plus grave [8, 32, 127].
bupropion [20], la sertraline [36], la tianeptine [71].
Facteurs génétiques
Co-morbidités
Les facteurs génétiques pourraient jouer un rôle
La présence d’une maladie hépatique stable sous- dans la susceptibilité individuelle aux effets hépato-
jacente n’est généralement pas considérée comme un toxiques des différents agents thérapeutiques [22].

285
To l é r a n c e

Toutefois, il n’existe pas de donnée spécifique concer- observée dans la population générale ; la cause la
nant les antidépresseurs. plus fréquente est le surpoids [92]. Ainsi un seuil
d’alerte pour les ALAT de 3 fois la valeur limite
de la normale et pour les phosphatases alcalines de
2 fois avait-il été proposé [125]. Plus récemment,
D iagnostic afin de ne pas arrêter inutilement un traitement non
hépatotoxique, le seuil des ALAT a été porté à 5 fois
Le diagnostic repose généralement sur la relation la valeur limite supérieure de la normale ou la valeur
temporelle existant entre l’initiation du traitement basale avant traitement [3].
par l’agent thérapeutique et l’apparition de la toxi- En fonction du rapport ALAT/phosphatases alca-
cité hépatique, l’exclusion des autres causes d’hépatite lines, on distingue trois types d’hépatite médicamen-
aiguë ainsi que la présence des facteurs prédisposants teuse : l’hépatite cytolytique (ALAT/phosphatases
[29, 73, 82, 106]. alcalines > 5), l’hépatite cholestatique (ALAT/phos-
phatases alcalines < 2) et l’hépatite mixte (2 < ALAT/
phosphatases alcalines < 5). Cette classification est
Symptômes fondée sur les valeurs des tests hépatiques à l’admis-
sion du malade et a une double utilité : diagnostique
Le plus souvent, le patient est asymptomatique
et pronostique.
et le diagnostic est biologique. Cliniquement, un
ictère cutanéomuqueux parfois associé à des urines
foncées et à des selles décolorées attire l’attention Appréciation de la gravité
sur l’atteinte hépatique. On estime que les effets de l’atteinte hépatique
hépatotoxiques des médicaments sont responsables
L’activité sérique des transaminases (surtout
d’environ 4 p. 100 des nouveaux cas d’ictère [128].
l’ALAT) est un très bon marqueur de lésion hépa-
Néanmoins, l’ictère est le plus souvent absent, les
tique, mais ne reflète pas la gravité de l’atteinte hépa-
patients consultant seulement pour des symp-
tique. Le taux sérique de la bilirubine ainsi que le taux
tômes aspécifiques : fatigabilité, asthénie, anorexie,
de prothrombine sont les meilleurs marqueurs de
nausées, vomissements, douleur de l’hypocondre
sévérité en cas d’hépatite médicamenteuse [7, 136].
droit (voir Tableau 26-II). Les signes cliniques
Cliniquement, la présence d’une encéphalopathie
d’hypersensibilité (fièvre et éruption cutanée) sont
hépatique témoigne de la gravité.
fortement suggestifs d’une hépatotoxicité médi-
camenteuse, mais ne sont présents que dans 20 à
25 p. 100 des cas [7]. Diagnostic différentiel
La toxicité hépatique induite par les médicaments
Examens paracliniques (y compris les antidépresseurs) peut mimer un grand
nombre de pathologies du foie. Il est donc nécessaire
Définir les lésions hépatiques d’éliminer une autre causes d’atteinte hépatique : hépa-
tites virales (hépatites A, B, C et E, cytomégalovirus,
L’augmentation des transaminases (alanine ami- virus d’Epstein-Barr, herpès), hépatite alcoolique,
notransférase [ALAT] et aspartate aminotransférase NASH (stéatohépatite non alcoolique, c’est-à-dire une
[ASAT]) et/ou des phosphatases alcalines est le plus atteinte liée à un syndrome métabolique), hépatite auto-
souvent la seule anomalie qui témoigne d’une pos- immune, maladies métaboliques (hémochromatose,
sible hépatite médicamenteuse [2, 15, 88, 90, 98, maladie de Wilson si l’âge est inférieur à 30 ans). Une
109, 135]. Toutefois, l’interprétation peut être dif- obstruction des voies biliaires doit également être élimi-
ficile, particulièrement chez les patients ayant une née. Une ischémie hépatique (insuffisance cardiaque,
pathologie hépatique chronique préexistante. Un hypotension/collapsus, choc) doit être recherchée
prélèvement sanguin pour déterminer le niveau grâce au contexte clinique. Une obstruction vasculaire
des ALAT, des ASAT et des phosphatases alca- (thrombose porte, syndrome de Budd-Chiari) peut
lines pourrait être utile avant de débuter un traite- également mimer une hépatite médicamenteuse. De
ment antidépresseur. En effet, une élévation légère plus, des auto-anticorps (habituellement marqueurs
(< 3 fois la valeur limite supérieure de la normale d’une hépatite auto-immune) peuvent apparaître dans
[N]) des transaminases est souvent (1-5 p. 100) certaines hépatites liées aux antidépresseurs.

286
R I S Q U E H É PAT I Q U E E T A N T I D É P R E S S E U R S

Biopsie hépatique taux de prothrombine inférieur à 50 p. 100, INR


supérieur à 1,5, encéphalopathie hépatique, ascite.
La biopsie hépatique n’est pas nécessaire dans la
plupart des cas d’hépatite médicamenteuse. Elle peut
être utile pour éliminer d’autres causes d’atteinte
hépatique dans les situations douteuses. A spects particuliers
de l ’ hépatotoxicité liée
Évaluation de la relation causale aux antidépresseurs
La relation temporelle entre la prise d’un médi-
cament et la survenue de l’hépatite est l’un des élé- Les informations dont nous disposons sur l’hépa-
ments les plus importants. Dans la plupart des cas, totoxicité des médicaments antidépresseurs reposent
l’hépatotoxicité des antidépresseurs apparaît dans les sur les essais et les cas publiés dans la littérature ou
trois premiers mois de traitement. Toutefois, un délai rapportés aux autorités de contrôle du médicament.
plus long est parfois observé (voir Tableau 26-II). De
plus, les hépatites induites par certains antidépresseurs
peuvent survenir même après l’arrêt du traitement : Inhibiteurs spécifiques de la recapture
iproniazide [107], bupropion [59]. L’évolution des de la sérotonine
tests fonctionnels hépatiques représente le deuxième
critère majeur d’imputabilité. La reprise d’un trai- Une augmentation asymptomatique des tests fonc-
tement potentiellement hépatotoxique doit être tionnels hépatiques est observée chez environ 1 p. 100
évitée en raison du risque d’hépatite fulminante. des patients traités par inhibiteurs spécifiques de la
L’élimination de toute autre cause d’hépatotoxicité recapture de la sérotonine (ISRS) [16, 19, 36, 39, 42,
est obligatoire. 47, 57, 75, 77, 93, 122, 126]. Néanmoins, une toxi-
cité hépatique significative n’est rapportée que dans
des cas isolés.
Parmi les ISRS, la paroxétine est l’ISRS pour lequel
T raitement le plus grand nombre des cas d’hépatotoxicité a été
publié (voir Tableau 26-II) ; néanmoins, aucun
Le traitement repose sur l’arrêt immédiat du médi- décès ne lui est attribué. Les deux types de toxicité
cament incriminé. La poursuite du traitement malgré hépatique, cytolytique [32, 45, 95] et cholestatique
une toxicité hépatique peut entraîner une insuffisance [25, 86], ont été décrits. Un cas d’hépatite chro-
hépatique aiguë grave ou une hépatite chronique nique probablement lié à la poursuite du traitement
médicamenteuse avec risque d’évolution vers une cir- a également été rapporté [15]. La période de latence
rhose (par exemple, pour l’imipramine/désipramine, pourrait s’étendre jusqu’à 1 mois après le début du
l’amitriptyline, la paroxétine, la trazodone) [13, 15, traitement.
28, 80, 97]. Les tests fonctionnels hépatiques s’amé- Parmi les ISRS, la sertraline est la molécule qui a
liorent dans la majorité des cas après l’arrêt de la prise le nombre de cas d’hépatotoxicité le plus faible (1,28
du médicament incriminé. Néanmoins, les anomalies pour 100 000 patients-années) [21]. Néanmoins, un
hépatiques peuvent persister plusieurs mois, notam- décès a été rapporté chez un patient alcoolique sevré
ment dans les formes cholestatiques [25, 52, 122]. depuis 5 semaines [36]. La période de latence était de
Une corticothérapie en cure courte pourrait être justi- 2 semaines et l’hépatite était de type immuno-aller-
fiée chez les patients ayant des signes d’hypersensibi- gique (voir Tableau 26-II). Un autre cas d’hépatite
lité sans amélioration de la fonction hépatique après aiguë mixte (ALAT à 7,5 fois la normale ; phospha-
l’arrêt de l’antidépresseur causal. Compte tenu de sa tases alcalines à 2,9 fois la normale), associant des
bonne tolérance, l’acide ursodésoxycholique pourrait anticorps antinucléaires, survenu après 1 mois de
être administré en cas de cholestase prolongée, même traitement par sertraline (50 mg/j), a été publié [47].
si son utilité est controversée [119]. La transplanta- Les enzymes du foie s’améliorent en général rapide-
tion hépatique reste le seul traitement pour les formes ment après l’arrêt de la sertraline, mais des anomalies
graves d’insuffisance hépatocellulaire (par exemple, peuvent persister jusqu’à 6 mois. Un cas de réintro-
pour la néfazodone) [9, 69, 110]. Elle est systémati- duction a conduit a une récidive rapide des anomalies
quement envisagée en présence de signes de gravité : des enzymes hépatiques [93].

287
To l é r a n c e

Comme pour les autres ISRS, des cas isolés d’hépa- (voir Tableau 26-II). L’hépatotoxicité ne semble pas
totoxicité ont été rapportés pour la fluoxétine, mais dépendre de la dose administrée car elle n’était que
aucun décès n’a été signalé. Le mécanisme est plutôt de 37,5 mg/j [94, 112]. Dans un cas, l’imputabilité
de type métabolique en l’absence des signes d’hyper- de la venlafaxine a été confirmée par une récidive à la
sensibilité et en présence d’une période de latence qui réintroduction du traitement [94]. Un cas d’hépatite
va jusqu’à une année (voir Tableau 26-II). fulminante nécessitant une transplantation hépatique
Seuls deux cas d’hépatite cytolytique liés à la prise a été rapporté chez une femme de 48 ans recevant de
de citalopram ont été rapportés (voir Tableau 26-II) la venlafaxine (75 mg/j) et de la trazodone (200 mg/j)
[68, 84]. Il s’agissait dans les deux cas d’une hépa- [34]. La venlafaxine est métabolisée par les iso-
tite cytolytique avec une latence de 3 à 8 semaines ; enzymes CYP 2D6 et CYP 3A4 (voir Tableau 26-III).
l’évolution était favorable en 2 à 3 mois avec l’arrêt La trazodone est également métabolisée par la voie
du citalopram. CYP 2D6 et peut inhiber les iso-enzymes CYP 3A4.
Une potentialisation réciproque des effets hépato-
toxiques pourrait donc être responsable de l’hépato-
Inhibiteurs de la recapture toxicité chez cette patiente.
de la sérotonine et de la noradrénaline
La duloxétine est l’antidépresseur dont l’effet hépa- Antidépresseurs atypiques
totoxique a été le mieux analysé. Dans les études
cliniques, une augmentation des transaminases L’incidence des effets hépatotoxique significatifs de
supérieure à 3 fois la normale a été observée chez la néfazodone, non disponible en France, est estimée
1,1 p. 100 de patients sous duloxétine par rapport à environ 28,9 cas pour 100 000 patients-années ;
à 0,3 p. 100 dans le groupe placebo [76]. Une série on note un cas de décès ou de transplantation pour
de sept cas de toxicité hépatique de type cytolytique 250 000-300 000 patients-années [33]. Une analyse
ou cholestatique survenus pendant les deux premiers des cas de toxicité hépatique induits par la néfazo-
mois de traitement a été récemment publiée [127]. done rapportés dans une base de données canadienne
Un ictère a été constaté dans six cas. Les tests hépa- montre la fréquence élevée de l’hépatotoxicité classée
tiques se sont normalisés dans un délai très variable comme sévère (81,3 p. 100) [120]. Dans 88 p. 100
de 3 semaines à 2 ans. Dans un cas, l’imputabilité de des cas, l’hépatite survient dans les six premiers mois
la duloxétine a été prouvée par une récidive rapide à de traitement. Un bilan hépatique préthérapeutique
la réintroduction du traitement. Un décès par insuf- ainsi que des bilans réguliers pendant les premiers
fisance hépatique survenu après une augmentation mois de traitement pourraient être utiles. La néfazo-
de la posologie de duloxétine de 30 à 60 mg/j a été done devrait être évitée chez les patients ayant une
rapporté ; dans ce cas, un traitement par mirtazapine réserve hépatique diminuée (cirrhose hépatique) car
aurait été ajouté, une interaction entre les deux molé- l’apparition d’une hépatite cytolytique sévère serait
cules n’étant ainsi pas exclue [46]. Une analyse des plus grave.
cas spontanément rapportés d’hépatotoxicité liée au La trazodone, non disponible en France, est égale-
traitement par duloxétine indique l’existence d’une ment potentiellement hépatotoxique. Six cas d’hépa-
atteinte hépatique sous-jacente dans 18 cas sur 58 tite ont été publiés (voir Tableau 26-II). Des hépatites
[127, 130]. Une étude récente de cohorte suggère que cytolytiques et cholestatiques ont été rapportées à des
la prévalence d’une maladie chronique du foie sous- doses qui variaient entre 50 et 500 mg/j. Un aspect
jacente chez les patients qui développent une toxicité histologique suggestif d’hépatite chronique associée
hépatique liée à la duloxétine est plus élevée [132]. à une persistance de l’élévation des transaminases
Ainsi, malgré son profil hépatotoxique similaire aux 6 mois après l’arrêt du traitement a également été rap-
autres ISRS, la prescription de la duloxétine devrait- porté [13]. Le mécanisme de l’atteinte hépatique sem-
elle généralement être évitée chez les patients ayant blait de type immuno-allergique (voir Tableau 26-II).
une hépatopathie chronique, en particulier s’il s’agit L’incidence des perturbations des tests fonction-
d’une cirrhose [121]. nels hépatiques sous bupropion se situe entre 0,1 et
Dans les études cliniques, l’incidence de l’aug- 1 p. 100 [51]. Sept cas isolés d’hépatite médica-
mentation des transaminases (> 3 fois la normale) menteuse de type cytolytique ou cholestatique ont
sous venlafaxine est de 0,4 p. 100 [108]. Neuf cas de été publiés. La toxicité hépatique est survenue au
toxicité hépatique liée à la venlafaxine ont été publiés cours des six premiers mois de traitement à des doses

288
R I S Q U E H É PAT I Q U E E T A N T I D É P R E S S E U R S

comprises entre 150 et 400 mg/j (voir Tableau 26-II). Deux patients ont développé une hépatite fulmi-
La présence d’auto-anticorps (antinucléaires, anti- nante après 4 mois de traitement par phénelzine (45
muscle lisse, anticorps antimitochondrie) [20, 54] ou et 120 mg/j), nécessitant une transplantation hépa-
des signes d’hypersensibilité (fièvre, éruption cutanée) tique [44]. Un autre patient a développé une hépatite
[11] dans certains cas suggèrent l’intervention d’un sévère qui a évolué vers une cirrhose hépatique après
mécanisme de type immuno-allergique. Deux décès 2 mois de traitement par phénelzine 60 mg/j [17].
potentiellement lié à l’effet hépatotoxique du bupro- Deux cas de toxicité hépatique probablement liés à la
pion ont été décrits ; dans un cas, le bupropion était prise de moclobémide ont été rapportés. Dans un cas, il
associé à du carbimazole [11] et, dans l’autre cas, à de s’agissait d’une hépatite cholestatique chez une femme
la paroxétine [54]. Par conséquent, l’imputabilité du de 85 ans qui avait auparavant reçu de la fluoxétine
bupropion n’est toujours évidente. depuis 5 mois [123] ; l’évolution a été fatale en
Deux cas de toxicité hépatique liée à la prise de mir- 12 jours. L’autre cas était une hépatite cytolytique
tazapine ont été publiés [52]. Les délais d’apparition d’évolution favorable à l’arrêt du traitement [43].
après le début de l’exposition à la mirtazapine étaient
de 1 et 3 ans, ce qui rend douteux l’imputabilité de la
mirtazapine. Néanmoins, dans les deux cas, les tests Agomélatine
hépatiques se sont normalisés en 3 à 5 mois à l’arrêt
L’agomélatine est un agoniste mélatoninergique,
du traitement.
antagoniste des récepteurs 5-HT2. Au cours des essais
cliniques, une élévation des transaminases (> 3 fois la
Antidépresseurs tricycliques normale) a été observée chez 1,1 p. 100 des patients
versus 0,7 p. 100 sous placebo, plus particulièrement
Une élévation asymptomatique des transaminases à la dose de 50 mg. Après l’arrêt du traitement, les
est souvent observée avec cette classe d’antidépres- transaminases sériques sont généralement revenues
seurs [101]. Toutefois, le risque de développer une à des valeurs normales. Un contrôle de la fonction
toxicité hépatique significative sous traitement par hépatique doit être réalisé chez tous les patients à l’ins-
antidépresseurs tricycliques (ATC) n’est que de 4 cas tauration du traitement, puis périodiquement, après
sur 100 000 patients-années [111]. Une insuffisance environ 6, 12 et 24 semaines de traitement. Le traite-
hépatocellulaire sévère nécessitant une transplanta- ment doit être arrêté si l’élévation des transaminases
tion hépatique ou avec évolution fatale est possible dépasse 3 fois la limite supérieure des valeurs nor-
[97, 102, 115]. Le nombre de cas de toxicité hépa- males et le contrôle devra être répété régulièrement
tique liée aux ATC a beaucoup diminué ces vingt der- jusqu’à un retour aux valeurs normales [99].
nières années, probablement du fait de la diminution
importante de leur prescription. L’hépatite peut être
cytolytique ou cholestatique (voir Tableau 26-II). Des
signes d’hypersensibilité (fièvre, éruption cutanée) P révention
sont possibles et suggèrent un mécanisme immuno-
allergique (voir Tableau 26-II). Une toxicité croisée
La surveillance après la mise sur le marché d’un nou-
entre les différents ATC est vraisemblable du fait de
veau médicament est essentielle. Un dosage régulier
leur structure moléculaire commune à trois anneaux
des ALAT pourrait permettre d’identifier les atteints
[64]. De plus, l’imipramine est métabolisée par le foie
hépatiques asymptomatiques et permettrait d’arrêter
en désipramine et l’amitriptyline en nortrptyline. Il
précocement de l’antidépresseur responsable. Un bilan
est donc prudent d’éviter la prescription du métabo-
hépatique minimal (transaminases, bilirubine, phos-
lite après la survenue d’une hépatotoxicité à la molé-
phatases alcalines) pourrait être utile avant de prescrire
cule mère.
un antidépresseur : il permettrait d’obtenir un bilan
de référence avant toute introduction médicamen-
Inhibiteurs de monoamine oxydase teuse et de dépister certaines hépatopathies, en parti-
culier la stéatopathie non alcoolique (NASH, atteinte
A l’exception de l’iproniazide, qui a été retiré du hépatique liée au syndrome métabolique). Un dosage
marché pour sa toxicité hépatique (voir Tableau 26-II), mensuel des ALAT pendent les six premiers mois de
les inhibiteurs de la monoamine oxydase (IMAO) ont traitement peut être recommandé pour les antidépres-
rarement été impliqués dans des cas d’hépatotoxicité. seurs dont l’hépatotoxicité est de type métabolique

289
To l é r a n c e

idiosyncrasique (voir Tableau 26-II). Même s’il 14. Bell LN, Chalasani N. Epidemiology of idiosyncra-
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293
S pécificités liées
au terrain
............
27
E nfants et adolescents
........
D. Purper-Ouakil

L’évaluation de l’efficacité et de la tolérance des trai- des essais cliniques. Comme dans la plupart des essais
tements psychotropes nécessite des études spécifiques randomisés contre placebo, l’existence d’idées suici-
en population pédiatrique, du fait des particularités daires ou d’antécédents de tentatives de suicide est un
cliniques et pharmacologiques dans cette population. facteur d’exclusion, la généralisation des données à
Le développement d’essais cliniques chez l’enfant et une population « tout venant » n’est pas aisée.
l’adolescent s’est intensifié ces dernières années, grâce Ce chapitre propose une mise au point des spéci-
à des mesures incitatives et à un nouveau cadre régle- ficités pédiatriques concernant la pharmacologie et
mentaire, visant à faciliter la qualité de l’information les modalités de prescription des antidépresseurs ainsi
relative aux médicaments en pédiatrie. Le règlement qu’une revue des données d’efficacité et de tolérance
du Parlement européen de janvier 2007 prévoit des antidépresseurs dans leurs principales indications
qu’un plan d’investigation pédiatrique soit proposé en population pédiatrique.
dans le développement de tout nouveau produit. Il
a conduit à la mise en place de bases de données spé-
cifiques (Eudract, Eudrapharm) et est à l’origine du F amilles chimiques
comité pédiatrique de l’European Medicines Agency
(EMEA).
La nécessité de prendre en compte les spécificités Tricycliques
de la population pédiatrique en psychopharmacolo-
gie est bien illustrée par l’exemple des antidépresseurs,
dont certains effets psychocomportementaux tels que Particularités pharmacocinétiques
les idées et tentatives de suicide émergeant sous trai- Le mécanisme d’action des tricycliques consiste en
tement concernent les enfants, les adolescents et les une inhibition de la recapture synaptique de la nora-
adultes jeunes. drénaline et de la sérotonine. Les chefs de file de cette
La meilleure connaissance des risques liés aux trai-
®
classe sont l’imipramine (Tofranil ), la clomipramine
tements pharmacologiques ne doit pas faire oublier
® ®
(Anafranil ), l’amitryptiline (Laroxyl ) et la désipra-
que les troubles dépressifs et anxieux de l’enfant et de
l’adolescent ne sont pas des pathologies bénignes et ®
mine (Pertofran ). Les tricycliques sont métabolisées
plus rapidement chez l’enfant que chez l’adulte et
que le contrôle des symptômes est un enjeu impor- ont de ce fait un pic plasmatique plus précoce et une
tant en termes de fonctionnement psychosocial, de demi-vie plus brève. Ce métabolisme rapide résulte
qualité de vie, mais également pour la réduction du de différentes particularités pharmacocinétiques : une
risque suicidaire. La prescription des antidépresseurs absorption intestinale plus rapide, un premier passage
chez le sujet jeune nécessite une évaluation soigneuse hépatique important, une plus faible fixation aux pro-
du rapport bénéfices/risques des antidépresseurs qui téines plasmatiques et une augmentation du volume de
doit tenir compte des données de la littérature et de distribution. L’action des tricycliques est donc moins
la situation personnelle et familiale du patient. Cette prolongée chez l’enfant que chez l’adulte, nécessitant
évaluation est complexe, notamment parce que la des prises fractionnées (2 à 3 prises dans la journée).
majorité des données disponibles concernent une Par ailleurs, les taux plasmatiques sont variables chez
population très sélectionnée, celle des participants à l’enfant ; ils sont corrélés à l’effet thérapeutique, mais

297
Spécificités liées au terrain

aussi à la cardiotoxicité, ce qui justifie une surveillance PR > 0,20 s, QRS > 0,12 s, QTc > 0,48 s, pouls supé-
biologique chez le sujet jeune. rieur à 100 au repos (110 chez les enfants de moins
de 10 ans) et tension artérielle supérieure à 15/9,5.
Tolérance Dans tous les cas, l’arrêt du traitement doit être pro-
gressif sur plusieurs semaines pour éviter des signes de
Les effets secondaires des tricycliques sont le plus sevrage tels que l’anxiété, l’agitation et des troubles du
souvent bénins, mais peuvent être gênants, condui- sommeil.
sant parfois à l’arrêt prématuré du traitement. Une
augmentation progressive de la posologie permet d’en
réduire le risque. Parmi les plus fréquents, les effets
Inhibiteurs sélectifs de la recapture
centraux tels que l’asthénie et la somnolence diurne
s’estompent en quelques semaines. Les effets anticho- de la sérotonine
linergiques périphériques comprennent la sécheresse
buccale, les troubles de l’accommodation, la constipa- Particularités pharmacocinétiques
tion et la rétention urinaire. Des variations de poids Les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine
(prise de poids le plus souvent) peuvent survenir après
®
(ISRS) comprennent la fluoxétine (Prozac ), la flu-
quelques semaines de traitement. Les effets cardio-
®
voxamine (Floxyfral ), la paroxétine (Deroxat ),
®
vasculaires comprennent une hypotension orthosta-
®
la sertraline (Zoloft ) le citalopram (Seropram )
®
tique, une élévation de la tension artérielle (surtout
diastolique). À l’ECG, une augmentation modérée ®
et l’escitalopram (Seroplex ). Le mode d’action de
ces antidépresseurs est une inhibition de la recapture
de l’intervalle PR et un élargissement du complexe synaptique de la sérotonine. Les ISRS se différen-
QRS peuvent apparaître. Les effets occasionnels com- cient par leur spécificité et leur potentiel inhibi-
prennent l’apparition de mouvements anormaux (tics, teur : in vitro, la sertraline et la paroxétine sont des
tremblements, incoordination), des effets cutanés inhibiteurs plus puissants que la fluoxétine, et la
(rash, photosensibilisation), un virage de l’humeur, sertraline est le seul ISRS qui inhibe significative-
des crises comitiales par diminution du seuil épilep- ment la recapture de la dopamine. La demi-vie est
togène. Les effets sévères sont généralement dose- également variable selon les molécules : la fluoxétine
dépendants : confusion mentale, cardiotoxicité avec a une demi-vie de 8 jours avec des doses répétées
syndrome du QT long. Le surdosage est potentielle- mais son métabolite actif, la norfluoxétine, a une
ment létal par troubles du rythme cardiaque, état de demi-vie comprise entre 7 et 19 jours. Les autres
mal épileptique, collapsus et arrêt respiratoire. ISRS ont une demi-vie entre 12 et 36 heures. La
demi-vie peut orienter le choix de la molécule : en
Modalités de prescription cas de défaut d’observance, une molécule à demi-vie
longue est à privilégier, mais si des associations ou
Le bilan préthérapeutique comprend un examen des relais médicamenteux sont prévus, une demi-
clinique avec mesure de la taille, du poids, du pouls vie courte rendra le traitement plus maniable. Les
et de la tension artérielle, une recherche d’atteintes taux plasmatiques sont variables et non corrélés à
cardiaques chez l’enfant et dans sa famille. Les exa- l’effet thérapeutique, ce qui rend inutile leur usage
mens complémentaires comprennent un ECG et un en pratique courante. Le métabolisme des ISRS est
bilan hépatique ainsi qu’un test de grossesse chez la hépatique par l’intermédiaire des iso-enzymes du
jeune fille. La posologie est adaptée progressivement cytochrome P450 (impliquant surtout l’iso-enzyme
par paliers de 25 mg jusqu’à une dose de 1-3 mg/ CYP2D6). L’inhibition de l’iso-enzyme CYP2D6
kg/j en deux à trois prises. La surveillance est clinique est plus importante avec la fluoxétine et la paroxé-
(poids, taille, pouls, tension artérielle) et biologique. tine qu’avec la fluvoxamine et la sertraline. Les taux
Le dosage des taux plasmatiques est réalisé à J7 et à plasmatiques sont influencés par les polymorphismes
chaque changement de dose. Les taux plasmatiques génétiques du cytochrome P450 ; 6 à 10 p. 100 de la
efficaces se situent entre 130-250 ng/ml pour l’imi- population sont des métaboliseurs lents. Des varia-
®
pramine (Tofranil ) et 80-200 ng/ml pour la clomi- tions génétiques des enzymes du métabolisme, des
®
pramine (Anafranil ) et l’amitryptiline (Laroxyl ).
Un ECG est recommandé aux changements de dose
® récepteurs sérotoninergiques et des transporteurs
peuvent être impliquées dans la survenue d’effets
puis tous les trois mois. Il est nécessaire d’inter- adverses, dans les effets thérapeutiques et dans les
rompre le traitement devant l’un des signes suivants : interactions médicamenteuses.

298
ENFANTS ET ADOLESCENTS

Tolérance (iso-enzymes A et B) ne sont pas recommandés chez


le sujet jeune du fait d’effets indésirables potentiel-
Les ISRS sont mieux tolérés que les antidépres-
lement sévères, de nombreuses interactions médica-
seurs de première génération (tricycliques et IMAO)
menteuses et alimentaires et de l’absence de données
et moins dangereux en cas de surdosage. Les effets
dans cette population. Les inhibiteurs réversibles et
secondaires les plus fréquents sont observés dans
sélectifs de la MAO-A, plus récents, ont un potentiel
10-30 p. 100 des cas chez l’enfant et l’adolescent. Ils
d’interaction réduit ; leur chef de file est le moclobé-
se manifestent surtout en début de traitement et leur
apparition est prévenue par l’augmentation progres-
mide (Moclamine ).
®
Les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et
sive de la posologie. Ces sont les effets gastro-intes-
de la noradrénaline (IRSNa), comme la venlafaxine
tinaux (nausées, dyspepsie, diarrhée), les variations
pondérales, l’irritabilité, l’insomnie, la sédation, ®
(Effexor ), ont des propriétés similaires à celles des
tricycliques sans partager leurs effets anticholiner-
l’impatience motrice, la bouche sèche. Les effets occa-
giques, histaminiques et a-adrénergiques. La venla-
sionnels sont le virage de l’humeur, la survenue de
crises d’épilepsie, les rashs ou réactions allergiques, ®
faxine (Effexor ) inhibe modérément l’iso-enzyme
CYP 2D6. Ses effets indésirables les plus fréquents
les troubles sexuels. Le syndrome « amotivationnel »
est parfois difficile à distinguer d’une symptomato- sont des nausées, la sécheresse buccale, la somnolence
logie dépressive séquellaire : il comprend une perte et la constipation. Une élévation dose-dépendante
de l’initiative, des troubles mnésiques subjectifs, une de la pression artérielle existe dans 3 p. 100 des cas
sensation de distance avec le monde environnant. Des chez l’adulte. Les taux plasmatiques de venlafaxine
syndromes extrapyramidaux, une sécrétion inappro- sont plus faibles chez l’enfant et l’adolescent que chez
priée d’hormone antidiurétique et des syndromes du l’adulte pour une dose de 2 mg/kg/j.
canal carpien sont décrits avec la fluoxétine. Le syn-
drome sérotoninergique est généralement lié à des
®
La miansérine (Athymil ) est un antidépresseur
tétracyclique dépourvu d’effets anticholinergiques et
associations de traitements sérotoninergiques : il se
caractérise par une agitation, des troubles gastro-intes-
de toxicité cardiaque. La mirtazapine (Norset ) est
®
un analogue structurel de la miansérine bloquant les
tinaux, des frissons et des tremblements. récepteurs a2 et augmentant la libération de sérotonine
et de noradrénaline. Ces deux dernières molécules on
un profil sédatif et sont susceptibles de provoquer un
Modalités de prescription gain de poids.
Les traitements par ISRS sont augmentés et dimi-
nués progressivement chez l’enfant et l’adolescent. Le
bilan préthérapeutique comprend un examen clinique E ffets psychocomportementaux
avec mesure du poids, de la taille, du pouls et de la ten-
sion artérielle. Certains auteurs recommandent aussi un des antidépresseurs
bilan hépatique. La surveillance est clinique, avec une chez le sujet jeune
attention particulière aux effets psychocomportemen-
taux (virage de l’humeur, irritabilité/hostilité, suicida-
lité). Dans la plupart des indications, l’efficacité doit La suicidalité émergeant sous traitement concerne
être évaluée entre 8 et 12 semaines de traitement, en l’apparition d’idées ou d’actes suicidaires survenant au
raison de la possibilité de réponses thérapeutiques tar- cours d’un traitement. On y associe parfois les auto-
dives. En raison de données précliniques montrant des mutilations sans visée suicidaire explicite. Le risque de
effets de certains ISRS sur la maturation sexuelle chez survenue d’idées et de comportements suicidaires chez
le rongeur, une surveillance et un bilan endocrinien les enfants et adolescents (et adultes jeunes) traités par
sont recommandés chez les enfants prépubères exposés antidépresseurs a fait l’objet d’une mise en garde,
à long terme aux antidépresseurs sérotoninergiques [2]. dès 2002, par la Medicines and Healthcare Products
Regulatory Agency [MHRA] au Royaume-Uni [21].
Les données, issues de vingt-quatre essais cliniques,
Antidépresseurs non tricycliques, analysées par la Food and Drug Administration
non ISRS (FDA) aux États-Unis montrent que le risque de
survenue d’événements en relation avec le suicide
Les IMAO de première génération, inhibiteurs (tentatives de suicide, idéation suicidaire) est multi-
non sélectifs et irréversibles de la monoamine oxydase plié par 1,8 (de 1,7 à 2,2 selon les antidépresseurs)

299
Spécificités liées au terrain

chez les jeunes patients traités par antidépresseur par Les mécanismes associés à la suicidalité émer-
rapport à ceux recevant un placebo. Cette analyse a geant sous traitement sont inconnus. L’activation
concerné neuf antidépresseurs ISRS et non ISRS comportementale (avec anxiété, irritabilité, agita-
chez plus de 4 500 patients. Les indications com- tion) induite par les antidépresseurs au cours des
prenaient l’épisode dépressif majeur (seize essais), le premières semaines de traitement est une hypothèse
trouble obsessionnel-compulsif (TOC) (deux essais), possible. Cependant, les données issues des essais cli-
le trouble anxieux généralisée (deux essais), la phobie niques chez l’enfant et l’adolescent n’ont pas permis
sociale (un essai) et le trouble déficitaire de l’atten- de mettre en évidence des prodromes à type d’acti-
tion avec hyperactivité (un essai). Une distinction vation et ont surtout mis en relation la suicidalité
était faite par les experts de l’université de Columbia émergente sous traitement avec l’amélioration insuf-
entre effets suicidaires (tentative de suicide, idéation fisante de la symptomatologie dépressive [45]. Une
suicidaire, préparation suicidaire), effets non suici- étude prospective chez des enfants et adolescents en
daires (accidents, auto-agressivité sans intention sui- population clinique a montré une diminution des
cidaire) et actes auto-agressifs avec intentionnalité idées et comportements suicidaires dans les trois pre-
inconnue. Les risques relatifs (RR) pour les effets miers mois du traitement antidépresseur, passant de
suicidaires s’échelonnent entre 0,92 (IC 95 p. 100 : 47,1 à 22,9 p. 100. La persistance de ces comporte-
0,53-3,5) pour les essais conduits par l’industrie avec ments au cours du traitement était associée à la sévé-
la fluoxétine et 4,97 (IC 95 p. 100 : 1,09-22,72) avec rité initiale de la suicidalité, à la présence de traits
la venlafaxine. Pour l’ensemble des études, le RR est psychotiques et d’un trouble de la personnalité bor-
de 1,95 (IC 95 p. 100 : 1,28-2,98). Globalement, la derline [25]. Une autre étude de suivi de 28 semaines
différence de risque (RD), qui estime l’augmentation montre que les antécédents de comportements sui-
absolue de risque due au traitement, est de 2-3 p. 100, cidaires (et d’auto-mutilations) ainsi que les dys-
c’est-à-dire que sur 100 patients traités, on pourrait fonctionnements familiaux sont des prédicteurs de
attendre chez deux à trois sujets des effets suicidaires tentative de suicide chez les enfants et adolescents
liés au traitement. Notons aussi qu’il n’y a aucun recevant un antidépresseur [50]. Schneeweiss et al.
suicide parmi les patients inclus dans ces essais thé- [40] ont réalisé une étude sur une cohorte d’enfants
rapeutiques, et les analyses a posteriori ne montrent et adolescents déprimés suivis 9 ans, pour compa-
pas d’augmentation des scores d’idéation suicidaire rer le taux de suicide et de tentatives de suicide en
des échelles d’hétéro-évaluation. Les idées et actes sui- fonction du type d’antidépresseur. Cette étude ne
cidaires étant susceptibles de survenir au-delà du pre- montrait pas de différences significatives entre les
mier mois de traitement, une surveillance appropriée antidépresseurs (fluoxétine, citralopram, paroxétine,
doit donc être maintenue après la phase aiguë [45]. sertraline, tricycliques) pour les actes suicidaires. Au
La FDA a imposé un label black box inscrit sur cours de la première année de traitement antidépres-
l’emballage de tous les antidépresseurs aux États- seur, 266 tentatives de suicide et trois suicides ont
Unis, prévenant les consommateurs d’un risque été observés chez les 20 906 enfants et adolescents
d’idées ou de comportements suicidaires potentielle- ayant reçu un antidépresseur, ce qui revient à un
ment induit par ces produits, sans toutefois contre- taux de 27,04 actes suicidaires pour 314 000 per-
indiquer leur usage. En France, l’Afssaps a publié des sonnes par an.
recommandations pour le bon usage des antidépres-
seurs en population pédiatrique ; celles-ci mettent
l’accent sur l’évaluation de l’indication (réponse
insuffisante aux prises en charge psychothérapiques, T olérance à long terme ,
degré de sévérité de la dépression) et la surveillance
toxicité et risque létal
de ces traitements [2].
L’évaluation de la suicidalité émergeant sous trai-
tement pose plusieurs problèmes : d’une part, elle Peu de données sont disponibles sur les effets à long
est difficile à différencier de la suicidalité associée terme des traitements antidépresseurs. En raison de
au trouble dépressif lui-même et, d’autre part, les données précliniques montrant des effets de certains
évaluations et procédures de signalement des effets ISRS sur la maturation sexuelle chez le rongeur, une
indésirables (dans les essais comme en notification surveillance et un bilan endocrinien sont recomman-
spontanée) sont souvent incomplètes et reposent sur dés chez les enfants prépubères exposés à long terme
des mesures non spécifiques. aux antidépresseurs sérotoninergiques [2].

300
ENFANTS ET ADOLESCENTS

Les antidépresseurs font régulièrement l’objet de E fficacité des antidépresseurs


surdosages accidentels ou volontaires, c’est pourquoi
dans leurs principales
leur toxicité en termes de risque létal est importante à
connaître. Des données récentes relatives aux rapports indications pédiatriques
« nombre de décès par nombre de prescriptions » et
« nombre de décès par nombre de tentatives de sui-
cides par ingestion d’antidépresseurs » confirment Épisode dépressif majeur du sujet jeune
la toxicité élevée des antidépresseurs tricycliques. La (Tableau 27-I)
venlafaxine et la mirtazapine, ont tous deux une toxi-
cité moins importante que les tricycliques, mais plus Les antidépresseurs tricycliques n’ont pas montré
élevée que les ISRS [22]. de bénéfice thérapeutique significatif dans les essais
cliniques menés dans l’épisode dépressif majeur en
population pédiatrique [22]. Les données des essais
thérapeutiques randomisés versus placebo des anti-
P harmaco - épidémiologie dépresseurs de seconde génération figurent dans le
des antidépresseurs tableau 27-I. Une méta-analyse de quatre-vingt-huit
en population pédiatrique essais cliniques d’antidépresseurs chez le sujet jeune a
montré que seule la fluoxétine a un bénéfice thérapeu-
tique supérieur au placebo [6], bien que la venlafaxine
La prescription pédiatrique des antidépresseurs et la sertraline semblent cependant utiles chez les ado-
dans les pays industrialisés a d’abord connu une lescents dans les analyses en sous-groupe.
nette augmentation depuis la commercialisation La réponse au placebo, classiquement élevée dans
des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la séro- les troubles internalisés du sujet jeune, pose des
tonine (ISRS), mais les taux de prescription dimi- problèmes pour la mise en évidence du bénéfice
nuent depuis 2004, après l’information relative aux
risques psychocomportementaux liés à ces traite-
ments [3, 43]. En France, le taux de prescription
des ISRS en population pédiatrique, estimé en 2004 NNT 3-4
à partir de bases de données de deux caisses d’assu- 0,69 Anxiété (non TOC)
NNH 143
rance maladie, est de 0,5 p. 100. À partir de l’âge
de 14 ans, les taux de prescription deviennent plus
importants chez les filles que chez les garçons, mais
NNT 6
augmentent avec l’âge dans les deux sexes. À 18 ans, 0,46 TOC
le taux de prescription atteint 2,2 p. 100 chez les NNH 200
filles, soit environ le double de celui des garçons
du même âge [1]. Les résultats des études épidé-
miologiques montrent une relation inverse entre le Épisode dépressif NNT 10
nombre de suicides chez les adolescents et le taux 0,25 majeur NNH 112
de prescription des antidépresseurs sérotoniner-
giques, mais ne permettent pas de déduire un rap-
port de cause à effet [34]. Dans une étude danoise
Taille d’effet
examinant les relations entre suicide d’enfants et thérapeutique
adolescents et ISRS, l’association entre suicide et
traitement par ISRS n’est pas significative, et il est à
Figure 27-1. – Gradient du risque bénéfices/risques
noter qu’aucun des trente-sept garçons (âgés de 10 des antidépresseurs et tailles d’effet thérapeutique dans
à 17 ans) décédés par suicide n’avait reçu d’ISRS au les principales indications pédiatriques. NNH : number
cours des cinq ans précédent le décès [44]. Le taux needed to harm (nombre de patients à traiter pour un
d’exposition de jeunes suicidés aux antidépresseurs effet psychocomportemental) ; NNT : number needed
apparaît également très faible dans d’autres études : to treat (nombre de patients à traiter pour un bénéfice
1,6 p. 100 dans l’étude de Dudley [9]. thérapeutique).

301
Spécificités liées au terrain

Tableau 27-I. – Essais cliniques randomisés contrôlés en double aveugle versus placebo des antidépresseurs de
nouvelle génération dans l’épisode dépressif majeur de l’enfant et de l’adolescent.

Auteurs Sujets(1) Durée Produit (posologie) Efficacité

Simeon, 1990 [42] 40 8 sem Flx 20-60 mg NS

Emslie, 1997 [10] 96 5 sem Flx 20 mg Flx > Pla ; CGI-I : Flx 56 p. 100 versus Pla
33 p. 100 (p = 0,02)
Rémission Flx 3 p. 100 versus 23 p. 100

Mandoki, 1997 [27] 40 6 sem Ven 37,5-75 mg NS

Milin, 2000 [33] 286 12 sem Par NS

Keller, 2001 [24] 180 8 sem Par 20-40 mg Par > Pla(2) ; CGI-I : 66 p. 100 versus 48 p. 100
Imi 200-300 mg (p = 0,02)
Rémission Par 63,3 p. 100 versus Pla 46 p. 100
Imi versus Pla : NS

Emslie, 2002 [12] 219 9 sem Flx 20 mg Flx > Pla(3)


CGI-I Flx 52 p. 100 versus 37 p. 100 (p = 0,03)
Rémission Flx 41,3 p. 100 versus Pla 19,8 p. 100
(< 0,01)

Wagner 2003 [47] 376 10 sem Ser 50-200 mg Ser > Pla (seulement sur effectif global)
(2 études) Répondeurs CDRS-R Ser 63 p. 100 versus
53 p. 100 (p = 0,05)

March, 2004 [29] 439 12 sem Flx 10-40 mg Flx > Pla
(TADS) Flx, TCC, Comb, Pla CGI-I : Flx 60,6 p. 100 versus Pla 34,8 p. 100
Comb > Flx (p = 0,02) ; Comb > TCC
(p = 0,01)
Flx > TCC (p = 0,01)

Wagner, 2004 [48] 174 8 sem Cit 20-40 mg Cit >Pla


CGI-I : 47 p. 100 versus 45 p. 100 (NS mais
critère secondaire)
Cit 36 p. 100 versus Pla 24 p. 100 (p. 100
réponse CDRS-R)

Emslie, 2006 [12] 206 8 sem Par 10-50 mg NS (score CDRS-R critère principal)
CGI-I : Par 49 p. 100 versus Pla 46 p. 100

Von Knorring, 2006 [46] 244 12 sem Cit NS

Emslie, 2007 [13] 335 8 sem Ven NS sur critère principal (score CDRS-R)
(2 études) Ven > Pla (adolescents : analyse post-hoc)

Wagner, 2006 [49] 264 8 sem Esc 10-40 mg NS sur critère principal (score CDRS-R)
Esc > Pla (adolescents : analyse post-hoc)

Emslie, 2009 [15] 307 8 sem Esc 10-20 mg Esc > Pla
Score CDRS-R (p = 0,02)

CDRS-R : children depression rating scale-revised ; Cit : citalopram ; (2) La différence significative ne concerne qu’un critère principal sur les
Comb : traitement combiné TCC + Flx ; Esc : escitalopram ; Flx : deux critères définis a priori dans cette étude.
fluoxétine ; Par : paroxétine ; Ser : sertraline ; Ven : venlafaxine. (3) Aucune différence significative n’est observée en revanche sur le taux
(1) Les études de Siméon, Milin, Keller, March, Von Knorring et Emsie de répondeurs (CDRS-R diminuée d’au moins 30 p. 100).
(2009) concernent des adolescents, toutes les autres incluent des enfants
et des adolescents.

302
ENFANTS ET ADOLESCENTS

thérapeutique des antidépresseurs. Dans une analyse Concernant les dépressions résistantes, peu de
des essais cliniques réalisés chez l’enfant et l’ado- données sont disponibles concernant le sujet jeune.
lescent ayant des troubles internalisés, l’effet placebo L’étude Treatment of SSRI-Resistant Depression in
dépend du type de trouble, les taux de réponse au Adolescents (TORDIA) réalisée chez 334 adolescents
placebo étant plus élevés dans les troubles dépressifs de 12 à 18 ans ayant un épisode dépressif majeur
que dans les troubles anxieux [8]. Le second aspect n’ayant pas répondu à une phase de traitement de
limitant l’interprétation des résultats des études cli- 2 mois par un ISRS comportait un changement de
niques est la difficulté à généraliser leurs données à thérapeutique avec quatre modalités : autre ISRS,
des populations cliniques standard. Les études col- autre ISRS + TCC, venlafaxine, venlafaxine + TCC.
laboratives à financement public qui se développent Cette étude a montré un avantage du traitement com-
depuis quelques années tendent à inclure des patients biné (taux de réponse : 54,8 p. 100 [IC 95 p. 100 :
plus proches de la réalité du terrain et comprennent 47-62 p. 100] versus 40,5 p. 100 [IC 95 p. 100 :
parfois une comparaison avec des traitements non 33-48 p. 100] pour les groupes avec médicament seul,
médicamenteux. Par exemple, l’étude Treatment for p = 0,009). Les groupes recevant l’ISRS et la venla-
Adolescents with Depression Study (TADS) réalisée faxine n’étaient pas différents en termes d’efficacité,
chez 439 adolescents a comparé trois conditions : mais les ISRS étaient mieux tolérés [5].
fluoxétine combinée à une thérapie cognitivo-com- Deux de ces essais multicentriques sur trois
portementale (TCC), fluoxétine seule, TCC seule montrent une supériorité du traitement combiné
et placebo. Les résultats montrent que le traitement (antidépresseur et TCC), avec une amélioration des
combiné est supérieur aux autres modalités thérapeu- symptômes dépressifs chez environ 60 p. 100 des
tiques dans les premières semaines, mais que le groupe sujets. Le traitement antidépresseur permet d’accélé-
TCC rejoint le groupe fluoxétine à 18 semaines et le rer l’amélioration de la symptomatologie dépressive
groupe recevant le traitement combiné à 32 semaines avec un effet maximal obtenu en 18 semaines dans
[31]. D’après cette étude, la TCC semble la plus sûre l’étude TADS. Dans cette dernière étude, il est à noter
en termes d’effets secondaires, alors que le traitement que seuls 31 p. 100 des enfants et adolescents recevant
combiné permet d’accélérer l’effet thérapeutique ; en le traitement combiné répondent au critère de rémis-
revanche, c’est le traitement par fluoxétine seule qui sion complète à 12 semaines, indiquant que l’épisode
est le moins coûteux. Dans l’étude TADS, l’adjonc- dépressif majeur reste un trouble difficile à traiter,
tion d’une TCC au traitement par fluoxétine était même dans des conditions thérapeutiques intensives.
associée à un moindre taux d’événements suicidaires Par ailleurs, des essais similaires sont nécessaires dans
(idées et tentatives de suicide), mais cet effet protec- une population plus jeune puisque les études précé-
teur potentiel n’a pas été répliqué dans des études plus dentes concernent principalement l’adolescent.
récentes. Les analyses a posteriori montrent que, dans Quelques études de prévention de la rechute ou
la dépression, le bénéfice thérapeutique augmente phases d’extension renseignent sur l’évolution à
avec l’âge ; il est plus important chez l’adolescent que moyen terme. Dans une étude de prévention de la
chez l’enfant. Il diminue avec la durée d’évolution de rechute, Emslie et al. [14] ont traité 168 enfants et
la dépression. adolescents âgés de 7 à 18 ans par fluoxétine en ouvert
L’étude Adolescents Depression and Psychotherapy pendant 12 semaines, puis randomisé les répondeurs
Trial (ADAPT) a des conditions d’inclusion moins (n = 102) entre la fluoxétine et un placebo pour
restrictives que la plupart des essais cliniques. Les sujets 6 mois. Les critères d’évaluation principaux étaient
sont inclus lorsqu’ils ne répondent pas à quelques le nombre de rechutes et le délai de rechute. Vingt
entretiens psychothérapiques ; 208 adolescents de et un patients (42 p. 100) recevant de la fluoxétine
11 à 17 ans ont reçu un traitement antidépresseur ont rechuté, contre trente-six (69 p. 100) sous pla-
(en majorité de la fluoxétine) en association avec une cebo. En outre, le délai de rechute était significative-
TCC ou l’accompagnement habituel en milieu spé- ment plus court dans le groupe placebo. Dans l’étude
cialisé. Cette étude n’a pas montré de bénéfice signi- TORDIA (dépression résistante), les données d’évo-
ficatif de la TCC par rapport aux soins courants en lution à 24 semaines montrent que 39 p. 100 des ado-
service spécialisé chez les adolescents déprimés rece- lescents traités sont en rémission, quelle que soit la
vant un traitement antidépresseur. Elle a également modalité thérapeutique. La probabilité de rémission à
montré que 4 p. 100 de l’échantillon initial de ces 24 semaines et la rapidité de l’entrée en rémission sont
adolescents déprimés répondait à une intervention fortement associées à l’amélioration clinique constatée
psychothérapique brève [7, 20]. à 12 semaines. À l’évaluation initiale, des scores faibles

303
Spécificités liées au terrain

Tableau 27-II. – Essais cliniques randomisés, contrôlés en double aveugle versus placebo des antidépresseurs de
nouvelle génération dans les troubles anxieux (non TOC) de l’enfant et de l’adolescent.

Auteurs Sujets(1) Durée Produit (posologie) Efficacité


Indication

Rynn, 2001 [38] 22 9 sem Ser (dose max 50 mg) Ser > Pla scores HAM-A
TAG CGI-I et CGI-S (p < 0,001)

RUPP, 2001 [39] 128 8 sem Flu (dose max 200 mg) Flu > Pla
PS, TAS, TAG Score PARS (p < 0,001)
CGI-I : Flu 76 p. 100 versus Pla 29 p. 100 (p < 0,001)

Birmaher, 2003 [4] 74 12 sem Flx Flx > Pla


PS, TAS, TAG CGI-I : Flx 61 p. 100 versus 35 p. 100

Wagner, 2004 [48] 322 16 sem Par Par > Pla


PS CGI-I : Flx 77,6 p. 100 versus 38,3 p. 100 (p < 0,001)

Rynn, 2007 [40] 320 8 sem Ven-ER (37,5-225 mg) Critère principal score composite TAG
2 essais TAG
Ven-ER >Pla dans une étude sur deux
Ven-ER > Pla dans échantillon global
Répondeurs CGI-I : Ven-XR 69 p. 100 versus 48 p. 100

March, 2007 [30] 293 16 sem Ven-ER (37,5-225 mg) Ven-ER > Pla
PS Score social anxiety scale : p = 0,001
CGI-I : Ven-ER 56 p. 100 versus 37 p. 100 (p < 0,05)

Flu : fluvoxamine ; Flx : fluoxétine ; HAM-A : échelle d’anxiété de trouble anxieux de séparation ; Ven-ER : venlafaxine-libération prolongée.
Hamilton ; Par : paroxétine ; PARS : pediatric anxiety rating scale ; PS : (1) Toutes les études sont menées sur des échantillons comprenant des
phobie sociale ; Ser : sertraline ; TAG : trouble anxieux généralisé ; TAS : enfants et des adolescents.

de dépression, d’anxiété et de désespoir (en auto-éva- l’enfant ou de l’adolescent. Les données des essais
luation) étaient également prédictifs de rémission à comparant plusieurs modalités thérapeutiques vont
24 semaines. Parmi les 200 adolescents ayant répon- dans le sens d’une supériorité du traitement combiné
deurs à 12 semaines, 19,6 p. 100 ont rechuté durant (ISRS et TCC) par rapport à la TCC ou au traite-
la phase d’extension [16]. ment par ISRS seuls. Une méta-analyse de six essais
Des données de suivi naturalistique ont été publiées cliniques randomisés ayant porté sur 1 136 enfants
pour les participants à l’étude TADS [32]. Au cours et adolescents montre un taux de réponse sur le cri-
de cette période, les participants ne recevaient plus le tère d’efficacité principal (amélioration d’un score
traitement selon l’algorithme de l’étude, mais béné- d’anxiété global) de 69 versus 39 p. 100 pour le pla-
ficiaient des soins usuels. Les résultats indiquent que cebo. La survenue d’effets psychocomportementaux
les bénéfices thérapeutiques persistent un an après la (hostilité, idéation ou geste suicidaire) est possible et
fin de l’essai. nécessite une surveillance attentive ; un effet secon-
daire de ce type survient pour trente-six répondeurs
chez les enfants et adolescents traités pour un trouble
Troubles anxieux (sauf TOC) anxieux [6].
Le tableau 27-II résume les données des essais
randomisés versus placebo dans les troubles anxieux
du sujet jeune. Il y a des données probantes pour Trouble obsessionnel-compulsif
certains ISRS (sertraline, fluoxétine, fluvoxamine et
paroxétine) et pour un inhibiteur de recapture de la Le tableau 27-III résume les études contrôlées
sérotonine et de la noradrénaline (IRSNa) – la ven- contre placebo, toutes positives, sur l’efficacité
lafaxine. Néanmoins, aucune de ces molécules n’a des antidépresseurs de seconde génération dans le
une AMM dans l’indication des troubles anxieux de traitement du TOC chez l’enfant et l’adolescent.

304
ENFANTS ET ADOLESCENTS

Tableau 27-III. – Essais cliniques randomisés, en double aveugle et contrôlés versus placebo des antidépresseurs de
nouvelle génération dans le trouble obsessionnel-compulsif de l’enfant et de l’adolescent.

Auteurs Sujets(1) Durée Produit (posologie) Efficacité

Riddle, 1992 [36] 14 8 sem Flx (20 mg) Flx > Pla
Répondeurs : Flx 44 p. 100 versus 27 p. 100

March, 1998 [28] 187 12 sem Ser (max 200 mg) Ser > Pla
CYBOCS 25 p. 100 : Ser 53 p. 100 versus
Pla 27 p. 100
CGI Ser 42 p. 100 versus Pla 27 p. 100

Riddle, 2001 [37] 120 10 sem Flu (50-200 mg) Flu > Pla
Répondeurs : Flu 42 p. 100 versus Pla
26 p. 100

Geller, 2001 [17] 103 13 sem Flx (max 60 mg) Flx > Pla
Scores CY-BOCS p = 0,026

Liebowitz, 2002 [26] 43 16 sem Flx (max 80 mg) Flx > Pla
CGI Ser 57 p. 100 versus Pla 27 p. 100

Geller, 2004 [19] 203 10 sem Par (10-50 mg) Par > Pla
Scores CYBOCS (p = 0,002)

POTS, 2004 [35] 112 12 sem Ser (25-200 mg) Ser > Pla
Ser, TCC, Comb, Pla Comb > Ser (p = 0,006) Scores CYBOCS (p = 0,007)

Comb : traitement combinant médicament + TCC ; Flu : fluvoxamine ; (1) Toutes les études sont menées sur des échantillons comprenant des
Flx : fluoxétine ; Par : paroxétine ; Ser : sertraline. enfants et des adolescents.

Une méta-analyse de douze études, portant sur R apport bénéfices / risques


1 044 sujets confirme l’efficacité des antidépresseurs
sérotoninergiques par rapport au placebo [18]. Cette des antidépresseurs
étude ne met pas en évidence de différences signi- dans les principales indications
ficatives entre les différents ISRS pour lesquels des
pédiatriques
études contrôlées sont disponibles (fluoxétine, ser-
traline, fluvoxamine, paroxétine). En revanche, elle Le nombre de patients qu’il est nécessaire de traiter
confirme l’efficacité supérieure de la clomipramine, (number needed to treat [NNT]) pour observer un effet
un antidépresseur tricyclique, dans cette indication. thérapeutique significatif est estimé à six dans le TOC
Une autre méta-analyse de six essais thérapeutiques (contre dix dans les troubles dépressifs majeurs et trois
d’ISRS dans le TOC pédiatrique (n = 705) montre dans les troubles anxieux non TOC). En revanche,
également un taux de réponse en faveur des anti- le nombre de patients traités pour observer un effet
dépresseurs (52 versus 32 p. 100 pour le placebo) indésirable à type d’idéation ou de tentative de suicide
[6]. La fluvoxamine et la sertraline ont l’AMM (number needed to harm [NNH]) est de 200 dans le
aux États-Unis et en France dans le traitement du TOC (contre 112 dans les troubles dépressifs majeurs
TOC de l’enfant et de l’adolescent. Les ISRS sont et 143 dans les troubles anxieux non TOC), ce qui
actuellement le traitement pharmacologique de donne une idée du rapport bénéfices/risques dans
première intention du TOC chez l’enfant et l’ado- ces différentes indications [8]. Les données issues des
lescent. Le traitement combiné associant thérapie essais cliniques utilisant les antidépresseurs de seconde
cognitivo-comportementale (de type exposition avec génération chez des enfants et adolescents font ainsi
prévention de la réponse) et antidépresseurs est la apparaître un gradient dans le rapport bénéfices/
modalité ayant montré le bénéfice thérapeutique le risques des antidépresseurs. Ce gradient ne reflète pas
plus important [35]. nécessairement l’intuition ou les pratiques cliniques,

305
Spécificités liées au terrain

ni même les autorisations de mise sur le marché de ces Troubles anxieux (non TOC)
produits. C’est en effet dans les essais conduits dans
les troubles anxieux non TOC que les antidépresseurs Les TCC, individuelles et en groupe, sont utiles
démontrent le meilleur rapport bénéfices/risques. Ce dans le traitement des troubles phobiques et de l’an-
rapport est le moins bon dans le traitement de l’épi- xiété sociale. Les médicaments antidépresseurs sont
sode dépressif majeur et intermédiaire dans le TOC. proposés en seconde intention, devant la persistance
Dans les études dans lesquelles différents bras de trai- des troubles anxieux avec un retentissement indivi-
tement ont été testés, les traitements combinés (TCC/ duel, familial ou social. Plusieurs ISRS ainsi que la
soins courants + antidépresseur) sont supérieurs aux venlafaxine ont montré une efficacité dans cette indi-
monothérapies, que ce soit pour l’épisode dépressif cation, mais leur prescription se fait actuellement
majeur, le TOC ou les autres troubles anxieux. hors AMM. La durée des essais randomisés de phase
aiguë est comprise entre 8 et 16 semaines ; il faut donc
poursuivre le traitement au moins 2 mois aux doses
Q uand la prescription courantes avant de conclure quant à son efficacité.
peut - elle être envisagée ?
Trouble obsessionnel-compulsif
Dépression de l’enfant La TCC par exposition et prévention de la réponse
et de l’adolescent est la modalité thérapeutique de première intention.
Les ISRS sont généralement proposés en seconde
intention en cas d’insuffisance de réponse à la TCC
Dans le cas de dépressions légères et modérées, le
ou d’emblée dans les formes sévères et en l’absence
traitement de première intention est psychothéra-
d’alternative thérapeutique. Tous les ISRS ont une
pique. La prescription d’antidépresseurs doit être
efficacité équivalente dans cette indication ; le choix
discutée dans les dépressions sévères ou en cas de
de première prescription privilégie les molécules ayant
persistance des symptômes malgré une psychothé-
l’AMM pour le TOC pédiatrique (fluvoxamine, ser-
rapie, même si le trouble dépressif de l’enfant et de
l’adolescent est l’indication dans laquelle le rapport traline). La durée indicative du traitement est de 12 à
bénéfices/risques des traitements antidépresseur est 18 mois au minimum. Un traitement prophylactique
le moins net. En effet, la persistance des symptômes à plus long terme peut être discuté si deux rechutes
dépressifs est associée à un risque élevé de rechutes consécutives sont survenues à l’arrêt des médicaments.
dépressives et de chronicisation et à un impact néga- Si au bout de 10 à 12 semaines de traitement à la dose
tif à long terme sur le fonctionnement adaptatif. La recommandée la réponse thérapeutique est nulle ou
prescription d’antidépresseurs nécessite une évalua- insuffisante, et en l’absence de facteurs de résistance
tion soigneuse de l’indication, des bénéfices attendus connus (co-morbidité, stress environnementaux,
et des risques potentiels, avec des mesures de surveil- défaut d’observance, interactions médicamenteuses),
lance de l’efficacité et de la tolérance qui impliquent le le traitement peut être remplacé par un autre ISRS
praticien, mais demandent aussi une participation de ou par la clomipramine. L’indication d’un traitement
l’entourage et du patient. Dans le traitement de l’épi- par clomipramine peut également se discuter en cas
sode dépressif majeur, la seule molécule pour laquelle de mauvaise tolérance des ISRS (effets d’activation,
l’efficacité a été montrée en population pédiatrique est troubles du sommeil, perte d’appétit). En cas de
la fluoxétine. La durée indicative de traitement d’un résistance ou de réponse partielle, un ajout d’anti-
premier épisode est de 6 à 12 mois. L’absence de béné- psychotiques atypiques peut améliorer la réponse
fice thérapeutique au bout de 4 à 6 semaines incite à thérapeutique.
changer de traitement (autre ISRS, venlafaxine) après
élimination des facteurs habituels de mauvaise réponse
thérapeutique (faible observance, co-morbidité, stress C onclusion
environnementaux persistants). Une réponse partielle
nécessite des stratégies d’ajustement de dosage et la
mise en place de modalités thérapeutiques combinées Les données disponibles dans les indications pédia-
(ajout ou changement d’une psychothérapie structu- triques des antidépresseurs restent insuffisantes pour
rée par exemple). guider efficacement les décisions thérapeutiques.

306
ENFANTS ET ADOLESCENTS

Parmi les aspects restant à approfondir, citons les 11. Emslie GJ, Heiligenstein JH, Wagner KD et al.
effets thérapeutiques et la tolérance à long terme Fluoxetine for acute treatment of depression in children and
des antidépresseurs, la place de ces traitements dans adolescents : a placebo-controlled, randomized clinical trial.
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certaines formes cliniques (dépression bipolaire, 12. Emslie GJ, Wagner KD, Kutcher S et al. Paroxetine
dépression avec suicidalité, dépression atypique...), treatment in children and adolescents with major depressive
l’évaluation et la prévention de la suicidalité, qu’elle disorder : a randomized, multicenter, double-blind, pla-
soit associée au trouble ou à son traitement. La géné- cebo-controlled trial. J Am Acad Child Adolesc Psychiatry,
ralisation des données de la recherche à la pratique 2006, 45 : 709-719.
clinique constitue un autre enjeu important ; elle est 13. Emslie GJ, Findling RL, Yeung PP et al. Venlafaxine
ER for the treatment of pediatric subjects with depression :
facilitée par des études comparant différentes modali-
results of two placebo-controlled trials. J Am Acad Child
tés de traitement, dans des conditions plus proches de Adolesc Psychiatry, 2007, 46 : 479-488.
la pratique clinique. 14. Emslie GJ, Kennard BD, Mayes TL et al. Fluoxetine ver-
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2008-2014. 2011, 168 : 495-501.

308
28
G rossesse et allaitement
........
F. Gressier

Les symptômes psychiques survenant pendant la chez la femme enceinte, une plus grande ambiva-
grossesse sont le plus souvent mineurs et transitoires. lence de la future mère vis-à-vis de sa grossesse [54].
Il peut s’agir d’une labilité émotionnelle, de courtes La dépression gravidique non traitée est un facteur
périodes de dysphorie, d’une irritabilité, de modifi- de risque de dépression dans le post-partum, avec
cations des conduites alimentaires, d’une anxiété fré- des conséquences graves allant jusqu’au suicide ou à
quente, surtout au cours du premier trimestre et dans l’infanticide. En effet, le suicide représente 20 p. 100
les semaines précédant l’accouchement. des causes de décès dans le post-partum et constitue
Cependant, la maternité est un facteur de risque la première cause de mortalité chez les femmes en
pour l’apparition ou l’aggravation de pathologies période périnatale [43].
dépressives et/ou anxieuses, notamment pour les Les dépressions maternelles non traitées pour-
troubles obsessionnels-compulsifs. raient entraîner une naissance prématurée (avant la
La prévalence des troubles dépressifs et des 37e semaine de grossesse), un poids de naissance plus
troubles dépressifs majeurs serait, respectivement, faible et des complications obstétricales telles que la
de 18,4 p. 100 (IC 95 p. 100 : 14,3-23,3 p. 100) pré-éclampsie [53].
et 12,7 p. 100 (7,1-20,4) durant la grossesse et de Une dépression maternelle non ou insuffisam-
19,2 p. 100 (10,7-31,9) et 7,1 p. 100 (4,1-11,7) dans ment traitée peut induire une moindre qualité des
le post-partum [27]. Au premier trimestre de gros- soins apportés au nouveau-né [17], des troubles de
sesse, la prévalence serait de 11,0 p. 100 (7,6-15,8) l’attachement [46], des modifications du dévelop-
pour les troubles dépressifs et de 3,8 p. 100 (1,0-12,6) pement physique, intellectuel et psychoaffectif de
pour les épisodes dépressifs majeurs, au deuxième l’enfant (retard de développement [18], retard de
trimestre, de 8,5 p. 100 (6,6-10,9) et de 4,9 p. 100 langage [52], QI bas [32], même si certaines études
(3,1-7,4), et au troisième trimestre, de 8,5 p. 100 ne concluent pas [19]). Le traitement de la dépres-
(6,5-11,0) et de 3,1 p. 100 (1,1-8,1) [27]. Les troubles sion maternelle normaliserait les taux de cortisol chez
anxieux touchent 5 à 15 p. 100 des femmes en période l’enfant [10].
prénatale.
La plupart des épisodes dépressifs cessent sponta-
nément avant l’accouchement, mais environ 20 à
40 p. 100 se prolongent ou récidivent dans le post-
A ntidépresseurs et grossesse
partum. Un épisode dépressif majeur en rémission
traité par des psychotropes avant ou en début de gros- Pendant la grossesse, plus de 70 p. 100 des femmes
sesse tend à récidiver dans 50 à 75 p. 100 des cas avant présentant un trouble de l’humeur interrompraient
la naissance si le traitement est interrompu, alors que leurs traitements et n’auraient pas recours à un avis
le taux de récidive n’est que de 25 p. 100 quand le psychiatrique [28]. Le traitement de l’épisode dépres-
traitement est maintenu [13]. sif majeur en période périnatale (grossesse et/ou post-
Les dépressions ont été associées à de nombreuses partum) est complexe.
complications pendant la grossesse, telles qu’un Cependant, plus de 80 p. 100 des femmes prennent
moindre suivi prénatal, un abus de substance (tabac, au moins un médicament, en dehors des vitamines,
alcool, autres drogues), une plus faible prise de poids pendant leur grossesse. En 2003, aux États-Unis,

309
Spécificités liées au terrain

13 p. 100 des femmes prenaient un antidépresseur à Antidépresseurs et avortements


un moment de leur grossesse, ce taux ayant doublé
spontanés
depuis 1999 [15].
La décision de traiter, par antidépresseurs, une Peu d’études se sont intéressées au possible lien
femme pendant la grossesse ou la lactation doit entre avortements spontanés et prise d’antidépres-
être considérée au regard de l’intensité de la dépres- seurs pendant la grossesse. Deux méta-analyses étu-
sion maternelle et du rapport bénéfices/risques. Le dient cette association comme objectif secondaire.
risque de rechute en l’absence de traitement chez Dans la première [33], prenant en compte 3 567 cas,
une femme présentant un trouble récurrent est de le taux d’avortements spontanés était de 12,4 p. 100
60 à 75 p. 100 [13]. Comme abordé ci-dessus, la chez les femmes sous antidépresseurs (n = 1534) et de
dépression non traitée peut avoir des conséquences 8,7 p. 100 chez les femmes non exposées (RR : 1,45,
dramatiques pour la femme, l’enfant et la famille. Et IC 95 p. 100 : 1,19-1,77). Il n’y avait pas de diffé-
les données de l’étude STAR*D ont montré que le rence entre les classes d’antidépresseurs prescrites. La
traitement des mères déprimées pendant la grossesse deuxième [57] rapporte également une association
diminuait le risque de psychopathologie chez l’en- (OR : 1,70, IC 95 p. 100 : 1,28-2,24). Cependant,
fant [65]. A contrario, les antidépresseurs sont par- les études prises en compte dans ces méta-analyses
fois prescrits chez des patientes qui ne remplissent n’étaient pas toujours contrôlées pour les habitudes
pas les critères d’épisode dépressif majeur. Dans ce de vie, le tabagisme, la dépendance aux drogues, l’âge
cas, comme pour d’autres traitements, l’antidépres- et les caractéristiques de la dépression.
seur pourra être interrompu sous stricte surveillance
thymique durant la grossesse, lorsque les symptômes
dépressifs sont modérés ou transitoires et qu’ils Risque tératogène
ne sont pas des symptômes résiduels d’un épisode
dépressif majeur [53]. En présence de symptômes Udeckuku et al. ont recensé en 2010 les études
résiduels, il conviendra de poursuivre le traitement publiées de 1950 à 2009 sur les malformations congé-
par antidépresseur et/ou psychothérapie. nitales [62]. Parmi les quatre méta-analyses rappor-
Le fœtus est exposé à l’antidépresseur par l’inter- tées, trois [22, 50, 57] ne trouvaient pas de risque
médiaire du placenta et du liquide amniotique. majoré de malformation cardiaque chez les sujets
L’exposition fœtale est liée aux concentrations exposés au premier trimestre (antidépresseurs, ISRS
sériques maternelles. Le ratio des concentrations au et paroxétine, respectivement). L’autre méta-analyse
niveau du cordon ombilical par rapport aux concen- [7] rapportait une association entre l’exposition à la
trations sériques maternelles serait de 0,29 à 0,89. paroxétine au premier trimestre et une malformation
Les ratios les plus proches de 1 suggèrent une aug- congénitale en général (OR : 1,31 ; IC 95 p. 100 :
mentation de l’exposition du fœtus au traitement 1,03-1,67) et une malformation cardiaque congéni-
et un risque majoré de complications néonatales. tale (OR : 1,72 ; IC95 p. 100 : 1,22-2,42).
Cependant, l’exposition fœtale à l’antidépresseur est
également associée à d’autres facteurs tels que le poly- Imipraminiques
morphisme génétique du fœtus pour le métabolisme
du médicament et les protéines de transport localisées Une méta-analyse prenant en compte les études réali-
dans le placenta. sées entre 1966 et 1995 n’a pas trouvé de risque majoré
Les conséquences de la prise d’antidépresseurs de malformations majeures avec les imipraminiques
pendant la grossesse concernent principalement la [3]. Cependant, une analyse des registres suédois [36]
tératogenèse (conséquence éventuelle de l’exposition a rapporté une augmentation des malformations car-
aux médicaments durant la période d’embryogenèse diaques congénitales avec les imipraminiques (OR :
ou organogenèse) et la fœtotoxicité (qui résulte d’une 1,77, IC 95 p. 100 : 1,07-2,91) et notamment avec la
exposition in utero aux médicaments pendant la clomipramine (OR : 2,03 ; IC 95 p. 100 : 1,22-3,40).
période fœtale). Les troubles périnatals peuvent être De même, la poursuite de l’analyse de ces registres a
secondaires à l’arrêt ou à l’effet cumulatif des psycho- montré un risque majoré de malformations en général
tropes. Ils sont le plus souvent transitoires et bénins. et cardiaques avec les imipraminiques, en prenant en
Mais des troubles de type neurologique ou compor- compte les données de 15 000 femmes ayant été traitées
temental peuvent également apparaître à long terme, par antidépresseurs (10 170 traitées par ISRS et 1 662
nécessitant une surveillance au long cours. par imipraminiques dont 1 208 par clomipramine)

310
GROSSESSE ET ALLAITEMENT

pendant leur grossesse et de plus de 1 million de Citalopram


femmes non traitées [58]. De plus, il a été rapporté La majorité des études n’a pas retrouvé de majora-
davantage de spina bifida avec les imipraminiques par tion des risques de malformations avec un traitement
rapport aux autres antidépresseurs [16]. par citalopram. Les registres suédois comprenant plus
de 4 000 enfants exposés n’ont pas montré de risque
Inhibiteurs sélectifs de la recapture majoré de malformations sévères ou d’anomalies
cardiovasculaires [58]. Des résultats similaires ont
de la sérotonine été trouvés sur des analyses de registres, des études
Les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la séro- cas-témoins et des études prospectives de cohorte.
tonine (ISRS) passent à travers le placenta avec un Cependant, une association fondée sur six cas a été
rapport des concentrations plasmatiques cordon/sang rapportée entre l’utilisation de citalopram et ano-
maternel de l’ordre de 0,3 à 0,9. Ils partagent des malies à la naissance (anencéphalie, craniosynostose
caractéristiques pharmacologiques communes, mais le et omphalocèle : OR : 9,1 ; IC 95 p. 100 : 1-1,4)
risque tératogène pourrait différer selon chaque molé- [4] et une étude de registre [55] prenant en compte
cule. La plupart des études ont analysé les ISRS en 460 enfants a montré un risque majoré de malfor-
tant que groupe et n’ont pas montré de risque aug- mation septale (5 cas, OR : 2,52 ; IC 95 p. 100 :
menté des malformations en général ou de malforma- 1,04-6,10).
tions spécifiques. Il n’existe pas à notre connaissance d’étude sur le
Cependant, une publication a rapporté un risque risque de malformations en cas d’exposition à l’esci-
augmenté de malformations atrioseptales avec les talopram. Cependant, cette molécule étant la forme
ISRS [49]. Mais, dans cette étude, les ISRS étaient énantiomère S du citalopram, ses effets sur la térato-
analysés avec la venlafaxine, et les consommations de genèse pourraient être comparables à ceux observés
tabac et d’alcool n’étaient pas renseignées. Une étude avec le citalopram [26].
prospective a rapporté un risque augmenté de malfor-
mations cardiaques [47] et une étude fondée sur l’ana- Paroxétine
lyse des registres au Danemark a montré davantage Concernant cette molécule, les résultats des études
d’anomalies septales sous ISRS [55]. sont contradictoires. Dans une étude rétrospective de
cohorte [14], ont été rapportées davantage de mal-
Fluoxétine formations congénitales avec la paroxétine (n = 815)
Les études concernant la fluoxétine et son rôle pos- qu’avec d’autres antidépresseurs (n = 4 936) (OR :
sible dans la survenue de malformations ont montré 1,89 ; IC 95 p. 100 : 1,20-2,89), mais une absence
des résultats contradictoires. L’étude princeps publiée d’association avec les malformations cardiaques, alors
en 1993 sur 128 enfants exposés n’a pas trouvé d’aug- qu’une étude a montré une augmentation à la fois des
mentation des malformations [51]. Une méta-analyse risques de malformations congénitales et cardiaques
[22] a montré les mêmes résultats. Plusieurs publi- congénitales [8]. Une étude prospective portant sur
cations ont rapporté une absence d’association [31, 463 enfants exposés à la paroxétine n’a pas retrouvé
35, 44, 45, 55]. Cependant, une étude a trouvé un de risque majoré de malformations cardiovasculaires
risque accru de 3 ou plus de malformations mineures (OR = 2,66 ; IC 95 p. 100 : 0,80-8,90 [21]. Deux
chez des enfants exposés précocement à la fluoxétine études cas-témoins ont rapporté une augmentation
pendant la grossesse (15,5 p. 100) par rapport aux de malformations ventriculaires droites [4, 44]. Une
enfants non exposés (6,5 p. 100) [12]. Alors qu’une autre publication a montré une augmentation des
publication en 2007, sur des registres, n’avait pas malformations du septum auriculaire [6], mais non
montré d’augmentation de malformations majeures des malformations cardiaques globales. L’analyse des
[35], une analyse ultérieure de ces mêmes registres sur registres suédois a rapporté une augmentation de mal-
plus de 1 550 enfants exposés a trouvé une augmenta- formations cardiaques associées à la prise de paroxé-
tion des risques de malformations sévères (OR : 1,29 ; tine : augmentation du taux de communications
IC 95 p. 100 : 1,00-1,67) [58]. Une augmentation interventriculaires et de interauriculaires (OR = 1,63 ;
des malformations en général et des malformations 95 p. 100IC = 1,05-2,53), mais non avec les autres
cardiaques a également été rapportée chez 346 sujets ISRS [35]. Cette association a été confirmée lors d’une
exposés à la fluoxétine [21]. Il a également été observé analyse ultérieure des registres de naissance incluant
davantage de craniosynostose avec la fluoxétine (OR : 1 208 sujets exposés à la paroxétine (OR = 1,66 ;
4,47 ; IC 95 p. 100 : 1,31-15,27) [4]. IC 95 p. 100 : 1,09-2,53) [58]. Deux méta-analyses

311
Spécificités liées au terrain

portant sur les enfants exposés au premier trimestre à sujets exposés est souvent trop faible pour une ana-
la paroxétine ont rapporté une augmentation des mal- lyse spécifique. Une étude a recensé deux malforma-
formations cardiovasculaires [7, 66]. La plus récente tions chez cinquante-deux sujets exposés [24]. Dans
a également montré une augmentation des malfor- une étude sur des registres suédois incluant plus de
mations en général [66]. Il a également été trouvé 15 000 sujets, seulement quarante-deux avaient été
davantage d’obstruction ventriculaire droite avec la exposés à la fluvoxamine [58].
paroxétine [44].
Cependant, une autre étude sur des registres natio- Co-prescriptions d’antidépresseurs ISRS
naux portant sur 299 enfants exposés à la paroxétine La prescription de plus d’un ISRS a été associée à un
n’a pas rapporté de majorations des malformations risque majoré de malformation septale (OR = 4,70 ;
en général, cardiaques et septales [55]. Une autre IC 95 p. 100 : 1,74-12,70) [44]. Cependant, la pré-
étude analysant les données d’études prospectives valence de cette malformation n’est que de 0,9 p. 100
antérieures sur 1 174 sujets exposés et les données chez les sujets exposés et de 0,5 p. 100 chez les sujets
d’études de registre sur 2 061 sujets exposés n’ont pas non exposés.
montré d’augmentation des malformations cardiovas-
culaires [25]. Autres antidépresseurs
Ainsi la paroxétine pourrait-elle être associée à une
légère augmentation du risque de malformations car- À ce jour, les données concernant les autres anti-
diaques, principalement de communications interven- dépresseurs prescrits pendant la grossesse sont encore
triculaires et interauriculaires (risque relatif de l’ordre très peu nombreuses. Les quelques études publiées
de 2). Donc, si une grossesse survient sous paroxétine, sur la venlafaxine ne rapportent pas de risque majoré
une échographie sera réalisée en cas d’exposition entre de malformations [23, 41, 67]. Il n’a pas été trouvé
le 21e et 50e jour (cardiogenèse). davantage de malformations chez 144 nouveau-nés
exposés à la mirtazapine in utero [67].
Sertraline La majorité des études n’ont pas mis en évidence
Il n’a pas été trouvé de risque augmenté de malfor- de majoration des malformations avec la plupart des
mations sévères ou cardiovasculaires dans une étude de imipraminiques.
registre portant sur plus de 3 200 enfants exposés pré-
cocement à la sertraline [58]. Des résultats contradic-
toires ont été rapportés dans une étude qui montrait Effets secondaires des antidépresseurs
davantage d’omphalocèles (OR = 5,7 ; IC 95 p. 100 : pour la femme enceinte
1,6-20,7), de malformations septales (OR = 2 ; IC
95 p. 100 : 1,2-4), d’atrésies anales (OR = 3,9 ; IC La prescription d’antidépresseurs pendant la gros-
95 p. 100 : 1,1-13,5) et de diminution des membres sesse doit également tenir compte des complications
[44]. Cependant, ces données étaient observées sur un maternelles possibles. Les effets secondaires iatrogènes
nombre de cas limités. Une augmentation des mal- tels que les nausées, les vomissements, la constipation,
formations septales a également été rapportée dans la prise de poids excessive, en relation avec le psycho-
une cohorte danoise portant sur 259 nouveau-nés trope prescrit, sont à considérer. Chez les femmes pré-
exposés à la sertraline, avec quatre cas d’anomalies sentant des vomissements itératifs, réfractaires durant
ventriculaires septales. Une autre étude a également la grossesse, il a été rapporté la possibilité d’une pré-
trouvé une prévalence augmentée de malformation maturité et d’un faible poids de naissance chez leur
cardiaque septale chez les enfants de mère traitée enfant. Ces vomissements itératifs peuvent également
par sertraline (OR = 3,25, IC 95 p. 100 : 1,21-8,75) entraîner des dysfonctionnements hépatiques, des
[55]. Une autre publication n’a pas retrouvé d’aug- pathologies rénales et des hémorragies rétiniennes.
mentation des malformations cardiaques, mais une Parmi les ISRS, la fluvoxamine est généralement asso-
augmentation d’anencéphalies, de craniosynostoses et ciée à davantage de nausées et de vomissements. Une
d’omphalocèles [4]. prise de poids excessive en relation avec la prescription
de certains psychotropes peut conduire à des risques
Fluvoxamine cardiaques, pulmonaires, thrombo-emboliques, d’ap-
Les données sur la fluvoxamine sont moins nom- nées du sommeil, de diabète gestationnel ou d’hyper-
breuses. Aucune étude n’a montré d’augmentation de tension artérielle gravidique. La constipation peut
risques avec la fluvoxamine ; cependant, le nombre de entraîner l’apparition d’hémorroïdes, d’un prolapsus

312
GROSSESSE ET ALLAITEMENT

rectal et/ou d’un prolapsus génital. Parmi les ISRS, le du sevrage, qui surviennent après un intervalle libre
citalopram et la paroxétine auraient un risque supé- dépendant de la demi-vie du médicament, sont sou-
rieur d’entraîner une prise de poids. La constipation vent difficiles à discerner des symptômes d’impré-
serait plus fréquente avec les inhibiteurs de la recap- gnation, présents à la naissance. La tachycardie, les
ture de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSN) difficultés de succion, la rétention urinaire, la disten-
et les imipraminiques. L’hypotension orthostatique sion abdominale avec retard à l’émission du méco-
induite par les imipraminiques pourrait être majorée nium, l’hyperexcitabilité et les convulsions sont le plus
pendant la grossesse [53]. souvent considérés comme des effets atropiniques.
Les psychotropes pouvant entraîner ces effets Une revue de la littérature [62] a identifié dix-sept
secondaires doivent donc autant que possible être évi- études contrôlées, incluant une méta-analyse. Les
tés pendant la grossesse. études fondées sur de larges cohortes ou sur les registres
Un risque augmenté d’hypertension artérielle ont trouvé, chez les enfants de mère exposée, un risque
et possiblement de pré-éclampsie a également été augmenté des phénomènes suivants : convulsions néo-
mis en évidence chez les femmes exposées aux ISRS natales, admissions en réanimation néonatale chez les
pendant le 1er trimestre avec un risque relatif de 4,9 nouveau-nés exposés au troisième trimestre par rap-
(IC 95 p. 100 : 2,7-8,8) [38]. Cependant, l’absence port au permier trimestre, détresses respiratoires et
de mesures de la tension artérielle constitue un biais. scores d’Apgar plus faible.
Un risque augmenté de détresse respiratoire (OR :
2,21), de convulsions néonatales (OR : 1,90), d’hypo-
Antidépresseurs, glycémie (OR : 1,60) et de faible score d’Apgar (OR :
âge gestationnel et poids de naissance 2,33) a été retrouvé aussi bien avec les ISRS qu’avec les
imipraminiques [37]. Le risque de détresse respiratoire
Plusieurs études se sont intéressées à une possible
était augmenté (OR : 1,81) chez les enfants de mère
association entre âge gestationnel et antidépresseurs,
traitée par ISRS (13,9 p. 100) comparés aux mères sans
avec des résultats inconsistants : certaines ont rap-
traitement (7,8 p. 100). La fréquence des symptômes
porté davantage de prématurité avec l’utilisation des
périnatals pourrait être plus élevée avec la paroxétine
antidépresseurs, alors que d’autres n’ont pas retrouvé
qu’avec les autres ISRS étudiés (sertraline, citalopram,
d’association [62]. De plus, les études trouvant une
fluoxétine). Une méta-analyse [39] retrouve que l’uti-
association, n’ont trouvé qu’une modeste différence, de
lisation des ISRS au troisième trimestre est associée à
l’ordre d’une semaine ou moins. Toutefois, une méta-
davantage d’admissions en soins intensifs néonatals
analyse [9] prenant en compte neuf études a trouvé une
(OR : 3,30 ; IC 95 p. 100 : 1,45-7,54). Les symptômes
association significative entre prise d’antidépresseurs et
néonatals sont le plus souvent résolutifs deux semaines
prématurité (OR = 2,23 ; IC 95 p. 100 : 1,61-2,60).
après l’accouchement.
Dans huit études sur vingt-trois (revue in [62]), la
Ainsi pourrait-il être préférable de diminuer ou d’in-
prescription d’antidépresseurs pendant la grossesse a
terrompre progressivement les antidépresseurs avant
été associée à une diminution du poids de naissance et
l’accouchement, afin de prévenir les syndromes néona-
du poids de naissance corrigé suivant le terme.
Une publication a analysé le poids de naissance des tals, même si une étude s’est spécifiquement intéressée
enfants de femmes déprimées traitées par antidépres- à cette question et n’a pas trouvé de différence si l’an-
seurs et de femmes déprimées non traitées, en contrô- tidépresseur avait été arrêté au moins 14 jours avant
lant pour les facteurs confondants [49] ; le poids de l’accouchement ou non [63]. Mais, devant les risques
naissance corrigé était plus faible chez les enfants de élevés de rechute dépressive en l’absence de traitement,
femmes traitées (p = 0,03 ; IC 95 p. 100 : 0,007- il ne semble pas recommandé d’interrompre les antidé-
0,059). Une méta-analyse [39] rapporte une association presseurs longtemps avant l’accouchement.
entre poids de naissance corrigé et traitement antidé-
presseur (OR = 3,64 ; IC 95 p. 100 : 1,01-13,08). Persistance de l’hypertension artérielle
pulmonaire chez le nouveau-né
Syndromes périnatals
L’exposition tardive aux ISRS (après 20 semaines de
Des symptômes de sevrage, avec notamment grossesse) a été associée à un risque accru d’hyperten-
hyperpnée, irritabilité et sueurs, ont été rapportés sion artérielle pulmonaire (HTAP) chez le nouveau-né.
dans les 24 heures suivant l’accouchement. Les effets L’hypertension artérielle pulmonaire se caractérise par

313
Spécificités liées au terrain

un shunt droite-gauche au niveau du foramen ovale qui enceinte. De plus, les études prospectives ont souvent
entraîne une hypoxie néonatale. Son incidence est de une faible puissance et les études rétrospectives, fon-
0,5 à 2 pour 1 000. Elle est létale dans 10 à 20 p. 100 dées sur les questionnaires maternels, sont sujettes à
des cas. Des études récentes ont montré que ce risque des biais de mémorisation.
pouvait s’élever à 6 à 12 pour 1 000 sous ISRS [26].
Dans une étude prenant en compte 377 mères de nou-
veau-nés présentant une hypertension pulmonaire et Recommandations pendant la grossesse
836 témoins [11], le risque d’hypertension artérielle pul-
L’American College of Obstetricians and
monaire était majoré en cas d’exposition aux ISRS après
Gynecologists considère que les données de la litté-
la 20e semaine de grossesse (OR : 5,1 ; IC 95 p. 100 :
rature sont insuffisantes pour des recommandations
1,9-13,3). L’analyse des registres de naissance suédois
spécifiques pour le diagnostic de dépression pendant
[34] a trouvé une association entre HTAP et exposition
aux ISRS précoce (RR : 2,40 ; IC 95 p. 100 : 1,2-4,3) et la grossesse [69]. Cependant, le suivi et le dépistage
précoce et tardive (RR : 3,57 ; IC 95 p. 100 : 1,2-8,3). systématique de la dépression des femmes ayant déjà
Cependant, une étude n’a pas retrouvé d’augmentation présenté un épisode dépressif majeur est nécessaire.
du risque d’HTAP chez 1 104 enfants exposés aux ISRS L’American College of Obstetricians and
au 3e trimestre par rapport à 1 104 enfants appariés non Gynecologists recommande de se poser quatre ques-
exposés [5]. Et des études préliminaires ont montré que tions qui vont ensuite orienter la prise en charge de la
les polymorphismes du gène du transporteur de la séro- femme enceinte présentant un trouble dépressif récur-
tonine et des enzymes impliquées dans le métabolisme rent : l’existence d’un trouble bipolaire, la présence
des catécholamines pourraient avoir des effets néonatals, de symptômes psychotiques, d’idées suicidaires ou
dont les détresses respiratoires. hétéro-agressives vis-à-vis de l’enfant et la présence de
symptômes dépressifs majeurs ou mineurs actuels [69].
Les traitements de type psychothérapeutique sont
Développement à long terme essentiels au cours de la grossesse [59]. De manière
générale, la psychothérapie est recommandée en pre-
Il n’a pas été rapporté de majoration des troubles mière intention dans les épisodes dépressifs caractérisés
du développement chez les enfants exposés, mais les d’intensité légère. Mais un traitement antidépresseur
études réalisées à long terme sont peu nombreuses et est nécessaire chez les femmes ayant un trouble dépres-
comportent des limites et des biais méthodologiques, sif récurrent avec un épisode dépressif majeur (EDM)
incitant à la prudence. Dans une revue de la littéra- modéré à sévère ou un antécédent de tentative de sui-
ture de 1973 à 2010 sur le développement des enfants cide. La décision de traiter ou non par antidépresseur
de mères traitées par antidépresseurs durant leur un épisode dépressif majeur pendant la grossesse doit
grossesse [28], douze études ont été analysées. Parmi prendre en compte les risques encourus par la mère et
celles-ci, dix s’intéressent au développement neuroco- le fœtus et les risques potentiels liés au traitement [53].
gnitif et moteur, et il est pour le moment impossible Chez les femmes présentant un trouble dépressif
de dire si la durée de l’exposition a un impact sur le récurrent et traitées par ISRS, il est recommandé de
développement de l’enfant. poursuivre le traitement antidépresseur, à l’exception
de la paroxétine au premier trimestre [62]. Les données
Synthèses de données de la littérature disponibles concernant les IRSN ou les autres antidé-
presseurs sont encore trop restreintes pour pouvoir
Le nombre de malformations ne semble pas aug- recommander ces classes de traitement. Certains recom-
menter avec les ISRS. La paroxétine et la fluoxétine, mandations (therapeutic guidelines et NICE) semblent
dans une moindre proportion, ont été associées à des préférer les imipraminiques aux ISRS, mais les données
résultats contradictoires, avec une possible majoration récentes ne semblent pas corroborer ce fait.
des malformations cardiaques [26]. La paroxétine
pourrait entraîner davantage de syndromes néonatals.
Les femmes traitées par antidépresseurs ont égale-
ment recours à d’autres psychotropes (anxiolytiques
A ntidépresseurs et allaitement
et hypnotiques, mais également anticonvulsivants et
neuroleptiques). Peu d’études se sont intéressées aux Les antidépresseurs passent dans le lait maternel
associations de plusieurs psychotropes chez la femme et sont susceptibles d’être ingérés par le nouveau-né.

314
GROSSESSE ET ALLAITEMENT

Une inhibition pharmacologique de la recapture de moins de 1 à 9 p. 100. Dans la majorité des études,
la sérotonine pourrait altérer la glande mammaire et les concentrations sériques chez l’enfant étaient basses
diminuer la production de lait, en retardant l’activa- ou indétectables. Cependant, un cas a rapporté une
tion de la sécrétion. concentration supérieure à 10 p. 100 chez un enfant
de 5 semaines [60]. Mais la majorité des études ne
montre pas d’effet secondaire avec le citalopram.
Imipraminiques Cependant, le nombre d’enfants exposés est relative-
ment faible dans chaque étude.
Concernant les imipraminiques, la majorité des
Les enfants exposés au escitalopram avaient des
données sont relatives à l’imipramine ou à la nortrip-
taux sériques similaires à ceux exposés au citalopram
tyline. Dans la majorité des cas, les taux sont indétec-
(seuls des case-reports sont disponibles). Cependant, la
tables chez l’enfant et n’ont pas été associés à des effets
moindre fixation de cette molécule aux protéines plas-
secondaires. La doxépine a été associée à une sédation
matiques pourrait entraîner une pénétration plus forte
et à une dépression respiratoire (du fait de son carac-
de l’escitalopram dans le lait. Un cas d’entérocolite
tère sédatif et de la longue demi-vie de son métabolite)
nécrosante a été rapporté chez une femme allaitante qui
et est contre-indiquée (revue in [20]).
avait également été traitée pendant sa grossesse [56].

ISRS Paroxétine
Tous les ISRS sont sécrétés dans le lait maternel, mais Concernant la paroxétine, le ratio lait/plasma
les doses ingérées sont généralement faibles, bien qu’il serait proche de 1 et les doses ajustées au poids de
existe des variations individuelles. La clairance d’un l’ordre de 1 à 3 p. 100. Des taux plasmatiques indé-
médicament est limitée en période néonatale en raison tectables ou faibles ont été rapportés dans quatre
de l’immaturité, ce qui peut entraîner un risque toxique. études prenant en compte plus de cinquante nourris-
sons et aucun effet secondaire n’a été mis en évidence
(revue in [26]). De manière intéressante, six nourris-
Fluoxétine
sons exposés à la paroxétine ont été génotypés, de
La fluoxétine et son métabolite actif la norfluoxé- même que leurs mères pour la mutation CYP2D6*4.
tine sont sécrétés dans le lait avec un ratio lait-plasma Bien que l’une des mères fut métaboliseur lent avec
de l’ordre de 1. Les études analysent généralement les un taux sérique de 210 nmol/l, la paroxétine sérique
concentrations plasmatiques chez l’enfant ou ajustent était indétectable chez son enfant, lui-même méta-
la dose ingérée par l’enfant à son poids. La dose ajustée boliseur lent [9].
est inférieure ou proche de 10 p. 100 pour la fluoxé-
tine (10 p. 100 étant généralement considéré comme Sertraline
la limite supérieure pour une sûreté relative). Certaines
études ont mis en évidence des concentrations plasma- Pour la sertraline, le ratio lait/plasma serait de
tiques faibles, d’autres des concentrations élevées [26]. l’ordre de 1 à 4, et la dose ajustée au poids de l’ordre
La demi-vie de la fluoxétine est de 4 à 6 jours et celle de 2 p. 100. Dans la majorité des études, les taux plas-
de son métabolite de plusieurs semaines. Un faible matiques chez l’enfant étaient faibles ou indétectables.
nombre d’études a rapporté des effets secondaires attri- À ce jour, les études publiées n’ont pas rapporté d’ef-
buables à la fluoxétine [26]. Un cas a relevé une possible fets secondaires ou d’anomalies du développement
association entre des symptômes coliques sévères chez chez les enfants allaités par des mères traitées par ser-
un enfant de 10 semaines et la prise de fluoxétine chez traline. Chez vingt-six enfants dont les mères étaient
sa mère [42]. Cependant, la majorité des études n’ont traitées avec une dose moyenne de 124 mg/j, on a
pas observé de symptômes cliniques chez les enfants de rapporté des taux de sertraline et de son métabolite
mères traitées par fluoxétine [29, 64]. N-desméthyl-SERT présents dans 18 et 50 p. 100 des
cas respectivement [61]. Les auteurs ont suggéré de
jeter le lait maternel entre 8 et 9 heures après la prise
Citalopram et escitalopram
de sertraline, cette période correspondant aux concen-
Plusieurs études ont été publiées concernant le trations les plus importantes. Cette stratégie a été éga-
citalopram, qui est excrété dans le lait avec un ratio lement recommandée par l’Academy of Breastfeeding
lait/plasma de 2 à 3 et une dose ajustée au poids de Medecine [1].

315
Spécificités liées au terrain

Autres antidépresseurs Cependant, les données de la littérature sont


encore limitées. Il est impossible de dire en effet que
Concernant les IRSN et les autres classes d’anti- les niveaux sériques indétectables n’ont pas d’effet à
dépresseurs, peu d’études ont été publiées pour le moyen ou long terme sur le développement de l’en-
moment (revue in [20]). fant. De plus, les études sur les effets à long terme sont
encore peu nombreuses et ne différencient pas, le plus
souvent, prise d’antidépresseurs pendant la grossesse et
Recommandations pour l’allaitement pendant l’allaitement maternel. Les quelques données
de la littérature montrent qu’il n’y aurait pas d’effet sur
Les recommandations sont fondées sur des publica- la sérotonine intraplaquettaire chez les enfants nourris
tions de cas, des études d’échantillons de petite taille, au sein dont les mères sont traitées par sertraline ou
des opinions d’experts. Pour le moment, trois commis- fluoxétine. Cependant, l’exposition durant la grossesse
sions scientifiques ont publié des recommandations est plus importante que pendant la lactation [20].
concernant la prescription d’antidépresseur et l’allaite-
ment maternel (ABM Clinical Protocol *18 en 2008
[1], ACOG Practice Bulletin Clinical Management
Guidelines for Obstetrician-Gynecologists en 2008 C onclusion
[2] et National Institute for Clinical Excellence en
2007 [48]). Elles recommandent toutes de considérer La prescription des antidépresseurs pendant la gros-
le rapport bénéfices/risques de ne pas traiter la mère sesse et/ou l’allaitement reste controversée [53] et est
et celui de ne pas allaiter l’enfant. En effet, l’expo- encore réalisée au cas par cas, du fait du nombre limité
sition relativement faible de l’enfant aux antidépres- de données.
seurs au travers de l’allaitement maternel doit être Plusieurs facteurs doivent être pris en compte :
considérée par rapport aux risques de ne pas traiter –– les antécédents personnels de dépression ;
une mère présentant un épisode dépressif majeur. Le –– les antécédents périnatals de troubles psychia­
bénéfice de l’allaitement maternel a été bien docu- triques ;
menté. L’allaitement maternel exclusif est recom- –– les traitements antérieurs (antidépresseurs et
mandé jusqu’à 6 mois par l’Organisation mondiale psychothérapie) ;
de la santé. Une information aussi complète que pos- –– la sévérité de l’épisode dépressif majeur actuel et
sible doit être donnée à la mère afin de l’aider dans son retentissement fonctionnel ;
sa décision. Les psychothérapies doivent être utilisées –– la présence d’idées suicidaires et de symptômes
en premier pour les dépressions caractérisées d’inten- psychotiques ;
sité légère. Le choix d’un antidépresseur doit se faire –– les souhaits de la patiente.
en prenant en compte les traitements pour lesquels En fait, l’idéal est de pouvoir planifier la grossesse
la femme a préalablement répondu. Si la femme pré- chez les femmes présentant un trouble de l’humeur,
sente un épisode dépressif majeur pour la première et il est important d’aborder avec elles une possible
fois, la sertraline et la paroxétine sont à privilégier future maternité [53].
pour les ISRS en cas d’allaitement maternel. Parmi En effet, la plupart des grossesses ne sont pas pro-
les imipraminiques, la nortriptyline et l’imipramine grammées et un arrêt brutal d’un traitement majore
peuvent être prescrits. En effet, les cas publiés concer- les risques de rechute. Si cela s’avère possible, le
nant ces molécules sont relativement nombreux, ces changement de traitement se fera avant le début de
antidépresseurs sont le plus souvent indétectables chez la grossesse. Dans l’idéal, la femme devrait être stable
l’enfant et il n’a pas été rapporté d’effet secondaire. Les du point de vue thymique au moins trois mois avant
antidépresseurs plus récents (venlafaxine, duloxétine) de débuter une grossesse. Les traitements les mieux
sont à éviter en premier choix du fait d’une évaluation connus sont à préférer, en l’absence d’inefficacité
encore limitée. L’antidépresseur doit être prescrit à la antérieure. Le nombre de psychotropes prescrits doit
dose minimale efficace et en monothérapie. être réduit au minimum, à la posologie minimale effi-
Les mères et leurs enfants doivent être régulière- cace. De même, le souhait d’un allaitement maternel
ment surveillés. Les dosages sériques d’antidépresseurs doit être pris en compte dès le début de la grossesse.
chez l’enfant ne sont pas recommandés en routine, ils Si le bébé a été exposé à un traitement antidépresseur
seront réalisés en cas de symptômes cliniques ou pour pendant la grossesse, il ne semble pas nécessaire d’ar-
la recherche [20]. rêter ce traitement pendant l’allaitement [53].

316
GROSSESSE ET ALLAITEMENT

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319
29
S ujet âgé
........
J. Roblin et Th. Gallarda

La fréquence des troubles mentaux dans la popu- du risque d’hospitalisation et d’entrée en institution,
lation âgée est élevée. Dans la littérature, au-delà de accroissement de la morbi-mortalité, risque suicidaire
65 ans, les taux de prévalence retrouvés pour chaque élevé [12].
trouble psychiatrique sont très variables. Cette varia- Une mise au point sur l’efficacité et l’utilisation des
bilité reflète à la fois l’hétérogénéité des méthodes de antidépresseurs chez le sujet âgé est donc nécessaire
mesure et des critères diagnostiques retenus, l’exis- pour guider les indications, la prescription, la sur-
tence de troubles mineurs ou subsyndromiques (qui veillance avec recherche d’éventuels effets secondaires
ne sont pas intégrés dans les classifications interna- et informer les professionnels de santé sur les futurs
tionales), le contexte (vie en communauté versus enjeux de recherche afin que les sujets âgés puissent
hébergements en établissement pour personnes âgées, bénéficier en toute sécurité des avancées de la psycho-
hospitalisation, co-morbidités somatiques et psy- pharmacologie. Ces données seront complétées par
chiatriques...). Chez les sujets âgés de plus de 65 ans les modalités pratiques de prescription telles qu’elles
vivant dans la communauté, la prévalence d’un épi- ressortent des recommandations actuelles d’experts.
sode dépressif majeur caractérisé est estimée entre 1 et
4 p. 100 [9] alors que celle des symptômes dépressifs
cliniquement significatifs est beaucoup plus élevée et P rescription des psychotropes
estimée entre 8 et 16 p. 100 [9]. De même, dans la
population âgée, la prévalence des troubles anxieux chez le sujet âgé
caractérisés est estimée entre 4 et 14 p. 100, mais celle
des symptômes anxieux cliniquement significatifs Depuis les dernières décennies, la prescription d’an-
atteindrait 20 p. 100 [52]. tidépresseurs a augmenté dans la majorité des pays
Avec l’avancée en âge, l’hétérogénéité de la popula- occidentaux [26, 27]. En Europe, leur prescription a
tion, les particularités cliniques des tableaux rencon- doublé entre 1993 et 2002, avec une augmentation
trés et d’éventuelles altérations cognitives nécessitent très nette de la prescription des inhibiteurs sélectifs de
en premier lieu d’établir un diagnostic psychiatrique. la recapture de la sérotonine (ISRS) d’un facteur 10
Une fois le diagnostic établi, la prise en charge d’un [33]. La population âgée est particulièrement concer-
trouble psychiatrique chez le sujet âgé doit tenir née : les psychotropes figurent parmi les molécules
compte des antécédents personnels et familiaux du les plus souvent prescrites chez le sujet âgé, notam-
patient, des modifications physiologiques liées à l’âge, ment en médecine générale. Pourtant, peu d’études
des co-morbidités éventuelles, d’une polymédication contrôlées concernant ces molécules ont été réalisées
et des interactions médicamenteuses, de l’évaluation dans cette population. Selon le Baromètre santé 2005,
du rapport bénéfices/risques lié à l’usage d’un psycho- en France, 23 p. 100 des sujets de la tranche d’âge
trope. L’absence de traitement d’un trouble psychia- 60-75 ans déclarent avoir fait usage dans l’année de
trique caractérisé chez un sujet âgé, d’autant plus sur psychotropes (principalement anxiolytiques, hypno-
un terrain fragile préexistant, peut également avoir tiques, antidépresseurs et antipsychotiques) contre
des conséquences importantes : altération de l’état 24 p. 100 dans la tranche d’âge 45-59 ans. Pour près
général, handicap fonctionnel sévère, perte d’auto- de 8 p. 100 des sujets de 60-75 ans, il s’agit d’antidé-
nomie, péjoration de la qualité de vie, augmentation presseurs, contre 10 p. 100 chez les 45-59 ans [38].

320
SUJET ÂGÉ

Dans le programme Psycho SA, présenté par la Haute Tableau 29-I. – Principales modifications physiolo­
Autorité de santé, qui comporte un volet descriptif giques dues à l’âge pouvant modifier la pharmacociné-
avec des données concernant la prescription des psy- tique.
chotropes en France dans la population des sujets âgés
Absorption
de 65 ans et plus (recueil auprès de l’Assurance mala-
Diminution de la sécrétion d’acide gastrique
die et concernant près de 97 p. 100 de cette popula- Diminution de la vitesse de vidange gastrique
tion), il est estimé qu’une personne sur deux âgée de Diminution de la motilité gastro-intestinale
plus de 70 ans en France fait usage de psychotropes. Diminution du débit sanguin
Entre septembre et décembre 2007, en France, la Diminution de la surface d’absorption
prescription d’antidépresseurs a concerné 13 p. 100 Distribution
des sujets âgés de plus de 65 ans et 18 p. 100 des Diminution de la masse corporelle
Diminution de l’eau corporelle
sujets âgés de plus de 85 ans [29]. Diminution de l’albuminémie
Cependant, le niveau élevé de consommation de Diminution de la vascularisation tissulaire
psychotropes n’est pas synonyme de qualité de pres- Augmentation relative de la masse graisseuse
cription : les prescriptions inappropriées de psycho- Augmentation de l’a1-glycoprotéine acide
tropes sont fréquentes dans la population âgée soit Métabolisme
par excès (exposant à un risque iatrogénique), soit Diminution de la masse hépatique
Diminution du flux sanguin hépatique
par défaut (exposant à l’inefficacité du traitement).
Diminution du pouvoir métabolique hépatique
L’enquête Santé Mentale en Population Générale Excrétion
(SMPG) retrouve que seul un sujet sur trois avec un Diminution du flux sanguin rénal
diagnostic de dépression a fait usage d’antidépresseurs Diminution de la filtration glomérulaire
et, chez les sujets de 65 ans et plus avec un diagnostic Diminution de la fonction tubulaire
de dépression, un tiers a pris au moins un traitement
antidépresseur, un tiers au moins un anxiolytique et
un tiers n’a pris aucun psychotrope [59]. Dans l’en- pharmacologiques observés chez le sujet âgé peuvent-
quête ESEMeD menée dans six pays européens dont ils être très différents de ceux mis en évidence avec la
la France, en population générale auprès de sujets de même dose chez un sujet plus jeune de même sexe et
plus de 18 ans (et incluant plus de 4 000 sujets âgés de poids comparable.
de plus de 65 ans), seulement un quart des sujets avec Chez le sujet âgé ne présentant aucune pathologie
un diagnostic établi de dépression a fait usage d’un particulière, les variations pharmacocinétiques peuvent
antidépresseur et un sur deux a reçu un traitement concerner l’absorption, la distribution, le métabo-
par benzodiazépines [21]. Ainsi les prescriptions de lisme et l’excrétion des médicaments (Tableau 29-I).
psychotropes dans la population âgée de 65 ans et
plus sont-elles très hétérogènes avec une sous-utilisa-
tion dans certaines pathologies et une surprescription Absorption
dans d’autres. Or les psychotropes sont associés à un
L’absorption des médicaments est globalement peu
risque iatrogénique important chez la personne âgée.
modifiée chez le sujet âgé si la muqueuse gastrique
Les prescriptions inappropriées d’antidépresseurs
n’est pas altérée [53]. Cependant, certains change-
peuvent augmenter le risque de chutes, de fractures et
ments liés à l’âge peuvent perturber la pharmacociné-
de confusion [3, 7, 35, 57, 64].
tique de certains médicaments (voir Tableau 29-I) : la
vitesse d’absorption peut être ralentie avec une valeur
de tmax allongée (tmax : temps observé au pic de concen-
M odifications physiologiques tration Cmax), l’augmentation du pH gastrique peut
liées à l ’ âge modifier la dissolution de la forme galénique avec un
délitement plus lent et, de façon souvent incomplète,
des formes pharmaceutiques solides.
Avec l’avancée en âge surviennent à la fois des
modifications physiologiques et des altérations des
fonctions organiques secondaires à des pathologies Distribution
[15]. L’ensemble de ces changements est à l’origine
de variations de la pharmacocinétique des médica- La distribution d’un médicament depuis le com-
ments et donc de leur concentration. Ainsi les effets partiment sanguin vers les compartiments tissulaires

321
Spécificités liées au terrain

(sites d’action) est appréciée par le volume apparent médicaments dont le rein est la principale voie
de distribution (V) qui peut varier en fonction de d’élimination et les composés hydrosolubles issus
l’âge du fait d’une augmentation de la masse grais- du métabolisme hépatique et éliminés par voie uri-
seuse, d’une diminution de l’eau corporelle, d’une naire. Les antidépresseurs tricycliques ne sont pas
diminution de la perfusion sanguine des tissus et excrétés par le rein, mais leurs métabolites le sont.
d’une modification de la liaison aux protéines plas- Quand la fonction rénale est altérée, l’élimination
matiques (voir Tableau 29-I). Le pourcentage de liai- des métabolites est diminuée et ceux-ci s’accu-
son d’un médicament aux protéines plasmatiques est mulent, pouvant conduire à des effets toxiques.
déterminant dans l’action pharmacologique. Seule la L’hydroxynortriptyline et l’hydroxydésipramine,
concentration libre du médicament se répartit dans métabolites de la nortriptyline et de la désipramine,
les tissus, c’est donc la forme pharmacologiquement ont des propriétés cardiotoxiques et peuvent s’accu-
active [65]. Dans le cadre d’un suivi thérapeutique, muler chez le sujet âgé [66]. Chez le sujet de plus
la mesure de la concentration libre ne se justifie que de 60 ans, le rapport entre hydroxynortriptyline et
si le médicament est fortement lié aux protéines nortriptyline est supérieur d’un facteur 2 (par rap-
plasmatiques (pourcentage de liaison supérieur à port à un sujet jeune) et est corrélé à la clairance de
90 p. 100) ou si la liaison varie en fonction de la la créatinine.
concentration (comme dans l’insuffisance rénale ou L’ensemble des variations pharmacocinétiques
dans l’insuffisance hépatocellulaire, lors d’interac- énoncées expose davantage les personnes âgées aux
tions médicamenteuses ou chez les sujets âgés) [24]. effets indésirables des médicaments, notamment lors
Les antidépresseurs tricycliques sont des molécules d’administrations chroniques, comme c’est le cas lors
basiques fortement liées aux protéines plasmatiques d’un traitement par antidépresseur. Elles nécessitent
(albumine et a1-glycoprotéine) et lipophiles. Chez le l’ajustement posologique du médicament afin d’éviter
sujet âgé, leur volume de distribution est plus grand des phénomènes de toxicité ou, au contraire, une inef-
(répartition dans les graisses et augmentation de la ficacité thérapeutique.
masse graisseuse, diminution de la fixation plasma- Concernant les modifications pharmacodyna-
tique) [54]. miques dans l’avancée en âge (changement du nombre
de récepteurs, de leur affinité et de leur efficacité),
elles sont aussi fortement impliquées dans la réponse
Métabolisme pharmacologique à un traitement et sont à l’origine
d’une hypersensibilité cérébrale aux psychotropes,
Les modifications physiologiques de la fonction
d’une élimination plus lente et d’une métabolisation
hépatique liées à l’âge (diminution du métabolisme
moins efficace des psychotropes [10, 17].
hépatique de 30 p. 100 après 70 ans) ont des effets
Les sujets âgés souvent polypathologiques et poly-
sur la métabolisation de certains médicaments comme
médiqués ont un risque accru d’interactions médica-
les antidépresseurs tricycliques qui, après un premier
menteuses, d’effets médicamenteux indésirables et de
passage hépatique, sont métabolisés en catabolites
décompensation de leurs co-morbidités somatiques
actifs et inactifs [56]. Dans l’avancée en âge, les voies
[30]. Le principal risque d’interaction médicamen-
métaboliques sont ralenties (réactions d’oxydation, de
teuse, lorsqu’un sujet âgé prend deux médicaments
déméthylation) en raison de la diminution de l’acti-
de façon concomittante, est constitué par l’action
vité des enzymes microsomiales (voir Tableau 29-I).
de l’un des médicaments sur le système des cyto-
Ainsi la désipramine a-t-elle une demi-vie plus longue
chromes P450 (par induction ou inhibition du
chez le sujet âgé (ralentissement de la voie de démé-
cytochrome qui métabolise le second médicament).
thylation, clairance ralentie) [1].
Certains antidépresseurs, comme la fluoxétine, la
paroxétine, la fluvoxamine ou la venlafaxine sont
Élimination inhibiteurs des systèmes enzymatiques à cytochrome
P450 [11]. Par ailleurs, l’activité enzymatique peut
Parmi les différentes étapes pharmacocinétiques, être diminuée dans certaines conditions patholo-
celle qui est le plus modifiée par l’âge est l’excré- giques (diabète, HTA) fréquemment rencontrées
tion rénale, conséquence de l’altération physiolo- chez le sujet âgé, avec un risque augmenté d’effets
gique de la fonction rénale chez le sujet âgé (voir indésirables [13]. Ces données doivent être prises en
Tableau 29-I). On observe donc une diminution compte lors de l’instauration d’un nouveau médica-
de la clairance rénale qui concerne à la fois les ment chez un sujet âgé.

322
SUJET ÂGÉ

Intérêts du monitoring biologique pharmacogénétiques. L’apport de la pharmacogé-


nétique, au moyen de tests génétiques rapides et
et de la pharmacogénétique fiables des capacités métaboliques, est particulière-
chez le sujet âgé ment intéressant chez les sujets âgés de plus de 65 ans
puisqu’elle prend en compte les facteurs de variabilité
de la pharmacocinétique et de la pharmacodynamique
La variabilité de réponse au traitement antidépres- spécifiques de cette population et qu’elle pourrait pré-
seur, en termes de délai d’action et d’efficacité, dépend dire l’ajustement posologique d’un médicament, les
de la pharmacocinétique et de la pharmacodynamique interactions et les effets indésirables pour un individu
dont les caractéristiques sont modifiées chez le sujet donné. Le CYP2D6 est une iso-enzyme intervenant
âgé. La prise en compte des caractéristiques indivi- dans le métabolisme de nombreux médicaments, dont
duelles de chaque patient pourrait permettre de maî- des antidépresseurs. Le polymorphisme du CYP2D6
triser ces données et de personnaliser le traitement, de résulte de la combinaison d’allèles sauvages et/ou
prédire la posologie minimale efficace, les effets indé- mutants, les premiers possédant des capacités méta-
sirables et les interactions médicamenteuses pour un boliques normales, les seconds étant caractérisés par
individu donné. Les mécanismes pharmacocinétiques une diminution variable d’intensité de leur capacité
sont influencés par le polymorphisme des enzymes du métabolique. L’association de ces différents allèles
métabolisme et des transporteurs alors que le poly- détermine les différentes catégories de métabolisme :
morphisme des sites d’action et des mécanismes liés métaboliseur lent, métaboliseur intermédiaire, méta-
à la maladie influence la pharmacodynamique. La boliseur rapide et métaboliseur ultrarapide [60]. Les
réponse au traitement et les effets indésirables pou- études traitant du polymorphisme du CYP2D6 sug-
vant apparaître sont la résultante de ces mécanismes. gèrent l’intérêt d’un génotypage lors de la mise en place
La première approche concernant l’individualisa- d’un traitement antidépresseur [61]. Plusieurs études
tion du traitement en caractérisant le métabolisme du ont retrouvé une étroite corrélation entre le nombre
patient a été effectuée par le dosage plasmatique des d’allèles fonctionnels du CYP2D6 et les concentra-
médicaments (therapeutic drug monitoring [TDM]) tions plasmatiques d’antidépresseurs, comme la nor-
qui cherche à évaluer la posologie médicamenteuse triptyline, la paroxétine et la venlafaxine [8]. Une
individuelle après mise en place d’un traitement [55]. étude du polymorphisme du CYP2D6 menée chez
Chez les sujets âgés, des concentrations plasmatiques le sujet âgé a montré que la proportion de métabo-
élevées d’antidépresseurs ont pu être observées pour liseurs lents n’est pas augmentée chez les sujets âgés
une posologie minime. Les modifications physiolo- sans aucun traitement. En revanche, chez les sujets
giques liées à l’âge, à une co-morbidité, à d’éventuelles âgés sous psychotropes (dont les antidépresseurs),
interactions médicamenteuses peuvent expliquer cette existerait une diminution de la capacité métabolique,
constatation et justifier un dosage du médicament se rapprochant des caractéristiques des métaboliseurs
dans cette population afin de déterminer la posologie lents [60]. Dans une méta-analyse de 2003, des ajus-
minimale efficace et réduire le risque d’effets indé- tements posologiques pour différents antidépresseurs
sirables [41]. Une étude menée chez des sujets âgés ont ainsi pu être proposés selon le phénotype du cyto-
déprimés et destinée à décrire et à évaluer les effets chrome 2D6 (métaboliseur lent, métaboliseur inter-
du dosage plasmatique des médicaments en routine médiaire, métaboliseur rapide et métaboliseur ultra
a montré l’intérêt du dosage des inhibiteurs de la rapide) [31, 32].
recapture de la sérotonine (citalopram, paroxétine Les antidépresseurs inhibiteurs de la recapture de la
et sertraline) dans l’efficacité et le coût de la stratégie sérotonine (IRS) agissent via l’inhibition du transpor-
médicamenteuse (détermination de la dose minimale teur de la sérotonine (5-HTT). Le polymorphisme du
efficace et réduction des coûts de 10,2 p. 100) [42]. promoteur (5-HTTLPR) du gène du transporteur de
Depuis les années 1990, le dosage plasmatique la sérotonine (SLC6A4) a été particulièrement étudié :
des médicaments a été complété par la pharmaco- cette région du gène est soumise à une variabilité don-
génétique qui étudie l’influence du profil génétique nant lieu à deux allèles différents (allèle s et allèle I).
sur la variabilité de la réponse au traitement médica- La composition allélique peut modifier l’expression
menteux, tant en termes d’efficacité, de délai d’action et la fonction du transporteur de la sérotonine. Des
que d’effets indésirables [58]. La relation entre un études ont été effectuées chez les sujets âgés déprimés
traitement antidépresseur et la réponse thérapeu- et montrent que les mutations 5-HTTLPR pour-
tique est partiellement déterminée par des facteurs raient contribuer à la variation de réponse initiale des

323
Spécificités liées au terrain

patients traités par IRS (paroxétine) [49], que l’allèle s suicidaire majeur…) ou d’intolérance aux psycho-
de 5-HTTLPR est associé à davantage d’effets indési- tropes [39]. Les épisodes dépressifs d’intensité légère
rables et à des effets indésirables plus sévères chez les pourraient bénéficier d’un simple accompagnement
patients traités par IRS (patients traités par mirtaza- psychologique, mais la préférence de nombreux méde-
pine et paroxétine) [47]. cins continue de s’orienter vers un traitement psy-
chotrope, souvent par manque de lisibilité des filières
d’accès aux soins psychothérapiques dans notre pays.
P rincipes généraux Les principaux objectifs et les moyens de la prise en
charge sont décrits dans le tableau 29-II. L’objectif du
de la thérapeutique antidépressive traitement d’attaque doit être une rémission sympto-
matique complète, définie par la disparition de l’en-
semble des symptômes de la dépression. Cette phase
Phases et modalités du traitement dure de 2 à 3 mois. Une rémission partielle, avec per-
d’un épisode dépressif majeur sistance de symptômes résiduels, élève le risque d’une
rechute précoce. La recommandation classique qui
Les stratégies thérapeutiques de l’épisode dépressif préconise d’initier le traitement à une faible posolo-
majeur du sujet âgé ne sont pas différentes de celles de gie et d’augmenter les doses avec prudence (start slow,
l’adulte d’âge moyen. Dans la majorité des cas, un trai- go slow) s’applique moins aux prescriptions d’antidé-
tement antidépresseur est associé à un accompagne- presseurs de nouvelle génération (ISRS, IRSNa…).
ment psychologique pendant une durée variable selon En l’absence d’insuffisance rénale ou hépatique, ces
qu’il s’agit d’un premier épisode dépressif ou d’un molécules peuvent être prescrites d’emblée à posologie
trouble dépressif récurrent. Certaines formes cliniques efficace. La notion selon laquelle le délai d’obtention
peuvent guider vers d’autres choix thérapeutiques. de la rémission symptomatique serait plus long chez
La cure d’électroconvulsivothérapie est indiquée en les sujets déprimés âgés que chez ceux d’âge moyen
première intention devant certains tableaux mélanco- concerne majoritairement les antidépresseurs néces-
liques (avec symptômes psychotiques ou catatoniques, sitant une titration posologique (Tableau 29-III). La
s’accompagnant de refus alimentaires, d’un risque phase de consolidation a pour but de réduire le risque

Tableau 29-II. – Quels sont les objectifs de la prise en charge de la dépression et les moyens d’y parvenir [6] ?

Objectifs Modalités

Réduction du risque suicidaire ou des conséquences délétères des Évaluation initiale et régulière du risque
attitudes de désinvestissement de soi et d’autrui Consultation rapide d’un spécialiste en cas d’urgence
Rémission des symptômes dépressifs Instauration d’un traitement adéquat (antidépresseur et/ou
psychothérapie)
Délivrer au patient et à son entourage une information claire et
précise sur les symptômes de la dépression, son traitement et
son évolution
Aider le patient à retrouver un fonctionnement optimal le plus Mettre en place des aides pour les activités de la vie quotidienne
rapidement possible Favoriser l’accès aux services sociaux et/ou aux organismes sus-
ceptibles de mettre en place un dispositif d’aide
Traiter le patient dans sa globalité (en incluant le traitement des Traiter les co-morbidités somatiques
affections somatiques) Diminuer le handicap lié à une altération des fonctions sensorielles,
à une diminution de la mobilité ou aux symptômes d’une
maladie chronique
Faire une synthèse des spécialités médicamenteuses prescrites et
en interrompre certaines lorsque leur indication est contestable
Prévention de la rechute et de la récidive Informer le patient sur la nécessité de poursuivre le traitement
antidépresseur après la guérison et sur les symptômes indica-
teurs d’une rechute dépressive
Traitement de consolidation
Traitement de maintenance (ou de prévention des récidives)

324
SUJET ÂGÉ

Tableau 29-III. – Stratégies de traitement en aigu [6]. l’accompagnant peut être extrêmement utile, mais
une prescription gagnera à être différée à une pro-
Après 4 semaines de traitement chaine consultation si elle suscite une crainte exces-
En l’absence de réponse (< 30 p. 100 de réduction sympto-
matique sur une échelle de dépression) :
sive des effets secondaires, une perplexité ou un rejet,
– augmenter la dose jusqu’à la posologie optimale par exemple chez des patients qui ne reconnaissent
recommandée pas être déprimés. L’information devra être répétée
– changer d’antidépresseur (au cas où la posologie optimale aux autres phases du traitement. Lorsqu’une rémis-
recommandée a été atteinte) sion symptomatique complète a été obtenue, elle doit
En cas de réponse partielle : prévenir le mouvement naturel qui consiste pour le
– poursuivre le traitement et en réévaluer l’efficacité après 2
patient à interrompre son traitement ; il faut l’inciter
à 4 semaines. À l’issue des 8 semaines de traitement, en cas
d’amélioration supplémentaire minime : au contraire à le poursuivre pendant toute la durée
– potentialiser le traitement antidépresseur avec un médica- nécessaire à la consolidation. L’impact délétère d’épi-
ment ou une intervention psychologique sodes dépressifs récurrents est tel chez une personne
– envisager une association d’antidépresseurs âgée que l’information sur la nécessité d’une préven-
À tous les stades tion durable des récidives dépressives apparaît plus
Envisager l’électroconvulsivothérapie impérative [23].
L’observance globale des traitements antidépres-
seurs est médiocre dans la population âgée. Une étude
de réapparition de symptômes dépressifs au décours menée chez 67 sujets âgés de plus de 65 ans traités
du traitement. Sa durée est comprise entre 4 à 6 mois par antidépresseurs, suivis régulièrement et informés,
après la rémission des symptômes dépressifs. Enfin, retrouve que 67,2 p. 100 d’entre eux avaient une
l’objectif de la phase de maintenance est de prévenir observance complète, 10,4 p. 100 une observance
la survenue de nouveaux épisodes dépressifs. Le trai- partielle et 13,4 p. 100 une inobservance [44]. Une
tement préventif des récidives (ou des récurrences) mauvaise adhésion au traitement antidépresseur peut
est particulièrement indiqué chez les patients ayant être liée à de multiples facteurs : certains sont modi-
présenté au moins trois épisodes dépressifs majeurs au fiables totalement ou partiellement (croyances autour
cours des quatre dernières années : si ceux-ci ont été de l’efficacité du traitement prescrit, non-recon-
rapprochés ou sévères (notamment risque suicidaire, naissance de la dépression comme une maladie…),
caractéristiques psychotiques et incapacité fonction- d’autres non (facteurs culturels et spirituels) [67]. Une
nelle) ou lorsqu’existent des symptômes résiduels, des mauvaise observance peut être volontaire (souvent
pathologies associées, des antécédents familiaux de associée à une inquiétude quant à la survenue d’effets
dépression [2]. Le questionnement sur l’indication indésirables, à la stigmatisation du traitement antidé-
d’une phase de maintenance revêt une importance presseur, à l’attribution d’une moindre importance
particulière dans la dépression du sujet âgé en raison au traitement antidépresseur en comparaison d’autres
de l’augmentation du taux de récurrences et de sui- traitements) ou non (associée à des oublis et à des
cide, de la fréquence des co-morbidités et du handicap difficultés de prise du traitement médicamenteux).
fonctionnel qui la caractérisent [23, 51]. Différentes interventions peuvent être proposées pour
améliorer l’adhésion au traitement selon les facteurs
impliqués : éducation thérapeutique [4]...
Comment améliorer
l’adhésion au traitement ?
T raitements antidépresseurs
Une information claire sur les symptômes de la
dépression, les principes généraux du traitement et
l’évolution de la maladie est essentielle. L’enjeu est Efficacité globale des antidépresseurs
d’obtenir une bonne adhésion au traitement tout au dans le traitement de la dépression
long de la maladie dans une population où la mul-
tiplicité des prescriptions et l’existence éventuelle de de la personne âgée
troubles de mémoire concourent à élever le risque
de l’inobservance. L’instauration du traitement est L’intérêt des antidépresseurs dans la dépression de
l’un des moments les plus délicats car elle influe la personne âgée semble faire l’objet d’un consensus
sur l’ensemble de la prise en charge. Le soutien de international. Des méta-analyses d’essais comparatifs

325
Spécificités liées au terrain

randomisés comparant des antidépresseurs à un pla- défavorables pour les tricycliques [46]. Les ISRS ont
cebo ont montré que les antidépresseurs étaient pour principaux effets secondaires : nausées, cépha-
efficaces dans le traitement de la dépression de la lées, agitation, insomnies, troubles sexuels et prise de
personne âgée [48]. Ainsi n’y a-t-il pas de preuve poids, syndrome de sécrétion inappropriée d’hormone
de moins bonne réponse des sujets âgés déprimés antidiurétique (SIADH réversible à l’arrêt du traite-
aux soins et aux traitements psychotropes [34, 36]. ment), hyponatrémie, rares effets extrapyramidaux. Ils
Cependant, l’existence de lésions vasculaires multiples sont associés à une augmentation du risque de chute
de la substance blanche (leucoaraïose souvent présente et de fracture (risque dose-dépendant). Certains ISRS,
chez les sujets déprimés âgés) est associée à une moins en agissant comme inhibiteurs du système enzyma-
bonne réponse au traitement antidépresseur [22]. tique du cytochrome P450, peuvent conduire à une
Par ailleurs, au-delà de 65 ans, le délai pour obtenir augmentation de concentration de certains autres
une réponse thérapeutique est souvent plus long et médicaments (antibiotiques, antifongiques, antidé-
il est recommandé d’attendre 6 semaines pour juger presseurs, antihistaminiques, neuroleptiques, anti-
de l’efficacité optimale d’un traitement antidépres- arythmiques, stéroïdes), d’où des effets indésirables.
seur [62]. Néanmoins, la différence d’efficacité entre La prescription des imipraminiques a diminué en
certains antidépresseurs et le placebo apparaît faible raison des effets secondaires anticholinergiques péri-
dans certaines études, voire non significative au plan phériques (risque d’iléus paralytique, de constipation,
statistique. Cela concerne en particulier les essais de rétention urinaire et de glaucome aigu, de sécheresse
comparatifs randomisés dont les patients ont des buccale) et centraux (confusion mentale), du risque
moyennes d’âge de 75 à 80 ans, chez lesquels les anti- d’allongement de l’espace QT et d’arythmie cardiaque
dépresseurs n’apparaissent pas supérieurs au placebo (justifiant la pratique d’un ECG) et de la létalité lors
[2]. Les modifications pharmacocinétiques et phar- d’une ingestion volontaire. Le risque de chute est par
macodynamiques observées avec l’avance en âge et la ailleurs augmenté par la survenue d’une hypotension
polymédication, courante dans cette population (qui orthostatique et d’une sédation. Enfin, les antidé-
élève la probabilité d’interactions médicamenteuses), presseurs imipraminiques sont à risque de concentra-
figurent parmi les principaux facteurs de variabilité tions plasmatiques plus élevées que chez l’adulte d’âge
interindividuelle de la réponse thérapeutique aux moyen en raison d’une diminution de l’élimination
antidépresseurs. Les données provenant des méta- rénale de leurs métabolites hydrosolubles. Une méta-
analyses montrent qu’il n’y a pas de différences signi- analyse de Wilson et Mottram en 2004, qui comparait
ficatives entre les différentes classes d’antidépresseurs. les effets indésirables des ISRS et des antidépresseurs
L’interprétation de ces méta-analyses doit toutefois tricycliques chez les sujets âgés déprimés, concluait à
être prudente en raison de l’hétérogénéité des données l’absence de différence en termes de tolérance entre ces
collectées et de la faible taille des effectifs. Sauf cas deux classes d’antidépresseurs [63]. De plus, une étude
particuliers, les inhibiteurs spécifiques de recapture de récente de Coupland et al. portant sur l’utilisation des
la sérotonine (ISRS), les inhibiteurs de recapture de la antidépresseurs chez les sujets âgés et le risque d’issues
sérotonine et de la noradrénaline (IRSNa) et les anti- défavorables (décès, accidents de la voie publique,
dépresseurs de la classe « autres antidépresseurs » sont effets indésirables) selon la classe d’antidépresseur
prescrits en première intention en raison de leur meil- retrouve un risque plus important pour les ISRS et les
leure tolérance et de leur faible risque d’interactions molécules du groupe des autres antidépresseurs que
médicamenteuses [2, 16]. pour les antidépresseurs imipraminiques. Le risque
absolu à 1 an pour toutes les causes de mortalité est de
7,04 p. 100 pour les patients sans antidépresseur, de
Le rapport efficacité/tolérance guide 8,12 p. 100 pour ceux avec des antidépresseurs tricy-
le choix thérapeutique cliques, de 10,61 p. 100 pour ceux avec des ISRS et de
11,43 p. 100 pour ceux avec d’autres antidépresseurs
La survenue d’effets secondaires est la principale [14]. Que les études futures confirment ou non ces
cause d’inobservance d’un traitement antidépres- résultats, l’évaluation des bénéfices et des risques des
seur chez les patients âgés [46]. Une méta-analyse différents antidépresseurs devra toujours être soigneu-
portant sur les profils d’efficacité et de tolérance des sement réalisée lors d’une prescription à un sujet âgé.
antidépresseurs chez les sujets âgés retrouve une effi- Les principaux effets secondaires des antidépres-
cacité comparable pour les ISRS et les antidépres- seurs utilisés dans la dépression gériatrique sont
seurs tricycliques, mais davantage d’effets secondaires décrits dans le tableau 29-IV [20, 40].

326
SUJET ÂGÉ

Tableau 29-IV. – Mécanismes d’action, effets secondaires et posologies des principaux antidépresseurs utilisés en
France dans le traitement de la dépression de la personne âgée.

Antidépresseur Principal mode d’action Effets secondaires les plus fréquents Posologie initiale Posologie quotidienne
(mg) moyenne (mg)

Citalopram 5-HT Nausées et vomissements, dyspepsie, dou- 20 20-40


leurs abdominales, diarrhée, céphalées,
effets sur la libido
Escitalopram 5-HT Identiques à ceux du citalopram 5 10
Sertraline 5-HT Identiques à ceux du citalopram 50 50-150
Fluoxétine 5HT Identiques à ceux du citalopram, mais une 20 20
insomnie et une agitation sont plus
fréquemment observées
Paroxétine 5-HT Identiques à ceux du citalopram, mais une 20 20
somnolence et des effets anticholiner-
giques ont été rapportés
Fluvoxamine 5-HT Identiques à ceux du citalopram, mais les 50-100 100-200
nausées sont plus fréquemment rapportées
Moclobémide IMAO Troubles du sommeil, nausées, agitation 300 300-400
Venlafaxine NA/5-HT Nausées, insomnie, vertiges, sécheresse buc- 75 150
cale, somnolence, élévation et diminution
de la pression artérielle
Minalcipran NA/5-HT Nausées, insomnie, vertiges, sécheresse buc- 100 100-200
cale, somnolence, élévation et diminution
de la pression artérielle
Duloxétine NA/5-HT Nausées, insomnie, vertiges 30 60
Mirtazapine Blocage a2 Augmentation de l’appétit, prise de poids, 30 30
Antagoniste sélectif des récep- somnolence, céphalées
teurs 5-HT2 et 5-HT3
Miansérine a2 Somnolence 30 30-90
Tianeptine 5-HT ++ Gastralgies, insomnie ou somnolence 25 25
Agomélatine Agoniste mélatoninergique Nausées, vertiges, troubles du sommeil, 25 25-50
(récepteurs MT1 et MT2) troubles gastro-intestinaux
Antagoniste 5-HT2C
Amitriptyline 5-HT++/NA+ Somnolence, effets anticholinergiques, hypo- 25-50 75-100
tension orthostatique, tachycardie/arythmie
Clomipramine 5-HT ++/NA + Identiques à ceux de l’amitriptyline, mais 75-100
moindre somnolence
Imipramine NA ++/5-HT + Identiques à ceux de l’amitriptyline, mais 25 75-100
moindre somnolence

Efficacité des antidépresseurs dans Les symptômes anxiodépressifs accentuent à des


degrés divers les différentes composantes du déficit
le traitement des dépressions
démentiel, cognitif et neurologique, favorisent la perte
co-morbides avec des affections d’autonomie et concourent à la baisse de la qualité de
neurologiques vie. Dans la maladie d’Alzheimer à tous ses stades évo-
lutifs, les antidépresseurs les moins anticholinergiques
La prise en charge des symptômes dépressifs com- (en particulier les ISRS ou la tianeptine) sont souvent
pliquant le cours évolutif de la maladie d’Alzheimer ou prescrits en première intention. Aucun consensus n’a
des démences apparentées, de la maladie de Parkinson cependant été établi pour l’utilisation de ces produits
ou d’une maladie cérébrovasculaire constitue un enjeu dans cette indication qui apparaît essentiellement
thérapeutique majeur mais demeure mal codifiée. guidée par des arguments de bonne tolérance [5].

327
Spécificités liées au terrain

Aux cours des phases les plus évoluées de la maladie, médicamenteuses et de décompensation de co-morbi-
lorsque la dépression revêt une expression essentiel- dités somatiques est particulièrement important dans
lement comportementale (retrait, clinophilie, abatte- la population âgée. Toute prescription d’antidépres-
ment ou au contraire, hostilité, agressivité physique et seur doit être précédée de la recherche d’éventuelles co-
verbale, agitation), les ISRS auraient des effets symp- morbidités et d’une polymédication afin de minimiser
tomatiques intéressants [28, 43, 50]. le risque iatrogène ; elle doit être suivie d’une évalua-
Les dépressions post-AVC retentissent sur le pro- tion de la réponse en termes de délai et d’efficacité. La
nostic fonctionnel, cet effet apparaissant réversible réponse au traitement antidépresseur dépend de para-
chez les patients traités. La survenue d’une dépression mètres pharmacocinétiques et pharmacodynamiques
post-AVC peut altérer la qualité de vie des patients qui sont modifiés chez le sujet âgé. Dans le futur, la
et de leur entourage. L’intérêt des traitements anti- pharmacogénétique, en prenant en compte ces para-
dépresseurs, en prévention et dans le traitement pré- mètres, pourrait participer à une personnalisation du
coce de la dépression post-AVC n’a pas été démontré traitement pour un individu donné.
jusqu’à présent. Néanmoins, les arguments en faveur
de leur utilisation s’accumulent. Le bénéfice des anti-
dépresseurs dans cette indication pourrait porter aussi Références
sur le handicap, les activités quotidiennes, les fonc-
tions cognitives et de façon plus globale, l’espérance 1. Abernethy DR, Greenblatt DJ, Shader RI. Imipramine
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328
SUJET ÂGÉ

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Spécificités liées au terrain

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330
30
S chizophrénies
........
P. de Maricourt et M.-O. Krebs

La prescription d’antidépresseurs chez les patients I ndication des traitements


souffrant de schizophrénie est fréquente en pratique
clinique. Les études rapportent des taux de prescrip- antidépresseurs
tions entre 30 et 50 p. 100 [34, 41, 61]. Pourtant,
le sujet a longtemps été soumis à controverses : en Place de la dépression
effet, certaines études mettent en avant le risque de dans la schizophrénie
telles prescriptions, notamment le risque d’aggrava-
tion des symptômes psychotiques, tout particulière-
ment en phase aiguë. Cependant, ces prescriptions La dépression co-morbide avec la schizophrénie est
sont courantes. Dans une enquête publiée en 2001 un enjeu important. Elle est associée à une durée
sur la prise en charge de la dépression dans la schi- plus importante des épisodes, à des rechutes plus
zophrénie [61], l’adjonction d’un antidépresseur au fréquentes et à un risque suicidaire plus élevé [7, 8,
19]. La prévalence des troubles dépressifs dans la
traitement antipsychotique concerne 38 p. 100 des
schizophrénie est très variable selon les études, entre
patients hospitalisés et 43 p. 100 des patients soi-
7 et 75 p. 100. Cependant, on peut être surpris de
gnés en ambulatoire. Ces prescriptions répondent
chiffres si élevés de troubles dépressifs dans certaines
aux symptômes affectifs de la schizophrénie, en
études [17]. Il règne en fait une certaine confusion
particulier des symptômes dépressifs, que l’on
dans la terminologie employée pouvant expliquer de
retrouve dans des situations cliniques diverses, mais
telles variations dans les chiffres. Si l’on se réfère à une
l’élargissement du champ de prescription des anti- démarche critériologique et en prenant en compte
dépresseurs à d’autres cibles thérapeutiques que la uniquement les situations répondant à la définition
symptomatologie dépressive exclusive multiplie les du DSM-IV d’un épisode dépressif majeur, les taux
situations cliniques de prescription des antidépres- sont plus raisonnables, autour de 25 p. 100 [60]. Les
seurs [63]. symptômes affectifs, en particulier dépressifs, sont fré-
Un autre point à considérer est que ces traite- quents dans la phase aiguë d’un épisode psychotique
ments sont la plupart du temps des traitements et, le plus souvent, ces symptômes s’amendent avec
adjuvants à un traitement antipsychotique, qu’il l’amélioration clinique globale [43].
soit classique ou atypique [7]. Comme dans toute Une autre source de surestimation est la difficulté
association médicamenteuse, le risque d’interaction à différencier syndrome dépressif et symptômes
médicamenteuse existe : augmentation des effets négatifs, dimension à part entière de la maladie schi-
indésirables ou risque d’une diminution de l’effi- zophrénique [24]. En effet, certains signes cliniques
cacité des traitements neuroleptiques. Ces considé- appartiennent aux deux tableaux : le ralentissement
rations conduisent à penser qu’il convient de bien psychomoteur, l’aboulie, l’asthénie. Pour autant,
définir les situations cliniques nécessitant la pres- l’émoussement affectif, symptôme important de la
cription d’un antidépresseur ainsi que le symptôme dimension négative, n’est pas retrouvé dans les états
cible et donc la molécule en fonction de son profil, dépressifs où dominent au contraire la tristesse et la
tout en prenant en compte les possibles interactions douleur morale [41].
médicamenteuses avec le reste du traitement en par- Des échelles d’évaluation adaptées peuvent aider à
ticulier antipsychotique. différencier ces situations car les échelles d’évaluation

331
Spécificités liées au terrain

des symptômes dépressifs classiques comme la –– la symptomatologie dépressive est concomitante


Montgomery Asberg depression rating scale (MADRS) de l’épisode psychotique et disparaît avec lui ;
[44] ou la Hamilton depression rating scale (HDRS) [28] –– la symptomatologie dépressive est présente pen-
ne permettent pas de prendre en compte les dimen- dant la phase psychotique aiguë, mais se démasque
sions psychotiques. Certaines échelles spécifiques ont progressivement quand la symptomatologie psycho-
donc été élaborées comme la Calgary depression scale tique s’estompe ;
(CDS) [3] ou la psychotic depression scale (PDS) [6], –– le syndrome dépressif survient quand les signes
mais celles-ci restent peu utilisées non seulement en psychotiques ont nettement régressé (dépression post-
pratique clinique, mais malheureusement aussi dans psychotique précoce) ;
les essais, ce qui laisse un doute sur la nature réelle des –– le syndrome dépressif survient à distance de l’épi-
symptômes dans certaines études [41]. sode floride (dépression post-psychotique tardive) ;
Suivant l’approche catégorielle, le DSM-IV fait –– l’épisode dépressif apparaît sur un tableau psy-
figurer la place d’éléments dépressifs dans deux situa- chotique au long cours, totalement ou partiellement
tions cliniques liées à la schizophrénie : le trouble résistant aux thérapeutiques.
schizo-affectif et la dépression post-psychotique.
La place du trouble schizo-affectif dans la nosogra-
phie a longtemps été discutée et rattachée, selon les Antidépresseurs dans la dépression
auteurs, soit à la schizophrénie, parlant volontiers associée à la schizophrénie
de schizophrénie dysthymique, soit à la « psychose
maniacodépressive » [21, 36]. Le DSM-IV en fait une Les données de la littérature concernant la pres-
entité à part. Il est caractérisé par l’existence d’une cription d’antidépresseur dans la schizophrénie sont
maladie au cours de laquelle il existe de façon simulta- relativement limitées, faites d’une multitude d’essais
née un épisode dépressif majeur, maniaque ou mixte sur des échantillons de petite taille, utilisant des
et les symptômes remplissant le critère A de la schi- méthodologies variées et menant à des résultats par-
zophrénie (critère A). Au cours de la même période, fois contradictoires.
des idées délirantes ou des hallucinations doivent être Siris et ses collaborateurs ont publié en 1978 une
présentes pendant au moins 2 semaines, en l’absence première revue de la littérature concernant l’usage
de symptômes thymiques (avant ou après, critère B). des antidépresseurs tricycliques et des IMAO dans
Enfin, les symptômes thymiques doivent être pré- la schizophrénie [62]. Cette étude tendait à mon-
sents pendant une partie conséquente de la maladie trer une efficacité dans la diminution des symptômes
(critère C). Deux sous-types sont individualisés : le dépressifs, mais les biais méthodologiques étaient déjà
type bipolaire et le type dépressif. Classiquement, le soulignés.
trouble schizo-affectif est associé à un meilleur pro- Une revue des études publiées entre 1978 et 1991
nostic que le trouble schizophrénique du fait d’une [51], incluant sept essais cliniques, montre une même
symptomatologie résiduelle et négative moins intense tendance à l’amélioration de la symptomatologie
que dans la schizophrénie [39], mais cela semble plus dépressive, mais les résultats sont la plupart du temps
complexe du fait de l’hétérogénéité clinique de ce non significatifs.
trouble [46]. La revue de la littérature la plus récente est la revue
Le trouble dépressif post-psychotique est décrit dans Cochrane publiée en 2002 [68], qui souligne le peu de
le DSM-IV dans l’annexe B qui propose des catégo- données fiables dans la littérature et la faible puissance
ries diagnostiques provisoires pour lesquelles de nou- des essais. De plus, certaines études sélectionnées sont
velles études sont souhaitables afin de mieux définir anciennes faisant poser la question de l’antipsycho-
ces troubles. Il est défini comme un trouble dépressif tique co-prescrit : neuroleptique (ou antipsychotique
majeur surajouté à la phase résiduelle d’une schizo­ de première génération) plutôt qu’antipsychotique de
phrénie et n’apparaissant que pendant cette phase. deuxième génération (ou atypique). En effet, les anti-
Cette phase résiduelle succède à la phase active de psychotiques atypiques ont un effet thymorégulateur
la schizophrénie et se caractérise par la persistance a [63], voire, pour certaines molécules récentes, antidé-
minima d’éléments psychotiques. La difficulté de dif- presseur probable [26]. Ainsi la co-prescrition d’anti-
férenciation entre trouble dépressif vrai et symptômes psychotique devient-elle fréquente dans la dépression
se pose tout particulièrement dans ce cas. unipolaire ou bipolaire. En revanche, les neuroleptiques
Dans une approche descriptive, Spadone rapporte conventionnels prescrits majoritairement dans les
plusieurs types de dépression post-psychotique [48] : études plus anciennes n’ont pas d’effet antidépresseur.

332
SCHIZOPHRÉNIES

Le potentiel effet psychotomimétique des antidé- dépression résistante, on peut estimer que cela puisse
presseurs chez des patients souffrant de schizophrénie être une bonne indication. Par ailleurs, la sismothé-
a été mis en avant contre la prescription d’antidépres- rapie est aussi indiquée en cas de risque suicidaire
seur. Pourtant, cet effet n’est pas retrouvé dans l’étude majeur [52].
[68]. Mais il est à noter que la majorité des études
sélectionnées concernait des patients en ambulatoire
ou quelques semaines après leur admission à l’hôpital, Antidépresseurs et symptômes négatifs
et donc des patients a priori en dehors d’un épisode
psychotique aigu. L’amélioration des symptômes négatifs constitue un
La revue conclut que l’état actuel des connais- réel challenge dans le traitement de la schizo­phrénie.
sances ne permet pas de fournir des directives claires En effet, si les traitements neuroleptiques sont effi-
sur l’intérêt des antidépresseurs dans le traitement caces sur la dimension positive de la schizophrénie, ils
de la dépression chez les patients schizophrènes, sont le plus souvent peu ou pas efficaces sur les symp-
même si certaines études suggèrent une efficacité. À tômes négatifs, notamment sur les symptômes néga-
l’inverse, il n’y a pas d’argument pour réfuter leur tifs primaires. Malgré l’arrivée des antipsychotiques
utilisation [68]. de deuxième génération, qui sont plus actifs sur cette
Les études publiées depuis la méta-analyse Cochrane dimension que les neuroleptiques classiques, l’effica-
concluent à des résultats divergents. Sur deux essais en cité restent peu satisfaisante, alors même que l’impact
double aveugle contre placebo concernant la sertra- sur la qualité de la vie des patients est majeur [66].
line, l’un tend à montrer l’efficacité de la sertraline L’intérêt des antidépresseurs dans le traitement des
[45], l’autre ne montre pas de différence significative symptômes négatifs a été étudié dans une littérature
[2]. Une étude incluant quarante et un patients com- riche mais qui, là aussi, souffre du manque de puis-
parant la mirtazapine contre un placebo ne met pas sance des études [9, 12, 13, 18, 29, 46, 50, 54, 55].
en évidence de différence significative entre les deux Dans une revue de la littérature publiée en 2010,
groupes [65]. Un essai ouvert non contrôlé incluant les auteurs concluent à une efficacité des antidépres-
dix-neuf patients montre l’efficacité de la venlafaxine seurs dans le traitement des symptômes négatifs de la
[40]. Enfin, une série de cas où le bupropion est utilisé schizophrénie [59]. Parmi les antidépresseurs, l’effet
à visée antidépressive est en faveur de son efficacité
est statistiquement significatif pour la fluoxétine, la
dans cette indication [25].
trazodone et la ritansérine. L’étude récente d’une série
Dans le trouble schizo-affectif, une étude récente
de cas citée plus haut utilisant du bupropion chez les
rapporte que l’utilisation d’un antidépresseur asso-
patients schizophrènes présentant une dépression met
cié au traitement antipsychotique se justifie dans le
en avant son efficacité non seulement sur la dimension
trouble schizo-affectif de type dépressif, contraire-
dépressive, mais aussi sur la dimension négative, sans
ment au type bipolaire, du fait du risque de virage
de l’humeur [47] confirmant un article plus ancien aggravation des symptômes positifs [25]. Une revue
sur le traitement de ce trouble qui affirmait l’intérêt publiée en 2007 par Sepehry et al. ne trouvait pas de
des antidépresseurs lors de la présence d’un syndrome différence significative entre les groupes placebo ver-
dépressif caractérisé [36]. sus inhibiteur de la recapture de la sérotonine (ISRS),
Concernant les autres thérapeutiques antidépres- sauf pour des patients chez lesquesl les troubles évo-
sives, le lithium, par ses effets thymorégulateurs, ses luent depuis longtemps [57].
propriétés antidépressives modérées et son effet anti- La méta-analyse Cochrane publiée en 2010 s’inté-
impulsif, peut être intéressant. En 2009, une revue de ressant à l’efficacité des antidépresseurs dans la prise
la littérature Cochrane étudiant les effets du lithium en charge des symptômes négatifs [55] rapporte une
dans le traitement de la schizophrénie ne montrait pas différence significative entre les patients traités par
d’efficacité de celui-ci dans le traitement des dimen- antipsychotiques et antidépresseurs comparés aux
sions dépressives [35]. patients traités par antipsychotiques et placebo. Cette
L’électroconvulsivothérapie est une alternative efficacité est trouvée plus particulièrement pour la
thérapeutique dans le traitement des schizophrénies dimension « émoussement affectif » et « alogie ». Il
résistantes ou répondant partiellement aux traite- n a pas de différence significative pour la dimension
ments antispychotiques. Il n’y a rien dans la littérature « retrait social ».
concernant son efficacité sur la dépression associée à la Ainsi l’intérêt des antidépresseurs dans le traitement
schizophrénie. Compte tenu de son efficacité dans la des symptômes négatifs semble-t-il admis [9].

333
Spécificités liées au terrain

Trouble anxieux, fonction des études [31]. Les antipsychotiques aty-


piques induisent moins d’akathisie, mais cela reste
schizophrénie et antidépresseurs
l’effet secondaire neurologique le plus fréquent induit
L’anxiété est un symptôme clinique fréquent dans par ces molécules, y compris la clozapine. Les trai-
la schizophrénie [1, 17], prenant parfois la forme tements anticholinergiques ont peu d’efficacité. En
d’attaques de panique [11]. L’anxiété est un symp- dehors du propanolol [33, 42], plusieurs études ont
tôme important à prendre en compte car il serait mis en avant l’efficacité de la mirtizapine et de la tra-
un indicateur prédictif de la rechute [10], associé à zadone dans le traitement de l’akathise. Cela serait en
une mauvaise qualité de vie, à une augmentation du lien avec l’activité antagoniste 5-HT2A/2C de ces molé-
risque de suicide et à un moins bon fonctionnement cules [23, 31, 64].
social [15]. Une situation clinique particulière est la
schizophrénie pseudo-obsessionnelle associant des Antidépresseurs chez les sujets
troubles d’allure obsessionnelle aux troubles psycho-
tiques. La nature précise de ces troubles anxieux reste à ultrahaut risque de psychose
une question non tranchée.
Les psychoses sont des pathologies sévères, dont
Dans une volonté d’approche catégorielle, c’est-
le pronostic est amélioré par une prise en charge
à-dire en définissant l’anxiété comme une entité
précoce et dont les symptômes prodromiques sont
co-morbide à la schizophrénie, certains auteurs pro- présents pendant une période prodromique suffisam-
posent d’utiliser des antidépresseurs comme traite- ment longue. Les symptômes dépressifs et anxieux,
ment de première intention dans la prise en charge tout comme les troubles du sommeil ou la réactivité
des troubles anxieux comme définis dans le DSM-IV au stress, font partie des symptômes prodromiques
[16]. Les ISRS (en particulier la fluvoxamine) et la précoces. L’enjeu est de repérer les meilleurs critères
clomipramine seraient efficaces dans le traitement des prédictifs pour proposer à ces patients à ultrahaut
troubles anxieux dans la schizophrénie, en particulier risque de psychose des soins adaptés non stigmati-
dans les troubles obsessionnels-compulsifs [14, 53]. sants. Plus que les antipsychotiques – les symptômes
psychotiques sont atténués ou transitoires –, les
Intérêt des antidépresseurs options thérapeutiques se tournent vers des traite-
ments neuroprotecteurs, comme les oméga 3 [5]
dans le traitement de la personnalité ou les thérapies cognitives qui apparaissent égale-
schizotypique ment intéressantes [4]. En 2007, dans une étude
naturalistique, Cornblatt et al. [20] ont rapporté
Les données de la littérature sont faibles. En 2007, la un plus faible taux de transition psychotique chez
WFSBP (World Federation of Societies of Biological des patients à haut risque de psychose traités par
Psychiatry) a publié des recommandations concer- antidépresseurs. Si l’étude comparant deux groupes
nant la prise en charge médicamenteuse des troubles de patients (antidépresseurs-antipsychotiques) est
de la personnalité [30]. Pour la personnalité schizoty- faible sur le plan statistique en raison de l’absence
pique, en dépit des symptômes négatifs, la littérature de randomisation et de groupe placebo, elle met en
est en faveur des traitements par antipsychotiques et avant une donnée importante qui est la compliance
il n’y a pas d’argument en faveur de l’efficacité des au traitement. En effet, l’observance dans le groupe
antidépresseurs. antidépresseur est bien meilleure que dans le groupe
antipsychotique et tous les cas, sauf un, de transi-
tion psychotique surviennent chez des patients ini-
Intérêt des antidépresseurs tialement traités par antipsychotique en rupture de
dans le traitement de l’akathisie induite traitement. Les auteurs évoquent la possibilité d’une
par les neuroleptiques action spécifique des antidépresseurs sur des facteurs
de vulnérabilité, fournissant ainsi un certain degré
Les traitements antipsychotiques induisent un de neuroprotection. Les antidépresseurs pourraient
certain nombre d’effets secondaires neurologiques. donc avoir leur place dans les stratégies de prise en
Parmi ceux-ci, on trouve l’akathisie qui peut se définir charge des patients à ultrahaut risque, et leur meil-
comme un besoin impérieux de bouger. La prévalence leure tolérance et compliance ainsi que leur caractère
de ce symptôme est évaluée entre 20 et 75 p. 100 en moins stigmatisant sont un atout supplémentaire.

334
SCHIZOPHRÉNIES

U tilisation des antidépresseurs groupes (groupes 1 à 3, du plus élevé au plus faible),


classe dans le groupe 1 le citalopram, dans le groupe 2
dans la schizophrénie l’escitalopram et la venlafaxine et dans le groupe 3 la
plupart des agents tricycliques, mais aussi la sertraline,
la paroxétine et la fluoxétine. La co-prescription anti-
Interactions médicamenteuses
psychotiques-antidépresseur nécessite d’être vigilant,
en évaluant le risque cardiovasculaire et en respectant
Le cytochrome P450 a été identifié comme impli- les recommandations des agences sanitaires.
qué dans le métabolisme de nombreux psychotropes,
en particulier les iso-enzymes CYP 1A2, 2C19, 2D6
et 3A4. Les antipsychotiques sont souvent métaboli- Choix des symptômes,
sés par le système enzymatique du cytochrome P450 choix des molécules
et les antidépresseurs tricycliques augmentent le taux
plasmatique de la chlorpromazine par inhibition du Les effets (généralement incomplets) des antipsy-
CYP450 [41, 63]. La plupart des antidépresseurs chotiques sur la symptomatologie négative seraient
ISRS inhibent aussi une ou plusieurs iso-enzymes expliqués par l’antagonisme des récepteurs à la séro-
CYP450 : le CYP 1A2 est inhibé par la fluvoxamine tonine de type 5-HT2A de ces molécules, qui aug-
et la fluoxétine, le CYP 2C19 par la fluoxétine, la flu- menteraient la libération de dopamine dans le cortex
voxamine et la sertraline, le CYP 2D6 par la paroxé- préfrontal. Certains antidépresseurs ont une action
tine, la fluoxétine et la sertraline et le CYP 3A4 par la antagoniste sur les 5-HT2A. Ainsi l’effet de la mirta-
fluvoxamine, la fluoxétine et la sertraline. Cette par- zapine (par son antagoniste des récepteurs 5-HT2 et
ticularité du métabolisme commun entre antipsycho- 5-HT3) et de la ritansérine (antagoniste sélectif des
tiques et antidépresseurs est utilisée quand on precrit récepteurs 5-HT2A et 5-HT2C de la sérotonine non
la fluvoxamine pour inhiber l’iso-enzyme CYP 1A2 commercialisé en France) pourrait-il être expliqué par
qui métabolise la clozapine chez les patients « méta- ce mécanisme [63].
boliseurs rapides » de la clozapine du fait d’un poly- Une étude récente a tenté d’expliquer l’efficacité
morphisme génétique particulier [37, 49]. À l’inverse, sur la dimension négative de l’adjonction d’un trai-
certains neuroleptiques comme l’halopéridol et la tement antidépresseur ISRS (en l’occurrence la flu-
chlorpromazine peuvent augmenter les taux de cer- voxamine) à un traitement antipsychotique [58]. Les
tains antidépresseurs par l’inhibition de l’iso-enzyme auteurs retrouvent une augmentation dans les cel-
CYP 2D6 du cytochrome P450 [41]. lules mononucléées du sang des taux d’ARN codant
Certains auteurs tentent de poser la question de les récepteurs GABA-AB3, les récepteurs 5-HT2A,
l’efficacité de la co-prescription d’un antidépresseur 5-HT7 ainsi qu’une augmentation des taux plas-
avec un antipsychotique par ces interactions et l’effet matiques de BDNF, facteur de croissance ayant un
global d’augmentation des taux sériques d’antipsycho- rôle dans la synaptogenèse, appuyant l’implication
tique, plutôt que par un effet antidépresseur propre. du système GABA dans la physiopathologie de la
Cela n’est cependant pas mis en évidence [38]. schizophrénie. En effet, le rôle d’un dysfonctionne-
Un autre point à considérer est la toxicité cardiaque ment du système GABA dans la schizophrénie est de
des antidépresseurs, en particulier sur le risque d’al- plus en plus admis et les modifications du système
longement de l’intervalle QT et de torsade de pointes GABAergique dans le cortex préfrontal pourraient
[56]. En effet, les effets indésirables métaboliques et être en lien avec les symptômes cognitifs et négatifs
cardiaques des neuroleptiques sont maintenant bien de la maladie [27, 32]. Chez l’animal, une étude
connus et les règles de prescription intègrent la néces- montre l’effet synergique de l’association antidépres-
sité d’un bilan cardiovasculaire et métabolique ainsi seur-antipsychotique (fluvoxamine-halopéridol) sur
que d’une surveillance pour un traitement adapté. Si le le taux de récepteur GABA-AB2/3 avec une translo-
risque cardiaque était bien connu pour les antidépres- cation des récepteurs de la membrane vers le compar-
seurs tricycliques, notamment en cas de surdosage, les timent cytoplasmique dans le cortex préfrontal. Cet
ISRS/IRSNa, jusqu’alors connus pour le peu d’effets effet n’est pas retrouvé lors de l’administration de flu-
secondaires qu’ils induisent, font l’objet de nouvelles voxamine ou d’halopéridol seul. Cette combinaison
recommandations. La classification des médicaments modifie également le niveau de phosphorylation du
pouvant augmenter l’intervalle QT et déclencher système MAP-K/ER-K impliqué dans la régulation
une torsade de pointes (www.qtdrugs.org) en trois du récepteur GABA-A [22].

335
Spécificités liées au terrain

Une autre piste suggérée pour expliquer les effets au décours d’un épisode processuel ou durant une
positifs des antidépresseurs dans la schizophrénie phase de rémission. Les travaux étudiant l’efficacité
serait une action spécifique sur les récepteurs sigma 1 des traitements sont peu concluants, mais surtout
[63]. Cette action est proposée pour la sertraline mais peu nombreux, sans doute du fait de la difficulté à
surtout la fluvoxamine. les réaliser. Cependant, l’expérience clinique et l’effi-
cacité reconnue des antidépresseurs dans les troubles
de l’humeur en dehors de la schizophrénie laissent
Règles de prescription à penser qu’ils sont efficaces. Outre les épisodes
dépressifs, les antidépresseurs ont une efficacité sans
Le prescripteur doit s’interroger sur quand traiter et
doute partielle, mais néanmoins attestée par la litté-
par quelle molécule. Le débat sur le fait d’éviter une
rature, sur les symptômes négatifs. Compte tenu de
prescription d’antidépresseur lors d’un épisode psy- l’impact de la dimension négative sur la qualité de vie
chotique aigu en raison de l’effet « délirogène » sup- des patients, cette efficacité doit être soulignée. Pour
posé des antidépresseurs semble peu confirmé par la autant, il n’est pas licite d’associer systématiquement
littérature actuelle, et le risque est peut-être limité aux un antidépresseur à un antipsychotique, et le bénéfice
antidépresseurs tricycliques. Il n’en reste pas moins de cette prescription doit être évalué en fonction de
qu’une prescription en période floride doit rester le l’importance des symptômes négatifs, des objectifs du
syndrome dépressif caractérisé. patient (démarches de réinsertion par exemple), de sa
Concernant le choix de la molécule, Vandel et capacité de gérer une prescription plus complexe et
collaborateurs, dans l’EMC, recommandent les anti- du risque de virage de l’humeur. Dans tous les cas,
dépresseurs ISRS en première intention [67]. En cas les interactions entre antipsychotique et antidépres-
d’inefficacité, un changement pour un antidépresseur seur sont à considérer avec précaution, à la fois pour
inhibiteur spécifique de la recapture de la sérotonine leur influence sur les taux plasmatiques que pour le
et de la noradrénaline (IRSNa) est conseillé. risque d’effets secondaires, tout particulièrement car-
Les tricycliques ne sont indiqués qu’en troi- diaques (allongement de l’intervalle QT). Enfin, les
sième intention [67]. Leur utilisation est beaucoup antidépresseurs sont indiqués durant la phase prodro-
plus limitée par le fait que les ISRS et apparentés se mique en présence de troubles dépressifs ou anxieux,
montrent beaucoup plus simples d’utilisation du fait notamment pour limiter le risque suicidaire. Leur effi-
du peu d’effets secondaires. En effet, l’association d’un cacité dans la prévention des troubles psychotiques est
antipsychotique à un tricyclique augmente le risque prometteuse, mais doit encore être évaluée dans des
d’effets secondaires de type anticholinergique et aug- études prospectives contrôlées.
mente les risques métabolique et cardiovasculaire.
La recherche d’interaction médicamenteuse est
importante, compte tenu des voies métaboliques
communes entre certains traitements, en évaluant Références
particulièrement le risque de surdosage et en adaptant
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338
31
A ddictions
........
A. Dereux et P. Gorwood

R echercher systématiquement hallucinogènes (0,1 p. 100) [72]. Pour les addictions


sans drogue, dites comportementales, une enquête
une addiction lorsque l ’ on fait récente réalisée en France par l’OFDT a trouvé
un diagnostic d ’ épisode dépressif que 1,3 p. 100 de la population générale présente
des « problèmes de jeu » ; cette fréquence serait de
5 p. 100 aux États-Unis [62].
Les troubles de l’humeur touchent une partie
Si approximativement un sujet sur dix a eu une
importante de la population générale puisque l’on
addiction sur l’année selon la NESARC et que la
dit, pour simplifier, qu’un sujet sur sept a fait, fait
prévalence annuelle de la dépression est aussi autour
ou fera une dépression. Les différents troubles addic-
de 10 p. 100 (Tableau 31-I), on s’attend à retrouver
tifs font aussi partie des troubles psychiatriques for-
tement représentés en population générale. Une qu’un sujet sur cent possède les deux troubles (asso-
enquête de l’OFDT en France estime à 140 000 le ciation fortuite). Or il n’en est rien, la co-occurrence
nombre de séjours hospitaliers pour un trouble men- de ces deux troubles étant particulièrement fréquente
tal ou du comportement lié à l’alcool en 2006, avec (voir Tableau 31-I). Cela est d’autant plus préoccu-
19 000 hospitalisations pour sevrage alcoolique. De pant que l’association de ces deux troubles conduit à
plus, 125 000 personnes ont été vues au moins une une péjoration du pronostic, à une réduction de l’effi-
fois en 2005 dans les centres de cure ambulatoire en cacité thérapeutique et à un risque suicidaire accru.
alcoologie. De même, en 2003, 84 000 personnes Les résultats de la national comorbidity survey II
par semaine ont consulté un généraliste pour arrêter (NCS-R) ont permis d’estimer que 24 p. 100 des per-
de fumer. Enfin, 100 000 patients ont été traités par sonnes présentant au moins un antécédent d’épisode
méthadone ou buprénorphine en 2006. dépressif majeur ont présenté dans leur vie un abus de
Au niveau épidémiologique, une étude de large substance, soit un risque multiplié par trois [38]. À
envergure particulièrement apte à repérer les sujets l’inverse, la dépendance à une substance est associée à
dépendants, la national epidemiologic survey on alco- un risque d’avoir présenté un épisode dépressif majeur
hol and related conditions (NESARC) a permis d’avoir sur l’année précédente multiplié par 2,5 environ, et
une assez fine estimation des fréquences réelles des sur la vie entière par 3,8 selon la NESARC (l’odds
différentes pathologies addictives aux États-Unis. ratio étant ajusté sur les caractéristiques sociodémo-
Selon cette étude réalisée sur un échantillon de graphiques de base) [6].
43 000 adultes entre 2001 et 2002, 3,8 p. 100 des La co-occurrence est encore plus forte si l’on consi-
sujets présentent, ou ont présenté, les critères de dère non plus la population générale, mais les popula-
dépendance à l’alcool dans l’année, et 4,65 p. 100 les tions de patients suivis en ambulatoire ou hospitalisés,
critères d’abus d’alcool [23], soit une prévalence sur notion particulièrement importante pour les cliniciens
l’année de l’addiction à l’alcool de 8,5 p. 100. Quant qui rencontrent par définition des demandeurs de soins.
au tabac, 12,8 p. 100 de la population en était dépen- Cette augmentation du risque s’explique par le fait que
dante [24]. Les prévalences sur l’année écoulée sont la survenue d’une complication, notamment dépressive,
moindres pour l’addiction au cannabis (1,5 p. 100), constitue un motif de recours aux soins. Les personnes
à la cocaïne ou aux opiacés (0,3 p. 100), aux séda- dépendantes présentant un épisode dépressif majeur
tifs ou amphétamines (0,2 p. 100) et enfin aux ont donc plus fréquemment recours aux soins que les

339
Spécificités liées au terrain

Tableau 31-I. – Corrélation interdiagnostique entre divers troubles addictifs et les troubles psychiatriques sur l’année
écoulée [39].

Troubles psychiatriques Abus d’alcool Abus de drogue Prévalence Pourcentage de


(coefficient de (coefficient de (fréquence d’atteinte sujets ayant une
corrélation) corrélation) en pourcentage) co-morbidité

Troubles anxieux
– trouble panique 0,27 0,16 3,4 80
– agoraphobie 0,22 0,08 1,6 97
– phobie spécifique 0,10 0,07 10,1 62
– phobie sociale 0,22 0,22 8,8 74
– trouble anxieux généralisé 0,25 0,24 4,4 85
– syndrome de stress post-traumatique 0,27 0,14 3,7 75
– trouble obsessionnel-compulsif 0,31 0,32 1,3 65
Troubles de l’humeur
– épisode dépressif majeur 0,24 0,25 10,3 76
– dysthymie 0,33 0,42 2,4 99
Trouble du contrôle des impulsions
– trouble oppositionnel 0,29 0,40 1,1 93
– trouble des conduites 0,40 0,41 1,0 70
– hyperactivité 0,27 0,36 4,1 78
– trouble explosif intermittent 0,41 0,30 6,6 70

personnes dépendantes sans co-morbidité. Ainsi, un tiers –– enfin, il peut s’agir d’un hasard, puisqu’un sujet
des patients déprimés inclus dans l’étude STAR*D avait déprimé sur dix peut avoir une addiction co-morbide,
une addiction co-morbide [12] et 71 p. 100 des patients comme n’importe quel individu de la population
admis pour la première fois pour abus ou dépendance à générale.
une substance présentaient un épisode dépressif majeur
dans l’étude de Langås et al. [43].
Hypothèse de l’automédication
Selon l’hypothèse de l’automédication, les affects dou-
Q uelle est la nature du lien loureux et les troubles psychiatriques associés seraient
entre dépression et addiction ? des facteurs majeurs de vulnérabilité aux addictions, et
le choix de tel ou tel toxique en fonction de ses effets
renverrait à certaines dimensions psychopathologiques
Plusieurs hypothèses peuvent être avancées pour [40]. L’usage d’héroïne serait ainsi associé à des antécé-
expliquer cette forte association entre les troubles de dents de violence perpétrés ou subis et servirait à contrô-
l’humeur et les addictions : ler la colère ressentie. La prise de cocaïne serait, quant
–– tout d’abord, les addictions peuvent être une à elle, précédée de comportements impulsifs comme
conséquence de la dépression. C’est le parti pris par on les retrouve dans le trouble déficitaire de l’attention
l’hypothèse de l’« automédication » proposée par avec hyperactivité [66]. L’alcool pourrait être choisi
Khantzian à partir des années 1980, et souvent invo- pour son impact sur l’humeur dans le trouble bipolaire
quée par les patients ; [45]. Le cannabis, enfin, pourrait être plus utilisé par
–– la dépression peut aussi être secondaire à l’addic- des sujets ayant une prédisposition psychotique [14]. Le
tion par des mécanismes pharmacologiques, neuro­ tabac aurait, par exemple, une action antidépressive, par
biologiques et/ou environnementaux (toxiques l’inhibition qu’il entraîne sur l’activité des monoamines
dépressogènes) ; oxydases (MAO) A et B, enzymes impliquées dans la
–– les deux troubles peuvent par ailleurs partager un dégradation des monoamines [16, 17].
même terrain de vulnérabilité, qu’il soit génétique ou Les patients présentant un épisode dépressif majeur
environnemental ; auraient ainsi recours à la consommation de substance

340
ADDICTIONS

pour diminuer les émotions négatives et les symp- Substances addictives dépressogènes
tômes dépressifs. L’observation selon laquelle le trai-
tement des épisodes dépressifs majeurs associés et leur L’existence de critères diagnostiques pour le diag-
rémission sont associés à une amélioration conjointe nostic de « dépression induite par les substances » au
du trouble de l’usage de substance confirme cette niveau des classifications internationales (DSM-IV,
hypothèse [59]. DSM-V, CIM) signifie pour le moins explicite-
Néanmoins, selon certains auteurs, la psychopatho- ment que le concept existe. Les substances addictives
logie du sujet ne semble pas influer sur le choix de la ayant des propriétés thymo-analeptiques, c’est-à-dire
substance addictive [1], et les effets à long terme des presque toutes, entraînent essentiellement des varia-
principaux toxiques (alcool, héroïne, cannabis…) dif- tions dysphoriques. Pourtant, ces critères ont été
fèrent des effets à court terme, puisqu’ils sont plutôt conçus pour les diagnostics syndromiques de dépres-
dépressogènes au long cours (Figure 31-1). L’aspect sion, c’est-à-dire pour repérer un « vrai » syndrome
d’automédication du produit peut donc expliquer dépressif, dont l’explication est liée à la consomma-
l’initiation à la consommation chronique de drogue, tion d’une substance addictive. Mais sur quel ration-
mais ne suffit pas à expliquer son maintien, voire le nel scientifique se fonde-t-on alors pour isoler un tel
développement d’une dépendance. Une analyse por- type de dépression ?
tant chez soixante-dix sujets sous méthadone n’a, L’idée initiale consistait vraisemblablement à éviter
par exemple, retrouvé aucune relation entre dépres- de prescrire des antidépresseurs qui n’avaient que peu
sion, anxiété, hostilité et alexithymie, d’une part, de chances de succès tant que la consommation de
et le niveau de consommation de ces sujets, d’autre substances addictives (dépressogènes) était présente,
part [26]. c’est-à-dire d’envoyer un message fort pour favoriser
et valoriser le sevrage comme première démarche de
soins. Cette optique a été fortement influencée pour
Effet + l’alcool par Schuckit qui soulignait que 90 p. 100 des
euphorisant dépressions « induites » étaient totalement résolu-
tives au sevrage [5]. Néanmoins, cette vision un peu
caricaturale mélangeait vraisemblablement plusieurs
phénomènes, incluant des variations dysphoriques
directement liées aux consommations de substances
addictives, particulièrement à même d’être améliorées
Effet – par le sevrage. Les données récentes sur l’efficacité des
antidépresseurs (voir plus loin, « Efficacité des anti-
Figure 31-1. – Représentation des effets ressentis
dépresseurs sur les addictions ») sont venues boule-
(effet high) lors de la prise de substance addictive,
verser un tel concept, la notion de dépression devant
puis au décours (effet down) ainsi que leur évolution
dorénavant être repérée, analysée et traitée de manière
au décours des répétions. Le sentiment d’euphorie au
relativement similaire, que le sujet présente ou non
décours de la première consommation de l’essentiel
une co-morbidité addictive.
des substances addictives (effet high) est instable et
a la particularité de ne pas revenir à la ligne de base,
La notion de dépression secondaire pourrait cepen-
mais un peu plus bas (effet down). L’une des stratégies dant être particulièrement pertinente pour le cannabis.
pour lutter contre cet effet down consiste à reprendre La consommation de cannabis est associée à la dépres-
la substance addictive, amenant à deux phénomènes. sion majeure, en particulier chez les femmes. Rowe
Tout d’abord, une dépendance psychologique peut et al. retrouve ainsi, dans un échantillon de patients
s’installer (seul le toxique a de tels effets immédiats, il consultant chez le généraliste, un risque multiplié
sera donc consommé malgré la présence de problèmes par deux d’avoir consommé au moins 5 fois du can-
secondaires). Un paradoxe est alors observé, puisque nabis chez les femmes présentant un épisode dépres-
le toxique donne une sensation de mieux-être (chaque sif majeur par rapport aux patientes sans critère de
consommation fait effectivement repartir la courbe dépression majeure. L’association n’est pas significa-
des sensations vers le haut), mais la répétition de ces tive chez les hommes (IC 95 p. 100 : 0,67-2,77) [67].
consommations fait clairement évoluer l’ensemble vers Une étude prospective a permis de confirmer le
le bas (à tel point que les consommations, après un caractère majoritairement secondaire de la dépres-
certain temps, ne permettent même pas de rejoindre le sion. Chez les sujets ne présentant aucun symptôme
niveau de ressenti initial). de dépression à l’inclusion, le risque de présenter un

341
Spécificités liées au terrain

épisode dépressif majeur 12 à 14 ans plus tard était sur le paradigme de « défaite sociale », consistant
multiplié par 4 en cas d’abus de cannabis à l’inclusion à soumettre une souris à un stress chronique en lui
par rapport aux sujets sans abus ; en revanche, le fait présentant de manière répétée des agresseurs (souris
de présenter un épisode dépressif majeur à l’inclusion « dominantes ») pendant plusieurs jours, entraînent à
n’augmentait pas le risque de développer un abus de la fois un comportement modèle de dépression (avec
cannabis [4]. réduction des interactions sociales, diminution de la
Les effets dépressogènes de la consommation de préférence pour le sucre, perte de poids, perturbation
cannabis ne sont aujourd’hui plus discutés, mais leur des rythmes circadiens) et de dépendance à la cocaïne
importance reste controversée. Selon certaines études, (sensibilisation de la réponse à la cocaïne et augmen-
ils sont modestes, mais une consommation chronique tation de l’auto-administration) [53]. Des facteurs de
sévère pourrait aggraver une humeur dépressive pré- stress plus classiques, comme la restriction alimen-
existante, notamment chez le sujet jeune. Par ail- taire, augmentent l’auto-administration de drogue
leurs, une part des usagers éprouve des symptômes chez le rongeur [65]. Chez l’animal encore, l’adminis-
de sevrage communs avec la dépression à l’arrêt de tration de corticostérone augmente la sensibilité des
la consommation de cannabis (irritabilité, anxiété, individus qui n’avaient pas une propension naturelle
insomnie, dysphorie…) [42, 78]. à s’auto-administrer de la drogue, et le blocage de la
La pertinence du concept de syndrome amotivation- sécrétion de corticostérone ou de son récepteur par
nel est également discutée, la perte de motivation, un antagoniste supprime les effets du stress chronique
l’aboulie, l’apragmatisme étant assimilés par certains sur la propension à développer un comportement
aux symptômes dépressifs secondaires [56]. d’auto-administration et à le reprendre après extinc-
tion [41, 64].
Chez les sujets ayant déjà un antécédent de dépres-
Un terrain commun de vulnérabilité sion ou de dépendance, les événements de vie stres-
sants récents sont aussi associés à un plus grand risque
Les études de neuro-imagerie dans la dépression et de rechutes, aussi bien dépressives qu’addictives [76].
les addictions retrouvent des altérations anatomiques Des études rétrospectives ont aussi montré que l’ex-
et fonctionnelles communes du circuit cérébral fron- position à des événements de vie stressants précoces,
tolimbique, qui pourraient contribuer au fort taux s’ils sont sévères et prolongés (comme une séparation
de co-morbidité observé pour ces deux troubles. Plus familiale, un faible niveau d’attention parentale, un
précisément, une dysrégulation des systèmes fronto- bas niveau social), est associée à un risque plus élevé
limbiques, impliqués dans la régulation des émotions de développer à la fois un épisode dépressif majeur et
et associés aux circuits du stress et de la récompense, un abus de psychotropes [37]. Ces études se heurtent
est retrouvée à la fois dans la dépression majeure et néanmoins aux nombreux biais propres à leur carac-
dans les troubles de l’usage de substance. tère rétrospectif et à la difficulté d’évaluer le niveau de
Au niveau frontal, on observe ainsi un hypomé- stress provoqué par un événement de vie, très variable
tabolisme, plus marqué à gauche dans la dépression d’un individu à l’autre.
majeure, dont l’asymétrie disparaît après résolution de Ces données sur la place commune du stress dans
l’épisode [50]. Cet hypométabolisme frontal, touchant les deux troubles, thymiques et addictifs, orientent les
notamment le cortex cingulaire antérieur, est égale- recherches vers certains circuits neuronaux. Au niveau
ment observé dans l’abus de substances. L’activité au neurobiologique, un stress précoce, sévère ou pro-
niveau frontal varie en fonction des phases de la dépen- longé entraîne en effet des altérations permanentes de
dance, avec un déficit d’activation du cortex frontal au l’activité de l’axe hypothalamo-hypophysaire, circuit
moment du sevrage et une activation au moment du clef de la réponse et de l’adaptation au stress. Chez le
craving [19]. De plus, dans la dépression majeure et rat, l’exposition à un stress précoce (par des sépara-
dans la dépendance à la cocaïne, cette hypoactivité des tions de la mère répétées) augmente ultérieurement
régions frontales (cortex prefrontal médial et cortex la réponse comportementale et physiologique de l’axe
cingulaire antérieur) est majorée en situation de stress hypothalamo-hypophyso-surrenalien à un stimulus
[70]. Au niveau limbique, une hyperactivité amyg- stressant. Une telle augmentation de la réponse cor-
dalienne est retrouvée à la fois au cours de l’épisode tisolique est associée à une augmentation du relargage
dépressif majeur et au cours du craving [11]. de dopamine [69], neurotransmetteur clef dans les
Le stress peut apparaître comme un facteur de risque processus d’apprentissage, de récompense et d’ad-
commun aux addictions et à la dépression. Les études diction. Chez l’homme, on retrouve également une

342
ADDICTIONS

association entre l’hyperactivité de l’axe corticotrope dépressif familial pur » par l’existence d’une histoire
(hypercortisolémie et élévation centrale des taux de familiale d’alcoolisme s’ajoutant aux antécédents
CRF) et les événements traumatiques précoces [57]. dépressifs familiaux, et cette forme d’alcoolo-dépen-
Au niveau neuro-endocrinologique, des anomalies dance serait plus fréquente chez la femme que chez
de l’activité de l’axe hypothalamo-hypophysaire sont l’homme. La dépression majeure serait marquée par
décrites à la fois dans la dépression majeure et dans des épisodes plus longs, un plus fort retentissement
les addictions. Chez les patients présentant un épi- fonctionnel et un plus grand risque de développer une
sode dépressif majeur (et par rapport aux témoins), dépendance [79].
on retrouve une hypercortisolémie et un taux de CRF Deux études de jumeaux sont venues éclaircir cette
plus élevé [18]. Concernant l’usage de substances association. Sur environ 2 000 paires de jumeaux [47],
addictives, l’administration du produit, l’exposition à lorsque l’un de deux est atteint de dépression, l’autre à
un stimulus associé au produit ou le sevrage activent un risque accru de 3 fois d’avoir un abus d’alcool et de
tous trois les systèmes de réponse au stress, avec une 2 à 5 fois d’avoir un abus de drogue. Mais, selon une
augmentation de la cortisolémie et une augmentation seconde étude plus précise portant sur 3 000 paires de
du CRF au niveau central, notamment au niveau de jumeaux [48], la présence d’une dépression chez l’un
l’amygdale. L’augmentation des taux de glucocorti- des jumeaux augmente le risque de dépression chez
coïdes secondaire à la prise de produit ou à un fac- l’autre jumeau ainsi que le risque de dépression co-
teur de stress augmente la réponse des circuits de la morbide à une alcoolo-dépendance, mais pas celui
récompense à la prise de drogue, les glucocorticoïdes d’alcoolo-dépendance non co-morbide. De plus, la
modulant la transmission dopaminergique dans le dépendance à l’alcool chez un jumeau augmente le
noyau accumbens. Le stress biologique entraîné par risque chez l’autre jumeau de dépendance à l’alcool
la consommation du toxique, avec augmentation et de dépression co-morbide à une dépendance à l’al-
des taux de glucocorticoïdes, pourrait ainsi être res- cool, mais pas à une dépression isolée. Ces données ne
ponsable d’un cercle vicieux exposant à une nouvelle permettent donc pas de proposer que les mêmes gènes
consommation de drogue [76]. de vulnérabilité s’expriment de manière aléatoire soit
Le rôle transnosographique du stress renvoie à l’hy- sous forme de dépression, soit sous forme d’addiction.
pothèse d’une vulnérabilité commune, que plusieurs De fait, les études chez les enfants d’alcooliques ne
arguments viennent soutenir. retrouvent pas plus de dépressions primaires qu’en
population générale. Bien que ces deux troubles soient
fréquemment co-morbides, la plupart des études
Une co-morbidité expliquée montrent qu’ils sont bien transmis de manière indé-
par des facteurs de risque communs, pendante dans les familles atteintes [48].
notamment génétiques Si l’on ne peut parler d’effets pléiotropes entre
addiction et dépression pour les facteurs génétiques en
Les études de jumeaux et les études d’adoption cause, tel que cela a été par exemple proposé pour la
montrent que la dépression et l’addiction sont toutes dépression et le trouble anxieux généralisé [20], il n’en
deux sous l’influence de facteurs familiaux et géné- reste pas moins qu’un substratum génétique commun
tiques. L’héritabilité de la dépression est estimée à est vraisemblable pour les deux troubles.
40 p. 100 [35], celle de l’alcoolo-dépendance autour Dans une étude de fratries souffrant de différents
de 50 p. 100 [21]. Le poids des facteurs génétiques troubles dont la dépression et/ou une addiction, l’ana-
semble encore plus important pour les drogues lyse de l’ensemble du génome [61] a mis en évidence
illicites, avec une héritabilité estimée entre 60 et une région centromérique du chromosome 1 qui
80 p. 100 [36]. concerne un phénotype élargi incluant dépression,
Les deux troubles peuvent partager un même ter- alcoolisme ou ces deux troubles associés. Dans cette
rain familial de vulnérabilité. C’est ce qu’avancent région du génome, quelques gènes sont intéressants,
Winokur et Coryell, lorsqu’ils proposent que cer- tels des protéines liées aux canaux potassiques, une
taines formes d’alcoolo-dépendance et de dépression tyrosine kinase et une phosphodiestérase spécifique de
puissent être deux expressions d’un même trouble, l’AMP cyclique et un récepteur de la leptine.
s’exprimant préférentiellement sous forme de dépres- Quelques polymorphismes génétiques ont aussi été
sion chez la femme et d’alcoolo-dépendance chez impliqués plus directement à la fois dans la vulnéra-
l’homme : la depression spectrum disease. Ce « trouble bilité aux addictions et à la dépression. C’est le cas du
du spectre de la dépression » s’opposerait au « trouble polymorphisme TaqI A du gène codant le récepteur

343
Spécificités liées au terrain

dopaminergique D2, dont l’association avec l’alcoolo- efficient [23]. De plus, une étude prospective [60] a
dépendance a été rapportée dès 1990 par Blum, avec comparé le risque d’émergence d’un nouvel épisode
un odds ratio de 1,22 de présenter une alcoolo-dépen- dépressif majeur chez des sujets qui avaient soit une
dance chez les homozygotes pour l’allèle A1 contre les dépression induite, soit une dépression autonome.
porteurs d’au moins un allèle A2 [44]. Des études ont Le risque pour cette modalité, indépendante, de
montré que l’allèle mineur A1 est associé aux princi- dépression était parfaitement comparable (autour de
pales addictions (alcool, cocaïne, tabac…) et à cer- 20 p. 100) dans les deux groupes, venant à nouveau
tains symptômes de la dépression [2]. remettre en question une particularité de l’une de ces
Les femmes alcoolo-dépendantes porteuses de l’al- deux formes de dépression.
lèle A1 ont un risque plus élevé que les femmes non Les individus avec co-morbidité présentent néan-
dépendantes d’avoir présenté un épisode dépressif moins des formes plus sévères de chacun des troubles,
majeur (70 contre 40 p. 100) [46] et les fumeurs por- notamment du trouble dépressif. Selon une étude
teurs de l’allèle A1 ont un risque supérieur (2 fois plus menée par Davis et al. sur 1 500 patients suivis en
élevé) d’échouer à l’arrêt du tabac en cas de dépres- ambulatoire pour dépression majeure, les patients qui
sion, contrairement aux fumeurs non porteurs de ce présentent un trouble lié l’usage de substances psy-
variant allélique [71]. chotropes ont une dépression marquée par un début
significativement plus précoce (24 contre 26 ans),
une plus grande sévérité, avec plus d’antécédents de
tentatives de suicide, un retentissement psychosocial
F aire le diagnostic plus marqué et des symptômes plus intenses (anxiété,
d ’ un épisode dépressif majeur hypersomnie et idées suicidaires) par rapport aux
chez un sujet abuseur patients déprimés sans abus, ni dépendance [13].
De même, l’addiction est plus précoce, plus sévère
ou dépendant est difficile , et plus fréquemment associée à des troubles anxieux
mais important de type TOC, trouble panique, phobie sociale et
stress post-traumatique, en accord avec ce qui est déjà
connu en population générale (voir Tableau 31-I). Au
Faire le diagnostic niveau de la sémiologie, on trouvera plus de troubles
du sommeil et d’idées suicidaires, voire d’actes hétéro-
De nombreux sujets addicts se plaignent de dyspho- agressifs. Les gestes suicidaires sont aussi retrouvés en
rie, voire d’une tristesse constante et invalidante, évo- excès. De fait, la présence d’une tentative de suicide
quant le diagnostic d’épisode dépressif. Ces plaintes chez un sujet déprimé est associée à une fréquence
peuvent être assez franchement liées aux propriétés dys- accrue d’addiction.
phoriques de la substance consommée en excès ou au La co-occurrence enfin aggrave le pronostic en
retentissement sur la vie de la présence d’une addiction, diminuant l’accès aux soins et l’efficacité thérapeu-
tels des problèmes financiers, conjugaux et profession- tique [77]. Il a ainsi été montré que les fumeurs pré-
nels quasi systématiquement retrouvés chez les joueurs sentant des antécédents dépressifs s’engagent moins
pathologiques par exemple [62]. De fait, le DSM-IV facilement dans un projet d’arrêt du tabac et qu’en cas
(et cela semble conservé pour le DSM-5) propose de dépendance à la cocaïne, à l’héroïne ou à l’alcool,
une section diagnostique spécifique pour les troubles les symptômes dépressifs en période d’abstinence sont
induits par des toxiques, émettant donc indirectement associés à un risque accru de rechute, avec un odds
l’hypothèse que les dépressions induites ne sont pas ratio de 3,07 par rapport aux patients abstinents sans
comparables, ou en tout cas assimilables, aux épisodes épisode dépressif majeur [31].
dépressifs autonomes chez les sujets ayant une addiction.
Cependant, la notion de dépression induite par une
substance addictive est actuellement remise en cause Surveillance particulière
par deux études. Tout d’abord, au niveau épidémiolo-
gique, la NESARC a montré que 15,2 p. 100 des sujets
des dépressions chez le sujet addict
souffrant d’une addiction dans l’année avaient aussi
Co-morbidité somatique
une dépression. Cette fréquence passe à 14,5 p. 100
si l’on se limite aux épisodes dépressifs non induits, De par sa toxicité cérébrale et périphérique, la
montrant combien ce concept est en pratique peu consommation chronique de drogue, en plus des

344
ADDICTIONS

séquelles sociales et psychiques qu’elle entraîne, associé à la planification suicidaire et à la tentative de


expose à différentes morbidités somatiques, telles que suicide (OR entre 1,6 et 2,9). Cela pourrait expliquer
des infections (SIDA et hépatite C pour les toxicoma- le mécanisme par lequel la co-morbidité dépressive et
nies par injection), des cancers (foie et alcool, poumon addictive augmente le risque suicidaire, la dépression
et tabac…), un syndrome métabolique (tabac)… Les générant plutôt une idéation suicidaire, alors que les
addictions étant souvent associées à un accès réduit addictions augmenteraient le passage à l’acte impulsif
aux soins, pour différentes raisons, il est particulière- (en cas d’idéation suicidaire).
ment important d’organiser la prise en charge soma-
tique de ces patients vulnérables.
E fficacité des antidépresseurs
Risque suicidaire sur les addictions
Les patients présentant une addiction ou ceux
ayant une dépression ont un risque accru de suicide
et de tentative de suicide. En population générale, le Une prise en charge combinée
risque de tentative de suicide sur la vie entière en cas
d’antécédent de dépression majeure est multiplié par En cas de co-morbidité dépressive lors de la prise
5 et, pour les antécédents d’abus de substance, l’odds en charge des addictions, les chances de succès thé-
ratio est de 4 [58]. Ce risque est en fait augmenté de rapeutique sont moindres, les patients s’engageant
manière exponentielle en cas de co-morbidité, ren- moins facilement dans un projet d’arrêt et les risques
dant cette population à très haut risque d’idéation, de de rechute étant plus importants. Intuitivement, cela
comportement et de mortalité suicidaire. devrait inciter à traiter la dépression associée pour
Le risque de conduite suicidaire augmente en effet améliorer le pronostic thérapeutique des addictions.
avec le nombre de co-morbidités, addictives et/ou Les conclusions sont encore limitées, compte tenu
psychiatriques. Ainsi l’analyse en population générale du nombre restreint, à ce jour, d’essais cliniques s’in-
de la cohorte NCS-R constituée de 9 282 adultes aux téressant à la co-morbidité dépressive et addictive et à
États-Unis trouve-t-elle un odds ratio de tentative de leurs faibles effectifs [34]. La présence d’une addiction
suicide de 4 en présence d’un trouble de l’axe I par étant un critère d’exclusion dans la plupart des études
rapport aux personnes ne présentant aucun trouble, contrôlées, il est peu étonnant que les données acces-
contre sept pour deux troubles, douze pour trois sibles soient si peu nombreuses.
troubles et jusqu’à vingt-neuf pour six troubles ou Selon les méta-analyses de Nunes et Levin [59] et
plus [58]. Il semble donc important de chercher les Torrens et al. [75], les études qui trouvent une meil-
co-morbidités addictives chez les sujets déprimés leure efficacité des antidépresseurs sur la dépression
ayant fait une tentative de suicide. De fait, chez les voient également la consommation de substance
patients présentant un épisode dépressif majeur, diminuer chez les patients présentant une co-morbi-
21,5 p. 100 des patients présentant une co-morbi- dité addictive et dépressive. En revanche, en dehors
dité addictive ont déjà fait une tentative de suicide du tabac, les taux d’abstinence et de rémission des
contre 16,1 p. 100 de ceux qui n’ont pas de trouble abus de substance sont faibles, quelles que soient les
de l’usage de substance [13]. études. Cela souligne l’importance de ne pas se limiter
En cas de dépression chez les patients bipolaires de au traitement de la dépression, mais d’y associer une
type I, l’existence d’antécédents de tentatives de sui- prise en charge spécifique de l’addiction.
cide est également associé au diagnostic d’abus ou de De fait, Iovenio et al., dans leur méta-analyse sur
dépendance selon une étude prospective menée chez des patients alcoolo-dépendants déprimés, confir-
138 patients : l’odds ratio est de 4,1 en cas d’abus ou ment l’absence de supériorité des antidépresseurs par
dépendance à l’alcool et de 6,5 en cas d’abus ou de rapport au placebo sur le taux d’abstinence [34].
dépendance à une autre substance [73]. Chez les patients dépendants aux opiacés avec une
Nock et al. ont par ailleurs montré que, en popula- comorbidité dépressive, la méta-analyse de Torrens et
tion générale [58], la dépression majeure est associée à al. [75] ne porte que sur deux essais, mais retrouve
l’idéation suicidaire (OR : 2,3), mais qu’elle ne prédit une efficacité des antidépresseurs tricycliques sur
ni la planification suicidaire, ni les tentatives de suicide la diminution de la consommation de drogue (OR,
en cas d’idées suicidaires. Inversement, la dépendance IC 95 p. 100 : 1,10 ; 12,16), malgré l’absence d’amé-
ou l’abus de substance en cas d’idées suicidaires est lioration concernant la symptomatologie dépressive.

345
Spécificités liées au terrain

Chez les personnes dépendantes à la cocaïne, une et 2004 aux États-Unis, notamment chez près de
efficacité modérée des antidépresseurs sur la consom- 18 000 personnes présentant un abus de substance
mation de cocaïne est retrouvée, mais uniquement au moment de l’évaluation. Chez ces personnes, en
avec les antidépresseurs non ISRS et en l’absence de dehors du bupropion, l’une ou l’autre des familles
dépression associée (OR, IC 95 p. 100 : 1,06 ; 3,22), d’antidépresseurs était prescrite indifféremment, et
et aucune efficacité antidépressive n’est retrouvée [75]. les patterns de diagnostics associés à la prescription de
Dans l’aide au sevrage cannabique, peu d’essais cli- chaque antidépresseur ne différaient pas entre eux ;
niques contrôlés ont été menés sur l’efficacité des anti- un diagnostic d’abus ou de dépendance était retrouvé
dépresseurs à ce jour, mais aucun antidépresseur n’a chez 2,9 p. 100 des patients traités par antidépresseur
démontré son efficacité par rapport au placebo jusqu’à contre 12,5 p. 100 pour le bupropion.
présent, ni sur l’amélioration des symptômes de Ces habitudes de prescription s’opposent aux résul-
sevrage, ni sur la prévention de la rechute. Au contraire, tats et aux tendances retrouvés dans les méta-analyses
des études menées chez des volontaires en laboratoire récentes sur l’efficacité des traitements antidépresseurs
ont montré une augmentation des symptômes anxieux sur le traitement des addictions ou des dépressions
et dépressifs associés au sevrage sous bupropion [28]. chez les patients dépendants présentant ou non une
Sous néfazodone, l’amélioration était limitée à la dimi- co-morbidité addictive.
nution de l’anxiété et des douleurs musculaires liées au La méta-analyse récente d’Iovenio et al. retrouve une
sevrage, sans amélioration de l’inconfort global, ni des supériorité des antidépresseurs par rapport au placebo
principaux symptômes de sevrage [30], et sous mirta- sur l’efficacité antidépressive chez les patients dépres-
zapine, seul le sommeil et la prise alimentaire étaient sifs alcoolo-dépendants (RR : 1,34). Néanmoins, cet
améliorés en période de sevrage, le taux de rechute effet n’est pas retrouvé lorsque l’on considère les ISRS
n’étant pas diminué [29]. Une étude a tout de même seuls et reflète uniquement l’efficacité des autres anti-
retrouvé une efficacité d’un ISRS, la fluoxétine, par dépresseurs étudiés (tricycliques et néfazodone) [34].
rapport au placebo sur la réduction de la consom- Les résultats des méta-analyses de Torrens et al. et de
mation de cannabis, mais chez des patients alcoolo- Nunes et Levin sur les troubles liés à l’usage de l’en-
dépendants et dépressifs, sans contrôler l’amélioration semble des substances addictives [59, 75] montrent
de la dépression, ni de l’alcoolo-dépendance [8]. Un que, chez les patients dépendants aux opiacés ou à
essai contrôlé chez des jeunes entre 14 et 25 ans pré- la cocaïne, et avec co-morbidité dépressive, on ne
sentant un abus de cannabis et un épisode dépressif retrouve pas d’amélioration de la symptomatologie
majeur associé n’a retrouvé aucun effet de la fluoxétine dépressive.
sur la consommation de cannabis [9]. L’intérêt est donc élevé pour des prescriptions
Dans les cas d’addiction isolée, sans dépression d’emblée associées, visant les deux troubles. L’étude
associée, l’intérêt des antidépresseurs n’apparaît clair de Pettinati et al., comparant l’efficacité d’un trai-
que pour la dépendance tabagique, où le bupropion et tement combiné par naltrexone et sertraline, versus
la nortriptyline ont montré une efficacité supérieure placebo, et versus traitement par sertraline ou nalt-
au placebo (OR : 2,07 et 2,69 respectivement, sans rexone seules, souligne l’intérêt de tels traitements
différence significative entre les deux). Dans l’alcoolo- combinés, ciblant à la fois la dépression et l’addiction,
dépendance isolée, aucune efficacité des antidépres- pour obtenir une efficacité aussi bien sur l’une que
seurs sur la consommation d’alcool n’est retrouvée. Il sur l’autre. Les patients ayant reçu le traitement com-
faudrait plus d’études sur la dépendance à la cocaïne biné sertraline et naltrexone, par rapport à ceux ayant
et à l’héroïne pour pouvoir conclure [75]. reçu un seul de ces deux médicaments ou le placebo,
ont de meilleurs taux de rémission de la dépression
(83,3 contre 48,1 à 68,8 p. 100 à 14 semaines), d’abs-
Patterns de prescription tinence alcoolique (53,7 contre 21,3 à 27,5 p. 100) et
rechutent plus tardivement (63,6 jours contre 39,9 à
Les antidépresseurs sont les médicaments les plus 45,2) [63]. Il y aurait peu d’intérêt à prescrire un trai-
prescrits pour traiter l’alcoolisme, en présence ou non tement antidépresseur seul chez des patients déprimés
d’une co-morbidité dépressive, prescription sous-ten- présentant une co-morbidité addictive (à l’exception
due par une croyance forte en l’efficacité des antidépres- du tabac) selon ces auteurs, et il est important de ne
seurs sur le traitement de l’alcoolo-dépendance [49]. pas négliger la prise en charge spécifique de l’addic-
Milea et al [54] ont étudié les indications de tion, médicamenteuse mais également psychothéra-
nouvelle prescription d’antidépresseurs entre 2003 peutique et psychosociale.

346
ADDICTIONS

L’intérêt de faire précéder l’instauration de l’anti- revanche, l’aspect désinhibiteur des benzodiazépines,
dépresseur par un délai minimal d’abstinence pour chez des sujets déjà à risque suicidaire de par leur
augmenter l’efficacité antidépressive et mieux cibler pathologie dépressive et addictive, doit être réellement
les patients, comme suggéré par la méta-analyse de pris en considération, d’autant que le risque d’effet
Nunes et Levin, n’est pas confirmé par la méta-ana- paradoxal sous benzodiazépine est augmenté en cas de
lyse d’Iovenio et al. qui ne retrouve pas de supériorité trouble du contrôle des impulsions. En cas de pres-
de l’efficacité si l’on élimine les patients qui ne pré- cription de benzodiazépine dans cette population de
sentent plus de symptômes dépressifs après quelque patients, le risque d’effet désinhibiteur serait moindre
jours d’abstinence (4 à 14 jours minimum selon les avec les benzodiazépines à demi-vie courte [74].
essais). Il semble donc indiqué de prescrire un trai-
tement antidépresseur en cas de tableau dépressif
caractérisé sévère, même en cas de conduite addictive
associée, sans attendre un délai minimal d’abstinence, S pécificités des différentes
d’autant que, comme nous le verrons plus loin, le trai- classes d ’ antidépresseurs
tement antidépresseur peut faciliter l’arrêt du produit
et le maintien de l’abstinence.
Il faut néanmoins peser attentivement le rapport Les principales données proviennent d’études sur
bénéfices/risques en cas de poursuite des consom- l’alcoolo-dépendance et la dépendance au tabac, alors
mations devant le risque d’augmenter la pharmaco- que les dépendances à d’autres substances ou compor-
toxicité et le risque d’interactions médicamenteuses. tements ont été beaucoup moins étudiées.
La prescription de tricycliques, qui semblent avoir
démontré l’effet le plus important, doit être particuliè-
rement prudente chez les usagers de cocaïne en raison
IMAO et tricycliques
du risque cardiovasculaire. Chez les patients dépen- Chez les patients alcoolo-dépendants déprimés,
dants aux opiacés substitués, il faut éviter les induc- deux études (portant sur soixante-dix sujets chacune)
teurs ou inhibiteurs enzymatique du cytochrome ont retrouvé une efficacité par rapport au placebo des
CYP450 3A4 qui risquent d’entraîner un surdosage antidépresseurs tricycliques que sont la désipramine et
ou un sevrage brutal en méthadone. La fluoxamine et l’imipramine sur la symptomatologie dépressive, mais
la sertraline sont concernées puisqu’elles augmentent pas sur la consommation d’alcool [51, 52].
les taux circulants de méthadone [15, 27]. Chez les Seule la nortriptyline, dans le cas du tabac, a
patients bipolaires, il faut noter que la carbamazépine démontré son efficacité sur l’aide à l’arrêt de la
diminue les taux plasmatiques de méthadone. consommation, avec un odds ratio de 2,69 par rap-
En règle générale, les substances addictives et les port au placebo [75]. Néanmoins, il n’existe pas de
psychotropes sont éliminés par le foie, d’où la néces- différence significative avec l’efficacité du bupropion
sité de toujours veiller à éliminer une hépatopathie (OR : 2,07), sa moins bonne tolérance lui fait donc
qui pourrait contre-indiquer la prescription de médi- préférer la prescription de bupropion en première
caments potentiellement hépatotoxiques. intention pour l’aide au sevrage tabagique.
De plus, la prescription d’un antidépresseur ne doit Dans le cas de la dépendance aux opiacés ou à la
pas faire négliger de préconiser l’arrêt de la substance. cocaïne, les antidépresseurs tricycliques semblent
On risque, dans le cas contraire, de renforcer auprès avoir un intérêt sur le traitement de l’addiction selon
du patient l’idée que le recours à la substance serait la méta-analyse de Torrens et al. [75], mais cette
secondaire au problème dépressif et de contrecarrer classe d’antidépresseurs est à manier avec précautions
l’efficacité antidépressive en laissant l’agent inducteur chez les patients consommateurs de cocaïne devant le
dépressogène. risque cumulé de problèmes cardiaques qu’ils risquent
Les benzodiazépines, en dehors des conditions d’induire.
d’aide au sevrage et de prévention de ses complica-
tions, sont plus particulièrement à éviter dans la popu-
lation de patients dépendants, bien que très largement Inhibiteurs spécifiques de la recapture
prescrites en pratique courante. Le risque de tolé- de la sérotonine
rance croisée et d’addiction aux benzodiazépines est
vraisemblablement surestimé et ne concerne qu’une Les résultats des études sur l’efficacité des ISRS chez
petite proportion de sujets facilement détectable. En les patients dépressifs présentant une co-morbidité

347
Spécificités liées au terrain

addictive sont contradictoires : le premier essai contrôlé traitement des addictions. Seule la néfazodone a été
randomisé mené par Cornelius et al. en 1997 retrouvait étudiée chez les patients alcoolo-dépendants dépres-
à 12 semaines une supériorité de l’efficacité de la fluoxé- sif. Les résultats de ces deux essais contrôlés ran-
tine par rapport au placebo chez des patients alcoolo- domisés sont contradictoires, mais la méta-analyse
dépendants présentant un épisode dépressif majeur, avec d’Iovenio et al. retrouve une efficacité supérieure au
une diminution de la symptomatologie dépressive et de placebo sur l’amélioration de la symptomatologie
la consommation d’alcool [7]. Mais la méta-analyse dépressive [34]. Pour cette raison, et parce que cet
récente d’Iovieno et al. [34] chez des patients alcoolo- antidépresseur a depuis été retiré du marché pour sa
dépendants dépressifs ne retrouve pas de supériorité des mauvaise tolérance, il semblerait intéressant d’étu-
ISRS (sertraline, fluoxétine) par rapport au placebo. dier les effets des autres antidépresseurs biaminer-
Cependant, une étude a trouvé une efficacité antidé- giques sur la prise en charge des addictions, malgré le
pressive de l’escitalopram dans une sous-population de faible rationnel théorique en faveur leur supériorité
patients déprimés et alcoolo-dépendants, avec une amé- par rapport aux inhibiteurs spécifiques de la recap-
lioration du score à la MADRS à 3 mois. Il s’agit des ture de la sérotonine.
patients homozygotes pour l’allèle long du polymor-
phisme du gène 5HTTLPR codant le transporteur de
la sérotonine [55]. La pharmacogénétique [22] pourrait Autres
être ici un moyen de repérer les patients dépressifs et
dépendants qui pourraient bénéficier d’un traitement Le bupropion, inhibiteur de la recapture de la
par ISRS en première intention, mieux toléré, et de noradrénaline et de la dopamine, est souvent utilisé
réserver aux patients pour lesquels la probabilité d’ef- en première intention chez les sujets co-morbides
ficacité de l’ISRS est nulle ou faible le traitement par (déprimés et dépendants), dans les pays où ce traite-
d’autres antidépresseurs en première intention. ment a l’AMM pour la dépression, ce qui n’est pas le
Les données précliniques et cliniques en faveur d’une cas de la France. De nombreuses études ont montré
association entre une dysrégulation sérotoninergique et son efficacité dans l’aide au sevrage tabagique, avec
l’impulsivité ont amené à tester l’efficacité des ISRS sur un odds ratio de 2,06 par rapport au placebo [33].
le jeu pathologique. Cependant les résultats des quelques Il diminue les symptômes de sevrage, notamment les
essais contrôlés randomisés sur l’efficacité de la fluvoxa- symptômes du spectre de la dépression (irritabilité,
mine, de la paroxetine, de la sertraline et du citalopram anxiété, dysphorie, troubles du sommeil, difficultés de
sont contradictoires [3, 25, 68] et seulement deux de ces concentration et prise de poids) et l’envie impérieuse
essais retrouvent une efficacité des ISRS (fluvoxamine et de consommer.
paroxétine) par rapport au placebo [32]. Des études pilotes, qui doivent encore être confir-
Leur bonne tolérance peut les faire préférer en pre- mées, sont en faveur de l’efficacité du bupropion dans
mière intention chez les personnes dépendantes en cas le traitement du jeu pathologique [10].
de dépression majeure associée, notamment chez les
sujets à risque (personnes âgées, adolescents…), mais
les études montrent de moins en moins d’argument C onclusion
en faveur d’une supériorité par rapport au placebo.
Il semblerait que les ISRS pourraient être intéressants
pour des sous-populations de patients, qui restent à La co-morbidité entre dépression et addiction est
mieux définir. importante et associée à un ensemble de caractéris-
En revanche, il faut rappeler que les ISRS n’apportent tiques cliniques et sociodémographiques que le clini-
pas d’intérêt pour la prise en charge des addictions en cien pourra prendre en considération pour augmenter
l’absence de co-morbidité dépressive, que ce soit pour sa capacité à repérer une telle intrication de morbidité
la dépendance au tabac [33] ou aux autres substances psychiatrique. Cette recherche est importante, per-
[34], contrairement à d’autres antidépresseurs. mettant de mieux adapter la prise en charge, que ce
soit seul ou à l’aide d’un centre spécialisé (prise en
charge collaborative).
Biaminergiques L’utilisation d’antidépresseurs chez le sujet ayant
une addiction ne doit être ni banalisée, ni diabolisée.
Peu d’essais ont étudié l’efficacité des inhibi- En effet, le sevrage améliore l’essentiel des manifes-
teurs de la sérotonine et de la noradrénaline dans le tations dysphoriques dues à l’abus de substances

348
ADDICTIONS

addictives, mais l’efficacité des antidépresseurs est way with the metabolism of the enantiomers of methadone.
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351
32
P ersonnalité et troubles
de la personnalité
........
A.-H. Moncany et L. Schmitt

Dans la pratique quotidienne, le clinicien est amené personnalités paranoïaques dominées par la méfiance,
à considérer les troubles de la personnalité dans deux les personnalités schizoïdes marquées par un détache-
grandes circonstances. Soit il existe une affection ment social et émotionnel et les personnalités schizo-
syndromique comme une dépression, un trouble typiques où existent un isolement social et des idées
anxieux, une conduite addictive, dont l’évolution est hors de la réalité ;
compliquée par l’existence d’attitudes, de sentiments –– le groupe B inclut : les personnalités antiso-
ou de systèmes de pensée durables et répétitifs. Ces ciales, dominées par la transgression des règles et des
façons d’être et de réagir vont nettement influencer la conduites délictueuses ; les personnalités borderline
relation thérapeutique, l’observance du traitement, la qui éprouvent un sentiment de vide, une intolérance à
régularité dans le suivi. Cela complique, souvent ral- l’ennui, des conduites addictives et souvent des gestes
longe ou atténue l’efficacité d’une thérapeutique spé- suicidaires ; la personnalité narcissique, qui comporte
cifique. Soit un autre contexte se manifeste lorsque le un besoin d’être admirée, la nécessité de paraître,
trouble de la personnalité domine le tableau clinique un dédain vis-à-vis des personnes subordonnées ; la
au travers de comportements inadéquats, de difficul- personnalité histrionique qui exerce une forme de
tés dans les relations interpersonnelles ou d’un mal- séduction, manifeste beaucoup d’émotions, introduit
être permanent touchant l’estime de soi ou les aspects beaucoup de sentiments dans les relations humaines ;
identitaires. elle est suggestible et plastique ;
Dans ces deux grandes circonstances, le clinicien –– le groupe C comporte : les personnalités évi-
est appelé à se demander si une option thérapeutique tantes, qui redoutent le rejet social, la critique et
peut permettre de réduire ou d’améliorer certaines des évitent par timidité la plupart des contacts sociaux ;
difficultés du patient. les personnalités dépendantes, qui ne peuvent rester
seule, craignent d’être abandonnées, se reposant sur
les autres pour les décisions existentielles ; les person-
nalités obsessionnelles, se manifestant par un perfec-
T rouble de la personnalité : tionnisme, une prédominance des règles, une rigidité,
catégorie et dimension une attention particulière aux détails.
Les différentes catégories ne sont pas le seul système
Il y a deux manières d’appréhender un trouble de la de description : à la suite d’Eysenck, de nombreux
personnalité. La personnalité peut se décrire comme traits de personnalité ont été décrits. Lorsque l’on s’in-
un portrait robot dont chaque élément constitutif est téresse aux traits, on privilégie moins le portrait robot
spécifique. L’ensemble du portrait définit l’approche que chacun de ces éléments constitutifs, les yeux, le
catégorielle. Le DSM-IV a isolé une dizaine de caté- nez, le front… Le modèle des big five, ou modèle à cinq
gories de troubles de la personnalité réparties en trois facteurs, insiste sur les cinq traits suivants : l’ouverture
grands groupes : à de nouvelles expériences, le caractère conscien-
–– le groupe A regroupe des personnalités avec des cieux, l’extraversion, le caractère agréable d’un indi-
éléments bizarres ou excentriques. Il comporte les vidu, son névrosisme. Ce dernier terme désigne la

352
PERSONNALITÉ ET TROUBLES DE LA PERSONNALITÉ

prédisposition aux émotions négatives, à l’anxiété, à E fficacité des traitements


la colère, à la tristesse.
Si le modèle à cinq facteurs est le plus répandu, antidépresseurs dans les troubles
d’autres traits de personnalité ont été rendus opéra- de la personnalité :
tionnels : la capacité de réciprocité, le besoin de maî-
revue de la littérature
trise sur les situations et les personnes, la gestion des
affects agressifs, l’accès à un conseil ou à une aide.
Ce type d’approche dimensionnelle peut être évalué Si l’on ne connaît pas aujourd’hui précisément les
soit au travers de profils psychodynamiques comme causes des troubles de la personnalité, il est couram-
le KAPP (profil psychodynamique du Karolinska), ment admis que ces pathologies reposent à la fois sur
soit au travers de l’inventaire de tempérament et de des prédispositions neurobiologiques et sur des inte-
comportement de Cloninger, ce dernier s’attachant ractions avec l’environnement psychosocial. Certaines
à mettre en évidence la recherche de nouveauté, dimensions de personnalité ont pu être mises en lien
l’évitement du danger, le besoin de récompense, avec une dysrégulation des neurotransmetteurs. Il est
la persistance dans l’action. Ainsi le clinicien peut- légitime de penser que les traitements pharmacolo-
il osciller entre deux claviers, l’un représentant les giques ont un effet sur ces pathologies, que ce soit sur
catégories et l’autre représentant les dimensions de le fonctionnement global d’un type de personnalité
la personnalité. Une tentative de prise en compte de ou sur leurs dimensions. De fait, les traitements anti-
ces deux claviers apparaît dans la réflexion actuelle dépresseurs ont été recommandés dans le traitement
du DSM-V. de certains troubles de la personnalité, en particulier
Le DSM-V ne retient que six catégories de person- borderline [26]. Quelle est l’efficacité des traitements
nalités : la personnalité schizotypique, la personnalité antidépresseurs sur ces terrains particuliers ?
antisociale, la personnalité borderline, la personnalité Dans un premier temps, pour chaque trouble de
narcissique, la personnalité évitante, la personnalité la personnalité défini par le DSM-IV, une recherche
obsessionnelle-compulsive. Mais la démarche est bibliographique Medline a été effectuée sur PubMed
toute différente : en utilisant les mots clefs suivants : « antidepressants »
–– le critère A s’intéresse aux altérations du fonc- et « … personality disorder ». Seuls ont été analysés les
tionnement du sujet en termes d’identité ou de but essais randomisés contrôlés, les revues et les méta-ana-
existentiel, ces aspects sont constitutifs du soi. Ce lyses en langue anglaise. Il existe peu d’études rando-
fonctionnement peut être altéré dans ses dimensions misées contrôlées évaluant l’efficacité des traitements
interpersonnelles, dans les capacités d’empathie de antidépresseurs dans les troubles de la personnalité
l’individu et ses possibilités de nouer des relations et les principales données concernent le trouble de
d’intimité ou de mettre à distance les autres ; la personnalité borderline. Il existe quelques études
–– le critère B cherche toute une série de traits de sur les troubles de la personnalité schizotypique et
personnalité comme l’affectivité négative, le retrait ou antisociale, mais aucune donnée sur les personnali-
le détachement, l’antagonisme conflictuel, la désinhi- tés paranoïaque, schizoïde, histrionique, narcissique,
bition, les symptômes du registre psychotique ; dépendante, évitante et obsessionnelle. Plusieurs
–– le critère C s’intéresse à la stabilité, au fil des revues récentes de la littérature soulignent d’ailleurs
étapes de la vie et de différentes situations impor- la pauvreté des données, le faible nombre d’études
tantes, des traits de personnalité évoqués ; et la faiblesse des méthodologies utilisées. Cette
–– le critère D exclut les influences de certaines constatation remet en question la validité des recom-
périodes de la vie, comme l’adolescence, le milieu de vie mandations établies il y a une dizaine d’années, recom-
ou certains environnements socioculturels particuliers, mandant l’utilisation des traitements antidépresseurs
qui pourraient retentir sur les traits de personnalité ; dans certains troubles de la personnalité, en particu-
–– le critère E élimine les maladies sévères comme lier le trouble de la personnalité borderline [26]. Ainsi
un traumatisme crânien ou les prises de toxiques qui la revue de la littérature d’Herpertz et al. en 2007 [10]
pourraient modifier les traits de personnalité. sur l’efficacité des traitements pharmacologiques dans
Les propositions du DSM prennent en compte les troubles de la personnalité, les deux revues de la
plusieurs dimensions et illustrent certaines avancées littérature de la Cochrane Library sur les interventions
du modèle de Cloninger reliant la modulation de pharmacologiques dans les troubles de la personnalité
certains traits de personnalité par les différents neuro­ borderline [40] et antisocial [14] et la revue de Paris
transmetteurs. en juin 2011 [27] reprennent les principales données

353
Spécificités liées au terrain

concernant les troubles de la personnalité borderline et secondaires ne favorisant pas la compliance, leur uti-
antisocial. Elles posent la question de la pertinence des lisation paraît peu pertinente chez ce type de patients.
traitements pharmacologiques et soulignent l’absence Si l’on s’intéresse aux IMAO, deux essais ont été
d’étude concernant les autres troubles de la person- réalisés avec la phénelzine [28, 36], qui montrent éga-
nalité. Néanmoins, des revues et méta-analyses sont lement une modeste amélioration symptomatique au
en cours de réalisation concernant les interventions niveau thymique, ils ne justifient pas l’utilisation de
pharmacologiques dans les troubles de la personnalité ces produits qui comportent des risques majeurs en
suivants : paranoïaque, narcissique, évitante, histrio- cas de surdosage.
nique, schizoïde (http://onlinelibrary.wiley.com). La plupart des études se sont focalisées sur les ISRS
Seront donc exposées, dans un premier temps, les du fait de leur moindre toxicité : quatre avec la fluoxé-
principales données concernant l’efficacité des anti- tine [4, 31, 34, 44] et une avec la fluvoxamine [30].
dépresseurs dans le trouble de la personnalité border- Ces études mettent en évidence une efficacité limitée
line, puis les quelques données concernant les autres sur les symptômes thymiques, mais il existe un effet
troubles de la personnalité, en particulier antisociale, significatif sur la colère et l’agressivité [4, 44], cela est
schizotypique et évitante. confirmé par la méta-analyse de Mercer et al. en 2009
[21]. En revanche, ces traitements ne montrent pas
d’efficacité sur les comportements impulsifs.
Efficacité des traitements La seule étude qui met en évidence une diminu-
antidépresseurs dans le trouble tion des comportements impulsifs-agressifs concerne
de la personnalité borderline des patients présentant une co-morbidité de type
trouble explosif intermittent [4] ; les données concer-
Les caractéristiques particulières du trouble de la nant l’impulsivité dans la personnalité borderline sans
personnalité borderline telles que la dysrégulation trouble explosif intermittent ne sont clairement pas
affective et l’instabilité thymique posent la question suffisantes [30]. La méta-analyse d’Ingenhoven et al.
de l’intérêt des traitements antidépresseurs. De plus, en 2010 [12] confirme ces résultats : les antidépres-
l’impulsivité retrouvée chez ces patients a souvent été seurs montrent une efficacité sur les symptômes ayant
mise en lien avec une diminution de la transmission trait à la dysrégulation affective.
sérotoninergique [33] ; on a donc recherché un effet L’interprétation de ces résultats est rendue difficile
des antidépresseurs sur les comportements impulsifs par l’hétérogénéité des méthodologies utilisées, en
de ces patients. particulier la fréquence des co-morbidités dépressives.
Différents classes d’antidépresseurs ont été étudiées Cependant, dans deux études qui excluent les patients
chez les patients présentant un trouble de la personna- présentant un épisode dépressif majeur [34, 44] et dans
lité borderline : tricycliques, ISRS, IRSNa et IMAO. l’étude réalisée par Rinne et al. en 2002 [30], les résul-
La réponse des patients a été mesurée par des échelles tats suggèrent que les antidépresseurs n’agissent pas
auto- et hétéro-administrées de dépression (Hamilton seulement sur la co-morbidité dépressive, mais dimi-
anxiety scale [HAM], Beck depression inventory [BDI]), nuent, outre l’humeur dépressive, l’anxiété et la labilité
de colère et d’impulsivité-agressivité (state-trait anger thymique.
expression inventory [STAXI], overt agression scale- Il est important de noter qu’il n’existe pas de don-
revised [OAS-R]), d’anxiété (state-trait anxiety inven- nées concernant l’efficacité des antidépresseurs sur les
tory [STAI]), de dissociation (dissociative experience sentiments de vide, de solitude, l’ennui, la dysphorie
scale [DES]) et de fonctionnement global (global assess- et les autres symptômes dont peuvent se plaindre les
ment functioning [GAF]). Peu d’études ont utilisé des patients borderline. Le clinicien se doit de différencier
instruments spécifiques pour évaluer les changements une symptomatologie dépressive caractéristique et les
en termes de psychopathologie borderline, comme le sentiments de vide, de solitude, d’ennui présentés par
BPD severity index [30], la personality disorder rating ces patients, sur lesquels rien ne prouve, dans l’état
scale [31]et le borderline symptom index [35, 36]. actuel des données, qu’un traitement pharmacolo-
Concernant l’efficacité des tricycliques, un essai gique puisse agir.
a été réalisé avec l’amitryptiline [35], un autre avec Enfin, il est intéressant de se poser la question
l’imipramine [28] : tous deux ont montré une effica- de l’utilité d’un antidépresseur en association à une
cité modérée sur les symptômes thymiques. Compte psychothérapie ou à un autre traitement médica-
tenu de la toxicité de ces produits en cas d’intoxica- menteux, chez ces patients bénéficiant souvent de
tion médicamenteuse volontaire et de leurs effets plusieurs traitements. Ainsi l’efficacité de l’association

354
PERSONNALITÉ ET TROUBLES DE LA PERSONNALITÉ

olanzapine-fluoxétine a été testée en comparaison à pharmacologiques dans le trouble de la personnalité


la prescription isolée d’olanzapine ou de fluoxétine antisociale retrouve quatre études sur l’effet des anti-
[44]. Les trois modalités se révèlent efficaces sur la dépresseurs : trois avec la désipramine [2, 3, 17] et
dysphorie et les comportements agressifs des patients une avec la nortriptyline [29]. Cependant, ces études
borderline, mais la combinaison et l’olanzapine seule ne s’intéressent pas à l’effet des traitements sur le
semblaient plus efficaces que la fluoxétine seule. La trouble de personnalité proprement dit mais plutôt
seule étude ayant étudié un effet de la fluoxétine en sur l’influence de la présence d’un trouble de la per-
plus d’un traitement psychothérapeutique par la thé- sonnalité antisociale sur le traitement de certaines co-
rapie dialectique et comportementale (DBT pour morbidités, en particulier sur les abus de substances,
dialectical behavior therapy) n’a pas montré d’efficacité cocaïne et alcool. La nortriptyline induit une réduc-
supplémentaire pour le médicament [34]. Mais dans tion des consommations d’alcool et de l’anxiété chez
la mesure où cette étude porte sur seulement vingt les patients antisociaux [29], alors que la désipramine
sujets, d’autres études sont nécessaires pour évaluer les n’induit pas plus d’efficacité que le placebo sur les
possibles effets bénéfiques d’un traitement antidépres- consommations de cocaïne chez les patients antiso-
seur en plus de la psychothérapie. ciaux [3]. À ce jour, il n’y a pas suffisamment de don-
Au total, les données sont limitées, avec des tailles nées scientifiques pour justifier la prescription d’un
d’échantillon faibles ; on ne peut retenir qu’un niveau traitement antidépresseur chez les patients souffrant
de preuve C pour l’amitriptyline, la phénelzine, la d’un trouble de la personnalité antisociale, en dehors
fluoxétine et la fluvoxamine. Cependant, l’amitripty- de leurs co-morbidités.
line et la phénelzine ont été étudiées dans un seul essai,
alors que six essais contrôlés randomisés ont été réalisés Trouble de la personnalité schizotypique
pour les ISRS. La récente méta-analyse de Mercer et
al. chez les patients borderline conclue à un effet positif Il existe une étude ouverte s’intéressant à l’effi-
des antidépresseurs sur l’agressivité et la colère [21]. cacité de la fluoxétine dans un petit échantillon de
Enfin, il faut souligner qu’à l’exception d’un petit vingt-deux patients présentant soit un trouble de la
essai contrôlé qui teste l’efficacité de la phénelzine versus personnalité borderline, soit un trouble de la person-
imipramine et placebo [28], aucune étude comparant nalité schizotypique, soit les deux [19]. Cette étude
l’efficacité des antidépresseurs entre eux chez les patients montre une amélioration des symptômes dépressifs,
souffrant d’un trouble de la personnalité borderline n’a de l’anxiété, du fonctionnement interpersonnel et des
été réalisée à ce jour. On ne peut donc tirer aucune traits psychotiques, mais seulement quatre patients
conclusion concernant les différences d’efficacité des sur les vingt-deux présentaient un trouble de la per-
antidépresseurs entre eux et le choix de l’antidépresseur sonnalité schizotypique sans trouble de la personnalité
pour ces patients repose plutôt sur les effets secondaires borderline.
de chaque classe. Pour choisir un traitement destiné à
un patient borderline, les praticiens doivent savoir que Trouble de la personnalité évitante
ces patients souffrent d’obésité, de diabète et d’hyper-
tension plus fréquemment que la population générale Il n’existe aucune étude randomisée contrôlée sur
et surtout que la fréquence des gestes suicidaires est l’effet d’un traitement antidépresseur sur le trouble
particulièrement élevée chez ces patients [44]. La toxi- de la personnalité évitante sans co-morbidité. Il
cité potentielle de ces traitements en cas d’intoxication existe de nombreuses données concernant les autres
médicamenteuse volontaire est un argument fort pour troubles anxieux, en particulier la phobie sociale.
prescrire les ISRS en première intention. Dans la mesure où l’idée d’une continuité entre les
concepts de personnalité évitante et de phobie sociale
est actuellement très débattue, il peut être intéressant
Efficacité des traitements d’étudier l’effet des antidépresseurs sur les symptômes
antidépresseurs dans les autres troubles d’évitement présents dans la phobie sociale [11].
En effet, quelques données sont disponibles
de la personnalité concernant l’efficacité des ISRS, IRSNa et IMAO
dans le traitement de la phobie sociale. La revue de
Trouble de la personnalité antisociale Van der Linden et al. publiée en 2000 [42] ana-
La récente revue de la littérature de Khalifa lyse trente-six essais contrôles randomisés incluant
et al. en 2010 [14] concernant les interventions 5 264 patients ; elle met en évidence une efficacité de

355
Spécificités liées au terrain

la pharmacothérapie dans le traitement de la phobie il semble que les antidépresseurs ont une meilleure
sociale : quinze essais contrôlés randomisés sur les efficacité en l’absence de troubles de la personnalité,
ISRS (six avec la paroxétine, trois avec la fluvoxamine, qu’il s’agisse d’études de cohortes ou d’études de cas.
trois avec l’escitalopram, deux avec la sertraline et un Cependant, dans plusieurs de ces études, la durée
avec la fluoxetine) montrent une efficacité de ce trai- du traitement semble relativement courte, dépassant
tement de niveau de preuve A. Une méta-analyse de rarement 24 semaines.
ces essais contrôlés randomisés montre une grande
variabilité des tailles d’effet sur l’anxiété sociale, allant
de 0,029 à 1,214 (moyenne : 0,531) [8]. L’efficacité L’utilisation des antidépresseurs
semble comparable pour la venlafaxine, avec cinq peut-elle modifier des dimensions de
essais contrôlés randomisés qui rapportent des taux de personnalité ?
réponse entre 44 et 69 p. 100 (niveau de preuve A).
Ces études montrent en particulier une efficacité sur Il existe plusieurs séries de cas où les antidépresseurs
l’anxiété et les comportements d’évitement, à l’origine ne sont pas prescrits pour améliorer un trouble de
d’un meilleur fonctionnement social [42]. Il serait très l’humeur mais afin d’atténuer certaines dimensions
intéressant d’étudier l’effet des antidépresseurs sur ces de personnalité. Les scores d’extraversion et de neu-
symptômes dans le trouble de la personnalité évitante roticisme ont été réduits dans un groupe de soixante-
sans phobie sociale. neuf sujets traités par un inhibiteur de la recapture de
la sérotonine dans l’étude de TANG en 2009 [41].
Autres troubles de la personnalité Cette amélioration survenant chez des sujets dépri-
més se produit au bout de 8 semaines de traitement
Il n’existe à ce jour aucun essai randomisé contrôlé et se maintient même lorsque l’on contrôle la variable
évaluant l’efficacité d’un traitement antidépresseur sur dépression. L’hostilité a pu être réduite par la phénel-
les troubles de la personnalité paranoïaque, schizoïde, zine et l’agressivité par la fluoxétine dans des études
histrionique, narcissique, dépendant et obsessionnel, sur les états limites [18]. Contrairement à ce que l’on
à notre connaissance. pourrait penser, les effets des sérotoninergiques sur
l’agressivité ou l’impulsivité des personnalités limites
restent encore inconsistants.
La prescription d ’ antidépresseurs
et les questions du clinicien Certains troubles de la personnalité
s’atténuent-ils sous antidépresseur ?
Les antidépresseurs sont-ils aussi Dans l’étude de Mulder et al. [23], 63 parmi
efficaces dans les dépressions avec et 149 patients présentent à l’entrée de l’étude un
sans trouble de la personnalité ? trouble de la personnalité, évitante, paranoïde, bor-
derline ou obsessionnelle-compulsive. Ces patients
sont traités durant un an par de la fluoxétine ou de
Il semble communément admis que les troubles de
la nortriptyline. Trente-trois présentent encore un
la personnalité aggravent le pronostic d’une dépres-
trouble de la personnalité à 18 mois et onze sujets
sion et impliquent un traitement antidépresseur plus
qui n’avaient pas de troubles de la personnalité à
agressif lors de ces associations [23, 24].
l’entrée, en présentent un au bout de 18 mois. Les
L’étude de Gorwood et al. en 2010 [7] porte sur
personnalités qui apparaissent les plus stables sont les
8 000 patients ambulatoires, l’efficacité thérapeu-
personnalités dépendantes et schizoïdes. Les person-
tique des antidépresseurs s’avère moins bonne chez
nalités narcissiques, borderline, évitantes ou obsession-
des sujets ayant un plus haut niveau de troubles de
nelles ne demeurent pas permanentes. Ces données
la personnalité mesuré par un instrument très simpli-
rejoignent celles d’autres études comme celle de Fava
fié à huit questions, le SAPAS (standardised assessment
et al. en 2002 [6], montrant qu’un tiers des patients
of personnality-abbreviated scale). De plus, les sujets
perdent leur diagnostic de trouble de la personnalité
avec un plus haut niveau de troubles de la person-
après 8 semaines de traitement, ce qui est indépen-
nalité semblent exposés à une récurrence d’épisodes
dant du degré d’amélioration des symptômes dépres-
dépressifs. Bien que des résultats divergents existent,
sifs. La donnée la plus originale concerne les patients

356
PERSONNALITÉ ET TROUBLES DE LA PERSONNALITÉ

déprimés ne répondant pas au traitement antidépres- d’obtenir une réduction symptomatique ou dimen-
seur en matière de troubles de l’humeur. Ces patients sionnelle. Cependant, au regard des études cliniques,
ayant une réponse partielle sur le plan de l’humeur de leur faible significativité et d’une méthodologie
perdent en moyenne 2,73 symptômes de troubles de imparfaite, la prescription des antidépresseurs mérite
la personnalité comparés à ceux qui ont une bonne d’être mûrement considérée chez des patients recevant
réponse aux antidépresseurs et qui perdent 5,15 symp- déjà un traitement médicamenteux.
tômes. Cela laisse entendre que le traitement de la
dépression par des antidépresseurs s’accompagne de
modifications significatives en matière de comporte- Références
ments et d’attitudes retrouvés dans les dimensions des
troubles de la personnalité. Ainsi, chez des patients 1. Allgulander C. Paroxetine in social anxiety disorder :
déprimés, la stabilité des symptômes de troubles de a randomized placebo-controlled study. Acta Psychiatr
Scand, 1999, 100 : 193-198.
la personnalité n’est pas majeure et l’amélioration
2. Arndt IO, Dorozynski L, McLellan AT et al.
de la dépression réduira le nombre de troubles de la Controlled study of desipramine treatment of cocaine
personnalité. dependence in methadone treated patients. Arch Genl
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3. Arndt IO, McLellan AT, Dorozynsky L et al.
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4. Coccaro EF, Kavoussi RJ. Fluoxetine and impulsive
La prescription des antidépresseurs dans les troubles aggressive behavior in personality-disordered subjects. Arch
de la personnalité s’inscrit dans deux grandes perspec- Gen Psychiatry, 1997, 54 : 1081-1088.
tives. Bien sûr, elle concerne les troubles de l’humeur 5. Dhawan N, Kunik ME, Oldham J et al. Prevalence and
associés aux troubles de la personnalité. Dans ce treatment of narcissistic personality disorder in the com-
contexte, il apparaît que cette coexistence est souvent munity : a systematic review. Comp Psychiatry, 2010, 51 :
considérée comme un facteur de moins bon pronos- 333-339.
6. Fava M, Farabaugh AH, Sickinger AH et al.
tic et de résistance de la dépression, que le traitement Personality disorders and depression. Psychol Med, 2002,
énergique de ce trouble de l’humeur permet l’amé- 32 : 1049-1057.
lioration de celui-ci, mais aussi la diminution de 7. Gorwood P, Rouillon F, Even C et al. Treatment
plusieurs dimensions des troubles de la personnalité, response in major depression : effects of personality dys-
voire la disparition de certains troubles. function and prior depression. Br J Psychiatry, 2010, 196 :
L’autre perspective vise à réduire certaines dimen- 139-142.
8. Hedges DW, Brown BL, Shwalb DA et al. The efficacy
sions, particulièrement gênantes, dans plusieurs
of selective serotonin reuptake inhibitors in adult social
troubles de la personnalité. Bien que cela semble anxiety disorder : a meta-analysis of double-blind, placebo-
intuitivement juste, les dimensions d’impulsivité ou controlled trials. J Psychopharmacol, 2006, 21 : 102-111.
d’agressivité sont relativement peu modifiées par les 9. Heimberg RG, Liebowitz MR, Hope DA et al.
inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine. Cognitive behavioural group therapy vs phenelzine therapy
En revanche, les dimensions de colère, d’hostilité ou for social phobia : 12-week outcome. Arch Gen Psychiatry,
d’évitement semblent améliorées par les traitements 1998, 55 : 1133-1141.
10. Herpertz SC, Zanarini M, Schulz CS et al. World
antidépresseurs. Il reste à comprendre, en dépit
Federation of Societies of Biological Psychiatry : guidelines
d’études randomisées, pourquoi l’action des antidé- for biological treatment of personality disorders. World
presseurs semble si peu conclusive. Tout d’abord, il J Biol Psychiatry, 2007, 8 : 212-244.
n’existe pas d’étude dans tous les troubles de la per- 11. Huppert JD, Strunk DR, Ledley DR et al. Generalized
sonnalité. On pourrait suggérer que, dans la plupart social anxiety disorder and avoidant personality disor-
des études, les outils d’évaluation et de diagnostic de der : structural analysis and treatment outcome. Depress
troubles de la personnalité sont différents, que plu- Anxiety, 2008, 25 : 441-448.
12. Ingenhoven T, Lafay P, Rinne T et al. Effectiveness
sieurs troubles de la personnalité sont souvent détectés
of pharmacotherapy for severe personality disorders : meta-
chez un même patient et que les durées de prescrip- analyses of randomized controlled trials. J Clin Psychiatry,
tion des antidépresseurs varient considérablement. 2010, 71 : 14-25.
Il n’en reste pas moins que les antidépresseurs dans 13. Katschnig H, Amering M, Stolk JM et al. Long-
les troubles de la personnalité sont abondamment term follow-up after a drug trial for panic disorder. Br
prescrits et permettent pour plusieurs de ces troubles J Psychiatry, 1995, 167 : 487-494.

357
Spécificités liées au terrain

14. Khalifa N, Duggan C, Stoffers J et al. Pharmacological randomized, placebo-controlled clinical trial for female
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15. Kobak KA, Greist JH, Jefferson JW et al. Fluoxetine 31. Salzmann C, Wolfson AN, Schatzberg A et al. Effect
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study. J Clin Psychopharmacol, 2002, 22 : 257-262. borderline personality disorder. J Clin Psychopharmacol,
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19 : 241-248. 33. Silva H, Iturra P, Solari A et al. Fluoxetine response
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358
33
M aladies somatiques : généralités
........
D. Saravane et A.-F. Gilquin

Les co-morbidités entre maladie dépressive et mala- Tableau 33-I. – Prévalence des épisodes dépressifs
dies organiques sont fréquentes et bien documen- dans les pathologies organiques.
tées. Elles ont des conséquences et des implications
importantes pour le patient, l’entourage familial et le Maladies organiques Taux de prévalence (p. 100)
co-morbides
médecin. Elles entraînent notamment une augmen-
tation de la morbi-mortalité, un retard au diagnostic, Pathologie cardiaque 17-27 [53]
une péjoration du pronostic, des difficultés de prise Pathologie cérebrovasculaire 14-19 [48]
en charge et un coût économique majeur avec notam- Maladie d’Alzheimer 30-50 [25]
ment des séjours hospitaliers prolongés et l’utilisation Maladie de Parkinson 4-75 [33]
accrue des services de santé en général. Aussi est-il Épilepsie
nécessaire de mettre en place une alliance collabo- – réfractaire 20-55 [21] ⎫
rative somaticien-psychiatre, qui envisage le patient – contrôlée 3-9 [21] ⎬ [21]
dans sa globalité. ⎭
Diabète 26 [3]
Cancer 22-29 [42]
Douleur 30-54 [6]
P révalence de la dépression Obésité 20-30 [22]
dans les maladies somatiques VIH/SIDA 5-20 [10]

La prévalence dépend en fait des pathologies orga- l’ordre de 15 à 30 p. 100. Près d’un tiers des corona-
niques. Les co-morbidités les plus fréquentes sont riens souffriraient de troubles dépressifs.
retrouvées dans les pathologies neurologiques, les Dans le cas de pathologies neurologiques, rappelons
pathologies cardiovasculaires, endocriniennes, can- qu’une étude a montré qu’autour de 30 p. 100 de
cérologiques, douloureuses, mais cette association patients hospitalisés en clinique neurologique présente
peut se retrouver dans n’importe quelle pathologie un syndrome dépressif et que chez plus de 72 p. 100 de
(Tableau 33-I). ces patients la dépression a été non diagnostiquée [5].
Les études cliniques mettent en évidence une sur- Après un accident vasculaire cérébral, la prévalence de
morbidité de la pathologie dépressive, sur-morbidité la dépression se situe autour de 31 p. 100 3 mois après
variable selon les pathologies somatiques considérées l’accident [4]. On constate également une prévalence
et les méthodologies employées. Ainsi la co-morbidité élevée de la dépression dans la maladie de Parkinson et
avec une dépression majeure et/ou un tableau d’allure dans la maladie d’Alzheimer (voir Tableau 33-I) ainsi
dysthymique concerne-t-elle plus de 40 p. 100 des que dans la sclérose en plaques. Ces aspects neurolo-
patients ayant une pathologie organique [8]. giques seront détaillés dans le chapitre 34.
Dans ce domaine, une pathologie bien étudiée Dépression et endocrinopathies sont souvent associées,
est la pathologie cardiovasculaire. La prévalence de la pouvant témoigner de processus physiopathologiques
dépression dans les semaines qui suivent un infarctus communs ou reflétant le retentissement des endocrino-
du myocarde est de l’ordre de 30 à 40 p. 100 selon les pathies sur l’état somatique et la qualité de vie. Ainsi,
études, avec une prévalence de dépression majeure de par exemple, la fréquence des troubles dépressifs est

359
Spécificités liées au terrain

2 à 3 fois plus élevée chez les diabétiques que chez les l’évolution de la pathologie dépressive. Par exemple,
non-diabétiques [3, 13]. De même, la dépression est une étude [29] montre qu’une majorité des diabétiques
un fréquent prodrome des pathologies hypophysaires déprimés suivis pendant 5 ans connaissent des récidives
ou surrénaliennes. Ainsi le syndrome de Cushing s’ac- multiples de dépression ou une chronicisation dépres-
compagne-t-il d’une dépression majeure dans près de sive et un contrôle glycémique aléatoire.
deux tiers des cas et son diagnostic peut être difficile.
L’hypocorticisme, particulièrement d’origine centrale,
pose un problème car, dans ce cas, l’asthénie isolée peut
en imposer pour un syndrome dépressif.
R elations entre dépression
La douleur et la dépression sont fréquemment ren- et maladie somatique
contrées dans la pratique médicale et l’expérience cli-
nique montre que leur association est intriquée. C’est L’association entre maladie dépressive et pathologie
surtout dans sa relation avec la douleur chronique que somatique est complexe. La dépression peut être une
la dépression a été beaucoup étudiée. La prévalence conséquence de la pathologie organique ou un fac-
exacte de l’association entre douleur et dépression est teur primaire. Par exemple, les symptômes dépressifs
difficile à définir. Cependant, elle dépasse 50 p. 100 sont fréquents dans la maladie de Parkinson, l’acci-
dans la plupart des grandes études cliniques, et ce dans dent vasculaire cérébral, les endocrinopathies comme
divers syndromes douloureux chroniques. le syndrome de Cushing et les dysthyroïdies. Les
symptômes dépressifs peuvent précéder l’apparition
de certaines pathologies organiques comme l’hypo-
C onséquences thyroïdie, l’insuffisance coronarienne ou l’accident
vasculaire cérébral et peuvent même contribuer à leur
de la co - morbidité dépression - apparition par le biais des altérations de l’adhésion
pathologie somatique plaquettaire [32] et de dysfonctionnements immuno-
logiques. Le mécanisme biologique exact par lequel la
pathologie somatique peut causer un état dépressif est
L’existence d’un syndrome dépressif peut entraî- encore sujet à de nombreuses spéculations.
ner certains patients à ne pas prendre en charge une
pathologie somatique associée, voire parfois à aban-
donner un traitement actif.
Cette co-morbidité dépressive est aussi associée à D épister et évaluer la dépression
l’augmentation des durées de séjour hospitalier et à
la multiplication des consultations, en lien avec l’aug- Le diagnostic de dépression semble être sous-éva-
mentation des plaintes somatiques et fonctionnelles lué en médecine. La principale raison de ce défaut de
[20]. Mais l’importance des pathologies somatiques reconnaissance est liée au médecin somaticien qui se
est probablement sous-évaluée parmi les déprimés, focalise sur la pathologie organique et occulte les pro-
chez qui les signes ou plaintes somatiques peuvent être blèmes psychologiques qui semblent difficile à gérer
mal attribués. La prise en charge de ces sujets déprimés pour lui. L’une des solutions que l’on peut proposer est
apparaît essentielle, tant pour soulager les patients que de faire appel à la psychiatrie de liaison qui peut aider
pour permettre le maintien de l’observance des traite- à diagnostiquer les états dépressifs chez les patients
ments à visée somatique et une alliance thérapeutique ayant une pathologie organique. Cette collaboration
avec le praticien attentif à leur souffrance psychique. psychiatre-somaticien permet d’avoir des résultats
Dans la dépression, les pathologies organiques sont positifs sur l’évolution des troubles somatiques et psy-
parfois à l’origine d’une résistance au traitement anti- chiques et sur la qualité de vie des patients.
dépresseur. D’autres pathologies organiques peuvent
parfois interférer avec les possibilités de prescription ou
les posologies normales d’antidépresseurs, limitant alors
le potentiel d’efficacité thérapeutique. La lourdeur de
M édicaments antidépresseurs
certains traitements somatiques, voire leurs effets bio- dans la pathologie organique
logiques intrinsèques peuvent avoir des effets dépresso-
gènes. De nombreux travaux ont été menés pour évaluer
Ces médicaments sont utiles lorsqu’un état dépres-
les répercussions de certaines maladies organiques sur
sif est associé à la pathologie somatique. Nous devons

360
M A L A D I E S S O M AT I Q U E S : G É N É R A L I T É S

Tableau 33-II. – Effets des traitements antidépresseurs en cas de co-morbidité entre dépression et pathologie
somatique.

Co-morbidité Traitement Évidence Effets sur la Effets sur la pathologie Commentaires


dépression somatique

Cardiaque ISRS 1 DA, R/placebo Amélioration à Effet bénin sur la ISRS cardioprotecteurs
[14, 26, 35, 41, Bupropion 1 DA, R/comparatif l’échelle d’Hamil- conduction, la Normalisation de l’acti-
49-55, 59] 1 ouvert, R/ ton (HAM-D) pression artérielle, la vation plaquettaire
comparatif fréquence cardiaque Effet additionnel anti-
1 ouvert/ pas de plaquettaire avec les
contrôle antithrombotiques

Cérébrovasculaire Antidépresseurs 5 DA, R/placebo Amélioration Amélioration sur ADL Traitement antidépres-
[1, 12, 15, Tricycliques 1 DA, R/placebo + sur HAM-D, et MMSE seur efficace associé à
18, 23, 36, ISRS comparatif MADRS, ZUNG l’amélioration à long
45, 48, 60] Trazodone 1 étude rétrospective terme des fonctions
cognitives et diminu-
tion de la mortalité

Maladie d’Alzhei- Antidépresseurs 8 DA, R/placebo Amélioration Amélioration sur 4 essais : effets antidé-
mer [14, 30, 31, Tricycliques 1 DA, R/placebo et sur HAM-D, MMSE, échelle GBS presseurs contre
37-39, 46, 50] ISRS essai ouvert MADRS et et SCAG 4 essais : pas d’effets
Moclobemide CSDD 2 études : amélioration
des fonctions cogni-
tives contre
2 autres études : pas
d’amélioration des
fonctions cognitives

Maladie de Antidépresseurs 3 DA, R/placebo Amélioration sur la Pas de conclusion Les essais avec les ISRS
Parkinson [2, 7, tricycliques dépression et la formelle ont montrés leur effi-
16, 24, 33, 34, fatigue cacité sur la dépres-
43, 57] sion et non sur les
fonctions motrices,
mais certaines
données suggèrent
une augmentation du
syndrome parkinso-
nien avec les ISRS

Épilepsie [19, 47] Antidépresseurs 1 DA, R/placebo + Amélioration de la Diminue les crises, Efficacité sur les don-
tricycliques comparatif dépression surtout avec bupro- nées empiriques
Nomifensine pion, maprotiline et
amoxétine

Diabète [27, 28] Antidépresseurs 2 DA, R/placebo Amélioration sur Pas de réduction signi-
tricycliques BDI ficative de l’HbA1c
ISRS

Cancer [9,11, 17, Antidépresseurs 7 DA ,R/placebo Amélioration Amélioration sur FLIC, Amélioration sur les
40, 44, 58, 59] tricycliques 1 DA, R/comparatif sur HAM-D, SF-36 health survey échelles de dépression
ISRS 1 essai ouvert MADRS et et FACT-G
Miansérine 1 essai ouvert R ZUNG
Mirtazapine

ADL : activities of daily life ; BDI : Beck depression inventory ; CGI-I : cli- rating scale ; HbA1c : hémoglobine glyqué ; ISRS : inhibiteur sélectif de la
nical global impression improvement item ; CSDD : Cornell scale for depres- recapture de la sérotonine ; MADRS : Montgomery-Asberg depression rating
sion in dementia ; DA : double aveugle ; FACT-G : functional assessment scale ; MMSE : mini mental state examination ; R : essai clinique rando-
of cancer therapy-general ; FLIC : functional living index-cancer ; GBS : misé ; SCAG : Sandoz clinical assessment geriatric scale ; SF-36 : 36-item
Gottfries-Brane-Steen geriatric rating scale ; HAM-D : Hamilton depression short form health survey ; ZUNG : Zung self-rating depression scale.

361
Spécificités liées au terrain

tenir compte, pour la prescription de ces produits, du 2. Andersen J, Aabro E, Gulmann N et al. Antidepressive
traitement spécifique de la pathologie organique, des treatment in Parkinson’s disease : a controlled trial of the
effets secondaires et des interactions entre les diffé- effect of notriptyline in patients with Parkinson’s disease
treated with L-DOPA. Acta Neurologica Scand, 1980, 62 :
rents traitements. 210-219.
Lorsqu’un traitement antidépresseur est nécessaire, 3. Anderson RJ, Clouse RE, Freedland KE, Lustman PJ.
il est préférable, en première intention, d’éviter la The prevalence of comorbid depression in adults with dia-
prescription des antidépresseurs tricycliques et des betes. Ameta-anlysis. Diabetes Care, 2001, 24 : 1069-1078.
inhibiteurs de la monoamine oxydase, car ces médi- 4. Astrom M, Adolfsson R, Apslund K. Major depres-
caments peuvent interagir et aggraver la pathologie sion in stroke patients. Stroke, 1993, 24 : 976-982.
5. Bridges KW, Goldberg DP. Psychiatric illness in inpa-
somatique en raison des effets anticholinergiques,
tients with neurological disorders : patients’ views on dis-
anti-adrénergiques et cardiaques. cussion of emotional problems with neurologists. R Med J,
Plusieurs études ont démontré l’efficacité des anti- 1984, 289 : 656-658.
dépresseurs et de la psychothérapie dans le traitement 6. Campbell LC, Clauw DJ, Keefe FJ. Persistent pain and
des états dépressifs dans la pathologie somatique. depression. A biopsychosocial perspective. Biol Psychiatry,
Mais, dans bien des cas, l’évidence n’a pas abouti à 2003, 54 : 399-409.
une meilleure santé somatique des patients. 7. Ceravolo R, Nuti A, Piccinni A et al. Paroxtine in
Parkinson’s disease : effects on motor and depressive symp-
De très nombreux articles font référence du trai-
toms. Neurology, 2000, 55 : 1216-1218.
tement antidépresseur dans la pathologie organique. 8. Consoli SM. Depression et maladies organiques asso-
Le tableau 33-II résume les études disponibles dans ciées, une co-morbidité encore sous-estimée : résultats de
le domaine du traitement par antidépresseurs de la l’enquête DIALOGUE. Presse Méd, 2003, 32 : 10-21.
dépression associée à des pathologies somatiques. 9. Costa D, Mogos I, Toma T. Efficacy and safety of mian-
serin un the treatment of depression of women with cancer.
Act Psychitr Scand Suppl, 1985, 320 : 85-92.
10. Cruess DG, Evans DL, Repetto MJ et al. Prevalence,
C onclusion diagnosis and pharmacological treatment of mood disor-
ders in HIV disease. Biol Psychiatry, 2003, 54 : 307-316.
Dans tous les cas, une alliance collaborative est 11. Evans DL, McCartney CF, Nemeroff CB et al.
nécessaire pour la prise en charge de la pathologie Treatment of depression in cancer patients is associated
dépressive associée à la pathologie somatique. Dans with better life adaptation : a pilot study. Psychosom Med,
1988, 50 : 72-76.
certains cas, comme la douleur chronique, les interac- 12. Gainotti G, Antonucci G, Marra C, Paolucci S.
tions entre la pathologie somatique et dépression sont Relation between depression after stroke, antidepressant
complexes et la prise en charge du patient nécessite therapy, and functional recovery. J Neurol Neurosurg
une approche pluri-professionnelle. Le traitement Psychiatry, 2001, 71 : 258-261.
antidépresseur doit être prescrit à bon escient et néces- 13. Gavard JA, Lustman JP, Clouse RE. Prevalence of
site donc cette collaboration. depression in adults with diabetes-an epidemiological eva-
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364
34
A ntidépresseurs et pathologies
somatiques  : l ’ exemple des pathologies
neurologiques
........
A.-F. Gilquin et D. Saravane

A ccident vasculaire cérébral Éléments physiopathologiques


et antidépresseurs et anamnestiques pouvant justifier
l’administration précoce
Les accidents vasculaires cérébraux (AVC) repré- d’antidépresseurs
sentent une cause majeure de handicap, de morbidité
et d’hospitalisation. Or la survenue d’une dépression Effets sur la neurogenèse
est une complication fréquente des AVC, dont le rôle La neurogenèse dans le cerveau adulte est commu-
délétère dans la survie, le potentiel de récupération et nément reconnue comme limitée aux centres germi-
aussi l’avenir du patient a été longtemps négligé. La natifs situés dans la zone infraventriculaire et le gyrus
dépression post-AVC se révèle donc comme un pro- hippocampique [30]. Ainsi, l’administration prolon-
blème de santé publique, et son dépistage doit être gée d’un antidépresseur stimule le développement des
systématique dès la mise en œuvre de la rééducation neurones immatures et favorise la survie et la fonc-
fonctionnelle, non seulement pour en optimiser les tion des neurones adultes par stimulation du brain-
résultats, mais également pour éviter le développe- derived neurotrophic factor (BDNF) et du récepteur
ment de troubles cognitifs consécutifs aux processus TrkB, provoquant des modifications anatomiques et
altérés de reconstruction des circuits neuronaux, que fonctionnelles. L’activation du BDNF et du récep-
ce soit au plan de la neuroplasticité cérébrale qu’au teur TrkB semble dépendante des antidépresseurs
sein de la neurogenèse. Les essais thérapeutiques visant dans l’induction d’effets comportementaux [37], et
à réduire la dépression post-AVC s’avèrent cependant l’action différée des antidépresseurs y trouverait son
limités, tant dans leur volume que dans la taille des explication [28]. Bien qu’il n’y ait aucune démons-
cohortes de patients sélectionnés. Les critères d’exclu- tration de neurogenèse induite dans le cortex préfron-
sion retenus (les problèmes de communication, le tal, l’administration prolongée d’antidépresseurs peut
déficit cognitif antérieur, la pathologie psychiatrique provoquer une activation du récepteur TrkB et ainsi
préexistante) aboutissent à une réduction telle des sensibiliser cette région cérébrale aux effets du BDNF.
effectifs que la population étudiée in fine est loin de Les neurotrophines, et singulièrement le BDNF, ont
celle rencontrée dans la « vraie vie ». été reconnues comme des régulateurs de la croissance
Cependant, l’objectif majeur en post-critique sem- neuronale, de la plasticité synaptique et de la sélection
blerait être le dépistage d’une vulnérabilité individuelle de connexions fonctionnelles dans le système nerveux
à la dépression (tissu social, personnalité sous-jacente) central. En accord avec ces constatations, la réduc-
si l’on envisage un rôle éventuellement positif d’un tion de la production du BDNF induite par le stress
traitement antidépresseur précoce dans la modification pourrait être prévenue par l’administration prolongée
des mécanismes physiopathologiques de récupération. d’antidépresseurs [20].

365
Spécificités liées au terrain

Facteurs de risque Profil de populations incluses


de la dépression en post-AVC dans ces études
Le cours et la sévérité de la dépression post-AVC La moyenne d’âge, dans la majorité des études,
peuvent être conditionnés par plusieurs facteurs de s’échelonne entre 60 et 80 ans [2, 13, 31, 36].
risque, dont un épisode dépressif préexistant. La L’ensemble de ces analyses inclut des patients en
localisation anatomique des lésions cérébrales lors de phase aiguë d’un AVC, les patients victimes d’un
l’AVC a pu également être avancée sans confirmation AVC hémorragique étant exclus de certaines études,
ultérieure (lobe frontal, hémisphère gauche, noyaux notamment de celles centrées sur l’efficacité de la
gris centraux). La méta-analyse de Carson et al. [5], fluoxétine, en faisant mention d’une contre-indi-
portant sur quarante-huit études, a évalué les liens cation potentielle dans ce type d’AVC [13, 26, 36].
entre la localisation des infarctus cérébraux et le risque Les critères d’exclusion [2, 3, 10, 13, 31, 35, 36] sont
de dépression post-AVC, sans pouvoir dégager un lien particulièrement larges et concernent les patients
entre la dépression et le côté de la lésion (hémisphère ayant des difficultés de compréhension, des capaci-
gauche/hémisphère droit), avec la réserve de l’utilisa- tés décisionnelles déficitaires, une aphasie, voire une
tion exclusive d’une imagerie tomodensitométrique démence, un anévrysme intracérébral, une malforma-
moins sensible aux petites lésions que l’IRM, notam- tion artérioveineuse, une tumeur intracrânienne, une
ment au niveau des noyaux gris centraux. maladie neurodégénérative (maladie de Parkinson,
maladie d’Alzheimer), des antécédents de toxicoma-
Critères et méthodes d’évaluation nies et d’alcoolisme. Dans d’autres études, il s’agit
des antécédents de pathologies psychotiques, d’une
de l’effet des antidépresseurs pathologie cardiovasculaire à l’origine de l’AVC (type
dans le traitement et la prévention infarctus du myocarde, dissection aortique, chirurgie
de la dépression post-AVC de revascularisation), de la présence d’une symptoma-
tologie dépressive préalable à l’AVC avec l’utilisation
Les différentes études ayant porté sur l’action des d’un antidépresseur 4 semaines avant l’événement.
antidépresseurs dans la dépression post-AVC appuient Enfin, certaines études, notamment celles concernant
leurs résultats sur des scores d’évaluation à des tests le traitement antidépresseur dans une démarche de
portant sur les différents aspects et répercussions de la prophylaxie, comportent dans la population analy-
dépression post-AVC. En effet, de nombreuses échelles sée autant de patients déprimés que de patients non
sont utilisées, leur maniement variant fortement d’une déprimés en post-AVC.
étude à l’autre. Les plus fréquemment employées sont,
pour l’examen neurologique, la National Institutes of
Health (NIH) stroke scale et, pour la symptomatologie Synthèse des résultats d’études
psychiatrique, le DSM-III et le DSM-IV, la HRSD
(Hamilton rating scale for depression, version à dix- analysant l’efficacité d’un antidépresseur
sept items) [2, 3, 7, 10, 12, 13, 29, 31, 35], l’échelle dans le traitement et la prévention
d’anxiété d’Hamilton (Hamilton anxiety rating scale) de la dépression post-AVC
[3], la classification de Hollingshead et Redlick pour
évaluer l’aspect socio-économique [36], la functional Antidépresseur comme traitement
indepedance measure pour évaluer l’autonomie dans
de la dépression
les activités de la vie quotidienne, notamment dans
les domaines interpersonnel, familial et occupationnel La mise en évidence d’une implication délétère de
[13, 35, 36], le Johns Hopkins functioning inventory la dépression post-AVC (avec une incidence de 20 à
[3, 13] et des tests neuropsychologiques mesurant la 50 p. 100 durant la première année) sur la récupéra-
mémoire immédiate et retardée, le langage, l’attention, tion de l’autonomie, la qualité de vie, la réhabilitation
comme les capacités visuospatiales. sociale du patient [3] et, de ce fait, des coûts finan-
Ces échelles sont utilisées à différentes étapes des ciers accrus ainsi qu’un risque 8 fois plus important
protocoles (avant introduction, à 2 semaines, 1 mois, de mourir dans les quinze premiers mois par rapport
4 mois, 6 mois selon les études) afin de mesurer l’im- aux patients non déprimés ayant eu un AVC [23]
pact significatif ou non de l’antidépresseur dans la pré- ont entraîné la mise en œuvre d’études sur ce sujet
vention et le traitement de la dépression post-AVC. dans les années 1980. Dans un premier temps elles

366
A N T I D É P R E S S E U R S E T PAT H O L O G I E S S O M AT I Q U E S

ont porté tout particulièrement sur les antidépresseurs cardiovasculaire et neurologique (HTA, troubles du
tricycliques. rythme cardiaque, tabagisme, diabète insulino-dépen-
dant, obésité, hypercholestérolémie...). Ainsi le déve-
Antidépresseurs tricycliques loppement d’antidépresseurs de deuxième génération
En effet, dès 1984, une efficacité significative de la tels que les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la
nortriptyline (contre placebo) a été rapportée [19] dans sérotonine (ISRS) a-t-il été déterminant dans le traite-
le traitement de la dépression post-AVC. Ce résultat a ment de la dépression post-AVC, ces substances ayant
été conforté par d’autres études, tout particulièrement des effets secondaires beaucoup moins délétères sur les
celle de Robinson et al. [35], comparant l’impact de plans cardiovasculaire et neurologique que les antidé-
cet antidépresseur par rapport à la fluoxétine et au pla- presseurs tricycliques suscités.
cebo, sur un échantillon de 104 patients déprimés et
non déprimés, traités pendant 12 semaines. Chez les Antidépresseurs inhibiteurs sélectifs de la sérotonine
patients déprimés, cette étude a mis en évidence une De nombreuses études ont été réalisées pour cette
efficacité significative de la nortriptyline sur la dimi- classe d’antidépresseurs.
nution de la symptomatologie dépressive par rapport
à la fluoxétine et par rapport au placebo, une diminu-
Fluoxétine. Cet antidépresseur est le plus étudié
tion du score de l’échelle d’anxiété d’Hamilton sous dans le traitement de la dépression post-AVC, ses
nortriptyline, une augmentation du score de l’échelle effets secondaires étant beaucoup mieux tolérés par
d’anxiété d’Hamilton sous fluoxétine (ce score restant ce type de population. La synthèse des différentes
inchangé sous placebo), un impact significatif de la études n’a pas permis de mettre en évidence une
nortriptyline sur la facilitation de la récupération de supériorité antidépressive significative de ce traite-
l’autonomie dans les activités de la vie quotidienne ment par rapport au placebo [31], les résultats des
par rapport à la fluoxétine et au placebo. Chez les études étant divergents [42, 35]. Il faut aussi rele-
patients non déprimés, cette étude a mis en exergue ver une efficacité significative d’un traitement de
des effets significatifs sur la functional independence 12 semaines par fluoxétine sur la récupération de
measure et sur la Johns Hopkins functioning inventory, l’autonomie dans les activités de la vie quotidienne
sans différence significative entre les traitements. [25] et la facilitation du rétablissement de la fonc-
Ultérieurement, trois autres études ont été publiées tion exécutive [26], associées à une diminution du
[13, 25, 26], portant sur l’intérêt, en dehors de la risque de mortalité dans les 7 à 9 ans de suivi [13].
dépression, de la nortriptyline et de la fluoxétine ver-
Autres ISRS (citalopram et sertraline). Pour ces
sus placebo en post-AVC. Ces études confirment les
molécules, aucun bénéfice thérapeutique n’a été
résultats de l’étude de Robinson et al. de 2000 [35]
mis en évidence dans le traitement de la pathologie
concernant l’efficacité de la nortriptyline et de la
dépressive en tant que telle. Mais on observe tout
fluoxétine sur la récupération de l’autonomie dans les
activités de la vie quotidienne [25] et montrent une
de même un effet de réduction des symptômes
facilitation de récupération de la fonction exécutive dépressifs (l’efficacité étant établie lors d’une dimi-
[26] ainsi qu’une diminution des taux de morta- nution de 50 p. 100 des scores de l’ensemble des
lité à 7 et 9 ans de suivi ( après une durée de traite- différentes échelles d’évaluation de l’humeur) en
ment de 12 semaines), après ajustement sur l’âge, le post-AVC [3, 12, 24]. L’efficacité du citalopram
type d’AVC, les co-morbidités et le diabète [13]. En sur la symptomatologie dépressive paraît indépen-
revanche, aucun effet significatif n’est enregistré en ce dante du site de la lésion cérébrale, que ce soit dans
qui concerne la récupération cognitive (évaluée par le l’hémisphère gauche ou droit. Par ailleurs, en ce
MMSE) et le fonctionnement social. qui concerne la sertraline, en dehors de son impact
Mais ces résultats particulièrement encourageants positif sur la morbidité, une efficacité significative
des antidépresseurs tricycliques dans le traitement de de cette thérapeutique a été avancée sur les autres
la dépression sont malheureusement contrebalancés formes de labilité de l’humeur chez les patients
par leurs effets secondaires (sédation, cardiotoxicité, non déprimés en post-AVC [31]. Quant aux effets
effets cholinergiques et histaminiques) [3], parfois secondaires comme les diarrhées, les nausées,
mal supportés, notamment sur la plan cardiovas- leur incidence est supérieure de 5 p. 100 dans le
culaire et neurologique (risque épileptogène) dans groupe sertraline par rapport au groupe placebo,
cette population au terrain déjà précaire, associant à alors que pour l’asthénie, les difficultés de concen-
des degrés divers plusieurs facteurs de vulnérabilité tration, l’insomnie et la perte de mémoire, effets

367
Spécificités liées au terrain

secondaires particulièrement délétères en post- l’escitalopram [36], auraient une efficacité dans la
AVC, leur incidence est supérieure de 5 p. 100 prévention du développement de la dépression dans
dans le groupe placebo versus sertraline [31], sug- la première année suivant l’AVC. Dans les suites
gérant une meilleure tolérance des ISRS dans ce de ces résultats, certaines recommandations ont été
type de population. fournies quant à l’instauration la plus précoce pos-
sible du traitement antidépresseur en post-AVC, une
ISRS en général. L’étude rétrospective de Ried attention toute particulière devant être apportée aux
et al. [34] publiée en 2011 a montré que le risque personnes à haut risque de dépression post-AVC,
de mortalité en post-AVC était moindre chez les notamment celles présentant des antécédents person-
patients déjà traités par ISRS avant leur AVC que nels et familiaux de pathologies psychiatriques, tout
chez ceux traités après cet événement. Ainsi l’aspect particulièrement de troubles de l’humeur. Mais les
neuroprotecteur des antidépresseurs, notamment effets potentiellement bénéfiques des antidépresseurs
des ISRS, est-il suggéré par ces résultats. prescrits avant l’AVC doivent être relativisés en tenant
compte de l’existence d’études négatives [2, 29] et de
Quelques précisions sur les autres classes
limites méthodologiques des études positives, comme
d’antidépresseurs
leurs critères d’exclusion particulièrement larges (pro-
Très peu d’analyses ont été développées concer-
blèmes de communication, perte de mémoire, maladie
nant les antidépresseurs imipraminiques ainsi que les
psychiatrique préalable), leur faible puissance [31] et le
divers autres antidépresseurs. L’étude de Lauritzen
fort pourcentage de perdus de vue (près de 50 p. 100).
et al. est particulièrement à retenir [17], qui a mis
en évidence une meilleure efficacité de l’association
imipramine/miansérine par rapport à la combinai- Conclusion
son désipramine/miansérine dans la diminution de la
symptomatologie dépressive en post-AVC. Malgré des résultats particulièrement encoura-
geants sur les différentes classes d’antidépresseurs en
En synthèse termes de prévention et de traitement de la dépres-
La méta-analyse de Chen et al. [6] réunissant l’en- sion post-AVC, on ne peut pas faire état à ce jour
semble des études (soient seize au total) réalisées entre avec certitude d’une efficacité thérapeutique des
1984 et 2006 sur les différentes classes d’antidépres- antidépresseurs sur la rémission et la prévention de la
seurs et regroupant 1 320 patients montre d’abord un dépression. Malgré ces réserves, on peut néanmoins
niveau de réponse plus significativement élevé dans le retenir de ces études la nécessité d’un diagnostic pré-
groupe antidépresseur que dans le groupe placebo, la coce de toute symptomatologie dépressive post-AVC
diminution de la symptomatologie dépressive étant afin d’instaurer dans les meilleurs délais un traite-
directement corrélée à la durée du traitement, mais ment antidépresseur à dose efficace et à tolérance
aucune efficacité significative dans la récupération optimale, adapté au patient auquel il est prescrit (trai-
neurologique, ni dans l’autonomie concernant les tement à la « carte »). Pour ce qui concerne la préven-
activités de la vie quotidienne ne peut être évoquée. tion, une attention toute particulière est à apporter
aux patients à haut risque de dépression, notam-
ment à ceux présentant des antécédents personnels
Antidépresseur comme traitement préventif et/ou familiaux de pathologies psychiatriques, leur
de la dépression post-AVC prise en charge requérant ainsi une pluridisciplina-
Depuis une dizaine d’années, quelques études se rité (alliance somato­psychique) afin de diminuer la
sont focalisées sur la possible action prophylactique morbi-mortalité inhérente à la dépression post-AVC.
des antidépresseurs sur le développement de la dépres-
sion post-AVC, et ce afin d’enrayer ses conséquences
sur la récupération de l’autonomie, dans un but de res- M aladies neurodégénératives
triction des coûts financiers et de réduction du risque
et antidépresseurs
de mortalité à court et à moyen terme en post-AVC.
En résumé, les résultats émergeant de ces diffé-
rentes analyses indiquent que les antidépresseurs tels L’utilisation des antidépresseurs dans la dépres-
que les tricycliques, dont la nortriptyline [31], et les sion au cours des maladies neurodégénératives a
ISRS, notamment la fluoxétine, la sertraline [31], fait l’objet d’études encore fragmentaires ou dont la

368
A N T I D É P R E S S E U R S E T PAT H O L O G I E S S O M AT I Q U E S

puissance s’avère faible, notamment face aux diffi- Résultats


cultés rencontrées avec l’utilisation des outils usuels Des rares études dédiées à l’examen de l’impact
d’évaluation, en particulier au cours de la maladie des antidépresseurs sur les fonctions cognitives et la
d’Alzheimer. dépression au cours de la maladie de Parkinson, les
résultats ont montré, en premier lieu, que la meilleure
réponse en termes de dépression à court terme était
Maladie de Parkinson observée chez les patients ayant les fonctions cogni-
tives les moins altérées (fonctions exécutives et proces-
Épidémiologie suelles) en début d’étude. À ce sujet, la nortriptyline
La maladie de Parkinson est la deuxième maladie a pu démontrer un effet supérieur au placebo dans
neurodégénérative en termes de prévalence, affection le traitement de la dépression à la phase d’induction
touchant un million de personnes aux États-Unis. [22]. En revanche, aucune amélioration des fonctions
Si les symptômes moteurs qui définissent la mala- cognitives n’a pu être imputée au traitement antidé-
die, tels que le tremblement, la rigidité, les troubles presseur au long cours. Cependant, aucun effet délé-
posturaux ont déjà et depuis longtemps fait l’objet tère du traitement antidépresseur, à court ou à plus
de recherches et de résultats thérapeutiques signifi- long terme, n’a pas pu être mis en évidence au plan
catifs, les autres signes, dont la dépression, ont long- cognitif, que ce soit dans les essais faisant appel à la
temps été tenus à l’écart. Mais près de 50 p. 100 des nortriptyline ou à la paroxétine [8]. Dans une étude
patients porteurs de maladie de Parkinson présente- d’évaluation de l’efficacité de l’escitalopram face à la
raient un état dépressif. La dépression a une réper- dépression dans la maladie de Parkinson, Weintraub
cussion négative sur la qualité de vie, l’estime de soi, et al. [41] indiquent que plus le niveau de mémoire
les relations familiales et l’évolution de la maladie de verbale est élevé à l’inclusion, meilleure est la réponse
Parkinson. observée sur la dépression. Toutefois, la faible taille
de l’échantillon ne permet pas de conclure, d’autant
que les agonistes dopaminergiques, aux propriétés
Physiopathologie antidépressives potentielles, n’ont pas fait la preuve de
Les modifications neuro-anatomiques rencontrées leur efficacité en termes de gain de mémoire de travail
au cours de la maladie de Parkinson, responsables des et d’attention [32]. Ces constatations reprennent des
troubles extrapyramidaux cliniques, accompagnent le observations déjà faites dans des publications géria-
déclin cognitif observé chez les patients. La dégéné- triques. La vitesse d’exécution, la mémoire verbale et
rescence des cellules dopaminergiques du locus niger, les fonctions exécutives ont été considérées comme des
les altérations des circuits instrumentaux corticostriés facteurs prédictifs de la réponse au traitement antidé-
dans le cortex frontal et la présence de corps de Lewy presseur ; en revanche, quand la recherche est associée
en sont la principale cause. à une étude de l’impact sur les fonctions cognitives,
aucun effet positif du traitement antidépresseur n’a
pu être dégagé chez le sujet âgé [27]. Dans une étude
Étude de l’efficacité des antidépresseurs
dédiée à l’effet du traitement antidépresseur par cita-
au cours de la maladie de Parkinson lopram, un résultat positif sur l’anxiété et la capacité
fonctionnelle a été avancé [21].
Échelles utilisées au cours des études En conclusion, malgré le déficit d’études bien
L’échelle UPRDS (unified Parkinson’s disease rating contrôlées sur le sujet, un consensus clinique semble
scale) était utilisée pour évaluer la symptomatologie se dégager en faveur de l’utilisation des antidépres-
parkinsonienne. Les fonctions cognitives ont été éva- seurs chez les patients porteurs de dépression au
luées dans toutes les études référencées, l’utilisation cours de la maladie de Parkinson ; Richard et Kurlan
du MMSE étant communément observée. Des tests [33] indiquent ainsi que 26 p. 100 de patients sont
neuropsychologiques plus sophistiqués ont été mis sous traitement antidépresseur ; 51 p. 100 des pra-
en œuvre dans les études portant sur la dépression au ticiens utilisent les inhibiteurs de la recapture de la
cours de la maladie de Parkinson (Wechsler memory sérotonine en première ligne, contre 41 p. 100 les
scale) dès que le MMSE était supérieur ou égal à 24. tricycliques.
La mesure de la dépression a fait appel à l’échelle de L’efficacité de la stimulation magnétique transcrâ-
dépression de Hamilton en parallèle avec les tests nienne répétitive (SMTr) sur la dépression au cours de
neuropsychologiques. la maladie de Parkinson a également été rapportée [9].

369
Spécificités liées au terrain

Maladie d’Alzheimer de facteurs neurotrophiques (BDNF [brain-derived


neurotrophic factor] et GDNF [growth-derived nerve
La dépression chez les patients souffrant de mala- factor]) ; pour exemple, le BDNF étant en quantité
die d’Alzheimer est répandue et associée à une mor- réduite dans le cortex frontotemporal et l’hippocampe
bidité significative et à une mortalité accrue. Les au cours de la maladie d’Alzheimer, l’administration
interrelations entre maladie d’Alzheimer et dépression régulière de duloxétine provoque une augmentation
ont fait l’objet d’importants débats ; les troubles de de l’ARN messager du BDNF dans les vésicules pré-
la mémoire sont observés dans la dépression comme synaptiques du cortex frontal, laissant ainsi espérer un
dans la maladie d’Alzheimer, alors que les patients maintien ou une amélioration des capacités cognitives
atteints de maladie d’Alzheimer sont souvent dépri- frontales. Dans la maladie de Parkinson, le BDNF
més. La dépression faisait, à titre de rappel, partie de pourrait exercer une activité neuroprotectrice et neu-
la description princeps d’Alois Alzheimer. Les modi- romodulatrice bénéfique dans le locus niger, jouxtant
fications neuro-anatomiques qui accompagnent la les neurones dopaminergiques. Ainsi la duloxétine
maladie éponyme peuvent toucher des zones céré- offrirait-elle la potentialité d’une combinaison d’effets
brales jouant un rôle important au niveau de l’hu- symptomatiques antidépressifs et neuroprotecteurs.
meur (région périventriculaire sous-corticale). Une Les agonistes des récepteurs de la mélatonine ont
méta-analyse récente d’essais randomisés [40] a fait démontré une efficacité sur l’insomnie chez le vieil-
état d’une efficacité du traitement antidépresseur sur lard. La privation de sommeil accroît la dégénéres-
les paramètres de la dépression chez les patients, mais cence cérébrale par le biais d’effets sur le protéasome,
en présence de difficultés méthodologiques impor- le stress oxydatif, l’atteinte mitochondriale et l’inflam-
tantes, sans cependant qu’aucune action sur les fonc- mation neuronale. Un effet neuroprotecteur de ces
tions cognitives n’ait été notée ; des effets secondaires molécules agonistes des récepteurs de la mélatonine
potentiels sévères nécessitaient une vigilance particu- est avancé dans la préservation des neurones dopami-
lière lors de la prescription ou lors des ajustements nergiques, striés et hippocampiques, des études plus
thérapeutiques. Ces données confortent l’analyse plus spécifiques étant actuellement en cours sur ce thème.
ancienne de Greenwald et al. [11] qui rapportait que,
chez 11 p. 100 des patients déments porteurs de cri-
tères de dépression majeure, 70 p. 100 étaient répon-
deurs au traitement antidépresseur, sans modification A ntidépresseurs et autres
du niveau cognitif. pathologies neurologiques

Effet des antidépresseurs Au cours de l’épilepsie, des états dépressifs ont été
sur la neuroprotection au cours décrits. Les crises partielles complexes, notamment
celles d’origine temporale et principalement celles
des maladies neurodégénératives
latéralisées à gauche, paraissent plus souvent accom-
Certains antidépresseurs ont fait l’objet d’études pagnées de dépression.
[18] visant à préciser leur intérêt dans la neuroprotec- La dépression est plus communément observée chez
tion au cours des maladies neurodégénératives. Parmi les patients polymédiqués, particulièrement aux bar-
les ISRS, en référence au modèle animal murin de bituriques et hydantoïnes. Les antidépresseurs tricy-
maladie d’Alzheimer, la fluoxétine favorise la prolifé- cliques, en abaissant le seuil épileptogène, pourraient
ration cellulaire et prévient l’apoptose du gyrus denté. exposer à une recrudescence des épisodes critiques,
Les IRSNa ont pu faire la preuve de leur efficacité surtout lors des phases d’ajustement thérapeutique à
en termes de propriétés neuroprotectrices, dans des la hausse. En revanche, les nouveaux antidépresseurs
modèles de maladies neurodégénératives, en réduisant tels la venlafaxine et le moclobémide ne sont pas plus
les protéines tau et Ab, qui facilitent la fibrillation épileptogènes que le placebo [16].
amyloïde et les inclusions protéiniques anormales dans La dépression observée au cours de la sclérose en
la maladie d’Alzheimer et la maladie de Parkinson. La plaques est souvent occultée par l’attention portée aux
duloxétine inhibe la nitrite oxyde synthétase (NO syn- soins somatiques. Jouvent et al. [14] ont pu indiquer
thétase) et la génération de radicaux libres. Ces anti- une plus grande fréquence de la dépression dans les
dépresseurs réduisent aussi l’activation microgliale, scléroses en plaques d’apparition récente (38 p. 100)
l’expression d’interleukine 6 (cytokine pro-inflamma- que dans celles plus anciennes (17 p. 100). Dans cette
toire) et du NO. La duloxétine stimule la production situation, plusieurs classes de médications ont pu être

370
A N T I D É P R E S S E U R S E T PAT H O L O G I E S S O M AT I Q U E S

testées, dans des études non contrôlées, voire dans des 6. Chen Y, Guo JJ, Zhan S et al. Meta-analysis of antide-
cas isolés [38] (tricycliques, ISRS, IRSNa). L’intérêt pressant treatment for patients with poststroke depression.
Stroke, 2006, 37 : 1365-1366.
de certaines substances pour leurs effets mixtes, antidé-
7. Corruble E, Gourevitch R, Guelfi JD. Échelles et cri-
presseurs et antalgiques (de la douleur neuropathique), tères diagnostiques de dépression dans la pathologie céré-
a pu être souligné dans des indications pléomorphes brale organique. Neuropsy, 1996, 11 : 354-358.
(par exemple, neuropathies distales, notamment méta- 8. Dobkin RD, Menza M, Bienfait KL et al. Impact
boliques, post-traumatiques, etc.), tandis que les anti- of antidepressant treatment in cognitive functioning in
dépresseurs tricycliques entraînent plus fréquemment depressed patients with Parkinson’s disease. J Neuro­
psychiatry Clin Neurosci, 2010, 22 : 188-195.
des effets indésirables de type anticholinergique, moti-
9. Fregni F, Santos CM, Myczkowski ML et al.
vant leur choix en seconde intention. Repetitive transcranial magnetic stimulation is as effective
as fluoxetine in the treatment of depression in patients with
Parkinson’s disease. J. Neurol Neurosurgery Psychiatry,
C onclusion 2004, 75 : 1171-1174.
10. Fruehwald S., Gatterbauer E, Rehak P et al. Early
fluoxetine treatment of poststroke depression : a three
Au terme de cette revue non exhaustive des différentes months double-blind placebo-controlled study with an open-
études portant sur les essais thérapeutiques et la pres- label long-term follow-up. J Neurol, 2003, 250 : 347-351.
cription des antidépresseurs dans les maladies neurolo- 11. Greenwald BS, Kramer-Ginsberg E, Martin DB
et al. Dementia with coexistant major depression. Am
giques, plusieurs éléments encourageants sont à retenir. J Psychiatry, 1989, 146, 1472-1478.
D’une part, même en l’absence d’un effet spécifique 12. Hackett ML, Anderson CS, House AO. Management
et direct démontré de la prescription des antidépres- of depression after stroke : a systematic review of pharma-
seurs sur la récupération neurologique et la restauration cological therapies. Stroke, 2005, 36 : 1092-1097.
de l’autonomie au cours de la dépression post-AVC, 13. Jorge RE, Robinson RG, Arndt S et al. Mortality and
celle-ci pourrait bien être prévenue par une prescription poststroke depression : a placebo-controlled trial of antide-
pressants. Am J Psychiatry, 2003, 160 : 1823-1829.
précoce, personnalisée et adaptée d’antidépresseurs. 14. Jouvent R, Montreuil M, Benoit N et al. Cognitive
Au cours des maladies neurodégénératives, d’autre impairment, emotional disturbances and duration of
part, les antidépresseurs prescrits précocement pour- multiple sclerosis. In : K Jensen, L Knudsen, E Stenager.
raient, par une action neuroprotectrice et neuromo- Mental disorders cognitive deficits and their treatment in
dulatrice, contribuer à retarder l’évolution des lésions multiple sclerosis. London, John Libbey, 1989 : 139-145.
cérébrales. 15. Hackett ML, Anderson CS, House AO. Management
of depression after stroke : a systematic review of pharma-
Enfin, pour mémoire, l’intérêt de certaines subs- cological therapies. Stroke, 2005, 36 : 1092-1097.
tances aux effets mixtes, antidépresseurs et antalgiques 16. Lambert MV, Robertson MM. Depression in epilepsy :
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371
Spécificités liées au terrain

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372
A utres aspects
............
35
O bservance
........
N. Younès et C. Passerieux

Lorsqu’un praticien prescrit un traitement antidé- aux antidépresseurs, va du refus de prendre le médi-
presseur, il ne sait en général pas que le risque que son cament à une interruption prématurée ou à une prise
patient ne prenne pas – ou qu’il ne prenne plus – ce à mauvaise posologie ou au mauvais moment [34]. Si
traitement est de 25 à 60 p. 100 à 3 mois et de plus de l’observance est opérationnalisée sur un continuum
50 p. 100 à 6 mois. La mauvaise observance est l’une de 0 à 100 p. 100, des catégories « observants/non-
des premières causes de l’inefficacité d’un traitement observants » peuvent être considérées, avec pour les
antidépresseur [1, 44]. Et pourtant, devant le constat antidépresseurs un seuil retenu à 80 p. 100 de respect
d’une inefficacité, le premier réflexe du clinicien est de la prescription [4, 22, 38, 44]. De manière plus des-
d’augmenter la dose de l’antidépresseur [31]. Ce phé- criptive, l’observance a été décrite comme « bonne »
nomène de l’inobservance est complexe, en lien avec pour une prise de 75 à 100 p. 100 de la dose pres-
de nombreux facteurs, et les pratiques soignantes ne crite, « moyenne » pour 25 à 75 p. 100 de la dose et
sont pas encore assez centrées sur cet enjeu. « faible » au-dessous de 25 p. 100 [10].
En pratique clinique, il est possible – et recom-
mandé – d’évaluer le comportement d’observance.
D éfinition et évaluation La meilleure évaluation de l’observance consiste
à interroger le patient de manière directe par des
de l ’ observance questions simples et sans stigmatisation telles que :
« avez-vous oublié de prendre un comprimé la
C’est à partir des années 1970 que le problème semaine dernière ? » ou « jusqu’à quel point est-ce
de l’inobservance en médecine a commencé à être difficile pour vous de prendre votre traitement en ce
étudié. Dans les premiers temps, il était question de moment ? ». La reconnaissance de l’oubli d’un ou de
« compliance » (de l’anglais to comply, se soumettre), plusieurs comprimés paraît être un bon indicateur
renvoyant à une idée de soumission aux ordres des d’un problème d’observance [19]. Ce type de ques-
prescripteurs médicaux, avec une approche un peu tionnement direct identifierait plus de 50 p. 100 des
morale. La notion a évolué, tout en prenant en compte patients ayant de faibles niveaux d’observance [3].
la graduation et la fluctuation du phénomène dans le Au-delà du questionnement direct, plus le médecin
temps et les périodes de vulnérabilité dans le parcours donne d’information et adopte une attitude empa-
de soins [30]. Le terme de compliance s’est vu rem- thique, plus il y a de chance que le patient l’informe
placé de manière préférentielle par ceux d’observance en retour de son intention éventuelle de suspendre
thérapeutique, qui renvoie à l’ensemble des compor- son traitement [11]. Un quart des patients ne pré-
tements de santé observés par le patient, et d’adhésion viendrait pas leur médecin de l’arrêt du traitement,
thérapeutique, dimension plus attitudinale de l’obser- en partie du fait de leur perception de la relation
vance thérapeutique [21]. avec ce dernier [11]. L’auto-évaluation par le patient
L’observance thérapeutique désigne le degré avec peut surévaluer l’observance, mais les résultats sont
lequel le patient suit les prescriptions et les recomman- corrélés aux dosages plasmatiques ; elle est donc
dations du médecin, dans l’ensemble de ses comporte- considérée comme l’une des mesures subjectives
ments de santé et en particulier la prise de médicaments les plus fiables [8]. En revanche, sans des questions
[18, 21, 30]. L’inobservance médicamenteuse, et donc spécifiquement ciblées, les professionnels de santé

375
Autres aspects

sous-estiment fortement la non-observance de leurs de 965 patients recevant pour la première fois une
patients [3, 32]. prescription d’antidépresseur de seconde génération
Les mesures directes ou objectives (dosage sanguin a permis de préciser que 4,2 p. 100 des patients ne
ou urinaire, monitoring électronique, comptage de se procurent pas le traitement à la pharmacie et que
pilules) sont utilisées dans les travaux de recherche 23,7 p. 100 ne le prennent qu’une fois. Ensuite,
sur l’observance [8, 40, 43]. Dans les grandes études sans parler d’inobservance, des comportements
épidémiologiques, une mesure plus approximative de d’« expérimentation » d’arrêt ou de modification des
l’observance est réalisée par le taux de possession du prescriptions sont fréquents [37]. Selon les études
médicament [24]. en médecine générale, il y a environ autant d’inob-
Enfin, des outils spécifiques d’évaluation de l’ob- servances partielles que totales [35]. Par exemple,
servance aux antidépresseurs ont été proposés sous la parmi 395 d’hommes déprimés d’âge moyen ou âgés,
forme de questionnaires qui abordent les comporte- à 6 mois de traitement, 12,2 p. 100 des patients ont
ments, mais aussi les attitudes vis-à-vis de la relation arrêté le traitement, 10,9 p. 100 ne l’ont pas pris
perçue patient-médecin ou la croyance positive dans comme prescrit et 4,8 p. 100 ne l’ont jamais pris [15].
les antidépresseurs (un instrument de trente-trois
items répartis en quatre facteurs ou un instrument
bref en quatre items) [12, 16].
D éterminants de l ’ observance

Des travaux conduits sur les déterminants de l’ob-


F réquence et caractéristiques servance ressort la complexité de ce phénomène. En
de l ’ inobservance ce qui concerne les traitements antidépresseurs, les
recherches sur cette question sont beaucoup moins
Nous l’avons vu, plus de la moitié des patients nombreuses que sur la question de l’efficacité [4, 11].
Un classement par ordre de fréquence des raisons
pour lesquels un traitement antidépresseur est pres-
données par les patients pour expliquer l’arrêt de leur
crit, prend le traitement de façon irrégulière ou
traitement a pu être établi : le sentiment subjectif de
l’aura arrêté 3 mois après le début de la thérapie.
guérison ou d’amélioration est la première raison citée
L’inobservance touche toutes les pathologies médi-
dans 55 p. 100 des cas (avec un arrêt qui survient en
cales, mais davantage les maladies chroniques que les
moyenne à 11 semaines, donc avant la durée recom-
troubles ou phases aigus [32]. Une revue comparative
mandée), les effets secondaires sont la deuxième citée
de l’observance rapporte, pour les patients atteints
dans 23 p. 100 des cas (avec un arrêt qui survient en
de troubles somatiques, une observance moyenne de
moyenne à 6,5 semaines), la peur de la dépendance
76 p. 100, pour les patients sous antidépresseurs une
dans 10 p. 100 (avec un arrêt qui survient en moyenne
moyenne de 65 p. 100 et, pour les patients sous anti-
à 8 semaines), une sensation inconfortable dans
psychotiques, de 58 p. 100 [9].
10 p. 100 (avec un arrêt qui survient en moyenne à
Les chiffres de prévalence de l’observance aux
13 semaines), un manque d’efficacité dans 10 p. 100
antidépresseurs varient en fonction de la population
(avec un arrêt qui survient en moyenne à 7 semaines)
observée, des outils d’évaluation, du type d’étude
et l’idée de s’en sortir seul dans 9 p. 100 (avec un arrêt
(naturaliste ou essai randomisé, avec des taux plus
qui survient en moyenne à 10,5 semaines) [11, 19].
élevés dans ce dernier cas), des temps de traitement
considérés, de la prise en charge (généraliste/psy-
chiatre, ambulatoire/institution), des traitements Caractéristiques de la dépression
(effets secondaires plus ou moins importants), etc. Les
taux d’observance mesurés à un mois de traitement Plusieurs caractéristiques spécifiques à la dépression
antidépresseur s’échelonnent entre 55 et 70 p. 100 [4, rendent l’observance précaire. Les cognitions dépres-
36]. Après 3 mois de traitement, ils baissent et varient sives négatives (autodévalorisation, pessimisme, idées
dans une fourchette de 32 à 65 p. 100 [4, 6, 11, 32]. d’incurabilité) constituent des obstacles à la demande
À 6 mois, seulement 40 à 45 p. 100 des patients d’aide extérieure et à l’acceptation du traitement [7].
continueraient à prendre leur traitement [19, 20, 38]. Elles aggravent les croyances négatives vis-à-vis des-
En ce qui concerne les comportements d’inobser- quelles tout patient évalue les recommandations de
vance, une étude menée en médecine générale auprès son médecin [42]. Par ailleurs, en cas de troubles

376
OBSERVANCE

récurrents ou chroniques nécessitant des traitements ses caractéristiques interpersonnelles (l’alliance/empa-


au long cours, on retrouve les difficultés d’observance thie patient-médecin, 14 fois). Les recommandations
rencontrées dans les maladies chroniques [39]. en lien avec la nature ou la simplicité du traitement
apparaissent au second rang. La capacité du clinicien
à communiquer avec le patient sur la thérapie, à déve-
Croyances lopper une relation empathique, à établir une alliance
thérapeutique, à évaluer l’attitude et les croyances du
Des patients peuvent douter de l’efficacité d’un patient, à fournir de l’information à un niveau appro-
traitement médicamenteux, en particulier quand l’épi- prié, à solliciter des questions de la part du patient
sode survient à la suite d’un événement de vie [39]. et à rechercher le consensus, constitue un facteur clef
Cinquante à quatre-vingt-six pour cent des patients de l’observance aux antidépresseurs [3, 5, 14]. Les
déprimés préféreraient une psychothérapie plutôt patients qui ne se sentent pas impliqués dans les déci-
qu’un traitement médicamenteux [13, 25]. Souvent, sions sur le traitement ou qui ne sont pas d’accord
le recours aux psychotropes apparaît comme un aveu avec le diagnostic de dépression ont 50 à 70 p. 100
de faiblesse et le signe d’une personnalité sans volonté ; de risque d’avoir arrêté un traitement antidépresseur
la prise d’antidépresseur fait écho avec l’altération du à 3 mois. Le clinicien peut en partie réduire ce sen-
sens de soi-même par la dépression [39]. L’arrêt du timent par le type de relation qu’il va nouer avec le
traitement peut s’inscrire dans le souhait de « s’en sor- patient [17, 45].
tir par soi-même » [11]. Une autre croyance encore Par ailleurs, il a été rapporté que les patients suivis
très répandue que les praticiens connaissent bien, mais par des généralistes sont moins observants aux anti-
qu’ils ne discutent pas systématiquement, est l’idée que dépresseurs que les patients suivis par des psychiatres
les antidépresseurs sont toxicomanogènes, conduisant (non-observance de 35 versus 24 p. 100 après le
à un arrêt par peur de la dépendance [11, 39]. premier mois, de 65 versus 50 p. 100 après 6 mois).
Un outil de mesure des croyances sur la dépres- L’une des raisons alors avancées était la prescription
sion, la BDQ (belief about depression questionnaire), a par les psychiatres de traitements plus récents entraî-
récemment été développé ; il allie la prise en compte nant moins d’effets secondaires [11]. En tous cas, une
des symptômes de dépression, leurs conséquences, les prise en charge collaborative améliorerait l’observance
croyances sur ses causes, sur la durée d’évolution et sur en comparaison d’une prise en charge par un seul cli-
la latitude de contrôle par le sujet [26]. nicien [2].
De façon générale, les patients observants déclarent
un niveau de satisfaction plus élevé vis-à-vis de leur
Facteurs liés au traitement médecin que les patients non observants (87 contre
Le délai d’action des antidépresseurs est un obstacle 60 p. 100) [41].
à l’observance tant que le sujet ne constate pas les
effets positifs mais en subit certains effets secondaires Autres facteurs
[39]. Le rôle des effets indésirables est assurément cen-
tral dans l’inobservance à tout stade du traitement, de Enfin, des études ont mis en évidence des diffé-
même que le sentiment d’un manque d’efficacité de rences significatives entre observants et non-obser-
ce traitement [15, 27]. Par ailleurs, de façon « tech- vants en termes de genre, d’âge et de sévérité de la
nique », un nombre élevé de prises et de médicaments dépression, mais ces résultats sont contradictoires [4,
augmente le risque d’inobservance [11]. 11, 19, 36, 38, 41].

Rôle de la relation patient-médecin


À l’issue d’une revue systématique des actions
E njeux de l ’ observance
d’amélioration de l’observance des patients aux anti-
dépresseurs dans les dépressions unipolaires, quatre- L’observance constitue un enjeu majeur dans la
vingt-sept recommandations ont été formulées : la prise en charge des troubles dépressifs. La conséquence
relation patient-médecin apparaissait comme centrale, d’une mauvaise observance est l’accroissement du
tant en ce qui concerne la transmission d’information risque de chronicisation, la persistance de trouble du
(l’éducation du patient était citée 19 fois) et que dans fonctionnement psychosocial (absentéisme, incapacité

377
Autres aspects

et baisse de la productivité professionnelle), l’augmen- 3. Bollini P, Pampallona S, Kupelnick B et al. Improving


tation du risque suicidaire et de recours aux services de compliance in depression : a systematic review of narrative
soins [9, 19, 22]. L’une des premières causes de l’inef- reviews. J Clin Pharm Ther, 2006, 31 : 253-260.
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ficacité d’un traitement antidépresseur est sa mauvaise you improve antidepressant adherence ? J Fam Pract, 2007,
observance [1, 44]. Sa contrepartie logique est que le 56 : 356-363.
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augmente avec le degré d’observance [35]. improve medication adherence in patients with depression.
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Il apparaît donc crucial que les pratiques soignantes
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nécessité de questionner régulièrement le patient sur 9. Cramer JA, Rosenheck R. Compliance with medication
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et des effets secondaires ressentis, au-delà de la néces- 10. Demyttenaere K. Compliance during treatment with
antidepressants. J Affect Disord, 1997, 43 : 27-39.
saire transmission d’information adaptée à chaque 11. Demyttenaere K. Risk factors and predictors of compliance
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la prescription dans une dynamique relationnelle. 12. Demyttenaere K, Bruffaerts R, Mersters P et al.
Transitoirement, et c’est d’ailleurs l’une de ses indi- Development of an antidepressant compliance question-
cations, l’hospitalisation par le contrôle qu’elle exerce naire. Acta Psychiatr Scand, 2004, 110 : 210-207.
peut limiter l’inobservance. Mais dès que le patient 13. Dwight-Johnson M, Sherbourne CD, Liao D,
Wells KB. Treatment preferences among depressed pri-
n’est plus dans une situation aussi aiguë, symptoma-
mary care patients. J Gen Intern Med, 2000, 15 : 527-534.
tique ou à risque, la pratique ambulatoire impose de 14. Frémont P, Gérard A, Sechter D et al. L’alliance thé-
confronter deux visions du soin, de la guérison et du rapeutique au début d’une prise en charge pour dépression
bien-être, celle du patient et celle du praticien. Et pour par le généraliste. Encéphale, 2008, 34 : 205-210.
que les soins soient pertinents ou, de manière plus 15. Fortney JC, Pyne JM, Edlund MJ et al. Reasons for
concrète, pour que le patient prenne son traitement, antidepressant nonadherence among veterans treated in
il est impératif qu’un « en commun » minimum se primary care clinics. J Clin Psychiatry, 2011, 72 : 827-834.
16. Gabriel A, Violato C. Knowledge of and attitudes
constitue, en dehors de toute considération morale ou
towards depression and adherence to treatment : the anti­
autoritaire. D’ailleurs, la littérature sur le placebo nous depressant adherence scale (AAS). J Affect Disord, 2010,
montre bien que, quelle que soit l’efficacité d’un traite- 126 : 388-394.
ment, ici d’un antidépresseur, ce que le médecin pres- 17. Hahn SR. Adherence to antidepressant medication :
crit, au-delà de la molécule active, c’est bien lui-même. patient-centered shared decision making communication to
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378
OBSERVANCE

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379
36
A spects médicolégaux
........
H. Delavenne, F. Duarte Garcia et F. Thibaut

La prévalence des dépressions, des troubles anxieux dans la commercialisation de ce médicament. Lors
et le meilleur accès aux médicaments antidépresseurs de ce procès, la responsabilité directe du médicament
lié en particulier à la bonne tolérance des antidépres- dans le passage à l’acte criminel n’a pu être établie.
seurs de nouvelle génération, font que le nombre de Toutefois, à la suite de ce procès, certaines données de
patients traités par antidépresseurs continuera à aug- pharmacovigilance concernant des épisodes d’agita-
menter [13]. D’après une étude de l’Organisation tion motrice ou d’excitation, associés aux traitements
mondiale de la santé, la prévalence de la dépression antidépresseurs ont été mises en avant. Ces épisodes
parmi les patients consultants dans les structures de d’agitation motrice ont été considérés comme un
soins de santé primaire est d’environ 10,4 p. 100 [40]. facteur augmentant le risque suicidaire dans un sous-
Les médicaments antidépresseurs ont soulevé ces groupe de patients réagissant mal au traitement [5].
dernières décennies des problèmes médicolégaux qui Les agences du médicament dans la plupart des pays,
continuent à préoccuper les médecins prescripteurs, dont les États-Unis (FDA) et la France (Afssaps), ont
les patients et le public. Les données scientifiques sur mis en garde les médecins à propos du risque accru de
les liens entre médicaments antidépresseurs et com- suicide lors de l’introduction du traitement, du chan-
portements violents, que ce soit des suicides ou des gement de posologie ou du sevrage du traitement.
comportements hétéro-agressifs, sont encore insuffi- Certaines agences du médicament, notamment celle
santes et contradictoires [21]. Nous nous proposons du Canada, ont prévenu les médecins du risque de
dans ce chapitre de faire une revue de la littérature comportement auto-agressif, mais aussi hétéro-agres-
sur le lien entre les médicaments antidépresseurs et sif [20]. Ces données restent toutefois sujettes à cau-
les comportements de violence, qu’ils soient dirigés tion, n’étant pas vérifiées par des études cliniques avec
contre le sujet lui-même ou contre les autres.
un bon niveau de preuve.
Des associations de patients, telles que le groupe de
soutien Prozac Survivors Support Group, devenu le
C ontexte actuel : groupe Prozac Awareness en 2000, se sont dévelop-
médiatisation et image négative pées sur la croyance que la fluoxétine provoquait des
comportements dommageables pour les personnes
des médicaments antidépresseurs traitées par ce médicament. Selon leur site internet, les
membres du Prozac Awareness seraient plus d’un mil-
Une affaire médicolégale a été très médiatisée, celle lier aux États-Unis et aux Pays-Bas. Leur site internet
de Joseph Wesbecker, en 1989, aux États-Unis [21]. Il (http://www.antidepressantsfacts.com/index.html)
a tué par arme à feu huit personnes, en a blessé douze fournit des articles médicaux et judiciaires en faveur
autres et s’est suicidé sur son lieu de travail dans le de leur croyance sur les influences néfastes des traite-
Kentucky. Joseph Wesbecker avait pris un antidépres- ments antidépresseurs sur les comportements.
seur inhibiteur spécifique de la recapture de la séroto- Les médias continuent, surtout aux États-Unis, à
nine (ISRS), la fluoxétine, durant les quatre semaines relier l’usage des médicaments antidépresseurs à des
précédant ces crimes, pour le traitement d’un syn- comportements criminels violents [29]. De même, les
drome dépressif avec des idées suicidaires. Ses proches avocats défendant leur client n’hésitent pas à incri-
ont intenté un procès contre le laboratoire impliqué miner le médicament antidépresseur pour justifier

380
ASPECTS MÉDICOLÉGAUX

un comportement violent, mettre en doute la véra- a montré que l’administration de fluoxétine diminuait
cité d’un témoignage ou comme une raison de ne pas ces comportements ; ceux-ci seraient au contraire
croire à l’innocence d’une victime. Ces exemples de augmentés lors de l’administration de kétansérine, un
défense utilisés pour nier ou atténuer la responsabilité antagoniste des récepteurs sérotoninergiques 5-HT2A
de l’agresseur lors d’un comportement violent ou pour et 5-HT2C [12].
mettre en doute les motivations de personnes traitées Chez les primates, Raleigh et ses collaborateurs
par antidépresseurs illustrent la façon dont les avocats ont réalisé une étude sur des singes dans leur habi-
prennent à partie les médecins prescripteurs qui, pour tat naturel pour étudier la modification des compor-
le moment, n’ont pas proposé d’avis consensuel. Ces tements sociaux et agressifs lors de l’administration
exemples soulignent également la persistance de la de plusieurs médicaments [33]. Chaque groupe de
connotation négative des médicaments antidépres- singe est composé de trois mâles adultes et de trois
seurs et la mauvaise image, dans nos sociétés occi- femelles ou plus. Dans chaque groupe, il y a un seul
dentales, des patients souffrant de dépression [30]. mâle dominant. Les expérimentateurs ont capturé les
Des équipes de recherche ont souligné cet aspect de mâles dominants de tous les groupes et ont commencé
stigmatisation des maladies mentales, notamment des à administrer aux deux mâles restants soit un placebo,
troubles de l’humeur en France [23]. soit un médicament affectant la fonction sérotoni-
nergique. Deux médicaments augmentant le taux de
sérotonine ont été testés, la fluoxétine (un ISRS) et le
tryptophane (un précurseur de la sérotonine). Deux
M édicaments antidépresseurs médicaments diminuant la fonction sérotoninergique
et comportements violents ont été utilisés, la fenfluramine, un agoniste indirect
provoquant une libération aiguë de sérotonine et un
chez l ’ animal antagonisme de certains récepteurs sérotoninergiques,
dont le 5-HT2B et la cyproheptadine, un antihistami-
Des données précliniques ont montré chez plu- nique H1 avec une action antagoniste des récepteurs
sieurs espèces animales que les médicaments stimulant 5-HT2. Au total, douze expériences ont été menées :
la fonction sérotoninergique cérébrale, soit directe- dans tous les cas, le singe traité par un médicament
ment en agissant sur les récepteurs sérotoninergiques, augmentant l’activité sérotoninergique est devenu
soit indirectement en augmentant la disponibilité de le singe dominant par rapport au singe traité par
la sérotonine, réduisaient les comportements agressifs placebo. Les comportements mesurés retrouvaient
[14]. Chez les rats, l’un des comportements agressifs d’avantage d’interactions sociales positives et moins
très commun correspond au comportement muri- de comportements agressifs. Les singes devenaient
cide (le fait de tuer des souris). Les comportements dominants, non en étant agressifs, mais en accrois-
muricides apparaissent spontanément dans certaines sant leurs interactions sociales avec les autres singes. À
lignées de rats ou peuvent être induits par certains pro- l’opposé, les singes traités par fenfluramine ou cypro-
duits. Plusieurs équipes de recherche ont montré un heptadine devenaient davantage agressifs, montraient
effet inhibiteur de la fluoxétine sur le comportement moins d’interactions sociales et se plaçaient comme
muricide des rats [32, 37]. Une diminution des com- les subordonnés.
portements muricides chez les lignées de rats ayant Au total, les données des études chez l’animal sont
cette particularité s’observait de façon dose-dépen- en faveur d’une réduction des comportements agres-
dante [37]. Chez des rats ayant acquis ces compor- sifs par les médicaments augmentant l’activité séroto-
tements agressifs à la suite d’un événement stressant, ninergique, dont les antidépresseurs.
comme un isolement social ou une ablation du bulbe
olfactif, les comportements muricides étaient réduits
par l’administration de fluoxétine [32]. Un autre type
de comportement agressif chez le rat correspond aux M édicaments antidépresseurs
comportements agressifs à l’égard de ses congénères
et risque suicidaire
(footshock-induced agression in paired rats), mesuré à
l’aide de trois paramètres principaux : la période de
latence avant les combats, la période de contacts phy- La dépression caractérisée est le principal fac-
siques et le nombre d’agressions. Une équipe s’est teur de risque de suicide [34]. Les antidépresseurs
penchée sur ces comportements agressifs entre rats et restent le traitement de référence de la dépression, ils

381
Autres aspects

permettent de réduire les idées suicidaires et le risque M édicaments antidépresseurs


suicidaire chez le sujet adulte, même si une discussion
existe à ce sujet dans la littérature actuelle [18]. Ce comme traitement
débat scientifique sur la question de l’influence des des comportements agressifs
traitements antidépresseurs sur le risque suicidaire est et impulsifs
toujours d’actualité [10].
Une étude de cohorte nationale en Finlande a
étudié 15 390 patients pendant une durée moyenne De nombreux travaux ont observé un lien entre
de 3 à 4 ans pour estimer le risque de suicide, de un faible niveau de neurotransmission de sérotonine
tentative de suicide et de mortalité globale parmi et des comportements agressifs et impulsifs chez les
une population de suicidants initialement hospita- adultes [3, 6, 8, 14]. Des études portant sur l’analyse
lisés, traités ou non par un antidépresseur [39]. Les de la concentration de certains neurotransmetteurs
résultats ont montré une augmentation du risque de dans le liquide céphalorachidien ont montré une
tentative de suicide parmi les personnes traitées par faible concentration du métabolite sérotoninergique,
antidépresseurs, conjointement à une diminution l’acide 5-hydroxy-indole acétique (5-HIAA), et du
marquée du risque de suicide abouti et de morta- métabolite dopaminergique, l’acide homovanillique
lité. Deux méta-analyses récentes [4, 38] ont étu- (HVA), parmi les sujets ayant des comportements
dié le risque suicidaire et le risque de tentative de suicidaires [3]. Des études génétiques ont mis en évi-
suicide chez des patients selon la prise ou non d’un dence un lien entre un codon stop du gène codant
traitement antidépresseur. Ces deux études ont des le récepteur HTR2B dans une population finnoise et
résultats comparables avec un effet du traitement une prédisposition à l’impulsivité [6].
variable selon l’âge des patients. Pour les adoles- Le trait de caractère correspondant à des compor-
cents, le fait d’être traité par un antidépresseur aug- tements agressifs et impulsifs s’exprimerait dès l’en-
mente le risque de tentative de suicide et de suicide fance. Son expression serait soumise chez les adultes
abouti. Chez les adultes entre 25 et 65 ans, il est à l’influence de facteurs environnementaux, tels
observé une diminution du risque de tentative de que l’expérience ou un bon support social durant le
suicide et de suicide. Chez les patients de plus de développement [8]. Une étude a mis en évidence la
65 ans, le fait d’être traité par un antidépresseur est pertinence du lien entre la dimension d’impulsivité
un facteur de protection contre les tentatives de sui- et les comportements suicidaires chez les patients
cide et les suicides. déprimés [11].
Les auteurs [4, 38] rassurent donc les médecins Ces hypothèses sérotoninergiques dans les compor-
prescripteurs sur le fait de prescrire des médicaments tements violents et impulsifs ont entraîné beaucoup
antidépresseurs chez les patients avec une dépression de recherches cliniques avec les médicaments antidé-
caractérisée. La prescription chez les enfants et les ado- presseurs dont le mode d’action est sérotoninergique.
lescents est à surveiller très étroitement, compte tenu Une étude clinique randomisée en double aveugle a
du risque d’augmentation des pensées suicidaires et étudié la fluoxétine contre placebo, parmi une popu-
du risque suicidaire. Toutefois, les auteurs n’excluent lation de quarante-six patients alcoolo-dépendants
pas un facteur confondant de sévérité dans cette caté- ayant perpétré des violences sur leur compagne [16].
gorie d’âge, où seuls les patients les plus sévèrement Une diminution significative des agressions physiques
atteints reçoivent une médication [34]. D’autres ainsi que des épisodes de colère a été observée dans
études seraient nécessaires pour étudier la tolérance et le groupe traité par fluoxétine pendant 3 mois. Les
les bénéfices des traitements antidépresseurs chez les auteurs [16] soulignent que c’est la seule étude rando-
adolescents. misée dont on dispose actuellement pour la prise en
L’Agence européenne du médicament déconseille charge de patients avec des violences conjugales. Une
depuis 2005 la prescription en première intention autre étude s’est intéressée à des patients ayant com-
d’antidépresseur inhibiteur de la recapture de la séro- mis des actes violents, avec un protocole de traitement
tonine et de ses apparentés ainsi que des antidépres- par sertraline [9]. Cette étude ouverte a recruté vingt-
seurs tricycliques dans le traitement de la dépression quatre patients après leur procès pour comportement
des enfants et adolescents, à cause des risques imputés violent et les a suivis pendant 3 mois. Une réduction
au médicament de comportement suicidaire et/ou de l’impulsivité, de l’irritabilité, de la colère, des épi-
hostile (agressivité, comportements d’opposition et sodes d’agression physique et verbale a été rappor-
colère) [1]. tée, mais ces résultats n’étaient pas significatifs vu la

382
ASPECTS MÉDICOLÉGAUX

méthodologie et le faible effectif de patients. Deux Biological Psychiatry (WFSBP) pour le traitement de
revues systématiques de la littérature sur les inter- la dépression spécifient la nécessité de rechercher les
ventions pharmacologiques dans le trouble de la troubles psychiatriques co-morbides, dont les troubles
personnalité antisociale n’ont pas pu conclure à des bipolaires et les troubles schizophréniques, avant
recommandations car le niveau de preuve demeure d’introduire un traitement antidépresseur [24]. Ces
insuffisant [24, 26]. Toutefois, les auteurs soulignent contextes de prescription sont des facteurs de risque
la place intéressante des antidépresseurs et de certains de passage à l’acte violent et d’actes délictueux [17].
traitements anti-épileptiques dans les études cliniques De même, l’association d’antidépresseurs à d’autres
pour diminuer l’intensité des actes impulsifs et agres- agents psychotropes désinhibiteurs comme l’alcool
sifs et le mésusage d’alcool. Une revue de la littéra- peut entraîner des actes violents [17, 31].
ture portant sur les traitements des patients auteurs D’autres facteurs peuvent expliquer les liens des pas-
d’agression sexuelle rapporte l’efficacité des inhibi- sages à l’acte violent avec les antidépresseurs, comme
teurs sélectifs de recapture de la sérotonine dans cette le long délai d’action ne protégeant pas le patient en
indication ; cependant, aucune étude contrôlée n’a été début de traitement avec un risque de passage à l’acte
réalisée dans ce domaine [15]. auto-agressif.
Au total, les médicaments antidépresseurs, notam- L’akathisie est un effet indésirable apparaissant chez
ment les inhibiteurs sélectifs de recapture de la séro- certains patients lors de l’introduction du traitement
tonine, semblent être utilisés dans des situations ou lors des augmentations de posologie. Ce symp-
cliniques où les patients souffrent d’impulsivité et tôme vécu très désagréablement par les patients est un
présentent des comportements agressifs. Les niveaux facteur majeur d’interruption du traitement et a été
de preuve de l’efficacité des antidépresseurs dans ces mis en cause dans plusieurs procès comme un facteur
indications sont faibles par manque d’études rando- de risque de passage à l’acte suicidaire, notamment
misées en double aveugle portant sur des effectifs de pour la fluoxétine [7]. Le reconnaître cliniquement et
patients importants. Toutefois, les études publiées le traiter, avec un arrêt du médicament causal, une
sont en faveur de l’utilisation des antidépresseurs dans adjonction si nécessaire d’un bêtabloquant, d’une
ces indications. benzodiazépine ou d’un médicament anticholiner-
gique, apparaît donc important [27].
Lors d’une initiation d’un traitement antidépresseur,
des effets stimulants peuvent s’observer chez certains
Événements indésirables et passage patients, avec apparition de nervosité, d’anxiété, d’agita-
à l ’ acte violent observés avec tion et d’insomnie [5, 29]. Ces effets stimulants sont un
facteur de risque de passage à l’acte agressif, notamment
les médicaments antidépresseurs
lors de la phase initiale de prescription. En France, cer-
tains auteurs ont décrit ces effets stimulants comme une
Plusieurs auteurs ont réalisé des revues de la lit- levée de l’inhibition psychomotrice lors de l’introduc-
térature sur les passages à l’acte violents pouvant tion d’un traitement antidépresseur pouvant favoriser
avoir lieu lors d’un traitement par antidépresseur un passage à l’acte agressif [36]. Une autre hypothèse
[17, 21, 22, 29]. Les résultats des études de phase IV sur ces « syndromes d’activation » liés au traitement
de l’industrie pharmaceutique ont répertorié des évé- antidépresseur a été développée par l’équipe d’Akiskal.
nements indésirables pour les molécules fluoxétine et Pour eux, une partie des patients souffrant d’état mixte
paroxétine. Environ 0,47 p. 100 des patients traités se présentent avec une symptomatologie de dépression
par fluoxétine et 0,41 p. 100 des patients traités par agitée et peuvent avoir des réactions d’agitation lors de
paroxétine avaient expérimenté un événement hostile l’introduction du traitement antidépresseur [2].
(comportement agressif, rumination hétéro-agressive
ou trouble des conduites) [21, 22].
Les effets néfastes que peuvent avoir les antidépres-
seurs chez les patients présentant un trouble bipolaire, R apport bénéfices / risques
avec déclenchement d’un virage maniaque, ou chez
des médicaments antidépresseurs
les patients atteints de psychose, avec décompensa-
tion psychotique, sont bien décrits dans la littérature
[25, 28]. Les recommandations de bonnes pratiques Il apparaît important devant ces éléments de
cliniques de la World Federation of Societies of personnaliser les prescriptions des médicaments

383
Autres aspects

antidépresseurs en évaluant le rapport bénéfices/ reporter la responsabilité des actes sur le médicament
risques et en surveillant les effets indésirables éven- antidépresseur aux États-Unis, même si cette stratégie
tuels, surtout lors de l’introduction du traitement. de défense est souvent développée par les avocats [29].
L’influence des traitements antidépresseurs sur les Une évaluation au cas par cas apparaît donc nécessaire
passages à l’acte auto-agressifs sont bien documentés tant dans le domaine médical que dans le domaine
dans la littérature. Les traitements antidépresseurs ont médicolégal.
démontré un effet protecteur sur le risque suicidaire
chez les patients adultes [38]. Chez les enfants et les
adolescents, une surveillance accrue est recomman- Références
dée, car cet effet protecteur contre le risque suicidaire
n’a pas été prouvé, les antidépresseurs ont même été 1. Afssaps. Le bon usage des antidépresseurs au cours de la
accusés dans cette population spécifique de favoriser dépression chez l’enfant et l’adolescent. Mise au point.
Saint-Denis, Afssaps, 2006.
les tentatives de suicide [34]. Le médecin prescrip-
2. Akiskal HS, Benazzi F, Perugi G, Rihmer Z. Agitated
teur est donc tout à fait autorisé à prescrire ce type de “unipolar” depression re-conceptualized as a depressive
traitement lors d’épisodes dépressifs caractérisés avec mixed state : implications for the antidepressant-suicide
des ruminations suicidaires. Ce point de vue est d’ail- controversy. J Affect Disord, 2005, 85 : 245-258.
leurs défendu par les recommandations de la Haute 3. Asberg M. Neurotransmitters and suicidal behavior. The
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La littérature scientifique est riche en ce qui concerne Sci, 1997, 836 : 158-181.
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les liens entre comportements hétéro-agressifs et trai-
reuptake inhibitors and risk of suicide : a systematic review
tement antidépresseur. En effet, les hypothèses séro- of observational studies. CMAJ, 2009, 180 : 291-297.
toninergiques dans la vulnérabilité des individus aux 5. Beasley CM Jr., Potvin JH. Fluoxetine : activating
comportements impulsifs et agressifs ont mené à des and sedating effects. Int Clin Psychopharmacol, 1993, 8 :
recherches, tant précliniques que cliniques, sur l’uti- 271-275.
lisation des traitements antidépresseurs [8, 14, 33]. 6. Bevilacqua L, Doly S, Kaprio J, Yuan Q et al. A popu-
Il en ressort que les traitements antidépresseurs sont lation-specific HTR2B stop codon predisposes to severe
impulsivity. Nature, 2010, 468 : 1061-1066.
utilisés couramment en pratique clinique dans la prise
7. Bonnet-Brilhault F, Thibaut F, Leprieur A, Petit
en charge des comportements agressifs ou impulsifs, M. A case of paroxetine-induced akathisia and a review
et les études sont en faveur d’une efficacité dans ces of SSRI-induced akathisia. Eur Psychiatry, 1998, 13 :
indications [15, 16]. 109-111.
Toutefois, les cliniciens doivent être avertis des 8. Booij L, Tremblay RE, Leyton M et al. Brain serotonin
risques d’événement indésirable avec ces traitements synthesis in adult males characterized by physical aggres-
chez un petit nombre de patients, pouvant entraîner sion during childhood : a 21-year longitudinal study. PLoS
One, 2010, 5 : e11255.
des comportements agressifs, notamment par induc-
9. Butler T, Schofield PW, Greenberg D et al.
tion de virage maniaque, décompensation psycho- Reducing impulsivity in repeat violent offenders : an open
tique, akathisie, recrudescence anxieuse ou insomnie. label trial of a selective serotonin reuptake inhibitor. Aust
Il existe une grande variabilité de réponse aux traite- N Z J Psychiatry, 2010, 44 : 1137-1143.
ments [35]. Seule une anamnèse précise à la recherche 10. Corruble E. [Antidepressant treatment and suicide risk].
d’un trouble psychiatrique ou de personnalité co- Encéphale, 2010, 36 : 1-2.
morbide est recommandée. Il n’existe pas d’autre 11. Corruble E, Damy C, Guelfi JD. Impulsivity : a rele-
vant dimension in depression regarding suicide attempts ?
facteur prédictif de trouble du comportement lors de
J Affect Disord, 1999, 53 : 211-215.
l’introduction d’un traitement antidépresseur [35]. La 12. Datla KP, Mitra SK, Bhattacharya SK. Serotonergic
balance bénéfices/risques d’un traitement antidépres- modulation of footshock induced aggression in paired rats.
seur pour la prise en charge d’une dépression caracté- Indian J Exp Biol, 1991, 29 : 631-635.
risée est donc bien en faveur de la prescription [10]. 13. Ebmeier KP, Donaghey C, Steele JD. Recent deve-
Dans le domaine juridique, si les traitements anti- lopments and current controversies in depression. Lancet,
dépresseurs peuvent être considérés dans certains 2006, 367 : 153-167.
14. Fuller RW. The influence of fluoxetine on aggressive
cas comme un facteur ayant pu favoriser un com-
behavior. Neuropsychopharmacology, 1996, 14 : 77-81.
portement auto- ou hétéro-agressif, l’absence de 15. Garcia FD, Thibaut F. Current concepts in the pharma-
responsabilité des patients pour leurs actes n’est pas cotherapy of paraphilias. Drugs, 2011, 71 : 771-790.
systématiquement retenue. En général, il semble que 16. George DT, Phillips MJ, Lifshitz M et al. Fluoxetine
les jurés et les juges soient peu enclins à accepter de treatment of alcoholic perpetrators of domestic violence :

384
ASPECTS MÉDICOLÉGAUX

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385
37
P erspectives :
quels antidépresseurs pour demain ?
........
A. Gaillard et R. Gaillard

Comme bien des avancées en médecine, la décou- –– suivi d’une phase résiduelle ;
verte des antidépresseurs fut totalement fortuite : à –– favorisant la dépression récurrente ;
l’origine, l’iproniazide devait être un antituberculeux –– elle-même susceptible d’évoluer vers une dépres-
[16, 74]. Depuis l’apparition de la première génération sion chronique.
de molécules – IMAO et tricycliques –, l’arsenal de La distinction entre dépression bipolaire et unipo-
thérapeutiques antidépressives s’est considérablement laire amène également tout un cortège d’interroga-
enrichi. Pourtant, les cliniciens sont confrontés aux tions. Plus de 10 à 20 p. 100 de patients bipolaires
limites de ces thérapeutiques : d’une part, leur délai sont en effet étiquetés, à tort, unipolaires et ne
d’action différé sur plusieurs semaines et, d’autre part, reçoivent pas le traitement adéquat [78]. Outre l’his-
l’existence d’un sous-groupe important (20-40 p. 100 toire clinique du patient, certains outils ont été déve-
selon les critères de Thase et al. [67]) de patients loppés afin d’évaluer de façon opérationnelle le risque
réfractaires aux antidépresseurs. Comme l’a confirmé de bipolarité sous-jacente [5, 55].
l’étude naturalistique STAR*D [69], seuls 30 p. 100 La maladie dépressive est une pathologie hétérogène
des patients déprimés atteignent la rémission après se traduisant à la fois par une multiplicité des présen-
une première ligne de traitement bien conduite, et tations cliniques, une fréquence des co-morbidités
cette probabilité décroît à chaque nouvelle ligne thé- psychiatriques ou somatiques et une variabilité des
rapeutique entreprise. Ainsi, parmi les patients ayant réponses aux traitements ayant pourtant montré leur
bénéficié de quatre lignes thérapeutiques successives efficacité (que ces traitements soient pharmacologiques
de 12 semaines chacune (ce qui correspond à un an de ou non, notamment certaines techniques de psychothé-
traitement), seuls deux tiers obtiennent une rémission. rapie ou de stimulation cérébrale). Cette hétérogénéité
Face à ces limites, l’émergence de stratégies thérapeu- ne fait que souligner la complexité des mécanismes
tiques innovantes s’impose comme une nécessité. – encore très partiellement élucidés – sous-tendant
Se pose la question d’adopter d’emblée une straté- cette maladie. À cela s’ajoutent des difficultés liées aux
gie thérapeutique plus incisive en introduisant, dès la traitements antidépresseurs eux-mêmes, en particulier
première ligne de traitement, des stratégies d’augmen- leur délai d’action et leur tolérance. Les antidépres-
tation et/ou d’association d’antidépresseurs afin de seurs sérotoninergiques peuvent entraîner des troubles
réduire le risque de résistance, d’accélérer la guérison sexuels [1] et une mise à distance des affects (l’« effet
et de réduire le risque suicidaire. À l’instar des autres édredon » [39, 62]), probablement secondaires à une
spécialités médicales, il semble également nécessaire inhibition de la voie dopaminergique [50, 51]. Ces
de reconceptualiser la maladie dépressive dans sa glo- effets secondaires représentent de réels facteurs de mau-
balité, sa diachronie et sa co-morbidité somatopsy- vaise observance ou d’arrêt de traitement, mais égale-
chique. Dans cette perspective, la maladie dépressive ment un challenge pharmacologique de taille.
peut être modélisée en cinq étapes [23] : Des molécules sont actuellement en cours de déve-
–– une phase prodromique ; loppement. Elles ont pour principales cibles non
–– évoluant vers un épisode dépressif majeur ; seulement les voies monoaminergiques, mais aussi

386
PERSPECTIVES : QUELS ANTIDÉPRESSEURS POUR DEMAIN ?

des voies non monoaminergiques. Les techniques de


stimulation cérébrale [54], en particulier l’électrocon-
®
bromhydrate (Aplenzin ), mieux toléré et permettant
une dose plus importante par comprimé.
vulsivothérapie et parfois même la stimulation céré- De même, la desvenlaflaxine, métabolite actif de la
brale profonde, ont une place fondamentale dans le venlaflaxine, inhibiteur sélectif de recapture de la séro-
traitement de patients résistants. Dans ce cadre, la sti- tonine et de la noradrénaline (IRSNa), est à présent
mulation du nerf vague mérite également d’être citée. commercialisée comme antidépresseur à part entière
®
(Pristiq ). Résultant de l’activité du cytochrome
P450 2D6, la desvenlaflaxine est moins métabolisée
que la molécule mère, assurant ainsi des taux plas-
D u G raal sérotoninergique matiques plus stables [76]. Contrairement à la venla-
aux thériaques à large spectre flaxine, la desvenlafaxine montre par ailleurs un effet
noradrénergique supérieur à l’effet sérotoninergique,
ce qui en fait un traitement plus approprié pour traiter
Vers une molécule tout-en-un les symptômes douloureux ou vasomoteurs associés à
la dépression ainsi peut-être que certaines dimensions
de la dépression telles que l’aboulie et l’anhédonie.
Durant les trois dernières décennies, un pan consi-
dérable de la recherche psychopharmacologique s’est
concentré sur la découverte d’une molécule inhibi- Cibler les récepteurs
trice de la recapture de la sérotonine (ISRS) la plus monoaminergiques spécifiques
pure possible. Le citalopram et l’escitalopram sont
des exemples types d’ISRS ultrasélectifs. Le rôle de la L’activité sur certaines voies monoaminergiques
noradrénaline dans la dépression, suggéré par les effets peut être modulée indirectement via une action sur
dépressogènes de la réserpine, a ensuite conduit au certains récepteurs pré- ou post-synaptiques. Ces
développement d’un inhibiteur sélectif de la recapture actions pharmacologiques, combinées ou non à une
de la noradrénaline, la réboxétine, non commerciali- activité d’inhibition de la recapture de la sérotonine,
sée en France. La combinaison au sein d’une même pourraient permettre de diminuer le délai d’action des
molécule des effets inhibiteurs de la recapture de la antidépresseurs, d’augmenter leur efficacité et de favo-
sérotonine et de la noradrénaline s’est ensuite avérée riser leur tolérance. L’association au sein d’une même
prometteuse et plus efficace chez les patients résistants molécule de plusieurs activités permettrait également
aux ISRS [79]. de favoriser l’observance du traitement. Sont détaillés
Actuellement sont en cours de développement des ci-dessous les récepteurs d’intérêt.
molécules ayant un effet triaminergique, à la fois sur
la recapture de la sérotonine, de la noradrénaline Récepteurs 5-HT1A/1B
et de la dopamine. L’objectif serait de reconstituer
les effets des inhibiteurs de la monoamine oxydase L’augmentation des concentrations extracellulaires
(IMAO) non sélectifs, avec moins d’effets secondaires de sérotonine (5-HT) secondaire à la prise d’ISRS
ou contraintes hygiénodiététiques, et éventuellement entraîne une stimulation des autorécepteurs soma-
une stimulation plus directe des trois voies monoami- todendritiques 5-HT1A et des autorécepteurs axonaux
5-HT1B. Dans un premier temps, cette activation
nergiques ciblées.
des autorécepteurs inhibe le relargage de sérotonine
dans la fente synaptique. Après quelques semaines de
Redécouvrir les molécules existantes traitement par ISRS se produit une désensibilisation
des autorécepteurs, permettant alors la levée de cette
Augmenter l’efficience des traitements antidépres- inhibition. Le temps nécessaire à cette désensibilisa-
seurs passe, entre autres, par l’obtention d’une meil- tion pourrait expliquer le délai observé entre le début
leure observance des patients et donc d’une meilleure du traitement par ISRS et les effets comportementaux
tolérance. Des antidépresseurs déjà commercialisés de ce dernier [75]. Ainsi, bloquer les autorécepteurs
ont ainsi été revisités pour être mieux tolérés [52]. Par 5-HT1A/1B pourrait avoir un intérêt dans la dépression.
exemple, le bupropion, inhibiteur sélectif de la recap- De plus, les agonistes 5-HT1A/1B pourraient favoriser la
ture de la noradrénaline et de la dopamine (IRND), désensibilisation des récepteurs.
habituellement préparé sous forme de chlorhydrate, L’association de buspirone ou de pindolol, ago-
existe maintenant aux États-Unis sous forme de nistes partiels des récepteurs 5-HT1A, avec un ISRS est

387
Autres aspects

utilisée dans le traitement de la dépression [2, 61]. Il Récepteurs a2-adrénergiques


a aussi été suggéré que l’effet antidépresseur des hor-
mones thyroïdiennes en add on, comme la tri-iodothy- Le blocage des récepteurs a2-adrénergiques favo-
ronine (T3), passerait en partie par les autorécepteurs rise la libération de noradrénaline par les neurones
5-HT1B [43]. L’association dans une seule molécule noradrénergiques et augmente la concentration intra-
d’un effet d’inhibition de la recapture de la sérotonine cérébrale en noradrénaline. La stimulation de la voie
à un effet agoniste 5-HT1A/1B pourrait aussi être pro- noradrénergique est bénéfique dans le traitement de
metteuse. La molécule LuAA21004 (ISRS/agoniste la dépression. Les molécules antagonistes des récep-
5-HT1A) est actuellement à l’étude (phase III) mais il teurs a2 pourraient donc être des antidépresseurs
se pourrait que ses effets antidépresseurs soient aussi efficaces ou être intéressantes en add on aux ISRS
favorisés par son activité antagoniste 5-HT3 [52]. (S39566, R226121). L’effet antidépresseur de la
mirtazapine ou de certains autres antipsychotiques
comme la rispéridone peut en partie être expliqué par
Récepteurs 5-HT2A/2C cette activité antagoniste des récepteurs a2 [18].
L’antagonisme des récepteurs 5-HT2C favorise
l’augmentation des taux extracellulaires de séroto- Récepteurs histaminiques H3
nine induits par les ISRS [15]. De plus, le blocage
La combinaison d’un effet antagoniste des récep-
des récepteurs 5-HT2C permet de lever l’inhibition
teurs histaminiques H3 avec un inhibiteur de la séro-
de la transmission dopaminergique induite par les
tonine pourrait avoir un effet sur le plan cognitif
ISRS [19]. L’association d’un effet inhibiteur de la
bénéfique (INJ28583867) [18].
recapture de la sérotonine et d’un effet antagoniste
des récepteurs 5-HT2C pourrait donc être bénéfique.
La fluoxétine combine ces deux propriétés [56]. Par Antipsychotiques
ailleurs, l’inhibition des neurones noradrénergiques
par les ISRS est médiée par l’activation des récepteurs Les antipsychotiques atypiques (aripiprazole, aséna-
5-HT2A. Leur blocage favorise la restauration de la pine, clozapine, olanzapine, rispéridone, quétiapine,
transmission noradrénergique [20]. ziprasidone, palipéridone) présentent une affinité
L’agomélatine et la mirtazapine, qui possèdent res- moindre pour les récepteurs dopaminergiques D2 (taux
pectivement, entre autres, une activité antagoniste d’occupation des récepteurs de 70 p. 100) comparé
5-HT2C et une activité antagoniste 5-HT2A/2C, sont aux antipsychotiques « typiques » (taux d’occupation
utilisées en monothérapie ou en add on pour traiter de 90 p. 100). Reconnus efficaces dans le traitement
la dépression [31]. Les antipsychotiques atypiques de la manie et de la dépression avec caractéristiques
ont également un effet antagoniste 5-HT2A et, pour psychotiques, ils peuvent aussi trouver leur intérêt en
certains, un effet antagoniste 5-HT2C. Le développe- l’absence de symptômes délirants. Bien que l’efficience
ment de molécules associant à la fois des effets inhibi- et le ratio bénéfices/risques demeurent à évaluer, l’uti-
teurs de la recapture de la sérotonine et antagonistes lisation de certains antipsychotiques atypiques peut se
5-HT2A/2C pourrait être particulièrement intéressant. révéler efficace en tant que potentialisateur de l’antidé-
Une molécule réunissant ces trois propriétés, le Lu AA presseur dans l’épisode dépressif majeur [40, 59]. Les
24530, est en cours d’évaluation (phase II). antipsychotiques atypiques ont une efficacité variable
dans le traitement de la dépression bipolaire. En effet,
selon le profil d’activité sur les récepteurs, ils peuvent
Récepteurs 5-HT3/5A/7
être associés à une augmentation directe ou indirecte
D’autres récepteurs sérotoninergiques sont égale- des concentrations synaptiques en sérotonine, nora-
ment étudiés, notamment le récepteur 5-HT3 impliqué drénaline et dopamine [76]. Leur action sur l’humeur
dans les nausées et ciblé par une molécule anti-émé- peut être liée à un agonisme partiel des récepteurs
tique, l’ondansétron, dont le développement comme dopaminergiques (stimulation directe de la voie dopa-
psychotrope a été envisagé dans plusieurs indications. La minergique), un blocage direct des transporteurs de la
molécule Lu 21004, combinant les effets ISRS et anta- sérotonine et/ou de la noradrénaline (ce qui augmente
gonistes 5-HT3, est actuellement en phase III. La com- respectivement les taux synaptiques en sérotonine et
binaison d’une activité antagoniste 5-HT5A et 5-HT7 noradrénaline), une action sur les récepteurs a2-adré-
avec inhibition de la recapture de la sérotonine est éga- nergiques (ce qui permet une augmentation indirecte
lement en cours d’étude, à un stade préclinique [80]. des taux de noradrénaline et de sérotonine) ou la

388
PERSPECTIVES : QUELS ANTIDÉPRESSEURS POUR DEMAIN ?

modulation de certains récepteurs sérotoninergiques, l’organisme au stress. Dans la dépression, il existe une
dont les récepteurs 5-HT2A, 5-HT2C, et 5-HT1A (ce qui hypersécrétion de CRF, ce qui engendre une stimu-
permet une désinhibition des voies noradrénergiques lation accrue de l’axe hypothalamo-hypophyso-sur-
et dopaminergiques). rénalien et une hyperstimulation des récepteurs des
L’adjonction d’aripiprazole est préconisée à faible glucocorticoïdes [29]. Les effets du CRF se font prin-
dose (2,5 mg/j) dans le traitement de la dépression cipalement via la stimulation des récepteurs CRF1.
bipolaire et unipolaire (hors AMM) grâce à son Plusieurs molécules sont en cours d’évaluation dans le
action prodopaminergique, via son agonisme partiel traitement de la dépression pour tenter d’enrayer cette
des récepteurs D2 et son antagonisme des récepteurs hyperactivation de l’axe corticotrope : les antagonistes
5-HT2C [58]. Aux États-Unis, l’aripiprazole a par ail- des récepteurs CRF1 qui permettraient de dimi-
leurs reçu l’AMM en add on dans le traitement curatif nuer l’activation centrale de l’axe corticotrope (par
de la dépression unipolaire. exemple, Pexacerfont), les inhibiteurs de la synthèse
L’adjonction de l’olanzapine à la fluoxétine a mon- des glucocorticoïdes (métyparone) et des inhibiteurs
tré un effet supérieur à la monothérapie par olanzapine des récepteurs des glucocorticoïdes (SCH900635,
seule ou fluoxétine seule dans le traitement de l’épi- mifépristone) [18]. La mifépristone (RU486) serait
sode dépressif majeur et dans la dépression bipolaire bien tolérée et associée à une réponse thérapeutique
(approuvé dans cette indication par la FDA) [14, 81]. rapide dans les cas de dépression sévère avec caracté-
La quétiapine est actuellement l’antipsychotique le ristiques psychotiques [4].
plus efficace en monothérapie dans le traitement de la La vasopressine est également impliquée dans la
dépression bipolaire et en association à un antidépres- régulation de l’axe corticotrope. Elle stimule la libé-
seur dans le traitement de la dépression unipolaire. ration d’ACTH, via le récepteur V1B. Des antago-
C’est par ailleurs le seul antipsychotique possédant nistes des récepteurs V1B sont à l’étude comme le
une AMM pour ces indications en France. À des SSR 149415 actuellement en phase II.
doses optimales, son métabolite actif, la norquétia-
pine, permet une modulation adéquate des différents
récepteurs, c’est-à-dire une saturation partielle des Voies de la douleur et substance P
récepteurs D2, un blocage des récepteurs 5-HT2C et
du transporteur de la noradrénaline, et une stimula- L’implication d’une neurokinine (NK), la sub­
tion appropriée des récepteurs 5-HT1A [35]. stance P, dans la dépression est sous-tendue par
plusieurs arguments. Premièrement, la substance P
joue un rôle dans la modulation de la douleur et la
Agonistes dopaminergiques nociception est altérée chez les patients déprimés.
Le pramipexole, agoniste des récepteurs dopami- Deuxièmement, il existe des interactions fonction-
nergiques D2 et D3, est efficace et bien toléré dans le nelles entre substance P et systèmes monoaminer-
traitement de la dépression bipolaire et dans le traite- giques. Troisièmement, certaines anomalies en
ment de la dépression unipolaire résistante [12, 85]. rapport avec la substance P observées chez les sujets
L’un des effets secondaires à surveiller attentivement déprimés sont corrigées par la prise d’antidépresseurs,
est l’apparition de comportements de jeu patholo- notamment l’élévation de la concentration en sub­
gique. Le ropinirole pourrait avoir des effets béné- stance P dans le liquide céphalorachidien [64].
fiques similaires au pramipexole [11]. La substance P agit sur trois récepteurs, NK1, NK2
et NK3, tous couplés à une protéine G. L’activité de
la substance P est principalement médiée par les récep-
teurs NK1. Les études précliniques menée chez l’ani-
mal suggèrent que la substance P aurait un effet sur la
E xplorer de nouvelles voies
modulation des autorécepteurs sérotoninergiques et
non monoaminergiques noradrénergiques au niveau du noyau du raphé et du
locus cœruleus [33]. Chez les souris knock-out pour les
récepteurs NK1 ou traitées par antagonistes des récep-
Agir sur l’axe corticotrope teurs NK1, le GR205171, l’administration d’un ISRS,
la paroxétine, est associée respectivement à une mul-
Le CRF (corticotropin-releasing factor), synthétisé tiplication par 6 et 2,5 des taux de sérotonine extra-
par l’hypothalamus, est impliqué dans la réponse de cellulaires au niveau du cortex préfrontal comparé

389
Autres aspects

au placebo [33]. L’antagonisme des récepteurs NK1 l’apprentissage. Sa régulation doit être fine et étroite
pourrait stimuler la transmission sérotoninergique pour prévenir sa potentielle excitotoxicité. Le gluta-
par deux mécanismes, une désensibilisation de auto- mate interagit avec différents récepteurs glutama-
récepteurs 5-HT1A dans le noyau dorsal du raphé et tergiques, leur activation entraîne une excitabilité
une stimulation de l’activation tonique des récepteurs neuronale et une stimulation des voies de signalisation
5-HT1A post-synaptiques au niveau de l’hippocampe. intracellulaire, aboutissant à la synthèse de facteurs
Les antagonistes NK1 stimuleraient également la voie neurotrophiques participant à la plasticité synaptique.
noradrénergique [8, 28]. Le CP96345, antagoniste des Le glutamate se couple à deux types de récepteurs : les
récepteurs NK1, atténuerait l’activité des autorécepteurs récepteurs ionotropiques (NMDA, AMPA et kaïnate)
a2-adrénergiques et stimulerait la voie sérotoninergique et les récepteurs métabotropiques (couplés à une pro-
secondairement [34]. Chez l’homme, le MK 869 téine G). Plusieurs études suggèrent que la transmis-
(aprepitant) est en phase III. L’aprepitant aurait une sion glutamatergique pourrait être incriminée dans la
efficacité comparable aux ISRS et supérieure au placebo physiopathologie de la dépression [82] et que les anta-
[66]. La stratégie combinant un inhibiteur NK1 avec gonistes des récepteurs ionotropiques pourraient limi-
un IRS n’a pas encore été testée, mais une molécule ter l’atrophie des neurones hippocampiques induite
présentant ces deux activités attend d’être évaluée par par le stress chez les rongeurs [73]. Les antidépresseurs
des tests cliniques (GSK 424887, S41744). classiques (tricycliques, ISRS) semblent avoir un effet
inhibiteur des récepteurs NMDA et potentialisateur
des récepteurs AMPA. Les agents glutamatergiques
Voie cholinergique ayant probablement un effet antidépresseur seraient
donc les antagonistes des récepteurs NMDA, les
L’acétylcholine est l’un de principaux neurotrans-
potentialisateurs des récepteurs AMPA et des récep-
metteurs du système nerveux central, périphérique et
teurs métabotropiques [72].
autonome. Dans le cerveau, son activité est médiée par
les récepteurs nicotiniques (canal calciquue) et mus-
cariniques (couplé à une protéine G). La transmission Molécules interagissant
cholinergique est modulée par l’activité de l’acétylcho- avec les récepteurs NMDA
linestérase (AChE). L’acétylcholine intracérébrale est
Le chlorhydrate de kétamine, utilisé en anesthésio-
impliquée dans l’apprentissage, la mémoire, la plasti-
logie, représente une piste intéressante dans le traite-
cité synaptique, la neuroprotection et la régénération
ment des dépressions résistantes mélancoliformes. La
neuronale. Les récepteurs nicotiniques exprimés sur
kétamine est un antagoniste des récepteurs NMDA.
les neurones dopaminergiques de l’aire tegmentale
Elle augmente de façon rapide le relargage de gluta-
ventrale augmentent la réponse du système dopami-
mate dans la fente synaptique en agissant sur les récep-
nergique en cas de stimulus associé à une récompense
teurs NMDA présynaptiques et sur les interneurones
[48]. L’acétylcholine pourrait donc avoir un intérêt
GABAergiques (désinhibition) [46]. La kétamine
dans le traitement de la dépression, notamment grâce à
aurait par ailleurs une affinité pour les récepteurs
son effet sur la stimulation de la voie dopaminergique
dopaminergiques D2 avec lesquels elle se comporterait
qui pourrait traiter l’anhédonie. Développer des médi-
comme antagoniste/agoniste partiel et se fixerait éga-
caments agissant sur les récepteurs nicotiniques reste
lement sur les transporteurs monoaminergiques, les
néanmoins compliqué vu le risque de dépendance.
récepteurs GABA, opioïdes, cholinergiques, 5-HT2C,
La galantamine, inhibiteur de l’AChE initialement
la substance P et les canaux sodiques et calciques
utilisée dans les troubles cognitifs et neurodégénératifs
voltage-dépendants [22]. Son effet antidépresseur
liés à l’âge (phase IV), est aussi étudiée dans la dépres-
rapide, notamment sur les idées suicidaires, sa rela-
sion comme add on [21]. Le RS 1259, molécule en
tivement bonne tolérance somatique et psychique en
développement combinant des effets ISRS et inhibi-
font une molécule d’avenir pour un certain sous-type
teurs de l’AChE, s’avère prometteur.
de patients à fort risque suicidaire [63, 87]. La durée
variable de l’effet, le risque discuté de dépendance,
Voie glutamatergique les conditions d’administration (perfusions intravei-
neuses) et la nécessité d’une surveillance rapprochée
Le glutamate, principal neurotransmetteur excita- compliquent son usage qui est encore expérimental.
teur du système nerveux central, joue un rôle dans la D’autres antagonistes des récepteurs NMDA pré-
neuroplasticité, la résilience cellulaire, la mémoire et senteraient un effet antidépresseur [30] : l’amantadine

390
PERSPECTIVES : QUELS ANTIDÉPRESSEURS POUR DEMAIN ?

(déjà utilisée dans la maladie de Parkinson et comme et prolongés de la kétamine seraient ainsi sous-tendus
antiviral), à forte dose, et la mémantine, utilisée dans par la synthèse protéique précoce de brain-derived
la maladie d’Alzheimer, mieux tolérée sur le plan neurotrophic factor (BDNF). Les effets à long terme
cognitif que les autres antagonistes NMDA, mais seraient sous-tendus par une modulation de la plasti-
dont les propriétés antidépressives sont plus discutées. cité synaptique, elle-même déclenchée par la synthèse
Les antagonistes NR2B seraient mieux tolérés que initiale de BDNF. Le blocage des récepteurs NMDA
les antagonistes NMDA, car ils sont plus spécifiques au repos par la kétamine entraînerait une désactiva-
[53]. Le traxoprodil (CP 101606) a montré une effi- tion de l’eukaryotic elongation factor 2 (eEF2) kinase
cacité chez les patients résistants aux ISRS. Le taux de (autrement appelée CaMKIII), ce qui résulterait en
réponse serait trois fois supérieur au placebo. une moindre phosphorylation de eEF2 et une levée
Enfin, notons que la lamotrigine, dont le méca- de l’inhibition de la traduction de BDNF. Ces mêmes
nisme d’action est complexe mais qui met en jeu la travaux montrent que les inhibiteurs de l’eEF2 kinase
transmission glutamatergique [65], est considérée induisent une réponse comportementale antidépres-
comme ayant un effet à la fois thymorégulateur et seur-like, ouvrant ainsi la voie à de nouvelles cibles
antidépresseur [25, 26]. thérapeutiques.
Par ailleurs, la découverte en 1996 de l’effet inhi-
Potentialisateurs des récepteurs AMPA biteur du lithium sur la glycogen synthase kinase 3
(GSK3) a ouvert la voie à de nombreux travaux
Les récepteurs AMPA seraient insuffisamment sti- [38, 77]. GSK3 est une enzyme qui intervient dans
mulés dans la dépression, comparés aux récepteurs la régulation du fonctionnement neuronal (expression
NMDA [46]. Les ampakines, benzamides de petite génique, neurogenèse, plasticité synaptique, mort et
taille diminuant le taux de désactivation des récep- survie neuronale) [17, 24, 36]. Les études menées
teurs AMPA en présence de glutamate, ont été étu- in vitro, chez l’animal ou sur les tissus humains,
diées dans les troubles de l’humeur. Des molécules suggèrent aujourd’hui que les troubles de l’humeur
combinant des effets ISRS et des effets de modula- pourraient être partiellement expliqués par des ano-
tion allostérique positive des récepteurs AMPA sont à malies des mécanismes contrôlant l’activité de la
l’étude (LY 392098, LY 404187) [7]. Dans des essais GSK3 ou des altérations des fonctions dépendantes
ouverts, le riluzole, inhibiteur du relargage en gluta- de la GSK3 (revue in [42]). La multiplicité des dys-
mate utilisé dans la sclérose latérale amyotrophique, fonctionnements possibles pourrait aussi expliquer
aurait un effet antidépresseur chez les patients dépri- l’hétérogénéité des troubles de l’humeur. La plupart
més résistants et dans la dépression bipolaire [83, 85]. des molécules utilisées dans les troubles de l’humeur
(thymorégulateurs, antidépresseurs, antipsychotiques)
permettent une inhibition de la GSK3, mais il faut
Au-delà des récepteurs : encore déterminer si cette inhibition de la GSK3
cibler directement les voies explique l’effet thérapeutique de ces molécules. Il faut
de signalisation intracellulaire également identifier les substrats régulés par la GSK3
et ayant un effet sur l’humeur, et comprendre par quels
Toutes les recherches se sont à ce jour focalisées sur mécanismes la GSK3 pourrait être à la fois impliquée
le profil réceptoriel de chaque molécule, c’est-à-dire dans les états maniaques et dépressifs. Des études chez
sur la modulation de la transmission synaptique, mais l’homme sont donc nécessaires pour confirmer les
la transduction intracellulaire pourrait être directe- données précliniques existantes sur l’implication de la
ment visée. En témoigne la caractérisation des effets GSK3 dans les troubles de l’humeur, étudier l’effet
intracellulaires de certaines molécules comme le des inhibiteurs sélectifs de la GSK3 et même évaluer
lithium ou la kétamine. ka GSK3 comme un possible biomarqueur pour le
En effet, l’effet antidépresseur rapide (2 heures) et diagnostic différentiel des troubles de l’humeur ou
prolongé (2 semaines) observé après une seule perfu- comme prédicteur de la réponse au traitement.
sion de molécules antagonistes des récepteurs NMDA Enfin, des pistes intéressantes se dégagent autour
(comme la kétamine ou le MK 801) dont la demi-vie des inhibiteurs de mTOR (mammalian target of rapa-
est très courte (2 à 3 heures) ne saurait être expliqué mycin) comme l’évérolimus ou la rapamycine, utilisés
uniquement par son action sur les récepteurs synap- comme traitements immunosuppresseurs pour pré-
tiques. Des travaux récents [3] menés chez la souris venir le rejet de greffe et dans le traitement de cer-
ont montré que les effets comportementaux rapides tains cancers. mTOR joue un rôle dans la croissance

391
Autres aspects

cellulaire, la prolifération cellulaire et l’apoptose. Elle multiples : stimulation magnétique transcrânienne


fait partie de la famille des phosphatidyl inositol 3’ (rTMS), stimulation cérébrale profonde (SCP), sti-
kinases (PI3K), enzymes activées par certains nutri- mulation du nerf vague (SNV).
ments et facteurs de croissance tels que le BDNF et
sous-tendant en partie les effets neuroprotecteurs et
anti-apoptotiques du BDNF. mTOR permet la phos- Stimulation magnétique transcrânienne
phorylation de protéines impliquées dans le cycle
La stimulation magnétique transcrânienne répé-
cellulaire et constitue donc un intermédiaire entre les
tée (rTMS), technique de stimulation non invasive,
récepteurs des facteurs de croissance et le noyau cel-
consiste à créer un courant électrique focal à partir d’un
lulaire. Dans un essai ouvert, l’administration d’évé-
champ magnétique délivré sur une région cérébrale
rolimus à des patients récemment greffés a un effet
donnée au moyen d’une bobine placée sur le scalp. Les
bénéfique sur l’humeur et les performances mnésiques
méta-analyses montrent que la rTMS à haute fréquence
[41]. Dans les modèles animaux de dépression (nage
appliquée au cortex préfrontal dorsolatéral (CPFDL)
forcée, suspension par la queue), l’injection intra-
gauche est efficace dans le traitement de la dépres-
veineuse répétée de rapamycine s’accompagne d’un
sion [10]. Il en serait de même pour la rTMS basse
effet antidépresseur-like [13]. L’injection intra-amyg-
fréquence appliquée au CPFDL droit. Les résultats
dalienne de rapamycine chez la souris permettrait
restent néanmoins mitigés : selon certains, l’efficacité
aussi d’inhiber la consolidation mnésique de souve-
de la rTMS appliquée au CPFDL gauche serait com-
nirs traumatiques [60]. Reste à déterminer par quels
parable aux ECT [32], tandis que pour d’autres, l’effi-
mécanismes intracellulaires les inhibiteurs de mTOR
cacité serait limitée aux dépressions n’ayant résisté qu’à
pourraient avoir un effet sur l’humeur. Plusieurs
une seule ligne de traitement antidépresseur [44]. Le
hypothèses sont à l’étude, parmi lesquelles l’induction
principal effet secondaire est le risque de crise comitiale
de l’autophagie (phénomène également induit par le
avec la rTMS haute fréquence. Ce risque est néanmoins
lithium) ou des interactions avec d’autres molécules
très limité et la tolérance cognitive de la rTMS est très
impliquées dans les troubles de l’humeur comme
bonne. Les autres inconvénients de la rTMS sont le
AKT, GSK3 ou PKC.
manque de précision pour cibler une région cérébrale
L’avenir pourrait donc être à la découverte de molé-
donnée et le caractère superficiel de la stimulation, ce
cules ciblant directement les voies de transduction, qui rend les structures corticales médianes hors de por-
à l’instar de la majorité des molécules actuellement tée. De nouvelles techniques de rTMS sont en cours de
développées en oncologie. développement : la deep rTMS permettrait d’atteindre
des couches corticales plus profondes grâce à une
bobine en forme de H. L’induction volontaire de crise
comitiale par rTMS (magnetic seizure therapy [MST])
T echniques de stimulation
pourrait également offrir une alternative aux ECT [64].
cérébrale

Stimulation du nerf vague


Actuellement, l’électroconvulsivothérapie (ECT)
représente le traitement le plus efficace dans la dépres- La stimulation du nerf vague (SNV) consiste
sion, avec un taux de rémission de 90 p. 100 [82]. à délivrer un courant électrique intermittent de
Malheureusement, ses effets secondaires (complica- basse fréquence (par exemple 30 secondes toutes les
tions de l’anesthésie, syndrome confusionnel, troubles 5 minutes) au nerf vague via une électrode reliée à un
mnésiques transitoires, troubles cognitifs à plus long dispositif programmable implanté en sous-cutané. La
terme) en limitent l’usage, et le taux de rechute reste SNV nécessite une intervention chirurgicale bénigne,
élevé après l’arrêt de la cure (50 p. 100), malgré un mais peut se compliquer de toux, de modifications de
traitement pharmacologique de maintenance ou des la voix ou de dysphagie. La SNV est approuvée par le
ECT d’entretien [37]. De nouvelles techniques de FDA, depuis 1997, dans le traitement de l’épilepsie
stimulation cérébrale sont en cours de développe- chimio-résistante et, depuis 2005, dans le traitement
ment, non seulement en vue d’obtenir une efficacité de la dépression chronique ou récurrente après l’échec
comparable aux ECT avec une meilleure tolérance, d’au moins quatre lignes de traitement.
mais aussi pour soulager les patients ultrarésistants Des essais ouverts sont en faveur d’un effet bénéfique
qui ne répondent pas aux ECT. Ces techniques sont de la SNV chez les patients déprimés résistants avec

392
PERSPECTIVES : QUELS ANTIDÉPRESSEURS POUR DEMAIN ?

Tableau 37-I. – Antidépresseurs en cours de développement (d’après www.clinicaltrials.gov [18, 76]).

Mécanisme Molécule Phase de développement Propriétés additionnelles Laboratoire

Triple recapture
GSK 372475 II GSK
SEP 225289 II Sepracor
Tesofensine Pas d’essai dans la dépression Neurosearch
(NS 2330)
II (maladie de Parkinson,
maladie d’Alzheimer,
obésité)
JNJ 7925476 Préclinique J&J
DOV 21947 II DOV Pharmaceutical
Inc.
DOV 216303 II DOV Pharmaceutical
Inc.
GSK 372475 I (dépression), II (TDAH), GSK
(NS2359)
NS 2360 Préclinique
Lu AA24530 II Antagoniste 5-HT2C, H. Lundbeck A/S
5-HT3, 5-HT2A, a1A
Lu AA37096 I 5-HT6 H. Lundbeck A/S
Lu AA34893 II 5-HT2A, a1A, 5-HT6 H. Lundbeck A/S

Recapture de la noradrénaline et/ou de la dopamine


IRND Radafaxine II GSK
IRSNa Desvenlafaxine Commercialisé (États-Unis) Wyeth
DV5-233 (SR)
IRND Bupropion III GSK
IRDa Armodafinil III Céphalon
IRNa Réboxétine II Pfizer

ISRS plus
Lu AA21004 III Agoniste 5-HT1A/antago- H. Lundbeck A/S
niste 5-HT1B, 5-HT3,
5-HT7
Vilazodone III Agoniste partiel 5-HT1A Merck Darmstadt
(SB 659746A)
Lu AA24530 II Antagoniste 5-HT2C H. Lundbeck A/S
GSK 424887 I Antagoniste NK1 GSK
TGBA01AD II Agoniste 5-HT2, 5-HT1A, Fabre-Kramer
5-HT1D

Nouvelles cibles sérotoninergiques


Antagoniste 5-HT2C Agomélatine Approuvé MEA, III États-Unis Agoniste M1 et M2 Servier
Agoniste partiel 5-HT1A Gépirone ER Pas d’essai dans la dépression Fabre-Kramer / GSK
II (addiction à la cocaïne)
Agoniste partiel 5-HT1A PRX 00023 II Epix Pharma
Agoniste partiel 5-HT1A MN 305 Pas d’essai dans la dépression, MediciNova
II/III (trouble anxieux généralisé)
Agoniste sigma 1/ago- VPI 013 II IRS VelaPharm/Otsuka
niste partiel 5-HT1A (OPC 14523)

(suite)

393
Autres aspects

Tableau 37-I. – (suite)


Mécanisme Molécule Phase de développement Propriétés additionnelles Laboratoire
Agonsite 5-HT1A/antago- TGW-00-AD/AA II Fabre-Kramer
niste 5-HT2A
Antagoniste 5-HT1B/1D Elzasonan II Pfizer
Antagoniste 5-HT1A GSK 163090 I GSK

Agonisme b3
Amibegron III interrompue Sanofi
(SR 58611 A)

Antagonisme neurokinine (NK)


Antagonisme NK1 L-758298, Pas d’essai dans la dépression MSD-Chibret
L-829165,
L-733060
III (nausées, vomissements)
Antagonisme NK1 CP 122721, CP II Pfizer
99994, CP
96345
Antagonisme NK1 Vestipitant (GW 597599) ± II (dépression et trouble GSK
paroxétine anxieux)
Antagonisme NK1 LY 686017 Pas d’essai dans la dépression Eli Lilly
II (alcoolo-dépendance/craving)
Antagonisme NK1 Nolpitantium (SR Pas d’essai dans la dépression Sanofi
140333)
II (colite ulcéreuse)
Antagonisme NK1 SR 240600, Pas d’essai dans la dépression Sanofi/Hoffmann-La
R-673 Roche
II (vessie irritable)
Antagonisme NK1 NKP-608, Pas d’essai dans la dépression Avera Pharmaceuticals
AV-608
II (phobie sociale)
Antagonisme NK1 CGP 49823 Préclinique Novartis
Antagonisme NK1 SDZ NKT 34311 Préclinique
Antagonisme NK1 Vafopitant Pas d’essai dans la dépression GSK
(GR 205171)
II (PTSD)
Antagonisme NK1 Aprépitant III Merck
(MK869)
Antagonisme NK1 GW 597599B II GSK
Antagonisme NK1 GW 679769 II GSK
Antagonisme NK1 Orvépitant II GSK
(GW 823296)
Antagonisme NK1 SB 679769 Préclinique
Antagonisme NK2 Saredutant III Sanofi
SR48968C
Antagonisme NK2 SAR 1022279 Préclinique
Antagonisme NK2 et NK3 SSR 241586 Préclinique Sanofi
Antagonisme NK2 SR 144190 Préclinique Sanofi
Antagonisme NK2 GR 159897 Préclinique GSK
Antagonisme NK3 Osanetant Pas d’essai pour dépression Sanofi
(SR142801) Essai préliminaire dans la
schizophrénie
(suite)

394
PERSPECTIVES : QUELS ANTIDÉPRESSEURS POUR DEMAIN ?

Tableau 37-I. – (suite)

Mécanisme Molécule Phase de développement Propriétés additionnelles Laboratoire

Antagonisme NK3 Talnetant Pas d’essai pour dépression Sanofi


(SR223412)
II (schizophrénie, syndrome
du côlon irritable)
Antagonisme NK3 SR 146977 Préclinique Sanofi

Analogue pentapeptide MIF-1


Nemifitide II (essai suspendu) Tetragenex
(NN 00835)
5-Hydroxy- Préclinique Tetragenex
nemifitide
(NN 01134)

Antagoniste des récepteurs glucocorticoïdes


Mifépristone III Roussel-Uclaf/Corcept
(RU 486) Ther.
Org 34517, Org II Schering Plough
34850

Antagonisme CRF1
R121919 I Janssen
CP 316311 II (essai terminé) Pfizer
Pexacerfont (BMS I (dépression), II BMS
562086) (alcoolo-dépendance)
GW 876008 Pas d’essai dans la dépression GSK
I (phobie sociale), II (syn-
drome du côlon irritable)
ONO-233M Préclinique Ono pharma
JNJ 19567470, Préclinique J&J
TS-041
SSR 125543 II Sanofi
SSR 126374 Préclinique Sanofi
GSK 561679 II GSK
GSK 586529 I GSK
NBI 34041 Neurocrine Biosc./GSK

Antagonisme récepteur de la vasopressine 1B


SSR 149415 II Sanofi

Agoniste GABA
Agoniste GABA-A Eszopiclone IV Sepracor

Cholinergique
Antagonisme nicotinique Mecamylamine II Targacept
(TC-5214)
IRS/inhibiteur AChE RS 1259 II Sankyo

Glutamate
Antagonisme NR2B MK 0657 I Merck
Antagonisme NMDA AZD 6765 II Astra Zeneca
(suite)

395
Autres aspects

Tableau 37-I. – (suite)

Mécanisme Molécule Phase de développement Propriétés additionnelles Laboratoire


Antagonisme NMDA Traxoprodil (CP II Pfizer
NR2B 101606)
Ampakine Org 26576 II Schering Plough
ISRS/potentialisateur LY 392098 Préclinique Eli Lilly
AMPA
ISRS/potentialisateur LY 404187 Préclinique Eli Lilly
AMPA

Divers
Inhibiteur PDE-5 Sildénafil IV Pfizer
IMAO Sélégéline IV Somerset
transdermique
Agoniste sigma 1 SA 4503 II M’s science corp
Inhibiteur FAAH SSR 411298 II Sanofi
Inhibiteur COX-2 Cimicoxib II Affectis
Uridine RG 2417 II Repligen corp
Inhibiteur kinase P38 GW 856553X II GSK

une augmentation du taux de réponse avec la durée maladie de Parkinson sévère et résistante), la région
du traitement. L’efficacité de la SNV serait par ailleurs sous-corticale cible variant en fonction de l’indication.
comparable dans la dépression bipolaire et unipolaire Actuellement, les trois régions cérébrales les plus étu-
[57]. Chez des patients déprimés résistants, la combi- diées pour le traitement de la dépression résistante sont
naison d’un traitement par SNV avec un traitement le faisceau cingulaire subgénual, la portion ventrale du
pharmacologique permet un taux de réponse supérieur noyau caudé et du striatum et le nucleus accumbens.
au traitement pharmacologique seul à un an (27 ver- Dans les essais ouverts, la stimulation du faisceau cin-
sus 13 p. 100) [27]. Le maintien de la réponse pendant gulaire subgénual serait respectivement associée à un
une année supplémentaire est également supérieur taux de réponse et de rémission de 60 et 30 p. 100
pour les patients traités par SNV (65-77 p. 100 versus à 6 mois [45, 49]. La stimulation du striatum et du
38 p. 100) [70]. En revanche, dans un essai contrôlé noyau caudé, dont les effets antidépresseurs ont été
contre placebo, la SNV n’était pas associée à un effet observés chez les patients initialement traités pour des
antidépresseur significatif à 10 semaines [69]. Les effets TOC résistants, serait associée à un taux de réponse et
cognitifs de la SNV chez les patients déprimés seraient de rémission de 40 et 20 p. 100 à 6 mois [47]. Enfin, la
bénéfiques, mais sont encore peu documentés [71]. stimulation du nucleus accumbens permettrait un taux
de réponse de 50 p. 100 à 12 mois [6]. D’autres régions
Stimulation cérébrale profonde sont étudiées comme l’habenula ou le pédoncule thala-
mique. La SCP donnerait lieu a peu d’effets secondaires
La stimulation cérébrale profonde (SCP) consiste à notamment cognitifs mais, devant le peu de données
stimuler une région cérébrale donnée au moyen d’élec- disponibles, il est nécessaire d’étudier plus précisément
trodes implantées par voie stéréotaxique et connectées la tolérance de la SCP grâce à des essais plus larges [9].
à un générateur réglable à distance et placé en sous-
cutané dans la région sous-claviculaire ou abdominale.
Contrairement à la psychochirurgie lésionnelle, le SCP C onclusion
est une technique réversible et modulable, les électrodes
peuvent être déplacées et les paramètres de réglage ajus-
tés pour optimiser l’efficacité et limiter les effets secon- Malgré l’efficacité reconnue de nombreux traitements
daires. La SCP est un traitement reconnu pour certains antidépresseurs, le risque de rechute, la persistance de
troubles moteurs (dystonie, tremblement essentiel, symptômes résiduels, voire l’absence de réponse malgré

396
PERSPECTIVES : QUELS ANTIDÉPRESSEURS POUR DEMAIN ?

plusieurs lignes de traitements constituent des situations 10. Burt T, Lisanby SH, Sackeim HA. Neuropsychiatric
cliniques fréquentes. Développer de nouvelles stratégies applications of transcranial magnetic stimulation : a meta
relève donc d’un véritable challenge nécessitant une analysis. Int J Neuropsychopharmacol, 2002, 5 : 73-103.
11. Cassano P, Lattanzi L, Fava M et al. Ropinirole in
connaissance toujours plus approfondie et transversale treatment-resistant depression : a 16-week pilot study. Can
de la neurobiologie de la dépression, grâce à l’apport J Psychiatry, 2005, 50 : 357-360.
des modèles animaux, de la pharmacogénétique, de 12. Cassano P, Lattanzi L, Soldani F et al. Pramipexole
l’imagerie cérébrale fonctionnelle. L’expérimentation in treatment-resistant depression : an extended follow-up.
au lit du malade, diffusée par la publication de cas cli- Depress Anxiety, 2004, 20 : 131-138.
nique ou d’essais ouverts de petite taille, est susceptible 13. Cleary C, Linde JAS, Hiscock KM et al. Antidepressive-
like effects of rapamycin in animal models : Implications
de jouer un rôle important pour découvrir le potentiel
for mTOR inhibition as a new target for treatment of affec-
antidépresseur de certaines molécules déjà utilisées dans tive disorders. Brain Res Bull, 2008, 76 : 469-473.
d’autres spécialités médicales. Certaines d’entre elles 14. Corya SA, Williamson D, Sanger TM et al. A rando-
suscitent actuellement la curiosité des psychiatres, mais mized, double-blind comparison of olanzapine/fluoxetine
seules des études plus approfondies permettront d’en combination, olanzapine, fluoxetine, and venlafaxine in
dégager un éventuel avantage. treatment-resistant depression. Depress Anxiety, 2006, 23 :
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15. Cremers TIFH, Giorgetti M, Bosker FJ et
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397
Autres aspects

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398
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399
L iste des principales abréviations
........

Afssaps Agence française de sécurité sani- DMP Différence moyenne pondérée


taire des produits de santé DMS Différence moyenne standardisée
AIRS Antagoniste inhibiteur de la recap- ECT Électroconvulsivothérapie
ture de la sérotonine EDM Épisode dépressif majeur
ANSM  Agence nationale de sécurité du eEF2 Eukaryotic elongation factor 2
médicament et des produits de santé EFEMERIS Enquête « évaluation chez la femme
ASEX Arizona sexual experience scale enceinte des médicaments et de leurs
ATC Antidépresseur tricyclique risques »
ATRQ  Massachusetts General Hospital antide- EMA European Medicines Agency
pressant treatment response questionnaire EMDR  Eyes movement desensitization and
ATV Aire tegmentale ventrale reprocessing
AUC Area under curve ESEMeD European study of the epidemiology of
BDI Beck depression inventory mental disorders
BDNF Brain-derived neurotrophic factor 18
F-FDG 18
F-Fluorodésoxyglucose
BDQ Belief about depression questionnaire FMO Flavine mono-oxydase
BOLD Blood oxygen level-dependent FST Forced swim test
CANMAT Canadian Network for Mood and GAF Global assessment functioning
Anxiety Treatments GDNF Growth-derived nerve factor
CAPS Clinician-administrered TTSD scale GR Récepteur des glucocorticoïdes
CCA Cortex cingulaire antérieur GSK3 Glycogen synthase kinase 3
CCP Cortex cingulaire postérieur HAM Hamilton anxiety scale
CDS Calgary depression scale HDRS Hamilton depression rating scale
CERB cAMP response element-binding protein HHS Hypothalamo-hypophyso-surrénalien
CFF Test de fréquence critique de fusion 5-HIAA Acide 5-hydroxy-indole acétique
CGI-S Clinical global impression-severity scale 5-HT Sérotonine
CMS Chronic mild stress HVA Acide homovanillique
CNV Copy number variation IASP  International Association for the
CPM Cortex préfrontal médial Study of Pain
CSFQ Changes in sexual function questionnaire ICH  International Conference on
DA Dopamine Harmonisation of Technical
DAT Transporteur de la dopamine Requirements for Registration of
DBS Deep brain stimulation Pharmaceuticals for Human Use
DBT Dialectical behavior therapy IMAO Inhibiteur de la monoamine oxydase
DES Dissociative experience scale IRMA Inhibiteur sélectif et réversible de la
DESS  Discontinuation-emergent signs and MAO-A
symptoms IRND  Inhibiteur de la recapture de la
DISN Désinhibiteur de la sérotonine et de noradrénaline et de la dopamine
la noradrénaline IRSNa Inhibiteur de la recapture de la séro-
DLPFC Cortex préfrontal dorsolatéral tonine et de la noradrénaline

401
Les antidépresseurs

ISRD  International Society for Bipolar PRESexDQ 


Psychiatric-related sexual dysfunction
Disorders questionnaire
ISRNa Inhibiteur sélectif de la recapture de RCP  Résumé des caractéristiques des
la noradrénaline produits
ISRS Inhibiteur sélectif de la recapture de RSAS Échelle d’anxiété sociale Liebowitz
la sérotonine RSI Rush sexual inventory
KAPP  Profil psychodynamique du SAPAS  Standardised assessment of personality
Karolinska abbreviated scale
KO Knock-out SCP Stimulation cérébrale profonde
LADME Libération, absorption, distribution, SERT Transporteur de la sérotonine
metabolisme, exécution SMPG Enquête « santé mentale en popula-
MADRS Montgomery-Asberg depression rating tion générale »
scale SMT  Stimulation magnétique transcrâ-
MAO Monoamine oxydase nienne
mCPP Méta-chlorophénylpipérazine SNP Single nucleotide polymorphisme
MEG Magnéto-encéphalographie SNV Stimulation du nerf vague
MINI  Mini-international neuropsychiatric SNV Stimulation électrique du nerf vague
interview SPECT Tomographie par émission mono­
ML Métabolisme lent photonique
MR Métabolisme rapide STAI State-trait anxiety inventory
MST Magnetic seizure therapy STAR*D  Sequenced treatment alternatives to
mTOR Mammalian target of rapamycin relieve depression
MUR Métabolisme ultrarapide STAXI State-trait anger expression inventory
NA Noradrénaline TAG Trouble anxieux généralisé
NAC Noyau accumbens TCC Thérapie cognitivo-comportementale
NAT Transporteur de la noradrénaline TDM Therapeutic drug monitoring
NCS-R National comorbidity survey II TEP Tomographie par émission de positons
NESARC 
National epidemiologic survey on TOC Trouble obsessionnel-compulsif
alcohol and related conditions TST Tail suspension test
NICE National Institute for Health and UCMS Unpredictible chronic mild stress
Clinical Excellence UGT UDP-glycuronosyltransférase
NIMH National Institute of Mental Health UPRDS  Unified Parkinson’s disease rating scale
NNH Number needed to harm WFSB  World Federation of Societies of
NNT Number needed to treat Biological Psychiatry
NSC Noyau suprachiasmatique WMH-CIDI 
World mental health-composite inter-
NSF Novelty suppressed feeding test national diagnostic interview
OAS-R Overt aggression scale-revised WT Type sauvage
PDS Psychotic depression scale YBOCS Yale-Brown obsessive compulsive scale
P-gp Glycoprotéine P YMRS Young mania rating scale
PHQ Patient health questionnaire ZSG Zone sous-granulaire
PI3K Phosphatidyl inositol 3 kinase ZSV Zone sous-ventriculaire

402
D éclaration de conflits d ’ intérêt
........

Baumann Pierre, déclare ne pas avoir de conflit d’intérêt en lien avec le texte publié.
Becquemont Laurent, déclare des relations avec les laboratoires Servier et Sanofi.
Bellivier Frank, déclare ne pas avoir de conflit d’intérêt en lien avec le texte publié.
Bertschy Gilles, déclare ne pas avoir de conflit d’intérêt en lien avec le texte publié.
Bordet Régis, déclare des communications rémunérées avec les laboratoires Lundbeck, BMS, Servier et
Janssen-Cilag.
Bougerol Thierry, déclare des invitations à des congrès, des interventions en tant qu’orateur ou modérateur
de session dans des colloques organisés par des laboratoires de l’industrie pharmaceutique commercialisant
certains des produits cités dans l’article.
Boulenger Jean-Philippe, déclare ne pas avoir de conflit d’intérêt en lien avec le texte publié.
Briki Malick, déclare ne pas avoir de conflit d’intérêt en lien avec le texte publié.
Butlen-Ducuing Florence, déclare ne pas avoir de conflit d’intérêt en lien avec le texte publié.
Corruble Emmanuelle, déclare des activités de conseillère auprès des laboratoires BMS-Otsuka, Eisai,
Lundbeck, Sanofi et Servier.
Coudoré François, déclare ne pas avoir de conflit d’intérêt en lien avec le texte publié.
Courtet Philippe, déclare des relations avec les laboratoires Astra Zeneca, BMS, Janssen-Cilag, Ludbeck et
Otsuka.
David Denis, déclare ne pas avoir de conflit d’intérêt en lien avec le texte publié.
Delaveau Pauline, déclare un financement de l’Institut de recherches internationales Servier (IRIS).
Delavenne Héloïse, déclare ne pas avoir de conflit d’intérêt en lien avec le texte publié.
Dereux Alexandra, déclare ne pas avoir de conflit d’intérêt en lien avec le texte publié.
Duarte Garcia Frederico, déclare ne pas avoir de conflit d’intérêt en lien avec le texte publié.
Fève Bruno, déclare ne pas avoir de conflit d’intérêt en lien avec le texte publié.
Fossati Philippe, déclare des relations avec les laboratoires Servier, Lundbeck et Lilly.
Gaillard Adeline, déclare ne pas avoir de conflit d’intérêt en lien avec le texte publié.
Gaillard Raphaël, déclare des relations avec les laboratoires AB Sciences, Astra Zeneca, BMS-Otsuka, Pierre
Fabre, Janssen, Lilly, Lundbeck, Roche, Sanofi et Servier.
Gallarda Thierry, déclare ne pas avoir de conflit d’intérêt en lien avec le texte publié.
Gardier Alain, déclare ne pas avoir de conflit d’intérêt en lien avec le texte publié.
Gilquin Anne Flavie, déclare ne pas avoir de conflit d’intérêt en lien avec le texte publié.
Ginestet Daniel, déclare ne pas avoir de conflit d’intérêt en lien avec le texte publié.
Gorwood Philip, déclare des financements de recherche des laboratoires Eli Lilly et Servier ainsi que des rétri-
butions pour communications en congrès ou expertises scientifiques des laboratoires Astra Zeneca, BMS,
Ethypharm, Janssen-Cilag, Lilly, Lundbeck, Roche et Servier.
Gressier Florence, déclare ne pas avoir de conflit d’intérêt en lien avec le texte publié.
Guelfi Julien-Daniel, déclare ne pas avoir de conflit d’intérêt en lien avec le texte publié.
Guiard Bruno, déclare ne pas avoir de conflit d’intérêt en lien avec le texte publié.
Guilloux Jean-Philippe, déclare ne pas avoir de conflit d’intérêt en lien avec le texte publié.
Hache Guillaume, déclare ne pas avoir de conflit d’intérêt en lien avec le texte publié.
Haffen Emmanuel, déclare ne pas avoir de conflit d’intérêt en lien avec le texte publié.
Hamon Michel, déclare ne pas avoir de conflit d’intérêt en lien avec le texte publié.

403
Les antidépresseurs

Jouvent Roland, déclare ne pas avoir de conflit d’intérêt en lien avec le texte publié.
Krebs Marie-Odile, déclare ne pas avoir de conflit d’intérêt en lien avec le texte publié.
Krieger Vincent, déclare ne pas avoir de conflit d’intérêt en lien avec le texte publié.
Lanfumey Laurence, déclare ne pas avoir de conflit d’intérêt en lien avec le texte publié.
Lejoyeux Michel, déclare ne pas avoir de conflit d’intérêt en lien avec le texte publié.
Llorca Pierre-Michel, déclare être consultant pour les laboratoires Astra Zeneca, Lilly, Lundbeck, Servier et
Sanofi.
Maricourt Pierre de, déclare ne pas avoir de conflit d’intérêt en lien avec le texte publié.
Martinez Gilles, déclare ne pas avoir de conflit d’intérêt en lien avec le texte publié.
Martinot Jean-Luc, déclare ne pas avoir de conflit d’intérêt en lien avec le texte publié.
Moisan Delphine, déclare ne pas avoir de conflit d’intérêt en lien avec le texte publié.
Moncany Anne-Hélène, déclare ne pas avoir de conflit d’intérêt en lien avec le texte publié.
Mongeau Raymond, déclare ne pas avoir de conflit d’intérêt en lien avec le texte publié.
Naveau Sylvie, n’a pas déclaré de conflit d’intérêt.
Nourry Aurore, déclare ne pas avoir de conflit d’intérêt en lien avec le texte publié.
Olié Émilie, déclare des relations avec les laboratoires Astra Zeneca, BMS, Lundbeck et Servier.
Passerieux Christine, déclare ne pas avoir de conflit d’intérêt en lien avec le texte publié.
Pelissolo Antoine, déclare des collaborations scientifiques ou pédagogiques ponctuelles avec les laboratoires
Lilly, Eutherapie et Lundbeck.
Perlemuter Gabriel, est expert auprès de Physiogenex, des laboratoires Roche et de l’Institut de recherches
internationales Servier (IRIS).
Petit Pierre, déclare ne pas avoir de conflit d’intérêt en lien avec le texte publié.
Poirier Marie-France, déclare ne pas avoir de conflit d’intérêt en lien avec le texte publié.
Purper-Ouakil Diane, a déclaré être co-investigateur d’essais cliniques dans l’EDM pédiatrique en 2009.
Quillerou Bluenn, déclare ne pas avoir de conflit d’intérêt en lien avec le texte publié.
Roblin Julie, déclare ne pas avoir de conflit d’intérêt en lien avec le texte publié.
Rouillon Frédéric, déclare des honoraires pour des conférences ou une participation à des essais thérapeutiques
pour les laboratoires Servier, Lilly, Janssen-Cilag, Lundbeck et Sanofi.
Saravane Djéa, déclare ne pas avoir de conflit d’intérêt en lien avec le texte publié.
Schmitt Laurent, déclare ne pas avoir de conflit d’intérêt en lien avec le texte publié.
Sechter Daniel, déclare ne pas avoir de conflit d’intérêt en lien avec le texte publié.
Thibaut Florence, déclare ne pas avoir de conflit d’intérêt en lien avec le texte publié.
Tournier Marie, déclare ne pas avoir de conflit d’intérêt en lien avec le texte publié.
Turpin Elena, déclare ne pas avoir de conflit d’intérêt en lien avec le texte publié.
Vandel Pierre, déclare ne pas avoir de conflit d’intérêt en lien avec le texte publié.
Verdoux Hélène, déclare ne pas avoir de conflit d’intérêt en lien avec le texte publié.
Verstuyft Céline, déclare ne pas avoir de conflit d’intérêt en lien avec le texte publié.
Vidailhet Pierre, déclare des interventions ponctuelles pour les laboratoires Roche, BMS, Otsuka, Janssen,
Astra Zeneca et Lundbeck.
Voican Cosmin Sebastian, n’a pas déclaré de conflit d’intérêt.
Vulser Hélène, déclare ne pas avoir de conflit d’intérêt en lien avec le texte publié.
Yadak Julien, déclare ne pas avoir de conflit d’intérêt en lien avec le texte publié.
Yon Liova, déclare ne pas avoir de conflit d’intérêt en lien avec le texte publié.
Younès Nadia, déclare ne pas avoir de conflit d’intérêt en lien avec le texte publié.

404
I ndex
........

Les folios en gras renvoient aux pages où le sujet est principalement traité.

A Anti-agrégant plaquettaire, 265


Antihistaminiques, 275
Absorption, 85, 103 Antipsychotiques atypiques, 388
Accident vasculaire cérébral, 195 Appétit, 274
Activation (syndrome d’), 383 Approche catégorielle/dimensionnelle, 200
Addictions, 78, 210, 339 Aripiprazole, 389
co-morbidité somatique, 344 Arrêt (syndrome d’), 256
facteurs de risque, 344 Aspects médicolégaux, 380
risque suicidaire, 345 Aspirine, 264, 265, 266
vulnérabilité, 342 Assurance maladie, 140
Adipokine, 275 Atypiques (antidépressseurs), 21
Administration intraveineuse, 156 Automédication, 340
Adolescent, 141, 297
indications des antidépresseurs, 301
pharmaco-épidémiologie, 301 B
rapport bénéfices/risques, 250
risque létal, 300 Barbituriques, 16
risque suicidaire, 247 BDNF, 25
tolérance, 300 Benzodiazépines, 16
toxicité, 300 Biaminergiques, 348
Agomélatine, 6, 41, 162, 226, 388 Biodisponibilité, 83, 85
Agonistes Boulimie, 207
dopaminergiques, 389 Brofaromine, 153
des récepteurs de la mélatonine, 370 Bupropion, 41, 348
des récepteurs NK1, 134
Agressivité, 354
AINS, 264, 265 C
Akathisie induite par les neuroleptiques, 334
Allaitement, 314 Carbamazépine, 262, 264
recommandations, 316 Cardiopathie ischémique, 266
Alzheimer (maladie d’), 370 Cholestérol, 272
Amineptine, 153 Citalopram, 5, 160, 176, 178, 263, 265, 311, 315, 369
Amitriptyline, 4, 161, 186 Clairance, 84
Amoxapine, 4 Classification
Ampakines, 391 des antidépresseurs, 1
Amphétamines, 1 – biochimique, 9
Antagonistes – chimique, 8
NK, 390 – thérapeutique, 9
des récepteurs NMDA, 390 des psychotropes, 4

405
Les antidépresseurs

Clomipramine, 4, 20, 161, 176, 179 E


Coagulation (trouble de la), 265
Cognition, 75, 114 Effet(s)
Colère, 354 add on, 158
Collaboration psychiatre-somaticien, 360 antalgique, 7
Comportement antidépresseur, 73
agressif, 381, 384 cognitifs, 114
violent, 380 – bénéfiques, 120
Concentration plasmatique, 92, 93 – délétères, 115
Conduite automobile, 121 indésirables, 69, 219
Co-prescription, 140 – observance, 377
Cortex cingulaire antérieur, 135 – sexuels, 233
Cycles rapides, 168, 240 métaboliques, 274
Cytochrome P450, 87, 98, 104, 263, 266 neurobiologiques, 15
neuropsychologiques, 132
précoces, 131
psychostimulants, 154
D stimulants, 383
Électroconvulsivothérapie, 18, 30, 57, 392
Demi-vie d’élimination, 84, 90 Élimination, 107
Dépression, 165 Émotions, 74, 129
atypique, 155 biais négatifs, 131
bipolaire, 239 biais positifs, 132
co-morbide, 155 expressions faciales, 130
croyances sur la, 377 reconnaissance des, 129
dimensions symptomatiques réponse cérébrale, 133
et douleur chronique, 192 Endocrinopathies, 359
échelles d’évaluation, 63 Enfant, 141, 297
maternelle, 309 essais cliniques, 68
mineure, 212 indications des antidépresseurs, 301
modifications de la cognition, 123 pharmacocinétique, 92
post-AVC, 365 pharmaco-épidémiologie, 301
post-psychotique, 155 prescription chez l’, 8
récidive/rechute, 145, 157 rapport bénéfices/risques, 250
résistance, 159 risque létal, 300
saisonnière, 155 risque suicidaire, 247
dans la schizophrénie, 331 tolérance, 300
subsyndromique, 212 toxicité, 300
traitement préventif Épilepsie, 370
Désinhibiteur, 153 Épisode dépressif majeur, 5, 324
Désipramine, 41, 160 enfant et adolescent, 301, 306
Désir sexuel, 231 Équilibre
Desvenlafaxine, 387 glycémique, 277
Diabète, 269, 270, 273 lipidique, 277
Distribution, 85, 107 Escitalopram, 5, 160, 176, 178, 181, 183
Diurétiques thiazidiques, 262, 264 ESEMed (étude), 139
Dosulépine, 4, 161 Essais cliniques, 61
Douleur, 78 critères
chronique, 192, 359 – diagnostiques, 63
neuropathique, 195, 208 – de jugement, 63
Doxépine, 4, 161 double aveugle, 65
DSM-5, 70 fiabilité, 64
DUAG (Danish University Antidepressant Group), 153 fidélité
Duloxétine, 6, 160, 182, 263 – interjuges, 64
Durée du traitement, 145 – temporelle, 64
Dyslipidémie, 270 phases I, II, III, 61, 62

406
INDEX

randomisation, 65 I
représentativité, 66
sensibilité, 64 Imagerie cérébrale, 5
taille de l’effet, 66 IMAO, 3
validité interne, 66 addictions, 347
État d’équilibre, 85 effets indésirables, 24, 221
Excitation sexuelle, 231 enfant et adolescent, 299
Excrétion, 91 état de stress post-traumatique, 186
Exposition in utero, 142 hyponatrémie, 262
Ey (H.), 11 mécanismes d’action, 18
phobie sociale, 184
TOC, 177
F trouble dépressif unipolaire, 153
trouble panique, 179
Fibromyalgie, 196, 209 Imipramine, 2, 4, 20, 41, 160
Filières de soins, 144 Imipraminiques
Fluoxétine, 5, 160, 167, 176, 179, 184, 185, 263, 265, addictions, 347
311, 315, 367, 370 concentrations plasmatiques, 92
Fluvoxamine, 5, 41, 160, 176, 179, 184, 263, 266 douleur chronique, 193
Fœtoxicité, 310 effets indésirables, 24, 220
Fonctions psychosociales, 77 enfant et adolescent, 297
état de stress post-traumatique, 186
hyponatrémie, 262
interactions médicamenteuses, 104
G mécanismes d’action, 20
risque tératogène, 310
Galantamine, 390 TOC, 176
Glutamate, 135 trouble anxieux
Glycogen synthase kinase 3, 391 – généralisé, 182
Glycoprotéine P, 85, 86, 91 – panique, 179
Grossesse, 142, 309 Impulsivité, 354, 382
pharmacocinétique, 92 Indalpine, 153
prise de poids, 313 Index thérapeutique, 11
Indice de masse corporelle, 271
Inhibiteurs
H de l’AChE, 390
de l’eEF2 kinase, 391
Hémorragie digestive, 264 de mTOR, 391
Hépatite de la phosphodiestérase de type 5, 235
cholestatique, 286 des récepteurs des gluocorticoïdes, 389
cytolytique, 286 de la synthèse des glucocorticoïdes, 389
idiosyncrasique, 284 Insomnie, 210
médicamenteuse, 281 Insuline, 269, 276
mixte, 286 résistance à l’, 271
Hépatocytes, 277 Interactions médicamenteuses, 102, 335
Hépatotoxicité, 281 épidémiologie, 102
Hormone antidiurétique, 262, 263, 264 pharmacocinétiques, 103
5-HTTLPR (polymorphisme), 99 pharmacodynamiques, 107
Hyperglycémie, 270 Intestin irritable (syndrome de l’), 209
Hypersomnie, 210 Iproniazide, 2, 4, 18, 162, 179, 184
Hypertension artérielle, 274 IRM, 55
Hyponatrémie, 262, 313 fonctionnelle, 57
Hypothèse IRND, 387
monaminergique, 40 effets indésirables, 224
neurotrophique, 40 – amphétamine-like, 224

407
Les antidépresseurs

IRSNa, 6, 184, 387 Maprotiline, 4, 22, 41, 161


douleur chronique, 193, 194 Médecin généraliste, 144
effets indésirables, 25, 223, 224 Métaboliseur lent, 98
enfant et adolescent, 299 Métabolisme
état de stress post-traumatique, 185 basal, 275
hyponatrémie, 263 glucidique, 269-271, 277
interactions médicamenteuses, 106 hépatique, 87, 104
mécanismes d’action, 23 lipidique, 270, 271, 277
trouble Miansérine, 6, 162
– anxieux généralisé, 182 Migraine, 209
– dépressif unipolaire, 153 Milnacipran, 6, 160
– panique, 179 Mirtazapine, 6, 162, 186, 263
Isoniazide, 18 Moclobémide, 6, 162, 184
ISRS, 5 Modèles animaux, 40, 269
addictions, 347 fondés sur les interactions humaines, 46
dépression post-AVC, 368 injections chroniques de corticostérone, 47
douleur chronique, 194 résignation apprise, 45
effets indésirables, 25, 222 stress modéré chronique, 45
enfant et adolescent, 298 Moelle osseuse (lésions de la), 195
état de stress post-traumatique, 185 Monoamine oxydase, 18
hyponatrémie, 263, 264 Morbi-mortalité cardiovasculaire, 274
interactions médicamenteuses, 106
maladies somatiques, 362
phobie sociale, 183 N
risque hémorragique, 109, 265
syndrome d’arrêt, 256
Neurogenèse, 27, 365
TOC, 176
Neuroleptiques, 262
trouble
Neuropathie
– anxieux généralisé, 181
médicamenteuse, 196
– dépressif unipolaire, 153
post-zostérienne, 195
– panique, 178
Neuroplasticité cérébrale, 124, 365
Neurotransmission glutamatergique, 28
K Névralgie
glossopharyngée, 196
Kétamine, 135, 391 du trijumeau, 196
Nicotine, 262
Nomifensine, 153
L Nortriptyline, 367

LADME (système), 85
Leptine, 275 O
Lithium, 391
Loi Huriet, 61 Obésité, 208
Lombalgie chronique douloureuse, 195 abdominale, 273
Observance, 94, 236, 375
M déterminants, 376
évaluation, 375
inefficacité du traitement, 378
Maladies
prévalence, 376
cardiovasculaires, 359
métaboliques, 269
neurodégénératives, 368
neurologiques, 327, 359, 365 P
Malformation
cardiaque congénitale, 310 Pancréas, 276
septale congénitale, 311 Parkinson (maladie de), 369

408
INDEX

Paroxétine, 5, 41, 160, 166, 176, 178, 181, 183, 185, Récepteurs
263, 312, 315 a2-adrénergiques, 388
pCREB, 25 5-HT1A/1B, 387
pERK, 25 5-HT2, 56, 388
Personnalité (troubles de la), 352 Relation patient-médecin, 377
antisociale, 355 Résistance, 67, 80
borderline, 354 Risque
catégories, 352 cardiovasculaire, 269
dimensions, 353, 357 hémorragique, 109
efficacité des antidépresseurs, 353 suicidaire, 156, 247, 345, 382
évitante, 355 – Afssaps, 250
schizotypique, 334, 355 – EMEA, 249
Personne âgée, 141, 320 – études observationnelles, 251
essais cliniques, 68 – facteurs génétiques, 252
hyponatrémie, 262, 263 – facteurs de risque
métabolisme hydro-électrolytique, 263 – – cliniques, 251
modifications physiologiques, 321 – – neurobiologiques, 252
monitoring biologique, 323 – méta-analyses, 248
pharmacocinétique, 92 Rythmes circadiens, 29, 76
pharmacogénétique, 323
rapport efficacité/tolérance, 326
risque suicidaire, 251 S
Pharmacocinétique, 79, 82
Pharmacodynamie, 72 Saignement, 264, 265
biomarqueurs, 79 « Santé mentale en population générale » (enquête), 139
variabilité de la réponse, 80 SARD*D (programme), 67
Pharmaco-épidémiologie, 138 Schizophrénies, 331
Pharmacogénétique, 69, 97 Sclérose
Pharmacovigilance, 70 multiple, 195
Phénelzine, 177, 186 en plaques, 370
Phobie sociale, 183 Sécrétion inappropriée d’hormone antidiurétique, 263
Placebo, 62, 66 Sérendipité, 3
Poids (prise de), 272, 277 Sérotonine
Polyneuropathie diabétique, 195 inhibition de la recapture de la, 5
Post-partum, 309 mécanismes de l’hémostase, 266
Potentialisateurs des récepteurs AMPA, 390 récepteurs de la, 263
Prématurité, 313 transporteur de la, 99
Prescriptions Sertraline, 5, 41, 154, 160, 176, 179, 182, 184, 185,
abusives, 212 263, 265, 312, 315
dimensionnelles, 200 Sexualité, 77, 229
Profil métabolique, 277 échelles de mesure, 230
Psychobiologie, 202 psychopharmacologie, 232
Psychose, 334 Sismothérapie, 1
Psychostimulants, 16 Sommeil, 75
Psychothérapies, 57 Souris génétiquement modifiées, 49
Stimulation
cérébrale profonde, 31, 58, 396
Q électrique du nerf vague, 31, 392
magnétique transcrânienne, 31, 58, 159, 392
Qualité de vie, 229 Stress post-traumatique (état de), 7, 185
Suicide, 11, 146, 382
Surconsommation, 11
R Symptômes négatifs, 333
Syndrome
Ratio lait/plasma, 315 métabolique, 273
Réboxétine, 153, 263 néonatal, 313

409
Les antidépresseurs

Syndrome (suite) – enfant et adolescent, 304, 306


sérotoninergique, 108, 227 – généralisé, 181
– critères diagnostiques, 227 – obsessionnel-compulsif, 7, 175, 304, 306
– diagnostic différentiel, 227 – panique, 7, 178
– prise en charge, 227 – social, 7
Système GABAergique, 16 – violence, 380
bipolaire, 165
– essais cliniques, 68
T – virage maniaque, 238
Taille d’effet, 163 déficitaire de l’attention avec hyperactivité, 207
Tempérament, 201 dépressif unipolaire, 153
Tentative de suicide, 146, 241 dysphorique prémenstruel, 206
Tératogenèse, 310 dysthymique, 155, 206
Test Tyramine, 220
d’alimentation supprimée par la nouveauté, 44
du champ ouvert, 44
du labyrinthe en croix surélevée, 44
de nage forcée, 45 V
de suspension caudale, 45
Théophylline, 262 Variations pondérales, 272
Tianeptine, 6, 162 Venlafaxine, 6, 41, 154, 160, 177, 179, 182, 184, 263,
Tissu adipeux, 277 265
Titration, 156 Virage maniaque, 167, 238
Tomographie par émission abus de substances, 241
monophotonique (SPECT), 5 âge de début, 241
de positons (TEP), 5 antécédents familiaux de trouble bipolaire, 241
Torsades de pointes médicamenteuses, 109 catécholamines, 243
Toxicité cardiaque, 109 génétique, 242
Trazadone, 153 personnalité, 241
Triglycérides, 272 tempérament, 241
Tri-iodothyronine, 388 tentative de suicide, 241
Trimipramine, 4, 161 transporteur de la sérotonine, 242
Trouble Voie lipogénique, 277
anxieux, 7, 78, 175, 333 Volume de distribution, 84, 85

410

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