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Médecine de la douleur pour le

praticien C. Delorme
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Médecine de la douleur
pour le praticien
Chez le même éditeur

Dans la même collection :


Gériatrie, par J. Belmin, P. Chassagne, P. Friocourt. 3e édition. 2018. 1072 pages.
Gynécologie pour le praticien, par J. Lansac, H. Marret. 9e édition. 2018. 656 pages.
Rhumatologie pour le praticien, par B. Mazières, M. Laroche, A. Constantin. 2018. 712 pages.
Médecine du sport, par H. Monod, P. Rochongar. 4e édition. 2009. 504 pages.
Cardiologie, par J.-P. Delahaye, J.-Y. Artigou, J.-C. Daubert, H. Milon. 3e édition. 2008. 568 pages.
Pédiatrie, par A. Bourillon. 5e édition. 2008. 848 pages.
Médecine de l'adolescent, par P. Alvin, D. Marcelli. 2005. 472 pages.
Hépato-gastro-entérologie proctologie, par J. Fexinos, L. Buscail. 5e édition. 2004. 736 pages.
Urgences, par B. Blettery. 2002. 324 pages.
Cancérologie et hématologie, par. B. Hoerni. 2001. 328 pages.
Pneumologie, par G. Huchon. 2001. 408 pages.
ORL, par C. Dubreuil, J.-C. Pignat, G. Bolot, P. Céruse. 2e édition. 2002. 352 pages.

Autres ouvrages :
Bien débuter – Prise en charge de la douleur, par C. Berlemont, S. Moncayo. 2018. 264 pages.
Douleurs – Soins palliatifs – Deuils – Éthique, par A. De Broca. 2e édition. 2018. 360 pages.
La douleur en ORL, par J.-M. Prades. 2014. 240 pages.
Douleurs thoraciques en urgence, par J.-L. Ducassé. 2005. 288 pages.
Guide pratique du traitement des douleurs, par T. Binoche, C. Martineau. 2e édition. 2005. 368 pages.
Le médecin, le malade et la douleur, par P. Queneau, G. Ostermann. 4e édition. 2004. 648 pages.
Interpréter et traiter les douleurs épigastriques, par M.-A. Bigard. 2003. 192 pages.
Collection Pour le praticien

Médecine
de la douleur
pour le praticien
Ouvrage collectif coordonné par

A. Serrie
MD, PhD. HDR, Professeur Associé des Universités, Spécialiste des hôpitaux, Praticien hospitalier, chef de service,
service de Médecine de la douleur et de Médecine palliative Hôpital Lariboisière, Hôpital Robert Debré Paris,
Rédacteur en chef de la revue spécialisée « Douleurs », membre correspondant de l’Académie Nationale de Médecine,
Président de l’ONG Douleurs Sans Frontières.

C. Delorme
Praticien hospitalier. Médecin généraliste. Médecin spécialiste de l'évaluation et du traitement de la douleur.
Responsable du CETD du CH de Bayeux, coordinatrice du réseau régional douleur Normandie et coordinatrice des
SOS du CLCC de Caen.

M.-L. Navez
Praticien hospitalier, Anesthésiste, Médecin spécialiste de l'évaluation et du traitement de la douleur,
Ex-responsable du CETD du CHU de Saint-Étienne. Enseignante Douleur Université Rhône Alpes Auvergne.
Elsevier Masson SAS, 65, rue Camille-Desmoulins, 92442 Issy-les-Moulineaux cedex, France
Médecine de la douleur pour le praticien, coordonné par Alain Serrie, Claire Delorme, Marie-Louise Navez.
© 2020, Elsevier Masson SAS
ISBN : 978-2-294-76067-9
e-ISBN : 978-2-294-76231-4
Campus : 978-2-294-76984-9
Tous droits réservés.

Les praticiens et chercheurs doivent toujours se baser sur leur propre expérience et connaissances pour évaluer et utiliser toute
information, méthodes, composés ou expériences décrits ici. Du fait de l'avancement rapide des sciences médicales, en particulier,
une vérification indépendante des diagnostics et dosages des médicaments doit être effectuée. Dans toute la mesure permise par
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sentation intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit, des pages publiées dans le présent ouvrage, faite sans l'autorisation
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scientifique ou d'information de l'œuvre dans laquelle elles sont incorporées (art. L. 122-4, L. 122-5 et L. 335-2 du Code de la pro-
priété intellectuelle).

Légendes et crédits de la couverture (de gauche à droite et de haut en bas), Copyright © 2019 Adobe Stock :
1. Lombalgies
2. Examen clinique
3. Explorations à visée diagnostique
4. Céphalées
5. Thérapies pharmacologiques
6. Outils d'évaluation de l'intensité, Copyright © 2019 BSIP.
7. Infiltrations
8. Thérapies non pharmacologiques
9. Prise en charge globale

Les illustrations 1.01, 1.02, 4.02, 17.05, 18.11, 18.18, 18.19, 26.02b ont été réalisées par Carole Fumat.

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donc que la reproduction et la vente sans autorisation, ainsi que le recel, sont passibles de poursuites. Les demandes d'auto-
risation de photocopier doivent être adressées à l'éditeur ou au Centre français d'exploitation du droit de copie : 20, rue des
Grands-Augustins, 75006 Paris. Tél. 01 44 07 47 70.
Liste des collaborateurs

Les coordinateurs Célian Bertin, Médecin psychiatre-addictologue. Chef de


Alain Serrie, MD, PhD. HDR, Professeur Associé des clinique. Assistant hospitalier. Service de Pharmacologie
Universités, Spécialiste des hôpitaux, Praticien hospitalier, chef Médicale et CETD, CHU de Clermont-Ferrand, Inserm
de service, service de Médecine de la douleur et de Médecine 1107, OFMA, Fondation Institut Analgesia.
palliative Hôpital Lariboisière, Hôpital Robert Debré Paris, Philippe Bertin, Professeur des universités. Practicien
Rédacteur en chef de la revue spécialisée « Douleurs », hospitalier. Rhumatologue. Chef du service de rhumatologie
membre correspondant de l'Académie Nationale de Médecine, et du Centre de la douleur, CHU de Limoges.
Président de l'ONG Douleurs Sans Frontières. Thibault Besselièvre, Néphrologue. Service de Néphrologie-
Claire Delorme, Praticien hospitalier. Médecin généraliste. dialyse. Centre Hospitalier Mémorial de Saint-Lô.
Médecin spécialiste de l'évaluation et du traitement de la Antoine Bioy, Professeur des universités, université
douleur. Responsable du CETD de l'hôpital de Bayeux, Paris 8. Docteur en psychologie, psychothérapeute ARS.
coordinatrice du réseau régional douleur Normandie et Responsable scientifique du Centre de Formation et
coordinatrice des SOS du CLCC de Caen. d'Études en Hypnose, IPNOSIA.
Marie-Louise Navez, Praticien hospitalier. Anesthésiste. Daniel Bontoux, Professeur émérite des universités.
Médecin spécialiste de l'évaluation et du traitement de la Rhumatologue. Membre de l'Académie nationale de médecine.
douleur. Ex-responsable du CETD du CHU de Saint-Étienne. Nicolas Bourdel, Professeur. Service de chirurgie
Enseignante Douleur Université Rhône Alpes Auvergne. gynécologique, CHU Clermont-Ferrand.
Olivier Bredeau, Praticien hospitalier. CETD, CHU de
Nîmes.
Les auteurs Paul Calmels, Praticien hospitalier. Docteur en médecine
Pierre Albaladejo, Professeur des universités. Praticien physique et réadaptation. Service MPR, Pôle neuro ostéo
hospitalier. Pôle anesthésie-réanimation, CHU de loco-moteur, CHU de Saint-Étienne.
Grenoble-Alpes. Bernard Calvino, Professeur des universités honoraire.
Denis Ardid, Professeur des universités, université Clermont Neurophysiologiste.
Auvergne. Responsable de l'équipe de pharmacologie François Chast, Pharmacien des Hôpitaux de Paris.
fondamentale et de la clinique de la douleur – UMR Président du Comité des vigilances et risques sanitaires.
Neuro-Dol. Chef de service, CHU Necker-Enfants malades.
Nadine Attal, Professeur des universités, praticien hospitalier Élisabeth Collin, MD, PhD, Responsable de la
de thérapeutique. Neurologue. Hôpital Ambroise Paré. Consultation d'Étude et de traitement de la Douleur, GH
Fré d é r i c Au br u n , Profe s s e u r d e s u n i v e r s it é s , Paris-Seine-Saint-Denis.
université Lyon 1. Praticien hospitalier. Chef du service Aurélie Comptour, Ingénieur hospitalier. Service de
d'anesthésie-réanimation du CHU de Lyon. chirurgie gynécologique, CHU de Clermont-Ferrand. Unité
Nicolas Authier, Professeur des universités. Praticien CRECHE, Université Clermont-Auvergne. INSERM, CIC
hospitalier. Médecin psychiatre. Chef du service de 1405.
Pharmacologie Médicale et du CETD. CHU de Clermont- Christine Courteix, Professeur des Universités. Service de
Ferrand, Inserm 1107, OFMA, Fondation Institut Analgesia. Physiologie, Faculté de Pharmacie, Université Clermont
Véronique Barfety-Servignat, Psychologue clinicienne. Auvergne U1107 Inserm Neuro-Dol.
CS Douleur et Rhumatologie, CHU de Lille. Chercheure Georges Daccache, Clinicien hospitalier. Anesthésiste-
associée LPN Paris 8. Responsable du DIU clinique et réanimateur. Service d'anesthésie-réanimation, CHU de Caen.
psychopathologie de la douleur, université de Lille. Noémie Delage, Praticien hospitalier. Médecin
Denis Baylot, Anesthésiste. Médecin de la douleur. Pôle algologue. Anesthésiste-réanimateur. CETD, CHU de
consultation de la Mutualité française Loire, centre Léon Clermont-Ferrand.
Bérard, Lyon. Rodrigue Deleens, Praticien hospitalier. Médecin de la
Valérie Beauvieux, Praticien hospitalier. Médecin douleur. CETD, CHU de Rouen.
généraliste. Clinique Le Castelet, CHU de Nîmes. Cécile Delours, Juriste spécialisée en droit de la santé et en
Jean-Gabriel Bechier, Médecin algologue. CETP-NHP, droit des assurances.
Hôpital des Franciscaines. Geneviève Demarquay, Neurologue. CETD, service
Anne Bera-Louville, Rhumatologue. Service de rhumatologie, de neurologie fonctionnelle et d'épileptologie. Hôpital
CETD, pôle de neurosciences, CHRU Lille. neurologique et neurochirurgical Pierre Wertheimer.

XV
XVI   Liste des collaborateurs

Vianney Descroix, Professeur des universités, UFR Bernard Laurent, Professeur des universités. Praticien
d'Odontologie de l'Université de Paris. Praticien hospitalier. hospitalier. Neurologue. CETD de Saint- Étienne, INSERM
Consultation de la douleur chronique orofaciale et hypnose U 1028 neuropain.
médicale, Service d'Odontologie, GH APHP Sorbonne Soliman Le Bigot, Avocat au barreau de Paris. Droit de la
Université (Pitié-Salpêtrière). santé. Cabinet LBM Avocats.
Marie-Christine Djian, Anesthésiste-réanimateur. CETD. David L e Breton, Professeur de so ciologie et
Unité de neuromodulation. Hôpital Foch, Suresnes. d'anthropologie, Université de Strasbourg. Membre de
Anne Donnet, Praticien hospitalier. Neurologue. l'Institut Universitaire de France.
Responsable du CETD du CHU de Marseille. Nathalie Lecoules, Médecin urgentiste. Service des urgences
Denis Dupoiron, Praticien hospitalier. Anesthésiste- adultes, pôle médecine d'urgence, CHU de Toulouse.
réanimateur. Responsable du service d'Anesthésie-Douleur de Jean-Pascal Lefaucheur, Professeur des universités.
l'Institut de cancérologie de l'Ouest, site Paul Papin, Angers. Praticien hospitalier. Physiologie, CHU Henri Mondor.
Mathilde Duval, Médecin, équipe mobile de soins palliatifs. Romain Lefaucheur, Neurologue. Service de neurologie,
Service de médecine de la douleur et de médecine palliative CHU de Rouen.
de l'hôpital Lariboisière AP-HP. Célia Lloret Linares, MD, PhD. Ramsay Générale de Santé,
Xavier Emmanuelli, Médecin anesthésiste-réanimateur. Co Maladies nutritionnelles et métaboliques. Hôpital Privé
fondateur de Médecins sans frontières et fondateur du Samu Pays de Savoie.
Social. Caroline Maindet, Praticien hospitalier. Présidente du
Alain Eschalier, Professeur des universités. Président CLUD. Centre de la douleur. CHU de Grenoble-Alpes.
de l'Institut Analgesia. Faculté de médecine de Caroline Makowski, Praticien hospitalier. Service
Clermont-Ferrand. d'Hématologie. Pôle cancer et maladies du sang, CHU de
Isabelle Fayolle-Minon, Praticien hospitalier. Docteur en Grenoble-Alpes.
Médecine Physique et Réadaptation. Service MPR et CETD, Pierre Manoli, Praticien hospitalier. Ophtalmologiste. CHU
Pôle neuro ostéo loco-moteur. CHU de Saint-Étienne. de Saint-Etienne Hôpital Nord.
Denys Fontaine, Professeur des universités, université Fabien Marchand, Enseignant-chercheur. UMR Inserm-
Côte d'Azur. Praticien hospitalier. Département de UCA Neuro-dol - Faculté de médecine. Université
neurochirurgie du CHU de Nice. Clermont-Auvergne.
Jean-Michel Gautier, Infirmier anesthésiste PhDc. Cadre Nicolas Mathieu, Gastro-entérologue MICI. Département
de santé. CHU de Montpellier. d'hépato gastroentérologie et oncologie digestive, CHU de
Marie-Emmanuelle Géraud, Médecin de l'équipe mobile Grenoble.
de soins palliatifs à l'hôpital Paul Brousse AP-HP. Raphaël Minjard, Psychologue clinicien. Psychanalyste.
Pierric Giraud, Praticien hospitalier. Responsable du CETD Docteur en psychopathologie et psychologie clinique.
du CH Annecy Genevois. Maître de conférences. Enseignant-chercheur. Centre de
Morgane Guillou-Landréat, Maître de conférences des Recherche en Psychopathologie et Psychologie Clinique
universités. Praticien hospitalier. Addictologie, CHRU de (CRPPC), Université de Lyon.
Brest. EA SPURBO 7479, Soins primaires, santé publique Xavier Moisset, Neurologue. Service de neurologie,
et registre des cancers de bretagne occidentale, faculté de NeuroDol U-1107. CHU de Clermont-Ferrand, Hôpital
médecine de Brest. Gabriel Montpied.
Emmanuel Hirsch, Professeur d'éthique médicale, M i c h e l Mo r e l Fat i o , Mé d e c i n s p é c i a l i s t e e n
Université Paris-Sud-Paris-Saclay. Médecine Physique Réadaptation et en Médecine de
Adrian Kastler, Maitre de conférences des universités, la Douleur. Enseignant en Médecine de la douleur et
praticien hospitalier. Neuroradiologue, algoradiologue. Médecine palliative, et au DU Thérapie cognitive et
Service de Neuroradiologie, CHU de Grenoble-Alpes. comportementale de la douleur chronique. Coordinateur
Bruno Kastler, Professeur des universités, université du CETD du Centre de Médecine Physique Réadaptation
Paris Descartes. Praticien hospitalier. Algoradiologue, Coubert. Consultant au CETD de l'Hôpital Saint Antoine
cardiologue. Radiologie adulte, Hôpital universitaire AP-HP.
Necker. Vianney Mourman, Praticien hospitalier. Responsable
Sophie Lacan, Psychologue clinicienne. Thérapeute de l'équipe mobile de soins palliatifs, Hôpital Lariboisière
EMDR. Centre d'Évaluation et de Traitement de la Douleur AP-HP. Enseignant-chercheur, Espace Éthique d'île de
chronique, Hôpital Privé Les Franciscaines. France.
Sophie Lalande, Médecin généraliste. Chef de clinique Isabelle Nègre, Chef du centre anti douleur de Bicêtre et de
des universités de médecine générale de Brest. Pôle Santé l'équipe mobile douleur du Groupe hospitalier Paris Sud.
Universitaire de Lanmeur. Julien Nizard, Professeur des universités, université de
Michel Lanteri-Minet, Praticien hospitalier. Neurologue. Nantes. HDR en Thérapeutique et Médecine de la Douleur.
Chef de service du CETD du CHU de Nice. Chef du Centre Fédératif Douleur Soins de Support, CHU de
Françoise Laroche, Praticien hospitalier. Professeur Nantes.
associé douleur. Rhumatologue. Responsable du Centre Michel Olivier, Anesthésiste-réanimateur. Algologue.
de la douleur. Présidente du Collège National des Co-Président du Comité de LUtte contre la Douleur
Enseignants de la Médecine de la Douleur. Hôpital Saint- (CLUD). Coordination Anesthésie-réanimation. Hôpital
Antoine, Paris. Pierre-Paul Riquet, CHU Purpan, Toulouse.
Liste des collaborateurs    XVII

Nabilah Panchbhaya, Gynécologue-obstétricien. Chirurgie Xavier Roblin, Professeur associé gastro-entérologie. CHU
gynécologique et obstétrique. Hôpital Lariboisière AP-HP. de Saint-Étienne.
Roland Peyron, Professeur associé. Praticien hospitalier. Serena Santucci, Project Manager INOVPAIN. Fédération
Neurologue. Service de neurologie et CETD. CHU de Hospitalo-universitaire INOVPAIN, CHU de Nice.
Saint-Étienne. Éric Serra, Professeur de Médecine de la douleur associé des
Gisèle Pickering, Professeur des Universités, Praticien université, Université de Picardie Jules Verne, Amiens. Chef
Hospitalier. Chef du Service de Pharmacologie Clinique. de service du CETD et du Département Interdisciplinaire de
Médecin coordinateur du Centre d'Investigation Clinique Soins de Support pour le Patient en Oncologie (DISSPO),
Inserm 1405. Centre Hospitalier Universitaire et Faculté de CHU Amiens-Picardie.
Médecine de Clermont-Ferrand. Patrick Sichère, Rhumatologue. Service de rhumatologie,
Philippe Poulain, Praticien hospitalier. Anesthésiste- Hôpital Delafontaine.
réanimateur de formation. Unité de Soins palliatifs. Grégory Tosti, Médecin algologue et hypnothérapeute.
Polyclinique de l'Ormeau, Tarbes. Centre de la douleur, Hôpital Ambroise Paré.
Jean-Michel Prades, Professeur des universités. Chef de Barbara Tourniaire, Praticien hospitalier. Centre de
Service d'ORL. CHU de Saint-Étienne, Hôpital Bellevue. la douleur et de la migraine de l'enfant. CHU Hôpital
Responsable du Laboratoire d'Anatomie de la faculté de Trousseau.
Médecine. Erwan Treillet, Praticien hospitalier. Responsable de l'UF
Patrice Queneau, Membre de l'Académie nationale Douleur. Service médecine de la douleur et médecine
de médecine, Doyen honoraire de la faculté de palliative, Hôpital Lariboisière.
médecine de Clermont-Ferrand, Professeur émérite de Richard Trèves, Professeur des universités, Rhumatologue,
thérapeutiques. Membre correspondant de l'Académie nationale de
Sylvie Raoul, Praticien hospitalier. Neurochirurgien, CHU médecine. Service de rhumatologie, CHU de Limoges.
de Nantes. Pierre Volckmann, MD PhD. Médecin de Médecine
Thibault Riant, Anesthésiste-réanimateur. Médecin de la physique. Centre orthopédique Paul Santy (Lyon 8).
douleur. CETD M Bensignor hôpital privé du Confluent. Laboratoire P2S, faculté de médecine Lyon Est Université
Centre fédératif nantais de pelvipérinéologie. CHU de Nantes. Claude Bernard Lyon I.
Cécile Robert, Infirmière Anesthésiste Ressource Douleur Claire Vulser, Praticien hospitalier. Responsable du CETD,
en transversal au CLUD – CHUGA. Hôpital européen George Pompidou (HEGP).
Préface

Lorsque mon confrère et ami le Pr Alain Serrie m'a sollicité la cervicalgie à la douleur abdominale et cardiovasculaire,
pour cette tâche, je n'ai pas hésité longtemps, mais un peu ou encore la douleur cancérologique. La quatrième partie de
réfléchi, par la culture et mes racines de neuro-anatomiste et l'ouvrage, en onze chapitres, approche la variabilité « selon
neuroradiologue. Ce pour trois raisons. le patient », depuis le handicap jusqu'à l'addiction. La cin-
D'abord, première raison : l'objectif de cette œuvre col- quième partie, finement désignée « selon le contexte », affine
lective, aux quatre-vingt-neuf coauteurs rédacteurs, telle encore les situations d'exception, des soins palliatifs aux
que définie par son titre qui l'adresse au praticien. Soulager grands syndromes neurologiques. La sixième et dernière
la femme et l'homme, bébé ou vieillard, telle est la mission partie traite des aspects sociétaux, de la douleur chronique à
première du seul médecin, hier, des professions de santé la vulnérabilité, et se clôture par une approche socioprofes-
aujourd'hui. Qu'il s'agisse des chirurgiens, des pharmaciens, sionnelle, jusqu'à l'éthique.
des biologistes, des « accoucheurs » (chirurgiens et médecins Enfin, née avec la médecine, à ses sources hippocra-
de gynécologie-obstétrique, comme l'on dit aujourd'hui), tiques (donc égyptiennes, cumulées entre le delta du Nil et
des vétérinaires, des chercheurs scientifiques et sociolo- les pyramides), son observation du symptôme et son écoute
giques, des administratifs, tous concourent à cet objectif construisant le syndrome algique né de l'examen clinique
commun : soulager, attribuer ou supprimer ces sensations et paraclinique, puis son suivi thérapeutique, résument
de souffrance. Là est la raison d'être de l'Académie nationale ­l'engagement du médecin. Au service de son prochain, à
de médecine, depuis deux siècles. Mais combien plus pro- côté du progrès scientifique et technologique heureux, en
fonde (éternelle dans les genres humain et animal, végétal accélération continue depuis trois siècles, le praticien, sans
et minéral, etc.) elle est. Cette souffrance est maladie, en un quelconque « retour en arrière » dispose dans ce livre-
soi, qu'elle soit d'origine psychique, mentale ou d'origine outil, à l'inverse, d'une qualité de synthèse moderne. Syn-
organique. Du Rétable d'Issenheim (1515) au Cri du nor- thèse entre les âges et les progrès, elle actionne plusieurs
végien Edvard Munch (1893–1917), l'art s'est emparé de cet dizaines d'auteurs, ayant tous accepté qu'un seul d'entre eux
état de vie. De la Vénus à la Corne, avec ses vingt-quatre unisse les spécialités, les savoirs et les expériences sous une
entailles « lunaires » dans la grotte paléontologique d'il y a seule bannière, celle de ce mot universel qu'est la « dou-
vingt siècles, aux dieux égyptiens implorés, la situation est leur ». Il faut en saluer l'auteur, dont cette performance
semblable. « Où, quand, comment, pourquoi ? » interroge le n'est pas la moindre des qualités. Il est d'abord anesthésiste-­
patient. « Comment choisir et trier dans notre arsenal pour réanimateur, la plus moderne, la plus complète, et, désor-
soulager, comment le dire et le résumer pour le patient ou mais (sauf erreur comptable), la plus « peuplée » de nos
la patiente ? » Loin de l'intelligence dite « artificielle » (IA), spécialités médicales, à travers ce qui est devenu l'« urgen-
qu'elle soit « télé » (à distance en grec) ou non, le « praticien » tologie ». Nommée seule­ment « réanimation », du temps de
évoqué dans le titre, est seul. l'auteur de ces lignes (qui la pratiqua en milieu hospitalo-­
Ensuite, la construction du livre est un scanning (de universitaire de neurochirurgie aux urgences pendant plu-
l'anglais to scan, balayer) des situations de patients, venus sieurs années), elle est devenue première en cinquante ans,
consulter et résumant ainsi leur état : « j'ai mal ». Une pre- tant par son attractivité pour nos plus jeunes que par son
mière partie, du symptôme au syndrome, définit les mots efficacité. L'Académie nationale de médecine peut s'enor-
et situations. Le chapitre 1 résume les situations, de l'aigu gueillir de cet ouvrage, notamment grâce à la publication
au chronique, de l'enfant au patient âgé. Le chapitre sui- des Recommandations initiées par le doyen honoraire
vant schématise les actions du médecin, à propos de « cinq Patrice Queneau (CHU de Saint-Étienne), que vous trouve-
grands principes de prise en charge de la douleur, aux rez à la fin de cet ouvrage. Puisse cet ouvrage, ayant bénéfi-
auteurs complémentaires ». La deuxième partie aborde cié du talent éditorial d'Elsevier, être diffusé auprès du plus
immédiatement la thérapeutique, au fil de six chapitres, grand nombre.
depuis le médicament, en passant par la radiologie interven- Il s'agit des médecins praticiens, bien sûr, mais aussi de
tionnelle et la neurochirurgie fonctionnelle ou de stimula- toutes celles et tous ceux qui appartiennent aux « professions
tion, jusqu'à l'effet placebo. La troisième partie aborde les de santé », du plus ancien au plus jeune, encore étudiant.
situations pathologiques, locales ou générales, en approche Pr Emmanuel Alain Cabanis
croisée, topographique et étiologique, en treize chapitres, de Président de l'Académie nationale de médecine.

XVIII
Préface

En 1998, une enquête Baromètre Santé (Santé Publique Tous ces chiffres nous incitent à revenir aux fonda-
France) réalisée auprès de plus de 4 000 jeunes de moins de 20 mentaux et réfléchir à une meilleure prise en charge des
ans révélait que plus de 37 % d'entre eux avaient pris un médi- patients douloureux afin de combattre l'errance diag­
cament contre la douleur sur les trente derniers jours. Vingt nostique, thérapeutique mais aussi le mésusage médica-
ans plus tard, le constat est inflationniste avec une prévalence menteux. Cet ouvrage essentiel, fort de ses 56 chapitres,
annuelle de la consommation en antalgiques sur ordonnance rassemble tout ce qu'il faut savoir sur les douleurs, leurs
passée de 56 % en 2004 à près de 65 % en 2017 (+ 16 %). Selon caractéristiques, les différentes stratégies thérapeutiques.
le livre blanc publié par la SFETD en 2017 (Société Française Il regroupe de très nombreux experts qui sont également
d'Étude et de Traitement de la Douleur), plus de 12 millions des acteurs de terrain, au plus près des patients. Cet
de Français souffrent de douleurs chroniques, soit un Français ouvrage princeps permettra sans aucun doute de mieux
sur cinq. D'après un rapport de 2011 de l'Académie nationale orienter les praticiens dans leurs choix thérapeutiques. Il
de médecine des États-Unis, la douleur chronique concerne est grand temps de considérer la douleur non pas comme
116 millions d'adultes soit plus d'un citoyen américain sur un symptôme mais comme une maladie et d'inscrire la
trois, avec un coût annuel estimé entre 560 et 635 milliards de prise en charge du patient douloureux dans un parcours
dollars. Dans notre pays, la douleur constitue le premier motif de santé plus adapté, plus fluide et centré autour du
de consultation, dans les services d'urgences et chez le méde- patient.
cin généraliste. Malgré cela, moins de 3% des patients dou- Pr Frédéric Aubrun
loureux chroniques bénéficient d'une prise en charge dans un Président de la SFETD
centre spécialisé (il y en a 243 en France en 2019).

XIX
Abréviations

ACPA anticorps antipeptides citrullinés CCQ céphalée chronique quotidienne


ACR American College of Rheumatology CGRP peptide relié au gène calcitonine
ACT thérapies de l'acceptation et de l'engagement CDME corne dorsale de la moelle épinière
ADAM algies et dysfonctions de l'appareil manducateur COX-2 inhibiteurs sélectifs de la cyclooxygénase 2
ADH hormone antidiurétique CPME corne postérieure de la moelle épinière
ADP accès douloureux paroxystique CETD centre d'évaluation et de traitement de la
ADT antidépresseur tricyclique douleur
Afssaps Agence française de sécurité sanitaire des CIC centre d'investigation clinique
produits de santé CID contrôle inhibiteur descendant
AFLAR Association française de lutte antirhumatismale CIDN contrôle inhibiteur diffus induit par une sti-
AFSOS Association francophone pour les soins onco- mulation nociceptive
logiques de support CIF classification internationale du fonctionne-
AINS anti-inflammatoire non stéroïdien ment
AINS-NS anti-inflammatoire non stéroïdien non CIRC Centre international de recherche sur le
spécifique cancer
CLUD Comité de lutte contre la douleur
ALAT alanine aminotransférase
CNRD Centre national de ressource de lutte contre la
ALD affection de longue durée
douleur
ALR analgésie locorégionale
CNU Conseil national des Universités
AMM autorisation de mise sur le marché
COMT catéchol-O-méthyltransférase
AMP aide médicale à la procréation CPK créatine phosphokinase
Anaes Agence nationale d'accréditation et d'évalua- CQC céphalée chronique quotidienne
tion en santé
CRAT Centre de référence sur les agents tératogènes
ANR Agence nationale de la recherche
CRP protéine C réactive
ANSM Agence nationale de sécurité du médicament
CSAPA centre de soins, d'accompagnement et de pré-
et des produits de santé
vention en addictologie
AOMI artériopathie obstructive des membres inférieurs
CVO crise vaso-occlusive
APA activité physique adaptée
DCPC douleur chronique postchirurgicale
APAIS Amsterdam Preoperative Anxiety and Infor- DES Diplôme d'études spéciales
mation Scale
DESC Diplôme d'études spécialisées complémentaires
APS American Pain Society
DFG débit de filtration glomérulaire
ARS Agence régionale de santé
DFIP douleur persistante idiopathique de la face
ATP adénosine triphosphate
DGOS Direction générale de l'offre de soins
ATU autorisation temporaire d'utilisation
DIM dérangement intervertébral mineur
AVC accident vasculaire cérébral DMS douleur musculosquelettique
AVF algie vasculaire de la face DREZ Dorsal Root Entry Zone
BDNF Brain-Derived Neurotrophic Factor DRG ganglion de la racine dorsale
βHCG β-human chorionic gonadotropin DU Diplôme d'université
BHE barrière hémato-encéphalique EBM evidence-based medicine
BHD buprénorphine haut dosage ECBU examen cytobactériologique des urines
BP blood pressure ECG électrocardiogramme
BPI Brief Pain Inventory ECPA évaluation comportementale de la douleur
CADASIL Cerebral Autosomal Dominant Arteriopathy with chez la personne âgée
Subcortical Infarcts and Leucoencephalo pathy EDAAP échelle d'hétéroévaluation de l'expression de la
CCA cortex cingulaire antérieur douleur chez l'adolescent et l'adulte polyhandicapé

XX
Abréviations   XXI

EDD évaluation de l'expression de la douleur chez ISRS inhibiteur spécifique de la recapture de la


des sujets dyscommunicants sérotonine
EDPM European Diploma of Pain Medicine i.v. par voie intraveineuse
EFIC European Federation of IASP Chapters LAF lampe à fente
EFS Établissement français du sang LDPD La douleur et le patient douloureux (association)
EHPAD établissements d'hébergement pour per- LFD latéro-flexion droite
sonnes âgées dépendantes LFG latéro-flexion grauche
EMDR eye movement desensitization and reprocessing LHRF facteur de libération de l'hormone lutéinisante
EN échelle numérique LI libération immédiate
ENMG électroneuromyogramme LP libération prolongée
ENS échelle numérique simple M6G morphine-6-glucuronide
EPO érythropoïétine MAP menace d'accouchement prématuré
EQM échelle de quantification des médicaments MBCT Mindfulness basée sur la thérapie cognitive
EULAR European League Against Rheumatism MBSR Mindfulness basée sur la réduction du stress
EVA échelle visuelle analogique MDPH Maison départementale des personnes
EVS échelle verbale simple handicapées
FAST functional assessment screening tool MEOPA mélange équimolaire d'oxygène et de pro-
FDA Food and Drug Administration toxyde d'azote
FDI Functional Disability Inventory MICI maladie inflammatoire chronique de l'intestin
FNCLCC Fédération nationale des centres de lutte MIGAC missions d'intérêt général et d'aide à la
contre le cancer contractualisation
FODMAP Fermentable: Oligosaccharides, Disaccharides, MMSE Mini-Mental State Examination
Monosaccharides and Polyols MPR médecine physique et de réadaptation
FR facteur rhumatoïde MSO médicament de substitution aux opiacés
FST formation spécialisée transversale NAPQI N-acétyl-para-benzoquinone imine
G-CSF granulocyte colony-stimulating factor NFCS Neonatal Facing Coding System
GRADE (Grading of Recommendations Assessment, NFS numération formule sanguine
Development and Evaluation) NGF Nerve Growth Factor
HAD Hospital Anxiety and Depression Scale NHWS National Health and Wellness Survey
HAS Haute Autorité de santé NMDA N-méthyl-D-aspartate
HDJ hospitalisations de jour NNPS neurone nociceptif postsynaptique
HIT Headache Impact Test NNT number needed to treat
HR heart rate NPSI Neuropathic Pain Symptom Inventory
HTA hypertension artérielle NRM noyau raphé magnus
IASP International association for the study of pain OARSI Osteoarthritis Research Society International
IDM infarctus du myocarde OMS Organisation mondiale de la santé
IEC inhibiteur de l'enzyme de conversion ORL oto-rhino-laryngologie
IgA immunoglobuline A PCA analgésie contrôlée par le patient
IHS International Headache Society PHRC Programmes hospitaliers de recherche
II interneurone inhibiteur clinique
IL-1 interleukine 1 PIO pression intra-oculaire
IMAO inhibiteur de la monoamine oxydase PLP plasma riche en plaquettes
IMC indice de masse corporelle PMP Pain Management Program
INCa Institut national du cancer PNfS stimulation du champ nerveux périphérique
INR International Normalized Ratio PRO patient outcome report
IPAQSS Indicateurs pour l'amélioration de la qualité PROTAU Programme de traitement antalgique en
et de la sécurité des soins. urgence
IPP inhibiteur de la pompe à protons PTA plateformes territoriales d'appui
IRC insuffisance rénale chronique PTH parathormone
IRM imagerie par résonance magnétique QCD Questionnaire concis de la douleur
IRSNA inhibiteur de la recapture de la sérotonine et QDSA Questionnaire douleur de Saint-Antoine
de la noradrénaline QST Quantitative Sensory Testing
ISCOX-2 inhibiteurs sélectifs des cyclo-oxygénase de RCH rectocolite hémorragique
type II RCP réunion de concertation pluridisciplinaire
XXII   Abréviations

RGO reflux gastro-œsophagien SNA système nerveux autonome


RQTH reconnaissance de la qualité de « travailleur SNC système nerveux central
handicapé » SRNI inhibiteur capture serotonine et noradrenaline
RR respiration rate SNP stimulation nerveuse périphérique
rTMS stimulation magnétique transcrânienne SOR Standards, options, recommandations
répétée SpO2 saturation pulsée en oxygène
tDCS stimulation transcrânienne à courant continu SSPI salle de surveillance postinterventionnelle
RFE Recommandations formalisées d'experts STA syndrome thoracique aigu
RVM médulla rostroventrale T2A tarification à l'activité
SAPHO synovite-acné-pustulose-hyperostose-ostéite TCC thérapie cognitivocomportementale
SCA syndrome coronarien aigu tDCS stimulation électrique transcrânienne à cou-
SDPC syndrome douloureux pelvien complexe rant continu
SDC structure spécialisée douleur chronique TDR test de diagnostic rapide
SDM syndrome drépanocytaire majeur TENS neurostimulation électrique transcutanée
SDRC syndrome douloureux régional complexe TEP tomographie par émission de positons
SF Short Form TMS stimulation magnétique transcrânienne
SFAP Société française d'accompagnement et de TNF Tumor Necrosis Factor
soins palliatifs TRP Transient Receptor Potential
SFAR Société française d'anesthésie et de réanima- TSH Thyréostimuline
tion UFR unité de formation et de recherche
SFEMC Société française d'étude des migraines et des UM ultra métaboliseur
céphalées
USC unité de soins continus
SFETD Société française d'étude et traitement de la
USP unité de soins palliatifs
douleur
VIH virus de l'immunodéficience humaine
SFMU Société française de médecine d'urgence
VPL ventro-postérolatéral
SFN Société française de neurologie
VS vitesse de sédimentation
SGPA substance grise périaqueducale
VZV virus varicelle-zona
SGPV substance grise périventriculaire
WPAI Adult Work Productivity and Activity Impair-
SII syndrome de l'intestin irritable
ment Scale
SII-PI syndrome de l'intestin irritable postinfectieux
Chapitre
1
De la douleur aiguë
à la douleur chronique
Bernard Calvino

PLAN DU CHAPITRE
Douleur aiguë . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 Douleur chronique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7

Douleur aiguë pétentes activées, susceptibles de sensibiliser et d'activer les


nocicepteurs, du fait que leurs récepteurs sont exprimés par
C'est une expérience sensorielle et émotionnelle résul- les terminaisons nerveuses des fibres périphériques.
tant des stimulations « nociceptives » de haute intensité Les nocicepteurs ne répondent qu'à des stimulations noci-
qui déclenchent une cascade d'événements physiologiques ceptives (mécanonocicepteurs, thermonocicepteurs, répon-
conduisant à l'intégration des informations codant les diffé- dant au chaud et au froid, chémonocicepteurs qui répondent
rents aspects de la douleur [1]. aux molécules algogènes de la soupe inflammatoire ou encore
Le prolongement dans le temps de la douleur aiguë nocicepteurs polymodaux, qui répondent à plusieurs moda-
conduit au développement d'une douleur chronique. La lités de stimulations). Trois classes de neurones recevant des
douleur perd sa signification de signal d'alarme pour évo- afférences des fibres sensorielles dans la corne dorsale de la
luer vers un syndrome chronique. Les douleurs chroniques moelle épinière (CDME) ont été identifiées (figure 1.1) :
peuvent être soit des douleurs par excès de nociception ■ les neurones nociceptifs spécifiques, qui ne répondent
(inflammation, sensibilisation des nocicepteurs, etc.), soit qu'à des stimulations périphériques nociceptives,
des douleurs neuropathiques (neuropathies périphériques reçoivent des afférences des fibres Aδ et C ;
ou neuropathies centrales). Il y a aussi des douleurs mixtes, ■ les neurones nociceptifs non spécifiques, qui répondent
à la fois douleurs par excès de nociception et douleurs neu- à des stimulations périphériques de faible et de forte
ropathiques, par exemple dans le cas des douleurs cancé- intensité, reçoivent des afférences de fibres sensorielles
reuses. Enfin, ont été considérées plus récemment (2018) non nociceptives (fibres Aα, β) et nociceptives (fibres
par l'IASP les douleurs dites nociplastiques, qui résultent de Aδ, C) ;
la plasticité du système nerveux central (SNC) susceptible de ■ les neurones non nociceptifs spécifiques ne répondent qu'à
modifier les systèmes de contrôle de la douleur et d'engen- des stimulations périphériques de faible intensité et n'inter-
drer ainsi des douleurs sans cause apparente (par exemple la viennent pas dans l'intégration de l'information nociceptive.
fibromyalgie) [2]. La douleur peut être modulée en fonction Les axones des neurones nociceptifs de la CDME consti-
de la situation psychologique du sujet, mais aussi en fonc- tuent les faisceaux médullaires ascendants qui projettent
tion de son environnement (affectif, socioculturel, ethnolo- leur information à différents niveaux supraspinaux.
gique, religieux, etc.). Cette modulation résulte de la mise On distingue quatre sites supraspinaux de projection :
en œuvre de contrôles inhibiteurs exercés par les voies des- ■ les noyaux du thalamus ventro-postérolatéral (VPL),
cendantes, issus des structures corticales ou sous-corticales. noyaux spécifiques de la sensibilité tactile et de la noci-
La douleur aiguë résulte de la mise en jeu d'une triade : ception, à l'origine de la composante sensoridiscrimina-
lésion-inflammation-douleur. Les informations noci- tive de la douleur ;
ceptives à l'origine de la douleur aiguë sont générées à la ■ des sites de projection bulbaires (noyau gigantocellulaire) et
périphérie par la lésion qui va être à l'origine d'une inflam- mésencéphaliques (substance grise périaqueducale et noyau
mation : de nombreuses molécules, constituant la « soupe cunéiforme), structures relais pour l'information noci-
inflammatoire », sont synthétisées et libérées par les cellules ceptive véhiculée par le faisceau spino-­réticulothalamique
lésées des tissus périphériques et les cellules immunocom- jusqu'au thalamus médian non spécifique ;

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6   Partie 1. Chemin de la douleur aiguë à la douleur chronique : du symptôme au syndrome

Encéphale

Contrôles inhibiteurs
issus de l'encéphale

Tronc cérébral

Neurones sérotoninergiques
et noradrénergiques
Contrôles Inhibiteurs Descendants (C.I.D.)

Corne Dorsale
Faisceaux de la Moelle Épinière
spinaux (CDME)
ascendants
– Moelle épinière

NNPS
Ganglion de la
racine dorsale

Périphérie

Figure 1.1 Intégration du message nociceptif et contrôle modulateur. CDME : corne dorsale de la moelle épinière ; CID : contrôle inhibiteur
descendant ; NNPS : neurone nociceptif postsynaptique.

■ l'hypothalamus intervient dans le contrôle des réactions (figure 1.2) : les activités activatrices segmentaires péri-
végétatives de la douleur, mais aussi dans la libération phériques (véhiculées par les fibres nociceptives) et les
d'hormones jouant un rôle dans le contrôle du stress ; activités inhibitrices segmentaires périphériques (véhi-
■ le complexe amygdalien, structure du système limbique, culées par les fibres non nociceptives). Ce mécanisme de
intervient dans les réactions affectives et émotionnelles régulation spinale est lui-même soumis à des contrôles
de la douleur. descendants d'origine supraspinale ;
Les sites de projection corticaux sont multiples et les inte- ■ les contrôles inhibiteurs descendants, à l'origine de voies
ractions entre ces sites sont nombreuses. Tout d'abord, les descendantes dans la moelle épinière, issues de la subs-
neurones du thalamus VPL projettent leurs axones vers les tance grise périaqueducale (SGPA) et mésencéphalique,
aires somesthésiques S1 et S2 : les caractéristiques du mes- et de la médulla rostroventrale (RVM) sérotoninergique
sage nociceptif y sont décodées, ce qui permet la genèse de (noyau raphé magnus [NRM] et noyaux paragigantocel-
la perception de la sensation douloureuse (qualité, localisa- lulaire et gigantocellulaire). La stimulation de ces noyaux
tion, intensité et durée). Ensuite, différents noyaux de l'encé- est à l'origine d'une analgésie résultant de ces contrôles
phale impliqués dans la douleur projettent leurs axones vers inhibiteurs sur les neurones nociceptifs non spécifiques
les aires corticales préfrontales, le cortex insulaire et le cor- de la CDME. Les axones des neurones sérotoninergiques
tex cingulaire antérieur, impliquées dans les réactions émo- de la RVM se projettent sur tous les segments spinaux (du
tionnelles plus élaborées à la douleur. segment cervical au segment sacré), dans la CDME. On y
La douleur peut être modulée en fonction de de la situa- associe les systèmes de contrôles inhibiteurs descendants
tion psychologique du sujet, mais aussi en fonction de son noradrénergiques issus du locus cœruleus et du locus
environnement (affectif, socioculturel, religieux, géogra- subcœruleus, qui fonctionnent sur le même modèle ;
phique, etc.), mais aussi de sa situation psychologique. Cette ■ les contrôles facilitateurs descendants, issus du tronc
modulation résulte de la mise en jeu de contrôles inhibiteurs cérébral, exacerbent les stimulations nociceptives au
exercés par des structures spinales et supraspinales. On dis- niveau spinal. Une stimulation de la RVM à des intensi-
tingue cinq catégories de systèmes de contrôle : tés élevées déclenche des effets analgésiques (figure 1.2),
■ les contrôles segmentaires spinaux de la CDME, modé- mais, à des intensités plus faibles dans la même région,
lisés en 1965 par Melzack et Wall dans la « théorie du déclenche des effets facilitateurs pro-algiques, avec une
portillon » (« gate control theory »), qui reposent sur discrimination anatomique entre des sites inhibiteurs
l'équilibre d'une balance entre deux activités exercées sur antalgiques et d'autres facilitateurs pro-algiques. L'équi-
les neurones nociceptifs non spécifiques de la CDME [1] libre entre les deux systèmes descendants concurrents
Chapitre 1. De la douleur aiguë à la douleur chronique     7

Analgésie Douleur

Stimulation des fibres Stimulation des fibres fines


de gros diamètre Aα.β nociceptives Aδ.C

Fibres Aα.β Fibres Aδ.C


Périphérie

– + Corne Dorsale de
I.I. : I.I. la Moelle Épinière
Interneurone (CDME)
Inhibiteur
– Encéphale
N.N.P.S. : NNPS
Neurone Nociceptif + +
Post-Synaptique
Figure 1.2 Contrôle médullaire de la douleur. CDME : corne dorsale de la moelle épinière ; II : interneurone inhibiteur ; NNPS : neurone noci-
ceptif postsynaptique.

déterminerait le degré d'excitabilité des neurones de la matoire sont à l'origine de l'abaissement du seuil de réponse
CDME, qui à son tour modulerait la transmission de des nocicepteurs et de la potentialisation de l'activité élec-
l'information douloureuse vers les structures centrales ; trique des fibres qui va être exacerbée.
■ les contrôles inhibiteurs diffus induits par une sti-
mulation nociceptive (CIDN) sont déclenchés depuis
tout territoire corporel distinct du champ excitateur des Sensibilisation centrale
neurones nociceptifs non spécifiques activés (stimula- Elle résulte de cette double propriété et s'exprime par une
tion hétérotopique), à condition que le stimulus hété- activation considérable des neurones nociceptifs de la
rotopique soit nociceptif. Ces CIDN constitueraient le CDME. La transmission glutamatergique y joue un rôle
support neurophysiologique de la contre-irritation, pro- important, par l'intermédiaire de l'un des récepteurs du glu-
cessus par lequel une douleur peut masquer une autre tamate (neurotransmetteur libéré par les fibres nociceptives
douleur ; périphériques activées), le récepteur NMDA (un récepteur
■ plus récemment, des contrôles issus de diverses struc- canal perméable aux cations), exprimé par les neurones
tures cérébrales, en particulier de différentes aires du nociceptifs de la CDME. Le BDNF (Brain-Derived Neuro-
cortex et du système limbique, ont été décrits. trophic Factor), stocké dans les terminaisons centrales des
fibres sensorielles nociceptives dans la CDME, jouerait
un rôle de neuromodulateur dans la douleur chronique. Il
Douleur chronique pourrait réguler l'excitabilité des neurones nociceptifs post-
Lorsqu'elle devient chronique, la douleur est à l'origine de synaptiques de la CDME.
mécanismes de sensibilisation, périphérique et centrale, qui
vont modifier l'activité des systèmes physiologiques de la Références
douleur aiguë décrits ci-dessus.
[1] Melzack R, Wall PD. Pain mechanisms : a new theory. Science 1965 ;
150 : 971–9.
[2] IASP https://www.iasp-pain.org/Education/Content.aspx ?Item­
Sensibilisation périphérique Number=1698#Nociplasticpainhttps://w w w.iasp-pain.org/
Elle résulte du prolongement dans le temps des processus Education/Content.aspx ?ItemNumber=1698#Nociplasticpain ;
lésionnels périphériques. Les molécules de la soupe inflam- 2018.
Chapitre
2
De la physiologie
et la physiopathologie
de la douleur à la
pharmacologie des antalgiques
Alain Eschalier, Christine Courteix, Fabien Marchand, Denis Ardid

PLAN DU CHAPITRE
Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 De la physiopathologie à la pharmacologie . . 11
De la physiologie à la pharmacologie . . . . . . . 9 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13

Introduction disponibles interfèrent de la périphérie aux centres avec la


genèse, la transmission, la modulation et l'intégration du
On peut, dans l'état actuel de la pharmacopée et des pers- message douloureux. Cette analyse, focalisée sur les impacts
pectives pharmacologiques, établir un continuum entre neurochimiques des médicaments, se propose d'établir
les connaissances physiologiques et physiopathologiques pour chaque classe un lien étroit avec les mécanismes phy-
de la douleur d'une part, et la pharmacologie des antal- siologiques ou les changements physiopathologiques et de
giques d'autre part. Ce continuum conduit à passer de la fournir ainsi au lecteur une vision mécanistique de la phar-
nociception, phénomène physiologique, aux modifica- macopée. Nous espérons qu'elle aidera le prescripteur à
tions, en particulier neurochimiques, qui font le lit de la mieux intégrer la logique du choix médicamenteux, même
douleur, puis aux impacts pharmacologiques sur les sys- si nous avons bien conscience que cette approche ne suffit
tèmes à l'origine des perturbations physiopathologiques. pas à assurer une médecine vraiment personnalisée.
Même si la complexité des phénomènes impliqués dans
chacune de ces situations est bien réelle, il est possible d'en
donner une vue, fatalement schématique, afin de conférer De la physiologie
une logique, au moins partielle, à la thérapeutique médi-
camenteuse. C'est une approche de ce type que proposent
à la pharmacologie
Lussier et Beaulieu [1]. Leur classification des antalgiques La physiologie de la nociception inclut l'ensemble des pro-
associe des classes identifiées pour les unes par leur cessus de codage des stimuli nociceptifs et la naissance de
impact physiologique (antinociceptifs) ou physiopatholo- l'influx au niveau des nocicepteurs, sa conduction le long
gique (agents modulant les phénomènes de sensibilisation des fibres afférentes primaires, sa transmission spinale ou
pour les douleurs neuropathiques) et, pour les autres, par trigéminale et son intégration centrale responsable de la
leur effet symptomatique (antihyperalgésiques) ou leur perception et qui permet la mise en œuvre de comporte-
cible neurophysiologique (contrôles descendants inhibi- ments d'évitement dans l'objectif du maintien de l'intégrité
teurs ou transmission). de l'organisme. Certaines molécules peuvent interférer avec
Ce chapitre qui se situe donc entre les données du cha- les mécanismes impliqués dans ce cheminement : on parle
pitre 1 « Chemin de la douleur aiguë à la douleur chro- de médicaments antinociceptifs. Dans une approche expé-
nique : du symptôme au syndrome » et celles du chapitre 14, rimentale, chez l'homme volontaire sain ou chez l'animal
« Traitements médicamenteux » est centré sur la présenta- sain, ces molécules sont capables de modifier les seuils de
tion du continuum existant entre physiologie, physiopatho- réaction à un stimulus nociceptif ou le niveau de la réponse
logie et pharmacologie : il montre comment les antalgiques à un stimulus supraliminaire.

Médecine de la douleur pour le praticien


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10   Partie 1. Chemin de la douleur aiguë à la douleur chronique : du symptôme au syndrome

L'action antinociceptive de ces molécules réside dans leur ce soit dans la CPME (zone extracéphalique) ou au niveau
capacité à moduler les mécanismes physiologiques et ainsi du noyau du trijumeau (région céphalique).
à ré­duire la perception nociceptive. La première cible est la Cette synapse est régulée, entre autres, par des opioïdes
détection/transduction du signal nociceptif qui permet au endogènes qui ont des cibles pré- et postsynaptiques, en par-
stimulus appliqué (thermique, mécanique, chimique) d'être ticulier les récepteurs µ. Ces cibles sont les cibles naturelles
transformé en influx nerveux puis conduit le long des fibres des opioïdes exogènes, qui ont donc un effet régulateur, en
afférentes primaires. La première étape met en jeu des sen- l'occurrence inhibiteur, de la transmission nociceptive sur
seurs qui, activés par les stimuli élémentaires, permettent la la voie de passage unique, ce qui explique leur efficacité.
genèse de l'influx nerveux via des mouvements ioniques. La Ainsi, au niveau présynaptique, les opioïdes inhibent la
conduction de l'influx est également due à des mouvements libération des neuromédiateurs en inhibant indirectement
ioniques transmembranaires dépolarisants (sodiques ou cal- les canaux calciques nécessaires au phénomène d'exocytose
ciques) et hyperpolarisants (potassiques) rendus possibles et, au niveau postsynaptique, ils induisent une hyperpolari-
grâce à une famille de protéines : les canaux ioniques. Une fois sation des neurones de projection, réduisant leur aptitude
véhiculé, l'influx est transmis au niveau de la corne postérieure à répondre à la stimulation des neuromédiateurs libérés
de la moelle épinière (CPME), ou du noyau du trijumeau, via dans la fente synaptique. Cet effet, initialement observé
la première synapse établie entre les terminaisons des fibres avec la morphine [3] et d'autres opioïdes (fentanyl, codéine,
afférentes et les neurones de projection. Ce dernier conduit codéthyline) [4] chez des animaux soumis à des stimuli
l'influx vers les structures supraspinales, où d'autres synapses nociceptifs ponctuels, et non dans des modèles de douleur
sont établies au sein de différents noyaux projetant l'influx persistante, traduit bien l'effet des opioïdes sur le processus
jusqu'aux structures d'intégration telles que les aires somesthé- nociceptif physiologique. Cela a été à l'origine de la prise
siques. Chacun de ces transferts synaptiques est soumis à des en charge de situations de douleurs aiguës par administra-
mécanismes neurochimiques qui assurent la transmission du tion péridurale, voire dans un contexte de rachianesthésie.
message et la régulation de celle-ci. À chacune de ces étapes, L'activation des récepteurs δ peut également moduler cette
les acteurs neurochimiques physiologiquement impliqués aux transmission, mais aucune molécule agissant spécifique-
niveaux neuronal (neuromédiateurs et récepteurs) ou glial ment sur ce récepteur n'est aujourd'hui commercialisée.
(médiateurs et récepteurs) peuvent être des cibles de médi- La répartition des récepteurs µ étant relativement ubiqui-
caments, activateurs ou inhibiteurs exogènes, susceptibles de taire dans le système nerveux, d'autres sites d'action, supras-
moduler in fine la perception du message nociceptif. pinaux, participent à l'effet antinociceptif des opioïdes. Leur
Trois types de médicaments, classiques, sont susceptibles action supraspinale a d'ailleurs été évoquée avant le site médul-
d'interférer avec ces mécanismes physiologiques : les anesthé- laire. Ainsi, la présence de récepteurs µ au niveau bulbaire,
siques locaux, les opioïdes et le paracétamol. Les anesthésiques thalamique, amygdalien et cortical et dans la SGPA sous-tend
locaux sont des bloqueurs de canaux sodiques, protéines l'action supraspinale des opioïdes non seulement sur la trans-
dépolarisantes qui participent à la conduction de l'influx ner- mission du message, mais également sur son intégration et sur
veux, en particulier le long des fibres afférentes primaires. Le les dimensions émotionnelles de la douleur [5, 6].
blocage de ces canaux réduit la conduction de l'influx nerveux, Le paracétamol s'inscrit également dans cette famille des
donc de différents stimuli parmi lesquels les stimuli nocicep- médicaments antinociceptifs. Même si son efficacité est
tifs. Ainsi, la lidocaïne (associée à la prilocaïne), bloqueur limitée, il augmente les seuils de réaction à des stimuli noci-
non spécifique des canaux sodiques, est utilisée sous forme ceptifs chez le sujet sain, rongeur [7] ou humain [8]. Actif
de crème pour prévenir les douleurs nociceptives induites par en dehors de tout phénomène inflammatoire, cet antalgique
les soins ou, comme d'autres anesthésiques locaux (ropiva- module les systèmes de contrôle de la nociception, avec un
caïne, bupivacaïne), dans l'anesthésie locorégionale. Parmi ces effet impliquant la SGPA puis les contrôles inhibiteurs des-
canaux, les canaux Nav1.7, très présents au niveau des fibres cendants bulbospinaux. Il exerce cet effet, via son métabolite
afférentes primaires, jouent un rôle important en physiologie actif, l'AM404, en mobilisant plusieurs systèmes de neuro-
et en physiopathologie de la douleur. Ainsi, une mutation par médiation au sein de la SGPA : le système endocannabinoïde
perte de fonction du gène codant ce canal est retrouvée chez (récepteurs TRPV1 et CB1), glutamatergique (libération de
des sujets congénitalement insensibles à la douleur, ce qui glutamate et récepteurs métabotropiques mGluR5), gabaer-
témoigne de son rôle physiologique [2]. gique (libération de GABA) et le système sérotoninergique
Poursuivant le cheminement de l'influx nociceptif dans bulbospinal [9]. Cet effet, qui se manifeste dans ces situa-
une perspective pharmacologique, nous arrivons à la pre- tions secondaires à des stimuli nociceptifs mais sans inflam-
mière synapse entre les fibres afférentes primaires et les mation est indépendant des cyclo-oxygénases.
neurones de projection, synapse mettant en jeu principa- On pourrait sans doute ajouter à la liste le néfopam dont
lement des acides aminés excitateurs (aspartate, glutamate) les études réalisées chez l'animal laissent à penser qu'il est
et des neuropeptides (substance P et CGRP [peptide relié capable de modifier des processus de contrôle physiologique
au gène calcitonine]), chacun agissant sur une cible récep- de la douleur [10].
torielle postsynaptique. L'application d'un stimulus noci- Ainsi ces différents médicaments disponibles sur le mar-
ceptif, fût-il aigu, induit, sous l'effet de la dépolarisation des ché ont-ils la capacité de moduler, à différents niveaux et
fibres afférentes primaires, la libération de ces médiateurs et, selon différents mécanismes, le message nociceptif induit
ainsi, la transmission du message nociceptif vers les centres par des stimulations brèves relevant plus de la physiologie
supérieurs. Il s'agit, en quelque sorte, de la voie de passage que de modifications physiopathologiques durables. Cela
unique par laquelle transitent tous les influx nociceptifs, que n'exclut pas que ces mêmes produits puissent être actifs
Chapitre 2. De la physiologie et la physiopathologie de la douleur à la pharmacologie    11

v­ is-à-vis de douleurs aiguës, accompagnées de modifica- fibres afférentes primaires provoquent un renforcement de
tions physiopathologiques plus ou moins maintenues ou la transmission synaptique dans le premier relais neuronal
de douleurs chroniques sous-tendues par des mécanismes spinal et trigéminal. Cela aboutit, entre autres, à l'activation
physiopathologiques installés. des récepteurs NMDA aux acides aminés excitateurs, source
d'hyperexcitabilité des neurones de projection et, donc, de
transmission majorée vers les centres supérieurs. Activation
De la physiopathologie NMDA et neuro-­inflammation participent à la sensibili-
à la pharmacologie sation spinale qui fait le lit de la douleur chronique et sont
alors accompagnées de modifications d'expression protéique
La douleur source d'une souffrance qui relève d'un traite- (enzymes, canaux, récepteurs) qui entretiennent le phéno-
ment s'accompagne de modifications physiopathologiques mène. Phénomène également entretenu par l'impact que de
dont la nature, l'intensité et la durée varient en fonction des telles modifications peuvent induire au niveau des centres
contextes pathologiques. Ainsi, on distingue classiquement supérieurs impliqués dans la transmission et la modulation
les mécanismes physiopathologiques observés dans les dou- du message nociceptif et de ceux impliqués dans la dimension
leurs par excès de nociception, aiguës ou chroniques, même affectivo-émotionnelle. Ainsi la douleur chronique devient-
s'il est vraisemblable que plusieurs mécanismes peuvent être elle un syndrome multidimensionnel dont la prise en charge
en cause pour chacun de ces contextes, et ceux observés ne peut être que multimodale.
dans les douleurs neuropathiques chroniques. Nous décri- Dans ce contexte physiopathologique, plusieurs stades
rons ces mécanismes sans évoquer les mécanismes physio- d'intervention pharmacologique sont possibles vis-à-vis de
pathologiques de la migraine et ceux, plus hypothétiques, la dimension sensori-discriminative de la douleur inflam-
des douleurs nociplastiques. Douleurs par excès de noci- matoire. Ainsi, les médiateurs et leurs récepteurs situés sur
ception et douleurs neuropathiques peuvent être traitées par les nocicepteurs constituent des cibles potentielles pour
des médicaments de nature différente, dont l'utilisation et des médicaments antalgiques à action prioritairement
l'existence même sont plus souvent nées de l'empirisme cli- périphérique.
nique, voire du hasard, que d'une conception issue directe- Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), inhi-
ment des connaissances physiopathologiques. Néanmoins, il biteurs des cyclo-oxygénases, exercent un effet analgésique
est possible de rattacher telle ou telle famille de médicament périphérique en inhibant prioritairement la synthèse de pros-
antalgique aux mécanismes physiopathologiques avérés ou taglandines qui jouent un rôle d'activateur et de sensibilisateur
supposés de tel ou tel type de douleur. des nocicepteurs. Cet effet sur les nocicepteurs (qui n'est pas
exclusif) associé à l'effet anti-inflammatoire explique l'intérêt
des AINS pour maîtriser la douleur inflammatoire. À ce méca-
Douleurs par excès de nociception, nisme peut s'ajouter un effet central des AINS qui traversent
douleur inflammatoire la barrière hémato-encéphalique ; effet central dû également à
Comme évoqué dans le chapitre « Chemin de la douleur l'inhibition de cyclo-oxygénases spinales, à l'origine de la syn-
aiguë à la douleur chronique : du symptôme au syndrome », thèse de prostaglandines d'origine neuronale et/ou gliale.
la triade lésion-inflammation-douleur constitue le fondement Mais au-delà de l'exemple classique des AINS, d'autres
de nombreuses douleurs aiguës du quotidien (douleurs post- produits peuvent exercer une action périphérique bénéfique
traumatiques, postopératoires, musculaires, etc.), mais aussi dans ce type de douleur. C'est le cas des anticorps anti-NGF
de douleurs chroniques dans lesquelles la situation inflamma- (tanézumab, fasinumab, fulranumab), dont la commercialisa-
toire est plus ou moins persistante (arthrites, poussées d'ar- tion pourrait survenir dans un délai assez bref, qui empêchent
throse, etc.). La physiopathologie de ces douleurs implique la fixation de ce facteur de croissance neuronal sur son récep-
une activation et une sensibilisation des nocicepteurs qui teur TrkA et inhibent ainsi un des mécanismes d'activation et
aboutit, outre la douleur spontanée, à une diminution des de sensibilisation des nocicepteurs. L'efficacité de cette bio-
seuils de réaction à un stimulus nociceptif et une augmen- thérapie a été démontrée il y a plusieurs années dans diverses
tation des réponses à un stimulus supraliminaire (hyperal- situations de douleurs par excès de nociception chez l'animal
gésie). Les mécanismes à l'origine de ces changements sont [11, 12] et, plus récemment, chez l'humain, par exemple dans
fortement liés à la « soupe inflammatoire » induite par la les douleurs arthrosiques [13].
lésion tissulaire originelle. Ainsi, des médiateurs issus du Toujours à la périphérie, il est légitime d'évoquer la possibi-
plasma, de mastocytes, de neutrophiles, de macrophages ou lité d'activer les récepteurs opioïdes situés sur les nocicepteurs
du tissu lésé lui-même, voire des fibres afférentes via le réflexe et dont l'expression est augmentée en situation inflammatoire
d'axone, convergent vers le site lésionnel et activent leurs pour accueillir des opioïdes endogènes libérés par les cellules
récepteurs spécifiques localisés sur les nocicepteurs condui- immunocompétentes mobilisées dans cette situation. Une
sant à la genèse de l'influx nerveux. Cet afflux de médiateurs équipe allemande a conçu un fentanyl modifié, susceptible
et l'activation des nocicepteurs aboutissent à un excès d'influx d'agir uniquement à pH bas, ce qui est le cas d'un état inflam-
nociceptif à l'origine des douleurs ressenties. Les familles de matoire, et d'induire ainsi un effet antalgique [14].
médiateurs sont très variées : cytokines (TNF- α, IL-1β, etc.), Mais le site d'action périphérique n'est bien évidemment
bradykinine, histamine, sérotonine, lipides (prostaglandines, pas le seul site d'action possible pour réduire les douleurs
etc.), adénosine triphosphate (ATP), ions H +, nerve growth par excès de nociception, particulièrement les douleurs
factor (NGF), etc. L'activation importante des nocicepteurs inflammatoires. Les médicaments antinociceptifs (opioïdes,
et les nombreux potentiels d'action induits au niveau des paracétamol, néfopam) sont aptes à réduire, plus ou moins
12   Partie 1. Chemin de la douleur aiguë à la douleur chronique : du symptôme au syndrome

efficacement, ce type de douleur en inhibant la transmission massive de calcium, à l'origine de phénomènes intracellu-
du message selon les mécanismes évoqués plus haut. Ils laires qui aboutissent à l'hyperexcitabilité de ces neurones.
deviennent donc antihyperalgésiques, s'opposant aux per- Cette hyperexcitabilité est renforcée par une levée des sys-
turbations observées dans la douleur inflammatoire, parmi tèmes inhibiteurs spinaux (interneurones gabaergiques, qui
lesquelles, justement, l'hyperalgésie, mais aussi, bien sûr, la peuvent aussi devenir source d'excitabilité !), ou bulbospi-
douleur spontanée. naux noradrénergiques. Des phénomènes d'origine gliale
D'autres produits, comme la kétamine, peuvent être (libération de cytokines TNF-α, IL-1β, BDNF) participent
qualifiés d'antihyperalgésiques. Antagoniste du récepteur aussi à cette hyperexcitabilité via la neuro-inflammation
NMDA, elle inhibe un élément clé de l'excès de nociception induite. Ainsi, dans ce contexte de sensibilisation centrale,
et de la sensibilisation centrale. Cela justifie son utilisation l'augmentation de l'activité des neurones de deuxième ordre
possible contre la douleur postopératoire, contexte qui conduit à une augmentation de leur réponse à différentes
bénéficie aussi de son effet anti-inflammatoire, qui relève modalités sensorielles (dont des stimuli mécaniques de faible
de plusieurs mécanismes [15]. Son action d'inhibition de intensité) et participe à étendre leur champ récepteur.
l'hyperalgésie aux opioïdes est aussi une raison de son utili- Ces phénomènes spinaux ont des effets sur les structures
sation dans ce contexte. supraspinales de la « pain matrix » (terme qui désigne un
Enfin, des produits moins classiques pour la douleur ensemble de structures cérébrales activées en réponse à un
inflammatoire pourraient, au moins selon des études chez stimulus nociceptif) qui participent ainsi non seulement au
l'animal, avoir également un intérêt dans ces douleurs. C'est phénomène douloureux mais également aux comorbidités
le cas, par exemple, des antiépileptiques : plusieurs études associées à cette douleur chronique.
menées dans des modèles animaux de douleur inflamma- Deux classes thérapeutiques sont les traitements de pre-
toire révèlent leur efficacité [16]. Les mécanismes suspectés, mière intention de ces douleurs : les antidépresseurs et les
variés et sans doute différents en fonction du type d'antié- antiépileptiques [17]. Les éléments physiopathologiques de
pileptique, peuvent s'exercer sur les fibres afférentes et/ou ces douleurs, tels que décrits ci-dessus, fournissent le subs-
dans la CPME (inhibition de la sous-unité α2δ des canaux tratum à leur mécanisme d'action sur la dimension senso-
calciques, blocage des récepteurs NMDA, activation de ridiscriminative, tel qu'admis aujourd'hui. Cela n'exclut
canaux potassiques, etc. [gabapentinoïdes] ; inhibition de pas que leurs effets psychotropes puissent aussi participer à
canaux sodiques [carbamazépine, oxcarbazépine]) ou sur l'amélioration générale des patients.
les contrôles descendants (activation des voies sérotoniner- Concernant les antidépresseurs, le premier constat est
giques ou noradrénergiques). que seuls les inhibiteurs mixtes de la recapture de la noradré-
naline et de la sérotonine (IRSNA) sont efficaces, alors que
les inhibiteurs spécifiques de la recapture de la sérotonine
Douleurs neuropathiques (ISRS) ne le sont pas. Ce constat, clairement confirmé par
Les douleurs neuropathiques sont des douleurs chroniques des études cliniques, exclut un mécanisme sérotoninergique
secondaires à une lésion ou une maladie du système ner- alors même que la sérotonine est un modulateur majeur du
veux somatosensoriel. Les altérations de ce système, qui message nociceptif. Il existerait donc une forme de résis-
peuvent être d'origine traumatique, métabolique, isché- tance des douleurs neuropathiques à l'effet antalgique de la
mique, neurodégénérative, tumorale, iatrogène, infectieuse, sérotonine, résistance qui mérite exploration. Quoi qu'il en
etc., conduisent à un déséquilibre entre les systèmes exci- soit, ces données montrent qu'il est nécessaire qu'une com-
tateurs (facilités) et inhibiteurs (réduits) de la transmission posante noradrénergique soit mobilisée pour que les anti-
nociceptive. Ce déséquilibre aboutit à une hyperexcitabilité dépresseurs (imipraminiques ou IRSNA) soient efficaces.
liée à des modifications anatomiques, électrophysiologiques, L'hypothèse privilégiée est que ces antidépresseurs inhibent
moléculaires, périphériques et/ou centrales. L'hyperexcita- la recapture de la noradrénaline libérée par les terminaisons
bilité sous-jacente dépend des capacités neuroplastiques du spinales des voies inhibitrices descendantes bulbospinales.
système nerveux, qui affectent les canaux ioniques, l'activité Par ce mécanisme, les antidépresseurs renforcent un sys-
des neurones de projection et les systèmes inhibiteurs et tème de contrôle inhibiteur dont l'activité est réduite dans
facilitateurs. les douleurs neuropathiques. Nombre d'entre eux sont des
Ainsi, on observe, dans les neuropathies périphériques, produits pharmacologiquement « sales », car ils agissent sur
une augmentation de l'expression et une modification de plusieurs cibles moléculaires : canaux ioniques ou récep-
la distribution et de la fonction de certains canaux ioniques teurs NMDA, α-adrénergiques ou encore histaminergiques,
dépolarisants tels que les canaux sodiques, calciques ou TRP etc. Ces effets, considérés comme annexes à l'inhibition de
(Transient Receptor Potential). L'ensemble de ces phéno- la recapture, peuvent néanmoins participer à l'action théra-
mènes conduit à une excitabilité accrue des fibres afférentes, peutique de ces molécules. En effet, certaines de ces cibles
à des décharges ectopiques, par exemple au niveau d'un sont impliquées dans la physiopathologie des douleurs neu-
névrome, à une libération accrue de neurotransmetteurs et, ropathiques. Ainsi, le blocage des canaux sodiques pourrait
donc, à une augmentation de la transmission synaptique spi- participer à l'effet des imipraminiques et de la venlafaxine.
nale vers les neurones de projection. On observe également Il convient d'évoquer ici le tramadol, antalgique opioïde qui
une diminution de l'expression de canaux hyperpolarisants possède aussi la capacité d'inhiber la recapture de séroto-
de type potassique. Ainsi, les récepteurs NMDA, localisés sur nine et de la noradrénaline, ce qui lui confère une certaine
les neurones de projection, sont activés à la suite de décharges légitimité dans la prise en charge des patients souffrant de
continues issues des fibres afférentes, ce qui permet l'entrée douleurs neuropathiques.
Chapitre 2. De la physiologie et la physiopathologie de la douleur à la pharmacologie    13

Les antiépileptiques sont conceptuellement des médi- Conclusion


caments qui s'opposent à l'hyperexcitabilité neuronale. Or
cet effet peut être obtenu soit en inhibant les effets et/ou Les mécanismes physiopathologiques résumés dans ce cha-
la libération de neuromédiateurs excitateurs (par exemple pitre – dont la connaissance provient très souvent, mais pas
les acides aminés excitateurs agissant sur le récepteur exclusivement, des résultats d'études précliniques in vivo,
NMDA), soit en inhibant les canaux ioniques dépolarisants ex vivo ou in vitro – fournissent un substratum pathogénique
(sodiques, calciques), soit en activant les systèmes neuro- aux douleurs par excès de nociception et aux douleurs neu-
naux inhibiteurs (par exemple le système gabaergique) ou ropathiques. L'évolution de ces connaissances de plus en plus
les canaux ioniques hyperpolarisants (potassiques). Ces nombreuses et sophistiquées, en particulier grâce aux progrès
différentes cibles protéiques sont impliquées dans la physio- technologiques aurait dû conduire à l'émergence de nouveaux
pathologie des douleurs neuropathiques (cf. ci-dessus). On concepts pharmacothérapeutiques. Hélas, la réalité de la phar-
comprend alors que les antiépileptiques puissent avoir une macopée, en voie de raréfaction et constituée de produits
place dans ce contexte pathologique. Les gabapentinoïdes dont le ratio bénéfice-risque est souvent insatisfaisant, est
(gabapentine et prégabaline) sont recommandés, comme aujourd'hui tout autre. Pourtant, les connaissances physiopa-
les antidépresseurs, en première intention pour le traite- thologiques permettent de mieux comprendre et souvent de
ment des douleurs neuropathiques [17]. Ces produits, nous justifier l'utilisation de tel ou tel antalgique dans la prise en
l'avons dit plus haut, sont des inhibiteurs de la sous-unité charge des syndromes douloureux mentionnés dans ce cha-
α2δ des canaux calciques 2.1 et 2.2, dont il a été montré pitre. L'objectif de ce dernier était d'illustrer ce lien, afin d'ai-
qu'elle était surexprimée au niveau des ganglions spinaux der le praticien dans sa démarche thérapeutique. Nous aurions
dans des modèles de neuropathie. Les canaux calcique 2.2 aimé pouvoir intégrer à ces réflexions les douleurs nociplas-
sont d'ailleurs la cible du ziconotide, Ω-conotoxine, indiqué tiques, mais les données physiopathologiques, en particulier
dans le traitement de certaines douleurs neuropathiques neurochimiques, sont telles qu'il n'est pas possible aujourd'hui
rebelles, mais produit administrable uniquement, hélas, d'en extraire des éléments consensuels susceptibles de justifier
par voie intrathécale, ce qui en limite l'emploi. Une autre l'utilisation de tel ou tel médicament, même si la prégabaline la
cible des antiépileptiques est représentée par les canaux duloxétine et le minalcipran ont une autorisation de mise sur
sodiques, dont la carbamazépine et l'oxcarbazépine sont le marché aux États-Unis pour la fibromyalgie.
inhibiteurs. Enfin, il convient de souligner que la carbama-
zépine, traitement de référence de la névralgie du trijumeau
interfère avec le système gabaergique. Elle renforce la trans- Références
mission gabaergique en activant le récepteur GabaA ; ainsi, [1] Lussier D, Beaulieu P. Toward a rational taxonomy of analgesic drugs.
en termes de douleur, elle renforce un système inhibiteur In : Pharmacology of pain. IASP Press ; 2010. p. 27–40.
antalgique. [2] Cox JJ, Reimann F, Nicholas AK, Thornton G, Roberts E, Springell K,
Au-delà de ces deux familles classiquement utilisées et al. An SCN9A channelopathy causes congenital inability to expe-
dans le traitement des douleurs neuropathiques d'autres rience pain. Nature 2006 ; 444(7121) : 894–8.
[3] Le Bars D, Menétrey D, Conseiller C, Besson JM. Depressive effects
produits sont utilisés en deuxième, voire troisième inten-
of morphine upon lamina V cells activities in the dorsal horn of the
tion [17]. Les données physiopathologiques évoquées plus spinal cat. Brain Res 1975 ; 261–77.
haut peuvent expliquer, au moins en partie, leur intérêt. Par [4] Yaksh TL, Rudy TA. Analgesia mediated by a direct spinal action of
exemple, la lidocaïne, anesthésique local, se justifie comme narcotics. Science 1976 ; 25 : 1357–8.
traitement (recommandé en deuxième intention) dans les [5] Wang JY, Huang J, Chang JY, Woodward DJ, Luo F. Morphine modu-
douleurs neuropathiques du fait de sa capacité à bloquer lation of pain processing in medial and lateral pain pathways. Mol
les canaux sodiques. La capsaïcine, également indiquée Pain 2009 ; 5 : 60.
en deuxième intention, est, elle, un agoniste des récep- [6] Oertel BG, Preibisch C, Wallenhorst T, Hummel T, Geisslinger G,
teurs canaux TRPV1 présents sur les nocicepteurs et (en Lanfermann H, Lötsch J. Differential opioid action on sensory and
moindre quantité) dans le SNC. Elle induit initialement, affective cerebral pain processing. Clin Pharmacol Ther 2008 ; 83 :
577–88.
lors de son application superficielle, chaleur, brûlure, sen-
[7] Mallet C, Daulhac L, Bonnefont J, Ledent C, Etienne M, Chapuy E,
sation de piqûre, démangeaison, puis, secondairement, une Libert F, Eschalier A. Endocannabinoid and serotonergic systems
sorte de « défonctionnalisation » des nocicepteurs par une are needed for acetaminophen-induced analgesia. Pain 2008 ; 139 :
activation massive des récepteurs TRPV1 qui conduit à un 190–200.
influx très important de calcium qui est toxique pour les [8] Pickering G, Estève V, Loriot MA, Eschalier A, Dubray C. Acetami-
fibres afférentes. L'administration intradermique ou sous- nophen reinforces descending inhibitory pain pathways. Clin Phar-
cutanée de toxine botulique A, recommandée en troisième macol Ther 2008 ; 84 : 47–51.
intention, s'est révélée efficace chez des patients atteints de [9] Mallet C, Eschalier A, Daulhac L. Paracetamol : Update on it's analge-
douleur neuropathique [18, 19]. Son effet est indépendant sic mechanism of action. In : Maldonado C, editor. Pain Relief -
de son action sur le tonus musculaire et pourrait relever From Analgesics to Alternative Therapies. InTechOpen : Londres ;
2007. p. 2017.
d'un effet neuro-immunologique central lié à une inter-
[10] Girard P, Pansart Y, Coppe MC, Gillardin JM. Nefopam reduces ther-
férence avec la microglie et la production de cytokines. mal hypersensitivity in acute and postoperative pain models in the
Il convient enfin de citer ici les opioïdes. Classiquement rat. Pharmacol Res 2001 ; 44 : 541–5.
considérés comme inefficaces dans les douleurs neuropa- [11] Koltzenburg M, Bennett DL, Shelton DL, McMahon SB. Neutraliza-
thiques, on admet aujourd'hui leur efficacité dans certains tion of endogenous NGF prevents the sensitization of nociceptors
sous-groupes de patients. supplying inflamed skin. Eur J Neurosci 1999 ; 11 : 1698–704.
14   Partie 1. Chemin de la douleur aiguë à la douleur chronique : du symptôme au syndrome

[12] Denk F, Bennett DL, McMahon SB. Nerve Growth Factor and Pain [17] Finnerup NB, Attal N, Haroutounian S, McNicol E, Baron R,
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Chapitre
3
Imagerie cérébrale
de la douleur
Roland Peyron

PLAN DU CHAPITRE
Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15 Douleurs chroniques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
Physiologie de la douleur . . . . . . . . . . . . . . . . . 15 Solutions antalgiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
Empathie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16

Résumé pour inventorier une épilepsie rebelle. Ces techniques ont


ainsi permis d'identifier un nombre restreint de régions
L'imagerie fonctionnelle cérébrale appliquée à l'étude des phéno-
cérébrales dans lesquelles les neurones codent l'intensité
mènes douloureux chez l'homme a permis, au cours des vingt-cinq
de la stimulation douloureuse. Leur stimulation induit
dernières années, de préciser les aires cérébrales impliquées dans cette
une sensation douloureuse. Sans parler de spécificité, il est
fonction, mais aussi les aires permettant les modulations nocicep-
actuellement acquis que le cortex présente des réponses
tives, et, enfin, les zones impliquées dans les contrôles antalgiques.
nociceptives corticales (physiologiques).
Contre tous préjugés, ce sont les aires operculaires (aire somatosen-
sorielle secondaire [S2]) et insulaires qui sont le plus constamment
activées par une stimulation douloureuse en plus du thalamus, de Physiologie de la douleur
l'aire somatosensorielle primaire (S1) et du cortex cingulaire antérieur
(CCA). Des modulations peuvent intervenir sur ce circuit, mettant Les aires déjà impliquées dans la somesthésie (thalamus,
en jeu le cortex cingulaire et les aires pariétales. À la suite d'une sti- aire S1) étaient considérées comme susceptibles de générer
mulation nociceptive sévère, des contrôles antalgiques puissants de une réponse nociceptive. Dans les années 2000, il apparaît,
nature opioïdergiques se mettent en place et concernent le cortex à l'imagerie fonctionnelle, que ces aires, contre toute attente,
orbito-frontal, le cortex cingulaire péri- et sous-génual et la SGPA. ne procurent pas systématiquement une réponse nociceptive
(figure 3.1) [1]. Les opercules pariétaux et les insula s'activaient,
quant à eux, systématiquement dès lors que la stimulation
calorique devenait nocive. D'autres réponses moins constantes
Introduction et moins prévisibles surviennent en cas de stimulation dou-
Depuis 1991, les techniques d'imagerie fonctionnelle per- loureuse : cortex préfrontaux, cingulaires moyens (aire 24) et
mettent l'accès, in vivo, au fonctionnement du cerveau de pariétaux postérieurs (aire 40) sont activés en réponse à une
volontaires soumis à un stimulus douloureux [1]. Aupara- tâche attentionnelle dirigée vers l'espace corporel recevant la
vant, la connaissance des circuits de la douleur était fondée stimulation. Le réseau moteur est recruté si la douleur a été
sur l'expérimentation animale et sur les extrapolations à par- suffisamment intense pour générer un retrait ou si la consigne
tir de la somesthésie. Les études de physiologie douloureuse était de maintenir une immobilité stricte de la zone stimulée.
chez le volontaire sain se sont multipliées pour appréhender Ce réseau moteur implique l'aire motrice supplémentaire, le
les mécanismes qui composent cette sensation composite cortex moteur primaire et le cervelet ipsilatéral. Autrement dit,
caractéristique de la douleur physiologique. Les mêmes le cerveau est capable d'identifier qu'une stimulation calorique
techniques d'imagerie peuvent ensuite être déclinées pour atteint un niveau nociceptif dans des aires discriminantes.
étudier les douleurs chroniques (par exemple les douleurs C'est là la réponse minimale, mais il est capable en même
neuropathiques), à des fins de compréhension des méca- temps de conduire une réponse attentionnelle, de générer une
nismes physiopathologiques et des mécanismes antalgiques. réponse motrice, de localiser avec précision la zone agressée,
Ces techniques ont beaucoup bénéficié de l'apport de constituer une réponse émotionnelle, etc.
d'autres explorations, comme les enregistrements intracrâ- Les stimulations intracérébrales directes ont beaucoup aidé
niens [2] ou les stimulations intracrâniennes directes [3] à comprendre la signification fonctionnelle de chacune de ces
menés chez des patients ayant des électrodes implantées activations parallèles : lors des expertises ­préopératoires de
Médecine de la douleur pour le praticien
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16   Partie 1. Chemin de la douleur aiguë à la douleur chronique : du symptôme au syndrome

Figure 3.1 La douleur dans le cerveau ?

patients atteints d'épilepsie rebelle préchirurgicale, des élec- puisque le sujet n'est pas lui-même soumis à la sensation
trodes enregistrant les crises sont implantées. Elles peuvent physique de douleur [6].
servir à stimuler le cerveau directement. Seuls 11 % de plus de
4 000 stimulations disséminées dans tout le cerveau ont déclen-
ché une sensation douloureuse sans équivoque, mais toutes ces Douleurs chroniques
stimulations étaient de localisation operculaire (S2) et/ou insu- Appliquer l'imagerie fonctionnelle aux douleurs chroniques,
laire postérieure [3]. Cela suggère que la capacité des aires oper- notamment neuropathiques vise à explorer des mécanismes
culo-insulaires à générer de la douleur est forte, à la différence physiopathologiques. Des réorganisations du thalamus, des
des autres aires cérébrales, y compris celles du gyrus cingulaire. aires insulaires, operculaires et du cortex préfrontal sont
Si l'on stimule la peau avec un laser, les électrodes enregistrant observées. Plus précisément, la tomographie par émission
des réponses proportionnelles à la perception douloureuse sont de positons (TEP) permet d'aborder les questions de la
essentiellement observées dans ces mêmes aires [2]. Les aires médiation chimique des informations nociceptives ou des
capables de générer de la douleur ont donc aussi une capacité réorganisations cérébrales qui font la pathologie, ou encore
discriminative leur permettant de distinguer une stimulation de la médiation de phénomènes antalgiques. Des anomalies
thermique indolore d'une stimulation douloureuse, alors que du système endorphinique ont ainsi été rapportées dans plu-
d'autres régions peuvent avoir d'autres fonctions, attentionnelle sieurs pathologies douloureuses chroniques.
(pariétal postérieur et préfrontal), émotionnelle (insula anté-
rieure et cortex orbitofrontal) ou motrice (système moteur).
Deux exemples en pathologie confirment ces données : l'épi- Solutions antalgiques
lepsie, modèle de décharge neuronale, peut produire des symp- Du point de vue du soignant, s'intéresser aux mécanismes
tômes douloureux si l'origine de la crise ou sa propagation est susceptibles d'apporter un soulagement est important. Des
operculaire ou insulaire [4]. À l'inverse, une lésion focale du études ont évalué les effets sur l'activité cérébrale d'un cer-
cerveau dans la région de S2 et de l'insula postérieure peut abo- tain nombre de solutions antalgiques : la diversion, l'hyp-
lir la fonction nociceptive, le patient se trouvant dans l'incapa- nose, les opiacés ou l'effet placebo, qui créent des activités
cité de percevoir une stimulation nocive de 50 °C ou la piqûre concentrées dans le cortex frontal médian, le cingulaire ros-
de l'infirmière en vue d'une prise de sang [5]. tral, et le cortex orbito-frontal. Il est admis que ces structures
puissent être à l'origine de contrôles inhibiteurs via la SGPA
et que cette région puisse être impliquée dans des méca-
Empathie nismes antalgiques physiologiques. La neurostimulation
Une partie de ce même réseau se trouve activée quand du cortex moteur, technique empirique, soulage la douleur
la douleur est générée à la vue de la souffrance d'au- des patients dans 60 % des cas sans que l'on en comprenne
trui (empathie). Logiquement, les aires perceptives ou les mécanismes. Les activités qu'induit ce neuro­stimulateur
­discriminatives décrites plus haut ne sont pas recrutées, concernent les aires à distance, le thalamus, le cortex
Chapitre 3. Imagerie cérébrale de la douleur     17

c­ ingulaire rostral ou la SGPA. Dans ces deux dernières aires, [2] Frot M, Magnin M, Mauguiere F, Garcia-Larrea L. Human SII and
les activités sont corrélées à l'effet antalgique [7]. Cela nous posterior insula differently encode thermal laser stimuli. Cereb Cortex
rappelle que la neurostimulation de la SGPA a été développée, 2007 ; 17 : 610–20.
[3] Mazzola L, Isnard J, Peyron R, Mauguiere F. Stimulation of the human
de manière empirique elle aussi, avec certains succès théra-
cortex and the experience of pain : Wilder Penfield's observations revi-
peutiques, dans les années 1950, et que le cortex cingulaire sited. Brain 2012 ; 135 : 631–40.
rostral pouvait être considéré comme une cible potentielle [4] Isnard J, Guénot M, Ostrowsky K, Sindou M, Mauguière F. The role of the
pour la neurostimulation de ces patients, d'autant que ces insular cortex in temporal lobe epilepsy. Ann Neurol 2000 ; 48 : 614–23.
structures sont accessibles à l'imagerie de par leur richesse en [5] Garcia-Larrea L, Perchet C, Creac'h C, Convers P, Peyron R, Laurent B,
récepteurs opioïdes. et al. Operculo-insular pain (parasylvian pain) : a distinct central pain
syndrome. Brain 2010 ; 133 : 2528–39.
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2000 ; 30 : 263–88. cacy for chronic pain. Pain 2013 ; 154 : 2563–8.
Chapitre
4
Principes d'évaluation
des syndromes douloureux
chroniques de l'enfant
Barbara Tourniaire

PLAN DU CHAPITRE
Évaluer l'intensité de la douleur . . . . . . . . . . . 21 À qui, et quand adresser un enfant ou un
Une évaluation globale nécessaire adolescent en structure douleur ? . . . . . . . . . . 24
dans la douleur chronique de l'enfant. . . . . . . 23

de santé (HAS) précise les données de l'évaluation dans la


POINTS ESSENTIELS douleur aiguë de l'enfant [1]. L'évaluation de la douleur de
L'évaluation de la douleur est possible à tous les âges avec l'enfant comme de l'adulte est aussi un critère exigible de la
des échelles validées. À partir d'environ 5 ans, les enfants certification. Nous ne disposons pas de recommandations
sont eux-mêmes capables d'évaluer leur propre douleur. spécifiques sur l'évaluation de la douleur chronique de l'en-
Avant cet âge, une hétéroévaluation est nécessaire, fondée fant, ni d'une définition spécifique de la douleur chronique
sur l'observation. Dans la douleur chronique, outre l'intensité en pédiatrie : en particulier, la même durée que chez l'adulte
de la douleur, son retentissement sur la vie de l'enfant et de doit-elle être retenue, surtout chez les enfants les plus petits ?
sa famille doit être évalué. Le développement psychomoteur de l'enfant et sa com-
préhension des événements détermineront la façon dont
le soignant entrera en contact avec l'enfant et évaluera la
Comme chez l'adulte, l'évaluation de la douleur est incon- douleur.
tournable pour la mise en place d'une stratégie thérapeu-
tique adaptée.
L'évaluation n'est pas un acte simple ni isolé. Il s'agit Évaluer l'intensité de la douleur
d'un processus complet et complexe qui ne se réduit pas à
l'intensité de la douleur. Évaluer consiste à comprendre au
De la douleur aiguë à la douleur
plus près ce que l'enfant éprouve. Comme chez l'adulte, prolongée
l'évaluation doit tenir compte des caractéristiques de la dou- Dans la douleur aiguë sont surtout présents des signes tels
leur, de sa description, son intensité, sa fréquence, sa durée, que les cris, les protestations, les pleurs ou l'évitement ; ces
sa localisation, mais aussi de son retentissement, en termes signes sont évidents, très sensibles, mais peu spécifiques car
d'impact fonctionnel, de qualité de vie, d'absentéisme sco- aussi parfois présents dans la colère ou la peur. Cependant,
laire et de retentissement familial. Tous ces éléments seront le travail d'équipes de recherche a mis en évidence, sur le
recueillis avec pertinence si le contact avec l'enfant et sa visage des nouveau-nés, des signes plus spécifiques de la
famille a été établi. Évaluer nécessite donc d'observer fine- douleur, ce qui permis le développement d'échelles fondées
ment et d'entrer en relation. sur l'observation du visage du nouveau-né (échelle Neonatal
La démarche d'évaluation ne se réduit donc jamais à l'uti- Facial Coding System [NFCS]).
lisation d'échelles, d'autant moins que la douleur sera pro- Jusqu'à l'âge d'environ 6 ou 7 ans, le visage des enfants
longée ou chronique. La douleur devra alors être replacée est très expressif, incapables de masquer les émotions. La
dans le contexte de vie de l'enfant, dans son histoire et celle douleur est assez facilement repérable à la lecture du visage
de sa famille. et du corps, selon l'expressivité de l'enfant, ce qui a permis
Les premières recommandations françaises sur la dou- le développement d'échelles d'hétéroévaluation, fondées sur
leur de l'enfant datent de 2000 : un texte de la Haute Autorité l'observation. Avec l'âge, les enfants apprennent à contenir
Médecine de la douleur pour le praticien
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Mothanna lived but a few months after
his last great victory. He never entirely Mothanna superseded.
recovered from the wounds received in the
disastrous battle of the Bridge, and eventually succumbed under
them. His merits have not been recognised as they deserve. That he
did not belong to the nobility of Medîna was the misfortune which
kept him in the background. Jarîr, leader of the Beni Jadîla, declined
to serve under him as Ameer, or commander, in Irâc, since he was a
mere Bedouin chief, and not a Companion of the Prophet; and he
complained accordingly to the Caliph. Omar listened to the appeal;
and eventually (as we shall see) appointed another commander over
both. But with that opens a new chapter in the Persian war, and
before entering on it, we must revert to the course of events in Syria.
The character of Mothanna, however,
deserves more than a passing notice, and Mothanna.
as we shall hear little of him in the short
remaining period of his life, I may here devote a few lines to his
memory. Among the generals who contributed to the triumph of
Islam, he was second only to one. Inferior to Khâlid in dash and
brilliancy of enterprise, he did not yield to him in vigour and strategic
skill. Free from the unscrupulous cruelty so often disfiguring the
triumphs of that great leader, he never, like him, used victory to
gratify his own ends. It was due alone to the cool and desperate
stand which Mothanna made at the Bridge, that the Moslem force
was not utterly annihilated there; while the formation so rapidly after
that disaster of a fresh army, by which, with the help of Christian
tribes (rare mark of Moslem liberality), a prodigious host was
overthrown, and the prestige of Islam restored—showed powers of
administration and generalship far beyond his fellows. The repeated
supersession of Mothanna cost the Caliphate much, and at one time
rendered the survival of Islam in Irâc doubtful; but it never, in the
slightest measure, affected his loyalty and devotion to Omar. The
nobility of the Moslem peerage may have rendered it difficult for the
Caliph to place a Bedouin chieftain of obscure origin in command of
men who, as Companions, had fought under the Prophet’s banner.
But it is strange that no historian, jealous for the honour of the
heroes of Islam, has regretted the supersession of one so
distinguished, or sought to place Mothanna on the deserved pinnacle
of fame, as one of the great generals of the world.[225]
CHAPTER XV.
CAMPAIGN IN SYRIA.—TAKING OF DAMASCUS.—BATTLE OF
FIHL.

A.H. XIV. A.D. 635.

After the terrible slaughter of the


Romans at Wacûsa, we left the Syrian The Syrian forces repose on
forces reposing on the banks of the the Yermûk.
Yermûk. There, for some time, they were engaged in burying the
dead, tending the wounded, and dividing the spoil.
The country around them, ‘the land
beyond Jordan on the east,’ differed from Syria east of the Jordan.
any they had previously known. To the
south was the undulating pasture-ground of the Belcâa, and again to
the north of the Yermûk the pasture-lands of Jaulân.[226] Between
these two pastoral tracts lay the hills and dales of Gilead, with their
fields of wheat and barley, dotted every here and there with clumps
of the shady oak, olive, and sycamore, and thickets of arbutus,
myrtle, and oleander. It was emphatically ‘a good land, a land of
brooks of water, of fountains and depths that spring out of valleys
and hills.’ The landscape, diversified with green slopes and glens, is
in season gay with carpeting of flowers and melody of birds. From
heights not far north of the Yermûk, beyond the green expanse
around, might be descried the blue waters of the Sea of Galilee
sparkling in the west, and still farther the snow-capped peaks of the
Lebanon and Hermon—a strange contrast to the endless sands and
stony plains of the peninsula.[227] Not less marked was the contrast
with the land of Chaldæa. There the marshy delta of the Euphrates
displays an almost tropical luxuriance; while above it the plains of
Mesopotamia, with its network of canals, were covered by vast
mounds, the site of cities teeming with life in the early cycles of the
world, and strewn with fragments of pottery and bricks stamped with
strange devices—mysterious records of bygone kingdoms. Here, on
the contrary, the pride of the Byzantine empire was yet alive. From
the Jordan to the desert were colonial cities founded by the Romans,
boasting their churches, theatres, and forum. Even the naval
contests of the naumachia might be witnessed in the land of Gilead.
The country was populous and flourishing, inhabited by a mongrel
race half Arab and half Syrian, who aspired to the privileges and
aped the luxurious habits, without the chivalry and manliness, of the
Roman citizen. It was altogether a civilisation of forced and exotic
growth. No sooner was the western prop removed than the people
returned to their Bedouin life, true sons of the desert; the chariot and
waggon were banished for the camel; and nothing left of Roman rule
but columns and peristyles, causeways and aqueducts—great
masses of ruined masonry which still startle the traveller as if
belonging to another world. But, at the time we write of, the age of
so-called civilisation was still dominant there.
Such was the beautiful country, strange
to the peninsular Arab, both in its natural Highway between Syria and
Arabia.
features and in its busy urban life, which
was now traversed by the Moslem armies, and soon became the
beaten highway between Syria and Arabia.
After achieving the victory of Wacûsa,
Khâlid delivered over to Abu Obeida the Abu Obeida succeeds
Khâlid. a.h. XIII. Sept. a.d.
despatch from the new Caliph, which (as 634.
we have related) was put into his hands at
the commencement of the action, and with it surrendered the
commission which he held from Abu Bekr.[228] The other leaders
were all confirmed in their commands by Omar.
The affront put upon him by Omar did
not damp the zeal or devotion of Khâlid. Khâlid loyally supports Abu
He placed himself forthwith at the Obeida.
command of Abu Obeida, who published with reluctance the order
for his deposition.[229] Abu Obeida knew full well the rare military
genius of Khâlid; and, himself of a mild and unwarlike turn, was wise
and magnanimous enough to ask, and as a rule implicitly to follow,
his advice. Khâlid, nobly putting aside his grievance, devoted his
best energies to the cause; and, his supersession notwithstanding,
remained thus virtually the chief captain of Islam in Syria.
The course of Moslem victory in Syria advanced with little let or
check. In Persia the struggle was not to save a limb, but life itself.
Here it was otherwise. Syria, indeed,
contained the holy places and all that was Byzantine struggle in Syria
dearest to the Byzantine people as the faint-hearted.
cradle of their faith. But, after all, it was, though fair and sacred, but
an outlying province, of which a cowardly, supine, and selfish court
could without vital injury afford the loss. There were, accordingly, no
such mortal throes in Syria as on the plains of Chaldæa.
Leaving a strong detachment on the
Yermûk to keep communications open with Abu Obeida advances on
the south, the invading army resumed its Damascus.
march towards Damascus. On the way, news reached them that the
city had been reinforced, and also that in Palestine the scattered
fragments of the defeated army had re-formed in the valley of the
Jordan, thus threatening the Moslem rear. The moment was critical,
and Abu Obeida wrote for orders to the Caliph. The command of
Omar was to strike a decisive blow at Damascus. The citadel of
Syria gained, the rest was sure. Accordingly, a strong column under
Abul Aûr and other veteran leaders was sent back to hold in check
the enemy on the Jordan, while the main body advanced by the
military road to Damascus.
This city, founded before the days of
Abraham,[230] enjoys the singular pre- Damascus.
eminence of having survived, through all the vicissitudes of
dynasties and nations, the capital of Syria. The Ghûta, or great plain
on which it stands, is watered by the Barada and other streams
issuing from the Lebanon and adjoining mountain ranges; and the
beautiful groves and rich meadows around have given it (perhaps
with a better title than the delta of the Euphrates) the name of ‘the
garden of the world.’ An entrepôt of commerce between the East and
West, it has from age to age, with varying fortune, been ever rich
and populous. The city wall, twenty feet high and fifteen broad, still
displays in many places stones of cyclopean size, which must have
been venerable ages even before our era. Turrets for defence are
placed at stated intervals, and over the gates and at other spots
there are structures to accommodate the garrison on duty. The
Eastern gate still leads into ‘the street which is called Straight,’ as it
did in the days when St. Paul passed through it.[231] The Cathedral
church of St. John the Baptist rears its great dome, towering above
the other buildings; and besides it there were, at the time of the
invasion, fifteen churches in Damascus and its suburbs. The city, not
long before, suffered severely from the alternating fortunes of the
Persian war; but it had now, in great measure, recovered its
prosperity.
Such was the capital of Syria, ‘the Queen of Cities,’ which—
embedded in groves and gardens, and hemmed in (excepting
towards the eastern desert) with distant but lofty mountains, some
tipped with snow—now burst on the gaze of the Arab warriors. One
here and there amongst them may perchance have visited it, trading
to the north; but, as a whole, the army had heard of it only by report;
and in beauty, richness, and repose, fancy could hardly have
exceeded the scene which now lay before them.
The Arab force was strong enough to
invest the city. Abu Obeida pitched his The city invested. Shawwâl,
head-quarters opposite the Gate of Jâbia, a.h. 634.
XIII. December, a.d.

on the western plain. Khâlid was posted at


the Eastern entrance,[232] where the gateway was strengthened by
the remains of an ancient temple. The other gates were similarly
guarded. Battering-rams and testudos were drawn up against the
walls; but every attempt at a breach of the massive defences failed.
At first the citizens, ignorant of the ardour and persistence inspired
by the faith of Mahomet, regarded the attack as a desultory raid like
many that had preceded it, and looked for succour. The city lies two
thousand feet above the sea, and the severity of the cold in spring
would drive away the Arab tribes, used to a more genial climate. But
months slipped by, and the host still hung obstinately around the
walls. The Emperor, indeed, from Hims, attempted a diversion; but
Dzul Kelâa, posted with his Himyarite horse to the north of the city,
kept them at bay; and Abu Obeida detached another column to
cover the siege from annoyance on the side of Palestine. The
summer was coming on, and no relief appeared. The Moslems,
instead of retiring, pressed their attack with increasing vigour; and
the hopes of the Damascenes melted away into despair.[233]
On a certain day, we are told, the
Roman Governor made feast to the Storm and capitulation. a.h.
XIV. Summer, a.d. 635.
garrison to celebrate the birth of a son.[234]
They ate and drank, and, relaxing into merriment, began to quit their
posts. Khâlid knew of the expected feast, for nothing escaped his
vigilance. ‘He neither himself slumbered, nor suffered others to fall
asleep.’ And so, reckoning upon the season of revelry, he had
settled with Abu Obeida to seize it as the occasion for a general
assault. The defences on Khâlid’s side were by far the most
formidable; the moat was deeper there, and the walls stronger. The
garrison, holding the spot to be impregnable, were less on the alert
than elsewhere; and in their negligence Khâlid found his opportunity.
In concert with certain daring spirits, his comrades from Irâc, he
planned an escalade. Ladders were got in readiness, and scaling
ropes with nooses to catch the projections of the castellated wall. In
the darkness preceding dawn, they stealthily crossed the moat upon
inflated skins;[235] then, casting up their tackle, they caught the
battlements. Cacâa, with another hero[236] from Irâc, was the first to
gain the summit. The way thus silently secured, others scaled
rapidly. Right and left they surprised the slumbering pickets by a
sudden rush, and put them to the sword. The gate from within was
forced open, and the appointed cry ‘Allah Akbar!’ resounded from the
walls to the expectant troops without. The Roman soldiery, panic-
struck, fled before their assailants; and now through the gateway
Khâlid’s column poured in, slaying and sacking all around. They had
already penetrated near to the centre of the city, when their progress
was brought to an unwelcome end. For on the other side a very
different scene was taking place. The Governor, seeing that
resistance to an assault apprehended from every quarter was
hopeless, had issued from the western gate, and already tendered
his submission to Abu Obeida. Terms were made upon the spot, and
the capitulation signed. The gates were thrown open, and the
Moslem force, unopposed, kept streaming in from the western camp.
As they advanced, cries of despair and appeals to stay the carnage
met the ears of Abu Obeida, who was no sooner apprised of what
had transpired in the eastern quarter than he sent orders to stay the
onslaught. Khâlid remonstrated that the city had been fairly carried
by assault, and was at their mercy; but in vain. Abu Obeida, juster
and more clement, pointed to the treaty, and insisted that its
provisions should be fulfilled. Good faith was the best as well as
justest policy. The people were conciliated, and throughout Syria the
capitulation of Damascus became the type of surrender.[237]
One half of all the property, both in
money and buildings, private and public, Terms of capitulation.
was by this capitulation surrendered to the
conquerors. Besides the taxes levied under Byzantine rule, the
tribute of one dinar was imposed on every male adult who did not
embrace Islam, and a measure of corn was taken from every field.
[238] In this way the Arabs gained, not only large spoil and a
permanent revenue, without entirely alienating the people, and even
with a show of moderation, but obtained also possession of buildings
sufficient for their own accommodation and for the conduct of public
business. And so this beautiful city, ‘the Eye of the East,’ passed
from the grasp of Heraclius into the hands of the Caliph, and became
‘the Eden of Islam.’
The churches of Damascus shared the common fate; they were
equally distributed between the Christians and the conquerors. The
Cathedral church of St. John the Baptist
was treated differently. It was divided into Cathedral of St. John the
two parts—in one half the rites of the Baptist turned into a Mosque.
ancient faith were still celebrated, and the gospel of Jesus read; in
the other half, carefully detached, the Corân was recited, and the
service of Islam observed; while from the dome the Muedzzin
proclaimed daily the supremacy of the Arabian prophet.[239] For
seventy or eighty years the great Cathedral continued thus to blend
under one roof the symbols and the practice of the two religions.
That which was reasonable in the first beginnings of Islam, however,
became intolerable in the rapid advance of arrogance and bigotry.
One and another of the Caliphs sought, by the offer of large
payments, to obtain surrender of the entire Cathedral; but in vain. At
last Welîd, about the ninetieth year of the Hegira, took the law into
his own hands, and summarily ejected the Christian worshippers.
They complained against the injustice of the act, and Omar II.
listened to their reclamation. But the doctors of Islam declared it
impossible to restore to Christian worship a place once consecrated
by the Idzân and the prayers of the Faithful; and so at last the
Christians consented to take, instead, the churches of the city and its
suburbs which had been confiscated under the equal partition of Abu
Obeida. All that appeared Christian, therefore, in the style or
decoration of the Cathedral church, was now removed or defaced.
But this wonderful edifice retains to the present day marks of the
different religions to which it has been from time to time devoted. In
the massive foundations may be traced its origin as a pagan Temple;
these are surmounted by the beautiful architecture and
embellishment of Byzantine art; and over the great entrance may still
be deciphered, clear and uninjured, the grand prophecy of the
Psalmist, which yet may be realised in the worship of the Temple
itself:—
THY KINGDOM, O CHRIST, IS A KINGDOM OF ALL AGES; AND
THY DOMINION IS FROM GENERATION
TO GENERATION.[240]
All through the protracted siege of
Damascus, Abul Aûr kept watch over his Romans at Beisân held in
check by Abul Aûr at Fihl.
enemy in the Ghôr, or Valley of the Jordan, a.h. XIV. Spring, a.d. 634.
near to Fihl. This city, the ancient Pella,
was situated on the eastern slope of the valley, six or seven miles
below the outlet of the Lake of Tiberias. Ruins still mark the site
which is 600 feet above the river bed. The gorge of the Jordan is
here broad and fertile, and the stream at many places fordable.
Opposite Fihl the valley of Jezreel, branching off from Esdräelon,
that great battle-field of the world, issues into the Ghôr. The broad
opening is guarded on one side by the mountains of Gilboa, the
scene of Saul’s disaster, and on the other by the frowning eminence
of Beisân, to the walls of which the Philistines fastened the body of
that unfortunate monarch.[241] The mountain streams here run along
the valley, rendering it when neglected sodden and swampy.[242] It
was under the shadow of Beisân that the broken army of the
Romans took refuge, and here fresh supports from Heraclius joined
them. To secure their front, they dammed the streams, and so turned
the whole vale into a marsh. At first the Arabs chafed under the
stratagem, for their horses were disabled on the yielding ground. But
they soon learned patience, and discovered that the enemy had shut
himself out from the Ghôr, as well as from their attack. Himself
securely posted, his rear open to reinforcements, supplied in plenty
by the fertile vale of the Jordan, from which the Romans were cut off
—Abul Aûr was content to wait till the summer heat should dry up
the quagmire; and meanwhile his enemy, 80,000 strong, was held in
check, if not virtually blockaded.[243]
The summer was well advanced before
the Arabs broke up their camp at Abu Obeida returns to attack
Damascus. They were eager to attack Fihl. 634.
a.h. XIV. Summer, a.d.
[244]
Heraclius at Hims; but Omar forbade them
to advance, so long as there was an army in their rear. Leaving,
therefore, Yezîd son of Abu Sofiân, with a garrison of Yemen levies,
as Governor of Damascus, Abu Obeida hastened back with the rest
of his army to Fihl. The province of the Jordan had been given by
Omar in command to Shorahbîl, and to him therefore Abu Obeida
now committed the chief conduct of the campaign which lay within
his jurisdiction. Khâlid led the van; Abu Obeida himself commanded
one of the wings, and Amru the other; the famous warrior Dhirâr
directed the cavalry, and Iyâdh the foot.[245] Retracing their steps,
they took the highway to Palestine, and, recrossing the Yermûk near
where it falls into the Jordan by the hot springs of Omm Keis (or
Gadara), marched down the valley of the Ghôr, and encamped under
Fihl. Abul Aûr, who had held the enemy in check for so long a time,
was now detached on a similar duty towards Tiberias, to prevent
diversion from that quarter. The main army, taking his place, sat
before Beisân, and continued patiently its blockade.

Battle of Fihl.
Mistaking inaction for remissness, and
themselves reduced to straits, the Byzantine army, on a certain
morning, thought to fall upon the Arabs unawares. They little knew
the vigilance of Shorahbîl, who night and day was on the watch
ready for action. Fetching a circuit, the Romans suddenly appeared
on the Moslem flank. They met a warm reception, and there ensued
a battle as fierce and obstinate as any that had yet taken place. All
day the Romans held their ground; but by nightfall the impetuosity of
the Arabs had its way. Sacalâr, the Byzantine captain, fell, and his
army broke and fled. The greater part, caught in the marsh, there
met their fate; and few escaped the sword. ‘Thus the Lord wrought
for his people,’ writes the pious crusader; ‘and the morass which we
thought a curse turned in His hands into a blessing.’ And so the plain
of Esdraelon again looked down upon another great and sanguinary
conflict, which, following on the defeat of Wacûsa, decided for many
a long century the fate of Syria.
The loss of the Mussulmans was comparatively small. The booty
was immense, and served to sharpen the Arab appetite for further
victory.
No enemy now was left in sight. Omar,
therefore, remembering the last behest of Khâlid’s contingent sent back
Abu Bekr, that when the Lord gave victory to Irâc.
in Syria the contingent of Khâlid should be sent to Irâc, gave orders
accordingly. Its ranks, thinned by the fighting they had undergone,
were before the march made up to their former strength by transfer
of volunteers from the Syrian army. Thus recruited, the contingent
(under command, not now of Khâlid, but of Hâshim, son of Otba)
recrossed the desert just in time to take part in the great battle of
Câdesîya. Abu Obeida, with Khâlid and other chiefs of note, returned
to Damascus. Shorahbîl and Amru were left to reduce to order the
province of the Jordan. The task was easy.
The fire of patriotism had never burned Province of Jordan reduced.
brightly anywhere in Syria; and what there
might have been was now extinguished by the listless cowardice of
the Byzantine Court. To the Bedouin class, weary of Roman
trammels, the prospect of an Arabian rule was far from unwelcome.
Neither were the Jews and Samaritans unfavourable to the invaders;
indeed, we find them not infrequently giving aid and information to
the enemy. Even the Christians cared little for the maintenance of a
government which by courtly and ecclesiastical intolerance had done
its best to alienate their affection.
Beisân for some time held out; but the
garrison, when their sallies had been Progress east of the Jordan,
repeatedly repulsed with slaughter, at last
capitulated. Tiberias followed its example, and both obtained the
terms of Damascus. Adzraât,[246] Ammân, Jerash, Maâb, and
Bostra, all tendered their submission. And so the whole tract from
the Jordan eastward to the Haurân and the desert, was brought
under control, and garrisons were distributed throughout the leading
towns.
Yezîd extended similarly his authority
from Damascus towards the desert as far and in Central Syria.
as Tadmor. Westward he deputed his
brother Muâvia, who, meeting little opposition, reduced Sidon and
Beyrût, and pushed his conquests as far north as Arca.[247]
Damascus itself, largely occupied by Arabs, quickly assumed the
garb of a Moslem city. The Byzantine power and influence lingered
longer on the coast; and once and again, from seaward, they retook
what the Arabs had gained. It was not, indeed, until the Mussulmans
began to cope with the naval forces of the Mediterranean, that their
authority was riveted along the littoral, as it had long been in the
interior.
The conquests of Syria have reached
us, as I have before said, in a form vague Bareness of Syrian tradition.
and most perfunctory. With the court of
Damascus, its early local traditions almost entirely disappeared;
while those of the East preserved by the learned coteries of Kûfa,
Bussora, and Baghdad, alone have reached us with any fulness and
accuracy. In this we may see a reason for the comparative bareness
of tradition in respect of the early history of Damascus and the rest of
Syria under Moslem rule.
Leaving for the present Abu Obeida and Khâlid to make their
advance on Hims, we must return again to stirring scenes on the
plains of Chaldæa.
CHAPTER XVI.
YEZDEGIRD SUCCEEDS TO THE THRONE OF PERSIA.—
BATTLE OF CADESIYA.

A.H. XIV. A.D. 635.

The desperate field of Câdesîya has


been described to us with almost as Profuseness of tradition
profuse detail as the leading battles of the regarding field of Câdesîya.
the Prophet. The length and severity of the contest, its memorable
results, and the proximity of the ground to Kûfa, made it a favourite
topic of discourse at that grand centre of tradition. Hence the
prolixity. We shall follow the outline only of the story, avoiding the
detail with which it has been overlaid.
We left Mothanna, after the battle of
Boweib, ravaging at pleasure the terror- Yezdegird made king of
Persia. a.h. XIII. December,
stricken coasts of Chaldæa. In the a.d. 634.
alternations of war, another wave from the
opposite quarter was about to sweep over that unhappy land. A new
movement was taking place at Medâin. The Persian nobles,
scandalised at the weakness of Rustem and the feeble Queen,
began to cry out that he was dragging the empire down to ruin. The
ladies of the court were assembled to inquire whether any king might
not yet be discovered of the royal blood. At last there was found
Yezdegird, saved as a child from the massacre of Siroes, and now a
youth of twenty-one.[248] He was placed upon the throne. Around the
young King the nobles rallied loyally, and something of the old fire of
the empire was rekindled. Troops were gathered, Mesopotamia was
reoccupied, and the cities as far as Hîra and the desert strongly
garrisoned.
The inhabitants returned to their
ancient allegiance; and Mothanna, finding Mothanna forced to fall back.
Dzul Cáda, a.h. XIII.
the whole Sawâd in arms, and his January, a.d. 635.
diminished army unable to cope with the rising, again withdrew, and
concentrated his troops behind the Euphrates. He sent an urgent
message, telling of the new perils threatening him, to Omar. The
danger was met bravely by the Caliph. ‘I swear by the Lord,’ he
cried, when the tidings reached him, ‘that I will smite down the
princes of Persia with the sword of the princes of Arabia.’ It was
clearly impossible to hold any part of Mesopotamia or the delta of the
Euphrates, so long as they were dominated close at hand by the
court of Persia on the banks of the Tigris. The capital must be taken
at any cost, and an army large enough gathered for the purpose.
Orders, more stringent even than those
before, went forth (as we have already Omar orders another levy en
seen) for a new and universal levy. ‘Hasten masse.
to me,’ he wrote in all directions, ‘hasten speedily!’ And forthwith
Arabia resounded again with the call to arms. The troops from the
south were to gather before the Caliph at Medîna; those nearer to
Syria, the demand being urgent and time precious, were to march
straight to Mothanna. This much arranged,
Omar set out on the annual pilgrimage to Dzul Hijj. a.h. XIII. February,
Mecca. On his return, he repaired to the a.d. 635.
rendezvous at Jorf, where the contingents as they came in were
marshalled. In a council of war, it was debated whether the Caliph,
as he proposed, and as the people wished, should in person lead the
army to Irâc. The chief ‘Companions’ were against it.[249] Defeat, if
Omar were on the field of battle, might be fatal; but seated at
Medîna, even under the worst disaster he could launch column after
column on the enemy. Omar yielded; and, whatever may have been
his real intention the show of readiness to bear the heat and burden
of the day imparted a new impulse of enthusiasm to the army.
Who now should be the leader of this
great army in Irâc? Mothanna and Jarîr, Sád appointed commander
in Irâc.
already there, were but Bedouin chieftains.
None but a peer could take command of the Companions and
Nobles of the land now flocking to the field. The matter was being
discussed in an assembly, when at the moment there came a
despatch from Sád son of Abu Wackkâs, the Caliph’s lieutenant with
the Beni Hawâzin, reporting the levy of a thousand good lances from
that tribe. ‘Here is the man!’ cried those around. ‘Who?’ asked the
Caliph. ‘None but the Ravening Lion,’[250] was the answer; ‘Sád, the
son of Mâlik.’ The choice was sealed by acclamation; and so, Omar
immediately summoned Sád. Converted at Mecca while yet a boy,
the new Ameer of Irâc was now forty years of age. He is known as
‘the first who drew blood in Islam,’ and was a noted archer in the
Prophet’s wars. He took rank also as the nephew of Mahomet’s
mother. Short and dark, with large head and shaggy hair, Sád was
brave, but not well-favoured. The Caliph gave him such advice as
the momentous issues of the campaign demanded, and warned him
not to trust to his extraction. ‘The Lord,’ he said, ‘looketh to merit and
good works, not to birth; for in His sight all men are equal.’[251] Thus
admonished, Sád set out for Irâc, with 4,000 men, the first-fruits of
the new levy. As a rule, they marched now with their women and
children.
As the levies kept coming in, Omar sent them on, one after
another, to join Sád. The numbers swelling
rapidly embraced the chivalry of Arabia. Sád marches to Irâc and
Toleiha, the quondam prophet, now an encamps the desert.
on the border of

exemplary believer, and Amr ibn


Mádekerib, went in command of their respective tribes, the Beni
Asad and Zobeid; and Omar wrote that each chief was himself worth
a thousand men. Al Asháth, also, head of the Beni Kinda, the
apostate rebel of the south, now joined the army with a column of his
tribe from Yemen.[252] Indeed, Omar, we are told, ‘left not a single
person of any note or dignity in the land, whether warrior, poet,
orator, or chieftain, nor any man possessed of horse or weapons, but
he sent him off to Irâc.’ Thus reinforced, Sád found himself at the
head of 20,000 men; and when the column ordered back from Syria
returned, the numbers were over 30,000—by far the largest force yet
mustered by the Arabs on the plains of Chaldæa.[253] The troops
now marching on Irâc, and those that had been commanded by
Mothanna, drew all together at Sherâf, on the borders of the desert,
fifteen or twenty miles to the south of Hîra.
Before Sád reached the rendezvous,
Mothanna had passed away. Omar entirely Death of Mothanna. Safar,
approved his having withdrawn from a.h. XIV. April, a.d. 635.
Mesopotamia, to the right bank of the Euphrates, and there rallied
the Bedouin tribes along the lower waters skirting the desert.[254]
This was all the more necessary, as the court of Persia was then
endeavouring to detach the great tribe of the Beni Bekr ibn Wâil by
an appeal to their ancient alliance with the house of Hîra. Moänna,
brother of Mothanna, had just returned from a mission to this (his
own) tribe, and had succeeded in frustrating the attempt. Bearing
intelligence of this success, as well as the melancholy tidings of his
brother’s death, he went out to meet Sád on his march. He
communicated also his brother’s dying message to the new
commander, advising that the Arabs should hold to their ground on
the confines of the desert. ‘Fight there the enemy’ were the last
words of Mothanna;—‘Ye will be the victors; and, even if worsted, ye
will still have the friendly and familiar desert wastes behind: there the
Persians cannot enter, and from thence ye will again return to the
attack.’ Sád, as he received the message, blessed the memory of
the great general. He also made the family he had left his special
care; and, the more effectually to discharge the trust, as well as to
mark his estimate of the man, he, in true Arab fashion, took to wife
his widow Selma.
The army was marshalled by Sád
anew. Companies were formed of ten, Sád marshals his troops in
each under a selected leader. Warriors of new order.
note were appointed to bear the standards. Columns and battalions
were made up by clans and tribes; and so by clans and tribes they
marched, and also went into the field of battle. Departments also
were established for the several services incident to a campaign.[255]
The chief commands were all given to veterans, who had fought
under the Prophet’s banner; for in this army there were no fewer
than 1,400 Companions, and ninety-nine who had fought at Bedr.
[256] Following Mothanna’s counsel, which was confirmed by Omar,
Sád marched slowly to Odzeib, still on the border of the desert.
Leaving the women and children there under protection of a
squadron of horse, he advanced to
Câdesîya. Here was a great plain washed Encamps at Câdesîya. a.h.
on its eastern side by the ‘old’ Euphrates, XIV. Summer, a.d. 635.
[257] and bounded on the west by the Khandac, or Trench of Sapor
(in those days a running stream), with the desert beyond. The plain
was traversed by a road from the south, which here crossed the river
by a bridge of boats leading to Hîra, and onwards across the
peninsula to Medâin. Such was the field on which the great battle
was to be fought that would settle the fate of Persia. Sád, keeping
still to the western bank of the Great River, fixed his head-quarters at
Codeis, a small fortress overlooking the stream a little way below the
bridge. He had thus the great plain behind him on which to deploy
his troops, with the river in front, and the Khandac and desert in his
rear. Here encamped, the army awaited patiently the enemy’s
approach.
Rustem sought to play the same
waiting game; but the King grew impatient. Yezdegird, impatient at the
The Arabs, from their standing camp, ravages of the Arabs, orders
advance.
made continual raids across the river into
Mesopotamia, and as far north as Anbâr. The castles of the nobles
were attacked, and their pleasure-grounds laid waste. A marriage
procession fell into the hands of one of these parties near Hîra, and
the bride, a satrap’s daughter, was carried, with her train of maids
and wedding trousseau, captive to the camp. Herds were driven from
the fens and pastures of the delta, to supply the army; for the forays
were meant at once to furnish food, and to punish such as had
thrown off their allegiance to the Moslems. The people were
clamorous; and the great landholders at last gave notice to the court
that if help were delayed, they must go over to the enemy. Moved by
their cries, Yezdegird turned a deaf ear to Rustem, and insisted on
an immediate advance.[258]
Meanwhile, Sád maintained a constant
correspondence with the Caliph, who now Yezdegird summoned by a
called for a description of the country. deputation of Arab chiefs to
embrace Islam.
‘Câdesîya,’ Sád told him in reply, ‘lay
between the Trench of Sapor and the river; in front of the army was

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