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Autres ouvrages :
Pédiatrie, 8e édition, par le Collège National Des Pédiatres Universitaires et le CNHUCP, 2020,
à paraître.
Pédiatrie-Pédopsychiatrie, par F. Perreaux, F. Hazane, S. Fossé et A. Graveleau, 2020, à paraître.
Pédiatrie, 7e édition, par A. Bourrillon, G. Benoist, C. Delacourt, le Collège National Des Pédiatres
Universitaires et le CNHUCP, 2020, 928 pages.
Neuropédiatrie et ostéopathie du nouveau-né et du jeune enfant, par E. Soyez-Papiernik, 2020,
128 pages.
Pédiatrie pour le praticien, 7e édition, par A. Bourrillon, G. Benoist, B. Chabrol, G. Chéron et
E. Grimprel, 2020, 824 pages.
Homéopathie en pédiatrie, par J. Lamothe, 2019, 520 pages.
Ostéopathie pédiatrique, par N. Sergueef, 2019, 424 pages.
Urgences pédiatriques, 4e édition, par G. Chéron, 2018, 992 pages.
Guide pratique de la consultation en pédiatrie, 11e édition, par J. Valleteau de Moulliac,
B. Chevallier et J.-P. Gallet, 2018, 552 pages.
Alimentation de l'enfant de 0 à 3 ans, 3e édition, par P. Tounian, 2017, 224 pages.
Le développement de l'enfant, Du normal aux principaux troubles du développement, par A. de
Broca, 2017, 272 pages.
Avec le soutien de la Société française de pédiatrie
médico-légale
PÉDIATRIE
SOCIÉTÉ
FRANCAISE
MÉDICO-
LÉGALE
Pédiatrie
médico-légale
Mineurs en danger : du dépistage
à l'expertise pour un parcours
spécialisé protégé
coordonné par
Martine Balençon
Préfaces de Geneviève Avenard, Défenseure des enfants
et adjointe du Défenseur des droits, de Christophe Delacourt,
de Christèle Gras-Leguen et de Valéry Hédouin
Elsevier Masson SAS, 65, rue Camille-Desmoulins, 92442 Issy-les-Moulineaux cedex, France
Pédiatrie médico-légale, Mineurs en danger : du dépistage à l'expertise pour un parcours spécialisé protégé, 1e édition,
de M. Balençon.
© 2020, Elsevier Masson SAS
ISBN : 978-2-294-76474-5
e-ISBN : 978-2-294-76511-7
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Liste des auteurs
Catherine Adamsbaum, professeur des univer- Eliane Corbet, docteur en psychopédagogie, cher-
sités-praticien hospitalier, radiologue, Service de cheuse indépendante, anciennement directrice
radiologie pédiatrique, CHU Kremlin-Bicêtre déléguée CREAI Rhône-Alpes, experte auprès de
APHP, Le Kremlin-Bicêtre. la CNAPE, Paris.
ANCReMIN, Association nationale des Centres Béatrice Costard, infirmière puéricultrice, Cel-
de référence de la mort inattendue du nourrisson, lule d'accueil spécialisé de l'enfance en danger -
Montpellier. CHU de Rennes, Rennes.
Martine Balençon, pédiatre-médecin légiste, Cel- Mireille Cyr, docteur en psychologie professeur
lule d'accueil spécialisé de l'enfance en danger - titulaire, directrice du CRIPCAS, co-titulaire
CHU Rennes - UMJ Mineurs, AP-HP Hôtel-Dieu de la chaire interuniversitaire Marie-Vincent,
Paris, expert près la cour d'appel de Rennes. Montréal.
Flora Blangis, équipe de recherche épidémiologie Jacques Dayan, pédopsychiatre, professeur de
périnatale, obstétricale et pédiatrique, Centre de pédopsychiatrie, Pôle hospitalo-universitaire de
recherche en épidémiologie et statistique de Sor- psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent, CHGR,
bonne-Paris-Cité (CRESS) UMR 1153, Maternité Rennes 1, INSERM U1077-EPHE Neuropsycho-
de Port-Royal, Paris. logie et imagerie de la mémoire humaine, Caen.
Emmanuelle Bosdure, praticien hospitalier, Cécile de Oliveira, avocat au barreau de Nantes,
pédiatre, Unité de médecine infantile, CHU La ASKE, Nantes.
Timone APHM, Marseille. Marie Derain, ex-défenseure des enfants, ex-
Violaine Bresson, praticien hospitalier, pédiatre, secrétaire générale du Conseil national de la
Service d'accueil des urgences pédiatriques, CHU protection de l'enfance, inspectrice de la justice,
La Timone APHM, Marseille. Paris.
Jocelyn Brown, Professor of Pediatrics, Child Mélanie Dupont, psychologue, docteur en psy-
Abuse Pediatrician, Division of Child and Ado- chologie, Unité médico-judiciaire, Hôtel Dieu,
lescent Health, Columbia University Irving Medi- Paris ; présidente de l'association Centre de victi-
cal Center, Vagelos College of Physicians & Sur- mologie pour mineurs (www.cvm-mineurs.org)
geons, New York, NY. et de l'association des psychologues de médecine
Bertrand Bruneau, praticien hospitalier, radio- légale.
logue, CHU de Rennes, Rennes. Philippe Duverger, professeur des universités-
Julien Burel, docteur en droit privé et sciences cri- praticien hospitalier, pédopsychiatre chef de ser-
minelles, Université de Bretagne Occidentale, Lab- vice, Service de psychiatrie de l'enfant et de l'ado-
LEX Laboratoire de recherche en droit (EA 7480), lescent, CHU d'Angers, Angers.
Université de Bretagne Occidentale Brest, Brest. Catherine Echelard, puéricultrice coordinatrice,
Stéphane Cantéro, magistrat, substitut du procu- Unité d'accueil des enfants en danger, CHU de
reur général, cour d'appel de Rennes, Rennes. Nantes.
Renaud Clément, maître de conférences des Cécilie Favreau, infirmière puéricultrice, Cellule
universités, praticien hospitalier, chef de service d'accueil spécialisé de l'enfance en danger - CHU
et expert près la cour d'appel de Rennes, méde- de Rennes, Rennes.
cin légiste, Service de médecine légale, CHU de Juliette Fleury, pédiatre-médecin légiste, Unité
Nantes, Nantes. d'accueil des enfants en danger, CHU de Nantes.
V
Liste des auteurs
VI
Liste des auteurs
Brigitte Ragel, responsable de formations en tra- Virginie Scolan, médecin légiste, professeur des
vail social, ASKORIA, Rennes. universités-praticien hospitalier, responsable de
Caroline Rambaud, maître de conférences des Service de médecine légale et sociale du CHU de
universités, praticien hospitalier, pathologiste Grenoble, CHU Grenoble Alpes, Grenoble.
pédiatrique et médecin légiste, Service d'anato- Barbara Tisseron, praticien hospitalier, expert
mie-pathologique et médecine légale, Hôpital près la cour d'appel d'Orléans, pédiatre médecin
Raymond-Poincaré, Garches. légiste, Unité médico-judiciaire mineurs d'Or-
Jean-Sebastien Raul, médecin légiste, professeur léans, CHR d'Orléans, Orléans.
des universités-praticien hospitalier, expert près Sylvie Tordjman, professeur en pédopsychiatrie,
de la cour d'appel de Colmar, agréé par la Cour chef du Pôle hospitalo-universitaire de psychiatrie
de cassation, Institut de médecine légale, équipe de l'enfant et de l'adolescent (PHUPEA), Univer-
biomécanique, Laboratoire des sciences de l'ingé- sité de Rennes 1 et Centre hospitalier Guillaume-
nieur, de l'informatique et de l'imagerie, Univer- Regnier, Rennes, Laboratoire de psychologie de
sité de Strasbourg et CNRS-UMR 7357, Stras- la perception (LPP), Université de Paris, CNRS
bourg. UMR 8242.
Caroline Rey-Salmon, pédiatre des hôpitaux,
Renaud de Tournemire, praticien hospitalier,
médecin légiste, expert près la cour d'appel
pédiatre, Unité de médecine pour adolescents,
de Paris, agréé par la cour de cassation, Unité
CHU Ambroise-Paré, AP-HP, Boulogne-Billan-
médico-judiciaire, Hôtel Dieu AP-HP, Paris.
court.
Élise Riquin, praticien hospitalier, pédopsy-
chiatre, Service de psychiatrie de l'enfant et de Catherine Treguier, praticien hospitalier, radio-
l'adolescent, CHU d'Angers, Angers. logue, CHU de Rennes, Rennes.
Michel Roussey, professeur honoraire de pédia- Nathalie Vabres, pédiatre coordinatrice, Unité
trie, expert près la cour d'appel de Rennes, d'accueil des enfants en danger, CHU de Nantes.
pédiatre, Cellule d'accueil spécialisé de l'enfance Patricia Vasseur, infirmière puéricultrice, Unité
en danger - CHU de Rennes, Rennes. médico-judiciaire, Hôtel-Dieu-AP-HP, Paris.
VII
Préface
VIII
Préface
IX
Préface
X
Préface
XI
Abréviations
XVI
Abréviations
XVII
Historique Chapitre 1
J. Labbé
Points clés
▶ Les violences et les négligences sur
mineurs ont existé de tout temps.
▶ Leur identification a toujours été complexe
Auguste Ambroise Tardieu (figure 1.1) [1]. Il en est valides aujourd'hui. Il s'attarde à la physionomie
bien conscient puisqu'il souligne que son étude, particulière des victimes, avec leur air à la fois
publiée en 1860, est « la première qui ait été tentée triste et craintif, leurs yeux éteints, notant l'amé-
sur le sujet auquel les auteurs de médecine légale lioration rapide de leur affect après le retrait de
n'ont pas accordé même une simple mention [2]. » leur milieu pathogène. Il attire l'attention sur des
Indigné par ses constatations faites sur 32 victimes signes cutanés caractéristiques de sévices, comme
Pédiatrie médico-légale
3
Partie 1. Éléments de contexte
les très jeunes victimes écopent des conséquences se basant sur 302 observations. Il est le premier
les plus sévères. On lui doit d'ailleurs les premières à signaler des attentats aux mœurs perpétrés par
descriptions du traumatisme cérébral non acci- des femmes.
dentel chez des bébés décédés, soit des fractures Malheureusement, l'impact des travaux de
du crâne et des hématomes sous-duraux. Il met en Tardieu est très limité à son époque. Il en fait lui-
évidence l'élément clé pour le diagnostic de la vio- même la constatation et tente un ultime effort
lence physique infligée, soit la discordance entre pour alerter ses collègues envers les sévices phy-
les lésions constatées et les explications apportées siques infligés aux enfants en reproduisant son
par les responsables. Il insiste sur le fait que la article de 1860 dans un livre publié l'année même
sévérité des blessures est incompatible avec le droit de son décès [6]. Dans les années qui suivent, il y
de correction invoqué par les parents en cause. a peu d'intérêt sur ce thème dans le milieu médi-
Ce médecin visionnaire s'intéresse à d'autres cal, bien qu'il soit choisi pour une thèse de doc-
formes de mauvais traitements envers les enfants. torat en médecine en 1885 par Antonin Delcasse,
Il fait l'analyse de 555 cas d'infanticide, phénomène un élève du médecin légiste Paul Brouardel [7].
touchant presque exclusivement des nouveau-nés Dans ce texte, on perçoit nettement l'influence
et constituant un véritable fléau au XIXe siècle [3]. du maître qui insiste sur le risque de diagnostics
Sans grande surprise, les responsables sont surtout erronés par conclusion hâtive devant un tableau
de jeunes femmes célibataires, réduites à cette extré- clinique suggestif de maltraitance et sur l'impor-
mité pour éviter le déshonneur et le rejet social. tance d'un diagnostic différentiel. Dans certains
Il dénonce l'exploitation au travail de jeunes exemples apportés, on se rend compte de leur
enfants dans les manufactures et les mines, consi- réticence à accepter certaines manifestations de
dérant qu'il s'agit d'un esclavage cruel et d'une violence physique. Delcasse cite notamment le
honte pour l'humanité1 [4]. Il relève des consé- cas d'un bébé décédé à l'âge de 11 jours, rejeté par
quences sur leur santé physique et mentale telles sa mère célibataire qui le traitait de « chameau ».
que retard de croissance et de puberté, déforma- Brouardel établit que la cause de sa mort est une
tions corporelles, intoxications aux métaux, acci- « syncope », éliminant l'homicide en invoquant
dents, perte importante de repères éducatifs et comme unique raison : « Une mère ne tue pas son
moraux. Il constate que la proximité des adultes enfant le 11e jour. C'est sans exemple. »
et des enfants sur les lieux de travail augmente le Cette crainte de diagnostics erronés de mal-
risque de sévices sexuels envers ces derniers. traitance se manifeste particulièrement dans le
Sur ce thème justement, il fait œuvre de pion- domaine des sévices sexuels. Nombre de méde-
nier en analysant 632 cas d'attentats aux mœurs cins légistes du XIXe siècle, dont Alphonse Toul
chez des victimes de sexe féminin, dont 70 % ont mouche, Paul Brouardel, Alexandre Lacassagne
moins de 13 ans [5]. Il attire l'attention sur le fait et Léon-Henri Thoinot, observent la rareté de
que plusieurs enfants en sont victimes au sein de signes physiques chez les jeunes victimes. Le dia-
leur propre famille. Il dénonce plusieurs mythes gnostic doit donc reposer essentiellement sur leur
dont celui de l'absence congénitale d'hymen et témoignage. Mais peut-on s'y fier ? Certainement
également la croyance que des relations sexuelles pas, selon plusieurs médecins influents dont
avec de jeunes vierges permettent de guérir de Louis Pénard, Claude-Étienne Bourdin, Jean-
maladies vénériennes. Il décrit des signes de Alfred Fournier et Ernest Dupré. Ce dernier, un
violences sexuelles envers de jeunes garçons en psychiatre médico-légal, énonce en 1905 sa théo-
rie de la mythomanie selon laquelle les enfants
1
Il n'est pas le premier cependant à dénoncer cet état de mentent « normalement » en raison de leur imma-
fait. Un autre médecin, Louis-René Villermé, avait turité cérébrale [8]. La méfiance à l'égard de la
déjà décrit le triste sort des enfants au travail dans les parole de l'enfant obtient le soutien d'un neuro-
manufactures, ce qui conduisit à des lois de protec- logue autrichien illustre, dont l'influence va dépas-
tion à leur égard (Villermé, L.-R., Tableau de l'état ser les frontières : Sigmund Freud.
physique et moral des ouvriers employés dans les
manufactures de coton, de laine et de soie. Textes choi-
Freud identifie d'abord l'agression sexuelle
sis et présentés par Yves Tyl, Paris, Union générales dans l'enfance comme étant une cause majeure
d'Éditions, 1971 [1re édition, 1840]). de l'hystérie à l'âge adulte [9]. Mais, lorsqu'il
4
Chapitre 1. Historique
expose cette « théorie de la séduction » devant la par des « monstres ». En 1929, un médecin légiste,
Société des Psychiatres de Vienne le 21 avril 1896, Pierre Parisot, et un pédiatre, Louis Caussade,
son hypothèse est très mal reçue, provoquant tentent d'alerter leurs collègues sur l'importance
son isolement. Dès l'année suivante, il avise son des sévices physiques, en publiant leurs observa-
ami Wilhem Fliess qu'il a fait une « erreur » en tions sur pas moins de 1 937 jeunes victimes [10],
croyant les témoignages de patientes obtenus mais c'est peine perdue. Il faudra attendre encore
par psychanalyse et il élabore sa théorie du com- quelques décennies pour que des signaux d'alarme
plexe d'Œdipe. Freud estime dorénavant que en provenance de l'Amérique permettent de
les histoires d'agression sexuelle dans l'enfance, vaincre enfin la résistance des médecins français.
racontées par des femmes névrotiques, ne cor- Aux États-Unis également, la reconnaissance
respondent pas à la réalité, et ne sont que des des mauvais traitements connaîtra une période
fantasmes qu'elles se sont forgés, en raison du de mise en lumière suivie d'une longue éclipse.
désir sexuel inconscient ressenti envers leur père. Tout commence par un procès retentissant à
Cette interprétation, largement acceptée dans les New York en 1874, celui de Mary Connolly, la
milieux psychiatriques occidentaux, va rendre mère d'accueil de la petite Mary Ellen Wilson.
très difficile le diagnostic d'agression sexuelle La fillette était enfermée dans le logis, battue
chez les enfants et empêcher la détection de l'ori- quotidiennement, astreinte à de lourdes tâches
gine réelle des problèmes de santé mentale de ménagères, mal vêtue et contrainte de dormir sur
milliers de femmes pendant des décennies. un tapis [11]. Ses cris et ses pleurs attirent l'atten-
Vers la fin du XIXe siècle toutefois, il se produit tion du voisinage, si bien qu'une missionnaire de
en France une conscientisation envers la réalité de l'église méthodiste St-Luke, Etta Angel Wheeler,
certaines formes de maltraitance à l'encontre des est informée de sa situation. Cette dernière se
enfants, favorisée notamment par la diffusion par rend chez les Connolly sous prétexte de deman-
la presse de nombreuses histoires d'« enfants mar- der leur aide pour une voisine malade et constate
tyrs », ainsi que par l'exploitation de ce thème par elle-même la condition pitoyable de l'enfant. Dans
de grands écrivains comme Émile Zola. Le public l'espoir de la retirer de son milieu, elle s'adresse à
s'inquiète aussi des répercussions de la négligence la police puis à des organismes charitables pri-
parentale sur le devenir d'enfants laissés à eux- vés, mais en vain, car ils n'ont pas ce pouvoir. Sa
mêmes dans les rues des grandes villes, contraints nièce lui conseille de contacter Henry Bergh, le
à se livrer à la criminalité pour survivre. Malgré président de la Société protectrice des animaux 2,
la création de diverses sociétés philanthropiques avec l'argument que la fillette est certainement
destinées à venir en aide aux enfants en danger, « un petit animal ».
il devient évident que l'État, qui avait résisté Bergh confie l'affaire à l'avocat de la société,
jusqu'alors à s'ingérer dans le cercle familial, doit Elbridge T. Gerry, qui envoie un détective faire
aussi intervenir. C'est un médecin et homme poli- enquête. Une pétition est ensuite soumise à
tique, Théophile Roussel, qui est à l'origine de la la Cour suprême de New York, soutenant que
loi du 24 juillet 1889 sur la protection des enfants Mary Ellen est détenue illégalement par les
maltraités ou moralement abandonnés, permet- Connolly et qu'elle est maltraitée. Lors du procès,
tant pour la première fois la déchéance paternelle plusieurs témoins sont entendus dont l'enfant elle-
à certaines conditions. On lui devait déjà une loi même, et Mary Connolly est condamnée à un an
votée en 1874 qui avait mis fin aux abus du sys- de travaux forcés. Quant à la fillette, elle est placée
tème d'allaitement mercenaire. La loi de 1889 est dans la famille de madame Wheeler. L'affaire fait
complétée par une autre en 1898 qui redéfinit les grand bruit, car Henry Bergh avait invité plu-
peines encourues pour les crimes commis sur et sieurs journalistes au procès. Quelques mois plus
par des enfants. tard, l'avocat Gerry se joint à une dizaine d'autres
Après le début du XXe siècle, la maltraitance est
reléguée dans l'ombre. Bien sûr, on en retrouve 2
Henry Bergh avait fondé l'American Society for the
encore des exemples dans les faits divers des Prevention of Cruelty to Animals en 1866. La pre-
journaux, mais ces violences sont considérées mière société du genre avait été créée en Angleterre
comme des phénomènes marginaux perpétrés en 1824.
5
Partie 1. Éléments de contexte
philanthropes pour créer la New York Society for et ses collègues en 1962 qui aura le plus d'impact
the Prevention of Cruelty to Children. pour secouer la torpeur du milieu médical et
La nouvelle société se révèle très performante de l'ensemble de la société envers la réalité de
pour l'identification et la protection des enfants la maltraitance (figure 1.2). Ce texte décrit les
victimes de plusieurs types de maltraitance. Elle caractéristiques retrouvées chez 302 victimes de
contribue également à l'adoption de lois de pro- sévices physiques, recensées dans 71 hôpitaux
tection dans des domaines comme le travail des américains pendant un an, et chez 447 cas addi-
enfants, la pratique du baby farming3 et le sys- tionnels, obtenus par des communications avec
tème padrone4. Des sociétés similaires sont créées des procureurs [14]. Le titre, choisi expressément
un peu partout aux États-Unis et le modèle est pour attirer l'attention, atteint son but car les
exporté en Angleterre. Toutefois, après le début du médias s'emparent de ce thème, contribuant ainsi
XXe siècle, l'intérêt envers les mauvais traitements largement à la sensibilisation du public. Kempe
à l'encontre des enfants s'émousse considérable- est convoqué par le Children's Bureau en vue de
ment jusqu'à sa « redécouverte » par des médecins. préparer une loi modèle visant à protéger les vic-
Le premier médecin de l'ère moderne à soup- times de mauvais traitements. Dès 1965, 47 états
çonner l'importance du problème est le radio- américains ont leur loi obligeant le signalement
logiste John Caffey. En 1946, il rapporte les cas des présumées victimes aux services de protection
de six nourrissons présentant une association de l'enfance. Dans les années suivantes, l'intérêt
d'hématomes sous-duraux et de fractures des os se portera progressivement sur les autres types de
longs [12]. Il envisage une origine traumatique de maltraitance : violences sexuelles, mauvais traite-
ces lésions, malgré les dénégations des parents, ments psychologiques et négligence. Les mauvais
d'autant plus que, dans deux cas, il y a récidive traitements deviennent un sujet de recherche
de fractures après le retour à domicile. Dans l'une important, menant à l'identification de formes
des situations, l'enfant était clairement non désiré, particulières comme les syndromes du bébé
ce qui amène l'auteur à suggérer la possibilité de secoué5 et de Munchausen par procuration.
mauvais traitements, mais sans aller plus loin, Sous l'influence des études américaines, des
ne pouvant le prouver et craignant d'éventuelles médecins de plusieurs pays entreprennent de
poursuites. D'autres radiologistes s'intéressent briser le déni entourant la maltraitance. En
alors au phénomène des fractures « spontanées » France, les lanceurs d'alerte sont les pédiatres
chez de jeunes enfants sans maladie osseuse sous- Nathan Neimann et Michel Manciaux, ainsi que
jacente. Parmi eux, Frederic Noah Silverman Pierre Straus, fondateur de l'Association fran-
soutient en 1953 qu'elles surviennent à la suite de çaise d'information et de recherche sur l'enfance
traumas non reconnus, soit parce que les parents maltraitée (AFIREM). On voit apparaître pro-
les ignorent, soient parce qu'ils les nient [13]. gressivement des équipes médicales hospitalières
C'est toutefois la publication sur le battered spécialisées dans cette problématique un peu
child cyndrome par le pédiatre C. Henry Kempe partout sur le territoire français. L'État s'implique
dans la protection des enfants en danger notam-
ment par des lois votées en 1989, 2007 et 2016. Une
3
Le baby farming consiste dans le placement d'enfants autre étape importante est franchie en février 2016
dont les parents ne peuvent s'occuper dans des
lors de la création de la Société française de pédia-
familles d'accueil contre rémunération. Le placement
peut être temporaire ou définitif. Ce système est res- trie médico-légale, sous l'instigation de pédiatres
ponsable de multiples abus, surtout en cas de place- et de médecins légistes, soucieux de mettre en
ment définitif, des baby farmers n'hésitant pas à commun leur expertise afin d'assurer de meilleurs
favoriser la mort d'enfants pour s'enrichir à leurs services aux enfants victimes de violences et de
dépens. négligence. La pertinence d'une semblable organi-
4
Des petits enfants italiens sont amenés en Amérique
par des rabatteurs sous prétexte de leur offrir un
sation est d'autant plus grande qu'il persiste mal-
meilleur sort. Dans la réalité, les enfants sont envoyés heureusement un déni chez certains membres de
mendier dans les rues des grandes villes comme
chanteurs, musiciens, saltimbanques et doivent rap-
porter un montant minimum à leur padrone chaque 5
Dont l'appellation fut changée par la suite pour le
jour sous peine d'être battus ou privés de nourriture. « traumatisme cérébral non accidentel ».
6
Chapitre 1. Historique
la profession médicale envers cette problématique. [6] Tardieu A. Étude médico-légale sur les blessures.
Il suffit pour s'en convaincre de regarder du côté Paris : Librairie JB Baillière et fils ; 1879.
[7] Delcasse A. Étude médico-légale sur les sévices de
des tribunaux où régulièrement des « experts »
l'enfance. Paris : Librairie Ollier-Henry ; 1885.
prétendent expliquer des lésions d'origine trauma- [8] Dupré E. La mythomanie. Paris : Imprimerie typo-
tique par des maladies rares non démontrées. graphique Jean Gainche ; 1905.
[9] Freud S. L'hérédité et l'étiologie des névroses. Rev
Références Neurol 1896;4(6):161–9.
[10] Parisot P, Caussade L. Les sévices envers les
[1] Labbé J. Ambroise Tardieu : The Man and his Work enfants. Annales de Médecine Légale 1929 ; vol. 9 :
on Child Maltreatment One Century Before Kempe. 398–426.
Child Abuse & Neglect, 2005:29(4):311–24. [11] Shelman EA, Lazoritz S. Out of the Darkness – The
[2] Tardieu A. Étude médico-légale sur les sévices et Story of Mary Ellen Wilson. Bel Air: Dolphin Moon
mauvais traitements exercés sur des enfants. Annales Publishing; 1999.
d'Hygiène Publique et de Médecine Légale 1860 ; vol. [12] Caffey J. Multiple Fractures in the Long Bones of
13:361–98. Infants Suffering from Chronic Subdural Hematoma
[3] Tardieu A. Étude médico-légale sur l'infanticide. Am J Roentgenol Radium Ther Nucl Med 1946;
2e édition Paris : J.B. Baillière et fils ; 1880. 56(2):163–73.
[4] Tardieu A. Mines, mineurs et Travail des enfants [13] Silverman FN. The Roentgen Manifestations
In : Dictionnaire d'hygiène publique et de salubrité. of Uncognized Skeletal Trauma in Infants Am
2e édition. Tome troisième. Paris : JB Baillière et fils ; J Roentgenol Radium Ther Nucl Med 1953;69(3):
1862. p. 35 et 258. 413–27.
[5] Tardieu A. Étude médico-légale sur les attentats aux [14] Kempe CH, Silverman FN, Steele BF, et al. The
mœurs. Paris : Librairie JB Baillière et fils ; 1857. Battered-Child Syndrome JAMA 1962;181(1):17–24.
7
La politique publique Chapitre 2
de protection de l'enfance
en France : actualité,
enjeux et perspectives
A. Gindt-Ducros
PLAN D U C H A P IT RE
Quelques éléments d'évolution de la politique publique
Quelques éléments d'évolution
de protection de l'enfance de la politique publique
La politique publique de protection de l'enfance actuelle
en France de protection de l'enfance
Une politique publique partagée
Les textes de référence actuels La protection de l'enfance a certes varié selon les
La cellule chargée du recueil, du traitement et de
l'évaluation des informations préoccupantes (CRIP) périodes politiques, mais c'est surtout le statut de
Observatoire départemental de la protection de l'enfant qui a vécu de profondes mutations à tra-
l'enfance (ODPE)
L'enfant au cœur du dispositif
vers les siècles [1]. D'abord infans, être sans parole,
De réels changements de paradigmes pour les pratiques
irresponsable et sans droit, complètement soumis à
professionnelles la puissance paternelle, l'enfant est devenu progres-
sivement objet puis sujet de droit, avec au milieu
du XIXe siècle l'élaboration de diverses réglemen-
tations pour le protéger, en matière de travail, de
Points clés justice ou d'éducation. Au cours du XXe siècle, il est
▶ Le dispositif de protection de l'enfance finalement devenu un sujet à part entière jusqu'à
s'est construit autour d'une double protec- l'adoption le 20 novembre 1989 par l'Organisation
tion : judiciaire et sociale. des Nations Unies, de la Convention internationale
▶ Les conseils départementaux sont les
des droits de l'enfant (CIDE), ratifiée par la France
chefs de file de la protection de l'enfance
dans un régime de co-responsablilité avec
le 7 août 1990. Parallèlement, c'est la figure pater-
des services de l'État : justice, santé, éduca- nelle qui évolue de la puissance du pater familias à
tion, intérieur et le secteur associatif. la figure du père aimant, protecteur et garant de la
▶ La protection de l'enfance vise à garantir
bonne moralité familiale, mais toujours centrée sur
les besoins fondamentaux de l'enfant dans la puissance paternelle. Celle-ci décline finalement
le respect de ses droits dans une approche
globale et écosystémique du développe-
par la réforme de l'autorité parentale du 4 juin 1970,
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9
Partie 1. Éléments de contexte
envers les enfants. Mais il faut attendre les Les textes de référence actuels
années 1950 et 1960 aux États-Unis pour que cela
devienne une question médicale, passant par la Dès 1984, la France inscrit dans la loi n° 84-422
description de tableaux cliniques particuliers. du 6 juin 1984 relative « aux droits des familles
Puis, ce sont des professionnels du social et des dans leurs rapports avec les services chargés de
associations qui s'emparent du problème des mau- la protection de la famille et de l'enfance, et au
vais traitements à enfants, en en faisant une cause statut des pupilles de l'État » sa préoccupation des
politique permettant ainsi aux mauvais traite- droits des enfants et des familles, l'importance
ments physiques d'être considérés comme un d'associer l'enfant aux décisions qui le concerne
problème de santé publique [2]. En découlera la et le nécessaire accompagnement des familles
reconnaissance des maltraitances sexuelles, psy- qui en ont besoin. Puis, d'autres textes sont venus
chologiques, des négligences et plus récemment construire la protection de l'enfance : 1989 avec
celle des maltraitances des enfants exposés aux la CIDE ; 2002 avec la loi du 4 mars 2002 relative
violences domestiques. En France, le même mou- à l'autorité parentale ; 2007 avec la loi du 5 mars
vement a eu lieu juste un peu décalé dans le temps, 2007 réformant la protection de l'enfance ; 2016
le néologisme de maltraitance étant quant à lui avec la loi du 14 mars 2016 relative à la protection
introduit dans les politiques de santé publique de l'enfant.
dans les années 1990 [2]. La loi de 2007 définissait la protection de
l'enfance comme ayant « pour but de prévenir
les difficultés auxquelles les parents peuvent être
confrontés dans l'exercice de leurs responsabilités
La politique publique éducatives, d'accompagner les familles et d'assu-
rer, le cas échéant, selon des modalités adaptées
de protection de l'enfance à leurs besoins, une prise en charge partielle ou
actuelle en France totale des mineur ». Et pour la première fois,
des dispositions de la CIDE sont introduites en
Une politique publique partagée posant, dès l'article 1er, que les priorités de la
protection de l'enfance résident dans « l'intérêt
En France, le dispositif de protection de l'enfance
de l'enfant, la prise en compte de ses besoins et
s'est construit autour d'une dualité constituée par
le respect de ses droits [qui] doivent guider toute
deux autorités protectrices : la protection judi-
décision le concernant ». Enfin, cette loi instaure
ciaire et la protection sociale. Jusqu'en 1982, la
divers éléments clés du dispositif de protection
protection de l'enfance constituait une politique
de l'enfance concernant l'organisation des ser-
régalienne de l'État et c'est l'acte I de la décen-
vices, les partenariats et la prise en compte des
tralisation (lois de 1982 et 1983) qui transfère au
intérêts, des besoins fondamentaux et des droits
département la responsabilité de l'aide sociale.
de l'enfant.
L'acte II en fait le chef de file de l'action sociale
(loi du 13 août 2004) et enfin, la loi NOTRe du
7 août 2015 désigne le département comme garant La cellule chargée
« des solidarités territoriales et humaines » [3]. Les du recueil, du traitement et
conseils départementaux (CD) sont donc les chefs
de file de la protection de l'enfance. Pour autant,
de l'évaluation des informations
si les services et missions de l'aide sociale à l'en- préoccupantes (CRIP)
fance, de la protection maternelle et infantile et de Dans chaque département, est créée une CRIP
l'action sociale ont été confiés aux CD, le transfert relative aux mineurs en danger ou qui risquent de
de compétences n'a pas été total, l'État conservant l'être qui a pour objectif de clarifier l'entrée dans
notamment la santé, la psychiatrie infantile, l'inté- le dispositif de protection de l'enfance et d'éviter
rieur, la justice des mineurs, l'éducation dont le l'engorgement des Parquets. La loi réserve doréna-
service social scolaire et la santé scolaire. La pro- vant le terme de signalement à la saisine du procu-
tection de l'enfance est ainsi située dans un régime reur de la République. Le recueil des informations
de coresponsabilité [4]. préoccupantes est centralisé et organisé sous la
10
Chapitre 2. La politique publique de protection de l'enfance en France : actualité, enjeux et perspectives
forme d'un circuit unique, facilement repérable navant être précédées d'une évaluation de la situation
par l'ensemble des acteurs et des protocoles sont prenant en compte trois éléments : l'état du mineur,
élaborés par le CD avec les autres institutions. la situation de la famille et les ressources mobili-
Pour autant, aviser directement le procureur de sables dans son environnement. Cette démarche doit
la République pour les professionnels, les ser- conduire à établir un document dénommé projet
vices publics, les établissements privés ou publics pour l'enfant (PPE), qui a été revu par la loi de 2016
susceptibles de connaître des mineurs en danger en le recentrant encore plus sur les besoins fonda-
reste possible mais doit être réservé aux situations mentaux de l'enfant. Le texte de loi prévoit aussi que
les plus graves. le juge fixe la nature et la fréquence des droits de
L'évaluation des situations individuelles et fami- visite et d'hébergement et qu'il peut décider que leurs
liales est réalisée par les services départementaux conditions d'exercice soient déterminées conjointe-
qui sont chargés de lui donner un caractère pluri- ment entre les titulaires de l'autorité parentale et la
disciplinaire et pluri-institutionnel. Pour ce faire, le personne, le service ou l'établissement à qui l'enfant
partage d'informations à caractère secret est orga- est confié. Enfin, les visites médiatisées en protection
nisé dans le but de mieux protéger les profession- de l'enfance sont légalisées.
nels sous la forme d'un « secret partagé » possible Bien que la notion des besoins fondamentaux de
« qu'entre personnes soumises au secret profession- l'enfant soit inscrite dans la loi de 2007, celle-ci a été
nel qui mettent en œuvre la politique de protection soumise aux critiques, jugée par trop « familiariste »,
de l'enfance ou qui lui apportent leur concours » [5]. voire « parentaliste » car centrée d'abord sur les dif-
ficultés parentales [6]. Il s'est alors ensuivi la loi du
Observatoire départemental de la 14 mars 2016 portant sur la protection de l'enfant.
protection de l'enfance (ODPE) Restant dans la continuité de nombreux principes
posés en 2007, son article 1er apporte cependant
Dans l'idée de parachever la construction d'un
une nouvelle définition de la protection de l'en-
dispositif d'observation en protection de l'enfance
fance comme visant à « garantir la prise en compte
destiné à « mieux connaître pour mieux prévenir
des besoins fondamentaux de l'enfant, à soutenir
et mieux traiter », démarré en 2004 par la création
son développement physique, affectif, intellectuel et
de l'Observatoire national de l'enfance en danger
social et à préserver sa santé, sa sécurité, sa mora-
(ONED) [5] devenu Observatoire national de la pro-
lité et son éducation, dans le respect de ses droits ».
tection de l'enfance (ONPE) en 2016, la loi de 2007
L'enfant y a donc une place centrale et la nécessaire
créé dans chaque département un ODPE placé sous
évaluation des besoins de l'enfant dans un souci de
l'autorité du président du CD. De composition pluri
sécurisation de son parcours en matière de cohé-
institutionnelle précisée par décret, il rassemble
rence et de continuité est renforcée. Elle tend aussi
l'ensemble des acteurs notamment des CD, de
à faciliter l'évolution du statut de l'enfant par la
l'État, et du secteur associatif œuvrant en protection
création de commissions d'examen des situations
de l'enfance aussi bien en prévention qu'en prise en
et du statut des enfants confiés. Enfin, il est prévu
charge. Chaque ODPE constitue ainsi un important
que soit désigné dans chaque département, au sein
outil d'animation de la politique publique départe-
de l'Aide sociale à l'enfance, un médecin référent
mentale de protection de l'enfance.
en protection de l'enfance chargé d'organiser les
modalités de travail et les coordinations néces-
L'enfant au cœur du dispositif saires entre les services départementaux, dont la
Se référant à la CIDE, la loi du 5 mars 2007 pose la CRIP, et les médecins libéraux, hospitaliers et de
considération du développement physique, affectif, santé scolaire. Ce texte pose le principe que toutes
intellectuel et social de l'enfant comme devant être les décisions de protection doivent être « adaptées
protégé lorsqu'il est compromis, au même titre que à chaque situation et objectivées par des visites
ses conditions d'éducation. Une considération par- impératives au sein des lieux de vie de l'enfant et
ticulière est apportée à la continuité des liens qui en sa présence et s'appuyer sur les ressources de
s'établissent pour un enfant et à l'importance de cette la famille et de l'environnement de l'enfant. Elles
continuité pour sa construction [5]. Les réponses impliquent la prise en compte des difficultés aux-
apportées aux enfants et à leur famille doivent doré- quelles les parents peuvent être confrontés dans
11
Partie 1. Éléments de contexte
l'exercice de leurs responsabilités éducatives et la et dans son intérêt en interrogeant les modalités
mise en œuvre d'actions de soutien adaptées en d'exercice de la parentalité et l'environnement de
assurant, le cas échéant, une prise en charge par- l'enfant conduit inévitablement à ce que les pro-
tielle ou totale de l'enfant ». Cette loi conduit donc à fessionnels de la protection de l'enfance abordent
un rééquilibrage entre droits de l'enfant et autorité autrement les situations professionnelles. C'est
parentale et va au-delà de la seule prise en compte pourquoi la loi de 2016 a été suivie d'une démarche
des besoins fondamentaux de l'enfant, puisqu'il de consensus portant sur les besoins fondamen-
s'agit maintenant de les garantir et de s'appuyer sur taux de l'enfant [7], aboutissant à la construction
les ressources familiales et sur l'environnement de d'une cartographie de sept besoins fondamen-
l'enfant. taux de l'enfant nécessaires à son développement
(figure 2.1 et [8]), constituant un socle possible
De réels changements pour une action en protection de l'enfance eu égard
aux adversités rencontrées donnant un caractère
de paradigmes pour les spécifique aux besoins fondamentaux des enfants
pratiques professionnelles de la protection de l'enfance auxquels il s'agit d'ap-
porter des réponses tout aussi spécifiques.
Affirmer les principes de garantie des besoins L'enjeu est de penser la protection de l'enfant
fondamentaux de l'enfant au regard de ses droits en considérant l'ensemble des besoins de l'enfant
Besoin
d'experiences et
d'exploration du
monde
esoin : SÉCUR
ta b ITÉ
Mé
Besoin affectif et
relationnel
Besoin de protection
Besoin d'estime Besoin d'un
de soi et de cadre de règles
valorisation de soi et de limites
Besoins
physiologiques
et de santé
Besoin
d'identité
12
Chapitre 2. La politique publique de protection de l'enfance en France : actualité, enjeux et perspectives
et de façon globale selon le modèle écologique du de l'enfant, de travailler de façon plus globale en
développement humain [8] permettant de tenir tenant compte de tous les besoins et de tous les
compte de l'influence réciproque de multiples environnements de l'enfant et par conséquent de
systèmes, des plus proches de l'enfant (micro- travailler de manière plus intersectorielle, plus
systèmes) au plus éloignés (macrosystèmes), partenariale, plus participative, plus prospective
composant tous ensemble son environnement et donc infiniment plus complexe.
écologique.
Fonder l'action en protection de l'enfance sur
ces concepts conduit les professionnels à les inté- Références
grer dans leurs pratiques et leurs interventions,
[1] Becquemin M, Chauviere M. L'enfance en danger:
dans une approche dynamique s'inscrivant dans genèse et évolution d'une politique de protection.
des parcours de vie. Ainsi les réponses à appor- Enfances & Psy 2013;3(60):16–27.
ter doivent aller au-delà d'une seule protection [2] Fassin D. Faire de la santé publique. Rennes: Presses
de l'enfant face à des risques et des dangers, et de l'EHESP ; 2008.
l'enjeu est bien de créer aussi des conditions favo- [3] Terrier E, Halifax J. Approche territoriale de la pro-
tection de l'enfance. Quelles spécificités des espaces
rables pour son avenir et son accès à l'autono- urbains, ruraux, périurbains ? Le Sociographe 2017/5
mie. Ainsi, agir en protection de l'enfance selon (N° Hors série 10):61–82.
les besoins fondamentaux offre de nombreuses [4] Rosenczveig JP. La loi n° 2016-297 du 14 mars 2016
perspectives d'action dans toutes les compo- relative à la protection de l'enfant Journal du Droit
santes de la vie d'un enfant : sa famille, son mode des Jeunes 2016; 353:16–36.
de garde, son école, ses loisirs, ses services de [5] ONED. Les 7 enjeux de la loi du 5 mars 2007 réfor-
mant la protection de l'enfance. 2005.
santé, son logement, etc., qui participent toutes [6] ONPE. Protection de l'enfant : les nouvelles dispo-
à son développement et à sa socialisation [9]. Il sitions issues de la loi n° 2016-297 du 14 mars 2016
est donc nécessaire dans la pratique quotidienne, relative à la protection de l'enfant. 2016.
de chercher dans le même temps, d'une part à [7] Martin-Blachais MP. Démarche de consensus sur
réduire et à lutter contre des facteurs de vulné- les besoins fondamentaux de l'enfant en protection
de l'enfance. [Rapport] remis à Laurence Rossignol,
rabilité pathogènes générant de la mauvaise santé
ministre des Familles, de l'Enfance et des Droits des
et faisant donc une part importante aux soins, et femmes, Paris : Direction générale de la cohésion
d'autre part à développer les facteurs de protec- sociale. 28 février 2017.
tion et de résilience salutogènes [10], dans le sens [8] Bronfenbrenner U. The ecology of human develop-
où ils vont générer de la bonne santé. Il en découle ment : experiments by nature and design. Cambridge,
la nécessité pour les mineurs et jeunes majeurs MA: Harvard University Press ; 1979.
[9] Gindt-Ducros A. Développer pour tous une culture
relevant de la protection de l'enfance de faire évo- commune autour des besoins fondamentaux univer-
luer la conception de la protection de l'enfance sels de l'enfant, La Santé en Action 2019;447:8–9.
au-delà des prestations et des mesures de protec- [10] Antonovsky A. Health, Stress and Coping. San
tion et d'y intégrer ce qui fait la vie quotidienne Francisco : Jossey-Bass Publishers ; 1979.
13
Le trauma complexe Chapitre 3
chez l'enfant
et l'adolescent
J. Dayan
15
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The Project Gutenberg eBook of Laulu
vaakalinnusta
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Language: Finnish
Runoja
Kirj.
SISÄLLYS:
I
Laulu vaakalinnusta
Ruissalo
Kuuvannokassa
Tapaaminen
Haapsalun valkea nainen
Punaista ja kultaa
Viimeisestä illasta
II
Atlantis
Piilipuitten alla
Luuranko metsässä puhuu
Vainaja
III
Kaunas 1.
2. (Hämärä metsä)
Tivoli
Fürstenhof
Wintergarten
IV
Tripolis
1. Miss Annabel
2. Fatiman kuolo
Lasisesta silmästä
Yxi walitettava wirsi
Suomalainen ryijy
Puer natus in Betlehem
Vaatimattomasta hautauksesta
Legenda väsyneistä naisista
Sotamiehen hautauksesta
Mikko Puhtisesta
Dominus Krabbe
1. Pappilan nuorenherran kertomus
2. Piika Amandan kertomus
3. Renki Epramin kertomus
4. Kirkonvartija Optaatuksen kertomus
5. Pappilan neitien kertomus
6. Vanhan haudankaivajan kertomus
VI
I
Se on eriskummallinen lintu, joka
ei ole kokonaan lintu. Mutta se
istuu kaukaisessa viheriäisessä
metsässä kaukaisen vaskivuoren
takana ja vartioitsee aarteita.
Sinä et voi nähdä sitä, oi
Duryodhana, mutta sen äänen
kuulet hiljaisina iltoina. Mutta
kun vaakalinnun äänen kuulet,
vyötä silloin kupeesi, oi
Duryodhana, ja kätkeydy, sillä
onni on saita.
Intialainen satu.
LAULU VAAKALINNUSTA
Vanhanaikainen runo
Ruissalo
Kuuvannokassa
Tapaaminen
Punaista ja kultaa
Tule, anna kätesi mulle, tule, älä vapise niin. Minä olen sua
kauan odottanut. Saariin onnellisiin tänä päivänä lähtee
laivani. Jos tahdot mukaan, on sinun varalles hankittu piletti ja
hytti maksuton.