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Gérer l’emploi
au sein de l’exploitation agricole
Copie accordée à gwenola.beaucourt@mfr.asso.fr
Collection dirigée par Madeleine ASDRUBAL
Ingénieur d’agronomie
ENESAD
Gérer l’emploi
au sein de l’exploitation
agricole
dossier d’autoformation
MB2 Conseil
Maryline MALLOT
Aux termes du Code de la propriété intellectuelle, toute reproduction ou représentation, intégrale ou partielle, de la
présente publication, faite par quelque procédé que ce soit (reprographie, microfilmage, scannérisation,
numérisation…) sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite et constitue une
contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle. L’autorisation d’effectuer des
reproductions par reprographie doit être obtenue auprès du Centre français d’exploitation du droit de copie (CFC) – 20 rue des
Grands-Augustins 75006 Paris – Tél : 01 44 07 47 70 / Fax : 01 46 34 67 19.
© Educagri éditions,
2008 ISBN 978-2-84444-
705-0 ISSN : 1258-
083X
Educagri éditions
BP 87999 - 21079 DIJON Cedex
Tél. 03 80 77 26 32/03 80 77 26 33 - Fax 03 80 77 26 34
www.editions.educagri.fr editions@educagri.fr
Cet ouvrage est un dossier d’autoformation conçu pour vous familiariser avec les
différents aspects de la gestion de l’emploi au sein d’une entreprise agricole.
Son utilisation doit vous permettre d’atteindre l’objectif suivant : « être capable de
gérer le travail dans l’exploitation agricole ». Il s’agit d’un des objectifs du réfé-
rentiel du brevet professionnel option responsable d’exploitation agricole (BPREA)
et plus précisément de l’UCP 3. Pour maîtriser cet objectif, il faudra aussi vous
fami- liariser avec l’organisation du travail dans l’exploitation agricole. Pour cela, il
est conseillé de commencer par l’ouvrage d’autoformation Comprendre
l’organisation du travail au sein d’une exploitation agricole édité dans la même
collection (Cible). Cet ouvrage concerne d’autres formations initiales ou
continues ; c’est pourquoi vous pouvez être amené(e) à l’utiliser dans le cadre
d’autres parcours de forma- tion que ceux préparant au BPREA. Il peut aussi être
utile à tout exploitant agri- cole déjà installé et qui envisage d’embaucher ou de
trouver un associé, et même, plus largement, à tout chef d’entreprise.
Organisation du dossier
Ce dossier est découpé en cinq séquences indépendantes :
séquence
5
3
séquence
4
séquence
Copie accordée à gwenola.beaucourt@mfr.asso.fr
ployeur Le métier
Devenir employeur
d’associé
L
À la fin de chaque séquence une évaluation vous permettra de vérifier si vous avez
intégré les connaissances apportées durant la séquence.
À l’issue des cinq séquences, un test vous est proposé afin d’autoévaluer
l’ensemble de vos apprentissages.
En fin d’ouvrage, vous trouverez la liste de tous les sigles et abréviatons qui appa-
raissent dans le livre, ainsi que quelques sources dans lesquelles vous pourrez
trouver des informations complémentaires, livres, articles, sites Internet.
Consignes de travail
Introduction
1 – L’emploi direct 8
1.1. L’exploitant et le conjoint d’exploitant 8
1.2. L’associé d’exploitation 8
1.3. Le salarié 9
2 – L’emploi indirect 10
2.1. L’emploi partagé 10
2.2. L’intérim 11
2.3. Les formes de sous-traitance 11
Exercez-vous 13
En résumé 24
Corrigés 25
L’emploi direct concerne les personnes rattachées, par contrat, directe- ment à
l’exploitation.
Nous commencerons par les exploitants avant de passer aux salariés. Les
exploitants peuvent exercer sous divers statuts : indépendant, conjoint d’exploitant
ou associé au sein d’une société civile agricole.
Ajoutons une précision sur le statut d’aide familial. Possible à partir de 16 ans, il est
ouvert aux ascendants, à tout descendant, frère, sœur ou allié au même degré du chef
d'exploitation ou d'entreprise ou de son conjoint, vivant sur l'exploitation et participant à
sa mise en valeur, sans en être sala- rié. Depuis le 18 mai 2005, la personne qui
devient aide familial ne peut conserver cette qualité plus de cinq ans. L’aide
familial a un statut social (déclaration et cotisations MSA – Mutualité sociale
agricole) et a droit à un salaire différé en rémunération de son travail, qui ne lui sera
versé qu’à la succession des parents.
Les statuts de la société lient les cogérants, sans liens de subordination entre eux.
L’associé, apporteur en industrie, reçoit une rémunération en contre- partie de son
travail.
1.3. Le salarié
Un salarié peut être affecté à des travaux divers et variés en fonction de ses
compétences et des besoins de l’exploitation. On parle de salarié poly- valent
lorsque lui est confié un travail essentiellement opérationnel et dans plusieurs
productions. Les salariés spécialisés ont en charge le niveau tactique d’une
production. Les cadres se voient déléguer des tâches de management.
On parle d’emploi indirect lorsque la personne qui travaille est reliée, par contrat, à
une entreprise (ou organisme) extérieure à l’exploitation.
Les emplois indirects sont les formes d’emplois partagés, l’intérim et la sous- traitance
à un prestataire de service.
Le groupement d’employeurs
Les chefs d’exploitations agricoles ayant un besoin de main-d’œuvre infé- rieur à
un temps plein peuvent se regrouper en créant un groupement d’employeurs. C'est
une association (type loi 1901) dont le but est de recru- ter un ou plusieurs
salarié(e)s et de les employer en commun, selon les besoins de chacun d’eux.
Les salarié(e)s, mis à disposition des employeurs membres du groupement, sont liés
à l’association par un contrat de travail.
En contrepartie, il lui est souvent demandé de contribuer aux journées les plus
physiques et denses en quantité de travail à effectuer. Il doit aussi s’adapter à des
comportements et types de management différents d’un exploitant à l’autre.
Le groupement d’employeur est souvent une première étape vers le sala- riat et
permet un apprentissage progressif du métier d’employeur pour l’exploitant.
Notons que les CUMA ont de plus en plus souvent un groupement d’employeurs
qui leur est adossé pour mettre des chauffeurs à disposition de leurs adhérents.
Il existe un tel service dans chaque département. Ce sont aussi des asso- ciations,
type loi 1901. Elles sont parfois appelées « mutuelles coup dur »; pour en
bénéficier, il faut adhérer.
2.2. L’intérim
L’intérêt de ces formes d’emploi est d’avoir accès à un personnel très qua- lifié,
pour un coût raisonnable, sans avoir la charge de sa formation, de sa gestion… Le
plus souvent, le prestataire fournit non seulement la per- sonne mais les outils de
travail spécifiques (semoir, ordinateurs, logiciel…), nécessaires pour effectuer ce
travail spécialisé. Il y a donc aussi délégation de la gestion d’investissements
spécifiques (achat, renouvellement, entre- tien, maintenance…).
Exercez-vous
Type d’emploi
Situations
Direct ? Indirect ? Autre ?
Si vous avez recours au salariat, c’est le code du travail et la convention col- lective des
exploitants et entreprises agricoles qui régissent vos droits et obligations.
L’inspection du travail, de l’emploi et de la politique sociale agri- cole (ITEPSA) est à
votre service pour répondre à vos interrogations. Il est conseillé de leur demander la
convention collective et de la lire attentivement.
15
L’absence de contrat écrit équivaut à un contrat oral pour une durée indé- terminée.
Selon les politiques de l’emploi en vigueur, il existe des contrats aidés, l’ANPE est
à votre service pour vous renseigner.
Le salaire minimum
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La durée légale du travail est de 35 heures par semaine. Le temps de tra- vail peut
être annualisé et correspond à 1 820 heures par an. Dans le cas d’une organisation
du travail à 39 heures par semaine, le salarié est payé 35 heures mais récupère les
heures effectuées entre 35 et 39 heures sous forme de journées ou demi-journées de
repos. Par contre, au-delà des 39 heures hebdomadaires, le travail est payé sous
forme d’heures supplé- mentaires (majoration de 25 % pour les huit premières
heures et 50 % au- delà). La durée hebdomadaire du travail est de 48 heures
maximum ; pour atteindre 60 heures, il faut négocier une dérogation exceptionnelle
et ponc- tuelle avec l’inspection du travail. Une journée est de 10 heures maximum,
les dépassements impliquent l’information de l’inspection du travail. L’intervalle
de repos entre de deux journées de travail est d’au moins 11 heures ; une
dérogation exceptionnelle de 9 heures est à négocier avec l’inspection. Le travail de
nuit (entre 21 h et 6 h) entraîne une majoration de salaire. Chaque semaine, le
salarié bénéficie de 24 heures de repos consécutifs. Les jours fériés légaux sont
chômés et payés. Le droit aux congés payés est de cinq semaines (trente jours
ouvrables) par an.
17
À l’arrivée du salarié, l’employeur a obligation de l’informer sur les risques et sur les
règles de sécurité. Il doit mettre à sa disposition du matériel et des installations
conformes aux normes de sécurité en vigueur. L’employeur doit faire respecter la
bonne mise en œuvre des règles de sécurité. Attention, pour conduire certains engins
(chariots élévateurs, chargeurs télesco- piques...), le salarié doit avoir une
autorisation écrite de son employeur sti- pulant la vérification préalable des
connaissances et savoir-faire néces- saires et se référant à l’aptitude spécifique
explicitement donnée par le médecin du travail. Dans tous les cas, il faut procurer
au salarié les équi- pements de protection adaptés aux tâches confiées.
Le document unique d’évaluation des risques professionnels est obliga- toire. Il est
composé d’un recensement des risques pour la santé et la sécu- rité auquel le
personnel est exposé et d’un plan action pour leur maîtrise. Le conseiller en
prévention de la MSA peut vous guider lors de sa création ou de son actualisation
annuelle. Ce document doit pour chaque installa- tion, chaque chantier, chaque
situation de travail :
– recenser les risques potentiels (lister les dangers et les conditions pour réduire
l’exposition à ces dangers dans la réalisation de l’activité de tra- vail par
l’ensemble des personnels) ;
– évaluer la fréquence et la gravité des blessures ou maladies que ces risques
pourraient engendrer ;
– proposer un plan de réduction de ces risques.
Les salariés doivent être concertés lors de l’actualisation annuelle de ce docu- ment et
pouvoir consulter facilement ce document. Inspection du travail et MSA doivent y
avoir accès à tout moment. S’il arrive un problème grave et
18
Au niveau hygiène, le salarié doit avoir accès à un vestiaire, des lavabos, des
toilettes, une douche.
En cas d’accident du travail, vous devez faire une déclaration à la MSA dans les 48
heures.
19
Exercez-vous
20
Parmi les mentions suivantes laquelle doit être affichée dans l’exploitation?
0 les dates des congés
0 l’appréciation annuelle
0 les coordonnées de l’inspection du travail
21
2. Voici la liste de différents emplois que l’on peut trouver dans le domaine
agricole et une liste de caractéristiques correspondantes.
Reliez chaque élément de la liste de droite à un élément de la liste de gauche.
Nous venons de poser la problématique emploi, mais avant de rentrer dans le détail,
voyons ce que suppose le travail à plusieurs.
Après une période d’essai, on reconnaît au salarié une compétence de tra- vail, on
lui définit une zone d’autonomie pour l’exercer. Il n’a pas d’initiative possible en
dehors de ce cadre. Par contre, sa personne mérite le respect. Il faut l’écouter et
prendre son avis sur ce qui touche son travail, lui don- ner des consignes claires sur
ce que l’on attend de lui. En retour, il est res- pectueux de son patron, il apprécie sa
capacité à gérer, décider. Chacun a sa place, son rôle, chacun donne, chacun reçoit.
Chacun a droit et devoir envers l’autre. Si c’est l’employeur qui a pouvoir de
décider, c’est le salarié qui a pouvoir de disposer de cette décision : il peut respecter
scrupuleuse- ment ou non les horaires, il peut mettre plus ou moins de zèle dans
la
23
réalisation des tâches, il peut dire ou non ce qu’il a vu, entendu, proposer des
idées…
L’associé est un collègue non seulement de travail, mais aussi de mana- gement de
l’exploitation. Il n’y a pas un chef au-dessus et aucun des deux n’est le chef de
l’autre. Il faut partager cette fonction. Ce qui suppose d’inventer un fonctionnement
et un relationnel inédits, basés sur le respect et la confiance.
24
En résumé
25
Type d’emploi
Situations
Direct ? Indirect ? Autre ?
26
Corrigé
1. Les règles qui régissent le salariat
de la page 20
Un CDI est un contrat à durée indéterminée. L’absence de contrat forma- lisé vaut
CDI.
La majoration des heures supplémentaires est de 25 % pour les 8 pre- mières heures
au-dessus des 35 heures hebdomadaires. Au-delà, elles sont facturées 50 % plus
cher.
27
L’employeur est responsable du respect des normes de sécurité qu’il a lui- même
édictées dans le document unique. Il peut faire appel au conseiller en prévention de
la MSA.
Corrigé
Le statut de conjoint d’exploitant ne permet qu’une reconnaissance sociale, mais il ne
de la page 21
permet ni une rétribution directe, ni la reconnaissance d’une res- ponsabilité.
L’aide-familial est un statut provisoire (moins de cinq ans) réservé aux ascendants,
à tout descendant, frère, sœur ou allié au même degré du chef d'exploitation ou
d'entreprise ou de son conjoint.
28
L’intérimaire est une forme d’emploi peu courante dans le domaine agri- cole, il
répond généralement à un besoin ponctuel.
En résumé 42
Exercez-vous 43
Corrigés 44
Il convient de commencer par mettre à plat le système de production et le tra- vail qu’il
engendre (cf. l’ouvrage Comprendre l’organisation du travail au sein de
l’exploitation agricole, séquence 4, point 2.1). Cette première prise de recul devrait
permettre d’identifier des améliorations possibles de la pro- ductivité du travail ou
de trouver d’autres pistes de réflexion. Prenons des exemples :
– certaines installations (par exemple une étable entravée) sont consom- matrices de
main-d’œuvre, la construction d’un bâtiment plus fonction- nel peut réduire ce
besoin ;
– il est souvent possible de changer des outils pour acquérir du matériel plus
performant (plus large, plus rapide à régler, évitant des passages…) ;
– un mode de distribution et de repousse de la ration peut évoluer vers un système
de libre-service, moins consommateur de travail, en particulier les week-ends ;
– un travail d’astreinte peut se transformer en travail moins régulier (pas- ser de la
vente à la ferme à la livraison à un magasin…) ;
– une réorganisation du système de production permet parfois d’éviter une pointe de
travail ;
– la délégation de certains travaux à une entreprise extérieure peut réduire un besoin
de main-d’œuvre ;
– la réduction de pénibilité de certaines tâches permet un recours plus durable à de
la main-d’œuvre bénévole ;
– abandonner un îlot éloigné, exploité en fermage, peut solutionner certains
problèmes, procéder à des échanges de parcelles réduira le morcellement et donc le
temps passé sur la route…
– mettre en commun l’itinéraire technique de conduite des cultures à plu- sieurs
exploitations et l’embauche à plusieurs d’un salarié, chauffeur du matériel de la
CUMA, sera une solution pour certains (l’exemple marche aussi avec une
dessileuse…) ;
– entrer une production dans un GAEC partiel peut améliorer la perfor- mance du
travail des structures ;
31
– deux agriculteurs peuvent s’organiser entre eux pour plus d’entraide : un de garde
par week-end pour les deux exploitations, travail à deux pour les interventions sur
les animaux…
– on étudiera le choix de négocier à la coopérative des livraisons en vrac et non
après un premier tri des produits ;
– etc.
De toute façon même si, à l’issue de cette première réflexion, un besoin de main-
d’œuvre supplémentaire persiste, le travail non productif a été éliminé et il n’était pas
utile de payer une personne pour le faire !
Exercez-vous
32
34
Le projet
Nous prendrons un exemple d’évaluation du temps de travail de saison et d’astreinte
avant et après projet de modernisation. Au départ, il y a 2,5 UTH (unité de travail
humain) composées d’un exploitant, d’une salariée à mi- temps, bientôt en retraite, et
d’une personne bénévole (le père). La production laitière est de 500 000 litres de lait
avec pâturage, quelques cultures, engraissement de bovins achetés et engraissement
de porcs en intégra- tion. Le projet est de passer à 1 million de litres de lait, zéro
pâturage, avec un nouveau bâtiment et deux robots. L’exploitant ne souhaite a priori
pas remplacer la salariée qui part en retraite. La simulation qui suit va l’en dis-
suader.
Causes
Tâches successives Acteurs Horaires
de variation
-traite père de 7 h 30 interruptions liées au passage
-repousse de la ration, distribution de l'ensilage aux génisses exploitant de l’inséminateur
-porcs père à passage aux porcs en début
-nettoyage de la salle de traite et distribution du lait aux veaux salariée de lots
-distribution de l’ensilage aux vaches exploitant/père 9h
L’HIVE
- déplacement des fils de clôtures mobiles exploitant avant de lâcher les fait après le pansage du soir
vaches
- conduite des vaches au pré un des trois entre 10 et 11 h
-quête des vaches au pré salariée 17 h 45
-traite salariée
-surveillance des taurillons et remplissage des libres-services foin exploitant
-suivi clôture exploitant 20 h
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évaluer un besoin de main d’œuvre supplémentaire
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LE MATIN
-édition des anomalies sur l’ordinateur (non traites, en attente, 7 h 30 nouveau bâtiment exploitant
pro- blèmes…)
-mise en route de la dessileuse ancien bâtiment père
-veaux
-porcs porcherie père
-repousse de la ration nouveau bâtiment exploitant
-remplissage de la dessileuse ancien bâtiment exploitant
-distribution de la ration nouveau bâtiment exploitant
-entrave des vaches aux cornadis, lâché des non traites exploitant
-tour des animaux (derrière)
-lancement du raclage
-nettoyage - maintenance du robot père
-alimentation des animaux à l’engraissement, génisses, taries… ancien bâtiment exploitant
-paillage de ces mêmes animaux exploitant
-paillage puis lâché des vaches 9 h 30 nouveau bâtiment exploitant
LE MIDI
- repousse de la ration et surveillance 1/2 heure nouveau bâtiment exploitant
LE SOIR
-repousse de la ration nouveau bâtiment exploitant
-veaux ancien bâtiment père
-porcs porcherie père
- édition des anomalies sur l’ordinateur (non traites, en attente, nouveau bâtiment exploitant
pro- blèmes…)
- tour des animaux (derrière) 19 h 30 exploitant
36
Avec ces indications, le temps quotidien de travail d’astreinte semble très peu
augmenter pour l’exploitant. Le père est d’accord pour assurer le soin aux veaux, à
condition qu’il n’y ait pas de pénibilité.
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Travaux janv. fév. mars avril mai juin juillet août sept. oct. nov. déc.
Lisier 1 1 1 1 1,5
Curage 1 1 1 2 1 1 2
Épandage de fumier 1
Engrais 0,5 1
Implantation du maïs 10 2
Emblavure d’automne 7
Semis des prairies 1
Foin 6 2
Ensilage maïs 15
Ensilage herbe 4 5
Paille moisson 6
Clôture 6
Taillage haies 5
Gyrobroyage 3 3 3
Total 7 1,5 3 11 9 12 9 11 4,5 23 2 2 95
Travaux janv. fév. mars avril mai juin juillet août sept. oct. nov. déc.
Lisier 1 1 1 1 1,5
Curage 2 2
Épandage de fumier 2
Engrais 1,5 2
Implantation du maïs 13 3
Emblavure d’automne 14
Traitements de printps 1
Semis des prairies 1,5
Foin 5 5
Ensilage maïs 16
Ensilage herbe 6 5
Paille moisson 12
Clôture 2
Taillage haies 5
Gyrobroyage 1 1 1 1
Total 2 1,5 3 14 13 11 13 6 9 31 2 2 107,5
38
N’oublions pas qu’il faudra aussi réaliser d’autres tâches non prévues ici : les
travaux d’astreintes, les travaux exceptionnels et saisonniers des pro- ductions
animales (interventions sur animaux, arrivée des porcins, com- mandes et livraisons
d’aliments, ventes d’animaux…), l’entretien du maté- riel et des bâtiments, les
tâches administratives, les réunions…
Il est certain que le mois d’octobre est trop chargé pour supporter tous les travaux !
Par le passé, c’était déjà un mois difficile. On n’aura jamais 31 jour- nées de 8 heures
de beau temps sans compter le temps du travail d’astreinte et le temps de gérer les
divers événements qui se présenteront au quotidien (pannes, livraisons, travaux
exceptionnels à la porcherie, administratif…).
39
Cet exercice interpelle souvent le futur employeur sur le profil de la per- sonne
recherchée. Souvent le besoin est mal défini, alors autant rechercher un polyvalent ou
un mouton à cinq pattes. Fréquemment, le primo employeur cherche un chauffeur car
d’une part, il préfère déléguer ce travail (facilité à expliquer, utilisation pleine de la
journée de travail, résultat de ce tra- vail visible, impression qu’en cas de mauvaise
réalisation les incidences éco- nomiques sont moins fortes) et d’autre part, il pense
que sur le marché de l’emploi, il y a plus d’ouvriers à offrir cette compétence !
Il est relativement facile d’identifier les besoins structurels en main-d’œuvre pour faire
face à un travail d’astreinte ou de saison. Par contre, les exploi- tants sous-évaluent
souvent le besoin pour les tâches qui mobilisent deux personnes simultanément. Soit
ils les font seuls et s’exposent à des risques, soit ils prennent du retard dans ces
tâches. Ils font aussi fréquemment abs- traction de certaines tâches exceptionnelles
dépendantes des aléas de l’exploitation. Or ces aléas sont souvent consommateurs
de plusieurs uni- tés de main-d’œuvre sur un laps de temps court ! Certains
agriculteurs intè- grent un groupement d’employeurs, pour quelques jours par mois,
en vue de répondre à ce besoin. En effet, il arrive souvent qu’une étude conclut qu’il
n’y a pas besoin d’une personne supplémentaire, même à temps partiel, sur
l’exploitation mais que, l’exploitant, étant seul, sera en difficulté pour quelques
tâches ponctuelles et que son organisation manque de souplesse d’adaptation à
l’imprévu, en particulier en cas d’absence (maladie, forma- tion, événement
familiaux…).
40
Précisons que dans les cas d’embauche d’un cadre ou de recherche d’un asso- cié, il
faut bien définir le niveau de responsabilité que vous recherchez et aussi jusqu’à
quel point vous êtes prêt à déléguer.
Exercez-vous
Reportez-vous
au corrigé
La première colonne présente une liste de situations d’agriculteurs exprimant
un besoin d’emploi. La seconde colonne présente des solutions possibles.
page 45
Reliez chaque élément de la liste de droite à un élément de la liste de
gauche.
Besoin d’emplois Solutions possibles
A – Matthieu a repris 10 ha à défricher et veut faire un parc de contention. 1 – Luc, après dix ans de salariat, cherche à s’installer en société. Il
est réfé- Son père ne peut plus l’aider dans ces tâches trop physiques et difficiles à rencé dans le répertoire départemental à
l’installation.
réaliser seul. D’ici un an ou deux, il faudra aussi remplacer le père pour les
travaux d’astreinte. 2 – Amélie a un BTS force de vente et de l’expérience dans la
lisation de produits laitiers. Elle cherche un emploi dans la région
commercia-
dijonnaise.
B – Suite à l’installation de Julie, l’exploitation s’oriente dans la valorisa-
tion par vente directe des biches. Mais personne ne sait découper la viande. 3 – Nicolas veut faire son BTS ACSE par apprentissage, il cherche une exploi-
tation.
C – Les plantations de petits fruits rouges entrent en production. Il faut une
équipe de cueilleurs. 4 - Le groupement d’employeurs départemental cherche à compléter l’emploi
du temps d’un salarié polyvalent un jour par semaine.
D – Grégoire ne veut plus faire la traite tous les week-ends, les soirs de
d’engins réunions et en période de récolte de fourrages. 5 – Gilles passe une annonce, il recherche un emploi de conducteur
agricoles, il a de l’expérience en Beauce.
E – Émile a eu un accident, il ne peut plus travailler sur la ferme, il a trouvé
un emploi de technicien à la coopérative. Son frère et associé cherche à le 6 – Des étudiants recherchent des jobs d’été.
remplacer au sein du GAEC. 7 – Une coopérative de découpe et transformation propose les
d’un boucher professionnel.
prestations F – La ferme était orientée vers la production allaitante. L’opportunité d’un
accroissement de 150 ha, en cultures de vente, se présente. Il faut un trac- 8 – Un groupement d’employeurs est en cours de création. Il recrute un
sala- toriste de plus sur l’exploitation. rié spécialisé dans la traite à employer à plein temps pour remplacer les
rents lors des absences, week-ends et congés.
adhé- G – Ludovic doit se faire opérer, les médecins lui demandent de ralentir
l’activité pendant deux ans. Il s’inquiète : comment sa femme va-t-elle faire
face ?
H – Armand, viticulteur en Bourgogne, fait le point avec son conseiller
de gestion ; il faut créer des charges déductibles pour mieux maîtriser la
fisca- lité. Pour moins dépendre des cours mondiaux, il faut développer
la vente directe.
Quand un nouvel emploi doit être créé, le considère-t-on comme une res- source
pour le développement de l’exploitation ou comme une charge qui va grever le
budget ?
Le salarié ou l’associé s’adaptent à la situation, ils réalisent parfois des tâches non
prévues initialement ; ils permettent la création ou le développement de nouvelles
activités. La qualité de travail qu’ils procurent augmente la performance technique,
réduit les pannes et certains coûts d’exploitation (entretien…). Ils permettent de
mieux répartir la pénibilité, de gérer la fatigue, de limiter les accidents…
Si l’on n’est pas convaincu que ce nouvel emploi permettra de créer de la valeur et
de la rentabilité d’exploitation, il n’est peut-être pas nécessaire de se lancer dans
l’aventure...
42
En résumé
c::) Tant que votre étude du besoin ne fait pas apparaître l’emploi à créer comme
une ressource pour le développement de votre exploitation, il vaut mieux
renoncer à sa création !
43
Exercez-vous
Problèmes Solutions
Bernard vient de se casser le coccyx. Le poulailler devait être rempli le Il peut faire appel au service remplacement ou de pas
lendemain. faire remplir le poulailler.
Suite à un accident du travail, François revient handicapé dans le GAEC
d'une exploitation céréalière. Opéré d’une épaule, il ne peut plus lever les bras
en fai- sant un effort ou atteindre des objets placés derrière lui.
Philippe doit faire face au départ en retraite de son père. Celui-ci s’occupait
de l’entretien du matériel, participait à la taille des arbres, supervisait les
saisonniers à la récolte, classait les factures.
Régis est seul sur l’exploitation (veaux sous la mère). Il a des responsabilités
pro- fessionnelles qui lui occasionnent des absences. Il pense ne pas avoir besoin de
main- d’œuvre supplémentaire, sauf pour le remplacer. Une étude plus approfondie
a mon- tré du retard pris dans les travaux de clôture et des aides non pérennes
par des bénévoles pour déplacer les animaux.
En avril, il faut sortir les troupeaux à l’herbe, mais les parcelles ne sont pas
finies de clôturer, ni les brebis tondues. Il faut semer les maïs, curer le bâtiment
avant les agnelages de mai. Didier est toujours débordé à cette époque.
Alice a trouvé de nouveaux et importants débouchés pour écouler ses volailles
en vente directe. Mais il faudrait aussi fournir des plats cuisinés (poulet
basquaise). C’est une compétence qu’elle n’a pas et cela engendre une
augmentation énorme du travail d’astreinte (augmentation de la production,
travail d’abattage ou trans- formation quasi quotidien).
Thibaud vient de s’installer. La ferme reprise dans une zone bocagère n’a pas
été entretenue ces dernières années. Il faudrait élaguer beaucoup d’arbres.
Il ne connaît pas trop ce travail, il n’a ni temps, ni équipements spécifiques.
Louis est installé depuis cinq ans. Il a dû mettre l’eau dans un maximum
de pâtures, débroussailler des parcelles à l’abandon, construire ou transformer les
bâti- ments, faire des corrals dans chaque îlot. Ce travail lui a fait prendre du
retard dans l’entretien des clôtures, les animaux s’échappent souvent. Il n’a pas
eu le temps d’aménager le stockage des céréales et des aliments achetés, ce qui
occasionne des conditions difficiles de travail l’hiver.
Frédéric n’a pas de problème de surcharge de travail mais s’inquiète de savoir
com- ment ferait sa femme s’il tombait malade.
44
Corrigés
L’aménagement du travail
Corrigé
de la page 31 Situation de travail
Main-
Effets attendus
Cas d’aménagement du travail
Syst. de d’œuvre Cond. de Temps Perfor-
Bâtiment Matériel
prod. travail de mances
Viviane refuse l’emplacement proposé par le technicien X X X travail X
pour un parc de contention. Elle le veut à proximité du X
local sanitaire et vétérinaire et adossé à la bergerie, La pénibilité des interventions, le temps de déplacement
pour couvrir la partie où elle travaille et limiter les des animaux et de Viviane pour aller du local sanitaire
L’emplacement et la couverture se rattachent à la colonne bâtiment. Les équi- au parc seront réduits. L’installation sera utilisable quel
distances de déplacement des animaux. Ainsi elle sera pements matériels dans couloir auront aussi leurs effets. que soit le climat et par Viviane seule.
autonome.
Jean a changé de fournisseurs pour les sécateurs pneu- X X X
matiques des saisonniers. Les chefs d’équipes seront for- (sécateurs) (formation) Les risques de maladies professionnelles sont importants pour
le travail de taille, les sécateurs pneumatiques demandent
més par le FAFSEA en début de campagne.
moins d’efforts.
Annie a négocié pour avoir un salarié aux périodes X X
hautes, ceci arrange un de ses collègues du
Il y a une répartition différente de la main-d’œuvre sur l’année pour coller au
groupement d’employeurs qui en a besoin pendant sa besoin du système de production. La productivité du salarié va augmenter.
période basse.
Dominique a enlevé les taureaux : finis les vêlages pen- X X X
dant les gros travaux d’été ! p n situé entre les
o travaux d’été et
Rolande a mis en place des libres-services pour les u les emblavures X
four- rages. Le salarié les met à niveau le vendredi et r d’automne.
le lundi. Le week-end, elle ne fait que de la u
surveillance. n
X
Les vaches du voisin rentrent régulièrement dans a
son champ. Bernard, céréalier, a mis une clôture et un g
pas- sage canadien à l’entrée du champ. n X X
Paulette doit prendre sa retraite mais elle souhaite pou- e (sous (brouette)
voir aider son fils encore longtemps… l stocks)
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X
Gérard a changé de tracteur, il a pris un attelage
auto- matique. p
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Étienne a arrêté le « trois agnelages en deux ans »
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Copie accordée à gwenola.beaucourt@mfr.asso.fr
L ages va a ellement impor- tants que souvent les agriculteurs préfèrent
a augmenter m se suréquiper (un tracteur par machine attelée).
é
et les
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X a seront a Moins d’agnelages par an réduit le nombre
g d’interventions et de risques pour le dos et aussi le temps
t plus passé annuelle- ment à gérer des agnelages. Un
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i arrêtés agnelage par an mieux conduit peut accroître la
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Copie accordée à gwenola.beaucourt@mfr.asso.fr
évaluer un besoin de main d’œuvre supplémentaire
45
Corrigé
Le besoin de main-d’œuvre. de la page 40
46
Problèmes Solutions
Suite à un accident du travail, François revient handicapé dans le GAEC Après avoir repéré les tâches qui lui posent problème et celles qui
d'une exploitation céréalière. Opéré d’une épaule, il ne peut plus lever les bras ne lui en posent pas, il peut envisager :
en fai- sant un effort ou atteindre des objets placés derrière lui. -ré-affectation du travail entre associés ;
-adaptation de certains outils (hydraulique pour déplier,
dépla- cement des commandes, caméra à l’arrière du
tracteur…);
-réaménagement de l’atelier pour ranger tout à sa hauteur.
Philippe doit faire face au départ en retraite de son père. Celui-ci s’occupait Doit-il trouver un remplaçant à son père, aux postes que ce
de l’entretien du matériel, participait à la taille des arbres, supervisait les der- nier occupait, ou doit-il reprendre à son compte certaines
saisonniers à la récolte, classait les factures. missions et laisser celles qu’il occupe actuellement ?
Pour répondre à cette question, doit comparer les solutions
suivantes :
-employer un salarié ;
-rechercher un associé ;
-externaliser certains travaux (comptabilité, entretien méca-
nique) ;
-employer un saisonnier supplémentaire, suffisamment qualifié
pour être chef d’équipe ;
-négocier du bénévolat avec son père ;
-modifier le système de production ou les outils pour accroître
la productivité du travail.
Régis est seul sur l’exploitation (veaux sous la mère). Il a des responsabilités Il peut prendre le service de remplacement pendant ses
pro- fessionnelles qui lui occasionnent des absences. Il pense ne pas avoir besoin de absences. Il peut envisager d’entrer dans un groupement
main- d’œuvre supplémentaire, sauf pour le remplacer. Une étude plus approfondie d’employeurs pour couvrir tant le besoin de remplacement, que
a mon- tré du retard pris dans les travaux de clôture et des aides non pérennes les tâches à faire à deux.
par des bénévoles pour déplacer les animaux.
En avril, il faut sortir les troupeaux à l’herbe, mais les parcelles ne sont pas Une étude plus approfondie permettrait de répondre aux ques-
finies de clôturer, ni les brebis tondues. Il faut semer les maïs, curer le bâtiment tions suivantes :
avant les agnelages de mai. Didier est toujours débordé à cette époque. -une meilleure programmation du travail permettrait-elle d’éviter
le retard ?
-le recours à un emploi en CDD sur cette période est-il envisa-
geable?
-le problème d’avril ne révèle-t-il pas un problème plus
constant sur l’année, auquel cas un emploi annuel à temps
partiel serait plus adéquat ?
-peut-on confier les semis de maïs, la tonte, les clôtures, le
curage à une entreprise ?
-peut-on changer les dates d’agnelage ?
47
Alice a trouvé de nouveaux et importants débouchés pour écouler ses volailles Selon les installations déjà en place, selon les structures en place
en vente directe. Mais il faudrait aussi fournir des plats cuisinés (poulet localement…, elle peut envisager de :
basquaise). C’est une compétence qu’elle n’a pas et cela engendre une -rechercher un associé compétent dans ces activités ou un
augmentation énorme du travail d’astreinte (augmentation de la production, sala- rié spécialisé en découpe et transformation ;
travail d’abattage ou trans- formation quasi quotidien). -sous-traiter une partie du travail à une CUMA ou coopérative
de transformation.
Thibaud vient de s’installer. La ferme reprise dans une zone bocagère n’a pas Il peut sous-traiter ce travail à une entreprise spécialisée (paysage)
été entretenue ces dernières années. Il faudrait élaguer beaucoup d’arbres. ou recourir à un emploi à durée déterminée.
Il ne connaît pas trop ce travail, il n’a ni temps, ni équipements spécifiques. Il peut aussi envisager de l’entraide avec un voisin équipé
et expérimenté, à qui il pourra rendre le travail sous d’autres
formes.
Louis est installé depuis cinq ans. Il a dû mettre l’eau dans un maximum Il peut recourir à un emploi salarié uniquement pour le temps de
de pâtures, débroussailler des parcelles à l’abandon, construire ou transformer les la remise en état.
bâti- ments, faire des corrals dans chaque îlot. Ce travail lui a fait prendre du Il peut aussi faire effectuer les travaux par des artisans
retard dans l’entretien des clôtures, les animaux s’échappent souvent. Il n’a pas (stockage) ou des entrepreneurs (clôtures).
eu le temps d’aménager le stockage des céréales et des aliments achetés, ce qui Il peut envisager le recours à l’entraide mais doit se demander
occasionne des conditions difficiles de travail l’hiver. s'il pourra rendre ce temps.
Frédéric n’a pas de problème de surcharge de travail mais s’inquiète de savoir Il peut contracter une assurance qui couvre ce risque et lui ver-
com- ment ferait sa femme s’il tombait malade. serait des indemnités journalières en cas de sinistre.
Il peut adhérer au service de remplacement, se faire remplacer
de temps à autre, pour que les salariés du service
connaissent l’entreprise.
Il peut aborder la question avec d’autres exploitants voisins :
-créer un groupement d’employeurs où chacun disposerait d'un
peu de temps du salarié et où la priorité serait donnée au
rem- placement en cas de maladie;
-organiser l'entraide et le remplacement entre exploitants, pour
que chacun puisse commander l’ouvrier de remplacement chez
l’autre en cas de problème.
Devenir employeur
Si l’étude s’est conclue par la décision d’embaucher, il faut maintenant passer au
recrutement !
1 – Chercher un salarié 50
1.1. Définir le besoin et les marges de négociation 50
1.2. Rencontrer un candidat à l’embauche 52
En résumé 55
Exercez-vous 56
Corrigés 59
Il faut bien sûr vérifier que les législations sociales sont respectées et s’assurer de la
conformité du projet aux règles de sécurité et santé au tra- vail. Pensez qu’il faudra
assurer aussi les tâches administratives nouvelles qui vont s’en suivre.
Maintenant que vous avez défini ce que vous recherchez, posez-vous les ques- tions
suivantes : sur quels aspects êtes-vous prêt à négocier ? Sur lesquels êtes-vous
intransigeants ? Il est important de donner des priorités à l’intérieur de cette liste
des caractéristiques du poste à créer.
51
Cet exemple montre l’importance de définir non seulement le poste et son contenu,
mais aussi les objectifs de l’exploitant et le contexte de l’exploitation.
52
Le travail du futur salarié ne doit pas être défini de manière rigide, mais plusieurs
solutions doivent être envisagées. Face à un candidat, c’est le prin- cipe de réalité qui
devra agir et il faudra adapter le besoin aux négociations du candidat, à son profil
(expériences, compétences, goûts…).
L’entretien d’embauche est un moment crucial pour les deux parties. Ces premiers
échanges construisent déjà la relation future.
54
Si l’employeur fait une offre à la fois précise et avec des marges de négo- ciation, il
en est de même du salarié ! Celui-ci cherche un emploi précis, qui est rarement celui
qui lui est proposé. Chacun fera un pas pour construire cet emploi, sur la base de
projets individuels qui étaient légèrement diver- gents au départ. Il vaut mieux
construire le compromis avant l’embauche, plutôt que d’attendre les premiers
problèmes pour mettre à jour les objec- tifs antagonistes ! Chacun doit avoir
conscience de l’effort de l’autre ou de la modification de son projet.
Anita sort d’une formation d’œnologue, elle cherche un emploi. Si elle se fait
embaucher dans une grosse structure expérimentée, elle travaillera sous les ordres d’un
salarié plus expérimenté mais aura un poste spécialisé dans son métier. Le GAEC
du Château Joly lui propose un poste. Ils vini- fient depuis peu d’années. Ils
souhaitent accroître leur compétence par son embauche et libérer un peu l’associé
en charge de la vinification, qui restera son chef direct. Mais ils n’ont pas
suffisamment de travail à lui pro- poser dans cette fonction pour l’occuper à temps
plein toute l’année. Ils lui proposent de participer aux travaux de taille de la vigne.
Anita a accepté, et ses patrons lui en sont reconnaissants ; ainsi, le jour où elle
demande à venir présenter le vin sur les salons avec eux, ils le lui accordent sans
pro- blème.
Toutes les demandes du salarié ne sont pas recevables et négociables dans leur
intégralité.
Michèle est intéressée par un poste mais à condition de commencer plus tard que les
autres salariés pour s’occuper de ses enfants. Or l’organisation est basée sur un
travail d’équipe pour atteindre plus d’efficacité, d’émulation et permettre l’entraide
(ports de charges à deux…). De plus, les légumes doivent être cueillis de bonne
heure, avant les fortes chaleurs de milieu de journée. Sa demande n’est pas
recevable.
55
Ernest a besoin de pouvoir se faire remplacer juste pour les week-ends et les
congés. Il juge impossible de trouver quelqu’un qui soit suffisamment compétent et
de confiance pour une telle mission et qui soit intéressé par aussi peu d’heures. Il
part donc à la recherche d’un emploi mi-temps dans le cadre du groupement
d’employeur départemental. Ainsi le salarié béné- ficierait d’un temps plein et
viendrait suffisamment sur l’exploitation pour être efficace lors des remplacements.
Mais le bouche à oreille le conduit à recevoir un candidat improbable. Son voisin,
jeune agriculteur, cherche un complément de revenu pour l’aider au démarrage. Son
frère vient l’aider les week-ends et l’été, il est donc très intéressé (et compétent)
pour les remplacements mais pas pour un mi-temps. Satisfait, Ernest a très vite
adapté son poste au profil du candidat !
En résumé
<> Devenir employeur commence par définir le besoin d’un salarié. Il faut
déterminer non seulement les contours du poste à pourvoir, mais aussi les
objectifs visés par cette embauche et les marges d’adaptation du profil
recherché.
<> Pour rencontrer des candidats, il faut activer tous les réseaux, même les
plus improbables !
56
� Exercez-vous
Reportez-vous
au
corrigé
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page 59
57
Après étude de son besoin, Julien, pruniculteur à Ente (Lot-et-Garonne), peut définir ainsi les contours
du poste de salarié qu’il crée :
– Le projet d’embauche fait suite à l’analyse, avec le comptable, des coûts de mécanisation. Les
nombres de jours d’immobilisation du matériel pour panne ne sont plus supportables. Depuis qu’il
s’est agrandi et qu’il a embauché (trois salariés), Julien n’a plus le temps de faire la mécanique et
personne d’autre n’a cette compétence sur l’exploitation.
– La mission principale du salarié sera tout d’abord l’entretien du matériel de l’ensemble de
l’exploitation, puis la conduite d’engins agricoles. Il participera aussi à la taille et à la récolte.
– Il devra avoir des compétences en machinisme : le BPA machinisme (conduite et entre- tien des
machines agricoles) est souhaité.
– Aucun niveau d’expérience n’est demandé, le SMIC sera proposé au débutant en pré- voyant une
évolution avec l’expérience. Dans le cas où une candidature serait particu- lièrement intéressante
(expérience), Julien est prêt à monter à 20 % au-dessus du SMIC.
– Le rythme de travail hebdomadaire est de 35 heures, une annualisation n’est pas souhaitée.
– Les congés seront possibles fin juin/début juillet et/ou fin décembre.
– Julien a un projet de construction d’un nouvel atelier, il attend l’arrivée du salarié pour valider les
plans ; ils l’aménageront ensemble.
– Un bon niveau d’autonomie est souhaité dans l’atelier que le salarié devra rapidement gérer seul. Au
début, c’est Julien qui planifiera les travaux d’entretien et de réparation. Mais rapidement l’ouvrier
devra se débrouiller, commander les pièces, gérer les stocks… Le contrôle se fera par la mesure du
nombre de jours de panne et l’évolution des coûts d’entretien (moins d’heures facturées par le
mécanicien du village, prix raisonnable des pièces et outils). Le futur mécanicien devra donner les
consignes nécessaires aux autres utilisateurs des engins pour éviter les pannes, améliorer les réglages… Sa
bonne intégration aux équipes lui permettra d’être tenu informé dès les premiers signes et donc de
pouvoir anticiper les pannes. Il devra entretenir une bonne relation avec le mécanicien du village et
les fournisseurs de pièces. Aucune autonomie ne lui sera demandée dans les autres acti- vités. Il
dépendra soit de Julien, soit du salarié promu chef d’équipe lors de l’arrivée des saisonniers
embauchés pour la taille et la récolte.
– Il ne pourra être hébergé et pourra prendre ses repas sur la ferme uniquement lors de la taille et de la
récolte.
58
Reportez-vous
au
corrigé
page 60
59
Corrigé
de la page 56
1. La recherche d’un salarié
60
Corrigé
de la page 57 2. L’adaptation aux besoins des candidats.
Pauline, 18 ans, habite le hameau voi- Elle ne connaît pas le matériel agricole. Prévoir une formation continue complémentaire
sin, elle vient de finir un CPA de Sa jeunesse risque de ne pas faciliter ses Lui laisser plus de temps et l’accompagner
méca- nique, elle ne connaît pas le relations avec les chauffeurs et les fournisseurs.
matériel agricole. Elle travaille parfois
comme saisonnier à la taille. Lors de
la précé- dente récolte, elle conduisait
un secoueur chez son oncle.
Émile, 40 ans, est salarié (mécanicien Il ne connaît personne dans la région. Faciliter son intégration et l’aider à chercher un loge-
et chauffeur) dans une CUMA en Il ne connaît pas le matériel spécifique à la prunicul- ment
Vendée, il a de l’expérience mais pas ture. Lui apprendre directement ou l’envoyer en forma-
dans le matériel spécifique à la Ses prétentions salariales sont au-delà de celles envi- tion
production (secoueurs, séchoirs…). Il sagées par Julien. Négocier, évaluer la possibilité de valoriser ses com-
souhaite un salaire 1,5 SMIC. Il Il n’a jamais pratiqué la taille. pétences
souhaite prendre ses congés pour Prévoir une formation interne par le chef d’équipe
venir faire les foins chez son frère.
Arthur, 28 ans, est mécanicien chez un Il désire des horaires regroupés. Acceptable les jours où il travaille seul à l’atelier,
artisan (mécanique agricole) de la mais à négocier pour les travaux en équipes
région. Habitant à 25 km, il cherche (taille, récolte…)
à regrouper ses heures et veut Prévoir un local dans le futur atelier ou à
Il veut manger sur place.
pouvoir apporter son repas. Il lui proximité du vestiaire, en profiter pour évaluer le
faudrait pou- voir réchauffer sa besoin des autres salariés et des saisonniers
gamelle.
Gilles vient de terminer son BPA Il souhaite être hébergé. L’aider à trouver une chambre localement
machi- nisme. Il a fait son stage chez Négocier un fractionnement ou lui proposer des récu-
le méca- nicien de Julien. Il Il veut prendre des congés en septembre. pérations (RTT) d’un jour par semaine sur cette
souhaiterait être hébergé. Il veut période
prendre des congés pour la chasse en
septembre.
Renaud est salarié chez un céréalier Il n’a pas de diplôme en mécanique. Faire valider une équivalence par expérience pen-
depuis cinq ans. Il a appris la dant la période d’essai
mécanique agricole avec son patron et Lui apprendre ou l’envoyer en formation
Il ne connaît pas le matériel spécifique à la
grâce à une formation proposée par Comprendre ce qui motive cette demande, lui
pruni- culture.
le FAFSEA. Il vient de se marier avec expli- quer que c’est nécessaire à sa bonne intégration
Il ne veut pas faire la taille.
une fille du vil- lage et cherche à se dans l’équipe, qu’il sera formé et que ce sera très
rapprocher. Il veut bien conduire mais limité dans le temps
ne veut pas faire de travaux
Le métier d’employeur
Pour l’instant nous nous sommes préoccupés du futur travail à confier au salarié,
mais désormais l’employeur va voir son propre métier évoluer. De nouvelles
tâches lui incombent, les anciennes sont bouleversées par l’arrivée de cette
nouvelle unité de main-d’œuvre ; Il va falloir gérer le salarié au quotidien, mais
aussi dans la durée de sa carrière. À l’issue de cette séquence vous serez en
mesure de raisonner le fonctionnement du collectif de travail.
Cette séquence est organisée de la façon suivante :
En résumé 82
Exercez-vous 83
Corrigés 87
Eric vient remplacer Paula pour son congé maternité. Elle lui explique sa conduite
de la mise au bélier, sa vision de son métier d’éleveuse de repro- ducteurs. Eric
comprend mieux le nombre de lots, l’organisation du bâtiment et les demandes de
Paula qui auraient pu lui paraître de la maniaquerie.
63
« Faire avec » ne dispense pas d’expliquer le travail. Cependant, il est com- pliqué
de mettre des mots sur des gestes qui n’ont pas été transmis par la parole et qui,
bien souvent, ont été trouvés en tâtonnant, en faisant des erreurs et se corrigeant…
De plus, le salarié arrive parfois avec des savoir- faire différents de ceux pratiqués
sur l’exploitation. Il faut donc justifier : pourquoi faire ainsi et comment le faire.
Claude, vient d’embaucher : « C’est dur d’expliquer, cela oblige à décorti- quer
comment l’on fait, ce n’est pas naturel, on a des automatismes telle- ment bien
installés que l’on ne sait plus au juste comment on procède. Mais c’est un excellent
exercice. Parfois le soir, je me dis que je n’ai pas bien expliqué telle chose et je
réfléchis pour mieux réexpliquer le lendemain. Parfois on croit une tâche facile,
mais c’est faux ! Par exemple, pour empi- ler du bois, il faut réfléchir ; chaque
morceau ne va pas n’importe où si l’on veut que la pile tienne. Petits, nous aidions
nos parents, ils passaient der- rière nous, ils nous laissaient nous tromper, le tas
tombait, et on recom- mençait. Mais je n’ai pas le temps de faire ainsi avec le
salarié, il faut lui expliquer pourquoi je mets tel morceau ici et pas là ! Parfois, ça
nous conduit à nous remettre en cause ! Ça suscite toujours des questions nou-
velles du salarié et il arrive que les remarques et les observations sur notre travail
nous permettent de mieux comprendre, voire de changer ! »
Montrer le travail en le faisant avec le salarié est une technique de trans- mission du
savoir-faire qui présente plusieurs qualités. Non seulement le salarié voit ce que
l’on attend de lui, mais il y a un partage autour de ce savoir-faire. Ce temps de
travail à deux est toujours relativement long, ce n’est pas seulement un temps de
formation, c’est aussi un temps de riches discussions où la relation se construit.
Souvent, les apprentissages sont croi-
64
sés, car si l’employeur transmet un geste, des pratiques, le salarié, lui, rapporte des
informations recueillies en formation, sur Internet, des pra- tiques vues dans
d’autres exploitations. Son regard neuf, ses questions, naïves en apparence,
permettent parfois à l’exploitant de se rendre compte qu’il a des habitudes mais que
d’autres méthodes sont possibles….
Donner des consignes à un salarié est une tâche nouvelle pour le primo employeur.
Chacun a une manière différente de « commander » le travail et une vision
différente du rôle de patron. Il faut aussi adapter la forme que peut prendre la
présentation des consignes :
– au salarié (selon ses expériences, aptitudes et compétences) ;
– à l’organisation (niveau de délégation, nombre de personnes, répartition des
fonctions…) ;
– et aux types de tâches (plus ou moins répétitives, complexes, nom- breuses…) qui
lui sont confiées.
Les supports de transmission des consignes peuvent être variés, ils sont sou- vent
complémentaires :
65
– les échanges oraux directs : ce sont les plus fréquents. L’échange a lieu le matin au
moment de l’embauche ou la veille, après avoir fait le point sur le travail réalisé
ou pour donner le lieu d’embauche du lendemain… Certains employeurs
accueillent tous les salariés ensemble le matin. C’est un moyen, en plus du côté
convivial, pour que chaque salarié connaisse ce qui se fait sur l’entreprise ;
– le téléphone portable : il est de plus en plus utilisé. La dimension des
exploitations, la diversité des activités de l’employeur… sont autant d’éléments
qui éloignent en cours de journée soit physiquement, soit par manque de
disponibilité. Le téléphone est devenu l’outil qui permet à l’employeur et au
salarié de se joindre à tout moment. Il répond bien aux besoins de l’employeur
d’adapter la consigne donnée initialement à un évé- nement imprévu. Il répond
aussi au besoin du salarié de transmettre une information, qui risque de remettre
en cause la consigne initiale, ou de se faire préciser un détail. Il doit se limiter à
cette fonction « instan- tanée » et ne pas remplacer les moments de rencontre
employeur-salarié. Pour que le téléphone soit clairement un outil de le travail, il
faut aussi envisager que l’entreprise le fournisse ;
– les supports écrits : ils sont moins systématiques car écrire demande un effort. Il
ne faut pas avoir peur que ce soit mal vécu par le salarié. Une consigne écrite est
rassurante pour les deux parties, et évite au salarié de devoir tout mémoriser. Pour
l’employeur, c’est une forme de présence auprès de son salarié, indirecte mais
claire. Les consignes écrites peuvent indiquer la nature de la tâche (les
commandes…), la méthode (le réglage de l’atomiseur, la tournée pour des
livraisons…), l’organisation (les plan- nings)… Elles peuvent prendre la forme de
feuilles volantes, mais on trouve surtout des tableaux facilement effaçables (dans
les salles de traite, locaux phytosanitaires ou vétérinaires, hors sol…). Les cahiers
et autres tableaux de bords sont utilisés pour les données qui doivent être
retranscrites (suivi de la traçabilité, déclarations sanitaires, environne- mentales,
comptables…) ;
– faire avec : pour des tâches qui nécessitent de la rigueur, l’employeur peut
commencer la journée ou le chantier, en travaillant avec les salariés ; cela lui
permet de voir ce qui se passe et de relancer la vigilance si néces- saire. La
présence de l’employeur doit être rassurante, motivante et en aucun cas
paralysante !
66
Il y a les habitudes, puis il y a les situations exceptionnelles qui boulever- sent les
règles d’usage, les rôles de chacun et demandent une adaptation rapide à
l’événement. C’est parfois dans ces situations que l’on trouve une nouvelle manière
de faire qui devient ensuite la règle !
La consigne prescrit son travail à l’ouvrier, elle doit à la fois être précise et offrir
une marge d’autonomie pour faire face à un imprévu. L’art d’une bonne consigne
est de donner du sens et de la valeur au travail prescrit. Les attentes de l’employeur
doivent être claires. Il faut veiller à ce que le nombre de consignes données à la fois
soit mémorisable par le salarié. Au- delà de trois, la forme écrite s’impose, à moins
qu’il ne s’agisse d’un enchaî- nement de tâches habituel et quotidien.
Les cadres, et parfois les ouvriers spécialisés, se voient confier une plus grande
autonomie et donc de plus grandes responsabilités. Ce sont moins des tâches qui
leur sont prescrites qu’une mission qui leur est confiée. À eux de déterminer les
étapes à réaliser et leur enchaînement, pour conduire à bien cette mission.
La position de l’employeur est toujours centrale, c’est lui qui décidera des
consignes finales ; cela ne l’empêche pas de se concerter avec les salariés avant
d’arbitrer. Ceux-ci peuvent formuler des propositions et apporter des informations
qui sont complémentaires aux siennes et le conduiront à mieux organiser l’équipe.
Les consignes sont données, mais il peut y avoir toutes sortes de raisons pour qu’elles
ne soient pas appliquées :
– une mauvaise compréhension de la consigne par le salarié ;
– un oubli d’une partie de la consigne,
– une impossibilité de réaliser la consigne (outil perdu, absence d’une per-
sonne…) ;
– un contexte de travail différent de ce que pensait l’employeur (sol mal res- suyé…) ;
– une panne ou un incident climatique ;
67
Constat du résultat
L’employeur, pour suivre le travail et contrôler sa bonne exécution, a plu- sieurs
solutions. Il peut constater le résultat du travail produit : il va ainsi savoir si le délai
accordé a été suffisant, si la qualité du travail est celle espé- rée. L’état du chantier
(rangement, propreté…), les indicateurs techniques (mammites, sens de labour…),
les désaccords entre personnes de l’équipe, les résultats économiques, les retours
clients, les pannes, les accidents sont autant de sources d’informations sur le
performance du travail produit.
Ces critères d’appréciation doivent être connus du salarié et donc faire partie de la
consigne. Leur degré de priorité doit aussi être clair pour le cas où des compromis
devraient être gérés par le salarié en cours de réalisa- tion de sa tâche.
Attention, la performance ne préjuge en rien des efforts réalisés par le salarié pour
l’atteindre, ni du mode opératoire qui a été adopté pour la réaliser. C’est une « trace
fossilisée » du travail réellement réalisé. En effet, si l’employeur constate
uniquement la performance atteinte, il risque de ne pas voir un certain nombre de
choses importantes :
– que des outils non adaptés ont été utilisés et des risques pris ;
– que les animaux sont traités mais qu’ils ont maintenant peur d’entrer dans le parc de
contention ;
– qu’un aléa a été géré de manière autonome par le salarié pour réaliser ce travail ;
– les douleurs et la fatigue que ce travail a engendrées ;
– les doutes et angoisses éprouvés par le salarié ;
– que les outils s’usent et ont besoin d’une révision ;
– la rapidité dont il a fallu faire preuve et qui a engendré le non-respect de certaines
règles (qualité, technique, sécurité…) ;
– etc.
68
Et s’il constate que le résultat souhaité n’est pas atteint, que va-t-il faire : sermoner
son employé ?
Observation directe
On ne peut se contenter du résultat, il faut s’intéresser au déroulement concret du
travail. Une technique possible est l’observation directe ou l’analyse des traces
laissées par l’activité de travail (poussière enlevée à des endroits, outils oubliés ou
laissés volontairement, déchirure dans les vête- ments…), référez-vous à l’ouvrage
Comprendre l’organisation du travail au sein de l’exploitation agricole,
séquence 5.
L’observation directe doit rester une approche compréhensive ; elle part du postulat
suivant « s’ils font ainsi, c’est qu’ils ont une bonne raison de le faire, à l’employeur
de la comprendre et de la respecter, y compris pour changer ! ». Il ne faut pas
utiliser cette méthode à des fins coercitives. Les salariés prendraient vite l’habitude
de modifier leurs façons de faire en pré- sence du patron et le climat social serait
vite dégradé ! Il est souhaitable de discuter les observations avec eux. Ils n’ont pas
nécessairement conscience de leurs façons de travail, et il faut trouver les solutions
avec eux car ils ont sûrement des propositions à faire !
Il s’agit d’identifier non seulement les problèmes, mais aussi leurs différentes causes
possibles, car ce sont elles qui conduiront à trouver une action vrai- ment efficace.
En fonction de ces investigations, l’employeur choisira de :
69
Certains employeurs, peu expérimentés, rencontrent des difficultés à trou- ver le style
de communication adapté. Il faut parfois être souple, compré- hensif et d’autres fois
très ferme. C’est difficile de passer de l’un à l’autre avec adresse. C’est par exemple
un problème si l’employeur en vient à faire à la place du salarié, plutôt que de lui
demander un travail ou de le lui faire refaire. Si l’objectif interprété par le salarié est
de passer au plus vite à la tâche suivante, plutôt que de viser l’obtention d’un résultat
de qualité dans la réalisation de la tâche en cours, il faut là aussi se poser des
questions. S’il est difficile d’apprendre à faire part de reproches au salarié, sans le
bra- quer, il est encore plus difficile d’apprendre à le complimenter ; et pourtant il est
primordial de montrer sa considération :
– à l’accueil du matin ;
– par l’expression de sa satisfaction ;
– en présentant et donnant une place au salarié lors des passages de visi- teurs ;
– etc.
Parmi les tâches nouvelles qui incombent à l’employeur, il ne faut pas oublier la
gestion légale sociale et administrative du salarié. Mais ces nou- velles tâches ne
sont pas un simple ajout à l’ancien poste de travail de l’exploitant car ce travail
d’exploitant est beaucoup modifié, ne serait-ce que par le transfert d’une partie de ses
fonctions antérieures au salarié.
Il est fréquent que le primo employeur rêve d’un salarié qui saurait s’organiser lui-
même et voir de lui-même le travail à faire. Il a une vision passive du rôle de
l’employeur qui peut aller jusqu’à exprimer un sentiment de débordement face aux
salariés: « ils sont ingérables», « ils en veulent tou- jours plus », « ils ne travaillent
pas assez »… Or l’employeur est d’abord chef d’entreprise, il analyse, organise,
arbitre, décide. Il pilote le travail du salarié.
Il lui faut lister les travaux à effectuer dans les prochaines semaines :
– tous n’ont pas le même degré d’urgence ;
– certains se lient entre eux dans un ordre immuable, inchangeable ;
– d’autres dépendent de conditions extérieures (venue du technicien, météo,
disponibilité de matériel en CUMA…).
La planification est donc indicative. Albert réfléchit à haute voix pendant le casse-
croûte ; son ouvrier, sa femme et son fils l’écoutent. Ainsi chacun connaît les
scénarios qu’il envisage et leurs raisons, ils savent les impré- vus qu’il anticipe.
Avant la reprise, il donne les consignes à chacun ; cha- cun sait donc à la fois ce
qu’il a à faire et ce que font les autres et s’il constate un changement, il se doute
non seulement de ce qui se passe, mais de ce que l’on attend de lui pour s’adapter
efficacement à la situation.
Il faut valoriser au mieux le temps du salarié et donc anticiper les tra- vaux à lui
confier en cas d’imprévus (mauvais temps, panne de machine, absence d’une
personne…). Il faut prévoir des chantiers à lui confier dans ces cas-là, ce qui
suppose d’avoir vérifié les outils et commandé les maté- riaux d’avance. Le bon
employeur a toujours un temps d’avance sur les évé-
71
Si le chantier n’est pas prêt quand le salarié arrive, il y aura une perte de temps.
Amédée voit que l’équipe a bientôt fini de palisser les framboisiers, il part aussitôt
chercher les sécateurs, gants de sécurité… pour leur faire commencer un chantier de
taille.
Organiser, planifier, c’est aussi répartir le travail entre les personnes en tenant
compte des aptitudes, goûts et compétences de chacun et en veillant à être équitable.
Faire une place au salarié, c’est modifier celle de tous les autres !
Le travail confié au salarié et qui était auparavant réalisé par l’exploitant comportait
plusieurs niveaux. En effet, en agriculture, on pratique beau- coup la double tâche :
alimenter et surveiller, faire téter et discerner des éléments de choix des animaux de
renouvellement, semer l’engrais et détec- ter le développement d’une maladie… Le
plus souvent, seul un de ces aspects est délégué au salarié et l’exploitant doit
s’organiser différemment pour faire l’autre. Si la compétence du salarié permet de lui
déléguer la tota- lité, il faut mettre en place une communication efficace au transfert des
infor- mations de l’ouvrier vers l’exploitant.
Le travail d’organisation est non seulement une tâche qui va être très modifiée, mais
elle prend du temps et conduit à s’organiser soi-même dif- féremment. Lorsque les
équipes sont importantes, il n’est pas rare que le management du travail quotidien
des salariés devienne tellement consom- mateur de temps qu’il ne soit pratiquement
plus possible de participer à la production. Après une journée de labour, on peut se
retourner et voir le
72
travail effectué. Après une journée à courir d’une équipe à l’autre, leur préparer les
chantiers, les synchroniser, on a le sentiment, en fin de jour- née, de n’avoir rien fait.
Ce qui est faux, puisque la qualité et la performance de ce travail est l’accroissement
de la productivité des salariés. Il ne fau- drait pas que l’employeur se dévalue et
laisse les salariés se construire une image d’un patron qui « se la coule douce »,
toujours assis dans la camionnette, à inspecter le travail fini !
Les salariés apprécient le patron qui a des compétences qu’eux-mêmes n’ont pas,
comme assurer un management stratégique de qualité. Ils sont fiers de pouvoir dire
qu’ils travaillent chez untel, « celui qui a fait ceci avant les autres », « qui a cette
ferme si bien tenue », « qui tourne si bien »,
« qui est toujours à la pointe techniquement », « dont la ferme est souvent visitée
»…
Pour le salarié, il n’y a pas d’ambiguïté sur la place spécifique de l’employeur: c’est
celui qui « a » l’exploitation, il a un charisme, des compétences et une
responsabilité de chef d’entreprise ; son management de l’organisation fait de lui le
chef reconnu.
73
Yves a limité à quatre le nombre de réglages de l’atomiseur, pour simpli- fier les
consignes et le temps passé aux ajustements. C’est un compromis entre qualité et
productivité du travail.
Quelles sont les qualités d’un emploi agricole ? Certes le salaire et la recon-
naissance financière des compétences sont importants, mais ce n’est pas facile de se
battre sur ce plan, même si les salaires pratiqués en agricul- ture restent souvent
concurrentiels !
Ce qui attire les salariés, ce sont les conditions de travail. Ils recherchent :
– une qualité de vie et de travail : le plein air, le contact au vivant… ;
– le changement dans les tâches confiées, un travail peu répétitif et mono- tone ;
– les apprentissages en continu de diverses compétences, qui sont parfois
réutilisables dans la vie privée ou valorisables dans un prochain emploi
(maçonnerie, mécanique…) ;
– les responsabilités ;
– la reconnaissance et le non-anonymat dans une foule de collègues ;
– une sécurité minimale par la pérennité de l’emploi (CDI) ;
– la possibilité de faire le métier choisi et non de faire un travail peu moti- vant
juste pour le salaire ;
– une bonne ambiance de travail, la convivialité ;
– le sentiment de faire partie d’une entreprise et de concourir à sa réussite;
– etc.
En terme de rythme de travail, l’agriculture se croit, à tort, moins attrac- tive, mais
les emplois concurrents ont souvent des rythmes particuliers :
75
de nuit, avec des week-ends, des horaires changeants et difficiles à prévoir, des
horaires coupés, des négociations d’absences souvent difficiles. Les agriculteurs
hésitent à demander aux salariés à travailler un week-end de temps en temps ou
encore de faire de plus longues journées pendant les gros travaux. Pourtant, le fait de
travailler le week-end pour faire des foins ou de faire une traite un dimanche par
mois ne leur pose, non seulement pas problème, mais leur permet de développer un
sentiment d’appartenance à l’entreprise et de complicité avec l’exploitation. Un
ouvrier déclare triste- ment ne pas avoir fait de foins en 2007, car « ils ont été faits
les week-ends et pendant mes congés ». On ressent un sentiment d’exclusion dans son
pro- pos. Par contre, un autre annonce fièrement, la même année, avoir été de
l’équipe qui a fait tous les foins en un week-end car son patron, « un bon ! », a eu le
flair et le courage de tout faire couper le vendredi, ce qui a permis d’avoir tout
rentré le lundi, sans se mouiller !
76
adapté (vrac, big bag, sac de 25 kg…), modifier la conduite technique (semis direct,
traite une fois par jour…)… sont autant d’exemples qui illustrent le fait que des
solutions sans investissement peuvent faire gagner du temps, de la pénibilité et de
l’argent !
Un salarié qui n’arrive pas à trouver un sens à son travail a peu de chance de rester.
Ce sens se construit à l’intersection entre ce qui le motive dans ce métier et les
situations de travail qui lui sont proposées.
L’employeur doit véhiculer une certaine fierté de son exploitation et de son métier ;
à l’inverse, il vaut mieux éviter de se plaindre en permanence en présence du
salarié… Appartenir à une entreprise dynamique, pleine de projets, est nettement
plus stimulant que de travailler pour une exploi- tation qui se demande si elle
existera encore demain et qui ne voit pas d’avenir au métier.
L’entretien annuel est un moment où l’on fait le point. On se retourne sur l’année
écoulée, puis on prépare celle à venir. Employeur et employé échan- gent sur le
travail du salarié. Parler au quotidien, c’est déjà parler du tra- vail, mais à chaud, le
salarié n’a pas nécessairement quelque chose à dire. Si l’entretien a officiellement
pour objet de faire le point et que l’on a pu s’y préparer, les échanges sont plus
riches.
77
creuse de préférence car il y a plus de temps disponible, mais on peut aussi profiter
d’un événement pour faire le point : restructuration des postes, évolution des
techniques ;
– les conditions : il est important que l’entretien se passe dans un lieu fami- lier pour le
salarié, il doit être à l’aise. Une préparation de l’entretien par les deux parties le
rendra plus riche. Le FAFSEA propose des grilles de préparation qui peuvent
guider (disponible sur www.fafsea.com) ;
– le contenu : il s’agit de faire le point sur les aspects suivants :
. retracer le travail réalisé sur l’année écoulée (les enregistrements de tra- vaux
peuvent être valorisés),
. parler des problèmes rencontrés (dans l’urgence, on a fait face, mais à froid…),
c’est l’occasion de se mettre d’accord pour négocier mieux la pro- chaine fois,
. évoquer les évolutions constatées dans la compétence, l’autonomie,
. recenser ce qui va, ce qui ne va pas (selon les différents points de vue), ce qu’il
faudrait améliorer,
. inventorier ce que le salarié aime ou n’aime pas, ce qu’il souhaiterait à l’avenir,
. prévoir la formation,
. parler des évolutions possibles du poste de travail, ce qui est ou sera pro- posé ou
demandé au salarié,
. présenter les évolutions de l’entreprise…
Le salarié doit repartir « plein d’énergie », il sait ce qu’on attend de lui, le champ de
communication sur le travail est ouvert… C’est un nouveau point de départ. C’est
aussi l’occasion pour lui de savoir si l’on est satisfait de son travail.
78
Les entretiens annuels peuvent être l’occasion de faire s’exprimer ces aspi- rations ou
de proposer des évolutions de missions… Dans l’exploitation de Pierre, le
développement de la vente directe va augmenter la charge de tra- vail et il faudrait
une personne supplémentaire pour livrer, tenir des mar- chés ambulants. Pierre
envisage d’abord de proposer ce poste aux salariés actuels avant de recruter.
Les salariés ont des aptitudes qui ne les limitent pas à ce qu’ils font aujourd’hui :
Nathalie faisait des ménages et travaillait dans la restaura- tion, elle produit
maintenant des fruits rouges et en assure la livraison. Romain a une expérience
horticole, il récolte des légumes et fait les livrai- sons. Sophie a une formation et
des expériences horticoles, elle prépare les commandes dans une entreprise de
transport pour compléter son mi-temps chez un horticulteur.
Les préjugés favorables de l’employeur sur les aptitudes du salarié à cor- respondre
au poste vont avoir un effet profitable sur ses apprentissages et son intégration. Si
l’employeur le croit capable, le salarié va mettre toute son énergie à lui donner
raison. À l’inverse, lorsque l’employeur n’y croit pas dès le début, le salarié risque
fort de perdre toute confiance en lui et en effet ne pas donner satisfaction. Aussi un
salarié qui n’a pas exprimé toute sa compétence chez un employeur peut s’avérer
surprenant chez un autre !
3.5. Former
Employeurs et salariés sont tellement focalisés sur leur travail que parfois, le fait
même d’aborder la question de la formation les surprend. L’employeur pratique une
formation continue du salarié de par son transfert des com- pétences de type « faire
avec ». Il pense à inscrire le salarié en formation s’il vise l’acquisition d’une
compétence bien ciblée, indispensable pour le poste (par exemple le permis cariste,
l’aiguisage des outils de taille…) ou si la for- mation a été construite sur demande
d’un groupe technique auquel il appartient.
79
Si l’on en discute avec eux, on s’aperçoit que les salariés ont le souhait de mieux
comprendre les phénomènes qui se produisent dans le cadre de leur travail : les
phénomènes biologiques du fromage et leurs déviances, les principes d’action des
produits phytosanitaires… C’est une porte ouverte pour une proposition de
formation qui les intéresse.
La formation qualifiante (vacher, adjoint d’exploitation…) peut être une piste qui
intéresse les deux parties : elle améliore la compétence à disposition de l’exploitation
et donne au salarié de la valeur professionnelle sur le marché du travail.
Un des freins à la formation est le changement que cela provoque pour l’ouvrier.
C’est lui qui doit s’organiser et chercher : où est la formation ? com- bien de temps
pour s’y rendre ? quel itinéraire ? où dormir ? comment la famille va-t-elle
s’organiser en son absence ?… Si ce frein existe, l’employeur doit l’aider. Cependant,
après la première journée ou la première session, le salarié est souvent plus
volontaire car il a constaté la différence entre la formation initiale et la formation
continue, il a goûté à l’intérêt de ces moments de mise à distance du quotidien de
l’exploitation.
80
L’intérêt de sous-traiter
Déléguer du travail à une entreprise prestataire de services (CUMA, ETA…) est une
solution qui se développe dans les situations suivantes :
– le travail délégué est très saisonnier et entre en conflits avec d’autres tâches pour
générer une pointe de travail incompressible (certains tra- vaux de culture,
récolte…) ;
– le travail délégué suppose l’investissement dans un matériel coûteux et impossible
à amortir compte-tenu du faible besoin de l’exploitation (récolte, élagage, parage,
diagnostic de gestation, curage et épandage du fumier, livraison d’aliments…) ;
– le travail délégué demande une forte expertise et/ou une bonne santé physique
(insémination, parage, comptabilité, épandage phytosanitaire, tonte, conseil en
bâtiment…).
Certaines situations cumulent deux, voire les trois aspects décrits ici. Prenons le cas
d’un éleveur qui produit très peu de céréales : il lui est impossible d’acquérir le
niveau de compétence d’un céréalier et de s’équiper d’un stockage de phytosanitaires,
d’une aire de préparation aux normes envi- ronnementales et d’un pulvérisateur
performant. Il connaît très mal les risques chimiques liés à ce travail et les règles de
prévention. Sous-traiter à un entrepreneur équipé et compétent est une bonne
mesure pour lui.
Prenons l’exemple d’un peseur du contrôle de performance qui vient un jour de pluie.
Il branche sa bascule dans un autre bâtiment, les fils électriques traversent la cour,
les rallonges courent dans les flaques d’eau. C’est le chef d’exploitation qui doit
arrêter le chantier et lui donner les moyens de
81
L’accueil et l’information des salariés extérieurs sont des missions impor- tantes du
chef d’exploitation. Ils permettent de prévenir efficacement les risques liés aux
installations et aux autres spécificités de l’exploitation. Pour la prévention des
risques liés à l’intervention d’une entreprise exté- rieure, la loi prévoit la
formalisation d’un plan de prévention, lors de la contractualisation du service entre
l’entreprise prestataire de service et l’entreprise utilisatrice. Pour la prévention des
risques liés au charge- ments et déchargements de marchandises, le loi prévoit la
rédaction d’un protocole de sécurité entre les entreprises (fournisseurs clients et
trans- porteurs). Le protocole ou le plan de prévention comprennent toutes les indi-
cations et informations utiles à l’évaluation des risques, de toute nature, généré par
l’opération confiée. Ils comprennent les mesures de prévention et de sécurité qui
doivent être observées à chaque phase de réalisation du travail sous-traité.
L’inspecteur du travail peut demander ces documents. A minima, le document
unique d’évaluation des risques est l’occasion d’aborder chacune de ces situations
: l’inséminateur doit trouver l’animal pris dans un équipement de contention fiable ;
le livreur d’aliment doit avoir une crinoline pour monter à trois mètres ou plus…
La culture de la sécurité n’est pas encore très prégnante en agriculture mais les règles
y sont les mêmes qu’ailleurs. Le « tant qu’il n’arrive rien » est une prise de risque
qui peut remettre en cause la viabilité à moyen terme d’une exploitation agricole.
Si les conditions de travail ne sont pas bonnes pour un prestataire de ser- vice, elles
ne le sont pas non plus pour l’exploitant ! Si l’inséminateur passe trop de temps ou
s’expose à trop de risques, la coopérative va modifier son système de facturation.
Elle doit motiver les éleveurs à préparer les ani- maux, dans un espace sécurisé,
avant l’arrivée du salarié. Un équipement de contention sera plus souvent et plus
longuement utilisé par l’exploitant que par l’inséminateur. Un chef d’entreprise moins
fatigué, plus rapide, prend moins de risques lors des longues séances de traitements
ou pour d’autres interventions…
82
En résumé
i::: Lorsque le salarié arrive, il a tout à apprendre de l’exploitation et parfois
aussi du métier. Il faut veiller à lui apprendre progressivement, en allant au-delà
de son simple poste de travail.
i::: Donner des consignes claires est un travail nouveau et délicat pour un
primo employeur. Une bonne prescription ne dispense pas d’aller s’assurer du
bon déroulement du travail. La forme du contrôle doit permettre d’améliorer
les conditions de réussite du salarié. Il s’agit de mettre une dynamique de
progrès en place.
83
Exercez-vous
84
85
Employeur Non-employeur
Situations de travail
de main-d’œuvre de main-d’œuvre
Georges est au bureau, il organise la semaine prochaine : entre les
congés,
les gros travaux et les aléas à anticiper…, il faut penser à tous !
Alain se demande s’il vaut mieux couper du foin ou finir de rentrer celui
qui est bottelé. Finalement, l’entreprise appelle pour prévenir que le
chauffeur arrive pour moissonner. Il va atteler la benne.
La journée est finie, Fabrice fait le tour pour voir si tout est rangé et en
état. Il constate qu’un tracteur est resté dehors, il le rentre. Le vestiaire
est sale, il faudra faire le ménage.
Christine reçoit les nouveaux, elle leur décrit le travail, donne les
consignes
de sécurité, explique le maniement des outils. Elle distribue équipement
et outils à chacun en vérifiant leur bon état de marche.
Benoît se demande s’il doit réduire le nombre de vaches et monter un
ate-
lier d’engraissement ou augmenter le nombre de vêlages. L’alimentation
des animaux d’engraissement est plus facile à confier à un salarié que
des vêlages.
Arnaud renouvelle son matériel plus souvent. Il n’est pas rentable d’attendre
qu’une réparation soit finie. De plus, il y a toujours des outils plus larges,
plus confortables, plus performants.
Françoise se rend compte qu’elle repère spontanément les vaches à pro-
blème à la traite et ne regarde le bracelet que pour vérifier. Elle
réfléchit pour savoir comment elle fait car Annette stresse trop, il faut
lui apprendre à gérer ce travail de repérage des animaux.
Pierre préfère laisser le changement de prés pour ce week-end, les gendres
seront mis à contribution.
Olivier voudrait que l’on transforme tout le lait; il y a le marché pour
écou-
ler toute la production. Sa femme préfère garder un petit quota à
la coopérative. En effet, elle veut continuer à livrer le lait du week-end,
car l’employée de la laiterie n’est pas là pour le traiter à chaud.
Lucie aime faire toutes les tâches sur l’exploitation et elle apprécie
de
prendre une après-midi de temps en temps, à l’improviste. Mais elle
n’aime pas les chantiers d’ensilage chez elle. Elle ne peut jamais partici-
per, car il y a toujours un truc qui manque, une personne à aller
chercher, le repas à préparer…
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87
Corrigé
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1. Le management des salariés.
88
Employeur Non-employeur
Situations de travail
de main-d’œuvre de main d’œuvre
Georges est au bureau, il organise la semaine prochaine : entre les X
congés, les gros travaux et les aléas à anticiper…, il faut penser à (planifier, anticiper le travail pour
tous ! soi et les salariés)
X
Alain se demande s’il vaut mieux couper du foin ou finir de rentrer celui (gérer l’événement dans l’instant)
qui est bottelé. Finalement, l’entreprise appelle pour prévenir que le
chauffeur arrive pour moissonner. Il va atteler la benne. X
La journée est finie, Fabrice fait le tour pour voir si tout est rangé et (contrôler et planifier)
en état. Il constate qu’un tracteur est resté dehors, il le rentre. Le
vestiaire est sale, il faudra faire le ménage. X
Christine reçoit les nouveaux, elle leur décrit le travail, donne les (accueillir, donner les consignes)
consignes de sécurité, explique le maniement des outils. Elle distribue
équipement et outils à chacun en vérifiant leur bon état de marche. X
Benoît se demande s’il doit réduire le nombre de vaches et monter un (adapter sa stratégie et le système
ate- lier d’engraissement ou augmenter le nombre de vêlages. de production)
L’alimentation des animaux d’engraissement est plus facile à confier à un
salarié que des vêlages. X
Arnaud renouvelle son matériel plus souvent. Il n’est pas rentable (réfléchir les investissements
d’attendre qu’une réparation soit finie. De plus, il y a toujours des outils
pour améliorer la productivité et les
plus larges, plus confortables, plus performants. condi- tions de travail)
X
Françoise se rend compte qu’elle repère spontanément les vaches à pro- (transmettre ses savoirs après en
blème à la traite et ne regarde le bracelet que pour vérifier. Elle avoir pris conscience)
réfléchit pour savoir comment elle fait car Annette stresse trop, il faut
lui apprendre à gérer ce travail de repérage des animaux. X
Pierre préfère laisser le changement de prés pour ce week-end, les (gérer avec du bénévolat)
gendres seront mis à contribution. X
Olivier voudrait que l’on transforme tout le lait; il y a le marché pour (adapter sa stratégie et le système
écou- ler toute la production. Sa femme préfère garder un petit de production)
quota à la coopérative. En effet, elle veut continuer à livrer le lait du
week-end, car l’employée de la laiterie n’est pas là pour le traiter à X
chaud. (plus de temps en production, moins
Lucie aime faire toutes les tâches sur l’exploitation et elle apprécie de temps en management d’équipes)
de prendre une après-midi de temps en temps, à l’improviste. Mais
elle n’aime pas les chantiers d’ensilage chez elle. Elle ne peut jamais
partici- per, car il y a toujours un truc qui manque, une personne à
aller chercher, le repas à préparer…
89
Quentin a aidé à dresser les veaux pour le concours dépar- Son employeur lui propose de l’emmener au concours.
temental.
Mohamed est de moins en moins bavard à table et reçoit Son employeur organise un entretien pour comprendre la motivation
des de Mohamed à partir et tenter de lui faire une meilleure
appels sur son portable. Il a demandé son après-midi, son proposition.
employeur le soupçonne de chercher un autre travail.
Édith revient suite à un accident du travail. Elle s’est fait mar- Son employeur lui donne des bottes de sécurité.
cher sur un doigt de pied par un veau.
Depuis quelques temps, Théo n’est plus aussi attentionné à Son employeur lui propose d’apprendre de nouvelles tâches.
son travail. Il exprime son ennui à faire toujours la même
chose.
Denis a toujours rêvé d’être inséminateur, la loi change et Son employeur réfléchit : il pourrait l’envoyer en formation, puis le
le niveau de formation requis aussi. gar-
der à mi-temps; Denis ferait l’autre mi-temps comme inséminateur
dans un groupement d’employeurs. Cette solution pourrait rendre
service à tout le groupe local d’éleveurs, très isolé et situé trop loin
du centre d’insémination.
Maxime aime raconter les informations glanées sur Internet, Son employeur l’encourage et lui dit que c’est en effet une formidable
dans les bouquins. Il pense que l’agriculture est un aventure que de vivre la mutation en cours du métier.
beau métier, qui évolue dans le bon sens, il rêve de
Le métier d’associé
S’associer est une façon particulière d’exercer le métier d’agriculteur. Nous com-
mencerons par définir quelques spécificités du métier d’associé avant de nous
poser la question des conditions d’entrée comme associé dans une société civile
d’exploitation agricole.
En résumé 123
Exercez-vous 124
Corrigés 128
Des définitions
Lors d’un conflit, il y a plusieurs points de vue qui s’expriment. Chacun défend et
argumente le sien, chacun écoute l’autre. Chacun respecte l’autre et son angle de vue
sur le problème. Chacun prend le risque de la ren- contre et sait que les échanges
pourront le conduire à modifier sa vision de départ. D’ailleurs le cas le plus
fréquent est qu’à l’issue de la confrontation des points de vue en présence, tous les
avis de départ auront évolué. Chacun sait que l’échange va permettre d’augmenter les
chances de réussite du pro- jet car il y aura eu plus d’arguments positifs et négatifs
envisagés et l’anticipation des problèmes deviendra plus facile. Les réticences émises
par certains ne sont pas une opposition aux personnes mais font avancer le groupe.
En effet, il vaut mieux traiter ces objections avant de se lancer dans l’aventure et la
discussion doit porter sur les arguments de chacun, plutôt que sur la décision qui en
résultera.
En situation de crise, le positionnement de chacun est tout autre. Chacun veut avoir
raison, il n’écoute pas l’autre, il lui dénie toute compétence à par- ler du sujet. Il juge
la personne d’une façon caricaturale, ce qui rend tous ses arguments irrecevables : «
toi de toute façon, tu gueules toujours… »,
« t’as toujours peur… », « tu comprends jamais rien… » « t’es toujours contre
tous… ». On est dans un dialogue de sourds, basé exclusivement sur un rapport de
force et de pouvoir. Si l’un exprime une idée pertinente,
93
l’autre refuse de reconnaître qu’il n’y avait pas pensé avant et que, vu sous cet
angle, son point de vue peut changer. Le contenu des discours n’a plus aucune
importance, une seule chose prime : la dimension épidermique des relations entre
les personnes. Il n’est pas rare qu’elles en viennent aux mains, car les mots ne
permettent plus le lien social.
Un exemple
Prenons un exemple : un GAEC dont les trois associés doivent décider s’ils se
portent candidats pour la reprise en fermage de 50 ha qui vont se libérer. Voici des
échanges possibles en situation de crise :
– Paul : « je vous ai convoqués car la ferme Coti se libère et il faut absolu- ment
que nous la reprenions. »
– Martine : « et depuis quand peux-tu décider seul de convoquer les autres ?»
– Alain : « Si je comprends bien, tu as déjà décidé ! On a juste à dire qu’on est
d’accord ! Pourquoi n’as-tu pas préparé le PV de décision à nous faire signer, tant
que tu y es ! »
– Paul : « Oueh ! C’est comme d’habitude, vous êtes toujours contre moi, je ne
peux jamais rien dire ! »
– Martine : « Et oui, c’est comme pour le tracteur, le négociant est arrivé pour le
livrer. Et tu avais signé seul le bon de commande ! J’avais juste un chèque à faire
! Et me débrouiller avec la banque ! Parce que ça, ce n’est plus ton problème
après… »
– Paul : « Bon on revient à l’ordre du jour ! Vous savez bien que nous n’avons pas le
choix de toute façon, sinon ce sont les Dupont qui vont l’avoir et avec eux comme
voisins, bonjour les problèmes ! C’est complètement pris dans notre exploitation ! Je
ne vois pas quelle discussion il y a à avoir ! » – Alain : « Oui c’est vrai, vu comme
ça : faut y aller ! Et en plus, il y a un
gros quota ! »
– Martine : « Et qui va faire le travail ? et comment allons-nous financer ?
»
– Paul : « Bon, on vote ! »
– Martine : « Ha ben oui ! deux contre un, alors vite on vote ! Et après ? Hein après ?
On fait quoi ? Ce n’est pas toi qui va faire le boulot. Quand ta femme va râler que tu
n’es jamais là ! On n’aura qu’à se débrouiller avec Alain ! » – Paul : « De toute
façon, avec toi, on ne peut pas causer, c’est toujours
pareil ! »
– Alain : « Bon, il faut réfléchir, ce n’est pas si simple !
94
95
– Alain : « Je propose que l’on étudie plusieurs scénarios : 1-on laisse Tourets, 2-on
embauche, 3-on modernise pour faire plus vite. »
– Paul : « Je ne suis pas d’accord pour laisser Tourets car c’est de la bonne terre, on
fait de bons rendements et avec l’augmentation du prix des céréales… Et puis
Jacques qui est entre chez nous et la ferme Tourets va prendre sa retraite d’ici
deux ans. »
– Martine : « Alors là, non ! Ce n’est plus un projet de 50 ha supplémentaires que tu
as en tête mais de 120 ha dans les deux ans ! Tu peux étudier le scénario avec
entrée d’un nouvel associé à ce moment-là ! Et puis j’y repense, au niveau
travail : il ne faudra pas oublier les week-ends ! L’associé de garde pourra-t-il
continuer tout seul à tout faire ? »
– Paul : « Bon ! Je vous propose d’étudier les projets techniques avec cet
agrandissement en laissant ou pas Tourets et avec 120 ha de plus. Il me faut
quinze jours ! On se réunit alors pour regarder comment ça peut se passer au
niveau travail, les investissements nécessaires et les solutions possibles pour
réduire la charge de travail. Martine, tu feras alors un pré- visionnel avant que
nous prenions une décision. »
– Martine : « Oui, ça me va comme ça ! De toute façon, comme d’habitude, tu nous
tiens au courant de ton étude au café du matin. »
– Alain : « Il n’y a pas de problème, c’est toi l’ancien technicien ici, mais j’aimerais
que l’on fasse venir le technicien de secteur à notre prochaine réunion. Il faut
toujours prendre plusieurs avis ! Il connaît bien le poten- tiel et l’état de la ferme.
En plus, il est sûrement au courant des autres candidats… »
– Paul : « Ok, on y va comme ça. Je prépare un compte rendu de cette réunion. »
Pour favoriser la conflictualisation entre associés et éviter les crises, il faut faire
s’exprimer les points de vue, les respecter et en tenir compte. C’est nécessaire pour
négocier des compromis qui reconnaissent les désaccords et permettent de vivre
avec. Le plus important n’est pas d’avoir infléchi une décision finale, mais que la
raison d’une réticence ait été entendue et que cela ait permis d’accroître les chances
de réussite pour le groupe. Il faut exprimer ses réticences par les arguments qui les
motivent… ; ils sont plus constructifs au débat, qu’un avis non justifié, favorable ou
non à la déci- sion finale.
96
Un groupe, un vrai où chacun est reconnu pour ses particularités person- nelles, sa
différence, constitue une entité dont le potentiel est supérieur à la somme de ses
membres. Paul est technicien, Martine, gestionnaire, Alain plus généraliste et
pragmatique, ensemble ils forment un groupe de choc ! S’ils entrent en adversité, ils
ne feront jamais rien ! Alors qu’un par- tage constructif de leurs compétences
complémentaires peut faire leur force. La société peut être le moyen de réaliser des
projets que seul on ne pourrait réaliser.
Les exploitants individuels souffrent d’isolement. À qui exprimer ses angoisses sur
l’avenir ? Avec qui partager une baisse de moral après un aléa (tempête, épizootie,
maladie…). Avec qui discuter s’il vaut mieux investir, se développer ou pas ? Avec
qui partager le tracas des paperasses admi- nistratives ? des risques de déclarations
erronées ? de contrôles… ?
Si la structure est plus importante, on peut à la fois prendre plus de risques et les
partager dans plusieurs productions. On peut amortir des équipements plus efficaces et
productifs.
97
Sur le plan psychologique, il faut rappeler que l’on ne se construit pas dans la
solitude, c’est le regard de l’autre qui permet de progresser. Albert exploite seul ; sa
femme et ses enfants se désintéressent de l’exploitation, ils ont une représentation
négative de son métier. Il ne travaille pas avec ses voisins car il a un système de
production très différent des modèles por- tés par les responsables professionnels
locaux. Il a fallu la visite d’un tech- nicien qui a compris la logique et l’intelligence
de son système de produc- tion pour lui redonner confiance en lui et repartir sur des
projets !
Un exemple
Régis se pose la question du départ en retraite de ses parents, il envisage trois
scénarios, voici ses réflexions pour chacun d’entre eux.
98
Le pouvoir est défini comme un déséquilibre dans une relation : un père peut interdire
à son fils de s’installer, du moins sur sa propre exploitation ; il en a le pouvoir. Mais
le fils est libre de faire cas, ou non, de cette injonction ; selon son propre projet de
vie, il déploiera les moyens nécessaires à la réa- lisation de ses projets. Il peut
mettre en échec la décision du père en s’installant sur une autre exploitation, en
allant travailler comme salarié pour attendre la retraite ou le décès de son père… La
personne en désac- cord avec les injonctions qui lui sont faites mettra son énergie à
démontrer, dans l’action, ses propres convictions.
99
bilité de jeu autonome, mais l’utilise plus ou moins. Dans ces relations de
pouvoir, les contraintes cohabitent avec une part de liberté qui est à défendre, à
gagner, à élargir au moyen de la négociation.
Un seul individu n’a pas la capacité mentale pour traiter toutes les données d’un
problème ; il mettra en œuvre des filtres personnels selon sa straté- gie propre et ses
compétences pour être plus efficace. Les personnes agis- sent en fonction de leurs
valeurs et leurs objectifs individuels, ce qui limite leur objectivité et leur rationalité.
Aussi les personnes cherchent-elles à orien- ter les décisions en fonction de leurs
propres enjeux et non pas, comme on pourrait s’y attendre, avec des arguments
démontrés. Pour déjouer les points aveugles des protagonistes pris (le plus souvent
inconsciemment) dans des stratégies naturelles de pouvoir, il faut veiller à la
pertinence de l’information sur laquelle reposent les choix et privilégier les
analyses, les faits objectifs.
100
En effet, pour qu’une décision soit prise, il faut d’abord que les règles de prise de
décisions soient définies (réunions, règles d’étude de projets et de cir- culation des
informations, règles de votes…), que le projet soit étudié et qu’ensuite les moyens
soient mis en œuvre pour rendre effective la décision.
Faute de réponse sur le « comment mettre en œuvre la décision », ils n’ont rien fait
qui aurait permis de produire ces quotas obtenus. Qui est donc le réel décideur,
celui qui a obtenu le procès-verbal de décision de faire une demande ? Ou bien ceux
qui n’ont finalement pas produit plus ?
Dans un autre GAEC, les frères me disent : « C’est notre père qui décide de tout,
mais vraiment de tout ! » Ils me donnent un exemple : « Hier une vache était malade
et c’est lui qui a décidé d’appeler le vétérinaire ! » Je leur fais raconter en détail
l’événement. Ils me disent avoir appelé le père et lui avoir décrit les symptômes de
l’animal malade avec un brin d’exagération. Je leur explique que ce sont leurs
arguments, et donc eux-mêmes qui ont
101
Il existe donc des règles explicites qui régissent les rencontres entre les asso- ciés.
Mais il y a surtout un fonctionnement réel du groupe, fait de repas, pauses, travail
en commun et autres opportunités d’échanges qui sont par- fois beaucoup plus
efficaces. Entre rencontres formelles et informelles, voici quelques règles de
réussite (et d’échec) de ces deux formules qui doi- vent cohabiter.
102
Pour les rencontres formelles, la plus répandue est la réunion. Au com- mencement,
il faut valider et compléter l’ordre du jour. Un animateur a pour mission de faire
respecter l’ordre du jour, les horaires et la parole de cha- cun. Un secrétaire de
séance consigne les échanges, il peut être ou non l’animateur. Selon les groupes, ces
fonctions sont assignées en permanence à la même personne ou tournent entre les
associés. C’est un moment privilégié pour faire le point sur l’activité, les
fournisseurs, organiser le
103
Mais les réunions et rencontres directes ne sont qu’une des nombreuses tech- niques de
communication. Les supports de collecte et de transfert de l’information sont
différents selon l’usage et le statut de cette information. Nous allons faire référence
ici à la notion de travail de niveau opération- nel, tactique ou stratégique vu dans
l’ouvrage Comprendre l’organisation du travail au sein de l’exploitation
agricole, séquence 3, point 1.2.
Main-d’œuvre Main-d’œuvre
Caractéristiques Supports
Informations productrice utilisatrice
de ces informations possibles
de ces informations de ces informations
Information concernant le Salariés, bénévoles, sous- Généralement d’un usage Consignes orales ou écrites
niveau opérationnel du traitants, co-exploitants immédiat et rapidement (si + de 3)
travail à effectuer caduque Téléphone portable
Information concernant le Responsable de productions, Information qui a des réper-
Échanges oraux et mémori-
niveau tactique du travail co-exploitants cussions plusieurs mois après
sation si peu d’unité de
à effectuer leur production main- d’œuvre.
Sinon écrits, dont les
L’ensemble de
enre- gistrements techniques
la main-d’œuvre
(car- nets vêlages, planning
trou- peau, assolement,
plan fumure et autres outils
de la traçabilité…)
Information concernant le Chef(s) d’exploitation(s) Information utilisée bien Écrits (études, comptes ren-
niveau stratégique du après sa production, qui dus…)
travail à effectuer demande à être conservée
104
Tous ceux qui travaillent sur une exploitation peuvent avoir connaissance
d’une information cruciale ; à qui et comment doit-elle être transmise ? Les écrits
provisoires et transitoires doivent faire l’objet d’une réflexion, pour adopter des
supports adaptés (carnets, post-it et autres papiers volants, tableaux d’affichage…).
Gérer le quotidien et le travailler en commun peut devenir une vraie mis- sion d’un
coassocié dans de grosses structures. Il faut planifier la réparti- tion du travail
d’astreinte, de saison et exceptionnel, puis enregistrer les heures effectuées par
chacun et les responsabilités tenues. La gestion de l’information a alors un enjeu
stratégique capital.
Ceci nous conduit directement à la problématique de l’organisation du travail.
1.5. S’organiser
La répartition des responsabilités et des tâches
Lorsque la société ne comprend que deux coassociés, ils hésitent entre deux modes
de fonctionnement : tout faire à deux ou spécialiser chacun. Les deux systèmes
présentent des atouts et des risques.
Avantages et inconvénients des deux modes de fonctionnement
105
Bien sûr, certains adoptent un compromis entre ces deux systèmes avec des ateliers
sous responsabilités séparées et d’autres conduits en parallèle.
Les sociétés de plus de deux associés ne posent pas la question en ces termes. Il
y a automatiquement répartition des responsabilités et des tâches. Mais les mêmes
inconvénients subsistent et doivent être devancés : – les responsables (production,
domaine, secteur…) doivent tenir informés les autres de leurs conduites et les
discussions doivent être construc- tives. Si le responsable doit mettre en œuvre les
actions, rappelons que c’est la collégialité qui fixe les objectifs et contrôle les
résultats. Le règle- ment intérieur définit le niveau d’autonomie de décision de
chacun, mais
prévoit un mode de contrôle de la délégation donnée ;
– il est possible de contrecarrer les risques de taylorisation (division des tâches pour
un rendement maximal qui conduit à des attitudes pure- ment machinales) en
créant des fonctions transversales aux productions (gestion des ressources
humaines, gestion des réglementations et normes environnementales, gestion
économique…) ou des zones de recouvre- ment des responsabilités (ration et
système fourrager, produits phyto- sanitaires et risques professionnels…) ;
– un associé qui n’aurait en charge que du travail opérationnel ou tactique mais
aucune mission d’impact stratégique risque de ne pas trouver sa place en tant
qu’associé ;
– certains ont décidé de nommer deux personnes par responsabilité (un pre- mier et un
second), chacun étant nommé à la fois « premier » dans un sec- teur et « second »
dans un autre. Cette technique oblige un fonctionnement en binôme ; mais il est
possible d’inventer d’autres formes d’organisation.
Le gage de réussite d’un groupe, c’est son animation. Paul explique : « Moi, j’ai
une tâche à part, j’anticipe les questions, les problèmes. Je coordonne les personnes,
je soulève les problèmes d’organisation. Je provoque les réunions et nous
décidons». Telle est la définition du leader, de l’animateur qui, contrairement à un
chef, manage démocratiquement le fonctionne- ment collectif.
Certaines exploitations enregistrent les temps de travaux réalisés par cha- cune des
unités de main-d’œuvre. Les objectifs peuvent être variés :
– contrôler le travail des salariés et vérifier le respect des lois sociales ;
106
– reconnaître le travail réalisé par chacun (en l’absence des autres), faire par- ler les
difficultés, améliorer la productivité du travail de certaines tâches…;
– avoir des faits objectifs pour alimenter les discussions.
Cette technique, mal gérée, réduit le travail à du temps et ne rend pas compte de la
pluralité de ses dimensions :
– il est fréquent de ne comptabiliser que le travail opérationnel ; en effet le travail
tactique et le travail stratégique ne sont pas toujours identifiables car, à part les
papiers, ils sont réalisés en même temps qu’autre chose ;
– il est fréquent de ne pas comptabiliser le temps passé en formation, réunions, avec
les techniciens ;
– cette technique donne à croire que le travail est réductible en une seule dimension
: le temps passé. Or, le travail, c’est aussi de la qualité, de la productivité, de la
pénibilité, de la prise de risque, du plaisir, un moyen de se construire une identité
et une santé… Celui qui, en trente secondes, donne une bonne idée qu’il faudra
des heures à étudier et des années à mettre en œuvre, est mal reconnu par un tel
outil !
Pour illustrer que le travail est bien autre chose que du temps passé, nous prendrons
un exemple. Sébastien et Mikaël se sont associés. Le premier s’occupe des vaches
laitières, le second des vaches allaitantes. Lors d’une formation, il leur a été
demandé de noter le déroulement d’une journée de travail. Ils viennent à la journée
suivante de formation avec leurs deux feuilles d’enregistrement. Mikaël est
désespéré : « Mais je ne fais rien, Sébastien au moins, à la fin de la journée, il sait
combien il y a de litres de lait dans le tank ! Mais moi ? J’ai passé mon temps à
courir d’un site d’exploitation à l’autre. » Après discussion, le groupe leur fait
prendre conscience du phénomène suivant. Pour que Sébastien soit tous les jours à
l’heure à la traite et n’y soit pas dérangé, il faut que Mikaël ait géré tous les aléas
(vêlage, livraison, bêtes échappées, pannes…) et qu’il se soit occupé de finir et de
ranger seul le chantier de l’après-midi. Mikaël a une très grande résistance au stress
lié aux imprévus et une grande capacité d’adaptation aux événements ; ce n’est pas
le tempérament de Sébastien, qui est perdu dès qu’il faut changer sa façon de faire.
Sébastien a un tra- vail ponctué par l’astreinte de la traite, qui est très régulier sur
toute l’année. Mikaël explique que l’hiver (vêlages de nuit), il fait beaucoup plus
d’heures que Sébastien, mais que l’été, il culpabilise à jouer avec ses enfants
107
Deux jeunes frères, associés avec leur mère, à qui l’on demande quelles sont leurs
règles en matière de gestion des absences se crispent et me répon- dent : « Vous n’allez
pas vous y mettre vous aussi. Nous faire dire un week- end sur deux et patati ! Il n’y
a pas de problème : notre mère aime les thés dansants, on le sait et on fait sans elle le
dimanche soir. Et nous, on est orga- nisé pour que le travail d’astreinte soit le plus
court possible, alors il suffit que l’on soit prévenu au moins quinze jours à l’avance
pour faire sans l’autre ! » Ces règles en valent beaucoup d’autres, ce sont les leurs, elles
leurs conviennent, alors pourquoi ne pas les écrire telles quelles dans le règlement
intérieur ? L’intérêt de les écrire est d’éviter que la mémoire de chacun ne les
déforme et de pouvoir les renégocier si un changement le justifie.
Il faut anticiper la façon dont les associés géreraient un départ pour longue maladie
de l’un d’entre eux. Faut-il obliger chacun à une assurance couvrant
108
l’invalidité sous forme d’indemnités journalières ? Qui doit payer l’assurance ? Qui
doit être bénéficiaire des primes : l’associé ou la société ?
109
La solution parfaite n’existant pas, il convient de mettre à plat les spéci- ficités qui
sont celles de la structure et de poser les objectifs recherchés. Il faut chercher à
anticiper les dérives que risquent d’engendrer les règles qui sont envisagées. Une
fois en place, il faut constater les problèmes liés aux règles en vigueur et les adapter
pour les années suivantes.
Exercez-vous
Quelles sont les visions de chacun sur l’agriculture et sur son évolution qui devront
cohabiter ? Si l’un a une vision écologique, un autre patrimoniale, un autre
familiale, un autre expansionniste…, il va être difficile de prendre des décisions
ensemble ! Chacun arrive avec une éthique du métier, des valeurs. Chacun veut
aussi être exploitant pour des raisons différentes :
– rechercher une qualité de vie (familiale, près de la nature, autonome en
111
étant son propre patron, rythme de vie agréable, construction de sa santé mentale,
physique et psychique au travail…) ;
– réaliser un projet technique (créer un troupeau de bonne qualité génétique, atteindre
une certaine performance, inventer une nouvelle technique de production…) ;
– accroître le patrimoine foncier familial ;
– produire et vendre directement au consommateur ;
– produire de la qualité (de grandes quantités homogènes, des produits uniques à
forte valeur ajoutée, dans le respect de l’écologie, du bien-être animal, de la santé
humaine…) ;
– respecter l’environnement ;
– etc.
À cette étape, chacun peut conclure que pour atteindre ses objectifs, d’autres solutions
que l’association conviendraient mieux :
– entrer dans un groupe d’échange de pratiques ;
– sous-traiter du travail ou embaucher un salarié ;
– ne faire qu’un GAEC partiel.
Il est important que les associés définissent une vision convergente de l’orientation
de l’exploitation et de ses valeurs. C’est la base de la straté- gie d’entreprise et donc
la base des prises de décision communes.
Des exemples
Prenons l’exemple d’associés qui ont pour projet commun d’arriver à un pro- duit fini,
livrable directement au consommateur, en assurant la transpa- rence des règles de
production, en se montrant rassurant quant au respect de l’écologie… Chaque projet
proposé est étudié, s’il concourt à l’atteinte du projet commun : il sera accepté ; s’il
en éloigne : il sera refusé ! Voyons ces projets :
– la coopérative leur propose un quota supplémentaire, avec des règles de
production particulières, afin de créer une nouvelle marque : ils analy- sent que
cette marque correspond à leur éthique. Soit ils ont la capacité de production
supplémentaire et ils acceptent en l’état la proposition. Soit ils ne peuvent faire
face à cet accroissement de production et main- tenir qualité et coûts de
production ; ils négocieront alors le transfert du quota actuel dans ce nouveau
créneau ;
112
Ces exemples montrent qu’avec des objectifs divergents, il n’y a pas de critère
commun de prise de décisions stratégiques.
113
Mais il est parfois difficile d’admettre soi-même que l’on change et que l’on rêve
d’autres choses… Les exploitants peuvent bénéficier d’un bilan de compétences,
comme les salariés (voir auprès du fonds pour la formation des entrepreneurs du
vivant - VIVEA). L’intervention d’un consultant peut faciliter l’expression des
évolutions d’aspiration de l’ensemble des associés. Après cinq ou dix ans
d’exploitation en commun, c’est peut- être l’occasion de rebâtir une stratégie
commune, qui intègre ces évolu- tions.
Une idée reçue est que si l’on s’associe, c’est pour la vie… Un salarié qui se fait
embaucher, tout le monde sait bien maintenant que ce n’est pas pour la vie. Alors
pourquoi en serait-il différemment pour l’exploitant ? L’association peut être un
moyen à un moment de sa carrière et ne plus être adapté à un autre. Il vaut mieux
partir ensemble avec l’idée que ce n’est peut être pas pour toujours. Il est préférable
de se quitter bons amis plu- tôt que de tenir malgré tout, de peur du mot échec ou du
« qu’en dira-t-on » ! L’association est toujours une expérience enrichissante et la
notion d’échec ou de réussite est très subjective.
Comment construire une relation alors que l’on ne se connaît pas ou, plus
compliqué, quand on se connaît comme salarié-patron ou collègues ou
114
Fabien et Arnaud veulent s’associer. Fabien recherche une qualité de vie et ne veut
pas une production laitière avec son astreinte lourde. Or Arnaud élève un troupeau de
chèvres, il dit respecter et comprendre Fabien et qu’il ne lui demandera pas de le
remplacer le week-end. Fabien pense qu’avec le temps, Arnaud aura besoin de ces
week-ends, ou bien que lui-même culpabilisera de les avoir… Ils décident de ne pas
entrer cette production dans la société.
Il faut donc commencer par s’assurer de l’affectio societatis, comme l’appellent les
juristes. Cette locution d’origine latine désigne l’élément intentionnel indispensable
à la formation du lien qui unira les futurs associés. Elle recouvre cette volonté
d’investir en commun et de partager les bénéfices ou les pertes de l’entreprise.
Lorsque l’on est sûr que la volonté de s’associer est là, il faut construire ensemble le
projet technique. Pour cela, il faut s’assurer au préalable que le nouvel arrivant a
suffisamment de connaissances de l’exploitation et des productions pour pouvoir
réellement participer à la construction de ce projet commun.
115
On commence par partager un point de vue, une relation, puis le travail et enfin la
définition collégiale de la stratégie d’entreprise. Les projets seront construits
ensemble à partir de cette stratégie commune.
De la stratégie commune vont partir les projets. Pour améliorer leur effi- cacité, les
associés vont avoir autonomie pour étudier, puis mettre en œuvre ces projets. Une
société n’est pas une compilation d’électrons libres, qui font ce qu’ils veulent dans
leurs ateliers. Chacun a des comptes à rendre au groupe, qui doit toujours superviser
et coordonner toutes les responsabili- tés et autonomies déléguées. Il faut donc des
règles claires de fonctionne- ment pour définir les niveaux d’autonomie et les règles
de coordination.
Le règlement intérieur gère ce fonctionnement, il engage les associés les uns envers
les autres. C’est un bon moyen d’organiser les règles de vie et de travail : gestion
des absences et des permanences, répartition des tâches, responsabilité des
décisions… La formalisation du règlement intérieur est donc importante, c’est un
espace écrit de renégociation en continu de la rela- tion professionnelle et des règles
de fonctionnement en commun. Il est conseillé de le créer préalablement à l’arrivée
du juriste : car c’est à partir de ce projet de vie professionnelle en commun que le
choix de la forme sociétaire la mieux adaptée sera possible. C’est alors qu’il sera
possible de rédiger les statuts, qui constituent le contrat juridique qui lie les associés
et fonde la société.
116
Mais voilà, l’autre est autre (c’est-à-dire différent de moi) et il va falloir construire
une relation, un lien social qui lui laisse l’espace nécessaire à l’expression de sa
différence. L’autre doit devenir un véritable interlocuteur, porteur d’envies qui lui
sont propres. La différence devenant une richesse, les divergences de point de vue le
deviendront aussi; il faut trouver un équi- libre juste entre :
– le minimum de similitude nécessaire à la construction d’une stratégie d’entreprise
qui soit commune à tous ;
– et la complémentarité des compétences, des intérêts et des valeurs.
Il faut construire une relation moins affective, pour une relation de travail qui soit
durable. Voilà qui demande d’exprimer les non-dits, d’exprimer le pourquoi des
points de vue, sans chercher à peser directement et rapide- ment sur le choix final.
Un des moyens de gérer les relations est d’éviter les discussions à chaud, mais de
préparer les réunions et d’y aborder des sujets aussi importants que de simples
différends que l’on semble avoir dépassés depuis. Il est conseillé de tenir, lors des
échanges, les règles de communication sui- vantes :
– s’expliquer à partir de faits objectifs : « Sur moins d’un an, c’est le troi- sième
week-end que tu n’assures pas ta garde ! » ;
– éviter à tout prix d’interpréter le comportement de l’autre (« Tes gosses malades ?
Ils ont bons dos, tes gosses, dis plutôt que tu n’aimes pas faire le sale boulot ») ;
– éviter d’émettre des jugements sur les personnes (« De toute façon, tu n’es qu’une
paresseuse intéressée ») ;
– expliquer son ressenti personnel face au comportement de l’autre : « Je
comprends bien que depuis que ta femme est partie, tu ailles mal. Mais pour moi,
c’est difficile de vivre avec ta déprime, de devoir assumer seul en attendant que tu
retrouves la forme ».
À lire ces paragraphes, les choses semblent simples, juste une affaire de méthode
qu’il suffit d’appliquer pour que tout marche et pour éviter de renoncer à un projet
mal engagé. C’est sans compter que l’humain est com-
117
Celui qui est déjà en place sous-évalue souvent les changements que l’arrivée d’un
nouvel associé peut occasionner. Pour lui, ça va continuer comme avant ! Mais les
sources de changements sont nombreuses :
– « Au début, j’étais content de me débarrasser des papiers et j’étais heu- reux
d’avoir trouvé un bon pour s’en occuper. Mais il m’oblige à tout noter, ne pas
perdre les factures, ramener les bons de livraison… Je fais plus d’administratif
qu’avant ! Maintenant, il a pris idée de me faire noter ce que je fais chaque jour et
pendant combien de temps ! En plus,
118
quand je veux acheter un tracteur, il dit toujours que ce n’est pas possible et comme
je n’ai plus les relevés de comptes et ne comprends rien à la comptabilité, je ne
peux pas lui prouver le contraire !»;
– « Paul, qui l’avait eu en apprentissage, m’avait dit que c’était un bon ! Je l’ai cru.
Mais il ne fait rien comme moi ! Il est toujours à réparer le maté- riel, ranger
l’atelier, on est des éleveurs pas des céréaliers ! Par contre pour les bêtes, il n’a pas
l’œil. Bon, on n’a pas eu de perte mais on ne regarde pas les bêtes de la même
façon. Pour qu’il surveille les vêlages, il faut prendre les températures ! Moi, je
n’ai pas besoin de ça ! Il me fait perdre du temps. »;
– « Il va falloir qu’il comprenne que je suis chez moi ! Que l’on construise un
bâtiment de type tunnel, au milieu de ce corps de ferme du 18e : il peut toujours
attendre !»;
– « Quand il était facteur, il faisait le boulot le week-end. Je ne vois pas pour- quoi il ne
continuerait pas, il est célibataire ! Il n’a pas mieux à faire les week-ends !»;
– « Il m’enquiquine à toujours vouloir m’envoyer en week-end ! Ou pire il faudrait
que je prenne des vacances ! Mais je n’en veux pas moi ! Pour faire quoi ? La seule
chose qui compte pour moi, c’est ma ferme ! Je ne l’empêche pas de partir autant
qu’il veut, moi ça ne me gêne pas de rester. Mais il dit qu’il culpabilise à me
laisser tout le temps son travail et donc qu’il ne part plus tant que ce n’est pas
chacun son tour. »;
– « Il habite au village, alors les marchands, les techniciens sont toujours chez moi
! Il les reçoit dans ma cuisine, il vient le week-end chercher un papier dans notre
salle à manger !»;
– « Leurs épouses sont infirmières, cela leur a donné l’idée de faire les trois- huit
pendant la période des vêlages. Marc est insomniaque, il préfère la nuit. Albert,
plus âgé, préfère le matin et Sébastien le soir. Chacun fait son travail, il avance
celui du suivant, s’il en a le temps ou rattrape le retard du précédent, s’il le faut.
Le bureau situé dans l’étable permet les passages de consignes écrites et verbales.
Un débriefing apéritif chaque jour à 12 heures permet les mises en commun.» ;
– etc.
119
Nous avons déjà évoqué quelques-unes des causes les plus fréquentes de crise dans
les sociétés agricoles d’exploitation :
– les problèmes liés à une mauvaise circulation de l’information, avec les jeux de
pouvoir qui sont sous-jacents ;
– l’absence d’outils et règles de communication pour gérer les échanges et les prises
de décisions. Nous avons vu que les échanges informels ont leurs limites, et que les
« réunionites » stériles sont encore pires !
– un espace « bureau-réunion » qui se confond avec un espace privé ;
– les papiers (déclarations, comptabilité…) tenus par une personne non associée
mais parente à un des associés ;
– l’exploitant en place qui ne cherchait pas un associé mais un salarié qui
apporterait, en plus, un capital, une prise de risques et qui ne regarde- rait pas
l’heure ;
– une organisation basée sur des quiproquos ou des habitudes (ça ne change rien, on
continue comme avant …) ;
– la reconnaissance du travail de production, mais une sous-estimation de celui de
management ;
– la survalorisation du temps de travail par rapport à d’autres critères comme son
contenu et son efficacité (compétence, productivité, qualité, pénibilité, risques…)
;
– les difficultés à parler du travail en termes concrets et simples, ce qui ne permet
pas de traiter les situations où chacun travaille de son côté, en étant persuadé que
l’autre ne fait rien, qu’il rapporte moins, qu’il est mal organisé…
– l’amalgame entre temps passé et revenu.
La création d’un GAEC père-fils fait passer d’une relation filiale à une relation de
travail entre associés. De la part des parents, il y a l’attente d’un retour pour leur
travail d’éducation ! Les attentes des parents peuvent être très variées : réussir, faire
comme eux, travailler pour eux, être de leur avis,
120
Les parents croient parfois revivre leur propre histoire à travers l’installation du fils :
– ils ont eu des problèmes lors de la passation de pouvoir avec la généra- tion
précédente ; ils en ont souffert mais ils reproduisent le même schéma ;
– ils projettent sur le jeune les désirs et les aspirations qui étaient les leurs à l’époque
de leur installation. Ils s’identifient au jeune et ne le com- prennent pas ;
– etc.
Les parents sont parfois encore jeunes, il n’y a pas si longtemps que leur père leur a
passé la main. Ils se sentent enfin compétents et mûrs pour gérer un projet de
développement. Et puis, la femme a du temps maintenant que les enfants ont grandi.
Il faut parfois des revenus supplémentaires pour payer les études des plus jeunes. Ils
veulent conduire leur projet pro- fessionnel pour les quinze ou vingt ans à venir.
L’installation du (ou des) fils est le moyen d’avoir les financements et la main-
d’œuvre pour réaliser ce projet.
D’autres fois, les parents sont âgés, ils ne sont pas préparés à ce change- ment de
vie et d’identité qu’est un arrêt d’activité professionnelle. L’exploitation était toute
leur vie, elle justifiait leur existence. Pour se pré- senter à un inconnu, ils donnaient
leur nom et décrivaient leur métier. Quand les voisins parlent d’eux, ils décrivent la
ferme, le dernier bâtiment construit ou matériel acheté ou la performance technique
de l’exploitation… Et maintenant, ils vont être quoi ? qui ? Que vont-ils faire toute la
journée ? Peu d’exploitants préparent leur retraite. Mais il est plus facile de reprendre
après ceux qui anticipent en commençant des engagements extérieurs avant la date
fatidique (développement agricole dans le tiers-monde, vie asso- ciative, peinture à
l’huile, bricolage, jardin, chasse…). Les futurs retraités mal préparés restent
préoccupés: « Et si les exploitants suivants ne font pas bien ? Que vont dire les
voisins (à entendre comme “cela aura des réper-
121
cussions sur nous”) ? » Ils aimeraient tellement avoir la fierté de pouvoir dire : «
C’était notre ferme ! Ils ont bien continué, n’est-ce pas ? » Ce qui sous- entend « Il
faut dire qu’on leur avait bien préparé le terrain ! ». La transi- tion est encore plus
dure si les enfants arrivent, en plus, avec un projet qui n’est pas dans la continuité
de leur propre conduite (changement de pro- duction, de mode de
commercialisation, statut différent de la femme dans l’exploitation, vente directe,
arrivée d’un tiers…). Non seulement ils ont peur pour les jeunes, mais ils sont en
danger au niveau de leur propre identité. Ils deviennent non seulement peu
coopératifs, mais fort pénibles pour les jeunes ! Il leur faudra du temps pour faire le
deuil de leur exploitation et pour se reconstruire une vie après celle d’exploitant. Le
problème qu’ils ren- contrent n’est pas propre à ce métier, mais à tout actif qui prend sa
retraite !
Il arrive souvent qu’un tiers soit officiellement l’associé d’une personne, mais qu’en
réalité, ce soit avec les non exploitants, non associés, qu’il faille négo- cier. Il arrive
que ce soit le propriétaire du foncier et non des parts sociales qui ait le pouvoir de
décision. Si le fils ne s’est pas émancipé de l’autorité de son père, ce n’est pas avec
lui qu’il faut discuter, même s’il est le seul asso- cié au plan juridique !
Ces tiers ne participent donc pas au travail. Parfois, c’est le conjoint retraité qui justifie
ainsi la continuité de sa présence, via son épouse. Ces personnes sont souvent là sur le
bon conseil d’un technicien. Mais pour ce qui est de l’affectio societatis… De
vives discussions arrivent vite sur le bien-fondé des rémunérations, la légitimité de
ce cogérant à participer aux décisions…
122
On a le cas, plus rare, du nouvel arrivant qui veut tout révolutionner, sans prendre
en compte l’histoire de l’exploitation et celles des autres associés. Il veut importer
des solutions vues dans d’autres contextes et qui ne sont pas transférables en l’état.
Elles demandent des adaptations au contexte agronomique, social, humain… local.
Certains ont du mal avec cette impossibilité en agriculture de séparer tota- lement le
privé du professionnel. Il faut arriver à se parler en confiance de tout, tout en
respectant l’intimité de l’autre ; il n’a pas à savoir le détail de
123
nos problèmes de couple et encore moins à s’y immiscer, mais il doit savoir que ça
va mal, car il devra tolérer momentanément et compenser notre faible disponibilité de
temps et d’esprit. Trouver les bonnes limites, c’est néces- saire pour éviter la
suspicion et accroître la solidarité et la confiance. Comprendre que l’autre passe un
moment difficile, c’est savoir que lorsque l’on aura à s’absenter pour un problème
personnel, il comprendra à son tour.
En résumé
o Le premier objectif de l’exploitant en société est de vouloir parta- ger le
travail, les décisions, le capital et les revenus. Les sociétés fon- dées sur des
projets purement individuels et sans lien entre eux ont une durée de vie faible.
Les associés doivent trouver plus d’avantages et de sources de liberté dans
l’exercice en société que dans l’exploitation individuelle avant de se lancer dans
l’aventure.
o Il faut donc commencer par construire l’affectio societatis et partir des
objectifs individuels pour construire la stratégie commune, celle de la future
exploitation.
o Il sera alors possible d’engager la construction du projet technique, de
répartir le travail, de décider de la circulation de l’information et enfin
d’organiser le partage du pouvoir de décision.
o Le règlement intérieur consignera les règles de fonctionnement. Les statuts
fonderont la société.
o Une attention particulière doit être portée à la communication. Il n’y a pas
de solutions types : à chaque société de construire les lieux et moments
d’échanges formels et informels qui leur conviennent. Les règles de
circulation des informations, l’accessibilité de tous aux documents sont des
points stratégiques. Il faut échanger sur les pro- blèmes, même petits, dès
qu’ils apparaissent. Pour ce faire, il faut expri- mer ses ressentis et les
confronter aux faits rééls pour éviter que le temps déforme et envenime de
petits conflits en grosses crises !
o Il faut aussi pouvoir parler de son travail avec ses associés afin qu’ils le
reconnaissent. C’est souvent plus important que la rémunération !
124
Exercez-vous
□ Émile travaille mais n’est plus associé, tant qu’il aura du capital et le fon- cier à son
nom, il entend bien décider. Juridiquement, sa femme a pris sa place dans la
structure. Deux de leurs fils ont quitté le GAEC pour désaccord avec le père. Il
reste le plus jeune Edouard, mais il étudie, sans le leur dire, une intégration de la
société de ses beaux-parents. Le père a demandé à sa fille au chômage de prendre
une des places libérées par
125
l’un des fils pour garder la transparence. Elle touche une rémunération, mais ne travaille
pas. Il propose à l’ouvrier de reprendre les parts de l’autre fils.
□ Éric doit cesser l’exploitation pour des raisons de santé, mais il souhaite valoriser
des droits à primes et quotas. Il a trouvé une exploitation can- didate à la reprise.
Les juristes proposent la constitution d’un GAEC entre eux pour un meilleur
transfert de ces droits. Il devient associé, ne travaille pas mais touche une
rémunération ; il reste engagé financière- ment.
□ René se rend compte que Cédric n’est pas bien, il a des problèmes tech- niques
avec les cultures et il se sent éloigné des autres employés qu’il ren- contre peu. En
effet, la porcherie est le lieu d’échange et de convivialité pour les autres. René
pose le problème en réunion. Guy anime la réunion et donne la parole à tous.
Ginette exprime un sentiment identique de mise à l’écart (elle tient la comptabilité,
le secrétariat). René reconnaît qu’il hésite à aller chez elle pour voir les papiers
de peur de déranger. Ils décident de tourner plus avec Cédric, en particulier en
période de gros travaux, et de le faire venir à la porcherie l’hiver. Ils lui proposent
de ren- contrer un technicien pour parler de ses problèmes techniques. Ils déci-
dent d’agrandir le bureau de la porcherie pour y placer le bureau de Ginette et
faire une salle de réunion avec kitchenette.
Reportez-vous
au corrigé
page 128
126
127
l’assolement pour passer au zéro pâturage. Thomas étudie la solution bâti- ment et
salle de traite. Ils rencontrent la coopérative pour vérifier les quo- tas possibles à
long terme. Ils se tiennent au courant de leurs avancées régu- lièrement. Ils évaluent la
rentabilité future avec l’aide de l’épouse de Boris, qui est comptable. Ils imaginent la
répartition du travail entre eux. Ils ont évalué le besoin d’un salarié à temps plein.
Lorsqu’ils discutent de la traite, ils comprennent mieux leurs réticences réciproques
depuis qu’ils se remplacent le week-end. Ils échangent de plus en plus souvent sur
Reportez-vous
leurs façons de travailler.
au corrigé
page 130
Corrigés
128
2. Le fonctionnement en société
– Paul sera responsable des vaches laitières, Pierre des cultures, Jacques des
femelles de renouvellement. C’est la femme de Paul (non associée) qui fera la
comptabilité, chacun fera les déclarations administratives de sa production. Le
bureau-salle de réunion sera la salle à manger de Paul.
129
– Émile travaille mais n’est plus associé, tant qu’il aura du capital et le fon- cier à
son nom, il entend bien décider. Juridiquement, sa femme a pris sa place dans la
structure. Deux de leurs fils ont quitté le GAEC pour désaccord avec le père. Il
reste le plus jeune, Edouard, mais il étudie, sans le leur dire, une intégration de la
société de ses beaux-parents. Le père a demandé à sa fille au chômage de prendre
une des places libérées par l’un des fils pour garder la transparence. Elle touche
une rémunération, mais ne travaille pas. Il propose à l’ouvrier de reprendre les
parts de l’autre fils.
Cette exemple cumule le cas du décideur réel non associé (Émile), et les cas
des associés qui n’existent que sur le papier (épouse et fille d’Émile). L’ouvrier
130
– Éric doit cesser l’exploitation pour des raisons de santé, mais il souhaite valoriser
des droits à primes et quotas. Il a trouvé une exploitation can- didate à la reprise.
Les juristes proposent la constitution d’un GAEC entre eux pour un meilleur
transfert de ces droits. Il devient associé, ne travaille pas mais touche une
rémunération ; il reste engagé financière- ment.
Au départ, les repreneurs voient leur intérêt. Ils paient le transfert des
droits sous forme de rémunération d’Éric. Au bout de quelques années, ils
vont trou- ver que cela revient très cher et ce d’autant plus qu’entre-
temps, les règles d’acquisition de droits à produire auront changé. Éric
rechignera pour tout investissement et toute signature de caution
d’emprunt.
Dans l’exemple de René et de son équipe, on voit un fonctionnement qui per- met de
mettre à jour les problèmes et de les traiter.
Évaluation finale
Il y a quinze ans, Bruno s’est installé avec Paul, son père. Ils ont développé
l’exploitation, qui fait aujourd’hui 200 ha. L’assolement comprend des cul- tures de
vente et quelques hectares de céréales valorisées par l’atelier de 400 poules
pondeuses. Les pondeuses sont élevées dans deux bâtiments en plein air et au sol,
avec des coqs car les œufs sont destinés à l’accouvage.
Le parc matériel est en très bon état. L’activité de stockage est restreinte et en
constante réduction du fait d’équipements vétustes. Les cellules les plus
performantes ont été affectées à la fabrication des aliments pour les pondeuses.
L’année précédente, l’installation a été réaménagée (achat d’un moulin neuf, vis de
reprises, bascule…), pour réduire la pénibilité et le temps de ce travail.
évaluation
Ouverture et fermeture des
Paul
auvents matin et soir
Changement de lot Paul et livraison ramass. nettoyage livraison ramass. nettoyage
Bruno poules* poules* poules* poules*
Curage Bruno X X X X
Implantation des cultures colza céréales d’hiver céréales de printemps avoine soja
Bruno
sorgho
Copie accordée à
133
Son père a pris la retraite il y a deux ans mais continue à participer aux travaux
autant qu’auparavant. La sœur de Bruno, installée à Bordeaux, a de graves
problèmes de santé. Paul et son épouse vont aller vivre avec elle pour l’aider et
s’occuper de ses enfants.
Bruno doit en urgence trouver un remplaçant à son père. Il envisage tout de suite un
salarié et prend rendez-vous avec le technicien de l’ADEFA du département. Au
cours de cet entretien, l’échange de questionnements est riche et important.
2. Aidez aussi Bruno à répondre aux questions que le technicien lui pose :
a) Connaissez-vous les formes d’emplois partagés ?
134
d) Votre père ne sera pas éternellement là, quelles sont les solutions pos- sibles
pour gérer définitivement sans lui ?
g) Avec un salarié, quelles sont les répartitions possibles des tâches entre vous et le
salarié ? Citez au moins trois scénarios
h) Selon ces trois organisations possibles, quel profil recherchez-vous (expé- rience et
compétence recherchées, temps et rythme de travail proposés…) ?
Le technicien de l’ADEFA donne à Bruno les coordonnées d’un candidat pos- sible. Il
l’appelle à 10 heures, Jeremy est au travail, il demande à être rap- pelé le soir.
Jeremy rappelle et explique qu’il cherche un autre emploi car son poste actuel ne lui
donne pas entière satisfaction. Il propose de passer sur l’exploitation le samedi
suivant. Bruno a prévu de partir en week-end,
135
il lui demande de passer un soir après son travail. Lorsqu’il arrive, Bruno, qui a
oublié, est allé aider un voisin. Sa femme l’appelle, il revient une demi- heure plus
tard. Ils s’installent dans la cuisine, les enfants font leurs devoirs sur l’autre partie
de la table. Ils discutent, Jeremy pose de nom- breuses questions. Ayant un rendez-
vous à 21 heures, Jeremy s’excuse puis part. Toute la nuit, Bruno se pose des
questions :
– Pourquoi veut-il quitter son patron actuel ?
– Pourquoi m’a-t-il demandé des congés en septembre ?
– A-t-il goût, intérêt pour les volailles ? …
3. Relevez les erreurs commises par Bruno et expliquez ce qu’il aurait dû faire:
Bruno pense finalement qu’il est plus facile de trouver un salarié compé- tent en
cultures, quitte à simplifier l’assolement et prendre en charge l’atelier de volailles à
la place de son père. Il lui faudrait annualiser le temps de travail de l’ouvrier, en lui
demandant de faire plus d’heures de mai à octobre, et lui donner congé en décembre
ou janvier. Il renonce dif- ficilement à ses propres congés et ses week-ends. Il
envisage aussi d’investir dans des ventaux programmables pour éviter des allers-
retours incessants entre la ferme et son habitation.
Caroline est titulaire d’un baccalauréat professionnel agricole. Mariée depuis peu
dans la commune avec un plombier (qui a trois salariés), elle cherche un travail qui
lui laisse le temps de faire le secrétariat de son mari. Il lui faut au moins une demi-
journée par semaine. Ses parents avaient une production de volailles fermières, avec
vente sur les marchés, aux restaurateurs et dépôts dans des épiceries ou
supermarchés. Elle a fait ses stages chez des céréaliers. Son mari ferme l’entreprise
quatre semaines en août, l’activité est réduite au dépannage entre Noël et le Nouvel
An. Ils partent quinze jours au moins tous les ans en août.
Bruno décide aussitôt de l’embaucher.
136
L’arrivée de Caroline
Paul est venu passer une semaine sur l’exploitation pour faire la passation de pouvoir
à Caroline. Lundi, il a fait tout le travail, en expliquant à haute voix. Il se rend
compte qu’elle connaît bien les volailles et apprend vite. Les mardi et mercredi, ils
se sont répartis certaines tâches, mais Paul n’était jamais loin. Le jeudi, elle a tout
fait mais Paul est resté à ses cotés pour répondre à ses questions. Le vendredi, elle a
fait seule mais elle a eu un pro- blème avec le moulin et a dû déranger Paul. Ce qui
lui a permis de se rendre compte qu’il n’avait pas assez bien expliqué l’installation.
Il lui donne le numéro de téléphone de sa fille, elle pourra l’appeler la semaine
prochaine en cas de problème.
Les fins de matinée et débuts d’après-midi, elle rejoint Bruno. Le lundi matin, il
l’envoie labourer une parcelle. Les explications étant insuffisamment claires, elle ne
trouve pas la parcelle et revient. Il doit l’accompagner en voi- ture. L’après-midi, il
lui fait faire le tour des parcelles, il l’emmène au bureau et lui montre les plans, ils
décident de les afficher au bureau. Ils notent les noms sur le plan. Il en profite pour
lui expliquer tout l’itinéraire technique.
Le mardi, il l’envoie semer et part acheter un portable pour pouvoir com- muniquer
plus facilement à distance avec elle. Le mercredi, il lui propose de faire des
traitements, elle demande des gants, il n’en a pas. Elle lui demande si le filtre de la
cabine a été changé régulièrement. C’est celui d’origine et il n’en pas d’avance ;
elle refuse alors de faire le traitement. Il comprend et lui demande alors de classer
les factures comptables en retard depuis l’absence de Paul. Le jeudi, il lui demande de
faire la vidange du trac- teur. Le téléphone chauffe, elle doit perpétuellement le
déranger pour savoir où sont les outils pour défaire un écrou grippé, pour se faire
expli- quer les particularités de ce tracteur, qui ne ressemble pas à ceux qu’elle
137
a déjà vidangés ! Elle finit par s’en sortir mais elle a mis plus de temps que prévu et
Bruno n’a pratiquement rien fait cet après-midi.
La semaine suivante, dès le lundi matin, Caroline demande un entretien avec Bruno,
elle lui propose de modifier légèrement l’organisation. Paul a réparti son travail
équitablement entre le matin et le soir, or elle pourrait concentrer plus de travail le
matin quitte à commencer plus tôt. Cette organisation lui laisserait les après-midi
entières pour les cultures, sauf le vendredi après-midi où elle ne travaille pas. Bruno
n’aurait, aux pou- laillers, qu’un tour de surveillance à faire le soir. Il trouve l’idée
excellente et lui propose de ranger l’atelier avec elle cette semaine. Ils feront plus
de choses à deux, pendant un mois ou deux, afin de lui apprendre progressi- vement
le fonctionnement de l’exploitation. Il lui laissera ensuite plus d’autonomie. Il a pris
conscience, la semaine précédente, qu’il lui en deman- dait trop et trop vite. Il ne
doute pas de ses compétences mais comprend qu’il faut y aller plus doucement et
donc plus efficacement.
138
Un projet d’association
Après deux ans d’absence, Paul propose à Bruno d’échanger leurs domiciles pour lui
laisser sa place dans le corps de ferme et qu’il aille lui-même vivre plus près des
commerces. Il ne veut pas reprendre sa place au travail, même s’il peut donner un
coup de main de temps en temps… Caroline arrive au bout de son contrat, elle est
enceinte et laisse entendre qu’un mi- temps lui suffirait.
Bruno s’inquiète, d’autant plus que l’entreprise qui lui prenait les œufs vient de faire
faillite. Il se demande s’il doit arrêter les œufs. Mais les poulaillers sont en bon état
et la fabrique d’aliments non amortie.
139
l’environnement sont nécessaires, mais qu’il ne valorise pas le label bio. Les clients
parlent maintenant « développement durable » : ils veulent des pro- duits de qualité
qui n’ont pas traversé la planète pour arriver dans leur assiette, qui sont sains pour
la planète et la santé humaine. Il explique le plaisir de rencontrer les clients, de
partager son métier avec eux. Et sur- tout, il explique qu’il apprécie de ne plus
écouter les négociants critiquer de bonnes bêtes pour ne pas les payer.
Bruno lui parle du manque de confiance dans les filières organisées depuis que le
couvoir ne lui ramasse plus les oeufs ! Il explique que sa salariée l’a sensibilisé à
l’environnement, que lui aussi s’intéresse de plus en plus à ces questions et qu’il ne
rate aucune réunion ou formation sur les techniques innovantes.
François est plus animalier que céréalier. Pour Bruno, c’est l’inverse : il a dû
s’intéresser aux volailles depuis l’absence de son père mais heureuse- ment que
Caroline est là ! Bruno souffre d’une charge de travail importante, d’absence de week-
end et de la rareté des congés. François n’aime pas quit- ter l’exploitation et voudrait
voir ses enfants grandir.
Bruno exprime sa solitude depuis que son père s’est détaché de l’exploitation. Avec la
salariée, il n’est pas question de discuter de l’avenir de l’exploitation; même si elle a
un mari artisan et qu’elle comprend, ce n’est pas son pro- blème ! Il lui faut prendre
rapidement des décisions définitives et il trouve cela difficile. François explique que
depuis l’installation de sa femme, la situa- tion est plus facile et qu’il apprécie les
échanges qu’ils ont en ce moment.
François pense qu’il faut passer à une vision entreprenariale de l’agriculture: rester petit
ne permet pas d’avoir une sécurité financière et de bonnes conditions de travail.
Pour lui, grossir, augmenter le nombre d’unités de main-d’œuvre, diversifier les
productions et la vente directe, c’est l’avenir. Bruno lui dit avoir envisagé de ne
faire que des céréales afin de se limiter à ce qu’il aime et d’avoir des congés l’hiver.
Mais il se demande comment trouver la main-d’œuvre d’appoint nécessaire l’été et
comment faire face aux mauvaises années (climat, cours…). Il aime être équipé pour
faciliter les conditions de travail, mais il critique les surenchères de puissances, de
largeur et de gadgets des machines.
140
Bruno considère les plans de leurs exploitations, les parcelles se touchent, il voit
déjà comment mieux gérer le parcellaire en commun et l’intérêt agronomique pour
ses parcelles d’épandre des fumiers. Il faudrait juste faire un échange de parcelle avec
un voisin pour que tout le parcellaire se touche. Maintenant que la grand-mère, qui
avait gardé les vaches à sept ans dans cet enclos, est décédée, il est possible de faire
cet échange. François parle à Bruno de l’aide qu’il pourrait lui apporter les jours de
tonte, pour le trai- tement des ovins ou pour déplacer les cabanes des truies de
parcelles.
Bruno François
Goûts individuels
Objectifs individuels
Objectifs communs
b) Quels scénarios peuvent-ils envisager à l’issue de cet entretien ? Citez- en au
moins deux.
d) Quels sont les points forts et points faibles d’un projet d’association entre ces
deux exploitations ? Complétez le tableau suivant.
141
département.
Le bouche à oreille
est souvent très
a) Il s’agit d’un emploi à durée déterminée. Seul un efficace.
contrat écrit peut régir cette clause. L’absence de contrat
vaut CDI (contrat à durée indéterminée).
142
b) Bruno peut envisager de reprendre le poste de son père et avoir recours à une
entreprise pour les cultures. Il peut aussi faire faire la saisie comp- table au centre
de gestion et déléguer plus d’entretien au garagiste.
143
Le téléphone portable est une formidable invention mais aucun employeur (y compris Question 3
Bruno demain) n’apprécie que son salarié téléphone pendant son temps de travail. En
journée, un candidat potentiel peut travailler, être en entretien, etc. Bruno aurait dû
contacter Jeremy entre midi et deux heures ou après 18 heures.
Un rendez-vous se donne à un moment de disponibilité et c’est un manque de
respect de la part de Bruno que d’être absent. La relation commence mal ! Bruno
aurait dû recevoir Jeremy dans un endroit calme où les risques de perturbation de
l’entretien par l’extérieur (téléphone, enfants, bruits de machines…) sont limités.
144
Cette situation est assez courante. Souvent les employeurs ont des idées préconçues
du marché du travail et se font finalement surprendre par une candidature
inattendue.
Question 4 Répartition des tâches : Caroline va se voir confier l’atelier volailles en principal.
Bruno la remplacera le week-end, mais pourra éventuellement lui demander de
travailler un week-end de temps en temps.
Le temps complémentaire sera consacré à du tractoring.
Rythme hebdomadaire : un temps partiel (30 heures) sera négocié pour lui donner
un après-midi par semaine.
Rythme annuel : Bruno proposera un compromis pour les congés, 15 jours en août
et le reste l’hiver.
b)
Question 5
Erreurs commises Changements opérés
L’envoyer dans une parcelle avant de lui avoir Il a aussitôt compris et mis en place l’action adaptée
présenté l’exploitation. : lui faire visiter, lui montrer sur plan, mettre un
affi- chage pertinent et permanent en place.
Ne pas être facilement joignable, alors que la distance Il a acheté un portable (à sa charge ! le portable privé
entre la salariée et lui peut être importante. de Caroline n’a pas à être allumé pendant le travail).
Ne pas avoir des équipements aux normes et sans doute Il ne se braque pas du refus de Caroline.
pas de document unique.
Faire faire une tâche, en autonomie, sans s’être Il adopte ensuite une technique plus proche de celle
assuré de sa capacité à la réaliser et sa connaissance de son père pour accompagner la période
des lieux, outils… d’apprentissage de Caroline.
145
c) Il est normal que Caroline refuse de travailler dans des conditions de sécu- rité
insuffisantes. Son attitude va permettre à Bruno de prendre conscience de la situation
et de se mettre à jour vis-à-vis des réglementations en vigueur. Rappelons que la
création et l’actualisation d’un document unique doit se faire en concertation avec
les salariés.
d) C’est une excellente idée de faire le point, après une première semaine, lors d’un
entretien. Dommage que ce ne soit pas Bruno qui en ait pris l’initiative ! Chacun a
pu exposer son analyse de la première période et des décisions de changement
souhaitées.
Caroline a eu un retour sur le ressenti de Bruno et a été encouragée (il prend en
compte ses propositions, il la croit compétente…). Le fait que Bruno reconnaisse
ses erreurs et qu’il annonce le changement dû à cette prise de conscience le grandit.
Ils font un apprentissage mutuel (lui comme employeur et elle comme sala- riée), ils
s’encouragent, chacun gardant sa place.
a)
Question 6
Bruno François
Goûts individuels Les cultures, le matériel Les animaux, la vente directe
Gérer le « après départ » du père Trouver une aide pour les tâches qui
Gérer la perte du contrat avec le deman-
Objectifs couvoir Pallier la solitude du chef dent deux hommes
individuels d’exploitation Avoir des congés et des Gérer un développement
week-ends Partager les questions relatives à la
gestion de l’exploitation
Voir ses enfants grandir
Une vision commune d’approche « développement durable » : gérer l’énergie,
l’environnement, vendre localement et avec le moins d’intermédiaires possibles
Objectifs communs
Une vision entrepreunariale et non patrimoniale de l’exploitation qui doit avoir une réa-
lité économique durable
146
b) Scénarios envisageables :
– une banque de travail ;
– une mise en commun des parcellaires et des itinéraires techniques ;
– la fusion des deux exploitations en une seule société ;
– un GAEC partiel pour les surfaces et le maintien des élevages individuels
(SARL…).
d)
Les tailles des exploitations augmentent, les regroupements d’exploitation sont plus
fréquents, aussi les scénarios d’évolution des exploitations décri- vent une
croissance de l’emploi salarié et une augmentation des sociétés entre tiers. Ces deux
alternatives ne sont pas les seules, il y a place pour inventer des formes nouvelles
d’exploitation et de relations entre les exploi- tations qui répondent aux même
objectifs.
Les méthodologies proposées dans cet ouvrage pour réfléchir une embauche ou une
mise en société peuvent déboucher sur d’autres solutions :
– banque d’entraide ;
– GAEC partiel ;
– équipements en commun (CUMA) ;
– assolement et itinéraire technique en commun ;
– bâtiments en commun ;
– délégation de la gestion d’une production commune (assolement, por- cherie
collective…) à un salarié de groupement d’employeurs ;
– SARL de commercialisation en commun ;
– etc.
Il faut donc toujours commencer par mettre à plat les objectifs et les freins avant de
chercher et inventer les solutions adaptées et éviter les démarches qui présupposent
leur solution.
148
Sigles et abréviations
Cible est une collection conçue plus particulièrement pour les parcours de
formation préparant au brevet professionnel option responsable d’exploita-
tion agricole (BPREA).
Cette ressource, plus particulièrement conçue pour l’UCP 3 du BPREA, est aussi
adaptée à d’autres parcours de formation de l’enseignement et de la forma-
tion agricoles et peut être utile à tout exploitant agricole, voire même à tout
chef d’entreprise.
14 €
ISSN 1258-083X
EG28
ISBN 978-2-84444-705-0