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Débats
local (l'alcaloïde est extrait des feuilles de coca à des fins médicales et les résidus
décocaïnés sont ensuite envoyés à Coca-Cola pour aromatiser sa fameuse boisson).
Sauf que personne n'en parle jamais en ces termes. Aucun médecin ne dit à son
patient « je vous conseille de prendre de la smack à partir de maintenant » et aucun
spécialiste de la perte de poids ne va vous demander si vous avez déjà essayé la
meth. Imaginez un dentiste qui prie son patient d'ouvrir grand la bouche pour qu'il
puisse lui injecter un peu de coke dans les gencives. Le jargon médical remplace
évidemment l'argot de la came pour tracer une frontière nette entre une
consommation illicite, grandement stigmatisée, et son analogue pharmacologique
et médical. Dans les recommandations qu'il publie en ligne à destination des
personnes atteintes du cancer prenant de la diamorphine, l'Institut britannique du
cancer a choisi d'omettre complètement le mot héroïne, afin d'occulter tout lien
avec l'usage récréatif de la substance.
Sauf qu'il n'y a pas de distinction nette entre les drogues qui vous « ouvrent les
portes de la perception » et celles qui ne le font pas – la marijuana, la kétamine,
l'ecstasy et plein d'autres substances peuvent parfois produire des effets
hallucinogènes qui n'ont rien à envier à un trip psychédélique. Mais en règle
générale, lorsque nous parlons des hallucinogènes, nous nous référons à une
quantité limitée de champignons et de plantes – et les substances de synthèse qui
en sont dérivées en laboratoire – qui modifient les niveaux de sérotonine dans le
cerveau pour produire des hallucinations et altérer la conscience de manière très
vive. Et tous ces produits ne sont pas illégaux. La sauge des devins (salvia
divinorum) possède de puissants effets psychédéliques sans être interdite dans la
plupart des pays extérieurs au Commonwealth britannique. Idem pour des
champignons magiques qui peuvent être achetés tout à fait légalement dans
certains pays comme la Jamaïque et le Brésil. Une dérogation spéciale existe même
aux États-Unis pour permettre aux membres de la Native American Church de
consommer un cactus hallucinogène, le peyotl, une législation faisant suite à une
plainte de l'Église contre la DEA qui voulait interdire ces plantes utilisées depuis
quatre mille ans par les communautés amérindiennes.
« Amélioration de la conscience »
Matériellement, que se passe-t-il ? Dans la seule étude de ce type, il a été observé
que la psilocybine et le LSD augmentaient la diversité des signaux neuronaux, ce
qui pouvait générer une « amélioration de la conscience ». Reste qu'il est difficile
de savoir précisément ce que cette diversité augmentée de nos signaux neuronaux
peut signifier au quotidien. À l'évidence, vivre un trip psychédélique ne se traduit
pas d'une manière positive sur le plan de la mesure ordinaire de l'intelligence.
Comme le déclarait le psychologue Arthur Kleps devant le Congrès américain en
1966 : « si je devais vous faire passer un test de QI pendant l'administration de la
substance, alors qu'un des murs de la pièce s'ouvre pour vous donner un aperçu de
la splendeur des soleils galactiques et qu'au même moment, c'est votre enfance qui
commence à se dérouler devant votre œil intérieur comme un film en technicolor, il
y a fort à parier que cela soit un échec ».
Décrivant dans son livre LSD, mon enfant terrible l'histoire du LSD depuis son
invention jusqu'en 1979, Hoffman faisait part de ses profondes réserves quant aux
abus qui pouvaient être faits avec le LSD, tout en exprimant par ailleurs son
optimisme vis-à-vis du potentiel de la substance. Hoffman voulait faire comprendre
à ses lecteurs que le LSD était une drogue altérant profondément l'âme et la
conscience, et qu'elle n'était donc pas recommandée dans les fêtes, les discothèques
ou les raves. « À ce jour, l'histoire du LSD démontre largement combien les
conséquences peuvent être catastrophiques lorsque la profondeur de ses effets est
mal évaluée et que la substance est confondue avec une drogue récréative », alertait
ainsi Hoffman. « Une préparation interne et externe spéciale est nécessaire et, avec
elle, la consommation de LSD peut devenir une expérience édifiante. Mais à cause
d'une utilisation incorrecte et impropre, le LSD est devenu mon enfant à
problèmes ».
Ne soyez pas surpris par le score de risque ridiculement bas attribué au LSD et aux
champignons hallucinogènes. Comme l'écrit David Nutt, neuroscientifique et
ancien conseiller principal du gouvernement britannique sur les drogues : « À notre
connaissance, les psychédéliques sont parmi les drogues les plus sûres. La surdose
mortelle est quasiment impossible, ils ne causent aucun préjudice physique et ils
semblent même empêcher l'addiction ». Trois raisons peuvent expliquer pourquoi
les psychédéliques sont considérés comme l'un des rares types de drogues non
dépendantogènes. Dans son classique sur la question publié en 1984, le pionnier de
la recherche scientifique sur les drogues, Norman Zinburg, décrivait l'ennui que
causait rapidement la consommation d'hallucinogènes. Contrairement à d'autres
substances génératrices de sensations intrinsèquement agréables, la plupart du
temps, la profondeur et l'agrément d'un trip psychédélique sont relatifs à la
nouveauté de l'expérience. Et la nouveauté n'est pas un phénomène durable : la
première fois que vous regardez dans un kaléidoscope, vous pouvez être fasciné par
la gamme de couleurs que vous y verrez, sauf que peu de gens voudront passer le
reste de leur vie à le faire tous les jours. Deuxièmement, les psychédéliques ne
provoquent aucun effet de manque. Troisièmement, et c'est là peut-être la raison la
plus importante, le cerveau développe rapidement une tolérance aux substances
psychédéliques, ce qui fait que ces drogues perdent de leur effet si elles sont
consommées trop souvent.
Des études de cas observent des effets indésirables du LSD, comme des crises de
Des données qui ne cadrent pas très bien avec la théorie des hallucinogènes
liquéfiant la cervelle, qui semble bien plutôt tenir de la légende urbaine.
Très bien, mais qu'en est-il des crises de panique et autres accidents survenant
durant un bad trip ? Après tout, le phénomène peut être si effrayant que des gens se
retrouvent à l'hôpital ou à courir nus sur l'autoroute. Lors d'une expérience
scandaleuse de la CIA en 1953, le scientifique Frank Olson allait consommer sans le
savoir du LSD dissout dans une bouteille de Cointreau et plonger quelques jours
plus tard dans une profonde dépression. Raison pour laquelle il se serait jeté du
dixième étage d'un immeuble de New York. En 2015, le fils du musicien Nick Cave,
Arthur Cave, est décédé des suites d'une chute alors qu'il hallucinait sous LSD. Il va
sans dire qu'il n'est pas recommandé de droguer des personnes à leur insu ou de se
promener le long d'une falaise en consommant des hallucinogènes. Sauf que des
gens ivres se jettent par la fenêtre ou tombent de leur balcon tous les jours, et que
les cas où seule la consommation de psychédéliques, sans alcool ni autre substance,
peut clairement être considérée comme la cause de telles tragédies sont quasiment
introuvables dans la littérature scientifique.
La plupart des gens ne feront pas de bad trip en consommant des psychédéliques et
même chez ceux à qui cela arrive, la chose n'est en réalité pas si terrible. Une étude
sur les effets à long terme d'un bad trip a été menée auprès de 2 000 personnes
ayant un jour vécu une telle expérience avec des champignons magiques. Sur
qui veulent à tout prix montrer qu'ils sont plus saints que leurs adversaires. Cela n'a
rien d'un exercice de protection des individus ni d'une tentative de promotion du
bien-être humain. Et cette invasion de nos libertés fait que nous avons au moins
quarante ans de retard en matière de traitement de la dépression, de l'anxiété et
peut-être même de tout un éventail d'autres troubles médicaux et socio-spirituels.
Dans cet article, je me suis concentré sur les avantages empiriquement mesurables
des psychédéliques et je n'ai pas exploré le phénomène émergent du microdosage :
la consommation de substances psychédéliques en quantités infimes, en deçà du
seuil de l'expérience psychoactive et ce afin de soulager le stress ou de favoriser la
concentration et l'imagination. Je n'ai pas non plus décrit d'autres pistes
intéressantes que nous n'avons pas encore testées ou comprises. Dans La
Constitution de la Liberté, F.A. Hayek écrivait « il sera toujours possible de mettre
en avant les avantages tangibles et immédiats qui résulteront d'un empiétement sur
la liberté, alors que les bienfaits auxquels on renonce seront, par leur nature,
toujours indéfinis et incertains ». Dans le débat sur les drogues psychédéliques,
qu'on se rappelle qu'en matière de réduction des maux, les promesses de la
prohibition doivent être pondérées par tous les bienfaits que ces substances sont
susceptibles nous apporter – et ce qu'ils soient connus ou incertains.
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Accoutumance et dépendance
Il existe en pharmacologie, notamment pour les psychotropes des notions qu’on nomme l’
accoutumance et la dépendance.
L’accoutumance, c’est augmenter les doses pour avoir le même effet.
La dépendance, c’est être aussi mal, voire encore plus mal quand on arrête.
Pendant des décennies, on a prescrit des médicaments psychostimulants (amphétamines, entre
autres) extrêmement efficaces, à court terme, dans tous les domaines, la dépression notamment.
Mais tellement délétères à long terme, notamment à cause de l’accoutumance et de la
dépendance, qu’ils ont dû être interdits.
Cet article semble d’une naïveté incroyable.
Le problème
Quand on voit des éléphants roses et qu'on conduit c'est de bien passer entre les deux.
Mais trêve de plaisanterie on peut très bien vivre sans en prendre (j'exclue les gens malades)