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Pourquoi il faut légaliser les drogues psychédéliques - Le Point https://www.lepoint.fr/debats/pourquoi-il-faut-legaliser-les-drogues-ps...

Débats

Publié le 27/04/2019 à 18:00 | Le Point.fr

À écouter ces dernières années les opposants au cannabis thérapeutique, on


pourrait presque croire qu'ils n'ont jamais entendu parler de l'utilisation de
substances psychoactives en médecine. Ces gens seraient sans doute étonnés
d'apprendre qu'en Angleterre, vous pouvez vous faire prescrire un antidouleur
appelé diamorphine, l'autre nom sophistiqué de l'héroïne. De même, ils pourraient
tomber de leur chaise en découvrant qu'un médicament anti-obésité, le Desoxyn,
n'est rien d'autre que de la méthamphétamine en pilule. Et que l'Adderall, un
traitement populaire du TDAH, est chimiquement et physiologiquement très
similaire à la méthamphétamine. Si vous avez subi une opération de la gorge, des
dents ou du nez, l'anesthésiste s'est peut-être servi de cocaïne pour engourdir vos
sens, car la substance restreint l'afflux sanguin mieux que tout autre anesthésique

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local (l'alcaloïde est extrait des feuilles de coca à des fins médicales et les résidus
décocaïnés sont ensuite envoyés à Coca-Cola pour aromatiser sa fameuse boisson).

Sauf que personne n'en parle jamais en ces termes. Aucun médecin ne dit à son
patient « je vous conseille de prendre de la smack à partir de maintenant » et aucun
spécialiste de la perte de poids ne va vous demander si vous avez déjà essayé la
meth. Imaginez un dentiste qui prie son patient d'ouvrir grand la bouche pour qu'il
puisse lui injecter un peu de coke dans les gencives. Le jargon médical remplace
évidemment l'argot de la came pour tracer une frontière nette entre une
consommation illicite, grandement stigmatisée, et son analogue pharmacologique
et médical. Dans les recommandations qu'il publie en ligne à destination des
personnes atteintes du cancer prenant de la diamorphine, l'Institut britannique du
cancer a choisi d'omettre complètement le mot héroïne, afin d'occulter tout lien
avec l'usage récréatif de la substance.

Des drogues qui vous « ouvrent les portes de la perception »


Malheureusement, camoufler les drogues illégales dans le monde médical a pour
conséquence de les rendre extravagantes, voire effrayantes lorsqu'elles sont
utilisées dans d'autres contextes. Qu'on ne s'étonne donc pas qu'un récent sondage
Vox ait révélé que la plupart des personnes interrogées s'opposaient de manière
écrasante à la légalisation de drogues psychédéliques (comme les champignons
hallucinogènes) à des fins récréatives et médicales, alors qu'une majorité était
favorable à la légalisation de la marijuana. La chose est d'autant moins surprenante
que, selon le même sondage, la plupart des gens ne veulent pas que la cocaïne,
l'héroïne ou la méthamphétamine soient utilisées à des fins médicales. Des gens
qui, là encore, ne savaient donc vraisemblablement pas que ces substances sont
déjà utilisées en médecine depuis des décennies. Alors que la lutte pour la
légalisation de la marijuana gagne peu à peu du terrain, il y a fort à parier qu'un
grand débat sur les psychédéliques soit une prochaine étape. Dans l'Oregon et à
Denver, où la marijuana a été légalisée à des fins récréatives, la dépénalisation des
champignons magiques – soit deux cents espèces contenant de la psilocine et de la
psilocybine, des alcaloïdes hallucinogènes – est soumise au scrutin populaire.

Sauf qu'il n'y a pas de distinction nette entre les drogues qui vous « ouvrent les
portes de la perception » et celles qui ne le font pas – la marijuana, la kétamine,
l'ecstasy et plein d'autres substances peuvent parfois produire des effets
hallucinogènes qui n'ont rien à envier à un trip psychédélique. Mais en règle
générale, lorsque nous parlons des hallucinogènes, nous nous référons à une
quantité limitée de champignons et de plantes – et les substances de synthèse qui
en sont dérivées en laboratoire – qui modifient les niveaux de sérotonine dans le
cerveau pour produire des hallucinations et altérer la conscience de manière très

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vive. Et tous ces produits ne sont pas illégaux. La sauge des devins (salvia
divinorum) possède de puissants effets psychédéliques sans être interdite dans la
plupart des pays extérieurs au Commonwealth britannique. Idem pour des
champignons magiques qui peuvent être achetés tout à fait légalement dans
certains pays comme la Jamaïque et le Brésil. Une dérogation spéciale existe même
aux États-Unis pour permettre aux membres de la Native American Church de
consommer un cactus hallucinogène, le peyotl, une législation faisant suite à une
plainte de l'Église contre la DEA qui voulait interdire ces plantes utilisées depuis
quatre mille ans par les communautés amérindiennes.

Huxley et son goût pour le peyotl


D'ailleurs, c'est peut-être cette dernière drogue – qui n'est pourtant pas le
psychédélique le plus couramment consommé – qui a fait le plus et depuis le plus
longtemps pour populariser l'usage. Dans les années 1950, le génie littéraire Aldous
Huxley allait prendre 0,4 g de mescaline, l'alcaloïde actif du peyotl, et décrire son
expérience dans son livre Les Portes de la perception. L'ouvrage sera ensuite d'une
grande influence sur Timothy Leary, psychologue un temps affilié à Harvard et
comptant parmi les principaux architectes de la grande vague des hallucinogènes
dans les années 1960. Leary comme Huxley ont par ailleurs expérimenté une
drogue encore plus forte, le diéthyllysergamide – plus connu sous le nom d'acide ou
LSD –, substance chimique dérivée de l'ergot de seigle.

Aujourd'hui, des scientifiques se mobilisent pour surmonter la raideur


bureaucratique qui étouffe la recherche sur les psychédéliques. Après trois ans de
négociations avec le gouvernement britannique, une équipe de chercheurs de
l'Imperial College de Londres vient de commencer à étudier la psilocybine issue des
champignons magiques pour comprendre ses effets sur certains symptômes
dépressifs. Les règles qui leur étaient imposées étaient des plus excessives : chaque
dose de psilocybine coûtant des milliers d'euros, elle devait être conservée dans un
coffre-fort comme s'il s'agissait de matériel radioactif susceptible d'être vendu à
l'Iran. Durant l'expérience, deux doses de psilocybine furent administrées à vingt
personnes souffrant de dépression réfractaire et ayant déjà tenté au moins deux
autres procédures thérapeutiques. De manière quasi immédiate et durant un suivi
de six mois, les scientifiques allaient constater que les symptômes dépressifs
avaient nettement diminué dans ce groupe. « Il n'y a tout simplement pas de mots
pour décrire ce que j'ai vécu, mais je peux dire que le récit négatif qui constituait
auparavant mon existence a complètement disparu », a ainsi déclaré l'un des
patients traités à la psilocybine. « Il a été remplacé par un sentiment de chaos
magnifique, un paysage d'un chatoiement et d'une beauté inimaginables. »

La psilocybine pour apaiser les cancéreux

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Dans une autre étude randomisée en double-aveugle et récemment menée à


l'université John Hopkins, 51 patients atteints d'un cancer potentiellement mortel
et souffrant de dépression ou d'anxiété relative à la peur de la mort ont reçu une
dose importante de psilocybine. Les deux tiers des patients allaient déclarer que
l'expérience fut l'une des plus importantes de leur vie. « Quelque part, j'ai été
capable de comprendre ce qu'est l'unicité », a ainsi déclaré l'un des malades enrôlés
dans l'étude clinique, tandis qu'un autre assurait avoir acquis des connaissances
métaphysiques sur la nature de la réalité en ces termes : « Le sentiment que tout est
Un. J'ai ressenti l'essence de l'univers. » En outre, 90 % des participants ont
consigné une diminution substantielle de leurs symptômes dépressifs et anxieux, et
l'un des auteurs de l'étude, Stephen Ross, a expliqué à Scientific American :
« Qu'une seule dose d'un médicament produise des résultats aussi conséquents et
durables est tout simplement sans précédent dans l'histoire de la psychiatrie. »

J'avoue être sceptique quant à la médicalisation de l'expérience psychédélique dont


fait écho ce commentaire. Si vous prenez le cas des opioïdes ou du cannabis
thérapeutique intégré au traitement de l'épilepsie ou de la douleur, les drogues ont
un niveau d'action qui n'exige pas nécessairement que le patient subisse leurs effets
psychoactifs, qui ne sont qu'un épiphénomène de leur action médicale. Une étude
révèle cependant que, concernant les psychédéliques, l'histoire est tout autre : « Les
effets thérapeutiques de la psilocybine ne sont pas qu'un simple produit d'une
action pharmacologique isolée, mais sont bien plutôt dépendants de l'expérience. »
Lorsque les personnes n'expérimentent pas de bouleversement psychédélique
profond, elles ne constatent pas d'amélioration de leurs symptômes. Ce qui signifie
que ce sont plutôt la modification radicale de l'état de conscience et les nouvelles
perspectives offertes sur la vie qui génèrent l'amélioration émotionnelle, plutôt que
d'autres actions pharmacocentriques de la substance. Mais tout comme il serait
impropre de qualifier de « médicament » une visite de l'archange Gabriel, cela n'a
aucun sens de qualifier de « médicament » une expérience bouleversant votre
vision du monde ou ce que vous pouviez penser de la structure métaphysique de
l'univers. Il serait sans doute plus juste de voir dans les traitements psychédéliques
une « expérience particulièrement profonde et merveilleuse de chambardement de
l'âme », susceptible de libérer certains individus des chaînes de l'anxiété et de la
dépression. Mais si la psilocybine n'était légalisée que pour « traiter » la dépression
et l'anxiété, cela reviendrait à dire que seules les personnes dépressives et anxieuses
ont le droit de vivre ces expériences « particulièrement profondes et
merveilleuses ». Comme s'il valait mieux assimiler les psychédéliques à des
« médicaments » qui ne seraient admissibles que pour des « malades », au lieu
d'admettre que leurs mécanismes d'action peuvent être tout aussi positifs pour
d'autres populations...

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« Amélioration de la conscience »
Matériellement, que se passe-t-il ? Dans la seule étude de ce type, il a été observé
que la psilocybine et le LSD augmentaient la diversité des signaux neuronaux, ce
qui pouvait générer une « amélioration de la conscience ». Reste qu'il est difficile
de savoir précisément ce que cette diversité augmentée de nos signaux neuronaux
peut signifier au quotidien. À l'évidence, vivre un trip psychédélique ne se traduit
pas d'une manière positive sur le plan de la mesure ordinaire de l'intelligence.
Comme le déclarait le psychologue Arthur Kleps devant le Congrès américain en
1966 : « si je devais vous faire passer un test de QI pendant l'administration de la
substance, alors qu'un des murs de la pièce s'ouvre pour vous donner un aperçu de
la splendeur des soleils galactiques et qu'au même moment, c'est votre enfance qui
commence à se dérouler devant votre œil intérieur comme un film en technicolor, il
y a fort à parier que cela soit un échec ».

Reste que la résolution de problèmes ou la survenue d'idées créatives sous LSD


sont bien connues. Le chimiste et Prix Nobel Kary Mullis, inventeur de la réaction
en chaîne par polymérase – processus permettant aux scientifiques de reproduire
rapidement de nouvelles copies d'ADN –, en est un consommateur. « Cela fut
certainement bien plus important que tous les cours que j'ai pu suivre », a ainsi
déclaré Mullis, attribuant sa découverte à un trip sous LSD. « Je pouvais fixer une
molécule d'ADN et voir les polymères se succéder ». Selon Richard Kemp, Francis
Crick, co-découvreur de la structure de l'ADN, lui aurait un jour confié avoir conçu
cette structure sous l'influence du LSD. Les inventeurs, architectes, musiciens et
autres artistes sont nombreux à expliquer la force de leur imagination par l'usage
de drogues psychédéliques. C'est le cas de Steve Jobs, fondateur d'Apple, qui avait
dit du LSD consommé dans sa jeunesse : « C'est la chose la plus profonde qu'il me
soit jamais arrivé. »

Les portes de l'enfer ou du paradis ?


Le premier bad trip au LSD a été expérimenté par son inventeur même, le chimiste
Albert Hoffman, qui est aussi le premier scientifique à avoir isolé et nommé la
psilocybine. En 1943, trois jours après avoir connu par hasard le premier trip sous
LSD de l'histoire, il allait en prendre sciemment 250 microgrammes. Hoffman dira
avoir eu l'impression d'étouffer, d'avoir un goût métallique dans la bouche, que ses
membres étaient plus lourds que des poutres d'acier. Autour de lui, les visages lui
apparurent grimaçants et son champ visuel se déforma alors qu'il criait et gémissait
des « paroles incompréhensibles », comme « à moitié fou ».

Avec des drogues comme l'alcool ou l'héroïne, la consommation se fait au moins


avec une certaine prévisibilité et régularité en termes d'effets. Timothy Leary
mettait en garde contre la fluctuation du « paysage » d'un trip sous acide,

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susceptible de changer du jour au lendemain chez un même individu tant


l'expérience dépend de son état émotionnel et psychologique. Dès lors, nous ne
savons jamais vers où le « trip » nous mènera, vu qu'il s'élabore à partir des régions
les plus profondes de l'esprit.

Décrivant dans son livre LSD, mon enfant terrible l'histoire du LSD depuis son
invention jusqu'en 1979, Hoffman faisait part de ses profondes réserves quant aux
abus qui pouvaient être faits avec le LSD, tout en exprimant par ailleurs son
optimisme vis-à-vis du potentiel de la substance. Hoffman voulait faire comprendre
à ses lecteurs que le LSD était une drogue altérant profondément l'âme et la
conscience, et qu'elle n'était donc pas recommandée dans les fêtes, les discothèques
ou les raves. « À ce jour, l'histoire du LSD démontre largement combien les
conséquences peuvent être catastrophiques lorsque la profondeur de ses effets est
mal évaluée et que la substance est confondue avec une drogue récréative », alertait
ainsi Hoffman. « Une préparation interne et externe spéciale est nécessaire et, avec
elle, la consommation de LSD peut devenir une expérience édifiante. Mais à cause
d'une utilisation incorrecte et impropre, le LSD est devenu mon enfant à
problèmes ».

Les hallucinogènes peuvent-ils vous cramer le cerveau ?


En 2010 et 2015, deux équipes de recherche indépendantes (dont l'une était
composée de quarante scientifiques) ont mené une « analyse de décision
multicritères » visant à classer les drogues les plus courantes en fonction des dégâts
que leur consommation causait aux utilisateurs et à leur entourage. Ces rapports
examinaient la nocivité des drogues selon seize critères différents – notamment :
mortalité par toxicité, mortalité par blessure, lésions corporelles spécifiques à la
drogue, lésions corporelles liées à la drogue, niveau de dépendance, déficience
mentale due à l'intoxication, déficiences dues à des causes secondaires liées à la
drogue, effets sur la qualité de vie (via, par exemple, une perte d'emploi ou une
chute des résultats scolaires) et sur les relations sociales. Ces deux équipes allaient
aboutir à des conclusions quasiment identiques : les drogues psychédéliques sont
parmi les drogues les moins nocives aujourd'hui consommées. Elles le sont même
considérablement moins que le cannabis et les champignons magiques sont la
drogue la moins nocive de toutes les substances passées au crible. Quant à l'autre
côté du spectre, l'analyse multicritères de 2015 conclut que : « Les données
confirment clairement que l'alcool doit être considéré comme la drogue la plus
dangereuse de toutes ». (Pour le comprendre en détail, il faudrait un autre article).

Ne soyez pas surpris par le score de risque ridiculement bas attribué au LSD et aux
champignons hallucinogènes. Comme l'écrit David Nutt, neuroscientifique et
ancien conseiller principal du gouvernement britannique sur les drogues : « À notre

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connaissance, les psychédéliques sont parmi les drogues les plus sûres. La surdose
mortelle est quasiment impossible, ils ne causent aucun préjudice physique et ils
semblent même empêcher l'addiction ». Trois raisons peuvent expliquer pourquoi
les psychédéliques sont considérés comme l'un des rares types de drogues non
dépendantogènes. Dans son classique sur la question publié en 1984, le pionnier de
la recherche scientifique sur les drogues, Norman Zinburg, décrivait l'ennui que
causait rapidement la consommation d'hallucinogènes. Contrairement à d'autres
substances génératrices de sensations intrinsèquement agréables, la plupart du
temps, la profondeur et l'agrément d'un trip psychédélique sont relatifs à la
nouveauté de l'expérience. Et la nouveauté n'est pas un phénomène durable : la
première fois que vous regardez dans un kaléidoscope, vous pouvez être fasciné par
la gamme de couleurs que vous y verrez, sauf que peu de gens voudront passer le
reste de leur vie à le faire tous les jours. Deuxièmement, les psychédéliques ne
provoquent aucun effet de manque. Troisièmement, et c'est là peut-être la raison la
plus importante, le cerveau développe rapidement une tolérance aux substances
psychédéliques, ce qui fait que ces drogues perdent de leur effet si elles sont
consommées trop souvent.

Si nous comparons les risques sanitaires des psychédéliques à ceux de l'obésité, se


taper du LSD pourrait être moins nocif qu'un hamburger, mais quid des
conséquences sur la santé mentale  ? Autant le dire tout de suite : la crainte de se
retrouver « coincé » dans un trip psychédélique ne repose à peu près sur rien.
Personne ne continue à ressentir les effets d'un hallucinogène lorsque le corps a
éliminé la substance, mais il existe un problème rare, le « syndrome post-
hallucinatoire persistant » (SPHP) dans lequel des individus peuvent être gênés par
des bruits et des tâches de lumière ou de couleur des semaines voire des mois après
une expérience psychédélique. Selon un article de Vice, certaines personnes
rapportent même ces soucis durant des années. Mais la journaliste de Vice
s'emmêle les pédales lorsqu'elle décrit le syndrome post-hallucinatoire persistant
comme « une maladie mal comprise que vous ne pouvez contracter que si vous avez
consommé des drogues hallucinogènes ». En réalité, de nombreuses études
montrent que ces mêmes symptômes peuvent se manifester spontanément et à la
même fréquence chez des gens qui n'ont jamais consommé de psychédéliques, ce
qui laisse entendre que l'ensemble du phénomène pourrait être une erreur de
diagnostic, et le SPHP une maladie rare possiblement sans lien avec les
hallucinogènes. Une analyse groupée de huit études à double aveugle contrôlées par
placebo révèle que, sur 110 personnes, les doses cliniques de psilocybine ne
permettent pas d'attester du moindre problème de santé mentale, y compris le
SPHP.

Des études de cas observent des effets indésirables du LSD, comme des crises de

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panique ou autres troubles anxieux. Mais vu que 10 % de la population américaine


essaiera du LSD au cours de sa vie et que 3 % de cette même population souffrira
un jour de problèmes de santé mentale, certains chercheurs estiment que ces
études ne font que révéler l'endroit où les courbes des risques de consommation de
substances hallucinogènes et d'incidents psychotiques se rejoignent. Dans une
étude publiée en 2017, seize personnes ont pris du LSD pour la première fois de
leur vie. Douze mois plus tard, les chercheurs ont demandé à leurs sujets ce qu'ils
pensaient de leur expérience. Aucun n'allait consigner d'effet négatif et quinze
personnes sur les seize enrôlées allaient la décrire comme l'une des expériences
plus positives et édifiantes de leur vie. Conformément à d'autres études, les
chercheurs ont conclu que l'utilisation de LSD précédait une amélioration à moyen
et à long terme de la santé psychologique. Une étude beaucoup plus conséquente
financée par le Conseil norvégien de la recherche et portant sur 21.979
consommateurs de LSD, de champignons magiques et de mescaline montre que la
consommation d'hallucinogènes n'est pas corrélée à une augmentation du risque de
SPHP, mais qu'elle s'associe à une incidence un peu inférieure à la normale de
problèmes de santé mentale. Un même constat a été fait chez les Navajos
consommateurs de peyotl.

Des données qui ne cadrent pas très bien avec la théorie des hallucinogènes
liquéfiant la cervelle, qui semble bien plutôt tenir de la légende urbaine.

Très bien, mais qu'en est-il des crises de panique et autres accidents survenant
durant un bad trip ? Après tout, le phénomène peut être si effrayant que des gens se
retrouvent à l'hôpital ou à courir nus sur l'autoroute. Lors d'une expérience
scandaleuse de la CIA en 1953, le scientifique Frank Olson allait consommer sans le
savoir du LSD dissout dans une bouteille de Cointreau et plonger quelques jours
plus tard dans une profonde dépression. Raison pour laquelle il se serait jeté du
dixième étage d'un immeuble de New York. En 2015, le fils du musicien Nick Cave,
Arthur Cave, est décédé des suites d'une chute alors qu'il hallucinait sous LSD. Il va
sans dire qu'il n'est pas recommandé de droguer des personnes à leur insu ou de se
promener le long d'une falaise en consommant des hallucinogènes. Sauf que des
gens ivres se jettent par la fenêtre ou tombent de leur balcon tous les jours, et que
les cas où seule la consommation de psychédéliques, sans alcool ni autre substance,
peut clairement être considérée comme la cause de telles tragédies sont quasiment
introuvables dans la littérature scientifique.

La plupart des gens ne feront pas de bad trip en consommant des psychédéliques et
même chez ceux à qui cela arrive, la chose n'est en réalité pas si terrible. Une étude
sur les effets à long terme d'un bad trip a été menée auprès de 2 000 personnes
ayant un jour vécu une telle expérience avec des champignons magiques. Sur

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ces 2 000 personnes, 3 avaient souffert de symptômes psychotiques et 3 autres


avaient tenté de se suicider. Et seuls 2 % des personnes interrogées allaient déclarer
que l'expérience avait eu un effet très négatif sur leur vie – contre 84 % pour qui ce
« bad trip » avait en réalité amélioré leur bien-être. « L'incidence des
comportements à risque ou des cas de détresse psychologique persistante est
extrêmement faible », conclut ainsi l'étude. Selon son auteur principal, Roland
Griffiths, « une expérience difficile, parfois décrite comme une catharsis, s'ouvre
souvent sur une issue à la signification personnelle positive ou spirituelle ». Pour le
dire plus simplement, la plupart des « mauvais voyages » finissent par être bons,
même si dans un très petit nombre de cas, cela peut être extrêmement
préjudiciable.

Les hallucinogènes dans un monde injuste


En Australie, le rapport 2018 sur les overdoses du Pennington Institute ne
mentionne à aucun endroit de ses 53 pages les mots « LSD », « champignon » ou
« psychédélique », pas même pour nous informer qu'aucun décès lié à ces drogues
n'est survenu en Australie cette année-là. En 2006, lors d'une session conjointe
entre la commission parlementaire britannique sur les sciences et les technologies
et le conseil consultatif du gouvernement britannique sur l'abus de drogues
(ACMD), il a été constaté que, dans toutes les archives disponibles, un seul décès
attribuable à la consommation de champignons magiques était consigné. Ce qui a
surpris ce comité, vu que les champignons hallucinogènes sont considérés comme
une drogue de classe A en Grande-Bretagne ayant, comme l'héroïne et le crack, un
« potentiel d'abus élevé ». Michael Rawlins, président de l'ACMD, allait déclarer :
« Je ne sais pas ce qui a pu passer dans la tête de ceux qui l'ont classé ainsi
en 1970 et 1971 ». Mais aucun changement législatif n'a été depuis opéré.

En 2008, le gouvernement des Pays-Bas a chargé ses propres scientifiques de


fournir un rapport sur les méfaits des champignons psilocybiques, jusqu'alors
légaux dans ce pays. Le rapport conseillait au ministre de la Santé de maintenir le
statut juridique des champignons magiques en concluant que : « l'utilisation de
champignons magiques conduit rarement (voire jamais) à une dépendance
physique ou psychologique, [ses] effets indésirables aigus et chroniques sont
relativement rares et en général légers [ses] effets sur la santé publique et l'ordre
public sont très limités et (…) la criminalité liée à l'utilisation, la production et le
trafic de champignons magiques est quasi inexistante ». Sauf que le ministre de la
Santé est allé dans la direction opposée et les champignons magiques sont interdits
aux Pays-Bas depuis 2008.

L'interdiction des psychédéliques est un microcosme de la guerre contre la drogue


menée de par le monde et ne fait qu'exposer l'exhibitionnisme moral des politiciens

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qui veulent à tout prix montrer qu'ils sont plus saints que leurs adversaires. Cela n'a
rien d'un exercice de protection des individus ni d'une tentative de promotion du
bien-être humain. Et cette invasion de nos libertés fait que nous avons au moins
quarante ans de retard en matière de traitement de la dépression, de l'anxiété et
peut-être même de tout un éventail d'autres troubles médicaux et socio-spirituels.

Dans cet article, je me suis concentré sur les avantages empiriquement mesurables
des psychédéliques et je n'ai pas exploré le phénomène émergent du microdosage :
la consommation de substances psychédéliques en quantités infimes, en deçà du
seuil de l'expérience psychoactive et ce afin de soulager le stress ou de favoriser la
concentration et l'imagination. Je n'ai pas non plus décrit d'autres pistes
intéressantes que nous n'avons pas encore testées ou comprises. Dans La
Constitution de la Liberté, F.A. Hayek écrivait « il sera toujours possible de mettre
en avant les avantages tangibles et immédiats qui résulteront d'un empiétement sur
la liberté, alors que les bienfaits auxquels on renonce seront, par leur nature,
toujours indéfinis et incertains ». Dans le débat sur les drogues psychédéliques,
qu'on se rappelle qu'en matière de réduction des maux, les promesses de la
prohibition doivent être pondérées par tous les bienfaits que ces substances sont
susceptibles nous apporter – et ce qu'ils soient connus ou incertains.

*Matthew Blackwell est un écrivain australien, diplômé de l'université du


Queensland en économie et en anthropologie.

** Cet article est paru dans « Quillette ». « Quillette » est un journal


australien en ligne qui promeut le libre-échange d'idées sur de
nombreux sujets, même les plus polémiques. Cette jeune parution,
devenue référence, cherche à raviver le débat intellectuel anglo-saxon
en donnant une voix à des chercheurs et des penseurs qui peinent à
se faire entendre. « Quillette » aborde des sujets aussi variés que la
polarisation politique, la crise du libéralisme, le féminisme ou encore
le racisme. « Le Point » publiera chaque semaine une traduction d'un
article paru dans « Quillette ».

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Par titi toto lili le 29/04/2019 à 08:25

Stress, imagination, concentration, mieux vivre, dépression etc.


C'est bon pour tout d'après vous, une population sous produits psychotropes le rêve des labos qui
fourniront et d'autres personnes que je vois très bien arriver.
Ca ne fait vraiment pas rêver.
Que ces produits servent à soulager des symptômes très spécifiques après recherches sur ce qui
peut survenir après usage, à voir, mais pour un usage plus étendu pour n'importe quoi : non.

Par Thorleifson le 28/04/2019 à 14:28

Accoutumance et dépendance
Il existe en pharmacologie, notamment pour les psychotropes des notions qu’on nomme l’
accoutumance et la dépendance.
L’accoutumance, c’est augmenter les doses pour avoir le même effet.
La dépendance, c’est être aussi mal, voire encore plus mal quand on arrête.
Pendant des décennies, on a prescrit des médicaments psychostimulants (amphétamines, entre
autres) extrêmement efficaces, à court terme, dans tous les domaines, la dépression notamment.
Mais tellement délétères à long terme, notamment à cause de l’accoutumance et de la
dépendance, qu’ils ont dû être interdits.
Cet article semble d’une naïveté incroyable.

Par titi toto lili le 28/04/2019 à 10:43

Le problème
Quand on voit des éléphants roses et qu'on conduit c'est de bien passer entre les deux.
Mais trêve de plaisanterie on peut très bien vivre sans en prendre (j'exclue les gens malades)

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