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www.atelier-du-livre.fr
(Caroline Joubert)
© Dunod, 2021
11 rue Paul Bert – 92240 Malakoff
ISBN 978-2-10-083106-7
Liste des auteurs
Sous la
direction de :
Charles Professeur, Laboratoire VCR, École de Psychologues Praticiens de l’Institut Catholique de Paris –
MARTIN- Équipe d’accueil « Religion, Culture et Société », Paris (France) ; Institut de recherche biomédicale
KRUMM des armées (IRBA), Brétigny. Il est également Associate-Editor de la revue European Journal of
Trauma and Dissociation (Elsevier).
Cyril Professeur, Université de Lorraine, APEMAC, Metz, Centre Pierre-Janet. Il est également Editor-in-
TARQUINIO Chief de la revue European Journal of Trauma and Dissociation (Elsevier) et Associate-Editor de la
revue The European Journal of Sexology and Sexual Health (Elsevier).
Avec la
collaboration
de :
Colette MCHU-HDR en psychopathologie clinique, membre de l’EE 1901 « Qualité de vie et santé
AGUERRE Psychologique » (QualiPsy).
Clara ANKRI Service de pédopsychiatrie, hôpital Salvator, Assistance publique-Hôpitaux de Marseille, Aix-
Marseille-Université, Marseille.
Jacques Professeur, directeur de l’École de Psychologues Praticiens de l’Institut Catholique de Paris.
ARÈNES
Aude AZEMA Hôpital La Conception, APHM, Marseille.
Arnold Center of Excellence for Positive Organizational Psychology, Erasmus University Rotterdam (Pays-
B. BAKKER Bas).
Élodie BARAT Maître de conférences, Laboratoire VCR, École de Psychologues Praticiens de l’Institut Catholique
de Paris – Équipe d’accueil « Religion, culture et société ». CRNL – Équipe « Trajectoires ». Inserm
Unité Mixte de Recherche-Santé (UMR-S) 1028, CNRS UMR 5292, Université Lyon 1.
Meike BARTELS Institut de recherche en santé publique d’Amsterdam,
Centre médical de l’Université d’Amsterdam (Pays-Bas).
Flora BAT Service de pédopsychiatrie, hôpital Salvator, Assistance publique-Hôpitaux de Marseille, Aix-
Marseille Université, Marseille ; Institut de neuroscience de la Timone, CNRS, Aix-Marseille
Université, Marseille.
Arnaud BÉAL Maître de conférences, Laboratoire VCR, École de Psychologues Praticiens de l’Institut Catholique
de Paris – Équipe d’accueil « Religion, culture et société ». Membre de la coordination et facilitateur-
chercheur Capdroits.
Martin BENNY Professeur de psychologie, Collège Montmorency, Laval, Québec (Canada).
Jean-Luc Professeur des Universités en psychologie ; laboratoire du Centre de recherche sur le travail et le
BERNAUD développement (CRTD) EA4132, CNAM, Paris ; président de l’Association française de psychologie
existentielle (AFPE).
Laurent BOYER Hôpitaux universitaires de Marseille, Aix-Marseille Université, faculté de médecine – Secteur
Timone, EA 3279 : CEReSS ;
Centre d’étude et de recherche sur les services de santé et la qualité de vie.
Gaël BRULÉ Université de Genève (Suisse).
Nicolas BUREL UER-EPS, Haute École pédagogique du canton de Vaud, Lausanne (Suisse).
Lionel GIBERT Institut de recherche biomédicale des armées ; département neurosciences et sciences cognitives ;
Unité NPS (NeuroPhysiologie du Stress),
Brétigny-sur-Orge et hôpital Paul-Brousse, APHP, Paris.
Clément Université Grenoble-Alpes, SENS, Grenoble.
GINOUX
Sonja HEINTZ École de psychologie, Université de Plymouth, Drake Circus, Plymouth (Royaume Uni).
Jean HEUTTE Professeur, Université de Lille, ULR 4354 – CIREL – Centre Inter-universitaire de Recherche en
Éducation de Lille.
Sandrine Université Grenoble-Alpes, SENS, Grenoble.
ISOARD-
GAUTHEUR
Yuri S. SCHARP Kimberley, Breevaart Center of Excellence for Positive Organizational Psychology, Erasmus
University Rotterdam (Pays-Bas).
Claudia SENIK Sorbonne Université et Paris School of Economics.
Rebecca Professeure des Universités en psychologie du développement, laboratoire « Développement,
SHANKLAND Individu, Personnalité, Handicap, Éducation », Université Lumière-Lyon 2.
Murielle Psychologue, doctorante, Université de Lorraine, APEMAC, Metz.
SMAILOVIC
Charlotte Maître de conférences, Laboratoire VCR, École de Psychologues Praticiens de l’Institut Catholique
SOUMET- de Paris – Équipe d’accueil « Religion, culture et société ».
LEMAN
Pierre-Louis Hôpitaux universitaires de Marseille, Aix-Marseille Université,
SUNHARY faculté de médecine – Secteur Timone, EA 3279 : CEReSS – Centre d’étude et de recherche sur les
DE VERVILLE services de santé et la qualité de vie.
Bibliographie
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positive et quelques suggestions quant à son avenir. In C. Martin-Krumm et C. Tarquinio
(éd.), Traité de psychologie positive (657-671). Bruxelles : De Boeck.
1. Par Charles Martin-Krumm et Cyril Tarquinio.
Partie 1
Cadrages théoriques
Chapitre 1
Le fonctionnement optimal en
société :
une analyse multidimensionnelle
du bien-être1
Sommaire
1. Une analyse historique du bien-être
2. Perspectives contemporaines sur le bien-être
3. Le fonctionnement optimal en société
4. Le fonctionnement optimal en société et la passion
5. Conclusion
Bibliographie
Résumé court
Dans ce chapitre, nous proposons une perspective
multidimensionnelle du bien-être soit le « fonctionnement optimal
en société » (FOS). Selon le FOS, une personne fonctionne de
façon optimale lorsqu’elle présente un haut niveau de bien-être
psychologique, social, et physique, qu’elle est performante dans
son domaine d’activité principale et qu’elle contribue à la société.
L’une des façons d’atteindre cet état consiste à s’engager dans
des activités par passion harmonieuse.
Résumé long
La psychologie positive consiste à l’étude scientifique des facteurs
qui mène au bien-être, soit au fonctionnement optimal d’une
personne. On remarque toutefois une absence de consensus sur
la définition du bien-être. Or, afin de pouvoir le favoriser, il faut
pouvoir le définir. Historiquement, le bien-être a été réduit soit à un
état de plaisir, soit à une quête de sens à la vie. Les théories
contemporaines proposent quant à elle que le bien-être soit un
phénomène multidimensionnel caractérisé par les aspects
adaptatifs du fonctionnement d’une personne. Toutefois, elles ne
s’entendent pas sur les aspects ou dimensions du fonctionnement
devant être considérés et se concentrent plus étroitement sur le
fonctionnement psychologique. La perspective du
« fonctionnement optimal en société » (FOS) propose qu’une
personne fonctionne de façon optimale lorsqu’elle présente un
haut niveau de bien-être psychologique, social, et physique, qu’elle
est performante dans son domaine d’activité principale et qu’elle
contribue à la société. Les dimensions du FOS s’avèrent promues
par un engagement soutenu dans diverses activités accomplies
avec une passion harmonieuse, un prédicteur connu du bien-être.
Les recherches réalisées à ce jour sur la passion et le FOS
soutiennent cette perspective.
5. Conclusion
En conclusion, nous voudrions attirer l’attention du lecteur sur les deux
messages principaux de ce chapitre. Tout d’abord, définir et conceptualiser le
bien-être humain est une tâche excessivement complexe qui a occupé les
esprits depuis millénaires et qui continuera à le faire. À ce jour, il semble
toutefois y avoir un certain consensus autour du fait qu’il faille dépasser la
dualité du bien-être hédonique et eudémonique, afin de se concentrer sur le
fonctionnement global de l’être humain. Dans cette optique, le modèle du
FOS (Vallerand, 2013, 2015) propose une représentation multidimensionnelle
et inclusive du bien-être global. Ce dernier inclut le bien-être psychologique,
social et physique, la performance dans la sphère d’activité principale de la
personne, ainsi que la contribution à sa communauté ou à la société.
Dans un second temps, faisant écho aux théories eudémoniques du bien-
être, il a été proposé que l’engagement dans des activités significatives pour
un individu représente un déterminant fondamental du fonctionnement
optimal. Toutefois, reposant sur le MDP, le FOS propose que la qualité de
l’engagement dans de telles activités joue un rôle fondamental dans cette
relation. Ainsi, ces activités significatives seraient une source de bien-être
uniquement lorsqu’elles sont accomplies avec une passion harmonieuse et
non une passion obsessive. Donc, en plus de proposer un nouveau construit
multidimensionnel du fonctionnement optimal, le FOS, et une mesure, nous
offrons aussi un modèle théorique permettant de prédire la nature de certaines
variables permettant de favoriser le FOS ou d’y nuire.
Plus de deux décennies après sa fondation, la psychologie positive
s’intéresse toujours aux questions entourant la définition du bien-être humain
et ses antécédents. Nous croyons que le FOS et le concept de passion puissent
apporter un éclairage nouveau à la psychologie positive. Dans ce cadre, les
recherches futures devraient s’avérer prometteuses.
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1. Par Léandre-Alexis Chénard-Poirier et Robert J. Vallerand.
Chapitre 2
Contribution des neurosciences
à la psychologie positive1
Sommaire
1. Les neurosciences : de quoi parle-t-on ?
2. Les neurosciences cognitives : un cadre conceptuel
pour appréhender l’adaptation
3. Les neurosciences biologiques : neuroplasticité et
adaptation
4. Les neurosciences sociales : un cercle vertueux pour
une adaptation positive
5. Les neurosciences affectives : le plaisir et la
récompense et leur régulation
6. Les neurosciences de l’interaction sociale
Conclusion
Bibliographie
Résumé court
Les neurosciences proposent des paradigmes et des techniques
d’enregistrement de l’activité cérébrale qui sont en plein essor.
Appliqués à la psychologie positive, ils permettent de proposer des
hypothèses mécanistiques pour appréhender le fonctionnement
optimal de l’individu et du groupe.
Résumé long
Les neurosciences ambitionnent d’appréhender les mécanismes
sous-tendant les comportements humains en situation et leur
transformation. Elles s’attachent à comprendre les conditions de la
neuroplasticité qui permettent une adaptation positive via les
comportements prosociaux. Elles posent l’importance de la
sécurité perçue et de ses corrélats neurophysiologiques pour
proposer un cadre de métacognition émotionnelle protectrice.
Cette métacognition serait associée à une meilleure régulation des
émotions positives et négatives pour permettre un fonctionnement
optimal. Notamment, elles proposent des réseaux
neurofonctionnels cibles et des corrélats neurobiologiques pour
évaluer l’efficacité des interventions déployés en psychologie
positive. Enfin, elles développent des paradigmes visant à
caractériser les interactions interpersonnelles positives ouvrant
ainsi la voie au développement d’interventions positives ajustées
au groupe. L’ensemble de ces champs d’études répond aux
questionnements de la psychologie positive en offrant un cadre
mécanistique neurofonctionnel et neurobiologique de
compréhension et d’évaluation des processus impliqués dans le
fonctionnement optimal de l’individu.
Conclusion
L’introduction à la psychologie positive de Jacques Lecomte – « La
psychologie positive est à la fois un art de vivre avec soi-même mais aussi
avec les autres. C’est dans cette optique qu’elle peut constituer un formidable
moteur du changement social » – conduit à intégrer les données des différents
champs des neurosciences pour aborder les mécanismes permettant
l’expression optimum de l’individu incarné, situé et étendu (Lecomte, 2014).
Les méthodologies et paradigmes développés ces dernières années en
neurosciences permettent de poser les étapes conduisant à une connaissance
plus fine du fonctionnement positif du cerveau humain.
Bibliographie
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Verdonk C, Trousselard M, Canini F, Vialatte F, Ramdani C. (2020). Toward a refined
mindfulness model related to consciousness and based on ERP. Perspectives on
Psychological Science 15 (4) : 1095-1112. https://doi.org/10.1177/1745691620906444
1. Par Charles Verdonk, Damien Claverie et Marion Trousselard.
Chapitre 3
Les influences génétiques
et environnementales
sur le bonheur et le bien-être1
Sommaire
1. Qu’est-ce que le bien-être ?
2. Revue des études de jumeaux antérieures sur le bien-
être
3. Nouvelles conclusions des études de jumeaux sur le
bien-être
4. Phénotypes apparentés
5. Influences spécifiques de la génétique moléculaire et
de l’environnement
6. Les orientations futures
Conclusion
Bibliographie
Résumé court
Avec l’évolution des conditions de vie, il est devenu très important
de cultiver et d’entretenir le bien-être. Au cours de la dernière
décennie, les recherches se sont développées afin de comprendre
les facteurs génétiques et environnementaux pouvant être
impliqués. Des études menées avec des jumeaux ont ainsi permis
de mieux comprendre les différences interindividuelles en matière
de bien-être.
Résumé long
À la lumière des grandes tendances mondiales (l’augmentation du
vieillissement des populations, l’accroissement de la longévité, la
diminution des taux de natalité, par exemple), il est crucial de
construire, de cultiver et d’entretenir le bien-être (BE), mais la
tâche devient aussi de plus en plus complexe et exigeante. Au
cours de la dernière décennie, les études menées sur des
jumeaux nous ont permis de mieux comprendre dans quelle
mesure les gènes et les environnements contribuent aux
différences individuelles en matière de bien-être. Nos
connaissances sur ces facteurs génétiques et environnementaux
ne cessent de s’accroître grâce aux études sur les phénotypes liés
au bien-être, aux extensions des études sur les jumeaux, aux
études sur la génétique moléculaire et aux études
environnementales. Ce chapitre donne un aperçu des orientations
passées, présentes et futures de la recherche génétique
comportementale sur le bien-être, le bonheur et les phénotypes
connexes.
Tableau 3.1 – Résumé des études de jumeaux sur le bien-être depuis 2015
N paires
A C
Référence Mesure Âge Sexe de jumeaux tMZ tDZ
(IC 95 %) (IC 95 %) (IC 95 %)
(MZ/DZ)
Haworth et al. SV 16,32 H 1 346 (693/653) 0,52 0,35 0,44 0,11 0,45
(2017) (0,68) (0,36- (0,05- (0,42-
0,52) 0,18) 0,48)
SO 1480 0,29
F 99 (72/27)
Unique 57 (32/25)
Frères 87
et
sœurs
Thege et al. Affect positif 17,85 H/F/SO 1 133 (354/779) 0,49 0,19 0,47 0,53
(2017) (0,77) (0,40- (0,46-
0,54) 0,60)
F 3 058
(1 640/1 418)
SO 2 370
SO 28
Røysamb et SV 57,11 H 537 (290/247) 0,35 0,05 0,32 0,68
al. (2018) (4,5) (0,23-
0,41)
Luo et al. Latent (SV 18,29 H/F 492 (304/188) 0,39 0,12 0,49
(2020) + BE affectif) (1,96) SO 116
F 449 (246/203)
SO 1483 0,16
F 904 jumeaux
(496/408)
F 979 jumeaux
(567/412)
Chilver et al. COMPAS-W 40,0 H/F 422 (292/130) 0,43 0,08 0,39 0,61
(2020) (13,0)
Développement Composite 16,55 H 158 (67/91) 0,55 0,32 Avant : 0,07 0,44
du bien-être (SHS + SV) (0,51) 0,48 (0,0-0,30) (0,36-
Haworth et al. (0,20- 0,55)
(2016) 0,64)
F 217 (100/117) 0,50 0,25 Pendant : 0,06 0,49
0,45 (0,0-0,26) (0,39-
(0,19- 0,60)
0,60)
4. Phénotypes apparentés
Comme nous l’avons évoqué dans les sections précédentes, le bien-être
n’est pas un construit unidimensionnel. Parallèlement au caractère
multidimensionnel de la définition du construit lui-même, il existe également
de nombreux phénotypes étroitement liés au bien-être. On a identifié
plusieurs catégories de ces phénotypes apparentés : les résultats défavorables
qui sont négativement liés au bien-être (par exemple, les symptômes
dépressifs (Baselmans et al., 2018), des traits connexes mais clairement
distincts tels que les caractéristiques de la personnalité (Baselmans et al.,
2019) et des phénotypes très proches qui sont parfois difficiles à séparer du
bien-être d’un point de vue conceptuel. Dans cette section, nous nous
concentrons sur les connaissances que les études de jumeaux nous ont
apportées sur cette dernière classe de phénotypes. Nous allons examiner plus
particulièrement l’optimisme, le sens de la vie, l’estime de soi et la résilience.
4.1 L’optimisme
L’optimisme peut se définir comme l’attente générale de résultats positifs
ou négatifs dans différents domaines de la vie, et est souvent mesuré à l’aide
du Test d’orientation de vie (Life Orientation Test, LOT) ou du LOT révisé
(LOT-R) (Scheier, Carver, 1985). Dans le contexte du bien-être, l’optimisme
est lié à une diminution des émotions négatives et à une augmentation des
affects positifs et de la satisfaction à l’égard de la vie (Ben-Zur, 2003 ;
Wrosch, Scheier, 2003). Une vaste méta-analyse a estimé à environ 0,50 les
corrélations phénotypiques entre l’optimisme et les différents aspects du
bien-être (Alarcon, Bowling, Khazon, 2013).
Le tableau 3.2a donne un aperçu des estimations d’héritabilité de
l’optimisme présentes dans la littérature existante. Toutes les études
mentionnées dans ce graphique ont mesuré l’optimisme à l’aide du LOT-R à
6 énoncés (Wootton et al., 2017 ; Mavioğlu, Boomsma, Bartels, 2015 ; Bates,
2015 ; Caprara et al., 2009 ; Thege, Littvay et al., 2017 ; Mosing, Pedersen,
Martin, Wright, 2010 ; Alessandri et al., 2010), à l’exception des études de
Plomin et al. (Plomin et al., 1992) et de Yuh et al. (Yul et al., 2010) qui ont
utilisé le LOT à 4 énoncés, et celles de Mavioğlu et al. (Mavioğlu et al.,
2015) et Whitfield et al. (Whitfield et al., 2020) qui ont eu recours au LOT-R
à 3 énoncés. Plomin et al. (Plomin et al., 1992) ont été les premiers à étudier
les causes des différences individuelles en matière d’optimisme. À partir d’un
modèle jumeau/adoption, l’optimisme mesuré par le LOT affichait une
héritabilité de 23 %, les 77 % restants de la variance étant dus à des facteurs
environnementaux non partagés. Comme le montre la figure 3.2a, les
estimations de l’héritabilité tirées d’études ultérieures ne diffèrent pas
sensiblement d’une étude à l’autre, même si les intervalles de confiance sont
très variables.
Figure 3.2a – Estimations de l’héritabilité de l’optimisme, de la résilience et du sens à la vie
Conclusion
Ce chapitre avait pour objectif de résumer la recherche en génétique
comportementale existante sur le bien-être, de montrer de quelle manière elle
a orienté la recherche sur le bien-être et de donner un aperçu des orientations
à donner à la recherche future. Alors que les dernières méta-analyses d’études
de jumeaux sur le bien-être ont été publiées il y a seulement cinq ans, le
domaine s’est rapidement développé depuis lors : les (300) premiers variants
génétiques du bien-être ont été identifiés, le domaine met de plus en plus en
doute les définitions existantes du bien-être, reconnaît l’interdépendance des
différents phénotypes liés au bien-être, et réfléchit à la manière d’améliorer
les modèles utilisés pour estimer les sources de variation du bien-être. Si
l’accent a d’abord été mis sur la quantité, le but étant d’obtenir la plus grande
taille d’échantillon possible au prix d’un phénotypage simple, nous nous
concentrons maintenant sur la qualité, avec la perspective d’améliorations
prometteuses de la mesure (par exemple, l’évaluation écologique
momentanée) et des analyses (c’est-à-dire des conceptions informatives du
point de vue génétique) du bien-être.
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1. Par Margot P. van de Weijer, Lianne P. de Vries et Meike Bartels.
Chapitre 4
Microbiote et bien-être
psychique1
Sommaire
1. Physiologie du microbiote intestinal et des liens
microbiote-intestin-cerveau
2. Physiopathologie du microbiote et troubles mentaux
associés
3. Soigner son microbiote pour augmenter son bien-
être : régimes et compléments alimentaires
Conclusion
Bibliographie
Résumé court
Des modifications de la composition du microbiote intestinal ont
été associées à la dépression et à l’anxiété. Le bien-être mental
peut être favorisé par l’adoption d’un régime alimentaire sain et la
prise de compléments alimentaires aux propriétés anti-
inflammatoires.
Résumé long
La composition du microbiote intestinal varie depuis la naissance
jusqu’aux âges les plus avancés. Ces modifications physiologiques
sont impliquées dans le bon déroulement de la croissance de
l’enfant, et joueraient un rôle dans le déclin cognitif chez les
personnes âgées. Cinq voies majeures de communication entre
les intestins et le cerveau ont été étudiées, confirmant les liens
entre microbiote et santé mentale.
Des altérations similaires de la composition qualitative et
quantitative du microbiote ont été retrouvées chez les personnes
souffrant d’un syndrome de l’intestin irritable, de dépression ou
d’anxiété.
Des interventions sur les modes d’alimentation, au premier rang
desquelles le passage d’un régime inflammatoire à un régime de
type méditerranéen, ont démontré leur efficacité dans le traitement
et la prévention de la dépression. L’alimentation anti-inflammatoire
et les compléments alimentaires tels que les probiotiques et les
oméga-3 ont un impact positif sur le microbiote, la santé mentale
et le bien-être psychique.
2. Physiopathologie du microbiote et
troubles mentaux associés
Les perturbations du microbiote jouent un rôle très probable dans la genèse
et/ou le maintien de troubles psychiques. Elles sont en effet une source
d’inflammation chronique qui a été identifiée comme facteur déclenchant et
facteur d’entretien de troubles mentaux, notamment de troubles de l’humeur à
travers la cascade de l’inflammasome déclenchée par l’interleukine 1 par
exemple et conduisant à une neuro-inflammation (Ellul, Boyer, Groc,
Leboyer, Fond, 2016). Cette théorie inflammatoire des troubles psychiques
vient compléter la théorie monoaminergique sans s’y substituer. D’autres
mécanismes peuvent expliquer le lien microbiote-troubles de l’humeur, dont
notamment la perturbation des différents axes microbiote-intestin-cerveau
sus-décrits.
Théorie monoaminergique
Théorie selon laquelle les troubles psychiques seraient dus à des
altérations de la transmission chimique interneuronale. Cette transmission
chimique implique la libération synaptique de monoamines : la sérotonine,
la noradrénaline, la dopamine.
Théorie inflammatoire
Théorie selon laquelle les troubles psychiques seraient dans certains cas
associés à une inflammation cérébrale.
Inflammasomes
Complexes multiprotéiques intracellulaires qui stimulent la production de
cytokines pro inflammatoires en réponse à des stresseurs ou à des micro-
organismes pathogènes. Ces complexes induisent également la mort de
certaines cellules lors de l’inflammation.
Plusieurs dizaines d’études animales ont montré le caractère « transférable »
de symptômes comportementaux par le transfert de microbiote, preuve de la
capacité du microbiote à influencer le comportement de son hôte. Ces études
concernent la dépression, l’anxiété associée au syndrome de l’intestin
irritable, mais aussi la schizophrénie et l’autisme. L’enjeu est désormais de
savoir ce qu’il en est chez l’humain.
Conclusion
Il existe des preuves solides de démonstration de l’efficacité de certaines
interventions ciblées sur le microbiote dans le maintien du bien-être
psychique, comme le régime méditerranéen. Il a prouvé une efficacité
préventive dans la survenue de la dépression dans des études longitudinales.
La consommation de légumineuses, d’oméga-3 et de vitamine D, la
suppression des aliments ultra-transformés, la diminution des sucres rapides
et des graisses saturées, l’arrêt du tabac et la diminution de l’alcool semblent
les meilleures recommandations que l’on puisse faire à ce jour aux individus
qui souhaitent optimiser leur bien-être psychique en protégeant leur
microbiote intestinal et leur intestin. Ces modifications s’intègrent dans une
approche holistique de l’individu, à côté des approches thérapeutiques, de
l’activité physique, du sommeil et de la luminothérapie entre autres.
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Chapitre 5
Les environnements
reconstituants1
Sommaire
1. Les environnements reconstituants (restorative
environments)
2. Implications pratiques
Conclusion
Bibliographie
Résumé court
Ce chapitre présente l’approche des environnements
reconstituants, ainsi que ses fondements théoriques. Ces
environnements présentent un potentiel thérapeutique, au sens où
ils ont un effet bénéfique sur la santé, le bien-être et les
performances des individus.
Résumé long
Les environnements reconstituants (restorative environments)
permettent et favorisent la restauration de ressources ou de
capacités qui se sont vues diminuées à la suite d’un effort
adaptatif. La théorie de la restauration de l’attention, proposée par
Kaplan, et la théorie de réduction du stress, proposée par Ulrich,
sont les deux principales théories de psychologie de
l’environnement qui sous-tendent cette approche. Pour Kaplan et
Kaplan (1989), les effets reconstituants d’un environnement
seraient dus à quatre facteurs : l’évasion, l’étendue, la fascination
et la compatibilité. Ainsi, ces environnements présenteraient un
certain potentiel thérapeutique, en contribuant à l’amélioration de
la santé, du bien-être et des performances des individus. Un
environnement peut devenir reconstituant par certaines de ses
caractéristiques ou certaines activités qu’il permet. Les principales
caractéristiques documentées dans la littérature sont l’exposition à
la nature et la présence de distractions positives. Ces éléments
doivent être pris en compte dans la conception et l’aménagement
des espaces.
2. Implications pratiques
Après avoir présenté ce qu’était l’approche des environnements
reconstituants, il convient d’en présenter les implications pratiques en termes
d’aménagement des espaces. Cette seconde partie présentera les effets
observés sur la santé et le bien-être des individus d’une part, et sur les
performances d’autre part.
2.2 Performance
Les environnements reconstituants peuvent également améliorer les
performances, même si ces effets restent moins documentés que ceux sur la
santé et le bien-être.
Dans leur méta-analyse, Ohly et al. (2016) ont mis en évidence une certaine
hétérogénéité des résultats des études concernant les effets bénéfiques de la
nature sur la restauration de l’attention et sur les performances à des tâches
cognitives impliquant une mobilisation de l’attention dirigée. Ils soulignent
notamment l’ambiguïté du concept d’attention dirigée dans ces études, se
traduisant par une diversité de mesures pour l’appréhender. Ainsi, les effets
bénéfiques de la nature ne se retrouveraient que pour certaines tâches et pas
pour d’autres. Pour eux, ce sont ces divergences méthodologiques qui
expliqueraient l’hétérogénéité des résultats obtenus.
Plus récemment, Stevenson et al. (2018) ont examiné quarante-deux
articles, publiés à compter de 2013, afin de déterminer les tâches pour
lesquelles être exposés à des espaces et éléments naturels présenterait des
bénéfices en termes de performance et de restauration de l’attention. Ils
concluent que l’exposition à des espaces et éléments naturels améliore
significativement les performances pour trois des huit types de tâches
cognitives. Ils constatent un effet bénéfique sur la mémoire de travail,
permettant aux participants soit de retrouver leur niveau de performance de
base, soit de l’améliorer. Un effet bénéfique est également observé sur le
contrôle attentionnel, évalué par des tâches consistant à focaliser son
attention sur une cible tout en ignorant des distracteurs, et sur la flexibilité
cognitive. Ces effets bénéfiques se retrouvent tant pour une exposition réelle
à des espaces ou des éléments naturels que pour une exposition virtuelle.
Pour les autres types de tâches (attention visuelle, vigilance, contrôle des
impulsions, vitesse de traitement), soit ils ne constatent pas d’effet, soit le peu
de données ne permet pas réellement de conclure. L’exposition à des espaces
et à des éléments naturels améliore donc la performance pour des tâches de
mémoire de travail, de contrôle attentionnel et de flexibilité cognitive.
L’exposition à un environnement naturel réel permet toutefois une meilleure
récupération qu’un environnement virtuel. Néanmoins, dans les études prises
en compte, la durée d’exposition à des environnements naturels réels était
plus importante que pour les environnements virtuels : une piste avancée par
Stevenson et al. (2018) est que la durée d’exposition pourrait également être
un facteur explicatif des effets bénéfiques constatés.
Enfin, les effets bénéfiques de la nature ont également été démontrés sur la
créativité. Ainsi, la présence d’éléments naturels au sein d’un espace de
travail, qu’ils soient réels ou artificiels, améliore performance et créativité,
comparativement à des espaces sans éléments naturels (Ayuzo-Sanchez,
2018 ; Chulvi et al., 2020 ; Ferraro, 2015 ; Shibata & Suzuki, 2004). Dans ce
type d’espaces, on constate une curiosité plus élevée, plus de nouvelles idées
et une meilleure flexibilité de pensée (Plambech & Konijnendijk, 2015 ;
Williams et al., 2018).
Conclusion
Ce chapitre a présenté l’approche des environnements reconstituants, en
mettant en évidence les principales caractéristiques d’un environnement qui
ont ce potentiel de permettre et favoriser la récupération des ressources et
capacités. Néanmoins, il est important de souligner que ces caractéristiques
doivent être en cohérence avec les individus : il ne suffit pas d’ajouter des
plantes vertes ou de la musique pour que les gens se sentent mieux ! En effet,
croire qu’il suffit d’ajouter des éléments naturels dans n’importe quel espace
pour améliorer récupération, santé et bien-être serait un raccourci rapide. Les
environnements reconstituants ne sont pas uniquement définis par des
caractéristiques objectives, ils deviennent reconstituants au regard de la
transaction entre un individu et son environnement. Par exemple mis en
évidence que les espaces naturels ne permettaient qu’une récupération limitée
pour les individus travaillant en forêt (Von Lindern et al., 2013). Cette
limitation serait due à la difficulté de mettre à distance les demandes et
contraintes de cet environnement : la forêt étant leur lieu de travail, elle ne
leur permet pas de s’évader de leur quotidien professionnel.
Les environnements reconstituants occupent une place centrale pour le
design fondé sur les preuves (EBD : evidence-based design), et
particulièrement pour la conception des centres de soins (Ulrich et al. 2008).
L’EBD consiste à concevoir des espaces en se basant sur les résultats
concrets d’études scientifiques crédibles, afin d’espérer obtenir les meilleurs
résultats possibles sur la guérison et la santé des patients (The Center for
Health Design, 2008). En effet, pour qu’un patient guérisse plus vite, il lui
faut un environnement propice à la guérison (healing environment, healing
space), un lieu lui permettant de se rétablir. Le concept d’environnement
propice à la guérison suggère que la conception des centres de soins, et
notamment les caractéristiques physiques des différents espaces, joue un rôle
dans le processus de guérison et le sentiment de bien-être des patients
(Dijkstra et al., 2006 ; Dodeler, 2014).
La question des environnements reconstituants devrait également avoir sa
place dans les réflexions concernant l’aménagement des espaces de travail,
ceci afin d’améliorer performance et bien-être des salariés.
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1. Par Virginie Dodeler.
Chapitre 6
Spiritualité, religion
et psychologie positive1
Sommaire
1. Spiritualité et religion : ouverture conceptuelle
2. Spiritualité, religion au service de la santé
Conclusion
Bibliographie
Résumé court
Depuis ces dernières années, la recherche en psychologie,
notamment dans le champ de la psychologie positive, s’est
intéressée aux effets des croyances et des pratiques spirituelles et
religieuses sur la santé ainsi que le bien-être des individus. Les
études dans le domaine semblent démontrer l’intérêt clinique de
l’intégration de ces notions dans le cadre psychothérapeutique.
Résumé long
Les processus d’adaptation de l’individu face aux événements de
vie sont nombreux. On constate que face à certaines situations,
les individus mobilisent des ressources internes en termes de
croyances, de valeurs ou de pratiques qui émanent ou s’inscrivent
dans le champ de la religion et de la spiritualité. De tels concepts
embrassent l’histoire de l’humanité depuis ses origines. La religion
et la spiritualité, bien que très proches, restent néanmoins des
notions distinctes. La spiritualité peut être définie comme la partie
de notre vie intérieure qui a un rapport avec l’absolu, l’infini ou
l’éternité, que ceux-ci soient conçus comme transcendants et
personnels ou bien comme immanents et impersonnels. La
religion, quant à elle, peut être envisagée comme un ensemble de
croyances et de dogmes définissant le rapport de l’homme avec le
sacré. Il s’agit également d’un ensemble de pratiques et de rites.
La recherche en psychologie, et notamment la psychologie
positive, se sont saisies de ces notions afin de mieux saisir leurs
effets sur la santé et le bien-être des individus.
1.2 La religion
La religion peut se concevoir comme un ensemble de croyances et de
dogmes définissant le rapport de l’Homme avec le sacré. Il s’agit aussi d’un
ensemble de pratiques et de rites propres à chacune de ces croyances. La
religion peut donc s’envisager comme un ensemble de croyances et de
pratiques qui réglementent la relation du croyant au sacré ou au divin. Elle
implique une qualité mystique et surnaturelle qui favorise la proximité au
transcendant et détermine la compréhension de sa relation aux autres dans le
contexte communautaire (Koenig et al., 2012). Concernant les monothéistes,
la religion est perçue comme reliant les individus de manière horizontale,
c’est-à-dire entre eux, et de manière verticale, c’est-à-dire, à la divinité (Dieu,
Allah…). Toutes les religions sont déterminées et influencées par de
nombreux phénomènes culturels permettant d’envisager la relation au divin,
une conception du monde et de répondre aux questions existentielles que les
individus peuvent se poser au regard de leur vie.
Religion
La religion se définit par un ensemble de croyances et de pratiques qui
réglementent la relation du croyant au sacré ou au divin. Ce système relie
des hommes entre eux et avec une instance non sensible, et donne sens à
l’existence.
Plus précisément, pour Pargament et al. (2007), la religion est à la croisée
du sentiment de sens et du sentiment de transcendance, et se définit comme
« une recherche de sens dans la façon d’être lié au sacré » (p. 745). Cela
implique un processus par lequel les individus découvrent le sacré, l’intègrent
et le transforment, dès lors qu’ils sont confrontés à un besoin de changement.
Dans la vision contemporaine, la religiosité est souvent réduite à son aspect
institutionnel et traditionnel, alors qu’historiquement elle était envisagée dans
une conception plus large. En effet, multidimensionnelle, la religion réunit de
nombreuses composantes telles que l’engagement religieux, l’affiliation
religieuse, l’attitude religieuse, la fréquentation des offices religieux, la
pratique de la prière (collective ou privée), la lecture ou l’étude des textes
fondateurs, etc.
Les recherches sur la spiritualité ont pris leur essor dans les années 1980. En
un quart de siècle, les publications relevant du mot-clé spirituality sur
PubMed ont vu leur nombre augmenter de façon exponentielle. Un des chefs
de file du champ de recherche qui rapproche spiritualité et santé, est le
psychiatre américain Harold G. Koenig. Il est coauteur du Handbook of
Religion and Health, paru en 2001. Pour Koenig, intégrer la spiritualité dans
le domaine de la santé est de l’ordre du bon sens, car la plupart des patients
atteints de maladies graves ont des besoins spirituels au même titre que des
besoins psychologiques, physiques ou sociaux. Ces besoins doivent donc être
pris en compte parce qu’ils ont une influence sur la santé voire sur la
mortalité. La spiritualité est une ressource ! Elle permet au patient de faire
face à la maladie. Psychologiquement, dans la mesure où la spiritualité
permet de diminuer le stress, l’anxiété, la dépression. Socialement, parce que
la spiritualité favorise les relations sociales et que cet aspect influence
positivement la santé, et par extension, le bien-être des individus.
En raison de son influence sur la santé, Koenig recommande même aux
professionnels du soin de s’intéresser à la spiritualité de leur patient comme
ils s’intéressent à leur consommation d’alcool ou de tabac.
Barbour (1997) présente quatre typologies d’interaction possibles entre la
science et la religion, les deux pouvant s’envisager dans des rapports
antagonistes (les deux cherchent mutuellement à nier leur prétention à la
vérité), d’indépendance (chacune gardant sa sphère d’expertise qui lui est
propre, par exemple la science s’occupant du corps et la religion de l’âme),
de dialogue (les deux collaborent sur des sujets communs de réflexion et de
recherche) ou d’intégration (articulation ou mise en lien des deux comme
c’est le cas de la recherche dans le domaine). La plupart des recherches qui
ont étudié les croyances et la pratique religieuses en lien avec la santé,
mettent en évidence que les personnes religieuses ou spirituelles sont en
meilleure santé physique et psychologique que les autres et qu’elles ont une
conduite et un style de vie plus sains et qu’elles font moins appel aux services
de santé (Koenig, 2000).
On montre d’ailleurs de manière assez convaincante que la maladie est à cet
égard propice à l’émergence d’un questionnement existentiel important.
Plusieurs sondages ont d’ailleurs révélé que les personnes malades
considéraient leur santé spirituelle comme aussi importante que leur santé
physique (Mueller, Plevak, & Rummans, 2001).
Conclusion
La spiritualité fait aujourd’hui partie des nouvelles conceptions de la santé
et de la maladie. Elle n’est ainsi pas cloisonnée dans une compréhension
purement médicale des choses.
Plusieurs raisons militent en faveur de l’intégration de la spiritualité dans la
prévention, les soins, les services de santé, ainsi que dans la pratique des
psychologues. D’abord parce que, les personnes malades elles-mêmes
demandent de plus en plus que cette dimension soit reconnue, et qu’à défaut
de leur être proposée, ils iront la chercher ailleurs. Une conception globale de
la santé et de la maladie plaide en faveur d’une intégration de la spiritualité.
Les médecins et les psychologues qui prennent le temps de discerner et de
découvrir les besoins spirituels des personnes malades peuvent ce faisant les
aider à révéler eux-mêmes des ressources insoupçonnées qui pourront les
aider à affronter l’épreuve de la maladie. Ensuite, des concepts de la
psychologie positive, largement imprégnés de la spiritualité et de la religion
(gratitude, pardon, de sagesse…) constituent des éléments clés pour améliorer
le bien-être des individus. L’enjeu est de taille car cette dimension représente
pour les professionnels un potentiel et constitue le cœur même de nos
interventions. Certes cela nous renvoie à notre propre spiritualité, à nos
croyances et à notre conception du monde. Charge à nous de faire la part des
choses et de ne pas amputer l’autre d’une partie de lui-même pour des raisons
plus idéologiques que cliniques.
Il faut cependant être prudent dans la façon d’intégrer la dimension
spirituelle en psychologie de la santé. Intégrer ne veut pas dire remplacer.
En effet, les personnes malades qui requièrent des soins d’ordre spirituel
demandent en même temps le bon diagnostic et la meilleure expertise
médicale possible. Certes, la prière est efficace, l’espoir guérit et le désespoir
tue (Dossey, 1997). Mais, si les croyances et les pratiques religieuses et
spirituelles semblent avoir une incidence sur la santé ou la guérison, aucune
n’a à ce jour démontré, que la spiritualité ou la religiosité protégeait de la
maladie. La maladie n’est pas le fait d’un manque de foi et la spiritualité ne
peut se prescrire comme on prescrit aujourd’hui de l’activité physique.
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1. Par Murielle Smailovic, Cyril Tarquinio, Camille Louise Tarquinio, Charles Martin-Krumm et
Pascale Tarquinio.
2. À noter que, dans cette même méta-analyse, sept études ne montrent pas d’effet ni positif, ni négatif.
3. Il existe une version courte en 6 items de l’échelle DSES (Bailly, 2010) :
« Je ressens la présence de Dieu. »
« Ma religion ou spiritualité m’apporte force et réconfort. »
« Je ressens une paix et une harmonie profonde. »
« Je ressens l’amour de Dieu, directement ou à travers les autres. »
« Je suis spirituellement touché par la beauté de la création. »
« J’aspire à être plus proche ou en harmonie avec Dieu. »
Chapitre 7
L’adaptation dans le champ de
la psychologie positive : quelles
distinctions
et relations conceptuelles
entre croissance post-
traumatique,
changement de valeurs
et résilience ?1
Sommaire
1. Réflexions autour de la question de l’adaptation
2. Croissance posttraumatique
3. Adaptation et changement de valeurs
4. Résilience
Conclusion
Bibliographie
Résumé court
Le champ de l’adaptation est complexe et ne peut se résoudre au
seul coping si usité en psychologie de la santé. Les modèles de la
résilience, de la croissance post-traumatique, et du changement
de valeurs peuvent aussi être invoqués lorsqu’il s’agit d’illustrer les
processus d’adaptation de l’être humain.
Résumé long
Le coping, employé pour désigner les efforts de modération et de
résistance d’un individu face aux impacts psychosociaux d’une
situation stressante, est un concept régulièrement rencontré en
psychologie de la santé. Néanmoins d’autres modèles, ne
s’opposant pas forcément au coping, sont associés au champ de
l’adaptation et permettent d’illustrer des situations de confrontation
à une adversité si bouleversante qu’elle fait tout voler en éclat et
ne laisse que l’option d’une réinvention et d’une reconstruction.
Ces modèles sont celui de la croissance posttraumatique où le
sujet va dépasser cet état mental pathogène pour se transcender
et grandir à partir de l’épreuve vécue, celui du changement de
valeurs où le bouleversement chez le sujet va se cristalliser en une
nécessité de changer ses valeurs, ses croyances, son regard sur
le monde, et celui de la résilience, processus durant lequel le sujet
devra à la fois attribuer du sens à l’événement, produire des efforts
de coping, et engager une mobilisation ou une acquisition de
ressources.
2. Croissance posttraumatique
2.1 Combattre les pensées intrusives et tenter
de réinterpréter
L’idée d’« épreuve » à vivre, à affronter ou à traverser est envisagée depuis
la nuit des temps comme une étape dans la vie des hommes. Une étape ou un
moment susceptible de les grandir et de leur permettre d’accéder à de
nouvelles formes de compréhension de ce qu’ils sont, ainsi qu’à une nouvelle
conception du monde et de leur rapport à lui. C’est à partir de telles idées que
le concept de développement post-traumatique (ou post traumatic growth, ou
PTG) trouve son origine. Ainsi, dans une telle approche de la confrontation à
un ou plusieurs événements de vie marquants pourrait donc ne pas être que
négative. Face à l’épreuve, le sujet serait confronté dans un premier temps à
l’apparition de pensées intrusives et automatiques. Ces intrusions sont en fait
envisagées dans ce modèle comme une première tentative de l’individu pour
intégrer l’évènement. Après un certain temps, on assisterait à des ruminations
mentales plus « constructives » qui permettraient au sujet d’analyser,
comprendre et entendre ce qui lui arrive. Pour décrire ce phénomène les
auteurs s’appuient sur la conception de Martin et Tesser (1996) qui
définissent les ruminations comme un processus volontaire et conscient,
orientées vers des objectifs précis dont la finalité est de donner du sens aux
évènements, de résoudre des problèmes et d’anticiper l’avenir. Il s’agit alors
de mettre du sens, de réinterpréter de manière plus adaptée ce qui vient
d’arriver. Une telle approche est conforme à ce qu’avançait Frankl (1963).
Selon lui, l’homme est fondamentalement motivé à trouver un sens à sa vie
au lendemain de la confrontation à des événements de vie éprouvants ou
douloureux. Il s’agit d’un effort de réflexion dans le but de comprendre
pourquoi l’événement traumatique est survenu et d’évaluer les impacts de cet
événement sur ses croyances, ses valeurs et ses priorités. L’individu est alors
pris dans un fonctionnement cyclique entre pensées intrusives, ruminations et
sentiment de détresse. C’est ce processus, dont il ne peut s’échapper, qui le
pousserait à mobiliser des ressources intérieures pour dépasser cet état mental
pathogène et négatif. Pour ce faire, il va devoir revisiter progressivement son
mode de vie, ses croyances et ses buts.
4. Résilience
4.1 L’évolution d’un concept
Rendue célèbre en France par les travaux de figures telles que Tisseron,
Anaut, et plus particulièrement Manciaux et Cyrulnik, la résilience a
cependant vu le jour et a connu une majorité de ses grandes avancées chez les
scientifiques anglo-saxons. Ainsi, la première utilisation du terme
« résilience » est généralement attribuée à Emmy Werner (Werner & Smith,
1982, 1992). Alors docteur en psychologie de l’enfance à l’université du
Nebraska, elle met en place une étude en 1954 à Hawaï au cours de laquelle
elle observe 698 enfants provenant de milieux défavorisés. S’intéressant
premièrement au handicap (physique ou mental) et aux comportements
antisociaux, elle s’interroge après constat sur la capacité de certains individus
à solutionner leurs problèmes et à poursuivre leurs développements. En effet,
trente ans après le début de l’étude, lors de son retour à Hawaï (1982),
certains de ces enfants défavorisés devenus adultes se sont développés
positivement : alors que deux tiers d’entre eux ont connu des problèmes et un
développement chaotique, un tiers des individus a en réalité repris le cours
d’une vie « normale », a appris à écrire, à lire, a appris un métier, et est
devenu un groupe d’adultes heureux et compétents. C’est pour qualifier ces
enfants, qu’elle a suivi de la naissance à l’âge adulte, de sujets « vulnérables,
mais invincibles » que Werner a utilisé le terme « résilience ». Même si
d’autres travaux se sont intéressés à la même époque aux notions voisines de
stress et de coping, de processus de protection, ou d’attachement
(e. g. Anthony, 1974 ; Garmezy, 1971 ; Masten & Garmezy, 1985) c’est bien
Emmy Werner, par son étude à Hawaï, qui a permis l’essor de la résilience.
La définition de la résilience proposée en 2001 par la Fondation de
l’enfance et par le groupe de travail dirigé par Manciaux (2001) envisage
cette notion comme « la capacité d’une personne, d’un groupe, à se
développer bien, à continuer à se projeter dans l’avenir en dépit d’événements
déstabilisants, de conditions de vie difficiles, de traumatismes parfois
sévères ». Cette définition est assez proche de celle des auteurs anglo-saxons
comme Luthar, Cicchettiet, et Becker (2000) pour qui « la résilience se réfère
à un processus dynamique englobant une adaptation positive dans un
contexte d’adversité significative ».
Pour Anaut (2003), « la résilience peut se définir comme la capacité de
sortir vainqueur d’une épreuve qui aurait pu être traumatique, avec une force
renouvelée. La résilience impliquant l’adaptation face au danger, le
développement normal en dépit des risques et le ressaisissement de soi après
un traumatisme ».
Retenons également la définition de Boris Cyrulnik (2001) pour qui la
résilience est « la capacité à réussir, à vivre et à se développer positivement,
de manière socialement acceptable, en dépit du stress ou d’une adversité qui
comportent normalement le risque grave d’une issue négative ».
Ainsi aujourd’hui en sciences humaines, la résilience peut se définir comme
un processus dynamique permettant à l’individu de rebondir après un
événement adverse plus ou moins sévère, ou après avoir souffert d’une
adversité plus chronique (i. e. qui perdure dans le temps, environnement
néfaste) (Luthar, Crossman, & Small, 2015 ; Masten, 2015).
Conclusion
Le champ de l’adaptation est complexe et ne peut se résoudre au seul coping
si usité en psychologie de la santé. Rappelons que la notion de coping
désigne un aspect du comportement humain par lequel un individu confronté
à des événements de vie difficiles et éprouvants cherche à leur faire face par
des réponses adaptées. À partir du cadre élaboré par Lazarus et Folkman
(1984), le coping a été étudié comme un modérateur des impacts
psychosociaux d’une situation stressante sur un individu.
Cependant, d’autres processus adaptatifs peuvent être convoqués en
psychologie de la santé afin de mieux situer les ajustements des malades. La
résilience, rendue célèbre en France par Boris Cyrulnik, en est une
illustration. La PTG, puis la théorie des valeurs, toutes deux évoquées dans ce
texte en sont également de bonnes illustrations. En effet, si ces modèles ne
s’opposent pas au coping, ils insistent sur le fait qu’il est des situations si
bouleversantes et si terribles dans la vie des hommes que tout est alors
susceptible de voler en éclats. Il nous est certes possible dans certaines
situations de composer avec la réalité, de s’en accommoder, voire de « se
débrouiller » avec ce qui est disponible. Mais à l’inverse il est des situations
qui font tout voler en éclat et qui ne laissent comme option que de tout
réinventer et reconstruire. Il s’agit alors de dépasser celui que l’on était et de
transcender tout ce qui jusque-là nous constituait, pour survivre. Il est donc
essentiel de faire la différence entre ce qui relève de l’épreuve2 ou des
situations extrêmes3, et ce qui relève des situations ordinaires qui peuvent
aussi être douloureuses (et qu’il ne faut pas relativiser), mais qui ne se
superposent pas.
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1. Par Clément Métais, Nicolas Burel, Charles Martin-Krumm et Cyril Tarquinio.
2. Les épreuves désignent des situations qui mettent notre vie physique et/ou psychique en péril,
nécessitent pour être dépassée la mobilisation de ressources nouvelles, souvent inédites.
3. Les situations extrêmes désignent, un ensemble d’événements qui plongent des personnes ordinaires
dans des conditions radicalement différentes de celles de leur vie habituelle.
Chapitre 8
Le bonheur a-t-il sa place
dans la sociologie ?1
Sommaire
1. À la recherche de traces du bonheur
2. Quels liens possibles entre sociologie et bonheur ?
Conclusion
Bibliographie
Résumé court
La sociologie est restée quelque peu en retrait des études sur le
bonheur en comparaison de la psychologie ou de l’économie. Ce
chapitre montre quelles sont les raisons historiques pour ce
désamour.
Résumé long
La sociologie est restée quelque peu en retrait des études sur le
bonheur en comparaison d’autres disciplines, au premier rang
desquelles la psychologie ou l’économie. En plus de certaines
raisons trouvées dans la littérature, ce chapitre se penche sur une
lecture historique de certaines trajectoires qui peuvent expliquer
pourquoi la sociologie reste en retrait des études actuelles. À
certaines raisons épistémologiques qui traversent les traditions
nationales viennent s’ajouter des particularités géographiques et
historiques. En particulier, au moment de la constitution de la
sociologie française comme discipline universitaire, dans les
années 1960, le travail d’exégèse s’est appuyé sur
l’antisubjectivisme prôné par Durkheim au début du siècle, en
opposition à Tarde et Worms, ce qui eut pour effet de délaisser les
ressentis et les sentiments individuels.
Il serait facile d’imaginer que le bonheur occupe une place centrale au cœur
de la sociologie. Si pour certains sociologues, « la sociologie est l’étude des
moyens de rendre le monde meilleur » (Du Bois et Wright, 2002, p. 5), même
celles et ceux qui ne la définissent pas en ces termes reconnaîtront que la
discipline a pour objectif une meilleure compréhension des mécanismes
sociaux, et d’ici, nous ne serions qu’à un pas de tendre vers une forme de
progrès social. Pourtant le bonheur, ou plus généralement le bien-être2,
semble être traité dans la plupart des écrits sociologiques comme un sujet
non-sérieux, non utilisable théoriquement ou empiriquement, en somme un
sérieux non-sujet. Face à un objet tiraillé entre la philosophie morale, une
science psychologisante, et les pratiques thérapeutiques portées par les
coachs et les chief happiness officers, certains sociologues se sont même
érigés en gardiens d’une science objectiviste et critique. Nous pourrions y
voir une hostilité de la sociologie envers le bonheur, toutefois de nombreux
pionniers de la discipline se sont pourtant risqués à évoquer le bonheur de
manière plus ou moins implicite. Ce chapitre se propose de comprendre le
degré d’adéquation des études sur le bien-être à la discipline sociologique.
Les frontières en permanente mutation de la sociologie et les voix
concordantes et discordantes qui la composent nous obligeront à adopter une
perspective historique et à étudier les écrits, les acteurs clés et les institutions
qui peuvent expliquer une certaine frilosité des sociologues à s’emparer du
sujet.
1. À la recherche de traces du bonheur
Le bonheur apparaît très tôt dans des écrits sociologiques. Dès 1824,
William Thompson, dont la critique du capitalisme a grandement influencé
Karl Marx, publie Une enquête sur les principes de la répartition des
richesses la plus propice au bonheur humain [An Inquiry into the Principles
of the Distribution of Wealth Most Conducive to Human Happiness]. Voyons
à quel point cette étude précoce a été suivie par les fondateurs et les
contemporains.
On s’attendrait à trouver l’évocation du bonheur sous la plume d’Auguste
Comte, inventeur des termes de « sociologie » et de « positivisme », puisque
ce dernier entendait faire du positivisme la science qui promouvrait le
bonheur (Plé, 2000). Il s’interroge très tôt sur les liens entre bonheur et
société : « Mais quels sont les moyens de bonheur pour la société ? »
(Berredo Carneiro et Arnaud 1970, p. 464) et voit dans le progrès moral « la
source principale de bonheur et de bien public » (Comte 1969), en ébauchant
déjà des pistes de réponse : « C’est la vertu qui permet de concilier la loi du
bonheur et la loi du devoir. » Dans son Système de politique positive, Comte
identifie trois conditions à l’émergence du bonheur : une conception
scientifique du monde, les sentiments d’amour et de vénération et une activité
sociale et naturelle ordonnée. Il influencera fortement John Stuart Mill, qui
prendra le bonheur comme focale centrale au sein de sa théorie utilitariste.
Chez Alexis de Tocqueville (2009), on aurait pu imaginer une sympathie
par rapport au sujet pour celui qui considère la démocratie comme le moyen
d’atteindre le plus de bonheur pour le plus grand nombre. Mais certains de
ses écrits invitent à la prudence, puisque derrière le bonheur peut se cacher la
main du despote, qui échangerait nos libertés contre un peu de bonheur.
« Au-dessus de ceux-là s’élève un pouvoir immense et tutélaire, qui se charge seul
d’assurer leur jouissance et de veiller sur leur sort. […] il aime que les citoyens se
réjouissent, pourvu qu’ils ne songent qu’à se réjouir. Il travaille volontiers à leur
bonheur ; mais il veut en être l’unique agent et le seul arbitre ; il pourvoit à leur
sécurité, prévoit et assure leurs besoins, facilite leurs plaisirs, conduit leurs
principales affaires, dirige leur industrie, règle leurs successions, divise leurs
héritages, que ne peut-il leur ôter entièrement le trouble de penser et la peine de
vivre ? »
Le bonheur est vu dans la critique tocquevillienne comme un outil de
contrôle, un moyen d’asservir les masses en répondant aux besoins de base de
chacun. On découvre un rapport au bonheur pour le moins ambivalent.
Marx nous dit que le bonheur est l’un des trois états qu’il faut chercher,
avec la tranquillité et la liberté. À cette fin, Marx, en suivant (tout en
critiquant) les travaux d’Adam Smith sur les sacrifices du travailleur, touche
aux prémices du bonheur comme objet empirique puisque selon lui, le travail
forcé se fait au prix de tranquillité, de liberté et de bonheur.
Une lecture des textes incontournables de Durkheim (1967) révèle une
omniprésence des rapports entre forces sociales et bonheur. Le premier
chapitre du deuxième livre de La division du travail était intitulé : « Le
progrès de la division du travail et du bonheur ». Pour Durkheim, le nombre
des suicides est un indicateur du « malheur moyen ». Malgré le pessimisme
auquel il est parfois associé, Émile Durkheim reconnut que la plupart des
gens semblaient être satisfaits de leurs vies, quelles que soient leurs
conditions. Il va jusqu’à caractériser le bonheur comme dépendant d’une
force capable de proportionner ses désirs à ses moyens, puisqu’« un vivant
quelconque ne peut être heureux et même ne peut vivre que si ses besoins
sont suffisamment en rapport avec ses moyens » (Durkheim, 1995, p. 272).
Cette force doit être de nature morale et supra-individuelle puisque la nature
humaine aurait spontanément des besoins insatiables, porteurs d’angoisses et
de dérèglements collectifs. C’est donc bien la société qui a pour vocation de
contenir et de modérer les passions.
Le rapport au bonheur de Max Weber est tout aussi ambivalent. Les textes
de Max Weber s’intéressent au bonheur par l’angle religieux, et notamment
sur le besoin des gens heureux d’être légitimés par la religion3. Mais, comme
le note Turner (2018), Weber rejette explicitement dans un de ces textes le
bonheur comme projet social. Partant d’une « posture pessimiste », Max
Weber écrit :
« Je crois que nous devons renoncer à créer un sentiment de bonheur par le biais
d’une quelconque législation sociale. Nous voulons, et ne pouvons faire autrement
que vouloir autre chose. Nous voulons entretenir et protéger ce qui nous paraît avoir
de la valeur en l’homme : la responsabilité individuelle, son envie profonde de tendre
vers des choses plus élevées, vers les valeurs spirituelles et morales de l’humanité »
(Hennis, 1987).
Parmi les pionniers, c’est peut-être Georg Simmel qui semble avoir la
compréhension la plus fine et la plus complexe du bonheur, qu’il livre
notamment dans sa critique du bonheur kantien. C’est une vision du bonheur
en lien avec sa vision de la modernité, comme un interstice entre un espace
de contraintes et un espace de possibles. Comme les auteurs précédents, il lie
le bonheur et la souffrance à l’espace social, puisqu’ils « dérivent des
relations accidentelles entre les besoins du sujet et la nature imprévisible de
ses destinées sociales, physiques et psychologiques ». Rejetant l’opposition
kantienne entre moralité et bonheur, le bonheur est, selon Simmel, la
conséquence de nos choix, actions et de notre « pratique quotidienne de
l’existence ». Ou, comme il le dit ailleurs, « Le bonheur est différent selon la
source à laquelle il s’alimente » (Simmel, 1997, p. 157).
Ainsi, le bonheur est bien présent chez les pères fondateurs mais
principalement sous forme de mention lyrique, comme horizon désirable
voire comme idéal d’un passé romantisé ou de manière tout à fait
périphérique ou occasionnelle. Voyons ce qu’il en est dans la sociologie
d’après-guerre.
Figure 8.1 – Évolution des publications en économie, psychologie et sociologie (réalisé à partir de la
World Database of Happiness)
Thin (2017) dresse un constat similaire en se penchant sur les missions des
associations de sociologie anglaise et américaine. Dans la rubrique « Qu’est-
ce que la sociologie ? », le site Internet de la British Sociological Association
indique dans la première phrase que : « la sociologie est l’étude de la manière
dont la société est organisée et de la manière dont nous faisons l’expérience
de la vie ». Si cette ambition générale semble pleine de promesses pour un
sujet comme le bonheur, l’on s’en écarte rapidement puisque dès les
premières lignes, les thèmes mis en avant sont la pauvreté, la criminalité, la
déviance et les comportements antisociaux. De même, dans sa page « Qu’est-
ce que la sociologie ? », l’American Sociological Association admet que sa
mission est de « servir le bien public ». Après cet appel prometteur, la
description de l’ASA n’inclut aucune référence à la façon dont les gens se
sentent ou comment ils évaluent leurs vies.
1.4 Un antisubjectivisme
En plus du « positivisme antipositif » qui semble parcourir la discipline, un
certain nombre de sociologues, y compris parmi les fondateurs, récusent le
point de l’acteur, et ce malgré l’émergence de courants comme la sociologie
des émotions développée par des auteurs comme Arlie Russel Hochschild ou
Theodore Kemper ou dans le contexte français d’une sociologie de
l’expérience ou de l’individualité comme chez François Dubet, Bernard
Lahire ou Danilo Martuccelli. Durkheim, par exemple, nous met en garde
quant à la validité du point de vue de l’acteur dans le cas du suicide :
« Comment savoir quel mobile a déterminé l’agent et si, quand il a pris sa résolution,
c’est la mort même qu’il voulait ou s’il avait quelque autre but ? L’intention est chose
trop intime pour pouvoir être atteinte du dehors autrement que par de grossières
approximations. Elle se dérobe même à l’observation intérieure. Que de fois nous
nous méprenons sur les raisons véritables qui nous font agir ! Sans cesse, nous
expliquons par des passions généreuses ou des considérations élevées des
démarches que nous ont inspirées de petits sentiments ou une aveugle routine »
(p. 4).
Conclusion
Les apports de la sociologie à l’étude du bonheur sont nombreux que ce soit
au niveau des méthodes, des indicateurs ou de la capacité à mobiliser des
études comparatives. Pourtant, force est de constater que les tenants de la
discipline sont restés quelque peu en retrait de l’étude de ce sujet, notamment
en comparaison des psychologues et des économistes. Nous avons mis en
avant certaines des raisons de ce désamour (inclination négativiste,
antisubjectivisme partiel et mise à distance d’un objet convoité par la
philosophie, la psychologie et les pratiques thérapeutiques). Pour autant, la
sociologie serait à même d’apporter une voix qui lui est propre et de répondre
à certaines des apories qu’elle a pu mettre en avant. Cela est vrai sur la
validité des mesures et les effets des contextes, mais également sur les cadres
d’interprétation existants qui pour la plupart se concentrent sur l’individu et
renvoient les collectifs et les dimensions sociales à de simples variables
environnementales. Il manque une théorie sociologique solide traitant le
bonheur comme une variable sociale, comme certains, dont nous-mêmes,
avons ont commencé à le faire. De même, une discipline riche en théorie
aurait beaucoup à offrir en termes de prismes explicatifs à un domaine qui est
bien souvent sous-théorisé. Cela demanderait une posture sociologique, qui
tout en étant vigilante sur les volets théoriques, méthodologiques et
empiriques, soit également confiante et ouverte quant à sa capacité à saisir
des objets a priori épineux. Comme l’a écrit Norbert Elias, « on a parfois
l’impression que les sociologues ne croient pas qu’il est encore possible de
faire dans leur discipline des découvertes aussi significatives et vérifiables
qu’en sciences naturelles ». À celles et ceux qui envisagent de réconcilier les
deux significations du terme « positif », rien n’empêche d’imaginer des
enrichissements mutuels à l’avenir au sein de la sociologie.
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1. Par Gaël Brulé. L’auteur tient à remercier Johan Heilbron, Rémy Pawin, Ophélie Bidet, Noé
Kabouche et Daniel Burnier pour des discussions et leurs retours sur ce chapitre.
2. Nous utiliserons ces termes sans distinction pour désigner l’ensemble des concepts liés à une
évaluation subjective positive de sa vie ; cf. Brulé et Maggino, 2017.
3. « En traitant ainsi la souffrance comme un symptôme de la haine divine et d’une culpabilité secrète,
la religion répondait sur le plan psychologique à un besoin très général. L’homme heureux se contente
rarement du fait d’être heureux ; il éprouve de surcroît le besoin d’y avoir droit. Il veut être également
convaincu qu’il “mérite” son bonheur et surtout qu’il le mérite par comparaison avec d’autres. Et il veut
donc également pouvoir croire qu’en ne possédant pas le même bonheur, le moins fortuné n’a que ce
qu’il mérite. Le bonheur veut être “légitime”. Si l’on entend par l’expression générale de “bonheur”
tous les biens que constituent l’honneur, la puissance, la possession et la jouissance, nous avons là la
formule la plus générale du service de légitimation que la religion devait rendre aux intérêts externes et
internes de tous les dominants, les possédants, les vainqueurs, les bien portants, bref de tous les
heureux : la théodicée du bonheur. Celle-ci est ancrée dans des besoins humains tout à fait substantiels
(“pharisiens”) ; elle est donc facilement compréhensible, bien qu’on prête souvent une attention
insuffisante à son action. »
4. La sainte famille (Marx, 1982, p. 526).
5. « La connaissance du monde social que donne la sociologie est sans nul doute une des conditions les
plus indispensables d’une pensée critique vraiment responsable. J’ai évoqué la nécessité de rompre
avec l’économisme et de promouvoir une action régulatrice prenant en compte tous les éléments
constitutifs d’une économie qui soit orientée vers le bonheur et non vers les seules valeurs de
productivité, de rentabilité et de compétitivité », Pierre Bourdieu, in « La saine colère d’un sociologue,
entretien avec L. Roméo », in Politis, 9 avril 1992, aussi in Interventions, 1961-2001Science sociale et
action politique, Agone, 2002.
« Plus précisément, il faut mettre en question radicalement la vision économique qui individualise tout,
la production comme la justice ou la santé, les coûts comme les profits et qui oublie que l’efficacité,
dont elle se donne une définition étroite et abstraite, en l’identifiant tacitement à la rentabilité
financière, dépend évidemment des fins auxquelles on la mesure, rentabilité financière pour les
actionnaires et les investisseurs, comme aujourd’hui, ou satisfaction des clients et des usagers, ou, plus
largement, satisfaction et agrément des producteurs, des consommateurs et, ainsi, de proche en proche,
du plus grand nombre. À cette économie étroite et à courte vue, il faut opposer une économie du
bonheur, qui prendrait acte de tous les profits, individuels et collectifs, matériels et symboliques,
associés à l’activité (comme la sécurité), et aussi de tous les coûts matériels et symboliques associés à
l’inactivité ou à la précarité » in Pierre Bourdieu, Contre-feux, Raisons d’Agir, 1998, p. 46.
Chapitre 9
L’autocompassion :
accueillir sa souffrance
avec bienveillance et
gentillesse1
Sommaire
1. Qu’est-ce que l’autocompassion ?
2. Les trois facettes de l’autocompassion
3. Autocompassion et bien-être
4. Autocompassion et estime de soi
5. L’autocompassion dans les relations avec les autres
6. La compassion s’enseigne-t-elle ?
Conclusion
Bibliographie
Résumé court
L’autocompassion consiste à faire preuve de bienveillance envers
soi-même en tant qu’être humain imparfait et à apprendre à faire
face avec plus d’aisance aux inévitables difficultés de la vie. Une
littérature empirique en plein essor a montré que la compassion
envers soi était fortement associée au bien-être émotionnel, à la
motivation, à des comportements favorables à la santé, à la
responsabilité personnelle, à la capacité à affronter les problèmes
et à de meilleures relations interpersonnelles. Les recherches
indiquent également que l’autocompassion peut être développée
par des formations relativement courtes, ce qui pourrait en faire un
moyen pratique d’accroître le bonheur.
Résumé long
Ce chapitre explore le lien entre l’autocompassion – une manière
positive de se comporter envers soi-même – et le bien-être.
L’autocompassion consiste à se traiter avec gentillesse, comme on
se comporterait avec un ami proche auquel on tient. Plutôt que de
se considérer globalement comme « bon » ou « mauvais »,
l’autocompassion consiste à faire preuve de gentillesse envers
nous-mêmes en tant qu’êtres humains imparfaits et à apprendre à
faire face avec plus d’aisance aux inévitables luttes de la vie. Elle
nous motive à apporter les changements nécessaires dans notre
vie, non pas parce que nous sommes sans valeur ou
incompétents, mais parce que nous nous soucions de nous-
mêmes et voulons atténuer nos souffrances. Nous allons présenter
un aperçu des recherches sur l’autocompassion. Une littérature
empirique en plein essor a montré qu’elle était fortement associée
au bien-être émotionnel, à la motivation, à des comportements
favorables à la santé, à la responsabilité personnelle, à la capacité
à faire face aux difficultés, et à de meilleures relations
interpersonnelles. Les recherches indiquent également qu’il est
possible de développer l’autocompassion par des formations
relativement courtes, ce qui pourrait en faire un moyen pratique
d’accroître le bonheur.
3. Autocompassion et bien-être
Alors que la vision hédoniste traditionnelle de la psychologie considère le
bien-être comme équivalent au bonheur, qui est conceptualisé comme le
rapport entre les expériences positives et négatives, les chercheurs en
psychologie positive reconnaissent de plus en plus la nécessité de prendre
davantage en compte les expériences négatives dans les théories du bien-être.
Parce qu’il est souvent impossible ni même bénéfique d’éviter toutes les
expériences douloureuses, Wong (2011) propose que la psychologie s’attache
à aider les individus à atteindre un niveau de fonctionnement optimal malgré
des circonstances de vie difficiles, en transformant et en transcendant les
expériences négatives en sources de force et de bien-être. À bien des égards,
cette perspective du bien-être ressemble beaucoup à l’autocompassion.
L’autocompassion accepte la souffrance comme faisant partie intégrante de la
condition humaine et l’enveloppe dans l’étreinte chaleureuse de la
compassion, générant par la même occasion des sentiments positifs d’amour,
de bienveillance et de connexion à autrui en apportant chaleur et soutien dans
les moments difficiles, l’autocompassion donne aux individus les ressources
émotionnelles nécessaires pour endurer des expériences douloureuses ou
difficiles. Elle adoucit et apaise également les émotions négatives, leur
permettant de se dissiper plus facilement, afin que les gens puissent rebondir
plus rapidement. Enfin, le fait de savoir qu’ils possèdent une force intérieure
capable de les porter à travers les moments les plus difficiles les rend plus
forts et plus disposés à affronter des situations défavorables à l’avenir. Ainsi,
l’autocompassion permet aux individus de s’épanouir et de grandir face à
l’adversité.
Pour résumer un corpus de recherche de plus en plus important, il ressort
clairement de la littérature que l’autocompassion est inversement associée à
la psychopathologie. Une méta-analyse de vingt études (MacBeth et Gumley,
2012) a trouvé une forte taille d’effet en examinant le lien entre
l’autocompassion et les états négatifs tels que la dépression et l’anxiété. Un
fort degré d’autocompassion est également lié à moins de rumination, de
perfectionnisme et de peur de l’échec (Neff, 2003a ; Neff, Hsieh et Dejitterat,
2005). La résilience qu’offre l’autocompassion contre les états d’esprit
négatifs pourrait être liée au fait que le taux de cortisol diminue et la
variabilité de la fréquence cardiaque (associée à la capacité de s’auto-apaiser
lorsqu’on est stressé) augmente lorsqu’on fait preuve de compassion envers
soi-même (Rockliff, Gilbert, McEwan, Lightman et Glover, 2008).
Si elle semble desserrer l’emprise de la négativité, l’autocompassion
n’élimine pas ou ne repousse pas complètement les émotions négatives. En
fait, les personnes les plus compatissantes envers elles-mêmes sont moins
susceptibles de réprimer les pensées et les émotions non désirées que celles
qui le sont moins (Neff, 2003a), et sont plus susceptibles de reconnaître et de
valider l’importance de leurs émotions (Leary et al., 2007 ; Neff, Hseih et
Dejitterat, 2005). Par exemple, Neff, Kirkpatrick et Rude (2007) ont soumis
les participants d’une étude à un entretien d’embauche fictif qui leur
demandait de « décrire leur plus grande faiblesse ». Les résultats indiquaient
que les niveaux d’autocompassion n’étaient pas liés au nombre
d’autodescripteurs négatifs utilisés par les personnes pour décrire leurs
faiblesses. Cependant, les individus les plus compatissants envers eux-mêmes
étaient moins susceptibles de développer de l’anxiété à la suite de l’entretien.
De plus, les personnes dotées d’une plus grande estime de soi avaient
tendance à utiliser un langage exprimant la connexion à autrui plutôt que
l’isolement lorsqu’elles décrivaient leurs faiblesses. Par exemple, elles
utilisaient moins la première personne du singulier « je », en faveur de la
première personne du pluriel « nous », et faisaient davantage de références
sociales aux amis, à la famille et aux autres. Ces résultats suggèrent que
l’autocompassion est capable de réduire les réactions émotionnelles
inadaptées, car les faiblesses paraissent moins menaçantes lorsqu’elles sont
considérées à la lumière de l’expérience humaine partagée.
Les recherches indiquent que l’autocompassion est également associée à un
certain nombre de forces psychologiques positives. Par exemple, les
personnes dotées d’un niveau élevé d’autocompassion déclarent se sentir plus
heureuses que celles en ayant un plus faible (Hollis-Walker et Colosimo,
2011 ; Neff, Rude et Kirkpatrick, 2007 ; Shapira et Mongrain, 2010 ; Smeets
et al., 2014). Elles font également preuve de davantage d’optimisme, de
gratitude et d’affects positifs en général (Breen, Kashdan, Lenser et Fincham,
2010 ; Neff, Rude et Kirkpatrick, 2007). L’autocompassion est également liée
à l’intelligence émotionnelle, à la sagesse, à l’initiative personnelle, à la
curiosité, à la flexibilité intellectuelle, à la satisfaction à l’égard de la vie et au
sentiment d’appartenance sociale, qui sont tous des éléments importants
d’une vie pleine de sens (Heffernan, Griffin, McNulty et Fitzpatrick, 2010 ;
Martin, Staggers et Anderson, 2011 ; Neff, 2003a ; Neff, Rude et Kirkpatrick,
2007). En outre, le trait d’autocompassion a été associé à des sentiments
d’autonomie, de compétence, de sens relationnel et d’autodétermination
(Magnus, Kowalski et McHugh, 2010 ; Neff, 2003a), ce qui suggère que
l’autocompassion aide à répondre aux besoins psychologiques de base que
Ryan et ses collègues (2013) considèrent comme fondamentaux pour le bien-
être eudémonique.
Afin de mieux comprendre pourquoi l’autocompassion génère un tel état
d’esprit positif en même temps qu’elle améliore les états d’esprit négatifs, il
est utile de considérer les trois composantes de l’autocompassion en termes
d’amour, de connexion, de présence (bienveillance, lien et pleine
conscience). Lorsque nous accueillons notre douleur avec une « présence
bienveillante et aimante », nous produisons simultanément des émotions
positives tout en atténuant nos émotions négatives par l’auto-apaisement
généré.
De nombreuses personnes restent méfiantes vis-à-vis de l’autocompassion,
qui les empêche d’adopter cet état d’esprit. Elles craignent que celle-ci leur
fasse du tort d’une manière ou d’une autre (Gilbert, McEwan, Matos et Rivis,
2011). Heureusement, la recherche a accumulé suffisamment de preuves pour
affirmer qu’il s’agit d’idées fausses, de croyances erronées et d’une mauvaise
compréhension de ce que l’autocompassion recouvre réellement.
Certains craignent qu’elle ne les affaiblisse. En fait, les psychologues ont
découvert qu’elle est une source puissante de résistance à l’adversité et de
résilience, qui donne la force de traverser un divorce (Sbarra et al., 2012), de
faire face à la douleur chronique et à d’autres problèmes de santé comme
le VIH ou le cancer (Edwards et al., 2019 ; Brion, Leary et Drabkin, 2014 ;
Zhu et al., 2019), et de survivre aux combats militaires avec moins de
symptômes de stress post-traumatique (Hiraoka et al., 2015). Ce n’est pas
seulement ce que vous affrontez dans la vie qui compte, c’est la façon dont
vous vous comportez envers vous-même quand la vie devient difficile qui
détermine votre capacité à traverser les difficultés. Par exemple, les niveaux
d’autocompassion des parents d’enfants autistes prédisent mieux la quantité
de stress qu’ils subissent que la gravité de l’autisme de leur enfant (Neff et
Faso, 2014).
Le plus grand obstacle à l’autocompassion est peut-être la croyance qu’elle
sapera notre motivation. D’après Robinson et al. (2016), la principale entrave
à l’autocompassion est la crainte qu’elle anéantisse les efforts déployés pour
atteindre les objectifs. Mais cette peur est-elle fondée ? On peut trouver une
bonne analogie dans la façon dont les bons parents motivent leurs enfants. Un
père aimant critiquerait-il impitoyablement son fils lorsqu’il échoue, en lui
disant qu’il est un raté sans espoir ? Certainement pas. Au lieu de cela, il
rassurerait son enfant en lui disant que l’erreur est humaine, et lui offrirait
tout le soutien nécessaire pour l’aider à progresser. L’enfant sera beaucoup
plus motivé pour essayer d’atteindre ses objectifs dans la vie en sachant qu’il
pourra compter sur les encouragements et le soutien inconditionnel de son
père lorsqu’il échoue, plutôt qu’en étant rabaissé et traité de bon à rien.
Cela semble facile à comprendre quand on parle de parentalité saine, mais il
n’est pas si facile d’appliquer cette même logique à soi-même. Nous sommes
profondément attachés à notre autocritique et, d’une certaine façon, nous
pensons que la douleur est utile. Si l’autocritique fonctionne parfois comme
un facteur de motivation, c’est parce que nous sommes animés par le désir
d’échapper à la sévérité de notre juge intérieur en cas d’échec. Mais si l’on
sait que l’échec sera accueilli par une déferlante d’autocritique, la simple idée
d’essayer peut devenir effrayante. Avec l’autocompassion, nous nous
efforçons d’atteindre un objectif pour une raison très différente – parce qu’il
nous tient à cœur. On pourrait dire que la motivation générée par
l’autocompassion vient de l’amour, tandis que la motivation générée par
l’autocritique vient de la peur. Si nous nous soucions vraiment de nous-
mêmes, nous agirons en vue d’être heureux, par exemple en entreprenant de
nouveaux projets stimulants ou en acquérant de nouvelles compétences. Et
parce que l’autocompassion nous donne la sécurité dont nous avons besoin
pour reconnaître nos faiblesses, nous serons mieux à même de les surmonter
pour progresser.
De nombreuses preuves empiriques soutiennent l’idée que l’autocompassion
renforce la motivation plutôt qu’elle ne l’affaiblit. Par exemple, bien que
l’autocompassion soit négativement liée au perfectionnisme, elle n’a aucun
lien avec le niveau de normes de performance adoptées pour soi (Neff,
2003a). Les personnes qui ont de la compassion pour elles-mêmes visent tout
aussi haut, mais elles reconnaissent et acceptent aussi qu’elles ne peuvent pas
toujours atteindre leurs objectifs. En outre, lorsqu’elles n’atteignent pas leurs
objectifs, elles sont plus susceptibles de se relever et de réessayer (Neely
et al., 2009). On a constaté que les personnes dotées d’un niveau
d’autocompassion élevé éprouvent moins d’anxiété motivationnelle et
adoptent moins de comportements auto-handicapants comme la
procrastination, que celles en ayant un niveau plus faible (Sirois, 2014). Dans
une série de quatre études expérimentales, Breines et Chen (2012) ont utilisé
l’induction d’humeurs pour engendrer des sentiments d’autocompassion vis-
à-vis des faiblesses personnelles, des échecs et des transgressions morales
passées. Par rapport à l’induction de l’estime de soi (« Pensez à vos qualités
positives ») ou d’une humeur positive (« Pensez à un passe-temps que vous
aimez »), l’induction de la compassion envers soi-même (« Exprimez de la
gentillesse et de la compréhension ») a entraîné une plus grande motivation à
changer positivement, à redoubler d’efforts pour apprendre, à réparer les
vieilles blessures et à éviter de répéter les erreurs passées.
L’autocompassion est bénéfique. Elle conduit à des comportements sains
tels que faire de l’exercice, bien manger et consulter son médecin (Sirois,
Kitner et Hirsch, 2015). En plus de modifier le comportement,
l’autocompassion améliorerait concrètement la santé en renforçant la fonction
immunitaire. Une étude de Breines et al. (2014) a montré que les personnes
ayant un niveau d’autocompassion plus élevé présentaient une meilleure
fonction immunitaire lorsqu’elles étaient exposées à un facteur de stress
standard en laboratoire (test de stress social de Trèves, en anglais Trier Social
Stress Test). En outre, l’autocompassion permettrait de prédire la réponse
immunitaire même lorsqu’on contrôle les niveaux d’estime de soi et de
dépression. Ce constat de base a été reproduit dans un groupe de personnes
qui ont suivi une brève formation à l’autocompassion (Arch et al., 2014).
Ainsi, l’autocompassion semble améliorer à la fois le bien-être physique et
mental.
6. La compassion s’enseigne-t-elle ?
Heureusement, l’autocompassion est une compétence qui peut être
enseignée et développée par la pratique. Une récente méta-analyse de vingt-
sept essais contrôlés randomisés portant sur des formations à
l’autocompassion (Ferrari et al., 2019) a montré non seulement une forte
augmentation de l’autocompassion, mais aussi une réduction des
psychopathologies avec des tailles d’effet moyennes à grandes. Germer et
Neff (2019) ont développé un programme de formation de huit semaines, le
Programme d’autocompassion en pleine conscience (mindful self-
compassion, MSC), qui aide les individus à développer une plus grande
compassion envers eux-mêmes et les autres, tout en renforçant la pleine
conscience qui sert de fondement à l’autocompassion. Un essai contrôlé
randomisé mené par Neff et Germer (2013) a révélé que la participation au
programme MSC entraînait une augmentation significative de
l’autocompassion, de la pleine conscience, de la compassion envers les autres
et de la satisfaction à l’égard de la vie, ainsi qu’une diminution de la
dépression, de l’anxiété, du stress et de l’évitement émotionnel. Les bénéfices
s’étaient tous maintenus au moment des suivis effectués au bout de six mois
et un an, ce qui indique que les compétences acquises au cours du programme
MSC ont été conservées dans le temps. Un autre essai contrôlé randomisé
mené auprès de patients diabétiques (Friis et al., 2016) a révélé que les
participants au programme MSC n’ont pas seulement constaté une baisse de
leur dépression et de leur détresse liée au diabète, mais ils ont également vu
leur glycémie diminuer de manière significative, ce qui suggère des bienfaits
sur le bien-être aussi bien physique que psychologique.
Conclusion
L’idée que notre réaction aux événements négatifs influence notre bien-être
n’est pas nouvelle dans le domaine de la psychologie positive. Pourtant, les
psychologues positifs ont eu tendance à se concentrer sur les effets tampons
des émotions positives, en accordant moins d’attention aux aspects
transformatifs des émotions négatives. Si l’on veut que la psychologie
positive soit plus équilibrée, et se concentre à la fois sur l’amélioration du
positif et la transformation du négatif, l’autocompassion doit être intégrée
dans son cadre général. La recherche montre que le fait prendre soin de soi
avec affection et compassion est un moyen puissant d’améliorer le bien-être
intra et interpersonnel. Lorsque nous sommes conscients de notre souffrance
et que nous l’accueillons avec chaleur et bienveillance, en nous rappelant que
la douleur fait partie de la condition humaine que nous partageons tous, nous
sommes capables de faire face aux difficultés de la vie avec plus de facilité.
Nous créons un état d’esprit aimant, connecté et équilibré qui contribue à
réduire les pathologies psychologiques tout en renforçant la joie et le
sentiment que notre vie a du sens. La compassion pour soi est une source
portable d’amitié et de soutien qui est disponible lorsque nous en avons le
plus besoin : lorsque nous échouons, faisons des erreurs ou faisons face à des
difficultés dans la vie. En combinant l’acceptation de notre expérience du
moment présent avec le désir plein de compassion d’être heureux et libéré de
la souffrance, nous maximisons notre capacité à guérir et à atteindre notre
plein potentiel. Heureusement, il est possible d’acquérir des compétences
d’autocompassion et de les maintenir dans le temps. Il semble donc
souhaitable que les formations psychologiques visant à améliorer le bien-être
positif mettent un accent particulier sur le développement de la compassion
envers soi-même.
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1. Par Kristin Neff.
Partie 2
Psychologie positive et santé
Chapitre 10
La santé mentale positive :
historique, développement
et enjeux actuels1
Sommaire
1. Le modèle de Keyes
2. Définition et composantes de la santé mentale
positive
3. Vers une approche processuelle de la santé mentale
4. Perspectives pour les politiques et les interventions
de promotion de la santé
5. Santé mentale et rétablissement
6. Bénéfices des interventions de psychologie positive
sur la santé mentale
Bibliographie
Résumé court
La santé mentale positive est composée du bien-être subjectif et
d’un niveau optimal de fonctionnement psychologique et social.
Une meilleure compréhension de ces dimensions et des
interventions permettant d’agir sur certains processus comme la
flexibilité psychologique peuvent contribuer à promouvoir la santé
mentale et la résilience.
Résumé long
Les discours sur la santé mentale ont souvent porté davantage sur
les maladies mentales. D’ailleurs, la santé mentale fut longtemps
comprise comme la simple absence de trouble mental. Or, dans
une perspective de prévention, de développement des
compétences de résilience et de la qualité de vie, il est utile de
s’appuyer sur une description positive des caractéristiques de la
santé psychologique. Ce chapitre présente différentes conceptions
et modèles permettant d’appréhender et de mesurer la santé
mentale dite « positive ». Les différentes composantes du modèle
de Keyes sur le bien-être subjectif et le niveau de fonctionnement
psychologique et social sont décrites, ainsi que l’approche
processuelle permettant de mettre en évidence des mécanismes
sous-jacents au bien-être durable. Il est possible de favoriser la
santé mentale positive en agissant sur des processus tels que la
flexibilité psychologique et l’autocompassion. Enfin, une
contribution possible des interventions de psychologie positive aux
politiques publiques de promotion de la santé est proposée.
1. Le modèle de Keyes
L’absence de trouble mental ne garantit pas un état de bien-être optimal.
C’est notamment ce que montent les travaux empiriques de Keyes (2002,
2005) et de Huppert et Whittington (2003). Leurs recherches mettent en
évidence l’indépendance entre le bien-être et les troubles
psychopathologiques, et soulignent que les troubles mentaux et la santé
mentale positive sont deux dimensions distinctes, mais corrélées. En d’autres
termes, la présence d’un trouble mental et la santé mentale positive sont deux
concepts liés qui forment ensemble un double continuum comme l’illustre la
figure 10.1.
Épanouissement
Trouble mental et santé Trouble mental et santé
Oui malgré un trouble
mentale languissante mentale positive modérée
mental
Autonomie
Fonctionnement Être autodéterminé, se fixer ses propres standards
psychologique indépendamment des pressions sociales
Contribution sociale Avoir un sentiment d’utilité dans la société dans laquelle on vit
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1. Par Marine Paucsik, Martin Benny et Rebecca Shankland.
Chapitre 11
Psychothérapies :
quelles contributions
de la psychologie positive ?1
Sommaire
1. Plaidoyer pour une psychologie clinique intégrant les
apports de la psychologie positive
2. Spécificités et visées des interventions positives
3. Bienfaits des IPP selon les données de la littérature
4. Paramètres susceptibles de modifier les bienfaits
des IPP
5. Préconisations cliniques pour mener à bien des IPP
dans un cadre psychothérapeutique
6. Questions restant à élucider
Conclusion
Bibliographie
Résumé court
La psychologie clinique positive examine à la fois les faiblesses et
les forces des individus, en vue de les aider à tendre vers un état
de santé optimal. Une grande pluralité d’exercices et de pratiques
facilitant le développement du bien-être peuvent être considérés
comme des interventions psychologiques positives (IPP). Leurs
bienfaits ont surtout été établis chez les personnes souffrant
modérément de dépression, mais elles peuvent se révéler aussi
utiles à d’autres populations cliniques. Plusieurs paramètres sont
susceptibles de moduler leurs bienfaits. Les proposer suppose
d’identifier les difficultés psychologiques des individus, ainsi que
leurs ressources et leurs attentes. Le style thérapeutique, centré
sur la recherche de solutions, se veut empathique et bienveillant.
L’observation de soi est de mise, et le recours à l’imagerie mentale
peut se révéler fort utile. Mieux vaut déceler les éventuels freins
envers le changement. Les recherches futures devront confirmer
les bienfaits des IPP et préciser leurs principes actifs.
Résumé long
À l’objectif de supprimer des symptômes psychopathologiques
s’est progressivement rajouté celui d’améliorer le bien-être, en vue
d’atteindre un état de santé optimal. Pour ce faire, nous devons
développer une approche clinique positive inclusive qui examine à
la fois les faiblesses et les forces des individus, en vue de leur
venir en aide de la manière la plus complète. Une grande pluralité
d’exercices et de pratiques peuvent être considérés comme des
interventions psychologiques positives (IPP). Leur dénominateur
commun est de faciliter le développement du bien-être. Les IPP
peuvent être regroupées au sein de programmes semi-
standardisés, faisant l’objet d’études pour en évaluer les bienfaits.
Si les bienfaits des IPP ont surtout été établis pour les personnes
souffrant modérément de dépression, force est par ailleurs de
constater qu’elles peuvent se révéler aussi utiles pour venir en
aide à diverses autres populations cliniques, souffrant de
désordres mentaux ou somatiques. Plusieurs paramètres sont
susceptibles de moduler (à la hausse ou la baisse) les bienfaits
des IPP : leur format (en présentiel, en ligne), leurs modalités (en
individuel, en groupe, en mode auto-administré), leur durée
(interventions ponctuelles ou s’étalant sur plusieurs semaines), les
caractéristiques psychologiques et les préférences des
participants, leur niveau de dépressivité, leur soutien social et leur
environnement culturel. La mise en place d’une IPP doit tout
d’abord se fonder sur une conceptualisation préalable du cas
clinique via une analyse du mode de fonctionnement de l’individu
prenant tout autant en considération ses problèmes et ses
difficultés, que ses ressources et ses attentes. Le style
thérapeutique centré sur la recherche de solutions se veut
empathique et bienveillant, se veut favoriser un climat de travail
collaboratif et faciliter le partage d’expériences. L’observation de
soi est de mise, et le recours à l’imagerie mentale peut se révéler
fort utile pour développer la disposition au changement via des
visualisations positives. Une attention particulière doit être
accordée aux freins éventuels envers le changement. Les
recherches futures devront confirmer les bienfaits des IPP (sur le
plan mental, somatique et cérébral), à plus ou moins long terme, et
préciser leurs principes actifs.
Réorienter l’attention vers les aspects positifs de la réalité (exercice « des trois bonnes choses »),
augmenter le quota d’activités plaisantes, apprendre à savourer les moments agréables et à déployer
Plaisir
des stratégies pour freiner l’habituation hédonique (comme par exemple : se contenter de peu, varier
les plaisirs, se laisser surprendre, cultiver l’émerveillement, etc.).
Imaginer le meilleur des sois possibles, reconsidérer ses échecs (sous un angle plus positif), revoir son
Optimisme style explicatif, réviser si besoin ses attributions causales, se fixer des objectifs réalistes atteignables,
rehausser son sentiment d’auto-efficacité et d’empowerment, etc.
Forces et Identifier ses forces, les mettre en action en s’engageant dans des activités qui les mobilisent, les
vertus mettent à l’épreuve, les consolident.
Vivre des expériences optimales en s’adonnant à des activités accaparant l’attention, défiant ses
État de flow
forces, génératrices d’un état de flow.
Connexions Développer l’altruisme et la compassion en s’adonnant à des actes de bonté, en tenant un journal ou
sociales en rédigeant une lettre de gratitude, en s’adonnant à des pratiques de méditation compassionnées, en
développant ses habilités sociales, en mobilisant sur le soutien social, etc.
Identifier et respecter ses valeurs et ses priorités existentielles, se mettre au service d’autrui ou d’une
Sens de la
cause, réfléchir à la place de la souffrance dans l’existence humaine, s’engager dans une quête
vie
spirituelle.
Conclusion
L’approche promue par la psychologie positive et les applications pratiques
novatrices qui en découlent présentent selon nous une valeur ajoutée
intéressante sur le plan clinique, comme nous avons essayé de le démontrer et
de l’illustrer ci-avant. Elle nous amène à adopter une vision élargie du mode
de fonctionnement des personnes, davantage holistique et intégrative. Il s’agit
en effet de prendre tout autant en considération leurs difficultés
psychologiques, que leurs ressources biopsychosociales, voire spirituelles.
In fine, la pratique clinique des IPP devrait s’inscrire selon Joseph et Linley
(2006), dans le cadre d’une métathéorie permettent de les situer par rapport à
ce qui se fait habituellement sur le plan psychothérapeutique, par exemple
dans le cadre de la 3e vague des TCC avec laquelle elle partage des
dénominateurs communs (pratique de la pleine conscience, intérêt apporté au
principe d’acceptation, etc.). Ce type de réflexion questionne aussi
l’importance que l’on accorde aux techniques promues par la psychologie
positive (facteurs de changement spécifiques aux IPP), versus l’importance
que l’on accorde à la relation thérapeutique (facteur non de changement non
spécifique aux IPP). Cet abord compréhensif nous convie également à
réfléchir à la manière dont on conçoit l’existence humaine, à une époque
donnée et dans un contexte sociétal particulier, et les possibilités de
changement salutaire qui en découlent.
Nous espérons vivement que la synthèse des données scientifiques et
cliniques que nous avons réalisée permettra de plaider en faveur des IPP, en
tant que valeur ajoutée à l’arsenal psychothérapeutique existant, dont elles
complètent, optimisent et prolongent les bienfaits. Chercheurs et cliniciens
sommes intimement persuadés qu’il sera à l’avenir de plus en plus
envisageable d’accroître les chances des personnes malades de tendre vers un
rétablissement complet, de ressentir un sentiment de bien-être, voire
d’expérimenter un état de santé optimal, tout comme cela est a priori plus
aisément concevable pour des personnes bien portantes.
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documents, Genève.
1. Par Colette Aguerre.
2. Alors qu’une variable médiatrice nous renseigne sur comment et pourquoi un certain effet a lieu, une
variable modulatrice explique quand et sous quelles conditions cet effet se produit (Brauer, 2000).
Chapitre 12
Les ressources
psychologiques : modèles
théoriques et applications1
Sommaire
1. Que sont les ressources et quelles sont leurs
approches et modèles théoriques ?
2. Le rôle protecteur et facilitateur de la croissance
psychologique des ressources psychologiques
3. Nouveaux développements et perspectives
Bibliographie
Résumé court
Ce chapitre porte sur les principaux modèles de ressources en
psychologie, leurs mécanismes d’action et leur utilité. Des travaux
de recherche très récents portant sur le rôle des ressources seront
présentés ainsi que les derniers développements, les perspectives
et les applications.
Résumé long
Les ressources psychologiques dont disposent les personnes ont
été ignorées pendant longtemps dans la recherche en
psychologie. En effet, les modèles centrés sur le déficit et la
pathologie ont été utilisés au détriment d’autres modèles plus
complets comme celui de la psychologie positive. Ce chapitre
porte sur les principaux modèles de ressources en psychologie,
leurs mécanismes d’action et utilité. Des travaux de recherche très
récents portant sur le rôle des ressources seront présentés ainsi
que les derniers développements, les perspectives et les
applications.
Cette étude a permis de mettre en évidence des liens entre les ressources
psychologiques et les styles d’attachement, et ce dans une période de stress
prolongée particulièrement épouvante. Les résultats obtenus ont montré que
les ressources psychologiques aident à lutter contre la dépression et l’anxiété
d’une part, et sont liées à une meilleure qualité d’attachement et des meilleurs
niveaux de bien-être subjectif d’autre part. En effet, il s’avère que les
personnes avec un style d’attachement sécure présentent des symptômes
d’anxiété et de dépression moindres, ainsi que de meilleures ressources
psychologiques (bienveillance envers soi, disposition à l’attention consciente
et optimisme). Ces liens méritent d’être approfondis avec des études
supplémentaires et notamment des études longitudinales qui permettraient de
préciser les liens de causalité entre le style d’attachement et les ressources
psychologiques.
3. Nouveaux développements et
perspectives
3.1 Le bien-être : ressource psychologique ou
conséquence des ressources ?
Afin de refléter ce que les personnes appellent habituellement le
« bonheur », des psychologues pionniers dans son étude scientifique ont
proposé le terme de bien-être subjectif ou satisfaction de vie (Diener, 1984).
En effet, Ed Diener, un des premiers chercheurs qui s’est penché sur cette
question et qui a effectué des travaux de recherche marquants dans le
domaine, a défini le bien-être subjectif comme l’évaluation que font les
individus de leur vie. Cette conceptualisation souligne sa nature subjective et
considère les individus comme les meilleurs juges de leur propre bonheur.
Suite aux recherches initiées dans les années 1980 par Diener et ses
collègues, de nombreux chercheurs en psychologie se sont penchés sur cette
question du bonheur et du bien-être. La revue de littérature sur le sujet fait
apparaître plusieurs conceptions du bonheur. Il s’agit d’un concept
multidimensionnel et complexe. En effet, les définitions et les théories du
bonheur diffèrent considérablement, à la fois de point de vue théorique et
d’opérationnalisation du concept. Deux approches principales du bien-être
existent actuellement : la tradition hédonique, qui a mis l’accent sur des
concepts tels que le bonheur, les affects positifs, des niveaux faibles d’affects
négatifs et la satisfaction de la vie (par exemple, Diener, 1984 ; Kahneman,
Diener & Schwarz, 1999 ; Lyubomirsky & Lepper, 1999) et d’autre part la
tradition eudaimonique, qui a mis en évidence le fonctionnement
psychologique positif et le développement humain (Rogers, 1981, Ryff,
1989a, 1989b, Waterman, 1993).
Le concept de bien-être psychologique de Ryff et Singer (1996) et la théorie
d’autodétermination de Ryan et Deci (2000) constituent un autre modèle
important du bonheur et du bien-être (Csillik & Fenouillet, 2019). Ces
théories ont un caractère moins subjectif et plus normatif en ceci qu’elles
précisent que certains besoins (tels que l’autonomie, l’appartenance sociale et
le sentiment d’efficacité) doivent être satisfaits afin de permettre le bien-être.
Le bonheur hédonique consiste à éprouver du bonheur à s’engager dans une
pratique, une situation vectrice de sensations positives alors que le bonheur
eudémonique naît de l’association entre des états de conscience gratifiants et
complexes et des activités porteuses de sens et riches de possibilités et de
défis. C’est la raison pour laquelle on a nommé ce type de bonheur bien-être
eudémonique ou psychologique.
Le bien-être d’un individu est influencé par une multitude de facteurs, dont
l’environnement extérieur, qui joue un rôle important (Jebb, Morrison, Tay,
& Diener, 2020). Les normes culturelles changent notamment les corrélats du
bien-être subjectif. En effet, selon qu’on a été élevé dans une culture
collectiviste ou individualiste, le bien-être subjectif ne dépendra pas des
mêmes choses (Biswas-Diener et al., 2005). La culture d’un individu joue un
rôle important dans son niveau de bien-être subjectif. Par ailleurs, la religion
est un autre facteur prédictif important du bien-être. De nombreuses études
montrent que la religion rend les personnes plus heureuses. Il est important
cependant de noter que les liens positifs entre la religion et le bonheur ne sont
pas universels ; dans certains pays (e. g. la Lithuanie, la Slovaquie) les
personnes religieuses rapportent des niveaux inférieurs de bien-être (Diener,
2012). Une avancée importante dans les travaux de recherche concernant le
bonheur et le bien-être réside dans la découverte que, tant au niveau
individuel qu’au niveau sociétal, le bonheur est à la fois cause et conséquence
d’un nombre important de résultats positifs, plutôt que d’en constituer
simplement le produit (Lyubomirsky, King & Diener, 2005). Plus
spécifiquement, le bonheur peut mener à une meilleure santé, à une meilleure
performance au travail, à de meilleures relations sociales et à une conduite
plus éthique. En effet, un nombre important d’études montrent les liens
positifs entre le bonheur et des résultats positifs dans tous les domaines
importants de la vie comme le travail, l’amour, la santé (Lyubomirsky, King
& Diener, 2005). De plus, de nombreuses études ont montré que les affects
positifs et le bonheur sont liés positivement à des ressources et des
comportements positifs tels que des perceptions positives de soi-même et des
autres, la sociabilité, des comportements prosociaux, la créativité etc. Les
études longitudinales qui portent sur le sujet montrent que, d’une part le
bonheur durable précède les résultats positifs corrélés, et d’autre part le
bonheur durable et les affects positifs précèdent les ressources et
caractéristiques qui y sont corrélées. Le bonheur émerge des données
disponibles comme la caractéristique positive qui mène au développement et
à un meilleur usage des compétences et des ressources intellectuelles. La
causalité pourrait donc être bidirectionnelle. Cependant, ces conclusions ne
sont pas définitives et nécessitent des études longitudinales supplémentaires
afin d’apporter un éclairage quant au fait que le bonheur mène au succès
plutôt que d’en être uniquement la conséquence. Ces éléments pourraient en
effet être interdépendants et le bonheur durable n’est pas fortement nécessaire
pour tous les types de succès et résultats positifs.
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1. Par Antonia Csillik.
Chapitre 13
Mindfulness et santé1
Sommaire
1. Mindfulness : de quoi parle-t-on ?
2. Mindfulness : comment ça marche ?
3. Mindfulness : un enjeu pour la prévention de la santé
4. Mindfulness et santé mentale positive
Bibliographie
Résumé court
Les bénéfices des approches basées sur la méditation sur la santé
sont nombreux et nous disposons d’un recul et d’un nombre
d’études suffisants chez le sujet sain et le sujet en souffrance pour
leur accorder tout le crédit nécessaire (prévention secondaire).
Résumé long
La méditation renvoie à un ensemble de techniques qui
développent la mindfulness (ou pleine conscience). La mindfulness
se définit comme une « focalisation de l’attention sur l’expérience
du moment présent dans une attitude de non-jugement ». Le
fonctionnement mindfulness se traduit par une plus grande
acceptation de la réalité, instant après instant, ainsi que des
capacités accrues d’adaptation aux situations. De nombreux
travaux ont montré son rôle dans la qualité de la santé, de
l’adaptation au stress et du niveau. Ils s’inscrivent dans la
prévention primaire. Les bénéfices de la méditation sur la santé
sont nombreux. Nous disposons d’un recul et d’un nombre
d’études suffisants chez le sujet sain et le sujet en souffrance pour
leur accorder un sérieux crédit. Ces études ciblent à la fois les
champs de la prévention secondaire et tertiaire. Au regard de ses
bénéfices, la mindfulness se pose comme un acteur de prévention
de la santé. Elle contribue au développement de la santé mentale
positive.
Figure 13.1 – Mécanismes putatifs de régulation des clusters symptomatiques du TSPT par les MBI
et leur validation ; à partir de la figure originale en anglais dans (Boyd et al., 2018)
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1. Par Charles Verdonk, Lionel Gibert, Aude Azema et Marion Trousselard.
Chapitre 14
Vulnérabilité, capabilité
et rétablissement :
un changement de modèle
dans l’accompagnement
psychologique1
Sommaire
1. Le thème de la vulnérabilité : un nouveau référent
anthropologique et éthique
2. L’approche par les capabilités : des potentialités de
fonctionnement à développer
3. Le concept de rétablissement : vers un nouvel
équilibre du sujet
4. La psychothérapie brève à l’épreuve de la vulnérabilité
5. Mobiliser les capabilités des personnes en situation
de handicap : un recueil de consentement éclairé
6. Quand la remédiation cognitive aide à développer les
ressources cognitives chez les patients
schizophrènes : un exemple de processus de
rétablissement
Conclusion
Bibliographie
Résumé court
Le champ de l’activation des ressources et les concepts afférents,
permettent aux recherches actuelles en psychologie et en
psychothérapie de s’extraire des limitations propres aux
pathologies pour s’orienter sur les capabilités des personnes.
Résumé long
Le champ de l’activation des ressources permet aux recherches
actuelles en psychologie et en psychothérapie centrées sur les
notions de vulnérabilité physique, psychologique ou sociale, de
s’extraire des limitations propres aux pathologies pour s’orienter
sur les ressources personnelles, sociales et environnementales et
les capabilités des personnes. Dans cette perspective, les
concepts de vulnérabilité, de capabilité et de rétablissement ont
été définis, analysés, et situés par rapport au champ de la
psychologie positive. Notre propos a été étayé par trois
illustrations. La première a exposé un dispositif de
psychothérapie centré sur l’activation des ressources personnelles
et sur l’établissement d’une alliance thérapeutique de qualité,
prenant en compte la reconnaissance de la vulnérabilité. La
deuxième a permis d’observer l’intérêt d’une recherche
collaborative (concept de capabilité) avec des personnes en
situation de déficience intellectuelle. La troisième a illustré le
concept de rétablissement dans le champ précis de la remédiation
cognitive. Ces changements de paradigmes en psychologie
tendent à modifier profondément les approches thérapeutiques
prenant désormais plus en considération les ressources en un
horizon de vulnérabilité consentie et potentiellement créatrice.
Conclusion
L’approche par la vulnérabilité ne concerne pas seulement la psychologie :
elle implique une attitude et une responsabilité éthiques globales « vis-à-vis
du cosmos, du vivre ensemble et des communautés qui soutiennent les
vivants » (Fino, 2019, p. 13). Plus spécifiquement, il s’agit de « changer
d’hypothèses sur les humains » (Tronto, 2009, p. 211) et de substituer à « la
morale de l’autonomie […] une éthique de la vulnérabilité » (Goldstein,
2011, p. 5.). La « morale de l’autonomie » suppose, en effet, si elle est portée
à son absolue, une autonomie et une liberté indéterminées et « hors sol ».
L’éthique de la vulnérabilité suppose, en revanche, que l’autonomie n’est
plus un but absolu à atteindre hors de tout contexte, mais un horizon possible
au sein d’existences pour une part conditionnées et contraintes. La
reconfiguration de l’action des professionnels (psychologues, médecins,
travailleurs sociaux) vis-à-vis des sujets en souffrance ou en situation de
handicap, notamment à travers les notions de capabilités et de rétablissement,
s’ordonne alors au service d’un « pouvoir être » qui ne méconnaît pas les
aspects limitatifs des processus morbides, mais cherche cependant à
mobiliser les ressources créatrices des personnes au cœur des situations
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1. Par Fanny Marteau-Chasserieau, Arnaud Béal, Anne-Laure Poujol, Charlotte Soumet-Leman, Elodie
Barat, Anne Plantade-Gipch, Charles-Martin Krumm et Jacques Arènes.
2. Une épistémè est un agencement des savoirs relatif à une époque donnée.
3. L’eudémonia est une doctrine philosophique qui pose le bonheur comme la finalité naturelle de la vie
humaine.
4. Selon Thomas Kuhn, les révolutions scientifiques sont liées à des changements de paradigme
émergeant au cours de crises évolutionnelles. Un paradigme est un modèle cohérent de vision du
monde (Kuhn, 1983).
5. http://www.ipubli.inserm.fr/bitstream/handle/10608/6816/Chapitre_12.html?
sequence=296&isAllowed=y.
Chapitre 15
L’activité physique,
une pratique de psychologie
positive à promouvoir
pour favoriser le bien-être des
jeunes et des personnes âgées1
Sommaire
1. L’activité physique, un vecteur d’amélioration du bien-
être
2. Les mécanismes explicatifs de la relation entre AP et
bien-être
3. L’insuffisance d’activité physique, un constat
préoccupant
4. Modèles théoriques du changement de comportement
d’activité physique
5. Promouvoir l’activité physique chez les jeunes et les
personnes âgées
Conclusion
Bibliographie
Résumé court
L’activité physique (AP) est une pratique de psychologie positive
favorisant le bien-être, mais en dépit de ses effets bénéfiques, le
taux d’AP demeure insuffisant. Ce chapitre présente les leviers de
la promotion de l’AP chez les jeunes et les personnes âgées.
Résumé long
L’activité physique (AP) est un vecteur d’amélioration de la qualité
de vie, mais le taux le pratique de la population est insuffisant et
demeure une préoccupation forte de santé publique. Ce chapitre
propose un état des lieux de la question en se focalisant sur les
jeunes et les personnes âgées. Il développe les effets bénéfiques
de l’AP sur la santé et le bien-être des jeunes et des personnes
âgées, ainsi que les mécanismes biologiques, psychologiques et
sociaux explicatifs de la relation AP – bien-être. Il présente ensuite
différents modèles sociocognitif et affectifs de la psychologie de la
santé qui permettent d’éclairer les pistes d’intervention en matière
de promotion de l’AP en direction de ces deux populations. Chez
les jeunes, les leviers proposés par le modèle SAAFE (soutien,
actif, autonomie, fun, équité) sont illustrés dans le contexte de
l’éducation physique scolaire. Chez les personnes âgées, les
techniques habituellement utilisées chez les adultes plus jeunes ne
fonctionnant pas, les leviers issus du modèle de l’incorporation des
stéréotypes sont proposés en guise de pistes pour l’intervention.
Chez les personnes âgées de plus de 65 ans, l’insuffisance d’AP est moins
marquée que chez les jeunes mais demeure préoccupante. Le Baromètre
Santé (2008) montre que 57 % des hommes et 61 % des femmes ont un
niveau d’AP inférieur aux recommandations. Dans cette catégorie d’âge,
l’AP est réalisée dans sa plus grande proportion lors d’activités
professionnelles et domestiques (pour 43,9 % du temps d’AP total), puis à
l’occasion de déplacements (42,4 %), et dans sa plus faible proportion
pendant les loisirs (13,7 %) (ANSES, 2016).
L’une des raisons de plus en plus évoquées dans la littérature scientifique
pour expliquer cette pandémie d’inactivité physique est le fait que l’AP serait
associée à des expériences affectives déplaisantes. Par exemple, le modèle
d’Ekkekkakis et al. (2016) montre comment les expériences affectives
déplaisantes expliquent le cercle vicieux du surpoids et de l’inactivité
physique. Comme le présente la figure 15.2, lorsque les individus sont
déconditionnés (i. e. faible condition physique) en raison d’un manque d’AP
régulière, les différentes tentatives d’AP peuvent être associées à des
expériences déplaisantes en raison d’un manque de ressources énergétiques et
musculaires, et des perceptions de soi dégradées. En retour, le fait d’associer
en mémoire l’AP à des affects déplaisants peut réduire la motivation envers
l’AP et générer des comportements d’évitement qui risquent, à terme,
d’accroître le déconditionnement. Ce modèle conceptuel peut aisément être
généralisé à tout individu insuffisamment actif.
Figure 15.2 – Modèle conceptuel illustrant le « cercle vicieux » de l’obésité de l’inactivité physique
(issu de Ekkekkakis et al., 2016)
L’enseignant favorise la Les leçons induisent Les leçons offrent aux Les leçons sont Tous les élèves ont
création d’un climat un haut niveau élèves des opportunités plaisantes et l’opportunité de
soutenant les besoins d’activité physique et de choix et des proposent une vivre des
psychologiques des des transitions situations progressives. variété expériences de
élèves réduites. d’activités. réussite.
Figure 15.4 – Les principes d’enseignement SAAFÉ (d’après Lubans et al., 2017)
5.1.1 Soutien
Selon la TAD (Ryan & Deci, 2017), le climat de classe instauré par
l’enseignant influence fortement la motivation des élèves pour l’AP en
soutenant ou en frustrant leurs besoins psychologiques d’autonomie, de
compétence, et de proximité sociale. Lorsque l’enseignant soutient
l’autonomie de ses élèves, il leur laisse la possibilité de donner leur point de
vue sur le cours, il a recours à un langage informationnel et flexible, il
explique le bien-fondé des situations qu’il propose, et il fait preuve
d’empathie quand un élève est confronté à des difficultés. Un enseignant qui
soutient le besoin de compétence propose des buts clairs, des situations
adaptées au niveau des élèves et un guidage approprié et constructif pour les
réaliser. Enfin, l’enseignant nourrit le besoin de proximité sociale en
investissant du temps et de l’énergie dans la relation avec les élèves, en leur
témoignant de l’affection, et en favorisant l’humour et la convivialité
(Escriva-Boulley, Tessier, Sarrazin, 2018).
5.1.2 Actif
Les préconisations actuelles indiquent que les élèves devraient être en
activité d’intensité modérée à vigoureuse au moins 50 % du temps de la leçon
d’EPS. Or la recherche montre qu’au secondaire, les élèves n’atteignent ce
niveau d’intensité que 40 % du temps (Hollis et al., 2015). Trois types de
stratégies permettent d’accroître le temps pendant lequel les élèves sont en
AP modérée à vigoureuse (Lonsdale et al., 2013) :
• réduire les temps de transition (e. g. réduire les temps consacrés aux
consignes, proposer des transitions rapides entre deux situations) ;
• maximiser les opportunités d’activité (e. g. proposer des situations où tous
les élèves sont actifs, éviter les situations d’attente telles que les rôles
sociaux) ;
• intégrer des moments de forte intensité dans les situations d’apprentissage.
5.1.3 Autonomie
L’individu qui poursuit une motivation autonome s’engage dans un
comportement qui est valorisé, qui a du sens, et qui est plaisant. Ce principe
repose sur le fait d’offrir aux élèves des choix d’options (e. g. choisir entre
plusieurs exercices) et des choix d’action (e. g. construire sa chorégraphie en
danse) afin qu’ils manifestent leurs valeurs, leurs préférences et leurs désirs.
Les moyens d’offrir des choix aux élèves sont nombreux, mais il semble
qu’un nombre optimal (deux à quatre choix dans une leçon) soit préférable,
au risque de déstabiliser les élèves par un manque de repères (Patall et al.,
2008). De même, une période de libre choix de 5 à 10 minutes au début du
cours (e. g. un temps d’exploration ou de pratique sans consigne spécifique)
est idéale pour engager les élèves avant de leur proposer des exercices
structurés (Lubans et al., 2017).
5.1.4 Fun
Ce principe renvoie à la notion de plaisir : quand les individus pratiquent
une AP pour le plaisir inhérent à cette activité, ils manifestent une grande
adhésion à cette activité. La nouveauté et la variété sont des stratégies qui
favorisent le plaisir car elles activent le système de la récompense en
augmentant la sécrétion de dopamine dans le cerveau qui, en retour, favorise
le déclenchement d’une motivation d’approche du comportement (Berridge &
Kringelbach, 2015). Dans une étude expérimentale portant sur un programme
de musculation de six semaines, il a été observé que les participants qui ont
bénéficié de supports de pratique plus nombreux et variés ont manifesté une
plus grande adhésion au programme et des affects plus positifs que ceux du
groupe contrôle (Sylvester et al., 2016). Le travail en musique est une autre
stratégie intéressante pour favoriser le plaisir dans la pratique. En effet,
lorsque la réponse affective à l’effort commence à devenir déplaisante, la
musique aurait un effet de distraction conduisant à porter moins attention aux
réafférences intéroceptives (liées à l’augmentation de la température
corporelle et de la fréquence cardiaque) (Carlier & Delevoy-Turrell, 2017).
5.1.5 Équité
Ce principe renvoie au fait de permettre à chaque élève de vivre des
expériences de réussite. Le sentiment d’équité est particulièrement important
dans les classes mixtes, où la domination des garçons – conduisant à la peur
d’être dévalorisée ou rabaissée – constitue un obstacle encore majeur à la
participation et aux expériences de réussite des filles (Bailey et al., 2005). La
différenciation pédagogique est une stratégie d’intervention essentielle au
service de l’équité. Dans certaines AP et sportives, elle requiert la
mobilisation de paramètres didactiques simples (moduler les distances, la
taille des cibles, le barème, etc.) et dans d’autres, elle nécessite la conception
de formes de pratiques scolaires plus élaborées (faire jouer au relais-vitesse
pour permettre d’apprendre ; Hanula & Llobet, 2011), gagner et perdre avec
« la manière » en badminton (Mascret, 2006).
Conclusion
Ce chapitre rapporte les nombreux bénéfices d’une AP régulière sur la santé
et le bien-être des jeunes et des personnes âgées. Il met également en
évidence le constat préoccupant d’un manque d’AP dans ces deux
populations. À travers la présentation des modèles théoriques sociocognitifs
et affectifs nous avons mis en évidence les leviers d’intervention les plus à
même de changer les comportements d’AP.
En définitive, si l’AP est reconnue comme étant une pratique de psychologie
positive favorisant le bien-être, il est important de noter qu’à l’instar d’autres
pratiques de psychologie positive (e. g. la pleine conscience, la maîtrise de
ses forces de caractère), la pratique régulière d’une AP est loin d’être une
habitude pour la plupart des gens. Dans la perspective de diffuser largement
ces pratiques auprès des individus, groupes et institutions, il est nécessaire de
ne pas seulement en documenter les effets sur le bien-être, mais également
d’expliquer les leviers et les obstacles à la promotion de ces différentes
pratiques de psychologie positive, dont l’AP.
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1. Par Damien Tessier, David Trouilloud et Aïna Chalabaev.
Chapitre 16
Voir le bon côté des choses :
comment les émotions positives
améliorent la santé et le bien-
être1
Sommaire
1. Psychologie positive et santé physique
2. Psychologie positive et bien-être mental
3. Orientations futures
Bibliographie
Résumé court
L’objectif de ce chapitre est d’explorer l’impact des émotions
positives sur la santé et le bien-être physique et mental. Nous
avons utilisé deux cadres conceptuels : la théorie de
l’élargissement et de la construction et le modèle de l’émodiversité,
pour comprendre comment les émotions positives améliorent la
santé. Nous évoquons la manière dont les émotions positives
protègent contre la solitude et la dépression et la manière dont
elles encouragent des comportements favorables à la santé.
Résumé long
Ce chapitre a pour objectif d’examiner l’impact des émotions
positives sur la santé et le bien-être physique et mental. Nous
avons utilisé deux cadres conceptuels : la théorie de
l’élargissement et de la construction, et le modèle de l’émodiversité
pour comprendre comment les émotions positives améliorent la
santé. Les émotions positives, selon la théorie de l’élargissement
et de la construction, élargissent la pensée, l’attention et les
répertoires comportementaux de la personne, l’amenant à
construire ses ressources sociales et intellectuelles personnelles,
et à augmenter ses capacités à gérer les facteurs de stress.
L’émodiversité participe également au renforcement de la
résilience face aux événements négatifs de la vie. Enfin, les
émotions positives encouragent des comportements favorables à
la santé, conduisant à une dynamique d’autoperpétuation dans
laquelle les gains de bien-être psychosocial renforcent encore les
habitudes saines qui engendrent des affects positifs et une
meilleure santé physique. Dans la suite du chapitre, nous nous
penchons sur les troubles de l’humeur, la solitude et l’épuisement
professionnel, ainsi que sur le rôle protecteur des émotions
positives dans la réduction des symptômes défavorables.
Un mode de vie sain est souvent associé à des sentiments agréables, tels que
la joie, la gratitude, la satisfaction et la sérénité. On retrouve dans de
nombreuses cultures des adages populaires tels qu’« un cœur reconnaissant
est un cœur sain » ou « le rire est le meilleur médicament. » Une littérature
empirique florissante corrobore ces affirmations et montre qu’il existe des
liens importants entre les émotions positives et l’amélioration du bien-être
physique et psychologique. Adopter une attitude positive, faire preuve
d’optimisme et de vitalité émotionnelle sont des gages de santé et de bien-
être. Dans ce chapitre, nous explorons les propriétés régénératrices et
réparatrices des émotions positives. Tout comme des repas bien équilibrés
assurent une alimentation saine, un « régime sain » composé d’émotions
positives améliore la santé en renforçant le lien social entre les individus
(Kok et al., 2016).
2.2 Le burnout
Les émotions positives peuvent également servir de tampon contre
l’épuisement professionnel ou burnout (caractérisé dans la classification
internationale des maladies comme un stress chronique au travail entraînant
un sentiment d’épuisement, un retrait mental vis-à-vis du travail et des
sentiments négatifs à son égard, ainsi qu’une perte d’efficacité
professionnelle). En général, le fait de ressentir des émotions positives au
travail aide à protéger les travailleurs contre l’épuisement professionnel
(Fredrikson, 2000). En outre, divers facteurs liés aux émotions positives et à
la résilience réduisent le risque de burnout. Par exemple, Guan et Jepsen
(2020) ont constaté que la gratitude augmente l’efficacité des stratégies de
régulation des émotions et protège contre l’épuisement émotionnel et la
dépersonnalisation pendant la journée de travail, des problèmes qui peuvent
entraîner des taux d’épuisement professionnel élevés, en particulier dans les
professions de service. De même, il a été démontré que la pleine conscience
améliore la régulation des émotions, réduit l’épuisement émotionnel et
améliore la satisfaction au travail (Hülsheger, Alberts, Feinholdt et Lang,
2013). Ces résultats, qui indiquent que les émotions positives servent de
tampon contre la dépersonnalisation et l’épuisement émotionnel, pourraient
également être pertinents dans d’autres situations de burnout, comme la
fatigue des militants. Les émotions positives aident également à atténuer
l’épuisement professionnel dans les contextes éducatifs. La satisfaction à
l’égard de la vie et l’intelligence émotionnelle sont associées à une
diminution de la probabilité de burnout chez les étudiants de l’enseignement
supérieur (Cazan, et Năstasă, 2015). Dans le même ordre d’idées, les
émotions positives sont associées à un engagement émotionnel positif à
l’école, ce qui atténue le risque de burnout et de dépression chez les élèves
(Fredericks, Blumenfeld, Friedel et Paris, 2005).
2.3 La solitude
Les émotions positives constituent également un facteur de protection
contre les effets négatifs de la solitude. Une étude réalisée en 2013 a révélé,
en accord avec la théorie de l’élargissement et de la construction, que les
émotions positives modèrent la relation entre la solitude, l’activité physique
et la mortalité chez les personnes âgées, ce qui pourrait « annuler » les effets
négatifs de la solitude sur la longévité (Newall, Chipperfield, Bailis et
Stewart, 2013). Les stratégies liées aux émotions positives sont même
capables de réduire le degré de solitude ressentie. Une étude réalisée en 2016
auprès de 116 participants a révélé que les stratégies de régulation des
émotions, notamment la réévaluation positive et la « pleine présence » dans le
moment, réduisaient le degré de solitude déclaré par les participants (Kearns
et Creaven, 2016). De même, la bienveillance envers soi-même, le sentiment
de partager la même humanité et la pleine conscience sont associés
négativement aux mesures de la solitude (Akin, 2010). Ces conclusions se
révèlent encore plus cruciales lorsqu’on examine les effets de la pandémie de
Covid-19 sur la solitude, l’isolement et le stress. La Covid-19 peut être
considérée comme un facteur de stress multidimensionnel, qui augmente le
stress et en même temps supprime les facteurs de protection tels que le
soutien social, et est donc susceptible de déclencher ou d’exacerber un large
éventail de difficultés mentales et physiques (Gruber et al., 2020). La solitude
ressentie lors de l’isolement social dû à la pandémie pourrait être compensée
par des émotions positives et des stratégies de régulation des émotions, mais
le sujet mérite de plus amples recherches.
3. Orientations futures
Les outils technologiques tels que la télémédecine et la santé mobile
pourraient offrir un accès plus facile, plus immédiat et plus pratique aux
interventions et stratégies de psychologie positive. La santé mobile désigne
les interventions de santé mentale accessibles sur appareil mobile, dont il a
été démontré qu’elles augmentent la résilience (Flett et al., 2018), l’affect
positif (Parks et al., 2012), la gratitude (Ghandeharioun et al., 2016), entre
autres. Par conséquent, les applications de santé mobile peuvent se révéler un
moyen utile de promotion des émotions positives qui à leur tour alimentent et
améliorent la santé mentale et physique.
La santé mobile (mHealth ou m-Santé)
Les applications mobiles en santé mentale visent généralement à accroître
la gratitude, les affects positifs et la résilience. La santé mobile et d’autres
outils technologiques rendent les interventions plus accessibles, plus
pratiques et plus immédiates.
Ces interventions pourraient s’avérer plus importantes que jamais après la
pandémie de la Covid-19 qui entraîne de graves risques pour la santé mentale
et physique (Gruber et al., 2020), et la recherche devrait à l’avenir envisager
sérieusement ces stratégies pour promouvoir le bien-être mental et physique.
Il est important de prendre en compte les contextes et différences culturelles
pour que les interventions de santé mobile soient efficaces (Dutta, Kaur-Gill,
Tan, et Lam, 2018), et il faudrait engager davantage de recherches sur les
effets de la télémédecine et de la santé mobile chez des individus issus de
multiples cultures différentes. Les interventions qui tirent parti du lien entre
la santé physique et la santé mentale seraient particulièrement utiles pour
améliorer le bien-être général. Les interventions thérapeutiques
comportementales en plein air, parfois appelées « thérapie par la nature ou
l’aventure », qui peuvent être utiles aux jeunes aux prises avec des troubles
comportementaux, émotionnels et liés à la consommation de substances
(Norton et al., 2014) en sont un bon exemple. Comme il s’agit d’un domaine
relativement nouveau, des travaux de recherche supplémentaires sont
nécessaires, notamment pour inclure des groupes de comparaison et étudier
l’impact des différences démographiques telles que le sexe, l’âge et les
origines, ainsi que les différences culturelles (Demille et al., 2018). Alors que
les recherches suggèrent qu’il existe une corrélation entre l’affect positif et de
meilleurs résultats en termes de santé, et que le trait d’affect positif réduit le
risque de développer des maladies, les mécanismes par lesquels l’affect
positif influence la santé physique doivent être étudiés plus en détail. Il est
nécessaire de mener d’autres études rigoureuses et de long terme sur les liens
de causalité proposés par la théorie de la spirale ascendante du changement
de mode de vie pour guider les applications pratiques de la recherche et
mettre au point des interventions de développement du bien-être.
D’autres mécanismes d’action de l’affect positif sur la santé physique, tels
que l’effet d’annulation (Fredrickson et al, 2000), méritent un examen plus
rigoureux (par exemple, en contrôlant des modérateurs tels que la résilience,
l’épanouissement et le style d’évaluation). Bien que l’effet d’annulation ait
été amplement étudié, les résultats étayant l’hypothèse d’annulation ne sont
pas constants, certaines études confirmant totalement cet effet, alors que
d’autres le confirment partiellement et d’autres encore pas du tout (Cavanagh
et al., 2018).
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1. Par Tse Yen Tan, Louise S. Wachsmuth et Michele M. Tugade.
Chapitre 17
La nature et la valeur de l’espoir.
Nouvelles découvertes issues
du baromètre de l’espoir1
Sommaire
1. L’espoir au quotidien
2. L’étude de l’espoir
3. Un concept transdisciplinaire de l’espoir
4. Présentation du Baromètre de l’espoir
5. Souhaits et valeurs
6. Croyances fondamentales et activités pratiquées par
espoir
7. Confiance et sources d’espoir
Conclusion
Bibliographie
Résumé court
À partir des résultats du Baromètre de l’espoir, nous présentons un
concept large de l’espoir composé du souhait d’un résultat
pertinent, de la conviction que sa réalisation est possible et de la
confiance en la disponibilité de ressources internes ou externes
permettant d’y parvenir.
Résumé long
L’espoir est un phénomène existentiel qui allie le souhait d’un
résultat hautement valorisé, la croyance en la possibilité (mais pas
nécessairement la probabilité) de sa réalisation et la confiance
dans la disponibilité de certaines ressources internes ou externes
permettant d’y parvenir. Les principaux souhaits ou objectifs
d’espoir de la population suisse romande sont le bonheur en
couple ou en famille, une bonne santé, une vie harmonieuse,
l’autodétermination, de bonnes relations avec les autres et
l’engagement dans des tâches utiles et intéressantes. Les plus
fortes sources d’espoir sont liées aux valeurs de dépassement de
soi, représentées par l’attention aux autres et à leur bien-être,
l’ouverture au changement, ainsi que la croyance en la
bienveillance du monde, des autres et de soi-même. Un cercle
vertueux de l’espoir se crée, dans lequel les principaux objectifs
d’espoir sont en même temps ses plus précieuses sources.
1. L’espoir au quotidien
Peu de phénomènes sont aussi banals, aussi variés et en même temps aussi
difficiles à saisir que l’espoir. Nous espérons qu’il fera beau lors de notre
prochain voyage, nous espérons que nous obtiendrons le nouveau poste que
nous convoitons, nous espérons une promotion ou décrocher notre diplôme,
nous espérons que notre partenaire, nos parents et nos enfants se porteront
bien, et nous espérons de concert avec nos amis que notre équipe gagnera.
Nous sommes optimistes quant à nos prochaines vacances et nous attendons
avec espoir le résultat rassurant de notre dernier bilan de santé. Nous sommes
pleins d’espoir si tout va bien et nous nous efforçons de garder espoir lorsque
nous accumulons les déceptions. Parfois, nous ne pouvons rien faire d’autre
qu’espérer un miracle, parfois nous espérons le soutien d’autrui et d’autres
fois nous espérons avoir fait ce qu’il fallait.
Nous pouvons placer nos espoirs dans diverses sources et personnes : dans
le développement de nouvelles thérapies et de nouveaux médicaments, dans
le cours positif de l’économie générale, dans le bon sens des politiciens, dans
l’aide de Dieu, et bien plus encore. Parfois, nous devons abandonner nos
espoirs et d’autres fois, nous continuons à espérer même lorsque tout espoir
semble vain. Nous avons de grands et de petits espoirs et, dans certains cas,
nous nous contentons de regarder l’avenir avec espoir sans savoir exactement
ce qu’il nous réserve.
L’espoir est omniprésent, c’est pourquoi nous y prêtons généralement peu
attention. Toutefois, nous réalisons à quel point l’espoir est important dans
notre vie lorsque nous nous trouvons dans une situation désespérée,
impuissants, sans plus aucune lueur d’espoir, lorsque plus rien ne semble
pouvoir nous aider, qu’il n’y a plus rien de bon à espérer, qu’aucune solution
et aucune consolation ne semblent possibles et que nous n’envisageons
l’avenir qu’avec pessimisme. Perdre ainsi espoir engendre peur, inquiétude,
désespoir, découragement, tristesse, apathie et dépression. Ne plus avoir
d’espoir, c’est en avoir fini avec la vie, ce qui arrive quand on n’en attend
plus rien, quand plus rien n’a de sens, ou ne vaut la peine d’être entrepris.
C’est précisément dans de tels cas que le pouvoir de l’espoir, en termes de
d’affirmation et de renforcement des forces de vie, devient évident. Même
dans des situations qui semblent désespérées, la vie continue, de nouvelles
perspectives s’ouvrent et de nouvelles chances se présentent. Cela dépend
souvent de la façon dont la situation est interprétée. L’espoir peut être une
attitude à acquérir, à développer ou qui empêche simplement de sombrer.
Soudain, une lumière apparaît au bout du tunnel, les nuages sombres des
émotions négatives disparaissent, la vie prend un nouveau sens ou une aide
inattendue surgit. Sans espoir, aucune vie humaine n’est possible à long
terme, du moins pas sans souffrir de maladies mentales et souvent physiques.
2. L’étude de l’espoir
Parce que l’espoir est un phénomène humain universel et fondamental,
différentes disciplines telles que la théologie, la philosophie et la psychologie
en ont étudié la nature et la valeur. Aussi diverses que soient les approches du
phénomène de l’espoir, il en va de même pour sa compréhension, ses
concepts et ses définitions. Il se définit en tant que vertu théologique, vertu
humaine, force de caractère, modèle de pensée, utopie, mystère, trait de
personnalité, émotion, cognition, passion, construction culturelle, attente,
processus et attitude. L’espoir est lié à la réflexion, aux sentiments, aux rêves,
aux croyances, à la confiance, à l’action et à l’attente, ainsi qu’à la
persévérance, la patience, le sens, la motivation, les relations, l’amour,
l’efficacité personnelle, la volonté, la spiritualité, la survie, l’altruisme,
l’autotranscendance, l’éthique, la capacité à surmonter les difficultés et bien
plus encore. Ces différentes conceptions de l’espoir ont des implications
profondes en termes d’objectifs et de sources, ainsi que sur l’acte d’espérer
lui-même. Mais elles prennent peu en compte plusieurs questions
importantes : comment les individus eux-mêmes vivent-ils l’espoir ?
Qu’espèrent-ils ? Qu’est-ce qui leur donne de l’espoir ? Quelles activités
mettent-ils en œuvre pour nourrir et concrétiser leurs espoirs ?
Ces dernières décennies ont vu émerger une grande variété de concepts
théoriques et d’études empiriques sur l’espoir. Si les sciences infirmières ont
cherché à acquérir une compréhension multidimensionnelle de l’espoir, la
psychologie s’est principalement concentrée sur la dimension cognitive du
phénomène. Le modèle de Snyder (1994, 1995) conceptualise l’espoir
comme la somme de la volonté mentale (agentivité ou willpower) dénommée
composante motivationnelle, et de la planification du parcours à suivre
(capacité à imaginer les chemins vers un but ou waypower), dénommée
composante opératoire, en relation avec les objectifs personnels. L’espoir est
un processus dans lequel la personne se fixe des buts, se motive à agir pour
les atteindre et utilise ses capacités pour développer les moyens nécessaires.
À cet égard, la théorie de l’espoir de Snyder est étroitement liée aux notions
d’espérance, d’optimisme, d’auto-efficacité et d’estime de soi (Snyder et al.,
1991 ; Snyder, 2002).
Avec l’émergence de la psychologie positive, l’intérêt pour les traits de
caractère et les émotions positives telles que l’optimisme et l’espoir a
brusquement augmenté. Dans leur catalogue des forces de caractère
communes à toutes les cultures, Peterson et Seligman (2004) ont classé
l’espoir au rang des vertus de la transcendance, car il s’étend au-delà des
connaissances de la personne et de ses capacités à surmonter les difficultés. Il
permet d’établir des liens avec quelque chose de plus grand que nous, qui
donne du sens, une raison d’être et des croyances fondamentales. Dans leur
catégorisation, l’espoir est lié aux forces de caractère de la gratitude, de la
spiritualité et de la foi religieuse. En tant que force de caractère
transcendante, l’espoir est lié à des valeurs fournissant un cadre moral qui
maintient la personne engagée dans l’espérance et la recherche du bien.
Sexe
Éducation
Études supérieures avec diplôme d’état 202 15,0 177 14,7 267 17,8
Situation familiale
En couple en faisant vie commune 261 19,4 241 20,0 281 18,7
Activité principale
Religion
Autre (Musulman, Juif, Bouddhiste, autre) 173 12,9 199 16,6 237 16,0
M EC M EC M EC
De 14 à 86 De 14 à 85 De 15 à 87
5. Souhaits et valeurs
Le premier domaine de notre modèle d’espoir s’intéresse aux souhaits des
gens. Les désirs personnels peuvent être orientés vers un certain état de
choses, un événement, des circonstances particulières ou des buts spécifiques
liés à l’individu ou à l’environnement social proche, à la société dans son
ensemble ou au monde entier (par exemple, l’espoir d’une économie
durable). Les éléments essentiels dans ce domaine sont les objectifs d’espoir
basés sur certaines valeurs qui revêtent une importance et une signification
particulières pour la population. Ce que les individus espèrent est
généralement lié à leurs intérêts, à ce qu’ils considèrent comme souhaitable
pour que leur vie soit satisfaisante, pour leur environnement proche et pour la
société en général (Krafft, 2019). Les espoirs personnels ne sont donc pas
seulement reliés à des buts concrets, mais souvent rattachés à des efforts, des
aspirations, des attentes et des souhaits fondamentaux.
Dans le cadre du Baromètre de l’espoir, nous avons donc voulu déterminer
les espoirs personnels des gens et leur relation avec les valeurs individuelles.
Pour étudier les valeurs personnelles et les objectifs d’espoir, nous avons
réalisé plusieurs études à partir de données recueillies en 2018 (voir
tableau 17.2). En raison de contraintes d’espace, nous nous concentrerons sur
les espoirs des individus concernant leur propre vie et laisserons de côté les
espoirs liés à l’environnement et à la société en général. Les espoirs
personnels portent sur des éléments ou des domaines de la vie qui sont
particulièrement importants pour l’individu et qui sont considérés comme
souhaitables et possibles, que leur probabilité soit jugée élevée ou faible.
Reprenant les travaux d’Averill et Sundararajan (2005) et de Staats et Stassen
(1985), les espoirs personnels ont été évalués à l’aide d’un ensemble de dix-
sept éléments relevant de différents domaines de la vie.
Pour évaluer les valeurs personnelles, nous avons utilisé le modèle de
Shalom Schwartz (2012), qui comprend dix catégories de valeurs. Ces dix
valeurs sont résumées en deux polarités centrales qui regroupent les valeurs
de base ou fondamentales : « ouverture au changement » et « conservation »
d’une part, et « valorisation de soi » et « autotranscendance » d’autre part.
L’ouverture au changement comprend les catégories de valeurs que sont
l’autonomie et la stimulation, et l’accent est mis sur la créativité, la nouveauté
et les défis. La valeur fondamentale de conservation comprend les valeurs de
sécurité, de conformité et de tradition. Il s’agit avant tout de respect, de
stabilité et d’adhésion aux normes et principes sociaux. La valorisation de soi
se caractérise par l’accomplissement, la réussite et le pouvoir, tandis que
l’autotranscendance regroupe la bonté et l’universalisme, et s’attache à
améliorer le bien-être d’autrui. Les valeurs individuelles ont été recueillies à
l’aide du questionnaire PVQ-RR (Portraits Value Questionnaire Refined)
développé et validé par Schwartz, composé de cinquante-sept items et une
échelle de 1 à 6 (Schwartz et al., 2012).
Outre la liste des dix-sept objectifs individuels d’espoir et les valeurs
individuelles, nous avons utilisé deux mesures pour étudier le niveau d’espoir
général, à savoir l’échelle de l’espoir perçu (Perceived Hope Scale, Krafft
et al. 2017) et l’échelle d’espoir dispositionnel (Dispositional Hope Scale,
Snyder et al., 1991), toutes deux graduées de 0 à 5. Notre analyse comprend
les étapes suivantes :
1. évaluation de l’ordre de classement en comparant les valeurs moyennes
des dix-sept objectifs d’espoir ;
2. corrélation des objectifs d’espoir individuels avec les quatre valeurs de
base ;
3. corrélation des quatre valeurs de base avec l’espoir perçu et l’espoir
dispositionnel.
Dans le tableau 17.2, nous avons classé les dix-sept objectifs d’espoir par
ordre décroissant d’importance. D’emblée, on constate que les objectifs
d’espoir associés au bien-être personnel et à la qualité des relations sociales
figurent en tête de liste. Il s’agit du désir d’être heureux en couple et en
famille, d’être en bonne santé, de mener une vie harmonieuse, d’entretenir
des relations positives et confiantes avec les autres, d’être indépendant et de
décider de sa propre vie ainsi que d’être engagé dans des tâches satisfaisantes
et utiles. Ces domaines de la vie semblent être les plus importants. En
psychologie positive, ces domaines correspondent au bien-être eudémonique
ou psychologique et à l’épanouissement (Huppert & So, 2013 ; Ryff &
Keyes, 1995).
La partie centrale du tableau contient les domaines liés aux activités de
loisirs (plaisir entre amis, temps de détente, etc.) et au désir de sécurité dans
la vie. Dans le dernier tiers, un peu moins recherchés, on trouve les espoirs de
réussite, de davantage d’argent et de sexe. Cela ne signifie pas pour autant
que ces derniers sont sans importance. Cependant, dans une société riche, où
très peu d’individus manquent des biens matériels indispensables, l’argent
perd de son importance. Une mention spéciale doit être accordée aux
expériences religieuses et spirituelles. Pour de nombreuses personnes, les
expériences religieuses et spirituelles sont très peu, voire pas du tout,
importantes. Cependant, comme nous le verrons dans les sections suivantes,
la religiosité et la spiritualité se révèlent d’importantes sources d’espoir.
Tableau 17.2 – Objectifs d’espoir et valeurs personnelles
– Valeurs moyennes et corrélations bivariées
Ouverture
Transcendance Valorisation
au Conservation
de soi de soi
M EC changement M = 4,00
M = 4,69 M = 3,00
M = 4,55 EC = 0,90
EC = 0,80 EC = 0,88
EC = 0,79
5. De bonnes relations avec les autres 2,27 0,783 0,38** 0,05 0,11** 0,24**
7. Plus de plaisir avec les amis 2,18 0,785 0,26** 0,08** 0,16** 0,11**
12. Pouvoir aider les autres 1,96 0,864 0,54** -0,04 0,13** 0,25**
16. Une vie rangée 1,60 0,986 0,13** 0,17** -0,06 0,40**
Dans l’étape 2, nous avons analysé les quatre valeurs fondamentales et leurs
liens avec les 17 objectifs d’espoir. En examinant les coefficients de
corrélation entre ceux-ci, nous avons souligné les indices ayant une taille
d’effet modérée ou supérieure à r = 0,20. L’autotranscendance entretient les
corrélations les plus fortes avec le désir altruiste d’aider les autres, avec le
souhait d’entretenir de bonnes relations à la fois en famille et en société,
d’effectuer des tâches utiles et intéressantes, de mener une vie harmonieuse et
de vivre des expériences religieuses et spirituelles. D’autre part, la
valorisation personnelle n’est que modérément corrélée avec l’espoir moins
bien classé de réussir au travail et de gagner plus d’argent. Quant aux deux
autres groupes de valeurs, alors que la dimension d’ouverture au changement
interagit modérément avec les souhaits d’indépendance personnelle et de
tâches utiles et intéressantes, la valeur de conservation est modérément
corrélée avec les souhaits d’ordre, d’expériences religieuses, de davantage de
sécurité, de bonnes relations, de santé et d’harmonie.
L’espoir de vivre des expériences religieuses et spirituelles et le désir
d’aider les autres méritent une mention spéciale. Dans la plupart des cas, ces
expériences ne sont pas au premier plan des souhaits des individus, mais elles
ont une corrélation modérée à forte avec l’autotranscendance, la valeur
fondamentale qui, à son tour, entretient la plus forte corrélation avec l’espoir,
comme nous le verrons à l’étape 3.
La dernière étape de cette section analyse le lien entre les quatre valeurs
fondamentales et le niveau général d’espoir perçu et d’espoir dispositionnel
ainsi qu’avec une mesure de l’épanouissement (Diener et al., 2009). Les
coefficients de corrélation indiquent que l’espoir perçu et l’épanouissement
sont le plus fortement associés aux valeurs fondamentales universelles
d’autotranscendance (r = 0,326 ; 0,343) et d’ouverture au changement (r
= 0,295 ; 0,351), suivies par la conservation (r = 0,199 ; 0,244) et très peu
avec la valorisation de soi (r = 0,113 ; 0,126) (pour toutes p < 0,01). Cela
signifie que l’espoir perçu est le moins lié à la performance, au succès et à la
recherche du pouvoir. Les personnes les plus attachées à la tolérance, la
compréhension, l’appréciation des autres et l’attention à leur bien-être, ainsi
que celles qui assument des responsabilités dans la vie, cherchent de
nouveaux défis, décident et agissent de manière indépendante, sont également
celles qui ont plus d’espoir et mènent une vie plus satisfaisante. Il est
intéressant de noter que l’autotranscendance et la conservation sont beaucoup
plus liées à l’espoir perçu qu’à l’espoir dispositionnel, qui à son tour est plus
étroitement lié à l’ouverture au changement (r = 0,444).
En conclusion, la plupart des souhaits les plus importants de la population
suisse romande sont associés à la valeur fondamentale de la transcendance de
soi, c’est-à-dire à la préservation et à la promotion du bien-être d’autrui, ainsi
qu’à une volonté de justice sociale, de paix, d’unité et de souci de
l’environnement. En outre, de nombreux souhaits sont liés à la valeur
fondamentale de la conservation, qui fait référence à l’acceptation et au
respect mutuels, à la politesse, à la stabilité sociale, à l’ordre et à l’harmonie.
Les souhaits assez hautement valorisés d’indépendance, d’autodétermination
et d’engagement dans des tâches intéressantes et utiles dénotent l’inclination
à être ouvert à de nouvelles choses, à apprécier la liberté, les nouveaux défis,
la curiosité et la créativité. Les souhaits moins importants de réussite et
d’argent sont liés aux valeurs les moins recherchées de performance,
d’ambition, de statut social et de pouvoir. Selon les résultats de notre étude,
pour ressentir davantage d’espoir, il est recommandé de développer des
valeurs de transcendance de soi et d’être ouvert à de nouvelles expériences.
Autrement dit, le fait de cultiver et de promouvoir la compréhension,
l’appréciation, la tolérance et le bien-être des autres, développera en retour le
souhait et l’espoir d’avoir une famille heureuse, de mener une vie
harmonieuse et d’entretenir des relations sociales chaleureuses et confiantes.
De plus, le souhait de davantage d’indépendance personnelle,
d’autodétermination et d’engagement dans des tâches satisfaisantes et utiles
révèle une ouverture au changement sans recherche d’une valorisation égoïste
de soi. Une telle attitude contribuera à nourrir l’espoir.
6. Je fais des économies pour réaliser mes espoirs. 1,64 0,914 0,261** 0,316**
7. J’ai un emploi qui correspond tout à fait à mes aspirations. 1,58 1,039 0,309** 0,403**
9. Je lis et fais des recherches sur le sujet de mes espoirs. 1,52 0,902 0,215** 0,195**
10. Je donne de l’argent pour ce qui me donne de l’espoir. 0,98 1,106 0,250** 0,202**
11. Je prie, je médite. 0,94 0,700 0,200** 0,050
4. Faire le bien pour une cause importante 1,79 0,919 0,310** 0,223**
5. La gratitude manifestée par les personnes que j’ai aidées 1,74 0,932 0,195** 0,129**
7. Des personnes m’ont aidé dans des moments difficiles 1,69 0,960 0,199** 0,118**
10. J’ai vécu de superbes fêtes et concerts 1,53 1,029 0,239** 0,225**
14. Mes prières ont été entendues 0,83 0,989 0,300** 0,161**
15. J’ai fait l’expérience du soutien de Dieu 0,70 1,011 0,228** 0,116**
Le tableau 17. 5 montre les expériences et les sources d’espoir que les gens
considèrent comme particulièrement importantes pour entretenir l’espoir. En
haut de la liste figurent les relations positives avec les autres et le lien avec la
nature. Avant tout, la famille et les amis proches sont d’une importance
capitale. Les relations positives, lorsqu’elles offrent soutien et aide mutuels,
deviennent une source d’espoir. Très importantes pour l’espoir, ces
expériences suscitent des sentiments positifs et incitent à faire confiance aux
autres. Elles renforcent la conviction que nous ne sommes pas seuls et que
nous pouvons compter sur les autres en cas de besoin.
Les réalisations personnelles et les réussites individuelles sont également
des sources importantes d’espoir, qui confèrent à la personne un sentiment de
confiance en soi. Seule une minorité (environ vingt pour cent de la
population) trouve dans les expériences religieuses ou spirituelles, telles que
le soutien de Dieu ou la prière, une source d’espoir. Le bas du classement est
occupé par les activités politiques et l’argent. Il est surprenant de constater à
quel point les aspects économiques, politiques et technologiques sont peu
représentés dans les espoirs personnels des individus. Cela ne signifie pas
pour autant que ces aspects sont totalement dénués d’importance.
La mise en corrélation des 18 sources d’espoir avec l’espoir perçu et
l’espoir dispositionnel fait apparaître des résultats frappants. Dans les deux
cas, les performances et les réussites individuelles sont en tête de liste, mais
elles sont beaucoup plus fortement corrélées avec l’espoir dispositionnel
qu’avec l’espoir perçu. En revanche, les items altruistes (aider les autres et
faire le bien), sociaux (le soutien familial) et religieux-spirituels (les prières)
sont nettement plus liés à l’espoir perçu qu’à l’espoir dispositionnel.
Le fait de recevoir un soutien socio-émotionnel montre une corrélation
positive significativement plus forte avec l’espoir perçu (r = 0,429) qu’avec
l’espoir dispositionnel (r = 0,366 ; p < 0,05), de même que le bien-être social
est plus fortement corrélé avec l’espoir perçu (r = 0,493) qu’avec l’espoir
dispositionnel (r = 0,400 ; p < 0,05).
Conclusion
L’espoir est un phénomène quotidien, complexe et en même temps difficile
à appréhender. Chaque jour, les gens nourrissent de nouveaux espoirs pour
des choses petites et grandes. Aussi diversifié que la vie elle-même, l’espoir
est un aspect important de la vie de chacun. L’espoir est vécu sous différentes
formes selon les personnes. Il existe divers espoirs, diverses façons de les
réaliser et diverses sources d’espoir. Certaines personnes ressentent de
l’espoir dans la nature, d’autres au sein de leur famille et d’autres encore dans
un travail utile. Cette diversité montre à quel point il est difficile de définir et
de décrire l’espoir de manière universelle.
Une découverte majeure du Baromètre de l’espoir révèle que les aspects
essentiels de la vie semblent être à la fois les souhaits les plus chers et les
sources d’espoir les plus importantes, ce qui crée un cercle vertueux et
affirme la place de l’espoir au rang des vertus. La santé personnelle, un
mariage et une famille heureux, un travail utile et intéressant, une vie
harmonieuse, l’entraide, la proximité avec la nature, des amitiés proches et
des relations chaleureuses sont les sources essentielles d’espoir et, en même
temps, les domaines les plus importants de la vie vers lesquels les individus
dirigent leurs espoirs. Cette observation est moins évidente dans d’autres
domaines. La réussite, l’argent et le plaisir (aussi importants que ces aspects
puissent être) ne figurent ni parmi les buts essentiels ni parmi les sources
importantes d’espoir.
La dimension spirituelle et religieuse constitue un phénomène particulier.
D’une part, la spiritualité et la religiosité ne sont ni un objectif central ni une
source importante d’espoir pour la majorité des individus. D’autre part, un
examen plus approfondi de ce phénomène indique que pour un certain
nombre de personnes, les expériences religieuses et spirituelles sont
effectivement un objectif significatif et une source importante d’espoir. La
relation avec Dieu, la foi et la confiance en l’assistance divine sont pour ces
personnes des aspects décisifs d’une vie pleine d’espoir, de sens et
d’accomplissement.
Enfin, les valeurs et les visions du monde positives sont reliées aux objectifs
et aux sources d’espoir, et tous se renforcent mutuellement. Si nous croyons
en la bienveillance du monde et des êtres humains, si nous sommes tolérants,
compréhensifs et reconnaissants envers les autres, si nous avons une saine
estime de soi et une bonne confiance en soi, si nous sommes en outre ouverts
au changement, si nous accomplissons nos tâches avec enthousiasme et envie
d’agir, mais sans tendance égoïste, et si nous faisons tout cela avec une foi
religieuse ou spirituelle fortifiante, alors notre espoir grandira et se
multipliera. Force existentielle majeure, le soutien socio-émotionnel favorise
notre niveau d’espoir personnel et renforce notre bien-être en société.
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1. Par Andreas M. Krafft.
Chapitre 18
Améliorer la santé par l’humour1
Sommaire
1. Qu’est-ce que l’humour et le sens de l’humour ?
2. Quel lien entretient l’humour avec la santé ?
3. Comment améliorer la santé par l’humour ?
Bibliographie
Résumé court
Ce chapitre présente en premier lieu les conceptualisations de
l’humour et du sens de l’humour. Il passe ensuite en revue les
relations entre l’humour et la santé, puis les effets sur la santé des
interventions basées sur l’humour.
Résumé long
La contribution de l’humour à la santé mentale, sociale et physique
est reconnue depuis longtemps, et a conduit à l’élaboration de
plusieurs théories et modèles psychologiques. En outre, la
recherche empirique a accordé une grande attention au thème de
l’humour et de la santé, en particulier au cours des deux dernières
décennies. Ce chapitre aborde les conceptualisations de l’humour
(terme générique recouvrant tous les phénomènes liés au
comique, à l’esprit, au rire et à l’humour) et le sens de l’humour
(différences individuelles en matière d’humour) ainsi que leur
pertinence pour la santé mentale, sociale et physique. La plupart
des études se sont concentrées sur les relations transversales
entre l’humour et la santé mentale, en accordant moins d’attention
empirique à la santé sociale et physique. Enfin, l’évaluation des
formations et des interventions basées sur l’humour a montré que
celui-ci joue effectivement un rôle causal dans l’amélioration de la
santé mentale. Ce chapitre met en lumière les principaux
concepts, résultats et implications pratiques de l’humour en
relation avec la santé, et guide les lecteurs intéressés vers
d’autres lectures importantes dans ce domaine.
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1. Par Sonja Heintz et Willibald Ruch.
Partie 3
Psychologie positive et
éducation
Chapitre 19
Apprendre les compétences
de la résilience à l’école1
Sommaire
1. Deux types de programmes scolaires de résilience
2. Les stratégies et points à retenir pour développer des
compétences de la résilience à l’école de manière
efficace
Conclusion
Bibliographie
Résumé court
Les programmes scolaires de résilience peuvent à la fois être
envisagés comme une opportunité pour atténuer les problèmes de
mauvaise santé mentale des adolescents, mais également comme
une solution pour promouvoir les compétences d’adaptation, de
résilience et plus généralement de bien-être. Ces programmes
tentent pour la plupart d’entre eux d’aider les élèves à gérer les
liens et entre leurs émotions, leurs manières de penser et leurs
comportements.
Résumé long
Les programmes scolaires de résilience peuvent être aussi utiles
en traitement des problèmes de santé mentale des adolescents,
qu’en promotion des compétences de résilience et d’un bien-être
plus global. Ces derniers se divisent en programmes additionnels
– conçus sous forme de modules facilement implantables – et en
programmes holistiques – impliquant une refonte totale des
établissements dans lesquels ils sont implantés. L’une ou l’autre
de ces formes n’est pas idéale ou définitivement meilleure. Il
convient au contraire de s’inspirer des avantages de chacune pour
déterminer les stratégies les plus pertinentes en vue de
développer les compétences d’adaptation et de résilience des
élèves, de manière efficace et dans des configurations applicables
à un large ensemble de systèmes scolaires tels que le système
scolaire français.
Conclusion
Il est certes délicat d’affirmer qu’« apprendre la résilience », à proprement
parler, est possible, néanmoins il existe aujourd’hui des programmes scolaires
qui ont pour mission d’enseigner et de développer chez les élèves des
compétences dont on peut présumer qu’elles sont impliquées dans le
processus de résilience – que l’on choisisse de définir celle-ci uniquement
dans un rapport à l’extrême ou qu’on y associe également le contexte de
l’ordinaire comme c’est envisagé dans la culture anglo-saxonne ou dans le
champ scolaire. Ces compétences et ces outils (e. g. gestion des émotions,
prise de recul, attribution de sens, élaboration de narrations différentes,
attitude proactive, etc.) sont aujourd’hui d’autant plus utiles pour les
adolescents, qu’on constate une augmentation des troubles psychologiques
chez ces derniers ainsi qu’une baisse de leur bien-être (d’ailleurs d’autant
plus marquées suite aux divers confinements vécus récemment). Dans le
système scolaire français ces enjeux commencent tout juste à apparaître. Les
textes de l’éducation physique et sportive précisent que cette discipline
scolaire a notamment pour mission d’amener « les enfants et les adolescents à
rechercher le bien-être et à se soucier de leur santé » (Bulletin officiel spécial
de l’Éducation nationale du 26 novembre 2015, p. 46). Toutefois, quelques
lignes dans un texte officiel ne représentent malheureusement pas encore une
mise en place à la hauteur de l’urgence du problème de santé mentale de nos
adolescents, futurs adultes. En effet, un très important effort de déclinaison de
cette volonté en contenus d’enseignement doit être réalisé, ainsi que la mise
en place d’un environnement qui lui soit propice (e. g. la formation des
enseignants dans le sens de ce type de contenus à enseigner, prise en compte
de la qualité de vie des enseignants et de la communauté éducative au sens
large).
Qu’il s’agisse des différentes formes de programmes (i. e. additionnels vs.
holistiques) ou des multiples illustrations de mises en place et de
dissémination, les solutions pour enseigner les outils et les compétences de
résilience et de bien-être sont en tout cas nombreuses et commencent à
émerger dans plusieurs écoles du monde entier. La complexité, dans ces
formes d’éducations alternatives ou complémentaires, est alors d’adapter et
d’intégrer un tel contenu à n’importe quel système scolaire déjà en place ainsi
qu’à la culture du pays. En l’occurrence, le choix entre module additionnel et
programme holistique n’est pas toujours évident. En effet, le choix peut être
décidé d’avance du fait de la refonte totale du curriculum et de
l’environnement scolaire qu’implique une forme de programme holistique.
Cela peut s’avérer trop conséquent et inenvisageable pour de nombreux
systèmes scolaires ou établissements scolaires qui souhaiteraient les mettre en
place. Ainsi dans le dernier temps de ce chapitre, ont été présentées plusieurs
stratégies empruntées à l’ensemble du spectre d’une éducation positive et
d’une éducation à la résilience, dont on sait à l’heure actuelle qu’elles
semblent favoriser un enseignement efficace des compétences ciblées. Au
regard de ces stratégies retenues, et dans le cadre d’un système scolaire tel
que le système français, il pourrait être envisagé de se baser sur un modèle de
programme additionnel (moins complexe, moins coûteux, ne nécessitant pas
de renverser le modèle scolaire français), avec l’intégration progressive d’un
enseignement explicite à raison d’interventions réparties durant l’année
(créneaux dédiés, en classe), mais en y associant également à hauteur d’une
ou deux fois par trimestre, un événement, un contenu, à travers lequel l’élève
pourra venir mettre en application les outils travaillés en classe. Il serait
intéressant bien sûr, de créer du lien, un suivi, et de la continuité entre ces
versants d’enseignements explicites et implicites (sensibiliser l’ensemble des
enseignants de l’établissement, familiariser chaque individu avec ces outils et
avec ce que les élèves travaillent, apporter des retours après ces expériences
d’apprentissage implicite, construire à partir d’elles, les lier à l’enseignement
explicite en classe). Au final, il pourrait s’agir de venir greffer à des
pédagogies actives, des contenus en lien avec des programmes issus de la
recherche dans le champ de la psychologie positive, particulièrement dans le
domaine de l’éducation. En parallèle il semblerait également important
d’introduire progressivement plus de contenus en lien avec ces concepts
d’éducation positive et d’éducation à la résilience au niveau de la formation
des enseignants, dans les Instituts nationaux supérieurs du professorat et de
l’éducation (INSPE) et dans la formation continue.
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1. Par Clément Métais, Marie Oger et Nicolas Burel.
Chapitre 20
Le pouvoir de croire
que l’on a compris :
perspective dualistique
de l’expérience optimale
d’apprentissage
tout au long de la vie1
Sommaire
1. La théorie de l’autotélisme : l’une des théories
majeures de la psychologie scientifique contemporaine
2. Le flow : l’émotion de s’apercevoir que l’on comprend
3. L’évolution du soi : à la recherche de la dimension
sociale de l’autotélisme-flow
4. L’expérience autotélique tout au long de la vie
5. Le côté obscur de l’expérience autotélique en
contexte d’apprentissage tout au long de la vie : le
pouvoir de croire que l’on a compris
Bibliographie
Résumé court
Dans le but d’appeler à une certaine vigilance scientifique quant à
une vision parfois trop angélique du flow, il nous semble pertinent
d’envisager la perspective dualistique de l’expérience autotélique,
notamment sa contribution à créer, conforter et renforcer des
croyances, valeurs, et cultures, pour le meilleur comme pour le
pire (pic de stupidité).
Résumé long
Bien que l’expérience autotélique soit toujours une expérience
subjective positive pour celui qui est en état de flow, cet état peut
aussi avoir des conséquences délétères. Dès lors, il nous semble
pertinent d’envisager la perspective dualistique du flow. Ainsi,
l’objet de ce chapitre est notamment d’en décrire les effets du côté
obscur (dark side of flow), plus particulièrement le risque de
conforter l’illusion d’avoir compris (pic de stupidité). Après avoir
rappelé en quoi le flow est un déterminant majeur de la
persistance à vouloir comprendre, tout au long et tout au large de
la vie, puis, avoir détaillé le principe de la sélection psychologique,
nous mettrons en évidence comment le flow va catalyser
l’affiliation de celles et ceux qui ont besoin d’être ensemble pour
partager (et le cas échéant défendre) ce qu’ils pensent avoir
compris, ce qui contribue à créer, diffuser et renforcer des
croyances, valeurs, et cultures, pour le meilleur comme pour le
pire.
Figure 20.2 – L’évolution du nombre d’articles concernant le flow, publiés dans les revues
scientifiques en langue anglaise, chaque année, entre 2000 et 2016 (Peifer, Wolters, Harmat, Heutte,
Tan et al., 2018)
Figure 20.3 – Le modèle des relations entre les dimensions du flow en éducation ([EduFlow2] Heutte,
Fenouillet, Martin-Krumm, Boniwell et Csikszentmihalyi, 2016)
Survie (1) Préserver le soi. L’énergie psychique est dirigée vers la satisfaction de
(2) Protéger le corps. l’organisme, ce qui procure du plaisir.
(3) Éviter la désintégration des buts
fondamentaux : le sens de la vie
correspond au besoin d’assurer
l’intégrité du soi physique, confort,
plaisir.
Complexité du (1) Se conformer aux normes. L’individu dirige son attention vers les buts et les valeurs de
soi (2) Faire que le sens à la vie la communauté, l’ordre intérieur étant alors procuré par la
embrasse les valeurs de la religion, le patriotisme et/ou le respect porté à autrui.
communauté (famille, voisinage,
groupe religieux ou ethnique).
(3) Élargir son horizon.
Individualisme (1) Développer une conscience L’attention revient sur le soi, l’individu s’efforçant
réflexif autonome. d’identifier puis de dépasser ses limites personnelles : c’est
(2) Ne plus se conformer aux diktats l’auto-actualisation ; à cette étape, l’enchantement plus que
de la société : le sens à la vie porte le plaisir devient la source principale de récompense.
sur l’accroissement ou
l’actualisation du potentiel.
Inclusion (1) S’unir aux valeurs universelles. L’attention se détourne de soi pour mieux se porter vers les
(2) Être suffisamment individualisé autres. Les intérêts fusionnent avec des valeurs universelles.
pour pouvoir se détourner de soi- C’est l’étape de l’inclusion de son projet de vie dans un
même. système plus large (une cause, une idée, une entité
(3) Rechercher une plus grande transcendantale).
intégration aux autres : le sens à la
vie est guidé par le désir de
fusionner ses intérêts avec ceux
d’une réalité plus grande.
Cependant, tout le monde ne passe pas par toutes les étapes de cette spirale
de complexité ascendante. Quand les exigences de survie sont si insistantes
qu’une personne ne peut pas consacrer beaucoup d’attention à autre chose,
elle n’aura pas assez d’énergie psychique pour investir dans le but de sa
famille ou d’une communauté plus large. Le sens à la vie se limitera
exclusivement à l’intérêt personnel. La majorité des humains est
probablement confortablement installée dans la deuxième étape du
développement, où le bien-être de la famille, ou de l’entreprise, de la
communauté ou de la nation sont les sources de sens. Beaucoup moins
nombreux sont ceux qui atteignent le troisième niveau de l’individualisme
réflexif, et seules quelques rares personnes émergent à nouveau pour forger
une unité avec des valeurs universelles.
Dans cette perspective, la vie personnelle apparaît comme une série de
« jeux » – avec des buts et des défis – qui changent à mesure que la personne
évolue, de façon incrémentale et coordonnée, dans une spirale intégrant une
double progression permettant à chaque étape d’accéder à la fois à une plus
grande complexité et à une plus grande intégration :
• la complexité requiert une énergie intrinsèquement orientée vers le
développement de ses aptitudes personnelle en vue de devenir autonome,
conscient de son unité et de ses limites ;
• l’intégration requiert une énergie extrinsèquement orientée en vue de
reconnaître et de comprendre les forces qui dépassent l’individu et de
trouver les façons de s’y adapter.
Csikszentmihalyi a choisi d’illustrer ce scénario en quatre étapes par souci
de simplicité : « Ce scénario ne décrit pas ce qui se passe ou ce qui arrivera,
mais caractérise plutôt ce qui peut arriver si une personne réussit à maîtriser
sa conscience » (Csikszentmihalyi, 1990, p. 222, trad. personnelle).
Le fait que le flow puisse précéder, avec une force quasi équivalente, à la
fois la persistance flexible (β = .25*) et la persistance rigide (β = .24*)
confirme que la passion, le flow et la persistance ont respectivement deux
côtés. Sauf erreur, cette étude est la première à mettre en évidence qu’une
passion harmonieuse, médiée par le flow, peut produire une persistance
rigide, et par là même contribuer potentiellement à un risque d’épuisement
professionnel. Il s’agit d’une illustration concrète et originale du côté obscur
du flow.
4.3 Le flow tout au long de la scolarité dans le
système éducatif académique formel
En regroupant les résultats de toutes les études menées de l’école primaire à
l’enseignement supérieur (figure 20.5), Heutte (2019) met en évidence que
dans le système d’éducation formel, aucun élève, une fois qu’il a quitté
l’école primaire, ne ressent jamais un niveau de flow aussi élevé que celui
ressenti à ce moment-là.
Dans des études précédentes, Fenouillet et ses collègues (2014) ont
clairement montré la baisse de tous les indicateurs de motivation dans le
secondaire (surtout au collège), avec une légère hausse en fin de lycée.
Cependant, il est surprenant de constater que, même si l’évolution du niveau
de flow entre les niveaux master et doctorat est importante, elle reste
inférieure à celle d’un élève qui entre dans l’enseignement secondaire.
Figure 20.5 – L’expérience optimale d’apprentissage tout au long de la vie (N = 5 116) (élèves/
étudiants inscrits dans le système d’enseignement académique (N = 2 925) vs auditeurs libres (N
= 2 191) ; Heutte, 2019, p. 198)
Nous constatons (figure 20.5) que pour les auditeurs libres – des apprenants
volontaires sans obligation ou contrainte académique – dans un MOOC, le
niveau de flow augmente de façon spectaculaire avec l’âge : seules ces
personnes atteignent et dépassent le niveau de flow des élèves de l’école
primaire.
Ainsi, nous pouvons en déduire que l’expérience autotélique est une
caractéristique spécifique de l’apprentissage des adultes, tout particulièrement
en contexte d’apprentissage autodirigé tout au long de la vie, comme cela
peut être le cas pour des auditeurs libres dans un MOOC.
Cependant (figure 20.6), les étudiants inscrits dans un programme
académique institutionnel – et pour lesquels les résultats obtenus dans le
MOOC sont pris en compte pour l’obtention d’un diplôme – sont ceux qui
produisent les meilleurs résultats d’examen à la fin du MOOC et l’âge
influence significativement ces résultats.
Figure 20.6 – La réussite à l’examen final non surveillé (candidats libres vs étudiants) dans le MOOC
« Gestion de projet » (GdP) de l’École centrale de Lille (Heutte, 2019, p. 198)
Figure 20.7 – La variation de la confiance dans ses capacités en fonction de l’expérience est le résultat
de biais cognitifs qui conduisent les personnes les moins compétentes à surestimer leurs capacités
(parce qu’elles sont dans l’ignorance de leur ignorance) et les plus compétentes à les sous-estimer
(parce qu’elles surestiment la complexité de ce qu’elles doivent maîtriser) (adaptation de Kruger &
Dunning, 1999, Heutte, 2019, p. 200)
Ainsi, les candidats libres peuvent vivre une superbe expérience optimale
d’apprentissage et atteindre des niveaux de flow qui dépassent ceux des
étudiants parce qu’ils n’ont pas conscience de la complexité de ce qu’il fallait
comprendre et probablement de ce qu’ils n’ont pas compris. Ceci étant,
comme l’ont mis en évidence d’autres études (Heutte, Fenouillet, Kaplan,
Martin-Krumm, & Bachelet, 2016), c’est malgré tout le sentiment de vivre
cette expérience optimale d’apprentissage qui a soutenu leur persistance dans
le MOOC, jusqu’à l’étape de l’évaluation finale.
4.3.2 L’expérience optimale liée à l’atteinte des buts,
des intérêts ou des passions
Il est tout à fait possible que l’objectif principal des candidats libres ne soit
pas d’obtenir une attestation de réussite (ou un certificat universitaire). Par
conséquent, pour les candidats libres, l’enjeu de la réussite à l’évaluation
finale n’est absolument pas le même que pour les étudiants inscrits dans un
parcours académique. Il est donc possible que, n’étant pas soumis à
l’exigence de restituer des connaissances dans un examen, ils aient
simplement survolé le contenu, sans se sentir obligés de tout comprendre, un
peu comme un client qui entre dans un magasin, juste pour jeter un coup
d’œil sur certains articles qui l’intéresse. Ils peuvent ainsi avoir pensé qu’ils
avaient suffisamment compris ce qui avait motivé leur intention de s’inscrire
dans ce MOOC (guidés par leurs intérêts et/ou passions), sans s’inquiéter
outre mesure du fait qu’ils n’avaient probablement pas tout compris, car ce
n’était le but qu’ils s’étaient initialement fixé.
4.3.3 L’expérience optimale liée à la sélection
psychologique
En 1985, Csikszentmihalyi et Massimini présentent le modèle de la
« sélection psychologique » selon lequel l’interaction entre les processus
biologiques, culturels et psychologiques pourrait être le moteur de l’évolution
humaine (le « 3e paradigme de l’évolution »). Selon Delle Fave, Massimini et
Bassi, « sur la base de l’attribution de sens, de la motivation et de
l’expérience, […] les individus sélectionnent et reproduisent un nombre
limité de morceaux d’information au sein de leur pool culturel » (2011,
traduction Heutte, 2019, p. 202). Malgré l’utilisation de schèmes opératoires
qui peuvent sembler logiquement articulés à la personne, la victoire du
mème4 (Dawkins, 1976) est de renforcer des conceptions qui ne sont pas
nécessairement scientifiquement fondées. C’est ce phénomène de
transmission qui conforte des individus dans une même communauté de
croyance. Ce processus constitue la base du principe de la sélection
psychologique.
Ainsi, la progression constante de l’expérience optimale des candidats libres
pourrait trouver une autre explication : l’âge aidant, croire que l’on est encore
capable d’apprendre (alors que l’on a quitté le système éducatif depuis
longtemps), d’autant plus que l’on est encore capable de comprendre ou d’en
savoir plus (même si l’on n’est pas en mesure de percevoir que ce que l’on
croit avoir compris n’est pas scientifiquement correct) est probablement une
grande source d’émerveillement : quoi qu’il en soit, cela reste une expérience
optimale d’apprentissage !
Figure 20.8 – Expérience optimale d’apprentissage, contamination virale et cyberculture : Jake Angeli,
alias QAnon Shaman, manifeste aux côtés de militants pro-Trump le 5 novembre 2020, à Phénix en
Arizona, devant le centre où a lieu le dépouillement de la présidentielle américaine, deux mois avant la
prise d’assaut du Capitole des États-Unis, dont il sera l’un des chefs de file (Olivier Tournon, ©AFP)
De ce fait, l’acceptation culturelle (éthique, sociale, sociétale…) des
comportements, induits par le flow, aura ainsi tendance à favoriser le
regroupement (et la reproduction, au sens le plus génétique du terme) des
personnes qui les partagent et l’éloignement de celles qui ne les partagent pas
(avec le risque de renforcer la diffusion de mèmes qui confortent tous les
extrémismes, complotismes, communautarismes), renforçant notamment la
démocratie illibérale (Zakaria, 2003) qui produit des cultures défavorables
aux libertés individuelles dans les domaines économiques, politiques et
religieux. Le flow serait ainsi un des déterminants essentiels des processus
biologiques, culturels et psychologiques au cœur de l’évolution humaine, en
favorisant une sélection psychologiquement influencée par des individus qui
doivent s’affilier pour réunir les conditions et les ressources nécessaires pour
vivre ensemble des expériences optimales, pour le meilleur comme pour le
pire (figure 20.8). Cette dualité peut être la source d’une dramatique illusion :
le risque de confondre une croyance avec une vérité, par ignorance de son
ignorance (Heutte, 2021). Ainsi, croire que nous avons progressé vers plus de
connaissance, parce que nous croyons avoir compris, est à l’évidence l’une
des sources majeures de l’expérience optimale d’apprentissage, même si cela
renforce une croyance qui n’a aucun fondement académique ou scientifique.
In fine, le rapport à soi ne peut se penser sans le rapport aux autres.
L’autotélisme apparaît donc clairement comme une théorie du développement
individuel, social et sociétal dont le moteur de la progression s’inscrit dans la
spirale du continuum égocenté-allocentré. Dans ce contexte, il reste à
s’outiller conceptuellement et méthodologiquement pour mieux investiguer la
modélisation dualistique de la dimension sociale du flow, notamment la part
des autres dans la persistance à vouloir comprendre, apprendre et se former
tout au long et tout au large de la vie : cette piste de recherche fondamentale
constitue l’une des raisons d’être de la théorie sociale-conative (Heutte, 2017,
2019).
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1. Par Jean Heutte. L’auteur remercie tout particulièrement la Fondation I-Site ULNE pour son
partenariat dans le cadre de trois projets réalisés avec le soutien financier de l’État français via le
Programme « Investissements d’avenir » (I-SITE ULNE/ANR-16-IDEX-0004 ULNE) : La chaire
Technology-Enhanced Learning Spaces: https://cirel.univ-lille.fr/projets/i-site-tels ; The Social
Dimensions of Flow : https://flow.univ-lille.fr et La Fabrique des formations de l’ULille :
https://fabrique-formations.univ-lille.fr
2. « Autotélique » est un mot composé de deux racines grecques : autos (soi-même) et telos (but). Une
activité est autotélique lorsqu’elle est entreprise sans autre but qu’elle-même. L’expérience autotélique
est liée au bien-être procuré par l’activité en elle-même.
3. Il faut reconnaître que dans leur formulation originale les expressions suivantes ne sont pas faciles à
interpréter : Concern for the self disappears, yet paradoxically the sense of self emerges stronger after
the flow experience is over (Csikszentmihalyi, 1990, p. 39), a loss of self-consciousness during flow
(Csikszentmihalyi, 1975, 1990).
4. Selon Dawkins (1976), la transmission culturelle est analogue à la transmission génétique dans la
mesure où, bien qu’elle soit fondamentalement conservatrice, elle peut donner lieu à une forme
d’évolution. Il établit ainsi un parallèle entre le biologique (nature) et l’information (culture) afin de
comprendre comment une information peut circuler et muter comme un gène. Les mèmes sont, comme
les gènes, une forme de réplicateurs : conçus par analogie, ils sont au domaine de la culture ce que les
gènes sont au domaine de la nature.
Chapitre 21
Gratitude et joie à l’école :
l’impact des émotions positives
dans l’éducation1
Sommaire
1. L’impact des émotions positives en contexte scolaire
2. Le rôle des émotions positives dans la vie des
étudiants
3. Le vécu des enseignants et la psychologie positive
4. Orientations futures
Bibliographie
Résumé court
L’objectif de ce chapitre est d’examiner le rôle des émotions
positives dans le contexte éducatif. Les mécanismes à l’origine de
l’épanouissement et du bien-être des élèves et des enseignants à
l’école sont analysés dans le cadre conceptuel de la théorie de
l’élargissement et de la construction. La fin du chapitre évoque le
rôle de la technologie et les autres moyens de générer des
émotions positives à l’école.
Résumé long
Ce chapitre a pour but d’examiner le rôle des émotions positives
dans le contexte éducatif. Les mécanismes qui engendrent
l’épanouissement et le bien-être des étudiants et des enseignants
à l’école sont analysés à l’aune du cadre de la théorie de
l’élargissement et de la construction. Les domaines
d’épanouissement suivants sont abordés : les résultats scolaires,
les relations sociales et la santé mentale des élèves. Côté
enseignants, ce chapitre aborde en sus le rôle de la résilience
dans la prévention de l’épuisement professionnel. Sont présentées
ensuite les interventions de psychologie positive spécialement
conçues pour la classe (pleine conscience et gratitude, par
exemple) dans le but de générer des émotions positives en milieu
scolaire, en soulignant au passage les pièges d’une mise en
œuvre à la hâte des interventions et l’importance de fournir un
soutien à la fois aux enseignants et aux élèves. Le chapitre se
conclut par le rôle de la technologie et la manière dont elle peut
être utilisée pour améliorer l’apprentissage en classe, sa
pertinence croissante (en particulier dans le contexte de la COVID-
19) et les possibilités accrues d’étude des émotions in vivo que la
technologie offre aux chercheurs.
4. Orientations futures
La technologie s’avère un outil important pour susciter l’engagement des
élèves à l’école et même augmenter leur bien-être général, et à mesure que de
nouvelles technologies se développent, il faudrait en toute logique les intégrer
en classe. Selon plusieurs enquêtes, la majorité des étudiants estime que la
technologie les aide à atteindre leurs objectifs d’apprentissage et à se préparer
à la vie active (Chen, Seilhamer, Bennett et Bauer, 2015 ; Dahlstrom, 2012),
et il a été démontré que les technologies informatiques augmentent
l’engagement des étudiants (Schindler et al., 2017).
Le rôle de la technologie est amené à se renforcer compte tenu des effets
potentiellement durables de la pandémie COVID-19 et de la popularité
croissante de l’enseignement à distance. Les étudiants et les enseignants sont
obligés, dans une certaine mesure, de s’appuyer sur la technologie pour
apprendre ou enseigner, socialiser avec leurs pairs et leurs collègues, etc. La
technologie est donc devenue encore plus vitale pour le bien-être et les
émotions positives des élèves comme des enseignants. Il est nécessaire de
suivre et d’étudier les résultats de cette évolution et de poursuivre l’étude du
lien entre la technologie et les émotions positives. Compte tenu des progrès
technologiques, il est également devenu plus facile de mener des recherches
en psychologie positive dans le contexte scolaire ; par exemple, les formats
en ligne de la méthode d’échantillonnage des expériences peuvent être
utilisés à la place des formats traditionnels papier-crayon, ce qui élimine les
limites pratiques et logistiques et permet aux chercheurs d’observer les
participants d’une manière plus écologiquement valide.
Méthode d’échantillonnage des expériences (Experience Sampling
Methodology, ESM)
Une méthodologie qui consiste à poser des questions aux participants,
dont les réponses sont enregistrées sur le moment en contexte, ce qui
permet d’obtenir des données d’une plus grande validité écologique.
Parmi les autres moyens créatifs de générer des émotions positives dans les
écoles, les programmes de thérapie animale se sont avérés réduire le stress,
améliorer le bien-être, les interactions sociales et les résultats scolaires
(Jalongo et al., 2004). Les effets thérapeutiques de la musique, et la capacité
de la musique à influencer positivement les émotions sont de plus en plus
étudiés, ainsi que l’association entre la pratique musicale, la participation et
le bien-être psychologique (Croom, 2014). La musique constitue donc une
autre piste à explorer pour les écoles qui envisagent d’intégrer la psychologie
positive dans le programme scolaire.
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1. Par Louise S. Wachsmuth, Tse Yen Tan et Michele M. Tugade.
Chapitre 22
Améliorer la qualité de vie à
l’école : le rôle des interventions
visant le développement de la
gratitude et de la pleine
conscience1
Sommaire
1. Efficacité des interventions fondées sur la gratitude
2. Efficacité des interventions fondées sur la pleine
conscience à l’école
3. Limites et perspectives
Conclusion
Bibliographie
Résumé court
Les interventions centrées sur le développement de la gratitude et
de la pleine conscience en contexte scolaire favorisent la qualité
de vie des élèves et du personnel et contribuent à développer un
climat favorable aux apprentissages.
Résumé long
La gratitude est une émotion, mais aussi une attitude générique
envers l’existence, qui consiste à éprouver plus fréquemment de la
reconnaissance, ce qui permet progressivement d’orienter
davantage l’attention vers les aspects satisfaisants du quotidien.
Cela contrecarre notre tendance spontanée à repérer davantage
ce qui ne va pas chez soi ou chez l’autre. La pleine conscience
représente un ensemble de compétences permettant d’accueillir
les pensées, les émotions, les expériences avec ouverture et
curiosité, c’est-à-dire sans se laisser aveugler par des jugements
de valeur et par une tendance à catégoriser les objets, personnes
ou événements. La pleine conscience favorise également la
capacité à percevoir l’expérience vécue sous un autre angle, à
réguler l’attention et les émotions. Les pratiques visant à
développer la gratitude et la pleine conscience améliorent la santé
physique, mentale et sociale. En cela, elles représentent des
ressources pertinentes pour améliorer le climat et la qualité de vie
à l’école.
La qualité de vie des élèves est étroitement liée au climat scolaire, qui fait
l’objet de recherches depuis les années 1950 et se trouve de plus en plus au
cœur des problématiques de nombreux établissements scolaires, notamment
en France (voir loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d’orientation et de
programmation pour la refondation de l’École de la République, qui fait de
l’amélioration du climat scolaire une priorité, et circulaire n° 2016-045 du
29-3-2016 « Améliorer le climat scolaire pour une École sereine et
citoyenne »). Le climat scolaire concerne le contexte d’apprentissage et de
vie au sein de l’établissement et influence le bien-être des élèves et des
personnels. Lorsque le climat scolaire est détérioré, l’incidence est
perceptible à différents niveaux : absentéisme, désengagement scolaire,
harcèlement, problèmes de discipline, instabilité des équipes. La qualité de
vie scolaire repose sur un sentiment de sécurité où l’engagement, la
motivation et le plaisir d’apprendre sont présents.
Pour répondre à cet objectif d’amélioration du climat scolaire et de la
qualité de vie des élèves, le développement des compétences psychosociales
(CPS) fait dorénavant partie des missions de l’Éducation nationale (voir
circulaire n° 2016-008 du 28 janvier 2016 sur la mise en œuvre du parcours
éducatif de santé comprenant un axe éducation à la santé visant notamment le
développement des compétences psychosociales). Il est ainsi prévu que
l’éducation à la santé soit fondée sur le développement des CPS en lien avec
le socle commun de connaissances, de compétences et de culture, dans les
établissements scolaires. Les compétences psychosociales sont définies
comme « la capacité d’une personne à maintenir un état de bien-être subjectif
lui permettant de répondre de façon positive et efficace aux exigences et aux
épreuves de la vie quotidienne » (OMS, 1993), notamment dans ses
interactions avec les autres. L’amélioration des CPS, compétences
individuelles indispensables à la vie, est ainsi clairement positionnée comme
un élément important dans la promotion de la santé dans son acception large,
renvoyant au bien-être physique, mental et social (OMS, 1997). Les CPS
peuvent être classées en compétences sociales, cognitives et émotionnelles
(OMS, 2001, 2004).
Le développement de ces compétences peut être favorisé à l’école par des
ateliers de nature psycho-éducative et participative, en groupe, permettant
aux participants d’explorer et d’accroître leurs propres compétences sociales,
cognitives et émotionnelles. Généralement d’une durée d’une ou deux heures
hebdomadaires, pendant plusieurs semaines (une dizaine au minimum), ces
interventions structurées proposent de travailler une compétence spécifique
par séance à travers des échanges, un partage d’expériences, des mises en
situation, des jeux de rôles et des exercices pratiques à intégrer dans son
quotidien. Des supports (livrets éducatifs) peuvent être donnés aux
participants afin de faciliter la compréhension et le développement de ces
CPS. Ces cycles d’ateliers CPS – appelés programmes – s’adressent aux
enfants mais aussi aux parents ainsi qu’au personnel éducatif et pédagogique,
et ont été fortement développés dans les pays anglo-saxons sous le terme
social and emotional learning (SEL) : apprentissage socio-émotionnel.
L’organisme américain CASEL se consacre ainsi, depuis plus de vingt ans, à
la promotion de ces interventions auprès des enfants, des familles et des
communautés via le transfert de connaissances, le développement de la
recherche et un plaidoyer auprès des politiques.
D’autres types d’interventions permettent aussi de développer les CPS de
manière transversale ; ce sont les interventions de psychologie positive et de
pleine conscience. On parle d’interventions transversales parce qu’elles
permettent de développer simultanément plusieurs CPS. Par exemple, les
interventions de psychologie positive permettent notamment de travailler sur
la réorientation de l’attention vers les aspects satisfaisants du quotidien. Par
une action sur ce processus, elles diminuent le biais de négativité qui oriente
spontanément notre attention vers ce qui nous dérange dans notre quotidien,
les échecs, les défauts, etc. En faisant cela, nous développons la capacité
d’observer la réalité sous un autre angle (compétence de décentration), de
réguler nos émotions grâce à ce changement de perspective qui permet un
changement d’état émotionnel (compétence de régulation des émotions) et cet
état plus positif favorise l’entraide (compétence de coopération).
Bien que les objectifs de promotion de la santé soient similaires pour les
programmes de pleine conscience et de psychologique positive, les pratiques
diffèrent, de même que les attitudes et attentes face aux pratiques.
Schématiquement, l’on pourrait dire que les interventions de psychologie
positive visent à modifier le contenu et la fréquence des expériences vécues,
tandis que la pratique de pleine conscience se focalise sur le changement de
relation à ces expériences. Malgré cette différence en termes d’attitudes et de
pratiques, ces deux champs d’intervention contribuent de manière similaire
au bien-être durable des individus (pour des méta-analyses sur les
interventions de psychologie positive, voir Bolier et al., 2013 ; Sin &
Lyubomirsky, 2009 ; pour des revues sur les liens entre pleine conscience et
bien-être, voir Brown & Ryan, 2003 ; Brown, Ryan, & Cresswell, 2007). De
plus, ces deux types d’interventions agissent également sur les
comportements prosociaux (e. g. Kemeny et al., 2012), notamment grâce à
des compétences émotionnelles et relationnelles accrues, en particulier la
régulation des émotions et l’empathie, et une plus grande flexibilité cognitive
et psychologique (e. g. Moore & Malinowksi, 2009).
Ainsi, en ce qui concerne les interventions de psychologie positive dans le
cadre scolaire, et en particulier les interventions brèves de psychologie
positive, pouvant être utilisées facilement en milieu scolaire par les
enseignants, quatre catégories d’interventions ayant été expérimentées sont
considérées comme efficaces ou prometteuses à l’école pour promouvoir le
bien-être des élèves, tout en améliorant leurs performances scolaires
(Shankland & Rosset, 2017) :
1. les pratiques de pleine conscience ;
2. l’identification et l’utilisation des ressources ou compétences personnelles
(interventions sur les forces) ;
3. l’orientation de l’attention vers les aspects satisfaisants du quotidien
(pratiques du journal d’attention) ;
4. les situations pédagogiques permettant de développer la coopération.
De plus, les interventions développant la gratitude et la pleine conscience
peuvent agir en synergie, c’est-à-dire que la présence attentive permet de
mieux percevoir les aspects positifs de la relation et donc d’accroître la
fréquence de l’émotion de gratitude, et cette émotion rend plus attentif aux
personnes que nous côtoyons, développant ainsi davantage de présence
attentive.
Nous présenterons dans ce chapitre les interventions fondées sur la gratitude
et leur efficacité en milieu scolaire, puis les interventions fondées sur la
pleine conscience à l’école, ainsi que leurs effets. Dans chaque partie, nous
présenterons tout d’abord quelques rappels théoriques, puis nous dresserons
l’état des lieux des effets, avant de proposer des exemples pratiques de mise
en application en classe. Après avoir présenté les limites observées pour ces
champs d’intervention, nous discuterons pour finir la notion de bienveillance
en éducation et la formation des enseignants nécessaire pour sa mise en place
en milieu scolaire.
3. Limites et perspectives
Les effets des interventions fondées sur la gratitude et la pleine conscience à
l’école sont cependant à prendre en tenant compte de nuances et de limites
spécifiques. En effet, ils résultent de différents types d’études obtenues avec
des méthodes variées parfois peu comparables, et dont certaines prennent en
compte ou non un groupe contrôle, qui peut être passif (qui ne suit pas de
programme) ou actif (suivant un programme d’activités différentes) (Theurel
et al., 2018). D’autre part, parfois un troisième temps d’évaluation après la
fin du programme n’est pas réalisé alors qu’il permettrait d’observer si les
effets perdurent dans le temps. Enfin, il est intéressant de pouvoir étudier
l’évolution des élèves en fonction de leur niveau initial par rapport aux
variables mesurées, car un résultat global ne rend pas nécessairement compte
de l’évolution de différentes populations d’élèves pour lesquelles un type
d’intervention serait plus adapté qu’un autre.
Concernant les mesures réalisées auprès des enfants d’âge primaire, il
semble nécessaire d’une part de consolider le type de questionnaires, à
adapter en fonction de l’âge spécifique (pour des recommandations détaillées,
voir Van Zyl, Efendic, Rothmann, & Shankland, 2019), mais aussi d’utiliser
des mesures qui ne soient pas des questionnaires autorapportés, comme une
mesure des compétences de reconnaissance faciale des émotions (Encinar,
Shankland, & Tessier, 2017), ou prendre en compte par exemple la
perception des parents à l’égard de l’évolution de leurs enfants, au moyen
d’une hétéro-évaluation. Il peut aussi être intéressant de filmer des séquences
d’interaction en classe, de manière à coder les comportements entre les élèves
ou le style motivationnel des enseignants en lien avec les besoins
psychologiques fondamentaux.
Par ailleurs, comme nous l’avons évoqué, il semble indispensable de prêter
attention à la formation des enseignants qui souhaitent mettre en œuvre ce
type de pratique en classe. La recherche montre que les effets sont d’autant
plus importants lorsque l’enseignant est formé et propose régulièrement des
pratiques à ses élèves (Meiklejohn et al., 2012). Par ailleurs, il serait
souhaitable d’étudier plus spécifiquement les trajectoires individuelles afin
d’identifier des profils d’élèves pour lesquels ces interventions sont les plus
utiles.
Conclusion
Comme les pratiques de gratitude, les interventions fondées sur la pleine
conscience à l’école représentent des ressources précieuses tant pour le
développement des compétences psychosociales que pour l’amélioration du
climat de classe. Elles s’inscrivent dans le cadre du développement d’une
éducation bienveillante, tenant compte des besoins psychologiques
fondamentaux (Deci & Ryan, 2002). La bienveillance en éducation peut être
déclinée selon trois dimensions (Shankland, Bressoud, Tessier, & Gay,
2018) : 1) la dimension cognitive (attitude de non-jugement, d’ouverture,
d’acceptation), 2) la dimension affective (empathie émotionnelle et
compassion), 3) la dimension comportementale (cadre structurant).
Concrètement, dans le cadre de la classe, les interventions de gratitude et de
pleine conscience contribuent à agir sur ces trois dimensions et favorisent le
développement de relations constructives au sein de la classe. Au-delà du
climat de classe, ces interventions permettent de développer des compétences
qui pourront s’avérer utiles tout au long de la vie.
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1. Par Rebecca Shankland, Maud Cherrier et Guillaume Tachon.
Chapitre 23
Quelle place pour la motivation
dans la réussite des élèves ?1
Sommaire
1. La motivation en quelques lignes
2. La théorie de l’autodétermination et réussite scolaire
3. La bienveillance de l’enseignant : son impact sur la
motivation et la réussite scolaire
Conclusion
Bibliographie
Résumé court
La motivation de l’élève est associée à sa réussite scolaire. Ce
chapitre souligne l’interdépendance motivationnelle élève-
enseignant. Il met l’accent sur la bienveillance de l’enseignant, tant
sur ses manifestations (sous l’angle de la TAD) que sur ses
processus.
Résumé long
La motivation de l’élève est associée à sa réussite à l’école. Cette
évidence empirique est ici approfondie via la littérature existante
sur différents concepts et théories motivationnels. Après une vue
d’ensemble de la motivation, telle qu’est est présentée dans le
modèle intégratif de la motivation (Fenouillet, 2016), la théorie de
l’autodétermination (TAD, Deci & Ryan, 1985), dans ses rapports
entre motivation et réussite, est exposée. Ces rapports ne peuvent
être appréhendés que sous l’angle d’une interdépendance
motivationnelle entre l’élève et son environnement qui crée (ou
pas) les conditions propices à la réussite. L’enseignant devient
alors la pierre angulaire du rapport entre la motivation de l’élève et
sa réussite. En effet, il transmet un cadre motivationnel en même
temps qu’il en est constitutif. C’est toute la complexité de la notion
de bienveillance de l’enseignant, qui favorise la motivation
autonome de ses élèves, en incarnant lui-même ce qu’il souhaite
transmettre, et concourt parallèlement à la satisfaction des trois
besoins fondamentaux de l’élève.
2. La théorie de l’autodétermination et
réussite scolaire
La motivation et la réussite scolaire semblent souvent associées dans les
idées collectives. Ainsi, « En général, les parents et les enseignants
considèrent que la présence ou l’absence de motivation est associée à la
réussite scolaire » (Guay & Lessard, 2016, p 251). Pour Martin-Krumm et
Boniwell (2015), dès qu’il s’agit d’expliquer la réussite ou l’échec de l’élève,
une des premières raisons invoquées est leur motivation ou leur absence de
motivation.
Depuis plusieurs années, la théorie de l’autodétermination (TAD, Deci et
Ryan, 1985) constitue le cadre de référence pour explorer les liens entre
motivations et réussite scolaire. Ainsi, les premiers travaux s’intéressaient à
l’impact de l’environnement sur la motivation intrinsèque qui se retrouve
dans le plaisir inhérent à l’action accomplie et non pas pour d’éventuelles
conséquences positives ou d’évitement de conséquences négatives (Sarrazin,
Pelletier, Deci & Ryan, 2011). Ces premiers résultats montraient ainsi
l’impact négatif de la récompense sur la motivation intrinsèque et positif des
feedback positifs axés sur la compétence.
La suite des travaux sur la TAD s’attachait à comprendre les différentes
formes que pouvait revêtir la régulation des comportements par
l’environnement. On retrouve cette forme de motivation lorsque l’action est
accomplie en vue d’un résultat particulier, à des fins plus ou moins
personnelles. Ces travaux ont permis d’aboutir à un modèle plus heuristique,
qui tout en opposant motivation autonome et motivation contrôlée, termes se
substituant ainsi aux motivations intrinsèque et extrinsèque (Sarrazin,
Pelletier, Deci & Ryan, 2011), propose un continuum de la motivation plutôt
qu’une opposition intrinsèque/extrinsèque (voir le schéma du continuum de
motivation dans le chapitre 32 de Paquet et Paty, dans cet ouvrage).
Ce continuum des différentes formes de régulations propose donc des
comportements décrits comme autodéterminés (ou autonomes) associés aux
régulations intrinsèque, intégrée et identifiée et des comportements non
autodéterminés (ou contrôlés) associés à l’amotivation, la régulation externe
et introjectée.
Les conséquences positives, vertueuses, épanouissantes des motivations
autodéterminées dans le contexte scolaire ont été largement documentées.
Pour revue, voir Guay et Lessard (2016) qui distinguent 1) des conséquences
comportementales en termes de persévérance et de réussite scolaire, 2) des
conséquences cognitives en termes mnésiques, de challenge cognitif, de
niveau de traitement de l’information (superficiel ou profond) et l’utilisation
de stratégies métacognitives (attention, autoévaluation, planification) et 3)
des conséquences affectives en termes d’émotions positives, de plaisir, de
satisfaction à l’école, de moindre anxiété et de bien-être subjectif avec des
nuances concernant la motivation introjectée qui semble avoir un coût affectif
non négligeable pour l’élève car corrélée à l’anxiété.
Définition
La motivation autonome de l’élève est un facteur de réussite scolaire mais
doit être envisagée dans une interrelation entre les motivations d’autruis
significatifs mettant notamment en place un climat soutenant l’autonomie.
Il existe donc des évidences théoriques et empiriques reliant directement
motivation autonome de l’élève et réussite scolaire. Ce lien n’étant plus à
démontrer, il s’agit de se demander comment nourrir cette motivation
autonome ?
Certes, la théorie de l’autodétermination postule que l’être humain est
motivé de manière intrinsèque à apprendre, à découvrir, à se développer.
Mais force est de constater que l’enfant n’est pas toujours motivé comme
élève. Quels pourraient donc être les déterminants de la motivation de
l’élève ?
Dans un premier temps, la motivation de l’enseignant peut être prise en
considération. D’après l’étude de Radel, Sarrazin, Legrain et Wild (2010), il
existe une sorte de contagion motivationnelle de l’enseignant vers l’élève.
Leur étude s’intéresse aux motivations intrinsèques vs extrinsèques. Elle
montre que l’élève fait des inférences sur le type de motivation de
l’enseignant qui transmet un contenu de cours. À partir du moment où il
suppose une motivation intrinsèque chez l’enseignant, il a tendance à adopter
lui-même le même type de motivation et plus encore, à propager cette
motivation à un nouvel élève à qui il doit transmettre le même contenu.
Dans un second temps, l’influence de l’environnement doit être prise en
compte, plus particulièrement, l’impact du soutien à l’autonomie des parents,
de l’enseignant et des pairs (Guay et Lessard, 2016). Soutenir l’autonomie de
l’élève, c’est reconnaître et considérer son point de vue et ses sentiments,
c’est aussi lui procurer des informations utiles et signifiantes et enfin, lui
offrir la possibilité de faire des choix (Moreau & Mageau, 2013). S’appuyant
sur des travaux antérieurs, Sarrazin, Cheval & Isoard-Gautheur (2016)
décrivent des « styles relationnels » de l’intervenant opposant un « style
soutenant l’autonomie » favorisant des motivations autonomes et un style
« contrôlant » favorisant des motivations contrôlées qui seraient des styles
indépendants. Cependant, favoriser la motivation intrinsèque dans les
activités scolaires semble plus complexe car « force est de reconnaître que la
plupart des tâches scolaires ne sont pas intrinsèquement intéressantes »
(Sarrazin, Tessier et Trouilloud, 2006). Ces auteurs plaident donc pour le
développement d’une motivation autodéterminée, regroupant les motivations
intrinsèques, identifiée et intégrée. Cette motivation autodéterminée semble
pouvoir être catalysée par trois attitudes de l’enseignant : 1) soutien de
l’autonomie de l’élève en lui offrant des choix 2) justification de l’utilité des
activités scolaires et 3) reconnaissance des émotions et ressentis des élèves en
faisant preuve d’empathie envers eux et de chaleur (Assor, Kaplan et Roth,
2002 ; Ryan et Grolnick, 1986, cités par Sarrazin et al., 2006). Ces trois types
de comportements pourraient alors être des caractéristiques des enseignants
appelés « bienveillants » ?
1. S’appuyer sur les intérêts 1. Anticiper les difficultés éventuelles. 1. Faire preuve d’empathie
ou préférences des élèves. 2. Structurer son enseignement en pour chaque élève (se
2. Mettre en place les définissant des objectifs à chaque préoccuper de ses besoins à
conditions favorables au activité. partir de ses compétences
développement de 3. Anticiper les différentes procédures notamment).
En
l’autonomie comme le à adopter pour être en réussite.
amont de
matériel à disposition. 4. Différencier qualitativement et
l’activité
quantitativement sa pédagogie pour
que chacun soit dans une situation
représentant un défi.
5. Proposer une tâche adaptée à l’âge
et aux compétences.
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1. Par Annie Paquet, Fabien Fenouillet et Yvan Paquet.
Chapitre 24
Peut-on envisager
une éducation positive ?1
Sommaire
1. Le modèle JD-R appliqué à l’École, un cadre théorique
original et novateur
2. En quoi les exigences perçues par les élèves peuvent-
elles nuire à leur qualité de vie ?
3. De multiples ressources offertes par l’environnement
éducatif
Conclusion
Bibliographie
Résumé court
Si l’École peut être perçue comme un lieu de contraintes car
véhiculant de nombreuses obligations notamment institutionnelles,
elle sait offrir aux élèves, en partenariat avec les familles, des
ressources, leur permettant d’aimer venir en cours et de s’y
épanouir.
Résumé long
L’École présente un certain nombre de contraintes liées au rythme
des cours, à la charge de travail imposée par les professeurs, aux
pressions mises par les parents voulant à tout prix que leur enfant
réussisse ou encore aux tensions pouvant exister entre élèves.
Elle propose aussi tout un lot de ressources. La bienveillance des
divers acteurs du système éducatif, l’éducation de la résilience, les
programmes scolaires de psychologie positive sont des solutions
que l’École peut offrir. La qualité de vie de l’élève dépend de cet
équilibre « exigences et ressources » qu’il perçoit au sein de
l’école. La famille, à travers la parentalité positive peut jouer un
rôle pour faire pencher la balance du côté des possibilités de se
développer, de bien-être ou mieux-être au sein de cette institution.
Si pour certains élèves chaque rentrée scolaire rime avec excitation, joie de
retrouver ses camarades, plaisir d’apprendre de nouvelles choses, pour
d’autres au contraire, elle s’apparente à un moment d’angoisse associé à « la
peur de l’inconnu. […] Cette peur est liée au fait que l’enfant ne connaît pas
[forcément] le lieu où il va atterrir, ni les personnes qu’il va rencontrer, ni les
performances scolaires qu’il va devoir fournir. Il imagine comment tout cela
va se dérouler et, ne pouvant trouver de réponses à ses questions, angoisse.
[Pour certains], un autre facteur s’ajoute à cette pression de l’inconnu et du
changement, déjà bien présente : la notion de rentrée est directement liée à la
notion d’obligation. Vous passez tout simplement du concept de plaisir, lié
aux vacances, à la détente, au lâcher-prise, à celui de contrainte. Si l’enfant
est très angoissé par la réussite scolaire, qu’il se surinvestit à l’école, une
sorte de pression inconsciente prend possession de lui et l’empêche de
développer une attitude sereine2 » (Aubert, 2019). Certains élèves en effet,
voient en l’école un espace avec son lot de nombreuses exigences et
l’associent donc à un lieu de pressions. Pour certains auteurs il peut y avoir
une accentuation de ce phénomène dès lors que les élèves sont victimes de
harcèlement ou d’humiliations pouvant les conduire à une véritable phobie
scolaire (Filliozat3, 2019). Cela aura été d’autant plus marqué à la rentrée
2020 à la suite des conditions sanitaires.
Ainsi, la rentrée peut donc être appréhendée comme un nouveau départ, ou
au contraire, comme un tournant plutôt stressant laissant présager de la suite
de l’année. Cela dépendra notamment des ressources dont dispose chaque
élève et de l’idée qu’il se fait du système scolaire en général.
C’est au travers de ce prisme d’analyse que nous avons choisi de traiter,
dans ce chapitre, de la qualité de vie des apprenants à l’École. Cela amène à
se poser un certain nombre de questions : quelles peuvent être les ressources
que le système éducatif met à disposition des élèves ? Quelles sont les
exigences qu’ils perçoivent vis-à-vis de l’École ? En quoi celles-ci peuvent-
elles avoir un impact sur leur qualité de vie ? Jouer sur le rapport
exigences/ressources dans le cadre scolaire, pourrait-il permettre un accès des
jeunes de l’école au bien-être ?
En effet, tout semble se passer comme si l’école était un environnement
générant des attentes importantes vis-à-vis des élèves mais que les ressources
qu’elle offre étaient à la hauteur de ces exigences. Or, force est de constater
qu’il y a parfois un décalage entre les deux. Dès lors, il conviendra de
préciser comment il est possible de répondre aux exigences du système
scolaire en augmentant le niveau de ressources disponibles non pas
uniquement dans l’environnement scolaire mais dans l’environnement
éducatif au sens large.
Nous expliquerons dans un premier temps sur quel cadre théorique original
nous nous sommes inspirés pour ce chapitre et son intérêt. Nous donnerons
ensuite des exemples d’exigences auxquelles sont confrontés les enfants puis
des exemples de ressources, présumant du fait qu’un équilibre entre les deux
permettrait d’améliorer leur qualité de vie mais aussi celle de ceux les
encadrant.
Conclusion
Dans ce chapitre nous nous sommes intéressés à la notion d’éducation au
sens large, c’est-à-dire celle dispensée par l’École et par la famille. Nous
avons opté pour l’analyser à travers le prisme du modèle JD-R, adapté au
domaine scolaire, ce qui nous paraissait heuristique et avant-gardiste. Après
avoir défini et décrit le modèle développé par Demerouti et al. (2001) pour
l’environnement professionnel, nous avons montré en quoi il trouvait toute sa
pertinence ici. Nous avons ainsi développé ce que pouvaient être les
exigences perçues par les enfants, exigences émanant de la communauté
éducative. La quantité de travail importante et le rythme imposés par le
système, la pression et les exigences des professeurs mais aussi des parents et
même des élèves entre eux, la charge psychologique et émotionnelle induite
ont été cités en tant qu’exemples concrets. Nous avons montré que ces
éléments pouvaient altérer le bien-être et la qualité de vie des élèves. Nous
avons aussi mis en avant que la communauté éducative permettait le
développement de ressources qui pouvaient venir contrebalancer ces
exigences. La bienveillance de la communauté éducative et des parents, la
mise en place d’ateliers ou de programmes scolaires visant le développement
du coping, voire de la résilience, ont été cités comme moyens de favoriser le
SEP et en retour d’augmenter les ressources perçues.
C’est cet équilibre entre les exigences et les ressources perçues par l’élève
qui le fera soit basculer dans l’épuisement scolaire, l’absentéisme, voire le
décrochage, ou au contraire le guidera vers l’envie d’apprendre et de
progresser. Si l’École et la communauté éducative au sens large ne doivent
pas baisser le niveau d’exigences en raison par exemple de la technicité des
futurs métiers, en contrepartie elles se doivent d’offrir aux élèves les
ressources pour y faire face et avoir une qualité de vie satisfaisante, gage en
retour de leur niveau de performance.
Dès lors, à la question : peut-on envisager une éducation positive ? La
réponse est oui. Celle-ci est permise à la fois au sein des familles (parentalité
positive) mais aussi par l’acquisition d’un ensemble de compétences
construites dans l’environnement scolaire, que ce soient les compétences en
tant que telles, techniques (contenus scolaires) ou non (régulation
émotionnelle, mindfulness, coping, etc.) ou grâce à l’environnement dans
lequel elles sont construites. La prise en compte de ces divers aspects est en
retour le gage du fonctionnement optimal des futurs adultes.
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1. Par Marie Oger, Annie Paquet, Rebecca Shankland, Yvan Paquet, Cyril Tarquinio, Clément Métais
et Charles Martin-Krumm.
2. Psychologue clinicien à Nancy et créateur de la chaîne YouTube « Questions de psy », interrogé par
le magazine L’Express, publié le 30 août 2019.
3. Psychothérapeute et auteure, interrogée par le magazine L’Express du 30 août 2019.
4. En Finlande, tous les adolescents ont une éducation générale de base similaire jusqu’à l’âge de
16 ans (école polyvalente, éducation complète). Après l’enseignement général, 55 % des élèves entrent
dans l’enseignement secondaire supérieur et 37 % vont en école professionnelle (c’est l’éducation
postcomplète). Les études à l’école secondaire supérieure et celles à l’école professionnelle durent 3 à
4 ans.
5. Interview d’Isabelle Filliozat (défenseure de la parentalité bienveillante), publiée sur adolescence-
positive.com.
Chapitre 25
Geelong Grammar School :
exemple d’une école organisée
autour de préceptes
d’éducation positive1
Sommaire
1. Histoire d’une rencontre entre Geelong Grammar
School et l’éducation positive
2. L’éducation positive à Geelong Grammar School
Conclusion et perspectives futures pour Geelong
Grammar School
Bibliographie
Résumé court
Bien que des éducations alternatives et expérimentales existent
depuis longtemps un peu partout dans le monde, un champ se
démarque aujourd’hui : l’éducation positive. L’école australienne
Geelong Grammar School s’est montrée précurseur et s’inscrit
dans ce mouvement. Elle a choisi de restructurer tout son cursus
afin de cibler les compétences du bien-être autant que les
compétences académiques.
Résumé long
Martin Seligman nous encourage à imaginer une éducation
positive, où l’école serait fondée sur l’association d’un
enseignement des compétences de la réussite et des
compétences du bien-être. Bien qu’elle ne soit pas plus pionnière
qu’une autre en termes d’éducation alternative, Geelong Grammar
School est une des premières écoles fondée sur les concepts de
psychologie positive. Par une approche holistique impliquant une
refonte totale de son fonctionnement, de sa communauté scolaire
et de son curriculum, elle tente de créer une atmosphère autour
des concepts de la psychologie positive et de promouvoir le bien-
être de sa communauté. Sa principale stratégie pour atteindre cet
objectif est la mise en place d’un système associant un
enseignement explicite (en classe) des concepts ciblés, avec un
enseignement plus implicite à travers lequel élèves et autres
membres de l’école peuvent expérimenter, vivre la psychologie
positive et s’en imprégner pleinement.
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1. Par Clément Métais et Charles Martin-Krumm.
2. N’ayant pas de traduction française littérale, pastoral care est un terme anglo-saxon contemporain se
rapportant au modèle ancien de support émotionnel, social et spirituel pouvant se trouver dans toute
communauté, culture, ou tradition. Bien que l’origine de ce mouvement se situe dans le christianisme,
son utilisation aujourd’hui peut se dissocier totalement de tout aspect religieux. Il s’agirait par exemple
ici d’envisager la figure de pasteur dans son acception statutaire et non religieuse. Le pasteur est alors
celui qui a la charge de guider, de partager et de veiller sur un groupe de personnes. En français, la
conception la plus proche de cette notion de pastoral care, se trouve au croisement entre les notions de
philanthropie et de « patronage ». Qu’il s’agisse d’un patronage ecclésiastique du XIXe siècle – ayant été
le foyer des mouvements paroissiaux qui ont à terme mené à la création de la Fédération sportive et
culturelle de France (1968) – ou d’un patronage devenu plus laïque à partir de 1905 (loi de séparation
de l’Église et de l’État) et plus encore à partir de la seconde moitié du XXe siècle, la philosophie de cette
initiative réside dans la création d’un cadre bienveillant où le jeune est supporté et éduqué sur les plans
émotionnel, moral, social, culturel et physique/sportif.
Chapitre 26
Différences individuelles
dans la sensibilité aux
expériences positives : le cas de
l’école1
Sommaire
1. Différences individuelles
2. Les effets positifs de l’école sur le développement des
enfants
3. La sensibilité environnementale
4. La sensibilité avantageuse : le bon côté de la SE
5. Mesure de la sensibilité des enfants à l’aide de
l’échelle d’hypersensibilité de l’enfant
6. La sensibilité avantageuse dans le contexte scolaire
7. Discussion
Conclusion
Bibliographie
Résumé court
Selon les théories de la sensibilité environnementale (SE ; Pluess,
2015), certains individus sont plus sensibles aux expériences
négatives comme positives. Cela explique la variabilité des
réactions aux aspects positifs de l’école, les enfants hautement
sensibles en profitant davantage que les enfants moins sensibles.
Résumé long
En général, on pense et on s’attend à ce que tout le monde
bénéficie à un degré similaire des effets positifs des expériences
favorables. Toutefois, selon les théories de la sensibilité
environnementale (SE), la sensibilité des individus aux influences
de leur environnement varie considérablement. Nous abordons ici
ces différences dans le contexte de l’école. Divers facteurs
scolaires, tels que la qualité de la classe et les relations avec les
enseignants et les pairs, favorisent le développement socio-affectif
et scolaire des enfants. Nous examinons d’abord les preuves
empiriques de ces facteurs scolaires positifs avant de présenter
les différentes théories de la sensibilité qu’englobe la SE et les
preuves récentes montrant que les enfants très sensibles
bénéficient davantage des aspects positifs de l’école, notamment
des interventions. Les résultats indiquent qu’il est important de
tenir compte des différences de sensibilité lors de l’évaluation des
effets des expériences positives, non seulement dans le contexte
scolaire mais aussi dans le domaine de la psychologie positive en
général.
1. Différences individuelles
La psychologie positive fait de manière générale la promotion du bien-être
(Miller et al., 2008). Selon l’une de ses hypothèses générales, les individus
tirent bénéfice des expériences positives. Cependant, la psychologie positive
s’est vue reprocher son approche globale et l’absence de prise en compte des
différences individuelles (Held, 2004). Selon les théories de la sensibilité
environnementale (Pluess, 2015), les personnes réagissent de manière très
différente aux expériences, certains étant plus, d’autres moins sensibles aux
influences de l’environnement, qu’elles soient négatives ou positives. Un
grand nombre d’études fournissent des preuves empiriques de ces différences
de sensibilité. Dans ce chapitre, nous exposons les différences de sensibilité
aux expériences positives dans le contexte spécifique de l’école. L’école
représente un environnement de développement important où des facteurs tels
que de bonnes relations entre les enseignants et les enfants et entre les pairs,
ainsi qu’une classe de bonne qualité contribuent au développement scolaire,
cognitif et socio-émotionnel positif des enfants (Pianta et al., 2012 ; Newman
Kingery et al., 2011). Toutefois, certains enfants tirent davantage profit de
ces expériences en raison de leur sensibilité plus élevée. Nous présentons
d’abord certains facteurs de l’environnement scolaire qui ont été associés à
un développement positif. Puis nous détaillons la notion de sensibilité
environnementale et les diverses théories qu’elle intègre, en nous concentrant
plus particulièrement sur la sensibilité avantageuse, le cadre théorique qui
décrit les différences individuelles en réponse aux influences positives
(Pluess & Belsky, 2013). Nous passons ensuite en revue les preuves
empiriques montrant que les enfants sensibles tirent un bénéfice
particulièrement important des expériences positives qu’ils vivent à l’école.
Enfin, nous discutons de ce que ces résultats signifient pour la psychologie
positive et le milieu scolaire en général.
7. Discussion
Dans ce chapitre, nous avons exposé les différences de sensibilité aux
expériences positives dans le contexte spécifique de l’école. Nous avons
d’abord examiné les facteurs contribuant à un développement positif à
l’école, notamment les relations entre pairs, les relations enseignant-enfant et
les caractéristiques de la classe. Nous avons ensuite décrit les différentes
théories de la sensibilité, suggérant que certains enfants sont plus sensibles
aux effets positifs des expériences favorables, et nous avons passé en revue
les preuves empiriques montrant que les enfants hautement sensibles
bénéficient particulièrement des expériences positives à l’école.
En résumé, un nombre croissant de preuves confirment la proposition
théorique selon laquelle certains individus bénéficient plus que d’autres des
expériences positives en raison de leur niveau de sensibilité plus élevé,
notamment des aspects positifs de l’environnement scolaire dans le cas des
enfants. Dans les quatre études examinées ici, qui ont évalué la sensibilité des
enfants à l’aide de l’échelle HSC, nous avons trouvé des preuves
transculturelles montrant que les enfants hautement sensibles bénéficient
effectivement davantage des interventions en milieu scolaire et des transitions
scolaires positives. Au Royaume-Uni, Pluess et Boniwell (2015) ont constaté
que les enfants hautement sensibles sont ceux qui avaient le plus bénéficié
d’un programme de résilience organisé à l’école. Ces résultats ont été
reproduits dans un échantillon japonais présentant des caractéristiques
démographiques différentes (Kibe et al., 2020). Une étude italienne a montré
que les garçons très sensibles avaient nettement plus bénéficié d’une
intervention antiharcèlement que les garçons moins sensibles (Nocentini
et al., 2018). Enfin, les enfants hautement sensibles ont également connu les
plus fortes augmentations de bien-être à la suite d’une transition scolaire
positive au Japon (Iimura & Kibe, 2020). Nous allons maintenant présenter
les implications de ces résultats.
7.1 Implications
Il ressort principalement de ces recherches que le bénéfice tiré des
expériences positives sera plus ou moins important d’un individu à l’autre.
En d’autres termes, ce sont les enfants hautement sensibles qui semblent
profiter le plus des expériences et des environnements positifs rencontrés
dans le contexte de l’école. Cela laisse entendre que, selon leur niveau
individuel de sensibilité, les enfants ont des besoins différents. Il leur faudrait
des environnements différents afin qu’ils atteignent leur niveau optimal de
performance. Il convient d’en tenir compte dans le cadre scolaire en offrant
aux enfants toute une gamme d’environnements d’apprentissage.
Iimura et Kibe (2020) ont été les premiers à montrer que les personnes très
sensibles voient leur bien-être s’accroître davantage que leurs pairs suite à un
changement positif survenu de manière naturelle. Il reste cependant à
démontrer dans des études empiriques si les personnes très sensibles
bénéficient également davantage d’autres influences positives se produisant
de manière naturelle à l’école, telles que les bonnes relations entre pairs, les
relations chaleureuses entre enseignants et enfants ainsi que la bonne qualité
de la classe. Ces différents facteurs ont été décrits précédemment. Certaines
recherches indiquent que ce pourrait être le cas. Par exemple, les individus
hautement sensibles manifestent un intérêt plus élevé pour les sciences
(Tillman et al., 2018), et ils ont tendance à être plus intelligents et
consciencieux (Aron, 1996), ce qui suggère que les individus hautement
sensibles pourraient s’en sortir particulièrement bien dans un environnement
scolaire optimal. D’un autre côté, la sensibilité chez les enfants a été
négativement liée au sentiment d’efficacité personnelle (Tillmann et al.,
2018 ; Kibe et al., 2020), et les adultes hautement sensibles qui font état
d’expériences négatives dans leur enfance ont une satisfaction de vie plus
faible (Booth et al., 2015). Ainsi, en plus de tirer probablement davantage
parti d’un contexte scolaire positif, les enfants hautement sensibles pourraient
aussi avoir davantage besoin d’un environnement favorable et de haute
qualité pour éviter les problèmes de développement. Des recherches plus
approfondies sur la vie quotidienne des enfants hautement sensibles, à l’école
et en dehors, sont nécessaires pour comprendre comment la sensibilité
façonne leurs expériences (Greven et al., 2019). Comme les enfants sensibles
semblent plus réceptifs aux changements positifs, il serait souhaitable de
mettre en place des ressources destinées à améliorer leur cadre de
développement.
Conclusion
En conclusion, plusieurs caractéristiques de l’environnement scolaire
influencent et favorisent le bon développement des enfants. Cependant, tous
les enfants ne bénéficient pas au même degré d’un contexte scolaire positif en
raison de différences individuelles de sensibilité environnementale, leur
capacité innée à percevoir et à traiter les informations de l’environnement.
Selon des études empiriques, les enfants hautement sensibles sont
particulièrement réceptifs à ces différences qualitatives et bénéficient
particulièrement des expériences positives qu’ils font à l’école. Par
conséquent, les différences individuelles de sensibilité environnementale, qui
peuvent être mesurées relativement facilement au moyen de questionnaires
solides et fiables, devraient être prises en compte à la fois dans la recherche et
la pratique des domaines de la psychologie positive et de la psychologie en
général.
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1. Par Jenni Elise Kähkönen, Francesca Lionetti et Michael Pluess.
Chapitre 27
Les théories implicites
de la personnalité :
déterminants de l’éducation ?1
Sommaire
1. Quel est l’impact des théories implicites au
quotidien ?
2. Comment se développent les théories implicites ?
3. Comment modifier les théories implicites ?
Conclusion
Bibliographie
Résumé court
Dans ce chapitre, nous nous focaliserons sur les théories
implicites de la personnalité, leur impact, leur développement ainsi
que la manière de les faire évoluer.
Résumé long
Les théories implicites de la personnalité correspondent aux
croyances concernant la malléabilité des capacités humaines.
Selon la théorie de l’entité, ces caractéristiques sont fixes et
immuables alors que selon la théorie incrémentielle, ces capacités
sont des qualités contrôlables que les gens peuvent changer.
Conclusion
Comme nous l’avons souligné, les croyances telles que les théories
implicites de la personnalité semblent jouer un impact majeur dans notre
quotidien en nous donnant un cadre pour interpréter et donner du sens aux
comportements d’autrui et à nos propres comportements. Ces théories dites
« naïves » déterminent également nos émotions et nos réactions en particulier
en situation d’échec. Ainsi, nous pouvons mieux comprendre pourquoi dans
les situations sociales difficiles, certains peuvent juger autrui de manière très
sévère alors que d’autres prennent le temps de comprendre malgré les
difficultés vécues.
Nous avons vu ensuite comment ces théories implicites se développent
depuis le plus jeune âge et comment la valorisation des réussites par les
adultes pouvait paradoxalement, malgré leurs bonnes intentions, générer des
croyances fixes et des comportements d’évitement face à aux échecs
ultérieurs. Pour autant, ces croyances et les interprétations qui en découlent
ne sont pas figées et peuvent évoluer si les parents ou les enseignants aident
l’enfant à modifier ses croyances en se focalisant sur les processus
d’apprentissage plutôt que sur ses performances, en se concentrant sur l’envie
d’approfondir ses connaissances plutôt que se comparer aux autres et montrer
ses capacités.
De manière surprenante notre système éducatif et notre société en général
semblent toujours miser sur la compétition et la performance alors que toutes
les études démontrent que cet état d’esprit génère des conséquences plutôt
négatives et de plus mauvaises performances. Ainsi, des enfants dès leur plus
jeune âge succombent à des crises de panique, à des affects dépressifs et
développent une phobie de l’échec peu propice au bien-être et à un
développement harmonieux. Il est donc urgent à la lumière de tous ces
travaux de sensibiliser et de former les enseignants ainsi que les parents pour
favoriser des climats favorables au développement et permettre d’assurer une
éducation de qualité pour tous qui maintienne et optimise leur motivation
malgré les échecs.
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1. Par David Da Fonseca, Clara Ankri et Flora Bat.
Partie 4
Psychologie positive
et organisations
Chapitre 28
Le rôle de la passion
dans le fonctionnement optimal
et la résilience
en contexte organisationnel1
Sommaire
1. La psychologie de la passion
2. Certaines conséquences de la passion
3. Passion et résilience
Conclusion
Bibliographie
Résumé court
La passion est une force motivationnelle pouvant mener au
fonctionnement optimal et à la résilience en contexte
organisationnel. Toutefois, si l’engagement est obsessif, plutôt
qu’harmonieux, celui-ci peut mener à des conséquences moins
adaptées. Ce chapitre explore les différentes retombées de la
passion, harmonieuse et obsessive, en milieu organisationnel.
Résumé long
La passion est une force motivationnelle qui, selon le modèle
dualiste de la passion, se présente sous deux différentes formes
d’engagement : harmonieux et obsessif. La passion harmonieuse,
de par sa flexibilité et son ouverture, favorise le fonctionnement
optimal. En effet, elle permet à la personne de vivre sa vie à plein
régime et d’en récolter les bienfaits sur plusieurs dimensions, y
compris aux niveaux des cognitions, des émotions, du bien-être
psychologique, des relations interpersonnelles, de la performance
et de la résilience. La passion obsessive, quant à elle, se
caractérise par un engagement rigide et des conflits entre les
différentes sphères de vie de l’individu. Par conséquent, elle
entraîne plutôt des conséquences négatives nuisant au
fonctionnement optimal et à la résilience. Une passion dirigée vers
l’une des activités les plus centrales de notre existence, soit le
travail, revêt ainsi un rôle d’une grande importance dans le
fonctionnement des travailleurs.
1. La psychologie de la passion
1.1 Le concept de la passion
Pour paraphraser Christopher Peterson (2010), le concept de passion a un
long passé, mais une courte histoire ! En effet, le concept de passion a suscité
de nombreuses réflexions notamment en philosophie, le tout ayant mené à
l’émergence de trois perspectives principales (Vallerand, 2015). La première,
en lien avec la perspective des philosophes grecs, postule que la passion
implique une perte de raison et de contrôle (par exemple, Platon, 429-347
avant J.-C. et Spinoza, 1632-1677), menant à un assouvissement à la passion.
La seconde perspective souligne les propriétés positives de la passion, avec
les écrits de philosophes romantiques pour qui les passions sont nécessaires à
l’atteinte de niveaux élevés d’accomplissement (Hegel, 1770-1831) et même
pour vivre une vie satisfaisante (Kiekegaard, 1813-1855). Ces deux
perspectives mettent en lumière la dualité inhérente au concept de la passion,
selon laquelle l’atteinte de conséquences adaptatives et mésadaptatives
peuvent en découler. Enfin, au début du XXe siècle, quelques essais non
expérimentaux en psychologie (Joussain, 1928 ; Ribot, 1907), on fait ressortir
la possibilité d’une troisième perspective sur la passion. Dans celle-ci, les
passions pouvaient être adaptatives ou non, selon diverses caractéristiques
associées à la nature de l’activité.
Passion
La passion se définit comme une forte inclination vers une activité (ou un
objet, une idéologie, une personne) que l’on aime, que l’on trouve
importante et porteuse de sens, dans laquelle on investit de grandes
quantités de temps et d’effort, et par laquelle on se définit.
Peu d’écrits ont porté sur la psychologie de la passion suite à ceux de
Joussain et Ribot. Certains articles empiriques ont porté sur la passion
amoureuse (par exemple, Hatfield & Walster, 1978), et non celle envers des
activités telles que le travail. De plus, les seules études ayant traité de la
passion au travail l’ont d’ailleurs principalement conceptualisée en termes
d’amour ressenti envers son travail (Baum & Locke, 2004 ; Cardon, 2008 ;
Cardon et al., 2009 ; Lam & Pertulla, 2008). Or, bien que l’amour pour
l’activité (travail) soit une composante importante de la passion, comme nous
le verrons dans le présent chapitre, elle n’en constitue cependant pas la seule.
De plus, aucune recherche n’avait su aborder la dualité de la passion. C’est
avec l’article de Vallerand et ses collègues (2003) que les premières études
empiriques ont été réalisées sur la passion envers les activités. Ces études
s’inscrivaient dans le cadre du modèle dualiste de la passion (MDP)
permettant d’expliquer et de prédire les effets adaptatifs et mésadaptatifs de
la passion.
3. Passion et résilience
Le concept de résilience est généralement défini comme une adaptation
relativement réussie malgré un contexte ou des situations difficiles (Bonanno
et al., 2005). Les chercheurs ont surtout essayé de comprendre pourquoi et
comment certains individus réussissent à surmonter les épreuves auxquelles
ils font face avec peu ou pas de séquelles psychologiques. Ceci peut être le
cas d’enfants vivant dans des contextes à risque (par exemple pauvreté,
maltraitance, deuil parental ; Draper & Hancock, 2011 ; Garmezy, 1993 ;
Wingo et al., 2010), des adultes affrontant des événements stressants (par
exemple mort d’un être cher, attaques terroristes ; Carr et al., 1997 ; Bonanno
et al., 2005 ; Fredrickson et al., 2003) ou encore des adultes faisant face à des
stresseurs quotidiens (par exemple adversité au travail, stress académique ;
Jackson, Firtko, & Edenborough, 2007 ; Wilks & Spivey, 2010).
En ce qui a trait à ce dernier cas, deux types de recherche ont été réalisés
auprès des adultes. Dans un premier temps, les chercheurs ont essayé
d’identifier les variables individuelles permettant aux gens de faire face à des
stresseurs importants. C’est le cas entre autres de certains traits de
personnalité tel le trait de résilience (Block & Block, 1980 ; Block &
Kremen, 1996) ou encore l’estime de soi (Kidd & Shahar, 2008). Le second
type de recherche a mis l’accent sur le processus de résilience en tant que tel
(Fredrickson et al., 2003). Ce type d’études cherche à identifier les
mécanismes psychologiques utilisés par les individus démontrant de la
résilience. Par exemple, Fredrickson et ses collègues (2003) ont démontré
que les individus qui vivent des émotions positives pendant des situations
stressantes font preuve d’adaptation psychologique.
Cette présentation malheureusement trop rapide des recherches sur la
résilience nous amène à formuler trois constats. Premièrement, la grande
majorité des études a mesuré la résilience comme l’absence de problème. Or,
comme nous l’avons vu en psychologie positive, on ne peut conclure au
fonctionnement optimal par l’absence de problème (Vallerand, 2015). Afin
de s’assurer qu’il y a résilience, nous proposons qu’il faille mesurer la
présence de conséquences positives suite à l’événement stressant (voir
Almedom & Glandon, 2007). Deuxièmement, la plupart des études ont mis
l’accent sur un seul indicateur de résilience. Par exemple, un vendeur
échouant lors d’une vente importante serait vu comme résilient s’il réussit
lors de la prochaine vente. Toutefois, être résilient dans un secteur (le travail)
ne garantit pas l’être dans d’autres secteurs de sa vie (par exemple la vie
familiale). En mesurant la résilience de façon multidimensionnelle, il serait
alors possible de mesurer l’étendue de la résilience pouvant aller d’aucune
résilience à une résilience partielle dans un secteur mais pas dans d’autres, à
une résilience complète dans toutes les sphères de vie. Enfin, aucune étude à
ce jour n’a étudié la résilience des personnes passionnées. À la lumière de ce
qui a été présenté dans ce chapitre (et aussi dans le chapitre 1), on devrait
s’attendre à ce que les individus passionnés démontrent un certain niveau de
résilience. Toutefois, ceci pourrait être davantage le cas avec la passion
harmonieuse, qui mène généralement à des conséquences adaptatives, que la
passion obsessive, menant ainsi à des précisions quant aux processus
motivationnels favorisant la résilience.
Nous avons récemment mené un nombre important de recherches sur le rôle
de la passion dans la résilience. Ces études ont été réalisées dans divers
contextes tels que le travail, l’éducation, le sport et l’activité physique. Ces
études ont porté sur le rôle de la passion comme déterminant des différences
individuelles au niveau du trait de résilience et comme déterminant des
processus mis en opération durant une situation stressante. Nous présentons
sommairement les résultats de certaines de ces études.
Conclusion
La psychologie positive apporte une nouvelle vision du monde qui nous
entoure. Ainsi, selon celle-ci, le virage « positif » implique de considérer les
facteurs favorisant un fonctionnement optimal de la personne et non
seulement l’amélioration des conséquences négatives (Chénard-Poirier &
Vallerand, 2021 ; Pawelski, 2011). Nous croyons que l’un de ces facteurs est
la passion harmonieuse pour une activité significative dans la vie de la
personne tel le travail. En effet, comme nous l’avons démontré dans ce
chapitre, une telle passion permet à la personne de vivre sa vie à plein régime
et d’en récolter les bienfaits au niveau des cognitions, des émotions, du bien-
être psychologique, des relations interpersonnelles, de la performance et de la
résilience. Qui plus est, si cette passion harmonieuse est dirigée vers l’une
des activités les plus centrales de notre existence, tel le travail, les
conséquences adaptatives pourraient en être décuplées. Dans ce cadre, les
recherches futures sur la passion en contexte organisationnel pourraient
s’avérer d’une grande importance.
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1. Par Robert J. Vallerand et Virginie Paquette.
Chapitre 29
L’appreciative inquiry,
une technique d’accompagnement
qui donne vie aux entreprises ?1
Sommaire
1. Les formes d’AI
2. Objectif du chapitre
3. Vers un développement de la vitalité
organisationnelle ?
4. Impacts de l’AI en milieu organisationnel et
mécanismes engagés
5. Une mise en œuvre complexe
6. L’AI, approche révolutionnaire de l’accompagnement
au changement ou pratique qui questionne ?
Conclusion
Bibliographie
Résumé court
Qu’est-ce qui donne vie à une organisation ? Ce chapitre présente
l’approche appréciative, une méthodologie d’accompagnement au
changement organisationnel ; les impacts qu’elle peut avoir au
sein d’une organisation y sont discutés.
Résumé long
Qu’est-ce qui donne vie à une organisation ? Ce chapitre présente
l’approche appréciative, une méthodologie d’accompagnement au
changement organisationnel ; les impacts qu’elle peut avoir au
sein d’une organisation y sont discutés. L’approche appréciative
est basée sur le postulat que chaque organisation possède en elle
quelque chose qui fonctionne bien et statue qu’il est possible de
rechercher, de trouver et de développer ses sources de vitalité.
Les impacts en milieu organisationnel d’une telle intervention sont
présentés en quatre catégories : la générativité, l’engagement et la
performance, la coopération et l’épanouissement. Une réflexion est
proposée quant à l’implantation du changement durant la phase de
déploiement, en s’appuyant sur les plus récentes théories de la
gestion du changement organisationnel.
Où pouvons-nous tirer parti de nos atouts pour atteindre des résultats encore meilleurs ?
Où ?
Où allons-nous commencer ?
Quand ? Quand avons-nous été à notre meilleur ?
Comment puis-je vous aider à réaliser vos espoirs et vos rêves les plus fous ?
Comment ?
Comment puis-je vous soutenir maintenant ?
4.1 Générativité
L’AI est présenté comme un processus décuplant la générativité (Bushe &
Kassam, 2005 ; Bushe & Paranpjey, 2015 ; Cooperrider, 2013 ; Powley et al.,
2004).
Générativité
L’émergence de nouvelles idées amenant de nouvelles actions.
En premier lieu, l’AI est génératrice d’idées (Bushe, 2010), c’est-à-dire
qu’au cours du processus, une ou plusieurs idées nouvelles surgissent et
amènent les individus à agir de manière novatrice et bénéfique tant pour eux
que pour autrui. La génération d’idées amène une vision novatrice du futur,
notamment à travers les images mentales (Bushe, 2007). Aux phases de
découverte et de devenir, une vision collective du futur se crée (Ruhe et al.,
2011 ; Trajkovski et al., 2015). Imaginer un futur collectif positif et possible
permet alors de nourrir l’espoir des participants (Barrett & Fry, 2005) et de
limiter les commentaires négatifs (Finegold et al., 2002 ; Gonzales & Leroy,
2011). L’AI est également génératrice d’émotions positives telles que la fierté
(Cooperrider & McQuaid, 2012), la satisfaction (Gonzales & Leroy, 2011) ou
encore l’espoir (Cooperrider & Barrett, 2002). Enfin, l’AI est aussi
génératrice d’énergie positive (Baker et al., 2009 ; Berrisford, 2005 ;
Cooperrider & McQuaid, 2012) et d’excitation de travailler dans un
environnement hautement collaboratif (Bright, Cooperrider, & Galloway,
2006). Cet élan facilite la mobilisation de l’énergie nécessaire à la mise en
place de nouvelles actions au sein de l’entreprise (Egan & Lancaster, 2005).
4.2 Engagement et performance
L’AI promeut l’engagement et la performance à travers la création d’images
et d’actions positives (Baker et al., 2009). En visant l’inclusion d’un
maximum de parties prenantes, elle permet de créer des ponts entre les
individus (Baker et al., 2009 ; Cooperrider & McQuaid, 2012 ; Mantel &
Ludema, 2004) et génère de l’engagement (Ruhe et al., 2011). L’AI permet
également de développer la conviction collective que l’équipe possède les
connaissances et les compétences nécessaires pour accomplir les tâches et
développe davantage d’identification au groupe (Peele, 2006).
L’apprentissage se fait plus rapidement (Ridley-Duff & Duncan, 2015 ;
Trajkovski et al., 2013), l’attention et l’efficacité étant stimulées (Bright
et al., 2006 ; Cooperrider & McQuaid, 2012). Les prises d’initiative sont plus
nombreuses (Cooperrider & McQuaid, 2012), et la performance est accrue
par l’amplification du pouvoir décisionnel ainsi que le développement d’un
sentiment de responsabilité et d’autonomie (Conkright, 2011 ; Finegold et al.,
2002 ; Powley et al., 2004).
4.3 Coopération
Par son processus inclusif et rassembleur, l’AI promeut la coopération entre
les participants (Baker et al., 2009 ; Egan & Lancaster, 2005 ; Falk, 2014 ;
Trajkovski et al., 2015). Les actions altruistes envers le groupe – liées au
développement d’un sentiment d’unité – sont plus fréquentes, décuplant
l’efficacité groupale (Egan & Lancaster, 2005 ; Falk, 2014 ; Gonzales &
Leroy, 2011 ; Powley et al., 2004). Ce phénomène prend racine dans la
création de partenariats tout au long de l’intervention (Finegold et al., 2002 ;
Trajkovski et al., 2015) et dans une forme d’approche qui se veut inclusive
(Cooperrider & McQuaid, 2012). L’AI est aussi le terrain fertile
d’interactions respectueuses (Ruhe et al., 2011), permettant la création rapide
d’un sentiment d’intimité entre les participants et une identité de groupe plus
forte (Baker et al., 2009 ; Jones, 1998). Elle accroît les comportements
positifs envers le groupe, tels que la participation, la confiance dans les
capacités de l’équipe, la prise de décision et la satisfaction à l’égard des
membres (Bushe & Coetzer, 1995). Davantage d’actions altruistes sont
engagées, dans un climat plus détendu où le rire est présent (Stefaniak, 2007).
Les conversations tendant alors à converger (Egan & Lancaster, 2005 ;
Mantel & Ludema, 2004). Le dialogue étant utilisé comme stratégie de
groupe, les participants se montrent plus ouverts à recevoir et donner du
feedback positif (Clarke & Thornton, 2014 ; Stefaniak, 2007), ainsi qu’à
nommer des éléments demandant du courage (Baker et al., 2009). Les
relations positives se créent sur une base d’honnêteté et de confiance
(Cooperrider & McQuaid, 2012 ; Watkins, Dewar, & Kennedy, 2016), de
respect (Shendell-Falik et al., 2007), et d’empathie (Cooperrider & McQuaid,
2012).
4.4 Épanouissement
L’AI favorise l’épanouissement humain à la fois en développant les
meilleures pratiques humaines en entreprise et les échanges de groupe (Baker
et al., 2009 ; Clarke & Thornton, 2014 ; Stefaniak, 2007). Comme il se sent
entendu, le participant peut mieux se connecter à ses émotions (Berrisford,
2005). La focalisation sur les bonnes pratiques permet un sentiment de fierté
(Cooperrider & McQuaid, 2012), davantage de confiance en soi et de
satisfaction (Gonzales & Leroy, 2011) ainsi que le développement de
l’espoir, de l’optimisme et de la résilience (Verleysen et al., 2015). Selon
Cooperrider et Barrett (2002) l’AI, par l’étude des succès et les échanges
subséquents, élève le niveau de conscience et inspire les individus, tout en
développant l’humilité. Un changement d’attitude et de langage survient ; une
attitude plus positive se manifeste (Clarke & Thornton, 2014 ; Finegold et al.,
2002). Ces éléments font partie de ceux qui développent la vitalité
organisationnelle.
Préoccupations
centrées sur le « Que va-t-il m’arriver ? » Écouter et soutenir
destinataire
Préoccupations
« Qu’est-ce au juste que ce Communiquer le plan d’action, les ressources
centrées sur le
changement ? » « Comment fait-on ? » et faire participer
changement
Préoccupations Faciliter le transfert des nouveaux acquis :
« Est-ce que je vais être capable de… ? »
centrées sur formation, accompagnement, temps
l’expérimentation d’adaptation
Préoccupations
centrées sur
« Comment pourrait-on faire mieux ce Laisser émerger des pistes d’amélioration du
l’amélioration
qu’on fait bien avec le changement ? » changement
continue du
changement
Une fois les préoccupations considérées, les managers peuvent appuyer les
réussites à court terme, afin de transmettre un sentiment de progrès dans la
mise en place du changement. Des buts et objectifs clairs doivent être
spécifiés et redéfinis tout au long du processus. Le changement peut être
évalué et renforcé positivement tout au long de la mise en œuvre. Enfin,
l’institutionnalisation du changement permet la création d’une nouvelle
norme. Cela consiste à intégrer le changement dans les activités journalières,
de même que d’expliciter et communiquer les résultats du changement aux
employés pour les rendre visibles. Audet (2010) suggère de valoriser les
microchangements tout au long du processus, afin de continuer à donner un
sens à la vision définie et de supporter l’émergence de nouvelles initiatives.
Conclusion
En somme, en explorant les forces et les ressources du système, en générant
le changement par le biais d’idées nouvelles s’inscrivant dans une vision d’un
futur positif ou encore en élevant le collectif, l’AI développe la vitalité
organisationnelle. Elle s’inscrit dans ce principe héliotropique et accroît la
générativité, l’engagement et la performance, la coopération et
l’épanouissement des employés. L’AI est à la fois une philosophie et un outil
d’accompagnement au développement organisationnel, qui suscite
immanquablement la mobilisation des systèmes concernés. Il semble
toutefois que la phase de déploiement de l’AI gagnerait à être bonifiée en y
intégrant des composantes supplémentaires issues des plus récentes théories
du changement organisationnel. Par ailleurs, des recherches s’avèrent
indispensables afin d’en évaluer la plus-value, d’identifier les processus
engagés et de mesurer la durabilité des effets.
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1. Par Marine Miglianico, Philippe Dubreuil, Paule Miquelon et Charles Martin-Krumm.
Chapitre 30
Comment l’approche
par les forces favorise-t-elle
le fonctionnement optimal
des collaborateurs ? Une
explication par la théorie
de l’autodétermination1
Sommaire
1. Problématique et objectif
2. Les bienfaits de l’approche par les forces
3. Les ressources que l’approche par les forces offre aux
travailleurs
4. Les mécanismes explicatifs de la relation entre les
ressources de l’approche par les forces, le bien-être et
la performance au travail
Conclusion
Bibliographie
Résumé court
Les bienfaits de l’approche par les forces sont bien connus. Cette
approche novatrice en milieu de travail favorise notamment le
bien-être et la performance au travail. Pourtant, les mécanismes
explicatifs qui sous-tendent la relation entre l’approche par les
forces, le bien-être et la performance restent inconnus. Le présent
chapitre propose un cadre théorique pour pallier cette limite.
Résumé long
Ce chapitre présente l’approche par les forces, une intervention
positive et développementale en milieu de travail qui valorise le
potentiel humain. Les bienfaits de l’approche par les forces sont
largement démontrés dans la documentation scientifique,
notamment en ce qui a trait à l’augmentation de la performance et
du bien-être au travail. Toutefois, à ce jour, les mécanismes
explicatifs potentiellement à la base de ces bienfaits observés
restent largement sous-étudiés. Le chapitre qui suit est divisé en
trois sections, chacune expliquant pourquoi l’approche par les
forces augmente le bien-être et la performance au travail. Il débute
avec une recension des écrits qui traite des bienfaits de cette
approche dite d’« abondance ». Ensuite, il examine les ressources
clefs que l’approche par les forces offre aux travailleurs. Ces
ressources sont tant personnelles (i. e. la connaissance des forces
et l’utilisation des forces) que contextuelles (i. e. le soutien
organisationnel à l’utilisation des forces et la rétroaction axée sur
la promotion). Enfin, il conclut avec la proposition d’un cadre
théorique fondé sur la théorie de l’autodétermination qui explique
la relation entre les ressources de l’approche par les forces, la
performance et le bien-être au travail.
Créativité
Curiosité
Sagesse Ouverture d’esprit
Amour de l’apprentissage
Perspective
Authenticité
Bravoure
Courage La persévérance
Zest
Gentillesse
Humanité L’amour
L’intelligence sociale
Justice
Justice Leadership
Esprit d’équipe
Pardon
Modestie
Tempérance
Prudence
L’autorégulation
Conclusion
Le présent chapitre résume la situation d’une approche novatrice en matière
de développement, celle qui mise sur les forces des personnes au travail.
Miser sur les forces des collaborateurs apparaît comme une stratégie éclairée
pour maximiser la performance et le bien-être au travail, nommément le
fonctionnement optimal au travail. L’approche par les forces se manifeste
d’une part au niveau individuel (i. e. identification et utilisation des forces) et,
d’autre part, au niveau du contexte du travail (i. e. la perception d’un soutien
organisationnel à l’utilisation des forces et la rétroaction axée sur la
promotion). Comment l’approche par les forces contribue-t-elle au
fonctionnement optimal des collaborateurs ? La théorie de
l’autodétermination offre un cadre motivationnel pour répondre à cette
question. En effet, en s’appuyant sur celle-ci, le modèle théorique proposé
dans ce chapitre soutient que l’approche par les forces favorise possiblement
la satisfaction de besoins psychologiques fondamentaux et, parallèlement,
réduit la frustration de ces derniers. Ce qui contribue au maintien d’une
orientation motivationnelle dite autonome envers le travail. Par conséquent,
la performance et le bien-être sont donc les conséquences de la motivation
automne que génère l’approche par les forces.
Pour terminer, la psychologie positive insiste sur l’importance de
développer en premier lieu les forces des individus pour favoriser leur
épanouissement, en plus de tenir compte de leurs
limites/faiblesses. Évidemment, la correction des faiblesses permet de réduire
l’anxiété associée à des tâches non maîtrisées. Reliée à la théorie de
l’autodétermination, imaginons qu’une approche visant la réduction des
faiblesses au travail réduit la frustration des besoins d’autonomie, de
compétence et d’affiliation sociale au travail, tandis que l’approche par les
forces augmente leur satisfaction. Bien sûr, des recherches sur le terrain sont
nécessaires afin d’appuyer les propositions théoriques de ce chapitre par des
observations empiriques.
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1. Par Marc-Antoine Gradito Dubord, Dominique Lavoie et Jacques Forest.
Chapitre 31
L’économie du bien-être
subjectif1
Sommaire
1. La place du bonheur dans l’économie
2. Quels sont les déterminants principaux du bien-être
subjectif ?
3. Comment le bien-être subjectif influence-t-il nos
comportements et nos décisions ?
Conclusion
Bibliographie
Résumé court
Les mesures de bien-être subjectif sont de plus en plus
couramment utilisées dans la recherche en économie. Ce chapitre
présente les résultats considérés comme canoniques ainsi que
quelques questions importantes encore ouvertes.
Résumé long
Depuis une trentaine d’années, la science économique s’est saisie
des mesures de bien-être subjectif. D’une part, en tant
qu’indicateur agrégé, le bien-être subjectif est désormais considéré
comme une mesure de bien-être et de progrès sociétal. D’autre
part, au cours des trois dernières décennies, la recherche a mis au
jour un certain nombre de déterminants du bien-être subjectif
individuel, tel que le revenu, le statut dans l’emploi ou les relations
sociales, notamment conjugales. D’autres relations sont plus
ambiguës ou paradoxales. Le recours à ce type de mesure a
permis de valider des hypothèses anciennes mais difficiles à
illustrer empiriquement, telles que le caractère relatif et temporaire
de la satisfaction issue du revenu ainsi que d’autres interactions
sociales hors marché. Enfin, des résultats récents illustrent le
pouvoir prédictif du bien-être subjectif sur les comportements
individuels.
2.1 Le revenu
Le principal sujet d’investigation de la littérature consacrée au bien-être
subjectif concerne le revenu. De quelle manière le bonheur individuel est-il
lié au revenu individuel, au revenu national, à la croissance de ce dernier et
aux inégalités de revenu ?
Ces questionnements prennent leur source dans le paradoxe d’Easterlin
évoqué plus haut, à savoir l’absence de relation, en tendance longue, entre le
niveau de bien-être subjectif moyen déclaré par les habitants d’un pays (sur
une échelle graduée de 0 à 10 par exemple) et la croissance économique. Ce
« fait stylisé » est d’autant plus paradoxal qu’il entre en contradiction avec la
solide corrélation systématiquement observée entre revenu et bonheur en
coupe transversale : au sein d’un pays, les riches se déclarent plus heureux
que les pauvres, et les habitants des pays riches se déclarent plus heureux que
ceux des pays pauvres (Easterlin, 2001, 2005 ; Blanchflower & Oswald,
2004 ; di Tella, et al., 2003). Ce double paradoxe constituera l’aporie majeure
de ce champ de recherche (Senik, 2005, 2014), et demeure d’ailleurs objet de
controverse (Stevenson & Wolfers, 2008, 2013).
Les explications proposées par Richard Easterlin lui-même ont ouvert les
voies de recherche les plus explorées au sein de ce domaine. Il s’agit
d’hypothèses ayant retenu l’attention des sciences sociales depuis longtemps,
mais dont il restait difficile de fournir des preuves empiriques. L’idée
générale est que l’utilité (ou le bonheur) dépend, non pas du niveau de la
grandeur considérée comme source de satisfaction – le revenu par exemple,
mais de son rapport à un seuil de comparaison. Celui-ci peut être constitué
par le revenu d’autrui ou par le revenu atteint par l’individu considéré dans le
passé.
Dans le premier cas, ce sont les comparaisons sociales à un groupe de
référence qui réduisent, ou anéantissent, l’effet de la croissance économique
sur le bonheur. À la limite, si la satisfaction que les personnes retirent de
revenu est totalement relative, la croissance du revenu national ne peut être
qu’un jeu à somme nulle. Un très grand nombre de travaux empiriques ont
cherché à vérifier cette hypothèse et à identifier la composition des groupes
de référence pertinents, qu’il s’agisse des collègues, amis, membres de la
famille ou anciens camarades de classe3.
L’autre explication, l’hypothèse d’adaptation, a été moins souvent illustrée
(Clark, 1999 ; Grund & Sliwka, 2007 ; Di Tella et al., 2010), quoique plus
précocement, par l’école dite « de Leyden » dans les années 1970 (voir van
Praag & Ferrer-i-Carbonell, 2004), qui montre, par exemple, que
l’augmentation du revenu d’une personne exerce un effet positif sur sa
satisfaction subjective, mais que deux tiers de cet effet se seront dissipés au
terme de deux années.
2.3 La santé
L’état de santé subjectif des individus est quasiment indiscernable de la
notion de bien-être. De fait, empiriquement, les deux variables se révèlent
extrêmement corrélées. Lorsque l’on peut suivre les individus au long de leur
cycle de vie, on observe que la santé constitue le facteur majeur de leur bien-
être (Shields et Price, 2005 ; Dolan et al., 2008 ; Layard et al., 2014 ; Clark
et al., 2019). Oswald et Powdthavee (2008) montrent ainsi que, contrairement
à ce que des travaux antérieurs avaient suggéré, la dégradation de la santé
d’une personne (handicap, maladie) entraîne un déclin irréversible de son
bonheur. Par ailleurs, vivre avec un partenaire en mauvaise santé est aussi
une source de baisse de bien-être individuel (Clark et al., 2019).
2.7 L’âge
La relation entre l’âge et le bonheur est sans doute la plus paradoxale. Elle
suit en effet une courbe en U, où le bonheur autodéclaré diminue avec l’âge
jusqu’à atteindre un point minimal aux alentours de cinquante ans, pour
remonter ensuite. C’est cette remontée qui étonne, dans la mesure où elle est
contre-intuitive et ne correspond à aucune prédiction de la théorie
économique. Pourtant, elle constitue l’un des faits empiriques les plus stables
de l’économie du bien-être (Gerdtham et Johannesson, 2001 ; Blanchflower
et Oswald, 2004). Plusieurs explications ont été proposées à ce phénomène :
maturité, ajustement des anticipations au tournant de la vie, allègement des
charges et responsabilités pesant sur les adultes, etc. À ce jour, aucune ne
permet de trancher définitivement le sujet.
Conclusion
L’économie du bien-être subjectif a permis de mettre en évidence un certain
nombre de relations stables entre les conditions de vie des individus et leur
bonheur autodéclaré. D’autres relations restent plus ambiguës et indiquent
des voies de recherche à explorer.
En recueillant des évaluations subjectives, déclaratives, l’économie du
bonheur étend la méthode économique qui reposait auparavant sur les
préférences révélées par l’action. Elle permet de mettre en évidence des
phénomènes d’interactions sociales hors marché telles que les comparaisons,
l’interdépendance informationnelle, ou l’aversion à l’inégalité, ainsi que les
sources du bien-être au travail au-delà du salaire. Au total, l’économie du
bonheur contribue à la discipline en objectivant des grandeurs et des relations
inobservables.
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1. Par Anthony Lepinteur et Claudia Senik.
2. Loi n° 2015-411 du 13 avril 2015 visant à la prise en compte des nouveaux indicateurs de richesse
dans la définition des politiques publiques 2015.
3. Clark & Oswald, 1996 ; Sloane & Williams, 2000 ; McBride, 2001 ; Blanchflower & Oswald, 2004 ;
Senik, 2004, 2008b, 2009 ; Ferrer-i-Carbonell, 2005 ; Luttmer, 2005 ; Clark & Senik, 2010, Card et al.,
2012 ; Godechot & Senik, 2015 ; Cullen et Perez-Truglia, 2018 ; Perez-Truglia, 2020 ; voir Clark,
Frijters, & Shields, 2008.
Chapitre 32
Les théories du contrôle au
travail1
Sommaire
1. Contrôle, stress et bien-être au travail
2. Contrôle, motivation et passion au travail
Conclusion et perspectives
Bibliographie
Résumé court
Le contrôle et l’autonomie sont deux notions très présentes dans
plusieurs domaines dont le travail. Ce chapitre présente les
relations entre ces notions, le stress et les processus
motivationnels tels que la motivation autodéterminée et la passion
dans le contexte du travail.
Résumé long
Les théories du contrôle sont nombreuses et variées mais jouent
un rôle important dans de nombreux domaines de vie comme le
travail. Ce chapitre présente les relations entre le contrôle et
l’autonomie en lien tout d’abord avec le stress. Le modèle général
du stress de Lazarus et Folkman sera d’abord présenté puis les
modèles de Karazek et Spector spécifique au travail seront
détaillés. La partie suivante sera consacrée aux relations avec les
processus motivationnels. Les liens avec la motivation
autodéterminée et les besoins fondamentaux seront abordés dans
un premier temps. Dans un second temps, les relations entre
contrôle, passion au travail et ses conséquences seront
présentées. Chacune de ces deux parties est conclue par
quelques perspectives d’application permettant d’améliorer le bien-
être au travail.
Conclusion et perspectives
À partir des liens entre le contrôle et le stress, ce chapitre a élargi l’étude
des relations du contrôle au travail aux domaines de la motivation et de la
passion. De même, un glissement conceptuel s’est opéré passant de la relation
entre contrôle et stress à celle entre contrôle et bien-être de l’employé
(Paquet, 2019). A notre connaissance, les travaux en ce sens sont plus récents
et témoignent à la fois d’un regain d’intérêt pour la notion de contrôle et des
riches apports de la psychologie positive. Par exemple, Spector et al. (2002)
soulignent les effets salutaires universels du contrôle perçu sur le bien-être au
travail. Gabriel, Erickson, Diefendorff et Krantz (2020) montrent que le
contrôle perçu est lié positivement à la vitalité psychologique et que le
contrôle prédit en partie le bien-être de l’individu. Ainsi, le contrôle via son
rôle tampon du stress et son influence sur la motivation et la passion de
l’employé jouerait un rôle important sur les conséquences adaptatives de
celui-ci. Le modèle Job Demand-Ressources (Bakker et al., 2003 ; Demerouti
et al., 2001) propose une intégration pertinente de l’ensemble des concepts
évoqués dans ce chapitre (autonomie, demandes, ressources, motivation…).
Ce modèle est présenté dans le chapitre suivant, néanmoins le rôle du
contrôle dans les différentes étapes de ce modèle reste encore à mettre en
valeur.
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1. Par Yvan Paquet et Benjamin Paty.
Chapitre 33
L’approche ludique du travail :
une approche positive
des tâches professionnelles1
Sommaire
1. L’approche ludique du travail : un nouveau concept
2. Jouer pendant le travail
3. Un comportement proactif au travail
4. L’approche ludique du travail
5. Mesurer l’approche ludique du travail
6. D’autres preuves empiriques issues d’études de
journaux de bord
7. Implications pratiques
Conclusion
Bibliographie
Résumé court
Ce chapitre présente le concept d’approche ludique du travail, ses
fondements théoriques et la relation avec les résultats sur le lieu
de travail. Nous abordons également les principaux mécanismes
théoriques qui expliquent comment le concept d’approche ludique
du travail influence l’expérience au travail. Le chapitre se conclura
par des implications pratiques.
Résumé long
Ce chapitre présente le concept d’approche ludique du travail, le
processus par lequel les employés créent de manière proactive
des conditions de travail orientées vers le plaisir et le challenge
sans modifier la définition de leur poste lui-même. Nous
présentons en premier lieu la théorie du jeu et les motivations qui
poussent à jouer pendant le travail. Nous nous appuyons ensuite
sur la littérature consacrée au comportement proactif au travail
pour défendre l’idée que les individus peuvent prendre des
initiatives personnelles afin d’améliorer leur adéquation à leur
emploi. En combinant ces littératures, nous fournissons un cadre
théorique à l’approche ludique du travail. Puis, nous présentons le
développement et la validation d’un instrument d’évaluation de
cette approche, et passons en revue les études récentes pour
déterminer ses effets psychologiques et ses résultats possibles.
Enfin, nous en exposons brièvement les implications pratiques.
7. Implications pratiques
Nos recherches révèlent que les employés utilisent l’approche ludique du
travail pour un large éventail de tâches, et que ce comportement fluctue d’un
jour à l’autre. En outre, les résultats suggèrent que l’approche ludique du
travail entraîne des conséquences importantes en pratique, car elle a un
impact sur l’engagement et les performances des employés. La mesure de
l’approche ludique du travail pourrait être utilisée dans les organisations pour
évaluer la prévalence de ce comportement proactif et pour trouver les
employés qui abordent leur travail de la manière la plus ludique. En
interrogeant les employés qui sont naturellement les plus aptes à aborder le
travail de manière ludique, les organisations peuvent se faire une idée plus
précise des différentes manières dont les employés peuvent repenser leurs
tâches et leurs activités. Cela semble particulièrement important dans les
organisations où les demandes entravantes sont élevées et où la pression au
travail est faible. Les exemples d’approche ludique du travail recueillis lors
d’entretiens peuvent ensuite être utilisés dans des interventions de formation
pour apprendre aux autres employés comment ils pourraient optimiser leur
vécu professionnel afin de rester engagés et performants. La formation
devrait idéalement être combinée avec la fixation d’objectifs et/ou du
coaching pour aider les employés à mettre en œuvre leurs nouvelles stratégies
d’approche du travail dans leur pratique quotidienne.
Conclusion
Les individus sont naturellement enclins à jouer, car le jeu est
intrinsèquement gratifiant et satisfaisant. Sur la base de ce principe, nous
pensons que les employés pourraient créer de manière proactive des
modalités de travail ludiques en incorporant des touches amusantes et
compétitives à leurs tâches professionnelles. Les premières études sur
l’approche ludique du travail indiquent que ce comportement proactif a des
conséquences positives sur le bien-être, la créativité et les performances des
employés – en particulier pour les personnes à la personnalité ouverte et
enjouée. L’approche ludique du travail rend le travail intrinsèquement
motivant et aide à gérer les tâches épuisantes et fastidieuses. Nous espérons
que cet article suscitera de futurs travaux de recherche sur l’approche ludique
du travail et ses applications pratiques.
Bibliographie
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publié dans une revue, en langue anglaise : Bakker, A.B., Scharp, Y.S., Breevaart, K., & de Vries, J.D.
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e19. https://www.meta.org/papers/playful-work-design-introduction-of-a-new/32618541
Chapitre 34
Activité physique et bien-être
au travail :
mécanismes psychologiques
explicatifs et interventions
sur le lieu de travail1
Sommaire
1. Quels sont les liens entre l’AP et le bien-être au
travail ?
2. Quels sont les mécanismes impliqués dans la relation
entre l’AP et le bien-être au travail ?
3. Quels sont les résultats des interventions visant
l’amélioration du bien-être professionnel par l’AP ?
4. Quelles sont les limites et les perspectives des
recherches sur les liens entre l’AP et le bien-être au
travail ?
Conclusion
Bibliographie
Résumé court
On estime à 490 000 le nombre annuel de cas de souffrances
psychiques liées au travail. L’activité physique pourrait constituer
un facteur protecteur et améliorer le bien-être professionnel.
Plusieurs mécanismes psychologiques peuvent expliquer cette
relation. Ils doivent être pris en considération lors de la conception
de programmes d’activité physique.
Résumé long
En France, la mission parlementaire sur le burnout (2016) a estimé
à 490 000, le nombre annuel de cas de souffrances psychiques
liées au travail. L’activité physique (AP) fait partie des stratégies
qui ont été identifiées pour promouvoir le bien-être au travail. Ce
chapitre a pour objectif de présenter les relations qui existent entre
le bien-être au travail et l’AP, ainsi que les mécanismes qui sous-
tendent cette relation, afin de pouvoir élaborer des interventions
efficaces destinées à promouvoir le bien-être au travail. La
première partie de ce chapitre portera sur la conceptualisation du
bien-être au travail, sa définition et ses liens avec l’AP. La
deuxième partie s’intéressera aux mécanismes explicatifs qui
sous-tendent la relation entre l’AP et le bien-être au travail. Enfin,
la dernière partie développera les interventions destinées à
promouvoir le bien-être au travail grâce à l’AP et proposera des
suggestions pour les futures recherches interventionnelles.
Bibliographie
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1. Par Sandrine Isoard-Gautheur, Clément Ginoux et Philippe Sarrazin.
Chapitre 35
Mindfulness et entreprise1
Sommaire
1. Cadre général
2. La pleine conscience
3. Bénéfices de la pleine conscience en entreprise
4. Management et pleine conscience
Conclusion
Bibliographie
Résumé court
La méditation et la pleine conscience constituent des moteurs
personnels et organisationnels pertinents pour influencer
positivement le bien-être au travail, l’engagement de chacun
envers son travail, l’optimisation des compétences managériales,
et in fine la performance individuelle et collective.
Résumé long
La méditation et la pleine conscience sont aujourd’hui des
concepts et méthodes éprouvés qui pourraient apporter des
éléments de réponse à de nombreuses difficultés auxquelles les
entreprises sont confrontées. Bien que les expérimentations en
entreprise soient peu nombreuses, elles donnent des résultats
dignes d’intérêt, notamment comme méthode d’intervention en
gestion du stress et du burnout. Si elles ciblent particulièrement le
secteur médical, les études se développent progressivement dans
l’ensemble des secteurs d’activité. De même, les résultats de
vingt-cinq ans de recherche et de recul scientifique dans un
contexte thérapeutique permettent d’envisager des
expérimentations professionnelles nouvelles sur la souffrance au
travail, le bien-être et l’épanouissement des salariés et le
développement des compétences managériales. La méditation et
la pleine conscience se posent comme des leviers pour permettre
aux entreprises et à leurs membres de progresser positivement et
de s’épanouir et constituent un cadre de recherche qui s’intègre
pleinement dans la psychologie positive appliquée au travail.
1. Cadre général
La méditation et la pleine conscience (mindfulness) existent depuis plus de
2 000 ans. Si la recherche émergeant de la rencontre des disciplines et
traditions méditatives avec la psychologie occidentale a traversé une période
d’ignorance mutuelle puis d’incompréhension, la relation est actuellement
constructive au point que la méditation est aujourd’hui la méthode
psychothérapeutique la plus étudiée au monde (Walsh et Shapiro, 2006,
p. 227). La littérature dans le champ est fortement transdisciplinaire rendant
néanmoins son corpus encore fragmenté. Un état des lieux de cette littérature
souligne que les recherches témoignent davantage des effets thérapeutiques
que des mécanismes d’action physiologiques et neurobiologiques ou des
processus psychologiques mis en jeu. C’est notamment un des objets de la
psychologie positive que d’étudier comment la pleine conscience comme
ressources et la méditation comme intervention positive améliorent le
fonctionnement de l’individu.
La méditation et la pleine conscience dans le monde de l’entreprise
constituent, quant à elles, un sujet neuf dans son approche scientifique
contemporaine. Là encore, la littérature se résume principalement aux études
ciblant l’évaluation des bénéfices de la pleine conscience pour le travailleur,
et dans une moindre mesure pour l’entreprise. La psychologie positive
appliquée au travail offre néanmoins un cadre d’étude pour appréhender les
processus par lesquelles la pleine conscience et la méditation peuvent
permettre aux entreprises et à leurs membres de progresser positivement et de
s’épanouir (Boniwell et Chabanne, 2017). Les chercheurs de ce domaine
s’attachent à étudier le rôle de l’intelligence émotionnelle des collaborateurs
et des leaders dans les entreprises et montrent que le succès et la performance
ne dépendent pas des seules capacités cognitives. Cette intelligence se
manifeste à travers des comportements journaliers favorisant la considération
individuelle ou la gratitude. Les études conduites dans ce champ se
cristallisent autour de plusieurs concepts phares en interaction : les moteurs
personnels et organisationnels influencent le bien-être au travail ; ils
s’associent pour agir positivement sur l’engagement de chacun dans son
travail et in fine ils participent à l’amélioration de la performance individuelle
et collective. La pleine conscience y est encore peu opérationnalisée.
La psychologie positive appliquée au travail
Discipline qui s’attache à étudier les leviers permettant aux entreprises et à
leurs membres de progresser positivement et de s’épanouirDeux écueils au
minimum sont à souligner quand on interroge la pleine conscience en
entreprise. Un premier vient de l’effet de mode qui entoure ce sujet créant
un biais de perception important entre engouement sociomédiatique,
réalité de la diffusion des pratiques de pleine conscience dans les
organisations et approche scientifique de la pleine conscience au travail.
Un second est la tentation par certains de mobiliser des résultats de
publications démontrant l’efficacité de la pleine conscience comme
argument d’autorité souvent décontextualisé et injonctif. Ces écueils
portent le risque de dévoyer l’objet pleine conscience per se et in fine
l’enjeu humaniste qu’il porte.
2. La pleine conscience
Définir la pleine conscience, c’est tenter d’énoncer la nature d’un mode de
fonctionnement de l’esprit, les qualités d’une manière d’être-au-monde et les
propriétés d’une qualité de la conscience. Nous en tiendrons aux définitions
suivantes. La méditation peut être définie comme un ensemble de techniques
qui permettent de développer la pleine conscience qui peut se définir elle-
même comme une focalisation de l’attention sur l’expérience du moment
présent dans une attitude de non-jugement (Salmon et al., 2004). Cet état de
pleine conscience se traduit par une plus grande acceptation de la réalité,
instant après instant, ainsi que des capacités accrues d’adaptation aux
situations.
La méditation
C’est un ensemble de techniques qui permettent de développer la pleine
conscience.
Elle est originellement introduite en tant que pratique méditative laïque par
Kabat-Zinn (2003), à partir de son expérience du bouddhisme ; elle sera par
la suite utilisée pour développer des techniques thérapeutiques de réduction
du stress (mindfulness-based stress reduction, MBSR) et une thérapie
cognitive pour le traitement de la dépression (mindfulness-based cognitive
therapy for depression, MBCT) (« Qu’est-ce que la pleine conscience ? »
s. d. ; « Pleine conscience » 2020), pour se développer finalement hors de la
sphère clinique, se diffusant dans la sphère privée comme dans la sphère
professionnelle. En parallèle de l’émergence des pratiques méditatives et
thérapeutiques basées sur la mindfulness, celle-ci fait l’objet d’un
développement dans le champ de la psychologie et de la psychométrie, en
tant que concept à double forme : l’état (mindfulness-state) qui caractérise et
le trait (mindfulness-trait ou disposition de pleine conscience) (Brown et
Ryan 2003). Selon Brown et Ryan (2003), la pleine conscience est aussi une
capacité innée à être conscients et à maintenir de façon soutenue son attention
à ce qui se produit dans le présent qui est présente chez tous les individus à
des « niveaux » divers.
La pleine conscience
Focalisation de l’attention sur l’expérience du moment présent dans une
attitude de non-jugement.
Indépendamment de la manière dont la pleine conscience émerge, la pleine
conscience fait appel à quatre compétences distinctes développées par les
pratiques méditatives (Dekeyser et al., 2008, p. 1236) :
1. observer de manière consciente et attentive les phénomènes intérieurs et
extérieurs (pensées, émotions, sons, odeurs…) ;
2. agir en conscience en s’engageant dans une activité avec une attention
pleine et entière ;
3. accepter sans jugement l’instant présent de manière non discriminante et
non évaluative ;
4. rendre compte de l’expérience vécue de manière immédiate et non
conceptuelle.
Ces compétences se cristallisent autour de l’expérience vécue du moment
présent. Elles s’opposent au « pilotage automatique » (ou mindlessness), qui
caractérise ces situations « où l’on est ailleurs ». Elles soulignent en miroir
comment nos habitudes, nos expériences du passé et nos anticipations
parasitent le quotidien. Nos expériences du passé font le lit de nos
ruminations et nos pensées anticipatrices nous conduisent trop souvent à être
en réaction face aux situations rencontrées, et ce particulièrement dans la
sphère professionnelle. Le monde du travail et le contexte actuel poussent
chacun d’entre nous à pro-agir faisant la part belle à nos réactions
anticipatrices. Ces réactions anticipatrices activent nos peurs et nos préjugés
quant aux événements à venir et ce, particulièrement lorsque l’on est anxieux.
Plus que les autres, les individus anxieux se caractérisent par un biais
d’estimation faisant qu’ils surestiment les dangers potentiels de leur
environnement et qu’ils sous-estiment leur possibilité de sécurité. Ce biais
génère de l’anxiété et conduit à l’injonction de répondre dans l’urgence. Ces
conséquences s’expriment dans des situations concrètes de la vie de tous les
jours, mais aussi dans les situations ambiguës ou incertaines, particulièrement
présentes en milieu professionnel. La répétition de ces situations favorise
l’émergence d’un cercle vicieux qui construit, maintient, entretient les
structures et processus responsables des réactions anticipatrices anxieuses.
Dans tous ces cas, le stress est présent, la satisfaction limitée, voire absente,
la sensation de bien-être rare si ce n’est inexistante. Si la performance
demeure présente, c’est bien souvent avec des efforts douloureux qui obèrent
de son maintien à terme.
La pleine conscience, dans son approche ancestrale et contemporaine, n’est
pas une absence de pensées ou d’émotions, mais une conscience des pensées
et émotions en cours afin de pouvoir les accepter et les reconnaître
uniquement comme des pensées ou des émotions, c’est-à-dire des
phénomènes transitoires. Elle réduit les perturbations liées aux filtres de
perception, améliore les capacités de concentration d’un esprit qui n’est pas
préoccupé et favorise la flexibilité mentale et l’ouverture à l’environnement
et aux autres. La pleine conscience porte son attention sur le présent pour
permettre une présence entière de l’individu à l’instant qui se déroule en lui et
hors de lui, c’est-à-dire son environnement. Son développement vise à
conduire l’individu à laisser sur le chemin les réactions automatiques, les
réactions incontrôlées face aux événements : « Pourquoi ne l’ai-je pas dit ? »,
les ruminations plus ou moins jugeantes : « Je n’ai pu me retenir, c’était plus
fort que moi ! », pour laisser la place à une observation sans jugement des
enjeux et responsabilités pour une réponse en conscience et engagée aux
demandes de l’environnement.
La pleine conscience permet de limiter le « pilotage automatique » et de ne
pas rester prisonnier de nos habitudes, de nos expériences du passé et de nos
anticipations qui parasitent le quotidien. « Ni dans la culpabilité d’un raté ou
d’un “trop tard”, ni dans l’angoisse d’un “à venir” » (Steiler, 2012).
Conclusion
La pleine conscience, concept plurimillénaire fondamental dans les
traditions méditatives, a fait irruption dans les organisations et les entreprises.
Les données de la littérature récentes dressent un panorama globalement
positif de ses bénéfices dans de nombreux champs du fonctionnement de
l’entreprise. Néanmoins, l’intérêt de la pleine conscience sur les pratiques de
management a fait l’objet d’un nombre de recherches bien plus limité.
Si la méditation de pleine conscience revêt indéniablement de grandes
promesses, il convient pour autant de rester prudents quant aux pièges tendus
par son implantation dans le contexte professionnel. La pleine conscience en
entreprise doit trouver sa place entre une vision orientée « business »,
priorisant la performance économique et financière, et une vision éthique de
l’entreprise qui se doit de contribuer notamment au bien-être de la société.
L’écueil de la première est de confiner la pleine conscience à
une technicisation de la vie intérieure. L’écueil de la seconde est de lui
attribuer le rôle de panacée2.
Il est nécessaire de poursuivre les recherches en mobilisant des
méthodologies scientifiques éprouvées dans le champ entrepreneurial et
managérial pour mieux discerner les enjeux et les effets du déploiement de la
pleine conscience dans le monde professionnel. Notamment il convient de
s’interroger sur la place des pratiques méditatives, à mi-chemin entre
formation, développement personnel, thérapie et coaching, dans les
programmes de « formation » des entreprises et sur les leviers de
dissémination à privilégier.
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1. Par Marion Trousselard.
2. Remède universel ; formule par laquelle on prétend résoudre tous les problèmes.
Chapitre 36
La communauté comme
ressource dans le parcours de
vie1
Sommaire
1. Méthodologie
2. Résultats
3. Synthèse conclusive de l’étude de cas
Conclusion
Bibliographie
Résumé court
Ce chapitre envisage la communauté comme ressource dans le
développement personnel et social des personnes. Pour cela, il est
fait référence aux cadres de la psychologie communautaire (Saïas
& Teulade, 2014).
Résumé long
Ce chapitre aborde l’intérêt de l’étude des communautés sociales
en tant que ressource mobilisée par la personne. L’étude d’un cas,
membre d’une communauté sociale, traitée avec la méthode de
l’Investigateur multistade de l’identité sociale (IMIS) (Zavalloni &
Louis-Guérin, 1984), permet de mettre en lumière la manière dont
l’appartenance communautaire contribue au sens de la vie, à
cultiver des valeurs humanistes et à cheminer dans son
épanouissement personnel en vue d’un bonheur authentique.
Mots-clés : communauté sociale, sens de la vie, égo-écologie,
investigateur multistade de l’identité sociale (IMIS).
Questions
• Comment la communauté constitue-t-elle une ressource ?
• Comment son appartenance communautaire est-elle susceptible
d’affecter sa perception du soi par la valorisation de ses qualités
et de ses valeurs existentielles ?
• Comment son appartenance communautaire permet-elle de
développer le bien-être ?
1. Méthodologie
Deux critères principaux ont été déterminants pour choisir d’appliquer la
méthode égo-écologique (Zavalloni & Louis-Guérin, 1984). Le premier
critère porte sur l’objet même d’étude de l’égo-écologie, l’environnement
intérieur opératoire d’un individu. Il est étudié la manière dont l’individu
construit sa réalité sociale dans sa conscience individuelle selon ses
représentations du soi (identité personnelle subjective), d’alter et de la société
(identité sociale). Cette compréhension du rapport au monde passe
inévitablement par l’identité dans laquelle se rencontre le psychologique et
les appartenances sociales. L’instrument d’analyse utilisé pour s’interroger
sur la dynamique et les modalités interactives de ces deux environnements
individuel et social se nomme l’Investigateur multistade de l’identité sociale
(IMIS). Il comporte trois phases qui permettent pour chacune d’elles de
répondre à trois objectifs principaux « entrer dans l’espace des
représentations que se fait une personne des divers groupes sociaux et
découvrir les contextes multiples où elles se déploient », « observer leur
genèse et leur mode de fonctionnement en ciblant des éléments biographiques
importants et les états psychologiques associés aux représentations sociales »
et « explorer les éléments symboliques et affectifs de la pensée sociale et leur
ancrage dans le système identitaire » (Zavalloni, 2007, p. 37).
Égo-écologie
« Une analyse de l’interaction entre les dimensions personnelles
(intrapsychiques) et les dimensions collectives (interpsychiques) d’une
identité » (Zavalloni & Louis-Guérin, 1984, p. 103).
Le second critère est que l’analyse IMIS relève d’une science naturaliste et
descriptive dont le produit cognitif émane directement de l’individu sans
qu’il soit spécifié en amont par les chercheurs d’hypothèses. En d’autres
termes, l’environnement intérieur opératoire d’un répondant est exploré
comme construit empirique et non hypothétique (Jacquin & Juhel, 2013 ;
Mary & Costalat-Founeau, 2016 ; Misantrope & Costalat-Founeau, 2016).
L’utilisation de cette méthode qualitative est exempte de l’analyse qualité
métrologique classique (Bernaud, 2014 ; Guba & Lincoln, 1982 ; Goldman,
1990 ; Morrow, 2005 ; Schilling, 2006) comme le précise Louis-Guérin et
Zavalloni (2005, p. 65) « l’égo-écologie se situant essentiellement au niveau
des significations vécues par une personne, il est incongru de se poser ici la
question de la validité et de la fidélité des indicateurs et encore plus de savoir
si quelque chose d’objectif correspond ou non aux significations données par
la personne ».
2. Résultats
Le guide d’entretien établi est fidèle au modèle en trois phases de l’IMIS
proposé par Zavalloni et Louis-Guérin (1984) avec pour unique variation la
limitation de l’exploration à cinq groupes. Ces cinq groupes ont pu être
identifiés grâce aux questions formulées lors de la première phase relative au
recueil du répertoire sémantique de l’identité et de l’altérité, à savoir :
1. Quelle est votre profession actuelle ou votre occupation principale ?
2. À quelle communauté appartenez-vous ?
3. Quelle est la communauté opposée à la vôtre ? Si vous essayez de penser
aux gens de cette communauté, que vous vient-il à l’esprit ?
4. Comment vous définiriez-vous dans cette communauté ?
5. Il y a certainement des groupes, des communautés auxquels vous
appartenez (autres que ceux/celles déjà mentionné.e.s) qui sont importants
dans votre vie et vos orientations. Lesquels ?
Floraline a spécifié les représentations qu’elle s’en fait en précisant pour
chaque groupe choisi, à savoir :
1. les standardistes ;
2. les accordeurs ;
3. les membres de l’Accorderie (Paris, 14e) ;
4. les randonneurs, au moins cinq mots ou courtes phrases pour les qualifier
en termes de « Nous » et de « Eux ».
Jusqu’à dix unités représentationnelles (UR) ont été collectées par groupe à
l’exception du groupe d’altérité qu’elle n’a pas souhaité renseigner car « pour
moi une communauté, je ne dirais pas que c’est dans l’amour, mais c’est dans
la bienveillance des uns et des autres… C’est un peu comme si vous faisiez
partie aussi d’une chorale ou quelque chose, ce sont des choses qui se font
tous ensemble donc là, je ne sais pas ! Je ne pense pas ». Ces données du
premier niveau recueillies aident à la fois à structurer le guide d’entretien, à
servir de stimuli pour générer les données du second degré de l’IMIS et à
favoriser l’ouverture, la confiance du répondant par le réemploi notamment
de leurs propres mots. Au total, douze heures et huit minutes d’entretien en
face-à-face ont été nécessaires pour traiter les trois phases de la
méthode IMIS. Sept rencontres, espacées d’au moins une semaine, sont
organisées de préférence dans un des bureaux du laboratoire, conscients que
l’environnement agit sur « le contenu et le style du discours produit »
(Blanchet & Gotman, 2014, p. 69). Les entretiens ont été entièrement
transcrits pour procéder à l’analyse égo-écologique de l’environnement
intérieur opératoire de Floraline.
Pour soutenir la problématique posée dans ce chapitre, un focus spécifique
sur quatre UR est développé et ce, pour trois raisons principales. La première
raison est qu’une analyse IMIS traitée dans son intégralité est substantielle et
mêle différents enjeux égo-écologique qui dépassent le champ de la
problématique soulevée dans ce chapitre. Toutefois, celle-ci peut être
consultée dans sa version originale (Moisseron-Baudé, 2020). La deuxième
raison émane des résultats signifiants obtenus à travers ces quatre UR pour
évoquer le sens des communautés. Ils corroborent avec le fait qu’atteindre le
bien-être, nécessite de faire face à des aspects personnels plus négatifs et ne
repose pas uniquement sur la valorisation des traits positifs. La troisième et
dernière raison s’apprécie également à la lumière des résultats qui montrent la
manière dont l’appartenance communautaire renforce les valeurs humanistes,
développe les qualités situationnelles extrinsèques et les vertus humaines.
Conclusion
Si la tâche paraît fastidieuse d’améliorer les forces de caractère à l’échelle
individuelle, il semble plus réaliste et moins coûteux en temps de s’appuyer
sur les communautés sociales qui en plus de cultiver le lien aux autres
permettent aux individus de développer le sens de leur vie, leurs valeurs
humanistes et leurs vertus.
Bibliographie
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Presses de l’Université de Montréal.
1. Par Mathilde Moisseron-Baudé et Jean-Luc Bernaud.
Chapitre 37
La rémunération (n’)est (pas)
une question d’argent1
Sommaire
1. La théorie de l’autodétermination (TAD) et ses
postulats
2. Les implications de la TAD pour les significations et
l’utilisation de l’argent
3. L’argent et le point de satiété
4. Les différentes significations de l’argent et ce que
nous pouvons faire pour les améliorer
5. Devrait-il y avoir une différenciation entre les salaires
(ou pas) ?
6. Et les bonus ?
7. L’avenir de la rémunération
Conclusion
Bibliographie
Résumé court
L’argent et le salaire ont des pouvoirs motivationnels limités, et ce
même en contexte organisationnel. La théorie de
l’autodétermination peut jeter un éclairage novateur et judicieux
sur les effets positifs et négatifs des différentes significations de
l’argent et du salaire. Les recherches récentes sur les aspects
informatif et/ou contrôlant des bonus, des raisons à vouloir faire de
l’argent, des iniquités et de la transparence salariale permettent de
mieux comprendre quand et comment l’argent peut être moins
nocif. Le présent chapitre propose un cadre théorique intégrateur
pour les communautés de chercheurs et de praticiens s’intéressant
aux pratiques de rémunération.
Résumé long
La rémunération vise à récompenser les employés pour leur temps
et leurs efforts, ainsi que pour les compétences qu’ils apportent
dans une organisation et dans leurs tâches au travail.
Traditionnellement, la théorie de l’agence économique (agency
theory) a soutenu l’idée selon laquelle l’utilisation de l’argent
favorise, en tout temps, la motivation ainsi que la performance des
employés. Découlant de cette perspective, les organisations ont
consacré beaucoup de temps, d’énergie, ainsi que des ressources
humaines et financières aux différentes stratégies et programmes
de rémunération. Pourtant, plus de 76 % des personnes admettent
qu’elles continueraient à travailler même si elles n’avaient pas
besoin d’argent (Paulsen, 2008). Par conséquent, un élément
important à remettre en question est le pouvoir motivationnel de
l’argent, qui semble fort limité. Qui plus est, les gens surestiment
considérablement l’impact de leur revenu sur leur satisfaction de
vie (Aknin et al., 2009). La recherche nous montre en effet que
l’argent ne contribue que dans une mesure très limitée au
bonheur, et ce principalement en réduisant la tristesse au
quotidien, sans toutefois augmenter le bonheur (Kushlev et al.,
2015). La recherche suggère également qu’il existe une telle
chose que « suffisamment d’argent », c’est-à-dire un point de
satiété où un revenu supplémentaire n’entraîne pas de grande
différence dans le niveau de bonheur déclaré (Jebb et al., 2018).
Est-ce à dire que la différenciation salariale doit être minimisée ou
supprimée si les gens ne bénéficient pas autant d’un revenu plus
élevé ?
Le but de ce chapitre est de discuter l’utilisation de l’argent comme
outil de motivation, en se concentrant sur des questions telles que
1) le point de satiété des individus, 2) les conséquences des
iniquités salariales et 3) les récompenses financières telles que les
bonus, ainsi que 4) les différentes significations de l’argent. En
abordant ces points sous l’angle de la théorie de
l’autodétermination (SDT ; Ryan & Deci, 2017) et en examinant les
recherches pertinentes sur la rémunération, nous soutenons que,
d’une part, l’égalité salariale dans sa forme la plus stricte peut
avoir certains aspects démotivants, mais qu’à l’autre extrémité du
spectre, des écarts de rémunération trop importants et
injustifiables peuvent également être préjudiciables au niveau
individuel, organisationnel et sociétal. Notre point de vue est donc
que l’égalité salariale pour tous n’est pas une solution souhaitable,
mais que la différenciation salariale doit être connue de tous
(transparente), et ce à l’intérieur de limites explicables et
équitables. Dans la section suivante, nous présentons le cadre de
la théorie de l’autodétermination (TAD) avant de revoir ses
implications pour les pratiques en rémunération.
Faire une Faire une tâche Chercher des Rechercher des Absence
tâche pour le conforme à ses récompenses récompenses externes d’énergie,
plaisir et la valeurs internes (par (par exemple une manque de
joie qu’elle personnelles ou exemple, la fierté, voiture de fonction, des volonté et
procure. C’est encore faire un l’ego, la réputation) bonus en espèces, un d’autorégulation.
Définition une travail jugé et éviter les salaire plus élevé) et
satisfaction important, qui a punitions internes éviter les sanctions
inhérente qui une utilité (par exemple, la externes (par exemple
s’entretient sociale et un culpabilité, la un licenciement ou
elle-même. impact positif. honte). recevoir un plus petit
bonus).
L’amusement, Accomplir des Protéger et/ou La recherche avide de L’apathie, le
la tâches renforcer l’estime salaires plus élevés et désengagement,
Caractérisé concentration, importantes de soi, éviter d’avantages tangibles l’impuissance, le
par le flow, les (agréables ou l’autocritique et externes. Actions pour manque de
émotions non) qui encourager le éviter d’être perçu€ direction et de
positives. correspondent à développement de négativement par les clarté, un travail
ses valeurs l’ego. autres. non significatif.
profondes.
Le travail que Mon travail Je dois me prouver D’autres ne me Je fais peu, car je
je fais est correspond à à moi-même que je récompenseront ne pense pas que
intéressant mes valeurs suis capable financièrement que si je ce travail vaille
Je m’amuse à personnelles Autrement je me fais des efforts dans la peine
Items
faire mon Ce travail a une sentirais mal par mon travail J’ai vraiment
travail signification rapport à moi- Pour éviter d’être l’impression de
personnelle même critiqué par les autres perdre mon
pour moi temps au travail
Un professeur Une infirmière Un jeune adulte qui Par peur d’être licencié, Un téléphoniste
a du plaisir à qui valorise le se force à étudier un comptable est prêt à d’un centre
enseigner et confort des dans une discipline mentir sur le bilan de d’appels se
ne voit pas le patients donne qu’il n’aime pas, à l’entreprise pour questionne à
Exemple jour passer. un bain avec l’université, pour augmenter savoir si son
soin à son rendre ses parents artificiellement la valeur emploi est
patient, qu’il fiers de lui et aussi des actions à la bourse. vraiment utile.
s’agisse. ne pas ressentir de
honte à leur égard.
Les recherches sur les conséquences des types de motivation montrent que
les motivations intrinsèque et identifiée ont tendance à entraîner des
conséquences plus positives et moins négatives, tandis que le portrait est
atténué, voire inversé, pour les motivations introjectée et extrinsèque. C’est
particulièrement le cas dans le domaine du travail (voir Gagné et al., 2015
pour des exemples, de même que Gagné & Deci, 2005). En conséquence, une
distinction fondamentale peut être établie entre la motivation autonome
(c’est-à-dire les motivations identifiées et la motivation intrinsèque) et la
motivation contrôlée (c’est-à-dire les motivations introjectée et extrinsèque).
Une vaste recherche empirique effectuée simultanément dans plus de cent
trente-deux pays (voir Tay & Diener, 2011, par exemple) démontre qu’il
existe trois principaux besoins psychologiques qui comptent universellement,
pour toutes et tous à travers le monde, à tout moment et en toutes
circonstances. Ces trois besoins psychologiques, innés et universels, sont
ceux d’autonomie (définie comme la volonté intérieure d’agir conformément
à ses valeurs et de percevoir des choix à l’intérieur de certaines règles et
limites spécifiques), de la compétence (définie comme le besoin de se sentir
efficace et capable de relever des défis) et de l’affiliation sociale (définie
comme le besoin de se sentir connecté avec les autres et de faire partie d’un
collectif ou d’un groupe). Lorsque ces besoins psychologiques sont satisfaits,
cela augmente le plaisir et le sens pendant le travail (c’est-à-dire la
motivation autonome), ce qui augmente ensuite la probabilité de vivre des
conséquences positives. Au contraire, lorsque ces besoins sont frustrés, cela
augmente la présence de motifs compensatoires tels que les objectifs orientés
vers l’ego, le matérialisme et la motivation contrôlée, ce qui entraîne
principalement des conséquences négatives au travail, souvent avec des
débordements dans d’autres sphères de vie.
6. Et les bonus ?
L’une des pratiques les plus couramment utilisées dans le domaine de la
rémunération est l’utilisation de primes pour inciter et stimuler la
performance chez les employés. Le bonus étant en effet l’un des principaux
moyens d’augmenter la différenciation salariale entre les employés, c’est-à-
dire que les « meilleurs » employés reçoivent plus d’argent et de bonus que
ceux dits moins performants, nommément pour différencier leurs
contributions. Par extension, pour essayer d’établir une perception d’équité
dans ce processus de différenciation, la TAD suggère que les récompenses
contingentes à la performance peuvent avoir un effet néfaste sur les
motivations intrinsèque et identifiée et augmenter les motivations externe et
introjectée. Ceci se produit parce que ces récompenses peuvent réduire la
satisfaction du besoin d’autonomie. En revanche, il est possible qu’une
récompense contingente puisse constituer une source de rétroaction sur la
performance qui pourrait augmenter la satisfaction du besoin de compétence.
Pour expliquer ces multiples effets des récompenses contingentes, la TAD
propose la notion de sens fonctionnel ou de signification des récompenses,
qui peuvent être soit informatives soit contrôlantes. Les remises salariales
peuvent être informatives lorsqu’elles sont utilisées pour valoriser et
encourager le travail des employés, et ainsi fournir une rétroaction positive,
empathique et authentique, transmettant alors un message selon lequel
l’organisation se soucie vraiment de ses employés (Thibault Landry et al.,
2018). D’un autre côté, les récompenses salariales peuvent également être
contrôlantes lorsqu’elles sont perçues comme contingentes, manipulatrices et
uniquement utilisées pour « inciter » et rendre important un ensemble limité
de tâches (Kuvaas et al., 2020 ; Papachristopoulos & Zanthopoulou, 2019).
Les messages accompagnant les primes jouent conséquemment un rôle
important dans l’effet des récompenses sur la motivation (Ryan et al., 1983).
Bien que les primes et bonus puissent augmenter la quantité des
performances, elles ne sont généralement pas efficaces si l’on tient également
compte de la qualité des performances (Cerasoli et al., 2014 ; Gagné & Forest
2008), et les conséquences psychologiques négatives (e. g. anxiété, fatigue)
sur la santé des individus (Parker et al., 2019). Un exemple des dommages
collatéraux des bonus est illustré par une étude réalisée près de 32 000
employés à temps plein dans plus de 1 300 organisations et qui a révélé que
la mise en place d’un programme de rémunération au rendement augmentait
l’utilisation d’antidépresseurs et d’anxiolytiques de 4 % (Dahl & Pierce,
2019). De plus, des recherches ont découvert que l’utilisation de la
rémunération variable peut promouvoir des motifs pour faire de l’argent qui
sont moins satisfaisantes pour les besoins psychologiques, entraînant des
conséquences pour le bien-être (DeVoe, 2019 ; DeVoe & Pfeffer 2007,
2010 ; Pfeffer & DeVoe 2012). D’autres inconvénients incluent également
des conséquences sociales telles qu’une diminution de la collaboration et de
la confiance entre les coéquipiers (par exemple, White et Sheldon, 2014) et
un désengagement moral qui cause des comportements déviants et immoraux
(Beaudoin et al. 2015 ; Glaeser & Van Quaquebeke, 2019 ; Kouchaki et al.,
2013). Les recherches empiriques confirment l’idée que, lorsqu’elles sont
interprétées comme des obstacles (i. e. des demandes difficiles et ardues), les
primes diminuent en fait les performances contextuelles et les comportements
altruistes et prosociaux (Parker et al., 2019). Ces résultats peuvent être
expliqués, du point de vue de la TAD, en lien avec les types de motivation
qui sont activés par de tels systèmes de rémunération. En effet, il a été
démontré que la rémunération au rendement annuelle et trimestrielle diminue
la motivation autonome et augmenter la motivation contrôlée, ce qui
augmente ensuite les intentions de quitter des employés (Kuvaas et al., 2016).
Par conséquent, alors que les entreprises utilisent souvent des primes dans
l’espoir de conserver les meilleures performances, la recherche montre que
c’est exactement le contraire qui est stimulé.
Du point de vue de la TAD, la rémunération devrait être utilisée de manière
à contribuer positivement à la motivation autonome des employés. S’ils sont
soigneusement conçus et mis en œuvre, les primes et autres formes de
rémunération conditionnelle peuvent possiblement contribuer à cet objectif.
La rémunération conditionnelle informative peut être un moyen de rémunérer
les plus performants, signalant ainsi le travail bien fait et contribuant en
conséquence à la satisfaction de leur besoin de compétence. De plus, les
perceptions d’équité et de justice lors de l’utilisation de telles incitations
financières sont également importantes à prendre en considération. Si les
primes sont équitablement réparties, cela peut conduire à la satisfaction des
besoins de compétence et d’autonomie, ce qui favorise en retour la
motivation autonome (Thibault Landry, Gagné et al., 2017).
7. L’avenir de la rémunération
En outre, étant donné qu’il existe un point de bascule quant à l’efficacité du
salaire sur le bien-être, nous pensons que la pleine transparence des salaires
(voir figure 37.2) est un moyen de réduire les écarts injustifiés et
inéquitables. Cela permettrait de remettre en question des différences non
justifiées.
Figure 37.2 – Les cinq niveaux de transparence salariale
Conclusion
Nous avons vu qu’il semble y avoir un point de satiété financière universel
pour l’argent (qui se situe entre 60 000 dollars US et 95 000 dollars US) ainsi
qu’un ratio universel pour les perceptions d’équité et de justice (7:1). Par
conséquent, à partir de ces chiffres, nous sommes maintenant à la croisée des
chemins dans la mesure où nous savons à partir de combien un salaire est
suffisant et aussi quel doit être le différentiel de salaire entre les moins payés
et les plus payés au sein d’un même système social. Concernant la gestion
interne de la rémunération, nous devons également prendre en considération
la gestion de la performance pour gérer les perceptions de justice, ainsi que
les décisions quant à la transparence de l’information. De plus, les
organisations doivent décider si l’utilisation de primes leur apporte un retour
sur cet investissement au niveau de la performance désirée et la rétention de
personnel. Finalement, notre société doit se pencher sur les motifs pour faire
de l’argent de la population qui a des conséquences sur le bien-être, motifs
qui sont souvent promulgués à travers notre culture et nos médias. La TAD
apporte un cadre pour évaluer chacune de ces problématiques à travers la
proposition de trois besoins psychologiques fondamentaux. Ce cadre peut
nous aider à avancer dans nos connaissances et apporter des solutions.
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1. Par Jacques Forest, Anja Hagen Olafsen, Anaïs Thibault Landry et Marylène Gagné.
2. Il est mentionné dans l’article que « le revenu mensuel des ménages était indiqué en monnaie locale.
Cela a été converti en une mesure du revenu annuel en dollars internationaux en utilisant les ratios de
parité du pouvoir d’achat privé de la Banque mondiale (voir
http://data.worldbank.org/indicator/PA.NUS.PPP). Ces ratios représentent le nombre d’unités de
monnaie locale égal au pouvoir d’achat d’un dollar américain aux États-Unis (le pays de référence) »
(traduction libre). Le taux de change au moment d’écrire le chapitre est de 1 dollar US = 0,84 euro.
3. L’échelle de Cantril est une échelle qui demande aux participants de se positionner sur une échelle
allant de 0 à 10, où 0 est leur pire vie possible et 10 représente leur meilleure vie possible. Cette échelle
est utilisée dans le Rapport sur le bonheur mondial, réalisé chaque année par les Nations unies, dans
164 pays.
4. 1 euro équivaut environ à 0,64 euro CAN. Les montants sont donc de 10,53 euros (12,50 dollars
CAN) pour le salaire minimum, de 16 008 euros (25 000 dollars CAN) pour la limite inférieure et de
112 053 euros (170 000 dollars CAN) pour la limite supérieure.
Chapitre 38
Capital psychologique positif
et performance au travail1
Sommaire
1. Les ressources qui constituent le capital
psychologique
2. Les caractéristiques scientifiquement établies du
capital psychologique
3. Les résultats du capital psychologique
4. Les mécanismes du capital psychologique
5. Implications pratiques
Bibliographie
Résumé court
Ce chapitre présente le capital psychologique (PsyCap), ses
fondements scientifiques, les quatre ressources psychologiques
positives qui le constituent, sa relation avec la performance au
travail et les mécanismes théoriques clés qui le sous-tendent. Le
chapitre se conclut par les implications pratiques du capital
psychologique.
Résumé long
Fondé sur des théories bien établies, en appui sur des mesures
validées, le capital psychologique est un concept
multidimensionnel de niveau supérieur qui réunit quatre
ressources psychologiques positives : l’optimisme, le sentiment
d’efficacité, l’espoir et la résilience, repris dans l’acronyme OSER
(en anglais HERO, pour Hope, Efficacy, Resilience, Optimism).
Des formations à l’efficacité prouvée permettent d’accroître ce
capital psychologique, qui se révèle être un état malléable, ouvert
au développement. Il est associé à de nombreux comportements,
attitudes et performances désirables au travail, ainsi qu’au succès
dans d’autres domaines de la vie et au bien-être en général. Outre
les études corrélationnelles, des études expérimentales et
longitudinales confirment que le PsyCap n’est pas seulement un
prédicteur de ces résultats positifs, il en est également un facteur
explicatif. Il met en jeu des mécanismes conatifs, cognitifs, affectifs
et sociaux. Sont abordés enfin les aspects pratiques du
développement du PsyCap en contexte professionnel.
5. Implications pratiques
Le PsyCap est une ressource psychologique positive multidimensionnelle
qui peut être mesurée de manière fiable, et développée efficacement chez les
cadres et les employés à un coût relativement faible, par des interventions de
formation courtes et ciblées. Nous allons donc axer notre exposé sur le
développement du PsyCap. Les interventions de développement du capital
psychologique ne durent généralement que 2 à 3 heures, et elles ont été mises
en œuvre avec succès en ligne (Luthans, et al., 2008), pas seulement en face-
à-face. Elles intègrent des approches reconnues pour développer en synergie
chacune des quatre ressources psychologiques. Sin et Lyubomirsky (2009,
p. 483) parlent d’une « approche tous azimuts », qui s’est avérée plus efficace
que le développement d’une seule ressource et/ou l’utilisation d’une seule
activité (Seligman, Steen, Park, & Peterson, 2005). Comme nous l’avons déjà
expliqué, les ressources du PsyCap partagent des thèmes communs et des
mécanismes sous-jacents. Ainsi, le développement d’une ressource aide
souvent à renforcer les autres, ce qui permet aux formations sur le capital
psychologique d’accroître de multiples ressources de manière efficace et
synergique.
Une intervention typique de développement du capital psychologique fixe
des objectifs mesurables qui sont pertinents et significatifs pour les
participants, définit les chemins à suivre et prévoit des plans de secours pour
anticiper les obstacles et concevoir des moyens de les surmonter. Les
participants sont encouragés à privilégier une démarche d’approche des
objectifs (« Je vais accomplir ceci ») plutôt que d’évitement (« Je vais arrêter
de faire cela »). Ils sont également entraînés à décomposer leurs objectifs en
sous-objectifs et en jalons, et à reconnaître et célébrer les réussites
intermédiaires. Réalisées à la fois individuellement et en petits groupes, les
activités aident à développer simultanément l’espoir, l’efficacité, la résilience
et l’optimisme. Elles ont été adaptées à de nombreuses organisations et
contextes, et à de différents types de participants. En contexte professionnel,
elles sont parvenues à développer le capital psychologique chez de hauts
dirigeants, comme chez des employés en contact avec le public.
Enfin, implication pratique importante : les dirigeants devraient se donner
pour priorité d’apprendre et de mettre en application des pratiques de gestion
scientifiquement validées en général, et en particulier dans le domaine de la
positivité. Il est très courant dans les milieux organisationnels d’investir dans
des approches et des interventions de développement professionnel dénuées
de fondements scientifiques, de preuves et de résultats. La question est
particulièrement pertinente dans le champ de la positivité, où de nombreuses
interventions proposent des activités amusantes, mais sans aucun résultat
objectif, viable et durable. Le capital psychologique s’appuie depuis environ
deux décennies sur des recherches et des mesures scientifiques rigoureuses
pour produire des résultats tangibles et un retour sur investissement
substantiel. Au-delà du capital psychologique, nous encourageons les
dirigeants d’organisations à évaluer leurs autres investissements potentiels de
développement des ressources humaines en fonction des normes que nous
avons établies pour le capital psychologique, à savoir des fondements
scientifiques et théoriques, des mesures valides et fiables, la puissance
prédictive et explicative de résultats souhaités tangibles.
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1. Par Carolyn M. Youssef-Morgan, Fred Luthans et Justin Carter.
Partie 5
L’avenir de la psychologie
positive
Chapitre 39
La psychologie positive
du futur : plaidoyer pour
une harmonieuse complexité1
Sommaire
1. L’avenir approche à grands pas
2. La psychologie positive est la psychologie normale
3. Complexité et fondements de la psychologie positive
4. La complexité : principal catalyseur, facteur de stress
universel et facteur essentiel d’adaptation
5. Apprendre : accroître simultanément la complexité et
l’équilibre
6. La nature complexe de la complexité
7. Évolution et croissance de la complexité
8. Vers trop de tout, ou simplement vers l’abondance ?
9. La complexité harmonieuse comme principe directeur
pour la recherche et ses applications
Bibliographie
Résumé court
Ce chapitre offre une perspective sur l’avenir de la psychologie
positive (PP) et plaide pour l’utilisation de la théorie de la
complexité dans un cadre théorique intégré pour comprendre le
bien-être, les qualités de vie et l’épanouissement. Cette idée a été
proposée par Csikszentmihalyi en 1993, bien avant la création de
la psychologie positive en tant que domaine d’étude distinct, mais
il semble que, à ce jour, elle ait surtout servi d’inspiration, n’ayant
donné lieu qu’à un nombre plutôt limité de travaux. La psychologie
positive ayant mûri, un changement s’impose. Ce chapitre
développe l’idéal de la complexité harmonieuse (Csikszentmihalyi,
1993, 1996, 2020 ; Csikszentmihalyi & Knoop, 2008), en tant que
principe fondamental pour guider l’avenir de la psychologie
positive.
Résumé long
Alors qu’elle entre dans sa troisième décennie, la psychologie
positive arrive à maturité. Elle mûrit en tant que science, elle est
testée et appliquée dans de nombreux domaines différents de la
société globalisée, et elle doit à son tour assumer les
responsabilités qui accompagnent le fait de grandir et de gagner
en influence. De nombreuses connaissances ont été acquises, des
praticiens du monde entier l’utilisent dans leur travail.
Pourtant, la psychologie positive fait toujours l’objet de critiques.
Les débats sur ses mérites se poursuivent, et ils sont d’ailleurs
importants non seulement pour faire valoir le point de vue des
critiques, mais aussi pour la discipline elle-même. La psychologie
positive a beaucoup à apprendre des critiques constructives.
Toutefois, dans ces débats, il est souvent assez difficile de
déterminer si la motivation première des parties en présence
relève du pouvoir politique ou de la recherche de la vérité. En effet,
il faut garder à l’esprit que, selon certaines écoles de pensée, le
pouvoir et la vérité sont fondamentalement entrelacés, voire
inséparables, dans le monde universitaire comme dans la vie
politique.
Alors comment des convictions scientifiques, éthiques ou
politiques différentes, parfois frontalement opposées, comme
celles auxquelles la psychologie positive est confrontée, peuvent-
elles être comprises et mises à profit à l’avenir – c’est-à-dire de
manière à procurer des avantages à tous ? Sera-t-il même
possible d’unir les individus autour d’idéaux scientifiques, éthiques
et politiques communs au sujet du bien-être humain ou existe-t-il
des différences irréconciliables ?
Le présent chapitre plaide en faveur de réponses positives à ces
questions. Il explore les perspectives scientifiques, éthiques et
politiques de l’avenir de la psychologie positive, en s’inspirant de
l’idéal de la complexité harmonieuse, qu’a proposé
Csikszentmihalyi (1993, 1996, 2020) et qu’ont élaboré
Csikszentmihalyi et Knoop (2008).
Il est important de noter que ce ne sont pas toujours les informations les plus
complexes qui servent le mieux l’objectif donné, et que les explications
simples sont souvent meilleures que les complexes. Les sciences naturelles
illustrent bien à quel point la recherche est animée par une ambition
réductionniste, c’est-à-dire l’idéal de parvenir à des explications aussi simples
et élégantes que possible (mais pas plus simples, selon le célèbre bon mot
d’Einstein). Et l’idéal scientifique de réduction de la complexité est présent à
la fois dans des domaines scientifiques particuliers et dans des domaines
guidés par l’idéal de consilience par exemple (Wilson, 1998), sans toutefois
vouloir réduire la qualité expérientielle de la nature ou diminuer de quelque
manière que ce soit l’immense variété de la nature, ce qui est un risque
souvent redouté.
Dans une synthèse théorique de la tendance à la complexité croissante et de
l’idéal de simplicité, le physicien Charles H. Bennett (1985, 1990) a proposé
de définir la complexité par sa profondeur logique, c’est-à-dire par le travail
effectué par un émetteur d’informations et que le récepteur n’a pas à faire.
Cette définition peut être bonne tant qu’elle n’implique pas l’hypothèse que
l’information est transmise de manière linéaire dans la communication entre
les organismes vivants, ce qui est rarement le cas, voire jamais.
Fondamentalement, les différents organismes sont essentiellement des
perturbations les uns pour les autres, chacun s’auto-organisant et autotraitant
son apport sensoriel.
Pour tenter de rassembler ces différents comptes rendus de la complexité, le
modèle 1 a été développé. Il illustre comment des organismes biologiques
viables, la psyché humaine, ainsi que la culture et la société humaines,
peuvent être compris comme des systèmes complexes, adaptatifs et auto-
organisés, dans lesquels les forces de différenciation et d’intégration sont
suffisamment équilibrées pour éviter qu’un système donné ne tombe dans le
chaos (surdifférenciation) ou la rigidité (surintégration) et reste donc capable
de s’adapter en réponse aux perturbations. Au fil du temps, cet équilibre a
porté de nombreux noms, allant du plus ordinaire comme « harmonie » et
« santé » (par exemple Csikszentmihalyi, 1991, 1993) au plus exotique
« bord du chaos » (Waldrop, 1992 ; Knoop, 2002, 2004) et « criticalité auto-
organisée » (Bak, 1996). Le terme « bord du chaos » est utilisé en partie
parce que la complexité, comme indiqué ci-dessus, peut se définir comme
quelque chose qui se produit entre l’ordre total et le chaos total, et parce que
l’évolution d’un nouvel ordre se produit en réponse aux perpétuelles
perturbations de l’environnement. Le terme de « criticalité auto-organisée » a
été inventé par le physicien Per Bak (1996), qui a observé comment les
systèmes ouverts tendent fondamentalement à s’établir dans un état
« critique », où les changements sont le plus susceptibles de se produire. Un
exemple évident est la psyché humaine, qui préfère les changements
qu’impliquent « l’expérience » à aucun changement et aucune expérience.
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1. Par Hans Henrik Knoop.
Chapitre 40
Les risques idéologiques
de la psychologie positive1
Sommaire
1. Définition et trajectoire de la psychologie positive
2. Psychologie positive et psychologie critique
3. Un regard vers l’avenir… positif
Bibliographie
Résumé court
Bien que certaines critiques de la psychologie positive soient
parfois scientifiquement totalement injustifiées, il semble opportun,
au sein de la communauté des chercheurs se réclamant de ce
courant de recherche, d’initier une réflexion épistémologique en
vue d’investiguer les risques idéologiques de la psychologie
positive.
Résumé long
Depuis une vingtaine d’années, l’émergence de la psychologie
positive a été suivie d’une croissance spectaculaire, imprégnant
pratiquement tous les domaines ouverts à un mouvement
intellectuel, universitaire et psychologique. Cependant, force est de
constater que le contexte culturel qui a conduit à son émergence
n’est pas neutre et qu’il fait l’objet de critiques parfois virulentes.
Même si certaines de ces critiques ressemblent plus à des
polémiques qu’à de réelles controverses scientifiques, elles ne
sont pas nécessairement toutes injustifiées. Aussi, il semble
opportun, au sein de la communauté des chercheurs se réclamant
du courant de la psychologie positive, d’initier une réflexion
épistémologique s’inspirant des perspectives de la psychologie
critique, en vue d’investiguer les risques idéologiques de la
psychologie positive. Il s’agit notamment d’examiner le plus
objectivement possible si ces risques proviennent uniquement
d’erreurs de jeunesse ou s’ils sont fondamentalement intrinsèques
à ce champ de recherche. Quoi qu’il en soit, cette investigation
permet de réaffirmer que la psychologie positive s’inscrit
résolument dans le champ des sciences empiriques, en cohérence
avec des méthodes permettant l’exposition à la réfutation, tout en
soulignant que les perspectives européennes de ce champ de
recherche scientifique s’émancipent progressivement de l’emprise
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1. Par Charles Martin-Krumm, Jean Heutte et Cyril Tarquinio.
2. Les trois premières vagues étant, respectivement, le modèle de la maladie (notamment la
psychanalyse), le behaviorisme et la psychologie humaniste.
3. Pollyanna est un roman pour la jeunesse de l’écrivaine américaine Eleanor H. Porter, publié en 1913
aux États-Unis.
Conclusion1
Conclure un ouvrage comme celui-ci est loin d’être une chose aisée. La
psychologie positive s’avère en effet être une discipline complexe,
interdisciplinaire et intégrative ce qui sans doute n’aura échappé à personne.
Elle est complexe car depuis son origine elle a tenté de problématiser des
objets nouveaux à partir de modèles théoriques souvent novateurs qui
n’existaient pas avant l’avènement de cette discipline. La psychologie
positive ne souhaite pas s’imposer comme une conception univoque de la
discipline bien au contraire. Elle souhaite s’inscrire dans une démarche
dialectique nouvelle qui permettra de mettre les orientations théoriques en
dispute afin de contribuer à une vision plus heuristique de notre discipline. La
psychologie positive est complexe parce qu’elle ne se définit pas comme une
approche hors sol. Elle se caractérise par une volonté assumée de prendre en
compte la réalité des individus dans leur contexte personnel, sociale,
organisationnel, éducationnel et sociétal. Elle est l’une des rares orientations
de la psychologie qui pense ces différents niveaux de manière intégrée.
Même la psychologie sociale a parfois renoncé à une telle posture
épistémologique se limitant trop souvent à une volonté de faire de
l’expérimentation là où il s’agirait de saisir les objets dans leur contexte
naturel avec les biais que cela peut impliquer. C’est cela aussi la force de la
psychologie positive, à savoir articuler sans jugement les méthodes
d’investigation qui vont d’une approche expérimentale à une approche
observationnelle. La psychologie dans son ensemble a trop souvent voulu
faire « science » à partir d’une production de données et d’observations qui se
devait de répondre à des canons expérimentaux sans véritable portées
explicatives sur ce que sont le réel et le social. La psychologie positive à
l’inverse dispose de cette capacité à transcender les méthodologies en allant
d’une psychologie dite rigoureuse qui apporte son lot de résultats à une
psychologie de terrain plus écologique et multidéterminée.
La psychologie positive doit aussi être envisagée comme une approche
interdisciplinaire. Si à son origine on pouvait la considérer comme
pluridisciplinaire la psychologie positive a de ce point de vue évolué. On peut
considérer la pluridisciplinarité comme une rencontre de chercheurs et de
praticiens autour de thèmes issus de disciplines distinctes mais où chacun
conserve sa spécificité, ses concepts et ses méthodes. Il s’agit donc alors
d’approches parallèles qui tendent par addition des contributions à saisir les
problématiques qu’elles étudient. L’interdisciplinarité quant à elle suppose un
niveau d’intégration plus important et plus assumé. Il s’agit d’un dialogue,
d’un échange de connaissances, d’analyses convergentes et d’un processus
interactif qui conduit à des enrichissements mutuels entre les orientations. De
toute évidence c’est à ce stade de maturité que la psychologie positive est
parvenue. Notre ouvrage ne réunit-il pas des psychologues, des sociologues,
des économistes, des spécialités des sciences de l’éducation, de l’activité
physique, des philosophes, des biologistes, des médecins ou encore des
spécialistes des entreprises ? Connaissez-vous beaucoup de disciplines
capables d’un tel rassemblement ? Sans doute même que la psychologie
positive a dépassé ce stade de la dynamique interdisciplinaire. Ne crée-t-on
pas de nouveaux savoirs sans se soucier des frontières et dont l’origine est
difficilement situable d’un point de vue disciplinaire ? Lorsque c’est le cas il
convient de parler de dimension intégrative de la discipline et selon toute
vraisemblance la psychologie positive est en train d’atteindre un tel stade qui
de notre point de vue sera sur le plan épistémologique le stade le plus riche et
le plus constructif.
1. Par Cyril Tarquinio et Charles Martin-Krumm.
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