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Cette année, alors que les fortes températures asséchaient les rivières et les réservoirs
partout en Europe, de funestes avertissements du passé ont surgi des profondeurs.
« Wenn du mich siehst, dann weine », pouvait-on lire inscrit sur une « pierre de la faim »
située sur la rive de l’Elbe en République tchèque : « Si tu me vois, pleure ».
Famiglietti et ses collaborateurs ont analysé vingt ans de données issues des missions
satellites GRACE, fruits d’une collaboration entre les États-Unis et l’Allemagne, et ce afin
de déterminer les variations en eau douce des réserves du continent européen. Les
satellites jumeaux de la mission GRACE ont mesuré les changements gravitationnels de
la Terre pour évaluer le volume des grandes réserves de la planète, telles que l’eau
stockée sous terre dans les aquifères, l’eau qui coule à la surface dans les lacs et les
rivières, ou encore l’eau sous forme solide dans les inslandsis et les glaciers. Plus il y a
d’eau, plus la force gravitationnelle est importante.
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Les résultats de ces analyses indiquent un appauvrissement régulier, entre 2002 et 2022,
du volume d’eau dans les aquifères, ces roches et strates poreuses situées sous terre qui
stockent la majeure partie de l’eau douce non gelée de la planète. Chaque année, la
plupart des aquifères du continent (hormis quelques exceptions comme en
Scandinavie) perdent plus d’eau qu’ils n’en récupèrent par le biais des précipitations et
autres phénomènes, affirme Famiglietti.
Les chercheurs estiment que l’Europe perd en moyenne près de 84 gigatonnes d’eau par
an depuis le début du 21e siècle. C’est un taux alarmant, selon Famiglietti. Il correspond
approximativement à la quantité d’eau contenue dans le lac Ontario, ou à 5 fois le débit
annuel moyen du fleuve Colorado dans le Grand Canyon. Une telle ampleur (1 gigatonne
correspond à 1 milliard de tonnes d’eau) nous est presque impossible à appréhender.
C’est pourtant bel et bien à cette échelle qu’agit actuellement le changement climatique.
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La première paire de satellites de la mission GRACE (Gravity Recovery and Climate
Experiment), menée par la NASA et le Centre aérospatial allemand, a été envoyée en
orbite en 2002. Ces satellites fonctionnent comme un balancier ; ils surveillent l’évolution
de la répartition de l’eau dans le temps en mesurant sa force gravitationnelle. La quantité
d’eau sur Terre reste constante et l’eau douce dont nous avons besoin pour vivre ne
représente qu’une infime quantité de toute l’eau disponible. Malheureusement, le
changement climatique et d’autres conséquences de l’activité humaine (comme le
drainage des zones humides, la construction de barrages ou le pompage de l’eau des
aquifères), peuvent entraîner un déplacement significatif de cette eau douce, et ainsi
provoquer de graves évènements (assèchement de points d’eau, inondations, etc.).
(À lire : Les barrages, un outil controversé dans la lutte contre le changement climatique.)
La première mission GRACE, qui s’est achevée en 2017, « nous a apporté des données
essentielles, comme la carte de l’épuisement des eaux souterraines dans le monde »,
souligne Famiglietti, et a mis en évidence que l’être humain avait une influence majeure
sur la modification de la répartition de l’eau douce. Elle nous a également confirmé que
les zones de latitude moyenne, dont le sud-ouest des États-Unis et la majeure partie de
l’Europe, étaient en train de s’assécher, comme l’avait prédit le Groupe d’experts
intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Cette sècheresse n’est pas un
événement à craindre dans un futur proche ; elle est à l’œuvre actuellement, et se
propage bien plus vite que ce qu’avait estimé le GIEC.
Les nouvelles données de la mission GRACE confirment bel et bien ce que d’autres
modèles informatiques ont pu révéler au sujet de l’épuisement des aquifères, explique
Marc Bierkens, professeur d’hydrologie à l’Université d’Utrecht aux Pays-Bas. Lui et
d’autres modélisateurs tirent depuis longtemps la sonnette d’alarme au sujet de
l’accélération de l’épuisement des eaux souterraines, conséquence de la consommation
en eau des agriculteurs, de l’industrie et des villes, qui dépasse de loin le taux de
réalimentation naturel des aquifères.
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GRACE et d’autres modèles satellites sont très efficaces pour déterminer « de grandes
tendances » à l’échelle continentale. Cependant, selon Bierken, cette qualité est
également leur point faible. En effet, les pays et les communautés ne peuvent assurer la
gestion durable de leurs eaux souterraines sans connaître avec précision leur évolution,
qu’elle soit influencée par des facteurs naturels ou humains. De quelle manière l’eau
recharge-t-elle les aquifères locaux, s’y déplace, et enfin s’en échappe ? Quelles sont
les demandes agricoles, industrielles et urbaines spécifiques à l’origine de l’exploitation
des eaux souterraines ? Quels sont les types de sols concernés et leur profondeur ? Les
types de végétation et d’arbres à la surface ? Les aménagements qui empêchent l’eau de
pénétrer de nouveau dans le sol ?
Bierken et son équipe essaient d’intégrer plusieurs milliers de ces variables dans une
modélisation des sous-sols de la Terre sous forme de grilles qui couvriraient une surface
de plus d’une centaine de millions de kilomètres carrés, permettant de visualiser les
aquifères localisés en dessous. Cette modélisation, qui prendrait notamment en compte
la météo et l’utilisation des sols, pourrait permettre d’estimer quelles pertes en eau
peuvent être imputées à certains facteurs, tels que son pompage ou le changement
climatique. Ce n’est pas tout : elle permettrait également de déterminer quelles seraient
les potentielles solutions pour pallier ces pertes – en étudiant les possibles effets de la
restauration des zones humides, la réduction du pompage, ou encore des projets de
recharge des aquifères, par exemple.
En raison de ce caractère mystérieux et invisible, nous avons mis la plus grande réserve
d’eau douce de la planète de côté pendant trop longtemps, explique Aureli. La crise de
l’eau liée à la sécheresse de cette année a révélé qu’il est urgent de protéger cette eau
pour éviter une pénurie, qui a notamment desséché les récoltes de grains en Italie, ou
encore provoqué la fermeture de réacteurs nucléaires en France et d’importantes artères
de navigation en Allemagne.
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son père, aussi hydrologue, à la première conférence sur l’eau de l’ONU organisée à
Mar del Plata en 1977. À l’époque, presque personne ne parlait des eaux souterraines,
explique-t-elle.
(À lire : COP27 : « La clé c'est le partage de l’effort. Nous devons passer à une économie
qui sort de l’impératif de croissance et qui va vers la sobriété ».)
Si autrefois, les eaux souterraines étaient recouvertes d’un voile de mystère, « nous
avons désormais des faits à disposition », explique Aureli.
Les pays développés ont également des solutions à portée de main, telles que la
restauration écologique, la recharge des aquifères et la gestion de la demande en eau,
souligne l’hydrogéologue danoise Karen Villholth, directrice de Water Cycle Innovation,
une société de conseil installée en Afrique du Sud. Elle donne l’exemple du Danemark
qui a réduit de moitié sa consommation d’eau par habitant, passée de 200 litres par jour
dans les années 1980 à environ 100 litres aujourd’hui. Ont permis de faire la différence
l’augmentation du prix de l’eau, son recyclage et d’autres mesures efficaces.
« Il y a de l’eau partout ici », a-t-il répondu. « Vous trouvez que ça ressemble à un désert
? C’est ridicule. Il pleut beaucoup. »
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L’agrandissement de l’usine initialement prévu a été repoussé en raison de la sérieuse
sécheresse de cette année.
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