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­Jeudi 17­ août 2023

C r i s e m o n d i a l e d e l’ e a u

La moitié de la population mondiale est confrontée au stress hydrique durant au moins un mois par an
Niveau de stress hydrique (besoins en eau, par bassins hydrographiques, en % des ressources disponibles)
Extrêmement élevé Elevé Moyennement élevé Moyennement bas Bas Zone aride avec une faible
(> 80 %) (de 40 % à 80 %) (de 20 % à 40 %) (de 10 % à 20 %) (< 10 %) consommation d’eau
En 2050, quatre pays, en plus des 25 actuels, subiront chaque année un stress hydrique extrêmement élevé
(selon un scénario moyen)

Espagne

Maroc
Mexique

Erythrée

Infographie Le Monde Source : WRI/Aqueduct

Crise de l’eau : 4 milliards d’humains touchés


Sans action politique d’ampleur, les pénuries vont s’aggraver, prévient un rapport du World Resources Institute

L
e monde, qui vient de connaître leurs réserves en eau atteint au moins 80 %. moyenne entre 1,3 0C et 2,4 0C. « Et encore, ville du Cap a vécu des mois sous la menace
le mois de juillet le plus chaud Bahreïn, Chypre, le Koweït, le Liban et Oman L’Asie du Sud, notre analyse dessine des tendances de long d’un « jour zéro », c’est-à-dire sans plus
­jamais enregistré, a les yeux ri- sont les plus exposés : ils occupent la tête de terme et présente des moyennes, souligne ­recevoir la moindre goutte au robinet…
vés sur la courbe des tempé­- cette liste qui comprend aussi le Chili, la où 74 % de ­Samantha Kuzma, responsable des données Mais le rapport met aussi en avant des
ratures. Mais un autre marqueur Grèce et la Tunisie. L’Asie du Sud, où 74 % de et experte en géolocalisation pour le pro- exemples de vulnérabilité peut-être plus
essentiel du changement cli­- la population est exposée à un stress hydri-
la population gramme Aqueduct et le WRI. Elle ne rend pas inattendus, ­telles les coupures d’eau dans
matique est également au cœur de toutes que très important, traverse une situation est exposée à un compte des pics qui peuvent susciter des res- plusieurs ­écoles de la région du Sussex, dans
les préoccupations : l’eau. critique. Au Moyen-Orient et en Afrique du sentis encore pires localement. » le sud de l’Angleterre, en juin, parce que la
Son cycle naturel est en train de se modi- Nord, 83 % des habitants sont touchés. stress hydrique Comment, dès lors, faire face à la moindre demande avait excédé l’offre disponible
fier, suscitant des pluies diluviennes et des On s’attend à ce que 1 milliard de person- période de sécheresse supplémentaire pendant les chaleurs de ce mois.
sécheresses intenses. En tant que ressource, nes supplémentaires vivent dans des condi- très important, ­lorsque la situation est aussi tendue ? Le WRI Pour rappel, en France métropolitaine,
elle vient de plus en plus à manquer alors tions de stress hydrique « extrêmement CONNAÎT une cite plusieurs épisodes au cours desquels les plus de 700 communes ont dû être appro­-
que la population humaine et l’essentiel du élevé » d’ici au milieu de ce siècle, même si autorités publiques ont coupé l’alimenta- visionnées par camions-citernes et avec des
vivant dans la nature en ont d’autant plus l’on parvenait – selon un scénario optimiste situation critique tion en eau de certaines localités : en Inde, bouteilles durant l’été 2022, tandis que les
besoin que les vagues de chaleur frappent – à limiter l’augmentation de la température au Mexique, en Iran, en Afrique du Sud, où la habitants de la Guadeloupe doivent
plus fort. Par conséquent, il devient mani-
feste que « le monde fait face à une crise de
l’eau sans précédent, exacerbée par le chan-
gement climatique », comme l’affirme le
World Resources Institute (WRI).
En France, les nappes phréatiques enregistrent toujours des niveaux bas
Cette organisation de recherche interna-
tionale basée aux Etats-Unis, dont l’exper- L’été a beau être contrasté – res- ­ ’atteint la mention « très haut ». Pour
n tion est au repos. Avec une année 2022 10 août. Le ministre de la transition
tise est reconnue dans le domaine de senti comme maussade par une partie le reste du pays, la ressource continue particulièrement sèche, les niveaux de écologique a précisé que 85 commu-
l’environ­nement, doit publier, mercredi de la moitié nord de l’Hexagone, très d’inquiéter. Les préfets ont d’ailleurs ces précieuses réserves sont restés in- nes sont actuellement confrontées à
16 août, un atlas qui éclaire sans ambiguïté chaud dans le Sud –, la situation sur le pris des arrêtés restrictifs dans férieurs aux normales, si l’on excepte des pénuries d’eau, dont 67 sont ali-
les pénuries actuelles et à venir, en parte­- front de la sécheresse reste tendue sur ­trente-deux départements « en crise » une légère hausse en avril. S’il ne pleut mentées par des camions-citernes et
nariat avec le programme Aqueduct – lui- une majorité du pays. Au 1er août, 72 % – une disposition qui interdit l’arro- pas de façon conséquente dans les pro- 18 avec des bouteilles d’eau. Ces
même soutenu par une alliance de centres des niveaux des nappes souterraines sage des pelouses, le lavage des voitu- chains mois, les anomalies devraient ­difficultés sont concentrées en Dordo-
de recherche, d’universités, de gouverne- (les réserves d’eau à l’abri de l’évapora- res, le remplissage des piscines, et se cumuler d’une année sur l’autre. gne, dans le Doubs, les Vosges, ainsi
ments et d’entreprises. tion sous la surface) étaient inférieurs même ­l’irrigation des cultures sauf que sur le pourtour méditerranéen :
aux normes de saison. Elles sont clas- dérogation – et dans une vingtaine en Végétation assoiffée Alpes-Maritimes, Var, Hérault, Pyré-
Coupures dans certaines localités sées modérément bas à très bas par le « alerte renforcée ». La météo n’est pas responsable de nées-Orientales. Si les précipitations
Environ 4 milliards de personnes – près de la Bureau de recherches géologiques et Non pas que l’été ne connaisse pas de tout : la nature géologique des sous- de mai et de juin ont offert un certain
moitié de la population mondiale – affron- minières (BRGM). Elles étaient 68 % pluies. Elles sont même deux fois su- sols explique aussi le peu de réactivité répit à l’Occitanie frappée par la séche-
tent déjà un stress hydrique « élevé » au dans ce cas un mois plus tôt. périeures aux normales de saison par de nappes inertielles comme celles du resse, elles ont été vite absorbées par
moins pendant un mois par an. Selon Les pluies de juillet n’ont eu « quasi- endroits en Bretagne et en Norman- Bassin parisien, de l’Artois, du sud de la ­végétation assoiffée.
­l’analyse du WRI et d’Aqueduct, qui ont exa- ment aucun impact » sur les nappes die. Mais les déficits de précipitations l’Alsace et du couloir Rhône-Alpes. Le BRGM a présenté de surcroît les
miné des séries de données de 1979 à 2019, la souterraines, note l’hydrogéologue du sont importants ailleurs, indique Dans les labyrinthes qui les compo- risques d’intrusion saline. Ces entrées
part de la population concernée pourrait BRGM Violaine Bault. En moyenne, ­Tristan Amm, prévisionniste à Météo- sent, le transfert de l’eau peut prendre dans les nappes, et donc dans les ter-
s’élever à près de 60 % dès 2050. Un stress leur état se révèle comparable à celui France. Ils atteignent même plus de trois mois. « Dans les Dombes, le Bas- res, surviennent lorsque le volume
« élevé » signifie qu’au moins 60 % des res- de l’été 2022, qui avait été particuliè­- 90 % dans les deux départements de Dauphiné, nous n’avons jamais connu d’eau douce n’est pas suffisant pour y
sources en eau disponibles sont consom- rement pauvre en précipitations. Corse et dans les Alpes-Maritimes. de niveau aussi bas depuis que nous faire barrage. Faut-il voir un message
mées, entraînant des concurrences locales Dans le détail, quelques territoires Ce tableau préoccupant de l’état des nous sommes mis à le suivre, à partir d’alerte pour le littoral méditerra-
entre les différents usagers. Les pénuries sont mieux dotés : au nord, le Pas-de- nappes souterraines de la France mé- des années 1980 », a confié Violaine néen ? Là encore, la géographie locale
sont appelées à s’aggraver sans une sérieuse Calais ; à l’ouest, en Bretagne et dans tropolitaine n’a rien de surprenant. Bault. « La situation est inquiétante, ajoute à la vulnérabilité du territoire.
politique d’anticipation. une partie des Pays de la Loire et de la Comme le martèlent les experts, les avec des niveaux historiquement bas La plaine du Roussillon, située sous le
Dès à présent, vingt-cinq pays relèvent, Nouvelle-Aquitaine. Les recharges en précipitations capables de les rechar- du côté, par exemple, de la vallée du niveau de la mer, est naturellement
eux, d’un stress « extrêmement élevé » : le eau souterraine y sont qualifiées de ­ ger efficacement se produisent en Rhône et de la Saône », a commenté exposée, rappelle Violaine Bault. p
­déséquilibre entre leur consommation et « satisfaisantes », mais aucun niveau automne et en hiver, lorsque la végéta- pour sa part Christophe Béchu, jeudi Martine Valo
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Un « convoi de l’eau »
contre les mégabassines En Uruguay, de l’eau du robinet au goût salé
Les opposants aux mégabassines s’apprêtent
à prendre la route, du vendredi 18 août au Face au manque de pluies, le gouvernement a avalisé le recours à l’eau salinisée du Rio de la Plata
­dimanche 27 août, sous la forme d’un « convoi
de l’eau » de plusieurs centaines de vélos et de
plusieurs dizaines de tracteurs, selon les organi-
sateurs. Le périple mené par le collectif Bassines Buenos Aires - correspondante Ainsi, le 5 mai, OSE a approuvé l’« eau [n’est] clairement pas pota- d’anticipation est le même pour tous
non merci et la Confédération paysanne ira ­ fficiellement la modification des
o ble » avec les niveaux de chlorure et les gouvernements », tranche Daniel
du bassin de la Sèvre Niortaise jusqu’à Orléans,
une manifestation finale étant prévue à Paris.
­Différents thèmes doivent être abordés au fil
des étapes : le stockage de l’eau, mais aussi
l’artifi­cialisation des terres, la pollution des
A la fin du mois d’avril, José
Miguel, un retraité de
Montevideo, la capitale de
l’Uruguay, s’est préparé un café avec
l’eau du robinet. Il l’a repoussé dès
niveaux limites de sodium et de
chlorure initialement prévus dans
la norme, soit respectivement
440 milligrammes par litre (contre
200 mg/l à l’origine) et 720 milli-
de sodium atteints. Il avait voté
­contre la modification de la norme.
Lourdes Muiño, 43 ans, ne s’em-
barrasse pas de contorsions sé­-
mantiques. Dans la ville populaire
Panario, ingénieur et directeur de
l’Institut de l’écologie et des scien-
ces environnementales, à l’univer-
sité de la République (l’univer-
sité d’Etat de l’Uruguay). La vétusté
­rivières… Le départ aura lieu à Lezay (Deux-Sè- la première gorgée : imbuvable. grammes par litre (contre 250 mg/ de ­Canelones, à une cinquantaine des canalisations transportant l’eau
vres), à proximité de Sainte-Soline, où de vio- « J’ai couru acheter de l’eau minérale, l). Une mesure prise avec l’aval du de kilomètres au nord de Montevi- potable est au cœur de ce qui est
lents affrontements ont eu lieu en mars. Un puis un filtre valant 350 dollars gouvernement du président, Luis deo, elle assure la distribution d’un aussi une crise d’infrastructure.
temps en retrait, Les Soulèvements de la Terre [320 euros]. C’est un investisse- Lacalle Pou (centre droit). Résultat, goûter et d’un dîner à une cinquan- ­Selon l’OSE, 50 % de l’eau se perd
ont annoncé leur participation, après la suspen- ment », rapporte cet habitant « en dans le verre d’eau des Uruguayens : taine d’enfants. « Il est hors de ques- avant d’arriver dans les foyers.
sion de leur dissolution par le Conseil d’Etat. colère » contre le gouvernement. Il un goût salé prononcé, souvent dé- tion que j’utilise l’eau du robinet, je Dans un communiqué au vitriol
« L’esprit de ce convoi qui va emprunter des n’est pas le seul à se détourner de- crit comme « dégoûtant ». ne tiens pas à ce qu’ils soient mala- publié le 13 juillet, un groupe d’ex-
­petites routes, avec des enfants, est de renouer puis des semaines de l’eau Face à l’inquiétude des habitants, des », lâche-t-elle. Dans son quartier, perts de l’ONU évoque « le problème
le dialogue, indique Laurence Marandola, porte- ­courante, tandis que le pays tra- le gouvernement assure alors que de nombreuses familles ont conti- sous-jacent [qu’]est la surexploita-
parole de la ­Confédération paysanne. Nous verse cette année la crise hydrique l’eau reste propre à la consomma- nué à consommer l’eau courante. tion de l’eau, en particulier par cer-
avons demandé toutes les autorisations. » la plus grave de son histoire. tion. Cependant, le ministère de la taines industries du pays », et acca-
« Entre 2020 et 2022, on a enregis- santé déconseille son ingestion aux « Diarrhées et vomissements » ble l’exécutif. Ce dernier « a de-
tré le même niveau de précipitations personnes souffrant de maladie « Il y a eu des enfants avec des diar- mandé à la population d’acheter de
que celui de deux années normales, ­rénale chronique, d’hypertension, rhées, des vomissements », assure l’eau en bouteille », suscitant « un ris-
soit 2 450 millimètres dans Monte­- d’insuffisance cardiaque, de cir- Lourdes Muiño. Pour financer que de privatisation de l’eau », pour-
video et sa région en trois ans », re- rhose et aux femmes enceintes. l’achat de bouteilles (environ suit le communiqué, qui intime au
lève Raul Viñas, météorologue et Deux jours après ces recomman- 2,90 euros pour un bidon de six ­ gouvernement d’accorder la prio-
membre de l’ONG environnemen- dations, au mois de mai, le ministre litres), elle sollicite davantage de rité à la consommation humaine.
tale Movimiento por un Uruguay de l’environnement, Robert Bou- ­donations aux familles soutenant « Ce n’est pas la sécheresse, c’est du
r­ égulièrement se conformer à des plan- Sustentable (« mouvement pour un vier, émettait cette déclaration la petite cantine sociale. pillage ! », lit-on régulièrement sur
nings de distribution d’eau. Uruguay durable » – Movus). Il s’agit cryptique : l’eau « n’est pas potable », Cette mère de deux enfants vi- les pancartes des manifestants – is-
A l’échelle mondiale, la demande ne cesse de la sécheresse la plus sévère vécue mais elle est « buvable et consom- vant elle-même dans la précarité, sus d’organisations de quartiers, de
d’augmenter. Elle a doublé depuis 1960, ti- par le pays, sous l’effet combiné de mable ». Le 11 juillet, la ministre de la elle achète également de l’eau pour syndicats, d’ONG de défense de
rée par le boom de l’agriculture irriguée, les l’épisode naturel La Niña – se tradui- santé, Karina Rando, invoquait la la consommation familiale. Dans la l’environnement – qui se relaient
besoins grandissants de la production sant dans cette région du monde définition du dictionnaire dans des foulée de la déclaration de « l’ur- dans la rue ces derniers mois pour
d’énergie, le secteur industriel, la croissance par un déficit de précipitations – et messages publiés sur le réseau X gence hydrique » par le gouverne- dénoncer notamment le rôle du
de la population. Or elle s’accélère à un du dérèglement climatique. Faute ­(ex-Twitter) : « L’eau potable est “apte ment, le 19 juin, la taxe sur la vente secteur agricole et de l’industrie
rythme supérieur à celui de la démographie de pluie, les sources approvision- à la consommation humaine”, c’est- des bouteilles d’eau a été suppri- ­forestière dans la crise hydrique.
mondiale. Le phénomène s’observe en par- nant Montevideo et sa région, un à-dire qu’elle ne génère pas de dom- mée. Depuis le mois de juillet, Lour- « Leur responsabilité est indénia-
ticulier dans les pays en développement. territoire qui abrite environ 60 % de mages pour la santé. » D’ailleurs, elle des Muiño compte sur le verse- ble », estime Daniel Panario. Il men-
Tandis qu’elle plafonne en Amérique du la population de ce pays de 3,4 mil- boit elle-même l’eau du robinet, ment d’une aide publique repré- tionne l’industrie forestière et ses
Nord, en Asie centrale et en Europe, la con- lions d’habitants, atteignent un ni- soutient-elle. Toutefois, selon Ed- sentant deux litres d’eau par jour, à eucalyptus très gourmands en eau,
sommation risque de bondir de façon verti- veau historiquement bas. gardo Ortuño, directeur d’OSE, l’instar de 540 000 habitants. Par mais aussi le secteur agricole, avec
gineuse en Afrique subsaharienne. Celle-ci ailleurs, le gouvernement a lancé la la culture du soja.
pourrait voir ses besoins en eau progresser « Dégoûtant » construction de treize kilomètres Depuis le 15 juillet, les niveaux de
de 163 % d’ici à 2050, principalement à cause Pour ne pas être confronté à des ro- ARGENTINE de canalisation afin de dévier l’eau chlorure et de sodium dans l’eau
d’une expansion de ses cultures irriguées, binets à sec, l’OSE (Obras Sanitarias BRÉSIL d’un fleuve suffisamment abon- distribuée à Montevideo et dans sa
destinées en bonne partie à l’exportation. del Estado, la société publique de dant pour participer à l’approvi- région se situent en dessous des
g u ay

distribution d’eau) a trouvé cette sionnement de la capitale. Des tra- normes antérieures, en raison des
Uru

surexploitation des réserves solution en avril : mélanger le peu vaux « dans leur étape finale », selon précipitations. Mais l’aide à l’achat
L’atlas souligne par ailleurs les dangers pour de réserve restante à de l’eau
URUGUAY le gouvernement. de bouteilles d’eau a été reconduite,
ro
la sécurité alimentaire : 60 % des cultures ­provenant de l’estuaire, le Rio de La N eg « Le gouvernement a agi trop tard. et l’état d’urgence hydrique reste en
­irriguées sont menacées par un stress hydri- Plata, salée en raison de la proxi- Rio Il a d’abord fait en sorte que cette vigueur. « C’est une situation très
que « extrêmement élevé ». La canne à sucre, mité de l’océan Atlantique. « Or Buenos crise passe inaperçue, en misant sur précaire et tout peut empirer de nou-
le blé, le riz et le maïs sont particulièrement nous n’avons pas l’infrastructure né- Aires Canelones la pluie. Or il n’a pas plu », analyse veau à n’importe quel moment »,
Rio
concernés. Selon le WRI, près d’un tiers cessaire pour la potabilisation d’une
de la Plata Montevideo Daniel Greif. Il dénonce notam- évalue Daniel Greif. « Actuellement,
(31 %) du produit intérieur brut (PIB) mon- eau salée », relève Daniel Greif, ment l’abandon du projet d’un s’il ne pleut pas, le réservoir d’eau de
dial pourrait subir les conséquences d’un ­ingénieur et responsable de la Océan nouveau réservoir, élaboré lors du Montevideo et de sa région permet
­niveau de stress hydrique « élevé », voire ­gestion de l’eau au sein du gouver- Atlantique mandat présidentiel précédent. de tenir pendant vingt jours », cal-
« très élevé », en 2050, contre 24 % en 2010. A nement précédent, dirigé par la 200 km
« S’il avait été construit, on n’en se- cule Raul Viñas. p
eux seuls, l’Inde, le Mexique, l’Egypte et la gauche, entre 2015 et 2020. rait pas là », assure-t-il. « Le manque Flora Genoux
Turquie comptent pour plus de la moitié des
régions du monde qui risquent de voir leur
économie la plus bouleversée. L’industrie
minière est elle aussi très dépendante des
ressources hydriques. Ainsi, le Chili,
La surface des continents s’assèche
deuxième plus important producteur au
monde de lithium – un métal considéré Une étude confirme la tendance globale à la perte d’humidité, en lien avec le réchauffement
comme crucial pour la transition éner­-
gétique –, annonce vouloir multiplier sa
­consommation d’eau par vingt d’ici à 2050.
Dans ces conditions, les réserves en
­surface et celles qui sont contenues dans les
aquifères risquent d’être encore plus sur­-
exploitées dans les années à venir, leur
A Hawaï, les incendies meur-
triers d’août ont produit
des images cataclysmi-
ques, la rapidité de leur propagation
et les chaleurs extrêmes qu’ils ont
Advances le 28 juillet. « Il existe une
relation émergente claire entre l’as-
sèchement et le réchauffement à
proximité de la surface du sol, en
moyenne mondiale sur les terres »,
mentation des pluies extrêmes et
des sécheresses est en partie liée aux
émissions de gaz à effet de serre »,
assure le scientifique qui a coor-
donné les travaux sur le cycle de
Le scientifique souhaiterait voir le
cycle de l’eau occuper une place
« plus centrale dans les prises de déci-
sion, non seulement pour l’adapta-
tion, mais peut-être aussi l’atténua-
baisse renforçant irrémédiablement la crise dégagées ont été sidérantes. L’île de conclut-elle. On pourrait résumer l’eau dans le sixième et dernier rap- tion ». L’eau joue un rôle essentiel
­environnementale. Cet avertissement, Maui, habituellement luxuriante, ce phénomène par un constat port du Groupe intergouverne- dans le système climatique. Son cy-
porté de longue date par le WRI, est-il en- avait subi en juin une sécheresse ­simple : plus il fait chaud, plus il fait mental d’experts sur l’évolution du cle naturel s’intensifie ; les gouttes
tendu par les décideurs ? « Tout le monde ré- soudaine et aiguë la rendant haute- sec, et inversement. climat (GIEC). Celui-ci, paru en 2021, qui s’évaporent mettent plus long-
pond que oui, la question de l’eau est très ment inflammable en cas de vents consacrait un chapitre entier au su- temps à retomber sous forme de
­importante, mais chacun attend d’être violents et de fortes températures. Pluies extrêmes et sécheresses jet pour la première fois. précipitation. « La vapeur d’eau est
plongé dans la crise pour en faire une priorité, Dans ces conditions, « l’air aspire lit- Les scientifiques ne fournissent pas « Il y a moins d’intérêt jusqu’à un gaz à effet de serre naturel, expli-
glisse Samantha Kuzma. Nous étions pré- téralement l’humidité du sol et des d’indications quantitatives préci- ­présent pour la variable de l’humi- que le climatologue. Du fait de nos
sents à la conférence des Nations unies [sur la plantes dans un cercle vicieux de cha- ses, mais ils confirment la tendance dité que pour la température, note émissions anthropiques, il y a en a de
crise mondiale de l’eau, à New York] en mars. leur et de sécheresse qui conduit sou- globale à cette perte d’humidité. Hervé Douville. Elle est pourtant plus en plus dans l’atmosphère, ce
Nous y avons recensé 800 engagements. Ce vent à des incendies de forêt », ont Celle-ci est plus marquée que ne le importante : elle représente la qui amplifie le réchauffement glo-
qui manque, maintenant, ce sont des finan- expliqué des experts à l’agence As- prévoit la moyenne des program- ­capacité de l’atmosphère à pomper bal. » A chaque degré d’élévation de
cements et des actions. » sociated Press. Dans le même mes qui modélisent les évolutions l’humidité des sols et de la végéta- température, la colonne d’air se
Limiter les effets de la crise de l’eau temps, les autorités chinoises avan- du climat jusqu’à présent, de façon tion, ce qui peut conduire à une forte charge de 7 % de vapeur d’eau sup-
n’aurait pas un coût si élevé, à condition cent un bilan de plus de 140 morts, nette en été, moins en hiver. Cepen- évaporation en surface – un peu plémentaire. « Or seulement 2 % à
d’améliorer la gouvernance de ce secteur, victimes des pluies diluviennes qui dant les doutes ne sont plus permis : comme la transpiration de la peau 3 % retombent sous forme de précipi-
assurent les auteurs du rapport. Ils évaluent se sont abattues sur le nord du pays les séries d’observations de terrain refroidit un corps –, jusqu’à l’assè- tations. C’est une question ouverte
le budget nécessaire à environ 1 % du PIB ces dernières semaines. recueillies depuis 1973 corroborent chement des sols, voire des nappes parmi les scientifiques : ces 7 % pour-
global afin, entre autres, de redresser le Les modifications en cours du ces constats. « Ce sont les modèles souterraines. » raient-ils être dépassés ? Et avec quel-
sous-investissement chronique dans les in- ­cycle de l’eau se manifestent ainsi qui indiquent l’assèchement le plus les conséquences ? »
frastructures, de changer les modèles cruellement sur la planète. Sous l’ef- important qui semblent les plus réa- Le scientifique souligne de plus
­d’irrigation, de miser sur les solutions fet des bouleversements du climat, listes dans la période récente. Ils que « la plupart des scénarios
­fondées sur la nature (protéger les mangro- les pluies se font très intenses et montrent que les régions qui s’assè- « Les modèles montrent ­compatibles avec [le respect de l’ac-
ves et les zones humides, par exemple), moins fréquentes : le nombre de chent plus que les autres sont aussi que les régions qui cord de Paris] reposent sur l’hypo-
d’uti­liser des eaux usées traitées. Et, bien jours sans précipitations augmente. celles qui se réchauffent le plus », af- thèse qu’on sera capable d’augmen-
sûr, de réduire nos émissions de gaz à effet Autour du globe, l’atmosphère se firme le climatologue Hervé Dou- s’assèchent le plus sont ter singulièrement le stockage du
de serre, afin d’atténuer le réchauffement charge en vapeur d’eau, tandis que ville (CNRS-Météo France), qui a pi- carbone dans les sols et la végéta-
clima­tique. Si celui-ci n’est pas le seul res- les parties terrestres de la planète loté cette étude. Le bassin méditer- aussi celles qui se tion. Or les sécheresses et les feux de
ponsable des difficultés d’approvisionne- perdent de l’humidité à leur sur- ranéen, l’Afrique australe, l’Amazo- forêt qui se multiplient, renvoyant
ment en eau autour du globe, il l’est néan- face. Dit autrement, les continents nie apparaissent les plus concernés.
réchauffent le plus » du CO₂ dans l’atmosphère, les ren-
moins en grande partie. p s’assèchent. C’est ce qu’atteste une « On a déjà des preuves que dans Hervé Douville dent très peu crédibles ». p
Martine Valo étude publiée dans la ­revue Science certaines parties du monde, l’aug- climatologue M. V.

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