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d’Economie haïtienne

CHAPITRE I: CADRE PHYSIQUE ET GEOGRAPHIQUE DE


L’ECONOMIE HAÏTIENNE

La situation géographique détermine grandement les performances économiques d’un


pays. Elle influence les conditions climatiques, la disponibilité des ressources
naturelles ainsi que l’environnement.

I- LES CONDITIONS GEOGRAPHIQUES PEU PROPICES AU


DEVELOPPEMENT

Le pays couvre une superficie de 27,750 km2, est essentiellement montagneux puisque
plus de la moitié des terres possède des pentes supérieures à 40%, et est ravagé par
l’érosion et d’autres types de dégradation de l’environnement. Environ 40% de la
surface totale du pays est constitué de terres dénudées, sans végétation, et il est estimé
que la couverture forestière a été considérablement réduite passant de 20% en 1956 à
2% actuellement. La localisation géographique place le pays sur la trajectoire des
ouragans, tempêtes et cyclones tropicaux. La diversité éco-climatique explique qu’il
soit exposé en même temps aux inondations et aux sécheresses et l’énergie radiante du
soleil qui rend possible un niveau élevé de photosynthèse tout le long de l’année
facilite en même temps la multiplication des insectes et des maladies. Autrement dit,
les cyclones tropicaux, les inondations et les sécheresses, les épizooties et les pestes de
toutes sortes constituent des menaces naturelles d’importance pour cet espace tropical.

L’insularité du pays se présente aussi comme un facteur naturel de richesse. Doté


d’une longueur de côte de 1771 km, le pays s’étend sur une mer territoriale de 40 000
km² qui fait à peu près le double de ses terres émergées. Il est situé, en effet, au centre
des grandes Antilles, entre deux continents, au milieu des trois Amériques et dans le
passage des courants équatoriaux du Nord et du Sud. De tels courants marins
influencent le transport des éléments nutritifs, le mouvement des poissons migrateurs,
la distribution de la flore et de la faune marines et le climat des régions qu’ils baignent.
Les raz de marée et les tsunamis figurent parmi les menaces naturelles les plus
redoutables pour les écosystèmes côtiers et marins. Lorsqu’ils sont associés aux

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cyclones et ouragans tropicaux, les raz de marée et les tsunamis peuvent causer des
dégâts importants dans leur aire d’influence.

II- LES RESSOURCES NATURELLES LIMITEES

Les ressources naturelles sont rares et la plupart des gisements miniers (bauxite, or,
nickel, cuivre, etc.) ne sont pas rentables ou sont peu exploité. En ce qui concerne les
ressources énergétiques les plus utilisés dans l’industrie, les combustibles solides ou
liquides (pétrole, charbon, gaz nature m,,l), on peut les considérer comme des facteurs
rares, qui en Haïti, limitent le développement.

A la faiblesse des ressources énergétiques, il faut ajouter la faiblesse des matières


premières d’origine minérale.

La rareté des chutes d’eau ou de sites favorables à la production d’énergie hydro-


électrique entrave l’essor de l’industrie de transformation (conserveries, tanneries,
brasseries, tanneries, …) qui ont besoin d’eau en abondance et d’énergie électrique très
bon marché.

III- LES BOULEVERSEMENTS DE L’ENVIRONNEMENT

Les problèmes induits par l’environnement sont maintenant devenus la priorité des
priorités en Haïti parce que leur non-résolution hypothèque la pérennité ou même la
diffusion de tout progrès qui aurait été réalisé dans les domaines économique et social.
Le pays est au stade où beaucoup des problèmes de ce type se présentent comme des
urgences du fait de la combinaison des effets des menaces et risques naturels et de
ceux d’origine anthropique. Pour en donner une idée concrète, cette section fait une
présentation synthétique des deux grandes dynamiques environnementales influençant
l’évolution de l’espace et de la vie dans notre pays.

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1- Menaces et risques naturels


Haïti vit un ensemble de phénomènes naturels graves en raison d’abord de sa position
dans la région Amérique Centrale /Caraïbe, une des zones de la planète les plus
exposées à ces phénomènes dangereux selon les spécialistes. Dans la période du
20ème siècle seulement, elle a eu à faire face en de nombreuses occasions à des
cyclones et à des inondations à effets meurtriers de même que les périodes de
sécheresse tendent à se multiplier sur une bonne partie de son territoire. Tous les
départements sont touchés par les cyclones mais la fréquence est la plus élevée dans le
Sud, la Grande –Anse et le Sud-Est : soit l’ensemble de la presqu’île du Sud. Haïti est
ainsi frappée tous les 2 à 3 ans par des cyclones, tempêtes ou dépressions tropicales.
Les inondations sont aussi un phénomène à effet dévastateur frappant régulièrement
Haïti et se présentant comme une conséquence des systèmes dits porteurs d’eau à
l’exemple des cyclones et des saisons pluvieuses. Depuis quelques années, elles
tendent à s’aggraver en raison de l’augmentation du ruissellement lié au déboisement,
des pratiques agricoles non conservationnistes, de la localisation et du type de
construction et des infrastructures dans les zones urbaines.

Presque tous les départements du pays sont l’objet d’inondations mais certains le sont
beaucoup plus que d’autres. C’est en particulier le cas pour l’Ouest (avec une
fréquence de 36%), l’Artibonite, le Sud, le Nord et le Nord-Ouest. A l’intérieur de ces
grandes régions, certaines zones connaissent périodiquement des situations
désespérantes. Port-au-Prince et Cap-Haïtien qui ont connu durant les dernières
décennies une croissance démographique spectaculaire en même temps qu’un
déboisement accéléré des chaînes environnantes et un développement anarchique de
l’habitat font face à une situation de ce type. Beaucoup de localités ou villes
construites sur zone alluviale sont prédisposées à subir régulièrement des inondations
ou des crues torrentielles. On cite souvent les cas suivants : Cap-Haïtien, Port-de-Paix,
Cayes, Jacmel à Marigot, Gonaïves, St-Marc, Léogane, etc. Les cas d’inondations
recensés à travers le pays montrent que trois catégories de zones sont à haut risque :

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1. les zones côtières et basses : comme les Cayes, les plaines de Léogane et du Cul-de-
Sac ;
2. les zones où le réseau hydrographique est dense ;
3. les villes dont la densité moyenne de la population est relativement élevée.
Bien entendu, les dégâts et préjudices occasionnés par les inondations sont assez
importants.

La sécheresse est encore un autre phénomène naturel grave qui modèle le cadre de vie
en Haïti en influençant directement l’évolution de l’agriculture, de la disponibilité en
eau, de la production d’énergie électrique et des mouvements de population. Sur la
base des régimes climatiques existants et de leur répartition sur le territoire, les
spécialistes déterminent que les zones arides représentent un fort pourcentage (50%)
du territoire national. On constate en outre une extension du processus de
désertification à cause de l’accélération de la dégradation écologique - érosion des
sols, réduction de l’épaisseur de la couche arable, tarissement des points d’eau - et de
la réduction de la capacité de réponse des populations devant la multiplication de ces
problèmes.

Du fait de ces situations, certaines zones du pays sont exposées à des sécheresses
annuelles. On cite par exemple :

1. tout le Nord-Est et la partie Ouest du Département du Nord-Ouest ;


2. la partie Nord du Département de l’Artibonite : de Gonaïves à Anse-Rouge.
3. La zone haute entre le Département du Sud et la Grande-Anse : entre Aquin et
l’Azile.
A l’exemple des systèmes porteurs d’eau, les sécheresses en Haïti ont aussi une
périodicité qui tend à inquiéter. On a dénoté 10 sécheresses majeures de 1968 à 2000
et plus de 1,5 millions de personnes ont semble-t-il été affectées. Heureusement que
souvent les sécheresses sont des phénomènes locaux ou régionaux mais certaines
comme celles de 1974 et de 1975 ont eu une ampleur nationale.

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2-La dégradation de l’environnement rural et urbain


Haïti est considérée par bon nombre d’observateurs comme l’un des pays où
l’environnement est le plus dégradé au monde et ceci a de sérieuses implications pour
son développement et l’évolution des conditions de vie des populations. Parmi les
problèmes étudiés par les spécialistes, trois sont particulièrement graves : le
déboisement, l’urbanisation anarchique et la dégradation des conditions
d’assainissement de base.

Le déboisement est un processus ancien commencé sous la colonisation espagnole et


surtout française qui a connu au 19e siècle une étape d’intensification avec la coupe et
l’exportation du bois : 2ème produit d’exportation d’Haïti à l’époque. Deux périodes
d’accélération ont marqué le 20e siècle : celle de l’occupation américaine de 1915 /34
favorisant la remontée de l’Agro-industrie sur la base de grandes exploitations et celle
du Coup d’Etat de 1991/94 induisant une surutilisation du bois et du charbon de bois
comme sources d’énergie du fait de l’embargo commercial.

Le principal facteur de stimulation du déboisement est dans le fait que le bois


représente plus de 90% de la quantité totale d’énergie consommée par les ménages et
les unités de production (blanchisseries, boulangeries, guildives, etc.). Ce qui induit
une consommation annuelle élevée estimée à 5,3 millions de m3 de loin supérieure à la
productivité annuelle des formations forestières et agro-forestières estimée au niveau
de 1,6 millions de m3. Ce déséquilibre s’est traduit par une réduction drastique de la
superficie boisée du territoire : elle est passée de 21,6% en 1945, à 4% en 1986 et à 2%
en 2000. Le déboisement a induit une dégradation accélérée des ressources naturelles
sur quatre (4) angles souvent évoqués par les spécialistes.

Ce sont :
1. La biodiversité : avec des pertes importantes pour les principales essences
forestières mais également pour la faune ;
2. L’utilisation des sols : selon les normes classiques de vocation des terres 54,7% des
terres haïtiennes devraient être consacrées aux forêts alors que la couverture boisée est
très faible. Comme conséquence de ce déboisement combiné aux pratiques culturales

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non adaptées, aux modes de terre et aux pluies saisonnières violentes, l’érosion est très
forte et extensive ;
3. Les déficits hydriques : ils prennent plusieurs formes : réduction des débits des
cours d’eau qui passent à un régime torrentiel ; baisse du régime d’eau dans les
systèmes d’irrigation, baisse de la pluviométrie induite partiellement par le niveau de
désertification ;
4. La désertification : les spécialistes estiment que les risques sont élevés pour Haïti.
Les zones les plus en danger sont : la presqu’île du Sud, les montagnes de l’Artibonite,
du Plateau Central et du Nord. L’expansion démographique et l’accélération de la crise
agraire au cours du dernier quart de siècle ont propulsé Haïti dans des mutations
urbaines importantes avec le rôle dominant de l’Aire Métropolitaine de Port-au-Prince
et la multiplication des bidonvilles. Alimentée par une migration de ressources
diverses provenant de toutes les régions du pays, la capitale connaît un processus
d’hyper concentration des activités économiques et sociales, des entités publiques et
privées. On estime qu’elle concentre aujourd’hui plus de 25% de la population totale
du pays et environ 70% des entreprises en fonctionnement. La bidonvilisation est un
phénomène beaucoup plus récent que ce qu’on appelait déjà au 19e siècle la «
République de Port-au-Prince ». Mais, dans les deux cas, l’influence de l’amplification
récente de l’exode rural est patente. Dans les années 1980, les zones urbaines à risque
représentaient déjà 25% de la population de quelques capitales de Département y
compris Port-au-Prince. Au cours de la dernière décennie, le phénomène a pris une
proportion démesurée de sorte qu’à la bidonvilisation classique s’est associée la
marginalisation progressive des anciens quartiers des classes moyennes des « grandes
villes ».
Cette urbanisation anarchique est responsable de beaucoup de maux dont souffrent
actuellement les villes haïtiennes. Par exemple, l’explosion démographique qui stimule
le processus a entraîné une demande énorme de terrains d’habitation et de logements
favorisant la congestion urbaine.

D’où, la fuite des centres urbains par les riches et moins riches et la colonisation
d’espaces voués autrefois à l’agriculture.
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Ce mouvement d’urbanisation est responsable de phénomènes encore plus graves de


pollution prenant ces formes :
1. Gestion défectueuse des ordures ménagères, entraînant une insalubrité permanente
des villes ;
2. Faiblesse de la latrinisation en milieu rural comme en milieu urbain avec des taux
respectifs de 16% et 43% : cela s’accompagne d’une pollution des sources et des
nappes ;
3. Inexistence de système centralisé de traitement des eaux usées : dont la stagnation
est source de pullulation des moustiques ;
4. Pollution de l’eau et des sols en raison de causes diverses comme : proximité des
maisons d’habitation, non-traitement des eaux usées, surexploitation et remontée des
nappes saumâtres, faible culture de la propreté.

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Chapitre II : L’ECONOMIE DE LA REPUBLIQUE D’HAITI

L’étude de l’économie haïtienne nous amènera à étudier les faits stylisés de


l’économie, les structures productives et le cadre macroéconomique de l’économie
haïtienne.

I- FAITS STYLISES DE L’ECONOMIE HAITIENNE

L’analyse des faits stylisés permet d’entrevoir des tendances de long terme de notre
économie.

1- une surdétermination de l’histoire


Au XVIII siècle, lorsqu’elle s’appelait Saint Domingue, 450 000 esclaves
impitoyablement menés en avaient fit l’une des plus riches colonies du monde. Saint
Domingue accoucha Haïti à l’issu d’une guerre d’indépendance acharnée contre la
France qui dura cinq ans et qui mit le pays à feu et à sang. Moyennant quoi, 450 000
esclaves se trouvèrent libre un siècle et demi avant toute décolonisation, en butte à
l’hostilité générale, sans cadres, sans aucun système d’enseignement. La métropole
demeurait toujours menaçante. Il fallut pendant 20 ans maintenir sur pied de guerre
une armée de 50.000 hommes. En 1825, Charles X consentit à octroyer
l’indépendance moyennant une indemnisation de 150 millions de francs or, desquels
90 millions furent finalement payés par un pays exsangue dont les recettes étaient de
20 millions en 1821. Cet énorme effort financier ne se fut que par une série
d’emprunts, puis emprunts pour payer les intérêts des emprunts. La perpétuelle dette
extérieure haïtienne était née.
Pendant ce temps, une société de type féodale s’était mise en place. 90% de paysans
illettrés seront dès lors, jusqu’à nos jours, la masse écrasée de mépris, de taxes et dont
le travail permettait les jeux politiques, la malversation et l’instabilité chronique d’une
minorité de privilégiés. Le tout se compliquant d’une violente question de couleur : les
métis, plus cultivés, francophone s’opposant, dans l’ensemble, aux masses noires,
analphabètes. Ensuite de façon permanente, une seconde séparation de citoyens de

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même pays : « moun lavil », « moun deyo » depuis lors une minorité, représentant 1%
de la population a toujours eu en main les affaires du pays.

Sur le plan politique, et ce, en dépit des constitutions au contour très libéral, la
présidence à vie et les coups d'état ont fait la règle. Il est rare qu'un mandat présidentiel
ne soit pas source de conflits paralysants entraînant des soulèvements populaires. Sur
le dernier siècle le pays a connu deux interventions étrangères. De 1915 à 1934 il fut
occupé unilatéralement par les Etats-Unis. Notons que cette occupation a eu des
répercussions en profondeur dans l'évolution future du pays notamment dans ses
relations avec l'ancienne métropole française et le renforcement des liens avec la
puissance américaine. Soixante ans plus tard, en octobre 1994, ces derniers sont
revenus sous couvert d'une force d'occupation multilatérale organisée par les Nations-
Unies pour restaurer l'ordre constitutionnel.

2- un environnement politico-institutionnel défavorable


Celui-ci se caractérise par un contexte socio- politique néfaste pour les
investissements et une gouvernance débile et erratique. Sur ce plan, il suffit de
mentionner les différents changements de Présidents et de gouvernements (neuf
présidents et plus d’une quinzaine de Gouvernements entre 1985 et 2003), les élections
avortées, contestées et ou non reconnues par des acteurs influents sur la scène
politique, avec leurs conséquences multiformes sur le budget de l’état et sur le niveau
de l’aide externe. Les remous politiques affaiblissent l’autorité de l’état, amenuisent
les capacités de l’administration publique à travers une rotation rapide des personnels
de décision et une tendance à la dégradation des salaires réels. Ainsi, les salaires de la
fonction publique ont perdu deux tiers de leur valeur entre 1999 et 2003. Un tel
phénomène décourage les fonctionnaires honnêtes et compétents, les porte à
abandonner la carrière publique ou à multiplier les sources de revenus, engendre la
corruption chez certains déjà prédisposés par ailleurs. Tout cela affecte la productivité
et la qualité du service public au détriment de la population, comme peut en témoigner
la situation dans les hôpitaux publics où la qualité des soins a baissé tandis
qu’augmentait le niveau des frais exigés des usagés. L’accès plus difficile à des

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services sociaux de qualité, notamment dans le domaine des soins curatifs, a contribué
à l’accroissement de la pauvreté absolue. Il faut souligner que des ONG et autres
fondations ont pallié en partie le recul de l’Etat.

L'instabilité sociale et politique après 1986 a provoqué par ailleurs successivement le


tassement de la croissance du secteur de la sous-traitance, sa décroissance et enfin à sa
quasi disparition sous l'effet de l'embargo, imposé à Haïti en octobre 1991, avec
disparition de plusieurs milliers d'emplois directs et indirects. La reprise des activités
dans ce secteur n´a pas encore permis de retrouver le niveau d’emplois de la première
moitié des années 80.

3- les traits prédominants de l’économie


Parmi les traits fondamentaux qui caractérisent l’économie haïtienne et qui
prédomine, il a lieu de noter :
a- la dépendance à l’égard de l’extérieur pour les capitaux, les approvisionnements en
biens et services, et aussi pour écouler ses productions.
b- une situation de dualisme économique très prononcé qui de manifeste par la
juxtaposition d’un secteur traditionnel relevant de l’économie artisanale et d’un secteur
relativement moderne se rattachant à l’économie capitaliste. L’organisation
économique est fondée sur l’industrie, le commerce et les services tandis que celle du
‘pays en dehors’’ s’appuie sur l’agriculture. Ce qui donne l’aspect d’une économie a
deux vitesses.
c- la non-intégration des différents secteurs de production : les différents secteurs de
production ne sont pas reliés les uns aux autres et les échanges restent très limités. Il
n’y a pas de complémentarité entre eux et ils ne sont pas articulés à l’ensemble de
l’économie. Les industries et entreprises fonctionnent comme des enclaves et
concernent des productions n’ayant rien à voir avec la demande nationale. Elles
n’entretiennent aucune relation de complémentarité avec les autres secteurs.
L’agriculture ne bénéficie donc d’aucun effet d’entrainement en absence d’agro-
industries.

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d- L’extension et la gravité des déséquilibres. Ces déséquilibres son nombreux et


tendent à s’aggraver avec le temps. On peut mentionner ceux du système de
production et de commercialisation des produits agricoles à la base de la paupérisation
rurale, les déséquilibres démographiques dus à la croissance élevée de la population, la
pénurie du capital national due à la faiblesse de l’épargne, les déséquilibres
budgétaires incessants résultant de l’incapacité de l’Etat à améliorer ses recettes et de
l’augmentation de ses dépenses.

II – LES SECTEURS PRODUCTIFS DE L’ECONOMIE

La structure de l’économie haïtienne s’est profondément modifiée au cours de ces


vingt dernières années parallèlement à l’augmentation et à l’urbanisation de la
population. L'évolution récente de l'économie haïtienne est marquée par la stagnation
voire le déclin des productions agricoles et industrielles, l'hypertrophie du secteur des
services et des activités informelles. Haïti serait caractérisée par les contradictions
d'une économie dépendante dont les structures agraires industrielle, de classes et le
mode d'utilisation du surplus économique freinent toute forme d'accumulation
productive.

1- le secteur primaire
Ce secteur est nettement dominé par l’agriculture qui représente 25% du PIB et
emploi 50% de la population active. L'agriculture, très faiblement mécanisée, se
retrouve dans une situation de crise et soumise aux aléas des conditions naturelles. La
productivité est très faible. Plus de 600 000 exploitations, disposant pour la grande
majorité de parcelles de très faibles superficies (1,4 ha en moyenne/exploitation) et
dispersée, assurent la production des vivres et des denrées. Le ratio terre/habitant
devient de plus en plus épineux en regard de la vitesse d'accroissement de la
population qui accentue davantage la problématique de l'accès à la terre et tous les
problèmes liés à la succession des titres de propriétés. Plus de 70% de ces
exploitations ont moins d'un carreau (1,29ha) alors qu'il en faudrait le double pour
qu'une famille puisse vivre. La production alimentaire, axée sur l'autoconsommation -

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le surplus est commercialisé, couvre à peine la moitié des besoins alimentaires de la


population. L'insécurité foncière, l'exiguïté des parcelles de production, l'explosion
démographique, l'érosion et la dégradation de l'environnement, la baisse de la fertilité
des sols, l'aide alimentaire, les prélèvements opérés sur les paysans-producteurs,
l'absence de financement et l'insuffisance des investissements, l'absence
d'infrastructure et leur dégradation, les carences dans les politiques publiques
particulièrement en ce qui concerne les politiques des prix agricoles, sont parmi les
facteurs d'ordre naturel et politico-économique à l'origine de ce déclin. Cette baisse de
la production alimentaire reflète la structure archaïque de l'économie et démontre
surtout la dégradation des conditions de la production générale de ce secteur.
De façon structurelle, le marché agricole haïtien comprend trois grands groupes de
marché :

• les produits vivriers


• les produits d’exportation traditionnelle
• les produits agro-industriels d’exportation
Avec le temps et précisément sous l’influence de contraintes structurelles fortes, un
équilibre de sous-productivité s’est établi dans ces trois groupes de marchés. De façon
structurelle, le fonctionnement de ces dernières s’est accompagné d’une stagnation des
investissements privés et publics dans le monde rural. Ses manifestations les plus
apparentes sont les suivantes :

• Des modes de production extensifs : favorisant ainsi le sous-investissement en termes


d’utilisation de capital technique et d’engrais ;
• Des coûts de production des biens agricoles partout très élevés hypothéquant la
compétitivité des marchés concernés ;
• Des mécanismes de financement de l’économie paysanne largement informels et très
coûteux ;
• Des modes de répartition de revenus peu stimulants pour le monde paysan en ne
favorisant pas le développement de processus important d’accumulation ;

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• Des pratiques culturales et des choix de culture par rapport à l’espace agro
écologique non conservationnistes : c’est-à-dire associés à un faible respect de
l’écologie et exerçant un effet d’accélération sur l’érosion.

De plus l’Etat a pris dans le secteur des mesures contre-productives dont les plus
marquantes de sont :

a) Pour l’investissement privé :

ü l’impact du droit successoral sur l’émiettement des propriétés et la


parcellarisation des exploitations paysannes ;
ü les effets régressifs des prélèvements fiscaux importants et séculaires sur les
revenus des paysans et l’investissement agricole ;
ü l’impact négatif du nouveau cadre macroéconomique institué à partir des années
1980 sur la production vivrière locale ;
b) Pour l’investissement public :

ü l’extrême faiblesse des politiques de protection de l’environnement rural :


incapables donc de prendre en charge les externalités négatives de l’économie
paysanne ;
ü la mise en œuvre peu dynamique d’infrastructures économiques comme : les
systèmes d’irrigation, les routes agricoles de pénétration, les mécanismes
publics de crédit agricole, l’encadrement technique des exploitations agricoles.
Ainsi donc, l'agriculture est précapitaliste, archaïque dans ses méthodes de production
et génère des rendements à l'hectare et une productivité sociale du travail très faibles,
donc, insuffisant pour soutenir un développement autonome et durable.

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2- le secteur secondaire
Ce secteur secondaire formel ou informel occuperait environ 300 000 personnes et
représente 18% du revenu national. Le secteur industriel est très précaire et manifeste
très peu de dynamisme. Il comprend les industries orientées vers la satisfaction des
besoins du marché national produisant des produits alimentaires, boissons, articles
ménagers, etc. ; celles travaillant les matières premières locales et celles s'occupant des
assemblages et enfin les petites et moyennes entreprises.
Le secteur se caractérise par la faiblesse de sa contribution dans le produit intérieur
brut. Les années quatre vingt dix marquent l'effondrement de la production industrielle
- au rythme de croissance moyen annuel supérieur à dix pour cent (-11,1% en 1980-
1989). Ce secteur a crée très peu d'emplois et du fait de la concentration des
entreprises dans la capitale a fortement contribué dans les déséquilibres spatiales
relatifs à la répartition de la population, les déséquilibres dans les investissements, les
déséquilibres dans le marché de l'emploi pour ne mentionner que ceux-ci. L'une des
conséquences de cette concentration n'est autre que le transfert de la pauvreté du
milieu rural au milieu urbain, en particulier à Port-au-Prince qui a subi une certaine
ruralisation. Transfert rendu possible par la crise agraire et les perspectives d'emploi
dans le secteur de la sous-traitance utilisant une main-d’œuvre non qualifiée et bon
marché.
La concurrence exercée couplée aux conséquences des trois années d'embargo
commercial (1991-1994) et à l'instabilité politique a réduit le nombre des entreprises
intervenant dans ce sous-secteur. Bon nombre d'entre elles ont été transférées vers
d'autres pays de la région, et d'autres continents tel la Chine. Aujourd'hui le nombre
d'emploi offert par ce secteur est nettement inférieur par rapport au début des années
quatre vingt.
3- le secteur tertiaire
Le secteur tertiaire regroupe une proportion de plus en plus importante de la
population. Il concerne surtout le commerce de gros et de détail, le tourisme, les
activités d’intermédiation financière, les transports, les communications ainsi que les
professions libérales.

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Le tourisme constitue une des principales sources de rentrée de devises en Haïti. Il est
cependant peu développé. En effet, il souffre de nombreux goulots d’étranglement tel
le non aménagement des sites, le manque de commodité élémentaires et l’état
lamentable des routes d’accès aux sites. De plus, l’insécurité, la lenteur, l’incommodité
des transports freinent le développement du tourisme. L’inexistence ou le délabrement
des hôtels en province, l’état sanitaire du pays la cherté des hôtels confortables
entravent la promotion de l’industrie touristique.
Les transports et communications se caractérisent par leur lenteur. Les liaisons par les
flux monétaires (prix et quantités) et les flux de service font défaut par suite de
l’insuffisance des moyens de transports par les routes, l’air et l’eau et par suite du
manque d’organisation de ces transports (lenteur, cherté, insécurité).
Le réseau routier est très peu développé et fort mal entretenu. L’inexistence ou
l’insuffisance des moyens de transport et communications accentue le caractère
désarticulé et désintégré de l’économie haïtienne.

III- CADRE MACROECOMIQUE

L’économie haïtienne depuis plus des deux décennies se trouve confrontée au triple
problème de croissance, de distribution et d’un déficit chronique de la balance des
paiements. Ce caractère a retenu l’attention de plusieurs économistes haïtiens mais
plus particulièrement celle des institutions internationales qui sont devenues ces
derniers temps les principaux bailleurs de fonds de l’Etat haïtien. Pour ces derniers, les
problèmes économiques auxquels Haïti fait face sont principalement dus à
l’inefficacité des politiques fiscales du gouvernement et la base de production trop
faible pour absorber les investissements. L’économie d’Haïti a subi les conséquences
néfastes d’un environnement particulièrement difficile marqué d’une part, par des
perturbations sociopolitiques rendant impossible la relance tant attendue des activités
économiques et d’autre part, par le bouleversement des conditions météorologiques
avec des effets dévastateurs dans certaines régions du pays. Cette situation se traduit
par une baisse consécutive du PIB. Presque toutes les branches d’activité ont concouru
à cette baisse du PIB, notamment les secteurs primaires, secondaires et tertiaires.
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Après un très long cycle de détérioration rapide de l’économie haïtienne, nous sommes
aujourd’hui à une nouvelle phase de dégradation accélérée qui risque de conduire à
une faillite totale, si des mesures concertées de redressement ne sont pas amorcées et
exécutées immédiatement dont les essentiels sont de : Créer un environnement sain
pour que les professionnels restent dans leurs pays ou le regagnant, une fois leurs
études terminées, et de trouver des possibilités de travailler par des perspectives de
carrières à la hauteur de leur savoir, ainsi qu’une reconnaissance de leur activité et de
leurs compétences. Et enfin, de favoriser la confiance d’un bon nombre d’agents
économiques qui ont choisi de protéger leurs avoirs en les convertissant en dollars ou
en les transférant à l’étranger.

L’analyse sommaire des principaux agrégats macroéconomiques fait ressortir les


tendances globales suivantes :
- La déstructuration de l'économie au profit du secteur tertiaire, majoritairement
informel et alimenté par le phénomène de l'exode rural. Le secteur primaire,
particulièrement la branche agricole qui utilisait plus de deux tiers des actifs, s'est
reculé non en faveur du secteur industriel mais au profit du secteur tertiaire. La
participation du secteur primaire dans la formation du produit intérieur brut de plus de
30% dans les années 80 est passée à 23,5% en 1999. Pour la même année le secteur
secondaire n'a contribué que d'environ 21% et quant au secteur tertiaire, il a participé à
57,7% du PIB.
- La chute des productions agricole et industrielle et la croissance spectaculaire des
importations ;
- Le haut niveau du chômage et du sous-emploi. Le secteur agricole ne serait plus la
première pourvoyeuse d'emploi du pays, elle partage cette position avec les activités
informelles.
- La faiblesse des investissements : le ratio investissement/PIB est passé de 16,9% en
1986-90 contre 9.8% en 1996-98 ;
- l’ouverture très large de l’économie au commerce international et la libéralisation du
marché financier.

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Chapitre III - LA QUESTION DE LA PAUVTRETE EN HAITI

Selon Amartya Sen, « il est juste de considérer la pauvreté comme une privation de
capacités de base plutôt que simplement comme un revenu faible », les capacités étant
définies « en termes de libertés substantielles qui permettent à un individu de mener le
genre de vie qu’il a raison de souhaiter ». Pour autant, Sen n’entend pas nier
l’évidence, dans la mesure où il dit qu’ « un revenu faible constitue bien une des
causes essentielles de la pauvreté pour la raison, au moins, que l’absence de ressources
est la principale source de privation des capacités d’un individu. De fait, aucune
condition ne prédispose autant à une vie de pauvreté qu’un revenu inadéquat ».
D’un point de vue économique, la pauvreté est l’état d’un individu ou d’un ménage
dont les revenus insuffisants ne lui permettent pas d’accéder et de consommer des
biens considérés essentiels pour son épanouissement physique, moral et social. Par
l’accès aux ressources alimentaires, l’individu trouve l’énergie nécessaire pour se tenir
en santé, en maintenant sa capacité de travail. Les biens non alimentaires complètent et
améliorent ses conditions sociales d’existence. La pauvreté est un phénomène
multidimensionnel qu’il convient d’analyser sur plusieurs angles. Les études sur a
pauvreté en Haïti mettent l’accent sur trois causes récurrentes : le chômage,
l’exclusion sociale et la vulnérabilité.
I- ANALYSE DE LA SITUATION DU CHOMAGE EN HAÏTI
Dans tous les pays, le chômage est probablement le phénomène contemporain le plus
redouté. Un taux de chômage élevé engendre l’exclusion sociale et d’autres fléaux
sociaux, aggrave la pauvreté et les inégalités et représente un énorme gaspillage de
ressources humaines ainsi qu’un coût social élevé, avec effets pervers sur la
dynamique de la société (développement culturel, innovation, fierté nationale, etc...) à
moyen et long terme. En Haïti, après quatre décennies de régression économique, dont
deux avec comme toile de fond la crise sociopolitique, près de 2 millions de personnes
sont touchées par le chômage et le sous-emploi. La situation s’aggrave du fait que, de
ce nombre, 1.5 millions sont des jeunes de 18 à 35 ans, soit trois (3) chômeurs sur
quatre (4) ou près de 40% de la population en âge de travailler, ce qui constitue un

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coût humain extrêmement élevé pour la nation. Et le cauchemar semble durer depuis
toujours. L’évolution prévisible de ces phénomènes, dans l’éventualité d’un
pourrissement de la crise socio-politico-institutionnelle haïtienne et du maintien du
statu quo quant à l’absence d’une politique économique claire et opportune de
promotion de l’investissement, de la production et de l’emploi, sera tout simplement
catastrophique et provoquera une profonde détresse dans le corps social.
1- un phénomène difficile à appréhender
Étudier le phénomène du chômage en Haïti soulève d’importantes difficultés dues
principalement aux problèmes de données et de mesure. D’abord, il y a le fait
fondamental que jusqu’à la fin de 1999, les bases de données statistiques en Haïti
n’étaient pas à jour, le dernier recensement réalisé par l’IHSI datant de 1982.
Deuxièmement, elles sont peu développées et peu diversifiées, les producteurs de
statistiques s’abreuvant aux mêmes sources que sont l’Institut Haïtien de Statistique et
d’Informatique (IHSI), la Banque de la République d’Haïti et les Organismes de
Coopération Internationale. Même en l’absence de ces difficultés, une troisième
subsiste et a trait à la méthodologie de génération des données, laquelle utilise des
unités d’observation ne permettant pas toujours d’avoir des informations détaillées,
mais plutôt agrégées.
La difficulté la plus sérieuse reste, cependant, l’obsolescence des données.
Conséquemment, l’évaluation qui a été faite, depuis, par les analystes, de l’évolution
de la population active, de l’emploi et du chômage, a reposé sur des estimations,
souvent inconsistantes, à partir d’enquêtes très partielles et/ou des données de 1982.
Ceci explique que, d’une certaine façon, l’ampleur exacte du phénomène du chômage
est largement méconnue, et sa distribution dans la population active difficilement
chiffrable, du point de vue spatial, selon l’âge ou le sexe.
Le quatrième problème en est un de mesure, lié principalement à l’hétérogénéité et à la
réalité complexe du marché du travail haïtien, notamment, à la nature des emplois du
secteur informel rural et urbain, à la grande importance de l’emploi familial, et à la
forte propension à l’auto-emploi. Ces éléments permettent de mettre en lumière une
dimension dominante du chômage en Haïti : le phénomène de sous-utilisassions du

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facteur travail, donc de sous-emploi, dont la réalité statistique est difficilement


saisissable, et qu’il convient, par calcul et de façon indirecte, de convertir en chômage
dit « théorique »
Ces remarques étant produites, qu’ils soient des estimations ou des données, les
chiffres concordent sur le fait que le chômage, le sous-emploi, la pauvreté constituent
les phénomènes les plus inquiétants auxquels doit faire face la nation haïtienne. Le
Programme des Nations-Unies pour le Développement (PNUD), au cours des
dernières années, avance régulièrement dans ses études, sans donner de repères
méthodologiques, le chiffre de 70% de taux de sous-emploi en Haïti. Rémy Montas
(1998), utilisant l’approche du revenu pour estimer le sous-emploi, forme
prédominante du chômage en Haïti, est arrivé à un taux de chômage équivalent de
50% en 1997. Sur la base de chiffres actualisés, de la méthodologie et des calculs de
Montas, le Projet HAI/99/001 estime qu’environ 1.95 millions de personnes, d’une
population active estimée à 3.90 millions de personnes, sont touchées par le chômage
et le sous-emploi en Haïti, en 1999, soit un taux de chômage équivalent de 50.66%.
Un élargissement de l’angle de vue nous donne une image encore plus dramatique:
celle de la pauvreté. Wiens et Sobrado (1998), sur la base d’une enquête menée en
1996, ont estimé que 80% de la population rurale vivait en-dessous d’un seuil de
pauvreté établi à 3,321 Gourdes/an (US $ 220/an). Ces chiffres, ajoutés aux 65%
généralement estimés pour les pauvres urbains, et pondérés, amènent à une estimation
du taux moyen de pauvreté de plus de 70% pour la population totale.
Cette image est plus complète lorsqu’on considère la marginalisation des régions et
des localités, les inégalités, l’inaccessibilité de larges strates de la société aux services
de base en santé et en éducation, bref, aux droits fondamentaux économiques et
sociaux. Pour mémoire, rappelons que, selon les données préliminaires de l’EBCM, le
taux d’analphabétisme des adultes était établi à 36% et que 70% des analphabètes
vivaient en milieu rural en 1999. Finalement, STEP-BIT estime qu’au moins 97% de
la population ne bénéficiait d’aucune forme de protection sociale, pour la même
période.

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2- Nature du chômage et du marché du travail en Haïti


Le chômage en Haïti n’est pas conjoncturel, mais structurel et, toujours, avec une
tendance lourde à la hausse. Cette caractéristique implique, fondamentalement, qu’il
faudra plus qu’une reprise économique temporaire, plus qu’une éclaircie, pour enrayer
ce fléau et le faire reculer de façon significative.
Une deuxième caractéristique est constituée par l’importance prépondérante du sous-
emploi par rapport au chômage ouvert dans le taux global de chômage, et il convient
d’en bien saisir la dimension. A l’analyse, cette caractéristique est liée étroitement à la
nature même du marché du travail qu’il faut appréhender.
Montas (1998) a établi que le marché du travail haïtien est hétérogène et divisé en trois
grands segments : a) le marché du travail en milieu rural, de nature informelle,
largement dominé par le travail indépendant et familial, dans une moindre mesure par
la vente de la force de travail des paysans sans terre de façon saisonnière b) le
marché du travail dans le secteur informel urbain et c) le marché du travail dans le
secteur formel urbain. Ce marché du travail est complexe et difficile à cerner, argue
Montas, à cause, notamment, du poids déterminant du secteur informel rural et urbain,
de l’emploi familial, et de la forte tendance à l’auto-emploi.
Au niveau urbain, cette importance relative de l’auto-emploi par rapport à l’emploi
dans le secteur urbain moderne, est à associer à la percée fulgurante de l’économie
informelle, au cours des vingt dernières années. En effet, dans la foulée de la crise
économique de 1981, le pourrissement de la situation politique, sociale et économique
à partir de 1986, qui a culminé avec le coup d’État du 30 septembre 1991, l’embargo,
l’explosion de la contrebande et la libéralisation de l’économie ont eu comme
conséquences la déstructuration du monde rural et des secteurs agricole et industriel de
l’économie, l’augmentation de la pauvreté, l’accélération de l’exode rural et une
expansion démesurée de l’économie marchande et de l’informel urbain, devenu
l’exutoire et la principale voie de survie, en Haïti.
Cette évolution a eu une double incidence: 1) l’ampleur sans précédent de l’emploi
informel de gens dans des micro-activités de plus en plus précaires, de basse
productivité et de revenus faibles et aléatoires; conséquemment, 2) le poids de plus

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en plus grand, au cours de la dernière décennie, du sous-emploi relativement au


chômage ouvert, phénomène ayant contribué à alourdir le taux de chômage global.
Certaines catégories de la population active sont plus touchées par le chômage et le
sous-emploi que d’autres. C’est le cas, notamment, des jeunes. Historiquement, en
Haïti, on estime qu’ils connaissent un taux de chômage supérieur à celui des adultes.
Faute de formation professionnelle et technique adéquate, souvent par analphabétisme,
ils se retrouvent pour la plupart dans le secteur informel urbain et sont durement
affectés par le sous-emploi. Ce fait est, avec le sous-emploi des femmes, un élément
direct dans la détermination et la reproduction de la pauvreté. En effet, le chômage
surprend ces jeunes gens, au moment où, théoriquement, la capacité de travail est
supposée être la plus grande, et où, dans la réalité, la vitalité procréatrice, chez
l’haïtien, est la plus forte.
C’est aussi le cas des femmes, plus touchées par le chômage et le sous-emploi que les
hommes. Vers la fin des années des années 80, Cadet (1996) rapporte que 60% des
femmes rurales était au chômage, soit deux fois plus que les hommes. Ceci explique
l’augmentation du flux migratoire féminin au cours des dernières années. Cadet relève
que, depuis 1986 et surtout à la suite du coup d’État de septembre 1991 et de
l’embargo, les femmes de toutes les classes d’âge ont été de tous les mouvements
migratoires, vers Port-au-Prince, les capitales régionales, la République Dominicaine
ou les États-Unis, et que les problèmes économiques ont contribué, avec la répression
et l’insécurité, à alimenter cette grande vague. En Haïti, elles vont contribuer à
alimenter deux phénomènes : d’abord, le processus d’urbanisation (surtout de la
capitale), et, avec la faiblesse du processus d’industrialisation et/ou la déstructuration
du tissu industriel, le développement du secteur informel.
La situation du chômage et du sous-emploi dans les régions est tout aussi
problématique. L’on sait que, du point de vue spatial, elle est beaucoup plus grave
dans les zones rurales qu’en ville, et qu’elle est très inégale selon les départements.
Les régions septentrionales d’Haïti, avec une écologie fragile, ont été structurellement
plus frappées par les crises des 20 dernières années que les zones méridionales et les
disparités y ont généralement été plus prononcées que dans le Sud du pays. A cet

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égard, la situation particulière du Nord’ Ouest doit être signalée. Évidemment,


l’Ouest, à cause du poids démographique de l’aire métropolitaine de Port-au-Prince,
remporte la palme.
Dans le cas du chômage ouvert, sa particularité en Haïti est reliée à sa longue durée et
à son caractère quasi-permanent. Sa gravité est fonction non seulement du risque pour
le travailleur de ne jamais décrocher un emploi productif au cours de sa vie utile, ou
encore de perdre son emploi, mais aussi de la probabilité, dans ce dernier cas, que cette
situation se prolonge indéfiniment, c’est-à-dire qu’une fois au chômage, l’individu ait
relativement peu ou pas de chances de retrouver un emploi et doive adopter une
stratégie de survie en intégrant le secteur informel. Dans le cas des jeunes et des
femmes, les problèmes d’analphabétisme et de manque de formation professionnelle
et technique, ainsi que les problèmes d’ordre personnel (grossesse prématurée, nombre
d’enfants, famille monoparentale, chef de ménage, maladie et mortalité dans la
famille, etc.…) et, conséquemment, de mobilité, viennent assez rapidement
compliquer la situation, diminuer les chances de retrouver un emploi convenable, et
déboucher sur des cercles vicieux.

II- ANALYSE DE LA SITUATION DE L’EXCLUSION SOCIALE EN HAÏTI


Dans de nombreux pays en voie de développement, la pauvreté, le chômage, le sous-
emploi sont à l’état endémique et ont très souvent comme résultats la violence et la
marginalisation sociale et économique. Ce phénomène de marginalisation ne permet
pas aux plus pauvres de participer au développement économique ou de valoriser leurs
capacités productives, n’intègre pas le plus grand nombre au processus de croissance
économique et entraîne, de ce fait, le développement de la pauvreté et de l’exclusion à
grande échelle. En Haïti, les femmes et les enfants, ainsi que les populations des zones
rurales et péri-urbaines sont particulièrement touchés par ce phénomène qui constitue
un ferment de désintégration sociale et menace, à l’aube de ce 21ème siècle, la cohésion
et la stabilité sociales.
Le Sommet Mondial pour le Développement Social de Copenhague, en 1995, a mis en
exergue ce phénomène de marginalisation économique dans le monde et se réfère sous

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le vocable exclusion sociale au fait que la majorité de la population mondiale n’a


accès ni aux services sociaux de base, ni à la protection sociale, donc n’a pas accès
aux droits fondamentaux économique et social. Les gens qui n’ont pas accès aux
services sociaux de base sont incapables de participer à la vie économique et sociale de
leur milieu et de leur pays. Cette situation en fait donc des exclus et ce, de façon
souvent permanente.
Dans la foulée du Sommet de Copenhague, la relation entre l’emploi et le phénomène
d’exclusion sociale est ressortie avec force. Alors que le regard traditionnel sur les
services sociaux de base n’inclut pas généralement l’emploi, les participants au
Sommet ont établi que l’emploi est un droit fondamental et une nécessité pour le
développement humain et pour l’intégration sociale.
En réalité, l’emploi et l’intégration sociale font partie d’un même processus de
développement économique et social. La relation entre le non accès d’une personne à
l’économie, c’est-à-dire à un emploi et / ou à des revenus, et son exclusion sociale est
puissante et vice versa. L’emploi étant un élément essentiel à l’obtention de revenus
permettant l’accès aux besoins élémentaires de la vie (alimentation, habillement,
logement, éducation, santé, eau potable, protection sociale, etc.…), le chômage de
longue durée et le sous-emploi chronique amènent à l’exclusion sociale; à son tour,
l’exclusion sociale fait basculer dans le chômage, le sous-emploi et le manque de
revenus. C’est donc un cercle vicieux.
En Haïti, le phénomène d’exclusion a atteint des proportions alarmantes au cours des
quatre dernières décennies. En effet, son rang au classement des pays, selon
l’indicateur du développement humain, fondé sur le niveau et l’espérance de vie,
l’éducation et la santé, n’a cessé de décroître d’année en année, passant de la 137e
place en 1991 à la 150e place en 2000. La grande majorité de la population se trouve
de plus en plus affectée par les manifestations d’une pauvreté croissante marquée
notamment par l’accès de plus en plus difficile à des services sociaux devenus raréfiés
et d’insuffisante qualité.
Des individus, des groupes, notamment des femmes et des enfants, des populations des
zones rurales et péri-urbaines sont totalement ou partiellement exclus d’une pleine

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participation à la société haïtienne du fait qu’ils n’ont pas accès ou ont un accès
inadéquat, de façon continue et soutenue, à des revenus décents et aux services sociaux
de base (éducation, santé, logement, services publics, protection sociale, etc…).
1- L’accès limité à l’éducation
Au début du 21ème siècle, on pourrait parler d’une situation éducative critique (accès
faible et tardif, un secteur privé dominant, un manque des ressources financières,
faible qualité de l’éducation et de l’offre scolaire, une majorité de professeurs non
qualifiés, etc.…). Après près de 200 ans d’indépendance, la scolarisation universelle
obligatoire de base se fait attendre, l’offre scolaire publique est inadéquate et
seulement une minorité d’enfants bénéficie d’une scolarisation effective, si l’on
considère comme scolarisation effective une présence de quatre années consécutives à
l’école.
Le financement de l’éducation est supporté, en grande partie, par les familles
haïtiennes. Les dépenses de l’État consacrées à l’éducation sont très basses, à peine
1.7% du PIB en 1996 contre 1.3% en 1990. Pour mémoire, ces dépenses étaient de
l’ordre de 3.9% du PIB en 1996 dans les pays à plus faible revenu. L’enseignement
privé, de niveau primaire et secondaire, représente entre 80% et 90% respectivement
des effectifs scolaires. L’effort des ménages est donc considérable et l’on comprend
facilement, dans un pays où le chômage, le sous-emploi et la pauvreté sont
endémiques, l’exercice difficile, voire impossible, pour les familles de se procurer le
revenu en vue de la scolarisation des enfants. Même lorsqu’ils sont capables de payer,
ils ne sont pas assurés d’obtenir un niveau de qualité respectable pour le prix fort
supporté. D’une façon ou d’une autre, la capacité de ces familles de reproduire dans le
futur des conditions de revenus améliorées pour leur progéniture est irrémédiablement
affectée.
Le milieu rural est fortement défavorisé notamment au niveau de l’offre scolaire.
Ainsi, par exemple, 43% des établissements des zones rurales sont pourvus des deux
premiers cycles de l’enseignement fondamental, contre 66% en milieu urbain. C’est
dans les campagnes également que le manque de places assises dans les classes est le
plus élevé : dans 35% des salles, il manque plus de 10 places assises, contre 24% en

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milieu urbain. En outre, les entrées tardives sont plus accusées en milieu rural qu’en
zone urbaine.
Le Bilan Commun de Pays souligne des indicateurs alarmants par rapport au système
éducatif. En ce qui a trait à l’enseignement de base, l’accès est faible et tardif. Les
difficultés d’accès sont considérables pour le 1er cycle de 4 ans (1ère à 4ème année) et
encore plus importantes pour le 2ème cycle (5ème et 6ème année). Le taux brut de
scolarisation dans le 3ème cycle reste faible (29%) et une estimation du taux net (5.5%)
révèle le chemin à parcourir.
Moins d’un enfant de 6 ans sur deux accède à l’école primaire. Cependant, le taux
d’admission s’améliore avec l’âge : 51% à 7 ans, 62% et 70% respectivement à 8 et 9
ans. L’efficacité interne du cycle de base est très médiocre, comme le révèlent les
indicateurs suivants :
• Une espérance de vie scolaire réduite : un enfant entrant à l’école peut espérer y
rester durant quatre ans, en moyenne ;
• 48% des élèves ont plus de trois ans de retard par rapport aux âges spécifiques (6-
11 ans). En moyenne, le retard pour chacune des années d’études va de 2.7 à 4.1
ans. Quelle que soit la classe suivie, le nombre d’élèves âgés de 14 ans et plus est
de 418,000 jeunes dont 46% de filles, soit 29% de l’effectif scolarisé dans les deux
premiers cycles de l’école fondamentale. En milieu rural, la proportion est de 30%
contre 25% en milieu urbain. Les sur-âgés représentent plus de 50% de la
population scolarisée dans l’enseignement de base. En 1ère année déjà, l’âge varie
de 6 à 16 ans ;
• Près de 14 années en moyenne pour accomplir les deux cycles de l’enseignement
fondamental : pour un élève titulaire d’une éducation de base complète, il faut en
moyenne 2.3 fois plus d’année que ne l’exige une scolarité normale ;
Avec de tels indicateurs, il n’est pas étonnant que le nombre de déperditions soit
considérable : sur 1,000 enfants entrant en 1ère année, seuls 355 achèvent les deux
premiers cycles et près de 500 abandonnent avant la 5ème année et ne peuvent acquérir
les connaissances de base leur permettant de fonctionner socialement. Pas étonnant
que le taux d’analphabétisme de la population de 10 ans et plus soit important. Ce

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taux, selon les données préliminaires de l’EBCM 1999-2000, s’établissait à 48% en


milieu rural, à 18.2% dans l’aire métropolitaine de Port-au-Prince, et 24% dans les
autres villes.
2- L’accès limité à la santé
La gravité de la situation sanitaire en Haïti n’est plus à démontrer. L’analyse de la
morbidité réalisée lors du Bilan Commun de Pays montre l’importance des maladies
dues à la misère, à l’ignorance et à la faiblesse des services de santé disponibles. En
dépit des progrès importants observés avec des campagnes de vaccination et d’autres
mesures, le taux de mortalité maternelle est estimé à 457 pour 100,000 naissances
vivantes chaque année. L’assistance à l’accouchement reste faible puisque seulement
20% des accouchements ont lieu en institution, le reste étant réalisé à domicile par des
matrones. En général, en matière de santé de la reproduction, il est observé une grande
vulnérabilité des femmes en âge de procréer. 27% des décès dans la tranche d’âge 15-
49 ans sont dus au SIDA et à la grossesse.
Le tableau de la mortalité est inquiétant, particulièrement chez les enfants : près de
50% des décès surviennent dans la tranche d’âge de 0 à 5 ans qui représente 15% de la
population. Des données relatives aux décès révèlent qu’Haïti est un pays en pleine
transition épidémiologique : les maladies transmissibles restent prédominantes (20%
des décès). Il existe une très forte prévalence des maladies transmises par vecteur, la
persistance de certaines maladies immuno-contrôlables, des maladies liées au péril
fécal, des infections respiratoires aiguës, des maladies chroniques transmissibles, la
tuberculose, des maladies transmises sexuellement, en particulier le SIDA.
Les maladies carencielles liées à la pauvreté et aux déficiences alimentaires (anémie,
malnutrition) prennent de l’extension. Il faut compter notamment la malnutrition
infantile souvent associée aux maladies infectieuses. On estime que 132 enfants sur
1000 naissances vivantes meurent avant l’âge de cinq ans. Les enfants nés avec un
faible poids à la naissance représentent entre 12% et 17% des naissances vivantes. La
malnutrition aiguë est estimée à 8% chez les enfants. A l’âge de 5 ans, 41% des
enfants montrent un retard de croissance permanent. Les trois premières causes de
mortalité infanto-juvénile (moins de 5 ans) restent la malnutrition, les maladies

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diarrhéiques et les infections respiratoires aiguës qui représentent 55% des décès
documentés dans cette tranche d’âge.
L’espérance de vie à la naissance reste toujours une des plus faibles au monde (54
ans). Les causes globales de cette situation sanitaire sont liées aux déterminants de la
santé d’ordre économique, éducationnel, démographique, environnemental,
sociopolitique qui sont tous très défavorables. La problématique sanitaire d’Haïti est
donc située au cœur de la problématique du développement (Bilan commun de pays,
2000).
Par rapport l’offre de santé, les institutions de santé de base (dispensaires et centres de
santé) se répartissent en entre trois secteurs : 1/3 secteur public, 1/3 secteur privé à but
non lucratif, 1/3 mixte. Dans la pratique, le secteur privé est largement dominant
dans les institutions de santé de base (ONG, secteur religieux). Il existe également un
secteur privé à but lucratif qui est constitué de professionnels, essentiellement situés
dans les villes, exerçant dans leurs cliniques privées et dans des institutions de santé.
Le coût des services offerts dans ces institutions les rendent peu accessibles à la
majorité de la population.
L’analyse du système de santé révèle en général un bas niveau de qualité et une
mauvaise répartition géographique de l’offre des services, avec un délaissement des
zones rurales. Face à cette situation, le Ministère de la Santé a défini une politique
réaffirmant le droit constitutionnel à la santé et visant la réorganisation du système
national de santé, l’amélioration des performances à travers la décentralisation des
responsabilités et des services. Au plan opérationnel, l’élément fondamental est la
stratégie des Unités Communales de Santé (UCS). Il s’agit de l’organisation des
prestataires de services, à l’échelle locale, pour la fourniture aux différents niveaux du
système d’un paquet de services normalisés.
L’État dépense 1,5 % du PIB en santé. Ce ratio est particulièrement faible par rapport
à d’autres pays. Les dépenses de santé sont assurées essentiellement par les patients et
les ONG (plus de 60%). Quant aux dépenses privées per capita pour la santé, dans le
région des pays d’Amérique Latine et des Caraïbes, il y a un vaste fossé entre les
extrêmes, soit l’Argentine (US$436 par année) et Haïti à peine US$6 par année.

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D’une manière générale, les ressources du secteur santé sont insuffisantes et, surtout,
inégalement réparties sur le territoire national, et l’accès aux services de base et de
qualité n’est pas assuré pour un large pan de la population rurale.
3-L’accès limité à l’eau potable et à l’assainissement
Le secteur de l’eau potable est lié au secteur sanitaire et est caractérisé par une
déficience marquée à tous les niveaux en dépit d’importants investissements effectués
à l’occasion de la décennie internationale dans les années 80. La proportion des
ménages qui auraient accès à l’eau courante ou à un puits serait passée de 15.5% en
94-95 à 10% en 99. En 1997, la couverture en eau portable était de 53% dans la
capitale, 42% dans les villes secondaires et 45% en milieu rural (OPS/OMS - UNICEF
1999). Haïti ne dispose pas encore de réseaux d’égouts des eaux usées,
l’assainissement individuel est pratiqué à très faible échelle et de nombreuses sources
d’eau sont polluées (Bilan commun de pays, mai 2000 :62).
4-L’accès limité au logement
L’accès au logement reste également un problème pour la population haïtienne,
notamment dans les zones urbaines. Au cours des dernières années, l’émigration
massive vers les villes, en particulier Port-au-Prince, a contribué à modifier la structure
sociodémographique. En 1950, la capitale haïtienne ne comptait que 120.000
habitants. Aujourd’hui, elle en compte près de 2 millions et se trouve dans un
processus de bidonvilisation avancé (PNUD, 1998 : 11). Ce processus est en
accélération et les bidonvilles couvrent à présent 40% de la ville, avec toutes les
conséquences néfastes sur l’accès au logement. Le Bilan Commun de Pays pour Haïti
dans le domaine des services sociaux de base, Logement et Habitat, estime qu’à peu
près 1 million des habitants de Port-au-Prince sont mal logés (c’est-à-dire 1 sur 2
habitants) suivant les critères de localisation dangereuse, mauvaise condition du
foncier, cohabitation insupportable et/ou logement petit en fonction des besoins
sociaux. Cette situation de mal-logé ou d’absence de logement permanente affecte
notamment les exclus de la vie socio-économique.

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5-Le non accès à la protection sociale


L’accès à la santé est précaire pour la grande majorité des haïtiens, particulièrement
pour la population des zones rurales et les groupes les vulnérables (femmes et enfants).
Quant on analyse les conséquences de la situation sanitaire, on voie une augmentation
de la pauvreté de la population et, d’autre part, l’effet principal sur les plus pauvres des
pauvres. Les implications pour une personne défavorisée, le paysan ou le micro-
entrepreneur du secteur informel qui tombe malade ou a un cas de maladie dans sa
famille, sont désastreuses, souvent permanentes et, par conséquent, vicieuses. Une
personne qui se trouve juste au-dessus du seuil de pauvreté, qui est affectée par un
problème personnel de santé ou qui doit payer pour le problème de santé d’un membre
de sa famille, risque de se décapitaliser et de devenir une personne exclue socialement
et économiquement.
En Haïti, les gens les plus affectés sont donc ceux exclus de la protection sociale en
matière de santé. En analysant la situation sanitaire, le rapport fait par le BIT/PAHO
sur la région Amérique Latine et les Caraïbes indique que la protection sociale en
matière de santé est à 46% en 1995 dans la région en général. Encore plus dramatique,
le même rapport indique que la population haïtienne affiche le taux de protection
sociale en matière de santé le plus bas de la région, soit 1% d’une population estimée à
8 millions de personnes pouvant bénéficier aujourd’hui de certains services de
protection qui sont tout à fait minimaux face à la maladie, aux accidents ou à la
vieillesse.

III- ANALYSE DE LA SITUATION DE VULNÉRABILITÉ EN HAÏTI


La vulnérabilité par rapport à la pauvreté renvoie ainsi à une situation en devenir que
celle-ci soit consciente ou inconsciente : le maintien dans le temps de la capacité d’un
ménage à, par exemple, commander un panier de biens. Elle se traduit par un
changement dans les conditions de vie immédiates et environnementales des ménages
débouchant sur un double processus de précarisation : celle de leur bien-être et celle de
leur capacité d’action ou de mobilisation de ressources. Le processus de vulnérabilité

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est toutefois alimenté initialement par deux séries de facteurs : les risques encourus et
la capacité de réponse des individus concernés.
La vulnérabilité peut être mesurée à partir des désastres entraînés par un choc
d’origine externe, à partir d’une catastrophe naturelle ou de certains choix et
comportements sociaux. Cependant, l’état de vulnérabilité dépend des ressources que
l’individu peut mobiliser pour résister aux menaces qui viennent de l’environnement
externe. Les fondamentaux du concept de vulnérabilité sont liés à trois facteurs :
- la variabilité des revenus et des dépenses des ménages non pauvres faisant face
à la pauvreté.
- Le risque lié aux aléas de la nature (aux tremblements de terre, aux cyclones
tropicaux, aux inondations, famines et sécheresses) et aux modifications de
l’environnement (urbanisation, assainissement, déboisement)
- les situations économiques et sociales génératrices de risques pour l’individu
( fluctuation des marchés, choc externe de grande ampleur, mauvaise organisation des
institutions, réformes de l’économie rendant de l’environnement économique des
ménages instable, changements démographiques et risques de maladie, non gérables à
partir des filets de protection existants).
Par ailleurs, la vulnérabilité semblerait passer par des étapes :
- des causes profondes
ü accès limité au pouvoir, aux structures et aux ressources pour des causes
idéologiques, politiques, systémiques, économiques notamment
-des pressions dynamiques
ü absence d’institutions locales, de formation, de capacités, d’investissements
locaux, de marchés, de libertés…
ü dominance des forces macro : croissance de la population, urbanisation trop
rapide, paiement de la dette, déforestation, déclin de la productivité des sols…
- des conditions non-sécuritaires
ü environnement physique fragile et dangereux
ü économie fragile et habitats à risque
ü manque de préparation aux désastres, prévalence des maladies endémiques…

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CHAPITRE IV- LES POLITIQUES PUBLIQUES ET LES GRANDS DÉFIS


D’HAITI.

L’enjeu principal pour notre pays aujourd’hui est la mise en place de politiques
publique pour sortir le pays de la spirale de la pauvreté et de la misère. Ces politiques
devront contribuer à notamment, au retour à la constitutionnalité, à la mise en place
des institutions de l’État et à la mobilisation des Haïtiennes et Haïtiens pour marquer,
de manière irréversible, l’histoire de notre pays.

I- LES POLITIQUES ET STRATEGIES DE LUTTE CONTRE LA PAUVRETE

Dans plusieurs instances de l’État, en collaboration avec la coopération internationale,


des travaux de préparation de nouvelles politiques publiques ont été menés et ont
débouché sur des rapports préliminaires et parfois sur des documents définitifs. Ces
travaux concernent le développement du pays pour les 10/15 prochaines années et se
situent dans ces cadres : CCI (Cadre de coopération intérimaire), OMD (Objectifs
du Millénaire pour le Développement), DSRP (Document Stratégique de
Réduction de la Pauvreté). Étant donné que leurs stratégies s’interpénètrent et se
complètent en même temps, les contenus de ces documents de politique peuvent être
conjointement analysés et projetés pour mettre en relief deux axes majeurs concernant
la conjoncture globale actuelle et les grands problèmes de développement de la société
haïtienne.

1- L’enjeu de la conjoncture : le redémarrage du processus de modernisation de la


société
Le CCI est l’instrument de cette nouvelle perspective. Ce programme d’action ne se
donne pas à voir comme un simple cadre de coopération car il s’inscrit dans la
dynamique de démocratisation et de modernisation économique et sociale lancée
durant la 2ème moitié des années 1990. De ce point de vue, il est un bon point de
départ particulièrement si on veut favoriser une rupture avec le passé qui a vu se
systématiser le processus de vulnérabilité en Haïti.

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Effectivement, l’approche de ce document de politique est de freiner le processus


global de détérioration. Cette politique de stabilisation se déploie dans tous les secteurs
de la vie nationale mais elle doit suivre quelques lignes directrices majeures. Soit :

a- La relance du processus démocratique


C’est le principal axe de normalisation de la situation haïtienne étant donné que c’est
l’instabilité politique qui a bloqué tous les processus antérieurs de modernisation.
C’est donc une condition minimale à toute initiative de redémarrage. La normalisation
doit passer par l’organisation des élections à tous les niveaux mais elle concernera
également la mise en œuvre de deux autres politiques importantes : la politique de
sécurité et surtout la relance du processus d’institutionnalisation de la justice.
b) La normalisation institutionnelle et de la gouvernance économique
Cette politique concerne prioritairement l’Administration Publique et les Collectivités
Territoriales. Ce choix est tout à fait justifié car la première institution a connu ces
dernières années un processus important de décapitalisation tandis que les secondes
n’ont jamais eu de capacités réelles d’action. En outre, ce double déficit institutionnel
a nui à l’efficacité des sphères de biens collectifs ou publics. Cet axe de politique doit
concerner également à travers les activités prévues de développement local les groupes
de base de la société civile.
c) La relance économique
La stratégie de relance doit déboucher sur un double processus de renforcement des
sphères de biens publics et des marchés de biens privés. Plus précisément, elle devrait
emprunter les voies suivantes :
- La stabilisation macroéconomique ;
- La modernisation des services de base : EDH, infrastructures de transport ;
- La protection et la réhabilitation de l’environnement ;
- La stimulation du développement du secteur privé : exportations agricoles, micro
entreprises, PME et PMI, Grandes Entreprises, Entreprises touristiques.

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d) La recherche d’une stabilisation sociale


Le Secteur Social se caractérise par son hétérogénéité trouvant son explication dans le
jeu de plusieurs logiques de structuration. Au cours des trois dernières décennies, on a
observé un ralentissement dans la détérioration des conditions immédiates de vie des
ménages alors que leur environnement physique et matériel connaissait un processus
accéléré de déclin. La crise politique relancée dans les années 1990 semble avoir
uniformisé le comportement du secteur en généralisant la détérioration accélérée. Cette
situation nouvelle justifie que le CCI ait fait choix de ces grands axes pour la politique
sociale:
1) Amélioration de la sécurité alimentaire et de la protection des populations pauvres
particulièrement des enfants et des femmes enceintes et allaitant ;
2) Réhabilitation et reconstruction des zones affectées par les derniers grands
désastres;
3) Amélioration des conditions d’approvisionnement en eau potable et des conditions
d’assainissement des populations vulnérables en milieu urbain et rural ;
4) Création d’une base plus solide au processus de formation de capital humain à
travers des stratégies spécifiques concernant la santé et l’éducation ;
5) Lancement des programmes d’amélioration des bidonvilles et de l’habitat urbain.

B) La maîtrise future des grands problèmes de développement d’Haïti


Malgré que le CCI ait placé les politiques qui le constituent dans une perspective de
long terme, il n’est pas en soi une stratégie globale de développement. Sa particularité
est de chercher à stabiliser la conjoncture globale actuelle du pays tout en préparant
l’avenir. L’ensemble composite OMD/DSRP est, par contre, plus approprié au
développement d’une telle perspective avec le positionnement respectif suivant : les
OMD constitueraient les objectifs à atteindre et le DSRP fournirait le cadre
d’intervention des politiques permettant de matérialiser ces grandes priorités.
Plus concrètement, ces deux instruments de politique donnent l’occasion d’opérer trois
ruptures majeures pour inscrire dans la durée le processus de démocratisation de la
société haïtienne.

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Ces trois nouvelles options pourraient se formuler ainsi :

a) Planifier autrement le développement


Traditionnellement, dans la plupart des pays du Tiers Monde le développement est
l’affaire d’experts ou de technocrates de sorte que les programmes et projets ont
souvent été conçus et élaborés sans la participation de la population. L’échec de cette
approche et le développement parallèle de la pauvreté a porté les agences
internationales de développement à modifier leur approche avec en perspective une
meilleure pertinence des programmes et projets conçus. Cette nouvelle philosophie
d’action a débouché sur la préparation du DSRP à la place des programmes
d’ajustement structurel. Une des particularités de la conception nouvelle que traduit ce
document de politique : c’est l’utilisation de méthodes participatives dans l’élaboration
comme dans l’exécution des politiques publiques qui le composent. Ainsi, les
programmes de développement conçus refléteront mieux les préoccupations des
populations concernées. Sur ce plan, le CCI, du fait de la faiblesse de la participation
lors de son élaboration, se projette beaucoup plus comme un programme traditionnel
d’action. Il faudra donc veiller à ce qu’à l’avenir la rupture soit réel avec la méthode
dite technocratique de planification.
b) Accélérer le développement social
Les OMD constituent l’expression de la volonté de la Communauté Internationale de
faire du développement social un levier important du développement humain comme
l’histoire de certains nouveaux pays industriels l’a démontré. Par rapport à Haïti, ils
permettent de visualiser un grand nombre de problèmes sociaux majeurs qui nuisent à
l’amélioration du bien être des ménages. On peut noter par exemple : la pauvreté de
masse, la formation de capital humain, les problèmes d’environnement, les questions
de genre.
Si l’on considère l’expérience de certains pays en développement au développement
social rapide, on ne devrait pas attendre une phase de croissance élevée pour assurer
un processus rapide de formation de capital humain. Cela a double avantage : il permet
un processus de redistribution de revenus plus harmonieux et « silencieux » tout en
servant de levier au processus de croissance économique. Toutefois, l’orientation
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essentielle de cette stratégie sociale doit être de faire du secteur social une véritable
sphère de biens collectifs par l’application systématique de politiques de qualité
concernant aussi bien le secteur privé que le secteur public.

c) Promouvoir à travers le DSRP une véritable stratégie globale de


développement humain pour Haïti
Malgré la diversité des problèmes posés, les OMD n’embrassent pas toutes les
questions de développement d’Haïti. C’est pourquoi il faut les compléter dans le cadre
de cet autre instrument de politiques publiques qu’est le DSRP. Il devra comprendre
en conséquence les OMD auxquels il faudra ajouter d’autres priorités comme :
Ø Rénover profondément l’économie nationale

C’est une stratégie que commande la volonté de réduire de moitié sur une génération le
taux de pauvreté dans le pays en accord avec le programme des OMD. Compte tenu de
la ruine de l’économie agricole et de l’accélération de l’urbanisation, le processus de
rénovation implique de transformer l’économie nationale pour en faire une véritable
économie de marché tout en structurant la sphère économique de biens collectifs. Cela
nécessite deux réalisations majeures:

1º) Organisation systématique de ces quatre catégories de marchés :


• les marchés garantissant à moyen et long terme la sécurité alimentaire de la
population. Ce qui implique une sélection préalable de branches stratégiques de la
production vivrière ;
• les marchés encore porteurs comme : les biens industriels d’exportation et le
tourisme;
• les marchés émergents d’avenir : café « Haitian Blue », mangue francisque, autres
nouveaux fruits et légumes ;
• les nouveaux marchés en perspective : agriculture organique comme le « système
d’intensification du riz ».

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2º) Rénovation des sphères économiques de biens collectifs ou publics en vue de :

• disposer d’un cadre réglementaire- particulièrement le cadre macroéconomique-


appropriée au développement des quatre catégories de marchés priorisés. Ce qui veut
dire, par exemple, que la politique commerciale extérieure d’Haïti doit être mise au
service du développement humain ;
• stimuler le développement des services économiques de base.
Ø Entreprendre des réformes institutionnelles majeures
Il s’agit de consolider le processus de renforcement institutionnel amorcé dans le cadre
du CCI. Cela vise à permettre à l’État et aux Collectivités Territoriales de disposer de
véritables capacités d’action. Ils se positionneront en tant que structures de régulation
ou de prestation selon les priorités établies en accord avec les populations et les autres
acteurs institutionnels.
Ø Développer une politique conséquente sur le plan de l’environnement
Les problèmes d’environnement sont très graves en Haïti et le capital naturel est déjà
largement entamé. Ils tendent à hypothéquer les progrès qui pourraient être réalisés
dans d’autres domaines. L’environnement est maintenant au stade d’urgence en termes
de priorité et doit en conséquence être l’objet de politiques publiques dans le cadre du
DSRP.
II – LES GRANDS DEFIS

Les défis sont considérables : impulser une dynamique forte de rattrapage des
Objectifs du Millénaire pour le développement, doter le pays d’une économie
moderne, renforcer l’État dans toutes ses composantes institutionnelles et mettre notre
créativité et notre patrimoine culturel au service du développement du pays.

1- les vecteurs de croissance


La stratégie de croissance intégrant l’impératif de la lutte pour la réduction de la
pauvreté s’appuie sur quatre domaines clés ou vecteurs de la croissance : l’agriculture
et le développement rural ; le tourisme ; la modernisation des infrastructures.

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Ø Agriculture et développement rural


La stratégie relative à ce secteur exige un ensemble d’actions, dont le réaménagement
du milieu rural avec un zonage garantissant la protection de notre environnement, la
diversification des activités génératrices de revenus, et des mesures légales pour la
pérennisation des acquis en matière de développement et pour une meilleure
répartition des richesses générées.
Ø Tourisme
Le tourisme demeure un facteur de développement car cette activité est désormais
considérée comme un phénomène en expansion. Pour pouvoir profiter d’une telle
opportunité, Haïti a des choix à faire dont la rationalisation dans le sens de l’efficacité
et surtout d’adéquation entre les décisions et le contexte de leur mise en œuvre. Les
orientations générales se précisent à l’intérieur d’une nouvelle géographie touristique
nationale.
Ø Les infrastructures
Une priorité de la stratégie développée est de parvenir, à travers le maillage routier
national, à une réelle maîtrise des réseaux de transport. Les grandes orientations pour
les transports terrestres régionaux : i/ favoriser le développement des potentialités
régionales et renforcer la compétitivité de l’économie haïtienne; ii/ rééquilibrer le
territoire national par l’éclosion de grandes métropoles régionales; iii/ garantir la
continuité du territoire; iv/ protéger les infrastructures existantes et v/ protéger
l’environnement.
2- le développement humain
Le développement humain repose sur l’amélioration significative de la disponibilité
des opportunités, dont les services sociaux, offertes à la population afin qu’ils puissent
développer au mieux leurs capacités à savoir :
Ø Éducation et formation
L’amélioration du rendement du système passe par i/ la requalification des enseignants
et des directeurs d’école; ii/ l’encadrement adéquat des écoles, des élèves et des
parents; iii/ la création de synergie entre l’État et les autres acteurs opérant dans le
secteur.

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Ø Santé
Les maladies dites prioritaires ont un impact majeur sur l’état de santé de la population
et ont des conséquences économiques considérables. Cette situation est d’autant plus
inacceptable qu’elle peut être améliorée par des mesures adéquates. Les objectifs
poursuivis seront donc de : i/ renforcer les deux volets de prévention/information; ii/
d’améliorer la prise en charge et de développer la collaboration intersectorielle.
Les lignes stratégiques d’action retenues pour l’atteinte de ces objectifs sont : i/
l’élaboration d’une politique nationale de santé et l’actualisation de toutes les lois
nécessaires à sa régulation ; ii/ la mise en place d’une inspection et d’une évaluation de
l’action sanitaire à tous les niveaux ; iii/ l’élaboration d’une Charte de partenariat avec
les autres acteurs étatiques et les acteurs non étatiques ; iv/ et enfin, la modernisation
du système d’information sanitaire.

Ø Eau et assainissement
La performance du secteur Eau et Assainissement laisse à désirer : taux de couverture
nettement insuffisant, résultats financiers continuellement négatifs, investissements le
plus souvent pris en charge par des financements externes, qualité de service
généralement médiocre. Les objectifs institutionnels retenus visent à remplacer les
entités actuellement en charge au niveau national par des offices régionaux dont la
gestion pourrait faire l’objet de contrats avec le secteur privé.

Ø Les handicapés
Selon les statistiques disponibles, Haïti comptait avant le séisme du 12 janvier environ
800.000 personnes handicapées soit environ 10% de sa population totale. Ce chiffre a
augmenté de moitié après le tremblement de terre. Ce problème est abordé à travers
les lignes stratégiques d’actions suivantes : i/ augmentation de la prévention de
l’incapacité, à travers la vaccination, la nutrition, la détection précoce et l’intervention
au moment opportun de façon à minimiser les risques d’incapacité; ii/ création de
services de réhabilitation médicale dans les principaux hôpitaux du pays et favoriser
des subventions pour l’acquisition de prothèses et de médicaments et autres supports

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spécifiques; iii/ création d’une Maison des Handicapés dans chacun des chefs-lieux de
département.
Ø Le VIH/SIDA
La mise en œuvre de l’axe stratégique de réduction des risques d’infection est dominée
par la réalisation d’activités d’éducation pour le changement de comportement. Sur
l’axe de réduction du risque, les activités de communication doivent prendre en
compte tous les facteurs de risques non médicaux, qui sont mieux connus par d’autres
secteurs, davantage concernés et crédibles pour le faire.
Ø L’égalité des sexes
Les principales actions retenues sont : i/ introduire l’éducation sexuelle comme moyen
de prévention de la grossesse précoce et de la violence dans les nouveaux programmes
de formation, dans l’éducation de base ou encore dans les classes fondamentales ; ii/
promotion de lois générales sur l’éducation dans tous ses aspects avec la perspective
de genre.
Au plan de la santé, les actions retenues sont : i/ promotion de l’établissement
d’un plan national pour diminuer le niveau de mortalité maternelle et porter le MSPP à
offrir aux femmes des services de santé reproductive de qualité; ii/ développement
d’une stratégie d’information, d’éducation et de communication et de services en
partenariat avec les institutions étatiques et non étatiques pour la santé sexuelle
reproductive spécialement pour les jeunes adolescents des deux sexes et les femmes en
âge de procréer; iii/ adoption d’une politique de services médicaux et paramédicaux
gratuits dans tous les hôpitaux et les centres de santé publics pour la prévention du
cancer du sein, du col de l’utérus et d’autres parties du corps des femmes notamment
celles de conditions modestes.

3- la gouvernance démocratique
L’État haïtien se doit d’investir dans la gouvernance démocratique. La priorité doit
être donnée à la modernisation de l’État et à l’établissement d’un État de droit, plus
particulièrement au niveau de la Justice et de la Sécurité. La mise en place d’un ordre
juridique équitable, d’un système judiciaire fonctionnel et d’un climat général de

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sécurité sont des conditions essentielles pour la croissance et la réduction de la


pauvreté.

Ø La justice
Pour restaurer la confiance des justiciables dans la justice, il sera opportun d’évaluer
tous les juges et officiers du ministère public travaillant actuellement dans le système
du point de vue de la formation académique, de l’expérience professionnelle et des
qualités morales et éthiques et de consolider les mécanismes de surveillance et de
contrôle des tribunaux. Cinq grandes priorités sont retenues : i/ restructuration et
modernisation du MJSP par l’élaboration d’une nouvelle loi organique et par la mise
en place du Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM);
ii/ établissement du pouvoir judiciaire; iii/ amélioration de l’accès aux tribunaux et leur
efficacité; iv/ réhabilitation et développement cohérent du système carcéral ; v/
modernisation de la législation.

Ø La sécurité
La lutte contre l’insécurité par la restauration de l’institution policière est essentielle.
Six (6) lignes stratégiques d’action doivent être prises en compte : i/ amélioration des
statuts et des conditions de vie et de travail du personnel de la PNH; ii/ restructuration
de la PNH et renforcement des structures de la chaîne de commandement, de gestion et
de contrôle de l’institution policière; iii/ déploiement de la PNH sur toute l’étendue du
territoire; iv assainissement de l’institution policière et, v/ lutte contre la corruption
interne et la prévarication.
Ø La modernisation de l’État
Il est devenu indispensable de rétablir rapidement la capacité d’action de l’Etat et du
secteur public en général. L’approche stratégique de modernisation de l’appareil d’Etat
est une démarche globale articulée autour des actions suivantes : i/ rôle de premier
plan au développement et à la valorisation des ressources humaines; ii/ réforme
managériale pour dynamiser le fonctionnement de tous les services publics essentiels
aux deux niveaux central et local ;

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iii/ modernisation de la technologie administrative et du cadre physique de travail des


agents publics.

Ø L’aménagement du territoire
L’aménagement du territoire est la réponse intelligente au problème de la croissance
économique et de sécurité de la société. Dans ce contexte, la décentralisation politique
et économique devra se conjuguer afin que l’aménagement du territoire assure une
bonne répartition spatiale des activités et garantisse une politique cohérente de
rénovation rurale. De manière spécifique, il s’agira de reconstruire à terme le territoire
national sur la base de l’intégration de l’espace national, de la solidarité entre les zones
rurales et urbaines et de la compétitivité des divers territoires.

III- LE ROLE DES ACTEURS DANS LE PROCESSUS DE


DEVELOPPEMENT

Les responsabilités pour relever ces défis n'incombent pas uniquement à l’Etat.
Il appartient aux différents acteurs - aussi bien au niveau national qu'international - de
mesurer les véritables enjeux et de mobiliser tous les moyens pour faire aboutir le
processus. S’agissant des décideurs, chacun, selon leur compétence aura son rôle à
jouer :
v Etat
- Maximiser ses propres ressources
- Maximiser l’effet de levier en vue de tirer le maximum d’avantages des ressources
apportées par les autres partenaires
- s’organiser pour cesser d’être un obstacle au développement.
- Stimuler le secteur privé et agir en complémentarité avec lui et non pas en
concurrence
v Organismes d’aide bi et multilatérale
- Canaliser un maximum d’épargne externe vers Haïti
- Agir en complémentarité et non pas en substitution de l’Etat
- Pousser l’Etat à introduire des méthodes modernes de gestion
- Pousser l’Etat à pratiquer la transparence

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v ONG
- Pallier l’absence de l’Etat dans certaines de ses missions, particulièrement dans les
secteurs sociaux.
- Agir en complémentarité et non pas en substitution de l’Etat
-Réduire au minimum dispersion dans d’autres petits programmes

v Investisseurs privés
- Maximiser l’accumulation et se responsabiliser socialement
- Investir dans les secteurs d’exportation intensifs en main-d’œuvre.
-Investir dans le secteur du tourisme.
-Créer un fonds d’investissements avec ressources de la diaspora (possibilités
d’acheter bons émis par l’état).

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