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L'hydrologie de l'ingénieu
de G. Réménieras
Les lysimètres, cuves étanches enterrées, remplies de divers terrains avec des
surfaces nues, ou pourvues de telle ou telle végétation, rendent de grands services en
permettant de comparer les effets de conditions très variées ; aussi bien pour les sols
que pour leur couverture végétale. Mais ils ne donnent point, sur les déficits d'écoule
ment dans les grands bassins, des indications à employer telles quelles. Car il est
difficile de reproduire dans un lysimètre les caractéristiques diversifiées qui peuvent
se présenter sur une surface réceptrice naturelle autre que très petite. M. Réménieras
condense encore pour nous, de manière tout à fait précieuse, une foule de données
expérimentales théoriques, relatives à la transpiration des végétaux ou évaporation
physiologique.
Et nous rappelons que le déficit d'écoulement correspond dans une longue période,
non seulement à l'évaporation directe, mais en plus à la transpiration, d'où le terme
A'évaporation totale ou à''évapotranspiration à employer comme synonyme et expli
cation du déficit hydrologique dans une longue période1.
M. Réménieras présente diverses formules que les auteurs ont établies pour per
mettre de calculer les déficits d'écoulement en fonction soit des précipitations, soit
des températures, soit de ces deux facteurs.
Nous devons dire que grâce à ces équations fondées sur l'expérience, on peut
pratiquer de bonnes évaluations ; mais celles-ci représentent seulement des valeurs
moyennes régionales. Et pour chaque bassin fluvial particulier, il faut apporter des
retouches souvent difficiles, aux résultats bruts des dites formules ou des graphiques,
dont les plus précieux sont des abaques (relations à double entrée).
Enfin M. Réménieras termine ce chapitre si substantiel en examinant la formule
maintenant célèbre de Thornthwaite qui prétend" donner l'évapotranspiration poten
tielle mois par mois et donc les totaux annuels. L'évapotranspiration potentielle est
celle qui aurait lieu si en tout mois les précipitations permettaient à ladite évapo
transpiration d'atteindre le maximum possible, étant donné les températures,
l'humidité de l'air et les autres facteurs. Des connaissances assez élémentaires et une
réflexion rapide montrent que les chiffres de Thornthwaite, en des mois nombreux
pour certains bassins, dépassent de beaucoup les précipitations réelles. Ainsi les
équations considérées donnent des chiffres le plus souvent supérieurs et en maints
points largement, aux déficits annuels d'écoulement subis par les bassins fluviaux.
1. Pour une seule année le déficit particulier peut différer beaucoup de l'évapotranspiration
contemporaine à cause des troubles que causent, dans le bilan précipitation-débits, la rétention et
la restitution.
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Nos propres choix pour beaucoup de termes ont changé une ou plusieurs fois
depuis que nous nous adonnons à l'hydrologie. Ensuite viennent quelques indications
sur les modules spécifiques que l'on peut trouver dans le monde et sur leurs variations
d'une année à l'autre au cours d'une longue période. Puis M. Réménieras a le grand
mérite de préciser quelques méthodes pratiques pour suppléer à l'insuffisance, en
exactitude ou en longueur d'observations, des données relatives aux régimes de
nombreux cours d'eau.
Nous-même nous nous acharnons depuis le début de nos études à avertir les
géographes que les modules globaux de deux ou trois ans ou même de dix à vingt ans,
et les moyennes mensuelles globales de débits, pour les mêmes suites d'années plus
ou moins courtes, peuvent différer beaucoup, tout au moins par des détails importants,
des valeurs que l'on trouverait pour un demi-siècle et sans doute encore pour un siècle
Or, ce sont ces derniers chiffres qu'il faut considérer comme normaux ; sans avoir au
fond la certitude que d'un siècle à l'autre il n'y aurait pas plus d'écart pour chaque
genre de moyennes que nous-même l'avons cru jusqu'à une date récente.
L'auteur est plus bref mais à certains égards déjà fort abondant, de façon à
satisfaire la curiosité de ses lecteurs non initiés, dans les 45 pages de son dernier
chapitre, à savoir : Étude des crues et prédétermination de leur débit maximum
probable. Certes, ces explications dans lesquelles il renvoie à d'autres auteurs, sont
assez sommaires, mais très suffisantes pour la définition d'une crue et pour la genèse
des gonflements fluviaux causée par les pluies, par la fonte des neiges, par ces deux
causes, par des embâcles ou débâcles de glace, etc. Il se borne à quelques notations
sur l'aspect économique du problème de la protection.
Et voici des pages qui seront particulièrement appréciées par ceux qui s'intéressent
pratiquement et théoriquement à la prévision des crues possibles dans les différentes
parties du globe. Sur ce problème énorme et d'une extrême difficulté à cause de sa
complexité on peut écrire des volumes, car les méthodes et les points de vue abondent.
Et d'autre part on n'a point encore établi (il s'en faut de beaucoup) de solution
parfaitement satisfaisante et vérifiable.
L'auteur ne pouvait donc présenter qu'un résumé, que des considérations abrégées
sur le problème. Il le fait avec beaucoup de compétence et il fournit des indications
substantielles dont la plupart des géographes et même beaucoup d'ingénieurs ignorent
ou connaissent certainement mal la substance. Il montre l'intérêt des méthodes
basées sur le débit des grandes crues historiques et sur le choix d'une marge de sécurité
pour les ouvrages menacés par les trop gros débits. Puis (1 examine les différentes
formules « empiriques » (ce mot, nous devons le connaître, équivaut généralement,
contrairement à l'étymologie, aux termes «peu expérimental»), utilisant la superficie
des bassins, avec des paramètres régionaux qui acquièrent quelque valeur lorsqu'on
1. Depuis fort longtemps, nous nous permettons de dire, nous appliquons grossièrement cette
méthode pour évaluer les très grandes crues à craindre ou pour rechercher si des chiffres que l'on a
donnés pour les débits maxima sont acceptables ou non, d'après les pluies et les hydrogrammes
voulus par les conditions géomorphologiques. Mais dans nos évaluations rapides, nous nous conten
tons d'envisager la pluie totale supposée efficace en un certain nombre d'heures, et les diagrammes
approximatifs possibles selon l'expérience acquise pour des crues plus faibles, sur le bassin ou sur
d'autres domaines fluviaux semblables, d'après des quotients d'écoulement qui nous semblent légi
times et qui résultent du volume total de la crue. Ces volumes totaux, cela va de soi, impliquent
pour l'hydrogramme lui-même, si l'on en connaît bien le genre, le schéma, certaines pointes, qui
sont les débits maxima.
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Puis viennent les méthodes statistiques basées sur l'analyse de la fréquence des
crues. Nous arrivons ici au calcul des probabilités. D'après l'observation de toutes les
crues observées pendant une période aussi longue que possible (mais ces durées sont
presque toujours trop courtes), on établit des extrapolations qui doivent indiquer la
crue maxima à atteindre en moyenne tous les 100 ans, tous les 500 ans, 1000 ans, etc.
Les équations dont on dispose pour ce calcul sont assez nombreuses (lois de
Gauss, de Galton-Gibrat, de Pearson, de Gumbel, de Fréchet, etc.). Et M. Réménieras
explique de façon très compréhensible pour tout lecteur cultivé les caractéristiques
de ces méthodes.
Par malheur les bases que l'on extrapole ne sont pas forcément les mêmes pour un
cours d'eau donné, quelle que soit la suite de quelques dizaines d'années à laquelle
on recourt pour connaître la puissance des crues de fréquence très forte ou moyenne
Et surtout les diverses équations entre lesquelles on doit choisir, donnent pour les
crues de mêmes fréquences faibles des chiffres plus ou moins divergents selon les
types des régimes. Et de plus le contrôle et la vérification des meilleures formule
sont pratiquement impossibles. Car par exemple une crue de 1 000 ans est à peu près
celle qui doit avoir lieu non pas une fois tous les millénaires, mais en moyenne 10 foi
en 10 000 ans, avec des possibilités de phénomènes très rares en moyenne survenant
en quelques années ou quelques dizaines d'années ou manquant pendant un temps
bien supérieur à celui de la période de récurrence.
M. Réménieras est très conscient de ces incertitudes qui peuvent conduire les
spécialistes trop convaincus à l'inexactitude. Mais cette remarque ne prouve point
que nous soyons plus que lui hostile à ce genre de calcul. Ce serait vraiment absurde
car la méthode est la meilleure de celles qui nous permettent d'évaluer les débits
exceptionnels de certaines fréquences. Et les autres procédés basés par exemple sur
les maxima survenus dans des bassins voisins, sur la transposition des averses, etc
sous-entendent encore le calcul des probabilités. Il importe seulement de ne point
oublier que probabilité signifie incertitude et que la méthode en question donne
seulement des ordres de grandeur, d'autant plus susceptibles d'éviter les grosses
méprises que le calculateur est un meilleur hydrologue en même temps qu'un distingu
mathématicien.
1. Une des plus criantes est celle qui suppose une proportionnalité entre les grandes averses
possibles et les précipitations moyennes annuelles. Et l'on se trompe encore beaucoup en liant la
puissance des crues aux pluies officielles de 24 ou 48 heures et non aux concentrations pluviales
brèves, facteur souverain pour les bassins petits et moyens et de relief très accidenté.
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