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une œuvre fondatrice, celle d’Alain Girard Le choix du conjoint (1964)

Alain Girard y mettait en évidence la tendance de nos contemporains à


épouser quelqu’un qui leur ressemble socialement parlant : c’est
l’homogamie.

Un exemple : le choix du conjoint dans les hautes vallées des Pyrénées


occidentales

Dans les hautes vallées du Pays Basque, du Béarn et de Bigorre, les


populations sont confrontées à un environnement difficile : l’aridité du
sol et du climat, l’économie pastorale obligent à la mobilisation constante
des moyens pour la survie. La cohésion du groupe y apparaît très forte et
les coutumes ont pour fonction d’assurer la solidarité fondée sur une
conscience forte de l’égalité entre tous les membres de la communauté :
les décisions importantes se prennent à l’unanimité.3

Les inégalités économiques sont réduites : l’importance des communs et


l’égalité des droits d’usage compensent l’inégalité des propriétés. Les
règles du mariage prohibent toute alliance susceptible d’aggraver les iné-
galités de patrimoine. La loi de succession repose sur le droit d’aînesse,
garçons et filles pouvaient y prétendre.

L’hétérogamie est la règle. La plupart des mariages unissent un fils aîné,


qui hérite, à une fille cadette qui n’hérite pas ou encore une fille aî- née à
un cadet. Les cadets en surnombre, les laissés pour compte du ma- riage,
n’auront pas d’autres possibilités que la domesticité chez leur frère ou
leur sœur (apport de leur force de travail sans contrepartie), la prê- trise,
l’exil, « exil des cadets », aux États-Unis pour les basques notam- ment.

L’exemple met en évidence deux traits caractéristiques des modèles


traditionnels : la survie du groupe est l’objectif premier, la stratégie ca-
ractéristique repose sur l’utilisation de l’institution du mariage comme
régulateur du comportement Il faut entendre le terme stratégie, au sens
que Pierre Bourdieu lui donne : dispositif qui doit permettre de com-
prendre « la logique de toutes les actions qui sont raisonnables sans être
le produit d’un dessein raisonné ou, à plus forte raison, d’un calcul ra-
tionnel, ajustées au futur sans être le produit d’un projet ou d’un plan ».4

Au milieu des années 1960, Alain Girard va montrer dans Le choix du


conjoint (1964) qu’il ne s’effectue pas au hasard, que derrière l’amour, les
pesanteurs sociales sont à l’œuvre. De plus, l’enquête nous livre un
témoignage sur le con- texte social d’une époque, à la veille d’une
profonde transformation de la famille.

L’homogamie peut se définir comme la tendance à épouser son sem-


blable. Il s’agit d’un concept, nouveau à l’époque, qui, depuis, va
s’affirmer comme un cadre de référence à toute enquête sur le choix du
conjoint dont il est devenu l’interprétation dominante.10 À la question
«qui épouse qui?», Alain Girard répond, à l’issue de son enquête «
n’importe qui n’épouse pas n’importe qui ».

Les différentes formes d’homogamie

Malgré une mobilité croissante de la population (exode rural, urba-


nisation) le mariage a tendance à unir des individus ayant les mêmes ori-
gines géographiques. Girard ne fait pas le seul constat de la proximité
géographique des conjoints, il remarque également leur proximité sociale
et culturelle.

L’homogamie géographique

Les futurs conjoints habitent, sinon dans la même localité, du moins à


une distance qui permet, compte tenu des moyens de transport dispo-
nibles, une fréquentation quotidienne. La proximité des domiciles consti-
tue un préalable au mariage des individus. 70 % des mariages unissent
des personnes ayant les mêmes origines géographiques. Les deux con-
joints sont même nés dans la même commune pour 20 % des ménages,
dans le même canton pour 30 % d’entre eux, plus de 50 % dans le même
arrondissement.

L’homogamie géographique varie dans le temps, elle diminue. Si, au


moment de l’enquête de Girard, 70 % des conjoints étaient originaires de
la même région, à la génération précédente, la proportion était de 80 %.
De plus, la distance géographique varie avec l’âge, elle est plus grande
parmi les couples jeunes que parmi les couples âgés. Enfin, l’homogamie
géographique varie avec la position sociale : elle est moins marquée
quand on s’élève dans la hiérarchie sociale, mais aussi quand on passe
des milieux ruraux aux milieux urbains. Chez les agriculteurs, 20 % des
couples ne sont pas nés dans le même département alors que la propor-
tion s’élève à 50 % pour les groupes tertiaires de la population.

L’homogamie sociale et culturelle


Un haut degré d’homogamie sociale subsiste dans la France de la fin des
années 1950 malgré l’accroissement de la mobilité sociale. La propor-
tion des conjoints de même condition sociale est deux fois plus impor-
tante que celle que donnerait une répartition au hasard des unions.
L’homogamie représente 45 % des cas et même 69 % si l’on tient compte
des unions contractées dans le milieu le plus proche. Elle est de 39 % et
de 65 % si l’on compare la profession du mari à celle de son beau-père, la
diminution s’expliquant par les changements de structure d’une généra-
tion à l’autre.

Cette forme d’homogamie varie selon les milieux : elle est la plus forte
chez les cultivateurs, puis les ouvriers et enfin les catégories supé-
rieures. Elle est la plus faible chez les commerçants, les employés et les
cadres moyens. Les échanges les plus nombreux se font donc entre ces
trois milieux qui relèvent de ce qu’il est convenu d’appeler les classes
moyennes.

Ces groupes sociaux ne sont pas homogènes. Par exemple, la dis- tance
est importante entre un fermier qui travaille sur une petite exploi- tation
et le propriétaire d’un grand domaine comme est grande la dis- tance
entre un manœuvre du bâtiment et un ouvrier de l’électronique. Girard
concède qu’il faudrait, à l’intérieur des grands groupes sociaux, étudier la
répartition des mariages selon le niveau très précis atteint, dans la
hiérarchie sociale, par les deux familles qui s’allient pour avoir une idée
de l’ascension ou de la régression accomplie par chaque conjoint lors de
son mariage. Une analyse plus fine des couples hétérogames con- duirait
sans doute à minorer la distance sociale entre conjoints.

L’homogamie culturelle renvoie au niveau d’instruction et à la pra- tique


religieuse. La ressemblance culturelle demeure dominante dans les
ménages français. Ayant des origines sociales communes ou voisines, les
conjoints ont des niveaux d’instruction analogues. 66 % des ménages ont
fait des études identiques, proportion qui s’élève à 83 % si l’on tient
compte des niveaux d’études voisins. La rencontre entre un conjoint très
diplômé et un autre peu ou pas diplômé est rare. Quel que soit le milieu,
l’homme est plus diplômé que la femme.

À la fin des années 1950, la France est très majoritairement ca- tholique
(90 % des ménages). Pour le reste, les ménages sont protestants (2,1%
pour les maris, 2% pour les femmes) ou juifs (0, 6 % tant pour les maris
que pour les femmes) alors que seulement 8 % des maris et 5,2 % des
femmes se déclarent « sans religion ». L’homogamie religieuse ne peut
être que très forte, du seul fait de la prédominance des Catholiques. Dans
92 % des ménages, les conjoints appartiennent à la même confes- sion.
Les mariages entre individus de confession différente sont rares. Les
Catholiques n’épousent que rarement des personnes d’une autre reli-
gion ou sans religion. Dans ce cas, ce sont, le plus souvent, des Catho-
liques non pratiquants.

Religion et pratique religieuse dépendent, dans une large mesure, du


milieu d’origine. Les enfants de cultivateurs, de cadre et de professions
libérales sont les plus attachés à la pratique religieuse. À l’inverse, les sa-
lariés manuels, les employés, les artisans et commerçants déclarent, deux
fois moins souvent, être pratiquants.

Dans tous les milieux sociaux, les femmes pratiquent plus que les
hommes. On ne note aucune différence significative selon les généra-
tions. À chaque âge, les femmes pratiquent plus que les hommes et l’écart
demeure à peu près le même quel que soit l’âge.

Il s’attarde sur l’observation des lieux de ren- contre (TABLEAU 1). Les
différents types de rencontre sont variés et chaque type représente une
proportion analogue de l’ensemble même si le bal, sous toutes ses
formes, arrive en tête.

Il apparaît que ce sont des individus de même milieu qui sont appe- lés à
se rencontrer. On remarque l’importance de la famille, du voisinage, du
travail (TABLEAU 1). Les rencontres groupées sous la rubrique « cir-
constances fortuites » n’aboutissent pas automatiquement à des ma-
riages, mais la rencontre ne peut se transformer en fréquentation que si
les individus mis en présence sont socialement proches l’un de l’autre

Le bal est le lieu de rencontre qui arrive en tête, mais il n’est pas un lieu
de rencontre indifférencié qui brasserait des personnes issues de tous les
milieux : « c’est le bal de village ou de quartier, c’est la surprise- partie
des milieux bourgeois, c’est le bal des cheminots, ou de l’École Centrale,
le bal annuel des Auvergnats à Paris, ou celui qui termine la kermesse
d’une paroisse ».12 Le choix du conjoint n’est pas une loterie où les billets
seraient distribués au hasard et, sans distinction, à l’ensemble de la
population. Les billets ne sont distribués qu’à l’intérieur de groupes plus
ou moins restreints.

LE CHOIX DU CONJOINT, TÉMOIN DU CONTEXTE SOCIAL D’UNE


ÉPOQUE

La relecture du Choix du conjoint, cinquante ans après sa parution, nous


indique le contexte social d’une époque.14
1/ L’homochtonie diminue du fait de la mobilité croissante des
populations en France

Alain Girard accorde une place centrale à l’homogamie géogra- phique


dans un contexte de mobilité croissante des populations en France.
L’exode rural s’y poursuivra jusqu’au milieu des années 1970.

L’enquête fait apparaître que 60 % des conjoints étaient nés dans le


même département, 60 % résidaient dans la même localité au moment de
leur rencontre, 90 % dans le même département ou la même région. L’ «
homochtonie » reste donc très forte bien qu’elle diminue au fil des
cohortes de mariages, ce qui traduit la mobilité croissante de la popula-
tion.

2/ La structure de la population active évolue au fil des générations

La façon dont Girard aborde la question de la situation sociale qu’il


convient de prendre en compte pour mesurer le degré d’homogamie. Si
l’on compare la situation sociale des conjoints, on se heurte au fait que le
taux d’activité des femmes est plus faible qu’aujourd’hui (43 % au recen-
sement de 1962).

On peut alors mettre en regard la profession de l’homme et celle de son


beau-père, mais l’évolution des structures de la population active biaise
la comparaison. C’est pour cela que Girard compare la situation sociale
du père de chacun des époux.

L’enquête de Girard fournit une image du couple à la veille des pro-


fondes mutations qui vont affecter la famille et la vie privée.

Alain Girard avait constaté qu’en France on avait tendance à épouser son
semblable tant sur le plan social que culturel et géographique. C’est
l’homogamie. Vingt-cinq ans plus tard, au milieu des années 1980, dans
une nouvelle enquête, Michel Bozon et François Héran s’interrogeaient :
le choix du conjoint suit-il toujours une logique homogame ? Si la ré-
ponse s’avère positive, comment l’expliquer ?
Déclin de l’homogamie géographique ?

En 1984, l’endogamie géographique diminue qu’elle soit communale ou


cantonale. Les unions qui associent des individus de départements, de
régions, voire de pays différents progressent.

L’exogamie progresse, elle accompagne la mobilité résidentielle et


concerne plus particulièrement les cadres alors que les ouvriers non qua-
lifiés et les agriculteurs sont endogames. La pratique matrimoniale des
agriculteurs « exige [un] effort de prospection » qui peut les conduire à
prendre un conjoint, non pas dans la commune de résidence, mais dans
le canton, voire l’arrondissement.

Les cadres ont une mobilité résidentielle forte et n’ont guère besoin de
mettre en œuvre une stratégie exogame, leur mobilité résidentielle les fait
accéder à un échantillon varié de partenaires.

Quant aux ouvriers, ils constituent le groupe social qui a le plus ten-
dance à prendre un conjoint sur place. Comme ils constituent encore, en
1984, le groupe social le plus nombreux, ils peuvent trouver un conjoint
sans effectuer un long déplacement.

Cependant, la baisse de l’endogamie géographique ne signifie pas


forcément hétérogamie ou union des contraires. On peut être originaire
d’aires géographiques différentes et provenir du même type de com-
munes.

L’homogamie sociale se maintient

La tendance à l’homogamie sociale, mise en évidence par Girard en 1964,


persiste en 1984.

Quand on compare les positions sociales des conjoints, on remarque une


hiérarchie sociale dans le couple. Les cadres hommes épousent des
femmes professions intermédiaires, les hommes des professions inter-
médiaires des employées. Il se dégage une forte tendance à se marier au
plus proche.

Si l’on rapproche maintenant les professions des pères des conjoints, on


découvre une homogamie sociale forte. Les classes supérieures sont
fortement homogames et les échanges sont nombreux entre fractions dé-
tenant plutôt du capital économique et celles qui sont plutôt pourvues en
capital culturel. L’homogamie est également forte chez les indépendants
(artisans, commerçants, agriculteurs) qui détiennent un patrimoine spé-
cifique.

Elle est moins nette chez les employés. À l’intérieur du monde ou- vrier,
on doit distinguer entre enfants d’ouvriers qualifiés et enfants d’ouvriers
non qualifiés. Les premiers sont plus portés vers des conjoints enfants
d’employés ou d’ouvriers bien établis. Les seconds, plus souvent ruraux,
se retrouvent entre eux mais aussi avec des enfants de petits agri-
culteurs, sur le point parfois de quitter la terre.

L’homogamie ne doit pas s’entendre comme une recherche systéma-


tique de l’identique, mais elle désigne un résultat d’ensemble, les sem-
blables s’associant plus fréquemment entre eux.16 En revanche, les ex-
trêmes s’unissent peu. Les couples formés de personnes appartenant à
des groupes sociaux éloignés sont peu nombreux. Par exemple les
couples formés d’un cadre et d’une ouvrière ou d’une cadre et d’un ou-
vrier ne représentent que 1% de l’ensemble des couples.

Cependant, les couples homogames sont moins nombreux que par le


passé : dans les années 1930, 36 % des couples étaient composés de deux
personnes du même groupe social. Cette proportion n’est plus que de 29
% pour les couples ayant débuté leur union dans la deuxième moitié des
années 1990.17 La baisse du taux de couples homogames s’avère moins
marquée quand on le calcule sans tenir compte du groupe des agricul-
teurs dont le poids dans l’ensemble de la population a considérablement
diminué. Ce taux est, en revanche, à la hausse chez les cadres, les profes-
sions intermédiaires et les employés. Enfin, on remarquera que les
couples non mariés sont aussi homogames que les couples mariés.

Pour expliquer l’homogamie à la manière de Durkheim, on peut mettre


en avant que le choix du conjoint est contraint par un contexte social. Les
quartiers, les écoles, les loisirs ne sont pas socialement bras- sés. La
probabilité d’y rencontrer un conjoint du même milieu y est grande
(interprétation probabiliste). On n’épouse pas n’importe qui parce qu’on
ne rencontre pas n’importe qui.

Si dans la France des « trente glorieuses », le bal constituait le pre- mier


lieu de formation des couples (25 % s’y rencontraient dans les an- nées
1960), il n’en va plus de même aujourd’hui où il ne représente plus que
10 % des rencontres.18 Les rencontres dans le cadre familial ou le voi-
sinage ont également décliné alors que les lieux de loisirs ont progressé.
La discothèque a pris le relais à la fin des années 1980 pour décliner à
son tour.

Les soirées privées entre amis, les lieux scolaires représentent, au début
des années 2000, 20 % et 18 % des rencontres contre 13 % et 11 % au
début des années 1980. Il n’y a pas lieu de considérer que les soirées
entre amis où les liens noués sur les bancs du lycée ou de l’Université
mettent davantage en présence des individus venant de milieux sociaux
divers que le bal.

L’homogamie se fait par l’intermédiaire des caractéristiques person-


nelles et non plus de caractéristiques économiques. Cette transformation
est à mettre en relation avec l’importance grandissante du capital culturel
davantage incorporé que le capital économique.

On peut expliquer que l’on épouse quelqu’un parce qu’on partage les
mêmes goûts et les mêmes centres d’intérêt. Or le goût est socialement
déterminé, il dépend largement des milieux d’appartenance et de
l’éducation que l’on a reçue. « Le goût assortit ; il marie les couleurs et
aussi les personnes »19 écrit Pierre Bourdieu en avançant l’importance du
capital culturel (les biens culturels comme les livres, l’ensemble des titres
et des diplômes, l’aisance dans les conversations et les situations) dans
les phénomènes de reproduction sociale.

Ces deux pistes d’interprétation, contrainte spatiale et importance du


capital culturel (interprétation culturaliste), ont en commun d’insister
sur le déterminisme qui conduit les individus, sans qu’ils en soient for-
cément conscients, vers leur semblable sur le plan social. Le détermi-
nisme ne s’apparente pas cependant à une programmation d’ordinateur.

L’homogamie résulte, pour certains sociologues, non pas de con- traintes


sociales, mais d’un choix rationnel de la part des individus. La rationalité
consisterait davantage à éviter l’hétérogamie qu’à rechercher
l’homogamie. L’hétérogamie serait à écarter car les mariages hétéro-
games ont la réputation d’être plus fragiles.

Cette proposition figure souvent dans les manuels de sociologie de la


famille pour montrer le bien-fondé des normes sociales, que les ressem-
blances culturelles et sociales favorisent la satisfaction réciproque des
conjoints alors que les différences ne pourraient engendrer que des dys-
fonctionnements.
Dans la réalité cependant, « la fragilité des couples hétérogènes cul-
turellement ou socialement n’est pas établie »20. François De Singly, Fortune et
infortune de la femme mariée, Paris, PUF, 1987

Il convient de s’attarder sur l’hypergamie apparente des femmes. Par


exemple, 25 % des femmes qui exercent une profession intermédiaire vi-
vent avec un homme cadre contre 7% des hommes seulement. Chez les
cadres, les hommes sont surreprésentés, en clair il y a plus d’hommes
que de femmes, tous les hommes ne peuvent épouser une femme cadre ce
qui les conduit à s’unir « vers le bas », avec une femme des « profes-
sions intermédiaires ». Chez les employés, les femmes sont très large-
ment majoritaires ce qui les pousse à s’unir « vers le haut ».
L’hypergamie des femmes n’est pas que le produit de stratégies, mais
aussi l’effet de la structure sociale.

Cependant, les couples dans lesquels l’homme occupe une position


sociale plus élevée sur l’échelle sociale que sa conjointe sont moins fré-
quents que si les couples s’étaient formés au hasard. Les comportements
individuels viennent donc atténuer les effets de la structure sociale sur
l’hypergamie des femmes.21

En 1987, François de Singly notait que les femmes d’une origine so- ciale
donnée qui faisaient un meilleur mariage que les autres le devait à leur
capital scolaire qui fonctionnait comme une dot. « Les filles d’employés
qui en se mariant effectuent une mobilité ascendante se dis- tinguent
des filles d’employés en mobilité descendante par une dot sco- laire de
près de trois années »22. La dote scolaire peut avoir des effets pervers
pour la femme. Alors que les hommes faiblement diplômés sont plus
souvent célibataires (voir le cas des agriculteurs), ce sont au con- traire
les femmes les plus diplômés qui sont le plus souvent célibataires. Tout
se passe comme si les femmes diplômées étaient vécues, par les hommes,
comme des « femmes dangereuses »23, dangereuses pour le bon
fonctionnement du couple et pour l’autorité personnelle du conjoint.
Dans la dynamique interne du couple marié, les femmes sont d’autant
plus en mesure d’imposer le partage des tâches domestiques qu’elles sont
diplômées.

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