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« Ce livre est un hommage non seulement à son talent, mais aussi à sa forte conviction que
l’intuition concernant la relation et le développement doivent rejoindre ceux qui sont
responsables de l’éducation de nos jeunes… Docteure MacNamara est merveilleusement
positionnée pour raconter cette histoire, vous emmenant de la théorie à la pratique. Vous ne
pourriez pas être en de meilleures mains. »
— Gordon Neufeld, Ph.D., fondateur de l’Institut Neufeld et auteur du livre
à succès Hold On to Your Kids (Retrouver son rôle de parent)
« Le livre de Deborah MacNamara est riche en idées sur la nature de l’enfant et sur la
parentalité positive. Une bénédiction pour les parents et les enseignants, Jouer, grandir,
s’épanouir note la prééminence de la relation d’attachement parent-enfant vers un
développement optimal et affirme avec passion l’importance primordiale du jeu pour le bien-
être et la créativité des enfants. Docteure MacNamara est très à l’écoute des besoins des
enfants et des meilleures pratiques parentales. Lire, réfléchir, partager. »
— Raffi Cavoukian, C.M., auteur, interprète
et fondateur du Centre for Child Honouring
« C’est une lecture incontournable pour tout parent d’un enfant de bas âge. Docteure
MacNamara montre clairement les étapes de développement des enfants d’âge préscolaire
afin que les parents comprennent mieux l’état émotionnel de l’enfant. C’est dans cette
optique que l’éducation parentale devient plus simple. Lisez ceci et vous serez vraiment le
meilleur atout de votre enfant. »
— Kristy Pillinger, rédactrice en chef de Nurture Parenting Magazine
« Lire Jouer, grandir, s’épanouir m’a fait pleurer, car ce livre m’a reconfirmé mon intuition en
tant que parent. Docteure MacNamara traduit le langage et la maturité d’un enfant dans un
cadre compréhensible, qui vous apportera, en le lisant, ce moment d’éveil. De plus, elle
vous encadre avec des pratiques afin de gérer les émotions intenses des enfants. Jouer,
grandir, s’épanouir fusionne une science fondée, des témoignages authentiques, de
l’humour, ainsi que des stratégies judicieuses. Deborah a traduit le monde merveilleux et
chaotique d’un enfant d’âge préscolaire. S’il n’y a qu’un seul livre que vous devriez lire en
tant que parent, c’est celui-là. »
— Traci Costa, présidente-directrice générale de Peekaboo Beans
« Enfin, un livre pour les parents de jeunes enfants qui unit la recherche neuroscientifique à
l’attachement et qui est extrêmement utile ! Je suis certain que Jouer, grandir, s’épanouir
sera un guide pour les parents perplexes et épuisés, qui reçoivent des messages mitigés
de la part des professionnels et de la culture en général, sur la façon d’élever leurs enfants.
Docteure MacNamara démontre que nous avions toujours eu les réponses et les solutions
à notre portée. Ainsi, en tant que parents, nous sommes effectivement les experts au
niveau relationnel en ce qui concerne nos enfants. Je vous assure que Jouer, grandir,
s’épanouir sera l’assise du rôle parental. À la fin de cet ouvrage, vous naviguerez sur le
trajet parental avec une plus grande habileté, confiance et joie ! »
— Sil Reynolds, coauteure de Mothering & Daughtering :
Keeping Your Bond Strong through the Teen Years
Les Éditions au Carré inc.
2100, boul. De Maisonneuve Est, bureau 002
Montréal (Québec) Canada H2K 4S1
Téléphone : 514 316-5450
editeur@editionsaucarre.com
www.editionsaucarre.com
L’édition originale de ce livre a été publiée en 2016 par Aona Books (Vancouver, Canada), sous le titre Rest, Play,
Grow.
Les Éditions au Carré désirent remercier tout spécialement la Société de développement des entreprises culturelles
(SODEC) et le Fonds du livre du Canada (FLC) pour leur appui.
Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – Gestion SODEC
Toute reproduction intégrale ou partielle de cet ouvrage par quelque procédé que ce soit, et notamment par
numérisation, photocopie ou microfilm, est strictement interdite sans une autorisation écrite par l’auteur.
Dr GORDON NEUFELD
Introduction
LES JEUNES ENFANTS sont parmi les personnes qui reçoivent le plus
d’amour et d’affection de la part de ceux qui les entourent, mais ils
sont également les personnes les plus incomprises. Leurs
personnalités uniques peuvent représenter un sérieux défi pour les
adultes, puisque les enfants défient généralement la logique et le
gros bon sens. Ils peuvent se montrer effrontés, intraitables et
provocateurs un moment pour devenir de vrais anges adorables,
charmants, qui nous font fondre le cœur avec leurs rires contagieux
le moment d’après ! Cette nature imprévisible des jeunes enfants
explique pourquoi les parents souhaitent si ardemment connaître les
techniques et les outils qui permettent de traiter avec leur
comportement immature. Le hic, c’est que des directives, même
précises, n’aident en rien à trouver du sens au comportement d’un
enfant.
Devenir le meilleur atout d’un enfant requiert une compréhension
exhaustive de qui il est. Cela requiert du discernement et non pas
des qualifications. Cela concerne ce que l’on voit lorsqu’on regarde
notre enfant plutôt que ce que l’on fait. C’est être capable de voir le
développement dans son ensemble au lieu de se perdre dans les
détails du quotidien. Autrement dit, tout est question de perspective.
Si l’on voit un enfant en détresse, on peut chercher à le consoler, à
le réconforter, mais si l’on perçoit un jeune enfant comme étant
manipulateur, on peut choisir de s’éloigner. Si l’on a affaire à un
jeune enfant provocateur, on peut vouloir lui donner une punition,
mais en comprenant que les enfants résistent instinctivement, on
peut chercher une façon différente de régler l’impasse. Quand on
considère un jeune enfant comme étant trop émotif, on peut essayer
de le calmer, cependant si l’on comprend qu’il ressent le besoin
d’exprimer de fortes émotions, on peut l’aider à apprendre un
langage affectif, venu du cœur. Et si l’on voit un enfant ayant de la
difficulté à se concentrer comme étant atteint de troubles de
l’apprentissage, on peut choisir de le médicamenter, par contre, si on
le perçoit comme étant immature, on peut lui donner un peu de
temps pour grandir.
Lorsqu’on comprend un enfant – quand on commence à
comprendre les raisons développementales de ses actions – son
agressivité nous semble moins dirigée vers nous, son opposition
nous semble moins provocante et notre focus peut être mis sur la
création de conditions qui encadreront son développement, sa
croissance. Il est difficile de faire progresser un comportement
quand on n’en comprend pas la cause ou quand on laisse nos
propres émotions embrouiller la vue d’ensemble. Charlie, le père de
deux jeunes enfants a dit : « J’étais la personne la plus décontractée
de mon entourage. Demandez à n’importe lequel de mes amis et il
vous dira que de nous tous, j’étais la personne la plus calme et la
plus facile à vivre. Maintenant que j’ai des enfants, je pense que j’ai
un problème de gestion de la colère. » De la même façon,
Samantha, mère de deux jeunes garçons, a écrit : « J’en suis venue
à la conclusion que mes enfants n’essaient pas d’user le dernier de
mes nerfs et c’est à partir de ce moment que j’ai recommencé à
vraiment apprécier leur compagnie et leur présence. » La conclusion
à en tirer, c’est que la façon dont on réagit par rapport aux jeunes
enfants est basée sur ce que l’on voit, ce qui, ultimement, dicte nos
actes. Mais plus important encore, nos actes informent notre enfant
du genre de soins et d’encadrement qu’on lui offrira.
Les jeunes enfants sont le portrait de l’immaturité qui met en
lumière l’origine primitive de notre évolution. Et bien qu’on soit
parfois un témoin horrifié de leur immaturité, il est également
possible qu’on soit béat et émerveillé devant la façon avec laquelle
la vie humaine se renouvelle devant nos yeux. Le secret pour
débloquer les anciens modèles de développement humain réside
dans qui on est pour nos jeunes enfants et non pas dans ce qu’on
leur fait. C’est en nos enfants que réside la promesse d’un futur
mature pour lequel on joue un rôle d’entremetteur – et c’est pour
cela qu’il est si important de comprendre nos enfants.
L’approche Neufeld
La compréhension est l’autre nom de l’amour. Si vous ne comprenez pas, vous ne pouvez
pas aimer.
THÍCH NHẤT HẠNH1
Figure 1.1 Tiré du cours de Neufeld Classe intensive 1 : Comprendre les enfants.
Figure 1.3 Tiré du cours de Neufeld Classe intensive 1 : Comprendre les enfants.
Les jeunes enfants sont déterminés à posséder, à être premier et
à avoir ce qu’ils veulent, tout ça en raison de leur nature
égocentrique. Le processus adaptatif les aide à renoncer à leurs
plans et à réaliser qu’ils peuvent survivre même quand les choses
ne se passent pas de la façon qu’ils auraient désirée. Une des
façons les plus rapides pour créer un enfant gâté, c’est en
contournant le processus adaptatif et en empêchant la montée de la
déception de ce qu’il ne peut pas changer. Le personnage de Veruca
Salt dans Willy Wonka and the Chocolate Factory (Charlie et la
chocolaterie) est la quintessence d’un tel enfant. Elle dirige ses
parents sans arrêt : « Je veux ceci, papa, et je le veux maintenant ! »
Les parents vivent dans la crainte de ses colères et passent leur
temps à s’assurer de répondre à ses désirs. Le rôle d’un parent est
d’aider l’enfant à se préparer à vivre dans le monde tel qu’il est, avec
les déceptions et les désagréments qui en font partie. Ce rôle clé du
parent qui soutient son enfant en tant qu’être adaptatif sera traité
plus spécifiquement au chapitre 7.
Le troisième processus de maturation qui fait croître un enfant
est l’intégration. C’est ce processus qui est responsable de
transformer l’enfant en un être social, mature et responsable. Le
processus d’intégration requiert le développement du cerveau ainsi
que la maturité affective. Basée sur les travaux de Jean Piaget,
l’expression « le passage de cinq à sept ans » a été popularisée par
Sheldon White, soulignant un changement significatif dans le
développement cognitif chez le jeune enfant. À ce moment, un
enfant est à même de reconnaître un contexte et considérer plus
d’une perspective à la fois12. Ce passage indique la fin naturelle de
la mentalité préscolaire et dirige l’enfant vers l’âge de raison et de
responsabilisation13. Alors que ce changement se produit, les jeunes
enfants deviennent graduellement tempérés dans l’expression de
leurs pensées et sentiments et ils commencent à démontrer un
contrôle de leur impulsivité face aux fortes émotions. Au lieu de
devenir violents, ils peuvent dire « Présentement, je te déteste à
moitié ! » et « Je veux te frapper ! », mais ils ne le font pas. Ils
démontrent de la patience, malgré la frustration de devoir attendre.
Ils sont capables de partager en raison de considération véritable et
non pas parce qu’on leur dit de le faire. Ils seront capables de
persévérer vers l’atteinte d’un but sans s’effondrer, frustrés. Une
forme civilisée va naturellement s’installer et, du coup, diminuer les
manières immatures que l’on connaît comme « la personnalité
préscolaire » dont on discutera au chapitre 2.
Figure 1.4 Tiré du cours de Neufeld Classe intensive 1 : Comprendre les enfants.
Une des plus importantes résolutions comportementales du
processus d’intégration est la capacité d’être un individu en propre
au milieu de tant d’autres individus. Quand on est capable de tenir
notre bout et de défendre nos opinions tout en considérant les
expériences des autres, cela fournit plus d’ampleur et de profondeur
aux perspectives. Les jeunes enfants ne peuvent opérer que selon
une seule perspective à la fois, qui s’exprime généralement par
« c’est à moi ! ». Une personne mature devrait être capable d’être en
désaccord avec quelqu’un tout en conservant un ton de
camaraderie : « Je peux comprendre ta position, voudrais-tu
entendre la mienne ? » L’intégration devrait également engendrer un
être distinct qui ne succombe pas à la pression des pairs, ni au
clonage ou à la fusion. Comme Kathie, sept ans, disait à son amie
en jouant : « Je ne veux pas être ton bébé lapin, je n’aime pas les
lapins, je veux plutôt être la maman hamster. » Notre destinée ultime
en tant qu’êtres sociaux est de participer pleinement dans nos
communautés et de posséder un niveau de raisonnement moral qui
va au-delà du je-me-moi et qui tient compte des besoins d’un tout. Si
l’on veut que nos enfants deviennent des citoyens du monde et des
agents de la terre, ils doivent devenir des êtres sociaux matures. Et
notre potentiel d’être social est déverrouillé par de saines relations
parent-enfant.
Il y a une solution naturelle, organique à l’immaturité d’un jeune
enfant. Il y a un processus naturel de développement, et les parents
y jouent un rôle crucial. Quand les conditions propices à la
croissance ont été assurées, les processus internes émergent,
adaptatif et d’intégration vont procéder au lancement d’un enfant
vers l’individu qu’il deviendra. L’échec de la maturation fait aussi
partie de la condition humaine, mais c’est là où les adultes doivent
devenir le meilleur atout d’un enfant. L’autonomie ne s’enseigne pas
ni ne se force ; elle doit être nourrie, cultivée et protégée.
La mère : Mon fils de trois ans faisait une crise, hurlant, pleurant, se jetant de tous
côtés, donnant des coups de pieds et nous repoussant à chaque tentative
d’approche. Il effrayait vraiment sa petite sœur… et nous aussi. Je n’avais jamais
vu une telle chose. On essayait de le rassurer et de le calmer, mais rien ne
fonctionnait. Mon mari lui a tendu sa couverture et dès que le petit l’a eue entre les
mains, il l’a serrée contre lui, a commencé à chanter et était heureux ! Mon époux
et moi sommes inquiets. Croyez-vous qu’il puisse avoir des problèmes de santé
mentale ? Qu’est-ce qui se passe chez lui ?
Moi : Votre fils fonctionne selon une personnalité d’enfant d’âge préscolaire, ce qui
est normal puisqu’il n’a que trois ans. Il ne peut assurer et vivre qu’une seule
émotion ou pensée à la fois ; alors quand vous lui avez tendu sa couverture, sa
frustration a été éclipsée par la joie. Il n’a pas de trouble de santé mentale. Votre
fils est tout simplement immature. En fait, si vous souhaitiez étudier les émotions
humaines, les jeunes enfants sont les meilleurs sujets puisqu’ils vivent les émotions
dans la forme la plus pure, sans qu’elles soient teintées par aucune autre
expérience ou contrôle.
La mère : Qu’est-ce que je suis censée faire, alors ? Est-ce que je suis censée
l’élever comme ça ?
Moi : Amour, patience, temps et bons soins de vous et de votre mari. Même en
pleine crise et devant ces manifestations émotives vous devez à tout prix préserver
votre relation avec lui et l’aider, l’encourager à exprimer et à nommer ses
sentiments chaque fois que c’est possible. Éventuellement, les coups deviendront
des mots de frustration, et vers l’âge de cinq à sept ans, il montrera naturellement,
si tout se développe normalement, des signes de modération, de maîtrise de soi et
de considération.
La mère (souffle coupé) : Sérieusement ? Il va nous falloir attendre aussi
longtemps ? Pourquoi est-ce que personne ne nous a dit cela ? Qu’est-ce que je
vais dire à mon mari ?
Moi : Vous lui direz que votre fillette d’un an a la même chose et qu’il n’y a rien
comme la force d’un enfant immature pour tester le niveau de maturité d’un parent.
Figure 2.1 Adapté du cours de Neufeld Classe intensive 1 : Comprendre les enfants.
Jacob aimait tant son professeur de musique que lorsqu’elle a dû changer d’endroit
pour donner ses cours, nous l’avons suivie de la classe tout ensoleillée qui était
près de notre maison, jusqu’au sombre sous-sol de l’académie de musique où elle
enseignait. Lors du premier cours, Jacob ne pouvait pas rester tranquille et passait
son temps à sortir. Durant le second cours, il devint si agité qu’en sautant partout, il
atterrit sur son enseignante. Un jour plus tard, alors qu’il était calme, je lui ai
demandé s’il y avait quelque chose qu’il n’aimait pas au sujet de la nouvelle salle
de classe. « Les lumières bourdonnent » dit-il. « Je ne peux rien entendre à cause
des lumières. »
L’enfant-orchidée est plus sensible aux méthodes d’éducation. Il
va se flétrir ou s’épanouir dépendant de son environnement19. S’il
est élevé dans un environnement stressant, il en est plus affecté que
l’enfant pissenlit. Il est plus susceptible de souffrir de troubles de
santé mentale, de dépendances et de délinquance en lien avec les
conditions stressantes de son environnement20. Cependant, lorsqu’il
est élevé dans des conditions idéales avec des parents bienveillants,
le développement de l’enfant sensible peut surpasser celui de
l’enfant pissenlit : « Un enfant-orchidée devient une fleur d’une
inhabituelle beauté et délicatesse21. » C’est leur environnement
relationnel qui crée leur différence développementale.
La réceptivité accrue de l’enfant sensible à son environnement
peut prolonger l’intégration cérébrale jusqu’à deux ans. Au lieu de la
période de cinq à sept ans, il peut avoir besoin d’une ou deux
années additionnelles pour atteindre la maturation, tout dépendant
de son niveau de sensibilité et de son environnement. Ce temps
additionnel contribue à créer et à intégrer des routes neurales
supplémentaires pour accommoder sa réceptivité sensorielle
accrue22. L’objectif est de pourvoir l’enfant-orchidée de conditions
telles qu’il peut être complètement apaisé sous les bons soins et la
supervision des adultes qui s’en occupent, de lui assurer
suffisamment d’espace pour jouer et de protéger sa vulnérabilité
émotive face aux tourments et à la détresse.
Une des erreurs les plus communes commises auprès des
enfants sensibles est de leur donner plus d’informations sensorielles
en raison de leur intelligence naturelle. Dans ce cas précis, plus ne
veut pas dire meilleur et peut même déclencher des mécanismes de
défense qui fermeront l’accès à l’information sensorielle. Pour
assimiler toutes les stimulations qu’ils expérimentent, ils ont besoin
de temps, d’espace et de beaucoup de place pour jouer.
BIEN QUE NOUS COMPRENIONS que les cerveaux des jeunes enfants
sont en développement, cela ne nous empêche pas d’avoir des
attentes concernant leurs comportements, qui ne sont pas en
synchronicité avec leur capacité. Leur nature de type mi-beauté, mi-
bête se manifeste régulièrement et a des répercussions sur la façon
dont on prend soin d’eux, dont on les élève. Les six thèmes suivants
découlent d’un manque d’intégration personnelle et sociale chez un
jeune enfant.
1. Les jeunes enfants « comblent les espaces » quand ils cherchent à comprendre
leur monde
Les jeunes enfants sont incapables d’évaluer un contexte ou de
prendre en considération plus d’un élément pour résoudre un
problème. Ils voient le monde une partie à la fois, ce qui les rend
aveugles à de nombreux indices contextuels et données que les
adultes tiennent pour acquis. Ils ne peuvent voir un contexte parce
qu’ils ne peuvent pas se référer à plusieurs perspectives à la fois.
Par exemple, une mère enceinte se présente à son rendez-vous
d’échographie avec son enfant de trois ans pour voir son petit frère
pour la première fois. En regardant le bébé se déplacer sur l’écran, il
s’est mis à pleurer de façon incontrôlable. Tandis que sa mère tentait
de le calmer en lui disant que tout allait bien, que le bébé était
correct, il a hurlé : « Non, maman, non ! Mais pourquoi as-tu mangé
le bébé ? » Parents et jeunes enfants ne partagent pas très souvent
la même vision du monde, ce qui peut mener à plusieurs
malentendus.
Les jeunes enfants ne s’arrêtent pas aux détails avant de
procéder. Ils sont célèbres pour tirer des conclusions spontanées
afin de combler les espaces quand ils en ont besoin. Par exemple,
lorsqu’une mère demande à son fils de cinq ans, Alex, au retour de
son cours d’éducation sexuelle à la garderie, comment on fait les
bébés, elle a été surprise d’entendre que « le papa met une poule
dans la maman et elle pond des œufs ». Les jeunes enfants ne sont
pas embarrassés par leur propre ignorance parce qu’ils ne voient
pas les fossés dans la route de leur compréhension. Un père a dit à
son fils de trois ans : « Cesse de ronger tes ongles, sinon tous les
petits insectes sales vont se retrouver dans ta bouche et te rendre
malade. » Et l’enfant de répondre : « C’est correct, papa, j’ai juste à
recracher les insectes quand je ronge mes ongles. » Les jeunes
enfants sont directs et textuels quand ils traduisent le monde qui les
entoure, ce qui est souvent aussi rafraîchissant qu’amusant. Comme
cet enfant qui disait à sa mère : « Quand j’étais petit, je croyais que
les vaches jersey portaient des chandails de hockey (des jerseys).
J’ai été vraiment surpris quand j’ai réalisé que ce n’était pas le cas. »
2. Les jeunes enfants disent les choses telles qu’elles sont et en savent beaucoup
plus que ce que leur comportement démontre
Les jeunes enfants sont non tempérés tant en expression qu’en
expérience et n’ont pas de maîtrise de soi. Ils ne prennent pas le
temps de réfléchir avant d’agir ; ils ne font qu’avancer selon leur
instinct et l’émotion du moment. La rectitude politique ou sociale
n’existe pas pour eux et ils partagent leurs idées librement,
spontanément. À la garderie, l’éducatrice a demandé à un enfant de
dessiner sa plus grande réussite. Elle lui a demandé de l’expliquer et
il a répondu : « Ça, c’est moi survivant à ma naissance. Ça, c’est le
“bagin” de ma maman et ma tête en train de sortir. » Les jeunes
enfants sont notoires pour révéler des détails sur leur famille tels
« ma grand-mère a de petites jambes » ou « il faut que je fasse une
sieste parce que ma mère a besoin d’une pause pour sa santé
mentale ». Même avec des visiteurs à la maison, les jeunes enfants
ne se retiendront pas de crier : « Quelqu’un ! Venez m’essuyer les
fesses ! » ou de dire au visiteur : « Je n’aime pas ton cadeau. » La
brutale honnêteté d’un jeune enfant est aussi réconfortante
qu’embarrassante. Après avoir jeté un œil à sa mère qui était en
train de préparer le repas, un jeune enfant lui a demandé :
« Pourquoi tu fais toujours des repas qu’on n’aimera pas ? »
Le défi est de préserver l’intégrité des jeunes enfants et de ne
pas réagir exagérément ni de les embarrasser parce qu’ils sont
fidèles à eux-mêmes et à ce qu’ils sont. Si nous sommes là pour
inviter les enfants à comprendre leur monde, nous devons adopter
leur tendance à faire des déclarations sur ce qu’ils constatent. Avec
un développement idéal, le jeune enfant, éventuellement, réfléchira
à deux fois avant de parler. Mais jusqu’à ce moment-là, ils ont
besoin d’espace pour comprendre le monde tel qu’il se présente à
eux, bien qu’on puisse les encourager à le faire parfois en privé avec
nous.
Les jeunes enfants ne sont pas doués pour garder un secret.
Cela vient de leur incapacité à s’occuper de plus d’une pensée à la
fois. Malgré toutes leurs bonnes intentions de garder quelque chose
privé ou secret, ils oublient parfois, dans le feu de l’action, en raison
d’un trop-plein d’excitation. De la même façon, les jeunes enfants
sont incapables de faire un vrai mensonge, puisqu’ils ne peuvent
pas retenir la vérité et exprimer la fausseté en même temps. Sans
arrière-pensée ni conflit intérieur, ils croient fermement et
honnêtement à ce qu’ils vous racontent. La mère d’une enfant de
trois ans disait : « Un jour, j’ai demandé à Eva si elle savait d’où
venaient les traces de doigts sur mes brownies frais sortis du four et,
avec toute l’innocence du monde dans les yeux, elle m’a répondu “je
ne sais pas”, malgré le fait que nous étions toutes les deux seules à
la maison. J’ai attendu cinq minutes et lui ai demandé : “Est-ce que
les brownies étaient bons ?” Eva m’a regardée et a dit : “Oh maman,
ils étaient délicieux !” » Il est ironique de constater que le mensonge
consiste en un pas de plus vers la maturité, mais il y a un certain
degré de sophistication dans le fait d’être capable de détourner les
gens de ce que l’on ne veut pas qu’ils voient. Cela requiert la
capacité de réfléchir à deux fois, d’avoir de la perspective et de
pouvoir tenir compte d’un contexte.
Les jeunes enfants ne peuvent s’empêcher d’agir impulsivement,
en répondant à leurs instincts et émotions. Ils promettent de ne plus
frapper seulement pour répéter le même geste dans les minutes qui
suivent. Les jeunes enfants voient leurs pulsions et actions comme
leur étant étrangères et hors de leur contrôle. Ils peuvent être
honnêtement surpris quand leurs membres frappent ou que leurs
dents mordent. Matthias, un garçon de quatre ans, disait à sa mère :
« Comment est-ce que mes bras peuvent frapper quelqu’un que
j’aime ? » Ils se retrouvent souvent dans des querelles avec d’autres
jeunes enfants, avec des chicanes pour la possession d’un objet ou
l’occupation d’un secteur. Leur frustration augmente souvent en
fonction de leur propre forme d’expression, les bonnes intentions
éclipsées par les émotions fortes. Les jeunes enfants ne
réfléchissent pas, ils réagissent, attaquent et sont impulsifs ; c’est là
le jeune enfant en action. Leur limite d’une seule pensée ou émotion
à la fois crée ces éclats de frustration et d’agressivité.
Les jeunes enfants ne disposent pas du conflit interne, ce qui
contribue non seulement à l’éruption de la frustration, mais provoque
également l’escalade de leur plaisir. Si une petite éclaboussure était
drôle, une grosse éclaboussure sera encore plus drôle. La joie pure
est la raison pour laquelle les câlins de jeunes enfants possèdent
des propriétés thérapeutiques et que leurs ricanements sont si
contagieux. La personne qui arrive à conquérir leur cœur sera
purement adorée, puisque leur plaisir ne contient ni agenda caché ni
affaires à régler. Leur cœur ne contient pas d’amertume, pas
d’espoirs déçus et aucun ressentiment. Leur amour se donne dans
la plus pure expression. Une mère racontait que « vers la fin de la
vie d’arrière-grand-papa, il devenait de plus en plus frustré par son
corps qui le lâchait et les nombreux voyages à l’hôpital. Un de ses
derniers vrais bonheurs était de passer du temps avec les plus
jeunes de ses arrière-petits-enfants. Leur innocente façon d’être et
d’agir était le remède dont il avait besoin. Leurs câlins étaient
magiques et amélioraient ses signes vitaux ». L’expérience du
bonheur n’est pas entachée par la possibilité d’une perte.
L’ignorance peut vraiment être une bénédiction.
4. Une seule chose peut être vue, comme pour un cheval avec des œillères
Les jeunes enfants sont incapables de fonctionner selon deux points
de référence à la fois, c’est ce qui explique que la magie et
l’imagination fassent partie du monde des enfants. L’absence de
toute logique derrière la capacité du père Noël d’apporter les
cadeaux à tous les enfants du monde en même temps, de la fée des
dents d’échanger des dents contre de l’argent ou du lapin de Pâques
de pondre des œufs en chocolat ne les dérange pas du tout. Ils ne
peuvent pas percevoir les trous dans la logique des histoires
magiques. Leur incapacité à coordonner deux pensées intensifie leur
innocence et leur foi dans tout ce qu’on leur raconte. Cette période
magique arrivera à terme lorsqu’ils seront capables de voir deux
côtés à chaque histoire. Je me souviens de mon ébahissement, une
année, quand j’ai regardé le père Noël et vu que c’était mon grand-
père. J’étais frappée par un type de double vision que je n’avais
jamais expérimentée avant, et bien que les adultes protestaient et
niaient la vérité de mon observation, je ne suis pas revenue sur mon
opinion. Malgré que j’aie perdu le père Noël ce soir-là et la plupart
de tout ce qui était magique vers l’âge de sept ans, j’avais acquis de
la perspective, une capacité à évaluer un contexte et la possibilité de
comprendre le monde d’une manière plus complexe.
Les jeunes enfants luttent pour s’intéresser à plus d’une
personne à la fois. Ils peuvent professer ouvertement leur amour
pour papa un moment pour ensuite déclarer « je ne t’aime plus, je
veux maman ». Les parents peuvent parfois se sentir rejetés, mais
en général, cela n’a rien à voir avec le parent, mais plutôt avec
l’incapacité du jeune enfant de s’occuper de plus d’une personne à
la fois. Aller les chercher à la garderie tout en placotant avec
l’éducatrice peut générer une frustration ou une crise chez l’enfant.
L’enfant ne sait plus vers quel adulte se tourner à ce moment-là ;
c’est comme jouer à la personne musicale au lieu de jouer à la
chaise musicale.
L’incapacité d’un jeune enfant à fonctionner avec deux points de
référence à la fois signifie que lorsqu’il est engagé dans quelque
chose, il est habituellement inattentif à toute autre chose autour de
lui, comme être appelé pour le souper pendant qu’il joue. Jusqu’à la
période de cinq à sept ans (sept à neuf pour les enfants plus
sensibles), leur système d’attention est encore en développement et
ils peuvent avoir l’air de ne pas écouter quand on leur parle, faire
des erreurs d’inattention, facilement se déconcentrer de ce qu’ils
sont en train de faire, perdre rapidement de l’intérêt pour un jeu,
avoir de la difficulté à organiser une activité, perdre leurs choses et
avoir l’air perdus.
L’immaturité du système d’attention des jeunes enfants et leur
incapacité à s’occuper de plus d’une chose à la fois sont très
importantes à considérer lorsque vient le temps de poser un
diagnostic de trouble de l’attention. Les jeunes enfants apparaissent
naturellement inattentifs, impulsifs et hyperactifs, répondant ainsi à
plusieurs critères utilisés pour confirmer des troubles d’attention. Les
diagnostics de trouble de déficit de l’attention/hyperactivité (TDAH)
ont augmenté d’un fulgurant 500 pour cent entre 1980 et 200024, en
faisant le trouble psychiatrique le plus communément diagnostiqué
chez les enfants25. Au Canada, les prescriptions de Ritalin, un
médicament populaire utilisé pour traiter les TDAH, ont augmenté de
55 pour cent chez les enfants de moins de 17 ans en moins de
4 ans26. Les lignes directrices de l’American Academy of Pediatrics
en matière de diagnostic de TDAH permet de considérer ces
troubles chez des enfants aussi jeunes que quatre ans27, malgré le
fait que l’âge typique pour l’intégration du cerveau soit de cinq à sept
ans ou de sept à neuf ans pour les enfants sensibles. De ce fait, il y
a maintenant de plus grands risques qu’on diagnostique des
problèmes d’attention chez les enfants dont le système d’attention
est encore naturellement immature plutôt que de présenter des
troubles cérébraux28. Chez les jeunes enfants, les mauvais
diagnostics de troubles de l’attention confondus avec l’immaturité
cérébrale sont bien réels, tel que l’ont conclu de nombreuses études
auprès d’enfants en centre de la petite enfance au Canada et aux
États-Unis. Soixante pour cent des enfants le plus à risque d’être
diagnostiqués avec un TDAH avaient en commun le fait d’être les
plus jeunes de leur groupe29.
J’ai emmené mon fils jouer au golf. Il s’amusait bien jusqu’à ce qu’il devienne
frustré parce que sa balle n’allait pas là où il voulait l’envoyer. Je lui disais d’être
patient, mais il se fâchait encore plus. Il a même lancé ses bâtons, en colère et en
disant qu’il abandonnait. Je lui ai dit de continuer d’essayer et de travailler sur ses
coups, mais il s’est mis à crier et à hurler. Qu’est-ce que je suis censé faire quand il
fait cela ? Est-il paresseux ? Il ne fait aucun effort et ne fait qu’abandonner quand
ça devient trop difficile. Ce n’est pas ce que j’attends de lui.
4. Maintenir une position alpha et éviter de substituer les émotions chez l’enfant
Lorsque les émotions d’un jeune enfant éclatent ou qu’il se met à
agir de façon immature, les adultes doivent prendre en charge la
situation en tant que responsables du bien de l’enfant. C’est le cas
au terrain de jeux tout autant qu’à la maison avec les conflits entre
frères et sœurs. Dans ces situations, il est primordial de conserver
intacte votre relation avec l’enfant et de ne pas substituer une
émotion pour une autre, chez lui. Par exemple, lorsqu’un jeune
enfant est frustré et devient violent, l’adulte peut réagir en lui criant
d’arrêter ou en le menaçant pour qu’il cesse. La frustration de
l’enfant peut alors être remplacée par la peur, ce qui peut attiser un
choc émotif. De plus, quand un parent substitue l’émotion originale
de l’enfant par une autre, le moment qui lui aurait permis de
comprendre ce qui avait causé sa frustration est malheureusement
passé.
La plupart des problématiques comportementales chez l’enfant
sont produites par la frustration ou par l’alarme et pour pouvoir
enseigner aux enfants les mots qui remplacent les coups et les cris,
nous avons besoin de circonstances opportunes pour connecter les
pulsions avec des mots « d’émotions ressenties ». Cela peut se faire
en reconnaissant les sentiments de l’enfant et en mettant des mots
sur leurs pulsions. Quand on alarme un enfant dans le but de le faire
collaborer, cela contrecarrera probablement toute possibilité de
comprendre l’émotion qu’il ressentait originellement. Des émotions
déplacées peuvent se déchaîner sur d’autres enfants, animaux ou
jouets. Le chapitre 6 traite des émotions chez l’enfant et le chapitre 7
se concentre spécifiquement sur la frustration et l’agressivité.
Mère (conduisant les enfants à l’école) : Qu’est-ce que tu vas dire aux autres au
sujet de ton capteur de rêves lors de ta présentation, ce matin ?
Tabitha : Je ne vais pas leur montrer.
Mère : Voyons ! À la maison, tu étais tout excitée à l’idée de parler aux autres
enfants de ton capteur de rêves. As-tu peur ? Y a-t-il un côté de toi qui est excité de
le montrer et un autre qui a un peu peur ?
Tabitha : Maman, il n’y a aucun côté de moi qui veut montrer mon capteur de rêves
aux autres enfants !
La semaine dernière nous étions au terrain de jeux, et Zach était entouré de plus
jeunes enfants. Un des tout-petits l’a poussé. J’ai commencé à courir vers eux,
mais Zach n’a pas bougé. Il n’a fait que regarder le petit. Ce soir-là, à l’heure du
coucher, j’en ai discuté avec lui.
Mère : J’ai remarqué qu’un petit t’a poussé, aujourd’hui, au parc. Tu ne l’as pas
poussé en retour. Qu’est-ce qui se passait en toi ?
Zach : Quand il m’a poussé, tout ce que j’ai ressenti, c’est mon besoin de prendre
soin de lui.
Mère : Prendre soin de lui ? Tu n’avais pas de poussée en toi ?
Zach : Non. Pas de poussée. Mais j’avais un câlin pour lui en moi.
Mère : Un câlin ? D’où est-ce qu’il venait, ce câlin ?
Zach : Oh, maman ! Ce petit garçon vivait un mauvais moment, il avait besoin d’un
câlin.
Mère : Et pourquoi tu ne le lui as pas donné, ce câlin ?
Zach : J’ai pensé que si j’avançais pour lui faire un câlin, il allait encore me pousser.
Préserver le jeu :
à la défense de l’enfance à l’ère numérique
C’est ce qu’on a à l’intérieur de nous qui fait ce que nous sommes, qui nous permet de
rêver, de nous émerveiller et d’être attentifs aux autres. C’est là l’essentiel. C’est ce qui fera
toujours une vraie différence dans le monde.
FRED ROGERS1
Le jeu est en voie de disparition chez ceux qui en ont le plus besoin
Je vois des familles qui remplissent l’agenda quotidien de leur enfant en faisant
plusieurs activités chaque semaine, et leur raisonnement est que ce faisant, ils
fournissent à leur enfant des habiletés pour prendre de l’avance sur les années
d’école. Je crois sincèrement que les enfants qui vivent leurs premières années
avec des vies actives, remplies, ne comprennent pas le sens du mot « pause » et
ressentent le besoin de remplir leur espace avec du bruit blanc, n’ayant ainsi jamais
de véritable occasion de se reposer et d’être pleinement des enfants.
J’adore regarder mes enfants quand ils sont plongés dans le jeu, habillés de
costumes incroyablement créatifs et expressifs. Les meilleurs semblent être quand
ils utilisent de simples éléments : foulards, pièces de vêtements et accessoires.
Récemment, mon fils jouait au pirate sur notre terrasse, devenue son bateau. Il
était seul, mais il y avait plein de sons et d’action comme dans une vraie bataille de
pirates. Le bruit de ses coups de pieds, de ses coups de poings et de ses cris de
bataille était si réel, je pouvais presque sentir la terrasse rouler sur les vagues !
Les enfants ont besoin de découvrir leur propre histoire dans le jeu
plutôt que d’être ensevelis par les histoires de tout le monde.
On dit souvent que les enfants jouent, même lorsqu’il y a des
objectifs externes imposés sur le temps de jeu et des conséquences
en matière de performance, deux choses qui ne font que diminuer
l’exploration et l’expression chez l’enfant. Pour créer de véritables
opportunités de jeu chez l’enfant, on doit s’assurer que leur
engagement dans une activité n’inclut pas le fait de se concentrer
sur un résultat, n’est pas limité par la peur de conséquences dans la
vraie vie et n’en fait pas de simples récepteurs passifs pour des
informations ou des instructions.
La route pour devenir son propre soi est bien capturée dans cette
affirmation que le jeune Aiden, trois ans, a faite à sa mère. Elle l’a
interrompu pendant qu’il jouait, en lui disant « viens mon poussin,
nous devons aller au magasin ». Aiden s’est retourné avec les mains
sur les hanches et a fièrement déclaré : « Ne m’appelle pas ton
poussin, je ne suis pas ton poussin, je suis Aiden ! » Je pense
souvent au fait que si nous devons préserver l’esprit de l’enfance,
nous devons donner à chaque enfant de deux ou trois ans une petite
célébration bien spéciale pour souligner leur arrivée psychologique
dans l’individualité à grands coups de « Moi je fais » ou « Moi
capable tout seul ». Cela nous aiderait à nous arrêter suffisamment
longtemps pour prendre conscience que les mots « Je suis » ne sont
rien de moins qu’un miracle développemental.
Chaque soir nous jouons ce jeu où je suis le papa chien et il est le chiot grognon. Il
grogne et m’attaque pendant près de 45 minutes. Il grogne, montre les dents et
tente de me mordre, mais ne me fait jamais mal. Je le tiens au sol et il lutte pour se
libérer. On fait cela encore et encore jusqu’à ce qu’il soit exténué. Je sais qu’il a fini
quand il vient se rouler en boule sur moi en gémissant comme un chiot blessé. Je
le tiens et le flatte jusqu’à ce qu’il ait fini, lui répétant que papa chien est là pour
prendre soin de lui.
LE JEU est une chose que les jeunes enfants devraient vraiment bien
savoir comment faire, mais ils doivent disposer des libertés
nécessaires pour que le jeu se produise. Les estimations actuelles
démontrent un déclin du temps de jeu, étouffé par un tas d’activités
concurrentes en plus des enseignements. Les sociologues Sandra
Hofferth et John Sandberg ont découvert qu’entre 1981 et 1997, il y
avait une réduction de 25 pour cent dans le temps que les enfants
passaient à jouer24. Ils ont également mesuré une diminution de 55
pour cent dans le temps passé à converser, à la maison, 19 pour
cent de moins d’heures passées à regarder la télévision, une
augmentation de 18 pour cent du temps passé à l’école, 145 pour
cent d’augmentation du temps passé sur du travail scolaire à la
maison et 168 pour cent d’augmentation du temps passé à
magasiner avec leurs parents. Le jeu est en compétition avec des
enseignements académiques accrus, des activités structurées et des
activités axées sur la consommation.
Pour qu’un enfant puisse vraiment jouer, il doit bénéficier de
certaines libertés. Celles-ci incluent que ses besoins de base soient
comblés, afin qu’il soit, par exemple, rassasié, bien au chaud, sans
douleur ni fatigue. Il a également besoin de liberté par rapport aux
enseignements et apprentissages. Plusieurs parents ne veulent pas
pousser leur enfant, académiquement, mais craignent qu’il ne puisse
alors pas se mesurer aux autres en classe s’ils ne le font pas. Une
mère me disait : « Quand ma fille était en maternelle, j’ai réalisé
qu’elle était une des dernières à savoir lire. J’ai commencé à
m’inquiéter parce que je ne l’avais jamais poussée à lire, mais plutôt
à aimer les livres. Je m’inquiétais qu’elle puisse se retrouver à la
traîne, mais je ne pouvais pas me faire à l’idée de la forcer à lire. Je
suis reconnaissante de ne pas l’avoir fait parce qu’en quatrième
année, elle m’a dit qu’elle était une des seules de sa classe qui
aimait lire. » Les parents ne sont pas les seuls à ressentir la
pression de forcer les matières académiques chez leurs enfants dès
la petite enfance, les professeurs la ressentent aussi, tel que me
l’expliquait cette enseignante :
Les enfants ont besoin de temps où ils peuvent n’être que des enfants, mais il y a,
dans certaines prématernelles et maternelles, une emphase exagérée mise sur le
fait que les enfants doivent lire ou apprendre les mathématiques aussitôt que
possible. La directrice de mon école s’attend à ce que les petits fassent des
apprentissages académiques à la maternelle, malgré le fait que d’être là toute la
journée représente déjà un assez grand défi pour eux. C’est stressant également
parce que les parents, eux aussi, s’attendent à la même chose.
LA LIBERTÉ DE JOUER
être suffisamment libre de douleur, de faim et de fatigue
être suffisamment libre d’enseignement et de scolarité
être suffisamment libre d’activités structurées
être suffisamment libre d’écrans et de divertissement/distraction
être suffisamment libre de pairs et de frères et sœurs
être suffisamment libre des conséquences et du travail d’attachement
Stratégies pour promouvoir les conditions idéales pour faire place au jeu
Après quelques jours passés à essayer différentes choses, j’ai appris comment
mon fils de deux ans et demi, Olivier, fait l’expérience du vrai jeu. Quand il était
reposé, nourri et qu’il avait reçu beaucoup d’attention de ma part, je le câlinais
jusqu’à ce qu’il me donne l’impression de vouloir me repousser. Je lui demandais
ensuite s’il voulait jouer et je le mettais sur le sol. J’ai compris que je devais rester
dans la même pièce que lui puisqu’il me surveillait de temps en temps, et je ne
pouvais rien faire d’intéressant ni le regarder directement, parce que ça aurait
détourné son attention. Quand il avait assez joué, il se traînait jusqu’à moi pour une
nouvelle dose d’attention et de câlins ; je lui lisais alors un livre ou nous faisions
quelque chose d’autre ensemble et, ensuite, il me repoussait de nouveau. J’étais
estomaquée de voir à quel point il jouait bien par lui-même quand je ne faisais que
lui donner ce dont il avait besoin et attendre qu’il se détache.
Mon mari est passionné de vélo de montagne et était impatient d’enseigner à notre
fille comment rouler à bicyclette. Lorsqu’elle reçut son premier vélo, il essaya de lui
enseigner à le monter, mais elle ne voulait que jouer avec les serpentins du guidon
et le laver. Éventuellement, elle dit à son père qu’elle voulait faire le tour de la rue
en marchant avec son vélo, et alors qu’ils marchaient, elle arrêtait à chaque 10 pas
pour prendre une gorgée de sa bouteille d’eau et la remettre soigneusement en
place dans son support. Elle a vraiment adoré jouer avec sa bicyclette, mais mon
mari était totalement consterné.
Alors que le père était appelé à constater que l’intérêt de sa fille pour
le jeu était plus important que son programme, il a été capable de
laisser aller ses attentes et de se réjouir du plaisir de celle-ci.
Mon fils avait l’habitude de s’asseoir au piano avec sa sœur et de lui demander
quelle chanson elle aimerait qu’il lui joue. Un jour, il lui a donné deux choix, « Puff,
the magic dragon » ou une chanson à propos d’un endroit nommé Agatera. Skylar
lui dit qu’elle voulait entendre la chanson Agatera. Mon fils approuva, et bien qu’il
n’ait jamais pris de leçons de piano, il inventa une chanson au sujet d’un endroit
nommé Agatera sur l’air de « Puff, the magic dragon ». J’étais sur le point de partir
à rire tout autant que de le louanger pour être si créatif. Je n’ai finalement rien dit,
parce que j’ai eu peur de l’interrompre au milieu de leur jeu et de risquer de les voir
tout arrêter.
Affamé de connexion :
l’importance de la relation
Il n’y a pas de sécurité dans cet investissement. Le seul fait d’aimer, c’est se rendre
vulnérable. Aimez n’importe quoi et votre cœur sera certainement tordu et possiblement
brisé. Si vous voulez être certain de le garder intact, vous ne devez donner votre cœur à
personne, pas même à un animal. Enveloppez-le soigneusement et entourez-le de loisirs et
de petits luxes ; évitez les enchevêtrements ; verrouillez-le bien en sécurité dans le cercueil
de votre égoïsme. Mais dans ce cercueil, sécuritaire, sombre, sans air ni mouvement, il va
changer. Il ne sera pas brisé ; il deviendra incassable, impénétrable, irrécupérable.
C. S. LEWIS1
Des fois je rêve que quand je me réveille, j’ai une balance à amour et toi aussi. La
tienne mesure toujours plus d’amour que la mienne, alors je pèse vraiment fort pour
qu’elle rejoigne la tienne. Chaque fois que j’y arrive presque, la tienne en pèse
encore plus. Je ne peux pas rattraper ton amour, maman !
UNE DES CHOSES dont mon grand-père était le plus fier au sujet de
son jardin, c’était la terre. Il chérissait sa terre riche, noire, un
mélange de compost qu’il perfectionnait constamment et qui
contenait « le secret de la croissance ». Comme tout enfant, je
n’avais pas grand intérêt envers la terre et avais plus d’intérêt à
savoir quand les fruits et légumes seraient prêts. Soupçonnant mon
impatience, il me rappelait de ne jamais sous-estimer l’importance
de donner une bonne fondation, même si l’on n’en voyait pas
directement les bénéfices. Ce qu’il savait d’instinct, c’était que plus
les racines sont profondes, meilleur sera le rendement. Avec du
recul, je réalise à quel point il en savait au sujet de l’attachement. Il
travaillait à cultiver de solides racines pour alimenter et soutenir la
croissance. Il n’aimait pas les raccourcis ni les méthodes qui forcent
l’atteinte des résultats ; il avait une fibre organique jusqu’au plus
profond de son être.
Les six phases séquentielles de l’attachement selon Neufeld
détaillent comment l’attachement se déploie, idéalement, sur les six
premières années de vie. Chaque phase séquentielle ajoute plus de
complexité et de profondeur à la capacité d’un enfant de s’attacher à
une autre personne. Chaque phase devrait fournir une nouvelle
manière de prendre contact avec quelqu’un et d’être capable de
maintenir une proximité avec cette personne. Plus nombreuses sont
les façons dont dispose un enfant pour maintenir la proximité, mieux
sera alimentée sa croissance en un être distinct, sociable et capable
d’adaptation. Bien que les enfants naissent avec la capacité d’entrer
en relation, leurs instincts d’attachement ont besoin d’être activés
par des soins constants et prévisibles. Il n’est jamais trop tard pour
que le potentiel d’attachement se concrétise, même s’il ne s’est pas
déployé pendant les six premières années de vie.
Quand Ben, le frère de Brittany, a quitté la maison avec son père, je me suis
tournée vers elle et lui ai dit à quel point j’avais hâte de passer du temps seule avec
elle. Brittany m’a regardée et a dit : « Maman, on va devoir avoir une nouvelle
maman. » J’étais surprise, mais j’ai réussi à lui demander pourquoi elle jugeait
qu’une autre maman était nécessaire. Elle m’a répondu : « Je veux une autre
maman et la donner à Ben pour que je puisse te garder, toi. »
Quand des gens entrent chez moi, j’entends Isabella leur dire « enlevez vos
souliers, on ne rentre pas avec des souliers » ou « accrochez votre manteau ».
Isabella leur dira de ne pas courir dans la maison et d’être gentils avec son frère
même lorsqu’il est difficile ou qu’il pleure. Elle les emmène même pour un tour du
jardin et leur dit le nom des fleurs. Les gens pensent qu’elle est intelligente, mais
elle ne fait que répéter ce qu’elle nous entend dire et ce que nous faisons.
Mon mari conduisait et nous nous en allions souper. J’ai décidé de lui donner
quelques conseils amicaux de conduite et de l’encourager à prendre un raccourci
pour aller au restaurant. Il n’a pas aimé ma façon de le diriger sans être au volant et
m’a dit : « Je crois qu’après 20 ans de conduite, je dois savoir comment conduire et
où me stationner. » Je lui ai dit que je voulais seulement l’aider, parce que le
chemin qu’il prenait était vraiment congestionné. Tout à coup, Nathan a crié à son
père « Papa ! Pourquoi tu n’écoutes pas maman ? Elle sait où aller ».
La loyauté d’un jeune enfant est quelque chose de très personnel
et est un des meilleurs signes que l’attachement se développe bien
chez l’enfant de deux ans. La possessivité chez les petits d’âge
préscolaire n’est pas un accident, mais bien une condition
nécessaire qui leur permet de s’aventurer un peu plus loin tout en
s’assurant que la personne à qui ils sont attachés vienne avec eux.
L’attachement à travers l’appartenance et la loyauté contrebalance la
séparation qu’ils ressentent en devenant leur propre personne.
J’avais été prendre Geneviève à la garderie et alors que nous marchions vers la
maison, je lui ai raconté que j’avais vu, dans sa classe, une petite fille très jolie
avec un grand sourire qui semblait vraiment avoir du plaisir. Comme je parlais de
cette petite fille et de combien je la trouvais spéciale, Geneviève commençait à être
triste. Je lui ai demandé si elle savait quel était le nom de cette petite fille et elle a
dit : « Non ! » Je lui ai ensuite dit que la petite fille de qui je parlais, c’était elle et
que je l’avais observée par la fenêtre de la classe. Le sourire sur le visage de
Geneviève est devenu énorme alors qu’elle réalisait que c’était d’elle que j’avais
parlé tout le long.
C’était vraiment étrange de voir Ellie avec sa main devant sa bouche comme si elle
était à la veille de dire quelque chose d’important. Elle essayait clairement de
retenir quelque chose, mais on aurait dit qu’il y avait trop de pression en elle pour
qu’elle puisse le retenir. Je lui ai finalement demandé quel était le problème et elle a
dit : « Oh papa ! Je ne veux pas te le dire, mais il faut que je te le dise. J’ai fait
exprès de cacher le train d’Oscar parce qu’il ne voulait pas le partager avec moi. »
L’inclinaison d’Ellie à être connue de son père était plus grande que
la peur de confesser quelque chose de mal qu’elle avait fait. Les
secrets ont le pouvoir de nous séparer des êtres de qui nous
voudrions être connus tout autant que de nous rapprocher d’eux.
Les parents sont souvent stupéfaits quand leurs enfants
commencent à mentir. La bonne nouvelle, c’est que mentir démontre
l’intégration cérébrale et la capacité, pour l’enfant, de s’occuper de
deux pensées ou deux sentiments à la fois. Cela annonce la fin de la
personnalité préscolaire, mais la reconnaissance de cette
sophistication est souvent étouffée dans le chaos qui entoure le
mensonge. Lors d’un souper de fête, quelqu’un m’a questionnée au
sujet de son fils de six ans qui venait de dire son premier
mensonge :
Megan : Toby m’a regardée droit dans les yeux et m’a dit qu’il n’avait pas pris le
bonbon dans mon sac, mais j’ai trouvé les emballages cachés dans sa chambre.
J’étais si fâchée que je l’ai privé de dessert pour toute une semaine et lui ai dit de
ne plus jamais me mentir. Qu’est-ce que je suis censée faire ?
Moi : Oh, Megan, Toby est maintenant capable de mentir ; c’est une superbe
nouvelle ! De t’entendre me dire qu’il peut maintenant s’occuper de deux choses à
la fois dans sa tête, la vérité et le mensonge, c’est une fantastique étape du
développement. Je comprends que tu sois triste, mais est-ce que tu comprends ce
que cela signifie ?
Megan (qui regarde une autre amie avec les yeux ronds et la bouche ouverte) : Es-
tu complètement folle ?
Moi : Sérieusement, Megan, ça veut dire que son cerveau s’est développé au-delà
de la façon préscolaire de voir le monde. Tu as déverrouillé la porte à tant de
potentiel de maturité : il est suffisamment sophistiqué pour te cacher des choses. Il
sait que mentir est mal, ce n’est pas ça le problème. Il ne voulait pas avoir à se
révéler à toi ; c’est ça le problème. Un des antidotes aux mensonges et aux
cachotteries, c’est le désir d’être connu par nos attachements les plus proches. Est-
ce qu’il te dit parfois ses secrets ?
Megan : Oui, la plupart du temps, je crois…
Moi : Alors, rends cela sans danger pour lui de le faire, même lorsqu’il échoue. Il
peut maintenant décider avec qui il veut partager son cœur ; tu dois t’accrocher à ta
relation avec lui de façon à t’assurer que ce soit avec toi.
Megan : Bon, comment suis-je censée traiter le fait qu’il ait menti ?
Moi : Lui as-tu demandé pourquoi il avait pris le bonbon ? Mon opinion est qu’il
voulait un bonbon, savait que tu allais dire non, ce n’est pas ce qu’il voulait
entendre et il n’a pu résister à la tentation de le voler. C’est ça, la vie. Il a besoin
d’être en relation avec ses sentiments et pulsions qui tentent de lui faire prendre
des raccourcis et de ne pas accepter un « non » pour les choses qu’il veut avoir,
mais ne peut pas avoir.
Megan : Et comment cela va-t-il l’empêcher de mentir encore ?
Moi : A-t-il l’air désolé ou l’est-il seulement parce que tu le lui as fait dire ? Tu n’as
qu’à faire la lumière sur ça pour qu’il puisse réfléchir à ce qu’il a fait et comment il
se sent confus à ce sujet. C’est le message que tu veux qu’il assimile : que ces
pulsions et sentiments font partie de nous tous. Ce qui est important, c’est de quelle
façon on y répond.
Megan : Ugh… Il ne veut même plus en parler, maintenant. J’ai déjà retiré tous ses
desserts.
Moi : Je suis pas mal certaine que tu auras une autre occasion. La tentation de
mentir ne nous quitte jamais.
Quand on est parent d’un jeune enfant, le but ultime est d’ouvrir
la porte aux six formes d’attachement dans un contexte de relation
profonde et vulnérable entre l’enfant et l’adulte. Cela peut seulement
se produire si la connexion est constante, prévisible et à l’abri de
toute rupture, et si l’enfant peut faire l’expérience de ses émotions
de façon vulnérable. Lorsque ces conditions sont réunies et que
l’enfant se déploie en un être relationnel, son développement sera
propulsé vers l’avant.
L’attachement alimente la croissance de l’enfant pour en faire un
être fonctionnel distinct, ce qui est une chose magnifiquement
paradoxale. Comme des partenaires de danse qui s’attachent et se
détachent dans des pas et pirouettes complexes, mais superbes, et
qui travaillent en tandem. La capacité des enfants de tendre vers
leur potentiel humain dépend de la profondeur des racines de
l’attachement qui les nourrit. Quand l’attachement devient plus
profond, le fonctionnement distinct est poussé vers l’avant, dans la
direction opposée. Les enfants ne peuvent s’aventurer au loin pour
jouer que lorsqu’ils ont l’assurance d’un port d’attache vers lequel ils
peuvent retourner. L’attachement est une des plus grandes forces de
la nature humaine, une force qui nous entraîne les uns vers les
autres. En même temps, elle est contrebalancée par des forces qui
tirent nos enfants vers un devenir de fonctionnement distinct et
d’identité individuelle. C’est une union parfaite de forces opposées :
alors que nous retenons nos enfants, ceux-ci sont libres de jouer, de
croître et de devenir, ultimement, des êtres distincts.
BIEN QUE LES ENFANTS NAISSENT avec l’instinct de s’attacher, les adultes
doivent jouer un rôle actif à ce sujet. Une des façons les plus
fondamentales de transmettre le désir de proximité est à travers le
rituel d’apprivoisement. Nous devons inviter nos enfants à entrer en
relation avec nous en apprivoisant leurs instincts d’attachement ;
nous devons travailler à obtenir leur attention. En s’engageant dans
la danse d’apprivoisement, on entre dans leur espace d’une façon
amicale et on travaille à obtenir un sourire, un contact visuel ou peut-
être un simple hochement de tête signifiant leur accord. Vous
pouvez, par exemple, dire : « Je vois que tu construis une haute tour
avec tes blocs, c’est haut ! J’aime les blocs, moi aussi. » Une fois
qu’ils semblent réceptifs à notre attention, on peut les impliquer
davantage en offrant un geste de contact et de proximité. Si l’enfant
semble réceptif, on peut choisir de continuer la conversation ou
encore d’inviter l’enfant à partager ses idées : « Jusqu’à quelle
hauteur crois-tu pouvoir la construire ? Est-ce que je peux t’aider ? »
Bien que le rituel d’apprivoisement puisse sembler bénin, il s’agit
d’une façon naturelle et puissante de communiquer le désir d’être
proche de quelqu’un. Notre expression de plaisir et de chaleur nous
place à l’avant-plan et au centre de l’attention de l’enfant, en position
idéale pour prendre soin de lui. Le rituel d’apprivoisement est la
représentation constante de l’adulte en tant que réponse à la faim de
l’enfant pour le contact et la proximité, forgeant et solidifiant le lien
relationnel entre eux. Comme l’a résumé Benjamin Spock, s’il
existait une prescription pour prendre soin d’un enfant, ce serait de
les apprécier12.
Il n’y a pas de bonne méthode pour apprivoiser un enfant ;
l’apprivoisement se crée par des pratiques culturelles tout autant que
par la disposition individuelle. Certains enfants seront apprivoisés
par le son de la voix de quelqu’un, alors que d’autres préfèrent le
toucher ou le contact visuel. Les exemples d’apprivoisement varient
d’un adulte à un autre, mais il ne manque pas d’idées quand il est
question de simplement être dans la mire de l’enfant de façon simple
et amicale. Ce qu’il est important de se rappeler, c’est qu’apprivoiser
un enfant n’a que peu à voir avec la stratégie ou les procédures, et
bien plus avec un désir sincère d’être proche. Je me souviens
encore de la merveilleuse façon qu’avait mon grand-père de
m’apprivoiser quand nous allions le visiter. Il nous attendait dans
l’entrée, un grand sourire aux lèvres pendant que nous nous
stationnions. Je me souviens que ses yeux bleus brillaient quand il
me regardait, je me sentais comme si j’étais aimée jusqu’au plus
profond de mon être. Il nous accueillait dans sa demeure avec de la
nourriture, des boissons et des rires. Il nous apprivoisait parce qu’il
nous aimait et non pas parce qu’il devait le faire ou parce qu’un livre
lui avait dit de le faire. Il était la personnification de la chaleur, de
l’affection et du plaisir, et je me retrouvais instantanément attirée par
le fait d’être à ses côtés.
Une des erreurs les plus communes que nous faisons avec les
jeunes enfants est de nous attendre à ce qu’ils suivent nos ordres
alors qu’ils n’ont pas été apprivoisés. En apprivoisant un enfant,
vous arrivez à lui faire fixer son attention sur vous et à vous suivre
en raison de son instinct d’attachement. Avec les jeunes enfants,
nous devons apprivoiser leur instinct d’attachement avant de leur
donner des consignes. Étant donné qu’ils ne peuvent traiter qu’une
chose à la fois, les faire décrocher de leur jeu, leur demander de
rentrer et de franchir d’autres transitions sont des actions qui sont
facilitées s’ils ont d’abord été apprivoisés. Si vous n’êtes pas à
l’avant-plan et au centre de son attention, vous ne vous trouvez pas
dans son cercle d’influence.
Une mère est venue me voir après une présentation sur les
jeunes enfants et m’a dit : « Mais ça prend de l’énergie et du temps
pour les apprivoiser et je ne dispose pas de ce temps-là le matin. »
Je lui ai demandé comment se déroulaient ses matins et elle m’a
expliqué : « C’est terrible ; on se bat tous les matins pour sortir. Je
dois laisser mon plus vieux à l’école et ensuite mon plus jeune à la
garderie. Je suis toujours en retard et je suis déjà crevée quand je
les dépose. La seule chose qui fonctionne pour les faire bouger,
c’est de leur donner du temps pour utiliser leurs appareils
électroniques s’ils ont fait tout ce qu’ils devaient faire, mais ensuite,
je ne peux pas les détacher de leur machine quand vient le temps de
partir. Tous les matins, c’est le même combat. » Je lui ai demandé si,
à d’autres moments, ses enfants la suivaient plus docilement. Elle a
répondu oui, mais a souligné la période sous pression du matin
comme étant la plus problématique. Je lui ai suggéré d’essayer
d’apprivoiser ses enfants le matin en passant par la mise en place
d’un rituel prévisible pour les impliquer ; par exemple, leur lire une
histoire, partager avec eu la planification de la journée, les nourrir…
simplement se mettre en leur présence d’une manière amicale. J’ai
évoqué qu’il était difficile d’essayer d’attirer l’attention de l’enfant
quand il est collé à un appareil électronique, alors elle devrait peut-
être réserver ces appareils pour un autre moment de la journée. Ce
qu’il était le plus important de faire pour modifier les choses était
d’être capable de démontrer de la chaleur, du bonheur et du plaisir à
ses enfants, le matin. Elle a dit : « Mais je suis inquiète qu’ils ne
soient pas prêts, que je sois en retard et que j’aie à travailler afin de
les apprivoiser. » Je lui ai répliqué : « On dirait que vous êtes déjà en
retard et que vous vous battez avec eux pour partir chaque matin.
Mon avis, c’est que les choses risquent peu de changer, sauf si c’est
vous qui montrez la voie. Je ne dis pas que vous aurez à travailler
plus fort, mais vous aurez à travailler différemment. Est-ce que vous
pouvez vous dégager un peu de temps pour expérimenter
l’apprivoisement de vos enfants le matin et faire les choses
autrement ? » Elle m’a dit qu’elle essaierait et qu’elle allait me
revenir. Le jour suivant, elle me dit : « J’ai essayé de les apprivoiser
ce matin et je ne pouvais pas le croire, ça a vraiment fonctionné ! »
Ses yeux s’emplirent de larmes et elle poursuivit : « Je ne peux pas
le croire. Je me suis battue avec eux si longtemps, et c’était
seulement ça que je devais faire… J’avoue que j’avais de sérieux
doutes que cela fonctionnerait, mais maintenant que ça a fonctionné,
je me sens comme si j’avais retrouvé mes enfants. »
Ce qui est remarquable, c’est la capacité de cette mère à utiliser
un rituel de rassemblement pour apprivoiser ses enfants et
transformer son matin si rapidement. À mon avis, elle avait plus de
pouvoir, comme parent, qu’elle ne le réalisait. Elle avait
probablement travaillé très fort à établir et cultiver une relation avec
ses enfants, mais ne savait pas comment en tirer profit. Cette mère
m’a rappelé de ne jamais sous-estimer la force de l’attachement
pour ramener un enfant sous la garde rapprochée de ses parents.
Cela souligne particulièrement bien QUI est la personne censée
alimenter les enfants, COMMENT ceux-ci doivent-ils être nourris et
POURQUOI est-ce si important. Le rituel d’apprivoisement fournit
tous les ingrédients nécessaires pour répondre à la faim de
connexion qu’ont les enfants.
Les pairs comme attachements concurrents
Peter démontre un manque de respect envers les autres enfants et les éducateurs.
Par exemple, aujourd’hui, alors que madame Mavis chantait une chanson aux
enfants, Peter a dit d’un ton provocant à la personne assise près de lui : « Pourquoi
chante-t-elle toujours avec cette voix ? Elle chante toujours aussi mal, pas vrai ? »,
suivi d’un éclat de rire. Il a aussi dit à un ami assis à ses côtés, et pouvant être
entendu par l’autre enfant dont il était question : « N’est-ce pas que Noah est
horrible ? » Peter est régulièrement provocant dans ses commentaires et tente
d’amener d’autres enfants à suivre son exemple. Son comportement perturbe la vie
de la garderie. Nous lui avons dit que ces actions sont inappropriées, mais il ne
nous écoute pas ni ne nous laisse l’approcher.
Nous avons été mis sur terre avec bien peu de moyens,
Pour apprendre à gérer toute la force de l’amour.
WILLIAM BLAKE1
Peut être autoritaire, contrôlant et exigeant même avec des pairs égaux ou
ceux de qui il devrait dépendre
Cherche à être au-devant ou à prendre le rôle central en tout temps
Peut être contraint de tenir les rênes ou de dominer dans des situations où
ce n’est pas nécessaire
Peut être poussé à montrer sa supériorité sur ses pairs égaux
Peut avoir de la difficulté à accepter des instructions (consignes) ou à
demander de l’aide
Peut être poussé à initier les interactions ou à avoir le dernier mot même
avec ses pairs égaux ou avec ceux de qui il devrait dépendre
Doit toujours être tenu au courant et peut agir comme un « je-sais-tout »
Logan a souvent l’air mécontent et est souvent frustré. Il ne peut jouer seul et exige
que je joue avec lui. Il se met en colère quand je ne fais pas exactement ce qu’il
veut. Même lorsque je passe la journée entière avec lui, il se fâche quand je dois
aller faire autre chose. Rien n’est jamais assez bien et il semble toujours avoir une
tonne d’énergie à dépenser. Même après avoir joué au hockey, fait de la bicyclette,
être allé au parc, il est encore électrisé le soir. Il ne semble jamais être fatigué.
C’est difficile pour moi de regarder mon enfant pleurer et être triste au sujet des
choses que je lui refuse. Quand j’étais enfant, il ne m’était pas permis d’être triste à
propos de rien. Le but était d’avoir une pensée positive et de toujours voir le verre à
moitié plein. Je me sentais mal quand j’étais triste, comme s’il y avait quelque
chose d’anormal avec moi. Je me débats avec ces sentiments chaque fois que je
dois imposer des limites et donner à ma fille de l’espace pour qu’elle vive sa
frustration, sa tristesse ou sa colère. La bonne nouvelle, c’est que plus je
comprends ce qui est important pour elle, mieux je suis capable de le faire.
Si la façon de prendre soin d’un enfant est menée par les désirs
insatisfaits d’un adulte ou encore en réaction à ses propres
antécédents, cela peut déplacer l’instinct alpha naturel du parent, ce
qui pousse l’enfant à prendre les rênes et à dominer l’adulte.
Le remède est, pour les parents, de viser la réflexion et la
transparence quand il est question de leurs propres attentes et
motivations. On peut commencer à réfléchir sur qu’est-ce qui
fonctionne ou pas pour notre enfant, se concentrer sur le fait de bien
comprendre ses besoins, demander à un autre parent son opinion
lorsque le besoin d’une autre perspective se fait sentir et décider de
la façon dont on souhaite être présent pour notre enfant, chaque
jour.
4. Trop de séparations
L’anxiété de séparation est courante chez les jeunes enfants et est
le reflet de leur irréductible besoin d’attachement. Et bien que la
séparation physique fasse partie des expériences quotidiennes de la
vie d’un jeune enfant, s’il y en a trop ou si la connexion avec l’adulte
qui s’occupe de lui n’est pas fiable ou consistante, cela peut inverser
la relation adulte-enfant. Lorsqu’un enseignant ou une éducatrice
prend soin d’un enfant, la bonne relation doit être développée afin de
prévenir que l’enfant puisse changer de rôle et adopter une attitude
alpha. Et même si les adultes considèrent que la garderie est un
service pour lequel ils paient, les enfants seront réceptifs à faire
prendre soin d’eux seulement s’ils ont de solides substituts
parentaux sur qui ils peuvent se fier. Les éducateurs de garderie me
disent qu’ils savent qu’un enfant se sent vraiment « chez soi » avec
eux quand l’enfant les appelle maman ou papa « par erreur ».
Un jour, une mère m’a appelée, en détresse, après qu’un
enseignant de maternelle ait puni sa fille en lui retirant un collier
avec un médaillon dans lequel il y avait une photo de famille. Emma,
quatre ans, était bouleversée et ne voulait plus aller à l’école. Elle
refusait de demander de l’aide à ses enseignants, ne mangeait pas
son repas du midi et refusait de suivre les consignes. Moins Emma
obéissait, plus elle recevait de conséquences et se faisait mettre en
retrait par ses enseignants, ce qui donna lieu à une attitude alpha
d’Emma envers eux. Ses enseignants refusaient de changer et ne
souhaitaient pas reprendre leur relation avec Emma. Les parents
n’ont eu d’autre choix que de la changer de maternelle pour
contrecarrer le problème alpha.
L’histoire d’Emma montre à quel point il est crucial pour les
adultes d’activer les instincts de dépendance d’un enfant avec qui ils
sont en relation. Et cela ne peut se produire que lorsque l’enfant est
assuré que cette relation ne l’exposera pas au ridicule ni à la
séparation d’avec des gens ou des choses auxquels il est attaché.
Quand les jeunes enfants sont disciplinés d’une manière qui ébranle
leurs besoins d’attachement et crée une alarme de séparation, cela
aide bien peu pour favoriser une solide relation d’attachement. Nous
discuterons plus amplement de la discipline à l’égard des jeunes
enfants au chapitre 10.
5. L’intimidation par les parents, les frères et sœurs, les pairs et les enseignants
L’expérience d’être blessé émotionnellement ou physiquement par
un adulte ou un autre enfant peut alimenter des problèmes alpha.
Par exemple, si un enseignant de maternelle ne peut faire cesser
l’intimidation en classe, la classe en entier se sentira inquiète pour
l’enfant intimidé. Si un parent ne se déplace pas pour abriter et
protéger un enfant contre son frère ou sa sœur qui l’intimide, la plus
grande blessure ne vient pas de la fratrie, mais bien de l’échec du
parent à rendre la maison sûre. C’est la violation de la protection qui
a le plus d’incidence sur un enfant et crée la détresse émotionnelle
et les pires problèmes alpha.
6. Accablante sensibilité et extrême vulnérabilité
Certains enfants naissent trop sensibles pour leur monde avec un
degré de réceptivité sensorielle très élevé menant à des sentiments,
des pensées et des stimuli qui les accablent, les bouleversent. Un
enfant sensible ressent tout intensément et passe complètement de
la passion au désespoir. Leurs fortes réactions peuvent accabler les
adultes avec qui ils cheminent, tel que le montrent des affirmations
comme « Pourquoi es-tu si dramatique ? » et « Je ne sais pas quoi
faire avec toi ! » De telles expressions peuvent affaiblir le rôle alpha
du parent, puisqu’elles transmettent l’idée que le parent ne
comprend pas l’enfant ou ne sait pas comment prendre soin de lui.
Les enfants sensibles ont besoin de parents alpha solides qui
peuvent maintenir leur attitude de pourvoyeur malgré les grandes
émotions et les comportements difficiles d’un jeune enfant.
Émotions et blessures :
préserver le cœur tendre des enfants
UNE ÉMOTION est définie comme une chose qui nous émeut et nous
met en action. Les émotions sont quelque chose qui nous arrive et
non pas quelque chose qui est sous notre contrôle conscient. Le
cerveau a ses propres raisons pour activer les émotions, malgré que
cela puisse paraître très irrationnel de l’extérieur. On ne peut
argumenter avec une émotion comme si elle était logique ; il y a,
dans sa folie, de la méthode et un but derrière son activation.
Comme la majorité des enfants de trois ans le confirmeront, les
monstres apparaissent sous le lit lors du coucher et il n’y a pas
d’explications qui arrivent à arrêter leur apparition. Une mère a
donné à sa fille de trois ans un capteur de rêves pour arrêter ses
cauchemars, mais sa petite lui a dit : « Maman, il est brisé ! Les
monstres vont encore sortir de mes yeux quand je vais dormir. » Un
autre enfant avec une approche différente a dit à son père : « Les
monstres ne mangent pas les orteils si tu portes des bas au lit » et
« Je ne dors pas avec mes mains au-dessus de ma tête parce que
les gorilles vont venir et me chatouiller sous les bras. » Les jeunes
enfants vont trouver des solutions « logiques » à ce qui les perturbe,
émotionnellement.
LES PARENTS sont le premier guide d’un enfant pour comprendre les
pulsions, émotions et bouleversements de leur système émotionnel.
L’objectif est de développer leur capacité à amener les émotions
dans un système de prise de décision, d’intentions et de réflexion,
de manière à ce qu’ils puissent commencer à les partager de façon
responsable. Si le développement progresse bien, cela se déploie
avec l’intégration cérébrale vers cinq à sept ans, et vers sept à neuf
ans pour les enfants sensibles. Les parents doivent faire l’effort de
fournir les bonnes conditions pour faire grandir les enfants vers la
maturité émotionnelle au lieu d’exiger d’eux qu’ils agissent comme
s’ils étaient matures émotionnellement.
Figure 6.2 Tiré du cours de Neufeld Une question de cœur : la science de l’émotion.
Figure 6.3 Tiré du cours de Neufeld Une question de cœur : la science de l’émotion.
2. Les parents en tant que boucliers pour les cœurs tendres et vulnérables
Le cœur est un magnifique symbole pour représenter la vulnérabilité
qui accompagne la capacité de ressentir les émotions de quelqu’un.
Le battement régulier du cœur est comme le pouls émotionnel qu’on
prend de notre enfant qui grandit. Non seulement nos corps peuvent
être blessés, mais nos sentiments aussi. Si nous n’avions pas de
sentiments, jamais nous ne pourrions avoir peur, nous sentir perdus,
tristes ou confus, ou connaître la morsure de la trahison ou de la
déception. Nous ne ressentirions jamais non plus l’amour, la
responsabilité, la satisfaction, l’espoir, le désir de prendre soin et
celui de jouer librement.
Les émotions mènent à la croissance et les sentiments
recherchent la conscience, donnant à la vie sa vibrance. Ils nous
rendent aussi vulnérables à être blessés émotionnellement. Les
jeunes enfants se sentent souvent vexés par les autres ; par
exemple, Simon, qui dit à sa mère : « Ma sœur m’a poussé et a
blessé mes sentiments » et « Elle ne veut pas jouer avec moi, elle
est méchante. » Les émotions humaines nous poussent à un
dilemme : nous ne pouvons pas faire l’expérience d’états
euphoriques comme l’amour et la joie sans courir le risque de faire
l’expérience du désespoir et de la perte. L’amour est la porte
d’entrée par laquelle les sentiments de perte nous atteignent, et les
sentiments de désespoir s’installent quand on a perdu quelque
chose pour lequel on avait un attachement très fort.
Quelle est la réponse au paradoxe présenté par l’émotion
humaine ? Comment peut-on préserver les sentiments de
vulnérabilité et la tendresse des cœurs en faisant face à tant de
blessures émotionnelles ? La réponse est « boucliers », et il y en a
deux possibles qui aident à filtrer le monde et à fournir un couvert de
protection pour le cœur humain afin qu’il puisse demeurer tendre et
rempli d’expression : (1) les mécanismes de défense émotionnelle
centrés sur le cerveau et (2) les bonnes relations avec des adultes
bienveillants.
Une semaine plus tard, après l’école, Jack embarqua dans l’auto
et dit à son père : « Caden est venu vers moi aujourd’hui et m’a dit
que je n’avais pas d’abdos. Je lui ai répondu que personne n’en a
vraiment et que je suis content de ce que j’ai l’air. Caden m’a
simplement regardé et il ne savait plus quoi rétorquer, alors il est
parti. » Puis, le père de Jack est rapidement passé à d’autres sujets
avec moi, mais je l’ai arrêté et lui ai demandé : « Vois-tu ce que tu as
fait pour ton fils ? » Il m’a regardé, surpris par ma question, alors j’ai
poursuivi : « Ton fils n’ira plus jamais à l’école sans avoir, dans son
sac, la seule chose dont il a réellement besoin. » Il m’a regardée
d’un air incertain, alors je lui ai dit : « Toi. Il ne va plus en classe sans
toi, puisque tu l’aimes tel qu’il est, ainsi que par la façon dont il te
ressemble. Tout est une question de solide relation que tu as
récupérée. » À ce point, on s’est tu, parce que c’était si beau à voir,
si clair, et si parfaitement étendu devant nos yeux : il était devenu le
bouclier de protection du cœur de son fils.
Au cours des 35 dernières années, la recherche sur la résilience
a constamment démontré le lien entre la santé émotionnelle d’un
enfant et ses réussites sociales, avec une solide relation de soins
bienveillants avec des adultes8. Même lorsqu’un enfant est aux
prises avec de l’intimidation, de la pauvreté, de la dépendance ou de
la maladie mentale à la maison, la présence d’adultes substituts
comme les grands-parents ou les adultes à l’école ou à l’église est le
plus important facteur de protection pour le bien-être émotionnel9.
La résilience est une des choses les plus importantes que l’on
doit cultiver chez nos enfants10. Malheureusement, le message
voulant que les relations soient la réponse à la vulnérabilité humaine
ne s’est pas traduit en pratique. Il y a encore un mouvement pour
enseigner aux jeunes enfants des outils, techniques et stratégies
pour devenir résilient, comme si c’était une chose qui devait être
apprise tel un sujet académique. Les enfants n’ont jamais été faits
pour être responsables de garder leur cœur tendre et en sécurité. La
résilience vient tout naturellement des bonnes relations dans
lesquelles les adultes sont le bouclier émotionnel face à l’angoisse.
Ce qui est important, c’est vers qui un enfant se tourne-t-il quand il
est triste et à qui dit-il ses secrets, devant qui peut-il laisser ses
larmes couler et à qui fait-il confiance pour le guider. Un enfant a
résolument besoin de voir, de ressentir et d’entendre le message
qu’un parent croit en lui et qu’il peut se reposer sur lui. Le parent a
besoin d’affirmer que d’être blessé fait partie de la vie et que la
solution c’est de s’accrocher à quelqu’un qui tiendra à lui. Quand un
enfant ressent qu’il est important pour ses parents, ce que les autres
pensent de lui a moins d’importance. Nous n’avons pas besoin de
sauver nos enfants du monde blessant dans lequel ils vivent, c’est
impossible. Notre devoir est de nous assurer que nous ne les
envoyons pas dans ce monde les mains vides. À la racine de la
résilience, de la vulnérabilité émotionnelle et des cœurs tendres, on
trouve cette simple vérité : peu importe à qui un enfant donne son
cœur, cette personne a le pouvoir de le protéger avec le sien propre.
Nous devons saisir les rênes de la danse de l’attachement pour
devenir le bouclier de protection du cœur tendre de notre enfant.
Larmes et crises :
comprendre la frustration et l’agressivité
Dieu sait que nous ne devons jamais avoir honte de nos larmes parce qu’elles sont la pluie
sur la poussière aveuglante de la terre, recouvrant nos cœurs durs. J’allais mieux, après
avoir pleuré, qu’avant ; plus désolé, plus conscient de ma propre ingratitude, plus doux.
CHARLES DICKENS1
Alex venait juste d’émerger d’une année d’intense état d’alarme, d’horribles
phobies et de grande détresse, plus que je pensais qu’un enfant de quatre ans
puisse en faire l’expérience. Un jour, il était assis devant l’ordinateur et avait trouvé
une certaine musique, une mélodie mélancolique. Il était tellement touché par la
magnifique tristesse contenue dans les notes qu’il s’est mis à pleurer. Des pleurs
profonds, tristes, doux et non pas les hurlements et cris de torture et de protestation
que j’avais entendus toute l’année. Je n’avais pas entendu ce genre de pleurs
depuis si longtemps.
La mère avait les larmes aux yeux tellement elle était touchée par
l’expression émotionnelle de son fils, émerveillée que cette musique
puisse avoir tiré tant d’émotions du cœur de celui-ci et sincèrement
reconnaissante qu’elle l’ait fait. Un des plus beaux cadeaux qu’on
puisse donner à nos enfants, c’est d’accorder de la valeur à leurs
larmes de tristesse et de leur faire de la place pour qu’elles puissent
couler.
Un jeune enfant est un être adaptatif qui attend, pour se
développer, que ses parents prennent soin de lui de la bonne
manière. C’est un processus désordonné et compliqué, violent,
chaotique, bruyant, imprévisible, fatigant et gratifiant, puisque les
fruits de l’adaptation prennent vie devant nos yeux. Un des meilleurs
cadeaux qu’on puisse faire à un jeune enfant est de l’aider à trouver
sa tristesse et ses larmes quand il est aux prises avec les choses
qu’il ne peut changer. Il sera capable d’apprendre de ses erreurs,
d’être transformé par ce qu’il ne peut changer et d’utiliser sa
frustration pour changer les choses qu’il peut changer. Parfois, la
force émotionnelle derrière la frustration peut être apaisée
seulement par le soulagement découlant de la capitulation à nos
larmes, puisqu’elles nous amènent à nous reposer de nos futiles
poursuites. Les larmes apaisent un enfant pour qu’il puisse ensuite
jouer et croître ; nous devons devenir les tire-larmes et les havres de
bienveillance dont nos enfants ont besoin.
11. La futilité de vouloir être plus grand que l’on est. Quand un
enfant se compare aux autres, il peut vouloir être plus grand,
plus fort ou plus vieux. Un garçon de cinq ans a demandé à son
père : « Est-ce que je peux dire aux gens que j’ai six ans même
si je ne les ai pas ? » Quand son père lui a demandé pourquoi, il
a répondu : « Parce que tout le monde dans la classe est plus
vieux que moi et je veux avoir six ans moi aussi. » Le père lui a
sagement répondu : « Tu es ce que tu es et tu ne peux pas
changer ça. »
Teddy : Papa, est-ce que je peux avoir un autre biscuit ? Ils sont si bons.
Père : Non, tu viens tout juste d’en avoir un et un autre plus tôt aujourd’hui.
Teddy : Mais tu avais dit que j’en aurais un autre après le souper.
Père : Je t’en ai donné un après le souper. C’est tout.
Teddy : Pourquoi est-ce que je ne peux pas en avoir un autre ? Ils sont petits…
Père : Parce que c’est ce que j’ai dit. Les biscuits ne sont pas bons pour toi.
Teddy : J’ai mangé tous mes légumes. S’il te plaît, je peux en avoir un autre ?
Père : Pas d’autre biscuit. Je t’ai dit que ce n’est pas une bonne chose à manger
avant d’aller au lit.
Teddy : Maman, elle, elle me laisse avoir d’autres biscuits. J’en veux un !
J’ai demandé aux parents s’ils pouvaient simplement dire non d’un
ton ferme, mais bienveillant et éviter d’argumenter et d’expliquer
leurs raisons à Teddy. Il était incapable d’entendre les « non » parce
que pendant qu’ils argumentaient, il croyait avoir encore une chance
de les faire changer d’idée. Les deux parents ont commencé à rire
de ma suggestion et ont dit : « Deb, nous sommes tous les deux
avocats. C’est ce qu’on fait toute la journée : on argumente, on
débat, on utilise la logique. C’est si difficile de revenir à la maison
auprès d’un petit enfant. Il demande tout un autre ensemble
d’habiletés. » J’étais entièrement d’accord avec eux et les ai
encouragés à dire non sans négociation de manière à aider Teddy à
réaliser la futilité de certaines choses.
PREMIER TEMPS Afin de présenter ce qui est futile, un parent doit être
clair à propos de ce qui ne peut changer. Par exemple : « Non, nous
ne pouvons pas retourner ta petite sœur d’où elle vient et son nom
ne sera pas Poubelle. »
Figure 7.3 Tiré du cours de Neufeld Comprendre l’agressivité.
Tout a commencé quand Chloé a poussé son frère en bas d’une chaise en insistant
que c’était la sienne. Ben a commencé à pleurer, alors je l’ai pris et j’ai dit à Chloé
qu’elle ne pouvait pas avoir la chaise. Elle s’est lancée dans une crise et s’est jetée
au sol en hurlant : « Je veux cette chaise-là ! » Je l’ai simplement laissée crier, mais
mon mari, qui n’était pas loin, a demandé : « Qu’est-ce que tu fais ? Tu ne peux pas
la laisser faire ça. » J’ai répondu : « Elle est frustrée et il faut que ça sorte. » J’ai dit
à Chloé que j’étais là pour lui donner un câlin et que je comprenais que c’était
frustrant. Mon mari m’a chuchoté : « Tu vas lui donner un câlin pour ça ? ! »
C’était difficile, mais j’ai enduré les pleurs, les gémissements, les coups de pieds et
de poings au sol, jusqu’à ce que j’entende le son qui me laisse savoir que la fin est
proche : « Maman, maman, je veux aller à la maison. » C’est comme si je pouvais
entendre les pistons ralentir dans sa tête. Les larmes de tristesse commencent à
couler et je peux finalement aller la serrer dans mes bras. Tout ce que j’entends
dans ma tête c’est : « Merci mon Dieu, la douce capitulation, enfin », et ensuite je
réalise à quel point je suis fatiguée.
Je réalise que c’est difficile pour mon mari de comprendre quoi faire quand elle est
si fâchée ; il est encore en train d’apprendre à essayer de s’y retrouver à travers
ses colères. Lorsqu’elle est fâchée comme cela, je ne fais qu’espérer que les
larmes arrivent et je fais de mon mieux pour m’accrocher à sa frustration et ne pas
empirer les choses.
Quand mon fils avait environ trois ans, il s’est mis à griffer les enfants dans le
visage de façon aléatoire. Ce n’était pas fréquent, mais son comportement nous
alarmait et nous étions perplexes à savoir d’où cela venait. J’ai essayé l’habituel
« c’est inapproprié », qui n’a donné aucun résultat. J’étais embarrassée, frustrée et
je ne comprenais pas. Avec de la perspective, je vois maintenant qu’il y avait
plusieurs sources de frustration pour lui et que c’était sa soupape quand tout
devenait trop lourd à porter.
Figure 7.5 Tiré du cours de Neufeld Comprendre l’agressivité.
Alice réclamait des autocollants, au magasin, et je lui ai dit non. Elle a fait une crise.
Une dame plus âgée nous a vues et est venue vers nous avec l’intention de nous
aider. Elle a commencé à parler à Alice et lui a dit que si elle ne se calmait pas, le
père Noël ne lui apporterait pas de cadeaux. Alice fit jaillir un rugissement
retentissant. Qu’est-ce qui prenait à cette dame d’utiliser une menace pour traiter la
frustration de ma fille ? Ne voyait-elle pas qu’elle ne faisait que jeter de l’huile sur le
feu ? Maintenant, Alice pensait qu’elle n’aurait ni autocollants ni cadeaux de Noël !
J’étais si frustrée que j’ai presque fait une crise à la dame. Au lieu de quoi j’ai dit à
Alice que le père Noël venait toujours chez nous et que c’était correct qu’elle soit
frustrée.
On avait acheté à nos enfants de quatre ans et deux ans une cuisinette assez
coûteuse pour Noël. Nous ne roulons pas sur l’or, mais nous pensions que ce serait
une chose qu’elles apprécieraient vraiment. Un moment donné, elles la regardaient,
la touchaient, l’exploraient et l’appréciaient. L’instant suivant, notre plus vieille avait
sur le visage une expression vraiment frustrée et a poussé la cuisinette de toutes
ses forces. J’étais SI frustrée. J’ai interprété le geste comme de l’ingratitude. Ma
fille essayait d’ouvrir une armoire ou un tiroir sans succès. Elle est devenue très
frustrée et a poussé le jouet. Elle n’était pas ingrate, mais très frustrée. Je suis
désolée de vous dire que je n’ai pas très bien géré sa frustration et son agressivité
ni ne lui ai fait une gracieuse invitation pour ses sentiments. Et je devine que c’est
un débat pour tous les parents : trouver ses propres émotions mitigées de manière
à pouvoir inviter ce qui est en son enfant même si c’est de la frustration malsaine.
CHEZ LES ENFANTS SENSIBLES, les crises de colère peuvent être plus
intenses, plus longues et plus exigeantes pour ce qui est de les
mener aux larmes. Leur intense désir pour des soins bienveillants
peut les prédisposer à de grandes déceptions. Ils imaginent souvent
beaucoup plus que ce qu’ils peuvent réaliser et deviennent
facilement frustrés par leurs imperfections humaines. Leurs
sentiments peuvent être gros, accablants et hors de contrôle. Ils ont
besoin que les personnes qui prennent soin d’eux soient solides
pour les aider à se déplacer à travers ces tempêtes, leur fournissant
de l’apaisement en répit d’un univers qui est « trop ». Le défi, c’est
que les enfants sensibles ont souvent l’impression qu’ils sont trop
durs à gérer pour leurs parents, qu’ils sont trop intenses dans leurs
réponses et qu’ils peuvent souvent accabler les autres. Il est critique
que les personnes qui en prennent soin répondent d’une manière qui
communique clairement qu’ils peuvent prendre soin d’eux et gérer
leurs émotions et comportements tout en assurant que la séparation
ne sera pas utilisée pour punir leur comportement.
Il existe trois choses aidantes à considérer lorsqu’on gère les
larmes et la frustration d’un enfant sensible :
Et Max, le roi de toutes les choses sauvages, se sentait seul et voulait être là où quelqu’un
l’aimait plus que tout.
MAURICE SENDAK1
«
J E N’AIME PAS DORMIR ! » s’est mise à crier Sadie, la fille de quatre
ans d’Émily et Dan, au beau milieu de sa routine de coucher.
« Ce n’est pas juste ! Vous, vous dormez l’un avec l’autre et moi je
n’ai personne ! » Les parents étaient fatigués des batailles avec
Sadie à l’heure du coucher et se sentaient pris en otages chaque
soir. Ils mettaient beaucoup d’efforts à suivre un rituel de coucher et
ils étaient patients, mais mettre Sadie au lit était devenu un vrai
cauchemar.
Quand je leur ai demandé de me décrire comment ces batailles
se développaient, Émily a dit qu’elle travaillait habituellement de la
maison, le soir, laissant à Dan la routine du coucher. Sadie aimait se
faire raconter des histoires et se faire cajoler, mais n’aimait pas être
laissée toute seule. Un soir, tout allait bien jusqu’à ce que Dan se
lève pour quitter la chambre, quand Sadie sauta sur son lit et le
supplia de rester. Dan lui dit : « C’est l’heure de se coucher et tu dois
dormir. Tu seras fatiguée, demain, si tu ne dors pas. » Sadie
l’implora : « Non, papa, s’il te plaît, reste avec moi, j’ai peur du noir. »
Dan alluma sa veilleuse et poursuivit : « Tu dois dormir. J’ai du
travail à faire et maman aussi. » Dan réinstalla la petite dans son lit
et lui promis de revenir la voir plus tard. Cela faisait cinq minutes
qu’il était parti quand il entendit Sadie courir dans le passage en
cherchant sa mère et en demandant de l’eau. En la voyant, il
répéta : « Je t’ai dit que je passerais te voir. Maintenant, allez, Sadie,
au lit ; il est l’heure de dormir. Tu ne peux pas continuer à faire cela ;
tu dois calmer ton corps et dormir. » En protestant fortement, Sadie
fut ramenée dans son lit où elle dit : « Papa, ne pars pas ! Je veux
que tu restes. Je veux maman ! Où est maman ? » Dan avoua qu’il
était tellement frustré, qu’il lui a dit de rester dans son lit et qu’il est
sorti de la chambre. Sadie recommença à pleurer, mais sembla se
calmer jusqu’à ce que Dan entende un boum venir de sa chambre. Il
courut pour aller voir ce qui s’était passé et vit Sadie étendue sur le
plancher. Il se dépêcha de la prendre et demanda : « Sadie ? Ça
va ? Qu’est-il arrivé ? Pourquoi es-tu sur le plancher ? » Elle
répondit : « Oh, papa ! Mes animaux en peluche m’ont jetée en bas
du lit ! » Exaspéré, Dan a remis Sadie au lit, mais a eu beaucoup de
difficulté à la calmer.
Émily et Dan étaient désespérés. Ils demandaient : « Qu’est-ce
qui ne va pas avec elle ? Que sommes-nous censés faire ? Nous
sommes si fatigués et frustrés. » J’ai répondu : « Les jeunes enfants
ne se séparent pas. La séparation est alarmante pour eux. Quand
vous quittez la chambre de Sadie, tout ce qu’elle ressent, c’est votre
absence. L’heure du coucher représente, pour elle, une période
allant jusqu’à 10 heures de temps où vous lui semblez impossibles à
joindre parce qu’elle est inconsciente. Personne ne l’attend pour être
avec elle dans ses rêves. Elle est toute seule et c’est ce qui l’alarme.
La routine du coucher est comme le reflet de la danse d’attachement
que vous avez avec un enfant. La façon dont vous vous séparez de
l’enfant a autant d’importance que quand vous l’invitez à s’attacher à
vous ; en matière de connexion humaine, la séparation et
l’attachement sont entremêlés. » Dan et Émily y ont réfléchi et ont
demandé : « Alors, comment est-ce qu’on change cela ? » J’ai
répondu : « Vous devez l’aider à s’apaiser à l’heure du coucher en la
faisant regarder vers la connexion au lieu de vers la séparation. »
LA PEUR est une des plus anciennes émotions humaines, et ce, pour
une bonne raison. Selon le neuroscientifique Joseph LeDoux, le
cerveau est un système d’alarme sophistiqué activé par la peur pour
nous inciter à la prudence2. En tant que système d’alarme, le
cerveau est vigilant et très à l’affût des menaces. L’attachement est
notre besoin prééminent ; du coup, la séparation est perçue comme
la plus grande menace et peut activer une forte réaction d’alarme3.
Les jeunes enfants, comme tous les jeunes des autres espèces de
mammifères, ont un cri de séparation dont le but est de ramener
près d’eux l’adulte qui prend soin d’eux4. Cette réaction d’alarme
n’est pas une erreur ni un problème, mais fait partie d’un système
sophistiqué dont le but est d’attacher un adulte et un enfant l’un à
l’autre. Le système émotionnel des jeunes enfants est préoccupé à
savoir s’il y aura ou non quelqu’un pour prendre soin d’eux.
Lorsqu’ils font face à la séparation, leurs mots et incessantes actions
frénétiques, possessives, leurs façons de s’accrocher et de nous
attraper sont toutes des formes de poursuite destinées à réduire la
distance entre eux et leur figure d’attachement. Si personne ne leur
vient constamment en aide, cela peut activer les défenses
émotionnelles qui engourdissent et déconnectent la détresse5.
Faire face à la séparation peut être accablant pour les jeunes
enfants, et ce, peu importe si la séparation est réelle ou anticipée.
Dès que l’enfant réalise qu’il doit aller à la garderie, au lit ou à la
maison de l’autre parent, il peut éclater de frustration ou s’alarmer en
lien avec la déconnexion anticipée. L’expérience de la séparation
dépend de la nature de son attachement et de sa propre nature. Tel
que vu au chapitre 4, un enfant s’attache en séquences par les sens,
la similitude, l’appartenance et la loyauté, le sentiment d’importance,
l’amour et le fait d’être connu. L’alarme de séparation est enracinée
dans la perte de contact et de proximité dans l’une de ces six formes
d’attachement.
L’alarme de séparation survient quand il y a menace de ne pas
être avec quelqu’un, de ne pas être comme les autres, de ne pas
faire partie, de ne pas être important, de ne pas être aimé ou de ne
pas être connu. Par exemple, cette mère qui m’a raconté comment
sa fille devenait alarmée quand elle ne pouvait pas se connecter
avec elle par ses sens :
Une tante qui visitait son neveu de deux ans essayait d’entrer en
relation avec lui à travers leurs similitudes et remarqua son état
d’alarme alors qu’elle pointait leurs différences :
Il était lent à se laisser approcher, mais alors que je commençais à lui faire la
lecture, j’ai dit : « On se ressemble tellement ; on aime tous les deux lire des
livres. » Il a demandé un autre livre et une fois qu’il l’eut choisi, il dit : « C’est un de
mes préférés. » Il rayonnait en me regardant et m’a demandé qu’est-ce que j’aimais
d’autre. Un moment donné, il m’a demandé : « Aimes-tu les guimauves ? » Pendant
un instant, j’ai oublié à propos de l’attachement par la similitude et j’ai répondu :
« Non, pas tellement. » La déception et l’alarme qui se lisaient sur son visage m’ont
brisé le cœur et j’ai immédiatement recommencé à pointer toutes nos
ressemblances, ce qui a ramené son sourire.
Je revenais voir Mathilda après l’avoir mise au lit quand j’ai remarqué des bosses là
où ses pieds étaient. J’ai soulevé la couverture et vu qu’elle portait ses nouveaux
souliers noirs vernis. Je lui ai demandé pourquoi et elle s’est mise à pleurer : « Oh,
maman, j’aime tellement mes souliers. Je ne veux pas que mes pieds grandissent.
Est-ce que tu vas m’en acheter une nouvelle paire quand ils seront trop petits ? »
Je lui ai dit oui et je lui ai dit qu’elle, elle ne serait jamais trop grande pour que je
prenne soin d’elle. Mathilda est devenue très calme et m’a demandé : « Maman,
quand tu seras morte, est-ce que tu vas encore m’aimer du paradis ? » J’ai réussi à
lui dire : « Oui, je vais toujours être avec toi ; il n’y aura pas une seule journée où tu
seras séparée de mon amour. »
L’ANXIÉTÉ ET LES TROUBLES fondés sur la peur sont les plus communs
parmi les problèmes de santé mentale chez les enfants, de nos
jours6. Les signaux d’alarme élevée peuvent inclure des colères
excessives, l’évitement de certaines situations ou stimuli, la nausée,
des maux de tête ou d’estomac, le refus de dormir seul, d’aller à la
garderie ou à la maternelle et parfois même le refus de parler7. Les
enfants souffrant d’anxiété peuvent avoir des cauchemars fréquents,
être remplis de crainte ou être complètement sans peur, avoir des
phobies, des obsessions, être distraits, avoir des spasmes
musculaires, des tics nerveux, une énergie inlassable, de l’agitation
ou d’intenses réactions de sursaut. Ils peuvent également s’engager
dans des comportements compulsifs réducteurs d’anxiété tels que
sucer leur pouce, mâcher, se ronger les ongles, se tortiller une
mèche de cheveux, se frotter les parties génitales, manger ou
constamment chercher du réconfort auprès d’un objet transitionnel
comme un ourson ou un doudou.
Lorsque les jeunes enfants sont hautement alarmés, cela peut
être déroutant, pour les adultes, de déterminer quelle est la
séparation à laquelle l’enfant fait face, qui peut le bouleverser à ce
point. Quand quelque chose est alarmant et cause de la détresse
pour trop longtemps, les défenses émotionnelles du cerveau
peuvent se mettre en action pour empêcher les sentiments et
perceptions qui le rendent vulnérable. Par exemple, un enfant peut
dorénavant ne plus parler de l’enfant qui l’intimide à la garderie ou à
l’école et peut même commencer à jouer avec cette personne
malgré que cette dernière le traite mal. L’enfant sera encore alarmé,
mais ne sera plus certain de la raison. La source réelle de son
alarme peut être bloquée de sa pleine conscience pour lui permettre
de continuer à fonctionner dans une situation d’alarme. Lorsque son
cerveau est protégé de voir la vraie cause d’une alarme, l’enfant dira
qu’il a peur, mais il sera incapable de vous en dire la cause ou il en
fabriquera une de toutes pièces. En bref, l’anxiété, c’est être alarmé
mais être aveugle à ce qui cause vraiment l’alarme. L’objectif n’est
pas de changer les pensées ou sentiments de l’enfant à propos
d’avoir peur, mais de prendre en considération la ou les sources de
séparation qui causent l’alarme et d’œuvrer à modifier
l’environnement de l’enfant ou à inviter ses larmes au besoin. Les
jeunes enfants ne devraient pas être responsables de se faire eux-
mêmes sentir en sécurité ou de s’assurer eux-mêmes que leur cœur
demeure tendre. C’est là le rôle de la personne qui prend soin d’eux.
Il y a plusieurs sources de séparation qui sont à la base de
l’escalade des niveaux d’anxiété et de haute alarme chez l’enfant de
nos jours. Certaines des plus communes comprennent l’anticipation
chronique de la séparation et l’utilisation de méthodes de discipline
fondées sur la séparation. L’enfant orienté vers ses pairs et l’enfant
alpha peuvent aussi démontrer de hauts niveaux d’anxiété, tel que
discuté aux chapitres 4 et 5.
Un enfant de cinq ans qui s’attache à ses parents par l’amour est
capable de plus grandes séparations qu’un nouveau-né qui s’attache
par les sens. Le nouveau-né aura besoin de soins constants et d’une
personne généreuse qui en prendra soin et qui s’investira dans le
développement d’un attachement profond. Comment un parent fait-il
cela dans le contexte de sa vie quotidienne ? Ou la tâche peut-elle
être partagée avec un parent substitut qui peut fournir la même
chose ?
Ce qui est indéniable, c’est que chaque famille fait face à ses
propres défis et que les familles ont différents niveaux de soutien et
de ressources donc, par le fait même, des choix différents quand il
est question de garderie, d’emploi et de modalités de vie. Plusieurs
parents ont besoin de partager avec d’autres adultes la tâche
d’élever leurs enfants. Les parents ont besoin de cultiver un village
d’attachement dans lequel élever leur enfant, ce qui est abordé plus
loin lors de la discussion sur le besoin d’avoir des ressources pour
faire le pont et pour servir d’entremetteur pour gérer les alarmes de
séparation.
2. L’usage de méthodes de discipline basées sur la séparation
L’usage d’approches disciplinaires basées sur la séparation, telles
que les périodes de retrait, le fait de retirer un objet que l’enfant
affectionne ou la déconnexion émotionnelle d’avec un adulte érodent
l’attachement et mènent à l’augmentation de l’alarme chez l’enfant.
Si un enfant anticipe qu’il sera séparé en raison de son
comportement, cela peut mener à de l’insécurité, puisqu’il ne peut
tenir pour acquis que l’on répondra à son besoin de contact et de
proximité. Au parc, les parents font souvent semblant de partir seuls
quand leur enfant n’est pas coopératif ou qu’il résiste à quitter les
lieux. Ils peuvent dire à l’enfant : « OK alors, au revoir. Je vais te
laisser ici si tu ne viens pas avec moi maintenant », ce qui active le
système d’alarme de l’enfant et peut l’envoyer courir directement
vers son parent. L’usage continu de méthodes de discipline basées
sur la séparation peut surcharger le système d’alarme de l’enfant et
ériger des défenses émotionnelles pour engourdir la détresse.
Alicia et Stephen m’ont consultée au sujet de Seth, leur fils de
cinq ans, qui faisait régulièrement des crises tant à la maison qu’à
l’école, ne dormait pas bien, était constamment agité et démontrait
des troubles d’attention. Seth contrevenait à toutes les règles de sa
classe de maternelle et était régulièrement envoyé au bureau du
directeur, mais répondait à son enseignante : « Je m’en fous ! »
L’enseignante essayait d’instaurer une charte de récompense avec
des autocollants pour l’inciter à bien se comporter, mais il se moquait
d’elle et de ses autocollants. En prenant en considération les
diverses sources de séparation dans la vie de Seth, il était clair que
l’approche disciplinaire basée sur la séparation était en cause, avec
l’usage abondant de périodes de réflexion, le retrait émotionnel et la
surutilisation des conséquences. Seth avait perdu plusieurs choses
auxquelles il était attaché, que ce soit son vélo ou le soccer, son
activité favorite. L’utilisation fréquente de la discipline basée sur la
séparation avait érodé sa relation avec ses parents et avait eu
comme résultat une augmentation vertigineuse des problèmes
d’alarme et de frustration. Plus il exprimait son alarme et sa
frustration, plus il recevait de punitions, alimentant ainsi son trouble
de séparation.
Lorsque les parents de Seth ont cessé d’utiliser ce type
d’approche disciplinaire, qu’ils ont commencé à se rapprocher de lui
et à faire place à l’expression émotionnelle, il a commencé à pleurer
beaucoup. Les larmes ont continué pendant un certain temps et il
s’est mis à suivre ses parents beaucoup plus pendant que sa
résistance à leurs instructions diminuait. Quand Seth s’est fait dire
qu’il ne se ferait plus mettre en période de réflexion et qu’il ne se
ferait plus retirer ses choses préférées comme mode de punition, il
est immédiatement allé chercher des Post-it. Sur chacun, il a écrit
son prénom et il a commencé à les placer sur ses objets favoris
partout dans la maison. Son cerveau avait bien reçu le message que
c’était suffisamment sûr de se connecter à nouveau à certaines
choses et à certaines personnes. Il n’a ensuite fallu que du temps et
de la patience pour rétablir une relation avec Seth, mais pendant
que ses parents travaillaient sur cela, il a recommencé à s’apaiser
sous leurs soins, à jouer seul, à écouter son enseignante, et il était
beaucoup moins agité. D’autres options à la discipline basée sur la
séparation sont traitées au chapitre 10.
1. Réduire la séparation
Lorsqu’un enfant fait face à de trop nombreuses séparations, il est
important de trouver des façons d’en réduire le nombre tant
physiquement que psychologiquement. Un parent peut essayer de
réduire le temps que l’enfant passe à la garderie ou au service de
garde, si c’est possible. Le parent peut aussi essayer de couper
dans les activités non essentielles qui ne favorisent pas une relation
avec leur enfant ou qui interfèrent avec le fait d’en cultiver une, telles
que les activités structurées ou les rencontres d’amis pour jouer. Le
parent peut chercher des façons d’inviter à la dépendance en aidant
l’enfant à s’habiller, en partageant un loisir avec lui ou en faisant des
sorties ensemble. Échanger les pratiques disciplinaires basées sur
la séparation par des pratiques disciplinaires plus amicales sur le
plan du développement et sûres pour l’attachement est également
un impératif. Lorsqu’un enfant est alarmé, un adulte devra faire de la
place pour ses sentiments et prendre soin de lui, par exemple en
restant avec lui jusqu’à ce qu’il s’endorme ou en le gardant près de
soi quand ils sont ensemble à la maison. Peu importe de qui il s’agit,
la personne responsable de l’enfant devra adopter une forte attitude
alpha en lisant les besoins de l’enfant et en prenant les rênes pour y
répondre.
3. Servir d’entremetteur
Servir d’entremetteur est un rituel d’attachement qui cultive les
relations entre les jeunes enfants et les personnes dans leur vie.
Des frères et sœurs aux grands-parents, des éducateurs et
éducatrices de la garderie aux médecins, policiers, enseignants ; on
doit prendre les rênes pour favoriser les relations entre nos enfants
et les habitants de leur village d’attachement. Ce dont les jeunes
enfants ont besoin plus que tout, c’est de sentir qu’il y a une invisible
matrice d’adultes qui les entoure dans le but de prendre soin d’eux.
Les enfants sont des êtres d’attachement et leurs instincts de
timidité doivent être activés quand ils sont mis en contact avec des
personnes qu’ils ne connaissent pas, même s’ils sont parents avec
eux. Un enfant peut être grégaire et très vocal à la maison, mais
reculer et se retirer, se tenant près de ses parents en présence
d’étrangers. Bien que la timidité soit souvent perçue comme un
problème, elle n’en est pas un dans des contextes où l’on accorde
de la valeur aux façons extraverties de se mettre en relation.
L’instinct de timidité est fait pour garder l’enfant près de ceux qui
prennent soin de lui et pour prévenir le fait que d’autres puissent le
diriger. Un enfant ne devrait pas être à l’aise de parler à des gens
qu’il ne connaît pas et qui ne sont pas approuvés par les adultes qui
prennent soin de lui. Par exemple, ce père qui racontait :
« Chaque fois que tu vois une affiche disant “Propriété privée. Les intrus seront traduits en
justice”, pénètres-y immédiatement. »
LESLIE STEPHEN,
citée par sa fille, Virginia Woolf1
Ma fille avait environ cinq ans quand nous célébrions une occasion spéciale dans
un grand restaurant avec toute notre famille. Je lui avais dit qu’elle aurait à
s’habiller chic. À cet âge, elle n’aimait rien de plus que de se mettre belle, alors je
croyais qu’elle serait ravie de l’opportunité. Non, à l’époque je n’avais jamais
entendu parler de contrevolonté ! Elle était indignée de devoir s’habiller chic.
Fâchée qu’un restaurant puisse dicter aux gens quoi porter et qu’elle n’ait pas son
mot à dire à ce sujet. Je pensais qu’elle était seulement belliqueuse et tout à coup,
je me suis mise à questionner tout ce qui concernait ma façon d’être un parent,
inquiète d’avoir été trop relâchée avec elle, puisqu’elle ne voulait même pas suivre
une directive aussi simple que celle-ci. Et j’étais frustrée ! Je me disais que j’allais
devoir être plus ferme ; beaucoup plus ferme. Oh… vous ne pouvez pas imaginer la
bataille de contrevolonté qui s’en est suivie, alors que j’insistais encore plus
fermement afin qu’elle fasse ce que je demandais. Je nous aurais épargné à toutes
les deux bien de la colère et des regrets, ce soir-là, si j’avais su au sujet de la
contrevolonté.
LA CROYANCE qui veut qu’un jeune enfant ne fasse rien s’il n’y est pas
forcé communique bien peu de foi dans le désir fondamental d’un
enfant d’être bon pour les adultes qui l’accompagnent. Cette
croyance ne tient pas compte du pouvoir de l’attachement et de
comment les jeunes enfants vont naturellement suivre les gens avec
qui ils sont connectés. De ce fait, les adultes utilisent, à tort, des
formes de contrôle et de contrainte physiques, comportementaux,
émotionnels et cognitifs afin de faire pression pour que l’enfant se
plie à leurs demandes, au lieu de s’appuyer sur les stratégies
d’attachement.
Les adultes peuvent physiquement déplacer un enfant en le
prenant ou en le poussant pour qu’il avance avec eux. Cela est plus
facile lorsque l’enfant est petit, mais devient plus difficile quand il
grandit. Un enfant peut réagir à la coercition physique en se jetant
au sol, en criant ou en devenant tout mou. Un père avait attrapé son
fils de cinq ans comme on tient un ballon de football pour sortir d’un
restaurant et l’enfant s’était mis à crier : « À l’aide ! À l’aide ! Aidez-
moi quelqu’un, je me fais kidnapper ! » Lorsqu’on force les enfants
dans une direction, il est prévisible d’avoir à affronter une
contrevolonté dans la direction opposée.
Le renforcement négatif est une forme de coercition
comportementale destinée à réduire la probabilité que certaines
actions, certains gestes se répètent. Cependant, quand un jeune
enfant se fait dire qu’il s’attirera des ennuis ou que tel comportement
est hors limites, cela peut, en fait, augmenter la probabilité qu’il se
comporte à nouveau de cette façon. Par exemple, dans l’étude
classique sur le jouet interdit, les chercheurs ont fait aux enfants une
menace soit douce, soit sévère à propos de jouer avec un certain
jouet4. Plus la menace était sévère, plus l’enfant désirait jouer avec
le jouet interdit malgré les avertissements. L’enfant demeure
inconscient de cet instinct et agit, sans comprendre, quand on lui dit
de ne pas faire quelque chose. Une mère me racontait : « Quand
j’étais moi-même en maternelle, avant de monter sur la scène pour
un spectacle de Noël, ma mère m’avait dit de ne pas montrer mes
sous-vêtements aux gens. Avant que je m’en rende compte, je me
tenais là, sur la scène, ma jupe relevée sur ma tête, montrant mes
sous-vêtements aux spectateurs. »
Les formes de coercition comportementale incluent également le
renforcement positif par lequel un enfant est récompensé ou félicité
pour encourager des comportements similaires à celui qui vient
d’être exécuté. Parce que les récompenses sont perçues comme
étant positives, plusieurs personnes ne réalisent pas l’effet que peut
avoir sur un enfant le fait de contrôler une récompense. Les
récompenses, cependant, révèlent le désir des autres, ce qui peut
tromper ou diminuer les intentions propres de l’enfant. Une étude
classique sur la motivation chez les jeunes enfants a démontré que
ceux qui étaient félicités d’utiliser des crayons-feutres étaient moins
intéressés à jouer avec eux que ceux qui n’avaient pas été
« récompensés5 ». Alfie Kohn, l’auteur de Punished by Rewards,
affirme que les récompenses externes ont un effet de courte durée
et diminuent la motivation intérieure de l’enfant6. Les récompenses
données pour que l’enfant agisse selon la demande d’un adulte
peuvent interférer avec le désir naturel de l’enfant d’apprendre ou de
se soucier réellement des autres.
Les formes de coercition émotionnelle incluent humilier un enfant
ou tenter de le faire se sentir coupable pour ses pulsions et actions
immatures. Les adultes utilisent les émotions de l’enfant pour
contrôler son comportement avec des phrases telles que : « Si tu
étais un bon frère, tu arrêterais de frapper ta sœur », « Si tu aimais
ta mère, tu l’aiderais à ramasser les jouets » et « Tu as vu ce que
Éva a fait ? N’est-elle pas une bonne amie d’aider comme ça ? » Les
phrases de coercition émotionnelle impliquent qu’il y a quelque
chose de fondamentalement inacceptable chez l’enfant. La
coercition émotionnelle ne fait pas que blesser la relation de l’enfant
avec l’adulte, mais crée, de plus, un environnement humiliant.
Les formes de coercition cognitive incluent le fait de dire à
l’enfant quoi penser et croire ; être d’accord avec un adulte devient
une forme d’obéissance. Les jeunes enfants devraient naturellement
être poussés à comprendre leur monde et à en forger leur propre
interprétation. Par exemple, ce petit garçon de quatre ans qui a dit à
son père : « J’ai la chair de poule sur mon front. » Quand son père
l’a corrigé en disant : « Tu peux seulement en avoir sur les bras ou
les jambes quand tu es excité ou effrayé », le petit garçon a
répliqué : « OK, alors c’est de la varicelle. »
L’INSTINCT DE CONTREVOLONTÉ
Ma femme m’a demandé d’amener les enfants pour le souper alors qu’ils
regardaient la télé. Ils ne m’ont pas regardé ni même remarqué que j’étais là, alors
j’ai simplement éteint la télé. Disons que ça a attiré leur attention ! Ils se sont mis à
crier : « Non ! Ne l’éteins pas ! Allume-la, allume-la ! » Je leur ai dit que c’était
l’heure du souper, et ils ont crié : « Non ! On ne veut pas souper ! » Ma femme a
alors crié après moi en me disant : « Voyons ! Tu ne les as pas apprivoisés avant
de leur donner une instruction ? Tu dois les apprivoiser avant de leur dire quoi
faire ! » À cet instant, j’avais trois personnes qui criaient contre moi. C’était brutal.
J’ai plus tard dit à ma femme qu’elle ne m’avait pas apprivoisé, moi non plus, avant
de commencer à me dire quoi faire.
Mon fils jouait avec ses avions quand je lui ai dit qu’on devait ranger ses jouets
pour pouvoir partir et aller chercher sa sœur à la maternelle. Il m’a ignorée jusqu’à
ce que j’élève la voix et lui dise de mettre ses souliers parce que nous devions
partir. Il a hurlé « Non ! » Je me suis alors approchée et il a commencé à dire
« Non, non, non, non, non ! » et il m’a poussée. Alors j’ai pris ses souliers et j’ai
tenté de les lui mettre, mais il n’arrêtait pas de lancer ses jambes dans tous les
sens, rendant la tâche impossible. J’ai finalement décidé de l’emmener en
poussette sans chaussures parce que c’était tout simplement trop difficile.
J’avais apprivoisé Jessica, je lui avais lu des livres et parlé au sujet de notre
journée. Quand j’ai voulu l’habiller, elle est devenue vraiment résistante. Au lieu
d’être agréable comme à son habitude, Jessica m’a regardée et a dit : « Non, je
n’aime pas ce chandail. » Elle passa en revue tous les chandails de son tiroir, en
choisissant un, puis changeant d’idée encore et encore. C’était terrible. Quand je lui
ai dit : « Allons, laisse-moi t’aider à t’habiller », elle s’est tournée vers moi et a dit :
« Non, Madame ! Je vais le faire toute seule. » Parfois, sa nature à la Docteur
Jekyll et Mister Hyde me déconcerte.
« Alors je suppose que les enfants continueront à être des nuisances et que les mères
continueront à être heureuses d’avoir eu la chance d’être leurs victimes. »
D. W. WINNICOTT 1
J’étais en visite chez mes beaux-parents quand le fils de trois ans de mon frère
jetait sur le sol tous les livres d’une étagère. Mon frère lui a crié d’arrêter, mais le
petit semblait imperméable au son menaçant de sa voix. Alors que mon neveu
continuait, mon frère a commencé à crier de plus en plus fort, au point de se mettre
à lui hurler d’arrêter. Ce qui était le plus triste, c’était la réaction lente et hésitante
de mon neveu. Il semblait quasiment ne pas être affecté. Cela m’a fait me
demander combien de fois on lui avait crié après de cette façon et quelle incidence
cela avait sur lui.
Olivia est si responsable, vraiment aidante, polie et très mature pour son jeune âge.
Je trouve qu’il s’agit là d’une situation plutôt triste, puisqu’elle est très alarmée,
n’est pas spontanée, est très peu curieuse et même son sourire est forcé. Olivia
semble avoir de l’esprit, mais elle ne fait que répéter l’opinion de ses parents. Je ne
sais pas ce qu’elle pense, ce en quoi elle croit ni ce qu’elle veut. Lorsqu’Olivia joue
avec les autres enfants, ils se font généralement blesser. Je l’ai vue pousser une
autre petite fille lors d’une course. Olivia porte en elle une tonne de frustration et de
tristesse. Elle souffre régulièrement de maux de ventre, mais aucun médecin ne
peut diagnostiquer son mal. Olivia paie un prix très élevé pour être bonne !
Comment doit-elle se sentir, de toujours devoir être bonne pour conserver la
relation avec ses parents, pour se sentir aimée, pour répondre à leurs attentes,
sans avoir d’invitation à exister autrement ? Ce doit être horrible.
Un soir, après une présentation, une mère me parlait et éclata en
sanglots en me disant : « Je ne sais pas si vous avez remarqué,
mais je pleurais pendant que vous parliez d’à quel point les enfants
ont besoin qu’on prenne soin d’eux. Chaque fois que je faisais
quelque chose de mal, ma mère me disait qu’elle ne voulait plus de
moi. Ça me blessait tellement ! J’essayais si fort d’être bonne pour
qu’elle soit heureuse. » Même 30 ans plus tard, la blessure émotive
de cette mère était toujours palpable alors qu’elle se tenait devant
moi, elle-même mère de deux enfants.
Comment comprendre les enfants pour qui les périodes de retrait
ou d’isolement ne donnent rien ? La discipline basée sur la
séparation ne fonctionne que lorsqu’il y a un attachement en jeu
auquel l’enfant tient. Si l’enfant n’est pas attaché à l’adulte qui utilise
ce type de méthodes, cela peut augmenter la probabilité de la
frustration et des comportements d’attaque. Les enfants sensibles
peuvent trouver cela très provocant et cela peut mener à une
éruption de comportements nocifs et de détachement (voir
chapitre 7).
La discipline basée sur la séparation interfère avec la capacité
d’un enfant de s’apaiser, de jouer et de grandir. Quand un jeune
enfant est préoccupé à être bon pour éviter la séparation de ce à
quoi il tient, il lui reste moins d’énergie à investir pour devenir qui il
est.
J’avais inscrit mon fils au soccer parce qu’il adore ce sport. Le problème, c’est que
dès qu’il devient frustré sur le terrain, il ne peut pas se contrôler. Un jour que son
équipe était en train de perdre, un autre enfant l’a fait tomber, par pur accident, et je
pouvais voir à quel point mon fils était fâché. Il a tendu son bras et a fait trébucher
un autre enfant ; j’ai vu que mon fils n’était pas prêt pour jouer dans une équipe.
Nous attendrons jusqu’à ce qu’il soit mieux capable de maîtriser ses pulsions,
parce qu’il est trop dangereux pour les autres enfants sur le terrain.
Ce que tout jeune enfant nous dirait s’il le pouvait, c’est de rester
accrochés à lui, de ne pas prendre ses actions comme étant
personnellement dirigées vers nous et de l’aimer malgré son
immaturité. Il nous dirait que son but n’est pas de nous rendre la vie
difficile et qu’il ne fait que suivre les instincts et sentiments qui
l’habitent. De la perspective d’un enfant, une bonne discipline
signifie que l’adulte croit encore en lui et sait qu’il va réussir un jour
ce qui est aujourd’hui un défi. Il y a plusieurs façons par lesquelles
un adulte peut communiquer ce message à un jeune enfant, mais
c’est surtout transmis par le fait qu’il prend généreusement soin de
lui à travers la période la plus immature de sa vie.
Une mère expliquait de quelle façon elle avait mis ces lignes
directrices en pratique :
Ma puce de trois ans avait volontairement renversé son lait sur le plancher après
que je lui ai dit qu’elle ne pouvait pas avoir un autre biscuit. J’étais si fâchée. Je lui
ai dit de ramasser son dégât et elle a crié « Non ! ». J’étais furieuse et lui ai dit :
« Tu vas le ramasser ! » Et, en retour, elle m’a crié « Non ! ». Je pouvais sentir ma
frustration escalader à un point où je voulais lui frotter le nez dans le lait au sol. J’ai
eu peur de ma propre réaction, alors j’ai simplement dit : « Tout le monde sort de la
cuisine ! Ça ne fonctionne pas, tu ramasseras le lait plus tard, mais là, on part. »
J’ai commencé à sortir et mes enfants m’ont suivie. On a fini dans sa chambre,
alors j’ai commencé à leur lire une histoire. Mes enfants se sont approchés et se
sont assis sur mes genoux et, pendant que je lisais, j’ai senti la chaleur de leurs
corps et je me suis rappelée à quel point j’aimais les câliner. Alors que ma
frustration descendait, j’ai été mieux en mesure de discuter avec ma fille et de lui
expliquer que nous devions retourner dans la cuisine pour nettoyer le lait ensemble.
Elle a immédiatement accepté.
Père : Ton frère t’a vraiment fait une grosse grafigne dans le visage aujourd’hui. Je
sais que tu étais vraiment frustrée contre lui. Pourquoi crois-tu qu’il était frustré
contre toi ?
Katie : Je lui ai dit que je ne voulais pas jouer aux trains avec lui, alors il m’a
grafignée.
Père : Il aime ses trains. Ça a dû le blesser. Et tu as été blessée aussi. C’est difficile
d’avoir un petit frère, parfois, n’est-ce pas ?
Katie : Oui, mon frère peut être méchant.
Père : Est-ce qu’il y a une partie de toi qui aime encore jouer avec lui et qui se sent
désolée de ce que tu lui as dit ?
Katie : Ouais. J’aime encore jouer avec lui et je suis désolée aussi.
Nous étions à la plage et j’avais mis un chapeau à ma fille, mais elle l’ôtait sans
arrêt malgré le fait que j’essayais de la distraire. Je l’ai remis sur sa tête et lui ai dit :
« Non, on doit porter notre chapeau. » Elle m’a regardée et l’a encore ôté. J’ai dit
« Non ! » et l’ai remis sur sa tête. Ce jeu a duré une bonne vingtaine de minutes et
elle criait et pleurait. J’étais patiente avec elle, lui disant que je comprenais qu’elle
soit frustrée, mais j’ai décidé qu’il était temps, pour moi, de récolter ses larmes à
propos d’un chapeau qui doit être porté.
Mes enfants étaient allés visiter mes beaux-parents et, à leur retour, ma belle-mère
m’a dit que les enfants avaient été méchants avec son chien. Mes enfants n’avaient
jamais été près d’un chien, alors ne savaient pas quoi faire avec celui-là. Je leur ai
dit que le chien avait eu peur d’eux et qu’ils devaient le traiter différemment. Je leur
ai demandé ce qu’ils pensaient pouvoir faire pour être plus gentils. Mon plus vieux
a répondu : « On ne lui collera pas d’autocollant sur la fourrure et on ne le coloriera
pas avec des crayons-feutres. Oh ! Et on n’embarquera pas dessus. » Après leur
avoir confirmé que c’étaient là de très bonnes idées, j’ai pris un de leurs animaux
en peluche et leur ai montré comment flatter un chien et être gentil avec lui. La
visite suivante avec le chien s’est beaucoup mieux déroulée.
Lignes directrices spéciales pour gérer les conflits entre frères et sœurs
LES PARENTS ont aussi des sentiments ; et beaucoup. Ils sont parfois
inattendus, indésirables et dérangeants, mais ils se manifesteront
néanmoins en nous. Nous pouvons même parfois nous rendre
compte, à notre grand étonnement, que nous pouvons aussi faire
des crises de colère et nous obstiner dans la résistance comme le
font nos enfants. Élever un enfant représente une occasion unique
pour la maturation émotionnelle, mais celle-ci ne se produira pas
sans quelques douleurs de croissance. Les enfants ont le pouvoir de
susciter en nous des émotions dont nous nous ignorions capables.
Comme le ferait un miroir, ils sont la réflexion de notre immaturité,
nous révèlent nos points faibles et nous forcent à faire connaissance
avec nous-même encore et encore. Aimons-nous ce que nous
voyons ? Sommes-nous dérangés par notre propre image quand
nous regardons nos enfants blessés, confus ou effrayés ? Plusieurs
parents se demandent s’il y a un moyen de se débarrasser de toutes
les émotions qui bouleversent, submergent et prennent par surprise
en plus d’avoir à élever un jeune enfant. La réponse est non, mais
cela ne veut pas dire que nous ne pouvons pas prendre la
responsabilité de nos réponses émotionnelles.
La maturité émotionnelle ne signifie pas qu’un parent a cessé
d’être bouleversé par les sentiments et les émotions qu’il vit en
relation avec son enfant. La maturité émotionnelle, c’est la façon
dont on accepte ces sentiments que notre enfant fait naître en nous
et le fait de leur faire de la place. En tant que parents, nous pouvons
décider de mieux gérer le contenu de notre cœur. Ce faisant, nous
découvrirons probablement que les réactions immatures d’un jeune
enfant nous poussent à devenir plus tempérés dans nos réactions.
Par exemple, la frustration d’un parent rencontre le désir de créer la
maîtrise de soi, et la peur rencontre le désir de trouver le courage.
Peut-être que la plus grande vertu à laquelle nous puissions aspirer
est de devenir un être humain tempéré. Il n’y a pas de force
comparable à celle d’un jeune enfant pour ce qui est de tester nos
limites. Prendre soin d’un jeune enfant fera appel au besoin de
maîtrise de soi, à la patience, à la considération, au courage, au
pardon et au sacrifice. Les six vertus d’un tempérament mature tel
que vu au chapitre 2. C’est un des paradoxes de la vie que pendant
que nous élevons nos jeunes enfants, ils donnent naissance au
même processus en nous. Le synchronisme de la croissance d’un
parent et d’un enfant est ironique, mais magnifique. Pour assurer
que cette croissance se produise, on ne peut laisser se refroidir
l’amour que l’on a pour nos enfants. Nous avons besoin de
suffisamment de contacts et de rapprochements pour remplir notre
rôle de parent. On ne peut confier en sous-traitance à personne
d’autre notre rôle d’être la réponse pour notre enfant et son meilleur
atout.
En prenant la responsabilité de ses émotions, un parent devrait
chercher à préserver sa relation avec son enfant et à protéger son
cœur des blessures. Il réalisera que les émotions les plus difficiles à
combattre en son enfant sont les mêmes qu’il n’a pas invitées en lui.
Parfois, ce seront les frustrations et les crises de colère qui mettront
le feu aux poudres. Ce parent a-t-il eu de la difficulté à trouver ses
propres larmes lorsqu’il faisait face aux contraintes de la vie ? Si un
parent ne peut tolérer l’incessant besoin de lui qu’a son enfant ou sa
dépendance, est-ce parce qu’il a lui-même de la difficulté avec ses
émotions vulnérables ou avec le fait d’être un parent alpha qui est
responsable de quelqu’un d’autre ?
Quand on éprouve de la difficulté à accepter les émotions de
notre enfant, la solution n’est pas de nous plonger dans
l’autocontemplation, mais de revenir à notre rôle de parent. C’est
notre amour pour un enfant qui nous propulsera vers la
compréhension de ce que nous devons faire de nos émotions face
aux siennes. On fait face au plus grand défi de la parentalité quand
on se tient au cœur du conflit entre la façon dont on traite un enfant
et la façon dont on voudrait vraiment prendre soin de lui. Ce n’est
pas en vase clos que les parents deviennent plus émotionnellement
matures, mais bien en aspirant à être la réponse à tous les besoins
de l’enfant. C’est notre amour pour un enfant qui a le pouvoir de
nous changer pour le mieux. Cela demande le courage de regarder
la distance entre la façon dont nous agissons avec l’enfant et celle
que nous visons, ainsi que le courage d’accepter la culpabilité qui
viendra et de la laisser nous diriger sur la bonne voie. L’ironie, c’est
que plus on devient émotionnellement mature, plus on se rend
compte de toutes les fois où l’on ne réussit pas bien les choses.
Il peut y avoir des moments où l’on doit se retirer de notre rôle
actif de parent et prendre une pause pour rassembler nos émotions
et sentiments. Ce faisant, on ne veut pas transmettre à l’enfant le
sentiment que nous ne pouvons pas prendre soin de lui, qu’il est
accaparant ou que nos émotions ont gagné. On ne veut procéder
que lorsque la frustration qu’on ressent peut être tempérée par notre
désir de ne blesser personne. Il y aura également des moments où
l’on aura à réparer notre relation avec un enfant parce que nos
émotions lui auront explosé en pleine figure. En lui faisant des
excuses sincères, nous n’avons pas besoin de lui demander s’il
nous pardonne et ne devrions pas lui demander de renoncer à sa
colère et à sa tristesse tant qu’il n’est pas prêt.
Le matériel Neufeld
COURS
Classe intensive Neufeld 1 : Comprendre les enfants
Classe intensive Neufeld 2 : Problèmes et défis de l’enfance
Comprendre les enfants en bas âge
Comprendre le jeu chez l’enfant
Le puzzle de l’attachement
Les enfants alpha
Une question de cœur : la science de l’émotion
Comprendre l’agressivité
Comprendre l’anxiété
Comprendre les problèmes d’attention
Comprendre la contrevolonté
Comprendre la discipline
Remerciements
Chapitre 11. Quand les jeunes enfants font grandir les adultes
1. HOUSSAYE, Arsène. « Dis-moi qui tu aimes, je te dirai qui tu es », Le roi Voltaire, Paris,
Michel Lévy, 1858, p. 182.
Notes
a Traduction de l’éditeur du titre original du livre, Rest, Play, Grow, décrivant le rôle de
l’attachement dans le développement de l’enfant.
b Gordon Neufeld, « Résumé de la théorie de la maturation de Neufeld », Classe intensive
1 : Comprendre les enfants, cours, Vancouver, BC, Institut Neufeld (2013).
c Gordon Neufeld, « Les six phases séquentielles de l’attachement », Classe intensive
Neufeld 1 : Comprendre les enfants, cours, Vancouver, BC, Institut Neufeld (2013).
d NdÉ : À noter que « sentiment vulnérable » est une expression utilisée dans le
paradigme Neufeld. Elle fait référence aux sentiments qui peuvent blesser un individu ou
qui sont susceptibles de le rendre vulnérable et de provoquer la résistance émotionnelle.
Le cerveau humain est conçu pour protéger contre les sentiments vulnérables qui sont
trop accablants. L’encadré 6.4 répertorie la liste des sentiments vulnérables.
e Gordon Neufeld, « Les cinq étapes vers la santé et la maturité émotionnelles », Une
question de cœur : La science de l’émotion, cours, Vancouver, BC, Institut Neufeld
(2015).
f NdÉ : La « futilité » est un terme utilisé dans le paradigme Neufeld. Elle fait référence à
ce qu’une personne expérimente lorsque quelque chose ne fonctionne pas ou ne pourra
pas fonctionner. Cette expérience inchangeable est hors du contrôle de l’individu et
requiert que celui-ci s’y adapte.
g Gordon Neufeld, « Carrefour giratoire de la frustration de Neufeld », Comprendre
l’agressivité, cours, Vancouver, BC, Institut Neufeld (2010).
h Gordon Neufeld, « L’alarme de séparation de Neufeld », Comprendre l’anxiété, cours,
Vancouver, BC, Institut Neufeld (2012).
i Gordon Neufeld, « Les six caractéristiques de l’enfant qui se comporte bien »,
Comprendre la discipline, cours, Vancouver, BC, Institut Neufeld (2011).
j NdÉ : À noter que « mettre en prudence » est une expression utilisée dans le paradigme
Neufeld. Elle fait référence au réflexe humain face à un danger éminent ou perçu.
L’apparition du sentiment d’alarme est destinée à amener l’individu à faire attention
lorsque cela est nécessaire et donne lieu à des comportements consciencieux,
concernés et prudents.
k Gordon Neufeld, « Les 12 stratégies Neufeld pour une discipline naturelle et sans
danger », Comprendre la discipline, cours, Vancouver, BC, Institut Neufeld (2011).
l NdÉ : Les « larmes de futilité », expression utilisée dans le paradigme Neufeld, font
référence aux larmes profondes, semblables aux sanglots. C’est un réflexe humain de
pleurer lorsque la futilité nous accable, surtout si la frustration s’est avérée intense. Les
sentiments correspondants sont la tristesse et la déception. Les larmes de futilité sont
différentes des larmes de frustration.
m www.institutneufeld.org