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L’ACCOMPAGNEMENT EN ADDICTOLOGIE
Jean-Sébastien CLAUDE
Infirmier en Santé au Travail – Service de Santé au Travail
Institut Pasteur Paris
Annexes...............................................................................................................................20
I. Annexe 1 : Recommandation sevrage tabagique ................................................... 20
II. Annexe 2 : Test de Fagerström............................................................................... 21
III. Annexe 3 : Test de Lagrue et Légeron .................................................................... 22
IV. Annexe 4 : Test CAST ............................................................................................ 23
V. Annexe 5 : Trame entretien motivationnel .............................................................. 20
VI. Annexe 6 : Tableau récapitulatif des participants.................................................... 21
Bibliographie ........................................................................................................................24
ABSTRACT
A l’occasion d’une analyse de l’absentéisme au sein d’une entreprise de sous-traitance
automobile, une campagne d’aide au sevrage tabagique est réalisée à l’initiative de l’infirmier
en santé au travail. Elle s’accompagne d’une étude de suivi de cohorte -sur 102 salariés-
pour illustrer le rôle de l’infirmier en santé au travail et mettre en évidence d’éventuels freins
au sevrage. Le suivi s’est déroulé sur une période de 13 mois au cours des quels un rendez-
vous mensuel est organisé. Durant ces rendez-vous, plusieurs questionnaires sont effectués
et un entretien motivationnel est proposé. Les résultats montrent qu’un accompagnement au
long terme, réalisé par un infirmier en santé au travail formé à l’accompagnement au sevrage
10 tabagique, multiplie par 7 la proportion de personnes sevrées par rapport à un sevrage
effectué sans accompagnement. Il est montré également que la consommation conjointe de
tabac et cannabis est un frein très important dans le sevrage tabagique. La réforme de la
santé au travail permettra éventuellement de mettre en avant dans la formation des infirmiers
en santé au travail l’intérêt de la prévention des addictions.
Mots clés : infirmier ; santé au travail ; entretien motivationnel ; tabac ; cannabis
30 PREAMBULE
I. Contexte global
A. Données épidémiologiques
Les données issues du Baromètre santé Institut National de Promotion et d’Eduction à la
Santé INPES 2014 fait apparaître des résultats encourageants sur la consommation de
tabac.
Le nombre de fumeurs réguliers baisse, passant de 29,1% en 2010 à 28,2% en 2014,
notamment chez les femmes (24,3% versus 26% en 2010). La population d’ex-fumeur a
augmenté, passant de 29,2% en 2010 à 31% en 2014. Les tentatives de sevrage sont plus
nombreuses (29% ont fait une tentative dans l’année, versus 25,2% en 2010), avec une plus
40 grande part d’hommes volontaires à l’arrêt.
Cependant, la prévalence tabagique reste globalement plus élevée en France que dans de
nombreux autres pays occidentaux, avec 34% de fumeurs chez les 15-75 ans. En ce qui
concerne l’expérimentation du tabac, elle est plus répandue puisqu’elle concerne 80 % des
15-75 ans en 2014 contre 75% en 2010I.
Dans les années 1950, les effets nocifs de la consommation tabagique, dont les effets
cancérigènes ont été mis en évidence.
Aujourd’hui, le tabagisme reste la première cause de décès évitable dans le monde devant
les accidents de circulation et les pathologies environnementales.
Depuis le début des années 1990, de nombreuses compagnes d’information et de promotion
50 de la santé ont été développées progressivement, associées à d’autres modifications
sociétales : l’interdiction du tabagisme dans les lieux publiques, l’évolution du prix du tabac
(3,20€ en 2000 à 9,30€ fin 2019 pour la classe de cigarettes la plus vendue).
B. Principales évolutions réglementaires
Les grandes évolutions réglementaires ont principalement été menées dans le sens de la
dissuasion de consommer du tabac, sans mettre en avant l’accompagnement au sevrage.
1. Loi de modernisation du système de santé
Cette loi date du 26 janvier 2016, elle instaure l’obligation pour les industriels du tabac de
mettre en place des paquets sans les logos et en mettant en avant des photos et messages
de sensibilisation aux risques issus de la consommation de tabac.
60 2. Décret sur l'interdiction de fumer dans les lieux collectifs
Le décret du 15 novembre 2006 fixe les conditions d’application de l’interdiction de fumer
dans les lieux affectés à un usage collectif. Il est entré en vigueur le 1er février 2007, sauf
dans les débits permanents de boissons à consommer sur place, casinos, cercles de jeu,
débits de tabac, discothèques, hôtels et restaurants, pour lesquels l'interdiction est entrée en
vigueur le 2 janvier 2008. Il redéfinit les normes s'appliquant aux lieux qui peuvent être
expressément réservés aux fumeurs. Ces lieux, appelés couramment fumoirs, doivent être
fermés et ventilés spécifiquement, sans possibilité d'y délivrer de prestations.
3. Loi Evin
La loi Évin, est aujourd’hui la loi la plus connue en termes de réglementation sur le tabac et
70 l’alcool. Elle date du 10 janvier 1991, elle modifie en profondeur la norme sociale en matière
de tabagisme et provoque une diminution de la consommation.
Elle renforce considérablement le dispositif législatif :
• en favorisant la hausse du prix des cigarettes ;
• en posant le principe de l’interdiction de fumer dans les locaux à usage collectif sauf
dans les emplacements expressément réservés aux fumeurs ;
• en interdisant toute publicité directe ou indirecte en faveur du tabac et des produits
dérivés ;
• en interdisant toute distribution gratuite ;
• en interdisant toute opération de parrainage liée au tabac ;
80 • en régulant la vente ;
• en autorisant, sous certaines conditions, les associations impliquées dans la prévention
du tabagisme à se constituer partie civile devant les tribunaux.
C. Stratégies nationales
En complément de l’évolution réglementaire, plusieurs stratégies nationales ont inclus, dans
leurs objectifs, la diminution du tabagisme en France.
1. Plan Santé Travail N°3
Le plan santé travail s’organise autour de 3 axes et 10 objectifs. La prévention liée à
l’addiction répond à l’objectif n°6 de ce plan qui induit la transversalité santé au travail – santé
publique.
90 2. Plan national de santé publique 2018-2022
Il vise à répondre aux grands défis que rencontre notre système de santé ; notamment la
prise en charge des maladies chroniques et leurs conséquences.
Pour cela il s’articule autour de quatre axes complémentaires dont :
Prévention : Mettre en place une politique de promotion de la santé, incluant la
prévention, dans tous les milieux et tout au long de la vie ;
3. Plan cancer 2014-2019
Initié en janvier 2014, le troisième Plan cancer s’est achevé fin 2019, avec près de 90 % des
objectifs fixés remplis. Il s’articule autour de deux grands axes. Le premier axe : « Réduire
les inégalités et les pertes de chance, une priorité du plan cancer » inclus l’objectif de
100 réduction du tabagisme.
II. Contexte spécifique
Dans le cadre de mon poste d’infirmier en service de santé au travail au sein d’une entreprise
sous-traitant automobile dans les Ardennes, j’ai réalisé une étude sur une popualation de
102 personnes sur une période de 13 mois.
Dans les accords d’entreprise, un des critères présent dans le calcul de l’intéressement est
l’absentéisme. Ce critère bénéficie d’une pondération variable suivant les années, en fonction
des Négociations Annuel Obligatoire NAO. Cet accord fait suite à une volonté commune des
partenaires sociaux et de la direction d’améliorer la qualité de vie au travail.
Notre étude a été mise en place suite à la sollicitation de la direction de l’entreprise afin de
110 réduire l’absentéisme en période hivernale.
Une étude préalable a concerné le personnel ayant eue des arrêts maladies pendant la
période hivernale afin de rechercher les potentielles causes de leur absentéisme. Elle a été
réalisée sur la base de questionnaires remis aux salariés ayant eu un arrêt de plus de 10
jours calandaires consécutifs entre le 1er octobre et le 31 mars ou plus de 20 jours calendaires
cumulés.
Par ailleur les partenaires sociaux allertaient le service de santé sur une grande
consommation de tabac au sein de l’entreprise entraînant des gênes vis à vis de certains
sallariés, notamment la présence de tabagisme passif.
160 METHODOLOGIE
Le suivi se base sur les recommandationsII de la Haute Autorité de Santé HAS sur une
période de 13 mois allant de novembre 2018 à novembre 2019 inclus. Lors du premier
entretien (novembre 2018), les salariés ont répondu aux trois questionnaires suivants :
Le test de FagerströmIII, ce test est réalisé par les participants de manière semestrielle,
uniquement pour les salariés qui fument encore.
Le test Lagrue et LégeronIV, ce test est réalisé par le salarié de manière mensuelle,
uniquement pour les salariés qui fument encore.
Le questionnaire CASTV. Ce test est réalisé de manière bimestrielle, uniquement pour
les salariés qui consomment encore du cannabis.
170 A chaque rendez-vous les résultats sont rendus aux salariés et ils peuvent bénéficier d’un
entretien motivationnelVI, d’une durée de 30 à 45 minutes. Lors des rendez-vous du 6ème et
du 12ème mois, l’entretien permet d’échanger sur l’évolution de la consommation et sur
l’évolution des résultats aux tests.
A la fin de chaque rendez-vous, une prescription de substitut nicotinique est proposé en
fonction des besoins et du ressenti des salariés. Le choix du substitut nicotinique se fait selon
les critères suivants :
nombre de cigarettes fumées par jour
durée entre le lever et la première cigarette
Tableau 1 : Matrice décisionnelle choix substitut nicotinique
Fume <10 / jour 11 – 20 / jour 21 – 30 / jour > 30 / jour
Moins de 5’ Patch moyen Patch grand Patch grand / moyen Patch grand / moyen
après le lever + + + +
Formes orales Formes orales Formes orales Formes orales
Moins de 30’ Patch moyen Patch grand / moyen Patch grand Patch grand / moyen
après le lever + + + +
Formes orales Formes orales Formes orales Formes orales
Entre 30’ et Patch moyen Patch grand / moyen Patch grand Patch grand
60’ après le + + + +
lever Formes orales Formes orales Formes orales Formes orales
Plus de 60’ Rien Patch moyen Patch grand Patch grand
après le lever ou + + +
Formes orales Formes orales Formes orales Formes orales
180 Le choix de prescriptions mensuelles de substitut nicotinique a été établi afin d’assurer le
suivi régulier du salarié et de lui donner la possibilité d’adapter rapidement le substitut en
fonction de son ressenti.
Le fait d’accepter ou non l’entretien motivationnel n’entraîne aucune conséquence sur
l’inclusion ou l’exclusion dans l’étude.
DESCRIPTION DE LA POPULATION
Les 102 personnes sélectionnéesVII, l’ont été sur la base du volontariat à l’issu de l’enquête
préliminaire, et souhaitaient réduire ou arrêter leur consommation de tabac.
200 Plusieurs éléments de classement peuvent être pris en compte.
I. Données anthropologiques
La répartition en fonction du sexe est comme suit :
94 hommes
98 femmes
La répartition d’âge est comme suit :
38 salariés âgés de 18 à 35 ans inclus
28 salariés âgés de 36 à 49 ans inclus
36 salariés âgés de 50 ans et plus
II. Données socio-professionnelles
210 La répartition en fonction des catégories socio-professionnelles est comme suit :
60 ouvriers
23 employés
12 professions intermédiaires
17 cadres
La répartition en fonction du rythme de travail est comme suit :
87 salariés en travail posté en 3x8
15 salariés en travail en horaire de jour
La répartition en fonction des contrats de travail est comme suit :
60 salariés en CDD / Intérim
220 42 salariés en CDI / Contrat à Durée Indéterminée Intermittent CDII
III. Données de consommation
La répartition en fonction du type de consommation est la suivante :
86 personnes consomment uniquement du tabac
16 personnes consomment du tabac et du cannabis
La répartition en fonction du nombre de cigarettes fumées par jour :
13 personnes fument entre 1 et 5 cigarettes par jour
11 personnes fument entre 6 et 10 cigarettes par jour
45 personnes fument entre 11 et 15 cigarettes par jour
27 personnes fument entre 16 et 20 cigarettes par jour
230 16 personnes fument plus de 21 cigarettes par jour
RESULTATS
I. Premier entretien
Le premier entretien a donné lieu au total à 102 Tests Fagerström, 102 tests Lagrue et
Légeron et 16 tests CAST.
L’ensemble de personnes participantes à l’étude ont accepté de répondre aux questionnaires
sans difficulté. L’entretien motivationnel est proposé à l’ensemble des salariés. Il est accepté
par 79 salariés et il commence en expliquant au salarié les résultats de ces tests.
Le résultat moyen au test de Fagerström est de 6,67 avec un écart-type de 1,4. Sur les
mêmes personnes, le test de Lagrue et Légeron à une moyenne de 13,96 avec un écart-type
240 de 4,2.
Figure 1a : Répartition des résultats Fagerström à T0
60 0 salarié à un niveau de
dépendance très faible
Nombre de personne
50
4 salariés ont un niveau de
40 dépendance faible
30 20 salariés ont un niveau de
dépendance moyen
20
52 salariés ont un niveau de
10
dépendance élevé
0
Arrêt Très Faible moyen Elevé Très
250 26 salariés ont un niveau de
faible élevé dépendance très élevé
Niveau de dépendance
0
Arrêt Risque faible Risque élevé
Niveau de risque de dépendance
La population choisie a donc une addiction moyenne au tabac avec un vaste niveau de
270 motivation pour arrêter de fumer.
Lors des entretiens motivationnels, il ressort trois thématiques principales incitant les salariés
à vouloir arrêter de fumer :
l’argent (63 récurrences) [prix du tabac + intéressement en lien avec absentéisme]
la santé (19 récurrences)
la qualité de vie (10 récurrences)
Les principaux freins à l’arrêt du tabac sont :
les interactions sociales (38 récurrences)
l’arrêt de co-consommation (35 récurrences) [cannabis / alcool]
II. Entretien des 6 mois
280 L’entretien des 6 mois a donné lieu au total à 80 Tests Fagerström, 80 tests Lagrue et
Légeron et 16 tests CAST.
L’ensemble de personnes participantes à l’étude ont accepté de répondre aux questionnaires
sans difficulté. L’entretien motivationnel est choisi par 87 salariés, dont 20 salariés
demandent l’entretien à chaque rendez-vous.
A ce stade de l’étude, 40 salariés ont déjà tenté d’arrêter au moins 1 fois. 23 salariés ont
repris leur consommation de tabac.
Le résultat moyen au test de Fagerström est de 6,65 avec un écart-type de 1,3. Sur les
mêmes personnes, le test de Lagrue et Légeron à une moyenne de 12,97 avec un écart-type
de 4,2.
25
dépendance nul
20 5 salariés ont un niveau de
dépendance faible
15
14 salariés ont un niveau de
10
dépendance moyen
5
31 salariés ont un niveau de
0
dépendance élevé
Arrêt Très Faible moyen Elevé Très
faible élevé
300 30 salariés ont un niveau de
Niveau de dépendance dépendance très élevé
38%
14 0 salarié a arrêté.
12 4 salariés ont une consommation
Nombre de personne
0
Arrêt Risque faible Risque élevé
Niveau de risque de dépendance
320 Lors des entretiens motivationnels, les trois thématiques principales citées lors du premier
entretien comme motivation pour arrêter sont toujours présentes et une thématique est
apparue :
l’argent (60 récurrences) [prix du tabac + intéressement en lien avec absentéisme]
la santé (24 récurrences)
la qualité de vie (16 récurrences)
le suivi facile (14 récurrences)
Les principaux freins à l’arrêt du tabac citées lors du premier entretien sont toujours présents :
les interactions sociales (32 récurrences)
l’arrêt de co-consommation (31 récurrences) [cannabis / alcool]
330 III. Entretien des 12 mois
Le dernier entretien a donné au total à 67 Tests Fagerström, 67 tests Lagrue et Légeron et
16 tests CAST.
L’ensemble des personnes participantes à l’étude ont accepté de répondre aux
questionnaires sans difficulté. L’entretien motivationnel est choisi par 78 salariés, dont 18
salariés demandent l’entretien à chaque rendez-vous.
A ce stade de l’étude, 66 salariés ont tenté d’arrêter au moins 1 fois. 26 salariés ont repris
leur consommation de tabac.
Le résultat moyen au test de Fagerström est de 5,76 avec un écart-type de 1,0. Sur les
mêmes personnes, le test de Lagrue et Légeron a une moyenne de 12,50 avec un écart-type
340 de 4,9.
Figure 3a : Répartition des résultats Fagerström à 12 mois
40
dépendance nul
35
30 4 salariés ont un niveau de
25 dépendance faible
20
15 18 salariés ont un niveau de
10 dépendance moyen
5 44 salariés ont un niveau de
0
Arrêt Très Faible moyen Elevé
350
Très
dépendance élevé
faible élevé 0 salarié a un niveau de
Niveau de dépendance dépendance très élevé
33%
14 0 salarié a arrêté.
12 4 salariés ont une consommation
Nombre de personne
2
370
0
Arrêt Risque faible Risque élevé
Niveau de risque de dépendance
Lors des entretiens motivationnels, les quatre thématiques principales citées lors de
l’entretien des 6 mois comme motivation pour arrêter sont toujours présentes :
l’argent (50 récurrences) [prix du tabac + intéressement en lien avec absentéisme] ;
la santé (34 récurrences) ;
la qualité de vie (33 récurrences) ;
le suivi facile (22 récurrences).
Les principaux freins à l’arrêt du tabac citées lors du premier sont toujours présents :
les interactions sociales (22 récurrences) ;
380 l’arrêt de co-consommation (21 récurrences) [cannabis / alcool].
IV. Synthèse
A la fin de l’étude, la consommation de tabac des participants a été comparée entre T0 et
l’entretien du 12ème mois :
35 personnes ont complètement arrêté de fumer à la fin de l’étude ; 32 hommes et 3
femmes.
21 personnes ont arrêté de fumer pendant plus de 1 mois ; 20 hommes et 1 femme.
03 personnes ont arrêté de fumer pendant moins de 1 mois ; 3 hommes.
23 personnes ont diminué leur consommation de tabac sans avoir arrêté ; 22 hommes
390 et 1 femme.
20 personnes n’ont pas diminué leur consommation de tabac ; 17 hommes et 3
femmes.
Cette répartition montre que 59 personnes ont tenté au moins une fois, d’arrêter de fumer au
cours de l’étude. Dont 24 ont repris leur consommation avant la fin de l’étude.
Le phénomène de craving a été observé chez 44 salariés soit 75% des personnes ayant
essayé d’arrêter au moins une fois.
Etant données que l’accompagnement au long court est un enjeu dans l’accompagnement
au sevrage. Il est important de voir que pendant les entretiens motivationnels, il est mis en
évidence la facilité de l’accompagnement pour 22 personnes soit presque 21,6% des
400 salariés. Cela peut s’expliquer par la proxémie entre le salarié et l’infirmier en santé au travail.
Le rythme en travail posté est surreprésenté dans la population étudiée (85,29% contre
59,77% de l’ensemble des salariés). Cependant c’est sur catégorie de salarié que l’on
observe la meilleure réponse au suivi (82,76% de changement de comportement dont
34,48% d’arrêt total).
La co-consommation tabac – alcool n’a pas été investiguée malgré le recueil des propos des
salariés. Ce choix est fait afin d’obtenir plus d’adhésion. L’alcool restant un sujet sensible et
peu abordé dans l’entreprise.
DISCUSSION
I. Divers biais
410 A. Biais de sélection
Parmi les salariés contactés, certains n’ont pas souhaité participer à l’enquête. Les motifs
avancés étaient : un échec précédent au sevrage avec reprise d’un tabagisme après l’arrêt
du suivi, le manque de disponibilité pour se prêter à l’enquête, l’absence de suivi avec une
seule consultation.
Mon statut d’enquêteur appartenant à la même société que l’enquêté a pu provoquer une
réticence de l’enquêté à exprimer librement son ressenti sur sa consommation et son envie
d’arrêter. Malgré le rappel de l’anonymat, une dizaine de refus de participation à l’étude a été
exprimée en lien avec la gestion des données et les conséquences « possibles » pour les
salariés.
420 B. Biais d’investigation
L’absence de groupe témoin, oblige l’enquêteur à utiliser des données publiées et donc
n’ayant pas la même période d’étude. De ce fait le contexte sociétal et la prise de conscience
collective peuvent impacter la comparaison.
C. Biais d’interprétation
L’enquête ainsi que sa phase de préparation, ont été établies par une seule personne, le
raisonnement utilisé n’a pu être critiqué et donc peut entraîner une vision non contradictoire.
L’analyse a été effectuée par un seul enquêteur, avec des questionnaires reconnus par les
professionnels de santé travaillant en addictologie.
Cependant les résultats obtenus ont été soumis à un groupe de relecture afin de valider ceux-
430 ci.
Arret total
21%
34% Arret avec reprise à plus 1
mois
22% Arret avec reprise a moins 1
mois
3%
20% Diminution consomation
Sans diminution
16
14
12
10
8
6
4
2
0
T0 T 6 mois T 1 an
450 Comme le montre la figure 5, il n’y a pas d’évolution notable sur les six premiers mois en
termes de niveau d’addiction au tabac. Ce niveau baisse uniquement après six mois de suivi.
Il est donc important de pouvoir proposer un suivi sur une longue période afin d’augmenter
les chances de réussite du sevrage.
De plus, lors des entretiens motivationnels réalisés tout au long de l’étude, il ressort
nettement comme motivation à l’arrêt la facilité du suivi. Ce levier est à mettre en corrélation
avec la proxémie entre le salarié et l’infirmier en santé au travail qui est un acteur de proximité
du monde de la santé dans l’entreprise. Le lien de confiance nécessaire pour le suivi est donc
plus facilement atteignable pour le binôme accompagnant – accompagné et permet donc une
meilleure adhésion du salarié dans la démarche engagée.
460 C’est pour cela que l’apport du suivi d’un infirmier en santé au travail est donc comparable à
celui d’un suivi dans un service d’addictologie pour ce qui est de l’accompagnement au
sevrage tabagique. L’avantage d’un suivi par un professionnel de service de santé au travail
réside dans une meilleure adhésion du salarié comme le décrit le docteur Christophe POIREL
dans sa thèseIX en médecine générale pour le suivi en extrahospitalier.
La formation d’infirmière en santé au travail gagnerait à préparer les futurs praticiens à la
prise en charge des problématiques d’addiction.
III. Addiction au tabac et co-consommation
L’objectif secondaire de l’étude comparative est de montrer l’impact de la co-consommation
tabac-cannabis dans la prise en charge du sevrage tabagique. Pour cela deux groupes
470 d’étude ont été réalisés. Le premier groupe est composé de salariés, consommateurs de
tabac uniquement, et le second de consommateurs de tabac et de cannabis.
Figure 6 : Comparaison des résultats de sevrage au bout de 12 mois
30
25
20 Tabac
15
Tabac/Cannabis
10
5
0
Arrêt Total Arrêt supérieur à Arrêt inférieur à Diminution Inchangé
1 semaine 1 semaine
Malgré le nombre de salariés concernés, l’étude comparative montre que dans des
conditions identiques d’accompagnement au sevrage tabagique, les personnes qui
consomment conjointement tabac et cannabis ne réduisent pas leur consommation de tabac.
L’explication principale est le fait de ne pas vouloir réduire leur consommation de cannabis.
Bien qu’un accompagnement spécialisé au sevrage du cannabis ait été proposé à chaque
salarié, aucun d’entre eux n’a souhaité réduire ou arrêter cette consommation.
Cette problématique montre que la présence des addictologues dans les services de santé
480 au travail pourrait être envisagée pour améliorer la prise en charge des addictions avant
qu’elles n’entraînent des conséquences importantes sur la santé et l’activité des salariés.
IX (POIREL, 2018)
Version du 24 février 2022 18
L’INFIRMIER EN SANTE AU TRAVAIL, UN ROLE DANS
L’ACCOMPAGNEMENT EN ADDICTOLOGIE
IV. Conclusion
Suite à la création de la visite d’information et de prévention pouvant être réalisée par les
infirmiers en santé au travail, son rôle en terme de prévention et de dépistage est donc majoré
et nécessite une professionnalisation avec un diplôme réglementé comportant dans sa
formation divers aspect dont la recherche d’addiction lors des visites et les notions en
entretien motivationnel.
La relation de proxémie entre les salariés et l’infirmier-ère en santé au travail permet la mise
en place d’une relation de confiance rapide et donc une facilité d’échange lors des entretiens
490 motivationnels, ce contexte étant favorable à un changement d’habitude du salarié sur sa
consommation de tabac.
L’intérêt de développer le travail en réseau (service de santé au travail vers les centres de
soin, d'accompagnement et de prévention en addictologie ou l’hôpital et inversement)
apparait également.
La prochaine réforme de la santé au travail peut être la possibilité pour les infirmiers en santé
au travail de se voir accorder une formation réglementé dans laquelle sera évoquée la
prévention des addictions.
DECLARATION D’INTERET
500
L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt, de quelque nature que ce soit dans le cadre de
la réalisation de cet article.
ANNEXES
I. Annexe 1 : Recommandation sevrage tabagique
2. Trouvez-vous qu’il est difficile de s’abstenir de fumer dans les endroits où c’est interdit
(par exemple cinéma, bibliothèque) ?
☐ Oui ..................................................................................... 1 pts
☐ Non .................................................................................... 0 pts
6. Fumez-vous lorsque vous êtes malades au point de rester dans le lit toute la journée ?
☐ Oui ..................................................................................... 1 pts
☐ Non .................................................................................... 0 pts
BIBLIOGRAPHIE
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