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Université de Rouen en Normandie

Représentations de la santé au travail de dirigeants d’entreprise et


de personnel de services de prévention et de santé au travail dans
la perspective d’améliorer l’efficacité des pratiques de prévention

Mémoire pour le
D.I.U. Pratiques Médicales en Santé Travail pour la formation des Collaborateurs Médecins

soutenu par

ROGIER Christophe

Directeur du mémoire :
Dr Arthur FOURNIER

Responsable pédagogique :
Professeur Jean-François GEHANNO

ROUEN – Juin 2023


Représentations de la santé au travail de dirigeants d’entreprise et de
personnel de services de prévention et de santé au travail dans la perspective
d’améliorer l’efficacité des pratiques de prévention

Résumé :

Faire adopter des mesures de prévention et maintenir dans l'emploi sont les principales missions des
services de prévention et de santé au travail (SPST). Leur réussite dépend de la capacité des
professionnels de la santé au travail (PST) à favoriser l’adhésion des travailleurs et les employeurs à
des décisions ou des pratiques plus favorables à la santé. Les dirigeants d'entreprise sont responsables
de leur mise en œuvre. La qualité du dialogue entre employeurs et PST est donc déterminante dans la
réussite de la mission de ces derniers. Elle dépend des représentations, des postures et savoirs des uns
et des autres.

Une étude exploratoire qualitative par entretien semi-structuré et entretien de groupe a été menée
de 2019 à 2021 auprès de plus de 20 dirigeants de TPE/PME et de grands groupes et de 22 PST
(directeurs, médecins, infirmiers, secrétaires médicales-assistante de services de santé au travail et
préventeurs : ergonomes et psychologues du travail) de SPST interentreprises (SPSTI), SPST autonome,
service de patho-pro et cabinet de consultance de 6 régions de France, dans un échantillon de
convenance maximisant la diversité des sources. Ils étaient interrogés en tête à tête ou en petit groupe
sur leurs représentations de la santé au travail, leurs pratiques, attentes et expériences. La collecte des
données a permis d'atteindre le point de saturation et le critère de suffisance théorique.

L’exploration des représentations d’employeurs et de PST a permis d’identifier des facteurs pouvant
entraver l’efficacité, l’utilité et donc la reconnaissance des actions que les SPST sont tenus de réaliser
au bénéfice des entreprises, des salariés et de leurs représentants. Le principal obstacle semble être
une représentation assurantielle et légale de la santé au travail, plutôt que sanitaire et au bénéfice de
la performance globale des entreprises. Cette représentation favorise une gouvernance des SPST et
plus globalement de la santé au travail par les process, la réalisation d’actions conformément à un
attendu – une offre socle - et une réglementation, plutôt que par les résultats de ces actions sur la
santé, les risques et leurs conséquences sur la conduite des entreprises. Redonner leur sens aux
activités de santé au travail, celui de l’esprit du code du travail comme des attentes d’employeurs, de
salariés et de PST, ainsi que l’amélioration de la formation de ces derniers, peut être un facteur
d’amélioration de l’efficacité et de l’efficience de leurs actions. Les avancées des sciences du
comportement dans le champ des changements de comportement en santé, et de la méthodologie
des évaluations peuvent y contribuer, pour peu qu’elles soient enseignées, appropriées et utilisées.

0
Remerciements

Je remercie les personnes ayant participé à la présente étude pour leur disponibilité, la richesse de
leurs témoignages et les axes de réflexion qu’elles m’ont inspiré. Je remercie aussi les personnes ayant
assisté à la présentation de ce travail au 36ème congrès de médecine et santé au travail à Strasbourg en
juin 2022, qui par leurs questions ou commentaires ont contribué à l’approfondissement de ma
réflexion.

Je remercie tout particulièrement le Pr. Jean-François GEHANNO pour son accueil, son enseignement
si confraternel, sa grande disponibilité bien au-delà de ses responsabilités pédagogiques, ses conseils
et sa bienveillance, notamment en acceptant mon inscription à Rouen. Avec d’autres enseignants de
Rouen, de Lille ou de Caen, il sait donner sens et goût à cette belle discipline de santé au travail.

Je remercie les équipes pédagogiques du D.I.U. Pratiques Médicales en Santé Travail pour la formation
des Collaborateurs Médecins des universités de Rouen, de Lille et de Caen, pour leur enseignement,
l’intelligence de leur approche pédagogique et leur très grande disponibilité pour répondre à toutes
nos questions.

Je remercie mes deux tuteurs qui m’ont accompagné dans mes premiers pas en santé au travail au
sein de l’ACMS, le Dr Arthur FOURNIER et, avant lui, le Dr Paolo BUTTI jusqu’à son départ de l’ACMS.
Avec eux, je suis aussi reconnaissant à toute l’équipe du secteur de Bagneux où j’exerce depuis 2019
pour sa bienveillance, nos collaborations et la bonne ambiance qui y règne, au Dr Georges SABA
référent pour notre secteur et aux autres médecins et professionnels référents techniques et
juridiques qui font de l’ACMS un SPSTI à part, robuste et structuré, où la formation interne et l’entraide
professionnelle sont remarquables. Je suis enfin reconnaissant à Nicolas LE BELEC, directeur général
de l’ACMS, de m’avoir proposé de rejoindre son SPSTI.

1
Table des matières
1 Introduction ................................................................................................................................ 1
2 Matériel et méthodes ................................................................................................................. 1
Initiation de l’étude ..................................................................................................................... 1
Recueil des données .................................................................................................................... 2
Constitution de l’échantillon ....................................................................................................... 2
Analyse des données ................................................................................................................... 3
Aspects éthiques et réglementaires ............................................................................................ 4
3 Résultats ..................................................................................................................................... 5
3.1 Les points de vue d’employeurs .............................................................................................. 5
La santé au travail, un sujet important mais un dispositif mal connu ........................................ 5
Une « obligation légale », comme « une taxe inutile » ............................................................... 5
Une vision de la santé au travail plus assurantielle que porteuse de performance ................... 5
Doutes sur l’efficacité ou l’efficience du service des SPST. ......................................................... 6
Un service perçu comme inadapté .............................................................................................. 6
Propositions pour une meilleure pratique des SPST ................................................................... 7
Une insatisfaction poussant à se passer de services des SPST .................................................... 7
3.2 Les points de vue de professionnels de la santé au travail ..................................................... 8
3.2.1 L’image de la médecine du travail et de la santé au travail ............................................ 8
Une expertise et une utilité revendiquées, un investissement décrit comme variable ............. 8
Le poids intériorisé d’une mauvaise image ................................................................................. 8
La médecine du travail confondue avec la médecine de soins, sans valeur ajoutée. ................. 8
Pratiques des SPST manquant d’adéquation aux besoins des entreprises ................................. 9
Une mauvaise réputation attribuée à un défaut de communication des SPST .......................... 9
3.2.2 Médecine du travail et santé au travail, d’abord une obligation légale ......................... 9
La santé au travail, une obligation légale ; le code du travail, la référence métier .................... 9
Médecine - santé au travail, un contrôle réglementaire sans valeur ajoutée .......................... 10
Le code du travail et celui de la santé publique vus comme un carcan pour les SPST ............. 10
Production réglementaire des SPST et rendu comptable de leurs actions ............................... 10
Attentes des employeurs non exaucées et manque d’écoute des SPST ................................... 11
Attentes d’employeurs et de salariés autres que celles d’une conformité réglementaire....... 11
Tension entre être au service du salarié et au service de l’entreprise ..................................... 12
3.2.3 Périmètre et objet de l’action des SPST ........................................................................ 12
Des définitions variables de la santé ......................................................................................... 12
Les pathologies concernées par la santé au travail, attribuables ou pas au travail .................. 13
Places de la QVT/QVCT dans le champ des SPST ...................................................................... 13
Place de la prévention dans le champ des SPST........................................................................ 14
3.2.4 Apprécier l’efficacité et l’efficience des pratiques des SPST ......................................... 14
L’impensé de l’efficacité et de l’efficience des SPST ................................................................. 14
Un ressenti variable d’efficacité : expériences personnelles sans évaluation formelle ........... 15
Un manque de données pour évaluer l’efficacité et l’efficience des actions ........................... 15
Pouvoir et devoir évaluer la mise en œuvre des conseils, leur efficacité et leur efficience ..... 15
3.2.5 Facteurs d’efficacité et d’efficience des pratiques des SPST......................................... 17
Insuffisance des ressources, du temps et de l’organisation pour mener les actions................ 17
Enjeux de la confiance entre SPST et employeurs .................................................................... 18
Réceptivité des interlocuteurs aux propositions des SPST et écoute de leurs besoins ............ 18
Cibler les populations bénéficiaires et concentrer les actions de prévention .......................... 18
Formulations et modalités de délivrance des actions de prévention ....................................... 18
Actions de prévention facilitant l’adhésion des bénéficiaires, condition de leur efficacité ..... 19
La performance de l’entreprise un argument tabou pour promouvoir la prévention.............. 19
3.2.6 Coût de la santé au travail et des SPST.......................................................................... 20

2
3.2.7 Compétences et pratiques du personnel des SPST ....................................................... 21
Savoir interroger, écouter, conseiller, accompagner, faciliter l’adhésion ................................ 21
Compétences managériales des médecins du travail pour animer et coordonner l’équipe .... 22
Savoir mener des actions de prévention efficaces.................................................................... 22
Des pratiques apprises ‘sur le tas’, hétérogènes, sans garantie d’efficacité ............................ 22
3.2.8 Positionnements et postures du personnel des SPST ................................................... 23
Employeurs et employés, cibles d’intervention ou partenaires ? ............................................. 23
Posture rassembleuse des composantes des entreprises......................................................... 24
Posture de fournisseur vis-à-vis de clients ................................................................................ 24
Posture vis à vis des employés .................................................................................................. 25
Posture vis à vis des élus ........................................................................................................... 25
Posture vis-à-vis des autres acteurs institutionnels (publics) de la santé ................................. 25
Posture vis-à-vis des autres acteurs privés de la santé au travail ............................................. 26
3.2.9 Des SPSTI difficiles à diriger, un personnel difficile à manager ..................................... 26
Une gouvernance décrite comme verrouillée par les organisations patronales, écartant les
employeurs adhérents et l’expression de leurs besoins. .......................................................... 26
Des directions de SPSTI soumises aux contraintes réglementaires et aux compétences
managériales et en santé au travail interrogées ....................................................................... 27
Des atouts reconnus de la pluridisciplinarité ............................................................................ 28
Une articulation entre médecins du travail et équipe pluridisciplinaire améliorable .............. 28
Des équipes pluridisciplinaires encore trop cloisonnées .......................................................... 29
Intégration des infirmiers en santé au travail à parfaire........................................................... 29
Emploi des secrétaires médicales -assistantes de service de santé au travail à améliorer ...... 29
4 Discussion ................................................................................................................................. 30
4.1 Validité et limites de l’étude ................................................................................................. 30
4.2 Insatisfaction et attentes des employeurs ............................................................................ 31
4.3 La conformité réglementaire avant l’efficacité en santé au travail ...................................... 32
4.4 Evaluer l’effet des actions pour améliorer les pratiques en santé au travail ........................ 34
4.5 Posture de conseil ou d’accompagnement et compétences pour améliorer la prévention. 35
5 Conclusion ................................................................................................................................ 38
6 Références ................................................................................................................................ 39
7 Annexes .................................................................................................................................... 43
7.1 Guide d’entretien .................................................................................................................. 43
7.2 Verbatims complémentaires ................................................................................................. 44

3
0
1 Introduction
Faire adopter des mesures de prévention et maintenir dans l'emploi sont les principales missions des
services de prévention et de santé au travail (SPST). Leur réussite dépend de la capacité des
professionnels de la santé au travail (PST) à faciliter l’adhésion des salariés et des employeurs à des
pratiques ou décisions plus favorables à la santé. Les dirigeants d'entreprise sont responsables de leur
mise en œuvre. Ils sont le principal acteur de la santé au travail. Les salariés sont appelés à les mettre
en œuvre, par subordination à leur employeur ou par motivations personnelles. Les PST sont leurs
conseillers. La qualité du dialogue entre employeurs, salariés et PST est donc déterminante dans la
réussite de la mission de ces derniers. Elle dépend des représentations, des postures et des savoirs des
uns et des autres.

Dans des travaux de recherche précédents, j’avais exploré des déterminants de l’adhésion à des
programmes de santé, au travail pour des militaires français en opération (1,2) et en population
générale (3–5). Après une carrière de chercheur et de dirigeant, dans les armées et dans le réseau des
instituts Pasteur, j’ai choisi de m’investir dans la santé au travail car j’avais perçu dans mes
responsabilités et engagements de dirigeant et dans mes lectures, une forme de déficit de
reconnaissance de l’efficacité des actions de prévention menées à destination des travailleurs.

L’objectif de la présente étude était d’explorer les représentations de la santé au travail de différents
acteurs, les employeurs et les PST, dans la perspective d’améliorer l’efficacité des pratiques de
prévention.

2 Matériel et méthodes
La présente recherche exploratoire est une étude qualitative en santé avec analyse thématique
inductive (6,7).

Initiation de l’étude

Dans sa phase initiale d’élaboration de la problématique, pendant le premier semestre 2019, la


recherche a comporté des entretiens libres interindividuels en face à face ou en groupe avec des
dirigeants d’entreprise appartenant au Centre des jeunes dirigeants (CJD), une association patronale à
laquelle j’appartiens depuis 2014, du personnel d’un service de santé au travail interentreprises d’Ile-

1
de-France, le CMIE1, et de médecins de prévention du ministère des armées et du ministère en charge
de la santé. Plus d’une cinquantaine de personnes a ainsi été interrogée.

Recueil des données

A partir du deuxième semestre 2019, la recherche a ensuite reposé sur des entretiens interindividuels,
en face à face, sans témoin, semi-directifs menés avec un guide d’entretien (voir annexe). Les lieux des
entretiens pouvaient être des lieux de travail, des domiciles ou des établissements publics (restaurant,
bar) où il était possible de s’isoler, et consentis par les personnes interrogées.

Lorsque les conditions logistiques le permettaient, l’entretien a été enregistré sur un smartphone.
Dans le cas contraire, les notes ont été prises en cours d’entretien sur papier ou sur ordinateur. Lorsque
l’entretien était enregistré, il a été transcrit sur support informatique. Les seuls identifiants enregistrés
ont été le sexe, la classe d’âge, l’activité de l’entreprise et sa taille lorsqu’il s’agissait de dirigeants
d’entreprises, et le métier ou la fonction lorsqu’il s’agissait de personnel de SPST2.

Constitution de l’échantillon

Les dirigeants d’entreprise (DE) appartenaient pour la plupart au CJD d’Ile-de-France et de la région
centre. Ils dirigeaient des petites et moyennes entreprises fortes de 3 à plus de 100 salariés
appartenant au secteur tertiaire principalement marchand. Ils ont constitué un échantillon de
convenance visant à maximiser la diversité des types d’activité et des tailles d’entreprises (dirigeants
identifiés ou rencontrés au cours de réunions départementales ou régionales ou au cours de
séminaires de formation de dirigeants). Ces dirigeants connaissaient à la fois mon appartenance au
CJD, facteur de confiance et de liberté d’expression, et ma formation de médecin et de chercheur ayant
un intérêt pour la santé au travail. Ils étaient informés de la finalité de ma recherche. Il n’existait aucun
lien d’intérêt entre nous.

Quelques dirigeants de groupes nationaux ou internationaux, toujours du secteur tertiaire


principalement marchand, ont aussi été interrogés dans une optique de triangulation, pour vérifier si
les observations effectuées auprès de dirigeants de TPS et PME pouvaient être rencontrées dans les
grandes entreprises. Dans ce dernier sous-échantillon, je rencontrais les dirigeants pour la première
fois, sur rendez-vous, et j’étais identifié dans mes fonctions de médecin en santé au travail
(collaborateur médecin) appartenant à un service de prévention et santé au travail d’Ile-de-France,
l’ACMS3. Ils étaient informés de la finalité de ma recherche et il n’existait aucun lien d’intérêt ou
fonctionnel entre nous.

1 Centre Médical Interentreprises Europe


2 Selon la dénomination en cours depuis 2022
3 Association interprofessionnelle des centres médicaux et sociaux de santé au travail de la région Ile-de-France.

2
Le personnel de santé au travail était issu essentiellement de services de prévention et de santé au
travail interentreprises, mais aussi de SPST autonome, de service de pathologie professionnelle et de
cabinet de consultance en santé au travail. Ils ont constitué un échantillon de convenance construit
pour sa quasi-totalité en dehors du service de prévention et de santé au travail interentreprises (SPSTI)
qui m’emploie (ACMS), par l’intermédiaire de professionnels identifiés au gré de rencontres effectuées
entre 2019 et 2021. Ils travaillaient dans les régions Ile-de-France, Nouvelle Aquitaine, Pays de la Loire
et Normandie. Ils connaissaient mon statut professionnel de collaborateur médecin et ma formation
de chercheur. Ils étaient informés de la finalité de ma recherche. Il n’existait aucun lien d’intérêt ou
hiérarchique entre nous.

Au total, huit dirigeants de TPE-PME (identifiés dans ce rapport « DE » 1 à 84) et deux dirigeants de
groupes implantés en France et à l’étranger (DE 9 & DE 10 ; un directeur des opérations d’un groupe
de commerce de détail employant plus de 20.000 collaborateurs, une directrice des ressources
humaines d’un groupe de commerce de gros interentreprise employant plus de 10.000 collaborateurs)
ont été interrogés individuellement puis un groupe de 10 autres dirigeants de TPE-PME ont été
interrogés en groupe (« DE 11 »)

Au total 22 professionnels de SPST interentreprise ou autonome, service de pathologie professionnelle


& cabinet de consultance dont quatre directeurs généraux (« DG »), six médecins du travail (« MT »),
six infirmiers en santé au travail (« IDEST »), quatre intervenants en prévention des risques
professionnels (« IPRP » ; deux ergonomes et deux psychologues en santé au travail), et deux
secrétaires médicales-assistantes de service de santé au travail (« ASST ») ont été interrogés entre juin
2019 et janvier 2022.

Analyse des données

L’analyse des données a été de type thématique selon la méthode développée par Clarke et Braun
(6) dont les étapes ont été décrites par Maguire et Delahunt (8) et reprises dans un guide (9) :

1) se familiariser avec les données par de multiples lectures avec annotation des données recueillies,

2) générer les « codes » initiaux en repérant des « unités/items de sens » les plus petits possibles, que
ces items soient ou pas dominants (i.e. en conservant les « extrêmes »), en ne considérant que le
contenu sémantique (i.e. explicite) sans considérer le contenu latent (facteurs sous-jacents pouvant
expliquer les réponses),

4
Numéros identifiant des personnes interrogées (ici des dirigeants d’entreprise, DE).

3
3) rechercher des thèmes de manière inductive à partir des données brutes en agrégeant des codes
ou des sous-thèmes de façon à ce que les données (i.e. codes, « unités/items de sens ») au sein des
thèmes soient cohérentes et significatives,

4) réviser les thèmes en vérifiant leur cohérence par rapport aux données qu’ils contiennent et en
veillant à ce que les distinctions entre les thèmes soient claires et identifiables (cela peut amener à
réorganiser les thèmes pour ne garder qu’un petit nombre de thèmes principaux),

5) Définir et nommer chaque thème en lien avec la question de recherche, résumant la problématique
de façon lisible et claire, le cas échéant tracer une carte thématique articulant les thèmes entre eux et
vérifier que toutes les données pertinentes pour la question de recherche ont été analysées et
qu’aucun thème ne reste manquant, puis

6) rédiger le rapport d’analyse en précisant le contexte, le processus de codage et d'analyse, ce que


chaque thème révèle sur le sujet en citant le verbatim de participants pour l’illustrer et démontrer la
validité de l’analyse. Ce rapport a été soumis aux participants afin d’obtenir leur retour quant à
l’interprétation des résultats. Le cas échéant, il a été tenu compte de leurs demandes de correction ou
de leurs commentaires.

Les recommandations COREQ dans leur version en langue française (10) pour l’écriture des rapports
de recherche qualitative ont été considérées. Des verbatims longs ont parfois été conservés dans le
texte pour permettre la perception du ressenti des personnes interrogées. D’autres verbatims ont été
placés en annexe pour faciliter la lecture du document tout en les laissant accessibles pour illustrer la
diversité points de vue et de leurs modalités d’expression.

Aspects éthiques et réglementaires

Les personnes interrogées ont été informées des finalités de la recherche et du strict respect de
l’anonymat des sources dans l’enregistrement et le traitement des données. Lorsque les entretiens ont
été enregistrés, cela a été effectué avec l’accord des personnes intéressées.

La recherche menée n’est pas une recherche impliquant la personne humaine (RIPH) telle que définie
par l’article R 1121-1-1 du code de la santé publique : « Sont des recherches impliquant la personne
humaine au sens du présent titre les recherches organisées et pratiquées sur des personnes
volontaires saines ou malades, en vue du développement des connaissances biologiques ou médicales
… ». A ce titre, elle ne nécessite pas d’autorisation ou d’information de l’ANSM5, ni d’avis d’un comité
de protection des personnes (CPP). En termes de traitement des données et de règlement européen

5 Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.

4
sur la protection des données (RGPD), les données se rapportant à des personnes physiques
enregistrées pour la recherche n’étaient pas identifiables.

3 Résultats

3.1 Les points de vue d’employeurs

La santé au travail, un sujet important mais un dispositif mal connu

Tous les dirigeants d’entreprise (DE) interrogés considéraient que la santé de leurs collaborateurs était
un sujet important. Aucun des DE interrogés n’a spontanément manifesté une attente d’une plus
grande information sur l’offre ou les réalisations de leur SPST. Moins de la moitié prétendait
initialement avoir une bonne connaissance du dispositif santé au travail (DE 1, 2 & 3) mais la majorité
convenait finalement ne pas percevoir leur mission de prévention (DE 3, 4, 5 & 6) ou considéraient
qu’ils n’intervenaient qu’en cas de problème avéré (alerte du CSE6, inaptitude… ; DE 4).

Une « obligation légale », comme « une taxe inutile »

La plupart des DE considérait le recours à la « médecine du travail » « comme une taxe inutile ». Pour
tous, le recours au SPST était d’abord perçu comme une « obligation légale » dont l’aspect juridique
était prépondérant, et ressenti le plus souvent comme une contrainte, pas comme un service. Certains
assimilaient les SPST à l’inspection du travail, à la fonction publique (DE 2, 3 & 6). Une dirigeante (DE
9) nuançait son propos sur le nécessaire respect du cadre réglementaire pour protéger l’entreprise, au
sujet des questions RH7 notamment, en soulignant également le besoin de ne pas rester à la lettre de
la Loi et du code du travail, d’en considérer aussi l’esprit.

Une vision de la santé au travail plus assurantielle que porteuse de performance

La majorité des DE considérait que les SPST ne devaient s’intéresser qu’aux pathologies qui pourraient
être attribuées au travail, notamment les problèmes les plus graves comme les accidents du travail ou
maladies professionnelles (AT/MP), les troubles musculosquelettiques (TMS), ou les risques
psychosociaux (RPS) et leurs conséquences, dans une logique assurantielle contre les recours dont ils
pourraient faire l’objet s’ils n’étaient pas conformes à la loi ou aux règlements.

Pour un peu moins de la moitié des DE, l’ensemble des pathologies pouvant avoir un impact sur le
travail devait être considéré, dans une logique de « performance globale de l’entreprise » (DE 2, 9 &
11), car des salariés en bonne santé travaillent mieux et sont moins absents. Ainsi, les SPST devraient

6
Le comité social et économique (CSE) est l'instance de représentation du personnel dans l'entreprise.
7
Ressources humaines

5
aider les entreprises à diminuer le turnover ou l’incidence des arrêts de travail qu’ils soient dus aux
AT/MP ou à l’ensemble des maladies, épidémiques ou non, qui pèsent sur l’absence au travail (DE 2,
4, 6 & 8).

« L’investissement sur la santé du personnel de l’entreprise devrait, aussi, être rentable pour l’entreprise
en rendant les ressources humaines moins coûteuses et plus durables » (DE 11).
Doutes sur l’efficacité ou l’efficience du service des SPST.

Certains DE ont parfois relaté un service rendu de SPST qu’ils avaient apprécié, en soulignant son
caractère exceptionnel, toujours en faisant allusion à des problèmes graves de santé (e.g. accident
vasculaire cérébral dans l’entreprise) (DE 3 & 9). Les DE interrogés avaient globalement une mauvaise
opinion du service rendu par les SPST, ayant peu ou pas d’utilité (DE 1, 2, 3, 4, 6, 11) en insistant parfois
sur l’inutilité du rappel de la norme (DE 2), doutant de son efficacité ou ne la reconnaissant pas (DE 1,
2, 3, 4, 5 & 6), soulignant son absence d’efficience et la faiblesse du service rendu par rapport au prix
des cotisations (DE 3, 4 & 5). Certains se disaient prêts à payer plus pour que le service du SPST soit
plus efficace (DE 2 & 3). Un DE reconnaissant que « le montant de la cotisation est faible par rapport
aux autres charges », soulignant ainsi, sur un mode ironique : « j’en ai pour mon argent ». Globalement
ils doutaient de l’efficacité et de l’efficience des SPST pour les aider à résoudre leurs problèmes, au
point d’appeler les SPST à

« passer d’une logique de moyens se limitant à faire des actions, à cocher des cases, à une logique de
résultat sur la santé des salariés et l’aide concrète à l’entreprise » (DE 11).
Un service perçu comme inadapté

Des critiques étaient précises. Les visites médicales étaient parfois jugées trop standardisées, courtes
et superficielles sur le mode « cases cochées » (DE 2 & 5).

« Les réponses apportées ne sont pas dans le timing de l’entreprise, n’ont pas la réactivité nécessaire, ne
sont pas sur un mode hotline » (DE 4).
Un DE attendait que le service ait une plus grande « validité scientifique pour être convaincant » (DE
2). Il regrettait que les interventions de son SPSTI se limitaient à

« un audit de protection légale, réalisé de façon standardisée pour juger de la conformité à la


réglementation » plutôt que de « répondre aux besoins réels des salariés, prenant en compte leurs points
de vue sur le mode du conseil pour améliorer la situation et convaincre. » (DE 2).
D’autres DE disaient attendre des SPST qu’ils se consacrent d’abord aux sujets importants du point de
vue de l’entreprise, et, pour cela qu’ils fassent l’effort de mieux connaitre leurs préoccupations, leurs
modes de fonctionnement et contraintes, et de s’y adapter, ce qui implique selon eux davantage
d’interventions des SPST en entreprise (DE 3, 6 & 8). Selon l’un d’entre eux, les SPST devraient avoir
une démarche « expérience employeur ou salarié » et mettre « l’employé au centre de l’équation » (DE
3). Selon un autre, le fait que l’offre de service des SPST et leur réalisation soient standardisées
impliquait que le service soit inadapté à chaque entreprise (DE 2). En d’autres termes, ils attendaient

6
« plutôt du sur mesure ou de la demi-mesure8 que du prêt à porter » soulignant ainsi la spécificité
attendue des conseils.

Propositions pour une meilleure pratique des SPST

Des DE considéraient que la formulation des conseils donnés par les SPST manquait souvent de
pédagogie et n’était pas adaptée aux besoins. Ils reconnaissaient d’ailleurs qu’entrainer l’adhésion des
salariés, les faire participer à la résolution des problèmes, « les autonomiser » était difficile et qu’ils
attendaient mieux des SPST (DE 1 & 2).

Ils étaient aussi en « attente de résolution des problèmes et de recommandations explicites, pas
seulement de rappels de la réglementation. » (DE 2)

L’attente pouvait aussi porter sur la formalisation de « contrats SPST-managers sur actions et
résultats » (DE 2), c’est-à-dire sur une fonction plus formalisée, dans les règles de l’art, de conseil ou
de coaching des SPST (DE 1, 2, 6 & 9) ou sur une aide au « benchmarking des pratiques à adopter » par
employeur (DE 9). Ces différents types de prestations des SPSTI pourraient, selon certains, être
mutualisés entre entreprises.

Une insatisfaction poussant à se passer de services des SPST

Environ la moitié des DE avait mis en œuvre des mesures de santé au travail, sans consulter leur SPST.
Ils avaient préféré les organiser en interne, décrivant leur démarche de « dialogue avec les salariés »
(DE 1, 2, 3), mentionnant que « la QVT9 est l’affaire de l’employeur, pas du médecin du travail » (DE 4,
5 & 6) y compris pour la recherche et le développement de solutions « contre les troubles
musculosquelettiques et le risque chimique ». Certains avaient une préférence pour des « prestataires
[extérieurs] faisant ce qu’on leur demande » (DE 1 & 4) ou témoignaient de leur satisfaction
d’interventions de mutuelles comme Malakoff-Humanis (DE 8). Ils ont parfois manifesté leur attente
d’une aide de leur SPST (supports d’information par exemple) aux actions qu’ils initiaient (DE 2, 3 & 6),
soulignant un manque de dialogue et de co-construction des choix de priorité et des interventions.
Certains pensaient même que les SPST pourraient être les « chefs d’orchestres de prestataires
externes » (DE 2 & 3), appelant implicitement à un partenariat plus étroit entre leur SPSTI et les autres
intervenants extérieurs à l’entreprise (e.g. consultants, assurances, mutuelles, institutions publiques
ou parapubliques).

8
Le « sur mesure » demande au tailleur la création d'un nouveau patron spécialement pour chaque client, tandis
que pour la « demi- mesure », le tailleur part d'un patronage déjà existant, et y apporte les corrections
nécessaires et souhaitées par le client.
9
Qualité de vie au travail

7
Les DE s’exprimaient souvent en des termes similaires. La saturation a été atteinte rapidement. Elle a
été confirmée par les prises de parole du groupe de 10 DE interrogés ensemble (DE 11), qui n’ont pas
apporté d’éléments supplémentaires à ceux obtenus au cours des 10 entretiens individuels.

3.2 Les points de vue de professionnels de la santé au travail

3.2.1 L’image de la médecine du travail et de la santé au travail

Une expertise et une utilité revendiquées, un investissement décrit comme variable

Les dirigeants de SPST et une partie de leur personnel reconnaissaient que les médecins du travail et
d’autres PST avaient une grande expertise, une « expertise rare » disaient-ils souvent.

« Les médecins du travail ont évolué, ce sont des gens biens, intelligents et pertinents, des experts
rarissimes. Ils sont mûrs pour jouer un rôle de synapse entre employeur et salarié. » (DG 2)
De nombreux professionnels de la santé au travail appréciaient leur métier.

« C'est un métier passionnant, super, avec un pied dans l'entreprise et un pied chez le salarié. C'est un
métier très diversifié, jamais redondant ni répétitif. » (MT 5).
Leur utilité était souvent proclamée.

« Un moyen de protection des salariés en plus du droit du travail, un moyen de faire valoir le droit à la
santé des salariés dans le cadre du travail où la liberté est contrainte par l’employeur, une sorte de
démocratie sanitaire au sein des entreprises. […] Elle fait partie des supports sociaux sur le lieu de travail.
» (IDEST 2).
Cependant, cette valorisation de la médecine du travail ou de la santé au travail relevait parfois d’une
profession de foi ou d’un vœu.

« Ils [les médecins du travail] sont légitimes, pertinents, compétents, ils ont les arguments pour entrainer
l’adhésion, pour faire évoluer la prévention… En fait c’est un vœu, je voudrais y croire. » (IDEST 6)
L’investissement du personnel des SPST était souvent décrit comme très variable.

« Cela dépend des acteurs, des médecins du travail, de leur démarche… Que penser d’un médecin du
travail qui demande ‘Tout va bien ? Ok ! on se revoit dans 5 ans !’. » (IDEST 3)
Le poids intériorisé d’une mauvaise image

L’ensemble du personnel des SPST percevait sa mauvaise réputation auprès des employeurs, des
salariés et du public, une image datée et d’inutilité. Le personnel des SPST intégrait parfois cette
mauvaise opinion et utilisait des termes similaires à ceux des employeurs, des salariés ou du public.

« Une médecine poussiéreuse avec des manières de faire et des pratiques archaïques. » (MT 4).
La médecine du travail confondue avec la médecine de soins, sans valeur ajoutée.

L’absence de perception d’une valeur ajoutée de la santé au travail par rapport à la médecine de soins
était souvent évoquée par du personnel des SPST.

« La médecine du travail est très dévalorisée. Beaucoup de gens considèrent que ça ne sert à rien. Les
visites sont trop courtes… » (ASST 1)

8
Pratiques des SPST manquant d’adéquation aux besoins des entreprises

Le manque d’adéquation des pratiques des SPST aux besoins des entreprises, et donc leur peu d’utilité,
étaient souvent dénoncés.

« Pour les employeurs et les salariés, la santé au travail est quelque chose de contraignant, barbant et
vieillot… notre domaine de compétence n’est pas en adéquation avec les besoins du terrain. […] on ne
sait pas se montrer crédible car trop dans l’individuel et pas assez sur le terrain.’ ». (IDEST 4)
Une mauvaise réputation attribuée à un défaut de communication des SPST

Le personnel des SPST attribuait souvent cette mauvaise réputation à un défaut de connaissance ou
de visibilité de leurs actions, d’information des employeurs. Pour la plupart d’entre eux, il s’agissait
surtout d’un problème de communication des SPST à destination de leurs parties prenantes, dont leurs
bénéficiaires et adhérents.

La médecine du travail ou la santé au travail a été le plus souvent présentée comme « mal connue, mal
appréciée, placardisée » (DG 2), le service rendu n’étant pas perçu par ceux auxquels il était destiné.

« Une médecine mal vue et mal connue des salariés et des employeurs. On devrait mieux communiquer
vis-à-vis des employeurs, leur parler davantage. » (MT 4)
Pour les membres des SPST, la communication ne semblait devoir être qu’unidirectionnelle, d’eux-
mêmes vers les entreprises et les salariés. Mis à part une infirmière, aucun membre des SPST n’a
évoqué l’écoute des employeurs ou des salariés dans l’optique d’améliorer leurs pratiques et la
reconnaissance de leurs services par leurs bénéficiaires. « Les SSTI ne sont pas assez bons en
communication… car on n’est pas assez à l’écoute. » (IDEST 4)

3.2.2 Médecine du travail et santé au travail, d’abord une obligation légale

La santé au travail, une obligation légale ; le code du travail, la référence métier

Pour l’ensemble des DG de SPST interrogés, la santé au travail était « d’abord une obligation légale de
l’employeur ». Les attentes légales, assurantielles, des employeurs-adhérents, en particulier en ce qui
concerne les visites, étaient bien perçues et relayées par les directions des SPST vers leur personnel.
C’est un « Parapluie pour les employeurs » (IPRP 4).

« L’obligation du recours à un SPST est pour les employeurs le prix d’une assurance contre des risques,
comme celui de l’amiante qui est craint » (DG 2).
Cette logique de conformité à la loi et aux règlements était largement et profondément intériorisée
par le personnel des SPST. Le code du travail était souvent cité comme la « référence métier », avant
de considérer la santé et le résultat des actions réalisées pour les salariés et les entreprises.

9
« Nos références sont le code du travail, les normes comme sources d’inspiration. Celles de l’AFNOR 10, de
la CARSAT11, des bases toxico etc. L’adaptation à la réalité, le résultat ne sont pas pris en compte : pas
d’outil, pas de méthode, pas de culture du résultat. C’est une logique de moyens. » (IPRP 1)
Médecine - santé au travail, un contrôle réglementaire sans valeur ajoutée

Pour une partie du personnel des SPST, leurs activités étaient perçues comme des contrôles
réglementaires, sans valeur ajoutée, « une obligation, sans service attendu… » (IDEST 5). Parfois « pour
l’entreprise, la santé au travail est une ‘Taxe obligatoire’. » (IPRP 1), reprenant l’image évoquée par
des employeurs.

« Les employeurs nous voient comme l’inspection du travail. […] Les salariés ont l’impression qu’on va
les juger, qu’on ne leur apporte rien, que c’est une simple formalité administrative. » (IDEST 4)
Le code du travail et celui de la santé publique vus comme un carcan pour les SPST

Le code du travail et parfois le code de la santé publique étaient perçus par de nombreux membres
des SPST comme des contraintes, un carcan réglementaire limitant « la réactivité, l’adaptabilité et
l’innovation » (DG 2).

Cette référence au code du travail expliquait pour certains DG de SPST que les prestations de leur
personnel étaient suboptimales. Elle causait un « gâchis de talents et de compétences à cause du cadre
réglementaire très pesant et de médecins du travail pas assez pro-actifs » (DG 1). Pour certains, les
médecins du travail resteraient centrés sur les normes et règlements « pour garder les entreprises dans
les clous », ne considérant pas les résultats des actions menées, considérant surtout la conformité
réglementaire. (DG 1 & 2)

Production réglementaire des SPST et rendu comptable de leurs actions

En conséquence de la perception des attentes réglementaires des employeurs, dans une logique
assurantielle, une pression importante sur les chiffres de réalisation des prescriptions du code du
travail était exercée par les directions des SPST et ressentie par leur personnel. Surtout en rapport avec
le nombre de visites réalisées.

« Ce qui est attendu c’est d’être à jour des visites… » (DG 3)


Il pouvait s’agir d’une « approche comptable, qui ne sort pas des cases réglementaires. » (DG 1). Un
autre évoquait un « reporting fiable du nombre d’actions réalisées et de la qualité des actions, parfois
une évaluation de la satisfaction du client mais pas d’évaluation des changements de
comportements. » (DG 4)

Des DG décrivaient des médecins du travail saturés, étouffés, faisant leur travail a minima et
comptabilisant leurs actions (DG 1, 2 & 3). Un médecin du travail aurait déclaré « fièrement » au DG

10
Association française de normalisation
11
Caisses d'assurance retraite et de la santé au travail

10
de son SPSTI « J’ai fini mon secteur ! » pour lui signifier sa satisfaction d’avoir atteint son quota de
visites médicales réglementaires (DG 2).

Pourtant des médecins du travail, IDEST et préventeurs ne se satisfaisaient pas de cette approche
comptable de leur activité qui pouvait leur poser un problème éthique.

« Le SPST est efficace ponctuellement, pas en général. Ce n’est pas réellement le but recherché. L’objectif
est de ‘faire des visites’, sans réflexion globale, sans vision de la finalité d’un meilleur état de santé. Il n’y
a pas d’intérêt pour l’impact des actions, ni leur mesure. » (IDEST 5).
Une autre IDEST qui avait trouvé un intérêt à la santé au travail par rapport à la médecine clinique a
aussi fini par quitter son SPST à cause d’une « politique du chiffre ».

Cette pression sur la conformité comptable semblait plus prégnante dans les SPST interentreprise
qu’autonomes : « Dans les SSTI, la quantité soumise à obligation juridique et aux injonctions des
employeurs, passe avant la qualité. Dans les SST autonomes, c’est l’inverse. » (IPRP 4)

Attentes des employeurs non exaucées et manque d’écoute des SPST

En même temps qu’ils déclaraient être focalisés sur la réalisation des prescriptions du code du travail
présentées comme l’attente des employeurs, les directions des SPST et leur personnel convenaient
souvent qu’ils ne cherchaient pas ou peu à répondre aux besoins des entreprises. Ils disaient être
rarement à leur écoute.

« On n’identifie pas leurs problèmes, leurs besoins ; On ne sait pas ce qui est attendu par les employeurs.
[…] L’offre socle12 de Présanse13 en réponse au code du travail est la base du référentiel mais n’est pas
toujours adaptée aux besoins réels des employeurs : il faudrait adapter à chaque entreprise » (DG 3).
L’évocation de ce défaut d’écoute et de prise en compte des demandes des employeurs était retrouvée
chez le reste du personnel des SPST.

« Je ne sais pas ce que les employeurs attendent de nous. » (MT 4)


Attentes d’employeurs et de salariés autres que celles d’une conformité réglementaire

Du personnel de SPST percevait cependant que les employeurs avaient aussi besoin d’être sécurisés
par rapport à un champ technique santé qu’ils maitrisaient mal.

« Il y a aussi un besoin d’une technicité sur la santé et la prise en compte des risques professionnels et la
santé de leurs salariés auxquels ils n’ont pas accès, d’une fenêtre sur un domaine qu’ils ne maitrisent pas
du tout. » (IDEST 2)
Certains percevaient que des employeurs cherchaient à améliorer la performance de leur entreprise
par une meilleure santé au travail.

« Pour les employeurs c’est maintenant une recherche maximale de l’efficacité au travail mais aussi une
recherche de la qualité de vie au travail, du bien-être au travail. C’est un mouvement global où ils sont

12
Offre socle reprise dans la loi n° 2021-1018 du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail.
13
Présanse (Prévention, Santé, Service, Entreprise) est un organisme de représentation des Services de
Prévention et de Santé au Travail Interentreprises de France, sous statut d’association à but non lucratif.

11
de plus en plus demandeurs d’accompagnement, d’actions au quotidien, avec des acteurs pas seulement
des SPSTI : des coachs, des cabinets de conseil… […] Le côté sociétal n’est partagé que par une partie du
patronat. Certains dirigeants considèrent que la médecine du travail peut aider à ce que l’entreprise
fonctionne mieux. » (IDEST 2)
Tension entre être au service du salarié et au service de l’entreprise

Bien que les SPST soient à la fois au service des employeurs, des salariés et de leurs élus, il existait une
tension entre service au salarié et service à l’employeur qui n’était pas toujours dépassée, l’intérêt de
l’un pouvant différer de l’intérêt de l’autre : « Il s’agit d’aider employeurs et salariés. Cela ne plait pas
toujours à l’un et l’autre, les décisions ne sont pas toujours agréables [à prendre]. » (IDEST 3). Cette
tension aurait évolué au cours des dernières années. Sa gestion ne semblait pas faire l’objet de
formation ou d’accompagnement du personnel des SPST. Rares étaient ceux qui y ont fait référence.

« En France, les médecins du travail sont soumis à cette tension éthique et majoritairement se réfèrent
au service du salarié plutôt qu’au service de l’entreprise. […]. Nous faisons face à présent à une nouvelle
tension entre le bien-être et le bien-faire du salarié, défini par le salarié plutôt que par le qualiticien. Les
conditions de travail doivent être bonnes pour le salarié et bonnes pour la performance globale de
l’entreprise, à l’encontre du ‘Quick & durty’ ». (MT 2, reste du verbatim en annexe)

3.2.3 Périmètre et objet de l’action des SPST

Des définitions variables de la santé

La définition de la santé et de santé au travail était variable parmi le personnel des SPST interrogé. Ces
différences de définition pouvaient révéler des différences de perception des missions des SPST, du
sens du travail de leur personnel.

La définition de la santé de l’OMS14 était la plus souvent citée, comme un objectif à atteindre,
hypothétique. La définition de la santé était parfois plus dynamique et adaptée à la relation entre
travail et santé.

« C’est la liberté de pouvoir agir sur soi et sur ce qui nous entoure, pouvoir effectuer son travail selon sa
propre initiative, pouvoir en dire qu’on y est pour quelque chose. » (IPRP 3)
La définition de la santé pouvait aussi porter sur les capacités des personnes, notamment pour
travailler, se rapprochant du point de vue des employeurs, « […] la santé, considérée comme capacité
physique et psychique. » (DG 3)

« Mais l’intérêt de l'employeur c’est d’avoir un salarié toujours en bonne santé, jamais absent. » (MT 5)

14
« La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une
absence de maladie ou d'infirmité. » Préambule à la Constitution de l'Organisation mondiale de la Santé, tel
qu'adopté par la Conférence internationale sur la Santé, New York, 19 juin -22 juillet 1946; signé le 22 juillet 1946
par les représentants de 61 Etats (Actes officiels de l'Organisation mondiale de la Santé, n°. 2, p. 100) et entré en
vigueur le 7 avril 1948. Cette définition n'a pas été modifiée depuis 1946. (https://www.who.int/fr).

12
Les pathologies concernées par la santé au travail, attribuables ou pas au travail

Selon le personnel des SPST, les critères pour considérer des pathologies comme relevant de leurs
actions incluaient leur attribution au travail, leur impact sur le travail et la dimension sociale d’accès à
la santé.

Une partie du personnel des SPST soutenait la limitation ou primauté aux pathologies attribuables
directement ou indirectement au travail.

« Pathologies directement ou indirectement dues au travail. Par exemple une hypertension artérielle
essentielle15 ne relève pas de la santé au travail. » (IPRP 3, entretien en mars 2020)
La loi d’aout 202116 a étendu le champ des actions des SPST à des objectifs de santé publique. La charge
de travail du personnel des SPST serait depuis apparue comme une contrainte les poussant à faire des
arbitrages en faveur des pathologies qui sont attribuables au travail.

« Celles dues au travail et celles qui ne sont pas dues au travail mais qui ont un impact sur le travail. […]
La médecine du travail est différente de la santé publique par manque de temps et manque de
compétence des médecins du travail. » (MT 3)
D’autre personnel des SPST considérait les pathologies dues au travail ou interagissant avec lui. Pour
la plupart des DG et du personnel des SPST, des pathologies pouvaient faire l’objet de leurs actions, si
elles pouvaient être attribuées au travail, si elles impactaient la capacité de travailler, dans le cadre de
la prévention de la désinsertion professionnelle, ou, parfois, dans une optique de santé publique, de
soutien social et sanitaire à des populations défavorisées qui pouvaient bénéficier, du fait de leur
emploi, d’un suivi médical et de prévention secondaire ou tertiaire.

« Je pense qu’il faut considérer la ‘santé globale’, même si on me demande de ne considérer que les
pathologies professionnelles. […] il y a un déficit de médecin généraliste. Je vois donc d’un bon œil la
réforme qui considère la santé au travail comme appartenant à la santé publique. » (IDEST 5)
Places de la QVT/QVCT dans le champ des SPST

Le personnel des SPST a été interrogé sur ce qu’il pensait de la qualité de vie au travail (QVT) et de la
qualité de vie et des conditions de travail (QVCT) à partir de décembre 202017, de leur implication dans
ce champ. Une partie importante du personnel des SPST percevait la démarche de QVT comme
« cosmétique », pas à la hauteur des enjeux de santé au travail.

« Bull shit ! C’est surtout du marketing pour attirer les embauches. […] L’idée c’est d’être bien au travail,
c’est à dire plus productif, avec moins de conséquences pathologiques… Cette idée est dévoyée. Le
babyfoot n’évite pas les accidents du travail ! » (IDEST 4)

15
i.e. non liée au travail.
16
Loi n° 2021-1018 du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail
17
La QVCT a été promue par les partenaires sociaux dans l’Accord national interprofessionnel (ANI) du 9
décembre 2020. Cet accord complète l’ANI du 19 juin 2013 sur la qualité de vie au travail.

13
Une autre partie y trouvait cependant un intérêt pour faire progresser la santé au travail au sein des
entreprises, en autonomie, sans nécessiter d’intervention des SPST. Elle pouvait rejoindre ainsi le point
de vue d’employeurs.

« Le bien-être au travail, la QVT,…. Je pense que c'est positif. C’est un moyen pour entraîner l'entreprise
vers la santé au travail. » (MT 5)
Place de la prévention dans le champ des SPST

Pour la plus grande part du personnel des SPST, la prévention primaire, collective, en entreprise,
passait après la prévention secondaire et tertiaire, individuelle, au cours des consultations au cabinet.
Plusieurs raisons ont été avancées pour cela : le poids de l’histoire de la médecine du travail centrée
sur l’individu plutôt que l’amélioration des conditions de travail, la vision de la prévention par les
pouvoirs publics favorisant les soins et le système hospitalier, la population et le personnel de santé
dont font partie les médecins et infirmiers en santé au travail, le temps accaparé par la prise en charge
des salariés en difficulté - « trop curatif et axé sur la réparation. » (IPRP 2) - plutôt que consacré à la
prévention primaire qui permettrait d’éviter ces difficultés.

« Les médecins du travail sont plus centrés sur la clinique que sur la prévention ou l’éducation,
notamment en entreprise. Ils ne peuvent pas aller plus souvent en entreprise. […] Ils voient leur métier
comme visant à aider ceux qui sont en difficulté au niveau individuel plutôt que de mener des actions
collectives. » (DG 1)

3.2.4 Apprécier l’efficacité et l’efficience des pratiques des SPST


Interrogé sur ses résultats, l’ensemble du personnel des SPST a répondu en parlant des actions
réalisées ou leur conformité au code du travail, des exigences réglementaires, des capacités
techniques, des contraintes opérationnelles ou du défaut de reconnaissance. Au cours de l’entretien,
aucun membre de SPST n’a spontanément abordé les questions relatives aux résultats en termes
d’effet de leurs actions sur la santé, de leur impact sur les risques et les comportements ou dispositifs
de protection, de l’efficacité ou de l’efficience de leurs pratiques, de leur évaluation ou de leur
amélioration. Les questions relatives aux résultats n’ont été abordées en termes d’effet des pratiques
de santé au travail que sur demande.

L’impensé de l’efficacité et de l’efficience des SPST

Aux questions « En quoi le dispositif de santé au travail est-il efficace ? » ou « En quoi le dispositif de
santé au travail est-il efficient ? », les réponses immédiates du personnel des SPST révélaient
généralement un malaise, une incompréhension, un impensé.

« Efficience ? je ne sais pas ce que c’est. » (MT 5)


« Vous pouvez répéter la question ? » (IDEST 3)
Un IPRP d’un cabinet de conseil a eu une compréhension plus immédiate de la problématique.

« La médecine du travail, les SSTI, peinent à être efficients. Il faudrait être dans une logique de prévention
[…]. La prévention est un concept mal partagé. [au sujet de l’efficacité ou de l’efficience] Le médecin du

14
travail se sent menacé sur son périmètre d’action, craint pour sa place, il est réticent sur les diagnostics
quantitatifs car parfois il n’a pas de postula collectif. Souvent l’employeur n’a pas le réflexe ‘médecin du
travail’ : cela altère les conditions d’efficience ou d’efficacité, chacun restant dans son pré carré, d’un
côté le DUERP18 de l’employeur, de l’autre la FE19 des SSTI. Il y a aussi une question de moyens insuffisants
alors que la demande augmente. » (IPRP 4)
Un ressenti variable d’efficacité : expériences personnelles sans évaluation formelle

Parfois la réponse affirmant l’efficacité de SPST avait la tonalité d’une espérance : « On est capable
d’améliorer la santé » (DG 1)

La réponse faisait le plus souvent appel à des souvenirs de ressentis ou à une analyse a posteriori. Elle
relevait parfois d’hypothèses, parfois d’expériences ponctuelles concluantes au sujet d’exemples
d’actions individuelles, parfois d’un ressenti globalement négatif au sujet d’actions collectives de
prévention primaire, pratiquement jamais d’une démarche structurée d’évaluation. Des éléments
explicatifs étaient avancés, les contraintes de ressources humaines des SPST dédiées à l’évaluation des
effets des pratiques notamment (voir aussi verbatims en annexe).

« Je n’ai pas d’exemple en 10 ans d’une action en entreprise qui ait eu un effet. […] Les médecins du
travail sont démunis en termes d’outils efficaces. […] La crédibilité de la médecine du travail est difficile
à étayer. […] La médecine du travail a une utilité primordiale pour adapter l’emploi à la santé, mais en
réalité c’est différent. Pour l’amiante, l’utilité a été tardive. Pour le Burnout, il y a un problème
d’efficacité… L’utilité est possible à petite échelle, celle d’un salarié en difficulté. » (IPRP 3)
Un manque de données pour évaluer l’efficacité et l’efficience des actions

En ce qui concerne la mise en œuvre de préconisations, de conseils, beaucoup de membres des SPST
ont déclaré ne pas savoir si leurs recommandations étaient réellement mises en œuvre. (DG 1, DG 2,
MT 3, MT 4). L’absence de données sur les effets des pratiques de santé au travail est reconnue comme
un obstacle à l’appréciation de leur efficacité et de leur efficience. Plusieurs raisons étaient avancées :
méthodologiques (il serait impossible d’évaluer la non-incidence de pathologies, il n’y aurait pas de
méthode connue, il serait difficile de contrôler des facteurs de confusion), logistiques (manque d’outils
notamment informatiques, de moyens humains, de temps), relevant de l’entreprise ou de facteurs
extérieurs, ou, le plus souvent, ne pas avoir eu l’idée de vérifier l’effet des actions réalisées.

« Je ne sais pas si le système est efficient. L’efficacité on ne la connait pas. Je ne sais pas évaluer
l’efficacité de mon action, je n’ai jamais considéré cela dans ma pratique quotidienne. Pour les actions
mises en œuvre, l’efficacité se traduit par la non apparition de maladie après un délai trop long à
attendre. » (MT 4)
Pouvoir et devoir évaluer la mise en œuvre des conseils, leur efficacité et leur efficience

Certains membres des SPST ont déclaré avoir effectué des évaluations, avec des résultats variables.
D’autres ont reconnu que l’on pourrait ou devrait évaluer la mise en œuvre de ce qui a été conseillé,

18
Document unique d'évaluation des risques professionnels
19
Fiche d’entreprise

15
l’efficacité ou l’efficience des actions des SPST. Souvent, cependant, ils ne savaient pas comment
procéder.

« C’est une nécessité d'évaluer pour prouver notre utilité, notre impact sur l'entreprise, et améliorer nos
pratiques. » (MT 5)
Des exemples ont été donnés et des suggestions ont été faites pour évaluer l’efficacité et l’efficience
des pratiques en santé au travail (verbatims en annexe). Il a été proposé de reconvoquer des salariés
en visite médicale. Il a surtout été proposé de procéder par appels téléphoniques des salariés, des
managers ou des employeurs après des actions pour leur demander ce qu’ils ont retenu comme
information, ce qu’ils ont commencé à faire ou à décider et, le cas échéant, ce qui les empêcherait de
passer à l’action, de changer de comportement ou d’organisation, ou de prendre des décisions plus
favorables à la santé au travail (e.g. mise à disposition d’EPI ou d’équipement de protection collective).
Ces appels pourraient avoir lieu quelques semaines ou mois après une action, en ayant prévenu par
avance de cette démarche ceux qui seraient appelés. L’évaluation pourrait aussi porter sur des
indicateurs de santé (poids de salariés, stress ressenti, sommeil, incidence d’accidents ou de quasi-
accidents, etc.). Ces appels pourraient être réalisés par des secrétaires médicales-assistantes de service
de santé au travail pour limiter certains biais dans les réponses.

Les ASST 1 et 2 ont confirmé qu’elles pourraient être impliquées dans le suivi des préconisations en
appelant les salariés ou les employeurs pour vérifier s’ils se souviennent des recommandations, s’ils
les ont mis en œuvre et le cas échéant les difficultés qu’ils auraient rencontrées pour passer à l’action.
Cela dépendrait de leur préparation à cette activité et de l’accord du médecin du travail avec qui elles
travaillent. De leur point de vue, ce serait acceptable et réalisable pour certains médecins, pas pour
d’autres. Dans leurs interactions avec les salariés et les employeurs, elles seraient plus neutres que les
médecins, les infirmières ou les préventeurs, car elles ne se sentiraient pas remises en cause par les
réponses obtenues.

En effet, il peut y avoir une certaine réticence à faire un suivi des préconisations car il pourrait obliger
les prescripteurs ou conseillers à se remettre en question. Des précautions seraient à prendre pour
rendre ce type de suivi ou d’évaluation acceptable par le personnel des SPST : analyse entre pairs,
anonymat, inscription de la démarche dans un processus consenti d’amélioration des pratiques, c’est-
à-dire de remise en cause des pratiques précédentes.

« L’efficacité et la pertinence des conseils donnés sont inconnues car on ne les mesure pas… quand j’en
ai eu le temps, j’ai fait du suivi de préconisations. Il ne se passait rien, il n’y avait pas eu de suite aux
préconisations. Mieux vaut alors ne pas faire de suivi des préconisations car il engendre un sentiment
d’inutilité. Mieux vaut ne pas savoir, c’est plus confortable. Car quand il ne se passe rien, cela oblige à
une remise en question de l’expertise, de la méthodologie, de la commande des adhérents, des capacités
d’action… » (IPRP 1)

16
Un médecin a cité une étude EVREST20 du maintien dans l’emploi après un cancer avec un suivi du
devenir, une appréciation des ressentis, le lien entre travail et cancer [facteur de risque et facteur de
guérison et de retour au travail] et des évaluations dans des thèses d’étudiants. Il a suggéré de mesurer
en globalité l’amélioration des conditions de travail [prises en compte vérifiable de recommandations],
de la santé [mesure directe], de la compréhension des déterminants au niveau de différents acteurs,
avec des budgets adaptés pour explorer ces différentes dimensions [facteurs de risque-guérison,
acteurs, finances].

La pratique de l’évaluation en SPST autonome a aussi été évoquée.

« L’évaluation des pratiques de médecine ou santé au travail, soit est imposée, soit on doit se l’imposer.
En SST21 autonome, on doit justifier tous les ans du résultat, par exemple sur la réussite du dialogue social
entre salariés-syndicats et employeur, sur la gestion et le contrôle des accidents par la prévention et sur
l’activité de ‘Medical officer’ pour le contrôle d’usage de produits psychoactifs comme l’alcool… mais pas
sur leurs sites habituels d’activité pour ne pas polluer le rôle de conseiller des employeurs, des employés
et des élus. » (MT 2)

3.2.5 Facteurs d’efficacité et d’efficience des pratiques des SPST


La capacité des actions des SPST à avoir un effet, leur efficacité et leur efficience ont souvent été
identifiées comme des enjeux importants pour la santé au travail. Les facteurs pouvant les déterminer
ont été discutés avec leur personnel. La formation notamment en prévention primaire, les
compétences du personnel des SPST, le temps et les ressources humaines dédiées aux actions, la
réceptivité de leurs bénéficiaires, les modalités de délivrance des actions ont été évoqués.

Insuffisance des ressources, du temps et de l’organisation pour mener les actions

Le cadre réglementaire trop contraignant, la prééminence donnée à la conformité au code du travail


plutôt qu’au résultat, le manque de temps et de ressources humaines consacrés aux actions collectives
en entreprise, en particulier en raison de la priorité donnée aux visites médicales et au suivi individuel
ont été évoqués comme facteurs limitant l’efficacité et l’efficience des SPST.

« Le tiers temps est normalement pour la prévention primaire. En pratique, on fait de la prévention
secondaire ou tertiaire par manque de temps. […] Dans les SSTI on n’a pas assez de temps et de
ressources pour être crédible et efficace. En moyenne, avec une intervention par mois pendant un an
dans une TPE à direction bienveillante, on peut espérer une efficience. Sinon non. » (MT 5)
Avec un nombre inférieur de salariés à suivre par chaque professionnel de santé, une plus grande
proximité et connaissance du milieu de travail et probablement une meilleure confiance des salariés
de l’entreprise, la situation dans les SPST autonomes était décrite comme différente de celle des SPSTI :
elle serait plus favorable à la pertinence et à l’efficacité des actions en santé au travail.

« En SST autonome, la situation est différente. On a moins de salariés à suivre. On peut organiser de
vraies campagnes de prévention très appréciées. Les employés sont plus à l’écoute car ils connaissent

20
Evolutions et relations en santé au travail (http://evrest.istnf.fr/ consulté le 17/05/2023)
21
Service de santé au travail.

17
mieux le médecin du travail qu’ils voient tous les jours. Le médecin du travail peut facilement vérifier les
mises en œuvre. » (MT 4).
L’espacement des visites médicales du fait des réformes du suivi des salariés par les médecins et IDEST
qui ne serait plus adapté aux risques réels a été avancé comme facteur d’inefficacité (DG 1), laissant
supposer que c’est dans une approche individuelle qu’une plus grande efficacité de la prévention
pourrait résider, en contradiction avec d’autres avis de personnel des SPST.

Enjeux de la confiance entre SPST et employeurs

La confiance entre SPST et bénéficiaires de ses actions était une condition de leur efficacité perçue par
quelques professionnels de la santé au travail, sans qu’il soit évoqué comment établir et entretenir
cette confiance.

« La confiance dans les SSTI dépend du médecin et de l’entreprise, selon les vécus et leur histoire ; Elle
dépend aussi de l’image que l’entreprise a de la mission des SSTI, de son efficacité, de la facilité d’obtenir
de l’aide. Il est nécessaire de faire reposer la relation sur la confiance. » (IPRP 1)
Réceptivité des interlocuteurs aux propositions des SPST et écoute de leurs besoins

La réceptivité des personnes conseillées par le personnel des SPST a été évoquée comme une condition
de l’efficacité et de l’efficience de leurs actions de prévention. La relation entre cette réceptivité et la
capacité du personnel des SPST à interroger et à écouter a rarement été évoquée.

« Les actions de prévention ne sont demandées que par les médecins, rarement ou pas du tout par les
adhérents. On les embête. Les préconisations sont mises en œuvre s’il existe une demande de
l’employeur. Si ça vient du médecin, il ne se passe rien. En fait, Il existe des besoins implicites, vus par les
médecins, faisant l’objet de préconisations qui restent sans effet, et des besoins explicites, exprimés par
l’entreprise, qui poussent à la co-construction avec l’entreprise. Pour qu’il y ait un effet, il est nécessaire
de convaincre et pour cela il faut entendre les préoccupations des entreprises. Il faut écouter davantage.
» (IPRP 1)
Cibler les populations bénéficiaires et concentrer les actions de prévention

L’intérêt stratégique du ciblage et de la concentration des actions et des moyens pour assurer
l’efficacité et l’efficience des actions de prévention était rarement perçu par le personnel des SPST. Il
s’agissait de

• choisir les bons interlocuteurs notamment les décideurs concernés ou impliqués, souvent des
directeurs ou des managers plutôt que le personnel des ressources humaines : « Il faut avoir
affaire aux décideurs, si nécessaire essayer de passer au-dessus. » (IPRP 2),
• adapter l’intervention à ce public, à la fois son fond et sa forme : « La prévention primaire n'est pas
efficiente. Il faudrait mieux cibler les populations problématiques, mieux choisir les lieux et moyens
en entreprise, en entretien en tête à tête, avec des affiches… » (MT 5)

Formulations et modalités de délivrance des actions de prévention

Pour quelques membres des SPST, les modalités de délivrance des actions de prévention par le
personnel des SPST n’étaient pas jugées assez adaptées aux besoins, contraintes et capacités de

18
compréhension des bénéficiaires. Cela sous-entendait que l’expertise technique ne suffisait pas. Des
compétences relationnelles d’écoute et de communication feraient trop souvent défaut.

« On n’est pas complétement rationnel. Le conseil doit être traduit, adapté à la cible… […] Pour les
employeurs, c’est trop jargonneux, ils ne sont pas réceptifs, cela reste au niveau des gadgets. » (DG 2)
« On a toujours fait comme on voulait nous [les SSTI], par exemple avec des rapports avec trop de pages
et de rappel des règlements… pas en fonction du client et de ses attentes. » (DG 4)
Actions de prévention facilitant l’adhésion des bénéficiaires, condition de leur efficacité

Les conditions et les moyens pour faciliter l’adhésion des bénéficiaires aux actions de prévention des
SPST étaient très rarement considérées ou connues. Une très faible proportion du personnel des SPST
avait identifié cette condition de l’efficacité de ses pratiques. Seuls certains préventeurs IPRP ont décrit
une approche, une méthodologie, qu’ils avaient parfois apprise. Pas les médecins du travail interrogés.

L’accent a été mis par ces IPRP sur la co-construction des mesures de prévention pour qu’elles soient
adaptées aux conditions réelles du travail, pas seulement du travail prescrit, et donc sur la nécessité
préalable d’obtenir l’adhésion de la direction et du personnel de l’entreprise, et du médecin du travail
dans les SPST. L’expertise du personnel des entreprises était jugée critique. Celle du personnel des
SPST ne suffisait pas. La confiance et la prise en compte des préoccupations de chaque partie prenante
(e.g. le fonctionnement et les finances de l’entreprise) étaient des éléments clés.

« Je ne fais pas de préconisation d’emblée dans mon rapport d’ergonome car je me suis rendu compte
que les employeurs ne les utilisaient pas par manque de reconnaissance de ma légitimité. Je rentre
d’abord en négociation avec l’employeur, le médecin, les groupes d’employés de l’entreprise, les élus du
personnel, en recherchant une représentativité de l’entreprise dans son ensemble, un véritable
engagement de l’entreprise. Cela passe par la mise en place d’une reformulation et une instruction de la
demande, la définition d’un groupe de diffusion pour le suivi de l’intervention, pour assurer la
transparence, de groupes de travail pour la co-élaboration des préconisations avec le personnel : pas de
préconisation d’emblée. Ensuite il y a une formalisation du projet par l’équipe pluri, les employés et les
employeurs. Il faut faire des efforts pour convaincre, avec une démarche inclusive, une neutralité avec
tous les acteurs autour de la table… Si cela est OK alors on peut aller sur le terrain en gardant du recul.
Il faut aussi prendre en compte la dimension performance de l’entreprise, documenter le métier, voir les
finances avec le DG, considérer la qualité du travail… Il faut créer le lien de confiance avec l’employeur.
Dans un tiers des demandes, s’il y a eu co-construction du début à la fin, l’avis d’ergonome abouti à une
mise en œuvre. J’ai appris à élaborer l’intervention à la faculté, selon la norme de l’ARTEE 22. Dans les
deux autres tiers des demandes et de leurs prises en compte par d’autres acteurs que les ergonomes
[autres IPRP, AST, IDEST, MT…], on se limite souvent à une étude de poste. Si on ne répond pas à la
demande, il y a une perte de confiance, une déception des salariés,… souvent car ‘on ne peut pas forcer
l’employeur’. On fait souvent de l’abatage, avec des interventions trop nombreuses, de moindre qualité
et ayant peu d’impact. » (IPRP 2)
La performance de l’entreprise un argument tabou pour promouvoir la prévention

Le personnel des SPST a très rarement évoqué spontanément la performance de l’entreprise comme
un argument utilisable pour faciliter l’adhésion des employeurs à des actions de prévention. Cela

22
Association pour la reconnaissance du titre d’ergonome européen en exercice, créée par la société
d’ergonomie de langue française SELF : https://ergonomie-self.org/vie-de-la-self/le-reseau/artee/

19
incluait la prise en compte des ressources de l’entreprise parfois citée secondairement, sur relance.
Des réticences à utiliser ce type d’argument ont été rapportés de la part de direction ou de personnel
de SPST.

« On parle peu de performance en entreprise, d’efficience, de productivité. Parler de performance


d’entreprise ‘doit être proscrit des SSTI’ dixit un DRH de SSTI car cela n’entre pas dans les prérogatives
des acteurs des SSTI. On ne devrait considérer que la santé des salariés. En fait la performance de
l’entreprise est la porte d’entrée pour faire accepter les préconisations, pas la seule mais on ne doit pas
s’en priver. » (IPRP 2)

3.2.6 Coût de la santé au travail et des SPST


Le coût des SPST pour les entreprises adhérentes était diversement apprécié par le personnel
interrogé. Il pouvait être perçu comme peu élevé par les DG de SPST, sous la contrainte des exigences
des organisations patronales et de la concurrence entre SPST sur certains territoires, en Ile-de-France
notamment. Ironiquement, ce faible coût serait facteur de bonne efficience car « les employeurs en
[auraient] pour leur argent ». Reprenant les avis d’employeurs, il pouvait être considéré par d’autres
comme trop élevé par rapport au service rendu ou au service perçu. Par ailleurs, selon des DG de SPST,
le coût réel de la mauvaise santé au travail était rarement mis en balance par les employeurs avec le
coût des actions de prévention. Si c’était le cas, cela pourrait changer l’appréciation du retour sur
investissement de l’action des SPST.

Au niveau des entreprises, le plus souvent, il n’y aurait ni perception ni calcul des coûts complets de
l’absentéisme, des coûts directs ou indirects de la mauvaise santé évitable au travail, du coût des
sanctions (à court terme) en cas de non-conformité à la réglementation. Il n’y aurait pas de mise en
balance de ces coûts avec ceux de la prévention (DG 1, DG 2). Les prises en charge par l’assurance
maladie et les prévoyances masqueraient une partie des coûts complets aux yeux des employeurs (DG
1). Pourtant,

« La perception du coût global, économique et humain, de la mauvaise santé au travail serait un levier
pour développer la culture de prévention en entreprise. » (DG 1).
D’ailleurs le besoin d’évaluation et d’études académiques sur ces coûts et le retour sur investissement
(return on investment, ROI) de la prévention, de faire des enquêtes et des requêtes, a été suggéré par
certains DG de SPST (DG 2, DG 3), par exemple pour estimer des référentiels de ROI par secteur
d’activité ou branche professionnelle.

Selon des DG de SPST, ce défaut d’appréciation des coûts par de nombreux employeurs serait partagé
par le personnel des SPST.

« Les médecins du travail ne considèrent pas les coûts pour l’entreprise, les coûts de la mauvaise santé
des salariés, le coût réel de leurs préconisations. » (DG 1).

20
Pourtant de nombreux médecins du travail, IDEST et préventeurs ont intégré la problématique des
coûts dans leur perception des relations entre entreprise et SPST. Ils faisaient le parallèle entre le coût
des SPSTI pour les entreprises et celui des SPST autonomes et des cabinets de consultance.

« La cotisation versée au SSTI est considérée trop chère. Si elle était bien utilisée, elle permettrait d’éviter
l’intervention de cabinets extérieurs qui coutent plus cher. ». (IPRP 2)
Ils reconnaissaient aussi la problématique de la balance entre prix des SPSTI et service perçu.

« Les employeurs sont frustrés par le rapport prestation/prix de la cotisation. Si on avait un bon résultat
de prévention… ce serait justifiable. Mais on ne sait pas trop quantifier l’efficacité, l’impact sur la santé,
les arrêts de travail, le bien-être. […] Les cotisations actuelles sont suffisantes si on fait le travail. Mais
pas pour ne rien faire. C’est trop cher alors. Même si c’est peu par rapport au salaire d’un salarié… mais
on ne sait pas pour quel l’impact. » (MT 6)

3.2.7 Compétences et pratiques du personnel des SPST


La nécessité d’améliorer leurs pratiques et compétences a très rarement été évoquée spontanément
par le personnel des SPST.

« Les médecins du travail veulent rester individuellement dans leur vérité de pratiques. […] Ils échangent
peu entre eux. Ils perdent des opportunités d’améliorer leurs pratiques. » (DG 1)
« Il faudrait acquérir une compétence pour conseiller, par exemple en groupe d’analyse des pratiques
entre pairs ou par construction d’outils par ‘groupes métiers’ ». (MT 2)
Savoir interroger, écouter, conseiller, accompagner, faciliter l’adhésion

La qualité des relations entre personnel des SPST et leurs interlocuteurs, employeurs ou salariés, était
parfois perçu comme une condition majeure de l’efficacité de leurs pratiques de prévention, de
l’accueil qui pourrait être réservé à leurs conseils ou préconisations.

« Il faut prendre les outils et la langue de celui qu’il faut embarquer, c’est-à-dire faire bouger, plus que
convaincre. Ce qui compte c’est le résultat en santé […] Les conseils devraient être pertinents, adéquats,
efficaces et efficients » (MT 2)
Pourtant, le personnel des SPST n’avait pratiquement jamais été formé aux techniques de
communication dans le champ de la prévention, qu’elles soient inter-individuelles ou collectives.
Aucun médecin ou infirmier(e) interrogé n’a déclaré avoir été formé à ces techniques dans son cursus
initial ou dans son cursus spécialisé en santé au travail.

« Dans notre activité, on peut être amené à avoir des fonctions de coach ou de médiateur. Je n’ai pas été
formée. Ces formations ne sont pas très répandues. […] Je me suis formée seule… par l’expérience. Mais
je ne suis pas formée au conseil. […] L’entretien motivationnel ? J’en ai entendu parler mais je n’ai pas
pratiqué. » (MT 6)
Les IDEST ont parfois relaté des formations à l’écoute, à la conduite d’entretiens, pour la prise en
charge clinique, au sujet de l’observance thérapeutique notamment ou l’accompagnement, rarement
pour la prévention. Ces formations avaient toutes été reçues en dehors de leur formation en santé au
travail.

« On ne sait pas se faire comprendre. […] Avec Afometra, je n’ai pas eu de formation à la communication
vis-à-vis des employeurs. Je ne me souviens pas non plus d’avoir eu une formation sur la conduite des

21
entretiens et sur la manière d’établir la relation, ni l’alliance. La formation était surtout sur le droit, le
social, l’évaluation des risques et l’étude de poste. » (IDEST 4)
Compétences managériales des médecins du travail pour animer et coordonner l’équipe

Des DG ont déclaré que les médecins du travail s’articulaient parfois difficilement avec l’équipe
pluridisciplinaire, ne savaient pas comment coordonner et animer, malgré les formations qui leur
avaient été dispensées dans les SPST ou par des organismes de formation comme Afometra. Ils
signalaient un défaut de formation ou de goût pour le travail en équipe. Ils mentionnaient leur
difficulté à changer d’habitudes, de posture, ainsi que leur besoin de « tout contrôler » (DG 1 & 3). Ce
défaut de compétence managériale était reconnu par certains médecins.

« Les médecins ne sont pas de bons managers mais ils pourraient être formés […] Dans mon SSTI, le
médecin doit demander au directeur de pôle pour faire appel à un IPRP : il n’anime pas ni ne coordonne
l’équipe pluridisciplinaire. » (MT 4)
Savoir mener des actions de prévention efficaces

Même si la plupart des DG reconnaissaient l’expertise des médecins du travail, ils interrogeaient
parfois leurs capacités à mener des actions de prévention efficaces.

« Les médecins du travail ont peu ou pas de compétence en prévention primaire, des connaissances
insuffisantes de son organisation, de sa démarche, des manières de modifier les comportements. La
norme 45001 sur la prévention et la sécurité leur est inconnue. » (DG 3)
Un défaut de compétences pratiques pour assurer l’efficacité de leurs actions de prévention était
parfois reconnue par des médecins du travail. Par ailleurs, leurs déclarations révélaient une
représentation verticale, descendante de leur pratique, celle d’un expert s’adressant à un ignorant,
soulignant ainsi un aspect de leur mode de communication en prévention.

« Nous sommes censés être experts mais nous ne sommes pas si bien formés que cela : super mal en
prévention, primaire surtout, faute de formation correcte. On a appris à soigner et diagnostiquer à la
Faculté de médecine, sans apprentissage de la prévention. […] En pratique, on dit ‘Vous, vos risques, c’est
ça, et pour les prévenir il faut faire ça’. Selon la formation que j’ai reçue, il faut dresser une liste de
risques, les faire comprendre et expliquer ce qu’il faut faire pour l’éviter. Il faut expliquer pour faire
appliquer les mesures. Si ce n’est pas fait, on re-explique. […] En prévention primaire, les employeurs sont
obtus, fermés. Ils n’écoutent pas ce qu’on leur dit, ils ne mettent pas en œuvre car on n’a pas en France
un esprit de prévention. » (MT 4).
Interrogée sur la pertinence des conseils des médecins du travail, la même médecin a répondu
« variable, peut mieux faire », en faisant de nouveau référence à la formation et aux capacités de
communication.

Des pratiques apprises ‘sur le tas’, hétérogènes, sans garantie d’efficacité

Quand ils ont été interrogés sur l’apprentissage de leurs pratiques, la grande majorité des médecins
du travail ont déclaré avoir été formés « sur le tas », souvent seuls, parfois accompagnés par un
médecin plus ancien ou plus expérimenté. Ils reconnaissent que leur cycle de formation académique
en prévention, y compris comme interne, n’était pas assez pratique. Certains ont évoqué
l’apprentissage d’un catalogue de choses à faire, par exemple au sujet des risques chimiques, un

22
apprentissage livresque (MT 1). La formation ‘sur le tas’ semblait aussi prévaloir parmi les IDEST
interrogés (verbatims en annexe).

Certains étaient conscients de lacunes pouvant limiter l’efficacité de leurs pratiques en santé au travail
mais déclaraient ne pas savoir comment les améliorer.

Les résultats des formations ‘sur le tas’ étaient par nature aléatoires. Ils dépendaient du hasard des
rencontres, des opportunités et de la volonté de tirer formellement des enseignements de la pratique
ou de celle d’autres professionnels de la santé au travail. Faute de temps ou de méthode pour
considérer le résultat de ces pratiques sur les comportements ou décisions des employeurs ou des
salariés en rapport avec la santé, il n’y avait pas d’assurance que les formations ‘sur le tas’, avec ou
sans supervision par un praticien plus expérimenté, contribuaient à l’amélioration de leur efficacité.

3.2.8 Positionnements et postures du personnel des SPST


Parce que le personnel des SPST a, pour l’essentiel, un rôle de conseil ou d’accompagnement vis-à-vis
d’autres personnes, employeurs, salariés, autres professionnels de la santé au travail, son
positionnement et sa posture sont fondamentaux pour assurer qu’il remplisse efficacement son rôle.
Les postures du personnel des SPST dans leurs activités sont souvent apparues au centre des
problématiques évoquées. Elles traduisaient les représentations de leurs pratiques professionnelles.
Aucune des personnes interrogées n’a relaté avoir mené une réflexion ou avoir été formée au sujet
des postures qu’elles devraient adopter. Leurs postures allaient de soi, elles ne faisaient pas l’objet de
questionnement. Les DG de SPST ont souvent relaté des problèmes de posture de leur personnel,
révélant inconsciemment leurs propres représentations et postures.

La priorité donnée à la recherche de la conformité au code du travail et aux règles, plutôt qu’à
l’efficacité des actions pour améliorer la santé au travail, a été précédemment évoquée. La question
des postures concerne aussi d’autres aspects. Il s’agirait d’être conseiller ou accompagnateur plutôt
qu’éducateur ou prescripteur, être neutre ou équidistant des employeurs, des salariés et de leurs élus
(DG 2), de se préoccuper du collectif au moins autant que de l’individuel (DG 1 & 3), de tenir compte
ou pas des enjeux financiers et de performance de l’entreprise, d’être conscient et tenir compte des
enjeux politiques ou des jeux de pouvoir sans les subir (DG 2, MT 2), etc.

Employeurs et employés, cibles d’intervention ou partenaires ?

Pour la plupart du personnel des SPST interrogé, dans leur représentation et leur pratique, le SPSTI
donne et les employés et les employeurs reçoivent, dans une approche verticale descendante.

« On n’est pas bons sur le long terme : il faut leur répéter comme à des enfants. » (IDEST 4)

23
Au sujet de l’entretien motivationnel23 et de l’attention à accorder à la personne accompagnée :

« C’est très compliqué


à mettre en œuvre avec les salariés ou l’employeur. Je réfléchis avec le salarié ou
avec l’employeur pour analyser la situation… puis je leur propose une méthode. » (IDEST 4)
D’autre personnel des SPST évoquaient l’utilité ou la nécessité d’adopter une approche ou une posture
plus horizontale, participative, de co-construction des solutions à proposer ou à évoquer avec les
personnes accompagnées, employeurs comme employés.

« Pour qu’il y ait un effet, il est nécessaire de convaincre et pour cela il faut entendre les préoccupations
des entreprises. Il faut écouter davantage. […] Dans la grande majorité ils [médecins du travail] ne sont
pas dans une vision collaborative avec l’équipe pluri ou avec les entreprises. […] Ils peuvent être en co-
construction entre membres de l’équipe pluri, mais peu ou pas avec les employeurs ou les salariés. »
(IPRP 1)
Posture rassembleuse des composantes des entreprises

Pour certains membres des SPST, il n’existait « pas d’alliés » au sein des entreprises, ni les employés,
ni les délégués, ni les employeurs… (DG 2, MT 1) Ils ne pourraient intervenir qu’indépendamment de
leurs interlocuteurs dans l’entreprise, sans pouvoir compter sur eux, sur leur appui, pour faciliter leur
mission de prévention.

« Avec les employeurs, On ne parle pas la même langue. Je ne suis pas éduqué à leurs yeux, ils ne sont
pas éduqués à la santé au travail. […] Les employeurs ne sont pas des alliés du médecin du travail. » (DG
2)
Pour d’autres, à l’inverse, il fallait s’adresser à toutes les composantes de l’entreprise, en restant
conscient de la possibilité de « trahisons ».

« L'entreprise adhérente comprend les salariés, les élus et la direction : on a un impact si on sollicite les
trois. […] Certains [employeurs] sont bienveillants et ok pour la santé au travail. Certains sont
pathogènes. Ce sont des alliés parfois des adversaires. […] Le médecin du travail est exposé à la trahison
du secret médical dans ses interactions avec les RH et élus. » (MT 5)
Posture de fournisseur vis-à-vis de clients

Les modes de relations du personnel des SPST avec leurs interlocuteurs des entreprises étaient divers.
Il pouvait s’agir de relations clients-fournisseurs, de relations entre membres d’une association
conformément au statut des SPSTI, ou de relation entre une structure ayant une mission de service
public et des employeurs et des salariés qui en seraient les bénéficiaires.

« Les employeurs sont des vrais clients, pas des adhérents en réalité. Ils sont parfois perçus par les
médecins comme des bénéficiaires. » (DG 4)

23
L’entretien motivationnel a été développé dans les années 1980 par les psychologues William Miller et Stephen
Rollnick. Il est « un entretien guidé centré sur le patient pour l’encourager à changer de comportement en l’aidant
à explorer et à résoudre son ambivalence face au changement » (Miller et Rollnick 1991). Depuis les années 1960,
Son efficacité et sa supériorité par rapport à d’autres méthodes de prévention, notamment en addictologie, a
été démontrée.

24
Posture vis à vis des employés

Pour le personnel des SPSTI, les employés n’emportaient pas les mêmes enjeux que les employeurs.
Ils pouvaient être perçus comme plus exigeants sur les questions de santé et de qualité de vie. Ils
devraient être considérés comme des partenaires pour co-construire les conditions d’une meilleure
santé au travail (IPRP 1) en prenant garde de ne pas se faire manipuler (DG 2).

« Sans les salariés, je ne peux pas travailler [comme ergonome] » (IPRP 2)


Le plus souvent, cependant, les salariés étaient considérés comme passifs, recevant l’information ou
des préconisations, sans considération sur comment faciliter leur adhésion.

« Les salariés sont attentistes, passifs. Ils attendent que l’Etat ou l’employeur règle les problèmes. » (IPRP
4)
Il était en effet attendu d’eux qu’ils mettent en œuvre les préconisations (DG 2). Ils étaient aussi
considérés comme une source d’information pour comprendre ce qui se passe dans l’entreprise pour
l’employeur comme pour le SPST. Ils pouvaient en effet alerter et informer l'employeur sur des risques
s’ils se sentaient responsabilisés et avaient un savoir-faire dans ce domaine (MT 5).

Posture vis à vis des élus

Pour une partie importante du personnel des SPST, les relations avec les élus du personnel, leurs
représentants, étaient décevantes ou teintées de méfiance.

« Les relations avec les syndicats varient selon leurs expériences des médecins du travail, la taille des
entreprises, les mandats… Certains sont très exigeants, d’autres nous laissent le bébé dans nos mains :
ils n’ont pas de culture de la santé au travail… Ils sont souvent restés sur des représentations syndicales
anciennes alors que la santé et le travail a évolué… » (MT 6)
Posture vis-à-vis des autres acteurs institutionnels (publics) de la santé

Au-delà des SPST, les acteurs de la santé au travail (CPAM, CRAM, CRAMIF, CARSAT, ARS, etc.) étaient
jugés nombreux et leur articulation complexe (DG 2). Généralement, la collaboration avec ces acteurs
institutionnels (publics) de la santé au travail était jugée inexistante, décevante ou avec méfiance,
teintée du sentiment d’être instrumentalisé ou d’échanges à sens unique, vers les SPST considérés plus
comme des exécutants que comme des partenaires.

« La collaboration avec la CRAMIF est freinée par le MEDEF, à cause de jeux de pouvoir, de la politique,
de la crainte de sanctions du patronat. » (DG 1)
« Il y a peu de volonté. Il y a bien eu une formation pour la PDP, mais peu de partenariat avec la CARSAT,
pas d’interlocuteur psychologue du travail, pas d’assistante sociale, … Il n’y a pas de solution humaine
d’accompagnement. On n’est pas sûr du résultat et de la qualité de l’accompagnement quand on oriente
des salariés [vers eux]. » (IDEST 5)
La possibilité de collaborer avec d’autres organisations qui ne sont pas dédiées à la santé au travail
était parfois évoquée.

« Il est possible de travailler en réseau avec les libéraux dans les CPTS [Les communautés professionnelles
territoriales de santé]. Ce peut être une source d’amélioration des pratiques. » (DG 2)

25
Posture vis-à-vis des autres acteurs privés de la santé au travail

Des assurances, des mutuelles et des cabinets de conseil interviennent aussi dans le champ de la santé
au travail. La posture du personnel des SPST vis-à-vis de ces acteurs était généralement marquée par
de la méfiance, de l’ignorance ou du dépit. Elle était rarement orientée vers une collaboration dont
l’éventualité était souvent décrite comme limitée ou devant être conditionnée, parfois seulement
comme complémentaire de l’action des SPST. Le caractère privé de ces organismes se heurtait parfois
à une conception de la santé au travail qui pour du personnel de SPST devrait relever du service public.
Les directeurs des SPST semblaient plus enclins que le reste de leur personnel à collaborer avec ces
acteurs privés.

« Il faudrait savoir faire des partenariats avec eux [assurances ou mutuelles], par exemple pour la
communication, mais ils n’ont pas de connaissance du terrain. Les SSTI seraient des intégrateurs de
solution pour les entreprises… Ce n’est pas une concurrence car ils n’ont pas la proximité. » (DG 3)
Certains ont évoqué des collaborations avec des assurances ou mutuelles en citant des actions
envisagées ou des relations entretenues mais sans concrétisation (DG 4). Il a même été souligné qu’il
pouvait y avoir « un effet pervers des prévoyances qui payent pour annihiler les délais de carence pour
indemniser les absences. Du coup il n’y a plus d’effet dissuasif sur l’absentéisme. » (DG 4).

« Elles sont en concurrence des SSTI. Les mutuelles et assurances peuvent prendre une partie du travail
que les SSTI ne font pas, des activités sollicitées par les employeurs soit par manque de communication
des SSTI, soit par manque de réactivité et d’adaptabilité. Elles sont une menace pour l’activité de
prévention des SST mais pas très inquiétante car les mutuelles et assurances auront besoin des SST. On
devrait travailler avec eux s’ils savent faire et surtout parce qu’ils ont plus de moyens. » (MT 4)
Plus spécifiquement au sujet des collaborations avec les cabinets de conseil :

« OK si les messages passés par le canal des consultants passent mieux. Un partenariat est possible s’il y
a un partage équitable, un respect des messages et de la neutralité… mais leurs coûts sont déjà payés
par les entreprises aux SSTI. Ces cabinets sont des concurrents réels des SSTI. » (DG 2)
3.2.9 Des SPSTI difficiles à diriger, un personnel difficile à manager
Des directeurs et du personnel des SPSTI considéraient que ces services étaient difficiles à gérer du fait
d’une articulation mal assurée des différents professionnels, parfois décrite comme conflictuelle, et de
contraintes réglementaires. Le sens de la mission apparaissait diversement partagé au sein des SPSTI.

Une gouvernance décrite comme verrouillée par les organisations patronales, écartant les
employeurs adhérents et l’expression de leurs besoins.

Les DG des SPST soulignaient souvent le cadre réglementaire pesant des SPSTI malgré leur statut
d’association, leur « double tutelle » [Ministères en charge du travail & de la santé], le caractère
purement formel des assemblées générales (AG) n’ayant pas d’effet sur leur fonctionnement, le
formalisme administratif des conseils d’administration (CA) chapeautés par des « élus triés sur le volet
par le patronat, en aucun cas un organisme de gouvernance stratégique » (DG 1), et l’absence d’utilité
des commissions de contrôle (CC) chapeautées par des représentants de syndicats de salariés mais

26
dont la composition est identique à celle des CA et dont les réunions étaient parfois vécues comme
« une punition » (DG 1). Souvent, les DG soulignaient aussi que tout le fonctionnement des SPSTI
reposait sur la présidence du CA qui, en pratique, piloterait leur comité de direction (CODIR). Les DG
étaient parfois décrits comme des exécutants des injonctions patronales sans réelle possibilité
d’initiative ou de créativité.

« Les présidents sont soit hyper présents, écrasant les DG et les SSTI, soit aidant et laissant faire le DG,
se positionnant en appui et en conseil. Ils sont plus ou moins les porte-paroles du MEDEF. » (DG 3)
« Les adhérents des SSTI sont des adhérents en théorie, ils sont passifs en réalité. Les adhérents
réellement gestionnaires de l’association se comptent sur les doigts d’une main. […] Il y a une mainmise
des présidents sur les CA des SSTI. Ils orientent et gèrent. Les présidents ont un pouvoir bien supérieur
[sur le fonctionnement quotidien du SPSTI] à celui des DG alors qu’ils [les présidents de CA] sont censés
être les porteurs de la voix des entreprises. En réalité, il y a peu de participation des adhérents aux AG.
On ne s’intéresse jamais aux besoins des entreprises, malgré ce qui est dit. On n’écoute que les gros
adhérents. Les adhérents, en général, on ne les interroge pas, on ne pourrait pas s’adapter à tous. Il y a
une différence entre petites et grandes entreprises. L’adhésion est une obligation réglementaire. Pour
l’adhérent, il s’agit de cotiser pour être en règle, puis ils restent passifs par rapport à ce qui est fait. »
(IPRP 1)
Les DG avaient souvent du mal à se livrer sur leurs relations avec leur CA. Ils ont parfois relaté par
allusions les pressions des organisations patronales, le MEDEF notamment, par exemple pour limiter
les échanges d’information et la traçabilité des expositions professionnelles, traduisant selon certains
d’entre eux une volonté de brider l’efficacité des SPSTI (DG 2). Certains ont parfois relaté un temps où
les fonds versés aux SSTI auraient été détournés au bénéfice d’organisations patronales ou de la
présidence du CA. Cela était aussi évoqué par du personnel de SPST : « Toutes les sommes versées aux
SST ne servent pas à la médecine du travail » (MT 2), faisant allusion à des détournements de fonds
pour la formation au bénéfice d’organisations patronales pour « fluidifier le dialogue social. » (MT 2)

Des déclarations de DG et de membres de leur personnel, il ressortait une impression d’une


gouvernance des SPSTI sous contrôle d’un petit nombre de représentants des organisations
patronales, sans espace de débat ou de développement d’une intelligence collective, empêchant les
membres adhérents des SPSTI de contribuer à l’orientation de leur fonctionnement. Ce défaut de
démocratie interne aux associations que sont les SPSTI semblait contribuer à une suspicion au sujet de
leur fonctionnement et de leur finalité réelle, à l’origine d’un manque de reconnaissance des SPSTI
comme des partenaires utiles pour les entreprises adhérentes, les cantonnant dans leur fonction
réglementaire.

Des directions de SPSTI soumises aux contraintes réglementaires et aux compétences managériales
et en santé au travail interrogées

Le personnel des SPSTI considérait souvent leur DG ou leur président de CA comme manquant de
compétences en santé au travail. Il décrivait le plus souvent la chaine hiérarchique des SPSTI comme
manquant de compétence managériale, source potentielle de souffrance au travail. Des déclarations

27
du personnel des SPSTI au sujet de leur direction, il ressortait une impression d’incompréhension et
de manque d’adhésion à une raison d’être commune.

« [Les SSTI] sont des associations dirigées par des DG et présidents qui ne sont ni médecins ni compétents
en santé. Cela est source d’incompréhensions, de directives incohérentes, d’injonctions ne tenant pas
compte de la réalité et des missions : on ne parle pas des mêmes choses […] Présanse ne sert pas à grand-
chose, c’est une affaire de DG et de présidents, déconnectés des réalités, restant entre eux. » (MT 4)
« Dans mon SSTI, il n’y a pas de manager. Le référent des médecins du travail est une mauvaise manager.
Il n’y a pas de circulation de l’information vers et depuis la direction générale. […] je ne peux pas agir sur
mon N+1… il n’est pas une ressource pour moi. Il y a beaucoup de départs et d’épuisement, de souffrance
au travail [au sein de son SPSTI]. » (IDEST 4)
Des atouts reconnus de la pluridisciplinarité

La pluridisciplinarité des équipes des SPST était généralement ressentie comme un avantage,
démultipliant les compétences et ce qui pouvait être réalisé, malgré la démographie médicale.

« La pluridisciplinarité est une richesse. Elle est pourvoyeuse de bon conseil. » (MT 3)
Une articulation entre médecins du travail et équipe pluridisciplinaire améliorable

Le rôle et l’intérêt de l’équipe pluridisciplinaire ainsi que leur responsabilité managériale étaient
généralement reconnus par les médecins du travail.

« L'équipe multidisciplinaire comprend un médecin du travail qui a un rôle de manager car il coordonne
l'équipe pluri qui a des compétences qu’il n’a pas en ergonomie, HSE, Assistante sociale, AST… » (MT 5)
Cependant, les DG et le personnel des SPST relataient souvent des difficultés d’articulation des
médecins du travail avec l’équipe pluridisciplinaire « qu’il anime et coordonne »24. Plusieurs raisons
étaient avancées : un défaut de capacité relationnelle pour la coordination et l’animation ou de
formation pour le travail en équipe, un besoin de contrôle peu compatible avec une collaboration
harmonieuse, une difficulté à changer des habitudes anciennes, des différences générationnelles (les
médecins étant souvent plus âgés ou ‘anciens’ dans leur manière de faire que le reste de l’équipe), une
approche plus individuelle – vers le salarié-patient – que collective, le rythme des réformes et de
l’évolution de la médecine du travail ou le statut protecteur des médecins du travail. Leurs manières
d’animer et coordonner semblaient très variables. Beaucoup semblaient formellement très attachés à
leurs prérogatives légales et y faisaient volontiers référence. Ils ne reconnaitraient pas souvent de

24
Au sujet du médecin du travail, l’article Article R4623-1 du code du travail stipule : « 2° Il conseille l'employeur,
notamment en participant à l'évaluation des risques dans le cadre de l'élaboration de la fiche d'entreprise et
dans le cadre de son action sur le milieu de travail, réalisées, conformément à sa mission définie à l'article L.
4622-3, au service de la prévention et du maintien dans l'emploi des travailleurs, qu'il conduit avec les autres
membres de l'équipe pluridisciplinaire, qu'il anime et coordonne. » Code du travail modifié par le Décret n° 2022-
679 du 26 avril 2022 relatif aux délégations de missions par les médecins du travail, aux infirmiers en santé au
travail et à la télésanté au travail, suite à la Loi n° 2021-1018 du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en
santé au travail.

28
responsabilité propre aux IDEST. Par ailleurs, les médecins du travail échangeraient peu avec les
directeurs des SPSTI (DG 1 & 3).

Les défauts de compétence managériale ou relationnelle de certains médecins du travail étaient


présentés comme des facteurs de démotivation ou de souffrance au travail de membres de l’équipe
pluridisciplinaire (voir verbatims en annexe).

Des équipes pluridisciplinaires encore trop cloisonnées

Indépendamment du rôle et des pratiques des médecins du travail, l’équipe pluridisciplinaire était
souvent décrite ou ressentie comme trop cloisonnée, entre disciplines ou entre localisations
géographiques. Les facteurs évoqués de cloisonnement étaient la juxtaposition de compétences sans
esprit d’équipe, l’insuffisance des interactions directes entre acteurs de la prévention dont les IDEST
(indépendamment des médecins du travail), le manque de collaboration sur les actions et la
prédominance des ergonomes parmi les IPRP (verbatims en annexe).

Intégration des infirmiers en santé au travail à parfaire

L’introduction des infirmiers en santé au travail dans les équipes des SPSTI comme dans les services
autonomes est encore récente25, et semble inachevée. La qualité des relations entre médecins du
travail et IDEST, au sein de binômes semble déterminante. Les IDEST appellent souvent à étendre leurs
responsabilités et à améliorer leur formation. Une plus grande aptitude à l’écoute des infirmiers que
celle des médecins était souvent invoquée. Le manque de reconnaissance du rôle des IDEST des SPSTI
par les employeurs était parfois évoqué, à l’inverse des IDEST d’entreprise, des SPST autonomes (voir
verbatims en annexe).

Emploi des secrétaires médicales -assistantes de service de santé au travail à améliorer

Autrefois, au service exclusif d’un médecin, les secrétaires médicales voyaient leur rôle et leurs
aspirations évoluer vers un rôle d’assistante dépassant la convocation des salariés pour les visites
médicales : faciliter le travail des professionnels de santé, médecins et infirmiers, interagir plus
étroitement avec les employeurs et les salariés avec des missions à plus forte valeur ajoutée
(information et explications, suivi de préconisations, etc.). Cependant, cela ne semblait pas toujours

25
Bien que les infirmiers soient présents dans les entreprises depuis 1953, les infirmiers de santé au travail (IST)
ont été introduits par la réforme de 2004 qui a organisé les services de santé au travail (SST) et les équipes
pluridisciplinaires. En 2007, un rapport de l’IGAS a préconisé de reconnaître une qualification d’infirmier
spécialisé en santé au travail, sans en préciser le contour. En 2010, le rapport d’une mission préconise de «
reconnaître et de promouvoir le rôle, les missions et la place des infirmières de santé au travail. La mission propose
de mettre en place une formation qualifiante de niveau master ; seules les infirmières qualifiées en santé travail
pourraient appliquer les protocoles de coopération prévus à l’article L. 4011-1 du code de la santé publique. »
(Dellacherie C., Frimat P., Leclercq G., « La santé au travail - Vision nouvelle et professions d’avenir », avril 2010.
Rapport remis aux ministres en charge du travail, de la santé et de l’enseignement supérieur.).

29
se faire dans le sens d’un meilleur service aux salariés et aux entreprises, ni dans l’esprit de la
pluridisciplinarité et de la prévention promues par l’évolution de la législation. Cela dépendait du choix
de leur direction, de la formation dont elles pourraient bénéficier et des habitudes et représentations
du personnel des SPST. Certains professionnels des SPST y étaient favorables, pas d’autres. (Voir
verbatims en annexe).

4 Discussion

4.1 Validité et limites de l’étude


L’étude a été conduite selon les recommandations méthodologiques (6–9) par une seule personne
(l’auteur de ce travail) qui avait déjà une expérience en recherche qualitative (4,5). L’échantillonnage
a été raisonné avec un critère de variation maximale dans le choix des sources afin d’apporter le plus
d’information possible sur la problématique étudiée, au sein d’un ensemble de convenance de
potentiels informants issus de cinq régions de France métropolitaine. Le guide d’entretien a été
élaboré au cours d’une phase préparatoire de plus de 6 mois et de plus de 50 entretiens. Les conditions
matérielles des entretiens étaient appropriées. Ils ont duré généralement une heure, parfois plus
lorsque l’informant était prolifique. En cours d’étude, la lecture régulière des verbatims et des notes
de terrain et de réflexion sur des pistes émergentes, a servi à la réflexivité nécessaire au maintien d’une
distance par rapport aux a priori présents au début du travail. La triangulation du recueil des données
a été assurée par la diversité des méthodes de collecte (entretiens individuels ou de groupe) et la
diversité des groupes de personnes interrogées, notamment parmi les professionnels de la santé au
travail. Le critère de saturation des données a été atteint à la fois dans le groupe des dirigeants
d’entreprise et celui du personnel des SPST. Etant donné le caractère exploratoire de la recherche, il a
été considéré que les données obtenues suffisaient à atteindre son objectif initial (critère de suffisance
théorique). Par nature, l’étude ne peut prétendre à la représentativité. Notamment, les entreprises
des DE interrogés appartenaient uniquement au secteur tertiaire. En revanche, du fait de la conformité
aux recommandations de la méthodologie utilisée, de la triangulation, de la diversité des sources, des
critères de saturation et de suffisance théorique, elle a la validité suffisante pour éclairer la
problématique des représentations des dirigeants d’entreprise et des professionnels de la santé au
travail dans la perspective d’améliorer l’efficacité de la prévention, envisager des pistes de réflexion
ou de solutions.

Toutes les personnes interrogées dans notre étude, employeurs et PST, ont déclaré que la santé au
travail du personnel des entreprises était un sujet important.

30
4.2 Insatisfaction et attentes des employeurs
La représentation des DE de la santé au travail était très largement dominée par son obligation légale,
bien avant une utilité ressentie pour leur entreprise. La contribution de la santé au travail à la
performance globale de l’entreprise, c’est-à-dire à la performance financière, environnementale et
sociétale (11) permettant d’assurer sa pérennité, n’était perçue que par une partie des employeurs.
Ceux du CJD qui considèrent l’économie au service de l’Homme26, peuvent différer en cela d’autres
employeurs mois sensibles à leur responsabilité sociale.

Une étude réalisée en avril 2019, au début de la présente étude, par Harris interactive pour Présanse27
auprès de 402 dirigeants de TPE/PME (12) rapportait des verbatims de dirigeants au sujet de « la santé
et sécurité au travail » similaires à ceux recueillis ici. Parmi eux, 28% déclaraient avoir une mauvaise
ou très mauvaise « image des services de santé au travail (c’est-à-dire la médecine du travail) », 54%
une assez bonne et 18% une très bonne image. 91% des dirigeants interrogés connaissaient au moins
une des missions des SPST et 38% les connaissaient toutes. La conformité à la réglementation était la
première de leurs préoccupations : relatée par 91% d’entre eux. Le coût élevé de la cotisation au SPST
était relatée par 52% des dirigeants. « La proximité géographique du centre de santé au travail par
rapport à [l’]entreprise » était le premier motif de satisfaction (82%). A contrario, ce qui n’était pas un
motif de satisfaction était « la capacité à proposer des solutions applicables à [l’]entreprise » pour 48
% des dirigeants et « les informations mises à […] disposition par le service de santé de travail » (43%).
Parmi les dirigeants interrogés nombreux étaient ceux qui considéraient les SPST comme n’étant pas
« experts » (48%), pas « efficaces » (46%), pas « réactifs » (42%) ou pas « à l'écoute de [leurs] besoins
en tant qu'entreprise » (40%). Les réponses aux questions de Harris interactive étaient induites par des
choix multiples contrairement à notre étude où les questions étaient ouvertes, sans induction de
réponse. Cette étude qui se veut représentative et quantitative corrobore donc nos constats pour une
grande part.

Nos résultats montrent que si l’insatisfaction des DE vis-à-vis du service rendu par les SPST dominait,
des attentes étaient explicitées : attentes de résultats concrets utiles à l’entreprise, à sa performance
globale, aussi bien économique qu’humaine (centrée sur les besoins du salarié), au-delà du seul rappel
de la conformité à la réglementation, considérée comme obligation légale dans une optique
assurantielle. L’attente des entreprises vis-à-vis des SPST comprendrait donc l’amélioration des
pratiques (plus d’écoute et d’adaptation aux besoins exprimés par l’entreprise – salariés et dirigeants),
de la réactivité, de la pertinence par rapport aux besoins ressentis, de l’efficacité et de l’efficience des

26
https://www.cjd.net/
27
Présanse (Prévention, Santé, Service, Entreprise) est un organisme de représentation des Services de
Prévention et de Santé au Travail Interentreprises de France, sous statut d’association à but non lucratif.

31
actions, plus que la communication sur l’offre ou les réalisations des services. En ce sens, nombre
d’entreprises appelleraient les SPST à répondre à l’esprit de la loi et du code du travail, de ne pas se
contenter d’en respecter la lettre, à rebours de la posture ou de la représentation de professionnels
de la santé au travail, de certains DG de SPST.

4.3 La conformité réglementaire avant l’efficacité en santé au travail


La mission des SPST est à la fois une mission d’intérêt public – la préservation de la santé au travail -
qui justifie son inscription dans la loi et le code du travail, et une mission de conseil « privé » inscrite
dans la nature du lien entre les entreprises et ces services (adhésion à une association de droit privé,
internalisation du service dans l’entreprise ou contrat commercial avec un cabinet de consultance). La
conformité à la réglementation apparait donc comme le minimum minimorum de la santé au travail.
De nombreux employeurs semblent s’en contenter, pour certains par défiance envers les capacités des
SPST à leur apporter un autre service, une autre aide pour la résolution de leurs problèmes. Une grande
part du personnel des SPST que nous avons interrogé, de leur direction notamment, semble faire de la
conformité à la règle l’alpha et l’oméga de la santé au travail, plutôt que de considérer la pertinence
et l’efficacité du service rendu, la perception par les bénéficiaires. La focalisation sur la réalisation du
nombre attendu de visites médicales ou d’actions au bénéfice des entreprises, est emblématique. Il
s’agit pour les DG de SPSTI de répondre à la demande d’indicateurs quantitatifs de performance des
tutelles. La loi de Goodhart, formulée en 1975, indique pourtant que « lorsqu'une mesure devient un
objectif, elle cesse d'être une bonne mesure », car elle devient sujette à des manipulations, directes
ou indirectes, comme travailler uniquement à améliorer cette mesure28. Cela semble être le choix de
nombre de SPSTI, en contradiction avec l’attente de faire passer la lettre avant l’esprit de la loi et du
code du travail. Nos résultats suggèrent que cette représentation de leur mission par le personnel et
les directions des SPST contribue à la fois à la souffrance au travail de certains d’entre eux, au manque
de reconnaissance ou de confiance des employeurs et salariés des entreprises, et possiblement à une
altération des conditions d’efficacité29 des actions de prévention qui pourraient leur être proposées.

Alors que le 4ème plan santé au travail 2021-2025 (14) donne depuis le 3ème plan « la priorité à la
prévention sur la réparation », le fait que la vision de la santé au travail du plus grand nombre des

28
La loi de Goodhart est une application de la loi de Campbell. Cette dernière est un adage développé par Donald
T. Campbell, psychologue et spécialiste des sciences sociales ayant travaillé notamment sur la méthodologie de
la recherche scientifique et l'évaluation des politiques publiques : « Plus un indicateur social quantitatif est utilisé
comme aide à la décision en matière de politique sociale, plus cet indicateur est susceptible d'être manipulé et
d'agir comme facteur de distorsion, faussant ainsi les processus sociaux qu'il est censé surveiller. » Elle est l'effet
négatif involontaire de certaines politiques publiques et interventions gouvernementales en matière
d'économie, de commerce et de soins de santé. Wikipédia (01/05/2023).
29
e.g. par défiance a priori, manque d’écoute et de co-construction, excès de verticalité dans la manière de
délivrer des conseils, etc…

32
employeurs et des PST, soit plus assurantielle et légale que sanitaire ou en lien avec la performance
globale de l’entreprise interroge. Les pouvoirs publics, ainsi que les organisations patronales et
syndicales ayant contribué aux plans santé au travail, n’auraient pas encore convaincu la majorité du
monde du travail. En réalité, le terme « résultat » est peu présent dans le 4ème plan. Les résultats
considérés sont essentiellement la comptabilité des actions réalisées, plutôt que leurs effets sur les
risques et la santé. Par exemple, l’indicateur de pilotage retenu dans le 4ème plan au sujet des SPSTI est
la « part des SPST interentreprises ayant conclu un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens avec
leur Dreets et Carsat dont le contenu est conforme aux exigences fixées par instruction. »

La poursuite de « la structuration de la recherche en santé au travail, gage de sa qualité » fait l’objet


de l’action 7.1 du 4ème plan : elle semble souligner le retard national dans ce domaine et confirme en
creux l’insuffisance des bases théoriques et pratiques de ce qui est actuellement enseigné et pratiqué
en santé au travail.

La loi du 2 août 2021 crée le comité national de prévention et de santé au travail (CNPST) et les comités
régionaux de prévention et de santé au travail (CRPST), instances paritaires de gouvernance et de
coordination des acteurs de la prévention des risques professionnels aux niveaux national et régional.
L’action 8.1 du 4eme plan « accompagner la mise en place des nouvelles instances de gouvernance
nationale et régionale » souligne l’importance de disposer des moyens suffisants pour pouvoir
comparer les actions menées sur les territoires, objectiver les résultats et valoriser les bonnes
pratiques. Elle semble souligner ainsi, en creux, le manque d’évaluation des résultats en termes d’effet
des actions sur les risques et la santé30. La lecture du 4 ème plan régional santé au travail en Ile-de-
France 2021-2025 (15) mène aux mêmes constats.

Le contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM) établit récemment par le plus important SPSTI
de France31 définit des actions visant à « mettre en œuvre les priorités d’actions du projet de service
et faire émerger les bonnes pratiques et améliorer la qualité individuelle et collective de la prévention
des risques professionnels et des conditions de travail ». Dans son article 13 sur la « capitalisation des
bonnes pratiques », il prévoit des réunions pour « mutualiser les retours d’expérience exemplaires »
afin d’« enrichir la bibliographie ou les bonnes pratiques à promouvoir auprès du plus grand nombre. ».
Les pratiques actuelles de ce SPSTI emblématique disposant de moyens importants et d’une

30
Les « indicateurs stratégiques » de suivi de « l’impact en prévention sur les publics visés » du 4ème plan santé
travail, au niveau national, sont trop déconnectés des actions pour en tirer des enseignements sur les pratiques
à améliorer.
31
Contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM) de 2022 liant la Caisse régionale d’assurance maladie
d’Île-de-France (CRAMIF), la Direction régionale interdépartementale de l’économie, de l’emploi, du travail et
des solidarités (DRIEETS) et le SPSTI ACMS

33
organisation appropriée pour mener des travaux de recherche32, n’incluent pas une évaluation
régulière de l’impact de ses actions sur les risques ou la santé. Il en était de même des SPSTI bien moins
dotés dont du personnel a été interrogé au cours de la présente étude. Comment tirer alors de leurs
expériences des enseignements pouvant justifier des « bonnes pratiques » ? Comment justifier auprès
de leurs adhérents d’une qualité de service dépassant la simple conformité réglementaire de leurs
actions ?

Le manque de considération pour l’impact sur les risques et la santé des actions de santé au travail
mise en évidence dans notre travail, du point de vue des employeurs et du personnel des SPST, est
conforme à celle soulignée en creux au niveau national et régional par le 4ème plan santé au travail, ou
relatée dans le rapport de la cour des comptes de décembre 2022 (16).

Que penser d’une activité humaine qui ne serait gouvernée que par le respect de process et de règles
sans être réajustée en fonction des résultats ? Que penser d’un chirurgien qui ne vérifierait pas si la
plaie est cicatrisée et l’amélioration clinique obtenue ? Ces questions portent à la fois sur l’efficacité
des pratiques en santé, y compris en santé au travail, sur leur légitimité et leur éthique.

4.4 Evaluer l’effet des actions pour améliorer les pratiques en santé au
travail
Pratiquement aucun des membres des SPST interrogés n’avait l’idée d’évaluer l’efficacité de ses
actions, ne serait-ce que pour les améliorer. La méconnaissance des méthodes utilisables ou l’absence
d’outils informatiques appropriés étaient souvent mises en avant33. Vérifier l’effet de ses interventions,
bénéfiques ou adverses, est pourtant une pratique recommandée aux professionnels de santé. Il existe
par ailleurs des méthodes utilisables pour évaluer a posteriori l’effet d’actions en santé, y compris des
actions de prévention. Elles concernent par exemple le suivi en phase IV de l’usage de produits de
santé en thérapie ou vaccination. Pour ce qui est des actions de prévention individuelle ou collective,
sans produit de santé, des méthodes existent aussi (17) et peuvent être déployées à des échelles très
variables, dans de petites collectivités (18), à l’échelle de régions (19) ou de pays entier (20).
L’évaluation des interventions en santé au travail a fait l’objet d’une large réflexion interdisciplinaire
sous l’égide de l’INRS (21). A l’échelle d’un praticien ou d’un secteur de SPST34, des méthodes inspirées

32
Une équipe « épidémiologie » est institutionnalisée au sein de l’ACMS et mène régulièrement des études
présentées dans des congrès ou publiées.
33
Les médecins du travail doivent à présent tenir un dossier médical informatisé (DMI), un moyen ayant été jugé
indispensable à la mise en place d'indicateurs de suivi et d'évaluation (décret n° 2022-1434 du 15 novembre 2022
relatif au dossier médical en santé au travail). La qualité des données informatisées et leur format déterminent
cependant la possibilité d’utiliser le DMI comme source de données pour un traitement automatisé : enjeux
d’adhésion, de formation et d’ergonomie.
34
Typiquement, les collectivités de 3 ou 4 médecins du travail, soit 15.000 à 20.000 salariés.

34
par ces exemples pourraient être élaborées et utilisées par des professionnels débutants comme par
des experts. Ces méthodes pourraient être déployées en recherche-action35 ou en recherche
opérationnelle pour décider d’une méthode à adopter dans un contexte particulier au sein des SPST,
dans le cadre d’une démarche d’amélioration continue de la qualité de leurs interventions, comme
dans des études de plus grande portée menées par des équipes de recherche institutionnelles.

Par ailleurs, au cours de leur formation, le personnel des SPST pourrait être formé et encouragé à avoir
une attitude réflexive36, dans un contexte assurant sa sécurité psychologique. Cela pourrait être
institutionnalisé dans des groupes d’échanges de pratiques ou d’analyse de pratiques professionnelles
dont les méthodologies existent déjà dans le domaine de la santé. Ces méthodologies pourraient être
enseignées aux professionnels de la santé au travail. Les moyens de leur mise en œuvre devraient alors
être assurés par les directions des SPST.

L’ensemble de ces activités utiles à l’amélioration des pratiques, y compris la recherche-action et la


recherche opérationnelle, pourraient entrer dans les critères de qualité utilisés pour la certification
des SPST. Elles permettraient à la fois d’améliorer l’impact des actions des SPST sur les risques et la
santé, et de contribuer au contrôle des risques psycho-sociaux auxquels leur personnel peut être
exposé. Elles permettraient aussi de contrebalancer la tentation que pourraient avoir des SPST de
réduire le prix de leur cotisation en se contentant de la conformité à la lettre de l’offre socle définie
par la loi d’aout 202137, sans considération pour l’efficacité de leurs actions et l’esprit de la loi. Des
évaluations indépendantes par sondage d’employeurs et de salariés pourraient porter sur le service
perçu des SPST et l’effet de leurs actions sur la santé et les risques dans les entreprises, être rendues
publiques et peser dans les prolongations de certification.

4.5 Posture de conseil ou d’accompagnement et compétences pour


améliorer la prévention
Dans notre étude, les postures et pratiques du personnel des SPST évoquées par les employeurs
comme par eux-mêmes semblaient souvent inadaptées à la fois aux attentes de leurs interlocuteurs
et à l’efficacité de leurs actions. Trop souvent, ils adoptaient, sans s’en rendre compte, une posture
d’expert délivrant verticalement, de bas en haut, une information ou une préconisation-prescription,
sans se préoccuper du savoir préexistant des intéressés. Cette posture « surplombante » des
soignants-experts est très souvent décrite péjorativement par les salariés-patients. Cette asymétrie

35
Méthodologie de recherche scientifique qui vise à mener en parallèle et de manière intriquée l'acquisition de
connaissances scientifiques et des actions concrètes et transformatrices sur le terrain. (Wikipedia, 01/05/2023).
36
Capacité à se remettre en question dans le but d'analyser et d'évaluer ses actes en lien avec sa pratique tout
au long de sa carrière professionnelle.
37
Loi° 2021-1018 du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail.

35
due au savoir médical et au pouvoir de soigner fait d’ailleurs l’objet d’un éloge, une forme de
revendication mise au premier plan38, dans le chapitre « Dix éloges pour une médecine humaine » d’un
ouvrage du Pr. Gérard Reach (22), médecin et philosophe, membre de l’Académie de médecine. Cette
asymétrie place le soignant-expert au-dessus, en tant que référence transmettant un savoir, une
posture éloignée de celle d’accompagnant, de conseil. Il est pourtant connu que la connaissance des
risques seule a peu d’effet sur les intentions et les comportements en santé (23). Pour entrainer des
changements d’intention puis de comportement, il est préférable qu’elle soit associée à
l’augmentation des émotions d'anticipation, de la gravité perçue et de la capacité d’ajustement à une
situation problématique39 et en particulier de la perception de l'efficacité de la réponse envisagée et
de l'auto-efficacité. L'exploitation de ces synergies est nécessaire pour rendre les interventions de
changement de comportement, donc de prévention, plus efficaces. La posture de soignant longuement
décrite et louée par Reach ne semble pas adaptée à celle que devraient adopter les préventeurs, qu’ils
soient médecins, infirmiers, ou autres professionnels de la santé au travail. Ces postures qu’ils auraient
acquises au cours de leur formation initiale ou au début de leur carrière devaient donc être ajustées
ou corrigées au cours de leur spécialisation en santé au travail ou en prévention. Cette problématique
de posture des médecins est à rapprocher des réponses de médecins à des questions en ligne de
patients qui ont été trouvées moins pertinentes et moins empathiques que celles d’un Chatbot
(intelligence artificielle)(13) : le manque de temps, l’épuisement professionnel ou un défaut de
compétences relationnelles des professionnels de santé soumis à des contraintes auxquelles le robot
échappe, pourraient expliquer ces observations.

Pratiquement aucun membre du personnel des SPST interrogé n’a été formé à mener un entretien ou
une intervention visant à faciliter l’adoption de décisions ou de nouveaux comportements relatifs à la
santé. Aucun a déclaré avoir été explicitement formé aux bases des activités de conseil,
d’accompagnement40 ou de médiation, activités que les PST peuvent être amenés à pratiquer
régulièrement. Ils n’avaient pas été formés à interroger et écouter activement leurs interlocuteurs.
Très peu nombreux étaient ceux à avoir été formés à l’éducation thérapeutique41 ou à l’entretien
motivationnel, une technique recommandée par la HAS pour le sevrage d’addictions (24) et dont

38
Eloge de l’asymétrie du savoir médical et du « pouvoir de soigner », avant des éloges du caractère, de la
sympathie, de la délibération, de la confiance, de la gentillesse, de la conversation, de l’écoute, de l’hospitalité
et de l’amour. Asymétrie plaçant le soignant expert au-dessus, en tant que référence, éloignée d’une posture
d’accompagnant, de conseil.
39
Correspond au coping dans la littérature anglo-saxonne.
40
i.e. « coaching ».
41
L’éducation thérapeutique du patient (ETP) est un processus de renforcement des capacités du malade ou de
son entourage à prendre en charge l’affection qui le touche, sur la base d’actions intégrées au projet de soins.
Elle répond à un besoin de prévention tertiaire, pas de prévention primaire s’adressant à des non-malades.
(Wikipedia, 01/05/2023)

36
l’efficacité a pu être démontrée, même sur des bases fragiles, dans de nombreux types de changement
de comportement relatifs à la santé (25,26). Une formation initiale ou continue à l’entretien
motivationnel pourrait donc être proposée à tous les professionnels de la santé au travail devant
mener des actions de prévention en face à face (27,28) ou en groupe (29). Une initiation aux bases
théoriques et pratiques du conseil, de l’accompagnement et de la médiation pourrait aussi être utile
pour améliorer les postures et pratiques en santé au travail du personnel des SPST.

Une formation à l’écoute active42 serait probablement bénéfique pour leurs interactions avec les
destinataires de leurs actions ainsi qu’au sein des SPST en améliorant leurs relations interpersonnelles
et en limitant les risques psycho-sociaux. La HAS préconise cette formation dans le secteur médical et
médico-social comme outil d’amélioration des pratiques professionnelles (30). Dans le même ordre
d’idée, ils pourraient aussi être formés à la communication non violente43, inspirée comme l’écoute
active des travaux de Karl Rogers.

Globalement, corriger le caractère trop vertical des préconisations de PST pourrait passer par une
réflexion sur leur posture d’expert, leur position de conseiller, d’accompagnement ou d’aidant devant
tenir compte des savoirs, de l’autonomie et du libre choix de leurs interlocuteurs, selon la maxime de
Gandhi « Tout ce que vous faites pour moi, sans moi, vous le faites contre moi. »

Les formations et initiations évoquées ci-dessus pour améliorer les pratiques de communication et
postures du personnel des SPST, notamment des médecins, infirmiers et préventeurs, pourraient faire
l’objet d’un module pédagogique mêlant cours et documentation sur les bases théoriques, et exercices
pratiques en trinômes (deux acteurs, un observateur-rapporteur) ou en groupes, sur une durée de 2
jours44 à 5 jours45.

42
L'écoute active est un concept développé par le psychologue Thomas Gordon en 1975 à partir des travaux sur
l’approche centrée sur la personne du psychologue américain Carl Rogers. Initialement conçue pour
l'accompagnement de l'expression des émotions, elle est mise en œuvre dans des situations de face-à-face où le
professionnel écoute activement l'autre. (Wikipedia, 01/05/2023)
43
La Communication Non Violente (CNV) est une méthode de communication formalisée par Marshall B.
Rosenberg. Selon son auteur, ce sont « le langage et les interactions qui renforcent notre aptitude à donner avec
bienveillance et à inspirer aux autres le désir d'en faire autant ». L'expression « non violente » est une référence
au mouvement de Gandhi et signifie ici le fait de communiquer avec l'autre sans lui nuire. (Wikipedia,
01/05/2023)
44
L’institut de santé au travail du nord de la France (ISTNF) propose une formation destinée aux IDEST, sur 2
jours, intitulée « VIP : comment communiquer efficacement avec le salarie ? » ayant pour objectif de
« Expérimenter et se familiariser avec la pratique et la conduite de l'entretien dans ses dimensions verbales et
non verbales, en augmentant ses potentialités d'écoute et de communication. ».
45
Le programme du DIUST Paris-Est Creteil 2023-2024 destiné aux IDEST comprend des cours sur les entretiens
« Conduite d'entretiens infirmiers(es): Un travail commun Médecin du Travail et Infirmier(e)en Santé au Travail.
» (2H), « Méthodologie de la conduite d'entretiens infirmiers. Comment construire une grille d'entretien infirmier
: curriculum laboris, évaluation de santé. » (7H), et d’autres cours qui pourraient favoriser l’adoption de postures
plus favorables à l’efficacité de la prévention en santé au travail. Peut-être en sera-t-il de même des futures

37
Les actions de prévention visent à faciliter l’adoption de décisions ou de comportements plus
favorables à la santé. Nos observations suggèrent qu’une grande part du personnel des SPST n’a pas
reçu de formation spécifique à l’élaboration d’actions de prévention efficaces. Ils ont le plus souvent
appris des informations à transmettre, notamment des préconisations pour contrôler les risques qu’ils
auraient préalablement identifiés. Les compétences relationnelles évoquées ci-dessus ne pourraient
suffire ; les facteurs favorisant l’adhésion à de nouveaux comportements sont nombreux et leurs
interrelations peuvent être complexes. Un grand nombre de techniques et de modèles de changement
de comportement en santé ont été décrits et validés. Une large analyse des déterminants de
changement de comportement de nombre de ces techniques a été réalisée (31). Elle a permis de
proposer une approche visant à maximiser les chances d’efficacité des interventions en tenant compte
des résultats d’une investigation systématique des déterminants comportementaux (32,33). Ce type
d’approche a été utilisé pour élaborer des interventions contre la sédentarité au bureau (34) ou
améliorer les pratiques des soignants dans la prise en charge des douleurs musculosquelettiques (35).
Un apprentissage des bases de ce type d’approche permettrait au personnel des SPST d’être mieux
armé pour élaborer des interventions de prévention efficaces en santé au travail, leur permettant de
dépasser la simple communication d’informations à l’efficacité limitée.

5 Conclusion
En conclusion, l’exploration des représentations d’employeurs et de personnel de SPST a permis
d’identifier des facteurs pouvant entraver l’efficacité, l’utilité et donc la reconnaissance des actions
qu’ils sont tenus de réaliser au bénéfice des entreprises, des salariés et de leurs représentants. Le
principal obstacle semble être une représentation assurantielle et légale de la santé au travail, plutôt
que sanitaire et au bénéfice de la performance globale des entreprises. Cette représentation favorise
une gouvernance des SPST et plus globalement de la santé au travail par les process, la réalisation
d’actions conformément à un attendu – une offre socle - et une réglementation, plutôt que par les
résultats de ces actions sur la santé, les risques et leurs conséquences sur la conduite des entreprises.
Redonner leur sens aux activités de santé au travail, celui de l’esprit du code du travail comme des
attentes d’employeurs, de salariés et de professionnels de la santé au travail, peut être un facteur
d’amélioration de l’efficacité et de l’efficience de leurs actions. Les avancées des sciences du
comportement et de la méthodologie des évaluations peuvent y contribuer, pour peu qu’elles soient
enseignées, appropriées et utilisées.

formations de licence sciences sanitaires et sociales dont celle du parcours santé - travail (L3) destiné aux IDEST
et celles destinées aux internes en santé au travail ou aux collaborateurs médecins.

38
6 Références
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40
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implementation of a biopsychosocial approach to musculoskeletal pain care. Front Pain Res. 9 mai
2023;4:1169178.

42
7 Annexes

7.1 Guide d’entretien


Rappel des objectifs de l’étude et de la confidentialité des échanges. Obtention de l’accord de
participer (éventuellement d’enregistrer l’entretien).

Thèmes d’entretien

1. Que représente pour vous la médecine du travail ? (Missions, organisation, suivis, prévention,
acteurs, service rendu, reçu ou ressenti, réputation, attentes …)
2. Que représente pour vous la santé au travail ? En quoi compte-t-elle pour vous ? … (Missions,
organisation, suivis, prévention, acteurs, service rendu, reçu ou ressenti, réputation, attentes …)
3. En quoi le dispositif de santé au travail est-il efficient ou efficace pour vous ? (Effet, résultats en
santé ou sur les risques, amélioration des pratiques, …)
4. Qu'est-ce que représente pour vous le bien-être au travail ? La QVT/QVCT ? (Quelle place aux
questions d'addictologie - tabac, alcool, autres substances psychoactives, RPS-Stress, sommeil,
nutrition, activité physique-sport…)
5. D’après vous quelles sont les pathologies ou enjeux de santé concernées par le dispositif de santé
au travail ?
6. Quel rôle ou quelle place des assurances, des mutuelles ou des sociétés de service de conseil ou
de consultance spécialisées (en psychologie, sociologie du travail, QVT, coaching, ) pour la santé
au travail ?
7. Pour les employeurs-dirigeants d’entreprise : Pour quel service seriez-vous prêt à payer davantage
en santé au travail ?
8. Pour le personnel des SPST:
• Comment voyez-vous les employeurs ? Les salariés ? Les représentants du personnel ? Leurs
rôles, attitudes, engagement, intérêt… par rapport à la santé au travail
• Comment voyez-vous le fonctionnement de votre service ? Les autres professionnels de votre
service ?

Remerciements.

43
7.2 Verbatims complémentaires
La présentation des verbatims complémentaires du personnel des SPST est organisée en suivant le
plan des résultats.

L’image de la médecine du travail et de la santé au travail

Une expertise et une utilité revendiquées, un investissement décrit comme variable.

« Le bon côté est que le médecin du travail est un salarié protégé avec un pouvoir d’action très
large. […] Ils [les médecins du travail] sont globalement écoutés par les employeurs s’ils veulent
intervenir. Ils ont les moyens de faire respecter leurs préconisations. Ils sont légitimes, pertinents,
compétents, ils ont les arguments pour entrainer l’adhésion, pour faire évoluer la prévention… En fait
c’est un vœu, je voudrais y croire. C’est parfois le cas. Je fais référence au médecin du travail coordinateur
de secteur qui s’investit beaucoup dans les RPS… mais ce n’est pas toujours couronné de succès. » (IDEST
6)
Une IDEST a déclaré avoir eu « un choc de culture » entre le monde de la médecine clinique et celle de la
médecine du travail, y avoir découvert une vision et une représentation différente de la santé, « plus
santé et santé-publique que légale et réglementaire. » (IDEST 1)
« [Les SPST sont un] formidable outil avec un haut niveau d’expertise, […], avec des praticiens bénéficiant
d’outils forgés par les prédécesseurs… » (IDEST 2)
« L’efficacité et l’efficience dépend de la manière de pratiquer en santé au travail. Cela dépend des
acteurs, des médecins du travail, de leur démarche… Que penser d’un médecin du travail qui demande
‘Tout va bien ? Ok ! on se revoit dans 5 ans !’. Certains professionnels de SSTI [Service de santé au travail
interentreprises] sont planqués, d’autres très investis… » (IDEST 3)
« Je suis découragé. Les médecins du travail sont souvent moins investis, et c’est souvent une catastrophe
à cause [du poids] de leurs responsabilités. » (IDEST 6).
Le poids intériorisé d’une mauvaise image.

« La prévention pendant la visite salariée individuelle : ce n’est pas vraiment efficace et quelle image ? :
quelques dizaines de minutes tous les uns à cinq ans… » (DG 3).
« Une médecine poussiéreuse avec des manières de faire et des pratiques archaïques. Les dossiers
médicaux ne sont pas toujours informatisés à cause des résistances de médecin du travail. Il y a beaucoup
de médecins anciens qui n’ont pas évolué depuis 30 ans. » (MT 4).
« De la crédibilité, la médecine du travail n’en a plus. On paye les origines de la médecine du travail
d’aptitude ressemblant à la médecine militaire, le ‘ pipi dans le pot ‘, le sentiment que ça ne sert à rien. »
(IDEST 3)
« Les images des SSTI ne sont pas bonnes. Nous sommes perçus comme des ‘ bons à rien ‘, avec trop de
problème de qualité du service rendu, comme des ‘donneurs de leçons’. Ils nous disent ‘Restez chez vous’
ou ‘On n’a pas besoin de vous’. » (IPRP 2).
« Les services de santé au travail, on ne voit pas comment ça fonctionne ; ils ont du mal à se
moderniser. » (IPRP 4).
Pratiques des SPST manquant d’adéquation aux besoins des entreprises

« Pour les employeurs et les salariés, la santé au travail est quelque chose de contraignant, barbant et
vieillot… notre domaine de compétence n’est pas en adéquation avec les besoins du terrain. […] On a peu
de crédibilité aux yeux des employeurs et on ne sait pas se montrer crédible car trop dans l’individuel et

44
pas assez sur le terrain. En CHSCT46, j’ai entendu des remarques du type ‘pour ce à quoi ça sert la
médecine du travail…’ ». (IDEST 4)
« Les services de santé au travail et les médecins du travail ne sont pas perçus comme pertinents ou
convaincant pour assurer la QVT, la performance globale de l’entreprise, l’aider dans sa RSE 47
[responsabilité sociétale des entreprises]. » (DG 2).
La médecine du travail confondue avec la médecine de soins, sans valeur ajoutée.

« Parfois ils [les médecins du travail] sont assimilés à une médecine générale s’intéressant à des
pathologies n’ayant rien à voir avec le travail. » (MT 4)
« L’image de la médecine du travail est très péjorative parfois de façon justifiée car elle est faite d’une
manière peu adaptée par exemple lorsqu'il s'agit d'examiner le salarié alors qu’on en n’a pas besoin. »
(MT 5)
« La médecine du travail est très dévalorisée. Beaucoup de gens considèrent que ça ne sert à rien. Les
visites sont trop courtes… Ça dépend des médecins. Il y a un besoin de mieux valoriser la médecine du
travail à la faculté. […] La tension artérielle est déjà mesurée par le médecin traitant. » [Sous-entendu,
ce n’est pas ce qui est attendu de la médecine du travail] (ASST 1)
« Le médecin du travail a une mauvaise image, pas de son fait, mais des autres. […] Dans la société, et
pour des salariés et les employeurs, il n’est pas considéré comme un vrai médecin. C’est le dernier de la
classe. Il a choisi médecine du travail par dépit, pas par volonté, un peu un fainéant. » (IDEST 6).
Une mauvaise réputation attribuée à un défaut de communication des SPST

« Employeurs et salariés ne savent pas ce qui est fait. […] La médecine du travail est mal connue, limitée
à la visite médicale, sans impact » (MT 3)
« Il y a aussi une méconnaissance du sens de la mission et une mauvaise communication à ce sujet. Elle
est résumée à des visites qui ne servent à rien. Ils n’ont pas de vision sur l’amélioration des conditions de
travail. » (IDEST 3)
« On doit rendre service mais on n’est pas vu comme rendant service » (DG 3).
« Une médecine mal vue et mal connue des salariés et des employeurs. On devrait mieux communiquer
vis-à-vis des employeurs, leur parler davantage. Employeurs et salariés n’ont pas fait attention car on ne
leur a pas expliqué : ils pensent que la médecine du travail se limite toujours à la visite médicale et ne
perçoivent pas le reste notamment les actions de l’équipe pluridisciplinaire qu’ils ne voient pas tous les
jours en intervention. S’ils voyaient, cela justifierait le prix de la cotisation.» (MT 4)
« Les personnes qui sont en contact avec la médecine du travail n’en ont une vue que ponctuelle et
partielle, sauf ceux qui ont de gros problèmes de santé, de conflit…. » (IDEST 2)
« En ce qui concerne la capacité de la médecine du travail à répondre aux besoins, il faut retravailler la
représentation de la médecine du travail des employeurs et des employés. Par exemple, il faut agir
auprès des instances comme les CSE pour mettre en avant la neutralité et la confidentialité de la
médecine du travail, éventuellement son utilité. » (IPRP 3)

Médecine du travail et santé au travail, d’abord une obligation légale

La santé au travail, une obligation légale, le code du travail, la référence métier.

« Les employeurs ont besoin d’être sécurisés par rapport à leurs obligations légales. » (DG 1).

46
Depuis le 1er janvier 2020, les missions du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT)
sont exercées par le comité social et économique (CSE).
47
La responsabilité sociétale des entreprises (RSE) se définit comme la contribution volontaire des entreprises
aux enjeux du développement durable, aussi bien dans leurs activités que dans leurs interactions avec leurs
parties prenantes.

45
« L’autorité de tutelle est la DIRRECTE 48, dépendant de l’Inspection du travail et du Ministère du travail.
Notre fonction est définie par le code du travail qui est notre référence métier. » (MT 4).
« Les employeurs connaissent mieux les capacités, les pouvoirs juridiques de la médecine du travail et de
son positionnement. Ils ont une approche d’abord juridique, sur les conseils de leurs avocats, des experts
comptables… » (IDEST 2).
« Nos références sont le code du travail, les normes comme sources d’inspiration. Celles de l’AFNOR 49, de
la CARSAT50, des bases toxico etc. L’adaptation à la réalité, le résultat ne sont pas pris en compte : pas
d’outil, pas de méthode, pas de culture du résultat. C’est une logique de moyens, un obstacle majeur,
profond, indécrottable, bien ancré depuis la naissance de la médecine du travail. […] Il n’y a pas de
relation client-fournisseur saine sans logique de résultat. » (IPRP 1)
Médecine - santé au travail, un contrôle réglementaire sans valeur ajoutée

« La médecine du travail est vue comme ‘Un contrôle qu’il faut payer‘. Le médecin du travail est un
vérificateur de conformité. […] Les SPSTI et le médecin du travail sont vus comme un cheval de Troie dans
les entreprises [i.e. pour contrôler ce qui s’y passe]. » (DG 2).
« Certains employeurs de TPE-PME ne font pas la différence avec l’inspection du travail. C’est un
problème de perception de la posture de la médecine du travail. Un problème d’information aussi. La
médecine du travail est vue comme une obligation, sans service attendu… » (IDEST 5)
Le code du travail et celui de la santé publique vus comme un carcan pour les SPST

« Le code du travail est un carcan administratif réglementaire qui ficelle et met en cloche la vie de
l’entreprise. Il a un impact sur la santé au travail : double effet par la contrainte de l’application des
textes et le formatage des médecins du travail trop protégés. » (DG 4).
Production réglementaire des SPST et rendu comptable de leurs actions

« La différence entre médecine du travail et santé au travail n’est pas vue par les employeurs ou les
salariés. Les employeurs ne voient que les médecins : ils paient pour les visites médicales.... » (MT 6)
« Nos indicateurs ne sont pas très efficients car on ne sort que des nombres de visites, pas des indicateurs
de suivi. » (MT 6).
« Le SPST est efficace ponctuellement, pas en général. Ce n’est pas réellement le but recherché. L’objectif
est de ‘faire des visites’, sans réflexion globale, sans vision de la finalité d’un meilleur état de santé. Il n’y
a pas d’intérêt pour l’impact des actions, ni leur mesure. […] Je pense que je ne resterai pas dans ce type
de SPST. Ce n’est pas ma vision de la prévention et je ne pense pas pouvoir changer les choses. Je ne veux
pas faire pour faire, cocher les cases. Ça n’a pas de sens. » (IDEST 5).
« Pour les patrons et dirigeants d’entreprise, le passage des visites tous les 1-2 ans à tous les 5 ans est
incompris par rapport au maintien de la cotisation. Malgré l’explication de la possibilité d’effectuer des
visites à leur demande, ils sont dérangés financièrement. Ils assimilent l’essentiel de l’action des SSTI à
la réalisation de visites. » (ASST 2)
« L’attente des employeurs c’est de faire toutes les visites. » (ASST 1)
« Certaines grandes entreprises adhérentes n’ont pas besoin de nous, notamment quand elles ont un
service de prévention : quelle valeur ajoutée des SSTI ? Seulement les visites médicales des médecins du
travail pour le suivi de la santé des salariés qui devrait en théorie aider à une meilleure prévention » (IPRP
1)

48
Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi
(DIRECCTE) remplacée depuis le 1er avril 2021 par la Direction régionale et interdépartementale de l’économie,
de l’emploi, du travail et des solidarités (DRIEETS).
49
Association française de normalisation
50
Caisses d'assurance retraite et de la santé au travail

46
Attentes des employeurs non exaucées et manque d’écoute des SPST

« Les demandes des employeurs ne sont pas réalisées. […] Les médecins du travail ne peuvent pas aller
plus souvent en entreprise, ils échangent trop peu avec les entreprises » (DG 1)
« On n’identifie pas leurs problèmes, leurs besoins ; On ne sait pas ce qui est attendu des employeurs.
[…] L’offre socle de Présanse51 en réponse au code du travail [reprise dans la loi d’aout 202152] est la base
du référentiel mais n’est pas toujours adaptée aux besoins réels des employeurs : il faudrait adapter à
chaque entreprise » (DG 3).
« Beaucoup de médecins du travail restent absorbés par le suivi [médical] dont ils ont la charge. Il y a
peu de cohérence entre les besoins et attentes des entreprises et celles des médecins du travail, surtout
ce sont ces derniers qui sont pris en compte [au lieu des besoins et attentes des entreprises]. » (IPRP 2)
« Idéalement, travailler dans un SPST est une chance de pouvoir faire de la prévention et d’être à l’écoute
des salariés et des employeurs. Dans la pratique, on ouvre les parachutes et on évite la prise de risque
pour le personnel du SPST. On reste au ras du code du travail… » (IDEST 5)
Attentes d’employeurs et de salariés autres que celles d’une conformité réglementaire

« La médecine du travail est un acteur de prévention et de conseil pour employeur. Elle a un rôle clé pour
l’entreprise, en médiation et relations humaines, comme sas de décompression. » (IPRP 4)
« Si on prouve qu’on peut résoudre les problèmes, il y a plus d’écoute pour la prévention primaire, si
l’employeur voit l’intérêt financier aussi. » (IDEST 3)
« Ils [employeurs] visent l’efficacité, ne veulent pas que l’on perturbe la production, ils craignent un
impact organisationnel et juridique… […] Pour les employeurs c’est maintenant une recherche maximale
de l’efficacité au travail mais aussi une recherche de la qualité de vie au travail, du bien-être au travail.
C’est un mouvement global où ils sont de plus en plus demandeurs d’accompagnement, d’actions au
quotidien, avec des acteurs pas seulement des SPSTI : des coach, des cabinets de conseil, … Ils vont garder
un intérêt pour la QVT, pour donner du confort aux salariés. […] Les employeurs ne sont pas seulement
sur le juridique. Certains pensent qu‘il faut que la boite tourne. Il y a une nécessité de trouver une
accommodation entre salariés, médecins du travail et employeurs pour que cela soit compatible avec le
fonctionnement de l’entreprise. […] Le côté sociétal n’est partagé que par une partie du patronat.
Certains dirigeants considèrent que la médecine du travail peut aider à ce que l’entreprise fonctionne
mieux. » (IDEST 2)
« Ils sont surpris du degré d’intervention et de conseil quand on leur montre ce qu’il faut faire contre les
TMS par exemple, ce qui est rarement fait par les soignants. En médecine du travail on se met à la place
de l’autre, à ses côtés. […] Il faut leur révéler ce qu’est un service de prévention. Ils ne voient pas la
dimension prévention, seulement le diagnostic et le soin. […] La santé au travail est pour les salariés un
amortisseur grâce à la possibilité d’une intervention tierce, notamment dans le champ des RPS, en cas
de relations anormales au travail, de recherche d’appui auprès des SSTI, des syndicats… » (IDEST 2)
Tension entre être au service du salarié et au service de l’entreprise

« En Europe, il existe plusieurs tendances, orientations, en médecine du travail : Au service de l’entreprise


et de son image en adaptant l’Homme au travail, au service du salarié en adaptant le travail à l’Homme.
[…] En France, les médecins du travail sont soumis à cette tension éthique et majoritairement se réfèrent
au service du salarié plutôt qu’au service de l’entreprise. Cette tension a été exacerbée au cours des
dernières années avec une augmentation du nombre de salariés à la charge de chaque médecin du
travail. […] les SST doivent faire face à une forme d’acédie, c’est-à-dire de manque de soins, en particulier
par manque d’empathie pour les ‘sans grades’. […] on est passé, dans les années 2000’s du problème du
stress attribué au fait que le salarié ‘ne sait pas s’organiser’, aux RPS avec le rapport Gollac et leurs
conséquences sur la souffrance au travail dans les années 2009-2011, puis à la QVT et au rapport

51
Présanse (Prévention, Santé, Service, Entreprise) est un organisme de représentation des Services de
Prévention et de Santé au Travail Interentreprises de France, sous statut d’association à but non lucratif.
52
Loi° 2021-1018 du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail.

47
Pénicaud sur efficacité et bien être en 2013. Nous faisons face à présent à une nouvelle tension entre le
bien-être et le bien-faire du salarié, défini par le salarié plutôt que par le qualiticien. Les conditions de
travail doivent être bonnes pour le salarié et bonnes pour la performance globale de l’entreprise, à
l’encontre du ‘Quick & durty’ ». (MT 2)

Périmètre et objet de l’action des SPST

Des définitions variables de la santé

« Pour moi la définition de la santé est celle de l’OMS : la santé physique, morale et sociale, ce qui inclue
par exemple la cohésion sociale. » (IPRP 2)
« Le bien-être favorise la santé et est inclus dans la définition OMS de la santé… » (MT 3)
[performance économique]. Les dirigeants comprennent plutôt la santé physique mais mal la santé
mentale. Ils y associent une notion de fragilité, de faiblesse des salariés. Difficile pour eux d'accepter que
le travail altère la santé mentale. Plutôt une faiblesse du salarié qu’une question de management. […]
Mais l’intérêt de l'employeur c’est d’avoir un salarié toujours en bonne santé, jamais absent. » (MT 5)
« C’est la liberté de pouvoir agir sur soi et sur ce qui nous entoure, pouvoir effectuer son travail selon sa
propre initiative, pouvoir en dire qu’on y est pour quelque chose. La définition de la santé de l’OMS est
figée. La référence à un ‘parfait état’ fait référence à la perfection, à un idéal : ce n’est pas assez
dynamique. Je ne sais pas ce que les dirigeants entendent par santé au travail. Il faut comprendre le lien
entre santé et travail pour pouvoir interroger la santé au travail. Il y a un aspect bijectif entre travail et
santé. » (IPRP 3)
« La santé au travail c’est pouvoir travailler sans altérer la santé physique et mentale. » (IDEST 3)
Les pathologies concernées par la santé au travail, attribuables ou pas au travail

Pathologies dues directement ou indirectement au travail


« Pour d’autres DG de SSTI ou pour Présanse il faudrait s’en tenir au code du travail… aux pathologies
dues au travail. En effet, les SSTI sont vus comme protecteurs, luttant contre l’altération de la santé du
fait du travail… éventuellement contre l’employeur, plutôt qu’en charge d’accompagner les entreprises
pour les conseiller dans la protection de la santé des employés. » (DG 3, entretien en avril 2020).
« Je n’ai pas à décliner la politique de la santé [Santé Publique] » (MT 1, entretien en février 2020)
« Primauté à ce qui est dû au travail. Mais difficile de dissocier ce qui est dû au travail et ce qui est dû à
d’autres dimensions. » (IPRP 4, entretien en octobre 2019)
« Les pathologies conséquences du travail comme par exemple les AVC par manque de sommeil et à
cause stress au travail. Il n’est pas pertinent de s’intéresser aux pathologies qui ne sont pas dues au
travail. La santé publique n’est pas le cœur du sujet… » (IDEST 4, entretien en septembre 2021)
Pathologies dues au travail ou impactant le travail
« Pas seulement les pathologies qui seraient dues au travail, mais plus largement les pathologies qui
peuvent aussi impacter le travail. […] Le pilotage des SSTI se fait par le Ministère du travail alors qu’il
faudrait que ce soit le Ministère de la santé. » (DG 4)
« Pathologies dues au travail ou qui gênent le travail. Plutôt dans une optique de santé publique pour les
grosses entreprises, pour les petites je ne sais pas. » (DG 3)
« Toute pathologie due au travail ou pouvant altérer la possibilité de travailler. Ce qui concerne la PDP
[Prévention de la désinsertion professionnelle]. Pas les pathologies non invalidantes et non dues au
travail. » (MT 5)
« Les pathologies attribuables au travail comme les TMS, les intoxications… et les pathologies chroniques
qui ne sont pas attribuables au travail comme des cancers ou le diabète… mais qui impactent le travail,
de façon plus ou moins visible… » (MT 6)
« Prévenir les maladies dues au travail et adapter les postes de travail à la santé des salariés, pour la
prévention primaire et le maintien dans l’emploi. Les pathologies professionnelles des tableaux ou les

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accidents du travail et n’importe quelle pathologie qui limite le maintien dans l’emploi comme les TMS
doivent être considérées. La prévention des gastro-entérites est hors sujet car elles sont trop courtes en
arrêt de travail : ce n’est pas le sujet de l’employeur ni du médecin du travail. » (MT 4)
« Je pense qu’il faut considérer la ‘santé globale’, même si on me demande de ne considérer que les
pathologies professionnelles. Je considère les cancers, les addictions… comme des pathologies à prendre
en compte, tous les problèmes de santé, pas que professionnels, car tout peut avoir un impact sur le
travail. Par ailleurs il y a un déficit de médecin généraliste. Je vois donc d’un bon œil la réforme qui
considère la santé au travail comme appartenant à la santé publique. » (IDEST 5)
« La santé au travail c’est pouvoir travailler sans altérer la santé physique et mentale. Cela dépend de
conditions et de l’organisation de travail satisfaisantes. […] Ne sont pas concernés en santé au travail :
la nutrition, l’activité physique, les addictions hors travail si elles ne sont pas dépendantes du travail…
sauf si elles ont une incidence sur le travail. Il n’y a pas de place pour les actions de santé publique car
on n’a déjà pas assez de temps pour les questions en relation avec le travail. Idem pour le sommeil, le
stress… » (IDEST 3, entretien en novembre 2021)
« Toutes les pathologies pouvant impacter le travail sont concernées. Par exemple, ce peut être l’impact
d’une immaturité managériale avec harcèlement pouvant être responsable de violences à la maison… »
(IPRP 2)
Places de la QVT/QVCT dans le champ des SPST

« Le bien-être favorise la santé et est inclus dans la définition OMS de la santé mais… la QVT n’est pas à
la hauteur des enjeux : quelle efficacité a-t-elle sur la santé ? Ce n’est pas approprié aux problèmes
rencontrés dans mon exercice hospitalier. » (MT 3)
« Pas sûr que le bilan des démarches QVT soit bon. Ça a un côté cosmétique douteux. C’est du faire pour
faire, un alibi. Je suis dubitative vis-à-vis des actions QVT… Par exemple les baromètres proposés par des
cabinets de conseil : je suis étonnée des résultats, je ne suis pas sûre de leur représentativité du vécu des
salariés. Ça traite des addictions, du sport, du sommeil, c’est tous azimuts. C’est fait par d’autres
officines, des cabinets de conseil, pas par les professionnels des SPSTI. […] S’il y a des managers pas assez
bienveillants, il ne faut pas se contenter de sensibilisation, il faut agir pour corriger. Mais le médecin ne
peut pas remplacer le DRH, parfois il peut être coach ou médiateur. » (MT 6)
« Bull shit ! C’est surtout du marketing pour attirer les embauches. Ce serait top si on y était vraiment. :
réussir à travailler sereinement sans abimer sa santé. L’idée c’est d’être bien au travail, c’est à dire plus
productif, avec moins de conséquences pathologiques… Cette idée est dévoyée. Le babyfoot n’évite pas
les accidents du travail ! » (IDEST 4)
« La QVT ? C’est galvaudé, du saupoudrage, un fourre-tout. Par exemple les massages ! C’est fait car
c’est une obligation légale de protocole d’accord, souvent peu ambitieux, de la parlote. » (IDEST 6)
« La QVT c’est différent de la santé au travail. La santé est liée à l’exposition à des ‘risques durs’. La QVT
ne relève pas des risques professionnels mais plutôt du confort. La QVT peut cependant être en relation
avec les RPS… mais la QVT c’est plutôt pour améliorer l’ambiance dans la communauté de travail. Elle
relève plutôt de l’accompagnement que de la préconisation. […] Je ne vois pas les coachs et consultants
comme des concurrents. Ils sont pour la QVT, pas pour la santé au travail. » (IDEST 2)
« Le bien-être au travail, ce n’est pas le babyfoot ou les plantes. C’est la satisfaction des employés qui
viennent travailler et des entreprises qui progressent. La QVT c’est une manière d’aborder la
problématique des RPS de façon plus positive, qui fasse moins peur aux employeurs. » (IPRP 2)
« C’est un levier, un cheval de Troie dans les entreprises, permettant aux employeurs humanistes
d’améliorer leur organisation, le bien-être au travail, faciliter la transformation. Mais ils ont peu ou pas
confiance dans le médecin du travail ou le SSTI pour faire cela, pour les aider à assumer la RSE de leurs
entreprises » (DG 2)
Place de la prévention dans le champ des SPST

« Les médecins du travail sont plus centrés sur la clinique que sur la prévention ou l’éducation,
notamment en entreprise. Ils ne peuvent pas aller plus souvent en entreprise. […] Ils voient leur métier

49
comme visant à aider ceux qui sont en difficulté au niveau individuel plutôt que de mener des actions
collectives. » (DG 1)
« En France, la population et les pouvoirs publics font le choix du soin et de l’hospitalier, pas de la
prévention… Quoiqu’en dise la Loi de 2021 » (DG 2)
« Les médecins du travail passent plus des 2/3 du temps en suivi des individus, c’est le poids de l’histoire
des SSTI. » (DG 3)
« On fait beaucoup de visites médicales pour des salariés qui ont des problèmes alors qu’on est censé
être en entreprise. On n’en a plus le temps. » (MT 4)
« Nous sommes surtout pris par la prévention secondaire et tertiaire. L’examen clinique n’est pas
toujours utile en visites de routine sauf pour un public défavorisé notamment dans les métiers à risque :
C’est alors une fonction de santé publique. » (MT 5)
« Nous sommes là pour faire de la prévention, théoriquement primaire, en réalité tertiaire et parfois du
soin. En théorie, il devrait y avoir un équilibre entre accompagnement des salariés et accompagnement
des employeurs. En réalité, on n’est pas assez dans le collectif, trop dans l’individuel. On est trop dans les
bureaux. […] Dans sa mission de prévention, notre SSTI, j’ai l’impression qu’il n’est que déficient. On est
trop dans le curatif en jouant à la médecine de ville par exemple. Il y a une incompréhension de l’intérêt
de la prévention. Tous les acteurs de SSTI n’en ont pas la même représentation. Elle est différente aussi
de celle des employeurs. » (IDEST 4)

Apprécier l’efficacité et l’efficience des pratiques des SPST

L’impensé de l’efficacité et de l’efficience des SPST

« Tu me poses une colle ! Je ne me suis pas posé la question. Pour te répondre, il serait important de voir
comment le secteur socio-éducatif et médico-social est soumis à ses tutelles. C’est un problème de
direction sommitale. » (IPRP 3)
« La médecine du travail, les SSTI, peinent à être efficients. Il faudrait être dans une logique de prévention
: cela n’existe pas toujours dans les cultures d’entreprise. La prévention est un concept mal partagé. Le
médecin du travail se sent menacé sur son périmètre d’action [au sujet de l’efficacité ou de l’efficience],
craint pour sa place, il est réticent sur les diagnostics quantitatifs car parfois il n’a pas de postula collectif.
Souvent l’employeur n’a pas le réflexe ‘médecin du travail’ : cela altère les conditions d’efficience ou
d’efficacité, chacun restant dans son pré carré, d’un côté le DUERP [document unique d'évaluation des
risques professionnels] de l’autre la FE [Fiche d’entreprise] des SSTI. Il y a aussi une question de moyens
insuffisants alors que la demande augmente. » (IPRP 4)
Un ressenti variable d’efficacité : expériences personnelles sans évaluation formelle

« L’évaluation par le client [l’adhèrent du SPST] en feed-back n’existe pas le plus souvent. [Dans notre
SPST] nous avons fait un essai au sujet du risque routier avec formation théorique et pratique sur piste.
Nous avons eu des retours qui témoignaient d’une super expérience client sur la sensibilisation au risque
routier mais nous n’avons pas fait d’évaluation des comportements. » (DG 4)
« En me basant sur mon ressenti dans ma pratique... Je n’ai pas de preuve d’efficience ou d’efficacité,
pas d'essai pour évaluer. Je pense que nous sommes efficients sur l'évaluation des risques, sur l’impact
social majeur de la PDP, mais pas assez efficient pour la prévention primaire. » (MT 5)
« L’efficience est nulle dans mon cas. Il y a beaucoup à améliorer. Je dois me débrouiller seul. […] Il y a
peu ou pas d’efficacité. On agit trop après la bataille. On fait les études de poste quand on est au stade
de l’inaptitude, après les dégâts, sans action pour améliorer le poste. Je n’ai jamais entendu parler
d’efficacité en SSTI. » (IDEST 6)
« Ce qui permet de dire que je suis efficace : si le salarié va mieux, si l’employeur met en place… Un
médecin du travail sur les trois avec qui je travaille m’a autorisé à rappeler pour vérifier si j’étais efficace
sans avoir à reconvoquer. » (IDEST 3)
« Je pense que nous sommes efficaces car on solde des situations, de blocage par exemple. […] les actions
individuelles des médecins du travail en prévention secondaire sont plutôt efficaces, par exemple pour

50
l’adaptation ou l’aménagement de poste. Des salariés témoignent que c’est respecté et qu’ils n’ont plus
de pression du management et des collègues. Le conflit a été arbitré par le médecin du travail, ce n’est
plus interpersonnel. Le médecin du travail a une action de juge de paix. Mais il y a un biais car on ne voit
pas le devenir des inaptes. […] Pour les actions collectives, je suppose que c’est efficient car le personnel
des SPST est très impliqué mais en fait je n’ai pas d’élément. » (IDEST 2)
« Si on était efficient, on arriverait à remplir notre mission sur les plans quantitatifs et qualitatifs. Nous
ne sommes pas efficients au plan quantitatif, c’est impossible étant donné les moyens humains. Au plan
qualitatif, il y a eu une amélioration de la technicité depuis 2008, des préconisations plus efficaces et
adaptées… Mais il n’y a pas de vérification des mises en œuvre, à court ou long terme. Cela questionne
la pérennité de l’efficience des préconisations. » (IPRP 1)
Un manque de données pour évaluer l’efficacité et l’efficience des actions

« On ne sait pas ce que l’on a évité. [on ne peut pas mettre en évidence la non survenue d’une
pathologie]. Ne pas prouver notre utilité nous condamne à la perception d’une inutilité. » (DG 1)
« Il n’y a pas d’accès aux données sur le service social rendu, sur la non incidence. » (DG 2)
« En SSTI, on ne sait pas [si il y a mise en œuvre ou efficience] par manque de moyen et de connaissance
du milieu de travail. Ce n’est connu qu’à travers les dires des salariés vus en visites ‘à problème’ » (MT 1)
« Les résultats sont difficilement mesurables car trop de facteurs interviennent. Comment attribuer une
évolution de la santé à une action plutôt qu’à d’autres facteurs ? » (MT 3)
« Il faudrait vérifier [la mise en œuvre] mais on manque de temps en SSTI. Ce devrait aussi être à
l’employeur de vérifier. » (MT 4)
« On est efficient mais on n'arrive pas à le prouver par manque de bons outils informatiques, par manque
de méthode. » (MT 5)
« Si on donne un conseil, c’est que c’est pertinent. Il faut faire un suivi après. La recherche de suivi, c’est
fait rarement. Je le fais dans les groupes où on est présent, dans des services autonomes ou équivalents…
après le temps de travail, en passant… Pour voir si tout va bien. Mais pas de statistiques. Juste un tracé
des actions et des résultats dans l’AMT [Action en milieu de travail]. Je ne fais pas de rendu métier ou
d’analyse des pratiques. Je le faisais rarement, en réunions de pairs que j’organisais, en petite structure.
[…] L’efficience c’est la performance, le rendement, par rapport à l’investissement, le coût, l’effort,
J’estime notre efficience à 7/10. Beaucoup de choses sont faites mais pas traduites ou lisibles. Sans suivi,
pas possible de le savoir. On peut en avoir une idée, mais pas la mesurer. […] Au niveau des pathologies,
il est difficile d’en conclure quelque chose.» (MT 6)
« Pour ce qui est des actions individuelles en prévention primaire, je n’ai aucun retour, je n’en sais rien.
On ne sait pas s’il y a eu des changements dans les pratiques professionnelles… […] Question de temps
long. Il faudrait revenir vérifier quelques mois après : on ne le fait pas. On est dans une logique d’action,
‘on a coché une case’, pas dans une recherche d’efficacité… Pas de clause de rendez-vous à x mois pour
faire le point de l’efficacité de l’action individuelle. […] Pour les actions collectives en prévention primaire,
c’est encore plus compliqué d’avoir un retour. Il est difficile de mettre en œuvre une méthodologie
d’évaluation. De plus, s’il y a un changement de responsable dans les entreprises, il est encore plus
difficile d’assurer un suivi. Rares sont les entreprises avec un suivi du résultat des actions. On manque de
connaissance de méthodes pratiques que l’on puisse utiliser ‘à la volée’. » (IDEST 2)
« L’évaluation du résultat final, c’est compliqué pour les psychologues. Cela porterait sur la qualité du
dialogue, sur la façon de dialoguer. Il y a rarement un suivi ou une évaluation pour les psychologues.
Pour les autres IPRP, il est difficile de boucler un dossier pour l’évaluer. Il n’y a pas de méthode pour
évaluer ! C’est une discussion avec le bénéficiaire sur son ressenti ou une appréciation de l’ambiance, des
crispations, de ce qui ne s’est pas bien passé. » (IPRP 3)
Pouvoir et devoir évaluer la mise en œuvre des conseils, leur efficacité et leur efficience

« L'évaluation des pratiques est acceptable. Pas pour tous les médecins. Il faudrait que ce soit anonyme
si on l’évalue en étude interventionnelle… et que ce soit analysé entre pairs. » (MT 5)

51
« C’est le but de la nouvelle loi, avoir des retours d’expérience à 6 mois pour retour de préconisation : il
faudrait téléphoner aux gens, aux employeurs pour voir ce qui a été mis en place, ce qui a été difficile à
faire. Plus tôt que 6 mois éventuellement. Par la reconvocation des salariés ou en les appelant. Ce devrait
être prévu dans le projet de service… mais ce n’est pas encore formalisé. En pratique on réfléchit en
réunion d’équipe sur les cas individuels. Pour l’avenir, je ne sais pas… […] L’efficacité pourrait être
mesurée par la résolution tout de suite du problème, la modification de pratique ou d’organisation d’une
action. […] Il faudrait faire des analyses de retours d’expériences ensemble, sur les résultats, les suivis,
faire en sorte d’être mieux compris et identifié par les employeurs ou les salariés. » (MT 6)
« Comment savoir si on est efficace ? Vérifier si l’employeur ou le salarié avait été assez informé pour
éviter un accident, vérifier si le conseillé se souvient de ce qu’on lui a dit, par enquête ou en revenant sur
une intervention en demandant ‘qu’avez-vous mis en œuvre ?’ En surveillant l’évolution du poids, du
déficit de sommeil, etc… On peut aussi enquêter sur leur opinion sur le SSTI, sur leurs attentes
particulières, sur leur satisfaction des entretiens… ». (IDEST 4)
« Avant de venir en santé au travail, j’ai toujours travaillé avec une évaluation de mes interventions, avec
un questionnaire soumis aux bénéficiaires pour savoir ce qu’ils ont appris, si cela leur convenait,
notamment en termes de thème et de format, ce qu’ils aimeraient voir ou faire. Mais en SPST il y a un
frein. Les IDEST et les ASST ont refusé. J’ai eu ce refus d’évaluation par crainte d’évaluation des
professionnels du jugement. Il y a une crainte au sein même du SPST, du travail accompli de chacun.
J’espère pouvoir les convaincre, ça prendra du temps… il n’y a pas d’urgence. » (IDEST 5)
« Pour savoir si nous sommes efficients, il faudrait avoir des indicateurs de qualité. Par exemple le
pourcentage des employeurs mettant à disposition les EPI, le pourcentage des salariés respectant les
consignes ou mettant les EPI, etc… Pourquoi ce n’est pas fait ? On est toujours dans le ‘one shot’. On ne
s’intéresse pas à la qualité de ce que l’on fait : aucun sens du travail ! C’est une source de RPS pour le
personnel des SSTI. Est- ce un ‘oubli’ des directions des SSTI ? Peut-être est-ce parce qu’ils n’ont pas de
pression pour cela ? Par manque de médecins du travail ? Je ne sais pas. Idéalement, il faudrait dans
l’ordre 1) le diagnostic, 2) l’évaluation des risques, 3) la priorisation des actions, 4) les actions et 5) le
suivi… idéalement… mais ce n’est jamais fait jusqu’au bout. L’étape de priorisation est omise. » (IDEST
6)
« [Le suivi de l’effet des actions en santé au travail] pourrait être fait par un relais de confiance dans les
entreprises. On devrait s’appuyer sur les secrétaires pour évaluer et pour la logistique de l’évaluation. »
(IPRP 2)

Facteurs d’efficacité et d’efficience des pratiques des SPST

Insuffisance des ressources, du temps et de l’organisation pour mener les actions

« Les prestations du personnel des SSTI n’est pas optimale. » (DG 1)


« L’absence de connexion entre DMIST [Dossier médical individuel en santé au travail] et DMP [Dossier
médical partagé] est un obstacle, une perte d’atout pour la santé au travail. 53 » (DG 1)
« Je vois mal comment être efficient vu notre organisation. » (DG 2).
« En SST autonome, j’avais 1200 agents à suivre. C’est peu. J’avais plus de proximité avec les
employeurs. » (MT 1)
« Globalement, on a été très mauvais pendant des années sans répondre comme il fallait car on était
sous l’eau et maintenant on doit donner des indicateurs : sur l’évolution des risques professionnels, par
actions, sur les pratiques et les organisations, sur les arrêts de travail,… » (MT 6)
« Le tiers temps est normalement pour la prévention primaire. En pratique, on fait de la prévention
secondaire ou tertiaire par manque de temps. Par exemple, le tiers-temps pour une étude de poste en
cas d'inaptitude. S’il y a des RPS, l’étude est faite par le médecin car c’est trop délicat. Cela prend une
demi-journée : déplacement, entretien direct avec la RH, rédaction. Pour les études de poste pour les

53
La mise en relation des DMIST et DMP est prévue par la loi de 2021. Il n’est pas encore établi que les modalités
de ce rapprochement rendront l’action des SPST plus efficace ou plus efficiente.

52
inaptitudes, on doit être bien conforme à la loi, sinon il y a un risque juridique pour le médecin du travail
: c’est la moitié de mes inaptitudes qui sont à problème. Par ailleurs, l’interlocuteur RH ne comprendrait
pas que ce ne soit pas le médecin qui fasse l'étude. Je fais aussi l’étude de poste pour assurer et maintenir
de bonnes relations afin de pouvoir négocier pour d'autres salariés en prévention secondaire ou tertiaire.
On ne répond pas aux attentes des entreprises. Ils attendraient plus de prévention primaire. […] Dans les
SSTI on n’a pas assez de temps et de ressources pour être crédible et efficace. En moyenne, avec une
intervention par mois pendant un an dans une TPE à direction bienveillante, on peut espérer une
efficience. Sinon non. » (MT 5)
« Pas d’efficience et rarement d’efficacité du SPST. Dans les faits, cela mettra beaucoup de temps à
changer. Il y a peu de volonté. Il y a bien eu une formation pour la PDP, mais peu de partenariat avec la
CARSAT, pas d’interlocuteur psychologue du travail, pas d’assistante sociale,… Il n’y a pas de solution
humaine d’accompagnement. On n’est pas sûr du résultat et de la qualité de l’accompagnement quand
on oriente des salariés. » (IDEST 5)
Enjeux de la confiance entre SPST et employeurs

« La confiance est une condition de la relation pour entrainer l’adhésion. Il faut créer un lien de confiance
avec le chef d’entreprise et les managers, pour trouver la façon de faire passer les messages. » (IDEST 6)
« En discutant avec le salarié on voit ce qui va marcher. La relation de confiance dès le début est
importante. Il faut être à l’écoute et attentif au non-verbal. » (IDEST 4)
Réceptivité des interlocuteurs aux propositions des SPST et écoute de leurs besoins

« Certains employeurs se moquent des problèmes de turnover, de santé des salariés. Pour eux, il y aura
toujours quelqu’un pour faire le travail. Du coup, on n’a pas de réponse ou une réponse négative quand
on leur propose quelque chose […] Il n’y a pas de culture de prévention en France […] Les conseils, si la
personne est réceptive, ça marche. S’il comprend l’intérêt, il y a mise en application et amélioration de
la situation, par exemple sur les postes de travail sur ordinateur. Mais elles ne sont pas spontanément
réceptives ; uniquement si elles ont un problème ou ont compris la mission de la médecine du travail. Si
on expliquait à quoi on sert, elles écouteraient davantage et seraient plus réceptives. […] Si les personnes
ne sont pas réceptives, on n’est pas efficace. » (IDEST 3)
Cibler les populations bénéficiaires et concentrer les actions de prévention

« Les actions des SPSTI sont trop dispersées, c’est du one shot. » (DG 1)
« Pour les actions collectives, la priorisation du médecin si elle existe peut être un facteur d’efficience. »
(IDEST 2)
Formulations et modalités de délivrance des actions de prévention

« Les Préconisations sont trop théoriques ou génériques, pas adaptées aux besoins des employeurs. »
(DG 1)
« L’affichage en salle d’attente n’est pas efficient. Les messages ne sont pas retenus. Pour les ateliers
d’information auprès de plusieurs entreprises, en actions collectives, il y a peu de coût donc c’est
possiblement efficient. Les personnes sont très satisfaites des apports d’après les évaluations post-
atelier, mais pour la mise en œuvre on ne sait pas. » (IDEST 2)
« C’est plus compliqué en médecine du travail où la prévention primaire n’est pas dans les tuyaux. Par
exemple vis à vis des personnels saisonniers. Mes collègues utilisaient le même diaporama, pas changé
depuis 10 ans, très descendant, pas adapté à l’âge des saisonniers. Je ne le trouvais pas satisfaisant pour
les professionnels de santé. J’ai introduit de l’addictologie. En s’inspirant d’un projet d’un groupe info
SIDA avec des lycéens, j’ai proposé de faire des stands collectifs pour que les saisonniers en fassent 3
[stands] pour valider une attestation de visite. Les ASST [Assistant en santé et sécurité au travail] ont eu
peur de changer de format. Maintenant, je propose de faire un test et une évaluation. » (IDEST 5)
Actions de prévention facilitant l’adhésion des bénéficiaires, condition de leur efficacité

53
« Pour obtenir une mise en œuvre des préconisations et avoir une activité de conseil efficace, il est difficile
de faire comprendre, de convaincre, de modifier les comportements. Il existe des biais cognitifs, il faut
modifier l’écosystème. C’est complexe. » (DG 2)
« Les SSTI manquent de crédibilité car ils ne connaissent pas le métier, il y a une opposition entre
expertise du SSTI et expertise professionnelle. Il y a efficacité en prévention s’il y a convergence des deux
expertises. Il s’agit de comprendre ce que font les travailleurs, partager avec eux la pensée et le regard
du SSTI, des IPRP, sur leurs pratiques puis prendre en compte leurs solutions pour se protéger … et arriver
à l’objectif de prévention. Cette démarche prend du temps. Il s’agit d’associer appropriation du terrain
[par SSTI-IPRP] et appropriation de la prévention [par les salariés] […] Choisir une mesure de prévention
peut être problématique. Il peut exister une opposition ou une complémentarité entre les standards, les
références réglementaires ou normatives obtenues par des études et recherches, et la prise en compte
de la réalité qui est différente du prescrit. Cela devrait ouvrir un espace de négociation pour trouver ce
que l’entreprise accepte et s’approprie comme mesure de prévention. La co-construction devrait aboutir
à cela. Pourtant, dans les SSTI, on se cache derrière l’expertise, celle de chaque spécialiste de l’équipe
pluridisciplinaire, et derrière le code du travail. Moins on est expérimenté, plus on se pose comme expert
! » (IPRP 1)
La performance de l’entreprise un argument tabou pour promouvoir la prévention

« Pour entrainer l’adhésion des employeurs, il faudrait communiquer sur ‘La prévention ça rapporte des
euros’. J’ai vu sur LinkedIn la semaine dernière que l’INRS proposait une formation des futurs ingénieurs
pour évaluer les coûts et ce que rapporte la prévention. Mais c’est compliqué à mettre en œuvre dans
les SPSTI. Il faudrait aussi communiquer sur le coût humain, les cotisations AT/MP, les conséquences en
cas de décès ou de blessés graves, les compétences perdues, surtout si on a du mal à trouver du personnel
qualifié comme dans le BTP, le problème de recrutement et d’implication des salariés dans le travail. »
(IDEST 6)
« Pour améliorer l’efficience, il faut un suivi et une évaluation de l’adéquation aux plans individuels et
collectifs. Cela implique de respecter la productivité de l’entreprise… ». (IPRP 1) Relancé sur la santé au
travail contribuant à la performance et la santé de l’entreprise il a rajouté : « oui, bien sûr, mais pas pour
les médecins du travail qui se moquent de la performance de l’entreprise » (IPRP 1)

Coût de la santé au travail et des SPST


« Le coût réel direct des SSTI per capita est très faible par rapport aux autres coûts des salariés :
7,83€/mois/salarié ; très inférieur au budget papeterie de beaucoup d’entreprises. » (DG 2)
« Il y a une concurrence sur le prix des services de SSTI avec un service rendu pas reconnu. […] Les SSTI
ne coutent rien et n’ont pas de résultat. Ils ont donc une bonne efficience » [exprimé sur un ton ironique]
(DG 3).
« Pour les TPE54, le seul contact avec la médecine du travail est la facturation et plus ou moins une
newsletter. C’est alors considéré comme cher et peu efficient » (DG 3).
« La santé au travail trop cher ? Si on faisait correctement notre travail et notre rôle de conseil, si on
allait réellement vers les salariés et les employeurs, ce ne serait pas trop cher. Mais en l’état actuel, oui,
c’est trop cher. » (IDEST 5)
« Ce qui n’est pas cher sert peu […] Le coût de la médecine du travail est variable. Il est très inférieur dans
les SSTI par rapport aux services autonomes, et il est équivalent chez ces derniers et dans la consultance.
Si on veut être payé plus et être reconnu, on a des comptes à rendre. » (MT 2)
« Employeurs et salariés n’ont pas fait attention car on ne leur a pas expliqué : ils pensent que la
médecine du travail se limite toujours à la visite médicale et ne perçoivent pas le reste notamment les
actions de l’équipe pluridisciplinaire qu’ils ne voient pas tous les jours en intervention. S’ils voyaient, cela
justifierait le prix de la cotisation. » (MT 4)

54
TPE : très petites entreprises, <20 salariés

54
« Les employeurs sont frustrés par le rapport prestation/prix de la cotisation. Si on avait un bon résultat
de prévention… ce serait justifiable. Mais on ne sait pas trop quantifier l’efficacité, l’impact sur la santé,
les arrêts de travail, le bien-être. Ce devrait être fait par des statisticiens ou des économistes. […] Les
cotisations actuelles sont suffisantes si on fait le travail. Mais pas pour ne rien faire. C’est trop cher alors.
Même si c’est peu par rapport au salaire d’un salarié… mais on ne sait pas pour quel l’impact. » (MT 6)
« Les entreprises payent déjà cher. Environ 90 à 110€/salarié/an. C’est beaucoup par rapport au service
rendu avec peu ou pas de visite et peu ou pas d’actions. Mais ce n’est pas trop pour d’autres entreprises
si elles bénéficient de beaucoup d’interventions et beaucoup de visites. » (IDEST 3)

Compétences et pratiques du personnel des SPST


« Pour améliorer les pratiques en santé au travail, il faudrait que le travail dans les SSTI soit beaucoup
plus en équipe, tous corps de métier ensemble, en suscitant les propositions et en les suivant… contre
l’uniformité de la manière de travailler. » (IDEST 3)
Savoir interroger, écouter, conseiller, accompagner, faciliter l’adhésion

« Il y a un besoin de compétences bio-psycho-sociales en approche communautaire, pour que les gens


s’approprient des actes qui permettraient de renforcer leur santé, sans s’inscrire dans une dialectique
marxiste de lutte des classes mais plutôt en positionnant les SSTI comme un tiers qui aide chacune des
parties à chacun de leurs niveaux » (DG 2)
« Les médecins du travail ne sont pas formés à se faire comprendre, à parler, à convaincre, à conseiller. »
(DG 3)
« Dans notre activité, on peut être amené à avoir des fonctions de coach ou de médiateur. Je n’ai pas été
formée. Ces formations ne sont pas très répandues. Il faut séparer les deux fonctions : médiation et
médecin du travail. Je me suis formée seule… par l’expérience. Mais je ne suis pas formée au conseil.
Globalement, j’ai été formée à Rennes, pendant l’internat, par compagnonnage. […] L’entretien
motivationnel ? J’en ai entendu parler mais je n’ai pas pratiqué. Il est important de garder une neutralité
et de la distance. » (MT 6)
« On ne sait pas se faire comprendre. […] J’ai été formée à la communication en IFSI et en formation pour
les soins palliatifs, à la communication non violente et à la reconnaissance des types personnalité, par
exemple avec le système DISC pour savoir comment on s’adapte avec sa propre personnalité aux autres
personnalités dans le cadre des soins. […] Avec Afometra, je n’ai pas eu de formation à la communication
vis-à-vis des employeurs. Je ne me souviens pas non plus d’avoir eu une formation Afometra sur la
conduite des entretiens et sur la manière d’établir la relation ni l’alliance. La formation était surtout sur
le droit, le social, l’évaluation des risques et l’étude de poste. » (IDEST 4)
« J’ai été formée en entretien motivationnel en interne dans l’association APLEAT à Orléans par une
psychologue formatrice, puis chez Aides . […] Je suis la seule IDEST de mon groupe Afometra à avoir été
formée à l’entretien motivationnel. [sur 12 IDEST] » (IDEST 5)
« Je n’ai eu aucune formation pour savoir entrainer l’adhésion, y compris chez Afometra. » (IDEST 6)
Savoir mener des actions de prévention efficaces

« Les médecins du travail ont peu ou pas de compétence en prévention primaire, des connaissances
insuffisantes de son organisation, de sa démarche, des manières de modifier les comportements. La
norme 45001 sur la prévention et la sécurité leur est inconnue. Il y a une méconnaissance de
l’organisation du travail, des entreprises, … Il y a un déficit de formation continue. Tout cela est plutôt
de la compétence des préventeurs. » (DG 3)
« Nous sommes censés être experts mais nous ne sommes pas si bien formés que cela : super mal en
prévention, primaire surtout, faute de formation correcte. On a appris à soigner et diagnostiquer à la
Faculté de médecine, sans apprentissage de la prévention. En sortie de formation de médecine du travail
je me suis sentie incompétente en étude de poste, F.E.55, aide à l’élaboration des DUERP car les cours

55
FE : Fiche d’entreprise

55
étaient hyper-théoriques, juste sur l’évaluation des risques : fréquence et gravité, suivi des actions. […]
En pratique, on dit ‘Vous, vos risques, c’est ça, et pour les prévenir il faut faire ça’. Selon la formation que
j’ai reçue, il faut dresser une liste de risques, les faire comprendre et expliquer ce qu’il faut faire pour
l’éviter. Il faut expliquer pour faire appliquer les mesures. Si ce n’est pas fait, on re-explique. Est-ce bien
compris par les employeurs et les salariés ? En fait, je ne sais pas si cela suffit pour que les mesures soient
appliquées… […] En prévention primaire, les employeurs sont obtus, fermés. Ils n’écoutent pas ce qu’on
leur dit, ils ne mettent pas en œuvre car on n’a pas en France un esprit de prévention. » (MT 4).
« Je suis médecin du travail : du travail d’abord, médecin après, pour la prévention, pour la santé et la
sécurité. Je parle d’abord du travail. Je décline ensuite les risques et moyens de protection. » (MT 6)
Des pratiques apprises ‘sur le tas’, hétérogènes, sans garantie d’efficacité

« Je ne sais pas comment améliorer mes pratiques en santé au travail si ce n’est pas par la formation
continue, dans des séminaires. […] Pour améliorer, je pense devoir mieux cibler l’interrogatoire sur le
travail, par expérience, pas par la formation. » (MT 4)
« Les formations des IDEST sont hétérogènes, sur le tas, même via Afometra. » (IDEST 1)
« J’essaie de sortir du cadre de la relation formelle imposée par celui du SPSTI…Je me dis ‘On est pas là
pour vous prescrire des choses que vous savez déjà… ‘ mais on est pas formé à ‘écouter avant de parler’.
J’y suis venue par la vie et l’expérience : 4 ans en psychiatrie et en thérapie familiale, 30 ans de
consultations individuelles... » (IDEST 2)
« Ce n’est pas une formation qui va apprendre le métier, c’est seulement sur le terrain. La formation
Afometra est insuffisante. » (IDEST 3)

Positionnements et postures du personnel des SPST


« Les médecins du travail ont un cursus avec pas assez de formation et de préparation en déontologie et
en éthique pour la pratique communautaire, dans un milieu du travail marqué par l’idéologie et la
politique. Ils ne sont pas assez formés pour les aider à garder une neutralité, une indépendance médicale,
qui devrait être marquée par le devoir vis-à-vis des employeurs et des salariés, plus que vis-à-vis du droit.
[…] …ils sont encore trop cliniques, pas assez éducateurs. » (DG 2)
« Les médecins du travail sont sous la pression des demandes des salariés et des employeurs avec un
risque d’instrumentalisation, par exemple au sujet des inaptitudes. Cela entraine une stratégie défensive
pour tenir et garder le sens de leur action. Qu’est ce qui est bon pour la santé du travailleur ? A chacun
de trouver sa voie et le sens de son action pour se positionner » (MT 2)
« Les médecins du travail voient leur métier comme visant à aider ceux qui sont en difficulté par la
prévention au niveau individuel plutôt que par des actions collectives. » (DG 1).
« Les médecins du travail sont passifs par rapport aux contraintes imposées par les organisations
patronales. » (DG 2)
Employeurs et employés, cibles d’intervention ou partenaires ? Posture verticale ou horizontale ?

« Il faut d’abord connaitre les risques, écouter, regarder puis déduire les risques et enfin conseiller ce qui
doit être fait. » (MT 6)
« Vis-à-vis des salariés on a parfois une révélation de notre crédibilité en fin d’entretien par exemple sur
l’alimentation, le sommeil, l’organisation du travail, la santé-travail … mais on n’est pas bons sur le long
terme : il faut leur répéter comme à des enfants. [...] Il y a plus de bienveillance des infirmières que des
médecins jugés comme prétentieux, pas assez à l’écoute » (IDEST 4)
« On a besoin d’être plus à l’écoute, d’être humble. Il ne faut pas chercher absolument à imposer notre
vision des choses. » (IDEST 5)
« Les préconisations sont mises en œuvre s’il existe une demande de l’employeur. Si ça vient du médecin,
il ne se passe rien. En fait, Il existe des besoins implicites, vus par les médecins, faisant l’objet de
préconisations qui restent sans effet, et des besoins explicites, exprimés par l’entreprise, qui poussent à
la co-construction avec l’entreprise. Pour qu’il y ait un effet, il est nécessaire de convaincre et pour cela
il faut entendre les préoccupations des entreprises. Il faut écouter davantage. […] Dans la grande

56
majorité ils [médecins du travail] ne sont pas dans une vision collaborative avec l’équipe pluri ou avec les
entreprises. […] Ils ont un problème de positionnement : pro-salariés ou pro-entreprise ; ils devraient être
‘pour le travail’, pour les salariés et l’employeur. […] Ils peuvent être en co-construction entre membres
de l’équipe pluri, mais peu ou pas avec les employeurs ou les salariés. » (IPRP 1)
« Il y a une grande diversité d’employeurs. Je les vois comme des partenaires pour réussir à faire quelque
chose dans l’entreprise. C’est une prise de conscience récente dans mon SSTI. Mais les employeurs n’ont
pas toujours le temps ou les compétences. Pour les SSTI, le problème c’est l’employeur qui ne fait pas »
(IPRP 2)
« Les employeurs sont les commanditaires directs ou indirects, ceux qui payent… Ils ont des enjeux
juridiques si la prévention n’est pas faite, ils donnent les moyens et prennent les décisions d’actions. Ils
devraient être des partenaires dans une logique de projet. » (IPRP 4, cabinet de consultance)
« Les relations avec les organisations patronales se sont améliorées. Il y a pas mal de choses à faire
ensemble. » (MT 6)
Posture rassembleuse des composantes des entreprises

« Employeurs et salariés sont des alliés. Ce n’est pas employeurs contre salariés avec les SSTI arbitre
entre les deux. Je vois un travail d’équipe à trois… » (IDEST 3)
Postures de fournisseurs vis-à-vis de clients

« L’employeur est ‘celui qui me nourrit’. » (IPRP 1)


« Il faut bien s’occuper de leurs employés pour que les clients soient contents » (DG 4)
« C’est l’engagement du patron qui fait que la santé sera prise en compte. C’est la cible principale à
convaincre par le SSTI. Ils sont clients, payeurs et décideurs » (DG 3)
« Les SSTI sont censés être neutres. Mais je revendique une relation client-fournisseur avec les adhérents
des SSTI car les adhérents payent. Mais ils ne voient souvent que la réponse à la demande en fonction de
ce qu’ils payent. Ils ne voient pas leur responsabilité dans les choix, la mise en œuvre… » (IPRP 2)
Posture vis à vis des employés

« Le salarié est un individu servant un collectif. Il est le point d’entrée principal pour savoir ce qui se passe
réellement dans l’entreprise mais attention à la manipulation ! Son état de santé est lié à l’efficacité de
la prévention. Il donne des indications sur les conditions de travail. Le facteur humain est important. Les
salariés doivent s’approprier les messages, les mettre en œuvre, ils doivent être éduqués… » (IPRP 1)
« Les salariés voient peu le lien entre travail et son impact sur la santé. Dans la relation entre travail et
atteinte de la santé, on voit d’abord la fragilité de l’individu, avant le pouvoir pathogène. Dans un
contexte donné, il y a opposition d’attitude entre se défendre, c’est-à-dire agir, ne pas rester passif, et
endurer, c’est-à-dire accepter passivement. » (IPRP 3)
« Beaucoup de salariés n’ont pas envie de venir en visite médicale. Il y a beaucoup d’annulation. Ça passe
après d’autres priorités. Ça les embête ! Ils ne voient pas l’intérêt. Ils ont peu ou pas d’attente. C’est peut-
être lié à la manière dont les visites sont vécues. Ils confondent les médecins traitant et médecin du
travail, ils ignorent notre mission. Ils ne prennent pas les brochures, ils ne regardent pas les affiches. Ils
ne font que regarder leurs téléphones portables. Pour les accrocher, il faut leur parler… Il faut d’abord
créer le lien et s’intéresser à leurs problèmes. Nous, les secrétaires médicales, on reçoit leurs
confidences. » (ASST 2)
Posture vis à vis des élus

« Les relations humaines et professionnelles avec les syndicats et les délégués sont dures. Ils essayent de
m’instrumentaliser. » (MT 1)
« J’ai moi-même été élu délégué du personnel, à la CFDT. [Au sujet des élus] Ce sont des Guignols,
incapables de faire des propositions concrètes. Ils n’ont pas de sens des priorités, ni d’engagement pour
le bien de l’entreprise. Ils sont plus motivés par leur intérêt personnel, par exemple pour participer aux
voyages du CE. » (IDEST 6)

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Posture vis-à-vis des autres acteurs privés de la santé au travail

« Les mutuelles et les prévoyances sont sur des enjeux économiques, pas de santé. […] Les ‘2%
prévention’ ne sont jamais utilisés, ils n’y a pas de passage à l’action alors que des grosses sommes
pourraient être utilisées pour l’ergonomie, des essais,… » (DG 1)
« Les services des assurances et des mutuelles pourraient être utilisés si c’était maitrisé par le médecin
du travail mais sans que les médecins du travail ne leur servent de caution. » (DG 2)
« Les collaborations [des SPST] avec des cabinets de conseil sont limitées. Ils apportent [aux entreprises]
des solutions en urgence, pas sur le long terme, un audit-diagnostic et plus ou moins des préconisations
et de l’accompagnement. Pour du marketing d’image. » (DG 1)
« Ce serait bien d’avoir des partenariats pour le conseil, le diagnostic ou la formation ; Ils sont plus
crédibles, notamment en termes de conseil aux entreprises. » (DG 3)
« Les sociétés de conseil sont aussi des partenaires : il y a trop de travail à faire… » (DG 4)
« Il y a de la place pour tous si c’est positif ! mais certains médecins du travail considèrent que c’est du
commerce ». (MT 3)
« Les mutuelles et assurances me gênent un peu, par rapport à l’argent qu’ils ont,… à part faire du blabla,
des formations et de l’information… D’après moi, elles ont peu d’impact car les gens n’ont pas confiance,
ils n’écoutent pas… ils ne retiennent pas. Pareil pour les cabinets de conseil : ils sont très chers. » (MT 6)
« Je pense que ce sont les assurances et mutuelles qui font la prévention primaire. Cela est inquiétant
pour les SSTI et les salariés car c’est à but lucratif. Il y a l’exemple de cabines de téléconsultation avec
transmission de données à l'assureur. Il y a un risque pour le secret médical, un doute sur la neutralité et
sur les enjeux financiers, un risque de ne pas être en accord avec l'intérêt des salariés. Mais l’intérêt de
l'employeur c’est d’avoir un salarié toujours en bonne santé, jamais absent. […] De gauche pour les
salariés ou de droite pour les employeurs. Ils [cabinets de consultance] interviennent en situation de crise
et pour du coaching, de l’analyse de fonctionnement et du conseil stratégique ou de licenciement. » (MT
5)
« Les Coachs, les consultants… je ne les vois pas comme concurrents. Ils sont pour la QVT, pas la santé
au travail. » (IDEST 2)
« Je ne sais pas trop. Je suis très réservée. Les assurances et mutuelles, aussi les cabinets de consultants
ont une place très limitée, elles ont une action trop générale, ne prenant pas en compte les spécificités
des entreprises. Elles ont besoin de sur-mesure pour chaque situation. Les consultants font le travail des
SSTI et sont payés par les entreprises qui ne voient les SSTI que pour les visites. Mais les consultants
n’ont pas les connaissances médicale, ergonomiques… ». (IDEST 3)
« Les mutuelles, assurances et cabinets de consultance sont des concurrents. Ils sont meilleurs en
communication, bien organisés, et ils recrutent, par exemple Malakoff-Mederick. Mais ce n’est pas
toujours de bonne qualité. Les cabinets privés ont des ressources intéressantes en ergonomie pour
répondre aux demandes. On peut et il faudrait travailler avec eux en bonne intelligence. La MSA ferait
ce type d’activité, une activité de cabinet pour le diagnostic de situation. Mais il y a trop de parti pris
[négatif] de médecins. Ils sont mal vus à cause de la ‘relation client-fournisseur’ » (IPRP 2)
« [Les assurances, mutuelles ou cabinets de consultance] sont des partenaires qui font du bon travail et
peuvent passer plus de temps que nous [psychologues du travail] dans les entreprises. Elles sont un
danger pour nous à cause de l’externalisation des recours vers leurs activités et services en dehors des
SSTI, par les entreprises ou des SSTI ne disposant de notre expertise. » (IPRP 3)

Des SPSTI difficiles à diriger, un personnel difficile à manager

Une gouvernance décrite comme verrouillée par les organisations patronales, écartant les
employeurs adhérents et l’expression de leurs besoins.

« En termes de gouvernance, les CA constitués des administrateurs employeurs et salariés ne


fonctionnent pas vraiment. Il y a peu ou pas d’échange, pas de proposition, pas d’interaction sur les

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besoins réels des adhérents, pas de question. Aux AG [assemblées générales], il n’y a jamais personne,
3-4 adhérents seulement. Il n’y a pas d’effort pour faire venir et participer les adhérents. L’assemblée est
juste formelle. » (IPRP 2)
Des directions de SPSTI soumises aux contraintes réglementaires et aux compétences managériales
et en santé au travail interrogées

« Les médecins du travail ne comprennent pas qu’ils sont salariés. Ils sont difficiles à mobiliser. Ils sont
indépendants techniquement et du coup ils se considèrent comme des libéraux. […] Pour servir de
référence à la médecine du travail, il y a une guerre entre Ministère du Travail et Ministère de la Santé
ou Haute autorité de santé » (DG 4)
« La direction, la mienne, a plutôt une intelligence managériale et une bonne perception du terrain, mais
ses objectifs ne sont pas forcément les nôtres. Les niveaux intermédiaires sont moins pragmatiques. Il
s’agit de faire tourner plutôt que de réformer… au risque de se confronter à la réalité sans savoir utiliser
les bons leviers. […] Dans mon SPST, le CA et les employeurs sont modelés par le DG où il a de l’influence.
Le président du CA a un poids mais sans difficulté dans la relation entre le CA et le DG.» (IDEST 2)
« Au sujet des DG de SSTI, c’est compliqué. Ils sont déconnectés de la réalité du terrain. Entre le marteau
et l’enclume, entre les demandes de la DIRRECTE, du Ministère du Travail, des ARS, des organisations
patronales… mais pas trop sous la pression des adhérents. Ils sont déconnectés de la réalité des
entreprises. […] Les responsables de secteurs sont prises entre la direction du SSTI et le terrain, obligées
et pas à l’aise. Au sujet de leurs compétences j’ai eu une super expérience avec une, en soutien. Mais ce
n’est pas toujours le cas. » (IDEST 3)
« L’organisation interne des SSTI est pourrie avec des jugements abrupts de la direction, sans
compétence sur le fond, avec des DG ne connaissant pas ce qui se passe à la base, n’écoutant pas la
base… Dans mon SSTI, il n’y a pas de manager. Le référent des médecins du travail est une mauvaise
manager. Il n’y a pas de circulation de l’information vers et depuis la direction générale. […] je ne peux
pas agir sur mon N+1… il n’est pas une ressource pour moi. Il y a beaucoup de départs et d’épuisement,
de souffrance au travail [au sein de son SPSTI]. » (IDEST 4)
« La direction des SSTI est une machine grippée à la base, y compris par les instances représentatives, les
CMT… […] Les dirigeants de mon SSTI manquent de professionnalisme. C’est le règne du copinage. La
gestion est dans l’émotionnel. Il y a un manque de reconnaissance, de l’iniquité… J’ai une mission sur la
QVT au sein de mon SSTI mais je manque de soutien de ma direction. Je n’ai pas de lettre de mission. Il
n’y a pas de clarté dans la définition de mon rôle. En CSE, la direction n’affronte pas les élus et se défausse
sur le personnel. » (IDEST 6)
« L’organisation des SSTI est variable mais peu touchée par les sciences et les nouvelles technologies. Les
SSTI ne sont jamais très innovants, toujours poussés par les clients, les entreprises, notamment les
employeurs, les salariés et les représentants du personnel. […] Les DG et présidents de SSTI se
ressemblent tous ou presque. Ils sont très homogènes, accrochés à leur position, vieillots, pas dans le
mouvement ou le dynamisme. Il existe cependant quelques individualités qui agissent autrement. » (IPRP
1)
« Il existe des disparités d’offres de service entre SSTI et entre équipes médicales. Les directions des SSTI
ne sont focalisées que sur le réglementaire, jamais sur la stratégie d’amélioration du service. Elles
subissent la réglementation alors qu’elles auraient assez de ressources [argent] pour faire les choses
correctement. […] Ce qui est fait manque d’engagement, d’innovation… par peur de sortir de l’ordinaire
on se raccroche au suivi individuel. » (IPRP 2)
Des atouts reconnus de la pluridisciplinarité

« Les directeurs de SSTI cherchent à faire faire des activités spécialisées d’information ou de prévention
à d’autres que les médecins du travail qui sont surchargés, à faire déléguer des tâches à des ergonomes,
des assistantes médicales,… avec des kits d’information adaptés aux secteurs d’activité qui pourraient
être diffusés.» (DG 3)
« L’équipe pluri peut détecter les problèmes en entreprise en amont de la pathologie. » (DG 1)

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« Quand tout fonctionne bien, une équipe pluri pourrait être une aide efficace pour les employés et
employeurs et changer l’image de la santé au travail » (IDEST 5)
« Grâce à l’équipe pluri, c’est plus riche qu’avant. Il y a plus d’échange avec les employeurs. C’est un
facteur d’efficacité pour trouver une bonne solution aux problèmes.» (ASST 1)
Une articulation entre médecins du travail et équipe pluridisciplinaire améliorable

« Les préventeurs aspirent à s’autonomiser mais se sentent trop bridés, pas assez considérés par les
médecins du travail. » (DG 1)
« Les médecins du travail sont très particuliers. Parfois limite agressif et odieux. Ils ont des connaissances
techniques impressionnantes mais des compétences relationnelles médiocres, peureux vis-à-vis des
employeurs, frileux, ne travaillant pas en équipe, ne voulant pas d’infirmière à 90%… Parfois très
communicants, supers, sans peur, pour 10%. Très divers en fait. […] Il y a des blocages par lenteurs et
lourdeurs de l’administration, l’obtention des autorisations du SSTI, des blocages par les médecins du
travail […]. Les médecins du travail préfèrent travailler seuls, ils ne savent pas travailler en équipe. Ils ont
peur de perdre quelque chose ou des informations si les choses ne sont pas faites par eux-mêmes. Il y a
aussi des blocages par manque d’intérêt pour les employeurs. » (IDEST 3)
« Le médecin du travail devrait être un dispatcheur entre les membres de l’équipe pluri et coordinateur.
Mais ils ne sont pas formés au management, pas capables d’évoluer. Cela crée des incohérences de
rôles… Ils ne reconnaissent pas l’expertise des IDEST pour faire des FE ou des fiches de poste. Pour eux,
c’est l’expertise des AST… A l’hôpital on a le staff de toute l’équipe tous les matins pour échanger les
informations. Si tout passe par un médecin qui n’est pas dans le partage, on ne voit plus rien. Il y a trop
de conflit dans les réunions pluridisciplinaires du fait des personnalités des médecins. Il y a un manque
de communication en réunions. On peut faire beaucoup de choses sans médecin mais ils y sont réticents
par rapport à ce qu’ils pensent être une mise en cause de leur responsabilité. Pourtant les infirmières
sont responsables de leurs actes. Les IDEST ne sont pas sous la responsabilité des médecins du travail. Ils
ne leur laissent pas assez de liberté de manœuvre. […] Je me sentais toute seule, avec des réticences
folles de médecins du travail qui revérifient les dossiers en entier. Ils manquent de confiance et les IDEST
sont sous-employées. Le médecin du travail référent de mon SSTI limitait l’autonomie des IDEST et
dénigrait leur action. C’était une source de souffrances au travail des IDEST, en burnout ou boreout, ou
contact de médecins du travail toxiques. Nous ne sommes pas considérées. Je suis très frustrée par le
SSTI alors qu’il y a tellement de choses à faire mais avec tellement de frileux… Quand on a 85 ans, on n’a
pas envie de changer ses habitudes, c’est difficile de passer du binome médecin du travail-secrétaire à
un trinome… ou à un polynome. Il y a trop de loupés. Les plus motivés se lassent et partent. J’ai finalement
pris des initiatives… sans demander aux médecins qui sont débordés et peu accessibles. » (IDEST 4)
« Avec les médecins, ça ne se passe pas très bien. Mon médecin du travail est un ancien, il a 66 ans. Il ne
parle pas beaucoup, pas de synthèse, il ne m’amène jamais en entreprise, je ne sais pas ce qu’est un CSE.
La communication est très difficile, il est le plus souvent fuyant. Il travaillait depuis 2014 avec une IDEST
qui a démissionné il y a une semaine. Jusque-là, je n’avais jamais eu de problème avec les médecins. En
revanche, j’ai des relations avec une médecin du travail de 73 ans qui me parle… Il y a une grande
diversité des médecins du travail. Chez Afometra, les médecins du travail ont une autre conception des
relations avec les IDEST. Sur 12 IDEST en formation, toutes ont le même ressenti de difficultés
relationnelles, de peur de faire une erreur. J’ai pris une assurance professionnelle pour la première fois
de ma carrière, pour les problèmes juridiques car je pense que mon médecin me chargera à mort en cas
de problème. Mon médecin du travail est très trouillard et rejette la faute sur les autres. Pour mon
médecin du travail, inutile de parler de prévention ou de réinsertion. Il préfère faire arrêter les salariés
pour éviter tout risque et se couvrir… au risque de désinsérer professionnellement le salarié […] Je trouve
intéressant de travailler avec les IPRP mais pour faire une FE je dois demander au médecin l’autorisation.
La réponse dépend des jours. Pour un chantier naval, par exemple, le médecin du travail ne m’a autorisé
que la récolte des FDS… difficile pour moi de dépouiller sans savoir ce qui est le plus utilisé... […] Il y a un
intérêt de travailler en équipe pluri… mais ce n’est pas possible en pratique. », (IDEST 5)
« Nous sommes restés sur l’ancien modèle avec un management vertical par les médecins du travail à
l’ancienne avec leur secrétaire. Dans des groupes de travail de mon SSTI sur les addictions ou les RPS, le
médecin du travail la plus ancienne contestait le rôle des IPRP dans les entreprises, utilisant des
arguments d’autorité. Elle a fini par se ridiculiser…. Mais cela entraine une souffrance au travail des IPRP.

60
Il n’y a pas de place pour une synergie au sein de l’équipe pluridisciplinaire, pas assez ou pas d’échange,
pas de motivation […] Les médecins du travail ancienne formule représentent à peu près 50% ou plus des
médecins du travail dans mon SSTI. Il existe des médecins du travail jeunes qui sont déjà ancienne
formule avec une haute opinion d’eux-mêmes et une crainte de voir croitre les prérogatives des IDEST,
qu’ils prennent leur place, qu’on leur enlève de l’autorité, de perdre le contrôle… » (IDEST 6)
« L’équipe pluridisciplinaire comprend des ergonomes, des ATST-AST, des psychologues du travail, des
assistantes sociales, des toxico-chimistes… chacun ayant son rôle. Mais il existe des rôles partagés.
L’équipe intervient à la demande du médecin, pas toute seule si c’est à la demande de l’IDEST. Le médecin
du travail doit donner l’ordre de faire et obtient un compte rendu de l’action ; Fin de l’histoire quand
l’action est faite. […] Les IDEST ne font pas de médical, pas d’examen clinique, mais il existe une
complémentarité médecin-IDEST. Légalement, le médecin peut tout faire, toutes les visites et les
préconisations, pas les IDEST. Une IDEST peut faire des recommandations à l’employeur, mais cela
dépend du médecin, certains ont peur d’engager ainsi leur responsabilité juridique. » (MT 4)
« Il n’est pas facile de manager les SSTI, notamment les médecins du travail. Les autres membres des
SSTI sont plus dociles car ils ne sont pas protégés. Ce devrait être abrogé [Les médecins du travail ne
devraient plus être protégés]. […] Les métiers et compétences techniques de l’équipe pluri ne sont pas
toujours reconnus par les médecins du travail. Nous [IPRP] sommes sous-employés. Les relations avec les
médecins du travail sont variables : différence de génération, de vision-représentation de la médecine
du travail et de la santé au travail, de méthodes. Selon les médecins, c’est allé de bonnes collaborations
à une absence totale de collaboration, trop souvent avec un manque de liberté d’action. […] Dans la
grande majorité ils [médecins du travail] ne sont pas dans une vision collaborative avec l’équipe pluri ou
avec les entreprises. » (IPRP 1)
« Il ne faut pas leur jeter la pierre [aux médecins]. Leur métier a été très chamboulé par les réformes. Ils
sont passés d’une activité en binôme avec une secrétaire médicale au travail en équipe pluri. Ils subissent
beaucoup. » (IPRP 2)
« Il y a le défaut de centralisation autour du médecin du travail qui a du mal à jouer son rôle. Il a une
figure d’autorité car il est médecin et a un rôle légal mais elle n’est pas toujours utilisée pour intervenir
en entreprise. Il n’est pas assez sur le terrain, il est surtout dans les visites et les constats inaptitudes. Il
n’arrive pas à coordonner. C’est trop compliqué pour lui car il a une vision médicale, pas d’approche
collective, il est trop individu-centré. Il y a peu ou pas d’harmonisation entre médecins. Ils ont une posture
plus défensive que constructive, une posture métier solitaire. Ils se débrouillent seuls car ils sont seuls
responsables, sans savoir ou vouloir déléguer. Ils n’ont pas de formation pour travailler en équipe ce qui
est différent de travailler à plusieurs. Cela nécessite de discuter des objectifs en commun. Ils sont dans
une démarche de prescription d’actions, comme des examens complémentaires. Ils méconnaissent
apparemment les métiers et les actions des autres acteurs de la santé au travail. Ils sont éloignés de la
démarche et du rôle des psychologues qui eux sont dans l’aide à la réflexion avec l’ensemble des acteurs
et sur le positionnement des acteurs. Il s’agit pour les psychologues d’aider les acteurs à se poser les
bonnes questions et à cheminer, alors que le médecin donne des réponses : il fait un diagnostic et prescrit
le ‘traitement’. » (IPRP 3)
« Je suis avec un nouveau médecin. Ça se passe bien. Je m’entendais très bien avec la précédente. J’ai eu
parfois des difficultés avec des médecins lunatiques, absents, annulant les rendez-vous au dernier
moment, ou trop exigeants. J’ai alors changé de centre ou j’en ai parlé à la direction. Certains médecins
du travail ne veulent pas que leur secrétaire les aide : elles ne peuvent pas faire grand-chose. Parfois
c’est compliqué, une horreur relationnelle. » (ASST 1)
« J’ai travaillé avec un médecin charmant mais les autres étaient très compliqués, des médecins du
travail ‘ancienne école’, leur porter le café, faire leurs photocopies, etc. Quelques secrétaires sont
demandeuses de dépasser ce rôle, mais n’ont pas de réponse du médecin le plus souvent. Il existe aussi
des secrétaires qui sont vite dépassées. A la proposition de faire plus, la plupart a répondu qu’elles
auraient bien aimé mais qu’elles n’avaient pas assez de temps…. Alors que c’est une question
d’organisation pendant un temps d’AMT [Action sur le milieu de travail]. » (ASST 2)
Des équipes pluridisciplinaires encore trop cloisonnées

« Je ne sais pas ce qu’ils font [les autres IPRP], je ne les ai pas vu faire. Je ne sais pas comment ils sont
appréciés en termes d’utilité ou de crédibilité. […] Les acteurs IPRP son segmentés avec peu d’échanges

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entre catégories d’IPRP si ce n’est en réunion. La fonction des IPRP est dominée par la vision du métier
par les ergonomes. » (IPRP 3)
« Le travail en équipe pluri est encore trop cloisonné : par risque, les TMS, la toxico, etc. alors que tout
se tient et est interdépendant, et par métiers entre médecins d’un côté et ergonomes et autres métiers
de l’autre. […] Il est important de conserver le sens dans le travail de l’équipe pluri, sa cohésion. Il manque
parfois d’esprit d’équipe dans certaines équipes pluri. […] Au sein de l’équipe pluri, il y a trop de
juxtaposition de compétences sans travailler ensemble. Les représentations des compétences des uns et
des autres sont erronées. En fait, il n’y a pas de synergie d’équipe même si le médecin est prescripteur.
Pour améliorer cela, il faudrait faire des staffs d’équipe pluri pour éviter d’être trop dans le coup par
coup, mieux planifier et mieux s’adapter aux adhérents. Il y a aussi un besoin de priorisation pour ne pas
subir. » (IPRP 2)
« Je collabore un peu avec les autres. Mais il n’y a pas assez de collaboration des IDEST avec le reste de
l’équipe pluri. Il y a peu de contact avec les autres acteurs. Avec les IPRP on doit toujours montrer patte
blanche aux médecins du travail qui voulaient traiter le sujet avant. Du coup, il n’y a pas de travail en
collaboration. Parfois on croise les psychologues ou les ASTs… mais ce n’est pas vraiment une
collaboration. Par exemple, je ne sais pas ce qu’est un compte-rendu d’ergonome ou de psychologue du
travail. » (IDEST 4)
« Tout dépend du centre dans lequel on travaille. Si l’équipe est pluridisciplinaire avec des assistantes
sociales, des IDEST, IPRP...° c’est très utile. J’ai vécu cela dans les nouveaux locaux. Dans les anciens
locaux, ce n’était pas disponible. J’avais seulement la relation médecin-secrétaire médicale. » (ASST 2)
Intégration des infirmiers en santé au travail à parfaire

« Il y a de moins en moins de médecins. Ça annonce des périodes difficiles. Il devrait y avoir de la place
pour les infirmiers en pratique avancée qui sont utiles en santé communautaire et qui vont faire avancer
la prise en charge globale en plus des préventeurs à moyen terme. » (IDEST 2)
« Dans un monde idéal, l’IDEST devrait avoir une plus grande part du rôle du médecin du travail actuel
et le médecin du travail ne devrait s’intéresser qu’aux cas les plus complexes. […] On a commencé à
externaliser des infirmières en entreprise. Elles s’y retrouvent un peu seules, et la direction du SSTI s’en
dédouane et les oublie… » (IDEST 4)
« Je suis favorable à ce que les IDEST contribuent aux visites de pré-reprise et à certaines visites de reprise
du travail. » (IDEST 6)
« Les IDEST c’est un peu idem que les médecins du travail. […] Il faudrait améliorer leur formation, une
spécialité à organiser à part, comme les médecins du travail. Par exemple pour en faire des Infirmiers de
pratique avancée. On survole les sujets : c’est ok pour comprendre globalement, mais on n’a pas de bases
théoriques des pratiques. On n’a pas assez de compagnonnage ni de formation pratique pour mener des
entretiens de prévention efficace, pour faire les interventions, pour entrainer l’adhésion… » (IDEST 3)
« Les IDEST sont mal ou pas assez utilisés. Les grands groupes et les employeurs restent sur les anciens
modèles [en référence aux IDEST en service autonome ou cabinets d’entreprise]. » (IPRP 4)
« Le passage du binôme Médecin du travail-secrétaire à un binôme IDEST-secrétaire est difficile. Si de la
liberté est conférée à l’IDEST, ça va. Avec les infirmières, j’ai de très bonnes relations. Elles ne sont pas
assez valorisées, pas assez autonomes, trop cadrées, trop contrôlées par les médecins du travail. Tout
dépend du couple Médecin du travail-IDEST… Il faudrait plus de liberté aux infirmières : elles devraient
sous protocole aider d’avantage ce que font les médecins du travail. » (ASST 1)
« J’ai eu l’expérience d’une IDEST très à l’écoute, plus que les médecins du travail. Les salariés sont plus
à l’aise avec les IDEST qu’avec les médecins du travail. » (ASST 2).
Emploi des secrétaires médicales -assistantes de service de santé au travail à améliorer

« Notre appellation n’est plus secrétaire médicale en santé au travail. Le terme maintenant serait
‘Assistante médicale en santé au travail’56, plutôt que secrétaire médicale. Les secrétaires sont les

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en fait, ‘Assistante de service de santé au travail’.

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secrétaires convocatrices, à plein temps, au maximum, elles font de l’abattage. Les assistantes médicales
en santé au travail sont soumises à une pression sur le temps de contact avec les salariés. On a plus le
temps de créer du lien, de contribuer à l’accueil, à la prévention… Je déconseillerais à une quelconque
secrétaire de venir en santé au travail. […] Il faudrait aller à la chasse des salariés et des employeurs.
C’est un rôle possible pour nous, sur place ou par téléphone, solliciter l’expression des besoins, les
orienter et élaborer la transmission des réponses. Il faudrait être plus vivant, plus avenant, plus
accueillant. Notre rôle est important en cas de plaintes : nous sommes en première ligne… nous aidons
à les régler. […] Nous sommes les premiers interlocuteurs des employeurs. […] Ça dépend de la direction
générale du SSTI. Je suis très déçue par les SSTI. J’avais choisi de rentrer dans un SSTI pour avoir plus de
relations avec les salariés, mais j’ai été déçue car j’ai été surtout employée comme convocatrice. […] Les
secrétaires devraient être plus valorisées et devraient avoir plus de perspectives. Je m’ennuyais à
convoquer. […] Formée à parler aux employés ou employeurs ? Non pas du tout. Seulement formée sur
comment rédiger un mail, utiliser le logiciel métier, et gérer une situation tendue par téléphone… » (ASST
2)
« La direction impose un nombre de visites à faire par les médecins qui refusent. Nous sommes entre le
marteau et l’enclume. Ce n’est pas correct vis-à-vis de nous [secrétaires, ASST] car nous ne sommes pas
augmentées et nous ne touchons pas de prime. Il s’agit pour la direction de faire une pression indirecte
sur les médecins du travail au travers des secrétaires et assistantes. Il y a aussi une pression sur les IDEST.
[…] Les relations avec les salariés et les employeurs sont très bonnes, il y a une bonne ambiance : c’est
important pour se sentir valorisée. C’est aussi mieux pour la qualité du travail. J’ai reçu une formation
particulière pour les entretiens téléphoniques et la rédaction dans mon actuel SSTI, pas dans le SSTI
précédent qui était plus petit. […] Le travail des secrétaires va changer. La convocation sera décidée en
ligne par les employeurs, le logiciel va changer [migration vers l’application PADOA]. […] Les secrétaires
devraient être davantage une assistante des médecins, des IDEST et de l’ensemble de l’équipe pluri.
J’aimerais être plus intégrée dans l’équipe et les binômes médecin-IDEST. C’est l’attente de beaucoup de
secrétaires, mais ça dépend de leur âge, comme de l’âge des médecins du travail. » (ASST 1)
« On devrait s’appuyer sur les secrétaires pour évaluer et pour la logistique de l’évaluation [le suivi des
préconisations]. » (IPRP 2)
« Les secrétaires, c’est compliqué. Elles ont beaucoup de pression institutionnelle et extérieures. » (IDEST
2)
« Le recrutement sans formation préalable ou sans accompagnement de qualité des secrétaires
complique davantage l’articulation, les rapports médecins/IDEST, génère des conflits internes et nuis à
la prise en charge des salariés. L’équilibre des équipes est fragile. Le manque de dialogue et de
coordination précipite la souffrance au travail des personnels. » (IDEST 5)

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