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T H E M E:
BESOINS DE SANTE ET STRATEGIES THERAPEUTIQUES,
LA POPULATION FACE A L’AUTOMEDICATION :
CAS DU DISTRICT SANITAIRE DE KOSSODO
DANS LA VILLE DE OUAGADOUGOU.
Sommaire
Dédicace
Remerciements
Introduction......................................................................................................... 2
d’enquête .......................................................................................................... 62
d’automédication............................................................................................... 71
ANNEXES...................................................................................................... 136
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Introduction
Dans les pays en développement, plus précisément en Afrique au Sud du Sahara,
on constate une évolution qualitative du niveau de vie des populations grâce à
une accessibilité de la population aux soins de santé modernes. Au Burkina Faso,
depuis 1960, les conditions de vie, notamment en matière de soins de santé,
d’hygiène et d’éducation ont connu une amélioration sensible. Cette amélioration
se traduit en partie par une augmentation progressive de l’espérance de vie à la
naissance qui est passée de 32 ans en 1960, à 42 ans en 1975, à 48 ans en 1985, à
52 ans 1991 puis à 53,8 ans en 1996, (INSD, juin 2000), toutefois les milieux
ruraux restent toujours moins favorisés que les milieux urbains.
L’amélioration de la santé des populations grâce à la vulgarisation de la médicine
moderne d’une part, et à la revalorisation de la pharmacopée traditionnelle
d’autre part, se reflète sur le taux brut de mortalité. Ce taux connaît une baisse
depuis les années 1960 passant de 16,4 pour 1000 en 1991 à 15,2 pour 1000 en
1996. Il en est de même du taux de mortalité infantile (un indicateur important
pour l’OMS) qui est passé de 114,6% en 1991 à 107% en 1996 (INSD, juin
2000).
Au Burkina Faso, des unités de recherches biomédicales voient le jour et des
chercheurs s’attèlent à trouver des remèdes à base de plantes médicinales locales,
à l’exemple de l’IRSS (Institut de Recherche en Sciences de la Santé) à
Ouagadougou. On note également un accroissement des infrastructures de santé ;
par exemple entre 1990 et 1994 le nombre du complexe
CSPS/Dispensaire/Maternité est passé de 577 à 628. Par rapport au personnel
médical, même si la norme de ratio définie par l’OMS n’est pas atteinte nous
remarquons une légère augmentation de leur effectif. De 1990 à 1995, en effet, le
nombre de médecins est passé de 314 à 357 ; le nombre d’infirmiers brevetés est
passé de 1078 à 1282 ; le nombre de sage-femmes de 325 à 357 (DEP/Santé).
Des efforts sont entrepris pour améliorer davantage les conditions de vie des
populations burkinabé, en témoignent les Programmes Elargis de Vaccinations
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(PEV) initiés depuis 1998, les politiques nationales de santé publique soutenues
par des partenaires étrangers et des institutions diplomatiques.
La santé, définie par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) depuis 1954
comme « un état de complet bien-être physique, mental, et social qui ne consiste
pas seulement à une absence de maladie ou d’infirmité », est un droit admis sur
le plan international, les gouvernants ont en effet la responsabilité de la santé de
leur peuple.
En dépit d’une amélioration sensible des conditions de vie des burkinabé, il y’a
une persistance de certaines maladies, rendant précaire l’état sanitaire des
populations. Nous pouvons citer entre autres la méningite, la rougeole, le
paludisme, la fièvre jaune ainsi que des maladies chroniques telles que le diabète
et la drépanocytose. Les IST/VIH-SIDA dont la prévalence est de 7,17% au
Burkina Faso (Conseil National de Lutte S/ONUSIDA, année 2000) représentent
la première cause de mortalité chez les adultes devant le paludisme. Face à cette
situation, la recherche du bien être sanitaire devient une préoccupation
quotidienne pour les Ouagalais en particulier. A travers cette quête de la santé,
apparaissent plusieurs formes de recours thérapeutiques dont l’automédication
perçue comme le choix et la prise de médicaments sans avis médical. Cette
attitude s’écarte des normes médicales de prise en charge de la maladie qui
recommandent l’intervention d’un spécialiste dans le traitement des pathologies ;
cela nous permet d’affirmer avec Blaise Pascal que « la maladie nous change le
sens de l’esprit ».
L’automédication est intégrée dans l’arsenal thérapeutique des ménages. A des
formes, et degrés divers, la grande majorité de la population pratique
l’automédication qui se révèle comme un pendant des réalités sociologiques que
nous nous proposons d’appréhender.
La présente étude s’intéresse uniquement à l’automédication, à base de produits
pharmaceutiques (automédication de type moderne). Qu’est-ce qui entraîne les
gens à s’auto soigner ? Quelles sont les conséquences de l’automédication sur la
santé des individus ? Dans quels cas cette forme de gestion de la maladie est
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I. 1 Problématique
I-1-1 Revue de littérature
La revue de littérature consiste à faire un tour d’horizon de la lecture des
ouvrages et autres publications se rapportant à notre objet d’étude. Ainsi, notre
thème traitant de l’automédication, nous avons étendu nos lectures aux recours
thérapeutiques en général accordant une priorité à l’automédication appréhendée
comme l’un des recours thérapeutiques.
*A la demande de Jacques VAUGELADE, alors démographe à l'ORSTOM-
Ouagadougou ( L’actuel Centre d’Information sur la Recherche et le
Développement : CIRD) qui dirigeait une enquête sur la mortalité en pays Goin;
M. DACHER qui elle, fréquentait les Goin depuis 1968 a été chargée de faire
une étude sur les représentations de la maladie dans cette population. Son étude
s'inscrit dans le cadre d'une anthropologie de la santé visant à analyser les
symptômes des pathologies rencontrées chez les Goin, leurs étiologies, les
terminologies utilisées pour désigner les différentes maladies, les traitements
médicaux; en sommes les différents systèmes de représentation de la maladie et
les recours thérapeutiques.
Michèle DACHER (1990) aborde plusieurs aspects relatifs à la maladie dans la
société Goin au Burkina Faso. On trouve des étiologies sociales, des étiologies
surnaturelles et celles relevant parfois d’un désordre biologique. Il y a également
une diversité de nosologies en fonction de l’origine du mal : soit de ses
manifestations ou de sa thérapie.
Nous nous intéressons particulièrement à la dimension thérapeutique de la
maladie chez les Goin dans le village de GOUERA étudiée par M. DACHER.
Dans l’étude des démarches thérapeutiques, elle aborde d’une part les
thérapeutes et de l’autre les thérapeutiques.
Chez les Goin du village de GOUERA, les études de M. DACHER ont montré
que l’itinéraire thérapeutique normal consiste à consulter successivement deux
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*Jacqueline Mélanie SOMA (1997), analyse la réaction des mères face à leur
enfant malade, dans le quartier Wemtenga à Ouagadougou. Elle trouve que
l’éducation scolaire joue un rôle important dans le comportement des mères en
cas de maladie de leur enfant. Ses travaux ont porté sur deux types de formations
sanitaires de statuts différents, dans une option comparative en terme de
fréquentation. Il s’agit d’un CSPS public et d’une formation sanitaire à caractère
religieux à but non lucratif : le Centre médical Saint Camille. Elle évoque les
différentes conceptions des maladies infantiles: la conception médico-moderne,
la conception traditionnelle ; et leur identification par les mères qui détermine
les choix thérapeutiques.
Au sujet des itinéraires thérapeutiques, elle en fait état de plusieurs et fait une
singulière approche de l’automédication. A l’échelle de sa population d’enquête,
"l’automédication" au bénéfice des enfants fait partie des recours thérapeutiques
usuels.
A l’image de L. SANFO (1999), J.M. SOMA a eu le mérite d’expliciter les
itinéraires thérapeutiques et les formes d’exécution de l’auto soin. Il s’agit pour
nous de mettre en exergue les facteurs explicatifs de cette pratique et les
circonstances de son exécution : le pourquoi ?
*Lucien SERI (1996) a abordé dans son étude, le phénomène d’automédication
par phytothérapie, donc de type traditionnel uniquement, pratiquée par la
majorité de sa population d’enquête. Cette automédication consiste à bouillir des
feuilles, des racines et des écorces que les femmes cherchent soit dans la brousse
profonde soit aux abords du village. Les méthodes d’utilisation varient d’une
femme à l’autre et les heures d'utilisations varient en fonction des pathologies.
Il constate qu’il existe trois grands recours thérapeutiques chez les mères dont :
le guérisseur traditionnel, le dispensaire et l’automédication. C’est ce dernier
recours qui occupe une place de choix dans la chronologie des traitements
thérapeutiques en ce sens que toutes les mères l’exécutent sur leur enfant malade,
sans distinction de niveau d’instruction. Les plus instruites l’utilisent comme
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complément de cure, toutes les mères s’y mettent quand la maladie de l’enfant
est irréversible. C’est le premier recours des mères non lettrées.
Selon les femmes rurales, l’automédication n’a pas de prix car « la nature nous
offre gratuitement les produits pour peu que l’on connaisse leurs propriétés
thérapeutiques ».
La pratique d’automédication n’est pas un acte isolé et fortuit, mais soutenu par
plusieurs facteurs dont l’influence des vieilles femmes imbues de solides
expériences en matières de médecine traditionnelle qui leur semble
irréprochable, et l’influence des habitudes socioculturelles omniprésentes dans
les recoins des villages.
L’auteur a montré l’automédication comme un « itinéraire » thérapeutique
principal en se limitant au type dit traditionnel. Qu’en est-il du type moderne ?
*Claudine HERZLICH et Janine PIERRET (1984) abordent la question de
l’automédication dans la perspective du passage de rôle de soigné à celui du
soignant. La pratique de l’automédication dans la société actuelle s’explique par
la fréquence accrue des maladies chroniques telles que le diabète, l’insuffisance
rénale, le lupus érythémateux, l’hypertension..., faisant apparaître de « nouveaux
malades » de par leur rapport spécifique avec la médecine et les traitements
médicaux. Ces malades chroniques autrefois condamnés, sont soumis de nos
jours à des traitements routiniers qui conduisent à la gestion de la maladie par le
malade lui-même. Grâce à des thérapies régulières et obligatoires pour la survie
du malade, celui-ci acquiert des connaissances sur la maladie, sur son corps,
ainsi que les remèdes appropriés ; lui permettant de moduler lui-même son
traitement et contrôler partiellement son état de santé.
Pour HERZLICH et PIERRET, au moment où il se voit soumis à un
traitement ininterrompu et obligé, le malade chronique peut échapper à la
l’autorité absolue du médecin et se retrouver une certaine indépendance. « Le
malade cesse donc d’être un « soigné » pour devenir un « soignant » soignant de
lui-même » (page 261). Ces auteurs ajoutent que cette forme d’automédication
est rendue possible grâce à l’évolution du savoir médical qui n’est plus l’apanage
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Après avoir fait le tour d’horizon des littératures sur les habitudes thérapeutique,
nous allons appréhender les facteurs d’émergence et la pratique de
l’automédication essentiellement à base de produits pharmaceutiques modernes
par des personnes adultes et des adolescents.
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Bien que cette revue de littérature ne soit pas exhaustive, soulignons que
l’automédication est une réalité qui fait partie de l'habitus1des individus et elle
sévit au sein de la communauté comme un enjeu important en matière de santé
individuelle et publique. La transformation du monde ambiant, de
l’environnement socio-économique entraîne une mutation d’une ampleur
imprévisible dans les comportements individuels et collectifs. Or, les besoins de
santé se sont accrus, notamment dans les centres urbains qui pourraient avoir un
impact significatif sur les stratégies thérapeutiques.
De nos jours, comment faut-il comprendre l’acuité du phénomène
d’automédication quand on s’accorde généralement à dire que le traitement des
pathologies de l’homme relève de la compétence d’un spécialiste en la matière ?
Quelle fraction ou quel pourcentage de tolérance, s'il y a lieu, peut-on accorder à
l’automédication ?
Nos investigations, nous l’espérons, apporteront davantage des éclairages à ces
interrogations.
1-Habitus : 1-Aspect extérieur du corps, du visage indiquant l’état de santé d’un sujet (le Petit Larousse illustré, 1996)
2- culture idéal de vie. Dispositions de l’individu acquises par l’éducation qui l’amène à se conduire
selon les normes de son groupe. (Eléments de sociologie ; H. MENDRAS, 1996)
3- Terme essentiel dans le courant de sociologie animé par Pierre BOURDIEU, qui désigne le
système de dispositions durables acquis par l’individu au cours du processus de socialisation.
Principe générateur des pratiques et des représentations, permettant à l’individu de construire
des stratégies d’actions. ( nous nous penchons plus pour cette conception)
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des agents de santé qui sont mises en cause, c'est ce que révèlent les études de
Michèle DACHER (1990) dans la société Goin.
*Dans les officines pharmaceutiques, c’est le mercantilisme en ce sens que les
médicaments sont parfois livrés aux clients sans leur exiger une ordonnance.
Dans la ville de Ouagadougou, des clients acquièrent les médicaments auprès des
officines suite à la présentation d'un ancien emballage ou en donnant le nom du
produit recherché (entre autres moyens d’acquisition), (L.SANFO,1999).
*Nous assistons de plus en plus à l'émergence d'un réseau de vente illicite de
médicaments de contrebande dont les modes de conservation et de prescription
laissent à désirer (TIENDREDEOGO F.A..,1997). Comment se fait-il que dans
les officines pharmaceutiques nous assistons à l'auto prescription des
médicaments ? Les IST ou maladies dites honteuses selon le vocable de L.
SANFO font-elles réellement l’objet d’auto prescription de médicaments et auto
soin ?
Actuellement, l'heure est à la prolifération des produits médicamenteux sur les
marchés de proximité (espaces publics aménagés dans les quartiers en vue de
faire du commerce des légumes, des vêtements, des produits de première
nécessité, c'est en somme le siège des activités du secteur informel) et la
population s'en procure pour satisfaire ses besoins de santé ponctuels ou
récurrents. Ces produits sont parfois livrés dans les domiciles, et surtout dans les
rues avec les marchands ambulants.
Toutes ces formes d'acquisition relativement faciles des médicaments laissent
libre cours à l'automédication des maladies bénignes et des IST. Et suivant les
représentations sociales, les IST touchent à la réputation des victimes quand elles
sont dévoilées. Aujourd'hui, plus que jamais, pour la majorité des Ouagalais, se
soigner est devenu un sujet d'incertitude; l'attitude des agents de santé, l'état des
équipements sanitaires, les officines pharmaceutiques entre autres, sont mis à
rude épreuve.
Comment élucider les thérapies entreprises par les malades eux-mêmes, de leur
propre chef, et pour leur propre besoin? En d'autres termes, quelles analyses
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L’objectif principal poursuivi par la présente étude est d’analyser les différents
facteurs qui engendrent l’automédication au sein des ménages dans la ville de
Ouagadougou, singulièrement au niveau des individus.
Au nombre de nos objectifs secondaires, nous voulons, à partir des composantes
de la réalité sociale :
*Appréhender dans quelle mesure le mode de gestion et le fonctionnement des
institutions médicales et paramédicales encouragent l’automédication ?
*Elucider l’influence du marché parallèle et de la vente illicite de médicaments,
sur les habitudes thérapeutiques.
*Appréhender enfin les besoins de santé ou alors les types de
maladies/symptômes face auxquels la propension pour une automédication est
grande.
a) Hypothèse principale
La pratique de l'automédication est influencée par des facteurs d'ordre
institutionnel, économique, et les représentations que les gens ont vis-à-vis de
certaines maladies.
b) Hypothèses secondaires
1 • Les attentes fastidieuses des patients dans les formations sanitaires et le
non-respect effectif des normes de délivrance des médicaments dans les officines
pharmaceutiques incitent à la pratique de l'automédication.
2 • L’existence du marché illicite de médicaments crée un engouement
pour l’automédication parce que les médicaments et les consommables médicaux
y sont livrés au gré du client et en fonction de sa bourse.
3 • Le recours à l’automédication est fréquent dans le cas des maladies
dites courantes et /ou d'une Infection Sexuellement Transmissible (IST); parce
que, d'une part la gravité de la pathologie est négligée et d'autre part les victimes
d'IST éprouvent un gène à recourir à un thérapeute.
I-3 Conceptualisation
« La conceptualisation (...) constitue une construction abstraite qui vise à rendre
compte du réel. A cet effet, elle ne retient pas tous les aspects de la réalité
concernée mais seulement ce qui en exprime l’essentiel du point de vue du
chercheur. Il s’agit donc d’une construction-sélection » Raymond QUIVY et Luc
Van CAMPENHOUDT (1995). Selon ces auteurs, sans la conceptualisation, la
recherche se perd dans le flou et l’imprécision.
Afin de mettre en exergue l’acception que nous donnons aux concepts que nous
utilisons, nous nous sommes attelés à répertorier quelques-uns uns et mentionner
le contenu que nous leur donnons. Il s’agit de :
* Automédication *Médecine moderne
* Besoin de santé *Médecine traditionnelle
* Maladie *Santé
* Ménage *Stratégies thérapeutiques
Selon Janine LAGNEAU3, l’obligation de rigueur de la recherche a pour
première exigence, une claire formulation des concepts et pour seconde
exigence, un choix convenable des indicateurs avec lesquels le sociologue
appréhende la réalité qu’il étudie. Nous avons donc procédé à la définition de
quelques concepts qui aident à reconnaître les données en précisant ce qu’elles
incluent et ce qu’elles excluent. NB : (*) : renvoie aux définitions usuelles.
(**) : renvoie aux définitions contextuelles.
Automédication
* L’automédication caractérise toute attitude de prise en charge par une personne
quelconque de ses problèmes de santé. Elle se fait à travers l’utilisation d’agents
thérapeutiques, sans consulter un praticien spécialisé, un principe médical
suggérant que tout problème de santé humaine soit confié à un spécialiste,
d’après Alphonse SANOU (1997).
3-cité par ZAGRE (A) Maître de Conférence à l’Université de Ouagadougou ;Initiation à la recherche en
Sociologie, Presses Universitaire de Ouagadougou, Décembre 1999, page 56 .
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** Nous prenons acte des définitions ci-dessus, qui traduisent les différentes
conceptions de l’automédication. Pour le cas spécifique de notre étude, nous
dirons qu’elle caractérise une situation dans laquelle une personne entreprend
d’acquérir un médicament pharmaceutique et de se faire un traitement médical
sans aviser un spécialiste en la matière. C’est un traitement dirigé par le malade
lui-même dans l’intention de se soigner d’une maladie dont il souffre, ou qu’il
soupçonne. C’est une forme autonome de soin où le patient devient lui-même
son propre médecin, c’est une thérapie présomptive sans assistance médicale.
Indicateurs: -l’absence de consultation
-l’auto diagnostic
-la demande de médicament à un proche
-l’achat de médicaments sans ordonnance
-l’achat de médicament de contre bande
-le choix délibéré de posologie
-le changement de traitement et de produit sans avis médical.
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Besoin de santé
Que peut-on entendre par le terme « besoin » ?
* Selon le Dictionnaire Universel (1995), le besoin est une sensation qui, pousse
les êtres vivants à certains actes qui leur sont ou leur paraissent nécessaires.
* Selon le Dictionnaire Universel de Poche, Hachette (1992); le besoin est un
manque de ce qui est ressenti comme désirable ou nécessaire. Un manque de ce
qui est indispensable à l’existence humaine, donc ce qui est vital.
* La vie de tout être humain est caractérisée par un certain nombre de besoins
qui conditionnent son comportement vis-à-vis des choses et de son entourage.
D’après le Dictionnaire critique de la sociologie (1982), chez les animaux, on
observe un comportement de quête lorsqu’ils viennent à être privés de nourriture,
d’abris, de partenaire sexuel, etc. La possession de ces choses désirées est une
source de jouissance et de satisfaction. La privation peut s’accompagner de
conduite d’agression contre les obstacles qui bloquent l’accès au bien voulu.
Selon Thomas Robert MALTHUS (1766-1834), économiste britannique, auteur
d’un Essai sur le principe de population ; si un besoin aussi essentiel que la
nourriture par exemple, n’est pas satisfait, les hommes se tueront pour s’arracher
le pain à la bouche. Comprenons que les besoins de l’homme ne sont pas tous de
nature matérielle, il a aussi besoin de collaborer avec ses semblables. La
hiérarchie des besoins dépend des conditions de vie des hommes, de leur
personnalité, et de leur statut social et économique.
* Les hommes ont des besoins fondamentaux en fonction de l’environnement
physique et des conditions socioculturelles : se loger, se nourrir, se vêtir,...
-Une première partie de ces besoins a un caractère biologique dont la satisfaction
est indispensable à la survie : elle s’exprime en terme de calories qu’il faut
absorber au minimum et d’effectuer sans difficultés un minimum de gestes
physiques sous peine de disparaître de la terre.
-Une seconde partie a un caractère psychosociologique, elle prend de plus en
plus d’importance de nos jours. Elle est influencée soit par les habitudes du
système culturel et social auxquelles les hommes appartiennent, soit par la
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** Dans le cadre de notre étude nous entendons par « besoin de santé » , une
situation dans laquelle une personne éprouve des douleurs et/ou manifeste des
malaises, qui affectent son état d’âme. Cette situation témoigne d’un
dysfonctionnement de son organisme intriguant parfois son entourage.
Indicateurs: - la température du corps, anormale
- une sudation inhabituelle
-L’amaigrissement
-une perte d’appétit
-L’insomnie
- les gémissements
-les courbatures
-les vomissements.
Maladie
Une approche synthétique de la conception de la maladie, à partir de la lecture de
l’ouvrages de F. LAPLANTINE (1984) et celui de M. AUGER et al. (1984),
pour ne citer que ceux-là, nous permet de mener la réflexion suivante :
En parcourant la littérature produite sur la maladie, nous nous apercevons qu’il
est délicat de définir strictement la maladie certes, mais l’idée de maladie de
manière générale renvoie à l’infortune, qui qualifie tout événement malheureux.
De plus, chaque société définit et interprète la maladie en fonction de ses
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*Marc EGROT (1999) nous fait découvrir que dans l’univers socioculturel des
moosé, la maladie comme altération de la santé est conçue comme une agression
du corps et non comme un état. Au regard de cette transgression de l’organisme,
un individu ne dit pas que « j’ai une maladie », ni que « je suis malade », mais
plutôt, « la maladie me possède » : « bãnga tara maam ». Cette construction est
semblable pour chaque maladie (exemple : meogo tar maam = le rhume m’a eu).
Aussi assiste-t-on chez les moosé à une personnification de la maladie.
Qu’elle soit interne ou externe la maladie agit sur le corps comme un être , elle
« entre » dans le corps, « sort », « se déplace » d’un point à l’autre, « descend »,
(bãnga sigam). Dans la plupart des cas la maladie est appréhendée selon le mode
de pensée ontologique, il existerait donc un « être » de la maladie.
Parlant de son étiologie, la maladie se manifeste dans certaines circonstances ou
selon sa volonté, si elle est située à l’intérieur de l’individu. Externe à celui-ci la
maladie est imaginée comme un véritable être vivant présent dans la nature qui
peut « attraper », « bousculer », « attaquer » les individus (par surprise ou suite à
un avertissement).
«La nosographie de la maladie considère les liens qui unissent les termes avec la
réalité biologique du corps malade et l’univers physique symbolique et social
dans lequel le corps est plongé » : M. EGROT(1999 :146). Cet auteur affirme
également que le vocabulaire moaga désigne les pathologies selon des principes.
(1) Un principe sémiologique : Il permet de nommer une maladie en désignant la
région anatomique qui fait mal, ou en fournissant une description littérale de l’un
des symptômes ; ou en associant les deux en un seul terme.
(2) Un principe analogique : Il permet de désigner une maladie par une image,
une représentation basée sur une similitude. Il établit un lien entre une maladie et
un élément de l’environnement physique. Ce lien repose sur une analogie entre
les symptômes et une caractéristique de l’objet qui soutient la comparaison ou, à
d’autres logiques de nominations.
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(3) Une référence étiologique : C’est dans le registre interprétatif que sont choisis
certains noms des maladies. Ce principe opère en nommant la maladie par la
cause qui est supposée la provoquer.
(4) Une référence thérapeutique : Selon ce principe, on nomme la maladie par un
aspect du traitement habituellement en œuvre (la thérapeutique ou le rituel
thérapeutique).
(5) Un principe de l’impératif socioculturel : Il établit un lien entre une maladie
et une conception culturelle, le plus souvent dans l’ordre de la circonstance de
survenue de la maladie ou de la transgression d’un interdit.
Au regard de ce qui précède, nous admettons avec D. FASSIN(1996) que la
maladie est quelque chose qui « relève de causes signifiantes et suscite des
réponses collectives ». Elle est considérée comme une détérioration de l’énergie
vitale qui demande à être restituée, d’où les recours thérapeutiques. Eux aussi
sont variés comme les étiologies et les nosographies.
**Grosso modo, disons que d’une part la maladie est appréhendée comme « un
désordre biologique », un dysfonctionnement de l’organisme pensé comme un
complot entre les organes de l’individu contre ce dernier. D’autre part, elle est
intégrée dans le système de fonctionnement de la nature et livre un combat
contre l’individu. Cette dernière théorie considère l’air et le climat comme des
facteurs explicatifs de la maladie, elle est liée à l’évidence sensorielle de la
qualité de l’air et la facilité d’observation des phénomènes climatiques. La
maladie est enfin perçue comme l’ œuvre d’une force surnaturelle divine ou
anthropomorphique qui intègre la maladie dans le rouage des croyances magico-
réligieuses.
Nous prenons acte de toutes ces conceptions de la maladie, qui s’inscrivent dans
une logique sociale bien définie. Que les appréhensions étiologiques et
nosographiques soient populaires ou savantes, toujours est-il que la maladie
s’intègre dans un mécanisme d’explication, de prise en charge, et mobilise des
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Ménage
* Tout individu ou groupe de personnes habitant ensemble même sans lien de
parenté, selon Madeleine GRAWITZ (1997), constitue un ménage.
* D’après l’INSD (1993), « le ménage c’est l’unité socio-économique de base au
sein de laquelle les différents membres apparentés ou non, vivent dans la même
maison ou concession, mettent en commun leurs ressources et satisfont en
commun à l’essentiel de leurs besoins alimentaires et d’autres besoins vitaux;
sous l’autorité d’une seule et même personne appelée chef de ménage ».
* Le ménage selon Michel KAGAN et Christian BERGE4, est défini comme
« l’ensemble des personnes vivant dans un même logement occupé comme
résidence principale quelque soit le nombre de ces personnes et leur lien avec le
titulaire du logement; les domestiques, salariés ou apprentis logés, les
pensionnaires et sous locataires n’occupant pas une pièce totalement
indépendante sont considères comme faisant partie du ménage ».
* Selon Fatoumata KINDA (1984 :62), «est donc considéré comme membre du
ménage celui qui (habituellement) a sa part, son assiette prévue dans la marmite
domestique ». Elle ajoute que les différents membres du ménage participent à
des degrés divers à cette pratique de consommation. Les uns et les autres ont
toujours quelque autonomie relative et les proportions consommées ne sont pas
les mêmes. De ce point de vue elle considère les bébés bien qu’ils ne partagent
pas encore directement le repas.
** Dans le cadre de notre étude, nous prenons acte des définitions précédentes
relatives au terme ménage. Nous entendons par ménage, une unité domestique
4- Michel KAGAN et Christian BERGE. « les conditions de vie des ménages en 1970 » in les collections de
l’INSEE ; Ménage INSEE cités par KINDA Fatoumata dans « Ménages populaires à OUAGADOUGOU » Thèse
de Doctorat en Sociologie, janvier 1987 ; Université de Nantes/ France.
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Médecine moderne
* C’est l’ensemble des connaissances scientifiques et des moyens mis en œuvre
pour la prévention, la guérison ou le soulagement des maladies, blessures ou
infirmités. (Petit Larousse 96)
* D’après le Dictionnaire français de Médecine et de Biologie5, la médecine est
la science des maladies et de leurs traitements, ainsi que des problèmes se
rapportant à la santé et l’ensemble des techniques qui s’y rapportent.
** Dans notre étude, nous entendons par médecine moderne, une pratique
thérapeutique au cours de laquelle la prise en charge du patient consiste à
administrer de produits médicaux modernes. Ces produits sont recommandés ou
prescrits par un thérapeute qui a acquis la connaissance du métier suite aux
études de médecine, sanctionnées par un diplôme. Le praticien de la médecine
moderne utilise surtout un appareillage électronique ou sensoriel sophistiqué,
dans l’exercice de son métier.
Indicateurs : -les radiographies et les observations microscopiques
- les observations cliniques et les analyses médicales
-la chirurgie et les greffes d’organes
-la réanimation
- les injections intraveineuses et les transfusions sanguines
-la spécialisation des thérapeutes (par maladie / par traitement )
-les injections intramusculaires.
Médecine traditionnelle
** Longtemps pratiquée dans les pays africains, la médecine traditionnelle est
l’apanage de personnes appelées « guérisseurs », imbus de pouvoir de guérison,
hérité ou acquis par révélation au cours de leur existence. Nous qualifions de
médecine traditionnelle ; le mode de thérapie caractérisé par un ensemble de
gestes, de rituels, accompagnés de l’utilisation de décoction ; elle est empreinte
de superstitions et de traditions ancestrales.
Indicateurs : - une conception ontologique de la maladie
-l’usage de tisane et de décoction
-l’observation de rituels thérapeutiques fétichiste
- l’invocation de forces occultes
- une cure aux humeurs des dieux.
Santé
*Selon Hippocrate (460-377 av.J.C), médecin grec, la santé appelée crase résulte
d’une juste proportion de quatre composantes du corps à savoir :Le sang, le
phlegme, la bile jaune et la bile noire ; c’est la théorie des humeurs
(F.LAPANTINE. 1984 :63)
*Selon Galien 6, « la santé est un état dans lequel nous n’éprouvons pas de
douleur et ne sommes pas entravés dans les fonctions de la vie quotidienne » 7
6- Médecin grec né à Pergame (Asie Mineure) en 130, médecin impérial à Rome, mort en 200.
7- Dictionnaire Français de Médecine et de Biologie. OP. Cit.
34
** En définitive pour notre part, la santé est un état de bien être physiologique et
psychologique de l’individu, à l’exception des anomalies congénitales et les
séquelles de maladies invalidantes ou cicatrisantes.
Indicateurs: -la température normale du corps
- l’absence de blessures ouvertes
-une bonne mine, jovial
- une aptitude à travailler physiquement et intellectuellement.
• Stratégie thérapeutique
** Une stratégie est un art, l’art de coordonner des actes, des actions, des
man œ uvres en vue d’atteindre un but précis. On entend par stratégies
thérapeutiques, tout ce qui entre dans l’univers médical des ménages. Il s’agit des
voies et moyens, des attitudes et des comportements habituels qui caractérisent
l’arsenal thérapeutique des ménages. En somme, ce sont des itinéraires optés
pour guérir ou prévenir une pathologie médico-biologique.
Indicateurs : - les consultations médicales
- le diagnostic de la maladie/ auto diagnostic
- l’utilisation de produits médicamenteux
- l’acquisition de médicaments
- le traitement des maladies.
I-4-4- Echantillonnage
L’échantillon par définition, c’est la fraction d’une population donnée qui permet
de mesurer un caractère donné, en estimant la proportion d’une variable dans
37
l’ensemble de la population sur laquelle porte l’étude. Ici, il s’agit des individus
au sein des ménages.
La population de l'arrondissement de la commune de Nongr-Masson est estimée
à 143237 habitants en 1999 (DEP/S). Selon les données du Recensement Général
de la Population et de l'Habitat on y dénombrait en 1996 ; 23286 ménages soit
21037 ménages urbains et 2249 ménages ruraux. Nous avons fait un choix
raisonné de 115 ménages urbains, soit 0,54% environ en diversifiant les
catégories d'habitations et de ménages, en fonction des statuts socio-
économiques.
Nous avons choisi de procéder par un choix raisonné des personnes ressources à
partir de leur disponibilité et de leur ancienneté. Nous avons songé à varier les
personnes ressources suivant leur spécialisation dans les soins de santé pour ce
qui concerne les agents de santé. Nous avons ainsi choisi de nous entretenir avec
des médecins, des infirmiers et des sage-femmes. Les entretiens ont concerné
également des pharmaciens et des marchands ambulants de médicaments de
contrebande. (Nous y reviendrons).
I-4-8-Difficultés rencontrées
Les difficultés majeures rencontrées au cours de nos investigations ont été d’une
part le refus de certains chefs de ménage de répondre à nos questions. Une
attitude qui se fonde sur le préjugé que l’automédication est décriée d’office.
D’ailleurs les sensibilisations en la matière ne présentent que son aspect horrible.
De plus les sujets portant sur les IST sont timidement débattus à cause des
pesanteurs sociales qui maintiennent toujours le tabou de la sexualité au niveau
des personnes âgées. Ces comportements nous ont valu des heures d’explication
de l’objet de notre étude, parfois sans suite favorable.
D’autre part, il y a eu des difficultés liées à la réticence des agents de santé à
répondre à nos questions, arguant qu’ « il faut l’accord du supérieur
hiérarchique ». Cela nous a valu de longues démarches administratives. Enfin la
méfiance et la cupidité des marchands de médicaments prohibés, qu’il faut
soudoyer pour pouvoir extorquer la moindre information : « si je parle vous allez
me donner combien » ? disent-ils.
41
dont quatre sont situés dans la province du Kadiogo : District de Pissy, District
de Kossodo, District du secteur 30, District de Paul VI.
Le District comprend deux échelons de soins: Le premier est le CSPS, structure
de base du système de santé. Le second est le CMA.. Il sert de référence pour
l'identification des Districts.
Chaque District Sanitaire est administré par une Equipe Cadre de District (ECD)
chargée de la gestion, des prestations des soins cliniques et de la recherche en
santé. Certains Districts sont centrés sur des Centres Hospitaliers Régionaux
(CHR) qui représentent les régions sanitaires.
Le deuxième niveau est représenté par le CHR qui sert de référence et de recours
pour les CMA. Le CHR a une grande capacité d'accueil et de traitement des
maladies.
Le troisième niveau est constitué par le Centre Hospitalier National (CHN), un à
Ouagadougou et à Bobo-Dioulasso. C'est le niveau le plus élevé pour les soins
spécialisés.
Au CHN de Ouagadougou (Centre Hospitalier National Yalgado OUEDRAOGO
CHNYO) les services sanitaires disponibles sont principalement la
Dermatologie, Chirurgie, Pédiatrie, Gynéco Obstétrique, Psychiatrie, Pneumo-
Phtisiologie, Ophtalmologie, ORL, Odontostomatologie, Kinésithérapie,
Orthopédie, Urgences Médicales, Urgences Chirurgicales, Réanimation et
Urologie (recensement direct). C'est vers le CHN que se font les évacuations
sanitaires. Il sert également de cadre de formation des différentes catégories de
personnels de santé et de recherche.
* Les secteurs privés de soins connaissent de nos jours une relative croissance.
Le secteur privé de la santé comprend deux sous secteurs : le sous secteur privé à
but non lucratif qui sont généralement les structures confessionnelles (ex: le
Centre Médical Saint Camille). Le sous secteur privé à but lucratif que sont les
polycliniques, les cabinets médicaux, les officines privées. Le secteur privé joue
un rôle important dans la couverture sanitaire du pays avec cependant une forte
concentration dans les villes de Ouagadougou et de Bobo-Dioulasso.
45
A l'exception des dépôts de médicaments qui peuvent être gérés par des non
professionnels, l'exploitation de structures sanitaires privées, surtout à but
lucratif se fait individuellement et est un monopole des professionnels de la santé
au regard des textes en vigueur. A côté des structures privées individuelles, des
Associations et des ONG, ouvrent de plus en plus des établissements sanitaires
privés ou parapublics.
Les difficultés liées à ce secteur sont : l'insuffisance, l'inadaptation et la non-
application des textes juridiques y afférents. Il évolue parallèlement au secteur
public, ce qui ne lui permet pas d'être complémentaire. Par ailleurs les structures
chargées de la gestion de la promotion et de la réglementation du secteur
sanitaire privé, ne sont pas pleinement fonctionnelles
* Dans le domaine pharmaceutique, à la faveur de la politique des Médicaments
Essentiels Génériques, une Centrale d'Achat de Médicament Essentiel Générique
(CAMEG) a été mise en place. Toutefois des insuffisances persistent. Il n'existe
pas de structure de production des médicaments, les textes législatifs et
réglementaires du métier de pharmacien sont inadaptés et pas toujours appliqués.
La gestion des médicaments est souvent inappropriée, favorisant la vente illicite
de médicaments, l'automédication, le détournement des médicaments au profit du
marché parallèle (A.F.Tiendrebéogo (1997)).
300 en 19998 dont 82% étaient concentrées dans les deux grandes villes de
Ouagadougou et Bobo-Dioulasso. Le secteur pharmaceutique privé comptait 105
officines en décembre 1999 dont 69 à Ouagadougou et 19 à Bobo-Dioulasso 2
grossistes à Ouagadougou qui approvisionnent les autres villes du pays.
La gestion des ressources humaines se caractérise par la méconnaissance des
effectifs exacts, le manque de définition des Postes et rôles, la mauvaise
répartition du personnel par rapports aux besoins, le manque de recyclage et
l’insuffisance de motivations du personnel de santé (DEP/Ministère de la Santé).
* Au Burkina Faso, on estimait à 15,8% la morbidité générale de la population
en 1996. La situation épidémiologique reste dominée par: la persistance des
maladies infectieuses; les maladies chroniques non transmissibles sont
influencées par des déterminants non médicaux. Les principales causes de
consultation dans les formations sanitaires de base sont le paludisme, les
affections respiratoires, les maladies diarrhéiques, la rougeole, la méningite et les
infections sexuellement transmissibles.
En fin 1998, le taux de séro-prévalence du VIH/SIDA se situait entre 7% et 10%
dans la population générale (SP/CNLS/IST); les 3/4 des personnes atteintes du
SIDA sont âgées de 15 à 45 ans. Le nombre de séropositifs augmente davantage,
malgré les multiples efforts de lutte et de sensibilisation contre la pandémie qui a
une incidence sur la durée moyenne de vie (tendance à la baisse).
Des flambées épidémiques sont observées, elles concernent: la tuberculose due à
son association avec le VIH/SIDA ; le choléra, la fièvre jaune, la dracunculose
(2227 cas en 1998), la rougeole, la méningite cérébro-spinal, la poliomyélite, la
trypanosomiase humaine africaine ou l'onchocercose (source, DEP/santé). Les
maladies non transmissibles telles que le diabète, la drépanocytose, les
hémorroïdes, les maladies cardio-vasculaires sont en augmentation.
* L'état sanitaire de la population est également caractérisé par un taux de
mortalité général très élevé soit 15,2% (R.G.P.H, INSD, 1996), qui s'explique
par un fort taux de mortalité maternelle et infantile qui passe de 94‰ en 1993 à
105,3‰ en 1998
La mortalité des jeunes de 15 à 40 est liée essentiellement au SIDA et aux
accidents de la circulation. La mortalité maternelle estimée à 484 pour 100 000
naissances vivantes en 1998, est causée par des affections, les dystocies, les
hémorragies graves et les avortements provoqués non médicalisés. Aussi faut-il
ajouter la malnutrition des mères, les grossesses nombreuses et rapprochées, la
couverture prénatale insuffisante, le manque de suivi des cas à risque.…
* Les déterminants de la santé s'apprécient à travers l'épidémiologie qui, par
définition «consiste en l'analyse des circonstances d'apparition des maladies et
des traumatismes dans les groupes de population, des facteurs qui affectent leur
incidence, leur distribution et la réaction des patients (…). C’est l’usage de ce
savoir dans la prévention et dans la lutte » : Boureima KOLOGO (1989 :17).
Au Burkina nous identifierons plusieurs facteurs dans l’apparition des maladies
et des traumatismes.
D’une part les facteurs environnementaux : Les réseaux d’évacuation des eaux
pluvieuses et des eaux usées sont insuffisantes dans les villes et les campagnes,
rendant ainsi très précaires les conditions d’assainissement et d’hygiène. Les
inondations, l'insalubrité favorisent la prolifération des vecteurs de maladies.
L'utilisation des latrines reste limitée par manque d'installations et en raison de
certaines pratiques socioculturelles (défécation en plein air); toute chose
contribuant à la propagation des microbes (celui de la poliomyélite et celui du
choléra par exemple).
L'usage intensif de pesticides, la poussière, les émissions de gaz carbonique à
Ouagadougou surtout, les eaux usées, aggravent la pollution. La cohabitation de
l'homme avec les animaux domestiques crée une situation de promiscuité et
d'insalubrité favorisant l’apparition de certaines maladies telles que la
leishmaniose, et la toxoplasmose.
D'autre part, les facteurs socio-démographiques se traduisent par le faible niveau
d'instruction de la population qui entrave la prévention des maladies infectieuses,
48
10
Plan d'action du District sanitaire de Kossodo / année 2000, D.E.P./ santé, janvier 2001.
54
trois non fonctionnels. Dans le District se situe un CMA qui offre des services de
consultation générale : ORL, Pédiatrie, gynéco-obstétrique ; il dispose d’un
laboratoire d’analyses médicales et d’un bloc opératoire. Le système de
communication entre formations sanitaires à l’intérieur du District n’est pas
rapide par insuffisance de réseau téléphonique et de moyens de locomotions. De
part sa position périphérique, le District de Kossodo est devenu un dépotoir
d’ordures de tous genres provenant de l’intérieur de la ville. L’insalubrité dans
cette localité est relativement importante (déchets solides comme liquides
nuisances causées par les usines). Elle relève de l’insuffisance sinon de l’absence
d’infrastructures d’hygiène telles que les latrines, entraînant des défécations à
ciel ouvert qui exposent la population au péril fécal.
A l’instar des autres Districts du pays, celui de Kossodo n’est pas à l’abri des
maladies à potentiel épidémique comme la méningite, le choléra, la fièvre jaune,
la rougeole. Le paysage épidémiologique reste dominé par les pathologies
infectieuses, parasitaires et les maux chroniques.
L’emplacement géographique des services sanitaires pose des difficultés
d’accès ; seul le CSPS du secteur 23 et le CMA assurent un système de garde.
Le secteur sanitaire privé de kossodo comprend huit cabinets de soins médicaux
et une clinique (clinique notre Dame de la Paix).
56
Tableau N°07
Type d’infrastructure Concernée Enumérations
des enquêtés Effectif %
Néant 18 15,65
Officines Pharmaceutiques 01 65 56,52
Au moins 02 32 27,83
TOTAL 115 100
Formations sanitaires à caractère public ou Néant 50 43,48
para-public : CM/CSPS/CMA 01 44 38,26
Au moins 02 21 18,26
TOTAL 115 100
Formations sanitaires privées faisant des Néant 37 32,17
thérapies biomédicales, cabinets spécialisés 01 35 30,43
et Polycliniques. Au moins 02 43 37,40
TOTAL 115 100
(Source : résultats d’enquête)
Nous constatons que sur le plan des infrastructures, dont la fonction essentielle
est de satisfaire les besoins de santé, les officines pharmaceutiques sont les plus
représentatives. 56,52% des ménages ont accès à une officine sur un rayon de
deux kilomètres au plus, et 27,83% des ménages sont distants de deux officines
au moins sur un rayon de deux kilomètres. Seulement 15,65% n’ont pas accès à
une pharmacie à moins de deux kilomètres. Cette forte représentation des
officines pharmaceutiques est réelle en ce sens qu’à la date du 17 Octobre 2001,
la ville de Ouagadougou comptait soixante dix sept (77) officines (Source :
Direction des Services Pharmaceutiques à Ouaga). Notre zone d’étude compte à
cet effet dix (10) officines sans compter celles qui sont dans les voisinages
immédiats (au moins quatre). Cette proximité géographique réduit
considérablement les difficultés d’approvisionnement en médicaments.
Quant aux Centres de Santé Publics, la tendance est un peu inversée. 43,48%
des ménages n’ont pas accès à un service de santé public à moins de deux
58
N.B. : Les médicaments de contrebande sont vendus dans tous ces marchés.
Ce tableau fait ressortir les principaux espaces de commerce que nous appelons
marché de proximité. C’est en effet en ces lieux que les marchands des
médicaments de contrebande sont présents et font de bonnes affaires. Les
périodes de pic de fréquentation de ces marchés sont propices à la consommation
des médicaments de contrebande en plus des amphétamines et autres stupéfiants
prohibés. Aux côtés du commerce et de l’échange des produits de consommation
courante, dont les prix baissent sensiblement aux périodes de grandes
affluences ; les problèmes de santé deviennent des préoccupations
60
Les âges des enquêtés varient de dix sept à plus de cinquante ans. Le plus grand
nombre des enquêtés ont des âges compris entre 25 et 29 ans. Ils représentent
25,21%. Le plus petit nombre représentant 2,6% comprend des gens qui ont des
âges compris entre 45 et 49 ans. 16, 52% ont des âges compris entre 17 et 20 ans.
15,65% ont des âges compris entre 21 et 24 ans. C’est la même proportion pour
ceux qui sont âgés de 30 à 34 ans. 7,82% ont des âges compris entre 35 et 39 ans.
6,96% ont des âges compris entre 40 et 44 ans. Enfin 9,6% ont plus de 50 ans.
La détermination de l’âge a joué un rôle important dans le choix de nos
interlocuteurs. L’option de 17 ans au minimum prévoit une relative autonomie
et une prise en charge totale ou partielle des besoins individuels.
La plupart des enquêtés sont des adultes parce que nous nous sommes adressés
aux ménages-foyers et aux regroupements domestiques correspondant à ceux que
nous identifions comme ménages.
63
Tableau N°11
Genre/ sexe Homme Femme Total
Effectif 70 45 115
% 60,86 39,14 100
(Source : résultats d’enquête)
Plus de la moitié des enquêtés sont des hommes soit 60,86% et les femmes ne
représentent que 39,14%. La faible représentativité des femmes s’explique d’une
part, par leur réticence à aborder le sujet et d’autre part, par leur indisponibilité
dans la mesure où la plupart d’entre elles étaient occupées par les travaux
domestiques lors de nos enquêtes. Par contre, les hommes se montrent plutôt très
intéressés par notre objet d’étude et sont disposés à aborder le sujet avec quand
même quelques réserves.
Tableau N°12
Statut Célibataire Marié(e) Veuf/Veuve Union libre/ TOTAL
matrimonial concubinage
Sexe H F H F H F H F /
Effectif 23 4 40 30 0 2 7 9 115
Pourcentage 32,85 8,89 57,14 66,67 0 4,44 10 20 /
Par sexe
Total des
pourcentages 23,50 60,86 1,73 13,91 100
par statut
matrimonial
(Source : résultats d’enquête)
consommé dans notre contexte social actuel toujours marqué par les stigmates
des traditions ancestrales. L’image de l’homme ou de la femme divorcée est
décriée à tel enseigne que les couples en situation de rupture se rangent du côté
des célibataires. Cela donne lieu aux situations de filles-mère et de pères-
célibataire.
Les mariés sont fortement représentés dans notre échantillon avec un taux de
60,86% dont 57,14% d’hommes et 42,86% de femmes. Les mariages sont soit de
caractères coutumiers, religieux ou administratifs ou, tous les trois cumulés avec
un régime monogamique ou polygamique. Les enquêtés qui sont en union-libre,
c’est-à-dire le concubinage, représentent 13,91%. Cela donne au total, 74,77%
de ménages-foyers. Les célibataires représentent 23,50% et les veuves 1,73%.
Le rapport de la situation matrimoniale avec la santé permet de considérer cette
variable dans la répartition des tâches domestiques. Elle compte beaucoup dans
la prise en charge des problèmes de santé en fonction des ressources du ménage.
Peut-on à cet effet entrevoir des formes de gestions collectives ou personnelles
des besoins de santé en fonction de la typologie du ménage ?
La taille des ménages soumis à notre enquête varie entre deux à plus de quatorze
individus. La taille du ménage est constituée de ceux qui résident dans le ménage
de façon régulière (au moins trois années de séjour régulier. Par cette
considération, 20,87% des ménages comportent 2 à 4 individus ; 57,40%
comportent 5 à 7 individus ; 9,57% comportent 8 à 10 individus ; 6,95%
comportent 11 à 13 individus et 5,21% comportent plus de 14 personnes. Plus de
la moitié des ménages enquêtés comportent cinq à sept personnes. La
convivialité familiale à l’africaine se manifeste bien dans les milieux urbains, là
même où la notion de famille nucléaire tend à être une réalité. La famille élargie
regroupe plusieurs générations au sein de la même concession.
Nous remarquons que 79,13% des enquêtés sont des citadins contre 20,87%
provenant du milieu rural. Dans notre étude, le statut de citadin est acquis par un
individu quand celui-ci a une durée de séjour supérieure ou égale à quinze ans
environ dans la ville de Ouagadougou, ou bien s’il est originaire d’un centre
urbain autre que Ouagadougou. Le temps de séjour requis permet d’identifier
chez l’individu les attitudes et habitudes inhérentes à la vie urbaine surtout quand
il s’agit de la planification des occupations quotidiennes et de la satisfaction des
besoins fondamentaux. Il influence également les interactions humaines et la
mobilisation du capital social et du capital économique. La vie citadine, sans nul
doute est empreinte des attitudes blasées qui influencent énormément les faits,
les gestes, les décisions et les propos dans les rapports interpersonnels. Toutefois
il faut reconnaître que l’automédication n’est pas une donnée géo-spaciale,
toutefois la ville lui confère une caractéristique particulière.
66
Le plus grand nombre de nos enquêtés sont des agents de la Fonction Publique :
20,86%. On y compte un nombre important d’enseignants. Les investisseurs
privés et ceux qui exercent une profession libérale ( Avocats, Huissier…)
représentent 18,26%. Les travailleurs du secteur privé représentent 17,39%, c’est
le même taux pour les scolaires, étudiants et ceux qui étudient dans les écoles
professionnelles. Les travailleurs du secteur informel que sont : les artisans, les
mécaniciens, les commerçants, les charcutiers, etc., représentent 9,6%. Les
ménagères représentent 12,17%. Ceux qui sont admis à la retraite font 1,73%.
Les chômeurs et ceux qui font des activités lucratives de façon ponctuelle
représentent 2,6%.
L’activité professionnelle a un lien particulier avec la conception de la santé,
suivant que les travaux seraient intellectuels ou physiques. C’est une donnée qui
permet de savoir dans quelle mesure l’usage optimum du corps commande une
stratégie thérapeutique en cas de besoin de santé. La quasi-totalité des
professions sont représentées même si c’est à des proportions différentes.
L’enquête a révélé que toutes les catégories sociales sont concernées par
l’automédication.
V-1 Les motifs de la dernière consultation d’un agent de santé (par les
enquêtés entre 1999 et août 2001)
Tableau N°18
Motif de la consultation Effectif %
Pas de consultation depuis au moins cinq ans 34 24,63
Accidents, blessures 3 2,20
Accès palustre, fièvre et céphalées 45 32,60
Maladies digestives 13 9,42
Infection Sexuellement Transmissible 1 0,72
Abcès dentaire 6 4,35
Maladies cardio-vasculaires 10 7,24
Maladies pulmonaires / maladies respiratoires 9 6,52
Abcès sur la peau, Eruption cutanée et démangeaisons 4 2,90
Autres 13 9,42
TOTAL 138 100
(Source : résultats d’enquête)
Il ressort que les motifs de consultation sont très variés. Cependant, 24,63%
n’ont pas consulté un agent de santé depuis plus de cinq ans. Dans cette situation,
la présomption d’automédication est très forte ; même si certains affirment ne
pas être tombés malade depuis ce temps. 32,60 % des enquêtés affirment que la
fièvre et les céphalées ont été les motifs de consultation d’un agent de santé.
9,42% évoquent les maladies liées au tube digestif ; 7,24 % évoquent les
maladies cardio-vasculaires dont l’insuffisance rénale en particulier ; 6,52%
évoquent les maladies pulmonaires. 4,35 % évoquent les maladies liées à la
denture ; 2,9 % citent des maladies cutanées ; 2,20 % évoquent des cas
d’accident ; seul 0,72% affirment avoir été consulter un agent de santé parce que
qu’il souffrait d’une IST. Une proportion non moins importante des enquêtés :
9,42% affirment être allée consulter un agent de santé pour une visite médicale
annuelle, pour des lésions suspectes, des visites prénuptiales, ou en tant
qu’accompagnant, (autres).
72
Tableau N°20
Type de Accueil et Total Thérapie préconisée Total
prestation Consultation
Appréciation Satisfait Non satisfait / satisfait Non satisfait /
Effectif 49 32 81 63 18 81
% 60,50 39,50 100 77,78 22,22 100
(Source : résultats d’enquête)
Tableau N°21
Qualifications des attitudes Effectif %
Attentionné, sympathique, courtois, gentils. 60 36,57
Tracasserie, discourtoisie, autoritarisme. 43 26,22
Discrimination, népotisme, favoritisme. 10 6,10
Escroquerie, racket, corruption. 12 7,31
Hautin, indiscrétion, indifférence. 20 12,20
Autres qualificatifs et les sans avis 19 11,60
TOTAL 164 100
(Source :résultats d’enquête)
négatives au regard des images négatives qu’ils ont pu garder des agents de
santé. Ces souvenirs représentent 51,83% des avis émis par les enquêtés. Ces
appréciations sont purement qualitatives et s’attaquent à des comportements
isolés.
Aussi, certains (26,22%) trouvent que les agents de santé sont autoritaires et
discourtois. Ils manquent de patience face aux patients âgés ou illettrés. Ils ne
font pas un effort d’introspection par rapport aux patients très souvent éprouvés,
ce qui ne manque pas de créer des tensions et des frustrations de part et d’autre.
Cet autoritarisme provoque la terreur chez les patients qui ont de la peine à
expliquer les symptômes de leurs maladies ou tout simplement gardent le silence
sur leur maladie. Dans ce cas, la probabilité d’un échec thérapeutique est très
forte dans la mesure ou une erreur de prescription de médicament est évidente si
l’agent de santé fait également une thérapie présomptive sans examens
médicaux. 6,10% affirment qu’il arrive que certains agents de santé n’observent
pas de rigueur dans l’ordre d’arrivée des patients donnant libre cour à la
discrimination, et au favoritisme. A ce sujet une ménagère de niveau d’étude
supérieur, domiciliée au secteur n°23, âgée de 39 ans disait que :« Quand il sort
(parlant de l’agent de santé) et s’ il voit quelqu’un qu’il connaît, il le fait rentrer
dans son bureau même s’il est derrière tout le monde, il y a des patients qui ne
s’alignent jamais ».
Les rackets et les corruptions sont souvent attribués aux agents de santé. Dans cet
ordre d’idée, un enquêté (analphabète sans emploi domicilié au secteur n°24, 18
ans), affirme : « tant que tu ne donnes pas l’argent, on ne te soigne pas à
l’hôpital ». 7,31% des avis évoquent cette situation. Il s’agit d’une
monétarisation excessive de la santé, les prestations de service surtout, car sur
tout le long de l’itinéraire thérapeutique officiel, de l’argent vous est extorqué de
manière officielle ou officieuse. Que fait-on ? Ou quel intérêt accorde-t-on au
serment d’Hippocrate ? En réalité, les frais de consultation de l’infirmier varient
de 100 à 250 F CFA et ceux pour consulter le médecin généraliste avoisinent
1000 F à 1500 F. Le spécialiste revient encore plus cher que les précédents dans
78
les Centres de santé publics. Ce pendant que les services de santé privés
demandent beaucoup plus de moyens financiers.
Par ailleurs 12,20% affirment que les agents de santé manquent de tact. «Ils sont
souvent distants et arrogants », selon les propos d’une enseignante mariée âgée
de 43 ans habitante du secteur n°13. Cela stipule que les soignants manifestent
une indifférence et un mépris vis-à-vis des malades. Une étudiante âgée de 21
ans tient ses propos en disant qu’ « Ils ne s’occupent du malade qu’après de
longues périodes de causeries entre eux ». Cette attitude caractérise une violation
du serment d’Hippocrate qui est supposé être le code de conduite de tout agent
de santé. Ceci influence incontestablement les fréquentations des Centres de
Santé, car en plus de la charge financière que la maladie impose, il faudra
supporter également les humiliations de la part des agents de santé même si tous
n’agissent pas de la même manière à l’égard des patients. Se soigner à l’hôpital
relèverait d’un parcours de combattant.
Les attitudes décriées des agents de santé trouvent plusieurs explications d’ordre
social, matériel, structurel et éthique ; en cela 11,60% se réservent de blâmer tous
azimuts les agents de santé en évoquant les attitudes parfois déplorables et
déconcertantes de certains patients. La responsabilité est donc partagée, mais ce
climat de tension incite souvent à recourir à l’automédication comme alternative
autant que possible. Quels constats peut-on faire pour le cas spécifique des IST ?
Les IST sont des « maladies honteuses » dit-on. Il est très délicat d’aborder ce
sujet sans se heurter à un mûr de silence. Dans d’autres cas c’est la consternation.
79
Seul un enquêté sur 115 affirme avoir été en consultation parce qu’il souffrait
d’une IST et 16 enquêtés ont gardé le silence sur cette question. Le reste des
enquêtés (98, soit 85,20%) déclare n’avoir jamais été consulter un agent de santé
à cause d’une IST. Ils ne l’ont jamais contracté, ou bien ils se sont soignés eux-
mêmes. Ce constat nous a conduit à rechercher les statistiques sanitaires relatives
aux IST, que nous résumons dans les tableaux n°23 et n°24.
*Le cumule des rapports trimestriels du District Sanitaire de Kossodo : Les cas
d’I.S.T. année 2000
Tableau N°23
Tranches d’âges par sexe [15-19] [20-29] [30-39] 40 et + Total %
____________________
Types d’affections H F H F H F H F
Ulcération Génitale 4 9 33 28 43 26 1 2 146 8,58
Ecoulement Urétal 7 / 155 / 160 / 32 / 354 20,85
Ecoulement Vaginal / 88 / 490 / 215 / 25 818 48,17
Autres Syndromes d’IST 7 28 19 106 51 116 1 52 380 22,40
TOTAUX 18 125 207 624 254 357 34 79 1698 100
(Source : Direction du District Sanitaire de Kossodo).
*Le cumule des rapports trimestriels du District Sanitaire de Kossodo : Les cas
d’I.S. T: 1er et 2è trimestres 2001
Tableau N°24
Tranches d’âges par sexe [15-19] [20-29] [30-39] 40 et +
_____________________ H F H F H F H F Total %
Types d’affections
Ulcération Génitale 6 1 17 15 18 4 6 1 68 6,84
Ecoulement Urétal 9 / 66 / 74 / 19 / 168 16,92
Ecoulement Vaginal / 58 / 289 / 119 / 13 479 48,24
Autres Syndromes d’IST 9 21 49 77 45 38 23 16 278 28
TOTAUX 24 80 132 381 137 161 48 30 993 100
(Source : Direction du District Sanitaire de Kossodo).
Les tableaux ci-dessus montrent que les taux de consultation pour cause d’I.S.T
dans tout le District Sanitaire de Kossodo s’élèvent à 2,38% pour l’année 2001.
Ces taux relativement faibles témoignent quand même de l’existence des IST.
La délivrance des médicaments aux clients par les pharmaciens, joue un rôle très
important dans les habitudes thérapeutiques tant au niveau de l’acquisition que
de la consommation des médicaments. La connaissance des pathologies et des
agents thérapeutiques impose plus ou moins des itinéraires thérapeutiques selon
l’expérience de chacun et du capital de connaissance dont on dispose.
Notre enquête a révélé que 10,43% des enquêtés n’ont pas pu avoir les
médicaments qu’ils ont sollicités aux pharmaciens, sans ordonnance médicale. Il
s’agissait généralement de produits injectables, certains médicaments contre les
maladies cardio-vasculaires, et autres médicaments délicats comme les
anesthésiques, les produits de diagnostic et certains antibiotiques. D’après Dr
Alphred SANDOUIDI (Direction des Services Pharmaceutiques), « le
pharmacien n’a pas le droit de prescrire un médicament à un malade qui se
trouve dans un état grave », il n’a surtout pas le droit de livrer les cardio-
angéilogiques sans ordonnance. Il poursuit en disant que : « son rôle est de le
référer à un médecin pour que le diagnostic soit parfait et que la prise en charge
soit à la dimension de la pathologie ». Dans toutes les officines sur notre site
d’enquête, il arrive que le pharmacien refuse de livrer certains médicaments sans
ordonnance. De l’avis de A. TAPSOBA, gérant de pharmacie au secteur
n°13, niveau d’étude secondaire : «en dehors des somnifères (psycholeptiques,
des psychotoniques et des psychodysleptiques), nous pouvons livrer tous les
85
Sur un total initial de 115 enquêtés, seulement 5 avouent avoir déjà acheté un
médicament pour traiter une IST, dont ils souffraient personnellement. Les
87
avec qui ils sont familiers les accostent dans la rue ou viennent les voir à
domicile pour solliciter le médicament. Tout cela dans le but d’éviter les Centres
de santé.
le remède qu’il sollicite. Toutes les pharmacies sur notre site d’enquête ont
évoqué cette situation. D’après Dr. Aline F. TIENDREBEOGO, pharmacien
agréée (Pharmacie St. Hilaire au secteur n°25), « nous orientons certains
malades qui veulent s’auto soigner vers des spécialistes quand la pathologie est
délicate». Il faut reconnaître que 6,66%, c’est quand même une faible proportion,
ce qui témoigne de la rareté des thérapies guidées par le pharmacien.
Selon 39,25% des avis, le pharmacien ne s’implique dans les actes de
l’autosoignant que quand il est sollicité. Le pharmacien ne se mobilise pour
guider l’autosoignant que quand il est sollicité. C’est le plus fort taux des avis
émis par les enquêtés. Il ne se substitue pas de manière spontanée au médecin en
face des autosoignants. Doit-il le faire, oui ou non, quand il s’agit d’un problème
de santé ? La réponse n’est pas évidente.
L’implication des pharmacies officielles dans les pratiques d’automédication est
liée au non-respect des textes en vigueur sur la délivrance des médicaments au
public, et partant de là, le non respect de la déontologie du pharmacien.
Ce non-respect est dû à la concurrence dans le domaine pharmaceutique. A cause
de laquelle les officines cherchent à maximiser leur profit pour ne pas tomber en
faillite. Cela est également lié à l’attitude des clients dont les moyens financiers
sont limités. Ils cherchent des raccourcis pour se soigner. Même si des
déterminants sociologiques contraignent à l’automédication, faut-il pour cela
ignorer le « serment de Galien » ? Hormis les officines officielles, il y a des
pharmacies parallèles dotées de médicaments de contrebande qui influencent
sans doute le comportement des malades dans leur quête de la santé.
90
malades lui accordent. Cette valeur symbolique est prisée aussi bien par les
marchands de contrebande que les thérapeutes officiels.
D. FASSIN explique cette valeur symbolique du médicament à travers le
processus d’obtention au sein des structures sanitaires officielles (consultation,
ordonnance médicale, officine), il montre le rôle de l’Etat, des laboratoires
pharmaceutiques, des pharmaciens, des agents de santé, de la société en général ;
dans la vente illicite des médicaments. D’après A. K. SOUBEIGA (1992), la
démobilisation des collectivités rurales dans le fonctionnement des soins de santé
primaires officiels est liée à l’émergence des structures non officielles de soins.
La vente illégale des médicaments pharmaceutiques apparaît comme un palliatif
des coûts élevés des médicaments d’officines au regard du faible pouvoir d’achat
d’une proportion importante de la population. Avec 25F ou 100F CFA, on peut
se procurer un médicament pour satisfaire ses besoins de santé.
Plusieurs raisons expliquent la circulation des médicaments de contrebande et
leur vente illégale, nous pouvons toutefois constater que ce réseau de distribution
et de consommation du médicament repose sur des considérations économiques
et symboliques, au regard du caractère contraignant des besoins de santé qui se
manifestent. La vente illicite des médicaments offre un cadre idéal pour
l’automédication. Malheureusement, ni les vendeurs, ni les consommateurs n’ont
généralement pas les compétences médicales requises pour la prise en charge des
maladies. Faut-il affirmer que la consommation des médicaments prohibés,
partant de là, l’automédication est l’apanage des couches sociales
économiquement défavorisées ? Là n’est pas la question. Dans notre présente
étude, il s’agit d’appréhender l’implication du marché parallèle des médicaments
dans les pratiques d’automédications. Dans quelle mesure, la vente illégale des
médicaments non conventionnels ou conventionnels crée un engouement pour
l’automédication ? C’est là, la grande interrogation. Avant de poursuivre la
réflexion sur cette question, voici quelques médicaments que l’on peut rencontrer
sur le marché parallèle.
92
médicaments dans les villes et les campagnes. Parce que la demande de ses
médicaments se fait de plus en plus accrue.
Schéma n°1 circuit de ventes frauduleuses des médicaments.
Médicaments agrées
Dépôts phar- Port d’Abidjan
Aéroport de maceutiques
Ouagadougou et les Port de Lomé
laboratoires
de contrôle
Ouagadougou Kantchiari
villages
Sankansé, Bitou
Koupéla
Bobodioulasso Gaoua Pouytenga
Diébougou Guélwango villages Zabré… villages
Banfora Hamelé
Boromo… Kampti Togo Bénin Niger
Batié…
villages
villages
Côte d’Ivoire Ghana
Les lieux de vente des médicaments prohibés les plus cités sont les marchés de
proximité et les espaces publics en général tels que les gares routières, les salles
de cinéma, les vidéos-clubs et les aires de jeux, soit 30,43%. Les coins de rue,
les six mètres et les entrées principales de la ville ont un taux de citation de
29,57%. Nous trouvons également des contrebandiers sur le pont du barrage n°2
de la ville de Ouagadougou, ce pont est en effet l’axe principal emprunté par les
habitants des secteurs n°23 et 24 pour rejoindre le centre ville, avec un taux de
citation de 10%. Les boutiques de quartier sont aussi citées parmi les points de
vente de médicaments prohibés, soit 6,96%. Il en est de même concernant les
domiciles et les ateliers de travaux informels. Enfin 16,52% des avis trouvent
que les contrebandiers sont partout, ils rentrent même dans les bureaux et se
déplacent de porte à porte.
En définitive, les marchands de médicaments prohibés sont omniprésents dans la
ville de Ouagadougou. Ils investissent les lieux publics, les carrefours, les axes
dont le taux de fréquentation est élevé, de même que les lieux de services et les
résidences. Ils côtoient la population en tout temps et en tous lieux, cette
disponibilité crée une promiscuité qui atténue progressivement le caractère
délictueux de la contrebande, au profit d’une tolérance tacite (fataliste) qui
s’installe. A la limite c’est une dépendance des consommateurs vis-à-vis des
contrebandiers qui se crée et inexorablement, c’est l’automédication qui gagne
du terrain. Qui sont les contrebandiers et comment la population les juge-t-elle ?
Le plus grand nombre des avis émis sur le caractère des marchands ambulants
des médicaments de contrebande (38,73%) remarquent qu’ils sont des jeunes
garçons illettrés et sans aucun niveau d’instruction. Ils ne savent ni écrire ni
déchiffrer parfaitement un alphabet. Ils se réfèrent aux images et les motifs qui
sont sur les emballages des médicaments. C’est leur jeunesse qui attire surtout
l’attention des enquêtés. 20,23% pensent que ce sont des toxicomanes belliqueux
qui sont prêts à faire des rackets. 19,65% des avis considèrent que les
marchands ambulants sont des jeunes déscolarisés, peu instruits et dés œ uvrés.
Par ailleurs, certains relativisent leur état de chômeur en disant que « le
commerce des médicaments est aussi un métier comme les autres » (un tailleur
marié âgé de 34 ans, domicilié au secteur n°27), du moment où celui qui
s’adonne à ce type de trafic y gagne son pain. Il y a des gens qui les trouvent
débraillés et malpropres, visiblement démunis (6,94%). Pour d’autres, les
marchands ambulants sont gentils et courtois. Ils sont amusants, compréhensifs,
et quand vous ne disposez pas suffisamment d’argent pour acquérir un
médicament, ils peuvent vous le donner à un prix forfaitaire ( 8,67% des avis).
Enfin, 5,78% des avis remarquent que même les jeunes filles s’adonnent à la
vente de médicaments prohibés. Les marchands ambulants sont en général, très
verbeux et la situation socio-économique marquée par la pauvreté, offre un
terrain favorable à la vente illicite des médicaments. Cette multiplicité des
points de vue est le reflet d’une multiplicité des caractères des ambulants,
n’empêche que l’on peut retenir qu’ils sont en majorité jeunes et de faibles
niveaux d’instruction. Leur courtoisie est remarquable, et leurs comportements
sont instables : bons ou déplorable en fonction de leurs humeurs, et surtout la
clientèle dont nous proposons d’identifier les caractéristiques.
99
Le bien-être général, tant physique, mental que social, est souvent conditionné
par la prise d’agents thérapeutiques en cas de maladie ou de soupçon de maladie.
Cette exigence est satisfaite grâce aux recours officiels et non officiels. Pour les
recours non officiels nous faisons allusion aux "pharmacies-par-terre" où
abondent les médicaments de contrebande. Sur 51 enquêtés qui ont consommé
les médicaments de contrebande et qui en consomment régulièrement, 94,12%
disent avoir recouvré la santé, ils trouvent que les effets de ces médicaments sont
bénéfiques. 3,92% ont eu des allergies et des effets indésirables. Un enquêté
rapporte dans ce sens que : « J’avais pris un médicament pour ne pas dormir
parce que j’avais prévu un rendez-vous très important ; malheureusement, je me
suis endormi plus tôt que prévu ». Un seul consommateur affirme avoir eu des
complications après qu’il ait consommé un médicament prohibé. L’infirmière
major du CMA de Kossodo (OUEDRAOGO K. Fati, 21 ans d’ancienneté) nous
confie qu’« il est arrivé un jour qu’un patient se présente à elle, souffrant d’une
hémolyse parce qu’il avait consommé des médicaments prohibés ». Il y a des
patients qui sont transportés d’urgence au CMA de Kossodo dans le coma parce
qu’ils ont consommé des médicaments prohibés. Dans ce cas de figure, ce sont
des dépenses excessives qui surviennent. D’après une enquêtée au secteur n°26,
sa voisine avait consommé un médicament douteux dans l’intention de grossir ;
malheureusement ses membres se sont développés excessivement et de manière
disproportionnée à tel point qu’elle a été évacuée à l’hôpital.
Nous remarquons que des témoignages relatifs aux effets néfastes des
médicaments de contrebande sont nombreux mais les victimes se prononcent très
rarement sur leurs propres expériences surtout si elles sont négatives. Malgré les
incidents notifiés çà et là, relevant de la consommation des médicaments de
contrebande, une part importante de la population en consomme toujours et tous
les jours.
102
Pour ceux qui ne consomment pas les médicaments prohibés, 31,25% évoquent
la méfiance et le manque de confiance en la qualité des médicaments, alors ils
n’en ont pas besoin. Selon certains (34,38%) les médicaments de contrebandes
sont des médicaments toxiques et sans effet curatif. A ce titre Dr A.
SANDOUIDI (DSPH) affirme que « les marchands ambulants vendent des
médicaments dont les molécules ne sont pas indiquées suivant les normes de
combinaisons et de dosages ». Ce constat a été fait après l’analyse d’un
échantillon de médicaments confisqués auprès des contrebandiers. Les
conditions de conservation inappropriées, les conditionnements et les posologies
inappropriées expliquent la réticence de certaines personnes face à la
consommation des médicaments illicitement vendus (7,81%). En effet, nous
pouvons réellement constater que les médicaments sont exposés au soleil, à la
poussière et à l’humidité. Pour des médicaments qui ne doivent être conservés
qu’à une température de 20°C au plus, on les voit exposés à même le solsur la
voie bitumée, sous une température de plus de 30°C. Selon 26,56% des enquêtés,
le refus de consommer les médicaments de contrebande s’explique par leur
niveau d’instruction élevé. Ils sont à même de discerner et de prendre
conscience de la nocivité des médicaments prohibés et s’en prémunir. Certains
sont nantis économiquement, et préfèrent une autre source d’approvisionnement
en médicaments, plus crédibles. Enfin il y a les séries d’expériences fâcheuses
d’autres consommateurs qui sensibilisent certains à ne pas consommer les
médicaments prohibés.
L’automédication est un pendant de la disponibilité des médicaments de
contrebande. Au moins 44,35% de nos enquêtés sont sujets à cette pratique par le
biais des marchands ambulants, d’autant plus que le marché illicite révèle une
dynamique particulière qui mérite d’être appréhendée. Il faut toutefois avouer
que ceux qui ne consomment pas les médicaments illicites ne sont cependant pas
à l’abri de l’automédication (nous y reviendrons).
103
cela. De loin nous apercevons les médicaments, et les organes sur lesquels ils
sont susceptibles d’agir en cas de pathologie. Ils vendent les médicaments
illicites comme tous les autres produits de consommation courants. Un étudiant
en pharmacie, 23 ans, évoque cela en disant qu’« on vend les médicaments de
contrebande comme des cacahouètes, c’est flagrant ». En plus, ils s’érigent en de
véritables thérapeutes, avisés de tout et disposant de tous les remèdes. Enfin, le
système de marchandage attire l’attention à hauteur de 25,91%. Les médicaments
sont vendus à crédits : « même si vous n’avez pas d’argent sur vous aujourd’hui
ils vous donnent le médicament, quitte à ce que vous payez un autre jour, cela est
possible dans les boutiques de quartier, même avec les ambulants, il suffit de les
convaincre » (un comptable âgé de 26 ans, au secteur n°23). Nous constatons
également le système de vente en détail et surtout « l’offre selon le pouvoir
d’achat du client ». Les jeunes filles vendent les médicaments dans des cuvettes,
en même temps que des fruits ou des fritures. Le trafic par le biais de
l’information de bouche-à-oreille est très remarquable dans les bureaux et les
ateliers de travaux informels, c’est là que l’on rencontre les consommateurs
réguliers de la contrebande.
La logique de commercialisation des médicaments de contrebande est soutenue
par trois principes.
D’abord, le principe de référence thérapeutique : où les marchands proposent la
gamme de médicaments qui sont à leur portée, de manière verbale ou alors par la
mise en évidence des images qui indiquent les organes du corps que peut soigner
un médicament. En plus, ils sont aptes à vanter les qualités positives d’un
médicament.
Ensuite, le principe de référence étiologique qui renvoie au scénario où le client-
malade expose sa pathologie et on lui trouve le remède. Dans ce cas de figure,
les contrebandiers auront toujours un remède quels que soient la maladie et les
symptômes. Un mécanicien sans niveau d’instruction, au secteur n°27, rapporte
qu’ « ils sont capables de soigner toutes les maladies ».
105
Sur 241 avis émis, 106 soit 43,98% représentant le plus grand nombre des avis,
pensent que c’est l’accessibilité économique des médicaments de contrebande
qui favorise leur consommation. Les gens trouvent que le recours thérapeutique
officiel est plus coûteux. La consultation de l’infirmier coûte au moins deux cent
francs, il faut débourser au moins deux cent cinquante francs pour avoir un
médicament en officine. Cependant avec vingt cinq francs on se procure des
comprimés dans la rue, avec des conseils à l’appui et des rendez-vous en cas de
récidive ou d’échec thérapeutique. Si dans la rue le malade a de quoi calmer sa
douleur et soigner sa maladie, il n’y a pas lieu d’aller trop dépenser avec une
longue ordonnance, si l’on se conforme à la logique des autosoignants. Les
enquêtés posent ici le problème de la prescription rationnelle des médicaments ;
« on se soigne moins cher dans la rue, contrairement à l’hôpital » (une ménagère
de 26 ans, au secteur n°26). Les soins gratuits à l’hôpital sont rares voire
inexistants. Ailleurs, 28,64% évoquent l’accessibilité géographique des
médicaments de contrebande, « partout on les rencontre, si vous vous arrêtez
devant la porte pendant trente minutes vous apercevez au moins un marchand
ambulant » (un élève âgé de 17 ans, au secteur 27). Beaucoup de gens parlent
aussi des livraisons à domicile et sur les lieux de travail : finies les longues
distances pour aller à l’hôpital ou en pharmacie !
Certains enquêtés parlent de l’efficacité des médicaments prohibés comme objet
d’attraction pour les autosoignants (15,35%). Cette efficacité relative s’explique
par le fait que ces médicaments contiennent une dose importante de stupéfiant
d’une part, et d’autre part les quantités de molécules sont souvent excessives
dans les comprimés. Par exemple un comprimé de « BNS 500mg » soigne les
hedaches, les cols dental pains…. Et une gélule de Ibrucaps indique :
analgésique, anti-inflammatoire, antipyrétique ; Drastin 100mg (2 comprimés à
25F) est un analgesic tablette, très prisé par les ouvriers d’après un
contrebandier.
Selon 12,03% des avis, l’implication des "pharmacies-par-terre" dans
l’automédication est liée à certaines considérations sociales. D’une part, les
107
De nos jours, les maladies chroniques et dégénératives dont souffrent les sociétés
urbaines industrialisées sont à l’image de la peste ou la tuberculose d’antan. Elles
sont semblables aux fléaux collectifs qui décimaient nos aïeux. La maladie dans
notre monde actuel, a le visage de la personne altérée par le paludisme, la
diarrhée, d’une autre qui suit un régime alimentaire sans sel ni épices, d’une
troisième qui vit avec un stimulant cardiaque depuis des années ou d’une autre
personne qui vient d’être déclarée séropositive. Dans la société moderne, dite
société organique, la maladie individualisée singularise également les prises en
charge où le malade lui-même est appelé à jouer un rôle important.
La prise en charge individuelle des problèmes de santé par l’automédication est
très fréquente pour les céphalées et la fièvre (51,78%). Disons que les accès
palustres et les coups de soleil font majoritairement l’objet d’automédication.
Les douleurs gastriques sont évoquées à hauteur de 16,07%, comme faisant
l’objet d’auto soin. Les douleurs musculaires et articulaires, ainsi que les besoins
110
érotiques, sont citées à hauteur de 13,10% s’agissant de prise en charge sans avis
médical. Ce taux reflète en quelque sorte, celui de la consommation des
amphétamines. D’autres symptômes non moins importants sont aussi sujets à
l’automédication : il s’agit des maladies chroniques, le manque d’appétit, et les
IST. L’automédication a lieu comme par habitude ou bien pour satisfaire un
besoin ponctuel de santé, n’y a-t-il pas lieu d’identifier le facteur temps dans la
pratique de l’automédication au niveau de nos enquêtés ? C’est à quelle période
les gens ont-ils tendance à faire l’automédication ?
Rappelons que 97,40% de nos enquêtés ont déjà fait l’expérience d’une
automédication, d’une manière ou d’une autre. Au nombre de ceux-ci 48,21%
s’auto soignent fréquemment pendant la saison pluvieuse (été). Effectivement,
dans les pays tropicaux comme le Burkina la saison pluvieuse voit la
recrudescence de maladies endémiques dont le paludisme ainsi que d’autres
maladies fiévreuses et éruptives. Le taux d’automédication pendant l’Hiver
(novembre-février) s’élève à 10,72%. C’est la période des maladies broncho-
pulmonaires, occasionnées par les suspensions poussiéreuses. Pendant la période
de chaleur (mars-mai), le taux d’automédication est estimé à 7,14%. C’est la
111
secteur n°24, affirme que : « quand on est en voyage on a des médicaments sur
soit, en cas de maladie on les prend ». Cela est effectif indépendamment des
traitements médicalisés à long terme. Pour certains, 15,44%, c’est quand ils sont
à court d’argent qu’ils préfèrent l’automédication. Elle est peut-être
approximative mais peu coûteuse. Un enquêté âgé de 41 ans, au secteur n°23
nous confie que : «c’est quand je n'ai pas assez d’argent pour aller consulter le
médecin que je me soigne à la maison. Si ça va, tant mieux, dans le cas contraire
je vais voir un parent ou un ami pour prendre un crédit afin de pouvoir rémunérer
les services du médecin». Selon 41,46% des cas, c’est lorsqu’ « un petit mal
survient que l’on préfère se soigner à domicile plutôt que d’aller à l’hôpital».
Beaucoup pensent que les maux bénins n’ont pas besoin d’être confiés à un
spécialiste, quand bien même il faut reconnaître que toute pathologie a des signes
précurseurs mineurs qui annoncent des complications éventuelles si le malade ne
reçoit pas de soins appropriés. 2,44% préfèrent ou préféreraient se soigner soi-
même s’il s’agit de maladies chroniques ou de maladies incurables. A force de
subir des thérapies dans le cas des maladies chroniques, le malade finit par
acquérir des connaissances sur sa maladie ainsi que les agents thérapeutiques
appropriés. 10,57% pensent qu’ils préfèrent l’automédication quand ils
travaillent sur un chantier. Il s’agit de ceux qui fournissent des efforts
musculaires dans leur activité professionnelle. L’automédication maintient la
cadence du travail et la rentabilité. A ce sujet, être alité serait synonyme de
baisse de productivité et de gain. Selon 7,32%, même taux que les avis relatifs
aux voyages ; l’automédication est préférée en tant que complément de cure et en
cas de récidive de la maladie. Un enseignant évoque cela en disant que : « Je
préfère me soigner quand le médicament prescrit par le médecin est fini alors que
je ne suis pas guéri. J’achète un autre médicament ou bien le même genre qui
l’agent m’avait prescrit, pour continuer le traitement ». S’agissant de récidive,
l’automédication se fait en référence aux produits prescrits au préalable, et le
malade change de produit quand il doute de l’efficacité du précédent. Selon
d’autres avis, l’automédication est préférable en cas de maladie brutale et de
116
besoin urgent de santé. Face aux crises spontanées, l’automédication vient pallier
au pire (8,13%). Dans ce cas de figure les malaises peuvent survenir le jour ou la
nuit, c’est le caractère brutal qui inquiète et incite à l’automédication. Enfin,
d’autres circonstances comme les IST, la prévention d’une maladie quelconque,
et l’indisponibilité des agents de santé sont évoqués. Pour certains, c’est
l’indisponibilité du soignant à certaines périodes qui fait qu’ils sont amenés à
s’auto soigner. Une ménagère au secteur n°13, zone du bois, exprime cela en
disant que : « le week-end quand je tombe malade je préfère me soigner parce
qu’il n’y a pas de médecin à côté ». Cela pose évidemment le problème lié à la
défaillance du système de garde dans les formations sanitaires et
l’indisponibilité des agents de santé (nombre insuffisant).
premiers symptômes d’une maladie. « Sur dix cas de consultations, seul un n’est
pas précédé d’une automédication », dixit Dr. NAPON.
Nous parlons de gestion aléatoire des problèmes de santé en ce sens que
l’automédication ressemble à un tâtonnement et à un traitement approximatif des
pathologies. Il s’agit d’une thérapie risquée qui met en avant le besoin et la
nécessité de pouvoir accomplir les tâches quotidiennes dévolues à chaque
individu. Cela rejoint la conception de la santé suivant la logique des sociétés
traditionnelles paysannes où la survie est conditionnée par les labeurs, les
travaux quotidiens de production de distribution et de consommation. Dans cette
logique, être en bonne santé, c’est pouvoir produire, et l’automédication apparaît
comme un acte ponctuel qui maintient la cadence de la vie quotidienne que la
maladie vient perturbe.
D’après Dr Alfred SANDOUIDI, (pharmacien, responsable de
l’approvisionnement et de l’assurance qualité des médicaments et de la gestion
des officines pharmaceutiques), les études ont montré que les médicaments de
contrebande ne respectent pas véritablement les normes. Soit les conditions de
conservation sont inappropriées par le non-respect des exigences de température
qui précipitent la péremption, soit les doses des molécules indiquées sont
excessives ou insuffisantes, ce qui met en doute leurs principes actifs. Il ne faut
pas négliger les erreurs d’étiquetages et de nomenclature des médicaments qui
sont fréquentes.
L’automédication, quoique appréhendée comme une stratégie quelque peu
aléatoire de prise en charge de la maladie, reste sous tendue par un certain
nombre de facteurs qui favorisent sa mise en œuvre de manière ouverte ou
latente.
121
Evènements :
Situation d’incommodité
Elément perturbateur.
Conclusion
Il y aurait, selon les termes d’Andrãs ZEMPLENI (1985,14-15) cité par
D.FASSIN (1992 : 29), trois réalités distinctes de la maladie : « l’expérience
subjective de quelque chose d’anormal » ; « Un état d’altération biologique
objectivement attestable de l’organisme » ; et « le rôle social du malade »
indiquant respectivement le « illness », le « disease » et le « sikness ». Au-delà
de la correspondance entre trois significations et trois concepts que se sont
appropriés les discours scientifiques, cette distinction met en évidence la triple
dimension qui caractérise la maladie dans toute société : Subjective-Objective-
Rationnelle. Un mécanisme social de gestion de la maladie est mis en place et la
société attribue au thérapeute (médecin, devin, marabout selon les cas) une
capacité et une légitimité à combattre la maladie et à faire reculer la mort.
A ce titre, le malade se confie au thérapeute, l’autorise à diagnostiquer son mal,
accepte ses prescriptions, et rémunère son acte ; il lui reconnaît particulièrement
le pouvoir de guérir. La demande de soins est influencée par la disponibilité et la
qualité des soins. L’insuffisance en la matière entraîne une perte de confiance
des populations vis-à-vis des structures de soins. Cela contribue à la baisse
constante de l’utilisation des services de santé modernes, notamment pour les
soins curatifs, faisant place à l’auto soin ; qui laisse entrevoir une
désorganisation des services sanitaires modernes, et l’apparition d’un nouveau
statut de malade qu’est le soigné-soignant.
Cette attitude d’automédication s’affirme d’autant plus que des facteurs
sociologiques interviennent dans sa mise en œuvre.
L’objet de notre présente étude était de nous démarquer du raisonnement binaire
sur la problématique de l’automédication en référence à sa légitimité et sa
prohibition pour l’appréhender en tant que stratégie thérapeutique influencée par
des facteurs sociologiques. De cette appréhension du phénomène, il s’avère que
la santé reste l’objet de référence par excellence. Les agents thérapeutiques
consommés sont entre autres : les antalgiques, les antihistériques, les
129
BIBLIOGRAPHIE
II - MEMOIRES ET THESES
SOMA, Jacqueline Mélanie; Les mères face aux maladies infantiles: Stratégies
et itinéraires thérapeutiques, cas de la ville de Ouagadougou, Mémoire de
Maîtrise de Sociologie, FLASHS, Université de Ouagadougou, 1997.
135
Enquête prioritaire sur les conditions de vie des ménages, I.N.S.D., 1998.
Plan d'action du District sanitaire de Kossodo / année 2000, D.E.P./ santé, janvier
2001.
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ANNEXES
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