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MINISTERE DES ENSEIGNEMENTS BURKINA FASO

SECONDAIRE SUPERIEUR ET DE Unité - Progrès -Justice


LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE
=-=-=-=-=-=
UNIVERSITE DE OUAGADOUGOU
=-=-=-=-=-=
UNITE DE FORMATION
ET DE RECHERCHE
EN SCIENCES HUMAINES
UFR/SH
=-=-=-=-=-=
Département de S O C I O L O G I E

T H E M E:
BESOINS DE SANTE ET STRATEGIES THERAPEUTIQUES,
LA POPULATION FACE A L’AUTOMEDICATION :
CAS DU DISTRICT SANITAIRE DE KOSSODO
DANS LA VILLE DE OUAGADOUGOU.

Réalisé et présenté par : Sous la direction de :


Roger ZERBO Dr André K. SOUBEIGA
Maître-Assistant

ANNEE ACADEMIQUE 2001-2002


1

Sommaire
Dédicace
Remerciements
Introduction......................................................................................................... 2

Chapitre I. L’approche théorique de l'étude........................................................ 5

Chapitre II. Description de l'espace de recherche ............................................. 41

Chapitre III. Représentation spatiale des enquêtés........................................ 56

Chapitre IV. Profil socio-économique et démographique de la population

d’enquête .......................................................................................................... 62

Chapitre V. L’implication des formations sanitaires dans les pratiques

d’automédication............................................................................................... 71

ChapitreVI. L’implication des officines dans les pratiques d’automédication ... 83

ChapitreVII. Acquisition et consommation des médicaments de contrebande ... 90

Chapitre VIII. L’automédication au rang des recours thérapeutiques ............ 108

Chapitre IX. le Procès de l’automédication .................................................. 113

Chapitre X. Analyse et signification contextuelle de l’automédication.......... 119

X-1 Une gestion aléatoire des problèmes de santé........................................... 119

Conclusion ...................................................................................................... 128

BIBLIOGRAPHIE .......................................................................................... 133

ANNEXES...................................................................................................... 136
2

Introduction
Dans les pays en développement, plus précisément en Afrique au Sud du Sahara,
on constate une évolution qualitative du niveau de vie des populations grâce à
une accessibilité de la population aux soins de santé modernes. Au Burkina Faso,
depuis 1960, les conditions de vie, notamment en matière de soins de santé,
d’hygiène et d’éducation ont connu une amélioration sensible. Cette amélioration
se traduit en partie par une augmentation progressive de l’espérance de vie à la
naissance qui est passée de 32 ans en 1960, à 42 ans en 1975, à 48 ans en 1985, à
52 ans 1991 puis à 53,8 ans en 1996, (INSD, juin 2000), toutefois les milieux
ruraux restent toujours moins favorisés que les milieux urbains.
L’amélioration de la santé des populations grâce à la vulgarisation de la médicine
moderne d’une part, et à la revalorisation de la pharmacopée traditionnelle
d’autre part, se reflète sur le taux brut de mortalité. Ce taux connaît une baisse
depuis les années 1960 passant de 16,4 pour 1000 en 1991 à 15,2 pour 1000 en
1996. Il en est de même du taux de mortalité infantile (un indicateur important
pour l’OMS) qui est passé de 114,6% en 1991 à 107% en 1996 (INSD, juin
2000).
Au Burkina Faso, des unités de recherches biomédicales voient le jour et des
chercheurs s’attèlent à trouver des remèdes à base de plantes médicinales locales,
à l’exemple de l’IRSS (Institut de Recherche en Sciences de la Santé) à
Ouagadougou. On note également un accroissement des infrastructures de santé ;
par exemple entre 1990 et 1994 le nombre du complexe
CSPS/Dispensaire/Maternité est passé de 577 à 628. Par rapport au personnel
médical, même si la norme de ratio définie par l’OMS n’est pas atteinte nous
remarquons une légère augmentation de leur effectif. De 1990 à 1995, en effet, le
nombre de médecins est passé de 314 à 357 ; le nombre d’infirmiers brevetés est
passé de 1078 à 1282 ; le nombre de sage-femmes de 325 à 357 (DEP/Santé).
Des efforts sont entrepris pour améliorer davantage les conditions de vie des
populations burkinabé, en témoignent les Programmes Elargis de Vaccinations
3

(PEV) initiés depuis 1998, les politiques nationales de santé publique soutenues
par des partenaires étrangers et des institutions diplomatiques.
La santé, définie par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) depuis 1954
comme « un état de complet bien-être physique, mental, et social qui ne consiste
pas seulement à une absence de maladie ou d’infirmité », est un droit admis sur
le plan international, les gouvernants ont en effet la responsabilité de la santé de
leur peuple.
En dépit d’une amélioration sensible des conditions de vie des burkinabé, il y’a
une persistance de certaines maladies, rendant précaire l’état sanitaire des
populations. Nous pouvons citer entre autres la méningite, la rougeole, le
paludisme, la fièvre jaune ainsi que des maladies chroniques telles que le diabète
et la drépanocytose. Les IST/VIH-SIDA dont la prévalence est de 7,17% au
Burkina Faso (Conseil National de Lutte S/ONUSIDA, année 2000) représentent
la première cause de mortalité chez les adultes devant le paludisme. Face à cette
situation, la recherche du bien être sanitaire devient une préoccupation
quotidienne pour les Ouagalais en particulier. A travers cette quête de la santé,
apparaissent plusieurs formes de recours thérapeutiques dont l’automédication
perçue comme le choix et la prise de médicaments sans avis médical. Cette
attitude s’écarte des normes médicales de prise en charge de la maladie qui
recommandent l’intervention d’un spécialiste dans le traitement des pathologies ;
cela nous permet d’affirmer avec Blaise Pascal que « la maladie nous change le
sens de l’esprit ».
L’automédication est intégrée dans l’arsenal thérapeutique des ménages. A des
formes, et degrés divers, la grande majorité de la population pratique
l’automédication qui se révèle comme un pendant des réalités sociologiques que
nous nous proposons d’appréhender.
La présente étude s’intéresse uniquement à l’automédication, à base de produits
pharmaceutiques (automédication de type moderne). Qu’est-ce qui entraîne les
gens à s’auto soigner ? Quelles sont les conséquences de l’automédication sur la
santé des individus ? Dans quels cas cette forme de gestion de la maladie est
4

fréquente au sein des ménages ? En quoi les représentations de la maladie


influencent l’automédication ? Telles sont entre autres les interrogations qui ont
milité pour le choix de cette étude.
Nous allons découvrir les facteurs qui influencent cette stratégie thérapeutique en
corrélation avec l’analyse des besoins de santé éprouvés ou exprimés par les
individus dans la société.
La maladie est une déviance, « un facteur perturbateur du fonctionnement
social » selon Talcott PARSONS. Dans bon nombre de sociétés, il est mis en
place un système de gestion collective de la santé qui met en évidence « le rôle
social assigné au malade et le rôle social assigné au thérapeute » M. AUGE et C.
HERZLICH (1984).
Comment peut-on comprendre qu’une personne souffrant d’une maladie en
arrive à se constituer en thérapeute pour elle-même sans avoir les
« qualifications » requises ?
Notre zone d’étude, la ville de Ouagadougou a fait l’objet d’un choix raisonné.
C’est un centre urbain en croissance permanente, 5% par an selon l’INSD
(1996). Il y a une grande diversité de groupes ethnolinguistiques et de catégories
socioprofessionnelles. Sachant que l’urbanisation engendre des préoccupations
relatives à la santé des citadins, notre site de recherche nous laisse sans doute
entrevoir un grand nombre d’évènements relatifs à l’automédication.
La première partie de notre recherche est une analyse théorique consacrée à la
problématique, à l’énoncé des hypothèses de recherche, aux questionnements, à
la définition des concepts et des variables. Elle est essentiellement théorique,
résultant des investigations documentaires.
La deuxième partie est consacrée à l’analyse et à l’interprétation des résultats
d’enquêtes. Elle fait ressortir le profil socio-économique des enquêtés,
l’implication des formations sanitaires et des officines dans les pratiques
d’automédications, le rôle de la contrebande dans l’automédication, enfin une
approche analytique du phénomène d’automédication.
5

Chapitre I. L’approche théorique de l'étude

I. 1 Problématique
I-1-1 Revue de littérature
La revue de littérature consiste à faire un tour d’horizon de la lecture des
ouvrages et autres publications se rapportant à notre objet d’étude. Ainsi, notre
thème traitant de l’automédication, nous avons étendu nos lectures aux recours
thérapeutiques en général accordant une priorité à l’automédication appréhendée
comme l’un des recours thérapeutiques.
*A la demande de Jacques VAUGELADE, alors démographe à l'ORSTOM-
Ouagadougou ( L’actuel Centre d’Information sur la Recherche et le
Développement : CIRD) qui dirigeait une enquête sur la mortalité en pays Goin;
M. DACHER qui elle, fréquentait les Goin depuis 1968 a été chargée de faire
une étude sur les représentations de la maladie dans cette population. Son étude
s'inscrit dans le cadre d'une anthropologie de la santé visant à analyser les
symptômes des pathologies rencontrées chez les Goin, leurs étiologies, les
terminologies utilisées pour désigner les différentes maladies, les traitements
médicaux; en sommes les différents systèmes de représentation de la maladie et
les recours thérapeutiques.
Michèle DACHER (1990) aborde plusieurs aspects relatifs à la maladie dans la
société Goin au Burkina Faso. On trouve des étiologies sociales, des étiologies
surnaturelles et celles relevant parfois d’un désordre biologique. Il y a également
une diversité de nosologies en fonction de l’origine du mal : soit de ses
manifestations ou de sa thérapie.
Nous nous intéressons particulièrement à la dimension thérapeutique de la
maladie chez les Goin dans le village de GOUERA étudiée par M. DACHER.
Dans l’étude des démarches thérapeutiques, elle aborde d’une part les
thérapeutes et de l’autre les thérapeutiques.
Chez les Goin du village de GOUERA, les études de M. DACHER ont montré
que l’itinéraire thérapeutique normal consiste à consulter successivement deux
6

spécialistes dans l’ordre suivant: le guérisseur et le devin. Le premier soigne les


symptômes, le second révèle l’agent et l’origine de la maladie, ainsi que les
réparations nécessaires. Les Goin attribuent aux maladies des origines extra
biologiques, mais ils reconnaissent que l’on soigne les malades avec des
médicaments et non avec des sacrifices. Dans ce cas, on ne va consulter le devin
que lorsqu’on est suffisamment guéri, et l’exécution de réparations étiologiques,
même sommaires ou provisoires accélérera peut-être la guérison.
Selon les Goin, la médecine occidentale semble-t-il, ne s’occupe que de l’aspect
biologique de la maladie. En effet, leur réticence face à la médecine occidentale
s’explique par plusieurs facteurs dont le mauvais fonctionnement de l’institution
médicale caractérisé par le faible niveau de formation de la seule matrone,
apeurée d’être culpabilisée en cas de tragique accouchement et de l’infirmier
imbu du syncrétisme médical (infirmier-guérisseur). Cette situation est aggravée
par l’insuffisance en équipement et consommables médicaux et de la légendaire
confiance placée en la médecine traditionnelle (un seul poste de santé primaire
pour le village de GOUERA et l’hôpital (Radio + bloc opératoire) est à 130km/
Bobo-dioulasso).
Dans le domaine des thérapeutiques, l’étude de M. DACHER montre que les
Goin reconnaissent l’efficacité de la phytothérapie qui n’est pas seulement
limitée à ses vertus pharmacologiques, mais s’accompagne des paroles qui
s’adressent aux défunts pères. De nombreux villageois connaissent des recettes
thérapeutiques et essayent de se soigner par leurs propres moyens. Il y a des
thérapeutiques pour le nouveau-né que toutes les mères administrent à leurs
bébés à titre préventif ou, en tant que fortifiant. Leur composition n’est pas du
domaine des spécialistes ; les femmes se les communiquent de mère en fille et
entre voisines. Les recettes peuvent varier d’une mère à l’autre ; et il faut
reconnaître que les thérapeutiques sont tout aussi fluctuantes que les
sémiologies.
Par ailleurs, malgré quelques similitudes rencontrées dans les comportements
thérapeutiques des populations riveraines des Goin, M. DACHER note que les
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catégories ou les modalités d’application des thérapeutiques ci-dessus évoquées


sont propres à la société Goin. Cette singularité est à mettre en relation avec
certains traits spécifiques de l’organisation sociale car les représentations de la
maladie obéissent à la même logique symbolique, à la même cohérence, que
l’ensemble des faits sociaux.
*Lassana SANFO (1999), étudie le phénomène d’automédication par rapport aux
systèmes de gestion des officines pharmaceutiques dans la ville de
Ouagadougou, en terme d’auto prescription des médicaments sans avis médical.
Il procède par l’observation directe des situations où les clients s’approvisionnent
en médicaments sans être muni d’une ordonnance médicale.
Il révèle que l’acquisition des produits se fait d’une part par la présentation d’un
ancien emballage du médicament voulu; et d’autre part certains se fiaient aux
conseils d’un proche pour s’acheter un médicament réputé efficace et enfin par
rapport à une maladie récurrente.
L. SANFO a déterminé un taux de prévalence de l’automédication (20% ≈),
inventorié quelques médicaments (Amoxiciline (bactéricide), Nivaquine,
Paracétamol, Elixir Parégorique...); quelques symptômes ( Fièvre, maux de
ventre, diarrhée...) ayant fait l’objet d’une automédication. Il identifie les
facteurs favorisant le recours à l’auto prescription, au nombre desquels il y a les
problèmes entre prescripteurs de médicaments et malades, traduits en terme
d’incompétence, de mauvais accueil, et des difficultés d’accès à la consultation,
les difficultés économiques, la honte d’exposer une maladie (dite honteuse).
L’auteur a par ailleurs recensé les mauvais usages faits de certains médicaments
par l' autosoignant par exemple, prendre du paracétamol contre un accès palustre.
L’auto prescription est soit non justifiée soit incompatible avec la maladie.
L. SANFO a touché du doigt les réalités de l’automédication (en réalité ou par
présomption), en montrant le rôle des officines pharmaceutiques dans cette
pratique, à travers le non-respect effectif des normes et des règles qui régissent le
métier de pharmacien et l’octroi des médicaments.
8

Au-delà des considérations pharmacologiques impliquant le fonctionnement des


officines pharmaceutiques, et les considérations médicales, l’automédication doit
être analysée en tenant compte des réalités sociales des populations et des
stéréotypes inhérents à la vie quotidienne des citadins.
*TIENDREBEOGO Aline Flaure (1997) révèle combien l’ampleur du marché
illicite est importante, et combien ce commerce est préoccupant en matière de
santé publique au Burkina Faso. Etudiant le cas spécifique de la ville de
Ouagadougou elle analyse les réalités sociales, économiques, culturelles et
politiques liées à l’existence du marché parallèle des produits pharmaceutiques.
Après avoir établi une esquisse de répertoire des médicaments qui circulent dans
le marché noir, les sources d’approvisionnement et le réseau de trafic, elle
identifie les différentes stratégies d’acquisition des médicaments. En cela, les
marchés illicites sont approvisionnés par les médicaments de contrebande
provenant des pays voisins (Ghana, Togo, Nigeria….) ou de l’Europe, et des
médicaments non prohibés, qui sont frauduleusement déviés de leur destination
légale par le personnel de santé. Ou alors, il s’agit des médicaments restants
après une thérapie ou simplement un individu quelconque qui bénéficie des
prestations des services sociaux, simule un mal dans l’intention de vendre le
médicament qui lui serait prescrit.
Elle estime que l’émergence du marché illicite, explique les pratiques d’auto
prescription et d’auto soin qui ne sont pas sans conséquences sur la santé des
populations urbaines. Les motivations des vendeurs de médicaments prohibés ou
fraudés, sont liées aux difficultés économiques, sociales et à la défaillance dans
l’application des textes réglementant le marché pharmaceutique.
Après une analyse de l'état de santé de la population et une analyse de la qualité
des médicaments illicitement vendus et conscient de la précarité des modes de
conservation et de prescription, il convient de dire qu’autant le médicament peut
être bénéfique à l’homme, autant il peut être dangereux s’il est mauvais,
inadéquat et/ou mal utilisé.
9

*Jacqueline Mélanie SOMA (1997), analyse la réaction des mères face à leur
enfant malade, dans le quartier Wemtenga à Ouagadougou. Elle trouve que
l’éducation scolaire joue un rôle important dans le comportement des mères en
cas de maladie de leur enfant. Ses travaux ont porté sur deux types de formations
sanitaires de statuts différents, dans une option comparative en terme de
fréquentation. Il s’agit d’un CSPS public et d’une formation sanitaire à caractère
religieux à but non lucratif : le Centre médical Saint Camille. Elle évoque les
différentes conceptions des maladies infantiles: la conception médico-moderne,
la conception traditionnelle ; et leur identification par les mères qui détermine
les choix thérapeutiques.
Au sujet des itinéraires thérapeutiques, elle en fait état de plusieurs et fait une
singulière approche de l’automédication. A l’échelle de sa population d’enquête,
"l’automédication" au bénéfice des enfants fait partie des recours thérapeutiques
usuels.
A l’image de L. SANFO (1999), J.M. SOMA a eu le mérite d’expliciter les
itinéraires thérapeutiques et les formes d’exécution de l’auto soin. Il s’agit pour
nous de mettre en exergue les facteurs explicatifs de cette pratique et les
circonstances de son exécution : le pourquoi ?
*Lucien SERI (1996) a abordé dans son étude, le phénomène d’automédication
par phytothérapie, donc de type traditionnel uniquement, pratiquée par la
majorité de sa population d’enquête. Cette automédication consiste à bouillir des
feuilles, des racines et des écorces que les femmes cherchent soit dans la brousse
profonde soit aux abords du village. Les méthodes d’utilisation varient d’une
femme à l’autre et les heures d'utilisations varient en fonction des pathologies.
Il constate qu’il existe trois grands recours thérapeutiques chez les mères dont :
le guérisseur traditionnel, le dispensaire et l’automédication. C’est ce dernier
recours qui occupe une place de choix dans la chronologie des traitements
thérapeutiques en ce sens que toutes les mères l’exécutent sur leur enfant malade,
sans distinction de niveau d’instruction. Les plus instruites l’utilisent comme
10

complément de cure, toutes les mères s’y mettent quand la maladie de l’enfant
est irréversible. C’est le premier recours des mères non lettrées.
Selon les femmes rurales, l’automédication n’a pas de prix car « la nature nous
offre gratuitement les produits pour peu que l’on connaisse leurs propriétés
thérapeutiques ».
La pratique d’automédication n’est pas un acte isolé et fortuit, mais soutenu par
plusieurs facteurs dont l’influence des vieilles femmes imbues de solides
expériences en matières de médecine traditionnelle qui leur semble
irréprochable, et l’influence des habitudes socioculturelles omniprésentes dans
les recoins des villages.
L’auteur a montré l’automédication comme un « itinéraire » thérapeutique
principal en se limitant au type dit traditionnel. Qu’en est-il du type moderne ?
*Claudine HERZLICH et Janine PIERRET (1984) abordent la question de
l’automédication dans la perspective du passage de rôle de soigné à celui du
soignant. La pratique de l’automédication dans la société actuelle s’explique par
la fréquence accrue des maladies chroniques telles que le diabète, l’insuffisance
rénale, le lupus érythémateux, l’hypertension..., faisant apparaître de « nouveaux
malades » de par leur rapport spécifique avec la médecine et les traitements
médicaux. Ces malades chroniques autrefois condamnés, sont soumis de nos
jours à des traitements routiniers qui conduisent à la gestion de la maladie par le
malade lui-même. Grâce à des thérapies régulières et obligatoires pour la survie
du malade, celui-ci acquiert des connaissances sur la maladie, sur son corps,
ainsi que les remèdes appropriés ; lui permettant de moduler lui-même son
traitement et contrôler partiellement son état de santé.
Pour HERZLICH et PIERRET, au moment où il se voit soumis à un
traitement ininterrompu et obligé, le malade chronique peut échapper à la
l’autorité absolue du médecin et se retrouver une certaine indépendance. « Le
malade cesse donc d’être un « soigné » pour devenir un « soignant » soignant de
lui-même » (page 261). Ces auteurs ajoutent que cette forme d’automédication
est rendue possible grâce à l’évolution du savoir médical qui n’est plus l’apanage
11

exclusif du médecin, et du progrès scientifique et technologique. L'action de


l'autosoignant porte en général sur ses organes vitaux (rein, c œur, …) d'où le
caractère contraignant. Il se crée un rapport entre médecin et malade qui se
traduit par « un transfert de savoir et une délégation de responsabilité» . A ce
rythme, les malades chroniques ont un statut particulier donnant lieu à la création
des groupes et associations de malades chroniques dans les pays développés au
sein desquels les membres se soutiennent mutuellement, pour avoir contracté la
même maladie. Ils en viennent par ailleurs à réclamer leur légitimité à
revendiquer leurs droits. Ils oeuvrent pour se donner une image positive dans la
société, et assurer leur intégration sociale par le travail notamment.
Les diabétiques, les dialysés et autres malades chroniques, adeptes de
l'automédication, le sont par la force des choses. Mais cette forme de prise en
charge des maladies par les malades eux-mêmes par la lecture des ouvrages
spécialisés de la médecine et l'usage d'appareils de traitements sophistiqués à
domicile ne sont pas très visible dans les pays en développement comme le
Burkina Faso. Ce qui nous importe dans cette étude, ce sont des cas "d'affections
courantes", à caractère spontané, épidémique ou endémique. Les auteurs
reconnaissent que la substitution du médecin par l'autosoignant n'est pas
exclusive, il faut parler d'une automédication médicalisée. Le recours au
professionnel de la santé est un impératif auquel doit obéir régulièrement
l'autosoignant, même si c'est pour simplement l'aviser. Il y a dans ce cas un suivi
médical de l'autosoignant. Dans cette situation, « l'autosoignant ressent qu'il ne
peut, quoi qu'il en soit, se passer de la médecine et des médecins » (page 268).

Après avoir fait le tour d’horizon des littératures sur les habitudes thérapeutique,
nous allons appréhender les facteurs d’émergence et la pratique de
l’automédication essentiellement à base de produits pharmaceutiques modernes
par des personnes adultes et des adolescents.
12

Bien que cette revue de littérature ne soit pas exhaustive, soulignons que
l’automédication est une réalité qui fait partie de l'habitus1des individus et elle
sévit au sein de la communauté comme un enjeu important en matière de santé
individuelle et publique. La transformation du monde ambiant, de
l’environnement socio-économique entraîne une mutation d’une ampleur
imprévisible dans les comportements individuels et collectifs. Or, les besoins de
santé se sont accrus, notamment dans les centres urbains qui pourraient avoir un
impact significatif sur les stratégies thérapeutiques.
De nos jours, comment faut-il comprendre l’acuité du phénomène
d’automédication quand on s’accorde généralement à dire que le traitement des
pathologies de l’homme relève de la compétence d’un spécialiste en la matière ?
Quelle fraction ou quel pourcentage de tolérance, s'il y a lieu, peut-on accorder à
l’automédication ?
Nos investigations, nous l’espérons, apporteront davantage des éclairages à ces
interrogations.

I-1-2 Enoncé du problème


La santé, appréhendée comme un état de bien être physique, une plénitude
mentale et sociale, est très importante pour l’humanité contrairement à la
maladie qui traduit le malaise de l’individu dans son rapport avec
l’environnement physique et la société. Chaque société mobilise des ressources
économiques, sociales et culturelles, techniques et humaines en vue de satisfaire
les besoins de santé exprimés par les uns et les autres.
Les avancées technologiques et cybernétiques, sont matérialisées par
l’acquisition de scanner et d’appareil de dialyse permet de diagnostiquer et de
prendre en charge au mieux certaines pathologies. Toutefois les conditions

1-Habitus : 1-Aspect extérieur du corps, du visage indiquant l’état de santé d’un sujet (le Petit Larousse illustré, 1996)
2- culture idéal de vie. Dispositions de l’individu acquises par l’éducation qui l’amène à se conduire
selon les normes de son groupe. (Eléments de sociologie ; H. MENDRAS, 1996)
3- Terme essentiel dans le courant de sociologie animé par Pierre BOURDIEU, qui désigne le
système de dispositions durables acquis par l’individu au cours du processus de socialisation.
Principe générateur des pratiques et des représentations, permettant à l’individu de construire
des stratégies d’actions. ( nous nous penchons plus pour cette conception)
13

d’accessibilités ne sont à la portée que d’une minorité des patients. La chirurgie


fait des progrès considérables (transplantation d'organes) et les produits
médicamenteux se multiplient davantage.
Les trouvailles de la médecine moderne sont inédites certes, mais les besoins de
santé se font de plus en plus pressants, les maladies deviennent plus chroniques
et plus meurtrières dans les pays en voie de développement dont le Burkina Faso.
La pandémie du VIH/SIDA, les accès palustres, les épidémies de méningite, de
choléra, la rougeole, la fièvre jaune, et l'hépatite B, (…) ; rendent précaire l'état
de santé des Burkinabé.
Les faibles ressources économiques alliées aux mauvaises conditions climatiques
au Burkina Faso influencent négativement les conditions de santé des
populations. Compte tenu du surenchérissement de la vie à Ouagadougou, depuis
la dévaluation du franc Cfa en janvier 1994 et la pauvreté légendaire du Burkina
Faso (169ième /173 selon le rapport 2002 du PNUD sur le développement humain
durable), comment se soigner sans grands moyens alors que la maladie se vit au
quotidien ? La maladie, c'est la compagne de tous les jours. Il n'y a pas de repos
pour la population encore moins pour les chefs de ménages. Toutes les
gymnastiques et les ruses sont mises en œuvre pour s'approprier les médicaments
dans les rues, dans les hôpitaux, auprès des officines pharmaceutiques à moindre
coût.
A force de vouloir chercher les coûts les plus bas et de brûler les étapes dans les
recours thérapeutiques, ne finit-on pas par courir des risques ? Dans une
perspective d'appréhension du phénomène d'automédication, la présente étude
situe les problèmes à plusieurs niveaux:
*Sur le plan institutionnel, les formations sanitaires et paramédicales souffrent
d’un dysfonctionnement et du non-respect des normes de réglementation en
vigueur. Les individus rebutent ou fréquentent tardivement les services de santé
parce qu'ils sont soit soumis à de longues heures d'attentes avant d'être consultés
ou parfois mal accueillis. On y récolte le plus souvent un chapelet d'ordonnances
et de bulletins d'examens onéreux. A la limite, c'est la compétence et la régularité
14

des agents de santé qui sont mises en cause, c'est ce que révèlent les études de
Michèle DACHER (1990) dans la société Goin.
*Dans les officines pharmaceutiques, c’est le mercantilisme en ce sens que les
médicaments sont parfois livrés aux clients sans leur exiger une ordonnance.
Dans la ville de Ouagadougou, des clients acquièrent les médicaments auprès des
officines suite à la présentation d'un ancien emballage ou en donnant le nom du
produit recherché (entre autres moyens d’acquisition), (L.SANFO,1999).
*Nous assistons de plus en plus à l'émergence d'un réseau de vente illicite de
médicaments de contrebande dont les modes de conservation et de prescription
laissent à désirer (TIENDREDEOGO F.A..,1997). Comment se fait-il que dans
les officines pharmaceutiques nous assistons à l'auto prescription des
médicaments ? Les IST ou maladies dites honteuses selon le vocable de L.
SANFO font-elles réellement l’objet d’auto prescription de médicaments et auto
soin ?
Actuellement, l'heure est à la prolifération des produits médicamenteux sur les
marchés de proximité (espaces publics aménagés dans les quartiers en vue de
faire du commerce des légumes, des vêtements, des produits de première
nécessité, c'est en somme le siège des activités du secteur informel) et la
population s'en procure pour satisfaire ses besoins de santé ponctuels ou
récurrents. Ces produits sont parfois livrés dans les domiciles, et surtout dans les
rues avec les marchands ambulants.
Toutes ces formes d'acquisition relativement faciles des médicaments laissent
libre cours à l'automédication des maladies bénignes et des IST. Et suivant les
représentations sociales, les IST touchent à la réputation des victimes quand elles
sont dévoilées. Aujourd'hui, plus que jamais, pour la majorité des Ouagalais, se
soigner est devenu un sujet d'incertitude; l'attitude des agents de santé, l'état des
équipements sanitaires, les officines pharmaceutiques entre autres, sont mis à
rude épreuve.
Comment élucider les thérapies entreprises par les malades eux-mêmes, de leur
propre chef, et pour leur propre besoin? En d'autres termes, quelles analyses
15

peut-on faire de l'automédication au regard des réalités sociologiques dans la


ville de Ouagadougou, quelle logique interactive peut-on déceler à travers ce
comportement ? La présente étude a la charge d’expliciter ces réalités.

I-1-3 Domaine de recherche


Une recherche menée dans le domaine sociologique gagnerait à être mieux
approfondie, si elle s’inscrivait dans un champ sociologique spécifique. Dans le
cas présent, notre domaine privilégié de recherche est la sociologie de la santé :
* L’étude s’inscrit dans ce champ pour les raisons suivantes :
Primo, notre sujet de recherche évoque un fait lié à la santé au sein des ménages,
et il est question des enjeux qu’il y a dans les cas d’automédications face à un
besoin de santé.
Secundo, notre investigation touchera aux centres médicaux, aux institutions
paramédicales et aux dépôts pharmaceutiques à travers l’analyse de leur
fonctionnement.
Toutefois, nous aurons également à faire appel à certaines théories émanant
d’autres champs sociologiques pour étayer l’analyse du comportement des gens
face aux besoins de santé éprouvés par les uns et les autres. Ces champs sont
entre autres :
*L’Anthropologie du changement social, dans la mesure où nous nous référons à
certaines notions émanant de ce champ pour analyser les attitudes des
populations face à la médecine moderne, dont les services sont de plus en plus
sollicités dans un contexte d’urbanisation galopante avec une spécificité au
Burkina Faso. ( Une médecine et une pharmacologie de plus en plus
mercantilisées).
*La sociologie urbaine dans une large mesure, parce que nous avons affaire à un
centre urbain. On admet que la population citadine développe un rapport
particulier entre les besoins de santé et les recours thérapeutiques.
L’automédication dont l’ampleur est considérable, mérite d’être étudiée en tenant
compte des réalités sociales et des besoins vitaux des populations urbaines.
16

Notre étude reste finalement une investigation sociologique qui vise à


appréhender les enjeux entre le besoin de santé et l’automédication pratiquée par
les populations et la logique qui sous-tend ce comportement.

I-1-4 Questions de recherche


a) Question principale.
Qu’est-ce qui explique le fait que dans une situation de maladie, ou pour un
soupçon de maladie, les gens se livrent à la pratique de l'automédication?
b ) Questions annexes.
Pour mieux cerner notre objet d’étude, et prendre en considération plusieurs
aspects relatifs au phénomène d’automédication, nous envisageons quelques
interrogations secondaires à savoir :
→ Dans quelle mesure le fonctionnement des centres médicaux et le système de
gestion des dépôts pharmaceutiques créent-ils une disposition favorable à
l’automédication ?
→ Quel rôle joue la vente illicite des médicaments de contrebande dans les
pratiques d’automédication ?
→ Quelles sont les symptômes de pathologie pour lesquels les gens sont plus
enclins à pratiquer l’automédication ?

Ces questions feront l’objet d’études et d’analyses approfondies à partir des


travaux d’investigations documentaires et des enquêtes sur le terrain.

I-1-5 Objectifs de la recherche


Le but d’une recherche sociologique, selon Théodore CAPLOW (1972) est de
produire un cadre théorique d’explication rationnelle des phénomènes sociaux en
mettant en exergue les facteurs explicatifs des réalités sociales.
Notre présente étude a la vocation d’une recherche fondamentale au sens de
DURKHEIM. E. Elle consiste à appréhender les causes profondes d’un
phénomène social.
17

L’objectif principal poursuivi par la présente étude est d’analyser les différents
facteurs qui engendrent l’automédication au sein des ménages dans la ville de
Ouagadougou, singulièrement au niveau des individus.
Au nombre de nos objectifs secondaires, nous voulons, à partir des composantes
de la réalité sociale :
*Appréhender dans quelle mesure le mode de gestion et le fonctionnement des
institutions médicales et paramédicales encouragent l’automédication ?
*Elucider l’influence du marché parallèle et de la vente illicite de médicaments,
sur les habitudes thérapeutiques.
*Appréhender enfin les besoins de santé ou alors les types de
maladies/symptômes face auxquels la propension pour une automédication est
grande.

I-1-6 Intérêts de la recherche


Les activités pratiques de recherche et d’investigation que nous entreprenons
pour atteindre nos objectifs visés dans cette étude déboucheront à la production
des connaissances utiles à plusieurs titres.
La caractéristique d’une recherche fondamentale attribuée à notre étude
permettra de satisfaire la curiosité intellectuelle qui nous anime en tant que
sociologue, à travers l’étude systématique du comportement du groupe
domestique (ménage) et celui de l’individu, face à la maladie. Il nous sera donné
de cerner la dimension sociale et sociologique de l’automédication, au-delà de
son caractère biomédical et pharmacologique.
Notre étude vise également à élucider les enjeux liés à la santé publique face à
l’émergence du marché noir de médicaments pharmaceutiques, qui prend de
l’ampleur (auquel la population accorde de plus en plus un intérêt particulier).
Les décideurs politiques pourront mettre en place un mécanisme de gestion et de
contrôle de la commercialisation et de la consommation des médicaments et des
consommables médicaux. Les agents de santé et leurs auxiliaires seront invités à
18

observer plus la déontologie de leur métier, en honorant leur engagement face


aux serments d’Hippocrate et de Galien2

I-1-7 Hypothèses de recherche


Pour entamer les investigations, nous émettons un certain nombre d’hypothèses
qui sont des présomptions de faits, à partir desquelles nous menons notre travail
de recherche. Les hypothèses, selon Théodore CAPLOW (1972) sont des
énoncés d’une relation de cause à effet permettant la vérification empirique.
Dans notre étude, elles sont de deux ordres : une hypothèse principale qui fait
appel à d’autres conjectures subsidiaires.

a) Hypothèse principale
La pratique de l'automédication est influencée par des facteurs d'ordre
institutionnel, économique, et les représentations que les gens ont vis-à-vis de
certaines maladies.

b) Hypothèses secondaires
1 • Les attentes fastidieuses des patients dans les formations sanitaires et le
non-respect effectif des normes de délivrance des médicaments dans les officines
pharmaceutiques incitent à la pratique de l'automédication.
2 • L’existence du marché illicite de médicaments crée un engouement
pour l’automédication parce que les médicaments et les consommables médicaux
y sont livrés au gré du client et en fonction de sa bourse.
3 • Le recours à l’automédication est fréquent dans le cas des maladies
dites courantes et /ou d'une Infection Sexuellement Transmissible (IST); parce
que, d'une part la gravité de la pathologie est négligée et d'autre part les victimes
d'IST éprouvent un gène à recourir à un thérapeute.

2-Voir annexe 2 pour l’intégralité des Serments.


19

I-2 –Identification des variables


« Aucune science ne vise son objet dans sa plénitude concrète. Elle choisit
certaines de ses propriétés et s’efforce d’établir des relations entre elles. La
découverte de telles lois représente la fin ultime de toute recherche scientifique »
(Paul LAZARSFELD et R. BOUDON, 1965 : 3).
En sociologie, l’identification des propriétés adéquates est en soi un problème
essentiel, « on nomme parfois ces propriétés aspects ou attributs et l’on emprunte
souvent le terme « variable » aux mathématiques ». Dans notre recherche, nous
identifierons trois types de variables.

I-2-1 Variables relatives au milieu d’enquête


C’est un ensemble d’éléments observables sur le terrain d’enquête que nous
prenons en considération dans l’appréhension de notre objet d’étude. Ces
éléments ont trait à l’aspect géographique, aux infrastructures et aux
équipements. Elles nous permettent de localiser nos enquêtés, et d’avoir une idée
sur la configuration de notre site d’enquête :
A°) Le secteur
B°) Le type de zone d’habitation : (Zone populaire ou résidentielle)
C°) Proximité des infrastructures sanitaires.
D°) Les marchés de proximité.

I-2-2 Variables relatives aux personnes enquêtées


C’est un ensemble de caractéristiques sociales qui nous permettent d’identifier
les ménages et de contrôler le profil des personnes soumises à nos
questionnaires. L’analyse de ces variables permet d’établir une corrélation entre
le statut de l’enquêté et le phénomène étudié, à savoir l’automédication. Il s’agit
de :
A°) L’âge, Le sexe,
B°) La situation matrimoniale
20

C°) La taille du ménage


D°) Le milieu d’origine
E°) Le niveau d’instruction
F°) La profession

I-2-3 Variables relatives au phénomène étudié


Ce sont des éléments qui permettent de prendre la « mesure » des dimensions du
phénomène selon le vocable de Paul LAZARSFELD (1965). Ce sont des
variantes dont l’observation minutieuse permettra de connaître leur degré
d’implication dans l’avènement du phénomène d’automédication. Loin de
prétendre à l’exhaustivité, compte tenu de la complexité des faits sociaux, nous
identifierons quelques variables, notamment celles pour essentielles en vue
d’analyser notre objet d’étude. Nous nous intéressons par exemple aux éléments
suivants :

Variable A°) Le service médical


Indicateurs : -les périodes d'activités des services médicaux
-les types de consultations effectives et possibles
-les types de traitements disponibles
-la prise en charge gratuite
-l'efficacité des traitements.

Variable B°) La gestion des officines pharmaceutiques


Indicateurs: -les périodes d'activités
-les types de médicaments vendus
-les caractéristiques du personnel
-les conditions de livraison des médicaments
-l'observance des principes déontologiques.
21

Variable C°) La vente illicite des médicaments


Indicateurs: -les circuits d'approvisionnement et de distribution
-les caractéristiques des vendeurs
-les conditions d'achats pour le consommateur
-les types de médicaments vendus
-les conditions de conservations
-la rentabilité.

Variable D°) Besoin de santé et automédication


Indicateurs: -l'étiologie de la maladie
-le degré d'infection de la maladie
-l'itinéraire thérapeutique approprié
-l'occupation du malade / son activité
-la nosographie de la maladie
-influence de l'entourage.

Variable E°) La pratique de l'automédication


Indicateurs: -les raisons de cette pratique
-les formes d'automédication
-son impact sur la santé des individus
-les acteurs
-indice de présomption.

Variable F°) Qualité de l’accueil dans les formations sanitaires


Indicateurs: -temps d’attente
-le personnel d’accueil
-temps de consultation
-programmation des rendez-vous
-les routines administratives.
22

I-3 Conceptualisation
« La conceptualisation (...) constitue une construction abstraite qui vise à rendre
compte du réel. A cet effet, elle ne retient pas tous les aspects de la réalité
concernée mais seulement ce qui en exprime l’essentiel du point de vue du
chercheur. Il s’agit donc d’une construction-sélection » Raymond QUIVY et Luc
Van CAMPENHOUDT (1995). Selon ces auteurs, sans la conceptualisation, la
recherche se perd dans le flou et l’imprécision.
Afin de mettre en exergue l’acception que nous donnons aux concepts que nous
utilisons, nous nous sommes attelés à répertorier quelques-uns uns et mentionner
le contenu que nous leur donnons. Il s’agit de :
* Automédication *Médecine moderne
* Besoin de santé *Médecine traditionnelle
* Maladie *Santé
* Ménage *Stratégies thérapeutiques
Selon Janine LAGNEAU3, l’obligation de rigueur de la recherche a pour
première exigence, une claire formulation des concepts et pour seconde
exigence, un choix convenable des indicateurs avec lesquels le sociologue
appréhende la réalité qu’il étudie. Nous avons donc procédé à la définition de
quelques concepts qui aident à reconnaître les données en précisant ce qu’elles
incluent et ce qu’elles excluent. NB : (*) : renvoie aux définitions usuelles.
(**) : renvoie aux définitions contextuelles.
Automédication
* L’automédication caractérise toute attitude de prise en charge par une personne
quelconque de ses problèmes de santé. Elle se fait à travers l’utilisation d’agents
thérapeutiques, sans consulter un praticien spécialisé, un principe médical
suggérant que tout problème de santé humaine soit confié à un spécialiste,
d’après Alphonse SANOU (1997).

3-cité par ZAGRE (A) Maître de Conférence à l’Université de Ouagadougou ;Initiation à la recherche en
Sociologie, Presses Universitaire de Ouagadougou, Décembre 1999, page 56 .
23

* C’est l’emploi spontané d’agents thérapeutiques pour répondre à une situation


déterminée. Ce comportement vise à traiter une situation pathologique réelle ou
imaginaire par des médicaments choisis sans avis médical. ( Vénulet J, Schulz P;
in l’automédication: médicament hygiénique, 1976; 34 : 443-446 ; cité par
Lassana SANFO, (1999) ).
* L’automédication consiste à prendre des médicaments sans avis médical. Le
patient ou un membre du groupe domestique s’érige en thérapeute « il
s’affranchit formellement d’une dépendance à l’autorité du praticien prescripteur
tout en puisant la plupart du temps dans la science médicale des éléments de
diagnostic ou de thérapie dans la tradition populaire ou les représentations de la
maladie et de la santé » (SOUBEIGA André K, thèse de Doctorat de Sociologie
(1992 : 252 ).

** Nous prenons acte des définitions ci-dessus, qui traduisent les différentes
conceptions de l’automédication. Pour le cas spécifique de notre étude, nous
dirons qu’elle caractérise une situation dans laquelle une personne entreprend
d’acquérir un médicament pharmaceutique et de se faire un traitement médical
sans aviser un spécialiste en la matière. C’est un traitement dirigé par le malade
lui-même dans l’intention de se soigner d’une maladie dont il souffre, ou qu’il
soupçonne. C’est une forme autonome de soin où le patient devient lui-même
son propre médecin, c’est une thérapie présomptive sans assistance médicale.
Indicateurs: -l’absence de consultation
-l’auto diagnostic
-la demande de médicament à un proche
-l’achat de médicaments sans ordonnance
-l’achat de médicament de contre bande
-le choix délibéré de posologie
-le changement de traitement et de produit sans avis médical.
24

Besoin de santé
Que peut-on entendre par le terme « besoin » ?
* Selon le Dictionnaire Universel (1995), le besoin est une sensation qui, pousse
les êtres vivants à certains actes qui leur sont ou leur paraissent nécessaires.
* Selon le Dictionnaire Universel de Poche, Hachette (1992); le besoin est un
manque de ce qui est ressenti comme désirable ou nécessaire. Un manque de ce
qui est indispensable à l’existence humaine, donc ce qui est vital.
* La vie de tout être humain est caractérisée par un certain nombre de besoins
qui conditionnent son comportement vis-à-vis des choses et de son entourage.
D’après le Dictionnaire critique de la sociologie (1982), chez les animaux, on
observe un comportement de quête lorsqu’ils viennent à être privés de nourriture,
d’abris, de partenaire sexuel, etc. La possession de ces choses désirées est une
source de jouissance et de satisfaction. La privation peut s’accompagner de
conduite d’agression contre les obstacles qui bloquent l’accès au bien voulu.
Selon Thomas Robert MALTHUS (1766-1834), économiste britannique, auteur
d’un Essai sur le principe de population ; si un besoin aussi essentiel que la
nourriture par exemple, n’est pas satisfait, les hommes se tueront pour s’arracher
le pain à la bouche. Comprenons que les besoins de l’homme ne sont pas tous de
nature matérielle, il a aussi besoin de collaborer avec ses semblables. La
hiérarchie des besoins dépend des conditions de vie des hommes, de leur
personnalité, et de leur statut social et économique.
* Les hommes ont des besoins fondamentaux en fonction de l’environnement
physique et des conditions socioculturelles : se loger, se nourrir, se vêtir,...
-Une première partie de ces besoins a un caractère biologique dont la satisfaction
est indispensable à la survie : elle s’exprime en terme de calories qu’il faut
absorber au minimum et d’effectuer sans difficultés un minimum de gestes
physiques sous peine de disparaître de la terre.
-Une seconde partie a un caractère psychosociologique, elle prend de plus en
plus d’importance de nos jours. Elle est influencée soit par les habitudes du
système culturel et social auxquelles les hommes appartiennent, soit par la
25

domination du système de production et de valorisation des produits (la publicité


crée l’engouement pour tel ou tel produit).
A tout moment, les hommes placés devant les besoins vont s’efforcer de les
satisfaire grâce à des biens : l’eau apaise la soif, la télévision distrait et informe,
les médicaments soignent…
Il existe donc des biens matériels et immatériels, les uns sont par exemple le
pain, la voiture, la maison etc. et les autres sont appelés services : déplacement
en taxi, consultation médicale etc. ( Alain GELEDAN et al (1994 :27) )
* Au sens économique, le besoin est le désir d’un bien ou service connu,
considéré par celui qui le ressent comme capable de lui apporter une satisfaction.
* D’après Madeleine GRAWITZ (1999), le « besoin » est un terme ambigu mais
qui occupe une place importante dans les sciences sociales.
* En psychologie, on parlera de tension de l’organisme provenant d’un manque
(la soif ou la faim). Sur le plan physiologique, le besoin implique la nécessité
d’un retour de l’équilibre. Sur le plan psychologique, la notion de besoin de
stimulation est aussi fréquente que celui de régulation, il s’agit avant tout d’une
insatisfaction.
*En Anthropologie, il y a des besoins physiologiques propres à l’espèce
humaine, mais leur façon d’être satisfaits varie suivant les cultures.
* Le Fonctionnalisme de MALINOWSKI Bronislow (Anthropologue britannique
d’origine polonaise : 1884-1942) repose essentiellement sur la théorie des
besoins. Pour lui, chaque institution sociale remplit une fonction bien définie qui
satisfait un besoin spécifique : le besoin de sécurité (l’armée), le besoin de
reproduction de l’espèce (mariage), le besoin de socialisation (le système
éducatif), le besoin de santé (l’hôpital), le besoin d’alimentation (l’art culinaire et
la chasse).
* En psychanalyse, le besoin est purement organique et ne peut s’exprimer qu’à
l’état pur. Ce sont la pulsion et le désir, qui se manifestent dans le psychisme.
* Ailleurs selon Gilles FERREOL et al (1995), le besoin au niveau le plus
élémentaire est un sentiment de manque ou de privation. Il existe une distinction
26

classique entre « besoins primaires » et « besoins secondaires » . Les uns


permettent à un individu ou à un ménage de subsister (manger, dormir, se
soigner, se loger…), les autres paraissent parfois superflus, résultant d’un
conditionnement social (le luxe, la danse…).
* D’après Catherine M. T. OUEDRAOGO (1994) le besoin de santé c’est ce
qu’il faut pour rester en bonne santé. Ses enquêtés l’expriment en des termes
comme : avoir une bonne hygiène de vie ; consulter un médecin en cas de
besoin ; avoir des bons soins et une éducation en matière de santé, des entretiens
avec les agents de santé; l’institution de visite médicale annuelle pour tous; etc.

** Dans le cadre de notre étude nous entendons par « besoin de santé » , une
situation dans laquelle une personne éprouve des douleurs et/ou manifeste des
malaises, qui affectent son état d’âme. Cette situation témoigne d’un
dysfonctionnement de son organisme intriguant parfois son entourage.
Indicateurs: - la température du corps, anormale
- une sudation inhabituelle
-L’amaigrissement
-une perte d’appétit
-L’insomnie
- les gémissements
-les courbatures
-les vomissements.
Maladie
Une approche synthétique de la conception de la maladie, à partir de la lecture de
l’ouvrages de F. LAPLANTINE (1984) et celui de M. AUGER et al. (1984),
pour ne citer que ceux-là, nous permet de mener la réflexion suivante :
En parcourant la littérature produite sur la maladie, nous nous apercevons qu’il
est délicat de définir strictement la maladie certes, mais l’idée de maladie de
manière générale renvoie à l’infortune, qui qualifie tout événement malheureux.
De plus, chaque société définit et interprète la maladie en fonction de ses
27

représentations sociales. On entend par représentation sociale « une forme de


connaissance, socialement élaborée et partagée, ayant une visée pratique et
concourant à la construction d’une réalité commune à un ensemble social» ;
d’après D. JODELET (1989) citée par G. FABRE in Epidémiologie et
contagion : L’imaginaire du mal en occident, PUF, 1ère édition Paris octobre,
(1998:31).
*Les formes élémentaires de la maladie dans une réflexion étiologique, sont
identifiées suivant des modèles de construction sociale autour de la maladie.
(1) Le modèle exogène, où la maladie est conçue comme une invasion de
l’organisme par un corps étranger, qui peut être réel ou symbolique. A l’origine
on cite les puissances anthropomorphiques, la nature à travers ses composantes
physiques et chimiques, et enfin les phénomènes culturels. La victime ne
participe en rien à la genèse de sa maladie, elle subit. La maladie s’inscrit dans
un facteur extérieur qui agresse l’individu.
(2) Le modèle endogène, où la maladie est censée résider dans l’individu, elle ne
lui est pas étrangère dans ce cas. La maladie vient de l’individu lui-même qui
aurait des prédispositions naturelles pour son développement. La maladie n’est
plus un rapport d’extériorité mais un rapport d’intériorité ; elle est causée par un
traumatisme, une psychose, une sécrétion déséquilibrée des hormones.
(3) Dans le modèle additif, la maladie est la résultante d’une suplémantarité. On
souffre de quelque chose de superflu dans les composantes de l’organisme (excès
de sucre ou de sel par exemple). On parle également de la présence d’un agent
pathogène dans le corps (microbes ou parasites) ou d’un agent persécuteur (un
génie).
(4) La maladie est enfin la manifestation d’un manquement selon le modèle
soustractif. C’est une absence constatée par l’organisme, le malade souffre d’une
chose en moins qui handicape le fonctionnement de l’organisme ; on parle d’une
étiologie de soustractivité.
*Dans la conception anglo-saxonne, la maladie est désignée par trois termes à
savoir : Disease , Illness, Sickness.
28

Le disease correspond à une vision médicale, un diagnostic médical de la


maladie. C’est le médecin qui identifie et nomme la maladie. Ici on appréhende
la maladie comme une réalité biophysique, qualifiée par une altération
objectivement attestable de l’organisme. Il s’agit de la maladie du médecin.
Le illness, c’est l’expression subjective du mal-être éprouvé par l’individu. C’est
la vision psychologique de la maladie. C’est la réalité physique d’une
expérience individuelle plus ou moins douloureuse ou invalidante. Il s’agit de la
maladie du malade.
Le sickness, correspond à une reconnaissance sociale de la maladie. On parle de
sickness au moment où la société atteste que tel individu est malade et lui attribut
le statut de malade. La maladie devient une réalité sociale et fait appel à des rôles
spécifiques : celui assigné au malade et celui assigné au thérapeute. Il s’agit de la
maladie de la société.
*Dans de nombreuses sociétés (africaines traditionnelles), il y a des discours
classificatoires des maladies en fonction des conditions dans lesquelles elles
surviennent. C’est une métaphore sociale de la maladie qui intègre les
représentations sociales, elle véhicule le pouvoir d’identification des maladies et
révèle les recours thérapeutiques.
D’une part, il y a la maladie-fatalité, qui est interprétée comme une vengeance ou
le destin d’une innocente victime. D’autre part, la maladie-punition, qui fait
appel à l’idée de culpabilité ; elle serait une sanction consécutive à une infraction
commise par la victime ou une autre personne. Enfin la maladie-élection, suite à
laquelle la victime survivante acquiert des pouvoirs de guérison ou de divination.
Il est appelé à rendre service à la société, conformément à la mission qui lui
serait confiée.
Cette métaphore sociale de la maladie en vient à identifier des maladies
honteuses (IST) et les maladies nobles (crise cardiaque). Elle détermine
également des causalités biologiques, des causalités sociales et des maladies
prosaïques.
29

*Marc EGROT (1999) nous fait découvrir que dans l’univers socioculturel des
moosé, la maladie comme altération de la santé est conçue comme une agression
du corps et non comme un état. Au regard de cette transgression de l’organisme,
un individu ne dit pas que « j’ai une maladie », ni que « je suis malade », mais
plutôt, « la maladie me possède » : « bãnga tara maam ». Cette construction est
semblable pour chaque maladie (exemple : meogo tar maam = le rhume m’a eu).
Aussi assiste-t-on chez les moosé à une personnification de la maladie.
Qu’elle soit interne ou externe la maladie agit sur le corps comme un être , elle
« entre » dans le corps, « sort », « se déplace » d’un point à l’autre, « descend »,
(bãnga sigam). Dans la plupart des cas la maladie est appréhendée selon le mode
de pensée ontologique, il existerait donc un « être » de la maladie.
Parlant de son étiologie, la maladie se manifeste dans certaines circonstances ou
selon sa volonté, si elle est située à l’intérieur de l’individu. Externe à celui-ci la
maladie est imaginée comme un véritable être vivant présent dans la nature qui
peut « attraper », « bousculer », « attaquer » les individus (par surprise ou suite à
un avertissement).
«La nosographie de la maladie considère les liens qui unissent les termes avec la
réalité biologique du corps malade et l’univers physique symbolique et social
dans lequel le corps est plongé » : M. EGROT(1999 :146). Cet auteur affirme
également que le vocabulaire moaga désigne les pathologies selon des principes.
(1) Un principe sémiologique : Il permet de nommer une maladie en désignant la
région anatomique qui fait mal, ou en fournissant une description littérale de l’un
des symptômes ; ou en associant les deux en un seul terme.
(2) Un principe analogique : Il permet de désigner une maladie par une image,
une représentation basée sur une similitude. Il établit un lien entre une maladie et
un élément de l’environnement physique. Ce lien repose sur une analogie entre
les symptômes et une caractéristique de l’objet qui soutient la comparaison ou, à
d’autres logiques de nominations.
30

(3) Une référence étiologique : C’est dans le registre interprétatif que sont choisis
certains noms des maladies. Ce principe opère en nommant la maladie par la
cause qui est supposée la provoquer.
(4) Une référence thérapeutique : Selon ce principe, on nomme la maladie par un
aspect du traitement habituellement en œuvre (la thérapeutique ou le rituel
thérapeutique).
(5) Un principe de l’impératif socioculturel : Il établit un lien entre une maladie
et une conception culturelle, le plus souvent dans l’ordre de la circonstance de
survenue de la maladie ou de la transgression d’un interdit.
Au regard de ce qui précède, nous admettons avec D. FASSIN(1996) que la
maladie est quelque chose qui « relève de causes signifiantes et suscite des
réponses collectives ». Elle est considérée comme une détérioration de l’énergie
vitale qui demande à être restituée, d’où les recours thérapeutiques. Eux aussi
sont variés comme les étiologies et les nosographies.

**Grosso modo, disons que d’une part la maladie est appréhendée comme « un
désordre biologique », un dysfonctionnement de l’organisme pensé comme un
complot entre les organes de l’individu contre ce dernier. D’autre part, elle est
intégrée dans le système de fonctionnement de la nature et livre un combat
contre l’individu. Cette dernière théorie considère l’air et le climat comme des
facteurs explicatifs de la maladie, elle est liée à l’évidence sensorielle de la
qualité de l’air et la facilité d’observation des phénomènes climatiques. La
maladie est enfin perçue comme l’ œuvre d’une force surnaturelle divine ou
anthropomorphique qui intègre la maladie dans le rouage des croyances magico-
réligieuses.
Nous prenons acte de toutes ces conceptions de la maladie, qui s’inscrivent dans
une logique sociale bien définie. Que les appréhensions étiologiques et
nosographiques soient populaires ou savantes, toujours est-il que la maladie
s’intègre dans un mécanisme d’explication, de prise en charge, et mobilise des
31

ressources. Dans la présente étude, nous considérons la maladie comme un


besoin de santé (définit plus haut).

Ménage
* Tout individu ou groupe de personnes habitant ensemble même sans lien de
parenté, selon Madeleine GRAWITZ (1997), constitue un ménage.
* D’après l’INSD (1993), « le ménage c’est l’unité socio-économique de base au
sein de laquelle les différents membres apparentés ou non, vivent dans la même
maison ou concession, mettent en commun leurs ressources et satisfont en
commun à l’essentiel de leurs besoins alimentaires et d’autres besoins vitaux;
sous l’autorité d’une seule et même personne appelée chef de ménage ».
* Le ménage selon Michel KAGAN et Christian BERGE4, est défini comme
« l’ensemble des personnes vivant dans un même logement occupé comme
résidence principale quelque soit le nombre de ces personnes et leur lien avec le
titulaire du logement; les domestiques, salariés ou apprentis logés, les
pensionnaires et sous locataires n’occupant pas une pièce totalement
indépendante sont considères comme faisant partie du ménage ».
* Selon Fatoumata KINDA (1984 :62), «est donc considéré comme membre du
ménage celui qui (habituellement) a sa part, son assiette prévue dans la marmite
domestique ». Elle ajoute que les différents membres du ménage participent à
des degrés divers à cette pratique de consommation. Les uns et les autres ont
toujours quelque autonomie relative et les proportions consommées ne sont pas
les mêmes. De ce point de vue elle considère les bébés bien qu’ils ne partagent
pas encore directement le repas.

** Dans le cadre de notre étude, nous prenons acte des définitions précédentes
relatives au terme ménage. Nous entendons par ménage, une unité domestique

4- Michel KAGAN et Christian BERGE. « les conditions de vie des ménages en 1970 » in les collections de
l’INSEE ; Ménage INSEE cités par KINDA Fatoumata dans « Ménages populaires à OUAGADOUGOU » Thèse
de Doctorat en Sociologie, janvier 1987 ; Université de Nantes/ France.
32

composée d’hommes et de femme(s) mariés légalement ou dans une situation de


concubinage ayant des enfants ou non. Nous considérons également comme
ménage une personne vivant seule qui satisfait lui-même à ses propres besoins
vitaux ou, des personnes qui cohabitent ensemble, partagent ou non les charges
quotidiennes (les célibataires dans les célibatérium ).
Indicateurs : - l’existence d’une maison d’habitation
- le séjour effectif
- une « marmite familiale »
- la présence d’enfants (facultative.

Médecine moderne
* C’est l’ensemble des connaissances scientifiques et des moyens mis en œuvre
pour la prévention, la guérison ou le soulagement des maladies, blessures ou
infirmités. (Petit Larousse 96)
* D’après le Dictionnaire français de Médecine et de Biologie5, la médecine est
la science des maladies et de leurs traitements, ainsi que des problèmes se
rapportant à la santé et l’ensemble des techniques qui s’y rapportent.

** Dans notre étude, nous entendons par médecine moderne, une pratique
thérapeutique au cours de laquelle la prise en charge du patient consiste à
administrer de produits médicaux modernes. Ces produits sont recommandés ou
prescrits par un thérapeute qui a acquis la connaissance du métier suite aux
études de médecine, sanctionnées par un diplôme. Le praticien de la médecine
moderne utilise surtout un appareillage électronique ou sensoriel sophistiqué,
dans l’exercice de son métier.
Indicateurs : -les radiographies et les observations microscopiques
- les observations cliniques et les analyses médicales
-la chirurgie et les greffes d’organes

5-Dictionnaire Français de Médecine et de Biologie Tome III; A – M ;


L. MANUILA, M. NICOLE, H. LAMBERT, Masson et CIE, Paris 1972, page 596
33

-la réanimation
- les injections intraveineuses et les transfusions sanguines
-la spécialisation des thérapeutes (par maladie / par traitement )
-les injections intramusculaires.

Médecine traditionnelle
** Longtemps pratiquée dans les pays africains, la médecine traditionnelle est
l’apanage de personnes appelées « guérisseurs », imbus de pouvoir de guérison,
hérité ou acquis par révélation au cours de leur existence. Nous qualifions de
médecine traditionnelle ; le mode de thérapie caractérisé par un ensemble de
gestes, de rituels, accompagnés de l’utilisation de décoction ; elle est empreinte
de superstitions et de traditions ancestrales.
Indicateurs : - une conception ontologique de la maladie
-l’usage de tisane et de décoction
-l’observation de rituels thérapeutiques fétichiste
- l’invocation de forces occultes
- une cure aux humeurs des dieux.

Santé
*Selon Hippocrate (460-377 av.J.C), médecin grec, la santé appelée crase résulte
d’une juste proportion de quatre composantes du corps à savoir :Le sang, le
phlegme, la bile jaune et la bile noire ; c’est la théorie des humeurs
(F.LAPANTINE. 1984 :63)
*Selon Galien 6, « la santé est un état dans lequel nous n’éprouvons pas de
douleur et ne sommes pas entravés dans les fonctions de la vie quotidienne » 7

6- Médecin grec né à Pergame (Asie Mineure) en 130, médecin impérial à Rome, mort en 200.
7- Dictionnaire Français de Médecine et de Biologie. OP. Cit.
34

* La définition la plus récente et la plus autorisée de la santé, contenue dans la


Constitution de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS 1954), est la
suivante : « la santé est un état de complet bien-être physique mental et social, et
ne consiste pas seulement à une absence de maladie ou d’infirmité ».
*Janine PIERRET ( 1984, 229-248), établit une typologie des formes de santé, à
travers une étude réalisée en France, auprès des travailleurs dans un quartier
parisien. Elle établit la typologie des représentations de la santé suivant la place
occupée par les individus dans la hiérarchie sociale ( agriculteur- ouvrier- cadre
supérieur).Cette typologie dégage quatre formes de santé. (1) la forme santé-
maladie, forme dominante et hétérogène dans l’échantillon de personnes
considérées, ici la référence à la maladie est prédominante. Cette référence
permet de définir la santé comme l’absence de maladie : « la santé c’est ne pas
être malade »; la maladie fait prendre conscience de la santé comme un état
positif, un état de bien-être physique. (2) la forme santé-instrument, où «la santé
c’est ce qu’il y a de plus précieux, on la possède, c’est une richesse, un capital » ;
ici la santé est définie par rapport à la capacité de travailler. Cette forme traduit
la perception de la santé dans les sociétés traditionnelles agricoles où la survie de
chacun dépend de son travail quotidien.- l’alimentation ne fait pas l’objet
d’entretien particulier, on ne se plaint ni d’avoir trop manger ni d’avoir manger
des aliments de mauvaises qualités. (3) la forme santé-produit fait de la santé
«une production plus ou moins maîtrisable, une valeur individuelle», où la santé
découle d’une série de facteurs comme le logement, le travail… La santé est le
produit des comportements individuels, des conditions de vie, du système social.
Ici l’accent est mis sur les pratiques corporelles servant à maintenir la santé.
L’exercice physique n’est nullement lié au souci de production de rentabilité ni
de performance. (4) la forme santé-institution, où la santé est appréhendée à
travers les équipements socio-sanitaires et l’institution médicale. La santé se
présente comme « un patrimoine collectif dont la société assure la gestion »... La
conception de la santé diffère d’un individu à l’autre en fonction des valeurs de
référence de chaque peuple et de chaque individu.
35

** En définitive pour notre part, la santé est un état de bien être physiologique et
psychologique de l’individu, à l’exception des anomalies congénitales et les
séquelles de maladies invalidantes ou cicatrisantes.
Indicateurs: -la température normale du corps
- l’absence de blessures ouvertes
-une bonne mine, jovial
- une aptitude à travailler physiquement et intellectuellement.

• Stratégie thérapeutique
** Une stratégie est un art, l’art de coordonner des actes, des actions, des
man œ uvres en vue d’atteindre un but précis. On entend par stratégies
thérapeutiques, tout ce qui entre dans l’univers médical des ménages. Il s’agit des
voies et moyens, des attitudes et des comportements habituels qui caractérisent
l’arsenal thérapeutique des ménages. En somme, ce sont des itinéraires optés
pour guérir ou prévenir une pathologie médico-biologique.
Indicateurs : - les consultations médicales
- le diagnostic de la maladie/ auto diagnostic
- l’utilisation de produits médicamenteux
- l’acquisition de médicaments
- le traitement des maladies.

I-4 Aspects méthodologiques

I-4-1 Le site de recherche


Cette étude s'intéresse à la population de la ville de Ouagadougou certes, mais
compte tenu de nos moyens limités, notre champ d'investigation a été circonscrit
à l'arrondissement de Nongr-Massom. Il regroupe les secteurs n°13, 23, 24, 25,
26, 27, ainsi que certains villages environnant dont: Nioko II, Polesgo, Salouka,
Soguedin, Roumtenga. Suivant la carte sanitaire du Burkina, les limites
36

géographiques de l'arrondissement de Nongr-Massom, concordent avec celles du


District Sanitaire de Kossodo (qui sera décrit plus en détail au chapitre II).
Situé à la périphérie de la ville de Ouagadougou, l'arrondissement de Nongr-
Massom est l'un des 5 arrondissements que compte la commune de
Ouagadougou. Il comporte des zones d'habitations populaires, des quartiers
résidentiels et des habitations de type traditionnel (concessions traditionnelles)
notamment dans les villages. On trouve également des espaces de commerce
assez dynamiques, des formations sanitaires et des officines pharmaceutiques,
sans ignorer les vendeurs de médicaments prohibés.

I-4-2- Population cible


La population ciblée par notre étude est composée d’adolescents et d’adultes
vivant seul ou dans une famille, représentant un ménage. L’enquête a concerné
tous ceux qui sont âgés de dix sept ans au moins. Nous choisissons cette
catégorie de population parce qu’elle semble disposer d’une autonomie de
pensée et d’organisation. Elle fait face par ailleurs aux réalités quotidiennes de
vie et de survie, la santé y comprise.

I-4-3- Personnes ressources


La détermination et l’implication des personnes ressources relèvent de notre
souci d’approfondir nos analyses et nos réflexions sur l’automédication. Il
importe de ce fait, de faire appel aux savoirs et aux compétences professionnelles
des personnalités avisées à cet effet. Puisque nous parlons de santé et de recours
thérapeutique, les personnes ressources sont identifiées parmi les agents de santé,
et ceux qui commercialisent les médicaments.

I-4-4- Echantillonnage
L’échantillon par définition, c’est la fraction d’une population donnée qui permet
de mesurer un caractère donné, en estimant la proportion d’une variable dans
37

l’ensemble de la population sur laquelle porte l’étude. Ici, il s’agit des individus
au sein des ménages.
La population de l'arrondissement de la commune de Nongr-Masson est estimée
à 143237 habitants en 1999 (DEP/S). Selon les données du Recensement Général
de la Population et de l'Habitat on y dénombrait en 1996 ; 23286 ménages soit
21037 ménages urbains et 2249 ménages ruraux. Nous avons fait un choix
raisonné de 115 ménages urbains, soit 0,54% environ en diversifiant les
catégories d'habitations et de ménages, en fonction des statuts socio-
économiques.
Nous avons choisi de procéder par un choix raisonné des personnes ressources à
partir de leur disponibilité et de leur ancienneté. Nous avons songé à varier les
personnes ressources suivant leur spécialisation dans les soins de santé pour ce
qui concerne les agents de santé. Nous avons ainsi choisi de nous entretenir avec
des médecins, des infirmiers et des sage-femmes. Les entretiens ont concerné
également des pharmaciens et des marchands ambulants de médicaments de
contrebande. (Nous y reviendrons).

I-4-5 Pourquoi le choix d’un centre urbain ?


Comme la plupart des grandes villes du Tiers Monde, Ouagadougou est
caractérisée par une hyper-urbanisation. Qui se traduit par un taux
d’accroissement urbain très élevé. La population est dynamique et cosmopolite.
Nous sommes en présence d’une situation où les infrastructures de soins
d’accueil et de communication sont insuffisantes et vétustes. La pauvreté est
grandissante occasionnant des fléaux sociaux comme la mendicité, le chômage,
la délinquance, la corruption. La jeunesse vit de la débrouille, seulement une
minorité de la population vit dans une situation acceptable. L’hyper-urbanisation
caractérisée par une forte densité de la population influence négativement les
conditions de santé, rendant ainsi délicates les recours thérapeutiques.
Le rythme de vie relativement accéléré, les difficultés d’ordre économiques et
sociaux créent une distorsion entre les besoins de premières nécessités et leur
38

mode de satisfaction. Contrairement à ce qu’on pourrait imaginer pour les zones


rurales, dans les espaces urbains, nous assistons à une gestion relativement
aléatoire des problèmes de santé qui se traduit par un recours tardif aux soins de
santé appropriés.
C’est ainsi que les emplois de temps parfois très chargés peuvent constituer des
freins à la fréquentation des services de santé et plus précisément, au recours
précoce à un service spécialisé, Thérèse KOBEANE ZEBA (1998 :19).
Le phénomène d’urbanisation crée une mutation des valeurs sociales
traditionnelles, faisant apparaître l’individualisme, la promiscuité physique
entraînant une distance sociale énorme, en terme d’indifférence et de solitude
dans les habitations. L’influence des médias et autres sources d’informations sur
les stratégies thérapeutiques n’est pas négligeable.
En ville, la population est confrontée à de véritables problèmes de santé liés à la
pollution de l’air et des eaux ; aux nuisances du train-train quotidien et des
activités industrielles. La cohabitation entre les animaux domestiques (vaches,
chiens, chats, bovins, ovins, volaille, caprins) dont l’état de santé est jusque là
faiblement contrôlé, la difficile transition sinon cohabitation entre la tradition et
la modernité crée une situation délicate pour la santé et les recours
thérapeutiques appropriés.
Enfin la mentalité citadine est empreinte de stéréotypes qui laissent croire que les
citadins sont « civilisés » et sont à même de s’auto suffire dans la satisfaction de
leurs besoins de tout genre ; qui conduisent à la pratique de l’automédication. La
complexité de la vie urbaine, nous permettra de faire des analyses pour mieux
cerner les dimensions de notre objet d’étude.
Plusieurs raisons ont donc milité en faveur du choix de cette zone. En effet, en
tant que plus grand centre urbain du Burkina, c’est à Ouagadougou plus
qu’ailleurs que le changement social, la diversité ethnique, le foisonnement des
médias, la diversité des problèmes de santé, la multiplication des préoccupations
sociales, la prolifération des espaces culturels et commerciaux, donnent à
39

observer avec plus de pertinence la question des stratégies thérapeutiques


notamment le cas des pratiques d’auto thérapies.

I-4-6 Outils de collecte des informations.


C’est un choix judicieux d’instrument de recherche sociologique fiable et adapté
à l’objet d’étude. Le choix des outils de collecte des informations consiste à
initier une stratégie cohérente avec des instruments appropriés pour recueillir
l’information poursuivie et collecter les indices capables de produire des
informations relatives à l’objet d’étude. Le choix approprié des outils de collecte
des données est nécessaire dans une recherche sociologique.
A cet effet, nous avons initié un questionnaire pour collecter les informations
auprès des ménages. Les personnes ressources sont soumises à des guides
d’entretiens semi-directifs. Nous nous sommes servis également de supports
d’enregistrement phonographique. La lecture d’ouvrages se rapportant à notre
thème a eu pour but d’étayer nos analyses.

I-4-7-Techniques de collecte des informations


Nous avons mené nos enquêtes auprès de 115 ménages. Nous avons privilégié la
disponibilité et l’âge des enquêtés, suivant les critères définis dans notre
échantillonnage. Les questionnaires ont été remplis séance tenante. Tous les
questionnaires ont été dépouillés manuellement. Les entretiens avec les
personnes ressources ont été enregistrés sur cassette puis transcrits et exploités
(voir IV-9, pour plus de détail sur le profil des personnes ressource). Nous avons
réalisé au total 18 entretiens, dont six avec les agents de santé, sept avec les
pharmaciens et assimilés, et cinq avec les marchands ambulants de médicaments
de contrebande. Nous avons observé deux semaines durant, le fonctionnement
des formations sanitaires situées sur site d’enquête, de même que les vendeurs de
médicaments prohibés et leurs clientèles. Nous avons débuté les enquêtes de
terrain en juillet 2001, elles ont pris fin en octobre 2001.
Quant à la recherche documentaire, elle a été menée sur les lieux ci-après :
40

-La bibliothèque Centrale de l’Université de Ouagadougou


-La bibliothèque de l’UFR/Sciences Humaines / département de Sociologie
-La bibliothèque de l’UFR/Science de la Santé
-La bibliothèque de l’Institut de Recherche en Science de la Santé
-La bibliothèque de l’Institut National de la Statistique et de la Démographie
-La bibliothèque de la Direction des Etudes et de la Planification du Ministère de
la Santé (DEP/Santé)
-La bibliothèque du « Projet Pluri » à l’université de Ouagadougou
-Le Centre d’Information sur la Recherche et le Développement, ex. ORSTOM
-La Direction du CMA de Kossodo .

I-4-8-Difficultés rencontrées
Les difficultés majeures rencontrées au cours de nos investigations ont été d’une
part le refus de certains chefs de ménage de répondre à nos questions. Une
attitude qui se fonde sur le préjugé que l’automédication est décriée d’office.
D’ailleurs les sensibilisations en la matière ne présentent que son aspect horrible.
De plus les sujets portant sur les IST sont timidement débattus à cause des
pesanteurs sociales qui maintiennent toujours le tabou de la sexualité au niveau
des personnes âgées. Ces comportements nous ont valu des heures d’explication
de l’objet de notre étude, parfois sans suite favorable.
D’autre part, il y a eu des difficultés liées à la réticence des agents de santé à
répondre à nos questions, arguant qu’ « il faut l’accord du supérieur
hiérarchique ». Cela nous a valu de longues démarches administratives. Enfin la
méfiance et la cupidité des marchands de médicaments prohibés, qu’il faut
soudoyer pour pouvoir extorquer la moindre information : « si je parle vous allez
me donner combien » ? disent-ils.
41

Chapitre II. Description de l'espace de recherche

II-1 Contexte général


II-1-1 Données géographiques et démographiques
Le Burkina Faso, dont la capitale politique est Ouagadougou est une ancienne
colonie française jadis appelée Haute-Volta, qui acquit son indépendance le 11
décembre 1960. Situé au c œ ur de l'Afrique Occidentale dans la boucle du Niger,
le Burkina s'étend sur une superficie de 274200 km2. Pays enclavé (le port le plus
proche, celui de Lomé au Togo est à 994 km environs de la capitale ) il est limité
au Nord et à l'Ouest par le Mali à l'Est par le Niger, au Sud par la Côte d'Ivoire,
le Ghana le Togo et le Bénin.
La pluviométrie varie de 1200 mm au Sud à 300mm au Nord, en moyenne. Il a
un climat tropical de type Soudanien qui alterne une saison sèche d'octobre à
avril et une saison pluvieuse de mai à septembre. La végétation est de type
soudano-sahélien le réseau hydrographique est constitué de nombreux cours
d'eau dont les principaux sont: le Mouhoun, le Nakambé, et le Nazinon qui
subissent cependant le caprice des aléas climatiques ( irrégularité temporelle et
spatiale des pluies). L'enclavement du Burkina constitue un véritable problème
pour son développement économique, avec un sous sol relativement pauvre et
une agriculture peu rentable, l'élevage encore traditionnel est victime
d’épizooties et de famine.
La population du Burkina Faso est estimée à 10312609 habitants, elle croit à un
rythme de 2,4% l'an. En 2010 elle atteindra environ 14 718 647 habitants.
L'espérance de vie à la naissance est de 53,8 ans. La population vit à près de 90%
en milieu rural ; les femmes représentent 52%. La population est essentiellement
jeune, la tranche d'âge de 0 à 14 ans représente 47,92%. La densité est
hétérogène, variant de 11 à 122 habitants par km2, et dépasse parfois 300
habitants/km dans les centres urbains (Ouagadougou et Bobo-Dioulasso).
42

La ville de Ouagadougou, notre site d’étude a une population estimée à 1,5


millions d'habitants en janvier 2000 (source, INSD) La densité est d'environ 325
habitants par km2.
Le taux d'alphabétisation des adultes est faible : 26% en 1998. Il y a une forte
disparité entre hommes (30%) et femmes (17%) et entre zone urbaine (61%) et
zone rurale (13% à 45%).
La population du Burkina Faso est très hétéroclite, elle compte une soixantaine
de groupes ethnolinguistiques dont les plus importants sont: les Mossi (48%), les
Dagara, les Bissa, les Peul, les sana, les Gourousi, les lobis, les bawaba.…Cette
hétérogénéité de groupes ethniques est constatée aussi bien dans les campagnes
que dans les centres urbains. Les religions pratiquées sont: l'Islam (52%), le
christianisme (24%) et l'animisme ( 23%).

II- 1- 2- Situation socio-économique.


Le Burkina Faso est l'un des pays les plus endettés de la planète; un pays en
développement dont 45,3% de la population vit en dessous du seuil absolu
national de la pauvreté, estimé à 72690 F.CFA par adulte et par an en 1998.
L'indice de Développement Humain Durable estimé à 0,304 en 1997, se situait
en dessous de la moyenne des autres pays d'Afrique au Sud du Sahara .
L'économie du Burkina Faso est basée sur l'agriculture et l'élevage, dont les
produits primaires constituent les premiers produits d'exportation (céréale, bétails
coton, sésame ) soit 90 % des biens d'origine agricole. En 1999, on évaluait le
Produit Intérieur Brut (PIB à prix constant ) à 1068 milliards de F.CFA.
Sur le plan politico-administratif, le Burkina, depuis 1991 applique le
Programme d'Ajustement Structurel, recommandé par les Institutions de Breton
Wood. Le territoire national est divisé en province (45), départements,
communes et villages, regroupés en 13 Régions. Ouagadougou est le chef lieu de
la province du Kadiogo. Les circonscriptions administratives sont la province, le
département et le village. La province et la commune sont : des collectivités
locales dotées d’une personnalité morale et d’une autonomie financière. La ville
43

de Ouagadougou compte cinq communes dont : celles de Baskuy, Bogodogo,


Signonghin, Boulmiougou, Nongr-Massom ; qui sont autonomes mais relèvent
en partie de la Mairie Centrale.
Ouagadougou, capitale politique du Burkina est le siège où se regroupent les
structures administratives centrales : politique, académique, économique,
sanitaire et culturelle. On trouve également des organismes de santé
supranationaux et internationaux et des structures locales œuvrant pour le bien-
être sanitaire des populations. (OMS, CNLE, CNLP, CNLS...).
Comme la plupart des grandes villes des pays en développement, Ouagadougou
connaît une expansion très rapide. Les infrastructures de base (électricité, eau
courante, route) et les systèmes de santé n'ont pas connu un développement
proportionnel.
La vie en milieu urbain est rythmée par des activités bureaucratiques, le
commerce, le maraîchage autour des retenues d'eau, et l'élevage traditionnel.

II- 1- 3- Organisation et fonctionnement des structures de santé


Depuis l’indépendance (décembre 1960) jusqu’à nos jours, le système de santé
du Burkina a subit de profonds changements structurels et institutionnels grâce à
la coopération avec des partenaires étrangers dont l’ONU et ses organes
spécialisés et la mise en place des politiques nationales en matière de santé
publique.
* Les structures publiques de soins sont organisées en trois niveaux qui assurent
des soins primaires, secondaires et tertiaires.
Le premier niveau est constitué par le district sanitaire qui se définit comme étant
une zone géographique bien délimitée pouvant inclure plusieurs départements à
l'intérieur d'une même province avec une population de 200000 habitants
environs comprenant des Centres de Santé et de Promotion Sociale (CSPS), un
Centre Médical avec une Antenne Chirurgicale (CMA) et des structures de
gestion appropriées. Le territoire national est subdivisé en 53 districts sanitaires
44

dont quatre sont situés dans la province du Kadiogo : District de Pissy, District
de Kossodo, District du secteur 30, District de Paul VI.
Le District comprend deux échelons de soins: Le premier est le CSPS, structure
de base du système de santé. Le second est le CMA.. Il sert de référence pour
l'identification des Districts.
Chaque District Sanitaire est administré par une Equipe Cadre de District (ECD)
chargée de la gestion, des prestations des soins cliniques et de la recherche en
santé. Certains Districts sont centrés sur des Centres Hospitaliers Régionaux
(CHR) qui représentent les régions sanitaires.
Le deuxième niveau est représenté par le CHR qui sert de référence et de recours
pour les CMA. Le CHR a une grande capacité d'accueil et de traitement des
maladies.
Le troisième niveau est constitué par le Centre Hospitalier National (CHN), un à
Ouagadougou et à Bobo-Dioulasso. C'est le niveau le plus élevé pour les soins
spécialisés.
Au CHN de Ouagadougou (Centre Hospitalier National Yalgado OUEDRAOGO
CHNYO) les services sanitaires disponibles sont principalement la
Dermatologie, Chirurgie, Pédiatrie, Gynéco Obstétrique, Psychiatrie, Pneumo-
Phtisiologie, Ophtalmologie, ORL, Odontostomatologie, Kinésithérapie,
Orthopédie, Urgences Médicales, Urgences Chirurgicales, Réanimation et
Urologie (recensement direct). C'est vers le CHN que se font les évacuations
sanitaires. Il sert également de cadre de formation des différentes catégories de
personnels de santé et de recherche.
* Les secteurs privés de soins connaissent de nos jours une relative croissance.
Le secteur privé de la santé comprend deux sous secteurs : le sous secteur privé à
but non lucratif qui sont généralement les structures confessionnelles (ex: le
Centre Médical Saint Camille). Le sous secteur privé à but lucratif que sont les
polycliniques, les cabinets médicaux, les officines privées. Le secteur privé joue
un rôle important dans la couverture sanitaire du pays avec cependant une forte
concentration dans les villes de Ouagadougou et de Bobo-Dioulasso.
45

A l'exception des dépôts de médicaments qui peuvent être gérés par des non
professionnels, l'exploitation de structures sanitaires privées, surtout à but
lucratif se fait individuellement et est un monopole des professionnels de la santé
au regard des textes en vigueur. A côté des structures privées individuelles, des
Associations et des ONG, ouvrent de plus en plus des établissements sanitaires
privés ou parapublics.
Les difficultés liées à ce secteur sont : l'insuffisance, l'inadaptation et la non-
application des textes juridiques y afférents. Il évolue parallèlement au secteur
public, ce qui ne lui permet pas d'être complémentaire. Par ailleurs les structures
chargées de la gestion de la promotion et de la réglementation du secteur
sanitaire privé, ne sont pas pleinement fonctionnelles
* Dans le domaine pharmaceutique, à la faveur de la politique des Médicaments
Essentiels Génériques, une Centrale d'Achat de Médicament Essentiel Générique
(CAMEG) a été mise en place. Toutefois des insuffisances persistent. Il n'existe
pas de structure de production des médicaments, les textes législatifs et
réglementaires du métier de pharmacien sont inadaptés et pas toujours appliqués.
La gestion des médicaments est souvent inappropriée, favorisant la vente illicite
de médicaments, l'automédication, le détournement des médicaments au profit du
marché parallèle (A.F.Tiendrebéogo (1997)).

II-1-4 L'état sanitaire des populations au Burkina


Il s'agit de passer en revue les ressources en santé et d'évoquer la situation
sanitaire globale au Burkina, à travers ses grands traits caractéristiques.
Au titre des ressources en santé, le Burkina comptait en décembre 1999 deux
centres Hospitaliers Nationaux, 25 centres Médicaux avec Antennes
Chirurgicale, 44 Centres Médicaux, 759 Centres de Santé et de Promotions
Sociales, 130 Dispensaires, et 21 Maternités isolées. Au cours de l'année 1997, le
rayon moyen d'action des formations sanitaires de base était de 9,69 Km. De nos
jours, nous constatons une expansion relativement rapide des structures sanitaires
privées à but lucratif. De moins d'une dizaine dans les années 70 on en dénombre
46

300 en 19998 dont 82% étaient concentrées dans les deux grandes villes de
Ouagadougou et Bobo-Dioulasso. Le secteur pharmaceutique privé comptait 105
officines en décembre 1999 dont 69 à Ouagadougou et 19 à Bobo-Dioulasso 2
grossistes à Ouagadougou qui approvisionnent les autres villes du pays.
La gestion des ressources humaines se caractérise par la méconnaissance des
effectifs exacts, le manque de définition des Postes et rôles, la mauvaise
répartition du personnel par rapports aux besoins, le manque de recyclage et
l’insuffisance de motivations du personnel de santé (DEP/Ministère de la Santé).
* Au Burkina Faso, on estimait à 15,8% la morbidité générale de la population
en 1996. La situation épidémiologique reste dominée par: la persistance des
maladies infectieuses; les maladies chroniques non transmissibles sont
influencées par des déterminants non médicaux. Les principales causes de
consultation dans les formations sanitaires de base sont le paludisme, les
affections respiratoires, les maladies diarrhéiques, la rougeole, la méningite et les
infections sexuellement transmissibles.
En fin 1998, le taux de séro-prévalence du VIH/SIDA se situait entre 7% et 10%
dans la population générale (SP/CNLS/IST); les 3/4 des personnes atteintes du
SIDA sont âgées de 15 à 45 ans. Le nombre de séropositifs augmente davantage,
malgré les multiples efforts de lutte et de sensibilisation contre la pandémie qui a
une incidence sur la durée moyenne de vie (tendance à la baisse).
Des flambées épidémiques sont observées, elles concernent: la tuberculose due à
son association avec le VIH/SIDA ; le choléra, la fièvre jaune, la dracunculose
(2227 cas en 1998), la rougeole, la méningite cérébro-spinal, la poliomyélite, la
trypanosomiase humaine africaine ou l'onchocercose (source, DEP/santé). Les
maladies non transmissibles telles que le diabète, la drépanocytose, les
hémorroïdes, les maladies cardio-vasculaires sont en augmentation.
* L'état sanitaire de la population est également caractérisé par un taux de
mortalité général très élevé soit 15,2% (R.G.P.H, INSD, 1996), qui s'explique

8-Inspection Générale des Etablissements et Services de Santé.


47

par un fort taux de mortalité maternelle et infantile qui passe de 94‰ en 1993 à
105,3‰ en 1998
La mortalité des jeunes de 15 à 40 est liée essentiellement au SIDA et aux
accidents de la circulation. La mortalité maternelle estimée à 484 pour 100 000
naissances vivantes en 1998, est causée par des affections, les dystocies, les
hémorragies graves et les avortements provoqués non médicalisés. Aussi faut-il
ajouter la malnutrition des mères, les grossesses nombreuses et rapprochées, la
couverture prénatale insuffisante, le manque de suivi des cas à risque.…
* Les déterminants de la santé s'apprécient à travers l'épidémiologie qui, par
définition «consiste en l'analyse des circonstances d'apparition des maladies et
des traumatismes dans les groupes de population, des facteurs qui affectent leur
incidence, leur distribution et la réaction des patients (…). C’est l’usage de ce
savoir dans la prévention et dans la lutte » : Boureima KOLOGO (1989 :17).
Au Burkina nous identifierons plusieurs facteurs dans l’apparition des maladies
et des traumatismes.
D’une part les facteurs environnementaux : Les réseaux d’évacuation des eaux
pluvieuses et des eaux usées sont insuffisantes dans les villes et les campagnes,
rendant ainsi très précaires les conditions d’assainissement et d’hygiène. Les
inondations, l'insalubrité favorisent la prolifération des vecteurs de maladies.
L'utilisation des latrines reste limitée par manque d'installations et en raison de
certaines pratiques socioculturelles (défécation en plein air); toute chose
contribuant à la propagation des microbes (celui de la poliomyélite et celui du
choléra par exemple).
L'usage intensif de pesticides, la poussière, les émissions de gaz carbonique à
Ouagadougou surtout, les eaux usées, aggravent la pollution. La cohabitation de
l'homme avec les animaux domestiques crée une situation de promiscuité et
d'insalubrité favorisant l’apparition de certaines maladies telles que la
leishmaniose, et la toxoplasmose.
D'autre part, les facteurs socio-démographiques se traduisent par le faible niveau
d'instruction de la population qui entrave la prévention des maladies infectieuses,
48

parasitaires et héréditaires. Les pesanteurs socioculturelles diminuent les


activités de l'Information – Education - Communication (I.E.C) dans l'acquisition
des aptitudes favorables au bien-être sanitaire.
Concernant les facteurs socioculturels, il s'agit du mariage forcé, du lévirat, de
l'excision des filles, etc. L'insécurité alimentaire dans les foyers fragilise la santé
des femmes et des enfants surtout. Les flux migratoires épisodiques (exode rural
et migration externe) sont un facteur de propagation du VIH/SIDA et des autres
maladies épidémiques. Ces migrations de populations urbaines et rurales créent
un dynamisme qui favorise les trafics illicites de médicaments, des aliments et
des produits de consommations prohibés.
Enfin les facteurs technologiques et institutionnels ont un impact considérable
sur l’état sanitaire de la population. Malgré les efforts sur le plan institutionnel et
juridique pour rendre plus performant le secteur hospitalier, la qualité des soins
offerts est encore faible à cause des insuffisances dans le domaine managérial au
sein des hôpitaux privés et publics : L'inobservation des normes internationales
en personnels et en équipements, la faiblesse des plateaux techniques de soins
font que les hôpitaux ne jouent plus leur rôle de référence. Les structures
publiques sont caractérisées par l'inorganisation de leur structure de référence, et
de contre référence. L'absence de matériels adéquats pour des soins délicats
entraîne des évacuations de certains patients vers les pays voisins ou vers
l'Europe (Document de Politique Sanitaire Nationale, an 2000).

II-1-5- La Politique Sanitaire au Burkina


Elle consiste à la mise en place de programmes définis dans le temps et dans
l'espace avec des objectifs bien précis en vue d'améliorer les conditions sanitaires
des populations.
La Constitution9 du Burkina Faso en son article 18; loi n°002/97/ADP du 27
janvier 1997 stipule que: « l'éducation, l'instruction, la formation, le travail, la
sécurité sociale, le logement, le sport, les loisirs, la santé, la protection de la
49

maternité et de l'enfance, l'assistance aux personnes âgées aux handicapées et


aux cas sociaux, la création artistique et scientifique; constituent des droits
sociaux et culturels reconnus par la présente Constitution qui vise à les
promouvoir ». La santé est donc un droit reconnu ; en témoigne les différentes
conventions, pactes et chartes internationaux ratifiés par l'Etat Burkinabé qui
s'engage à œuvrer pour l'amélioration des conditions de santé des populations
urbaines et rurales, ainsi que toutes les couches sociales qui présentent des
besoins de santé spécifiques. L'Etat Burkinabé reconnaît l'importance de la santé
dans l’éducation, le développement économique et social et dans la stabilité
sociale d’où la mise en place des politiques sanitaires à travers des programmes
spécifiques : programme de lutte contre le SIDA, le paludisme…, programme
d’éradication de la poliomyélite, du ver de guinée, de l’Onchocercose ; des
campagnes de vaccinations massives contre la rougeole, la méningite et autres
maladies endémo-épidémiques.
Ces efforts d'amélioration des conditions de santé ont une orientation nationale,
soutenus en grande partie par des partenaires étrangers. Les projets de mise en
œ uvre d'unités de soins très performantes tant sur le plan organisationnel que
celui de l'équipement sont en cours : achat d'équipements médicaux, construction
de laboratoires permettant de contrôler la qualité, l'efficacité, l'innocuité des
médicaments, des produits et principes actifs importés, recherche de matériels de
soins tertiaires, de diagnostic fiable, et de traitements ambulatoires.
De plus en plus, on s'accorde à reconnaître et à inclure dans les dits
programmes, le principe qui induit que le maintien, la promotion et la
restauration de la santé implique une collaboration multi-sectorielle et
pluridisciplinaire.
La mise en œuvre de la politique de déconcentration et de la décentralisation des
structures de santé entamée depuis les années 90, s'inscrit dans une optique de
promotion et d'amélioration des conditions de santé des populations.

9-La Constitution du 02 juin 1999, (révisée en juin 2000).


50

La politique sanitaire du Burkina, adoptée le 13 septembre2000, vise


l’amélioration de l’état de santé des populations en se fixant deux objectifs : (1)
améliorer l’organisation des structures de soins et faciliter l’accès aux services
médicaux ; (2) assurer la participation de la communauté à la planification des
soins de santé.
La politique de santé est la vision des autorités politiques et sanitaires concernant
un système national de santé. C’est un cadre de référence pour des actions à
mener en faveur de la santé des populations. Au Burkina, de la Politique
Nationale de Santé (PNS) adoptée le 13 septembre 2000, découle le Plan
National de Développement Sanitaire (PNDS). C’est un plan décennal qui sert de
repaire pour orienter tous les acteurs intervenant dans le domaine de la santé. Le
PNDS vise à accroître la couverture sanitaire nationale, améliorer la qualité et
l’utilisation des services de santé, optimiser la gestion des ressources humaines,
faciliter l’accessibilité financière des populations aux services de santé. Elle vise
également à réduire la propagation du VIH/sida, promouvoir la santé des groupes
vulnérables, et renforcer enfin la capacité institutionnelles du ministère en charge
de la santé. Il s’agira d’assurer la disponibilité des médicaments essentiels
génériques, d’opérationnaliser les Districts et de développer les services de base
communautaire. Une autre option vise à promouvoir la pharmacopée
traditionnelle et le secteur privé.

II-2- Caractéristiques du site d’investigation


II-2-1 - Situation et données de Base
Notre zone d’étude est la ville de Ouagadougou, située dans la Région Sanitaire
de Ouagadougou qui couvre une superficie d'environ 23526, 4 km2, elle regroupe
7 provinces dont le Kadiogo. Sa population est estimée à 2078043 habitants. La
région sanitaire est limitée au sud et à l'ouest par la Direction Régionale de
Koudougou et le Ghana, à l'ouest par la Direction Sanitaire de Koudougou, au
Nord par la Direction Régionale de Kaya et de Koudougou à l'Est par la
51

Direction Régionale sanitaire de Koudougou à l'Est par la Direction Régionale de


Tenkodogo, (DEP/Ministère de la santé, Ouagadougou).
La spécificité de la Région Sanitaire de Ouagadougou est qu’elle regroupe deux
types de districts: les districts dits ruraux (sept), et les districts dits urbains
(quatre) situés dans la province du Kadiogo dont la plus grande partie est située
dans la ville de Ouagadougou : Il s'agit des districts de Pissy, de Kossodo, de
Paul VI et du secteur 30 entre lesquels sont repartis les secteurs de la ville et les
villages environnants.

II-2-2-Quelques données indicatives sur les Districts Sanitaires urbains


L’objet des tableaux ci-dessous est de donner grosso modo, un aperçu de la
couverture sanitaire des Districts urbains. Ces tableaux mettent en évidence
quelques références géographiques et démographiques de ces Districts sans
rentrer dans les détails. Ils montrent leurs dotations en infrastructures sanitaires
et leur capacité théorique de prise en charge des malades (tableaux 1,2,3,4)
Le tableau n°5, fait particulièrement mention d’une incidence sanitaire relative à
l’avortement au niveau des Districts concernés. Il a le mérite de faire ressortir les
cas d’avortements clandestins, qui dénotent une dérogation à la prise en charge
médicale de l’avortement, et du même coup, pose un problème délicat de santé
lié à l’automédication

Tableau n°01. Peuplement : Données démographiques partielles


Districts Population totale Adultes hommes Adultes femmes
Kossodo 130 377 habitants 31 030 36 766
Paul VI 78 645 habitants 18 718 22 178
Pissy 380 921 habitants 90 659 107 420
Secteur 30 223 139 habitants 53 107 62 925
Totaux 813 082 habitants 193 514 229 289
Source : statistiques sanitaires 1999. DEP/Santé, Novembre 2000.
52

Tableau n°02 : Situation des formations sanitaires.


Districts CMA CM CSPS Dispensaires Maternités isolées Totaux
Kossodo 1 - 3 - - 4
Paul VI 1 - 3 - - 4
Pissy 1 4 - 5 2 31
Secteur 30 1 - 23 1 - 26
Source: statistiques sanitaires 1999. DEP/Santé, Novembre 2000.
(Nous avons constaté par la suite l’émergence et le fonctionnement de certains
formations sanitaires, courant 2000 et 2001).
Tableau N°03 : Couverture théorique en CMA/CM et CSPS en 1999
Districts Population Nombre de Ratio Nombre Ratio CSPS/hbt
totale CMA/CM CMA/CM/hbts de CSPS
Kossodo 130 377 1 130 377 3 43 459
Paul VI 78 645 1 378 645 3 26 215
Pissy 380 921 45 1978 184 26 14 651
Secteur 30 223 139 2 23111 570 24 9 297
(Source : statistiques sanitaires 1999). DEP/Santé, Novembre 2000.
Tableau n°04 : Rayon moyen d’action théorique des CSPS
(CSPS:Dispensaires et Maternités)
Districts Superficies / km2 Nombre de CSPS Rayon d’action (en Km)
Kossodo 337 3 5,98
Paul VI 160,4 3 4,13
Pissy 33 26 0,64
Secteur 30 125 24 1,29
(Source : statistiques sanitaires 1999). DEP/Santé, Novembre 2000.
Tableau N°05 : Une incidence sanitaire : la situation des avortements selon le
type de District Sanitaire (pour 1000 accouchements attendus en 1999).
Districts Avortements Avortements Avortements ‰
thérapeutiques spontanés clandestins
Kossodo - 115 14 129
Paul VI - 140 59 199
Pissy - 374 36 410
Secteur 30 - 414 24 438
Totaux - 1 043 133 -
(Source : statistiques sanitaires 1999). DEP/Santé, Novembre 2000.
N.B. : Les problèmes généraux de santé sont liés à l’influence des pesanteurs
sociales et culturelles, aux conditions précaires d’hygiène et d’assainissement, et
au climat (tropical chaud et humide) qui favorise l’éclosion et la prolifération des
vecteurs qui transmettent les pathologies.
53

Notre enquête touche uniquement au District de Kossodo qui fort heureusement


a les mêmes limites géographiques que l’arrondissement/la commune de Nongr-
Massom ; compte tenu des contraintes matérielles et logistiques qui s'imposent.
Comment se présente alors ce District ?

II-3- District sanitaire de Kossodo10


II-3-1- Limites géographiques et administratives
Le District Sanitaire de Kossodo est l'un des quatre Districts que compte la ville
de Ouagadougou. C'est un District semi-urbain dont les limites géographiques
correspondent avec celles de l'arrondissement de Nongr-Massom (en français =
terre de paix et de bonheur). Il est situé dans la partie Nord-Est de la commune
de Ouagadougou. Il est limité au Sud-Ouest par le District sanitaire de Paul VI,
au Nord et à l'Est par le District sanitaire de Ziniaré (Province d'Oubritenga). Le
District s'étend sur une superficie de 137 km2, dont une surface urbaine de 62,5
km2 contre 74,5 km2 située en zone rurale.
L'arrondissement de Nongr-Massom abrite les barrages N°2 et N°3 qui sont les
principales retenues d'eau de la ville de Ouagadougou et forêt classée appelée
« Bangr-wéogo » (en français : La forêt du savoir). Elle est située au c œur de
l'arrondissement et lui procure un climat spécifiquement doux et une gamme
variée de plantes médicinales. La présence d'eaux stagnantes et d'eaux usées dans
la forêt favorise la multiplication des vecteurs de maladies.
Le District de Kossodo relève administrativement de l'arrondissement de Nongr-
Masom. Il se compose de six secteurs centraux à savoir les secteurs n°13 , 23 ,
25 , 26 , 27 , et cinq villages (Nioko II, Polesgo, Roumtinga, Sakoula et Sogdin).

II-3-2- Données démographiques et caractéristiques socio-économiques.


La population générale du District était estimée à 143237 habitants en 1999 avec
un taux d’accroissement naturel évalué à 6,6% en 1996 (INSD), ce qui donnerait
par projection : 197176 habitants en 2004. La répartition de la population

10
Plan d'action du District sanitaire de Kossodo / année 2000, D.E.P./ santé, janvier 2001.
54

générale donne 107128 habitants en milieu urbain et 12215 habitants en milieu


rural (sources : archives de la Mairie de Nongr-Massom).
En zone urbaine (représentant 45,6% du District), l’habitat est du type moderne.
Les infrastructures telles que l’eau courante, l’électricité, le téléphone sont
disponibles pour les besoins des populations. En milieu rural (représentant
54,4% de la superficie du District) l’habitat est en grande partie de type
traditionnel, construit en banco, avec quelques constructions sporadiques en dur.
Il manque l’électricité et l’eau courante, cependant chaque village dispose d’au
moins un forage. Les sources d’énergie sont notamment le pétrole, le gaz et le
charbon de bois .
Les considérations sociales sont telles que la population du District consomme
en grande partie l’eau de puits sans margelle, malgré les risques de pollution dus
à l’insuffisance de caniveaux.
Les principales sources de revenu sont l’élevage, l’agriculture, le maraîchage,
l’artisanat, le commerce pour les femmes surtout. En milieu rural, les pesanteurs
sociales sont très fortes d’où la persistance de certaines pratiques néfastes pour la
santé : mariage forcé, lévirat, interprétations ontologiques, et étiologie sociale
très accentuée de la maladie. La présence d’un abattoir favorise l’exercice de la
profession de charcutier.
Les unités de productions industrielles (Brakina, Tanaliz….) offrent des emplois
aux populations riveraines, quand bien même il faut signaler des pollutions et
des accidents de travail. Le marché de bétail au secteur 23, celui du poisson à
côté du barrage N°2, sont rentables pour les éleveurs et les pêcheurs et pour ceux
qui s’adonnent à l’activité commerciale : (fruits- bétail -poissons).

II-3-3- Activités sanitaires


A la date de janvier 2000 (DEP/Santé) les structures de soins dans le District de
Kossodo se présentaient de la façon suivante : on compte trois CSPS, deux
dispensaires plus un SMI dont un non fonctionnel, huit dispensaires isolés dont
55

trois non fonctionnels. Dans le District se situe un CMA qui offre des services de
consultation générale : ORL, Pédiatrie, gynéco-obstétrique ; il dispose d’un
laboratoire d’analyses médicales et d’un bloc opératoire. Le système de
communication entre formations sanitaires à l’intérieur du District n’est pas
rapide par insuffisance de réseau téléphonique et de moyens de locomotions. De
part sa position périphérique, le District de Kossodo est devenu un dépotoir
d’ordures de tous genres provenant de l’intérieur de la ville. L’insalubrité dans
cette localité est relativement importante (déchets solides comme liquides
nuisances causées par les usines). Elle relève de l’insuffisance sinon de l’absence
d’infrastructures d’hygiène telles que les latrines, entraînant des défécations à
ciel ouvert qui exposent la population au péril fécal.
A l’instar des autres Districts du pays, celui de Kossodo n’est pas à l’abri des
maladies à potentiel épidémique comme la méningite, le choléra, la fièvre jaune,
la rougeole. Le paysage épidémiologique reste dominé par les pathologies
infectieuses, parasitaires et les maux chroniques.
L’emplacement géographique des services sanitaires pose des difficultés
d’accès ; seul le CSPS du secteur 23 et le CMA assurent un système de garde.
Le secteur sanitaire privé de kossodo comprend huit cabinets de soins médicaux
et une clinique (clinique notre Dame de la Paix).
56

Chapitre III. Représentation spatiale des enquêtés

III-1 Répartition des enquêtés par secteur et type de zone d’habitation


Tableau N°06
Secteur N°13 N°23 N°24 N°25 N°26 N°27 Total
Effectif par Secteur 22 19 18 22 16 18 115
% par secteur : 19,13 16,53 15,65 19,13 13,91 15,65 100
(Source : résultats d’enquête)
Notre étude a concerné les ménages urbains essentiellement avec tout ce que cela
suppose comme stéréotypes inhérents à la vie citadine. Elle couvre les secteurs
N°13, N°23, N°24, N°25, N°26 et 27 qui représentent la partie urbaine de
l’Arrondissement de Nongr-Massom, dont les limites géographiques coïncident
avec celles du District Sanitaire de Kossodo. Les ménages sont identifiés aussi
bien dans les quartiers populaires que dans les quartiers résidentiels ; soit
respectivement 75,65% et 24,35%. En référence aux dénominations par quartier,
notre site d’enquête regroupe les quartiers Tanghin, Somgandé, Wayalghin et
Zogona. Les 2/3 d’entre eux sont des zones périphériques ou péri-urbaines ; seul
Zogona paraît quelque peu centré.
De façon pratique, nous identifions un ménage au sein duquel un individu se
prête à nos questions. C’est généralement celui ou celle qui a une côte-part
importante dans les charges domestiques. Au regard de cela, un ménage est donc
représenté par un individu. Le choix simultané des zones populaires et
résidentielles vise à diversifier les niveaux de vie et d’instruction sous réserve de
présomptions.
57

III- 2 Localisation des enquêtés par rapport aux infrastructures sanitaires et


Para-médicales ; Sur 02 Km à la ronde (environ).

Tableau N°07
Type d’infrastructure Concernée Enumérations
des enquêtés Effectif %
Néant 18 15,65
Officines Pharmaceutiques 01 65 56,52
Au moins 02 32 27,83
TOTAL 115 100
Formations sanitaires à caractère public ou Néant 50 43,48
para-public : CM/CSPS/CMA 01 44 38,26
Au moins 02 21 18,26
TOTAL 115 100
Formations sanitaires privées faisant des Néant 37 32,17
thérapies biomédicales, cabinets spécialisés 01 35 30,43
et Polycliniques. Au moins 02 43 37,40
TOTAL 115 100
(Source : résultats d’enquête)

Nous constatons que sur le plan des infrastructures, dont la fonction essentielle
est de satisfaire les besoins de santé, les officines pharmaceutiques sont les plus
représentatives. 56,52% des ménages ont accès à une officine sur un rayon de
deux kilomètres au plus, et 27,83% des ménages sont distants de deux officines
au moins sur un rayon de deux kilomètres. Seulement 15,65% n’ont pas accès à
une pharmacie à moins de deux kilomètres. Cette forte représentation des
officines pharmaceutiques est réelle en ce sens qu’à la date du 17 Octobre 2001,
la ville de Ouagadougou comptait soixante dix sept (77) officines (Source :
Direction des Services Pharmaceutiques à Ouaga). Notre zone d’étude compte à
cet effet dix (10) officines sans compter celles qui sont dans les voisinages
immédiats (au moins quatre). Cette proximité géographique réduit
considérablement les difficultés d’approvisionnement en médicaments.
Quant aux Centres de Santé Publics, la tendance est un peu inversée. 43,48%
des ménages n’ont pas accès à un service de santé public à moins de deux
58

kilomètres ; 38,26% ont accès à une formation sanitaire à moins de deux


kilomètres. Enfin 18,26% sont distants de deux services de santé publics ou
parapublics sur un rayon de deux kilomètres. Nous remarquons que
l’accessibilité géographique des formations sanitaires pose quelques difficultés.
Malgré les efforts fournis par les malades pour accéder aux Centres de Santé
Publics, la question de la performance en matière de prestation de soin se pose au
regard des équipements et des moyens logistiques ; et même le système de
fonctionnement.
Les formations sanitaires privées sont beaucoup représentées, néanmoins
32,17% n’ont pas accès à un service de santé privé à moins de deux kilomètres.
Pour le reste, sur deux kilomètres à la ronde, 30,43% des ménages ont accès à
un centre privé et 37,40% ont accès à deux centres privés au moins, soit 67,83%
des ménages distants d’un Centre de Santé privé de deux kilomètres au plus.
Même si l’accessibilité géographique ne pose pas d’énormes difficultés,
l’accessibilité financière et leur spécificité dans les thérapies posent des
problèmes non moins importants. Le centre de santé peut être accessible mais il
peut s’avouer incompétent dans la prise en charge de certaines maladies.
Les infrastructures jouent un rôle essentiel dans la définition de la santé des
populations cela renvoie à la notion de santé-institution, où la santé est
appréhendée comme un fonctionnement adéquat et optimal des institutions
chargées de la gestion des problèmes de santé. Compte tenu des difficultés
évoquées çà et là la satisfaction totale et parfaite des besoins de santé à travers
des infrastructures sanitaires suscite des questionnements, et demande à
s’interroger sur les méthodes et les astuces usées par les populations pour
résoudre leurs problèmes de santé dans la ville de Ouagadougou en général dans
le District de Kossodo en particulier.
59

III-3 Localisation des principaux espaces de commerce


Tableau N°08
Période de Grande
affluence humaine Tous les Matin Tous les Tous les Tous les Une fois
jours et Après- Après - Matins Week-end Par
Dénomination populaire 7/7jours Midi Midi semaine
de l’espace de 12/24h
Commerce
Zogona-Yaar, «««««
Secteur N°13 «««««
Tangh-Yaar, «««««
Secteur N°23 «««««
Habib-Yaar, Secteur N°23 «««««« «««««
(Regroupement spontané) «««««« «««««
Réserve-Yaar, Sect. N°23 «««««« «««««
(Regroupement spontané) «««««« «««««
Sambin-Yaar, «««««« ««««
Secteur N°24 «««««« ««««
Toukin-Yaar, «««««« ««««««
Secteur N°25 ««« »«« «« ««««
Kossodo-Yaar, «««««
Secteur N°26 «««««
Abattoir frigorifique «««««
Secteur N°26 «««««
Wayalghin-Yaar ««««« «««««« «««««
Secteur N°27 ««««« «««««« «««««
Bendogo-Yaar ««««»
Secteur N°27 »« «««
Dassasgho-Yaar «««««
Limite entre les « « « ««
Secteurs N°27et 28 «««««
(Source : résultats d’enquête)

N.B. : Les médicaments de contrebande sont vendus dans tous ces marchés.
Ce tableau fait ressortir les principaux espaces de commerce que nous appelons
marché de proximité. C’est en effet en ces lieux que les marchands des
médicaments de contrebande sont présents et font de bonnes affaires. Les
périodes de pic de fréquentation de ces marchés sont propices à la consommation
des médicaments de contrebande en plus des amphétamines et autres stupéfiants
prohibés. Aux côtés du commerce et de l’échange des produits de consommation
courante, dont les prix baissent sensiblement aux périodes de grandes
affluences ; les problèmes de santé deviennent des préoccupations
60

secondaires, « il ne faut surtout pas rater le jour du marché, en cas de maladie,


soit on reporte la consultation de l’agent de santé, soit on se procure un remède
quelconque, juste pour passer cette période » dixit une femme marée, âgée de 27
ans, domiciliée au secteur n°23. Selon le constat d’un infirmier du CSPS du
secteur n°23, le Centre est très faiblement fréquenté les mercredis parce que « la
population accourt vers le Tangh-Yaar ». Le marché s’y tient une fois par
semaine. Rares sont les ménages environnants qui ne viennent pas au rendez-
vous. Les gens viennent pour s’approvisionner, ou pour vendre des produits. La
présence des "pharmacies-par-terre" permet de maintenir la cadence du marché
et satisfaire de façon ponctuelle les besoins de santé. Cela ne manque pas
d’entrer dans les habitudes des populations qui fréquentent le marché.

III-4 Le constat de la vente illicite des médicaments


Tableau N°09
Période du constat Effectif %
Avant 1980 7 6,1
]1980 ; 1990 6 5,22
]1990 ; 1995] 21 18,26
]1995 ; 2000] 59 51,3
En 2001 2 1,73
Ne sait pas 20 17,39
TOTAL 115 100
(Source : résultats d’enquête)

La contrebande est un phénomène récurant dans tous les secteurs de la vie


sociale surtout là où l’économique est le facteur principal et le but de la
mobilisation des ressources. Le secteur de la santé n’y échappe pas. Facteur
important de la vie, de l’épanouissement individuel et social de l’homme, la
santé est sauvegardée par diverses stratégies, autant que possible. C’est au regard
des questions de ressource que la contrebande se crée permettant l’accessibilité
d’une frange de la population, pour des raisons multiples.
61

A travers ce tableau, la vente illicite des médicaments pharmaceutiques remonte


bien avant les années 1980. 6,1% des enquêtés ont fait le constat eu égard à leurs
âges avancés. C’est surtout entre les années 1996 et 2000 que le phénomène s’est
accru. 51,3% des enquêtés ont fait le constat. 5,22% des enquêtés affirment que
c’est entre les années 1981 et 1990 qu’ils ont remarqué la vente illicite des
médicaments, 18,26% situent leurs constats entre les années 1991 et 1995.
Seulement 1,73% affirment que c’est en 2001 qu’ils ont constaté la vente illicite
des médicaments. Ce qui suppose que depuis l’année 2000, le phénomène est
réel et très peu sont ceux qui ne l’ont pas remarqué. Par ailleurs 17,39% des
enquêtés ont du mal à identifier la période où les médicaments de contrebande
ont attiré leur attention. Ils affirment que le phénomène existait avant leur
naissance ou bien ils disent que le repère chronologique leur échappe. La totalité
des enquêtés sont au courant de l’existence d’un marché parallèle des
médicaments pharmaceutiques. Comment ce marché est-il approvisionné ? C’est
la grande question. Avant d’aborder cette question, nous allons identifier les
caractéristiques socio-démographiques des personnes qui ont été soumises à
notre enquête.
62

Chapitre IV. Profil socio-économique et démographique de la population


d’enquête

IV-1 Représentativité des personnes enquêtées, par intervalle d’âge


Tableau N°10
Classe d’âge Effectif %
[17- 20] 19 16,52
[21- 24] 18 15,65
[25- 29] 29 25,21
[30- 34] 18 15,65
[35- 39] 9 7,82
[40- 44] 8 6,95
[45- 49] 3 2,6
[50 et + 11 9,6
TOTAL 115 100
(Source : résultats d’enquête)

Les âges des enquêtés varient de dix sept à plus de cinquante ans. Le plus grand
nombre des enquêtés ont des âges compris entre 25 et 29 ans. Ils représentent
25,21%. Le plus petit nombre représentant 2,6% comprend des gens qui ont des
âges compris entre 45 et 49 ans. 16, 52% ont des âges compris entre 17 et 20 ans.
15,65% ont des âges compris entre 21 et 24 ans. C’est la même proportion pour
ceux qui sont âgés de 30 à 34 ans. 7,82% ont des âges compris entre 35 et 39 ans.
6,96% ont des âges compris entre 40 et 44 ans. Enfin 9,6% ont plus de 50 ans.
La détermination de l’âge a joué un rôle important dans le choix de nos
interlocuteurs. L’option de 17 ans au minimum prévoit une relative autonomie
et une prise en charge totale ou partielle des besoins individuels.
La plupart des enquêtés sont des adultes parce que nous nous sommes adressés
aux ménages-foyers et aux regroupements domestiques correspondant à ceux que
nous identifions comme ménages.
63

IV-2 Répartition des enquêtés par sexe

Tableau N°11
Genre/ sexe Homme Femme Total
Effectif 70 45 115
% 60,86 39,14 100
(Source : résultats d’enquête)

Plus de la moitié des enquêtés sont des hommes soit 60,86% et les femmes ne
représentent que 39,14%. La faible représentativité des femmes s’explique d’une
part, par leur réticence à aborder le sujet et d’autre part, par leur indisponibilité
dans la mesure où la plupart d’entre elles étaient occupées par les travaux
domestiques lors de nos enquêtes. Par contre, les hommes se montrent plutôt très
intéressés par notre objet d’étude et sont disposés à aborder le sujet avec quand
même quelques réserves.

IV-3 Les statuts matrimoniaux des enquêtés

Tableau N°12
Statut Célibataire Marié(e) Veuf/Veuve Union libre/ TOTAL
matrimonial concubinage
Sexe H F H F H F H F /
Effectif 23 4 40 30 0 2 7 9 115
Pourcentage 32,85 8,89 57,14 66,67 0 4,44 10 20 /
Par sexe
Total des
pourcentages 23,50 60,86 1,73 13,91 100
par statut
matrimonial
(Source : résultats d’enquête)

La situation matrimoniale de notre échantillon est diversifiée. Nous y trouvons


presque toutes les formes de ménages exceptés les divorcés. Néanmoins les cas
de remariages ont été évoqués. Cela laisse croire que le divorce est difficilement
64

consommé dans notre contexte social actuel toujours marqué par les stigmates
des traditions ancestrales. L’image de l’homme ou de la femme divorcée est
décriée à tel enseigne que les couples en situation de rupture se rangent du côté
des célibataires. Cela donne lieu aux situations de filles-mère et de pères-
célibataire.
Les mariés sont fortement représentés dans notre échantillon avec un taux de
60,86% dont 57,14% d’hommes et 42,86% de femmes. Les mariages sont soit de
caractères coutumiers, religieux ou administratifs ou, tous les trois cumulés avec
un régime monogamique ou polygamique. Les enquêtés qui sont en union-libre,
c’est-à-dire le concubinage, représentent 13,91%. Cela donne au total, 74,77%
de ménages-foyers. Les célibataires représentent 23,50% et les veuves 1,73%.
Le rapport de la situation matrimoniale avec la santé permet de considérer cette
variable dans la répartition des tâches domestiques. Elle compte beaucoup dans
la prise en charge des problèmes de santé en fonction des ressources du ménage.
Peut-on à cet effet entrevoir des formes de gestions collectives ou personnelles
des besoins de santé en fonction de la typologie du ménage ?

IV-4 La taille des ménages où résident les enquêtés


Tableau N°13
Taille du Ménage
_____________________ [2 ;4 [5 ;7] [8 ;10] [11 ;13] 14 et + TOTAL
Situation matrimoniale ]
Célibataire 5 21 1 / / 27
% 18,51 77,79 3,70 / / 100
Marié(e) 9 40 8 7 6 70
% 12,85 57,14 11,42 14 12 100
Union libre 10 5 1 / / 16
% 62,5 31,25 6,25 / / 100
Veuf/Veuve / / 1 1 / 2
% / / 50 50 / 100
Effectif des ménages 24 66 11 8 6 115
Suivant leurs tailles
Pourcentage des
Ménages selon la taille 20,87 57,40 9,57 6,95 5,21 100
(Source : résultats d’enquête)
65

La taille des ménages soumis à notre enquête varie entre deux à plus de quatorze
individus. La taille du ménage est constituée de ceux qui résident dans le ménage
de façon régulière (au moins trois années de séjour régulier. Par cette
considération, 20,87% des ménages comportent 2 à 4 individus ; 57,40%
comportent 5 à 7 individus ; 9,57% comportent 8 à 10 individus ; 6,95%
comportent 11 à 13 individus et 5,21% comportent plus de 14 personnes. Plus de
la moitié des ménages enquêtés comportent cinq à sept personnes. La
convivialité familiale à l’africaine se manifeste bien dans les milieux urbains, là
même où la notion de famille nucléaire tend à être une réalité. La famille élargie
regroupe plusieurs générations au sein de la même concession.

IV-5 Les milieux d’origine


Tableau N°14
Milieu d’origine Ville Campagne TOTAL
Effectif 91 24 115
% 79,13 20,87 100
(Source : résultats d’enquête)

Nous remarquons que 79,13% des enquêtés sont des citadins contre 20,87%
provenant du milieu rural. Dans notre étude, le statut de citadin est acquis par un
individu quand celui-ci a une durée de séjour supérieure ou égale à quinze ans
environ dans la ville de Ouagadougou, ou bien s’il est originaire d’un centre
urbain autre que Ouagadougou. Le temps de séjour requis permet d’identifier
chez l’individu les attitudes et habitudes inhérentes à la vie urbaine surtout quand
il s’agit de la planification des occupations quotidiennes et de la satisfaction des
besoins fondamentaux. Il influence également les interactions humaines et la
mobilisation du capital social et du capital économique. La vie citadine, sans nul
doute est empreinte des attitudes blasées qui influencent énormément les faits,
les gestes, les décisions et les propos dans les rapports interpersonnels. Toutefois
il faut reconnaître que l’automédication n’est pas une donnée géo-spaciale,
toutefois la ville lui confère une caractéristique particulière.
66

IV-6 Les niveaux d’instruction des enquêtés


Tableau N°15
Niveau Aucun Alphabé- Primaire Secondaire Supérieur TOTAL
d’instruction niveau tisé
Sexe H F H F H F H F H F /
Effectif par 4 11 2 1 6 5 36 12 22 16 115
sexe
Pourcentage 5,71 24,44 2,86 2,22 8,57 11,11 51,42 26,67 31,43 35,56 /
par sexe
Total / effectifs 15 3 11 48 39 115
% par niveau 13,04 2,61 9,57 41,74 33,04 100
(Source : résultats d’enquête)

A travers ce tableau, 41,74% des enquêtés ont le niveau d’études secondaires.


33,04% ont le niveau d’études supérieures. 9,57% n’ont fréquenté que l’école
primaire et 2,61% sont alphabétisés, c’est-à-dire qu’ils sont en mesure de
déchiffrer des alphabets d’une langue quelconque. Il s’est agi de l’Arabe ou
d’une langue nationale du Burkina. Néanmoins, 13,04% n’ont aucun niveau
d’instruction. De façon globale, les hommes sont plus instruits que les femmes
avec un taux de 91,42% pour les hommes qui ont fréquenté au moins l’école
primaire ; contre 73,34% pour les femmes ayant fréquenté une école primaire au
moins.

IV-7 Les professions des enquêtés


Tableau N°16
Profession Effectif %
Elève, Etudiant, Stagiaire 20 17,39
Ménagère, Petit commerce 14 12,17
Employé du secteur privé ; toutes catégories 20 17,39
Employé du secteur informel 11 9,6
Opérateur économique, Investisseur 21 18,26
Privé, profession libérale
Employé de la Fonction Publique 24 20,86
Chômeur, sans emploi, contractuel 3 2,6
Retraité 2 1,73
TOTAL 115 100
(Source : résultats d’enquête)
67

Le plus grand nombre de nos enquêtés sont des agents de la Fonction Publique :
20,86%. On y compte un nombre important d’enseignants. Les investisseurs
privés et ceux qui exercent une profession libérale ( Avocats, Huissier…)
représentent 18,26%. Les travailleurs du secteur privé représentent 17,39%, c’est
le même taux pour les scolaires, étudiants et ceux qui étudient dans les écoles
professionnelles. Les travailleurs du secteur informel que sont : les artisans, les
mécaniciens, les commerçants, les charcutiers, etc., représentent 9,6%. Les
ménagères représentent 12,17%. Ceux qui sont admis à la retraite font 1,73%.
Les chômeurs et ceux qui font des activités lucratives de façon ponctuelle
représentent 2,6%.
L’activité professionnelle a un lien particulier avec la conception de la santé,
suivant que les travaux seraient intellectuels ou physiques. C’est une donnée qui
permet de savoir dans quelle mesure l’usage optimum du corps commande une
stratégie thérapeutique en cas de besoin de santé. La quasi-totalité des
professions sont représentées même si c’est à des proportions différentes.
L’enquête a révélé que toutes les catégories sociales sont concernées par
l’automédication.

IV-8 L’exonération de frais médicaux


Tableau N°17
Soutien du service social ? Oui Non Partiellement TOTAL
Effectif 13 71 31 115
% 11,30 61,74 26,96 100
(Source : résultats d’enquête)

Parler de la prise en charge des problèmes de santé, implique une opérationnalité


des politiques nationales visant à assurer le bien-être physique, social, et une vie
dynamique et équilibrée en harmonie avec l’environnement global. L’objet de la
prise en charge des problèmes de santé est d’assurer l’épanouissement des
68

citoyens, gage de créativité et de progrès. L’institutionnalisation de la santé lui


attribue un mécanisme de prise en charge des individus de manière variée.
Il se trouve que 11,30% des enquêtés bénéficient d’une manière ou d’une autre,
d’une exonération de frais médicaux. D’une part ils sont couverts par un système
d’assurance maladie, d’autre part, ils bénéficient de couverture sanitaire de la
part de leur service. 26,96% bénéficient d’une réduction des frais médicaux : il
s’agit des élèves, des cas sociaux (infirmes ou personnes âgées). Toutefois
61,74% des enquêtés, plus de la moitié ; ont la charge totale de leurs problèmes
de santé. La satisfaction des besoins de santé vient accroître des difficultés
d’ordre social, structurel, pécuniaire… Osons affirmer que les recours
thérapeutiques non officiels comme l’automédication ne manqueraient pas
d’adeptes si l’on s’en tient aux conditions de vie actuelles de la population,
caractérisées par une pauvreté certaine.

IV-9 Le profil des personnes ressources


Dans le cadre de notre étude nous avons entrepris des entretiens avec des
catégories de personnes avisées du phénomène d’automédication. Il s’agit des
agents de santé, des pharmaciens agrées, des gérants de pharmacie et des
marchands ambulants des médicaments de contrebande.
Au nombre des agents de santé nous avons eu des entretiens avec le Médecin-
Chef du CMA de Kossodo et l’infirmière majore du même Centre. Au CSPS du
secteur n°23, nous avons eu des entretiens avec deux (2) accoucheuses
auxiliaires, un infirmier et une sage-femme. Ils sont tous mariés et leur
ancienneté dans la profession va de 10 ans à 21 ans.
Au nombre des pharmaciens, les entretiens ont concerné trois Docteurs
pharmaciens dont le responsable de la Direction des services pharmaceutiques
(section contrôle-qualité). Quatre gérants de pharmacie qui ont entre trois et sept
ans d’ancienneté, parmi lesquels il y a une femme mariée.
Les marchands ambulants sont au nombre de cinq. Nous avons ciblé les
détaillants parce qu’ils sont en contact permanent avec les consommateurs. Leurs
69

niveaux d’instruction varient entre le primaire et le secondaire, deux n’ont aucun


niveau d’instruction et sont analphabètes. Deux autres suivent les cours du soir
niveau primaire et le dernier est déscolarisé avec un niveau de la classe de
seconde de l’enseignement général. Tous ont été identifiés dans notre zone
d’enquête définie plus haut.
Les marchands ambulants de médicaments de contrebande justifient leur activité
par le chômage, le manque de soutien, et par l’imitation des personnes qui se
sont enrichis grâce à la vente de médicaments prohibés. Ils seraient prêts à laisser
cette activité illicite au cas où d’autres opportunités d’autosuffisance s’offriraient
à eux. Leur bénéfice mensuel varie entre 25000 F et 150000 F CFA, et leurs
médicaments sont cautionnés par les consommateurs. Ils ont par ailleurs des
clients réguliers à qui ils peuvent vendre à crédit et donner un rendez-vous au cas
où le médicament sollicité ne serait pas immédiatement disponible. Certains
clients sont discrets pendant que d’autres achètent sans gêne. « Toutes les
catégories socioprofessionnelles achètent nos médicaments » selon Kaboré O.
vendeur ambulant de médicaments de contre bande, âgé de 22 ans niveau d’étude
primaire, il a été localisé au secteur n°25. Ils sont à mesure de traiter toutes sortes
de pathologies, même les maladies cardio-vasculaires. D’après les marchands,
c’est dans les marchés de proximité que les médicaments sont beaucoup
consommés. Face aux clients ils donnent tous les conseils possibles sur le
médicament mais le dosage et la posologie laissent à désirer, parce que c'est le
prix et la bourse du client qui déterminent la quantité du médicament. Les
grossistes, avant de donner les médicaments aux détaillants prennent soin de leur
expliquer les posologies, les vertus thérapeutiques et les prix des médicaments.
Sur le terrain, l’approche est très approximative étant donné que les risques
d’oubli ne sont pas ignorés parce que la plupart des médicaments comportent des
indications en Anglais.
Tous les marchands que nous avons interrogés ont les âges compris entre 17 et
26 ans, tous célibataires, le début de leur activité remonte à trois et cinq ans ; ils
sont souvent victimes de répressions policières qui leur occasionnent des pertes
70

financières importantes. Ceux qui n’ont pas de fonds de roulement s’entendent


avec les grossistes qui leur accordent des crédits remboursables sur une échéance
impérativement respectée. De façon générale, la vente des médicaments devient
de moins en moins rentable. Ouédraogo M, vendeur ambulant de médicaments
de contrebande, âgé de 27 ans, analphabète localisé au secteur n°23, célibataire
mentionne cela en disant que : « Compte tenu du nombre de plus en plus élevé de
marchands le commerce n’est plus rentable comme les années précédentes ;
autrefois on pourrait avoir un bénéfice de 100F par médicament, présentement,
ce n’est que 25 F ou 50 F CFA ».
Enfin les marchands ambulants reconnaissent que l’automédication avec leurs
médicaments comporte des dangers ; mais compte tenu des difficultés
économiques, et la maladie qui se vit au quotidien dans la hantise d’une mort
imminente, « on n’a pas autre recours, pour deux maux, il faut choisir le
moindre, c’est ce que les gens font ; Si on ne se soigne pas, c’est la mort », dixit
Traoré I, un marchand ambulant. Ils reconnaissent également leur rôle dans les
pratiques d’automédication, et les difficultés qu’ils engendrent par rapport au
fonctionnement des officines officielles, pour qui, ils sont des concurrents
illégaux, mais sérieux. Ce qui attire l’attention, c’est que les marchands des
médicaments de contrebande se sentent omniscients en matière de soins de santé
et sont de fins commerçants. Face à l’avènement du phénomène
d’automédication, qu’en est-il du rôle des formations sanitaires ?
71

Chapitre V. L’implication des formations sanitaires dans les pratiques


d’automédication

V-1 Les motifs de la dernière consultation d’un agent de santé (par les
enquêtés entre 1999 et août 2001)

Tableau N°18
Motif de la consultation Effectif %
Pas de consultation depuis au moins cinq ans 34 24,63
Accidents, blessures 3 2,20
Accès palustre, fièvre et céphalées 45 32,60
Maladies digestives 13 9,42
Infection Sexuellement Transmissible 1 0,72
Abcès dentaire 6 4,35
Maladies cardio-vasculaires 10 7,24
Maladies pulmonaires / maladies respiratoires 9 6,52
Abcès sur la peau, Eruption cutanée et démangeaisons 4 2,90
Autres 13 9,42
TOTAL 138 100
(Source : résultats d’enquête)

Il ressort que les motifs de consultation sont très variés. Cependant, 24,63%
n’ont pas consulté un agent de santé depuis plus de cinq ans. Dans cette situation,
la présomption d’automédication est très forte ; même si certains affirment ne
pas être tombés malade depuis ce temps. 32,60 % des enquêtés affirment que la
fièvre et les céphalées ont été les motifs de consultation d’un agent de santé.
9,42% évoquent les maladies liées au tube digestif ; 7,24 % évoquent les
maladies cardio-vasculaires dont l’insuffisance rénale en particulier ; 6,52%
évoquent les maladies pulmonaires. 4,35 % évoquent les maladies liées à la
denture ; 2,9 % citent des maladies cutanées ; 2,20 % évoquent des cas
d’accident ; seul 0,72% affirment avoir été consulter un agent de santé parce que
qu’il souffrait d’une IST. Une proportion non moins importante des enquêtés :
9,42% affirment être allée consulter un agent de santé pour une visite médicale
annuelle, pour des lésions suspectes, des visites prénuptiales, ou en tant
qu’accompagnant, (autres).
72

A travers l’épidémiologie du Burkina, pays tropical en voie de développement,


on note trois facteurs essentiels dans l’apparition des maladies : Les facteurs
écologiques, les facteurs socioculturels et les facteurs techniques. Les facteurs
écologiques ou climatiques sont à l’origine des maladies fiévreuses, des
affections pulmonaires et des affections cutanées.
Les facteurs socioculturels sont relatifs aux habitudes alimentaires qui
engendrent les maladies cardio-vasculaires et d’autres maladies chroniques telle
l’hémorroïde. Certaines habitudes néfastes en matière de sexualité entraînent la
propagation des IST, même si les enquêtés l’évoquent timidement.
Les facteurs techniques sont liés au manque d’équipements technologiques dans
les centres de santé et les accidents de la circulation qui font de nombreuses
victimes. Le lien entre les comportements individuels et certains problèmes de
santé est de plus en plus évident. Vu le protocole auquel il faut se soumettre dans
les Centres de Santé, c’est dans les attitudes des gens que résident les possibilités
d’améliorer leur santé.
La consultation du médecin renvoie à une conception traditionnelle (dans le sens
de principe) des recours thérapeutiques. Cette image traditionnelle du malade,
montre une aliénation totale de celui-ci face à la toute puissance de l’agent de
santé. Le malade se mettra-t-il dans un état d’aliénation totale ? La santé est une
exigence de la société, elle demande un effort de discipline certes, mais elle est
aussi une garantie de la réalisation libre et personnelle de chaque individu.
La santé en société ne se limite pas aux rapports entre malades et thérapeutes,
elle implique tous les acteurs sociaux, même si le thérapeute reste l’ultime
recours. « Le malade est un chômeur de la santé » d’après C.HERZLICH et J.
PIERRET, (1984:244), il manifeste des difficultés d’intégration, sociale et
devient un objet détraqué en proie à un perpétuel besoin de réparation. Une
réparation qui fait appel à plusieurs stratégies d’actions dont l’automédication.
Pour ceux qui ont recours à l’agent de santé, il y a quelque part un impératif lié
au temps d’une manière ou d’une autre.
73

V-2 Le temps d’attente avant la consultation


Tableau N°19
Temps d’attente Effectif %
Consultation instantanée 35 43,20
Au moins 30 minutes 14 17,28
1 à 2 heures 19 23,46
2 à 3 heures 4 4,93
3 heures et plus 5 6,20
Report de consultation 4 4,93
TOTAL 81 100
(Source : résultats d’enquête)

La consultation de l’agent de santé est en principe la première phase de la


thérapie officielle. 43,20% des enquêtés ont eu accès au thérapeute de façon
immédiate, à moins de trente minutes d’attente. Le temps d’attente relativement
raccourci trouve plusieurs explications. D’une part la maladie est très grave, il
s’agit d’une urgence, d’autre part, il s’agirait d’un rendez-vous fixé au paravent
par le thérapeute. Enfin certains attendent très peu de temps parce qu’ils ont une
certaine familiarité avec le soignant. C’est une forme de favoritisme que l’on
décrie bien sûr, dans la mesure où il tourmente les autres patients. Au-delà du
mécanisme de traitement et de prise en charge thérapeutique des maladies, nous
remarquons une solidarité hiérarchisée selon le capital social dont chaque patient
dispose et le degré du besoin de santé qui se manifeste.
Certaines réalités influencent les thérapies à savoir le temps. 17,28% des
enquêtés ont attendu pendant au moins trente minutes avant de pouvoir consulter
l’agent de santé. Ceux qui ont attendu pendant une à deux heures, représentent
23,46%. 4,93% ont attendu pendant deux à trois heures, et 6,20% ont attendu
plus de trois heures. 4,93% ont vu leur consultation reportée. L’attente dans les
formations sanitaires est un fait qui tend à devenir un principe. « Il faut faire la
queue pour voir le soignant », selon un étudiant célibataire âgé de 21 ans,
domicilié au secteur n°25. D’abord, le ratio malade/soignant n’obéit pas aux
normes exigées (01 médecin pour 100000 habitants : normes OMS), l’effectif
74

des malades est pléthorique. Ensuite, la population est en majorité analphabète,


et reste toujours sous l’influence des représentations sociales de la maladie.
Enfin, il y a le manque de motivation, et l’insouciance en matière de déontologie
remarqués chez les soignants. Ils se manifestent par des arrivées tardives sur les
lieux de soins et la désertion précoce des salles de soins et des bureaux
conformément aux heures de travail. Il arrive parfois que les agents de santé
limitent un nombre de malades à examiner par jour. Ceux qui ont ainsi eu affaire
aux Centres de santé en viennent à porter des jugements sur les prestations de
service.

V-3 L’appréciation des services

Tableau N°20
Type de Accueil et Total Thérapie préconisée Total
prestation Consultation
Appréciation Satisfait Non satisfait / satisfait Non satisfait /
Effectif 49 32 81 63 18 81
% 60,50 39,50 100 77,78 22,22 100
(Source : résultats d’enquête)

Délibérément ou involontairement, les enquêtés qui ont été en consultation ont


une appréciation sur la qualité des services rendus. 60,50% ne trouvent rien à
redire au sujet de l’accueil qui leur est réservé, par contre 39,50% sont non-
contents de l’accueil qui leur a été réservé. La satisfaction des uns s’exprime en
terme de convivialité, d’attention particulière de la part de l’agent au sujet de leur
état. La non-satisfaction se traduit par les charges financières pour des gestes
élémentaires comme la consultation et les soins d’urgences, contrairement à
« l’Initiative de Bamako » (politique sanitaire), sur lequel principe repose la
politique sanitaire du Burkina qui devrait aboutir à l’allègement de certaines
dépenses. Sans oublier des scènes de discrimination et de favoritisme que
subissent les patients de même que le chapelet d’ordonnances qui est quasiment
75

inévitable quelle que soit la pathologie. Par ailleurs, la non-satisfaction apparaît


comme une fatalité à laquelle il faut se résigner. Les propos d’une institutrice
âgée de 36 ans, mariée et domiciliée au secteur n°27 sont édifiants à ce sujet :
« on n’est pas satisfait de l’accueil mais on n’y peut rien ; il y a trop de malades
pendant que l’agent est seul ». Pour certains malades, il faut harceler les agents,
élever le ton afin de se faire remarquer et signaler sa présence.
En ce qui concerne la thérapie préconisée par l’agent de santé pour remédier à
leur maladie, plus de la moitié, soit 77,78% affirment qu’ils ont été satisfaits et le
premier objet de satisfaction, c’est qu’ils ont recouvré la santé. Cela contribue à
légitimer le thérapeute dans son rôle, et confirmer ses pouvoirs que l’on
reconnaît dès qu’on prend l’initiative d’aller le consulter. En plus de la guérison,
il arrive que s’établisse une familiarité entre le patient et le soignant. Cela est
bénéfique pour les rapports sociaux extra-médicaux, et pour le suivi de certaines
pathologies délicates. Si l’acte du thérapeute est salué quand il intervient sur le
cours de la maladie, certains enquêtés affirment ne pas trouver satisfaction ; ils
représentent 22,22%. L’insatisfaction se situe à plusieurs niveaux. D’abord, les
soins sont préconisés de façon expéditive après un diagnostic sommaire de la
maladie. Cela place un doute dans l’esprit du patient qui serait avisé de sa
maladie et qui aurait une présomption de thérapie. C’est la mise en cause des
compétences du soignant de manière ouverte, au vu et au su de celui-ci ou à son
absence. Certains dénoncent le manque d’informations et de conseils relatifs aux
effets secondaires des médicaments prescrits, sachant que tout médicament est
un remède mais aussi un danger. Ce manque de rigueur dans le diagnostic des
pathologies et la prescription des médicaments banalise le recours à une
formation sanitaire. De même des situations de non-guérisons incitent à recourir
à d’autres stratégies de soins, comme l’automédication. Un opérateur
économique âgé de 42 ans marié, de niveau d’étude supérieur et domicilié au
secteur n°26, s’exprimant sur le sujet déclare que : « je ne suis pas satisfait des
traitements que l’agent m’a prescrits parce que ma maladie n’est pas guérie ;
j’étais obligé de poursuivre le traitement moi-même ».
76

La capacité et la légitimité que l’on reconnaît au thérapeute d’intervenir sur la


maladie et de restaurer la santé, revêtent une valeur essentielle dans la société.
Mais cet attribut est souvent remis en cause au profit à l’automédication, et son
prestige est mis à rude épreuve. On en vient donc à partager son droit d’exercer
son métier, conscient ou non des risques éventuels. Le comportement des agents
de santé est donc apprécié de plusieurs manières, en fonction des expériences
individuelles.

V-4 L’appréciation des attitudes des agents de santé à base d’expériences

Tableau N°21
Qualifications des attitudes Effectif %
Attentionné, sympathique, courtois, gentils. 60 36,57
Tracasserie, discourtoisie, autoritarisme. 43 26,22
Discrimination, népotisme, favoritisme. 10 6,10
Escroquerie, racket, corruption. 12 7,31
Hautin, indiscrétion, indifférence. 20 12,20
Autres qualificatifs et les sans avis 19 11,60
TOTAL 164 100
(Source :résultats d’enquête)

Etre malade et se soigner sont indissolubles. La maladie amène de nos jours à


entrer dans l’institution médicale. C’est l’une des plus importantes de la société
qui laisse des souvenirs aux malades. Ils ne sont pas prompts à raconter leur
maladie, mais les souvenirs les plus forts sont constitués des visites chez le
médecin, des examens, des prises de médicaments, des piqûres, des dépenses
financières et surtout des interactions entre soignants et soignés.
De l’avis des enquêtés, pour 164 avis donnés sur les attitudes des agents de santé,
36,57% trouvent que ceux-ci sont attentionnés, et sympathiques avec les
malades. Ils cautionnent d’une manière ou d’une autre le comportement des
agents qu’ils trouvent louable. Cette gratification tient au fait qu’ils ont été admis
dans une ambiance cordiale et ils gardent de souvenirs positifs. Néanmoins, des
enquêtés évoquent des attitudes peu cordiales et portent des appréciations
77

négatives au regard des images négatives qu’ils ont pu garder des agents de
santé. Ces souvenirs représentent 51,83% des avis émis par les enquêtés. Ces
appréciations sont purement qualitatives et s’attaquent à des comportements
isolés.
Aussi, certains (26,22%) trouvent que les agents de santé sont autoritaires et
discourtois. Ils manquent de patience face aux patients âgés ou illettrés. Ils ne
font pas un effort d’introspection par rapport aux patients très souvent éprouvés,
ce qui ne manque pas de créer des tensions et des frustrations de part et d’autre.
Cet autoritarisme provoque la terreur chez les patients qui ont de la peine à
expliquer les symptômes de leurs maladies ou tout simplement gardent le silence
sur leur maladie. Dans ce cas, la probabilité d’un échec thérapeutique est très
forte dans la mesure ou une erreur de prescription de médicament est évidente si
l’agent de santé fait également une thérapie présomptive sans examens
médicaux. 6,10% affirment qu’il arrive que certains agents de santé n’observent
pas de rigueur dans l’ordre d’arrivée des patients donnant libre cour à la
discrimination, et au favoritisme. A ce sujet une ménagère de niveau d’étude
supérieur, domiciliée au secteur n°23, âgée de 39 ans disait que :« Quand il sort
(parlant de l’agent de santé) et s’ il voit quelqu’un qu’il connaît, il le fait rentrer
dans son bureau même s’il est derrière tout le monde, il y a des patients qui ne
s’alignent jamais ».
Les rackets et les corruptions sont souvent attribués aux agents de santé. Dans cet
ordre d’idée, un enquêté (analphabète sans emploi domicilié au secteur n°24, 18
ans), affirme : « tant que tu ne donnes pas l’argent, on ne te soigne pas à
l’hôpital ». 7,31% des avis évoquent cette situation. Il s’agit d’une
monétarisation excessive de la santé, les prestations de service surtout, car sur
tout le long de l’itinéraire thérapeutique officiel, de l’argent vous est extorqué de
manière officielle ou officieuse. Que fait-on ? Ou quel intérêt accorde-t-on au
serment d’Hippocrate ? En réalité, les frais de consultation de l’infirmier varient
de 100 à 250 F CFA et ceux pour consulter le médecin généraliste avoisinent
1000 F à 1500 F. Le spécialiste revient encore plus cher que les précédents dans
78

les Centres de santé publics. Ce pendant que les services de santé privés
demandent beaucoup plus de moyens financiers.
Par ailleurs 12,20% affirment que les agents de santé manquent de tact. «Ils sont
souvent distants et arrogants », selon les propos d’une enseignante mariée âgée
de 43 ans habitante du secteur n°13. Cela stipule que les soignants manifestent
une indifférence et un mépris vis-à-vis des malades. Une étudiante âgée de 21
ans tient ses propos en disant qu’ « Ils ne s’occupent du malade qu’après de
longues périodes de causeries entre eux ». Cette attitude caractérise une violation
du serment d’Hippocrate qui est supposé être le code de conduite de tout agent
de santé. Ceci influence incontestablement les fréquentations des Centres de
Santé, car en plus de la charge financière que la maladie impose, il faudra
supporter également les humiliations de la part des agents de santé même si tous
n’agissent pas de la même manière à l’égard des patients. Se soigner à l’hôpital
relèverait d’un parcours de combattant.
Les attitudes décriées des agents de santé trouvent plusieurs explications d’ordre
social, matériel, structurel et éthique ; en cela 11,60% se réservent de blâmer tous
azimuts les agents de santé en évoquant les attitudes parfois déplorables et
déconcertantes de certains patients. La responsabilité est donc partagée, mais ce
climat de tension incite souvent à recourir à l’automédication comme alternative
autant que possible. Quels constats peut-on faire pour le cas spécifique des IST ?

V-5 Les consultations pour cause d’IST.


Tableau N°22
Consultation Oui Non/Auto soin/ Sans réponse Total
Pour cause d’I.S.T Jamais infecté
Effectif 1 98 16 115
% 0,80 85,20 14 100
(Source :résultats d’enquête)

Les IST sont des « maladies honteuses » dit-on. Il est très délicat d’aborder ce
sujet sans se heurter à un mûr de silence. Dans d’autres cas c’est la consternation.
79

Seul un enquêté sur 115 affirme avoir été en consultation parce qu’il souffrait
d’une IST et 16 enquêtés ont gardé le silence sur cette question. Le reste des
enquêtés (98, soit 85,20%) déclare n’avoir jamais été consulter un agent de santé
à cause d’une IST. Ils ne l’ont jamais contracté, ou bien ils se sont soignés eux-
mêmes. Ce constat nous a conduit à rechercher les statistiques sanitaires relatives
aux IST, que nous résumons dans les tableaux n°23 et n°24.

*Le cumule des rapports trimestriels du District Sanitaire de Kossodo : Les cas
d’I.S.T. année 2000

Tableau N°23
Tranches d’âges par sexe [15-19] [20-29] [30-39] 40 et + Total %
____________________
Types d’affections H F H F H F H F
Ulcération Génitale 4 9 33 28 43 26 1 2 146 8,58
Ecoulement Urétal 7 / 155 / 160 / 32 / 354 20,85
Ecoulement Vaginal / 88 / 490 / 215 / 25 818 48,17
Autres Syndromes d’IST 7 28 19 106 51 116 1 52 380 22,40
TOTAUX 18 125 207 624 254 357 34 79 1698 100
(Source : Direction du District Sanitaire de Kossodo).

Totaux des consultations : 71313 consultants en l’an 2000


Totaux des urines anormales après examen en laboratoire : 278/458 b 0,70%
Taux des consultations pour cause d’I.S.T : 1698/71 313 b2,38%

*Le cumule des rapports trimestriels du District Sanitaire de Kossodo : Les cas
d’I.S. T: 1er et 2è trimestres 2001

Tableau N°24
Tranches d’âges par sexe [15-19] [20-29] [30-39] 40 et +
_____________________ H F H F H F H F Total %
Types d’affections
Ulcération Génitale 6 1 17 15 18 4 6 1 68 6,84
Ecoulement Urétal 9 / 66 / 74 / 19 / 168 16,92
Ecoulement Vaginal / 58 / 289 / 119 / 13 479 48,24
Autres Syndromes d’IST 9 21 49 77 45 38 23 16 278 28
TOTAUX 24 80 132 381 137 161 48 30 993 100
(Source : Direction du District Sanitaire de Kossodo).

Totaux des consultations : 36067 consultants pendant le 1er semestre 2001


Totaux des urines anormales après examen en laboratoire : 163/282 b57,80%
80

Taux des consultations pour cause d’IST : 993/36 067 b2,75%

Les tableaux ci-dessus montrent que les taux de consultation pour cause d’I.S.T
dans tout le District Sanitaire de Kossodo s’élèvent à 2,38% pour l’année 2001.
Ces taux relativement faibles témoignent quand même de l’existence des IST.

V-6 Le recours à l’automédication lié aux attentes fastidieuses


Tableau N°25
Automédication suite à Oui Non Jamais Total
une attente fastidieuse
Effectif 43 67 5 115
% 37,39 58,26 4,35 100
(Source :résultats d’enquête)

Si l’observation des symptômes détermine la reconnaissance de telle ou telle


maladie en vue d’une thérapie appropriée ; les stratégies thérapeutiques sont
variées, et hiérarchisées suivant la nature et le degré des pathologies. Nous avons
évoqué plus haut des paramètres qui conduisent à une forte propension pour
l’automédication, mais de façon concrète, combien de fois l’initiative de
dérogation aux services du spécialiste de la maladie s’est avérée chez les
enquêtés quand ils étaient malades ? Nous mettons l’accent sur la variable temps
qui, nous le savons bien, est très importante quand il s’agit d’intervenir sur le
cours de la maladie. Un retard de quelques minutes peut être fatal.
Notre enquête a révélé que 37,39% des enquêtés ont eu recours à
l’automédication parce que l’attente dans les formations sanitaires leur paraissait
fastidieuse. Plusieurs motifs sont évoqués pour justifier le fait de se dispenser des
soins de l’agent de santé, malgré qu’on ait manifesté l’intention de le consulter.
Un étudiant âgé de 24 ans célibataire au secteur n°13 affirme par ailleurs que :
« Quand on est malade, attendre à l’hôpital c’est souffrir le martyr » .
D’abord, c’est le besoin pressant de soulager la maladie qui pousse à
l’automédication, on veut calmer la maladie qui nous tenaille. Ensuite, la lenteur
81

administrative dans les formations sanitaires qui allonge les itinéraires,


l’insuffisance sinon l’absence du personnel sont évoquées pour justifier
l’automédication. Enfin, certains évoquent le principe suivant lequel chaque
ménage devrait disposer d’une pharmacie familiale pour les soins d’urgences et
les soins de base (soins primaires). Alors, le malade peut se passer de l’agent de
santé. Si le principe est admis, il reste à mettre en place une politique de santé à
même d’enseigner à tous les citoyens, les gestes et attitudes élémentaires face à
la maladie. Les enquêtés évoquent également le caractère récidiviste de leur mal
pour justifier le recours à l’automédication quand l’agent se fait trop longtemps
attendre. « Quand c’est une maladie récurrente, on n’est pas obligé d’attendre
trop longtemps le médecin, on se soigne soi-même », nous affirme un enseignant
marié, âgé de 47 ans, habitant le secteur n°13, zone du bois. Le principe de
renvoi à un agent de santé devient un comportement secondaire dans la prise en
charge de la maladie, l’autosoignant se porte garant de sa santé, personnalise sa
maladie et lui trouve un remède selon ses compétences. Il met en évidence la
réalité physique et biologique de la maladie au détriment de l’univers social et
symbolique, qu’est l’institution médicale dans lequel la maladie est gérée.
Parlant de hiérarchisation des stratégies thérapeutiques, il est délicat de
déterminer le niveau premier ; mais l’ultime recours est le thérapeute. Notre
enquête a montré que 58,26% des enquêtés n’ont pas eu recours à
l’automédication, suite aux longues périodes d’attentes et les multiples reports de
consultations : « la santé à tout prix, quel que soit le temps d’attente, dans tous
les cas, il n’y a pas autres solutions », (une secrétaire de direction âgée de 30 ans,
habitant au secteur n°13, zone du bois).
La majorité des enquêtés prennent leur mal en patience pour avoir l’avis du
spécialiste pour plusieurs raisons. D’une part le doute sur étiologie explique les
difficultés d’auto-diagnostic. Les gens se fient à l’agent de santé quand ils ont
des doutes sur la nature de leur pathologie. C’est quand les symptômes sont
particulièrement étranges. D’autre part, l’automédication est hors-jeu selon les
enquêtés quand on se trouve dans un état critique et quand des complications
82

surviennent dans les manifestations de la maladie. Une femme âgée de 51 ans


niveau d’étude supérieure, domicilié au secteur n°26 illustre ce fait en disant
que : « on ne va à l’hôpital que quand la maladie est grave ». Enfin, certains
enquêtés n’ont jamais eu recours à l’automédication au détriment d’une thérapie
médicale parce que leur prise en charge est immédiate ou alors ils prennent des
précautions pour être parmi les premiers patients à consulter le soignant, ou alors
le scénario des longues périodes d’attentes ne s’est jamais produit.
En définitive, le recours au thérapeute se présenterait comme un impératif mais
cela n’exclut pas totalement une éventuelle automédication pour que les
formations sanitaires soient les derniers recours. Il s’avère que d’une manière
formelle, les médicaments proviennent le plus souvent des officines,
naturellement des réservoirs de médicaments qui joueraient sans doute un rôle
dans la pratique l’automédication.
83

ChapitreVI. L’implication des officines dans les pratiques d’automédication

VI-1 Localisation et dotation des officines


Sur notre site d’enquête, nous avons dénombré sept officines pharmaceutiques
privées que sont : Talba, Teranga, et Natilgé au secteur n°13 ; Météba au secteur
n°23 ; Naaba-Koom au secteur n°24, Saint-Hilaire au secteur n°25 et Sotisse au
secteur n°27. Il y a également des dépôts pharmaceutiques dans l’enceinte du
CSPS du secteur n°23, de même que dans le Centre Médical du Collège
Protestant, de la Croix Rouge siège et le CMA de Kossodo. Ces dépôts
pharmaceutiques sont dotés en majorité de médicaments essentiels génériques.
Les officines privées disposent des médicaments essentiels génériques, mais les
médicaments de spécialité dominent plus. Au total, le District Sanitaire de
Kossodo dispose d’au moins dix points de ravitaillement en médicaments,
géographiquement bien répartis.
Les officines privées sont placées sous la responsabilité des pharmaciens agréés ;
mais la plupart des gérants n’ont pas fait des études pharmacologiques, leurs
compétences se limitent au conditionnement, au stockage, à la comptabilité et au
marketing. C’est dans les officines privées que l’on trouve une gamme variée de
médicaments. Aussi bien ceux qui sont de nouvelles combinaisons moléculaires
que les consommables médicaux de meilleure qualité s’y trouvent. Ces officines
fonctionnent au rythme des services administratifs avec un système de garde par
rotation, la clientèle y abonde, nous sommes tentés d’affirmer qu’elles font de
bonnes affaires. Toutefois, le ravitaillement et la dotation des officines dépendent
plus du pouvoir d’achat des clients que de la qualité thérapeutique des
médicaments : c’est-à-dire que les pharmaciens ne vendent que les médicaments
qui sont à la portée des clients. Les combinaisons moléculaires qui sont chères,
sont quasiment inexistantes, elles ne sont obtenues que sur commande. A défaut
d’être des pharmaciens de formation, la plupart des gérants de pharmacie ont
au moins le niveau secondaire, et ils se réfèrent assez souvent au vrai
84

pharmacien en cas de besoin. Ces derniers sont généralement dans l’arrière-


boutique. Le respect de la hiérarchie et de l’ancienneté est sans faille.

VI-2 L’achat de médicaments sans ordonnance.


Tableau N°26
Achat de médicaments Par
sans ordonnance médicale Oui Non Oui &Non habitude Total
Effectif 12 43 52 8 115
% 10,43 37,40 45,22 6,95 100
(Source : résultats d’enquête)

La délivrance des médicaments aux clients par les pharmaciens, joue un rôle très
important dans les habitudes thérapeutiques tant au niveau de l’acquisition que
de la consommation des médicaments. La connaissance des pathologies et des
agents thérapeutiques impose plus ou moins des itinéraires thérapeutiques selon
l’expérience de chacun et du capital de connaissance dont on dispose.
Notre enquête a révélé que 10,43% des enquêtés n’ont pas pu avoir les
médicaments qu’ils ont sollicités aux pharmaciens, sans ordonnance médicale. Il
s’agissait généralement de produits injectables, certains médicaments contre les
maladies cardio-vasculaires, et autres médicaments délicats comme les
anesthésiques, les produits de diagnostic et certains antibiotiques. D’après Dr
Alphred SANDOUIDI (Direction des Services Pharmaceutiques), « le
pharmacien n’a pas le droit de prescrire un médicament à un malade qui se
trouve dans un état grave », il n’a surtout pas le droit de livrer les cardio-
angéilogiques sans ordonnance. Il poursuit en disant que : « son rôle est de le
référer à un médecin pour que le diagnostic soit parfait et que la prise en charge
soit à la dimension de la pathologie ». Dans toutes les officines sur notre site
d’enquête, il arrive que le pharmacien refuse de livrer certains médicaments sans
ordonnance. De l’avis de A. TAPSOBA, gérant de pharmacie au secteur
n°13, niveau d’étude secondaire : «en dehors des somnifères (psycholeptiques,
des psychotoniques et des psychodysleptiques), nous pouvons livrer tous les
85

autres médicaments sans exiger une ordonnance médicale ». Le refus de livrer un


médicament sans ordonnance est une interpellation sur les dangers des
médicaments et des conséquences imprévisibles sur la santé. Toutefois, ce n’est
pas à chaque fois que l’auto prescription rencontre une réticence de la part du
pharmacien, qui malheureusement peut être un cas d’automédication non
justifiée.
37,40% des enquêtés font de l’auto prescription sans aucun problème
d’acquisition des médicaments. Mais il arrive que de la Chloroquine soit
prescrite pour un coup de soleil ou de l’Amoxicilline pour une rhinopharyngite.
La non exigence de l’ordonnance médicale s’explique par plusieurs facteurs dont
l’importance varie d’un individu à l’autre. Dans tous les cas, le scénario reste le
même : « vous demandez un médicament, on vous le livre s’il y en a et vous
allez faire le versement à la caisse puis vous empochez votre médicament », (un
commerçant âgé de 47 ans, habitant au secteur n°26). Le système est tel que, soit
le client dit le nom du médicament qu’il veut, soit il présente un vieil emballage
ou une ancienne ordonnance, soit il explique les symptômes du mal, soit il
téléphone pour s’assurer que le produit existe et il envoie une tierce personne le
chercher…
L’auto prescription est admise par le biais de certaines présomptions. Une
institutrice âgée de 28 ans au secteur n°24, nous confie que : « le pharmacien
donne le médicament sans exiger une ordonnance, parce qu’il suppose que vous
savez de quoi vous souffrez et que vous connaissez bien le médicament que vous
voulez » . Pour certains, c’est la cupidité des pharmaciens engendrée par la
concurrence entre les officines privées y compris les pharmacies parallèles.
Exiger une ordonnance de façon rigoureuse est synonyme de se priver de sa
clientèle. C’est la recherche effrénée du profit qui incite la plupart des
pharmacies à livrer des médicaments aux clients qui n’ont pas d’ordonnance.
L’auto prescription est admise, avec modération par 45,22% des enquêtés qui se
fondent sur les principes de déontologie, et d’éthique dans la gestion des
pharmacies. Ils affirment qu’il y a des produits médicamenteux et des
86

consommables médicaux qui ne demandent pas d’ordonnance, tels que certaines


baumes et les antalgiques. Selon Dr Alphred SANDOUIDI (DSPH), « il y a des
médicaments-conseils que le pharmacien est habilité à prescrire aux malades ».
En principe, le pharmacien devrait se garder de fournir des médicaments qui ne
doivent être administrés que sous surveillance médicale. En réalité, l’observation
de ce principe dépend du pharmacien et de tout le système de gestion des
officines au regard des textes et règlements en vigueur.
Finalement, 6,95% ne trouvent pas à redire au sujet de l’automédication ni de
l’auto prescription en particulier. Ils appréhendent le comportement des
pharmaciens à travers les réalités sociologiques gouvernées par l’esprit
mercantile. Ou bien ils sont suffisamment avisés des maladies et des remèdes
appropriés. Il s’est agit des agents de santé et de malades chroniques.

VI-3 L’auto prescription dans les cas d’IST


Tableau N°27
- Motif Effectif %
Achat de médicaments Avoir honte de se présenter devant 2 40
en Pharmacie sans un agent de santé
ordonnance pour les Par manque de moyens financiers 1 20
besoins personnels de pour supporter les frais médicaux
l’enquêté souffrant Le refus d’exposer la maladie, 2 40
d’une IST (discrétion)
TOTAL 5/115 100
Achat de médicament Il s’agit d’un partenaire sexuel, 3 13,04
en pharmacie sans (présomption de contagion)
ordonnance pour un Il s’agit d’un(e) confident(e) 17 73,92
tiers, souffrant d’une C’est un parent proche ou un enfant 3 13,04
IST TOTAL 23/115 100
(Source : résultats d’enquête)
N.B. : Les enquêtés qui ont été confrontés à un problème d’IST représentent
24,35% contre 75,65% qui n’ont jamais été concernés par un problème d’IST.

Sur un total initial de 115 enquêtés, seulement 5 avouent avoir déjà acheté un
médicament pour traiter une IST, dont ils souffraient personnellement. Les
87

motifs de cette automédication sont d’ordre culturel et matériel. Pour deux


enquêtés âgés respectivement de 28 et 39 ans ouvriers célibataires au secteur
n°25 : « c’est la honte d’aller voir un agent de santé » qui conduit à
l’automédication. Pour deux autres, c’est le souci de rester dans la discrétion vis-
à-vis de leur entourage. C’est l’image mentale que la société attribue aux
victimes d’IST qui les amène à se tourner vers l’automédication. Le fait d’être
atteint d’une IST laisse entrevoir de manière tacite une perversion sexuelle.
L’IST touche à l’intimité des personnes, et la crainte de voir leur réputation
ternie, les résigne à l’automédication.
La représentation sociale des IST, qualifiées de « maladies de la honte »,
influence donc les pratiques d’automédications. Un seul enquêté justifie son
automédication dans le cas d’IST par le manque de moyens que demanderait le
recours officiel à une formation sanitaire. La peur des multiples examens
médicaux coûteux l’incite à se soigner avec les moyens de bord, au risque
d’aboutir à un échec thérapeutique. Il est ressorti au CSPS du secteur n°23, selon
les propos d’une sage-femme âgée de 38 ans, que : « les victimes d’IST
éprouvent vraiment une gêne à exposer leur maladie, surtout que dans la plupart
des salles de consultation on trouve des femmes ».
L’automédication est donc liée à une conception de la maladie qui demande une
certaine discrétion dont le malade n’a pas la garantie dans les formations
sanitaires. En plus de l’automédication directe dans les cas d’IST qui se traduit
par l’achat et la consommation volontaire d’agents thérapeutiques ; il y a
également une forme d’automédication par personne interposée.
La considération de cet aspect de l’automédication nous a permis d’augmenter
sensiblement les cas globaux d’auto soins des IST. Ainsi, 23 enquêtés (soit 20%
de l’effectif total) affirment avoir déjà acheté des médicaments sans ordonnance,
et sans avis médical, pour les besoins d’une autre personne qui souffrait d’une
IST. Selon des pharmaciens, la victime d’IST qui veut s’auto soigner vient
directement se procurer les médicaments en officine ou bien il s’arrête à
quelques mètres de l’officine et envoie quelqu’un acheter le médicament. Ceux
88

avec qui ils sont familiers les accostent dans la rue ou viennent les voir à
domicile pour solliciter le médicament. Tout cela dans le but d’éviter les Centres
de santé.

VI-4 L’orientation thérapeutique en officine


Tableau N°28
Conseils donnés par le Phar- Quand on Sans Total
macien sur la posologie Oui Non Parfois demande avis
Effectif 23 46 9 53 4 135
% 17,03 34,10 6,66 39,25 2,96 100
(Source : résultats d’enquête)

L’observation du comportement des autosoignants dans les officines


pharmaceutiques nous permet de faire les constats suivants : 17,03% des avis
émis par les enquêtés sur l’implication du pharmacien dans leur automédication,
affirment que celui-ci leur donne des conseils quand ils achètent les médicaments
sans ordonnance. Il s’agit ici d'une automédication partiellement médicalisée en
ce sens que le pharmacien possède quelques compétences en matière de soin.
Cependant, 34,10% des avis émis signifient que le pharmacien ne donne jamais
de conseil aux autosoignants. Un enseignant d’Université âgé de 42 ans, logé au
secteur n°13 dit a ce propos que : « C’est à peine s’il vous regarde. Et pire, le
pharmacien agréé n’est même pas au comptoir il se trouve dans l’arrière-
boutique». Cela dénote une indifférence du pharmacien à l’égard des
autosoignants. Il arrive que le pharmacien donne des conseils aux auto
prescripteurs de médicaments ; aussi bien les clients et les pharmaciens affirment
cela : 6,66%. « Quand on remarque que le client ne sait pas lire, on lui demande
s’il connaît la posologie du médicament qu’il a acheté ; si c’est conforme à la
norme on le laisse. Dans le cas contraire, nous lui montrons la posologie
exacte » : (un gérant de pharmacie au secteur n°24 âgé de 25 ans, il est
célibataire). Il arrive que le pharmacien propose un médicament plus approprié à
l’autosoignant après que celui-ci ait expliqué les symptômes de sa pathologie et
89

le remède qu’il sollicite. Toutes les pharmacies sur notre site d’enquête ont
évoqué cette situation. D’après Dr. Aline F. TIENDREBEOGO, pharmacien
agréée (Pharmacie St. Hilaire au secteur n°25), « nous orientons certains
malades qui veulent s’auto soigner vers des spécialistes quand la pathologie est
délicate». Il faut reconnaître que 6,66%, c’est quand même une faible proportion,
ce qui témoigne de la rareté des thérapies guidées par le pharmacien.
Selon 39,25% des avis, le pharmacien ne s’implique dans les actes de
l’autosoignant que quand il est sollicité. Le pharmacien ne se mobilise pour
guider l’autosoignant que quand il est sollicité. C’est le plus fort taux des avis
émis par les enquêtés. Il ne se substitue pas de manière spontanée au médecin en
face des autosoignants. Doit-il le faire, oui ou non, quand il s’agit d’un problème
de santé ? La réponse n’est pas évidente.
L’implication des pharmacies officielles dans les pratiques d’automédication est
liée au non-respect des textes en vigueur sur la délivrance des médicaments au
public, et partant de là, le non respect de la déontologie du pharmacien.
Ce non-respect est dû à la concurrence dans le domaine pharmaceutique. A cause
de laquelle les officines cherchent à maximiser leur profit pour ne pas tomber en
faillite. Cela est également lié à l’attitude des clients dont les moyens financiers
sont limités. Ils cherchent des raccourcis pour se soigner. Même si des
déterminants sociologiques contraignent à l’automédication, faut-il pour cela
ignorer le « serment de Galien » ? Hormis les officines officielles, il y a des
pharmacies parallèles dotées de médicaments de contrebande qui influencent
sans doute le comportement des malades dans leur quête de la santé.
90

ChapitreVII. Acquisition et consommation des médicaments de contrebande

VII-1 Constat et analyse de la vente illicite des médicaments


pharmaceutiques

La vente informelle des médicaments pharmaceutiques est de nos jours un


phénomène très répandu, faisant de cette pratique un problème social, et la
prolifération des médicaments de contrebande est devenue un phénomène
préoccupant pour la santé publique. Ces médicaments sont vendus sous forme de
gélules, de baumes, de comprimés et sous la forme liquide. Ils sont conditionnés
dans des sachets, des plaquettes, et des tubes en verre ou en plastique ; la
commercialisation se fait en gros, en demi-gros et en détail. Les prix sont fixés
suivant la demande et à la tête du client.
La vente illicite des médicaments est recrudescente dans les grands centres
urbains du Burkina, mais le phénomène est beaucoup plus accentué sur le
Plateau Central et dans les villes frontalières Sud et Nord-Sud. Ouagadougou,
carrefour très remarqué d’échanges commerciaux et de brassage des
populations, n’échappe pas au fléau de la contrebande qui y prend une ampleur
considérable. D’origine douteuse et de conditions de conservation inappropriées,
les médicaments de la rue, bien qu’illégalement produits et commercialisés, sont
cependant consommés par une grande partie de la population. Selon Didier
FASSIN (1992), la vente des produits pharmaceutiques relève de la « valeur
monétaire et symbolique du médicament ». Les médicaments de contrebande
coûtent relativement moins cher que ceux des officines. Puis ils sont disponibles
en détails. Cette possibilité permet d’obtenir les médicaments en fonction du
pouvoir d’achat de chaque individu. La valeur symbolique relève du fait que la
possession du médicament confère un prestige, le détenteur des médicaments se
sent imbu de pouvoir et se sent très utile, compte tenu de l’intérêt que les
91

malades lui accordent. Cette valeur symbolique est prisée aussi bien par les
marchands de contrebande que les thérapeutes officiels.
D. FASSIN explique cette valeur symbolique du médicament à travers le
processus d’obtention au sein des structures sanitaires officielles (consultation,
ordonnance médicale, officine), il montre le rôle de l’Etat, des laboratoires
pharmaceutiques, des pharmaciens, des agents de santé, de la société en général ;
dans la vente illicite des médicaments. D’après A. K. SOUBEIGA (1992), la
démobilisation des collectivités rurales dans le fonctionnement des soins de santé
primaires officiels est liée à l’émergence des structures non officielles de soins.
La vente illégale des médicaments pharmaceutiques apparaît comme un palliatif
des coûts élevés des médicaments d’officines au regard du faible pouvoir d’achat
d’une proportion importante de la population. Avec 25F ou 100F CFA, on peut
se procurer un médicament pour satisfaire ses besoins de santé.
Plusieurs raisons expliquent la circulation des médicaments de contrebande et
leur vente illégale, nous pouvons toutefois constater que ce réseau de distribution
et de consommation du médicament repose sur des considérations économiques
et symboliques, au regard du caractère contraignant des besoins de santé qui se
manifestent. La vente illicite des médicaments offre un cadre idéal pour
l’automédication. Malheureusement, ni les vendeurs, ni les consommateurs n’ont
généralement pas les compétences médicales requises pour la prise en charge des
maladies. Faut-il affirmer que la consommation des médicaments prohibés,
partant de là, l’automédication est l’apanage des couches sociales
économiquement défavorisées ? Là n’est pas la question. Dans notre présente
étude, il s’agit d’appréhender l’implication du marché parallèle des médicaments
dans les pratiques d’automédications. Dans quelle mesure, la vente illégale des
médicaments non conventionnels ou conventionnels crée un engouement pour
l’automédication ? C’est là, la grande interrogation. Avant de poursuivre la
réflexion sur cette question, voici quelques médicaments que l’on peut rencontrer
sur le marché parallèle.
92

*Echantillon nominatif des médicaments vendus au niveau des "pharmacies-par-


terre" (Source : Résultats d’enquête).

A-Série des anti-paludéens et anti-céphaliques


1- Médik-55 12- Cloroquine phosphate
2- Uncle Joe 13- Chlorotab
3- Quinox 250 mg 14- Cold Master
4- Maladrin 250 mg 15- Sagadon
5- Forpain 16- Jamitrox
6- Malaery 17- Géodex
7- Doctor Ben 18- Coprex
8- Drastin 19- Oskadol
9- Sédaspir 20- Nivaquine
10- Algbin plus 21- Radon
11- Paracetamol 500 mg 22- Daga

B- Série des médicaments contre les douleurs musculaires articulaires et les


amphétamines
1- Ibrucup 7- Aspirine
2- New ibu strong 8-Bleu-Bleu
3- BNS 500 9-Le14
4- Ibricaps 10-Buta 100mg
5- Ibumol plus 11-Indo 25mg
6-Phensic

C- Série des médicaments contre les maux gastriques


1-Seebeen 100 5-Gastrix
2- Codrex 6-Estomac
3- Oskardol 3 mg 7-Danko’s
4-Stomach

D- Série des médicaments contre le rhume et les affections pulmonaires


1-Laïla 5-Jasprin 300/A.S.A
2-Coltab 6-Bronconf-l
3-Calza 7-Zeecol
4-Mixagrip

E- Série des antibiotiques : médicaments à multiple effets thérapeutiques


1- Ampicilline 250 & 500 mg 5-Mebenda 100
2-Pstopeke 6-Ultragyl
3-Zamocilline 500 7-Medben ,Ascacilique 500 mg
4-Amoxicilline
93

F- Série des médicaments contre les menstruations douloureuses


1-Ladinax
2-Quenax
3-Niprofen

G- Série des médicaments contre les maux de hanche


1-Glofen 400 4- Brafen 400 mg
2-Ibufencap 5- Ibuprofen 200 mg
3-Enafen

H- Série des médicaments contre les plaies


1-Emcap ( comprimé) 3-Geosulf/ sulfur
2-Toupaï 4-Penicillin ointtment B.P.C

I- Série des médicaments contre les maux d’yeux, de dents, d’oreilles


1-Gentamicin 10 ml ( œ il et oreille)
2-Exadon ( dents )

J- Série des stimulants de désirs sexuels (aphrodisiaques)


1-Lovex 4-Ooh ! la ! la !
2-Difit 5-Samedi – soir (comprimé)
3-Powrex

K- Série des contraceptifs féminins


1-Sécure
2-Confidence

L- Série des vitamines et autres apéritifs


1-Super appetite 4 mg 6 - Capiton
2-Multivitone 7 -Richtone
3-Mellotone 8- Stanavite
4- Elvitone 9-Périatin
5-Hexaglobin plus

Les vendeurs illégaux de médicaments pharmaceutiques disposent aussi des


médicaments agréés qu’ils acquièrent frauduleusement avec la complicité des
agents de santé. Leur activité est un véritable troc moderne avec des possibilités
de trucage, et de la falsification sur une échelle de man œ uvre très importante
concernant aussi bien la nature, la qualité, les vertus thérapeutiques que le prix et
94

la date de péremption des médicaments. De plus, le marchandage et la


confidentialité sont de règle. Et il faut noter que la provenance de ces
médicament s’inscrit dans un circuit complexe.

VII-2 Esquisse d’un circuit d’approvisionnement des "pharmacies-par-


terre"
Dans les "pharmacies-par-terre", nous trouvons aussi bien les médicaments
agréés que les médicaments prohibés. C’est un marché noir qui est approvisionné
par plusieurs axes, dont nous proposons un schéma synthétique dans
l’organigramme ci-dessous.
Les médicaments agréés proviennent des dépôts pharmaceutiques officiels par le
truchement des laborantins, des personnels de santé, et les clients qui bénéficient
d’une exonération de frais médicaux. Les malades guéris, et les ayants droit d’un
défunt, écoulent également les médicaments restants après les traitements, dans
les "pharmacies-par-terre".
Les médicaments agréés sont importés des pays occidentaux et transitent par
l’Aérogare de Ouagadougou, les Ports d’Abidjan (RCI) et de Lomé (Togo).
Durant le trajet, les médicaments sont soutirés frauduleusement, pour être vendus
sur le marché noir et terminer leur course chez l’autosoignant.
Les médicaments prohibés quant à eux, font l’objet d’un véritable trafic
commercial, dont certaines personnes en font leur activité principale. Ils sont
importés également des pays occidentaux, mais beaucoup plus des pays africains
comme le Nigeria, le Ghana, la Côte d’Ivoire… Ils transitent par les villes
frontalières avec la complicité des commerçants et des transporteurs, pour
parvenir jusqu’à Ouagadougou. Il y a également des consommateurs dans les
villes et les campagnes de transit. On en vient de nos jours, à soupçonner dans
les villes moyennes où le trafic est dense, des foyers de contrefaçons des
médicaments (ex. de Pouytenga). La contrebande fait l’objet de répression
policière et douanière à priori. Ce, pendant que les trafiquants redoublent
d’ardeur et élaborent des stratégies ingénieuses, pour faire entrer les
95

médicaments dans les villes et les campagnes. Parce que la demande de ses
médicaments se fait de plus en plus accrue.
Schéma n°1 circuit de ventes frauduleuses des médicaments.

Médicaments agrées
Dépôts phar- Port d’Abidjan
Aéroport de maceutiques
Ouagadougou et les Port de Lomé
laboratoires
de contrôle

Délégués médicaux Officines


Formations sanitaires

Malades décédés Personnel Gérants et Client bénéficiaire


Malades guéris De la santé Gardiens de mutuelle

Consommateur PHARMACIES-PAR-TERRE Consommateur


Autosoignant (La rue, les domiciles, les boutiques, le marché) Autosoignant

Ouagadougou Kantchiari
villages
Sankansé, Bitou
Koupéla
Bobodioulasso Gaoua Pouytenga
Diébougou Guélwango villages Zabré… villages
Banfora Hamelé
Boromo… Kampti Togo Bénin Niger
Batié…
villages
villages
Côte d’Ivoire Ghana

PAYS OCCIDENTAUX NIGERIA


(Europe, Amérique, Asie…)

Médicaments prohibés : la contrebande

(Source : résultats d’enquête)


96

VII- 3 La familiarité avec les contrebandiers


Tableau N°29
Familiarité avec un contrebandier au moins Effectif %
Connaissance d’un réseau de marchands
Oui 29 25,20
Non 46 40
Connaissance superficielle 40 34,80
Total 115 100
(Source : résultats d’enquête)

Les marchands ambulants de médicaments prohibés appartiennent à la société,


mais leurs identités et leur activité ne semblent pas être connus de tous.
Dans l’échantillon de notre population cible, 25,20% connaissent
personnellement un marchand ambulant au moins. C’est soit un ami ou un
proche parent. 40% n’ont aucun lien de familiarité avec les marchands. Enfin,
34,80% des enquêtés ont une connaissance superficielle des marchands de la
contrebande. Cette connaissance se limite aux rapports de voisinage dans le
quartier, au passage habituel non loin des points de vente et à la filature d’un
marchand de médicaments de contrebande par curiosité au regard de ses
comportements suspects. De toute évidence, les marchands ambulants ne passent
pas inaperçus compte tenu de leur mobilité spatiale très remarquée.

VII-4 Les points de vente des médicaments de contrebande


Tableau N°30
Points de vente cités par les enquêtés Effectif %
Les marchés et autres lieux publics 70 30,43
Les coins de rue « six mètres » 68 29,57
Le pont du barrage n°2 et n°3 (Tanghin) 23 10
Les boutiques de quartier 16 6,96
Les domiciles et ateliers de travail 15 6,52
Partout même livraison à domicile 38 16,52
TOTAL 230 100
(Source : résultats d’enquête)
97

Les lieux de vente des médicaments prohibés les plus cités sont les marchés de
proximité et les espaces publics en général tels que les gares routières, les salles
de cinéma, les vidéos-clubs et les aires de jeux, soit 30,43%. Les coins de rue,
les six mètres et les entrées principales de la ville ont un taux de citation de
29,57%. Nous trouvons également des contrebandiers sur le pont du barrage n°2
de la ville de Ouagadougou, ce pont est en effet l’axe principal emprunté par les
habitants des secteurs n°23 et 24 pour rejoindre le centre ville, avec un taux de
citation de 10%. Les boutiques de quartier sont aussi citées parmi les points de
vente de médicaments prohibés, soit 6,96%. Il en est de même concernant les
domiciles et les ateliers de travaux informels. Enfin 16,52% des avis trouvent
que les contrebandiers sont partout, ils rentrent même dans les bureaux et se
déplacent de porte à porte.
En définitive, les marchands de médicaments prohibés sont omniprésents dans la
ville de Ouagadougou. Ils investissent les lieux publics, les carrefours, les axes
dont le taux de fréquentation est élevé, de même que les lieux de services et les
résidences. Ils côtoient la population en tout temps et en tous lieux, cette
disponibilité crée une promiscuité qui atténue progressivement le caractère
délictueux de la contrebande, au profit d’une tolérance tacite (fataliste) qui
s’installe. A la limite c’est une dépendance des consommateurs vis-à-vis des
contrebandiers qui se crée et inexorablement, c’est l’automédication qui gagne
du terrain. Qui sont les contrebandiers et comment la population les juge-t-elle ?

VII-5 Le portrait des contrebandiers


Tableau N°31
Traits caractéristiques des vendeurs illicites de médicaments Effectif %
Jeune garçon illettré et analphabète 67 38,73
Escroc / Racketeur, Toxicomane, Délinquant, Agressif, Nerveux 35 20,23
Malpropre, Débraillé, Pauvre 12 6,94
Gentil, Courtois, Compréhensif, Amusant 15 8,67
Déscolarisé, Désœ uvré, Peu instruit 34 19,65
Autres 10 5,78
TOTAL 173 100
98

(Source : résultats d’enquête)

Le plus grand nombre des avis émis sur le caractère des marchands ambulants
des médicaments de contrebande (38,73%) remarquent qu’ils sont des jeunes
garçons illettrés et sans aucun niveau d’instruction. Ils ne savent ni écrire ni
déchiffrer parfaitement un alphabet. Ils se réfèrent aux images et les motifs qui
sont sur les emballages des médicaments. C’est leur jeunesse qui attire surtout
l’attention des enquêtés. 20,23% pensent que ce sont des toxicomanes belliqueux
qui sont prêts à faire des rackets. 19,65% des avis considèrent que les
marchands ambulants sont des jeunes déscolarisés, peu instruits et dés œ uvrés.
Par ailleurs, certains relativisent leur état de chômeur en disant que « le
commerce des médicaments est aussi un métier comme les autres » (un tailleur
marié âgé de 34 ans, domicilié au secteur n°27), du moment où celui qui
s’adonne à ce type de trafic y gagne son pain. Il y a des gens qui les trouvent
débraillés et malpropres, visiblement démunis (6,94%). Pour d’autres, les
marchands ambulants sont gentils et courtois. Ils sont amusants, compréhensifs,
et quand vous ne disposez pas suffisamment d’argent pour acquérir un
médicament, ils peuvent vous le donner à un prix forfaitaire ( 8,67% des avis).
Enfin, 5,78% des avis remarquent que même les jeunes filles s’adonnent à la
vente de médicaments prohibés. Les marchands ambulants sont en général, très
verbeux et la situation socio-économique marquée par la pauvreté, offre un
terrain favorable à la vente illicite des médicaments. Cette multiplicité des
points de vue est le reflet d’une multiplicité des caractères des ambulants,
n’empêche que l’on peut retenir qu’ils sont en majorité jeunes et de faibles
niveaux d’instruction. Leur courtoisie est remarquable, et leurs comportements
sont instables : bons ou déplorable en fonction de leurs humeurs, et surtout la
clientèle dont nous proposons d’identifier les caractéristiques.
99

VII-6 La clientèle des "pharmacies-par-terre"


Tableau N°32
Désignation catégorielle Effectif %
Toutes les catégories socioprofessionnelles 36 18,95
Analphabète, Illettré, Ignorant, Profane 38 20
Les Pauvres, et les Démunis 30 15,79
Personnes âgées 34 17,89
Jeunes dés œ uvrés, Chômeurs 15 7,90
Ouvrier, Commerçant, Artisan, Mécanicien, Secteur informel 29 15,26
Avariste, Pingre ; Autres 8 4,21
TOTAL 190 100
(Source : résultats d’enquête)
Cette typologie permet, à partir des expériences et des connaissances des
personnes enquêtées, d’identifier les clients réels et potentiels des "pharmacies-
par-terre". Ainsi, les enquêtés estiment à hauteur de 18% que toutes les
catégories socio-professionnelles consomment les médicaments de contrebande,
selon les propos d’une technicienne de laboratoire âgée de 38 ans, mariée,
domiciliée au secteur n°25, Cité Somguandé : « toutes les catégories de
personnes achètent les médicaments chez les ambulants, même les agents de
santé et ceux qu’on dit intellectuels ». En réalité, à travers nos enquêtes il est
ressortit aussi bien chez les cadres supérieurs, les analphabètes et les sans-
emploi (tout âge confondu et sans distinction de sexe ni de milieu d’origine), que
les uns et les autres ont déjà acheté des médicaments chez les contrebandiers.
Selon 20% des avis, ce sont des gens sans instruction et qui ignorent l’existence
de médicaments en générique (moins coûteux que les spécialités), qui achètent
les médicaments dans la rue. Ces comportements sont guidés par des
présomptions sur l’efficacité probable des médicaments de contrebande. Ceux
qui ont un faible pouvoir d’achat sont cités à hauteur de 15,79% comme des
clients potentiels des pharmacies-par-terre. C’est l’accessibilité économique des
médicaments illicites qui crée un engouement pour les populations démunies.
Les enquêtés estiment à 7,90% que les jeunes sans-emploi sont des clients,
friands des médicaments prohibés parce qu’ils sont en quête de stupéfiants pour
100

supporter le poids de la délinquance et du chômage. Les travailleurs du secteur


informel et les ouvriers sont cités à hauteur de 15,21% comme consommateurs
des médicaments prohibés. Les enquêtés estiment à 4,21% que la consommation
des médicaments de la rue est relative à certains types de comportements dont
l’avarisme de ceux qui sont nantis et la paresse d’aller dans une formation
sanitaire pour d’autres. Enfin, les personnes âgées sont citées à hauteur de
17,89% comme étant des clients des marchands ambulants. Leur comportement
est guidé par une logique de rationalisation des dépenses relatives à leur survie,
et une rationalité économique. Les vieilles personnes préfèrent acheter les
médicaments moins chers dans la rue pour leur besoin, et économiser leur argent
plutôt que d’occasionner des dépenses excessives pour leurs enfants. Elles se
disent qu’elles n’ont plus longue vie, alors inutile de gaspiller l’argent de leur
progéniture, en se rendant dans une formation sanitaire pour le moindre mal, et
revenir avec des ordonnances souvent onéreuses. Il serait par ailleurs intéressant
d’analyser le comportement des consommateurs des médicaments de
contrebande et comprendre l’attitude de ceux qui se préservent d’en consommer.

VII-7 La consommation des médicaments de contrebande


Tableau N°33
Consommation de médicaments de contrebande Effectif %
Consommation de Recouvrer la santé et autres 48 94,12
Médicaments prohibés effets positifs
Allergies et autres effets secondaires 2 3,92
et les conséquences
Complications de la maladie et des 1 1,96
évoquées par les dépenses excessives
enquêtés. TOTAL 51/115 100
Par prudence, ou bien il y a un manque de 20 31,25
confiance à ces médicaments
Non-consommation et Ce sont des produits douteux toxiques et 22 34,38
les raisons avancées par sans effets curatifs (éventuellement)
Le conditionnement et la posologie des 5 7,81
les enquêtés médicaments sont inappropriées.
Autres, et les sans avis 17 26,56
TOTAL 64/115 100
(Source : résultats d’enquête)
101

N.B. : Ceux qui ont déjà consommé les médicaments de contrebande


représentent 44,35% contre 55,65% pour ceux qui affirment n’en avoir jamais
consommé.

Le bien-être général, tant physique, mental que social, est souvent conditionné
par la prise d’agents thérapeutiques en cas de maladie ou de soupçon de maladie.
Cette exigence est satisfaite grâce aux recours officiels et non officiels. Pour les
recours non officiels nous faisons allusion aux "pharmacies-par-terre" où
abondent les médicaments de contrebande. Sur 51 enquêtés qui ont consommé
les médicaments de contrebande et qui en consomment régulièrement, 94,12%
disent avoir recouvré la santé, ils trouvent que les effets de ces médicaments sont
bénéfiques. 3,92% ont eu des allergies et des effets indésirables. Un enquêté
rapporte dans ce sens que : « J’avais pris un médicament pour ne pas dormir
parce que j’avais prévu un rendez-vous très important ; malheureusement, je me
suis endormi plus tôt que prévu ». Un seul consommateur affirme avoir eu des
complications après qu’il ait consommé un médicament prohibé. L’infirmière
major du CMA de Kossodo (OUEDRAOGO K. Fati, 21 ans d’ancienneté) nous
confie qu’« il est arrivé un jour qu’un patient se présente à elle, souffrant d’une
hémolyse parce qu’il avait consommé des médicaments prohibés ». Il y a des
patients qui sont transportés d’urgence au CMA de Kossodo dans le coma parce
qu’ils ont consommé des médicaments prohibés. Dans ce cas de figure, ce sont
des dépenses excessives qui surviennent. D’après une enquêtée au secteur n°26,
sa voisine avait consommé un médicament douteux dans l’intention de grossir ;
malheureusement ses membres se sont développés excessivement et de manière
disproportionnée à tel point qu’elle a été évacuée à l’hôpital.
Nous remarquons que des témoignages relatifs aux effets néfastes des
médicaments de contrebande sont nombreux mais les victimes se prononcent très
rarement sur leurs propres expériences surtout si elles sont négatives. Malgré les
incidents notifiés çà et là, relevant de la consommation des médicaments de
contrebande, une part importante de la population en consomme toujours et tous
les jours.
102

Pour ceux qui ne consomment pas les médicaments prohibés, 31,25% évoquent
la méfiance et le manque de confiance en la qualité des médicaments, alors ils
n’en ont pas besoin. Selon certains (34,38%) les médicaments de contrebandes
sont des médicaments toxiques et sans effet curatif. A ce titre Dr A.
SANDOUIDI (DSPH) affirme que « les marchands ambulants vendent des
médicaments dont les molécules ne sont pas indiquées suivant les normes de
combinaisons et de dosages ». Ce constat a été fait après l’analyse d’un
échantillon de médicaments confisqués auprès des contrebandiers. Les
conditions de conservation inappropriées, les conditionnements et les posologies
inappropriées expliquent la réticence de certaines personnes face à la
consommation des médicaments illicitement vendus (7,81%). En effet, nous
pouvons réellement constater que les médicaments sont exposés au soleil, à la
poussière et à l’humidité. Pour des médicaments qui ne doivent être conservés
qu’à une température de 20°C au plus, on les voit exposés à même le solsur la
voie bitumée, sous une température de plus de 30°C. Selon 26,56% des enquêtés,
le refus de consommer les médicaments de contrebande s’explique par leur
niveau d’instruction élevé. Ils sont à même de discerner et de prendre
conscience de la nocivité des médicaments prohibés et s’en prémunir. Certains
sont nantis économiquement, et préfèrent une autre source d’approvisionnement
en médicaments, plus crédibles. Enfin il y a les séries d’expériences fâcheuses
d’autres consommateurs qui sensibilisent certains à ne pas consommer les
médicaments prohibés.
L’automédication est un pendant de la disponibilité des médicaments de
contrebande. Au moins 44,35% de nos enquêtés sont sujets à cette pratique par le
biais des marchands ambulants, d’autant plus que le marché illicite révèle une
dynamique particulière qui mérite d’être appréhendée. Il faut toutefois avouer
que ceux qui ne consomment pas les médicaments illicites ne sont cependant pas
à l’abri de l’automédication (nous y reviendrons).
103

VII-8 Le système de vente des médicaments de contrebande


Tableau n°34
Système de vente et astuces de commercialisation des Effectif %
Marchands ambulants
Marketing à la criée : on appelle le client et on lui propose
les médicaments (baume, psychotique, antibiotique). 46 27,71
Le client demande le médicament ou il expose son mal et on
lui trouve le remède et tous ses équivalents, dans la discrétion. 17 10,24
Empaquetage transparent, exposition en plein air, les images sur
les emballages sont mis en évidence, sans gène sur les étalages 60 36,14
A crédit, prix discutable, en détail, à la bourse du client. 43 25,91
TOTAL 166 100
(Source : résultats d’enquête)

L’observation du comportement des marchands ambulants dans l’exercice de


leur métier donne à voir des attitudes qui méritent une attention particulière. Les
systèmes de vente sont diversifiés et laissent entrevoir des comportements
antipathiques ou sympathiques selon le marchand et/ou le client. Selon les
enquêtés, 27,71% trouvent que les marchands ambulants des médicaments de
contrebande abordent les clients avec des astuces de diplomate. Ils font du
marketing, à la limite il s’agit d’une agression commerciale. Cette attitude est
notifiée par une commerçante mariée, âgée de 34 ans domiciliée au secteur n°23,
qui dit ceci : « Quand vous passez à côté des contrebandiers, et que vous
diminuez de vitesse, ils vous abordent aussitôt et vous proposent des
médicaments ». Avec cette méthode d’approche, ils atténuent la gêne de ceux qui
sont timides, mais ils ne manquent pas de tromper la vigilance des gens au sujet
des vertus thérapeutiques qui sont excessivement vantées. Un autre mécanisme,
c’est le client qui expose sa maladie et le marchand lui trouve le médicament
qu’il faut, 10,24% des avis sont contenus dans ce sens. Ce qui a beaucoup attiré
l’attention des enquêtés c’est le conditionnement des médicaments. Nous
remarquons que les médicaments sont mis dans des sachets transparents et
rangés de sorte à mettre en évidence les images sur les emballages indiquant les
organes que le médicament est susceptible de soigner, 36,14% des avis évoquent
104

cela. De loin nous apercevons les médicaments, et les organes sur lesquels ils
sont susceptibles d’agir en cas de pathologie. Ils vendent les médicaments
illicites comme tous les autres produits de consommation courants. Un étudiant
en pharmacie, 23 ans, évoque cela en disant qu’« on vend les médicaments de
contrebande comme des cacahouètes, c’est flagrant ». En plus, ils s’érigent en de
véritables thérapeutes, avisés de tout et disposant de tous les remèdes. Enfin, le
système de marchandage attire l’attention à hauteur de 25,91%. Les médicaments
sont vendus à crédits : « même si vous n’avez pas d’argent sur vous aujourd’hui
ils vous donnent le médicament, quitte à ce que vous payez un autre jour, cela est
possible dans les boutiques de quartier, même avec les ambulants, il suffit de les
convaincre » (un comptable âgé de 26 ans, au secteur n°23). Nous constatons
également le système de vente en détail et surtout « l’offre selon le pouvoir
d’achat du client ». Les jeunes filles vendent les médicaments dans des cuvettes,
en même temps que des fruits ou des fritures. Le trafic par le biais de
l’information de bouche-à-oreille est très remarquable dans les bureaux et les
ateliers de travaux informels, c’est là que l’on rencontre les consommateurs
réguliers de la contrebande.
La logique de commercialisation des médicaments de contrebande est soutenue
par trois principes.
D’abord, le principe de référence thérapeutique : où les marchands proposent la
gamme de médicaments qui sont à leur portée, de manière verbale ou alors par la
mise en évidence des images qui indiquent les organes du corps que peut soigner
un médicament. En plus, ils sont aptes à vanter les qualités positives d’un
médicament.
Ensuite, le principe de référence étiologique qui renvoie au scénario où le client-
malade expose sa pathologie et on lui trouve le remède. Dans ce cas de figure,
les contrebandiers auront toujours un remède quels que soient la maladie et les
symptômes. Un mécanicien sans niveau d’instruction, au secteur n°27, rapporte
qu’ « ils sont capables de soigner toutes les maladies ».
105

Enfin, le principe de solidarité en référence aux valeurs de sociabilité. Les


marchands ambulants travaillent généralement par binômes et forment des
groupes non distants les uns des autres. Le système de vente à crédit, en détail, et
la possibilité de discuter les prix, laissent entrevoir une intégration des réalités
sociales et économiques, dans la vente des médicaments, qui d’ailleurs occupe
une frange importante d’individus dés œuvrés.
Les contrebandiers se présentent comme des commerçants-soignants dont
l’activité trouve un terrain favorable, à savoir le jeu de l’automédication. Dans
quelle mesure peut-on appréhender leur implication dans ce jeu ? En d’autres
termes, qu’est-ce qui amène la population à consommer les médicaments de
contrebande ? Nous apporterons une esquisse de réponse à ces questions dans les
pages qui suivent.

VII-9 Le Rôle des "pharmacies-par-terre" dans les pratiques


d’automédication
Tableau N°35
Eléments favorisants ; Aspects favorables Effectif %
Accessibilité économique plus facile que dans les officines 106 43,98
Accessibilité géographique Disponibilité à courte distance 69 28,64
Efficacité des médicaments 37 15,35
Autres ; et conjonctures économiques 29 12,03
TOTAL 241 100
(Source : résultats d’enquête)

Le phénomène de contrebande a toujours existé dans la société, et le marché


parallèle de médicaments est une réalité séculaire, au service des autosoignants.
Les "pharmacies-par-terre" renforcent davantage les pratiques d’automédication
et deviennent un terreau de la délinquance, à cause des amphétamines qui y
circulent. Les facteurs d’implication du marché noir de médicaments dans les
pratiques d’automédications ont été énoncés sous plusieurs aspects par les
enquêtés.
106

Sur 241 avis émis, 106 soit 43,98% représentant le plus grand nombre des avis,
pensent que c’est l’accessibilité économique des médicaments de contrebande
qui favorise leur consommation. Les gens trouvent que le recours thérapeutique
officiel est plus coûteux. La consultation de l’infirmier coûte au moins deux cent
francs, il faut débourser au moins deux cent cinquante francs pour avoir un
médicament en officine. Cependant avec vingt cinq francs on se procure des
comprimés dans la rue, avec des conseils à l’appui et des rendez-vous en cas de
récidive ou d’échec thérapeutique. Si dans la rue le malade a de quoi calmer sa
douleur et soigner sa maladie, il n’y a pas lieu d’aller trop dépenser avec une
longue ordonnance, si l’on se conforme à la logique des autosoignants. Les
enquêtés posent ici le problème de la prescription rationnelle des médicaments ;
« on se soigne moins cher dans la rue, contrairement à l’hôpital » (une ménagère
de 26 ans, au secteur n°26). Les soins gratuits à l’hôpital sont rares voire
inexistants. Ailleurs, 28,64% évoquent l’accessibilité géographique des
médicaments de contrebande, « partout on les rencontre, si vous vous arrêtez
devant la porte pendant trente minutes vous apercevez au moins un marchand
ambulant » (un élève âgé de 17 ans, au secteur 27). Beaucoup de gens parlent
aussi des livraisons à domicile et sur les lieux de travail : finies les longues
distances pour aller à l’hôpital ou en pharmacie !
Certains enquêtés parlent de l’efficacité des médicaments prohibés comme objet
d’attraction pour les autosoignants (15,35%). Cette efficacité relative s’explique
par le fait que ces médicaments contiennent une dose importante de stupéfiant
d’une part, et d’autre part les quantités de molécules sont souvent excessives
dans les comprimés. Par exemple un comprimé de « BNS 500mg » soigne les
hedaches, les cols dental pains…. Et une gélule de Ibrucaps indique :
analgésique, anti-inflammatoire, antipyrétique ; Drastin 100mg (2 comprimés à
25F) est un analgesic tablette, très prisé par les ouvriers d’après un
contrebandier.
Selon 12,03% des avis, l’implication des "pharmacies-par-terre" dans
l’automédication est liée à certaines considérations sociales. D’une part, les
107

stéréotypes inhérents au laxisme et à l’avarisme. Le malade a la paresse de se


rendre dans les formations sanitaires ou bien c’est la phobie des ordonnances, qui
ne manquent pas de piocher dans la bourse. Il se rabat donc sur la contrebande.
D’autre part, la honte d’exposer une IST , et le souci de rentabilité et de
productivité des ouvriers les amènent à consommer les médicaments de la rue.
C’est ne pas être la risée du quartier et inspirer la crainte et la méfiance en ces
temps du SIDA, et ne pas s’aliter pour écoper des peines pécuniaires sur les lieux
de travail.
En fait la conjoncture socio-économique marquée par la pauvreté d’une fraction
importante de la population amène la population à recourir aux "pharmacies-
par-terre" qu’elle juge abordables. En somme nous pouvons dire que
l’implication du marché noir des médicaments dans les pratiques
d’automédication tient à la faible valeur monétaire des médicaments, à leur
disponibilité à leur effet thérapeutique et aux termes de références de la vie
quotidienne que sont le style de vie et les stratégies de survie.
108

Chapitre VIII. L’automédication au rang des recours thérapeutiques

VIII-1 L’expérience de l’automédication


Tableau N°36
Expérience d’une thérapie sans l’avis d’un agent de santé Effectif %
Oui 101 87,83
Non 3 2,60
Partiellement 11 9,57
TOTAL 115 100
(Source : résultats d’enquête)

Une approche plus individualisée de l’automédication au cours de notre enquête


a révélé que 87,83% de nos enquêtés ont déjà fait de l’automédication. C’est-à-
dire qu’ils ont pris l’initiative de consommer un agent thérapeutique sous quelle
que forme que ce soit sans l’avis d’un agent de santé. Etre malade, est un état qui
marque le corps de l’individu même si les traces de la maladie ne sont pas
toujours visibles ordinairement. De ce fait, l’autosoignant craint d’être stigmatisé
et de devenir un objet de compassion, ce qui explique son comportement. Il veut
toujours mener une vie normale, ce qui le conduit à faire un traitement
présomptif basé sur un diagnostic sommaire, dans l’espoir de guérir. Le taux
élevé de ceux qui ont déjà fait l’automédication témoigne de l’ampleur du
phénomène. 9,57% des enquêtés ont déjà fait partiellement l’automédication, en
début ou en complément de cure. Dans tous les cas, il y a eu automédication.
Seulement 2,60% n’ont jamais fait de l’automédication avec des produits
pharmaceutiques. Deux raisons sont avancées, à savoir la méfiance et la non-
utilisation « des médicaments du blanc » (un charcutier au secteur n°26),
entendons par-là les médicaments pharmaceutiques.
L’automédication est une usurpation des compétences du thérapeute officiel.
Celui-ci n’a plus le monopole des thérapies quand il s’agit principalement des
maladies courantes et le scénario du soigné-soignant se généralise. Face à
109

quelles affections le malade se donne-t-il le privilège d’organiser et de diriger sa


thérapie ?

VIII-2 Les symptômes faisant l’objet d’automédication


Tableau N°37
Symptômes Effectif %
Infection génitale 5 2,98
Douleurs gastriques 17 16,07
Céphalalgie Fièvre 87 51,78
Fatigue générale, insomnie, stimulant sexuel 22 13,10
Besoin d’appétit, modifier la taille (grossir ou maigrir), les 15 8,92
vitamines
Maladies chroniques 10 5,95
Autres 2 1,2
TOTAL 168 100
(Source :résultats d’enquête)
N.B. : Nous nous sommes gardés d’identifier nommément les types de maladie
parce que cela demande une certaine compétence purement médicale.

De nos jours, les maladies chroniques et dégénératives dont souffrent les sociétés
urbaines industrialisées sont à l’image de la peste ou la tuberculose d’antan. Elles
sont semblables aux fléaux collectifs qui décimaient nos aïeux. La maladie dans
notre monde actuel, a le visage de la personne altérée par le paludisme, la
diarrhée, d’une autre qui suit un régime alimentaire sans sel ni épices, d’une
troisième qui vit avec un stimulant cardiaque depuis des années ou d’une autre
personne qui vient d’être déclarée séropositive. Dans la société moderne, dite
société organique, la maladie individualisée singularise également les prises en
charge où le malade lui-même est appelé à jouer un rôle important.
La prise en charge individuelle des problèmes de santé par l’automédication est
très fréquente pour les céphalées et la fièvre (51,78%). Disons que les accès
palustres et les coups de soleil font majoritairement l’objet d’automédication.
Les douleurs gastriques sont évoquées à hauteur de 16,07%, comme faisant
l’objet d’auto soin. Les douleurs musculaires et articulaires, ainsi que les besoins
110

érotiques, sont citées à hauteur de 13,10% s’agissant de prise en charge sans avis
médical. Ce taux reflète en quelque sorte, celui de la consommation des
amphétamines. D’autres symptômes non moins importants sont aussi sujets à
l’automédication : il s’agit des maladies chroniques, le manque d’appétit, et les
IST. L’automédication a lieu comme par habitude ou bien pour satisfaire un
besoin ponctuel de santé, n’y a-t-il pas lieu d’identifier le facteur temps dans la
pratique de l’automédication au niveau de nos enquêtés ? C’est à quelle période
les gens ont-ils tendance à faire l’automédication ?

VIII-3 Les moments d’automédication


Tableau N°38
- Périodes Effectif %
Au cours Pendant la saison pluvieuse, de juin à octobre 54 48,21
Pendant l’hiver, période de froid : nov. à mi-mars 12 10,72
De l’année
Pendant la période de chaleur de mars à mai 8 7,14
Période indéterminée et Autres 38 33,93
TOTAL 112 100
Pendant toute la thérapie, (Auto soin à 100 %) 25 22,32
Dès l’apparition des premiers symptômes du mal 60 53,57
En cas de
En complément de cure 13 11,61
Maladie Quand les douleurs sont aiguës 14 12,50
TOTAL 112 100
(Source : résultats d’enquête)

Rappelons que 97,40% de nos enquêtés ont déjà fait l’expérience d’une
automédication, d’une manière ou d’une autre. Au nombre de ceux-ci 48,21%
s’auto soignent fréquemment pendant la saison pluvieuse (été). Effectivement,
dans les pays tropicaux comme le Burkina la saison pluvieuse voit la
recrudescence de maladies endémiques dont le paludisme ainsi que d’autres
maladies fiévreuses et éruptives. Le taux d’automédication pendant l’Hiver
(novembre-février) s’élève à 10,72%. C’est la période des maladies broncho-
pulmonaires, occasionnées par les suspensions poussiéreuses. Pendant la période
de chaleur (mars-mai), le taux d’automédication est estimé à 7,14%. C’est la
111

période des céphalalgies et des déshydratations occasionnées par la haute


température (environ 40°C). Enfin 33,93% des enquêtés n’ont pas de périodes
déterminées, au cours desquelles ils font de l’automédication. Ils la font quand la
maladie se manifeste, et comme elle n’est pas prévisible pour une période, alors
la période de l’automédication reste imprécise.
Dans le cas précis de manifestation de la maladie, 53,57% font de
l’automédication dès les premiers symptômes, quand ils ont des sensations
désagréables et des malaises inhabituels. Ceux qui s’auto soignent jusqu’à la
guérison complète représentent 22,32%. Néanmoins en cas d’échec
thérapeutique, le recours à l’agent de santé est éminent. 11,61% des enquêtés
font l’automédication en complément de cure. C’est quand le médicament
prescrit par l’agent de santé est à terme et le malade n’est pas complètement
guéri, que celui-ci se procure un autre flacon pour poursuivre son traitement.
Selon 12,50% des enquêtés, ils font l’automédication quand la maladie est
brutale avec des douleurs aiguës. Ils le font, juste pour atténuer les souffrances.
Le réflexe de se soigner soi-même est évident dès que l’organisme est perturbé.
Les atteintes corporelles et les transformations du corps font l’objet d’auto-
réparation confirmant davantage les pratiques d’automédication. En ces
pratiques nous pouvons entrevoir l’influence de l’environnement social.

VIII-4 L’influence de l’entourage sur les pratiques d’automédication


Tableau N°39
Avoir déjà été - Effectif %
influencé par Oui 62 53,91
l’entourage à faire Non 53 46,09
l’automédication TOTAL 115 100
Don de médicament 15 24,19
Stratégies et Vanter les qualités d’un médicament 40 64,52
objet d’influence Pour avoir été victime de maladies 6 9,68
semblables
Autres 1 1,61
TOTAL 62 100
(Source : résultats d’enquête)
112

L’environnement social joue un rôle important dans le comportement des


malades en général et la conduite de l’automédication en particulier. 53,91% de
nos enquêtés ont été influencés par leur entourage à faire de l’automédication.
Cette influence se manifeste sous diverses formes. La première formule, c’est le
don de médicament. 24,19% affirment que : «on m’a donné gratuitement des
médicaments et quand je suis tombé malade je les ai pris », à l’exemple de Mme
Napon, 36 ans au secteur n°27. Il s’agit des échantillons gratuits de médicaments
ou d’un geste de générosité. Selon 64,52%, « on m’a parlé de l’efficacité du
médicament et j’en ai acheté pour me soigner ». C’est le système de bouche à
oreille. Un voisin utilise un produit pour soigner un mal, ça lui réussit et quand
vous souffrez du mal qui est similaire au sien il vous conseille le produit en
question. C’est la formule la plus accentuée concernant l’influence de
l’entourage sur l’automédication.
Selon 9,68% des autosoignants, leur comportement est lié à la ressemblance des
pathologies. L’autosoignant se réfère à une tierce personne qui jadis souffrait
des mêmes maux que lui, pour demander conseil. La maladie, au cours des jours
et des mois, se manifeste et l’influence de l’entourage sur l’automédication fait
de la maladie, une composante des relations sociales qui bénéficie d’une
mobilisation communautaire. En dehors de ses pratiques, quels jugements porte-
t-on sur l’automédication ?
113

Chapitre IX. le Procès de l’automédication


Ce chapitre nous permet de montrer l’appréciation que la population porte sur
l’automédication, en tant que moyen de guérir d’une maladie.

IX-1 l’automédication comparée à un traitement hospitalier


Tableau N°40
Recours thérapeutique Automédication Thérapie médicale Effectif
Appréciation
Identique 7 50 % 7 50 % 14
Plus efficace 12 48 % 13 52 % 25
Rassurant 3 8,82% 31 91,18% 34
Risquant, dangereux 48 100 % / / 48
Très coûteux 3 16,67% 15 83,33% 18
Peu coûteux 22 88 % 3 12 % 25
Autres (conjoncturels) 5 55,56% 4 44,44% 9
(Source : résultats d’enquête)

L’automédication de prime abord se présente comme un tâtonnement qui


présente beaucoup d’incertitudes en terme de véritable succès thérapeutique.
Nous avons classifié les comparaisons faites entre l’automédication et une cure
médicale sous les rubriques de l’équivalence, de l’efficacité, d’assurance, de
risque et de coût.
Au sujet de l’équivalence, sur 14 avis émis, la moitié signifie que
l’automédication et la cure médicale sont identiques. Concernant l’efficacité, sur
25 avis 48% trouvent que l’automédication est plus efficace contre 52% pour la
thérapie médicale. Sur 34 avis émis en terme d’assurance, 8,92% trouvent que
l’automédication est rassurante pendant que 91,18% trouvent que c’est la
thérapie médicale qui est rassurante. Tous les avis émis concernant le risque (48),
trouvent que l’automédication comporte de réels dangers. Par rapport aux
charges financières, sur 18 avis concernant les coûts très élevés, 16,67% trouvent
que l’automédication coûte cher en faisant allusion aux complications
114

éventuelles, pendant que 83,33% trouvent que la thérapie médicale demande


beaucoup plus d’argent. Sur 25 avis émis, en terme de faibles dépenses, 88%
trouvent que l’automédication est moins coûteuse alors que 12% trouvent que
c’est la cure médicale qui est moins coûteuse.
S’agissant d’autres types de comparaisons, certains pensent que tout est fonction
du pouvoir d’achat des individus. Sur 9 avis émis, 5 trouvent que certains n’ont
pas d’autres choix que de s’auto soigner. Vu leur statut économique, mais aussi
pour certaines maladies bénignes, l’automédication n’est pas dépréciée d’emblée.
4 avis évoquent la lenteur et la superficialité des diagnostics dans les services de
santé, qui ne manquent pas d’inciter à l’automédication parce que le patient reste
convaincu que son mal n’est pas bien diagnostiqué. Il serait intéressant de
découvrir dans quelles circonstances, l’automédication se substitue à une cure
médicale.

XI-2 L’automédication à la place d’une cure médicalisée


Tableau N°41
Situation favorable à l’auto soin Effectif %
En voyage ou en déplacement 9 7,32
Manque d’argent 19 15,44
Maladie bénigne 51 41,46
Maladie chronique et irréversible 3 2,44
Sur un chantier 13 10,57
Complément de cure, maladie récidivée 9 7,32
Maladie brusque 10 8,13
Autres 9 7,32
TOTAL 123 100
(Source : résultats d’enquête)

Il s’agit d’identifier les situations où l’individu pense que l’automédication est la


meilleure alternative face à une maladie. Ainsi sur 123 circonstances évoquées,
7,32% sont relatives aux voyages. Les enquêtés affirment qu’ils font de
l’automédication quand ils sont en voyage en évoquant l’inaccessibilité des
services de santé. A ce sujet, un commerçant marié âgé de 40 ans, domicilié au
115

secteur n°24, affirme que : « quand on est en voyage on a des médicaments sur
soit, en cas de maladie on les prend ». Cela est effectif indépendamment des
traitements médicalisés à long terme. Pour certains, 15,44%, c’est quand ils sont
à court d’argent qu’ils préfèrent l’automédication. Elle est peut-être
approximative mais peu coûteuse. Un enquêté âgé de 41 ans, au secteur n°23
nous confie que : «c’est quand je n'ai pas assez d’argent pour aller consulter le
médecin que je me soigne à la maison. Si ça va, tant mieux, dans le cas contraire
je vais voir un parent ou un ami pour prendre un crédit afin de pouvoir rémunérer
les services du médecin». Selon 41,46% des cas, c’est lorsqu’ « un petit mal
survient que l’on préfère se soigner à domicile plutôt que d’aller à l’hôpital».
Beaucoup pensent que les maux bénins n’ont pas besoin d’être confiés à un
spécialiste, quand bien même il faut reconnaître que toute pathologie a des signes
précurseurs mineurs qui annoncent des complications éventuelles si le malade ne
reçoit pas de soins appropriés. 2,44% préfèrent ou préféreraient se soigner soi-
même s’il s’agit de maladies chroniques ou de maladies incurables. A force de
subir des thérapies dans le cas des maladies chroniques, le malade finit par
acquérir des connaissances sur sa maladie ainsi que les agents thérapeutiques
appropriés. 10,57% pensent qu’ils préfèrent l’automédication quand ils
travaillent sur un chantier. Il s’agit de ceux qui fournissent des efforts
musculaires dans leur activité professionnelle. L’automédication maintient la
cadence du travail et la rentabilité. A ce sujet, être alité serait synonyme de
baisse de productivité et de gain. Selon 7,32%, même taux que les avis relatifs
aux voyages ; l’automédication est préférée en tant que complément de cure et en
cas de récidive de la maladie. Un enseignant évoque cela en disant que : « Je
préfère me soigner quand le médicament prescrit par le médecin est fini alors que
je ne suis pas guéri. J’achète un autre médicament ou bien le même genre qui
l’agent m’avait prescrit, pour continuer le traitement ». S’agissant de récidive,
l’automédication se fait en référence aux produits prescrits au préalable, et le
malade change de produit quand il doute de l’efficacité du précédent. Selon
d’autres avis, l’automédication est préférable en cas de maladie brutale et de
116

besoin urgent de santé. Face aux crises spontanées, l’automédication vient pallier
au pire (8,13%). Dans ce cas de figure les malaises peuvent survenir le jour ou la
nuit, c’est le caractère brutal qui inquiète et incite à l’automédication. Enfin,
d’autres circonstances comme les IST, la prévention d’une maladie quelconque,
et l’indisponibilité des agents de santé sont évoqués. Pour certains, c’est
l’indisponibilité du soignant à certaines périodes qui fait qu’ils sont amenés à
s’auto soigner. Une ménagère au secteur n°13, zone du bois, exprime cela en
disant que : « le week-end quand je tombe malade je préfère me soigner parce
qu’il n’y a pas de médecin à côté ». Cela pose évidemment le problème lié à la
défaillance du système de garde dans les formations sanitaires et
l’indisponibilité des agents de santé (nombre insuffisant).

XI-3 Typologie des conséquences de l’automédication


Tableau N°42
Type de conséquence Effectif %
Soulagement, guérison, 37 17,13
Pharmacodépendance, résistance microbienne et parasitaire 41 18,98
Echec thérapeutique, intoxication, allergie, overdose, 100 46,30
erreur de diagnostic
Décès 27 12,5
Autres dépenses excessives 11 5,09
TOTAL 216 100
(Source : résultats d’enquête)

Les appréciations sur l’automédication laissent voir des effets diversifiés de


l’automédication sur la santé. Les conséquences peuvent éventuellement être
bénéfiques ou dramatiques suivant les cas. Selon les expériences réelles, basées
sur des cas pratiques, les enquêtés ont affirmé à hauteur de 17,13% que
l’automédication apporte la guérison complète ou calme la maladie. Que ce soit
avec les médicaments de la rue ou les médicaments d’officine, l’automédication
soulage le malade. Cependant, 46,30% des conséquences évoquées par les
enquêtés, montrent que l’automédication peut aboutir à un échec thérapeutique
117

ou au surdosage, ce qui suppose de graves problèmes de santé. Selon 18,98% des


avis, l’automédication peut engendrer une pharmacodépendance et des
résistances microbiennes et parasitaires.
La pharmacodépendance inclut plusieurs notions : la dépendance psychique qui
est une compulsion à prendre un médicament donné de façon périodique ou
continue pour en ressentir les effets. La dépendance physique, représentée par
l’apparition de syndromes caractéristiques lors du sevrage. C’est-à-dire que la
suspension de consommer un médicament auquel on est habitué provoque des
réactions pathologiques. Enfin, la tolérance, manifestée par le fait que l’effet
produit par une même dose répétée de médicaments est progressivement
moindre, nécessitant l’augmentation de la dose. La liste des dépendances n’est
pas exhaustive. Les résistances bactériennes aux antibiotiques, selon Le
MINOR. L et VERON. M, (1989 :1107), c’est « l’aptitude d’un germe à se
multiplier dans un milieu où la concentration en antibiotique est nettement plus
élevée que celle qui empêche habituellement le développement des autres
souches de la même espèce ». La pharmaco-résistance parasitaire, d’après
GUIGUEMDE T.R. et al, (1988 ; 91 bis : 33-38), c’est « l’aptitude d’une souche
de parasite à survivre ou à se reproduire malgré l’administration et l’absorption
d’un médicament employé à des doses égales ou supérieures aux doses
ordinairement recommandées mais comprises dans les limites de tolérance du
sujet ». En plus des erreurs de diagnostic, d’autres erreurs peuvent relever de la
posologie en référence à l’âge ou au poids. « Ainsi la thérapie suivant le poids est
mieux indiquée car pour deux individus de même âge, les poids diffèrent et la
posologie, évidemment » ( l’infirmière majore du CMA de kossodo), et les
prospectus de soins ne sont pas nécessairement fiables pour tous. En nous
référant aux notions médico-pharmaco-biologiques, durant la période néonatale
(qui ne relève pas cependant de notre étude, mais nous l’évoquons à titre
illustratif), les systèmes d’élimination ne sont pas encore arrivés à maturité ; et le
métabolisme hépatique, l’excrétion rénale en particulier sont ralentis. La
vieillesse entraîne une dégénérescence des organes qui peuvent subir une
118

influence négative liée à la toxicité des médicaments. Malheureusement tous les


autosoignants n’ont pas toujours su cela. 12,5% évoquent les risques de trépas
comme conséquences de l’automédication.
Finalement, 5,09% des conséquences sont liées aux troubles mentaux, aux
ulcères gastriques, aux effets secondaires des médicaments, dont l’intoxication
hépatique, l’insuffisance rénale, des problèmes cardiaques et la stérilité.
L’automédication entraîne des dépenses excessives étant entendu qu’en cas de
complications les soins sont plus onéreux. Ainsi, 82,87% des conséquences de
l’automédication sont négatives, nous permettant de déduire qu’il y a plus de mal
que de bien dans l’automédication.
L’automédication est sans doute une réalité qui fait intervenir plusieurs
paramètres de la vie sociale et culturelle. Au-delà de son aspect pratique qui se
résumerait aux gestes, et aux intentions ou à l’obligation de consommer des
médicaments, il y a une logique sociale qu’il faut découvrir.
119

Chapitre X. Analyse et signification contextuelle de l’automédication

X-1 Une gestion aléatoire des problèmes de santé


La santé se présente comme une valeur centrale dont chacun se sent comptable.
Et la maladie est l’expression d’un désordre biologique, préjudiciable à l’ordre
social. L’automédication, d’une manière ou d’une autre, fait partie intégrante des
circuits thérapeutiques des individus au regard de laquelle il faut émettre des
réserves et montrer ses limites.
Le corps et la santé sont des réalités sociales et individuelles et dans la
conception populaire, la maladie est représentée par la douleur le plus souvent,
une altération biophysique de l’organisme, l’expérience subjective du mal-être
éprouvé par l’individu ; cela correspond au « illness » dans la conception anglo-
saxonne de la maladie. L’enquête a révélé que les gens pratiquent
l’automédication en se disant que « je connais déjà ma maladie » ou alors que ce
sont « les maladies courantes qui font l’objet d’automédication » ; ou
des maladies banales. Dans ces cas de figures, le « disease » représentant la
vision médicale de la maladie n’est pas prouvée et la thérapeutique pourrait être
inappropriée.
Le diagnostic de la maladie demande une certaine compétence médicale et
l’autosoignant, profane à priori, « pourrait bien confondre la fièvre typhoïde à un
paludisme parce qu’ils présentent les mêmes symptômes dès les premiers
instants » (Dr. NAPON, CMA kossodo), et les conséquences sont souvent
fâcheuses.
En se représentant la maladie comme une expérience douloureuse individuelle, la
cure se résume à la disparition des douleurs. Dans ce cas, l’autosoignant se
procure quelques comprimés pour la plupart du temps à effet antalgique juste
pour se sentir dans sa peau, pour cela, la posologie et les propriétés
thérapeutiques des médicaments sont très peu respectées.
L’enquête révèle que la grande majorité des gens font l’automédication de façon
spontanée dès les premiers instants de la manifestation d’un malaise ou les
120

premiers symptômes d’une maladie. « Sur dix cas de consultations, seul un n’est
pas précédé d’une automédication », dixit Dr. NAPON.
Nous parlons de gestion aléatoire des problèmes de santé en ce sens que
l’automédication ressemble à un tâtonnement et à un traitement approximatif des
pathologies. Il s’agit d’une thérapie risquée qui met en avant le besoin et la
nécessité de pouvoir accomplir les tâches quotidiennes dévolues à chaque
individu. Cela rejoint la conception de la santé suivant la logique des sociétés
traditionnelles paysannes où la survie est conditionnée par les labeurs, les
travaux quotidiens de production de distribution et de consommation. Dans cette
logique, être en bonne santé, c’est pouvoir produire, et l’automédication apparaît
comme un acte ponctuel qui maintient la cadence de la vie quotidienne que la
maladie vient perturbe.
D’après Dr Alfred SANDOUIDI, (pharmacien, responsable de
l’approvisionnement et de l’assurance qualité des médicaments et de la gestion
des officines pharmaceutiques), les études ont montré que les médicaments de
contrebande ne respectent pas véritablement les normes. Soit les conditions de
conservation sont inappropriées par le non-respect des exigences de température
qui précipitent la péremption, soit les doses des molécules indiquées sont
excessives ou insuffisantes, ce qui met en doute leurs principes actifs. Il ne faut
pas négliger les erreurs d’étiquetages et de nomenclature des médicaments qui
sont fréquentes.
L’automédication, quoique appréhendée comme une stratégie quelque peu
aléatoire de prise en charge de la maladie, reste sous tendue par un certain
nombre de facteurs qui favorisent sa mise en œuvre de manière ouverte ou
latente.
121

X-2 Eléments favorisant l’automédication


L’automédication est une pratique empreinte des réalités sociologiques. C’est
une attitude généralisée ayant une visée pratique de lutte spontanée contre la
maladie, et tout autre indice de dysfonctionnement de l’organisme humain. Elle
tient sa construction au carrefour commun de plusieurs éléments socioculturels et
structurels.
Les causes de l’automédication sont multiples et très complexes dans la mesure
où, il s’agit d’un comportement humain motivé par plusieurs préceptes. Qu’est-
ce qui amène quelqu’un à se soigner soi-même avant de consulter un
spécialiste ? Qui ne voudrait pas se prendre en charge avant de voir un agent de
santé ? Quand est-il opportun de se faire soigner par un spécialiste ? Quelle
crédibilité faut-il accorder au soignant ?… Ce sont des questions que nous nous
posons (au quotidien) face à la maladie.
Sur le plan culturel, il y a une prédisposition mentale voilée mais favorable à
l’autosatisfaction. L’individu cherche d’abord à se prendre en charge, à résoudre
ses problèmes personnels avant de faire appel à une tierce personne. L’homme
mobilise d’abord ses ressources et ses compétences personnelles pour satisfaire
ses besoins. C’est en cas de difficultés que l’on fait appel à un soutien extérieur,
il en est de même pour les problèmes de santé.
Sur le plan structurel, le système sanitaire moderne laisse entrevoir une forme de
phobie qui anime la population à l’égard des formations sanitaires. Le patient
doit quitter son milieu et venir devant l’agent de santé qui l’interroge et rentre
dans son secret, découvre son intimité surtout quand il s’agit d’une IST. Cette
remarque a été faite au CMA de Kossodo qui accueille des patients des milieux
ruraux et péris urbains principalement. La formation sanitaire est perçue comme
un monde inconnu et le pont qui établit la confiance entre l’agent de santé et le
patient est fragile. Par ailleurs, la distribution pharmaceutique joue un rôle assez
important dans les pratiques d’automédication. Le malade se procure quelques
comprimés dont l’acquisition ne demande pas souvent d’effort. C’est auprès d’un
inconnu, son secret n’est pas divulgué, il n’est ni vu, ni connu. Cette distribution
122

pharmaceutique implique aussi bien les officines que les "pharmacies-par-


terre"qui, particulièrement font preuve de large disponibilité et de ferme
discrétion.
L’angoisse des ordonnances est évoquée par Dr NAPON. Malgré l’initiative de
Bamako (une politique de santé qui met l’accent sur l’accessibilité des
populations aux soins de santé primaires), dit-il : « quand on va consulter un
agent de santé, dans tous les cas on reviendra à la maison avec une ordonnance »,
quitte à acheter ou non les médicaments prescrits. Il faut ajouter que le système
de santé du Burkina est loin de satisfaire les normes de l’OMS concernant le
ratio médecin/population. Il y a très peu de soignant pour une population
nombreuse. J. ILBOUDO gérant de pharmacie au secteur n°24 évoque le
problème d’accessibilité géographique des formations sanitaires qui se pose dans
le District Sanitaire de Kossodo en même temps que les conditions de
prescriptions des médicaments. Il affirme à cet effet que : « il arrive que des
patients s’avouent incapables d’acheter un médicament prescrit par l’agent de
santé à cause de son prix très élevé au regard de leur statut économique, et de
leur niveau de vie. Ils se tournent alors vers la contrebande
pharmaceutique qu’ils trouvent moins chère ».
Enfin, la représentation de la maladie influence véritablement l’automédication.
L’autosoignant ignore ou banalise certaines maladies et qualifie d’autres de
maladies honteuses qu’il faille dissimuler aussi longtemps que possible et
entreprendre une thérapie dans la discrétion. Ceci trouve son explication dans le
fait que la maladie est appréhendée souvent comme une sanction, une punition
par rapport à une faute commise. Dans la mesure où une IST laisse entrevoir un
comportement d’infidélité conjugale ou de dépravation sexuelle, autant la
dissimuler pour ne pas être la risée de tout le monde, d’où l’automédication ; qui
se fait seul ou avec la complicité d’une personne de confiance, profane la plupart
du temps en matière de soins médicaux.
Dans la réalité, les mauvais usages des médicaments par les autosoignants ne
sont pas des choses qu’il faut ignorer. Il s’agit de la non-maîtrise de la posologie,
123

les prescriptions non-justifiées ou incompatibles, les états physiologiques ou


pathologiques contre-indiqués, les accidents médicaux… au-delà de son aspect
médical marqué par la recherche d’un mieux-être physique, quelle est la logique
sociale que l’on peut cerner dans les pratiques d’automédication?

X-3 Une réponse sociale aux besoins de santé


Une analyse situationnelle de l’automédication permet d’élucider un certain
nombre de significations sociales qui entourent et sous-tendent les pratiques
d’automédication. Les relations entre le livreur de remède, le demandeur, la
maladie et l’environnement social peuvent être matérialisées par une
triangulation de l’automédication. Tous ces éléments sont encastrés d’autant
plus que nous admettons que la maladie est appréhendée comme un événement
qui mobilise un grand nombre de représentations et de considérations
sociologiques.

Schéma n°2 : triangulation de l’automédication

Offre et demande de Environnement social


médicaments Facteurs sociologiques.
1/ B A /2
Palliatif de Auto- Acteurs et ;
l’événement médication mobilisation des
(Le remède). ressources.
disponibles
C/ 3
Maladie, signifiant un besoin de santé

Evènements :
Situation d’incommodité
Elément perturbateur.

La triangulation de l’automédication explique une logique de réponse sociale aux


besoins de santé, une logique que l’on peut appréhender à travers certains
paramètres.
124

Dans un premier temps, il y a l’influence du corps social par le biais des


interactions entre individus, autrement dit les relations interpersonnelles,
empreintes d’une sociabilité à l’africaine qui veut que les problèmes d’un
individu soient pris en charge par toute la communauté. Grâce aux mécanismes
de socialisation de l’individu dans le contexte africain, celui-ci se découvre
comme un maillon d’une chaîne de solidarité qui se manifeste autour des
phénomènes individuels et collectifs. L’automédication s’inscrit dans ce registre
de solidarité en ce sens qu’un individu peut entreprendre l’automédication en se
fiant aux conseils d’un proche qui présentait les mêmes symptômes lors de sa
maladie, même si le diagnostic réel des pathologies soupçonnées reste
approximatif. Cela se fait par le don gratuit des médicaments restants et par
l’éloge des vertus thérapeutiques d’un médicament. On offre le médicament
qu’on a utilisé pour la cure ou, on vante les bonnes qualités d’un médicament
que l’on connaît et dont on a entendu parler. Par ailleurs un adage populaire dit
« qu’il faut vendre sa maladie pour trouver le remède approprié ». Contrairement
aux ventes ordinaires, cet adage traduit une prédisposition qui pousse le malade à
rechercher quelqu’un qui pourrait lui venir en aide sans recourir aux structures
officielles de prise en charge des malades. Cela se fait dans la confidentialité, de
bouche à oreille dans le cercle d’amis et de parents. Cette attitude est fréquente
dans le cas des IST et autres maux chroniques. Au tour du malade se crée une
mobilisation sociale, un soutien mutuel, grâce aux liens de voisinage, d’amitié et
de parenté ou autres formes de familiarités. On offre gratuitement les
échantillons de médicaments souvent en phase d’expérimentation, en disant :
« essaie ceci, essaie cela… ». Ces comportements suscités sont généralement
adoptés sans l’avis d’un agent de santé.
Dans un deuxième temps : la contrebande. Le recours aux soins médicaux par les
médicaments provenant des officines officielles et les médicaments vendus dans
les "pharmacies-par-terre"est fréquent aussi bien pour les soins usuels que pour
des maux délicats. La contrebande consommée occasionnellement ou
régulièrement par la population, laisse entrevoir une solution négociée aux
125

problèmes de santé. L’automédication appréhendée comme une réponse sociale


aux besoins de santé en rapport avec les médicaments de contrebande présente
plusieurs aspects.
D’un côté, le système de commercialisation des médicaments de la rue, les rend
plus accessibles sur le plan économique et géographique. L’accessibilité
économique se traduit par une vente en détail des comprimés, des gélules et des
baumes à la bourse du client. Il est même possible de les obtenir à crédit pour se
soigner ou se soulager d’une maladie, chose très rare voire impossible dans les
officines officielles. Il arrive que le marchand de médicaments, suggère un
produit aux malades ou propose automatiquement les équivalents qui sont à sa
portée. Dans une large mesure, le marchand fixe un rendez-vous à un client, pour
lui livrer le médicament sollicité. Les "pharmacies-par-terre" ont des prix
discutables et les offres se font à l’amiable. Au regard de ce mécanisme, qui
caractérise la logique commerciale des contrebandes, nous nous apercevons que
l’automédication est une solution socialement négociée pour pallier les
problèmes de santé.
D’un autre côté, les rapports entre les clients et les marchands de la contrebande
sont de l’ordre de la familiarité parfaite ou de la méconnaissance totale, ce qui
crée une ambiance de cordialité dans la discrétion et la confidentialité pour
l’offre et la demande des médicaments. Du même coup, le marchand ambulant
acquiert un statut social. Il apparaît comme quelqu’un qui facilite l’accès aux
médicaments dans une conjecture économique marquée par la pauvreté des
populations. Il apparaît comme quelqu’un qui a des remèdes miracles à moindre
coût, comme quelqu’un qui soigne et exempte des tracasseries administratives
dans les formations sanitaires officielles. Son activité est tacitement tolérée d’une
part parce qu’il résout les besoins de santé ponctuels en évitant l’interruption de
la routine quotidienne que la maladie viendrait à perturber, et d’autre part parce
qu’il gagne son pain dans cette activité qui assure la survie de plus d’une
personne.
126

Dans un troisième temps, la symbolique sociale des "pharmacies-par-terre"


permet de réaliser que l’automédication avec la contrebande est une réponse
socialement admise pour les soins de santé. La dénomination du marché parallèle
des médicaments laisse apparaître des réalités sociologiques à plus d’un titre. On
dit souvent « pharmacie zoï basse taaba » ou « pharmacie song-taaba ». Quels
discours sont-ils véhiculés à travers ces dénominations ? Autrement dit quelles
logiques sociales peut-on entrevoir dans ces concepts ?
Littéralement, sous réserve d’analyses linguistiques approfondies, « Zoï basse
taaba » veut dire « sauve qui peut ! ». Par ailleurs on dit dans un ton
humoristique, « pharmacie zoï basse client », pour signifier qu’il arrive que le
marchand s’enfuie en laissant sur place ses clients. En cela, nous reconnaissons
que la contrebande est illicite et le commerce prohibé, mais les gens s’y
complaisent dans la mesure où, vendeur et consommateur, chacun trouve son
compte. Seulement il faut rester sur ses gardes. En cas de répression, c’est
l’incognito, ni vu ni connu. « Song-taaba » signifie, « s’entraider ou se secourir
mutuellement ». La contrebande et l’automédication apparaissent comme des
formes d’entraides mutuelles pour satisfaire les besoins de santé au quotidien,
c’est une institution parallèle à une autre difficilement accessible, par
présomption. C’est une logique sociale qui institutionnalise de façon réelle ou
virtuelle la contrebande et légitime l’automédication. La connotation des
pharmacies « Song-taaba », tient sur un fond de solidarité en réponse aux
éventuelles difficultés de résolution des problèmes de santé.
C’est une logique marquée par une confiance réciproque, tant pour la
confidentialité que pour les vertus thérapeutiques des médicaments. En outre, les
marchands de la contrebande sont appelés « tip-tim » pour désigner celui qui
soigne toutes sortes de pathologies, il suffit de leur exposer le problème. Ce sont
des faiseurs de miracles en matière de santé dit-on.
Dans une large mesure, la réaction des institutions officielles évoque leur
implication tacite dans les pratiques d’automédication. D’une part, les officines
pharmaceutiques manquent de rigueur dans la délivrance des médicaments.
127

D’autre part les mesures de dissuasion et de répression du commerce illicite de


médicaments s’avèrent timides et sans suite.
Notre étude nous a permis de réaliser que l’automédication est un concept et un
sujet délicat qu’il faille manipuler avec prudence et dextérité, dans la mesure où
elle met en jeu des ressources économiques, socioculturelles, humaines, et
politico-administrative, sur un plateau où se tient le duel entre la maladie et la
santé, par l’entremise des médicaments.
128

Conclusion
Il y aurait, selon les termes d’Andrãs ZEMPLENI (1985,14-15) cité par
D.FASSIN (1992 : 29), trois réalités distinctes de la maladie : « l’expérience
subjective de quelque chose d’anormal » ; « Un état d’altération biologique
objectivement attestable de l’organisme » ; et « le rôle social du malade »
indiquant respectivement le « illness », le « disease » et le « sikness ». Au-delà
de la correspondance entre trois significations et trois concepts que se sont
appropriés les discours scientifiques, cette distinction met en évidence la triple
dimension qui caractérise la maladie dans toute société : Subjective-Objective-
Rationnelle. Un mécanisme social de gestion de la maladie est mis en place et la
société attribue au thérapeute (médecin, devin, marabout selon les cas) une
capacité et une légitimité à combattre la maladie et à faire reculer la mort.
A ce titre, le malade se confie au thérapeute, l’autorise à diagnostiquer son mal,
accepte ses prescriptions, et rémunère son acte ; il lui reconnaît particulièrement
le pouvoir de guérir. La demande de soins est influencée par la disponibilité et la
qualité des soins. L’insuffisance en la matière entraîne une perte de confiance
des populations vis-à-vis des structures de soins. Cela contribue à la baisse
constante de l’utilisation des services de santé modernes, notamment pour les
soins curatifs, faisant place à l’auto soin ; qui laisse entrevoir une
désorganisation des services sanitaires modernes, et l’apparition d’un nouveau
statut de malade qu’est le soigné-soignant.
Cette attitude d’automédication s’affirme d’autant plus que des facteurs
sociologiques interviennent dans sa mise en œuvre.
L’objet de notre présente étude était de nous démarquer du raisonnement binaire
sur la problématique de l’automédication en référence à sa légitimité et sa
prohibition pour l’appréhender en tant que stratégie thérapeutique influencée par
des facteurs sociologiques. De cette appréhension du phénomène, il s’avère que
la santé reste l’objet de référence par excellence. Les agents thérapeutiques
consommés sont entre autres : les antalgiques, les antihistériques, les
129

antibiotiques, les antiparasitaires et la gamme des psychotiques, au regard de la


multiplicité et de la spécificité des besoins de santé.
L’automédication suit l’humanité dans son évolution. Autant que la maladie, elle
est sujette à des représentations sociales. C’est un phénomène de société, un
phénomène sociologique. Comme tout fait de société, les causes, les
conséquences, les facteurs explicatifs et les éléments favorisants font légion.
L’idéal est de sauvegarder une santé parfaite permettant de remplir des rôles
sociaux essentiels à savoir travailler, assumer des responsabilités dans le ménage,
participer à la vie du quartier, se distraire.
L’automédication a des causes multiples, en dehors de la diffusion d’un
minimum de connaissance médicale grâce à l’éducation et à la sensibilisation et
les manifestations cycliques et endémiques de certaines pathologies. Dans le
fond, le choix et la prise de médicaments sans avis médical sont motivés par des
sommes d’expériences, la capacité et la volonté de décision, les représentations
subjectives et la nécessité d’une action immédiate, en fonction des besoins de
santé.
L’étude a révélé que les formations sanitaires ont une responsabilité dans les
pratiques d’automédication à cause de leur accessibilité énoncée en terme de
mauvais accueil, de lourdes charges économiques, et d’insatisfaction par rapport
aux soins (arrivées tardives des agents de santé et désertion des services de santé,
rackets, limitation du nombre de patients, programmation journalière et
limitation des nombres d’examens médicaux...). La distribution pharmaceutique
est également incriminée parce qu’elle s’oriente davantage vers la recherche du
gain facile. Elle se caractérise par l’émergence d’un marché illicite de
médicaments ; et cette contrebande fait une concurrence déloyale aux officines
officielles qui prolifèrent également. Par conséquent on aboutit au non-respect de
la procédure d’acquisition des médicaments dans les officines en ce sens que les
médicaments se vendent comme des biscuits. Aussi bien dans les "pharmacies-
par-terre" que dans les officines, les médicaments sont livrés au gré du client le
plus souvent et à la hauteur de son porte-monnaie. Les réalités socio-
130

économiques et culturelles ont également été des facteurs favorisant


l’automédication. D’une part, les problèmes économiques que vivent la majorité
des ménages entraînent des difficultés d’accès aux structures officielles de soins.
D’autre part, l’expérience individuelle, on trouve la maladie habituelle ou
bénigne alors c’est s’auto soin. Enfin, il y a les maladies de connotation
culturelle négative, relevant de l’intimité des gens, à savoir les IST. Elles sont
qualifiées de maladies de la honte dans le langage populaire. Le tabou de la
sexualité perdure, or, en matière de santé, la culpabilisation du comportement
sexuel entraîne l’automédication.
Compte tenu de l’ampleur du phénomène d’automédication parce que 97,40% de
nos enquêtés la pratiquent, il y a lieu d’y prêter une attention particulière. Nous
pouvons déduire que toutes nos hypothèses émises au début de cette étude en vue
d’analyser la problématique de l’automédication, sont confirmées d’une manière
ou d’une autre. Les thérapies présomptives auxquelles les gens s’adonnent dans
une situation de maladie, sont dues aux comportements peu cordiaux des agents
de santé, à la disponibilité des médicaments de contrebande bon-marché et d’une
efficacité probable, ainsi qu’à l’acquisition relativement facile des médicaments
auprès les officines. Elles sont dues également au fait que les gens en viennent à
banaliser certains symptômes de maladies pendant que les représentations
sociales qualifient les IST de maladies honteuses, créant une propension à gérer
secrètement ces genres de pathologies.
Il est aventureux de blâmer d’emblée l’automédication, étant attendu qu’elle a
des aspects positifs. Toutefois, l’idéal serait de trouver des stratégies de mise en
valeur des compétences des agents de santé, spécialistes des questions de santé ;
car la thérapie dépend du stade d’évolution de la maladie, des antécédents
thérapeutiques, du poids et de l’âge du malade. Il n’est pas évident que tous les
autosoignants maîtrisent ces paramètres.
Il est difficile de mettre fin aux pratiques d’automédication, mais des actions
entreprises dans certaines directions permettraient d’atténuer ses méfaits.
131

A l’endroit des structures de soins, il faut une reconsidération de l’éthique


médicale qui implique le respect de la déontologie dans toutes ses dimensions.
Initier une politique de santé qui fournisse les moyens logistiques et matériels
aux formations sanitaires et permettant parallèlement l’accès aux soins par les
couches sociales les plus démunies grâce à une protection sociale plus élargie
serait un fait louable. Cela présuppose l’éradication du matérialisme médical.
Concernant la distribution pharmaceutique, interpellons aussi bien les
contrebandiers pour l’illégalité de leur activité, les officines officielles pour
qu’elles prêtent davantage attention à l’indication que « le médicament ne peut
être obtenu que sur présentation d’une ordonnance médicale ». La
disponibilité des médicaments fait que, nombreux sont les produits
médicamenteux qui sont utilisés de façon incorrecte. Le démantèlement du
réseau de vente illicite de médicaments est une épreuve délicate qu’il faudrait
envisager avec une stratégie judicieuse et doublement réfléchie.
A l’endroit de la population, il faut véritablement une sensibilisation adéquate,
combattre l’analphabétisme et l’ignorance car beaucoup ignorent la composition
et les principes actifs des médicaments qu’ils consomment tous les jours. Il faut
un changement de mentalité et de comportement face à la maladie qui garde
toujours une conception traditionaliste, et fait l’objet de thérapie présomptive à
grande échelle.
Les péripéties de la vie sont telles que les gens sont obligés de « pratiquer la
médecine » comme ils le peuvent. Et comme de toute façon nous ne pouvons pas
les empêcher de la pratiquer, il serait souhaitable qu’elle se fasse suivant les
instructions d’un « guide pratique » préconisé par un spécialiste, plutôt que par
l’intermédiaire de conseils approximatifs et souvent mauvais. La mise en œuvre
de ce document-guide doit faire l’objet d’études pertinentes pour ne pas
« escamoter » l’agent de santé, mais qu’il soit utile là où il n’y a pas de soignant
agrée. C’est le désir de conserver la santé et de se prémunir contre la maladie qui
organise et commande un grand nombre de pratiques thérapeutiques, autant se
référer à un outil fiable à défaut d’un spécialiste.
132

Au regard des besoins de santé de plus en plus pressants et délicats, il serait


intéressant d’initier une étude pluridisciplinaire (Médecine-Sociologie-
Pharmacie-Economie) approfondie pour améliorer la santé des populations qui
manquent si cruellement d’aide et d’informations médicales.
133

BIBLIOGRAPHIE

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III - AUTRES PUBLICATIONS

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Document de politique sanitaire nationale, D.E.P./ santé, septembre 2000.

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GUIGUEMDE, T. R. & AL. "Baisse de la sensibilité et résistance du


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MINOR (LE), L.; VERON, M.; "Bactéréologie médicale", in Médecine-


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Plan d'action du District sanitaire de Kossodo / année 2000, D.E.P./ santé, janvier
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Tableau de bord social du Burkina Faso, N°1 / année 1996, I.N.S.D., décembre
1997.
136

ANNEXES
137

Table des matières


Introduction.............................................................................................................................2
Chapitre I. L’approche théorique de l'étude ............................................................................5
I. 1 Problématique ...........................................................................................................5
I-1-1 Revue de littérature .............................................................................................5
I-1-2 Enoncé du problème..........................................................................................12
I-1-3 Domaine de recherche......................................................................................15
I-1-4 Questions de recherche......................................................................................16
I-1-5 Objectifs de la recherche ...................................................................................16
I-1-6 Intérêts de la recherche.....................................................................................17
I-1-7 Hypothèses de recherche ..................................................................................18
I-2 –Identification des variables.....................................................................................19
I-2-1 Variables relatives au milieu d’enquête ............................................................19
I-2-2 Variables relatives aux personnes enquêtées.....................................................19
I-2-3 Variables relatives au phénomène étudié ...........................................................20
I-3 Conceptualisation....................................................................................................22
I-4 Aspects méthodologiques........................................................................................35
I-4-1 Le site de recherche...........................................................................................35
I-4-2- Population cible ..............................................................................................36
I-4-3- Personnes ressources........................................................................................36
I-4-4- Echantillonnage ..............................................................................................36
I-4-5 Pourquoi le choix d’un centre urbain ? ..............................................................37
I-4-6 Outils de collecte des informations....................................................................39
I-4-7-Techniques de collecte des informations ...........................................................39
I-4-8-Difficultés rencontrées......................................................................................40
Chapitre II. Description de l'espace de recherche ..................................................................41
II-1 Contexte général .....................................................................................................41
II-1-1 Données géographiques et démographiques .....................................................41
II- 1- 2- Situation socio-économique..........................................................................42
II- 1- 3- Organisation et fonctionnement des structures de santé.................................43
II-1-4 L'état sanitaire des populations au Burkina.......................................................45
II-1-5- La Politique Sanitaire au Burkina ...................................................................48
II-2- Caractéristiques du site d’investigation ..................................................................50
II-2-1 - Situation et données de Base..........................................................................50
II-2-2-Quelques données indicatives sur les Districts Sanitaires urbains.....................51
II-3- District sanitaire de Kossodo .................................................................................53
II-3-1- Limites géographiques et administratives........................................................53
II-3-2- Données démographiques et caractéristiques socio-économiques....................53
II-3-3- Activités sanitaires .........................................................................................54
Chapitre III. Représentation spatiale des enquêtés ............................................................56
III-1 Répartition des enquêtés par secteur et type de zone d’habitation..........................56
III- 2 Localisation des enquêtés par rapport aux infrastructures sanitaires et ..................57
Para-médicales ; Sur 02 Km à la ronde (environ)...........................................................57
III-3 Localisation des principaux espaces de commerce ................................................59
III-4 Le constat de la vente illicite des médicaments .....................................................60
Chapitre IV. Profil socio-économique et démographique de la population d’enquête ............62
IV-1 Représentativité des personnes enquêtées, par intervalle d’âge ............................62
IV-2 Répartition des enquêtés par sexe .........................................................................63
IV-4 La taille des ménages où résident les enquêtés......................................................64
IV-5 Les milieux d’origine ............................................................................................65
138

IV-6 Les niveaux d’instruction des enquêtés..................................................................66


IV-7 Les professions des enquêtés .................................................................................66
IV-8 L’exonération de frais médicaux...........................................................................67
IV-9 Le profil des personnes ressources.........................................................................68
Chapitre V. L’implication des formations sanitaires dans les pratiques d’automédication .71
V-1 Les motifs de la dernière consultation d’un agent de santé (par les enquêtés entre
1999 et août 2001).........................................................................................................71
V-2 Le temps d’attente avant la consultation.................................................................73
V-3 L’appréciation des services.....................................................................................74
V-4 L’appréciation des attitudes des agents de santé à base d’expériences ................76
V-5 Les consultations pour cause d’IST........................................................................78
V-6 Le recours à l’automédication lié aux attentes fastidieuses.....................................80
ChapitreVI. L’implication des officines dans les pratiques d’automédication.........................83
VI-1 Localisation et dotation des officines.....................................................................83
VI-2 L’achat de médicaments sans ordonnance..............................................................84
VI-3 L’auto prescription dans les cas d’IST ..................................................................86
VI-4 L’orientation thérapeutique en officine ...............................................................88
ChapitreVII. Acquisition et consommation des médicaments de contrebande ........................90
VII-1 Constat et analyse de la vente illicite des médicaments.........................................90
pharmaceutiques............................................................................................................90
VII-2 Esquisse d’un circuit d’approvisionnement des "pharmacies-par-terre" ................94
VII- 3 La familiarité avec les contrebandiers..................................................................96
VII-4 Les points de vente des médicaments de contrebande...........................................96
VII-5 Le portrait des contrebandiers ............................................................................97
VII-6 La clientèle des "pharmacies-par-terre" ................................................................99
VII-7 La consommation des médicaments de contrebande .......................................... 100
VII-8 Le système de vente des médicaments de contrebande ....................................... 103
VII-9 Le Rôle des "pharmacies-par-terre" dans les pratiques d’automédication . 105
Chapitre VIII. L’automédication au rang des recours thérapeutiques ................................. 108
VIII-1 L’expérience de l’automédication .................................................................... 108
VIII-2 Les symptômes faisant l’objet d’automédication .............................................. 109
VIII-3 Les moments d’automédication........................................................................ 110
VIII-4 L’influence de l’entourage sur les pratiques d’automédication ...................... 111
Chapitre IX. le Procès de l’automédication....................................................................... 113
IX-1 l’automédication comparée à un traitement hospitalier........................................ 113
XI-2 L’automédication à la place d’une cure médicalisée ............................................ 114
XI-3 Typologie des conséquences de l’automédication ................................................ 116
Chapitre X. Analyse et signification contextuelle de l’automédication............................... 119
X-1 Une gestion aléatoire des problèmes de santé ............................................................... 119
X-2 Eléments favorisant l’automédication ................................................................... 121
X-3 Une réponse sociale aux besoins de santé ............................................................. 123
Schéma n°2 : triangulation de l’automédication ........................................................... 123
Conclusion .......................................................................................................................... 128
BIBLIOGRAPHIE .............................................................................................................. 133
ANNEXES.......................................................................................................................... 136

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