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I – L’AMOUR
I
l est bien certain qu’il faut essayer de se faire une idée aussi juste que possible de
l’amour. Avant d’aller plus loin et plus profond, donnons la définition du Père Charmot :
«l’amour c’est la réponse du cœur à la perfection d’un autre être.» Elle est incomplète mais elle
est vraiment profonde, car elle marque très bien tout ce que l’amour peut comporter
d’admiration désintéressée. Elle est incomplète, car il faut ensuite détailler quelles sont les
perfections qui peuvent susciter l’amour, et aussi parce que cette définition est surtout juste de
l’amour affectif ou amour de complaisance.
Car, il y a lieu de distinguer d’abord amour affectif et amour effectif. Saint François de Sales
qui fait cette distinction l’explique ainsi : «Par celui-là (l’amour affectif) nous affectionnons
Dieu et ce qu’Il affectionne ; par celui-ci (l’amour effectif) nous servons Dieu et faisons ce qu’Il
nous ordonne... L’un nous remplit de complaisance, de bienveillance, d’élans, de souhaits, de
soupirs et d’ardeurs spirituelles... ;l’autre répand en nous la solide résolution, la fermeté de
courage et l’inviolable obéissance requise pour effectuer les ordonnances de la volonté de Dieu,
et pour souffrir, agréer, approuver et embrasser tout ce qui provient de son bon plaisir. L’un nous
fait plaire en Dieu, l’autre nous fait plaire à Dieu.» (Traité de l’Amour de Dieu, Livre Vl, ch.l)
A propos encore de l’amour affectif disons un mot des perfections qui le suscitent. Le Père
Charmot, en bon Jésuite qu’il était, est un très bon pédagogue.
Les jeunes gens, dit-il, pourront aisément juger de la qualité de leur amour.
«Si la perfection qui les séduit tient au corps, leur amour prétendu n’est, hélas! qu’un
appétit des sens.
Si, au contraire, elle tient à l’esprit, à l’âme, bien plus à la sainteté de la vie, leur amour
peut être appelé un véritable amour.»
Pour être bien compris il ajoute : «Nous ne sommes pas plus jansénistes (pour un Jésuite,
ce serait un comble!) que Saint François de Sales. Nous ne condamnons ni l’art, ni les efforts
nécessaires pour rendre la beauté aimable ; nous condamnons la séduction de la chair sans
âme.»
Donc, une première distinction entre l’amour qui se complaît en la perfection de l’autre et
l’amour qui se donne. Un curé de paroisse décrit bien ce dernier amour :
«Considérez un jeune amour, un amour vrai : l’une des caractéristiques et sans doute sa
caractéristique essentielle est un élan qui le porte à vouloir le bien de l’être aimé».
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2) Amour sensible et amour spirituel
Puis il faut distinguer amour sensible et amour spirituel. L’amour sensible est plus subi. Il
comporte une certaine passivité : on est impressionné par une beauté que l’on voit : beauté d’un
visage, d’un paysage, d’une œuvre d’art, d’une église etc. On ne peut pas ne pas en subir une
impression sensible. Certes la beauté sensible peut ouvrir le chemin à la beauté spirituelle : le
chant grégorien introduit admirablement à la beauté de Dieu. Mais c’est principalement ou plutôt
d’abord notre sensibilité qui est émue.
L’amour spirituel est un amour de choix, c’est un amour qui réside dans la volonté.
Comme il est réconfortant d’entendre un jeune homme dire à propos d’une jeune fille : «J’ai
aimé la beauté de son âme avant d’aimer celle de son corps.» Confidence moins rare qu’on ne
pourrait le penser.
La charité dit plus que l’amour. C’est un mot qui dit que ce qui est aimé est d’un grand
prix. Une personne nous est chère parce qu’elle a plus de valeur spirituelle à nos yeux que
d’autres. Un objet cher est un objet de grande valeur (normalement !).
Mais - et la remarque est de Saint Thomas - l’amour de Dieu, lui aussi, a quelque chose de
passif en ce sens que nous allons à Lui attirés par Lui, plus que nous n’allons à Lui conduits par
les lumières de notre raison.
II - LA CHARITE
La charité est bien aussi un amour, mais c’est un amour surnaturel par son origine, par
son motif, par son but.
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1) Par son origine :
Il nous est donné d’en haut. «La Charité de Dieu a été répandue dans nos cœurs par Son
Esprit qui habite en nous.»(Ro. 5,5)
* «On peut aimer son prochain parce qu’il nous est utile, parce qu’il a avec nous un lien
de parenté ou pour tout autre raison en rapport avec la condition humaine, mais si l’on aime de
charité c’est soit parce que Dieu est en lui soit pour que Dieu soit en lui. (St Thomas)
«Vous l’aimez (Jésus-Christ) sans l’avoir vu ; vous croyez en lui sans le voir encore et
vous en tressaillez d’une joie ineffable et toute céleste, sûrs de remporter la fin de votre foi, le
salut de vos âmes.»
La Charité repose sur la Révélation de l’Amour de Dieu. Cette Révélation n’est pas
qu’une Révélation d’enseignement ou même de commandement : «Mon commandement à moi
c’est que vous vous aimiez les uns les autres comme je vous ai aimés.» (St Jean 15,13)
Le «comme» veut dire que le Fils de Dieu incarné, le Christ, n’a pas seulement enseigné
ou commandé la charité mais Il l’a pratiquée jusqu’à donner sa vie pour nous : «Personne n’a de
plus grand amour que celui qui livre sa vie pour ses amis.» (St Jean 15,13).
Nous ne connaîtrions pas la Charité de Dieu si elle ne nous avait pas été révélée par
l’enseignement et la vie du Christ.
La note la plus caractéristique de la Charité dans le Nouveau Testament c’est que c’est
l’Amour de Dieu qui se manifeste et qui se prouve («il n’y a pas de plus grande preuve
d’amour... »).
Mais, avant de se manifester aux hommes et de se prouver à eux, il est : «Dieu est
Amour». C’est la grande Révélation du Nouveau Testament : «Bien-aimés, aimons-nous les uns
les autres, car l’amour vient de Dieu et quiconque aime est né de Dieu et connaît Dieu. Qui
n’aime pas n’a pas connu Dieu, car Dieu est amour. L’amour de Dieu s’est manifesté parmi
nous en ce que Dieu a envoyé son Fils unique, dans le monde, afin que nous vivions par Lui».
«L’amour consiste en ceci : ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, mais c’est Lui qui nous a
aimés et qui a envoyé son Fils comme propitiation pour nos péchés.» (I St jean, 4, 7-10)
Texte capital : dans l’ordre de la charité tout vient de Dieu. Le texte latin de la Vulgate
ajoute très heureusement : «C’est Lui qui nous a aimés le premier».
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Mais notre réponse est d’amour et de gratitude
Mais l’exemple qui vient d’en-haut : «Comme le Père m’aime, je vous ai aimés, demeurez
dans mon amour» (St Jean 15,9), cet exemple d’amour qui nous vient de la Trinité et du Christ
appelle, de notre part, une réponse d’amour et de gratitude.
Cette réponse passe par la Liturgie et le culte, ceux de la terre répondant à ceux du ciel :
il n’y a qu’une Liturgie : « A Celui qui nous aime et nous a déliés de nos péchés par son sang et
qui a fait de nous un royaume de prêtres pour son Dieu et Père, à Lui la gloire et la domination
dans les éternités d’éternités ! Amen !» (Apo. 1, 5-6).
C’est dire qu’elle suit l’exemple du Christ mais aussi qu’elle veut rendre son amour au
Christ. C’est un retour d’amour : «Oui, mon Bien-Aimé, voilà comment se consumera ma vie...
Je n’ai d’autre moyen de te prouver mon amour que de jeter des fleurs c’est-à-dire de ne laisser
échapper aucun petit sacrifice, aucun regard, aucune parole, de profiter de toutes les plus
petites choses et de les faire par amour.» (Ste Thérèse de l’Enfant-Jésus)
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