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HISTOIRE DU CANOTAGE

Source : « histoire du canotage –Héritage canoë bois ».

Le canoë en Amérique du nord

Bien que de semblables embarcations comme les pirogues de tous genres aient été construites
dans le monde entier, il semblerait que les plus proches parents de nos actuels canoës et
kayaks soient ceux des Indiens et Inuits d'Amérique du nord.

Alors que les nôtres n'ont qu'un usage récréatif, celles d'origine avaient une utilité dans la vie
quotidienne.

McGregor (Britannique) et ses croisières dans son Rob Roy à partir de 1865, est la figure
emblématique du lien historique entre les deux usages.

Le canoë, indien : écorce de bouleau

C'est sur le continent nord-américain que débute l'histoire du canoë ouvert, le plus proche
parent de notre canoë actuel. Les Indiens des forêts se construisaient ces esquifs légers,
porteurs, faciles à construire avec les matériaux locaux, pour se déplacer et transporter des
marchandises. C'est le canoë indien ou d'écorce.

Les premières traces de ces bateaux pourraient remonter à 2 500 ans avant JC (Gendron, in
sous De Ravel et De Thoisy-Dallem 2004, p. 5).

Mais on remonte à des origines antérieures, sur d'autres parties du globe.

L'un des premiers Européens à écrire sur l'intérêt de ce type de bateau est Champlain, un
Français, en 1603 (Solway 1997, p. 5).

kayak, inuit : peau de phoque


Les kayaks ont été élaborés par les peuples autochtones des régions arctiques (Inuits), qui
utilisaient ces canots pour la pêche et la chasse sur les côtes de l'océan Arctique, l'Atlantique
Nord, la Mer de Béring et le Pacifique Nord.

Les kayaks sont vieux d'au moins 4 000 ans , d'après les plus vieux kayaks conservés au
Musée d'ethnologie de Munich.

La plupart des peuples Inuits, des îles Aléoutiennes jusqu'au Groenland s'appuyait sur le
kayak pour la chasse de proies variées - principalement des phoques, mais aussi des baleines,
des ours et des caribous dans certains territoires.

Esquimaux en kayak à Noatak (Alaska), 1929.

Le premier contact d'un Européen avec ce type de bateau remonte à 1576 (Robert-Lamblin, in
sous De Ravel et De Thoisy-Dallem 2004, p. 9). Il fut transformé et popularisé par
MacGregor dans la deuxième moitié du XIXè siècle.

Le canoë « canadien » : tout bois et entoilé.

Le canoë est originaire d'Amérique du Nord, où les Amérindiens s'en servaient comme
embarcation de transport ; la propulsion et la direction étant assurées par une pagaie simple.
Le canoë des Amérindiens avait un rôle central dans leur vie quotidienne et était utilisé sur les
lacs et rivières pour le transport, le travail (pêche, chasse, cueillette), la guerre, les actes
culturels et l'exploration des territoires..

La construction du canoë en écorce faisait appel à des techniques complexes, qui variaient
selon les régions et les populations. Le canoë était généralement construit à partir d'une
structure en bois, constituée de lanières de bois (frêne) ployées, rigidifiées par des barres
d'écartement. L'armature était ensuite recouverte de grands morceaux d'écorce (mâchecoui),
constituant le bordage, généralement de l'écorce de bouleau blanc cousus entre eux, ou parfois
de peaux. La couture pouvait être réalisée par des racines d'épinette fendues dans le sens de la
longueur. L'étanchéité et le colmatage des coutures étaient réalisées avec de la résine de
conifères. Le bordage pouvait être doublé interieurement2.

Cette embarcation était très légère (facilitant le portage), très maniable, mais aussi très fragile.
À titre d'anecdote, les Amérindiens ne toléraient pas que les Européens montent dans leurs
canoës avec leurs grosses bottes. De plus, lorsqu'ils voulaient aborder la rive, les autochtones
devaient se jeter à l'eau pour éviter que le canot ne heurte la grève. Quand venait le temps de
faire un portage, le canot d'écorce était avantageux vu sa relative légèreté. Le canoë typique
en écorce de bouleau « avait une longueur de 6 mètres et pouvait charger jusqu’à 450 kg avec
deux ou trois convoyeurs ». L'usage du canoë était donc limité aux régions forestières du
bouleau ; les embarcations autochtones des régions plus au sud étaient des pirogues (tronc
d'arbre évidé), plus au nord des kayaks ou des oumiaks (armature couverte de peaux).

Solway (1997, p. 6) retrace bien la bascule de l'écorce au tout-bois. Les colons blancs avaient
d'abord utilisé ces canots d'écorce tels quels pour la traite de la fourrure et l'exploration des
terres canadiennes. Mais il fallait augmenter la charge maximale possible et rallonger la durée
de vie de ces bateaux écorce (qui était d'environ un an).

Ce sont d'abord les Français qui ont agrandi des "écorces", notamment le canot de maître (8 à
10 hommes d'équipage et 3 tonnes de marchandises).

Les évolutions majeures ont eu lieu entre 1850 et 1890.

Au Canada (autour de Peterborough et Lakefield), dès 1860, on innove dans les tout-bois
(techniques de jointoiement des lattes) et on construit sur moule. Stephenson, Gordon, Herald,
English sont les pionniers canadiens de la belle construction bois. On connait mieux les
entrerpises Chestnut, Peterborough, Lakefield.

Aux Etats-Unis (dans le Maine, autour de Bangor et Old Town), dès 1880 on retient Gerrish,
White, Morris, Old Town, comme les premiers à avoir construit des entoilés, sur moule.

La route, le train et l'avion bien plus tard ont contribué à faire du canoë-outil un simple bateau
de loisir.

L'émergence du canoë en France

Avant la pagaie, il y eut la voile et l'aviron

Le canotage est apparu en France dans les années 1820. Attention, on ne parle pas encore de
canoës. Loin de là... Lecaron (in Karr, Gatayes et col 1858, p. 144) situe l'arrivée des premiers
canots à Paris vers 1823. Il s'agit à l'époque de bateaux construits par des chantiers navals de
marine marchande : robustes, massifs, formes arrondies. Les techniques de construction vont
donner des bateaux de plus en plus typés plaisance et compétition.

On peut distinguer "[...] trois périodes distinctes, trois étapes du progrès. On a fait d'abord
des embarcations mixtes, pouvant aller indifféremment à l'aviron et à la voile. On a passé de
là aux embarcations manœuvrées exclusivement à l'aviron, mais servant en même temps à la
course et à la promenade. On est arrivé enfin aux embarcations destinées spécialement aux
régates [...]" Bref, on passe de bateaux de travail en mer à des bijoux de compétition (Jung, in
Karr, Gatayes et col 1858, p. 113).

Aux débuts, c'est à Paris que se concentre le plus gros du canotage français, avec deux pôles :
"[...] les canotiers de haute Seine (Paris, Bercy, Charenton, Saint-Maur), et ceux de basse
Seine (Neuilly, Asnières, Argenteuil, Chatou et Bougival.)" (Viard, in Karr, Gatayes et col
1858, p. 202).

Paris s'est illustré avec la Société des Régates Parisiennes, et Asnières autour du rival et très
anglais Boat-Club.

La périssoire avant le canoë et le kayak :

Périssoire, in KARR, GATAYES et col, Le canotage en France, éd. Taride, 1858 (rééd. Chasse-Marée,
1991) Voir détails sur ce type d’embarcation en fin de document.

Le canotage dans un canoë ou un kayak met du temps à se développer en France. Alors que le
Britannique McGregor s'est déjà fait fabriquer un kayak bois en 1865, longtemps en France,
on navigue en périssoire , son plus proche parent. De Ravel (in sous De Ravel et De Thoisy-
Dallem 2004, p. 15) avance plusieurs raisons à cela :

 Les premiers voyageurs en France étaient étrangers : MacGregor 1865, Hamerton


1867 et Stevenson 1876 étaient Britanniques ; Barrucci et Ferrari 1882, Italiens.
 En 1888, la Fédération d'aviron ne promeut que la périssoire en lançant un
championnat de France de périssoire.
 Les canotiers ont jugé le canoë à pagaie simple, trop technique.
 On a craint le délit de vagabondage, le canoë ayant été dépeint comme un outil de
voyage.
MacGregor, A Thousand Miles in the Rob Roy Canoe, 1892 (18è éd.)

L'entre deux guerres, âge d'or du canoéisme

Canoës (coll particulière)


En 1878, l'Exposition Universelle de Paris présente trois canoës Canadiens. En 1880, la revue
Le Yacht commence à écrire au sujet du "canoeing". Le premier club Français date de 1888 :
le Canoë Club de France (De Ravel, in sous De Ravel et De Thoisy-Dallem 2004, p. 15).

Les premiers voyageurs Français furent le Capitaine Lancrenon sur sa périssoire 'Vagabonde'
(1883), Tanneguy de Wogan sur son canot de papier le 'Qui-Vive' (1884) et Marmod en Rob
Roy (1891) (De Ravel, in sous De Ravel et De Thoisy-Dallem 2004, p. 15).

Il semble que les premiers Français à se lancer en dehors des ports de plaisance furent des
avironneurs. Mais sur ces petits cours d'eau trop étroits pour leurs avirons, ils durent employer
des pagaies (doubles), à la manière des périssoires, la simple étant trop difficile à manier.

En Grande Bretagne, le kayak bois a vite décliné. On assiste à son renouveau en mode pliant,
par les Allemands au début du XXè siècle (Davis 1997, p. 10).

LA PAGAIE SIMPLE :

C'est en 1926, avec la venue du Lieutenant Smyth à Paris (en croisière canoë de Londres à
Rome), que la technique de la pagaie simple débuta en France, au Perreux, sur la Marne.

La conquête des rivières, lacs, étangs et du littoral maritime pouvait commencer en canoë.

Les congés payés et le fait que la SNCF ait accepté le transport de ces grands bateaux ont
largement contribué à l'essor de la discipline. La gare de Lyon a prévu un hangar canoës et de
fourgons dédiés et a même édité des cartes de France du canoéisme (De Ravel, in sous De
Ravel et De Thoisy-Dallem 2004, p. 16).
SNCF, Canoëisme en France, 1939

En revanche en Allemagne, il a fallu développer les bateaux pliants pour le transport en train
en wagon voyageur ; d'où cette tradition outre Rhin.

"Nous pouvons dire que le kayak a, en France, un énorme retard sur le canadien et que c'est
exactement l'inverse qui a lieu en Europe centrale." (Mathéron 1944 p.136).

Trois associations ont fortement contribué au développement du canoë kayak en France (en
parallèle de la Fédération Française de Canoë-Kayak). Voici la situation en 1950 :

 La plus ancienne et la plus importante par le nombre de licenciés et les infrastructures


est le Touring Club de France, section canoéistes. Les manifestations, les éditions et
revues ont été ici très importantes.

 Le Canoë Club de France fondé en 1904 par Albert Glandaz, est à l'origine de la
plupart des premières et le diffuseur de la technique de la pagaie simple. Il a sa propre
parution mensuelle dès 1906 : le Bulletin du Canoë Club (qui deviendra plus tard La
Rivière). Cf. le site de Louis Pillon (historien) et celui du Canoë Kayak Club de
France.

Ensemble dès 1919, ils vont éditer l'excellente série des Guides du canoéiste.

 La plus récente, le Kayak Club de France. Orienté kayaks pliants et pagaies doubles.

Ces trois structures sont aujourd'hui mortes ou modifiées :


 Les deux dernières ont fusionné en 1962 et sont devenues le Canoë Kayak Club de
France, club de la FFCK (situé à Bry-sur-Marne, juste en face du Perreux-sur-Marne,
berceau français de la technique de la pagaie simple). Archives vidéos. Le CKCF est
toujours un club en activité.
 Le TCF n'existe plus depuis 1983.

Canoë tout bois et entoilés :

Canoë Peterborough, in SEXE, Croisières en canoë, 1908-1912, éd. Le Canotier, 2000

En France, les constructeurs n'ont pas suivi la technique des entoilés. Ils ont choisi le tout-
bois.

Pourquoi les canoës entoilés ne sont-ils pas devenus la norme en Europe, alors qu'ils sont
devenus le canoë type en Amérique du nord ?

L'intérêt du tout-bois sur l'entoilé est la finesse de construction et l'élégance du bois verni : ces
bateaux lattés bois et rivetés clous sont de toute beauté.

Mais aussi la différence des lieux de pratique : les rivières françaises sont plus étroites et
caillouteuses que les lacs et rivières d’Amérique du Nord. Il fallait donc des bateaux plus
robustes. Et la construction tout bois est plus résistante à l'abrasion et aux chocs.
Et le kayak ?

in RITTLINGER, L'Amazone en kayak, éd. André Bonne, 1957

C'est un allemand qui, le premier, modifia un kayak groenlandais en l'agrandissant


(notamment l'ouverture) et en le dotant d'une structure démontable (Mahuzier 1945, p. 5).

La rivalité Canoë / Kayak :

De nos jours, la Fédération Française de Canoë-Kayak (FFCK) regroupe les deux types
d'embarcations en une seule famille (et même d'autres : raft, hydrospeed, pirogue
polynésienne, stand up paddle...), sous un même vocable et une même idée : la "tribu" canoë-
kayak.

Mais il faut s'imaginer qu'au début du XXè siècle, avant de fusionner, deux gros clubs
"divisaient" le monde du CK : le Canoë Club de France et le Kayak Club de France.

A lire certains auteurs du milieu du XXè siècle (Le kayak ou initiation aux joies nautiques,
1934), on ressent un malaise des adeptes du kayak vis à vis de la légitimité du canoë en
France, la place du kayak restant à faire. Et plutôt que de se positionner en tant que petit frère
du canoë, ces auteurs ont ressenti le besoin de faire du kayak le concurrent. De Ravel parle de
"lutte fratricide" entre le "dur" (canoë tout bois) et le "mou" (kayak pliant) (in sous De Ravel
et De Thoisy-Dallem 2004, p.18).

Il y semble que l'image du canoë soit la plus forte en France et qu'un travail de
positionnement/légitimation du kayak reste à faire.

Leurs kayaks étaient bien plus légers et manœuvriers dans les torrents difficiles, donc bien
plus appropriés aux pagayeurs sportifs français. Ils permettaient notamment d'esquimauter. Le
premier esquimautage a été réussi par Marcel Bardiaux en 1932 (De Ravel, in sous De Ravel
et De Thoisy-Dallem 2004, p. 18).

Le Kayak Club de France a participé à la création de la Fédération Française de Canoë en


1932. Il engageait ses licenciés dans les compétitions quand le Canoë Club de France le
refusait (De Ravel, in sous De Ravel et De Thoisy-Dallem 2004, p. 18).

L'histoire leur a donné raison : le kayak a conquis les rivières sportives alors que
le canoë s'est développé sur les plans d'eau et rivières paisibles.

Information complémentaire sur les Périssoires :


La périssoire est un type de canot long d'environ 3,5 mètres à 4 mètres pour la périssoire
monoplace destinée à la balade, à près de 8 mètres pour la « périssoire de course ».

Sa construction à bouchain vif est le plus souvent très simple, parfois deux planches pour les
côtés et une pour le fond du bateau suffisent. C'est en général un bateau étroit et instable donc
périlleux, d’où son nom.

Elle fut très en vogue comme petit canot de plaisance aux XIXe et XXe siècles en Europe,
avant d'être détrônée par les canoës importés du Canada durant la première moitié du
XXe siècle. Elle se manœuvre à la pagaie double, ce qui l'apparente à l'embarcation cousine le
kayak (d'origine inuite). Elle s'en différencie par sa construction en planches de bois, et non
pas en ossature bois ou os recouverte de peau ou de toile, et ses sections souvent quasi
rectangulaires.

La périssoire a constitué un sujet de tableaux pour Gustave Caillebotte ( peintre


impressionniste ), très adepte de nautisme, et pour Maurice de Vlaminck.

( Voir illustrations et photos ci-dessous ).


Périssoires :Tableau de Gustave Caillebotte, 1877.

Périssoires : Tableau de Gustave Caillebotte 1878.


Gustave Caillebotte - Les esquifs, 1877. ( Périssoires )
Cette périssoire double est une Lawrence ( nom du constructeur qui la nomme pirogue de
mer).
MacGregor (1892, p. 224) note en avoir rencontré construites en métal ; ce qui pour lui est
une erreur, le métal étant plus lourd que le bois pour de si petits bateaux.

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