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Le dépeçage la fonte l’utilisation de la baleine

Depuis le Moyen Âge, et peut-être dès l’Antiquité romaine, l’huile tirée de la fonte
du lard des baleines à fanons – surtout des baleines grises et franches,
particulièrement riches en graisse – était un produit courant. Elle entrait dans la
composition du savon, servait de combustible pour les lanternes, d’imperméabilisant
pour le bois des maisons ou des bateaux, au tannage du cuir ou encore à la
lubrification des outils. C’est principalement pour se lancer dans ce commerce que les
Basques ont voyagé dans des régions de plus en plus éloignées, notamment en
Norvège, jusqu’à l’île arctique de Spitzberg, puis en Islande et même dans le nord du
Nouveau Monde, au niveau de l’actuelle province canadienne de Terre-Neuve-et-
Labrador. Une seule baleine pouvait remplir de 70 à 140 barils, contenant chacun 160
l d’huile. La cargaison d’un bateau, chargé à pleine capacité, rapportait l’équivalent
actuel de plusieurs millions d’euros.
Aujourd’hui, il reste des traces des fonderies de transformation de la graisse de
baleine à Red Bay, sur les rives du détroit de Belle-Isle, dans le nord-est du Canada ;
un site inscrit depuis 2013 sur la liste du patrimoine mondial de l’humanité.

Le dépeçage de la baleine
Le dépeçage se faisait soit à la station, soit en mer, d’où l’importance de capturer une baleine qui
flottait. Il se peut aussi que des baleines aient été dépecées à proximité du rivage. Il apparaît plus
probable, toutefois, qu’on ait utilisé un treuil ou un cabestan pour emmener la carcasse de baleine
sur un plan incliné pour la dépecer. Un tel système fut plus tard employé à Spitzberg où des vestiges
de treuils ont été retrouvés. Certains documents indiquent que l’on procédait de la même façon à
Grand Bay. Selon les débris organiques trouvés au large de Red Bay, ils apportaient souvent la
baleine près de la côte pour la dépecer – comme l’a d’ailleurs décrit Champlain. Les archéologues
ont découvert un quai basque fait de bois rond et de chevilles d’assemblage qui aurait pu être utilisé
soit pour dépecer la baleine, soit pour la débarquer, soit encore pour en couper de grosses tranches
de gras. Une des principales pièces de bois de charpente portait une mortaise destinée à recevoir une
autre pièce de bois verticale; il s’agit peut-être d’une partie de grue sur le côté du quai. Les fouilles
ont également révélé une passerelle de pierre reliant le quai à la section des fours de fonte où on
transformait le gras en huile.
La fonte du lard : les fours de fonte
Aucune description détaillée des fours de fonte de Terra Nova ne nous est parvenue. Selon William
Burroughs (1575), pour un équipage de 55 hommes avec un navire de 200 tonnes et cinq bateaux, il
fallait quatre « foyers » ou chaudrons « pour faire fondre la baleine » et six « louches de cuivre ».
Le procédé consistait à chauffer à feu doux le gras émincé déposé dans des chaudrons en cuivre. On
utilisait les louches pour récupérer les fragments de gras et les recycler en combustible pour les
fours de fonte. Chaque four (hornos), de forme à peu près rectangulaire, était fait d’un mur de
pierres d’environ 50 cm d’épaisseur entourant une chambre de combustion circulaire dont le
diamètre variait de 1,2 à 1,5 mètres. Les fours étaient souvent disposés en rangée d’au moins quatre,
à l’image des maisons en rangée avec murs mitoyens. On a retrouvé de tels fours sur plusieurs sites,
notamment à l’Île aux Basques et dans l’archipel de Mingan au Québec, ainsi qu’à Chateau Bay et
au cap St. Charles, à Terre-Neuve. Un chaudron en cuivre peu profond et pas tout à fait
hémisphérique, avec une courbe inversée à sa bordure, reposait sur chacun d’eux. Il avait
sensiblement le même diamètre que la chambre de combustion, soit de 1,2 à 1,5 mètre. Les vestiges
de Red Bay laissent croire qu’ils explosaient parfois et que les dommages étaient tels qu’il fallait
parfois reconstruire les fours. Une plate-forme en bois entourait les fours de pierre et une structure
de billots recouverts de tuiles d’argile rouge, importées du Pays basque, protégeait l’ensemble.
L’entreposage de l’huile de baleine : la barrica
Après la chasse, le dépeçage et la fonte, l’entreposage et l’expédition de l’huile de baleine
constituait la quatrième et dernière étape du processus de production de Grand Bay au XVIe siècle.
Les Basques utilisaient la barrica, un tonneau en bois de 200 à 230 litres, assez semblable au baril
d’huile moderne. Ils arrivaient habituellement en pièces détachées. Les listes d’approvisionnement
parlent d’environ 150 tonneaux par équipage de bateau. Chaque station littorale devait donc avoir
plusieurs tonneliers pour les assembler ou les réparer. Les talents de ces artisans étaient reconnus et
leur salaire était en conséquence. Les fouilles de Red Bay ont révélé qu’il y avait des tuiles de
céramique décorée dans la tonnellerie où ils vivaient, ce qui n’existait pas chez la plupart des autres
membres de l’équipage.

Les douves étaient marquées pour faciliter leur assemblage et certains barils portaient
le monogramme de leur propriétaire. Le chêne qui servait pour la fabrication des
douves arrivait au Pays basque depuis la Bretagne, signe des liens qui existaient déjà
au début de l’époque moderne dans la zône entourant le golfe de Gascogne.

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