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L'Art de la Mémoire de Frances A.

Yates

La mnémotechnie de l'Antiquité à la Renaissance : d'une discipline


méthodique d'ordonnancement des pensées à une pratique ascétique
de perfectionnement spirituel

Aurélien Dru

École Normale Supérieure de Lyon


Master 2 Recherche – Histoire de la philosophie

Résumé :
L'analyse de Frances A. Yates a pour objet de dresser non pas une histoire globale des
différentes représentations de la mémoire à travers les âges, mais d'étudier la façon dont a été
conceptualisé les "artes memoriae" selon les trois grandes périodes historiques de la culture
européenne et occidentale que sont, selon Yates, l'Antiquité, le Moyen-Âge et la Renaissance.
À chacune des ces périodes, les procédés techniques qui permettent d'entraîner ou de
perfectionner l'usage d'une telle faculté ont défini une véritable ascèse. L'enjeu de cette
réflexion est de montrer qu'à chacune de ces périodes la mémoire s'est trouvée doté, soit
alternativement soit de manière complémentaire, d'une fonction rhétorique, métaphysique,
morale, mystique ou ésotérique. L'art de la mémoire, ou mnémotechnie, a pour objet la
"mémoire artificielle", c'est-à-dire les procédés pratiques destinés à faciliter le rappel des
souvenirs à l'esprit ou âme ("psychè"). Les procédés mnémotechniques, comme l'explique
l'autrice dans la Préface, visaient à "imprimer"' dans la mémoire des lieux ("loci") et des images
("imagenes"). La mémorisation est donc non seulement un processus méthodique
intrinsèquement psychologique, mais possède une valeur rhétorique singulière dans la mesure
où elle interagit étroitement avec l'imagination. Ce rapport entre la mémoire et l'imagination
ouvrira la possibilité de conceptualisations métaphysique, morale et esthétique, toujours selon
les trois périodes distinguées. L'objet de notre travail est de montrer en quoi l'analyse de Yates
aboutit à une définition des techniques de mémorisation comme objets de pratiques ascétiques
historiquement variables : alors qu'elles ont principalement pour finalité l'amélioration de
l'activité cognitive dans l'Antiquité, ces pratiques sont conçus comme des moyens de
perfectionnement spirituel à partir de la période scolastique, puis, à partir de la Renaissance,
elles représentent la possibilité d'une ouverture métaphysique de l'homme au cosmos. Il s'agira
également de souligner en quoi le propos de Yates se fonde sur des références issues de l'histoire
de la philosophie (notamment Platon, Aristote, Saint-Augustin et Descartes).

Lien vers l’article (HAL) :


https://hal.archives-ouvertes.fr/halshs-01847732

Plan de l’article :
I. La conceptualisation antique de la mnémotechnie : la fondation du système des
lieux et images dans une double perspective rhétorique et métaphysique
1) Le système des loci et des imagenes : l’Ad Herennium, Cicéron et Quintilien
2) L’héritage platonicien : l’« écriture intérieure » et la théorie de la réminiscence
comme épreuve métaphysique de remémoration des formes intelligibles
3) La conceptualisation aristotélicienne : l’autonomie et la « naturalité » des lieux
mémoriels (topos), et les rôles de la sensibilité temporelle et de l’imagination
4) Métrodore de Scepsis : la sténographie intérieure et l’ordonnancement
architectural
II. Le tournant spiritualiste de l’augustinisme comme transition vers la période
scolatisque
III. L’art de la mémoire scolastique : l’architecture théâtrale comme système d’images
localisées au service d’une morale chrétienne pieuse
IV. La mnémotechnie de la Renaissance : réhabilitation de l’imagination au service
d’une représentation ésotérique, mystique et cosmique de la mémoire artificielle
V. La rupture du rationalisme moderne : l’exemple de la philosophie cartésienne
VI. Conclusion

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