Partant des assises épistémologiques ; il semble que l’évolution de l’art pictural dans
ses règles et ses lois se trouvant glisser vers une ouverture indéfinie dans ses dimensions ou
ses destinations. Les nouvelles tendances de l’art pictural, en effet, le portrait revélé par les
nouvelles technologies dominantes la vie quotidienne et les techniques de communication
renverse de chaque étape de l’espace pictural un œuvre d’art en lui-même. L’Æsthetica de
Baumgarten, comme une connaissance du sensible plaisir, est un lieu d'expérience
attentionnelle et hédonique au monde, glisse sur un subjectile d'un espace-temps arrangé en
palimpseste. En effet, le palimpseste, nous rappelle Gérard Genette, est « un parchemin dont
on a gratté la première inscription pour en tracer une autre, qui ne la cache pas tout à fait, en
sorte qu’on peut y lire, par transparence, l’ancien sous le nouveau », 1 ce support de pensée
révèle la question d'originalité de la création artistique accumulée d'un processus
d'expérience.2 L'expérience esthétique est proposée en mode de conduite et de relation
esthétique au monde,3 se projette au sens d'un processus relationnel dont ses phases et ses
éléments constituent une continuité de genèse et re-genèse, M. Foucault admet que « nous
somme à l'époque du simultané, nous somme à l'époque de la juxtaposition, à l'époque du
proche et du lointain, du côté à côté, du dispersé ». 4 Or, réfléchir la constitution ontologique
du phénomène d'expérience esthétique, peut risquer d'écarter la notion dans la mesure que la
qualification d'un œuvre d'artistique demeure monopolisé par l'institution académique. 5 Dans
ce cadre, M. Massin pose la question de renouveau de l'expérience et la problématique de
continuité ou de la dynamique artistique, 6 « L’hypothèse d’une expérience esthétique dans
) GENETTE, Gérard. Palimpsestes. La littérature au second degré, Seuil, Collection «Points essais». Paris,
1
1982, p. 16
2
) GENETTE, Gérard. (dir). Esthétique et poétique , Le Seuil, coll. « Points ». Paris, 1992
3
) SCHAEFFER, Jean-Marie. L'expérience esthétique, Gallimard. Paris, 2015
Voir aussi : MECHERI, Sami. « Jean-Marie Schaeffer, L’expérience esthétique », Lectures [En ligne], Les
comptes rendus, 2015, mis en ligne le 27 juillet 2015, disponible sur : http://lectures.revues.org/18692
4
) FOUCAULT, Michel. Dits et écrits 1954-1988, Vol. IV (1980-1988), DEFERT, D. & EWALD, F. (dir).
Gallimard. Paris, 1994, p. 752
5
) MASSIN, Marianne. Expérience esthétique et art contemporain, Presses Universitaires de Rennes. Rennes,
2013
« Une œuvre d’art est tout simplement une “pièce” (d’art) une entité spécifiée par les conventions de la pratique
artistique » Pour autant, une telle définition a minima peut sembler à son tour insuffisante pour appréhender
l’histoire passée de l’art et nombre de pratiques chronologiquement contemporaines. p. 15
6
) DEWEY, John. Art as expérience [1934], trad. fr. Presses universitaires de Pau, 2005, rééd. Gallimard, coll. «
Folio Essais ». Paris, 201
l’art contemporain se trouverait donc menacée des deux côtés, soit par une relation à l’art qui
ne relèverait apparemment plus de l’esthétique, soit par une expérience, certes esthétique,
mais qui ne s’inscrirait plus dans les délimitations de l’art.{...} Notre ambition est donc
également de réévaluer, par et dans l’esthétique, la place et la fonction de l’expérience ». 1
Cette hypothèse fait recours à une définition large de l'œuvre d'art au mode palimpseste
comme un processus réflexif de l'artiste qui peut s'élargir pour contenir « le texte à usage
privé tel que note écrite pour soi, brouillons, ratures, monologue intérieur feraient partie de
l'œuvre d'art au titre d'un mouvement interne de réflexion indispensable à la pratique d'un art
dont ».2 L'expérience esthétique contemporaine au palimpseste dépasse aussi la question
d'originalité pour s'adhérer dans un champ de réactivation de la communication et un discours
de la réception qu'il soit de l'œuvre d'art dans son espace pictural ou dans son espace
d'exposition.3
1
) MASSIN, Marianne. Op. Cit, p. 17
2
) COQUELIN, Anne. Les théories de l'art, PUF, Coll. Que Sais-je ?. Paris, 2010, p. 112
3
) CLAUDE, Amey. « Expérience esthétique et agir communicationnel : Autour de Habermas et l’esthétique »,
in : Multitudes. revue politique, artistique, philosophique, numéro ordinaire : Futur Antérieur 2 : Eté 1990,
article disponible sur : http://www.multitudes.net/Experience-esthetique-et-agir/
) DICTIONNAIRE LAROUSSE. p. 253
4
d’une expérimentation de perception prothétique spécialement avec l’œuvre de « l’atelier du
dedans » de Moncef Mensi et les travaux de Adel Megdiche.
Dans quelle mesure cette dimension spectrale retrace-t-elle l’espace pictural enchevêtré en
strates mémoriales ?
Convoquer un portrait qui est en soi un retrait au sein de l’espace pictural nous amène à
explorer :
Quand l’écriture s’invente à partir del’imagerie scientifique , soit qu’elle cherche à en saisir
l’essence, soit qu’ellerévélle un miroitement d’en desous , elle l’évoque ou l’invoque bien
souvent sous le double signe de ce qui disparaît et de ce qui revient, de la perte et de la
hantise.
Inversement, il semblerait que nombreux peintre, quand ils sont confrontés au publique par
choix ou par obligation il efface leurs portrait ,une forrme sacrifitiel
. Il s’agira donc ici d’interroger cet incessant dialogue entre visible et invisible , entre effacer
et reveler à partir de la figure du spectre. Le spectre, qui n’appartient pas pleinement à
l’espace où il s’inscrit, relève d’une béance, d’un flottement, il vient déranger cet ordre que le
travail perceptive tente de restaurer
Notons encore ceci : sur la page redevenue blanche, se devine encore, dans une présence
fantomatique, le dessin original comme un palimpseste inversé. Nous retrouvons donc ici une
forme de transfiguration par la négative, une création par le retrait.
lus récemment, cet usage de l’effacement comme processus de création se retrouve dans
l’œuvre d’Estefania Penafiel-Loaiza. Dans l’installation Sans Titre (figurants) l’artiste s’est
ainsi intéressé aux anonymes qui, figurant sur les pages de nos journaux, viennent illustrer
l’information. En effaçant leurs visages, elle nous invite à les regarder. Silhouettes diaphanes
hantant l’espace photographique. Ces pages de journaux sont ainsi exposées aux cimaises
d’un mur ou mis à la disposition d’une manipulation par le public.
Exposés à leurs côtés, dans des petites fioles, les râpures de gommes, comme la peau de ces
figurants anonymes. Dimension funéraire d’une transposition plastique de cette perte
d’identité. Cet effacement littéral nous le retrouvons dans le polyptique Les Astres morts. Sur
l’espace d’un mur des portraits de célébrité partiellement effacer. Entre elles un lien, un fil
sombre tisse sa toile. Précisons encore que cet effacement partiel s’opère systématiquement au
niveau du visage, de leur figure. Un effacement qui ici agit sur le mode allégorique. Dans la
chair effacée se rejoue l’effacement de l’identité de la célébrité au profit de son personnage71.
Ces êtres sans visage restent en effet reconnaissables, malgré l’absence de leurs traits nous
retrouvons le référent de l’image. L’effacement opère ici par la défiguration et pourtant ces
figures défigurées persistent à signifier leur référent. Notons également que la disposition
spatiale des cadres et leur mise en lien évoquent une sorte de constellation. Constellation de
signes, le mur comme une page mallarméenne participe de la signification. De ces visages
défigurés, sombrant dans la disparition, une esthétique qui rappelle celle des trente étreintes
d’Eric Rondepierre : en une série de photogramme, un couple s’entredévore sous l’action du
temps . Peut-être alors pourrionsnous lire ce projet comme une vanité où la vacuité de la
célébrité comme tentative de survivre à sa propre disparition aboutit in fine à un effacement
de tout ce qui nous fait être vivant et pensant, ne reste alors que l’écorce d’un personnage.
Allégorie d’un simulacre cannibale qui dévore son référent. Nous retrouvons également cette
éviction du visage dans le projet Betty. Ne reste là encore qu’un costume de chair. Pratique de
l’effacement encore : celle de Jérémie Bennequin. Chaque jour l’artiste opère l’effacement
consciencieux d’une page, ou d’une simple partie, de La Recherche du temps perdus. Au
croisement du gommage et de l’hommage, les omages de Bennequin nous donne à voir un
travail dans la chair de l’écrit. Transmutation du texte littéraire dans la poudre bleue d’une
gomme, la littérature alors reprend chair. Il faut alors trouver « le bon degré d’effacement
»72. La poudre de la gomme est conservée, parfois exposée sous la forme de monticule
ironiquement appelées Mo(n)ts. Sur des pages à demi effacées git ce qui pourrait être
l’essence même de la Recherche.
également cette éviction du visage dans le projet Betty. Ne reste là encore qu’un costume de
chair. Pratique de l’effacement encore : celle de Jérémie Bennequin. Chaque jour l’artiste
opère l’effacement consciencieux d’une page, ou d’une simple partie, de La Recherche du
temps perdus. Au croisement du gommage et de l’hommage, les omages de Bennequin nous
donne à voir un travail dans la chair de l’écrit. Transmutation du texte littéraire dans la poudre
bleue d’une gomme, la littérature alors reprend chair. Il faut alors trouver « le bon degré
d’effacement »72. La poudre de la gomme est conservée, parfois exposée sous la forme de
monticule ironiquement appelées Mo(n)ts. Sur des pages à demi effacées git ce qui pourrait
être l’essence même de la Recherche.
Dans la pratique de Bennequin, seul un double de l’œuvre est détruite. Briser un miroir pour
dire que là ne réside pas le visage. Le texte n’est qu’un reflet, l’œuvre existe, ailleurs. Le
processus mis en œuvre par Bennequin peut dès lors être entendu comme une mise à mort du
substrat de la représentation qui libère le texte de ses contingences matérielles. Le processus
de disparition serait dès lors ici à envisager comme une dématérialisation libératrice de
l’œuvre. Entre le travail de Bennequin et celui de Rondepierre résonne l’écho d’une
expiration, celle du substrat comme matérialité de la représentation. Prendre en photographie
des photogrammes où se joue une perturbation, une altération de la représentation. Mais
malgré l’apparence première il ne s’agit pas pour autant d’une esthétique disparitionniste par
l’exposition des restes. En effet est ici en jeu un processus plus complexe par « la mise en
spectacle d’une matière en décomposition »76. Pour comprendre plus avant il nous faudra
entendre le photogramme dans ses particularités :
Cet art du photogramme décomposé n’a donc, nous le comprenons, rien à voir ni avec une
esthétique de la ruine ni même avec celle du revenant. Il s’avère en revanche que cette mise
en œuvre de la disparition du substrat chosique de l’image met en crise la posture de l’artiste
et relance dans le même mouvement la question de la mimesis, dans ce double mouvement
s’opère une résurgence dans la chair de l’image de la chair du référent. Gerhard Richter est un
peintre de l’effacement. Que ce soit dans ses œuvres photo-réalistes ou dans ses peintures
abstraites, sa pratique tient plus de l’effacement que de l’ajout. Etrange perspective que celle
d’une peinture, lieu
Et derrière, dans l’ombre d’une posture, le soupçon d’un acte suicidaire. La pratique abstraite
de Richter offre à cet égard une approche picturale peut-être plus parlante dans le processus
d’effacement