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PLATON / PHEDRE

PROLOGUE (227a-230e)
- Rencontre hors les murs de Phèdre et de Socrate
- Phèdre a écouté un discours de Lysias sur la séduction d’un beau garçon : il doit
accorder ses faveurs à celui qui ne l’aime pas et non à celui qui l’aime
- Désir de Socrate d’écouter le discours (Socrate « amoureux des discours), dont
Phèdre possède la transcription écrite (par laquelle « Lysias est ici présent »), bien
qu’il désirait essayer de la reproduire par lui-même.
- Choix d’un lieu propice à la lecture. Le mythe de Borée, la nécessité de se
connaître soi-même avant d’examiner la vraisemblance des mythes. Lecture à
l’ombre d’un gattilier en fleur. Socrate ne va jamais hors les murs : il préfère
l’entretient avec les hommes.

A/ PREMIERE PARTIE (230e-242b)


LE DISCOURS DE LYSIAS (230e-237a)
Lecture du discours : Phèdre doit céder à Lysias parce que Lysias n’est pas amoureux
de lui. Raisons pour lesquelles il faut préférer celui qui n’aime pas à celui qui aime (les
arguments sont superposés, se suivent sur le mode du « un autre point…il y a plus…et puis un
autre point, etc. »).
Critique de Socrate : Sur le fond, il n’a pas traité du sujet, du coup, il redit les mêmes
choses deux ou trois fois. Pour Phèdre, la qualité du discours tient à ce qu’aucun point n’a été
omis, et qu’on ne peut donc tenir aucun discours aussi entier. Objection de Socrate : il est
d’autres façons de traiter de l’amour : ex. de Sapho ou d’Anachréon. Socrate ne se souvient
pas de leurs discours, mais il se sent en état de parler de l’amour, et comme il est ignorant, il
doit avoir appris ces discours « à des sources étrangères, à la façon d’une cruche ».
Phèdre demande donc à Socrate de prononcer un discours plus « plein » que celui de
Lysias. Pour Socrate, il ne s’agit pas tant d’inventer de nouveaux thèmes que d’arranger les
thèmes existants. Résistances de Socrate. Il se couvre le visage et commence à parler.
PREMIER DISCOURS DE SOCRATE (237a-242b)
Socrate commence son discours : le thème est celui de Lysias : il faut accorder ses
faveurs à l’homme qui n’aime pas plutôt qu’à celui qui aime. Mise en ordre : il faut
commencer par établir « d’un commun accord, quelle sorte de chose est l’amour, et quels sont
ses effets, [et d’en proposer] une définition ». C’est seulement les yeux fixés sur cette
définition qu’on pourra examiner si l’amour apporte utilité ou dommage.
Nature de l’ amour (éros) : c’est une espèce de désir (epithumia). Il y a deux tendances
en nous : désir de plaisir et aspiration au meilleur, qui conduisent à la tempérance ou à la
démesure. L’amour est une espèce du désir, le désir des beaux corps, à côté par exemple du
désir de boisson qui fait l’ivrogne, ou du désir de nourriture qui fait le gourmand.
Utilité ou dommage que l’on peut attendre de l’amoureux : quand il aime, du point de
vue de l’âme, du corps, des biens, l’amoureux est nuisible à l’aimé. Quand il cesse d’aimer,
on ne peut rien attendre de lui pour l’avenir.

DEUXIEME DISCOURS DE SOCRATE (242b-257b)

Un signal divin a avertit Socrate qu’il a commis une faute envers la divinité et qu’il ne
doit pas quitter l’endroit avant de l’avoir expiée. Il vient d’offenser Eros, qui est un dieu, et ne
saurait donc être mauvais. Nécessité de se purifier en composant une palinodie.
(a) Il n’est pas vrai qu’il ne faille pas accorder ses faveurs à celui qui aime sous
prétexte qu’il est fou, car la folie peut être un don divin. Quatre formes de folie dispensée par
les dieux : la divination, la prophétie, la poésie, l’amour.
(b) Il faut montrer que cette forme de folie est dispensée par les dieux pour le bonheur
des hommes. Pour cela, nécessité de se faire une juste idée de la nature de l’âme. 1. L’âme est
immortelle ; démonstration : l’être immortel doit se mouvoir toujours, ce qui n’est possible
que s’il se meut lui-même, ce qui n’est possible que s’il est principe ( = ce à partir de quoi
quelque chose vient à l’être, et qui lui-même ne vient de rien) de son mouvement. Telle est
l’âme, en tant que principe du mouvement du corps. Elle est donc immortelle. 2. La forme de
l’âme ne peut être saisie en elle-même, il faut dire « de quoi elle a l’air ». Utilisation d’une
image : l’attelage ailé. Chez les dieux, l’attelage est composé de chevaux de bonne race, chez
les hommes, il y a deux types de chevaux : l’un bon pour le cocher qui commande (c-à-d
obéissant), l’autre mauvais. L’âme liée au corps compose un vivant, qui est mortel quand
l’attelage a perdu ses ailes, immortel quand l’âme est ailé. Nous sommes des vivants mortels ;
comment nos âmes ont-elles perdu leurs ailes ? Description de la vie divine : suit un cycle de
révolutions : contemplation des êtres au-delà du ciel, qui « sont » réellement, puis retour sur la
voûte céleste . La vie des âmes : réussissent la contemplation et repartent pour une nouvelle
révolution, ou échouent, et tombent sur terre. Différentes possibilités d’incarnations
humaines, de différent rang (du philosophe au tyran), selon la richesse de sa vision. Selon la
vie menée, possibilité par la suite de rétrograder au rang de bêtes ou de rejoindre à nouveau le
cortège des dieux. 3. L’âme du philosophe est celle qui « arrive à saisir ce qu’on appelle
« forme intelligible », en allant d’une pluralité de sensations vers l’unité qu’on embrasse au
terme d’un raisonnement ». Cette saisie est une réminiscence (anamnêsis) des réalités
contemplées dans le cortège des dieux.
(c) On peut comprendre à partir de là pourquoi l’amour est une forme de folie, c’est-à-
dire une manière de se lier au divin : la vision des beaux corps provoque une réminiscence des
réalités contemplées dans le cortège des dieux. La beauté possède en effet un privilège : « elle
a reçu pour lot le pouvoir d’être ce qui se manifeste avec le plus d’éclat et ce qui suscite le
plus d’amour ». Celui qui ne garde pas de souvenir de la beauté se porte directement sur ce
qu’il voit ; le philosophe au contraire « a les yeux plein des visions de jadis », et fait de l’aimé
son agalma, sa statuette qui le met en communication avec le divin. Description de la vision
de l’aimé, de « ce dont font l’expérience ceux qui aiment », comme déploiement des ailes de
l’âme. Le choix de l’aimé : il dépend du dieu que l’on a suivi et que l’on cherche à imiter.
L’amant cherche à se conformer à ce dieu, et à conformer l’aimé à cette image.
(d) Que se passe-t-il pour l’aimé ? Il éprouve le « contre-amour » : il « se voit lui-
même dans son amoureux comme dans un miroir », et fait à son tour l’expérience de la
réminiscence, mais plus affaiblie.
(e) mode de vie des vrais et des faux amants ; leur récompense et leur punition.
(f) Conclusion.

DEUXIEME PARTIE (257b-274b)

L’ART ET LE MANQUE D’ART EN MATIERE DE DISCOURS


Les politiques accusent Lysias d’être un logographe, mais eux-mêmes sont des
logographes. Il n’y a en réalité pas de laideur dans le fait d’écrire, mais « dans le fait de parler
et d’écrire d’une façon qui n’est pas belle ». (Le mythe des cigales).
Qu’est-ce qui caractérise le fait de bien ou mal parler ou écrire ? Bien parler n’est pas
être capable de persuader. La rhétorique n’est pas un art mais une routine :
Description de l’objet de la rhétorique : elle une psychagogie, un art de conduire les
âmes en les influençant, et pas simplement un art de parler au tribunal ou à l’assemblée. Sur
tous les objets, il s’agit d’un art de produire des discours contradictoires, persuadant du juste
comme de l’injuste, du bon comme du mauvais, bref de l’art « de rendre toute chose
semblable à toute chose dans tous les cas possibles et à l’égard de tous ceux pour qui c’est
possible ». Or, pour exercer cet art de produire des illusions, il faut être au fait de ce qu’il en
est du réel ; il n’est pas possible « de posséder l’art de changer petit à petit de façon à aller
chaque fois, au moyen de la ressemblance, de l’être à son contraire ou d’échapper soi-même
à cet état, si l’on ignore ce qui en est de chaque réalité ». Ce serait donc là l’art oratoire
véritable.
Examen du discours de Lysias à partir de ce critère. L’amour fait partie des choses
« dont on dispute », c’est-à-dire au sujet desquelles il y a « désaccord entre nous, et même
avec nous-même », et que par conséquent on peut saisir aussi bien comme utile que comme
nuisible. Or, Lysias commence par déclarer son amour, au lieu de définir ce qu’est l’amour ; il
part de la fin au lieu de commencer par le commencement. Puis il juxtapose les arguments sur
le mode de l’association d’idée. Or « tout discours doit être constitué à la façon d’un être
vivant, qui possède un corps et à qui il ne manque ni tête ni pied, mais qui a un milieu et des
extrémités, écrits de façon à convenir à l’ensemble ».
Les deux discours de Socrate reposent sur une définition : l’amour est une espèce de
folie : la folie peut être soit une maladie humaine, soit une impulsion divine. Dans la folie
divine, il y a quatre parties : divination, initiation, poésie, amour.
Dans ce discours se trouvent deux procédés qu’il faut chercher à acquérir : mener les
éléments disséminés vers une forme unique (ainsi a été fait à propos de l’amour dont parlait
Lysias) / diviser une essence unique « en suivant les divisions naturelles » ; ainsi la folie que
l’on divise en maladie ou en impulsion divine, ce qui permet à un discours de vilipender, à
l’autre de louer l’amour. Celui qui possède cet art « des divisions et des rassemblements qui
permettent de parler et de penser » se nomme dialecticien.
On a donc trouvé le dialecticien, mais pas encore le rhéteur. Socrate commence par
résumer les divers manuels oratoires et les inventeurs des divers raffinements de l’art
rhétorique. Il ne s’agit pas là de l’art rhétorique véritable, de même que l’art de produire un
son plus aigu ou plus grave n’est pas l’art de l’harmonie.
La vrai rhétorique doit être fondée sur l’analyse d’une nature ; comme la médecine est
fondée sur l’analyse des corps, la rhétorique l’est sur celle de l’âme. Le rhéteur doit
commencer par indiquer : si l’âme est une ou multiforme, puis sur quoi elle a puissance
d’agir, et de quoi elle peut pâtir. Il doit aussi diviser les genres de discours, et établir les
correspondances entre genres de discours et genres d’âme « en enseignant par quelle cause, et
pour quel genre de discours, une âme est persuadée alors qu’une autre ne l’est pas ».

LA QUESTION DE L’ECRITURE
Reste donc la question de savoir s’il convient ou non d’écrire. Pour répondre à la
question, Socrate propose un récit égyptien : celui du dieu Theuth et du roi Thamous. Theuth
présente à Thamous son invention : l’écriture, et son utilité : elle permet d’acquérir le savoir et
la mémoire. Thamous nie cette utilité : cet art produira le contraire, il produira l’oubli chez les
savants, « parcequ’ils cesseront d’exercer leur mémoire : mettant, en effet, leur confiance
dans l’écrit, c’est du dehors, grâce à des empreintes étrangères, et non du dedans, grâce à
eux-même, qu’ils feront acte de remémoration ; ce n’est donc pas de la mémoire (mnêmê)
mais de la remémoration (hupomnêsis) que tu as trouvé le remède. Quant à la science, c’en
est la semblance que tu procures à tes disciples, non la réalité ». L’écriture ne permet donc
pas d’acquérir la science ou de la mémoriser, elle est un simple « moyen de rappeler
(hupomnêsai) à celui qui les connaît déjà, les choses traitées dans cet écrit ».
On peut à partir de là comparer le discours parlé et le discours écrit : le discours écrit
dit toujours la même chose, peut tomber entre les mains de n’importe qui, et ne peut se
défendre tout seul ; le discours parlé peut se défendre lui-même, il sait parler aussi bien que se
taire devant qui il faut, c’est un discours vivant et doté d’une âme.
Le savant n’ira donc pas écrire des discours qui iront errer hors de lui, mais sèmera ses
paroles dans des âmes choisies, et n’usera de l’écriture qu’à des fins de remémoration.

RECAPITULATION

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