_ Devoir type brevet _

Dans la vie, je ressentais toujours un décalage par rapport aux scènes qui se
5 déroulaient devant mes yeux. L’impression que je n’étais pas dans le même film
que les autres. Ce qui provoquait parfois chez moi des réactions inattendues.
Je revois une fête à la maison ; tout le monde parle, il n’y a que des
entendants, je suis isolée, comme toujours dans ces cas-là. Le mystère de la
communication possible entre ces gens me laisse perplexe. Comment font-ils
10 pour parler tous en même temps, le dos tourné, le corps dans n’importe quel sens
? A quoi ressemblent leurs voix ? Je n’ai jamais entendu la voix de ma mère, de
mon père, de mes amis. Leurs lèvres bougent, leurs bouches sourient, s’ouvrent
et se ferment avec une folle rapidité.
J’observe de toutes mes forces, puis me lasse. L’ennui, profond, me reprend,
15 le désert de l’exclusion.
Soudain, un ami chanteur, Maurice Fanon, que mon oncle a invité pour la
soirée, vient vers moi et m’offre une fleur. Je prends la fleur et je fonds en
larmes. Tout le monde me regarde. Ma mère se demande ce qui m’arrive.
Au fond, qu’est-ce qui m’arrive ? Je ne sais pas. Une émotion forte. Trop
20 forte dans mon isolement ? Je ne peux pas l’exprimer autrement qu’en pleurant ?
Le décalage entre eux et moi est tel, les situations, ce que font les personnages,
sont si incompréhensibles ? C’est possible. Je me demande encore pourquoi j’ai
pleuré devant cette fleur avec tant de force. J’aimerais le savoir, mais c’est
indéfinissable. J’ai fait beaucoup de cauchemars, c’est certain, entre zéro et sept
25 ans. Tout ce que je ne comprenais pas dans la
journée devait se bousculer dans ma tête. Les associations d’idées se faisaient en
désordre. Grâce soit rendue à mon père, qui m’a ouvert le monde à Vincennes et
à Washington, à lui qui m’a dit : « Viens, on va apprendre la langue des signes
ensemble ! »
30

Emmanuelle Laborit, Le Cri de la mouette, 1993.

Emmanuelle Laborit, « Nuit des Molière »
au théâtre du Châtelet, elle fait le signe
« unir ». Paris, 1993.
35

GRAMMAIRE ET COMPETENCES LINGUISTIQUES

 1- a) A quel temps et à quel mode sont conjugués les verbes du premier
40 paragraphe (2 points)
b) Justifiez l’emploi de ce temps ici. (1 point)
c) Quel temps apparaît au début du deuxième paragraphe ? Justifiez son emploi.
(2 points)

45 2- a) Indiquez la nature du mot en gras ligne 6. (1 point)

b) Indiquez la nature du mot en gras ligne 6. (1 point)

3- Réécrivez l’extrait ci-dessous aux temps du passé. Attention aux fautes de

copie. (10 points)
50 Soudain, un ami chanteur, Maurice Fanon, que mon oncle a invité pour la
soirée, vient vers moi et m’offre une fleur. Je prends la fleur et je fonds en
larmes. Tout le monde me regarde. Ma mère se demande ce qui m’arrive. Au
fond, qu’est-ce qui m’arrive ? Je ne sais pas.

55

COMPREHENSION ET COMPETENCES D’INTERPRETATION

4-
60 a) A quelle période de la vie de l’auteur renvoie le pronom « je » dans « Je
revois une fête à la maison » (ligne 4) ? (2 points)
b) Citez un autre extrait où ce même pronom renvoie à une période
différente de la vie de l’auteur et dites de quelle période il s’agit. (2 points)

65 5–
a) Quelles sont les causes de la perplexité d’Emmanuelle au début du
texte ? (2 points)
b) Quel type de phrase utilise-t-elle pour l’exprimer ? (2 points)

70 6- « le désert de l’exclusion » (ligne 11)

a) Quelle est la figure de style utilisée ? Expliquez le sens de l’expression.
(2 points)
b) Quel reproche cette phrase contient-elle ? (2 points)
 c) Lignes 18 à 22 : relevez deux noms utilisés par Emmanuelle qui
75 soulignent le fait qu’elle ne se sent pas intégrée. (2 points)

7- Quels sentiments successifs Emmanuelle éprouve-t-elle au cours de

cette soirée ? Justifiez votre réponse en citant le texte. (6 points)

80 8- a) Comment, longtemps après l’événement, l’auteur interprète-t-il ses

larmes, ses cauchemars ? (2 points)
b) Quelle fonction peut avoir l’écriture de ce souvenir pour l’auteur ? (2
points)

85 9- a) Décrivez l’image. (3 points)

b) Quels liens pouvez-vous faire avec le texte ? (4 points)