: Joseph Ponthus, À la ligne, Feuillets d’usine (extrait).
Quelle poésie trouver dans la machine la cadence
et l’abrutissement répétitif Dans des machines qui ne fonctionnent jamais ou qui vont trop vite 5 Dans cette nuit sans fin éclairée de néons blafards sur les carreaux blancs des murs les inox des tables de travail les tapis mécaniques et le sol marronnasse Dans des animaux morts qu’on travaille à 10 longueur de nuit puis de matin Aucun oiseau ne vient jamais par une ouverture dérobée s’introduire dans nos ateliers Les seuls animaux vivants sont les rats qu’on combat près des poubelles extérieures 15 On ne voit jamais les vaches vivantes Nos gueules sont au mieux des portraits d’Otto Dix Nos corps des atlas de troubles musculo- squelettiques Nos joies des petits riens 20 Des bouts d’insignifiance qui prennent sens et beauté dans le grand tout le grand rien de l’usine Un collègue qui aide juste en devinant ton regard Un geste qui devient efficace Une panne de machine de dix minutes et les 25 muscles qui se relâchent Le week-end qui ne tardera pas La journée qui se finit enfin L’attente de l’apéro Manger à sa faim 30 Dormir de tout son soûl La paie qui tombe enfin Avoir bien travaillé
Avoir retrouvé une chanson oubliée qui fera tenir
encore deux heures 35 Avoir trouvé un couplet Sourire