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Comme tout nouvel arrivant, il avait d’abord été envoyé par l’Administration
dans ce que les Gardiens appellent « le Pensionnat ». Cette cellule, aux allures de
baraquement militaire, regroupait une trentaine de lits, alignés les uns à côté des
autres, de long d’une allée centrale menant à une salle d’eau collective. Quelques
fenêtres grillagées et hors de portée offraient la seule alternative de lumière aux
néons blafards installés au plafond à intervalle régulier.
Les jeunes hommes fraîchement incarcérés s’y débattaient comme des
petits poissons soudain plongés hors de leur bocal d’eau douce. Les plus avides
de survie s’intégraient dans cet océan de testostérone presque immédiatement et
ne perdaient pas de temps pour se trouver un rang, une position avantageuse au
sein du groupe. Quant aux autres, ils acceptaient les tâches ingrates et
l’humiliation qui les accompagnent contre une protection bien souvent incertaine.
La loi du plus fort, du plus malin et du plus pervers était la seule règle dans cette
taule.
Quand il y fit ses premiers pas, il comprit rapidement qu’il en tirerait
quelques importantes leçons. D’abord en retrait – prenant la température de l’eau
– il se décida rapidement à faire ressortir en lui ses instincts méditerranéens et
présenter une image de beau salop, charmeur et intelligent. Sans violence – ses
muscles lui aurait valu de remporter quelques bagarres mais il manquait de rage
pour réellement impressionner un adversaire – il se fraya un chemin en devenant
un médiateur, un intermédiaire entre les Gardiens et les Requins du Pensionnat.
Ainsi, il passa tranquillement trois années, protégé derrière ses relations
diplomatiques, obtenant toutes les faveurs qu’il désirait sans jamais demander plus
que nécessaire. Contrairement à d’autres, c’est à regret qu’il fut transféré dans le
bâtiment principal, mais le Pensionnat lui apprit suffisamment pour pouvoir mettre
ses talents en pratique à plus grande échelle et s’adapter plus vite qu’il ne le
pensait au reste de la population carcérale.
Ainsi, un matin il lui fut ordonné de paqueter ses affaires et déménager dans
un quartier mixte – apparemment il avait montré un tempérament qui pourrait être
apprécié de ces dames – afin de partager une cellule avec une détenue décrite par
les Gardiens comme « expérimentée ». Et en effet, elle l’était. Suffisamment âgée
pour être sa mère et emprisonnée depuis presque vingt ans, elle avait tout du
guide idéal pour l’aider à faire ses premiers pas dans ce nouvel environnement aux
teintes résolument plus féminines. Pendant quelques mois, elle l’initia à la
cohabitation mixte, entre apprentissage sexuel et règles de base pour une
coexistence harmonieuse, et durant ce temps, il montra de véritables talents – dus
à son charme naturel – qui lui valurent d’être reconnu comme un mâle dominant au
sein de cette horde de femelles.
Après cette expérience, il pu confirmer sa position auprès de l’intégralité de
la population carcérale et être décrit comme « un charmeur de serpents », un
négociateur s’adaptant à toutes situations, intelligent, ambitieux, sachant à présent
manier aussi bien les hommes que les femmes.
Sa codétenue étant réquisitionnée pour former un autre jeune prisonnier, il
fut expulsé de ce cocon protecteur pour déménager dans une nouvelle cellule avec
une jeune détenue, attirante selon les dires.
Nouveau transfert, nouvelle expérience.
Elle n’ignore pas qu’elle est piégée. Elle avait senti les changements dans
sa façon de se tenir et pouvait deviner son sexe se gonfler avant même qu’il se
déshabille. Un autre jour, elle aurait sûrement résisté, pour rajouter un peu de
gloire à la « victoire » de son exécuteur et manipuler ainsi son égo, mais
aujourd’hui, elle ne peut plus jouer ce jeu. Elle ne possède plus l’énergie
nécessaire pour lui faire croire qu’elle le désire, pour prétendre aimer être
enchaînée à lui, sans pour autant avoir la force de lutter pour une liberté en
laquelle elle ne croit plus. De lui, elle n’attendait rien d’autre qu’un miroir pour lui
renvoyer une image améliorée d’elle-même, mais depuis hier, elle a cessé
d’attendre.
Résignée, elle a accepté sa défaite bien avant qu’il ne cherche à la
conquérir. Son âme a déserté son corps et désormais, elle n’est plus qu’une
coquille vide qu’il peut remplir à son gré.
Allongé sur elle, il la pénètre sans se rendre compte que c’est un corps sans
vie, la manipulant comme une poupée de chiffons. Elle ne s’en offense même plus.
Elle n’est plus là.
Sentant son plaisir monter et prêt à éjaculer, il se presse un peu plus contre
elle, jusqu’à pouvoir lui murmurer à l’oreille qu’il est prêt à lui offrir ce qu’elle attend
de lui. Bientôt, elle aura suffisamment à s’occuper et retrouvera son sourire qu’il
aime tant. Bientôt elle lui sera reconnaissante de ce cadeau qu’est la vie d’un être
grandissant au cœur de ses entrailles.
Il jouit en elle avec une satisfaction animale, conquérant de ces contrées
mystérieusement sombres, et savoure la sensation que lui procure ce liquide,
produit de lui-même, qui s’échappe pour aller s’implanter en elle. Dirigés, ses
soldats travailleront désormais à la domination de cette terre fertile.
Assuré de sa victoire, il se sent emplit de fierté et pose un regard de
tendresse sur ce corps possédé. Il le caresse, le contemple et s’imagine les futures
rondeurs qu’il prendra. C’est dans ces instants qu’il exprime silencieusement toute
l’affection qu’il porte à cette femme et se laisse aller à se penser amoureux.
Elle aussi s’est laissé aller à son plaisir et affiche un regard absent, perdu
dans les limbes de sa satisfaction. Il aime la voir ainsi. Elle est si belle quand son
corps se relâche et que son esprit s’apaise et il se sent profondément heureux
d’être celui qui lui procure tant de bonheur.
Enfin, il est près d’elle.