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Déjà parus
Night World, tome 1 : Le Secret du vampire
Night World, tome 2 : Les Sœurs des Ténèbres
Night World, tome 3 : Ensorceleuse
Night World, tome 4 : Ange noir
Night World, tome 5 : L’Élue
Night World, tome 6 : Âmes sœurs
Night World, tome 7 : La Chasseresse
Night World, tome 8 : Le Royaume des
Ténèbres
Night World, tome 9 : La Flamme de la sorcière
Les Secrets du Night World
Prémonitions
Un jeu interdit
À paraître
Night World, tome 10 : Étrange Destin
L. J. Smith
La Nuit
du solstice
(l’intégrale)
Tome 1 : Solstice
d’hiver
Tome 2 : Un coeur
indompté
Traduit de l’anglais (États-
Unis)
par Isabelle Saint-Martin
Titres originaux
*
Le dîner se déroula dans une
ambiance étonnante. Leurs parents n’en
revenaient pas de les voir si bien
s’entendre. Voilà des années, commenta
le Dr Hodges-Bradley, que leurs quatre
enfants n’avaient pas passé un après-
midi ensemble.
– C’est… c’est une surprise,
expliqua Alys. Vous savez,
l’anniversaire de papa est pour bientôt.
On va retourner le préparer encore ce
soir.
M. Hodges-Bradley parut enchanté.
– C’est gentil, mes chéris ! dit leur
mère. Mais quand même, je ne voudrais
pas que Claudia se couche tard.
– Tard… tard… C’est-à-dire ?
bafouilla Alys en voyant sa petite sœur
s’apprêter à hurler.
– Tu sais qu’elle va au lit à vingt
heures.
– Une demi-heure de plus pour une
fois ?
Claudia était maintenant rouge
comme une tomate ; Charles lui avait
pris la main sous la table pour la faire
taire, mais il ne la retiendrait pas
longtemps.
– Juste ce soir, insistait Alys avec
ferveur. Je m’occuperai d’elle. Maman,
s’il te plaît, juste ce soir !
Le Dr Hodges-Bradley eut un petit
sourire.
– Bon… si c’est tellement
important… Mais n’oubliez pas qu’il y a
école demain.
Ainsi, Claudia put les accompagner
dans l’officine secrète de Morgana. Ils
avaient emporté des bougies prises dans
la réserve des parents, ainsi que celles
de Noël, et la torche de camping. Alys et
Charles se juchèrent sur des chaises
pour inspecter les étagères en hauteur ;
Janie et Claudia prirent celles du bas.
Ce fut Alys qui fit la première
découverte : une bouteille de plumes
dorées dont le bouchon céda aisément.
Triomphante, elle la passa à Janie.
Après quoi, Claudia trouva un pot
rempli de cristaux rouges. Alys brandit
bientôt une autre bouteille, puis ce fut le
tour de son frère. Ils firent ainsi le tour
des étagères.
– Oh ! s’exclama soudain Charles. Il
y en a une vide.
Tandis que Janie la mettait de côté,
Alys continuait d’essayer d’autres
bouteilles. Elle avait un mauvais
pressentiment : et si celle que tenait
Charles avait contenu du mercure ou des
mouches du vinaigre ? Mais elle pensait
que non.
Janie les prévint quand ils eurent
rassemblé treize flacons, mais ils
préférèrent tout vérifier pour prouver la
véracité de leur hypothèse. Alys espérait
seulement qu’ils allaient mettre la main
sur une dernière bouteille, afin de
pouvoir éliminer le flacon vide.
Tous les autres bouchons étaient
bloqués et, finalement, la nuque quelque
peu coincée, Alys descendit de sa
chaise.
– Alors ? demanda-t-elle à Janie.
– On a exactement treize flacons.
Mais l’un d’eux est vide, et on ne sait
pas quel ingrédient il contenait.
Janie proposa de les emporter dans
la cuisine, afin de mieux les examiner ;
elle ouvrit tous les flacons et, chaque
fois qu’elle parvenait à en identifier un,
notait son contenu sur la liste des
ingrédients. Elle finit bientôt de les
passer en revue.
– C’est bien ce que tu craignais,
conclut-elle. Je n’arrive pas à identifier
toutes les plantes, mais je peux affirmer
qu’on a les quatre. Pour les plumes et le
mercure, c’est facile. Ces petits trucs
bruns doivent être des mouches du
vinaigre, et ces paillettes, des écailles
de poisson-lune. Ce qui nous laisse…
– L’os humain, évidemment.
– On se retrouve donc au point de
départ, dit Charles.
– Pas exactement, corrigea Janie
d’une petite voix.
Elle n’insista pas pour en dire
davantage.
*
Janie sentit le cercle vibrer et
s’éloigner d’elle. Poussant un bref
soupir, elle lâcha prise. Quand sa vision
lui revint, elle vit que les autres élèves
remballaient leurs affaires et s’en
allaient, certains lui jetant des regards
en coin, comme si elle avait convoqué
des démons ou fait une crise d’épilepsie.
Elle préféra les ignorer. Le temps de
retrouver une respiration normale, elle
glissa la baguette dans son sac et partit à
son tour.
Si on lui avait posé la question,
Janie Hodges-Bradley aurait sans doute
approuvé la description que Bliss
Bascomb avait faite d’elle. Tout le
monde disait que son jumeau, Charles,
avec ses cheveux blonds et ses yeux
bleu-gris, avait hérité toute la beauté de
la famille. Sans être vraiment jolie,
Alys, l’aînée, ressemblait davantage à
leur frère et respirait l’énergie, la bonne
santé.
Janie, elle, possédait une beauté à
part ; il y avait quelque chose de
saisissant dans ses cheveux noirs
emmêlés et sa peau blanche. Quant à ses
yeux, ils n’étaient ni bleus ni gris, mais
violets. Les gens se retournaient souvent
sur son passage.
En ce moment, ses yeux la piquaient.
Génial ! Elle avait dû se rompre un
vaisseau à tenter une telle expérience. Et
tout ça pour quoi ? Tant mieux si Claudia
appelait à l’aide, mais que pouvait faire
Janie ? Elle n’était pas sorcière, ne
détenait aucun pouvoir, pas même une
Crosse Verte ou Brune. D’ailleurs, en
tant qu’humaine, elle ne pouvait pas non
plus être considérée comme une
véritable apprentie ; il fallait pour cela
être soi-même une Finderlaie, une
créature magique.
Pourtant, elle était parvenue à
projeter un cercle de vision, après un an
et demi seulement d’entraînement – et
avec rien moins qu’une baguette de
sorbier. Peut-être n’était-elle
qu’humaine, mais une humaine surdouée.
Jamais Alys ne lui pardonnerait si elle
ne tentait pas, au moins, d’intervenir.
Bliss Bascomb se trouvait au bout
du couloir, avec deux autres filles. Elles
se turent en apercevant Janie, mais pour
reprendre leurs murmures dès qu’elle fut
passée ; elle-même s’interdit de
s’arrêter, néanmoins elle n’avait put
s’empêcher d’étreindre sa baguette dans
son sac.
Une fois, rien qu’une fois ! Si
seulement cette idiote de Bliss pouvait
se douter de ce qu’elle risquait ! Mais
Janie n’avait pas oublié la réaction de
Morgana lorsqu’elle lui avait parlé de
sa petite camarade, de sa folle envie de
lui jeter un sort pour la désorienter.
– Certes… avait répondu la sorcière
en la fixant de son étrange regard gris.
Là-dessus, elle avait ouvert un livre
et lancé à Janie un morceau de
parchemin. En le lisant, celle-ci s’était
raidie.
– Mais, Morgana… avait-elle réussi
à articuler, ce… c’est un sort mortel !
– Certes ! C’est qu’une sorcière ne
s’amuse pas à désorienter ses ennemis.
S’ils valent la peine qu’on leur jette un
sort, c’est qu’ils méritent la mort. On ne
fait pas appel aux Arts Sauvages pour
des broutilles. Désires-tu apprendre ce
sortilège ?
Janie avait soutenu un instant ce
regard aussi impitoyable que tranquille,
avant de se détourner.
– Non…
Néanmoins, elle ajouta
farouchement :
– J’ai compris.
Alors qu’elle s’éloignait de Bliss,
encore tendue et rougissante, Janie
s’efforça de penser à autre chose. Par
exemple à Claudia, qui avait des ennuis.
En apercevant les téléphones
publics devant l’amphithéâtre, elle eut
l’idée d’appeler Morgana, mais elle ne
répondit pas. La sorcière pouvait
travailler dans son officine secrète ou se
promener dans le jardin derrière le
vieux manoir.
Janie avait fait tout ce qu’elle
pouvait. Pourtant, elle n’imaginait que
trop bien Alys lui disant que cela ne
suffisait pas, qu’il fallait faire même ce
qu’elle ne pouvait pas. Ne serait-ce que
pour Claudia, en CE2, avec ces piles de
boîtes qui risquaient de lui tomber sur la
tête.
À sa place, que ferait Alys ?
Sur le point de raccrocher, Janie eut
une idée et ne put réprimer un sourire.
Pourquoi pas ? C’était complètement
fou, donc ça devrait marcher.
Alors que la sonnerie l’appelait au
cours suivant, elle composait le numéro
de l’école élémentaire de Serrano.