Vous êtes sur la page 1sur 585

1

NOUVELLE ERE

SEBASTIEN DONNEGER

2
Livre I :
Fuchsia et
pompons

3
Table des matières
Prologue .......................................................................................................5
Chapitre 1 : Dernière rentrée........................................................................8
Chapitre 2 : A deux portes près ! ...............................................................29
Chapitre 3 : Surprise douce-amère .............................................................49
Chapitre 4 : Prémices .................................................................................77
Chapitre 5 : Montagnes émotionnelles ....................................................114
Chapitre 6 : En attendant les vacances .....................................................149
Chapitre 7 : Break à Sarlat. ......................................................................189
Chapitre 8 : Perte de contrôle...................................................................216
Chapitre 9 : Mise au point ........................................................................260
Chapitre 10 : Succès et déception. ...........................................................296
Chapitre 11 : Que du bonheur. .................................................................325
Chapitre 12 : Complicité ..........................................................................359
Chapitre 13 : Firmament ..........................................................................404
Chapitre 14 : Vie commune .....................................................................420
Chapitre 15 : Idyllique… à quelques détails près ! ..................................454
Chapitre 16 : Cœur meurtri ......................................................................500
Chapitre 17 : Derniers hommages............................................................534
Chapitre 18 : La vie continue ...................................................................577

4
Prologue

Sous une canicule implacable, une fois encore, malgré l’heure avancée, les
étudiants encore sur place cherchaient désespérément moyen de se rafraîchir. Les
jours précédents avaient atteint les 40°C en journée et les températures en soirée
baissaient difficilement en cette fin du mois d’août. Tout le monde suffoquait.
D’après la météo, le phénomène touchait à sa fin, la deuxième partie de la nuit
devait se rafraîchir en un court laps de temps.

Fort heureusement, le lac artificiel du campus d’excellence de la ville de


Cley, situé en Seine-et-Marne entre la capitale française et la ville de Meaux, permit
aux étudiants d’abaisser leurs températures corporelles en y faisant trempette, un
répit bienvenu. Même Bucky Délavigna, qui avait prévu un maillot de bains deux
pièces en guise de sous-vêtements ce soir s’immergea aisément dans une eau
proche des 30°C. Cette jolie brune avec une mèche fuchsia à l’avant et des yeux
noisette, dépassant légèrement le mètre soixante-dix et âgée 19 ans était la
dernière de son groupe d’amies à ne pas être encore dans son lit. Elle savait devoir
le faire rapidement. La rentrée scolaire était imminente, dès le lendemain matin,
premier jour de septembre, comme la tradition le voulait.

Tiraillée entre la tentation et le bon sens. Elle ne put cependant se résoudre


à profiter une dernière fois du garçon qu’elle venait de rencontrer ce soir,
probablement de la même tranche d’âge qu’elle, mais sans doute pas de son
campus, et donc entré en douce dans cette soirée "sauvage" supposée être
uniquement pour les étudiants de l’établissement d’excellence se situant à moins
de trois cents mètres à la nage. Ce n’était pas bien grave, cette partie du lac qui
s’étendait comme une petite plage était, après tout, ouverte à tout le monde.

5
Arguments supplémentaires plaidant en sa faveur, ce garçon était mignon, drôle
et particulièrement attentionné avec elle. Une petite baignade en corps-à-corps
avec lui ne lui déplairait pas.

L’étudiante suspendit cependant l’élan de son séduisant inconnu avec qui


elle avait partagé l’essentiel de la soirée lorsqu’il se mit, à avoir sous l’eau, les
mains de plus en plus audacieuses notamment en cherchant à dégrafer son haut,
tout en continuant à l’embrasser de plus en plus intensément.

- Tu ne couches pas le premier soir, c’est ça ? Comprit-il.

- Je ne couche pas à proximité d’autres personnes afin d’éviter qu’ils se


rincent un peu trop l’œil, se justifia-t-elle.

- Si tu veux, j’habite à quinze minutes d’ici et il n’y a personne chez moi,


proposa-t-il.

D’un simple mouvement de tête, elle lui fit comprendre qu’elle déclinait son
offre. Le jeune homme avait l’air très déçu. Elle l’embrassa une fois de plus afin de
tenter de se faire pardonner.

- Je dois rentrer, c’est ma reprise dans quelques heures, lui annonça-t-elle


en commençant à sortir de l’eau.

Tout en se drapant d’un simple paréo, sans même s’essuyer, elle et son
éphémère conquête de la soirée furent happés par les acclamations ambiantes.
Tous les regards convergeaient vers le ciel. Par réflexe, Bucky en fit de même et
compris l’agitation des derniers noctambules de la soirée ; une intense et
magnifique étoile filante éblouissait l’iris de ses yeux. De mémoire, elle n’en n’avait
jamais vu d’aussi vive et proche. Bucky cru même un moment qu’il s’agissait de
débris satellitaires ou d’une météorite se désintégrant par friction avec
l’atmosphère Terrestre. Quel qu’en fut la nature, le spectacle était magnifique. Elle
en profita, blotti dans les bras de son compagnon du soir. Elle ne lui avait même
pas demandé son prénom. Pourquoi l’aurait-elle fait ? Elle n’avait aucune intention
de le revoir. Dès demain, elle entamerait sa dernière année dans son campus
d’excellence et profita du phénomène céleste pour faire un vœu : celui de vivre une
ultime année d’étude ici encore plus magnifique que les précédentes. Certes cela
s’annonçait difficile, tant les années déjà passées ici avaient été incroyable, mais
après tout, un vœu était fait pour espérer en l’inaccessible !

Le spectacle nocturne, tout en lumière, se termina quelques secondes plus


tard. Bucky décida de regagner domicile à bord de sa toute nouvelle voiture

6
électrique, tape à l’œil à souhait aux couleurs flashy du campus, seulement après
s’être accordée un dernier baiser avec son compagnon du soir. Elle ne le
recroiserait probablement jamais, mais le campus qu’elle fréquentait était un vivier
de potentiels petits amis aussi beaux et intéressants que sa conquête du soir. Elle
n’était guère préoccupée par ce sujet. L’étudiante était passée maitre dans l’art
subtil de faire succomber le sexe opposé sous son charme.

A peine deux kilomètres et voilà qu’elle était déjà à destination. Elle


ressentait déjà la température baisser en sortant de son véhicule. La météo ne
s’était pas trompée. La canicule touchait enfin à sa fin en un temps record ! Elle
allait pouvoir gouter à un sommeil bienvenu ; faire une nuit blanche la veille de la
rentrée n’aurait définitivement pas été raisonnable. Elle avait tout de même un
diplôme à obtenir en fin d’année scolaire. Diplôme le plus convoité de tous : un
Bachelor international d’excellence campus. Inutile de chercher, il n’existait pas
plus prestigieux à ce niveau d’étude sur la planète. Une vie prometteuse s’ouvrait
à elle si elle gardait un minimum de sérieux. Les vacances étaient définitivement
terminées. Elle se sentait prête. Le mois qu’elle avait passé en Amérique du nord
avec ses parents et ses quelques jours à Cley sans devoir étudier l’avait regonflé
à bloc. Elle était impatiente d’y être !

7
Chapitre 1 : Dernière rentrée

A peine 6 heures du matin. Le smartphone ne devait pas sonner avant


encore au moins une bonne heure pour signaler qu’il était temps de se lever.
Pourtant, il y avait du bruit. Une musique de fond entraînante arrivait aux oreilles
de Bucky. On était aujourd’hui, le 1er septembre 2036, jour de rentrée des classes.
Premier jour en tant que cinquième et dernière année sur l’Excellence Campus de
Cley, plus connu sous l’acronyme E2C. A quelques pas, Nolwenn Donerm était déjà
réveillée, s’étirant avec grâce dans une série d’assouplissements matinaux. Bucky
Délavigna ouvrit les yeux avec peine, se débattant pour sortir de son lit. Impossible
de continuer à dormir avec une compagne de chambrée aussi active. La direction
fut toute trouvée ; la salle de bain, un petit couloir plus loin, où elle se mouilla le
visage pour chasser sa torpeur. Sa dernière soirée de vacances scolaires avait
terminé trop tardivement, même si la jolie brune ne regrettait rien. Elle avait passé
une superbe soirée au bord du lac artificiel qui touchait le campus avec un final
féérique ; le passage d’une étoile filante. Son amie avait préféré rentrer plus tôt,
tant pis pour elle. Même si du coup, elle paraissait bien plus en forme qu’elle ce
matin.

Elle regagna la chambre, une fois rafraîchie. La musique persistait. Ce


morceau était bien trop long à son goût. L’argument était tout trouvé pour un
conflit avec son amie, mais elle ne lui en voulait pas outre mesure. Qui pouvait lui
reprocher de vouloir être au sommet de sa forme en ce jour si particulier ?

8
Nolwenn et Bucky, deux âmes soudées par une amitié solide, se
complétaient à la perfection. Tandis que Bucky rayonnait d’assurance,
d’extraversion et de pétillements dans la vie, Nolwenn, elle, se drapait dans une
réserve naturelle, une réflexion profonde et une prudence mesurée. Leurs
différences étaient leur force, leurs complémentarités un équilibre subtil. Bucky
l’admettait sans la moindre réticence, si elle entrait aujourd’hui avec Nolwenn, en
dernière année d’études, c’était bien grâce à elle et à sa rigueur pour les études,
qui lui permettait de l’encourager et la faire avancer efficacement avec sérieux.
Sans elle, se serait-elle seulement levée à l’heure aujourd’hui, ou tout simplement
réveillée dans ce lit… ou celui du garçon avec qui elle avait succinctement fricoté
la nuit dernière ?

Nolwenn, jolie brune aux reflets blonds aux extrémités, arborait des yeux
d’un mélange subtil de vert et de marron. D’une taille d’un mètre soixante-cinq, elle
venait de surprendre le regard de Bucky fixé sur elle. Un sourire s’échappa de ses
lèvres. Les deux amies se connaissaient parfaitement ; Nolwenn avait accepté de
partager sa chambre personnelle avec elle, chez ses parents, depuis plus de quatre
ans maintenant. Leurs secrets, leurs rires, leurs peines, tout s’était tissé dans
l’intimité de ces murs, créant un lien indéfectible.

- Mes parents nous ont sans doute préparé un bon petit déjeuner pour
cette rentrée. Je te conseille de te préparer rapidement afin que mes frères ne
descendent pas avant nous, avertit-elle, tout en continuant ses exercices de réveils
musculaires.

Nolwenn avait, en effet, un frère, faux jumeau, répondant au nom


d’Antoine. Lui aussi entrait en dernière année. Il n’était pas plus grand que sa sœur
et de corpulence assez fine. Mais ce n’était pas tout, Nolwenn était également la
grande sœur d’Erik, quinze ans, d’une stature plus robuste que son frère aîné. Il
mesurait déjà près d’un mètre soixante-dix et entrait en toute première année à
l’E2C. Et avec ces deux-là, c’était toujours un peu un combat entre filles contre
garçons pour s’emparer des pains au chocolat et croissants lorsque les parents
allaient en acheter à la boulangerie toute proche. Il y en avait en principe
suffisamment pour chacun, mais avec le temps, un petit jeu perfide, et il fallait se
l’avouer, malsain, faisait piocher les premiers arrivés dans la part des seconds.

Bucky Délavigna, enfant unique, issue d’une famille aisée dont les parents
brillaient par les contraintes professionnelles et donc, les absences prolongées,
fut rapidement accueillie par les Donerm en échange d’un loyer confortable versé
par la famille Délavigna dès sa toute première rentrée à l’E2C. Les amies se

9
connaissaient déjà depuis la primaire et partager une chambre avec sa meilleure
amie était réellement appréciable, même si quelquefois pour Bucky, cela pouvait
s’avérer contraignant pour finir de manière un peu plus intime une soirée avec un
membre du sexe opposé. Une codification spécifique avait été prévue au cas où
entre les deux filles, mais Bucky avait toujours trouvé jusqu’à maintenant une autre
solution. La contrainte de pouvoir difficilement emmener un garçon dans la
chambre, semblait moins gêner Nolwenn. Il faut dire qu’elle était bien plus
abonnée au célibat que Bucky, particulièrement volage sur ce sujet.

Après un petit déjeuner expéditif, pris avant les frères Donerm qui ne
manqua pas de les faire fulminer à leur arrivée, les deux amies regagnèrent l’étage.
Là, elles se préparèrent dans un rituel bien rodé ; douche revigorante, coiffure
minutieuse et maquillage soigné. La tenue vestimentaire, choisie pourtant la veille,
amena encore à quelques interrogations pour savoir si le choix de chacune était
le plus judicieux. Il n’y avait pas d’uniforme imposé dans les campus d’excellence ;
le choix était donc important pour paraître sous son meilleur jour.

Puis, vint le moment, tant attendu, pour Bucky et Nolwenn ; préparer leur
tenue respective de pom-pom-girls et de danse classique, soigneusement rangées
depuis la fin de l’année scolaire précédente. Haut moulant à manches longues,
jupe droite à fente et courte, le tout aux couleurs fuchsia et bleu ciel, les couleurs
du campus de Cley, pour les tenues de pom-pom-girls qu’elles disposèrent
délicatement dans leurs sacs avec leur ordinateurs tablette portable d’étude. Les
deux jeunes filles, désormais aguerries dans l’art de la danse, s’amélioraient
chaque année dans cette passion commune avec d’autres amies de leur classe.
C’était, à leur grand désarroi, pour une dernière année. La fin de leurs études à
l’E2C approchait irrémédiablement désormais.

Ne manquait plus, pour Nolwenn et Bucky, que de s’engouffrer dans la


voiture électrique bardée d’options et flambant neuve de cette dernière. Avoir un
compte en banque bien approvisionné par les parents aidant. Après avoir fait le
tour du lac artificiel de la ville de Cley pour rejoindre le campus sur la rive opposée
et avoir traversé un bois, en une petite dizaine de minutes, les étudiantes n’étaient
plus qu’à quelques encablures de leur destination. Le tout se faisant, sans prêter
la moindre attention à la voiture plus vieillissante des Donerm conduite par
Antoine, accompagné de son frère Erik, qui les suivait de près pour la même
destination.

***

10
Créé, il y a dix ans déjà, l’excellence campus de Cley était sorti de terre en
même temps que de nombreux autres du même type aux quatre coins du monde.
Issu, à la surprise générale, d’une réforme de l’éducation commune aux principaux
pays suffisamment développés, ils avaient pour but d’harmoniser les différents
systèmes d’éducations et d’en façonner une élite planétaire. Seuls les excellents
élèves y furent admis lors des premières années de leurs fonctionnements.
Cependant, après seulement quelques années, le coût exorbitant de
fonctionnement, la politique et la bureaucratie forcèrent à modifier légèrement les
critères de sélections d’entrée. Si 75% des effectifs de chaque rentrée étaient
toujours bien admis via des concours rigoureux, pour les 25% restant… c’était un
peu plus opaque ! Une partie d’entre eux intégrait les lieux via un système
d’enchères silencieuses, en constante hausse au fil des années, pour atteindre
aujourd’hui près de cinq-cent-mille euros la scolarité, permettant de combler les
déficits financiers. Bucky faisant partie de cette catégorie d’entrant. A cela, se
complétait une dizaine d’étudiants, admis par sectorisation et sur dossier dont la
famille Donerm, habitant tout proche, faisait partie. Tandis que pour les derniers
admis, le mystère de leur sélection demeurait impénétrable ; eux-mêmes
semblaient l’ignorer !

Ce type de campus, d’une homogénéité parfaite dans son organisation et


son architecture d’un endroit à l’autre de la planète, pouvait accueillir un peu plus
de mille élèves tous niveaux confondus pour une durée d’études prévue de cinq
ans pour des élèves âgés de quinze à vingt ans. Le campus disposait de salles de
classe high tech à projection 3D et d’équipements très récents offrant un
environnement d’apprentissage novateur. Les bâtiments étaient entrecoupés de
petits jardins boisés en plus d’être isolés grâce au lac artificiel, donnant un effet
de presqu’île au tout, permettant un dépaysement et une rupture totale par rapport
au reste de la ville. Comble du fonctionnement, le tout était en autosuffisance
énergétique, disposant de nombreux panneaux solaires, de deux éoliennes sur le
lac artificiel, de géothermie et des dernières normes en matière d’isolation des
bâtiments et de domotique.

L’E2C était libre d’accès. Seules des barrières en bout de route menant à
l’entrée se fermaient automatiquement d’une heure trente à six heures du matin.
La petite décapotable électrique, vive et pimpante arborant les couleurs, bleue et
fuchsia, de l’école, faisant très tendance chez les élèves en ayant les moyens, que
conduisait Bucky en mode semi-autonome n’eut pas la moindre difficulté à se
faufiler jusqu’à une place de stationnement, toute proche de l’esplanade d’entrée.

11
Le parking n’était pas très rempli, la majorité des élèves habitaient les logements
étudiants distants de 3 km et venaient en bus ou Turbo-Squale, sorte de trottinette
améliorée à la mode, ces dernières années. Rapidement et avant même de sortir
du véhicule, les deux filles de dernière année attirèrent quelques regards. Une
voiture tape à l’œil, une silhouette féminine agréable au regard, des cheveux longs
d’un noir profond avec une mèche fuchsia, financièrement solide et faisant partie
des pom-pom-girls du campus, Bucky avait pas mal d’atouts pour susciter
l’admiration ! Depuis l’année dernière, elle était devenue le Graal pour nombre de
garçons du campus. Elle ne s’était d’ailleurs pas gênée pour en jouer une bonne
partie de son cursus, principalement sur des sportifs. C’est en effet bien eux qu’elle
côtoyait le plus souvent en tant que pom-pom-girl depuis le début de sa scolarité,
même si le sport, hormis la danse, ce n’était clairement pas sa tasse de thé !

Après avoir, par pure politesse, attendu les frères de Nolwenn avant de
traverser la grande esplanade d’entrée avec une belle fontaine de type
renaissance, pour diriger au mieux Erik, pour sa première rentrée dans
l’établissement, les filles rencontrèrent dans des effusions de petits cris une bonne
partie du reste de leur groupe d’amies. Composée de Glaème Spidze, petit bout de
chou d’un mètre cinquante-cinq à la silhouette gracile, de la même promotion
qu’elles, et de Shandrill D’argent, Eurasiatique brune agrémentée de nombreuses
mèches fuchsia. Ses courbes harmonieuses s’étiraient sur un mètre soixante-
quinze. Elle était en quatrième année et donc une année plus jeune que ses amies.
Avec Glaème, elles étaient également pom-pom-girls. A ce groupe se greffait en
plus, Lily Klébel, de taille et de cheveux comparables à Nolwenn, mais de
corpulence un peu plus forte qui était également en cinquième année et pour la
première fois, sa petite sœur Anita qui entrait en toute première année, mais qui
était déjà bien familière de Bucky et Nolwenn en tant que… petite amie d’Erik
Donerm, depuis quelques années déjà. Détail important les incitant à avoir une
attention particulière pour l’accueil de la petite dernière du groupe, Anita Klébel
souhaitait intégrer les pom-pom-girls, dès cette année. Une nouvelle recrue ne
serait pas de refus. L’activité, bourrée de clichés, n’attirait pas les foules.

Alors que les filles s’auto-congratulaient sur leurs tenues respectives de


rentrée et leurs destinations de vacances d’été plus ou moins exotiques, une
annonce visuelle et sonore via les nombreux écrans, haute définition, à projections
d’images du campus les coupa afin d’indiquer le point de rendez-vous pour chaque
promotion. Anita rejoignit Erik, probablement pour ne plus le quitter de la journée,
et après avoir échangé un premier baiser, qui ne serait sans doute pas le dernier
aujourd’hui, se rendirent dans un des amphithéâtres, destination annoncée pour

12
les premières années. Ce fut également le moment pour Shandrill de se séparer
du reste du groupe, une fois que son lieu de destination fut connu.

Comme de coutume, les étudiants de cinquièmes années ne furent pas


tout de suite appelés. Pour ce premier jour de mise en place, ils étaient chargés
d’orienter les autres promotions, particulièrement les étudiants de première année,
afin qu’ils trouvent facilement leur destination. Les plus anciens étudiants du
campus vérifièrent donc qu’il n’y avait pas de « brebis égarées », mais les
panneaux lumineux directionnels correctement placés aidant, il s’agissait plus ici,
d’une tradition que d’une réelle nécessité. Personne n’eut besoin de demander son
chemin. Tout était indiqué de façon claire et précise.

***

Cette première journée de rentrée pour Bucky, Nolwenn, Lily, Glaème et


Antoine, les virent se retrouver, sans surprise, tous les cinq dans la même classe
composée de trente-cinq élèves. Rien n’était dû au hasard ! Ce sont les élèves qui
étaient chargés d’organiser les effectifs de leurs classes à leur guise. Les neuf
étudiantes pratiquant la danse et l’activité de pom-pom-girl, souhaitant rester
ensemble, elles avaient, une fois de plus, convenu d’un arrangement avec les
pratiquants de sport de salle (basket, volley-ball et handball), dont Antoine et Lily
faisaient partie en tant que volleyeurs, pour que tout le monde se retrouvent
ensemble dans une seule et même classe ! Le tout s’était fait d’un commun
accord ; les sportifs étaient ainsi regroupés autour du même hobby et être en plus
dans la classe des pom-pom-girls n‘était pas pour leur déplaire. Du côté des filles,
les arguments en faveur de ce regroupement n’étaient pas loin d’être identiques.
Elles se rapprochaient toutes, finalement, du milieu du sport au sein de l’E2C et
donc d’un loisir commun, même si Bucky était loin d’être une fan inconditionnelle
de sport et permettait également d’avoir des garçons à proximité à la plastique
pas désagréable à épier. Tout ce petit monde se connaissait parfaitement, la
classe était composée des mêmes éléments à quelques rares exceptions pour la
troisième année consécutive. L’originalité de cette année : la présence d’un garçon
de grande taille, du nom de Creth, transfuge d’un établissement d’excellence de
Montréal au Canada.

Creth, était un mince jeune homme mesurant près d’un mètre quatre-vingt-
dix. Il disposait d’yeux verts très clairs qui lui donnait un charme particulier, et

13
d’une chevelure courte plutôt claire. Bucky, assise quelques rangs derrière lui, dans
la salle où sa classe se trouvait pour donner les détails sur l’emploi du temps de
l’année et du reste de la journée, fit remarquer par de petits signes à sa voisine de
gauche, qui n’était autre que Nolwenn, qu’elle trouvait le nouveau venu
particulièrement à son goût.

- Arrête de vouloir sortir avec tous les mecs qui sont à portée ! Lui conseilla
à ton bas Nolwenn.

- Je ne sors pas avec tous les mecs, objecta Bucky faisant semblant de se
sentir outrée par la remarque. La preuve, je ne suis avec personne en ce moment !

- Si je compte bien, on a eu trois basketteurs et la moitié de l’équipe de


handball, sans compter Carn et Gibert sur les bals de nouvel an, rien que ces trois
dernières années, et rappelle-moi, tu n’étais pas avec un garçon hier soir ? Étoffa
Nolwenn pour argumentaire.

- Concernant l’équipe de hand, merci de souligner qu’il ne s’agit, en fait,


que de l’équipe entière des titulaires. Les remplaçants, ce n’est pas trop mon truc !
Répondit-elle en souriant et se savant pris en défaut par son amie. Et celui-là… c’est
du titulaire en puissance, poursuivit-elle en scrutant d’un regard insistant le
nouveau venu.

Nolwenn inclina légèrement la tête, exprimant ainsi son désarroi face au


comportement de son amie. Même si une pointe de jalousie s’insinuait en elle, elle
ne pouvait s’empêcher d’estimer profondément cette dernière. L’aisance avec
laquelle son amie se comportait en présence des garçons la faisait tantôt sourire,
tantôt rêver. Elle n’avait, ni le tempérament, ni l’aplomb nécessaire pour aborder
les membres du sexe opposé. Nolwenn avait cependant l’inquiétude que ce
comportement porte un jour préjudice à son amie. Les garçons parlaient beaucoup
entre eux et un bon nombre de l’effectif masculin de la classe l’avait fréquenté de
manière plus ou moins éphémère.

- Si tu cherches du top niveau, je me propose ! Chuchota Antoine à Bucky,


assis juste derrière sa sœur et qui n’avait pas loupé une miette de la discussion,
pourtant à voix basse, mais trop proche pour échapper à son ouïe.

- Même pas dans tes rêves, Antoine ! Lui plaça gentiment l’intéressée. Tu
n’es pas au niveau, ainsi que toute ton équipe de volley !

- Je te signale que Creth pratique le volley, la contredit-il.

14
- Il sera alors sans conteste une valeur appréciable pour l’équipe ! Le
volley-ball m’inspire d’ailleurs finalement beaucoup plus cette année, lâcha-t-elle.
Et puis, il faut savoir sortir des sentiers battus et s’ouvrir à de nouvelles disciplines
sportives quelquefois, continua-t-elle, avant de lui tirer la langue.

- En même temps, il faut avouer aussi que tu as bien épuisé le cheptel de


l’équipe de hand, répondit-il ironiquement.

Antoine, était un garçon certes de petite taille, mais assez mignon,


contrairement aux insinuations de l’amie de sa sœur qui partageait son toit familial
pour une cinquième année. Bucky se refusait pourtant toute tentative avec le frère
de sa meilleure amie, peur probable de créer des intrigues trop complexes dans le
foyer. De son côté, Antoine, pas spécialement intéressé non plus par la fille qui
partageait la chambre de sa sœur, en était parfaitement conscient et en jouait
beaucoup. Il y avait bien plus un sentiment fraternel entre ces deux-là qu’autre
chose. Il était de toute façon notoire, au sein de son entourage, qu’Antoine Donerm
nourrissait un penchant évident pour Glaème Spidze, non loin de lui, qui ne
semblait pas spécialement lui rendre la pareille. Quant à son équipe de volley, elle
collectionnait les désastres au championnat des campus européens,
contrairement au handball et surtout au basket détentrice du titre de championne
d’Europe des campus. Creth pourrait peut-être changer la donne pour le volley
cette année.

***

Après un long monologue d’un des plus anciens professeurs du campus


n’éveillant guère d’intérêt aux yeux des élèves, vint le moment de se rendre à la
cafétéria pour se restaurer et discuter en groupe à une table entre filles. Bucky,
durant le repas, avait déjà averti ses amies, elle avait des vues sur Creth et
comptait bien faire de lui son nouveau petit ami ! Lily et Glaème lui firent remarquer
que la partie n’était pas gagnée et qu’il faudrait peut-être du temps, étant donné
qu’ils ne s’étaient même pas encore adressé la parole !

- Je te prends le pari que tu ne sortiras pas tout de suite avec lui, affirma
Lily, sous forme de défi.

15
- Sous quel délai ? Répondit Bucky, habituée à ce type de pari lancé par
son amie et toujours sûre d’elle en ce qui concernait sa capacité à séduire la gent
masculine.

- Tu ne l’auras pas embrassé avec les formes au premier match de volley


de la saison, tenta Glaème en rigolant, sachant pertinemment que Bucky avait déjà
embrassé langoureusement des garçons très rapidement après avoir fait leurs
connaissances.

- Trop facile pour moi, les filles ! Le soir du premier match de la saison,
dans trois semaines si je compte bien, il m’invitera dans sa chambre étudiante !
Annonça-t-elle comme pour mettre le défi à son niveau.

Lily, Glaème, Nolwenn puis Shandrill, qui les avait rejoints au moment du
repas, se regardèrent.

- Je ne suis pas sûre que ce soit forcément une bonne idée, conseilla
Nolwenn. Bucky, ce garçon tu ne le connais pas d’une part, et de plus, je te rappelle
qu’il est strictement interdit pour les garçons d’emmener des filles dans leurs
chambres étudiantes. Je crains que cela soit un gros risque pour lui… et pour toi !
Et même s’il t’amène dans ta chambre que va-t-il se passer ?

- Pas d’inquiétude les filles, nous sommes jeunes, jolies et j’ai besoin de
me sentir désirée. Si cela ne marche pas entre nous, je saurais mettre le holà,
même dans sa chambre étudiante. C’est que je n’ai simplement encore jamais
visité les lieux !

Bucky était une jeune femme connue pour son besoin constant d’être
appréciée et elle agissait souvent dans cette optique, que ce soit auprès des
garçons ou des filles. Elle possédait une faculté notable à entraîner les autres dès
qu’elle avait une idée en tête. Elle comptait le faire avec Creth et tout le monde à
la table le savait. Elle réussirait tôt ou tard à mettre le grappin dessus. Elle était
tenace et persuasive !

Les quatre amies présentes, n’avaient pas une vie sentimentale aussi
tumultueuse que Bucky. Shandrill D’argent avait bien un petit copain, mais elle le
voyait peu, car habitant en Dordogne, très loin de l’E2C. Nolwenn Donerm avait eu
deux, trois flirts, mais rien de bien sérieux. Glaème Spidze n’avait jamais été
remarquée jusqu’ici avec un garçon, ce qui laissait à Antoine plein d’espoir. Quant
à Lily Klébel, elle avait quitté son dernier petit copain, il y a plus de six mois déjà.

16
- C’est entendu, on est curieuse de savoir comment tu vas t’y prendre, finit
par admettre Lily. Si tu perds le défi, tu me prêtes ta nouvelle voiture toute une
semaine.

- Ça me va, et si je gagne, tu devras embrasser, et j’insiste bien sur un vrai


baiser et pas une bise de jeune prude, le garçon que je désignerai, histoire que je
débride un peu l’une d’entre vous !

- Pas un moche alors ! Protesta Lily, qui accepta le défi après avoir eu
confirmation de Bucky par un hochement de tête.

Une fois le petit défi de Bucky conclu, le moment fut venu de retourner en
salle de classe pour assister à une présentation du programme de chaque matière
principale et des différentes et nombreuses options proposées par l’E2C dont les
disciplines sportives et la danse avec option supplémentaire " extension pom-
pom-girl " faisaient partie.

***

Le moment tant attendu pour Glaème, Nolwenn et Bucky arriva enfin ! En


tant que dernières années, elles devaient se rendre sur l’une des deux salles de
spectacle du campus, côté sport, pour s’y préparer, comme membres d’un jury.
L’objectif affiché était de promouvoir et sélectionner des talents en danse aux
côtés de leur entraîneuse, également professeure d’EPS sur le campus, Meyrie
Dharcourt. Que du bonheur ! Il en fut de même pour Antoine et Lily en ce qui
concerne le volley-ball et de finalement beaucoup d’éléments de sa classe
pratiquant divers sports et options. Le secteur des activités optionnelles du
campus était en effervescence pour trouver de nouveaux membres dans des
disciplines aussi variées que le théâtre, le journalisme, l’eSport, la robotique, les
arts-martiaux, la gymnastique, la musique et les sports collectifs. Il y en avait pour
tous les goûts !

Faire la promotion de la danse ne fut pas bien compliquée. De nombreuses


filles de première année, dont Anita, la sœur de Lily, rêvaient de s’y inscrire et les
places y étant tout de même limitées face à l’afflux de la demande, il fallait faire
une sélection relativement rigoureuse sur une courte chorégraphie présentée par
chaque candidate. Le niveau général fut plutôt bon et Anita, débutante, n’avait pas

17
particulièrement brillé. Ce n’était pas très grave. Elle avait une partie du jury dans
sa poche !

Pour l’extension pom-pom-girl, option renforcée de l’activité danse, la


mission fut plus compliquée. Cette discipline, encore relativement jeune en France
et en Europe, ne se pratiquait quasiment exclusivement que dans les lycées
d’Amérique du nord et était bourrée de préjugés en Europe. Elle faisait certes,
fantasmer nombre de garçons, les plus anciennes pouvaient en attester, mais
n’attirait pas les foules du fait de la réputation que cela engendrait. Il fallut donc
mettre la main à la pâte et présenter efficacement la discipline par une petite
démonstration préparée par Bucky, Nolwenn et Glaème. En deux minutes, la petite
chorégraphie, dans laquelle les dernières années prirent plaisir, convainquit des
filles de première année, dont Anita, ainsi que quelques deuxièmes et troisièmes
années, de se lancer dans l’aventure avec elles. Elles furent bien évidemment
prises de façon prioritaire en danse, afin de pouvoir devenir pom-pom-girls. Un joli
succès qui permit d’augmenter un peu l’effectif dans cette discipline, chère à
Bucky, à désormais une trentaine de filles en totalité sur le campus. Suffisant pour
maintenir trois groupes de dix pom-pom-girls. Un pour chaque sport d’équipe
pratiqué ici en intérieur ; le basket, le hand et le volley. Après avoir fourni une tenue
à chaque nouvelle membre et leur avoir communiqué les horaires d’entraînements,
le moment fut venu de rentrer chez soi pour se préparer au lendemain et à la
première véritable journée de cours ; il était déjà presque 20h.

Du côté de Lily, Antoine et quelques camarades dont Creth, le volley avait


cette année encore eu du mal à exister. Face au handball, très pratiqué en France
et surtout au Basket-ball, dont l’équipe du campus, championne d’Europe
masculine des campus était tellement renommée qu’elle attirait tout basketteur
choisissant d’intégrer un campus d’excellence en Europe, il était difficile de lutter.
Lily, avait réussi à trouver trois nouvelles joueuses pour les filles. Pour les garçons,
il n’y eut que deux étudiants, en comptant Erik Donerm alors que le handball et le
basket-ball refusaient du monde, victimes de leur succès !

Heureuse de sa moisson de nouvelles de cette année chez les pom-pom-


girls, Bucky chercha rapidement en partant du campus si Creth était encore sur les
lieux et surtout quelle voiture il pouvait posséder, afin de mieux pouvoir le repérer
ultérieurement. Antoine, qui sortit avec son frère Erik, quasiment au même
moment qu’elle, lui indiqua qu’il venait de partir, il y a quelques minutes seulement.
Il avait repéré le modèle de la voiture : une vieillissante berline blanche premium
coupé avec un moteur à combustion, une Audi A5 ancienne gamme. Il ne lâcha
cependant pas cette information sans une contrepartie ; Bucky dût lui céder, pour

18
le retour à la maison des Donerm, sa propre voiture décidément très populaire. Elle
avait fait mouche en la demandant à ses parents. Elle et Nolwenn furent donc
contraintes de rentrer avec le véhicule familial des Donerm, bien moins tape-à-
l’œil. L’essentiel était cependant acquis, Bucky avançait doucement dans sa
stratégie pour remporter son défi concernant Creth.

***

Le lendemain, la fratrie Donerm et Bucky se retrouvèrent dans la cuisine


familiale pour le petit-déjeuner. Il n’y avait pas eu de bataille matinale pour les
viennoiseries entre les filles et les garçons, étant donné qu’il n’y avait que ce type
de denrée, très appréciée de tous sous ce toit, que les week-ends et les jours
spécifiques, comme ce fut le cas la veille pour la rentrée des classes. Malgré le
loyer qu’ils percevaient des parents de Bucky, les parents Donerm n’avaient pas
des moyens extensibles à volonté. Des viennoiseries achetées en boulangerie
pour quatre jeunes représentaient un sacré budget si cela devait se faire tous les
jours.

Une fois remontées dans leur chambre pour se doucher, se maquiller, et se


coiffer, Nolwenn remarqua que Bucky, qui s’habillait déjà de façon très soignée
d’ordinaire, avait aujourd’hui ajouté une touche plus sexy que d’ordinaire, bien que
respectant scrupuleusement le règlement intérieur de l’E2C sur les tenues
vestimentaires qui interdisait d’en montrer trop en ce qui concernait les cuisses,
le ventre et le décolleté. Une dérogation existait cependant pour les tenues
sportives, notamment pour les uniformes de pom-pom-girl dépassant les limites
admises d’ordinaire pour les cuisses.

- Décolleté limite ! Lui fit remarquer Nolwenn.

- Limite mais dans les clous ! Journée de première approche sur Creth, lui
répondit elle. Je n’ai pas énormément de poitrine, mais suffisamment pour en faire
quelque chose de joli à regarder, en jetant un œil à son décolleté via un miroir. Lily
va devoir se préparer à un baiser langoureux avec un garçon. Tu ne voudrais pas
enfiler quelque chose de plus tape à l’œil pour me soutenir… et éventuellement te
permettre d’attirer un jeune homme pas trop vilain qui te plairait ? Ajouta-t-elle.

Nolwenn, sourit timidement, Les stigmates de sa précédente rupture étaient


encore fraîche, même si tout comme Glaème, elle semblait prioriser les études.

19
Peut-être Bucky arriverait-elle à la faire évoluer sur ce sujet en cette dernière année
d’étude au campus. C’est tout ce qu’elle espérait. Il était parfois bien triste de la
voir sans petit-ami alors qu’elle, les enchaînait.

Avec un haut noir finement brodé de type débardeur laissant paraître un


décolleté séduisant, une veste mélange de noir avec des motifs couleurs magenta
et bleu, rappelant celles de l’école, une jupe noire relativement courte et droite, et
de belles bottines noires, Bucky Délavigna semblait tout droit sortie d’un magazine
de mode pour jeunes. Nolwenn ne put s’empêcher d’envier la tenue de son amie
et accepta, après hésitation, d’enfiler une robe droite plutôt que le jean très serré
accompagné d’un t-shirt encore très en vogue et standard des codes
vestimentaires de la jeunesse de cette génération. Trouver éventuellement un petit
ami ne lui ferait pas de mal, tant pour sa confiance en soi et son moral.

***

Dès son arrivée sur le campus, Bucky scruta du regard, de la grande


esplanade d’entrée du campus, tout indice permettant de repérer sa cible
désignée ; ce grand volleyeur qu’était Creth. La foule ambiante ne lui facilita pas la
tâche. Elle ne réussit à le détecter que juste avant la sonnerie de début des cours
au niveau des casiers étudiants.

Aux côtés de son groupe d’amies habituelles, Bucky lança un sourire


complice à Lily avant de se diriger vers le casier de Creth où il se trouvait, en train
de ranger quelques effets personnels.

- Salut Creth, je suis Bucky Délavigna, on est dans la même classe et je me


porte volontaire pour te guider aujourd’hui !

Après un moment de silence, probablement dû à la surprise de cette


approche relativement directe et surprenante, Creth la fixa plusieurs fois de bas
en haut. Bucky se sentait bien partie, vu la manière dont elle était regardée par son
interlocuteur. Il ne faisait pas le moindre doute pour elle que son approche avait
eu l’effet escompté.

- Salut Bucky, finit-il par lâcher du bout des lèvres très faiblement avec
l’accent caractéristique Québécois. Les membres de l’équipe de volley m’ont déjà

20
proposé leur aide, mais plus on m’aidera, mieux ce sera pour mon intégration dans
l’établissement, lança-t-il d’une façon machinale assez étrange.

Bucky, persuadée qu’elle avait fait mouche, enchaîna rapidement :

- Tu as une petite amie ?

- Euh… non, répondit Creth, quelque peu surpris par la rapidité d‘entreprise
de l’une des plus jolies filles du campus.

Bucky empoigna les bras de Creth avec ses mains et tira légèrement dessus
pour le pencher vers elle. Puis, elle se mit sur la pointe des pieds pour atteindre sa
bouche, le rapport de taille lui étant tout de même très défavorable, afin
d’échanger… un baiser succinct avec lui !

Creth la regarda, déconcerté. Il semblait totalement désarmé face à


l’attitude audacieuse de sa camarade de classe. Les amies de Bucky n’avaient
également rien raté du spectacle. La capitaine des pom-pom-girls ne reculait
devant rien pour remporter son pari.

- Tu en as une désormais… de petite amie, conclue-t-elle.

Accompagnant par la main Creth à son premier cours de la journée. Bucky


passa devant son groupe d’amies, totalement bouche-bée devant la situation. Elle
ajouta, au passage, un petit clin d’œil en direction de Lily pour lui signifier que la
réussite de son petit défi semblait très bien engagée.

- Là, elle a fait très fort dit Glaème à Nolwenn, Shandrill et Lily restées, toutes
les quatre, ensemble.

- Elle nous surpasse de très loin sur cela, ajouta Shandrill.

Lily ne s’avoua pas pour autant vaincue :

- Le timing est court, le premier match de volley n’est que dans trois
semaines, il y a peut-être encore de l’espoir pour moi, dit-elle pour se rassurer
comme elle le pouvait.

- Je vais cependant suggérer quelques noms de garçons à Bucky pour ton


défi, dit malicieusement Nolwenn pour contrarier un peu plus Lily qui se sentait
déjà dans l’obligation de devoir sous peu tenter une approche identique à celle de
son amie… avec un garçon qu’elle ne choisirait pas.

21
***

La journée de classe passa tranquillement, mais fut intense. Il était difficile


pour les élèves de se remettre dans le rythme des cours de chimie et biologie du
matin, puis de mathématiques et informatique, l’après-midi. Il y avait peu de temps
pour l’oisiveté dans ces moments. Aussi, Bucky n’eut pas spécialement de temps
pour se rapprocher un peu plus de Creth, qui semblait plongé corps et âme dans
ses cours. Une tentative de drague aurait pu être faite le midi à la cafétéria, durant
le repas, mais les garçons avaient leur toute première réunion préparatoire qui
lançait leur saison de volley. Les filles aux pompons passèrent donc le repas, entre
elles dans l’immense cafétéria, pour cette courte pause.

La fin des cours de l’après-midi qui s’achevaient à dix-sept heures ne


marquait pas la fin de la journée pour les filles. Tandis que les sportifs devaient
aller à l’entraînement de leurs disciplines respectives, les étudiantes pratiquants
la danse avaient également leur séance d’une heure trente, à laquelle s’ajoutaient
deux heures supplémentaires pour celle qui avait pris l’extension pom-pom-girl en
option complémentaire.

Cette première séance de remise en forme avait permis à la professeure


expérimentée, Meyrie Dharcourt, de jauger les nouvelles puis, à la fin de cette
séance, de se réunir avec les cinquièmes années pour décider de la répartition de
trois groupes de pom-pom-girls. Chaque groupe étant dit "affilié" à un sport en
salle ; handball, basket ou volley-ball.

Lors de cette réunion, Bucky, une des trois capitaines pour cette année,
chercha à influencer, de manière prévisible, sur la composition des groupes, afin
de rester avec ses amies. Mais de façon beaucoup plus étonnante, elle chercha
également à affilier son groupe au volley-ball alors qu’elle avait passé ses quatre
précédentes années au handball !

Glaème avait compris immédiatement l’idée de sa camarade : profiter de


cette affiliation pour se rapprocher de Creth, qui était joueur de volley ! Nolwenn et
Glaème laissèrent en connaissance de cause leur amie avancer dans ses plans.
L’essentiel pour elles, étant que leur groupe soit composé d’elles-mêmes, de
Bucky, Shandrill et dorénavant Anita comme cela avait été promis à sa grande
sœur Lily. Nolwenn trouvait également intéressant, pour sa dernière année au sein
du campus, d’être un peu plus avec ses frères, Antoine et Erik, pratiquant tous deux
le volley-ball. Il ne fallait pas non plus perdre de vue, qu’Erik et Anita se retrouvaient

22
aussi ensemble du fait de cette organisation : Erik en tant que volleyeur et Anita
en tant que pom-pom-girl. En somme, tout le monde trouvait son compte dans
cette organisation et la professeure valida. Bucky avait facilement réussi à
échanger le handball pour le volley à la grande surprise de la capitaine pom-pom-
girl sollicitée qui s’empressa de valider l’échange. Les soirées de match de volley
étant connues pour être particulièrement ternes et…désertes.

***

La soirée fut brève pour la famille Donerm. Les étudiants étaient tous
exténués et un dîner rapide permis de ne pas se coucher trop tardivement. Cette
première journée à plein temps avait été chargée, mais il fallait s’habituer au
rythme effréné d’une année scolaire à l’E2C. Antoine, avant de se coucher n’oublia
pas, de faire une « danse de la victoire » particulièrement ridicule devant sa sœur
et Bucky. Durant le dîner familial, il avait appris qu’il allait passer plus de temps et
des déplacements sportifs avec Glaème ; elle faisait dorénavant partie du groupe
de pom-pom-girls affilié au sport qu’il pratiquait depuis qu’il était enfant. Cette
année était sa dernière chance pour sortir avec elle avant que leurs chemins ne se
séparent définitivement pour la poursuite de leurs études. Bien qu’il se soit
courtoisement fait éconduire déjà par deux fois, il voyait cette opportunité comme
une nouvelle chance de se montrer sous un meilleur jour afin de la convaincre de
revenir sur sa position.

***

Les journées s’enchaînèrent à un rythme effréné avec un planning


d’activités s’étalant souvent de huit heures à parfois près de vingt-deux heures
avec le jeu des options. Après deux semaines de cours, tout le monde commençait
à prendre ses marques. Le corps et l’esprit à cet âge s’adaptaient vite au
changement de rythme d’une part, et d’autre part, les heures de cours diminuèrent
légèrement et la préparation physique dans les activités sportives furent en lente
décroissance pour commencer à laisser place à plus de technique.

23
Bucky, en tant qu’élève confirmée de l’E2C, savait que la période la plus
exigeante touchait à sa fin avec l’entrée en lice des différentes compétitions
sportives ou extra-sportives. Le mode de fonctionnement était ainsi fait que l’on
profitait de week-end vierge de matchs, auditions, représentations ou tournois
pour surcharger les élèves de cours, samedi compris. Ce planning particulier, et
propre aux établissements d’excellences, n’avait pas permis à la brune à la mèche
fuchsia d’avancer sur son objectif personnel qui était de se rapprocher un peu plus
de Creth. Il ne repoussait pas Bucky, mais semblait tourner vers d’autres tâches
dans les rares moments où elle avait la possibilité de mieux faire sa connaissance.
En bref, la situation s’embourbait et la possibilité de réussir facilement son défi
dans les temps avec. Remporter son challenge allait être un peu plus difficile
qu’attendu, mais elle avait une idée en tête pour faire définitivement chavirer le
jeune homme qu’elle ciblait. Il fallait juste qu’elle prépare correctement les choses
en amont…

Nolwenn, de son côté, eut deux semaines encore plus chargées que Bucky.
Musicienne depuis sa plus tendre enfance, elle avait sélectionné une option
supplémentaire en tant que harpiste. Il était courant, pour les bons élèves, de
prendre de nombreuses options dans leurs cursus. En effet, si on parvenait à tenir
le rythme, les points bonus pour obtenir son diplôme en fin de cinquième année
pouvaient s’avérer substantiels, selon les résultats. Pour des raisons similaires,
Lily, de son côté, pratiquait, en plus du volley, le violon, Anita, de la batterie, et Erik
du Karaté et de la guitare basse en option supplémentaire. La fin de cette période
arriva comme une délivrance pour ces derniers, encore plus que pour Bucky.

***

Après un dimanche passé à dormir et récupérer pour bon nombre


d’étudiants, le lundi de la troisième semaine de cours pointa le bout de son nez. Le
premier match officiel de volley était prévu à domicile le samedi soir ; la Dead-line
du défi que Lily avait passé avec Bucky !

Lily ne manqua pas de faire remarquer à ses amies qu’elle était finalement
bien engagée pour rouler dans une superbe voiture la semaine prochaine. Bucky
avait bien tenté de demander de l’aide à Antoine et Erik pour obtenir des
informations et des éléments supplémentaires sur Creth qui les côtoyait beaucoup
du fait du volley. Mais les deux frères, au courant du but que s’était fixé Bucky,

24
s’amusaient bien trop de la situation pour lui porter assistance. Il lui restait, certes,
moins d’une semaine, pour obtenir satisfaction auprès de Creth, mais la situation
allait désormais tourner à son avantage. En effet, à partir de cette semaine, les
entraînements de volley et des pom-pom-girls qui y étaient affiliées se feraient en
un lieu commun dans l’un des trois gymnases du campus. L’occasion rêvée pour
Bucky de se rapprocher plus facilement de sa cible !

Bucky mit à profit la situation dès le mardi soir, où elle passa un maximum
de temps, collée à Creth qui semblait ne pas toujours savoir comment réagir à
cette situation qui ne plaisait guère à son entraîneur. Il se laissa pourtant
embrasser par deux fois durant la séance par la pom-pom-girl de loin la plus
entreprenante de l’E2C en la fixant d’un regard que l’on pouvait interpréter comme
interrogatif.

La capitaine des pom-pom-girls fini par ajouter la parole aux actes. Ce


garçon lui plaisait physiquement et elle tenait réellement à aller plus loin avec lui.
Elle décida de lui donner rendez-vous juste après le premier match sur la route
boisée derrière la sortie du parking du campus. Le plan qu’elle avait en tête était
osé, mais il était dans son tempérament de sortir des convenances et des sentiers
battus. Après tout, la vie était faite pour expérimenter et repousser ses limites !

Bucky avait une idée très particulière pour définitivement faire tomber Creth
sous son charme. Elle avait commencé à s’y préparer juste après l’entraînement
de danse de la veille. Avec l’aide de Nolwenn et Glaème, dans la confidence, mais
tout de même un peu gênées par l’idée de leur amie, Bucky avaient composé une
danse des plus sensuelles sur une musique plutôt douce. Le but : se dévoiler,
physiquement, plus en détail à Creth, peu après le match lors d’un rendez-vous
qu’elle voulait convenir avec lui. Après cette démonstration, elle ne voyait pas
comment le volleyeur pourrait lui résister. Ses deux amies, quant à elles, étaient
chargées de faire en sorte que Creth sorte bien en dernier du gymnase, afin que
Bucky et lui soient laissés seuls sur la route du campus pour une représentation
qui s’annonçait très chaude.

Nolwenn ne put cependant s’empêcher d’inciter, une fois de plus, Bucky à


la prudence. Creth était un nouvel élève et, elle ne connaissait pas grand-chose de
lui, même si le courant semblait passer entre eux. Bucky ne changea absolument
pas ses plans pour autant, en préparant avec toujours plus de détail l’organisation
de son idée au fur et à mesure que le samedi s’approchait. Difficile de l’arrêter
quand elle avait une idée en tête. Même si elle n’irait pas au bout du strip-tease
qu’elle avait prévu, proposer une danse sensuelle de ce type l’intéressait pour

25
élargir son éventail de compétences artistiques dans le domaine de la danse.
Bucky était définitivement passionnée par son art et développer son répertoire de
connaissances dans ce domaine lui tenait à cœur, même si elle n’avait aucune
intention de faire carrière dans les boites de strip-tease dans son avenir.

***

Le premier match de volley de la saison avait lieu ce soir. Comme


d’accoutumée dans les établissements d’excellences, la totalité du campus n’avait
pas de cours les samedis après-midi, juste avant les matchs officiels, bien que la
présence de tournois d’eSport, d’échecs ou encore des préparations dites
« multimédia » pour entourer tous ces évènements pour les élèves ayant choisi
ses options rendaient encore l’E2C des plus actives.

Antoine et Erik s’étaient rendus dans le gymnase, une fois la fin des cours
matinaux actée, pour un dernier entraînement léger et se préparer mentalement.
Creth était également présents. Durant les dernières séances, il s’était avéré être
un excellent joueur au contre, un peu moins pour les attaques. Ce petit
entraînement léger permit de corriger un peu le problème. Erik, quant à lui, se
révéla être un serveur et attaquant de qualité sur ces derniers réglages d’avant
match. C’était bien la première année où l’équipe de volley de l’E2C avait une
chance de ne pas terminer dernière du championnat des campus. Aucun garçon
ne souhaitait revivre, encore une fois, une saison ridicule.

Lily Klébel était de son côté, partie dès la matinée par train en suivant ses
cours en visio-conférence durant le trajet afin de jouer son premier match en
déplacement en Italie à destination du campus d’excellence de Turin. Elle ne
pourrait donc pas connaître, avant son retour, l’issue du défi qu’elle avait convenu
avec son amie Bucky. Tout comme les garçons, elle avait de toute façon d’autres
choses en tête. Compétitrice dans l’âme, elle était déjà concentrée sur une victoire
pour ce premier match de la saison. L’équipe féminine, étant un peu plus
performante que celle des garçons et elle comptait obtenir un résultat probant
pour le premier match de la saison. Deux jeunes recrues de première année avaient
rejoint son équipe et s’annonçaient prometteuses.

Bucky passa le début de son après-midi à préparer son "show privé" pour
Creth dans sa chambre pendant que ses amies, soit faisaient une petite sieste,

26
soit révisaient quelques cours. Ce petit spectacle minutieusement préparé à des
fins précises l’avait mise particulièrement en joie. Elle adorait réellement danser
et créer une chorégraphie mettant en avant ses atouts physiques et techniques ne
faisait que conforter ses talents. Se savoir désirée par un garçon était une chose
qu’elle appréciait particulièrement, même si elle n’allait clairement pas proposer
cette chorégraphie à n’importe qui ! Dans son esprit, elle n’avait, de toute manière,
pas la moindre intention d’aller au bout de son strip-tease. Montrer sa poitrine
suffirait amplement pour parvenir à ses fins !

***

Les pom-pom-girls affilées au volley-ball ne commencèrent réellement


qu’en fin d’après-midi ; il s’agissait de réviser la petite chorégraphie, dans un des
jardins boisés du campus, qui permettrait de mettre une ambiance folle dans le
gymnase avant le match et entre chaque pause dans le jeu. Ce genre d’ajustement
de dernière minute était d’un intérêt modéré pour des filles comme Glaème,
Shandrill, Nolwenn et Bucky. Il était indispensable pour Anita et les deux autres
nouvelles du groupe qui découvraient tout juste cette activité et avaient de petites
difficultés à assimiler les mouvements.

Il allait falloir être particulièrement brillantes pour les filles cette saison de
championnat. Le volley n’attirait pas pléthore de spectateurs pour cause de
résultat et de spectacle loin d’être plaisant, et jusqu’à cette année, ce sont les pom-
pom-girls les moins confirmées, ou les plus malchanceuses, qui s’affiliaient à
cette discipline rendant ce type de soirée, dans son ensemble, bien indigeste. Pour
cette année, la donne devait changer. Certaines avaient clairement le niveau et
l’expérience pour. Bucky en tant que capitaine de cette équipe s’était fixé cet
objectif. Davantage de public à domicile aiderait certainement l’équipe des
garçons et il était bien plus agréable pour les filles de danser devant une foule
imposante ! C’était en grande partie pour cela qu’elles pratiquaient cette activité :
l’ambiance entrainante des matchs !

***

27
Vint le moment, en tout début de soirée, où les pom-pom-girls s’apprêtèrent
à revêtir leurs tenues, soigner leur coiffure et à légèrement se maquiller avant de
prendre place sur le terrain de volley, déjà installé. Nolwenn et Shandrill
appréciaient particulièrement ces instants privilégiés entre filles. Ce calme dans
un gymnase vide avant l’effervescence, qu’elles espéraient grandiose laissaient un
scintillement dans leurs yeux. Tout était désormais prêt pour l’ouverture de la
saison. Bucky, pour la première fois de l’année, passa autour de son bras son
brassard de capitaine. Ce prestigieux insigne lui avait été transféré lors de son
dernier match de la saison dernière par sa prédécesseuse. Ce petit morceau de
tissu, toujours proposé à une cinquième année, était une fierté supplémentaire
pour elle. Sa passion pour l’E2C venait en grande partie de cette activité et savoir
qu’elle dirigeait son groupe la confortait un peu plus dans son choix de faire
carrière dans le milieu de la danse.

Bucky vérifia une dernière fois ses plans concernant Creth. Elle avait briefé
Antoine, en tant que capitaine de son équipe, pour s’assurer que le reste de l’équipe
quitte le gymnase avant l’intéressé. Afin que le frère de Nolwenn respecte bien ses
directives, elle lui avait même promis que si elle parvenait à ses fins, c’est lui qu’elle
choisirait comme destinataire du baiser langoureux que devrait prodiguer Lily !
Même s’il était bien plus intéressé par Glaème, une proposition comme celle-ci ne
se refusait pas !

Nolwenn et Glaème devaient également s’assurer, de leurs côtés, que tout


était prêt, niveau matériel, pour que Bucky fasse une représentation de fin de
soirée, sans pépin technique. Shandrill, de son côté, devait confirmer que Creth
partirait, seul, dans une voiture coupé blanche de la marque Audi, un peu vieillotte,
mais qui avait encore du style aujourd’hui. Le plan était parfaitement planifié…
comme souvent avec Bucky.

28
Chapitre 2 : A deux portes près !

Le début de la saison pour les pom-pom-girls était lancé ! Les dix filles du
groupe affilié au volley-ball firent leur entrée sur le terrain juste après les pom-pom-
girls de l’équipe visiteuse, adversaire du soir.

Bucky et ses amies remarquèrent immédiatement qu’il n’y avait pas foule
dans les gradins, loin de là. Tout au plus une trentaine de personnes. On était loin
des gymnases avec une affluence de plus de mille personnes vécu l’année
dernière pour les derniers matchs de la saison de l’équipe de handball. Le volley
était décidément un parent pauvre du sport sur ce campus. Les résultats plus que
médiocres jusqu’ici de l’équipe par rapport à ceux du handball et surtout du basket
n’incitaient en rien les curieux et badauds à venir voir le spectacle.

Malgré tout, Les filles prirent un réel plaisir, avec peu de public, à montrer
leur show d’ouverture, dit de présentation des équipes, savamment préparé avec
en point d’orgues quelques saltos prodigués par Shandrill, gymnaste de formation,
et non danseuse, juste avant l’entrée des joueurs. Anita et les nouvelles furent si
bien encadrées et préparées, qu’elles firent une bonne prestation sur cette
première chorégraphie de la saison aux côtés de leurs partenaires. Le plus dur
était désormais passé pour elle, alors qu’il n’avait pas encore commencé pour
l’équipe de volley masculine de l’E2C.

***

29
Antoine, Erik, Creth et les autres membres de l’équipe se retrouvèrent, dès
le début de la partie, surclassés par l’adversaire du soir. Des attaques et contres
adverses particulièrement percutants montraient toutes les limites de l’équipe de
l’E2C, malgré, et c’était quand même à souligner, de très jolis contres proposés par
Creth. Antoine manquait d’anticipation sur ses défenses, Erik, en partie
remplaçant, et Creth, tous deux nouveaux dans l’effectif, de puissance en attaque
et d’organisation, et Djurek, le passeur de l’équipe, d’ingéniosité et de solutions.
L’entraîneur, également professeur de sport de la classe de Bucky pour cette
année, était pour partie, responsable de cette prestation pitoyable. Il se contentait
d’invectiver ses joueurs à mesure que les points défilaient… et leur fit perdre le peu
de confiance en eux qu’il leur restait. Il se disait au sein du campus que le
professeur d’EPS avait accepté ce poste d’entraîneur de volley en sus pour des
raisons alimentaires, non par vocation. Il était visible pour l’ensemble du gymnase
que l’entraîneur n’éprouvait aucun plaisir à se trouver ici, mais le budget ayant une
limite, même à l’E2C, et la retraite de leur entraîneur approchant, la direction du
campus avait décidé de laisser les choses en statut quo… depuis cinq longues
années.

Malgré des encouragements réchauffant le cœur des joueurs, effectués par


les filles à pompons fuchsia et ciel, le premier, puis le second set fut rapidement
perdu. Le troisième set, déjà mal parti, fit basculer la partie dans un cauchemar ;
sur une attaque manquée, Yvan, un des joueurs titulaires de l’E2C, se tordit la
cheville, le privant de la fin du match. Celui-ci se termina par dix points consécutifs
pour l’équipe adverse. Une défaite cuisante et des mines déconfites…

Toute l’équipe regagna le vestiaire tête basse. Seul Creth ne semblait pas
trop accuser le coup. Peut-être avait-il déjà l’esprit tourné vers ce que lui réservait
la capitaine des pom-pom-girls ?

***

Le maigre public présent se déroba rapidement des lieux dans un silence


de cathédrale. Seule une silhouette demeura présente dans les gradins. Elle n’était
visiblement pas pressée de partir. Bucky la remarqua immédiatement. Cette
personne avait l’air un peu perdue ; seul avec un regard plongé dans le vide. C’était
à se demander s’il n’était pas arrivé ici totalement par hasard et qu’il ne savait plus
quoi faire. Cet individu, un peu trop âgé pour être un étudiant ici et bien trop jeune

30
pour être un des parents des membres de l’équipe de volley ou des pom-pom-girls
n’avait encore jamais été vu par Bucky. Peut-être un recruteur ? Vu le niveau affiché
par l’E2C ce soir, Bucky en doutait.

Les filles, désemparées par la déroute de leur équipe, cherchèrent comment


remonter le moral des troupes. Comme les quelques personnes du public, elles
avaient vu la débâcle de l’E2C. Nolwenn eut heureusement la bonne idée du
moment. Après accord parental préalable par messagerie téléphonique, elle
décida d’inviter l’ensemble de l’équipe de volley et des filles aux pompons chez
elle. Sa maison disposait d’une taille suffisante, avec notamment une grande pièce
à vivre de quasiment soixante mètres carrés se prolongeant sur son jardin avec
terrasse. De quoi recevoir confortablement dix pom-pom-girls et une équipe de
volley de douze joueurs. Avantage non négligeable supplémentaire, la demeure
Donerm se trouvait tout près du campus de l’autre côté du lac entourant le
campus.

L’invitation que proposa Nolwenn, avec l’intermédiation par messagerie de


ses frères, ne manqua pas de ravir. Erik était déjà impatient de poursuivre la soirée
avec Anita, et Antoine se voyait offrir la possibilité de se rapprocher de Glaème.
Quant au reste de l’équipe, quel intérêt de refuser une soirée avec des jolies filles
et apprendre à tisser des liens supplémentaires avec ses coéquipiers ? Bucky avait
eu une excellente idée en affiliant son groupe à l’équipe des frères Donerm. Les
matchs de championnat des campus permettraient de partager plus de souvenirs
communs pour la famille Donerm et Bucky, qui considérait cette famille un petit
peu comme la sienne.

Tous les invités partirent en direction du point de rendez-vous au fur et à


mesure de la sortie des vestiaires de chacun après une bonne douche revigorante.
Seule Bucky ne se pressait pas. Elle garda volontairement sa tenue de pom-pom-
girls en y ajoutant quelques accessoires comme de longs gants en toile fuchsia et
des bas complétant harmonieusement sa tenue. Malgré la cuisante défaite de ce
soir, elle n’avait pas perdu de vue son objectif du soir et avait bien prévenu une
dernière fois Antoine et Erik : Creth devait impérativement partir en dernier du
gymnase. Antoine avait tout intérêt que les plans de Bucky se passe au mieux ; il
pouvait y gagner un baiser de Lily, un moment sympathique qui pourrait peut-être
rendre jalouse Glaème, ou au moins lui donner une quelconque envie de
mimétisme ! Aussi avait-il averti Creth qu’il fallait qu’il sorte en dernier du gymnase
car la capitaine des pom-pom-girls lui préparait une surprise pour son intégration.
Une attention d’une des plus belles filles du campus ne se refusait pas !

31
Bucky confia les clés de sa voiture à Nolwenn pour qu’elle puisse rentrer et
organiser la petite fête prévue chez elle, après l’avoir déposé un peu plus loin près
de la sortie du campus, côté sport ; un des seuls endroits extérieurs connus par
tous les couples fréquentant l’établissement, pour ne pas disposer de vidéo-
surveillance. Choix éminemment stratégique et condition primordiale pour que ce
qui se préparait reste confidentiel et ne pose pas de souci disciplinaire.

Arrivée sur les lieux, Bucky ouvrit le coffre de sa voiture et en extirpa une
enceinte dotée d’un éclairage d’ambiance dynamique. Elle la dissimula habilement
derrière un arbre, puis laissa Nolwenn s’éloigner. Dans l’obscurité du coin boisé,
Nolwenn semblait anxieuse de laisser son amie seule, sans moyen de locomotion.
Bucky l’avait rassurée. Tout avait été minutieusement planifié. Creth ne pourrait
pas refuser de la prendre dans sa voiture, surtout après la danse coquine qu’elle
s’apprêtait à lui dévoiler. Si tout se passait comme prévu, il la ramènerait chez
Nolwenn très tard ce soir, voire… le lendemain matin. En cas de contretemps, son
portable était à portée de main. Elle pourrait appeler son amie pour qu’elle vienne
la chercher. Il ne restait plus qu’à attendre, à l’affût du véhicule de Creth. Bucky
l’avait repéré juste avant de partir : une ancienne Audi A5 blanche, à moteur
thermique, aisément identifiable grâce à la forme particulière de ses phares LED.
Même si elle n’était pas une experte en véhicules, elle avait parfaitement mémorisé
cette silhouette.

***

Les pom-pom-girls et joueurs de volley arrivèrent au compte-goutte dans la


propriété des Donerm. Les parents avaient succinctement préparé les lieux pour
accueillir tous les invités. Pizzas livrées par drones, et boissons variées étaient
disponibles. Les étudiants n’avaient pas encore mangé à un peu plus de vingt-deux
heures et s’étaient contentés d’un petit en-cas avant le match ; ils se jetèrent avec
hâte dessus.

Après un décompte d’effectif, Nolwenn remarqua que tout le monde était


arrivé à bon port, à l’exception de Creth et Bucky qui vaquaient à d’autres
occupations. Elle ne lâcha pas son portable par sécurité. Elle fut interrogée par ses
parents sur la non-présence de Bucky, et n’esquiva pas la question ; elle ne
rentrerait peut-être pas car elle était restée sur le campus avec un garçon de
l’équipe. Bucky, était légalement majeure et de surcroît pas leur fille. Même si les

32
parents de Nolwenn préféraient s’informer un minimum sur son emploi du temps ;
elle était libre de faire ce qu’elle voulait du moment qu’une information minimum
était connue des propriétaires du lieu dans lequel elle vivait.

Les volleyeurs et les pom-pom-girls se mirent sur la vaste terrasse pour


manger. En ce mois de septembre, les températures demeuraient agréables, le
réchauffement climatique aidant, et profiter d’un extérieur était idéal pour faire
plus ample connaissance. Ce ne fut pour certains, que l’occasion supplémentaire
pour s’isoler un peu du reste du groupe sur le canapé du salon, comme pour Anita
et Erik qui passèrent une bonne partie de la soirée à se bécoter. Pour d’autres,
l’occasion de mieux se connaître ; volleyeurs et pom-pom-girls découvrirent de
nouvelles affinités pour nombre d’entre eux. Antoine profita de cette soirée pour
se rapprocher au maximum de Glaème multipliant les petites attentions à son
égard. Elle ne les refusait pas, mais Nolwenn pouvait aisément déceler dans son
comportement que toute tentative d’approche plus frontale recevrait une fin de
non-recevoir. Son amie semblait toujours un peu distante avec les membres du
sexe opposé. Nolwenn n’avait jamais cherché à pousser une de ses amies dans
les bras de son frère ; il devait faire ses preuves seul. Shandrill et Nolwenn, elles
aussi, passaient une soirée agréable dans ce groupe, les discussions étaient
nombreuses et le temps aidant, le but fut atteint ; les garçons avaient repris un peu
du poil de la bête. Shandrill et Nolwenn ne purent pourtant que s’interroger sur ce
qui se passait pour Bucky pendant ce temps.

***

A la vue du nombre de véhicules, dont elle avait clairement pu identifier


certains, qui avaient quitté le gymnase par l’accès où elle était et ce, quasiment les
uns derrière les autres, Bucky se doutait que le prochain véhicule avait de grande
chance d’être le coupé blanc tant attendu. Elle décida donc d’anticiper les choses
et posa en plein milieu de la route son matériel son et lumière portable, afin de
bloquer le véhicule à son passage. Elle s’assura que tout était calé au niveau de sa
tenue, de la musique et de l’éclairage, avant de se poster à son tour sur la route,
juste devant son équipement, plus sexy que jamais avec sa tenue de pom-pom-girl
modifiée pour l’occasion. Elle n’avait encore jamais essayé de séduire un garçon
de cette manière, mais sure de ses charmes et connaissant bien les fantasmes les
plus courants du sexe opposé, elle ne voyait pas comment elle pouvait échouer,
d’autant qu’elle se savait de surcroît excellente danseuse !

33
Elle dut patienter cinq minutes supplémentaires pour entendre une voiture
qui approchait des lieux. La chronologie des évènements espérée avait été
respectée. Elle se tenait prête et alluma l’éclairage lorsqu’elle commença à être
éblouie par les phares du véhicule approchant. Du fait de la forte luminosité, elle
dut commencer son show à l’aveugle, mais connaissant parfaitement sa
chorégraphie, maîtrisant ses mouvements à merveille, et ses yeux s’adaptant
rapidement à la lumière des phares qui se projetait sur elle, ce petit désagrément
ne fut pas longtemps handicapant.

Tout en effectuant de sexy déhanchements, elle put, une fois sa vision


adaptée, confirmer que le véhicule était le bon ; le fameux coupé blanc de la
marque aux anneaux, passé quasiment véhicule de collection aujourd’hui, comme
bon nombre de véhicules avec un moteur thermique. Elle se concentra totalement
sur sa prestation une fois le véhicule correctement identifié, et commença un lent,
mais parfait effeuillage de ce qu’elle portait avec une maîtrise ne laissant rien au
hasard. Bucky commença par enlever ses baskets en les lançant sur le capot de
la voiture qui était devenue silencieuse. Le système de start and stop était entré
en action. Parfait pour bien entendre la musique Birds, d’Imagine Dragons
d’accompagnement qu’elle avait savamment choisie. Elle passa, après ses bas, à
ses longs gants fuchsia en les laissant langoureusement tomber à ses pieds,
après les avoir enlevés l’un après l’autre à l’aide de ses dents. L’étudiante, qui rêvait
avant tout pour son plaisir personnel, d’effectuer cette chorégraphie habilement
préparée devant quelqu’un depuis un moment, était heureuse de vivre cet instant.
Chose qu’elle n’avait pas prévu, impossible pour elle de voir la réaction de Creth
dans sa voiture et de voir donc si le " rituel d’intégration " dans l’équipe lui plaisait.
En effet, élément qu’elle n'avait pas remarqué, jusqu’à ce qu’il fallût bien appeler
son strip-tease, les vitres du véhicule étaient teintées et, additionné à l’éclairage
puissant des phares, le tout en pleine nuit, on distinguait à peine les contours du
conducteur de l’extérieur. Il ne semblait pas bougé, Bucky continua donc sa
chorégraphie estimant son public captif.

La suite de la représentation nocturne continua comme elle avait


commencé ; dans une parfaite fluidité. Au fur et à mesure, la jupe droite à fente et
le haut moulant finirent par être lancés sur le pare-brise du véhicule, Bucky n’était
désormais plus qu’en lingerie, de couleur fuchsia pour être raccord et éviter toute
faute de goût. Le shorty que portait les pom-pom-girls d’ordinaire avait été
remplacé au préalable dans les vestiaires, Bucky ne l’estimant pas assez sensuel.
C’était à dire vrai sa fonction première ; ne pas en montrer trop. Le moment pour
elle était venu de se tourner pour se mettre dos au véhicule, tout en continuant à

34
danser, et de dégrafer son soutien-gorge pour l’enlever langoureusement et le faire
tourner au-dessus d’elle… avant de le lancer en direction du toit du véhicule à
l’aveugle tout en restant de dos.

La musique se termina sur le geste prévu. Bucky se dirigea alors au plus


près du véhicule, pour monter sur le capot, fort heureusement solide sur ce type
de véhicule, uniquement encore vêtu de la partie basse de sa lingerie. Tout était
silencieux désormais.

- Il va falloir que tu viennes retirer la dernière pièce toi-même ! Lança-t-elle


avec un large sourire, satisfaite de ce qu’elle avait proposé ce soir.

Elle avait toujours rêvé d’accomplir ce genre de chose pour un garçon,


c’était désormais chose faite. Inimaginable pour elle de ne pas obtenir ce qu’elle
désire de Creth ; un petit tour dans sa chambre étudiante. Une photo pour prouver
à Lily qu’elle avait réussi puis elle aviserait ; peut-être accélérer les choses avec le
central de l’équipe de volley…

La portière côté conducteur ne mit que peu de temps pour s’ouvrir. Bucky
était toujours aussi souriante jusqu’à ce qu’elle remarque que la personne qui
sortait du véhicule… n’était pas Creth !

- Moi, je n’ai jamais connu ça durant tout mon cursus scolaire ! Soyons clair,
vous m’avez redonné en même pas cinq minutes, une envie soudaine de reprendre
les études supérieures ! Dit le conducteur du véhicule, assez imposant, et distant
de deux mètres seulement de Bucky.

Prise totalement au dépourvu par la situation, Bucky se baissa rapidement


pour s’accroupir, toujours sur le capot du véhicule, mains sur sa poitrine pour la
dissimuler. Le seul réflexe qu’elle eut sur l’instant était d’en cacher le plus possible
à son vis-à-vis.

- Mais vous êtes qui ? Demanda-t-elle machinalement évoquant ainsi sa


surprise, tout en continuant de tenter de prendre une position en laissant voir le
moins possible.

Elle fixa le trentenaire. Il avait des cheveux blonds assez courts et une barbe
de plusieurs jours qui laissait paraître un visage à l’air très agréablement surpris
par le spectacle auquel il venait d’assister du haut de son mètre quatre-vingts. La
question de Bucky l’avait laissé cependant des plus pantois.

35
- Vous êtes bien… la surprise ? Questionna-t-il en la voyant quelque peu
paniquée.

Bucky tout en regardant du coin de l’œil le toit du véhicule pour savoir si son
soutien-gorge était bien à l’endroit où elle avait tenté de l’envoyer pour mettre la
main dessus le plus rapidement possible, examina de plus près les traits
d’expressions du visage de la personne en face d’elle, cherchant à anticiper la suite
des évènements. Elle n’avait pas du tout perdu de vue qu’elle était en petite culotte,
isolée face à un inconnu. Le moindre indice sur ses intentions pourrait lui
permettre d’anticiper le pire. A la mimique du visage de cet homme, il paraissait
finalement aussi surpris qu’elle.

- La surprise, oui, enfin… non… pas la vôtre ! Je veux dire que ce n’est pas
vous qui deviez être dans cette voiture, bafouilla-t-elle après un petit moment de
silence, alors que l’inconnu en face d’elle semblait chercher quelque chose dans
sa poche arrière de pantalon.

Les traits de surprise de l’homme passèrent rapidement de la stupeur à la


méfiance, une fois la réponse de Bucky entendue. Cet échange avec lui était tout
simplement lunaire et de nombreux paramètres lui échappaient. Elle détestait ne
pas être maîtresse de la situation. Il fallait pourtant qu’elle l’admette, elle s’était
mise seule à la merci de cet inconnu.

Son soutien-gorge n’était désormais plus une priorité. Se sentant de plus en


plus en position inconfortable, elle commença à descendre du capot de la voiture
pour se diriger près de son enceinte portable, afin de mettre la main sur son
smartphone posé dessus. Le but recherché était d’appeler au plus vite Nolwenn
pour lui demander assistance. Rien ne présageait du pire, mais Bucky préférait
prévenir son amie, ne connaissant absolument pas les réactions que pouvaient
avoir le type d’individu qu’elle avait en face d’elle. Elle priait intérieurement pour
qu’il ne s’agisse pas d’un déséquilibré ou autre horreur dont on pouvait entendre
parler dans les faits divers des chaînes de télévision d’information continue. Dans
quel guêpier s’était-elle fourrée ?

- Ne bougez plus ! Lui intima l’inconnu d’un ton ferme.

Étant désormais quasiment dos à lui afin de mettre la main sur son
smartphone, elle ignorait totalement ce que cette personne avait pu sortir de sa
poche. La surprise de la situation de départ laissait maintenant place à
l’inquiétude. Toujours les mains sur sa poitrine, elle se retourna lentement pour lui
faire face afin d’identifier ce qu’il avait pu prendre dans ses mains et se trouvait, il

36
y a seulement quelques secondes, dans sa poche arrière. Elle ne pouvait
s’empêcher d’imaginer le pire.

Il était, tout simplement, en train de décrocher son portable ! Soulagement


pour elle, qui se voyait déjà se faire ordonner des choses pas vraiment consenties
sous la menace d’une arme.

- Oui, répondit-il sur son smartphone, tout en faisant signe à Bucky par un
geste de son index de ne plus bouger, ni parler.

Des secondes interminables passaient. L’interlocuteur de celui qui lui


faisait face semblait avoir de nombreuses choses à aborder lors de ce coup de fil.
Elle préféra obéir aux directives de l’inconnu et ne bougea point, sans parler, ses
mains croisées sur chacun de ses seins. Elle ne savait pas à quoi s’attendre, mais
cherchait des idées pour reprendre le contrôle des choses, du moins en
apparence. L’homme semblait véritablement la sonder en la regardant droit dans
les yeux. Elle crut même un instant qu’il avait réussi à pénétrer son esprit. L’œuvre
de son imagination, accompagné de peur, sans aucun doute.

- Tout de suite, j’arrive, fini-t-il par répondre, toujours en communication


téléphonique. Euh… dites-moi, la surprise que vous m’avez annoncée, je peux en
savoir plus ? Enchaîna-t-il dans la conversation tout en fixant toujours du regard
Bucky qui ignorait si ce regard était pour la surveiller ou simplement pour le plaisir
de voir son corps presque entièrement dénudé.

Quelques secondes plus tard, il finit par raccrocher.

- Soyons clair, dit-il de façon plus que méfiante en se dirigeant vers


l’intérieur de sa portière tout près de lui. Qui êtes-vous ?

Bucky sentit sa respiration et son cœur s’accélérer de plus en plus, son


acolyte semblait de plus en plus circonspect vis-à-vis de la situation dans laquelle
il se trouvait. La fin de son appel téléphonique semblait l’avoir conforté dans ses
idées, quelles qu’elles soient !

- Je suis Bucky Délavigna, étudiante et pom-pom-girl sur ce campus, je


voulais simplement faire une surprise à mon petit copain ! Se justifia-t-elle. Que
faites-vous dans sa voiture ? Questionna-t-elle afin de comprendre comment la
situation avait pu lui échapper à ce point.

- C’est bien ma voiture, mais… et j’en suis le premier navré, je ne suis pas
votre petit copain, dit-il en se décontractant légèrement pour donner suite à la

37
question de Bucky. Je crois que la voiture que vous attendez, du même modèle
que la mienne, n’est pas encore partie. Elle était encore garée juste devant moi à
mon départ et son propriétaire est semble-t-il partie à pied en direction d’un autre
coin de ce campus. Ça sent le lapin ! Poursuivit-il avec un rictus moqueur.

- La honte ! Lâcha à voix haute Bucky pour elle-même, un peu soulagée de


la réponse apportée, mais terriblement gênée.

Le trentenaire semblait se détendre de plus en plus. Pour preuve, la pom-


pom-girl avait pu remarquer que finalement, il s’était ravisé de sortir ce qu’il était
parti chercher dans sa portière pour finalement s’asseoir tranquillement sur le
capot de son véhicule.

- Il va falloir que vous appreniez à mieux identifier les voitures et ses


occupants avant d’en faire découvrir autant, annonça-t-il en souriant et finalement
ravi de la tournure des choses. Ma voiture est une cinq portes et celle de votre
copain en a trois. Les détails, c’est quelque fois important !

- Je suis légèrement gênée, consenti-t-elle. Au moins, vous n’avez pas perdu


votre soirée en rencontrant une fille comme moi vous proposant un superbe
spectacle, vous en conviendrez… alors que mon copain va devoir s’expliquer,
enchaîna Bucky pour détendre un peu plus l’atmosphère et de définitivement faire
dissiper les derniers doutes de son interlocuteur.

- Ce début de soirée m’a comblé, il restera gravé dans ma mémoire un


paquet d’années répondit-il directement. Il sera également inoubliable pour vous…
mais avec des sentiments plus mitigés, je pense.

- Vous n’avez rien vu de plus que ce que vous ne verriez l’été sur la plage,
signala-t-elle.

- Mais vous avez bien mieux présenté les choses que lorsque je me balade
sur les plages !

- Vous pourriez me laisser me rhabiller ? Demanda Bucky d’un ton plutôt


directif. Je ne me sens pas super à l’aise là, devant vous, simplement en petite
culotte pour discuter.

- Dites-vous que nous sommes sur la plage !

- Dans ce cas, je vous propose de jouer à armes égales, je suis impatiente


de voir quel type de maillot de bain vous mettez. Je prends place sur le capot et
vous laisse vous dévêtir ?

38
- Délicieuse ! Souligna-t-il à son égard. La proposition est alléchante, mais
on va plutôt opter pour récupérer vos vêtements laissés… un peu partout. Je suis
relativement pressé.

L’inconnu à l’Audi blanche, qui avait bel et bien cinq portes, confirmant la
méprise de la pom-pom-girl, se mit en quête des vêtements de Bucky disposés de-
ci de-là autour du véhicule. L’étudiante, toujours les bras croisés par pudeur, ne
désirait pas l’assister au risque d’en montrer un peu plus en utilisant ses mains,
aussi le laissa-t-elle faire seul en le regardant avec insistance comme pour mieux
le découvrir. Âgé d’une trentaine d’années, relativement athlétique, grand, cheveux
courts et plutôt joli garçon. Elle ignorait pourquoi, mais elle sentait ce garçon
particulièrement mélancolique. Son petit spectacle lui avait pourtant
indéniablement redonné le sourire. Au moins quelqu’un avait-il gagné sa soirée !

Une fois qu’il eut mis la main sur l’ensemble des vêtements, le tout en un
temps record, Bucky lui indiqua d’ouvrir la porte arrière de son véhicule et de les
jeter à l’intérieur avec l’enceinte portable et le téléphone posé dessus.

- Vos vitres sont teintées, c’est parfait ! Je vais me rhabiller à l’intérieur de


votre voiture, merci de patienter dehors, ordonna Bucky calmement. Vous n’aurez
ensuite plus qu’à me ramener chez moi.

- Pardon ! S’exclama-t-il. Je veux bien croire que votre méprise de véhicule


vous pose quelques soucis d’ordre logistique, mais je dois aller à un tout proche
et rapide rendez-vous et je ne peux pas attendre ! Ajouta-t-il.

- Si c’est un rendez-vous rapide et tout proche aucun problème ! Vous


conduisez pendant que je m’habille, en gardant bien les yeux sur la route, et vous
me ramener chez moi une fois votre rencontre terminée. Vous n’oseriez pas laisser
une fille à moitié nue et seule sur une route sombre ? Je pourrais faire une
rencontre bien pire que vous ! Répondit-elle avec plein d’aplomb.

Cette proposition semblait avoir complètement abasourdi le propriétaire


du véhicule. Bucky savait s’y prendre avec les hommes et celui-là, même s’il était
plus âgé que ceux qu’elle fréquentait d’ordinaire, ne faisait pas exception à la règle.

- Je vous demande de rester cachée dans la voiture sans aucun bruit durant
mon rendez-vous. Je devais m’y rendre seul en théorie ! Finit-il par répondre.

Bucky ne doutait absolument pas de la bonne volonté de la personne en


face d’elle. Elle sentait que son comportement, malgré la situation au départ en sa
défaveur, avait changé la donne concernant le rapport de force avec son bel

39
inconnu. Elle prit même un malin plaisir à lui faire plusieurs sourires appuyés avant
d’entrer à l’arrière du véhicule. Sans pouvoir l’expliquer, elle se sentait en confiance
avec lui.

L’homme entra à son tour dans son véhicule pour le démarrer avant de se
diriger vers son lieu de destination.

Bucky, à l’arrière du véhicule, entreprit tout de suite de remettre ses


vêtements, soutien-gorge en tête. Sur la route, elle remarqua que le conducteur, en
direction de son rendez-vous et annoncé à moins de dix minutes via le GPS, avait
quelquefois les yeux sur son rétroviseur intérieur. Peut-être simplement pour
contrôler qu’il n’y avait pas de véhicule derrière lui, mais la pom-pom-girl ne
manqua cependant pas l’occasion pour profiter de cela au détriment de son
conducteur, à tort ou à raison, mais avec une forte probabilité à raison tout de
même.

- Je sais que je n’ai pas mon permis depuis longtemps, mais on m’a toujours
appris à faire seulement quelques contrôles à l’arrière. Serait-il possible que vous
regardiez plus vers l’avant que vers l’arrière ? Même s’il est vrai qu’à l’arrière, les
paysages semblent vous faire beaucoup plus d’effet qu’à l’avant, lui proposa-t-elle
sachant qu’elle le mettrait encore plus dans l’embarras.

On pouvait sentir le conducteur du véhicule gêné et cela fit rire Bucky,


totalement détendue.

- Il est difficile de se voir proposer un fantasme et de l’oublier sans être allé


au bout, tenta de se justifier le chauffeur qui détourna tout de même le regard de
son rétroviseur.

- Je pourrais effectivement vous faire fantasmer bien plus encore, mais je


ne quitterai plus mes vêtements ce soir, il faut bien laisser encore de la place à
votre imaginaire, lui répondit-elle.

- A ce propos rassurez-moi… vous êtes majeure ?

- J’ai dix-neuf ans, rassurez-vous, je suis légalement responsable de ce que


je fais. Vous n’aurez même pas à vous expliquer auprès de mes parents… et moi
non plus ! Vous n’imaginez même pas la tête qu’ils feraient ! Lui annonça-t-elle afin
qu’il soit totalement rassuré.

Durant le court trajet, Bucky put remettre sa tenue de pom-pom-girl avant


de regarder bien en détail, toujours via le rétroviseur intérieur du véhicule, sa

40
rencontre nocturne. Après réflexion, elle avait fini par l’identifier ; il était un des
rares spectateurs du match de ce soir qu’elle n’avait jamais rencontré auparavant.
Celui qui était resté longuement dans les gradins une fois la défaite de l’E2C actée.

Le véhicule finit par stopper sur un parking désert à cette heure. Bucky
reconnaissait le lieu, utilisé uniquement la journée pour les besoins de
stationnement d’une école primaire, celle de son enfance, toute proche.

- Vous restez couchée sur la banquette arrière de cette voiture et vous ne


bougez pas ! Lui expliqua-t-il pour la seconde fois, redevenant d’un coup très
autoritaire.

- Rassurez-moi, nous ne passons pas à un autre de vos fantasmes là ?


Parce que la banquette arrière, je ne suis pas aussi souple que vous pourriez le
croire…

Bucky s’arrêta de parler d’elle-même. Son interlocuteur était extrêmement


sérieux et ne semblait plus vraiment ouvert à l’humour. Ce rendez-vous devait être
quelque chose de très sérieux.

Elle lui fit un signe de la tête et se baissa avant que le moteur de la voiture
ne s’éteigne. Il sortit du véhicule pour se diriger un peu plus loin. Quelques instants
après, un autre véhicule sans doute imposant et électrique arriva à son tour. Une
discussion s’engagea entre les deux belligérants de ce rendez-vous bien
mystérieux.

***

La curiosité fut rapidement trop forte pour Bucky. Se sachant difficilement


détectable grâce aux vitres teintées du véhicule dans lequel elle était, elle tenta de
passer le regard au niveau de la vitre pour voir et éventuellement entendre plus en
détail la discussion. L’homme qui faisait face au trentenaire à qui elle avait
proposé un spectacle involontairement il y a peu, semblait plus âgé, probablement
la quarantaine, voire la cinquantaine, et à la vue de son costume noir, paraissait
quelqu’un d’important ; classe et discret avec des lunettes de soleil noires sur les
yeux d’une utilité plus que discutable à cette heure de la soirée. Il était resté dans
son véhicule, un pick-up Tesla imposant, de la même marque que le véhicule de
Bucky, fenêtre du conducteur ouverte pour cet échange dans un premier temps.

41
La discussion dura quelques minutes entre les deux hommes, mais, étant
éloignée de presque dix mètres et avec une voiture portes closes bien insonorisée
où elle se trouvait, Bucky ne put rien entendre distinctement de la discussion. La
voiture de l’homme en costume noir, finit par repartir avant que la portière, côté
conducteur, de la voiture dans laquelle elle était, ne s’ouvre. Une mallette et un
casque de moto furent jetés sur le siège passager avant que le mystérieux blond
ne s’asseye à sa place. Il se tourna immédiatement vers elle.

- Bucky, c’est ça ? Commença-t-il en demandant confirmation de l’identité à


sa passagère. Prenez vraiment au sérieux ce que je vais vous dire, si vous parlez
à qui que ce soit du rendez-vous de ce soir, vous risquez d’avoir de gros problèmes,
vous comprenez ? Et je ne pourrais pas corriger des choses vitales.

Bucky fit un signe de tête pour répondre positivement à son interlocuteur.


Elle ne savait absolument rien du but de cette rencontre, mais ce type de rendez-
vous ressemblait à une sorte de trafic auquel elle ne voulait rien avoir à faire, bien
que la curiosité soit d’ordinaire dans sa nature.

- Je vous le promets et je tiens toujours mes promesses aux beaux garçons.


Si vous évitez de parler de ce qui vous est arrivé un tout petit peu plus tôt ce soir,
ça sera notre petit secret ? Proposa-t-elle avec une voix douce, comme pour
supplier son interlocuteur de dire oui.

- Personne ne nous croira ni l’un et ni l’autre, finit-il par admettre. Donnez-


moi votre adresse, je vous ramène chez vous, enchaîna-t-il.

Bucky lui donna oralement l’adresse de la maison des Donerm au GPS sans
crainte. Elle allait pouvoir rentrer chez elle et remercia la chance pour ne pas être
tombée sur un "détraqué", bien qu’ayant assisté à un rendez-vous des plus
intriguant.

***

Il ne fallut même pas cinq minutes pour que Bucky soit ramenée à une
centaine de mètres de chez les Donerm. Son chauffeur préféra la laisser à distance
raisonnable de chez elle, pour rester sans doute discret. Il lui ouvrit la porte et lui
donna son enceinte, une fois sorti.

42
- Merci Bucky, lui dit-il d’un ton qui paraissait des plus honnête et sans
aucune méchanceté. Cette soirée aura été pleine de surprise, très agréable.

- Il y a des clubs spécialisés pour cela où vous en verrez encore plus si vous
appréciez ce type de spectacle ou… internet, lui répondit-elle. J’admets y être peut-
être allé un peu fort cette fois. J’essayerai de faire meilleure impression lors d’une
deuxième rencontre ? Interrogea-t-elle.

- Pourquoi ? Ça vous arrive souvent de vous mettre en avant de cette


manière ? Demanda-t-il sans répondre à sa question.

- On va simplement dire que j’aime être regardée et remarquée.

- Une jeune fille comme vous ne s’oublie pas si facilement, répondit-il la


laissant dans le flou totalement volontairement sur l’éventualité d’une prochaine
rencontre.

- Vous ne m’avez même pas donné votre nom, au cas où j’aurais besoin d’un
avis extérieur pour juger une nouvelle chorégraphie, peut-être un peu moins osée,
lui indiqua-t-elle alors qu’il était prêt à partir.

Il ferma alors sa porte puis ouvrit la vitre, côté passager, à laquelle Bucky
faisait face.

- C’est vrai, je ne vous l’ai pas donné, mais sachez que je serais toujours
volontaire pour évaluer vos prochaines démonstrations, dit-il avant de partir en
opérant un demi-tour… pour une destination inconnue.

Sans même réfléchir, elle se précipita vers la voiture pour taper à la vitre
alors qu’elle roulait à allure modérée. Il s’arrêta. Elle lui fit signe de baisser sa vitre.

- Un problème ? Lui demanda-t-il, en baissant la vitre.

Elle pencha rapidement sa tête pour lui faire une tendre bise sur la joue
avant de prendre la parole en le fixant de très près :

- Merci ! Merci de ne pas avoir profité de la situation, développa-t-elle.

- Ce fut un réel plaisir de vous découvrir, répondit-il avant de refermer la vitre


pour définitivement s’éloigner dans la nuit.

Bucky rentra chez son amie, finalement beaucoup plus tôt que prévu, mais
indemne, et vue la tournure des événements, elle ne pouvait pas en demander
plus ! D’autant que la rencontre qu’elle avait faite avait finalement été plutôt

43
plaisante. Elle n’était en tout cas pas contre revoir ce mystérieux inconnu. Il était
venu une première fois sur le campus, il y aurait sans doute opportunité de le revoir
là-bas.

***

Les membres de l’équipe de volley et les pom-pom-girls étaient encore


présents à la fête qui s’était organisée en toute dernière minute chez les parents
de Nolwenn. Bucky, après avoir passé la porte d’entrée, monta immédiatement se
changer dans sa chambre et aussi pour tenter de mettre de côté dans son esprit
ce qu’elle avait vécu, même si finalement, elle avait plutôt apprécié. Nolwenn et
Shandrill avaient immédiatement repéré son arrivée, bien trop tôt pour que tout se
soit passé comme prévu. Elles prirent rapidement la décision de la rejoindre dans
la chambre qu’elle avait de commune avec la fille unique des Donerm. Sur leur
courte route, elles croisèrent Antoine en bas des escaliers, qui semblait très gêné
et les cherchait.

- Je viens de recevoir un message de Creth, il a eu un imprévu et ne repart


que maintenant et directement chez lui, annonça-t-il à sa sœur et Shandrill.

- Bucky vient de rentrer il y a quelques minutes… et donc pas avec Creth !


Répondit Nolwenn à son frère.

- Comment a-t-elle fait pour rentrer alors ? Demanda Shandrill.

- Une chose est sure, Lily n’aura pas à m’embrasser lundi sur le campus,
tenta de plaisanter Antoine comprenant que quelque chose avait déraillé dans le
plan de la capitaine des pom-pom-girls.

Les deux filles montèrent les escaliers et frappèrent à la porte alors


qu’Antoine retournait en direction de Glaème, restée dans le jardin.

Bucky ouvrit la porte, vêtue simplement d’une serviette de bain autour


d’elle :

- Je vais me doucher, j’en ai bien besoin ! Leur dit-elle.

- Que s’est-il passé ? On vient d’apprendre que Creth avait eu un


empêchement pour te rejoindre, tenta de la questionner Shandrill.

44
- Je ne veux même pas en parler les filles. Quant à Creth, il a raté le
spectacle de sa vie et toutes ses chances avec moi après ça, souligna Bucky qui
venait d’apprendre de la bouche des filles cet empêchement.

A sa décharge pourtant, Bucky était bien consciente qu’elle ne lui avait


jamais donné son numéro de téléphone pour pouvoir la contacter. Regrettable
erreur.

- Rien de grave ? Insista Nolwenn, inquiète du pire.

Bucky préférait en dire le moins possible, comme elle l’avait promis à sa


rencontre du soir. Mais elle savait qu’elle ne couperait pas à un minimum de
réponses. Aussi se lança-t-elle :

- Non rien de grave, à part une légère humiliation qui sera difficile à digérer
quelques jours pour mon amour-propre.

Les deux amies se regardèrent puis fixèrent Bucky, comme pour lui dire
qu’elle en avait trop ou pas assez dit, en espérant que ce soit la deuxième option
qui soit choisie par leur amie.

- J’ai confondu de voiture, j’ai fait mon strip-tease… devant un inconnu !


Avoua-t-elle.

- Qui ça ? Demanda Nolwenn bêtement et machinalement alors que


Shandrill avec un large sourire se retenait de rire, pour ne pas froisser son amie.

- Je ne sais pas, un inconnu, c’est le principe de quelqu’un qu’on ne connaît


pas ! Il avait une trentaine d’année, un spectateur du match de ce soir, je crois.

Shandrill avait du mal à se retenir et finit par lâcher un petit éclat de rire
malgré toute sa volonté de ne pas le faire. Bucky la fixa immédiatement du regard
et pouffa à son tour, montrant ainsi que rien de bien grave n’était arrivé finalement.

- Et tu as arrêté à quel moment le strip-tease ? Demanda Nolwenn, curieuse


d’en savoir plus.

- Il avait des vitres teintées, je suis allé jusqu’au bout, jusqu’à lui demander
de venir enlever ma culotte lui-même… Oh mon dieu ! Finit-elle par lâcher en
souriant de honte avant de cacher son visage avec ses mains.

- Mais comment as-tu fait pour ne pas t’apercevoir que ce n’était pas Creth ?
Continua Nolwenn.

45
- Il avait le même véhicule, de la même couleur, je n’ai pas remarqué que
celui de Creth avait trois portes et celui-là cinq, se justifia Bucky.

- Et il a apprécié ? Osa Nolwenn après avoir lâché aussi un petit rire.

- Je pense qu’il s’en souviendra longtemps, concéda Bucky, de façon gênée.


Il m’a ramené chez moi après m’avoir laissé me rhabiller à l’arrière de sa voiture.
Les filles, s’il vous plaît, vous ne parlerez de ça à personne. S’il vous plaît, répéta-
t-elle.

- Ça va être difficile, on peut tout de même en parler à Glaème et Lily ?


Demanda Shandrill.

- Les filles, à personne ! Insista Bucky réellement gênée de ce qui venait de


se produire, mais sachant que les nouvelles de ce type se répandaient à une
vitesse effrénée dans un groupe de pom-pom-girls.

Ses deux amies finirent par acquiescer, sans doute faussement, avant que
Bucky n’entre dans la salle de bains. Nolwenn et Shandrill redescendirent pour
poursuivre un peu la soirée proposée plus bas. Elles ne croisèrent plus Bucky,
partit se coucher dans sa chambre, tout de suite derrière sa douche, après sa
soirée riche en surprises.

***

La soirée se termina à un peu plus de minuit, et après un rapide rangement


des lieux, effectué en soutien des parents Donerm, de Nolwenn, Antoine, Erik et,
Anita qui connaissait bien la maison depuis qu’elle fréquentait Erik de façon de
plus en plus proche, l’heure était venue de se coucher. Le père d’Erik, escorté de
son fils raccompagna Anita chez elle avec la voiture familiale. Elle dormait avec
sa sœur Lily dans une des chambres étudiantes dédiées au campus située près
du centre commercial de la ville. Antoine ne manqua pas, tout de même, de
questionner sa sœur sur ce qui s’était passé pour Bucky. Nolwenn lui répondit de
façon très simple :

- Creth n’étant pas venu, ce qu’elle avait prévu ne s’est pas fait, c’est tout.

Antoine semblait convaincu de la véracité de la réponse de sa sœur, puis


se dirigea à l’étage vers sa chambre, pour finir paisiblement sa soirée. Nolwenn

46
rejoignit Bucky pour en faire de même. Elle trouva son amie sous sa couverture,
en plein sommeil. Avec un minimum de bruit, elle rejoignit son lit pour enfin se
poser après une journée de cours et d’activités intenses.

***

Le dimanche matin, était très souvent chez les Donerm, comme dans
beaucoup de foyers, une journée de repos. Bucky fut la première à se réveiller.
Après s’être changée et avoir déjeuné avec la mère de Nolwenn, réveillée peu après
elle, elle décida de réviser quelques cours à l’aide de son ordinateur tablette en
attendant que son amie et le reste de la famille ne se réveillent. Elle n’avait pas
pour habitude de faire cela sans y être poussée par Nolwenn, mais aujourd’hui, il
était important pour elle de se changer les idées afin d’éviter de repenser à sa fin
de soirée dernière. Cela lui donnait également une excuse pour ne pas répondre
aux messages, laissés sur son smartphone haut de gamme, de Lily déjà au courant
que Bucky avait échoué dans son défi à propos de Creth. La nouvelle avait sans
doute dû se répandre via sa sœur Anita, pourtant bien occupée en deuxième partie
de soirée par une séance prolongée de bouche-à-bouche avec Erik.

Bucky n’avait pas pour habitude de ruminer sur le passé. Elle possédait une
capacité de résilience incroyable. Sa période de révision lui permit de passer outre
ce malencontreux événement dès la fin de la matinée. Elle ne put cependant
s’empêcher d’avoir une pensée pour l’homme qu’elle avait rencontré la nuit
dernière. Elle souhaitait le revoir sans pouvoir réellement expliquer pourquoi.

L’après-midi fut l’occasion d’aller au centre commercial à ciel ouvert, tout


proche, avec Nolwenn pour faire un peu de shopping après une séance de
massage Thai. Via avertissement par messagerie, elles furent rejointes par
Glaème, Shandrill, Anita et… Lily qui ne manqua pas, dès son arrivée, de tendre sa
main, paume ouverte devant Bucky.

- Je ne veux même pas en parler ! Dit Bucky tout en donnant les clés de sa
voiture à Lily. Tu nous ramènes avec, et elle est à toi pour la semaine, lança-t-elle.

- A deux portes près, je perdais sans doute ce pari, c’est bien dommage, dit-
elle pour taquiner son amie.

47
Comme anticipé par Bucky, sa petite mésaventure nocturne de la veille avait
déjà fait le tour de toutes les pom-pom-girls de son groupe, en plus de Lily, en
moins de vingt-quatre heures ! Nolwenn et Shandrill avaient dû déjà vendre la
mèche aux autres pom-pom-girls. Elle espérait juste que l’information ne s’ébruite
pas à tout le campus et que sa diffusion ne s’arrête qu’aux pom-pom-girls comme
c’était, fort heureusement, souvent le cas.

Les filles passèrent leur après-midi à s’acheter de nombreux produits dans


les différents magasins que proposait le centre commercial et de loisirs à ciel
ouvert. Elles y croisèrent bon nombre d’élèves du campus avec qui échanger et, à
son soulagement, personne ne parla à Bucky de sa soirée ratée de la veille. Les
informations parmi les pom-pom-girls se répandaient vite, mais une véritable
omerta, sur les événements plus ou moins honteux ou rocambolesques de
chacune d’elles, était de rigueur avec les personnes n’en faisant pas partie. Bucky
comptait sur cela et ça semblait être le cas, au moins pour ce jour.

48
Chapitre 3 : Surprise douce-amère

L’alarme du portable de Bucky sonna crescendo. On était lundi ! Une


nouvelle semaine commençait pour elle et tout son campus. Son dimanche lui
avait permis de faire table rase des événements du samedi soir. Du moins pour le
moment, car il était possible que son erreur d’identification de véhicule et ce qui
en avait suivi, soit sur toutes les lèvres du campus. Elle espérait réellement que
son groupe de pom-pom-girls et Lily resteraient silencieuses sur cette histoire. Sa
mésaventure pouvait lui valoir un passage à la commission de discipline du
campus.

Bucky et Nolwenn se préparèrent pour cette nouvelle semaine de cours.


Elles commençaient à bien reprendre le rythme des longues journées. Cependant,
les filles avaient dû effectuer quelques modifications dans leur rituel matinal afin
de partir bien à l’heure avec les garçons pour l’E2C avec la seule voiture désormais
disponible, quelque peu fatiguée par les années. Bucky était privée de la sienne
pour la semaine à la suite de son pari raté. Elle allait devoir s’adapter.

***

A son arrivée sur le campus accompagné d’une fine pluie et aux côtés de
Nolwenn, Antoine et Erik, Bucky remarqua que tous les yeux étaient rivés sur
l’imposant panneau d’information numérique de l’esplanade d’entrée de
l’établissement d’excellence. Une information unique, indiquée en grands

49
caractères, y était indiquée ; le professeur et entraîneur de l’équipe de volley-ball
masculine était officiellement remercié et un nouvel entraîneur et professeur
d’EPS le remplacerait dès aujourd’hui. Les rumeurs coexistant très rarement
quand les gens avaient quelque chose à se mettre en bouche, Bucky comprit que
cette nouvelle lui permettrait de laisser sa mésaventure sous le tapis… pour au
moins quelque temps.

Les joueurs de l’équipe de volley-ball prenaient l’info de façon enthousiaste


ainsi que l’ensemble des élèves du campus qui côtoyaient ce professeur d’EPS.
Sur le campus, celui qu’il fallait désormais nommer comme l’ex-entraîneur de
l’équipe de volley-ball masculine, passait pour un enseignant bien peu pédagogue
avec des méthodes définitivement dépassées. Nul ne semblait regretter son
départ. Certaines personnes étaient même à deux doigts de le fêter. Comme la
majorité des autres étudiants, Bucky ne l’appréciait guère et ses remarques sur
ses faibles capacités sportives l’insupportait au plus haut point. Elle y gagnerait
forcément au change !

Bucky n’eut cependant pas trop de temps pour digérer l’information et y


réfléchir de manière plus posée. Au niveau de son casier, Creth l’attendait ;
probablement pour s’expliquer de sa non-présence à son rendez-vous en privé
avec elle. Il avait intérêt à avoir préparé de solides arguments pour éviter son
courroux, pensa-t-elle, bien décidée à lui rendre la monnaie de sa pièce. Il lui avait
ni plus ni moins posé un lapin !

- Je t’écoute Creth, dit-elle impatiente d’en savoir plus, alors qu’elle arrivait
devant son casier pour y déposer son sac de sport en prévision de sa séance de
pom-pom-girl plus tard dans la journée.

Creth resta immobile en bafouillant vaguement, il semblait avoir du mal à


trouver ses mots.

- Tu oublies tes mots comme tes rendez-vous semble-t-il ! Critiqua-t-elle


cherchant clairement à le faire culpabiliser.

- J’ai oublié mon portable dans mon casier, je ne m’en suis aperçu qu’au
moment où j’allais partir du gymnase après le match. Je ne pouvais prévenir
personne et je n’avais pas ton numéro.

- Tu ne pouvais pas t’en tenir à venir à ma rencontre et aller chercher ton


portable plus tard ? Objecta Bucky.

- Je suis désolé, je n’étais même pas sûr de l’avoir oublié dans mon casier !

50
Bucky le regarda droit dans les yeux, comme pour lui montrer sa rancœur.
Elle savait cependant que Creth n’avait pas tous les torts. Jamais elle ne lui avait
laissé son numéro de téléphone. Si elle avait eu cette présence d’esprit, il aurait pu
la prévenir directement une fois son portable en main. Aussi décida-t-elle de lui
laisser une chance de rattraper ce malencontreux incident.

- Je te donne mon numéro de téléphone et tu m’appelles ce soir pour


m’inviter quelque part pour te faire pardonner. J’aime beaucoup le restaurant
Italien « Casa Mia » le long du canal, la soirée a intérêt à être parfaite ! Menaça-t-
elle pour laisser comprendre à son interlocuteur que tout faux-pas était interdit.

Elle s’approcha alors au plus près de lui pour lui déposer un léger baiser sur
la joue. Elle avait décidé de lui montrer que rien n’était terminé et que leur liaison
n’est pas encore à mettre aux oubliettes, à condition de s’en sortir correctement
ce soir !

- Je passe te rejoindre à la fin de ma séance d’entraînement, ça sera plus


simple ! Lui dit-il, bien décidé à se faire pardonner.

Bucky et Creth n’avaient, depuis leur rencontre, pas eu le temps de se


retrouver seuls. Ils ne se connaissaient finalement pas plus que cela. Bucky
souhaitait réellement mieux le découvrir et cette soirée serait le réel point de
départ pour se connaître un peu plus, la tentative d’après-match du week-end, bien
plus expéditive de Bucky ayant échoué. Ils se rendirent main dans la main à leur
premier cours de la journée, décidés tous les deux à se donner une autre chance.

***

Les garçons de l’équipe de volley-ball étaient impatients que la matinée se


termine. Dès le midi, après un repas léger et rapide, on leur présenterait leur
nouveau coach de volley-ball et accessoirement professeur d’EPS de la classe.
Aussi, lorsque la sonnerie de midi retentit, les volleyeurs masculins foncèrent,
comme un seul homme, pour récupérer un sandwich au distributeur de la cafétéria
afin de se retrouver le plus rapidement possible au gymnase. Ils se pressèrent
tellement, qu’ils arrivèrent avant même le nouvel entraîneur, quinze minutes plus
tôt que l’heure prévue.

51
L’ensemble de l’équipe, sous les conseils d’Antoine, décida de mettre ce
temps d’avance à contribution pour se mettre en tenue. Cela ferait sans doute bon
effet de montrer le volontarisme de l’équipe. Ils n’avaient pas la moindre idée de
comment cette première séance allait se dérouler, mais ils préféraient se montrer
sous leurs meilleurs jours. Des changements allaient certainement avoir lieu dans
l’équipe, et les garçons, pour les plus anciens, attendaient cela depuis des années,
même si l’ex-entraîneur n’était pas non plus, l’unique cause des résultats
calamiteux de l’équipe jusque-là.

Le directeur de l’établissement entra dans le gymnase. La présentation


allait se faire de façon officielle ; l’équipe, sans consultation entre eux préalable,
s’aligna debout juste devant le terrain. Le directeur se mit devant eux et prit la
parole :

- Messieurs, comme nous vous l’avons annoncé, votre entraîneur de volley


a pris d’un commun accord la décision de partir en retraite. Nous avons eu la
chance d’avoir une candidature de qualité, peu de temps avant, pour ce poste et
avons pris la décision immédiate de le contacter puis de l’embaucher après un
entretien très constructif. Il possède une solide expérience en tant que joueur,
entraîneur et même arbitre. Il est sans doute le choix le plus ambitieux de toute
l’histoire de ce campus pour ce sport. En travaillant ensemble, le volley-ball pourra
enfin être reconnu à sa juste valeur au sein de notre établissement, comme c’est
le cas pour le handball ou le basket. Nous devons montrer que cette équipe est
capable de gagner des matchs. Je vous demande donc d’accueillir la toute
première pierre à cet édifice, votre tout nouvel entraîneur, merci de le recevoir
comme il se doit : Béhuit Ciel ! Cria-t-il avant que l’intéressé n’entre dans le
gymnase.

Le nouvel entraîneur entra sous les yeux de l’intégralité de l’équipe de volley-


ball et quelques curieux, en majorité des effectifs étudiants du pôle informations
et médias du campus. Meyrie, la professeure des pom-pom-girls était également
présente dans les gradins pour découvrir son nouveau collègue. Quelques
applaudissements de bienvenue se firent entendre parmi les joueurs les plus
enthousiastes.

L’entraîneur qui prit place juste devant les joueurs était âgé d’une trentaine
d’années, plutôt imposant et était habillé de manière assez décontractée ; un jean,
un pull bleu et blanc. Il portait même des lunettes de soleil alors que la météo était
plutôt maussade ce jour. Afin de créer une sorte de protocole officiel, le directeur
de l’E2C serra la main du nouvel entraîneur avant de quitter les lieux.

52
- Avec tout mon soutien, dit-il avant une franche poignée de main et de
quitter le gymnase.

L’entraîneur semblait réfléchir à ce qu’il allait pouvoir dire avant de se


lancer. Il fallut attendre légèrement avant qu’il ne se lance :

- Bonjour tout le monde. Je vous propose de vous présenter, chacun à votre


tour, afin que j’essaie de mettre des noms sur les visages de chacun. J’ai pu
assister à votre dernier match en tant que spectateur, j’y ai vu, certes, des lacunes,
mais je pense qu’il y a du potentiel dans cette équipe. Qui est le capitaine ?
Demanda-t-il.

- C’est moi, annonça Antoine. Pour la première fois, il était fier de


revendiquer ce statut.

Béhuit Ciel, d’une taille d’environ un mètre quatre-vingt-cinq, vint lui serrer la
main avant de lui demander de se présenter ainsi que chaque membre de son
équipe. Antoine trouva la démarche pertinente.

Chaque membre fut présenté par le capitaine de l’équipe avant que


l’entraîneur n’entame une très courte discussion avec chacun des joueurs les uns
après les autres. Une fois les présentations faites, il demanda aux volleyeurs de
s’échauffer sous la direction d’Antoine, une première pour lui. Le tout se poursuivit
par quelques services et un petit match avec de nombreuses prises de notes sur
un petit carnet papier. Il prit également du temps pour discuter avec Meyrie et
répondre à la fin de l’entraînement à une sollicitation d’interviews de l’étudiant en
troisième année responsable du volley-ball ayant pris l’option « informations et
médias » prénommé Mathéo.

Il fut difficile pour les joueurs avec ce seul entraînement de jauger les
performances de leur entraîneur, mais le premier contact avait été bon ; ils ne
s’étaient pas fait réprimander à la moindre faute et Antoine avait pris de nouvelles
responsabilités ! Ils en sauraient plus le soir même avec un nouvel entraînement.
La seule chose à souligner fut le comportement limite de Creth qui passa un coup
de téléphone durant l’entraînement… pour réserver une table au restaurant Italien
le long du canal de la ville de Cley pour tenter de se racheter auprès de Bucky.
L’entraîneur lui avait demandé calmement d’éviter ce genre de chose durant
l’entraînement à l’avenir.

***

53
Les cours de l’après-midi, dans la classe de Bucky, d’anglais, de
mathématiques, voire de musique pour ceux ayant pris l’option, furent plongés
dans de nombreux apartés entre les joueurs de volley et les pom-pom-girls
concernant l’entraîneur. Les filles étaient impatientes de le rencontrer ; elles ne
portaient guère l’ancien dans leur cœur, notamment en tant que professeur
d’éducation physique et sportive. Bucky espérait notamment une bonne entente
avec Meyrie Dharcourt, leur enseignante pour la danse et l’activité de pom-pom-
girl. D’après les garçons, le courant semblait passer entre les deux, ce qui pouvait
laisser présager une saison paisible, particulièrement pour les déplacements lors
des matches extérieurs sur les campus étrangers. Du côté des garçons,
l’impatience était aussi palpable ; ils avaient hâte de faire leur premier
entraînement réel pour voir ce que cela donnerait.

Creth profita de cet après-midi-là pour confirmer un petit repas en


amoureux à Bucky après leurs entraînements respectifs dans le même gymnase.
Bucky était ravie de la soirée qui s’annonçait. Elle et Creth allaient mieux se
connaître grâce à leur premier moment seuls.

***

L’heure de l’entraînement était arrivée. Les joueurs de volley passèrent


directement par les vestiaires pour se mettre en tenue et être prêts le plus
rapidement possible. Les pom-pom-girls, de leurs côtés, avaient une dérogation
particulière pour être en tenue, si elles le désiraient, avant les cours de l’après-midi,
pour gagner du temps, grâce à un vestiaire spécifique dans les toilettes des filles
pour se changer durant la pause midi. Dès leur arrivée au gymnase, elles furent
surprises de voir Lily et son équipe de volley féminine, accompagnées de leur
entraîneuse sur le terrain, sans être encore en tenue. Meyrie était également
présente. Pendant que les garçons se changeaient, Béhuit, le nouvel entraîneur,
avait demandé à les rencontrer pour se présenter ! Les entraîneuses de volley-ball
et de pom-pom-girl demandèrent à leurs filles de s’aligner afin d’être présentées à
Béhuit Ciel. Bucky, Glaème, Lily, Shandrill, Nolwenn et Anita appliquèrent
rapidement la demande et s’alignèrent sans se mélanger, les pom-pom-girls sur la
gauche du terrain et les joueuses de l’équipe féminine de volley sur la droite. Les
filles bien que surprises par cette présentation, tout comme le furent les garçons

54
plus tôt le midi, trouvèrent la démarche louable. Bucky et les autres ressentirent
un léger pincement au cœur. Elles avaient l’impression de rencontrer le président
de la république, plaisanta même Nolwenn. Une chose était sûre, toute avait été
mise en œuvre pour mettre le nouvel entraîneur dans les meilleures dispositions
et tout le monde devait participer à l’effort pour cette intégration. La saison en
dépendait.

Alors que l’équipe de volley des garçons n’avait toujours pas pointé le bout
de son nez. Béhuit fit son entrée. Shandrill, la plus proche de la porte, vit le nouveau
en première :

- Déjà on y gagne au change physiquement, beaucoup plus agréable à


regarder, dit-elle avec une volumétrie contrôlée, afin que Meyrie ne l’entende pas,
mais que ce soit le cas pour ses équipières.

Les filles découvrirent de plus en plus près le professeur, âgé sans doute
d’une trentaine d’années. Mesurant plus d’un mètre quatre-vingts, les cheveux
courts et blonds, une barbe de quelques jours, des lunettes de soleil sur la tête et
un pull bleu et blanc qu’on aurait pu qualifier de démoder. Il semblait tout droit
sorti d’une pub de surf datée d’une trentaine d’années. Les filles eurent un large
sourire en le voyant. Il était beau garçon et c’était déjà un point appréciable pour
elles qui changeait radicalement par rapport au vieux débris qu’était son
prédécesseur. Pourtant, Bucky ne semblait pas partager l’avis des personnes
présentent, elle avait une mine totalement déconfite et ne put se retenir de lâcher :

- Oh la honte ! Dit-elle, suffisamment fort pour que l’ensemble des filles,


même celles de l’équipe de volley de Lily puissent l’entendre.

Les paroles étaient sorties de façon involontaire, mais montraient


clairement à ses amies qu’elle ne souhaitait pas du tout cette rencontre avec le
nouveau professeur.

- Que se passe-t-il Bucky ? Lui chuchota Nolwenn, juste à ses côtés, alors
que Béhuit était présenté à la capitaine de l’équipe de volley féminine qui n’était
autre que Lily.

Bucky semblait totalement prise à défaut, sans échappatoire possible et


pour cause ; Béhuit Ciel, le nouvel entraîneur des garçons avait été croisé il y a peu.
Béhuit n’était autre que la personne à qui elle avait, bien involontairement, proposé
un strip-tease durant le week-end !

55
- Je vais avoir le choix entre la mort ou la honte, lui répondit tout aussi
discrètement Bucky.

- Mais pourquoi ? C’est un de tes ex ou quoi ? Pourtant, tu ne fais pas dans


les vieux d’ordinaire ? Tenta de comprendre Nolwenn.

- Encore pire ! Répondit-elle, de manière toujours discrète.

- Tu vas lâcher le morceau ! L’incita Glaème qui était également


suffisamment proche de Bucky pour participer à la discussion, même à voix basse.

- Le strip-tease de samedi soir… C’était lui ! Finit-elle par avouer.

Alors que Bucky ne savait plus où se mettre, Nolwenn tenta de rester


stoïque devant cette révélation, tandis que Glaème ne put s’empêcher de lâcher
un éclat de rire qui se fit entendre de tous ! Tout le monde la fixa pour comprendre
ce qui se passait.

- Glaème, tu nous expliques ? Demanda Meyrie qui n’appréciait visiblement


pas son comportement vis-à-vis du nouvel entraîneur.

- Désolé, Meyrie, dit-elle simplement, en guise d’excuse et retrouvant


immédiatement son calme.

Béhuit continua à parler aux filles, une à une, et ce fut rapidement au tour
des pom-pom-girls d’être présentées. Bucky n’écoutait qu’à moitié, occupée à
trouver une improbable échappatoire pour éviter la rencontre. Le sursis fut
rapidement terminé lorsque Meyrie lui demanda de s’approcher en tant que
capitaine de l’équipe des filles à pompons pour présenter son équipe. Pour la
deuxième fois en deux rencontres avec Béhuit, elle ne savait pas à quoi s’attendre.

Elle sortit du rang pour se diriger vers Meyrie et, il fallait bien l’avouer, celui
qui avait les cartes en main pour la poursuite de ses études ici. Proposer un strip-
tease sur le campus, à son futur professeur d’EPS qui plus est, n’était pas interdit
en toutes lettres dans le règlement intérieur, mais il y avait peu de chances que la
direction laisse passer un tel comportement. Si l’information venait à être
divulguée, en plus d’être humiliée, elle serait probablement renvoyée pour attitude
non appropriée. Elle avait soudain l’impression d’être la condamnée qui
s’approchait de son bourreau.

- Voici la capitaine Bucky Délavigna, cinquième année, elle va vous


présenter les membres de son équipe, dit Meyrie.

56
Bucky, tête baissée, n’osait pas le regarder. Pourtant, au plus profond d’elle,
l’étudiante ressentait une agréable sensation de bien-être à retrouver son
chauffeur du samedi soir, malgré la situation. Son cœur se mit à battre bien plus
rapidement, elle eut l’impression qu’elle allait perdre connaissance sous peu
tellement la situation était insoutenable.

- Je suis sous le charme de votre équipe ! Même si j’ai cette impression de


déjà absolument tout connaître sur certaines d’entre vous depuis votre spectacle…
durant le match, précisa-t-il.

Pas de doute pour Bucky, il l’avait immédiatement reconnue. L’allusion était


facilement compréhensible. Elle aurait bien aimé lui dire quelque chose, mais elle
ne savait quoi répondre. Elle hésitait entre le renvoyer dans les cordes ou faire
profil bas. C’était la première fois qu’elle était dans la passivité lors d’un échange
avec quelqu’un. Elle, qui trouvait d’ordinaire toujours le moyen de répondre avec
habileté à son interlocuteur, ne trouva là rien de mieux que le mutisme, par défaut
d’idée.

- Bucky, regardez-moi, tout va bien… lui dit-il d’une voix douce.

- Tu vas bien Bucky ? Enchaîna Meyrie peu habituée à voir sa capitaine sans
aucune répartie. Bucky était bien connue sur le campus pour être quelqu’un de très
démonstrative dans tout ce qu’elle faisait. Le mot qui la qualifiait le plus était
« pétillante », mais aux yeux des autres, pour la première fois, elle semblait avoir
perdu toutes ses bulles.

Elle se décida finalement à regarder Béhuit dans les yeux. Quitte à être
humiliée et renvoyée, autant le faire avec force et honneur. Il lui fit un léger sourire
ainsi qu’un discret clin d’œil comme pour lui confirmer qu’il l’avait bien reconnu,
mais qu’il n’avait aucunement l’intention de lui causer du tort. Elle fut
immédiatement soulagée et pu respirer normalement.

- Bucky ? Redemanda Meyrie, en commençant à s’inquiéter.

- Oui, je vais bien, dit-elle en se reprenant d’un coup, rassurée par le


comportement de Béhuit.

Il lui prit délicatement la main pour lui serrer en guise de bonjour.

- Vous êtes donc en dernière année ici, c’est ça ? Demanda Béhuit.

57
- Oui, c’est exact, j’ai dix-neuf ans et c’est ma dernière année dans ce
merveilleux campus. Je vais vous présenter l’équipe, proposa-t-elle après
hésitation.

Rapidement, elle fit un pas de côté pour lui présenter sa partenaire la plus
proche, Glaème.

- Voici Glaème Spidze, également en dernière année, dit-elle en


l’accompagnant devant elle.

- La comique du groupe ! Ne manqua pas de faire remarquer Béhuit, à la


suite de son rire d’il y a peu.

- Veuillez m’excuser, je pensais à une amie qui s’était mise dans une
situation des plus compliquée et je n’ai pas pu me retenir, dit-elle parfaitement
consciente du moment cocasse.

Bucky la fixa droit dans les yeux. Elle voulait lui faire comprendre qu’elle
poussait tout de même un peu loin la taquinerie. Glaème sous-entendait qu’elle
était au courant de ce qui s’était passé entre Bucky et lui.

- Très heureux de savoir que vous êtes une équipe soudée… sans secret je
dirais, c’est important, se contenta-t-il de lui répondre avant de passer à la pom-
pom-girl suivante alors que les joueurs de l’équipe masculine sortaient des
vestiaires pour entrer sur le terrain.

Béhuit fit un geste de la main à Antoine pour lui indiquer d’approcher. Il lui
signifia, une fois plus proche, qu’un entraînement en commun avec l’équipe
féminine aurait lieu ce soir et qu’il était nécessaire, par courtoisie, de vider leur
vestiaire pour qu’elles en prennent possession. Les garçons étant invités à aller
dans les vestiaires d’ordinaire réservés aux visiteurs. Durant cette brève
interruption de la présentation des pom-pom-girls, Bucky avait eu le temps de bien
récupérer de l’ascenseur émotionnel que lui avait procuré sa deuxième rencontre
en trois jours avec son nouveau professeur d’EPS. Elle reprenait ses esprits en
même temps que sa répartie et essayait de préparer, de manière réfléchit, une
petite pique à envoyer, alors même que le moment était venu de présenter
Shandrill :

- Voici Shandrill D’argent, en quatrième année, qui m’a confié qu’elle vous
trouve déjà super… mignon, c’est donc un bon début ! Mais n’ayez crainte, en tant
que capitaine, vous n’aurez à faire qu’à moi, lui dit-elle.

58
- Ravi de vous plaire, répondit Béhuit après une brève hésitation et en lui
serrant la main. Il ne lui posa pas de question, Bucky venait certainement de mettre
Béhuit dans l’embarras. Elle put apercevoir également Shandrill légèrement rougir.
Gêner deux personnes en une seule remarque, Bucky avait retrouvé la répartie qui
la correspondait tant !

Le reste de l’équipe des pom-pom-girls fut présenté sans que Béhuit ne


relève plusieurs allusions discrètes de Bucky à propos de leur première rencontre.
La capitaine des filles aux pompons ne souhaitait pour autant pas en rester là. Elle
cherchait, sans comprendre réellement pourquoi, à pousser Béhuit dans ses
ultimes retranchements. Peut-être simplement pour se venger du fait qu’il ne lui
ait rien dit de son statut de professeur d’EPS lors de leur première rencontre ? Elle
finit par terminer la présentation des filles en apothéose et à portée d’oreille de
toutes les pom-pom-girls :

- Béhuit, je souhaiterais vous voir dans votre bureau à la fin des


entraînements afin de mettre quasiment à nu certains objectifs, si cela ne vous
dérange pas, bien évidemment, le tout dit avec un large sourire.

Bucky pu sentir le nouvel entraîneur une fois de plus désarçonné. Elle


désirait pourtant simplement le voir en tête-à-tête pour mettre les choses au clair ;
le rendez-vous secret qu’il avait eu ce soir-là n’avait aucunement fuité.

Bien que plus âgé, d’au minimum une dizaine d’années, cet homme la
captivait, il n’y avait pas le moindre doute pour elle. Béhuit donna son accord d’un
simple hochement de la tête avec un regard inquiet. Elle allait le rassurer
prochainement. C’était finalement elle qui était bien plus dans l’embarras que lui !
Il n’avait pas lieu de s’inquiéter.

***

L’entraînement du soir n’en fut pas réellement un pour les joueurs de volley.
Il avait été transformé en une sorte de tournoi mixte où joueurs et joueuses de
volley jouaient ensemble. Il y avait durant cette séance très particulière beaucoup
d’échanges à voix basse entre les deux entraîneurs de volley. Béhuit semblait
demander conseils à sa collègue sur certains points. C’était en tout cas une grande
première pour les joueurs et joueuses que de pratiquer cette discipline ensemble,
sans distinction de sexe et absolument pas dans les habitudes du campus ; pour

59
des raisons de puissance physique évidente, les cours d’EPS étaient séparés en
un groupe fille et un groupe garçon ! Ce nouvel entraîneur n’avait rien montré du
point de vue technique et tactique sur cette première journée, mais avait marqué
des points sur tous les autres critères. Une vraie délivrance pour Antoine et son
équipe.

Du côté des pom-pom-girls, on travaillait sur de nouveaux mouvements sur


le côté des terrains. En jetant des coups d’œil rapides vers les terrains, elles furent
ravies de voir et de sentir les joueurs prendre du plaisir non loin d’elles. Cette joie
se faisait également sentir sur leur entraînement qui se fit avec plus de sourire
qu’à l’accoutumée.

Les deux heures imparties s’achevèrent avec un peu de regret pour tous. Le
temps était passé trop vite. Alors que la majorité des présents se dirigeait vers les
vestiaires pour se doucher et se changer, Creth s’approcha de Bucky pour lui
rappeler qu’il avait tout prévu pour ce soir à propos de leur petit dîner en tête-à-
tête. Elle était heureuse des efforts fournis par le joueur jouant au poste de central
de l’équipe de volley-ball de l’E2C. La pom-pom-girl avait pourtant en partie la tête
ailleurs et ne lui répondit que par un furtif baiser avant de regarder en direction du
couloir donnant dans le bureau de Béhuit, non loin de là. Elle ne pensait plus qu’à
le revoir à l’abri des oreilles indiscrètes. Cette personne dégageait quelque chose
de particulier qui avait piqué sa curiosité. Retourner lui parler en tête à tête était
une envie irrésistible.

Avant même de se changer, Bucky se dirigea vers le bureau de Béhuit. Dans


le même temps, Nolwenn l’interpella :

- Que cherches-tu as faire ? Lui demanda-t-elle avec Glaème et Shandrill à


ses côtés.

- M’assurer qu’il ne parlera pas de vous savez quoi, répondit-elle


simplement.

- Commence par arrêter tes sous-entendus à chaque phrase avec lui, je sais
que c’est dans ton caractère, mais là, tu dois être prudente, c’est un prof ! Chuchota
Glaème.

Bucky savait que Glaème avait raison, même si son amie ne lui avait pas
épargné, elle non plus, une allusion à peine voilée lors de sa présentation avec
Béhuit.

60
- Je vais freiner un peu, vous avez raison, finit-elle par admettre, avant de
reprendre sa route vers le bureau du nouvel entraîneur, dans le même couloir que
les vestiaires prêtés aux filles à l’occasion de ce tournoi en commun avec les
garçons.

A son arrivée, Bucky remarqua que le bureau de Béhuit était grand ouvert.
Elle y aperçut le nouvel entraîneur en train de faire du rangement, probablement en
triant des documents que son prédécesseur avait choisi de lui laisser avant de
partir. Elle frappa tout de même à la porte pour lui signifier qu’elle était arrivée. Il
s’arrêta pour la fixer du regard :

- Bucky Délavigna ! Merci de sortir en refermant la porte derrière vous, je


vous laisse entrer sous peu.

La demande paraissait surprenante, mais Bucky l’appliqua après un signe


de tête pour lui indiquer qu’elle avait correctement compris son interlocuteur. Elle
sortit du bureau en fermant la porte derrière elle, avant d’attendre que la porte ne
s’ouvre ou qu’on lui demande de le faire. Elle ne comprenait pas vraiment la raison
de cette attente, peut-être souhaitait-il tout simplement présenter un bureau plus
ordonné avant leur discussion ?

Une bonne minute passa avant que la voix de Béhuit n’indique à Bucky
qu’elle pouvait entrer. Elle ouvrit la porte et s’aperçut immédiatement que le bureau
n’était pas plus présentable qu’auparavant. Assis confortablement sur son bureau,
Béhuit la fixait avec une télécommande à la main et lorsqu’elle referma la porte
derrière elle, une musique se fit entendre, il venait de la déclencher grâce à une
télécommande. Bucky ne mit pas longtemps à reconnaître cet air qu’elle
connaissait très bien, Birds ; c’était celui de sa chorégraphie lors de leur première
rencontre ! Il n’avait visiblement pas du tout apprécié ses petites remarques durant
l’entraînement ou peut-être pire. Bucky pensait à une tentative de chantage pure
et dure. Inutile d’avoir une grande imagination pour savoir ce qu’un trentenaire
pouvait demander à une jolie pom-pom-girl de même pas 20 ans en échange de
son silence ! S’était-elle trompée sur lui à ce point ?

- Si vous cherchez à me faire chanter, je préfère aller immédiatement voir la


direction pour me dénoncer. Je ne serai jamais une femme objet et soumise à
votre bon vouloir ! Protesta-t-elle décidé à lui montrer qu’elle ne s’abaisserait pas
à ce chantage.

- Désolé de m’être mal fait comprendre par ce geste… Vous m’aviez promis
de ne pas en parler ! Ce rendez-vous devait rester secret et vous leur avez tout dit !

61
Lâcha-t-il pour tenter de faire comprendre son mécontentement. Que dois-je faire
maintenant ? Aller prévenir la direction ? Dit-il tout en éteignant la musique.

- J’étais dans l’obligation de parler de ma rencontre avec vous, mais juste


aux pom-pom-girls de mon groupe et je vous jure ne pas avoir mentionné votre
rendez-vous privé qui a suivi. Vous m’avez fait promettre de ne pas en parler, et je
n’en parlerai pas, vous avez ma parole, se justifia-t-elle comprenant qu’il ne
cherchait pas à profiter d’elle d’une quelconque manière.

- Personne n’est au courant du rendez-vous d’après ?

- Absolument, je vous le jure ! Ayez confiance en moi. Quant à notre


première rencontre quelque peu insolite, ne vous inquiétez pas, ça ne sortira pas
du cercle des pom-pom-girls et c’est de toute manière compromettant pour moi et
pas pour vous, répondit-elle. Je comprends donc qu’il ne s’agissait pas de
chantage, mais de m’apeurer ?

- Et c’est raté ! En plus de passer pour un pervers maintenant ! Avoua-t-il.


Bucky, c’est vraiment très important. Si on a des doutes sur moi, je risque d’être…

- Cela n’arrivera pas ! Je vous serai d’un soutien sans faille sur ce campus,
coupa Bucky. A ma décharge, vous auriez pu me prévenir que vous étiez mon
nouveau professeur lors de notre précédente rencontre, j’aurais peut-être un peu
mieux préparé le terrain !

Béhuit acquiesça avant de reprendre la parole :

- Et maintenant, c’est quoi la suite ? Car je dois jouir d’une réputation


particulière auprès des pom-pom-girls de votre équipe en plus de passer pour un
mauvais maître chanteur et sûrement pour un entraîneur très nullissime qui a
besoin de ses collègues pour l’épauler.

- Je vous rassure sur ce dernier point, vous ne pourrez pas faire pire que
votre prédécesseur, et je vous annonce que vous avez fait un sans-faute pour le
moment. Concernant votre réputation, je ne souhaite pas vous mettre en difficulté.
Je peux même vous aider si vous le souhaitez. Vous me faites confiance ?

- J’ai le choix ?

- Non… mais vous ne le regretterez pas ! Pour vous montrer ma bonne foi,
je propose de passer vous chercher dès dimanche dans le but d’améliorer votre
popularité, proposa-t-elle alors qu’elle prenait un stylo sur la table du bureau pour

62
y inscrire son numéro de téléphone sur un des documents disséminés sur son
bureau.

- C’est-à-dire ?

- Contentez-vous de m’envoyer votre adresse et je viendrai vous chercher en


fin de matinée, répondit-elle, alors qu’elle commençait à sortir du bureau en y
ouvrant la porte.

- Vous m’avez fait fantasmer samedi soir, vous me proposez du rêve pour
Dimanche. A quelle fin ? Demanda Béhuit.

- Que vous m’idolâtriez ! Un professeur d’EPS pourra toujours m’être utile


dans mon fan club ! Rigola-t-elle. Sérieusement Béhuit, je ne cherche qu’à vous
remercier de m’avoir ramenée chez moi samedi soir alors que je m’étais mise, bien
malgré moi, dans une situation compliquée.

- Bucky, soyez rassuré, je ne parlerai pas de vos loisirs nocturnes illicites,


conclu-t-il.

L’étudiante fut totalement rassurée. Elle sortit en refermant la porte derrière


elle juste avant de la rouvrir pour y passer uniquement la tête :

- J’ai oublié de vous dire… excellent choix musical et vous avez bien fait de
me recadrer. J’accumule peut-être les maladresses à votre égard mais je ne vous
nuirai jamais non plus, lui dit-elle avec un rapide clin d’œil avant de repartir.

Bucky ne savait rien de ce que cachait Béhuit. Mais tout le monde avait ses
secrets et elle se promit de tout faire pour le protéger, lui qui en connaissait un sur
son activité nocturne du week-end… Une sorte de donnant-donnant, même si rien
de tel n’avait été formulé.

Un magnétisme pour son professeur se manifestait en elle. Attirance qui la


poussait de manière presque naturelle à essayer de mieux connaître cette
personne. Il fallait bien qu’elle l’admette, cet homme la fascinait déjà, en même
pas une heure d’échange au total depuis leur rencontre, elle lui faisait une
confiance aveugle.

***

63
Bucky s’était changé rapidement après s’être douchée en profitant des
vestiaires. Le bruit des douches avait couvert la musique pour le moins
embarrassante qui était passée brièvement dans le bureau de Béhuit, si bien que
Nolwenn, Glaème et Shandrill, n’ayant rien entendu, avaient demandé comment
s’était passé l’entretien alors qu’elles sortaient toutes du vestiaire. Bucky leur
annonça que tout s’était passé pour le mieux sans développer et commença à
complimenter son professeur d’EPS en affirmant aux filles qu’il semblait
sympathique, drôle et pro. Il n’était jamais trop tôt pour commencer à faire sa
promotion ! De toute manière, c’est réellement ce qu’elle pensait de lui, donc
aucune raison de taire les qualités que Béhuit Ciel semblait avoir.

Lorsque les filles sortirent du gymnase, elles purent apercevoir Creth qui
patientait près de sa voiture ; il attendait Bucky pour l’emmener au restaurant.
Toujours classe, l’étudiante avait cependant fourni un effort supplémentaire sur le
maquillage et la coiffure pour sa première vraie sortie avec lui. Alors que les autres
pom-pom-girls rentrèrent chacune chez elles en voiture, Bucky et Creth se
dirigèrent vers le restaurant avec la voiture -trois portes- du volleyeur.

***

La seconde partie de soirée de Bucky commençait sous les meilleurs


auspices. En cette heure tardive de début de semaine, ils étaient quasiment les
seuls sur la terrasse du restaurant au bord du canal de l’Ourcq, ce qui donnait de
l’intimité à ce rendez-vous. Creth avait fait l’effort de lui commander un joli bouquet
de fleurs qui avait été livré, par drone à deux pas de leur table, durant l’apéritif.

Ce dîner permit à Bucky de discuter pour la première fois tranquillement


avec Creth afin de mieux le connaître. Bucky monopolisa beaucoup la parole pour
parler d’elle, mais également pour questionner Creth qui se contentait de lui
répondre de façon brève tout en restant très attentif à ses dires. Elle trouvait
intéressant que son nouveau petit ami soit très à l’écoute de sa vie avant leur
rencontre et de ses goûts sur différents sujets.

Alors qu’ils se tenaient la main en mangeant leur dessert, Bucky délia


machinalement la sienne de celle de Creth pour consulter son smartphone. Il
vibrait pour annoncer la réception d’un message. Elle laissa paraître un large
sourire ; le premier de la soirée, lui fit remarquer le volleyeur. Mais,

64
malheureusement pour lui, il ne lui était pas destiné ; Bucky venait de recevoir un
message de Béhuit qui lui disait : « ok pour 10 h 30 dimanche, vous ne m’avez pas
dit ce qui était prévu » avec son adresse personnelle en complément. Elle
s’empressa de lui répondre : « nous allons soigner votre image ! ».

- Qui est-ce ? Lui demanda Creth.

- Rien d’important ! Menti la jeune femme.

- Alors pourquoi souris-tu uniquement maintenant, alors que tu ne l’as pas


fait de la soirée ? Rétorqua le volleyeur.

Bucky, ne souhaitant pas divulguer l’identité de son interlocuteur via la


messagerie instantanée, se leva de son siège afin de donner une allonge
supplémentaire à son corps puis dirigea sa bouche contre la bouche de Creth pour
échanger un baiser. Technique bien rodée pour faire une sorte de remise à zéro
dans la tête des garçons.

- J’ai passé une superbe soirée… merci, lui dit-elle une fois le baiser terminé.
Tu me ramènes chez moi ? Il est tard et nous avons cours demain, poursuivit-elle
en guise d’argument pour couper court à la conversation et à la soirée.

Après avoir payé la note du restaurant en parfait gentleman, Creth


raccompagna Bucky, satisfaite de sa soirée dans sa globalité. À la suite d’un
ultime baiser dans la voiture et d’un début de caresse sensuelle parcourant le long
de sa jambe, elle le quitta une fois ramenée à bon port.

La maison des Donerm était toute lumière éteinte. Seul le père de la famille
de Nolwenn était encore éveillé devant sa télévision. Il souhaita une bonne nuit à
Bucky, tout en lui faisant remarquer qu’elle rentrait tardivement pour une personne
qui avait cours le lendemain matin. Elle alla rapidement se coucher sans faire de
bruits, Nolwenn dormant déjà à poings fermés, pour essayer de trouver également
le sommeil pour être en forme le lendemain. Selon son planning, il était prévu
qu’elle commence sa journée de cours dès huit heures du matin par un cours…
d’éducation physique et sportive ! Le tout premier qu’elle aurait avec son nouveau
professeur : Béhuit Ciel. L’occasion peut-être pour elle et sa classe de mieux
connaître cette mystérieuse personne qui souhaitait garder secret un rendez-vous
en pleine nuit, avec quelqu’un semblait-il d’important, sur un parking désert.

***

65
Le réveil à six heures quarante-cinq du matin fut un véritable calvaire pour
Bucky. S’étant endormie à pas loin d’une heure du matin, elle manquait clairement
de sommeil. Nolwenn consciente de la rentrée tardive de la veille de son amie, lui
laissa un quart d’heure de plus pour récupérer en lui amenant directement au lit un
café au lait et une tartine de pâte à tartiner. Grâce à cette aide bienvenue de son
amie, Bucky ne les comptait plus tout au long de sa scolarité à l’E2C, les filles
n’eurent aucun retard pour partir en direction du campus. Antoine était au volant
et Erik sur le siège passager alors que les filles se contentaient des places arrière
du véhicule de la famille. Bucky, pour cause de défi perdu avec Lily, n’ayant
toujours pas, et ce, jusqu’à la fin de la semaine, son véhicule personnel devait se
contenter avec son amie de ce moyen de transport beaucoup moins tape à l’œil.

Bucky arriva sur l’esplanade du campus en même temps que Creth, qui lui
avait l’air plutôt en forme malgré sa nuit courte. Il se pressa de venir à la rencontre
de sa petite amie pour l’embrasser avec insistance avant de l’emmener en la
prenant par la taille vers les casiers. Le quiproquo du premier match de la saison
avait été définitivement oublié ; Bucky et Creth semblaient bien ensemble, même
si tout le monde savait qu’il fallait rester méfiant avec la capitaine des pom-pom-
girls. Elle ne pardonnait pas facilement les erreurs de ses petits amis et le vent
pouvait facilement tourner pour une futilité. Beaucoup de garçons de sa classe en
avaient déjà fait l’amère expérience !

Erik, un peu jaloux de la situation, chercha du regard Anita pour


immédiatement faire la même chose une fois sa petite amie repérée. Ne restait
plus qu’Antoine et Nolwenn qui durent se résoudre à se diriger vers les casiers
ensemble avant de se rendre avec les autres vers le secteur sport du campus. Leur
premier cours d’EPS avec leur nouveau professeur y était prévu.

***

Toute la classe s’était retrouvée sur l’un des gymnases du campus. A leur
arrivée, les élèves purent apercevoir Béhuit Ciel qui les attendait. Trois terrains de
volley-ball étaient déjà installés et prêts à l’emploi. Il n’y avait donc pas trop de
suspense pour les élèves sur le sport qui serait pratiqué ce jour. Personne ne fut

66
réellement surpris par ce choix. Pourquoi le professeur d’EPS ne commencerait
pas par ce qu’il maîtrise le mieux ? Bucky aurait fait le même choix à sa place.

Béhuit indiqua rapidement à tout le monde de s’asseoir devant une petite


table qu’il avait placée en face des gradins. Les joueurs de volley, filles et garçons,
passèrent par respect, lui serrer la main avant de s’installer. Bucky en fit de même
avec Glaème et Nolwenn le connaissant, elles aussi, de la veille contrairement aux
autres membres de sa classe qui ne l’avaient pas encore rencontré. Le professeur
attendit que tous les élèves soient correctement installés avant de prendre la
parole :

- Bonjour tout le monde, certains me connaissent déjà en tant qu’entraîneur


de volley-ball de l’équipe masculine. Je suis Béhuit Ciel, votre nouveau professeur
d’EPS. N’étant pas un adepte des discours politiques à rallonge, j’essaierai d’être
le plus bref possible. Tout d’abord, j’estime que l’EPS n’est pas une discipline
comme les autres, je vous demanderai donc de me tutoyer et de m’appeler par
mon prénom, je trouve que cela resserre les liens et permet d’être plus honnête les
uns envers les autres. A partir d’aujourd’hui, nous allons donc découvrir ou
perfectionner vos compétences dans certains sports cette année. Nous
commencerons par le volley-ball, car je dois bien avouer que cela m’arrange. Qui
n’a jamais fait de volley-ball parmi vous ?

Bucky connaissait déjà la réponse à cette question ; absolument personne !


L’effectif de la classe était toujours quasiment le même depuis trois ans et chaque
année entre cinq et dix séances de volley avaient été effectuées. Voulant montrer
qu’elle était décidée à tenir sa promesse d’épauler son professeur au mieux dans
sa tâche, elle prit l’initiative de prendre la parole en levant la main :

- Béhuit, tout le monde ici sait faire du volley-ball, du moins nous avons tous
les bases.

Nolwenn et Glaème regardèrent fixement leur amie comme pour montrer


leur stupéfaction ; c’était bien la première fois que Bucky prenait la parole à un
cours de sport de façon aussi volontaire, exception faite des questions qui se
rapportaient à la danse.

- Merci de me faciliter les choses, Bucky, répondit-il. On va donc entrer dans


le vif du sujet, vous allez tous vous échauffer en me faisant cinq tours de gymnase
en footing. Ensuite, je charge Lily, Estelle, Manon, Creth, Yvan et Antoine de monter
des équipes de six personnes équilibrées et mixtes avec au moins deux filles par
équipe. Les capitaines nommés seront chargés de diriger avec leur équipe un petit

67
échauffement de dix minutes avec les ballons. Nous ferons ensuite des petits
matches en dix points gagnants. Des questions ? Demanda Béhuit en guise de
conclusion.

Alors que Béhuit était en train de parler, Glaème, assise juste à côté de
Bucky lui mit un léger et discret coup de pied et lui lança un discret « fayotte ! »
afin de se moquer de son intervention. Cherchant volontairement, mais toujours
gentiment, à la taquiner.

Une main se leva immédiatement parmi les élèves une fois les explications
de Béhuit terminées, pour faire remarquer qu’en temps normal, les filles et les
garçons étaient séparés en sport. Béhuit balaya immédiatement la question en
précisant que ce ne serait pas le cas exceptionnellement aujourd’hui et peut-être
pour d’autres séances. Glaème leva alors la main à son tour :

- Nous sommes trente-cinq dans la classe, une équipe se retrouvera


seulement à cinq, fit-elle remarquer.

- Je vois qu’en plus d’être la comique du groupe, tu es aussi la


mathématicienne ! Lui répondit Béhuit, probablement en référence à son rire lâché
la veille au soir. Je compléterai l’équipe de cinq.

Alors que la plupart des élèves furent surpris, plutôt agréablement, de la


réponse de Béhuit ; les élèves n’ayant encore jamais vu un professeur d’EPS
participer avec eux à un sport quelconque, Bucky glissa sa tête vers Glaème pour
lui lâcher un discret « dans tes dents » en chuchotant, heureuse que, de manière
volontaire ou pas, Béhuit l’ai remise à sa place.

Les élèves partirent au même moment pour l’échauffement. Les cinq tours
de gymnase à allure modérée, surtout pour les pom-pom-girls, bien moins
sportives que les autres élèves, ne furent qu’un échange de tractations pour créer
les équipes. Béhuit avait intelligemment nommé les capitaines pour que les
équipes s’équilibrent d’elles-mêmes. Il s’agissait des six élèves et joueurs ayant
pris l’option volley. Pourtant, entre les affinités et le niveau théorique de chacun,
les cinq tours de course pour préparer les équipes ne furent pas de trop. La grande
perdante sur cette répartition fut Estelle, sans conteste la plus timide et réservée
du groupe, qui se retrouva avec quatre choix quasiment imposés dans son équipe,
dont Bucky et Nolwenn. Bucky fut un peu blessée par cette répartition. Elle se
doutait bien qu’elle allait, en tant que pom-pom-girl, faire partie des éléments
choisis par défaut, mais le fait que Creth ne la prenne pas dans son équipe l’avait
mise quelque peu en rogne, même si elle voulait ne rien laisser paraître. Il y avait

68
tout de même un point positif avec cette répartition, elle se retrouvait dans l’équipe
de Béhuit. Moment privilégié pour mieux le connaître en espérant l’apprécier
toujours autant.

Une fois le rapide échauffement avec ballon terminé, les différentes


équipes étaient prêtes à en découdre. Malgré la présence de Béhuit dans son
équipe, c’était à Estelle d’organiser l’équipe au mieux et de la diriger, Béhuit se
contentait uniquement de suivre le mouvement. Le premier match de l’équipe de
Bucky se fit contre celle de Creth. On pouvait remarquer que le petit ami de la pom-
pom-girl était totalement dans son match et ne prêtait aucune attention à elle.
Sans rien laisser paraître également, elle fit contre mauvaise fortune, bon cœur.

A la stupeur de Bucky qui, sans conteste, handicapait le niveau général de


son équipe avec Nolwenn, la partie fut beaucoup plus équilibrée que prévue. Béhuit
semblait certes un peu rouillé en tant que joueur de volley, mais il ne faisait pas de
doute en le regardant pratiquer ce sport qu’il avait dû avoir un niveau appréciable…
il y a quelques années de cela. Il se contentait de donner quelques conseils de
placement à Nolwenn, juste à côté d’elle sur le terrain, le tout avec une bonne
humeur communicative. Ce nouveau professeur semblait retrouver avec ce match
une sorte de plaisir de vie perdu depuis un moment. Même s’il cherchait à le
masquer avec des touches d’humour et de large sourire, il ne dupait pas Bucky ;
cet homme était intérieurement mélancolique pour une cause inconnue. Le match
s’acheva par une défaite avec seulement deux points d’écarts, pas si mal avec
deux pom-pom-girls dans l’équipe !

Le deuxième match fut un peu plus compliqué pour l’équipe de Bucky. Face
à l’équipe d’Antoine, possédant des éléments plus doués en sport, seulement deux
filles dans l’équipe et une meilleure organisation, il fut très compliqué de s’en sortir
en obtenant des points, surtout que les consignes de l’équipe adverse étaient
claires ; viser les espaces où se trouvaient Nolwenn et Bucky ! Bien sûr, Estelle et
Béhuit tentèrent d’épauler au mieux, voire de couvrir les « points faibles » de
l’équipe que les pom-pom-girls représentaient, mais cela ne suffisait pas. Il y eut
bien l’idée de la part d’Estelle de jouer également sur les éléments plus faibles
adverses, mais il s’agissait de Glaème, qu’Antoine avait pris avec un plaisir non-
dissimulé dans son équipe, qui possédait un niveau bien meilleur que ses deux
amies d’en face. Tentative avait également été faite par Nolwenn de déstabiliser
son frère durant le match en évoquant ses sentiments pour Glaème, mais ça
n’avait pas donné grand-chose. Le match se termina sur une lourde défaite. Pour
une fois, Bucky aurait bien aimé une victoire dans une séance d’EPS, simplement
pour contrarier Glaème.

69
Les matches s’enchaînèrent les uns après les autres sans que Bucky voit le
temps passer. C’était quelque chose de rare chez elle durant les heures d’EPS, pas
trop volontaire sur les efforts physiques hormis pour la danse. Son équipe finit par
gagner un match, certes contre l’équipe d’Yvan qui ne forçait pas trop à cause de
sa cheville encore incertaine due à sa mauvaise réception lors du premier match
de la saison de son équipe, mais jamais Nolwenn et Bucky n’avaient espéré gagner
quoi que ce soit avec cette équipe, Béhuit avait relevé le niveau de l’équipe avec
brio. Plus il jouait, plus il semblait retrouver un niveau intéressant, quasiment
identique à celui des garçons de l’équipe de volley qui l’entraînait. Ce n’est pas
avec son prédécesseur qu’on aurait pu vivre cela !

Le cours se termina sur cette bonne note pour Bucky, mais pas seulement
pour elle. Antoine, durant les matchs, avait réussi à se rapprocher un peu plus de
Glaème. Les quelques contacts physiques qu’elle avait pu remarquer entre ces
deux-là ne semblaient pas que sportifs. Après confirmation que Nolwenn
interprétait ces gestes de la même manière, les deux amies eurent la ferme
intention d’en savoir plus sur les sentiments réels de Glaème qui avait semblé
jusqu’à maintenant complètement hermétique aux garçons en général et à Antoine
en particulier, clairement le garçon qui était le plus sensible à ses charmes.

Les élèves durent quitter le gymnase un peu précipitamment. Béhuit avait


fait un rapide débriefing de la séance et les avait mis en retard pour le cours de
biologie qui avait lieu de l’autre côté du campus. Alors que toute la classe était
partie, Bucky prit le risque de rester avec Béhuit un peu plus pour discuter avec lui.
Elle en éprouvait l’envie.

- Je crois que tout le monde a passé un bon moment, lui dit-elle pour le
rassurer à propos du ressenti général de son tout premier cours d’EPS.

Béhuit la fixa du regard sans dire un mot. Cela la figea complètement. Le


fait qu’il ne réponde pas tout de suite la stressait. Avait-elle fait quelque chose de
mal ?

- Ne sois pas en retard, finit-il par lui répondre.

Elle ne savait pas trop comment interpréter ce retour, mais il avait le mérite
d’être factuel. Elle devait partir, car sans doute proche du retard non excusable
pour le prochain cours, mais alors qu’elle ouvrait la porte de sortie du gymnase,
Béhuit l’appela par son prénom. Elle se retourna immédiatement.

- A ce soir pour ton entraînement de pom-pom-girl, lui dit-il.

70
Soulagée, elle lui fit un petit sourire, mais choisit de ne pas lui répondre pour
courir très vite en espérant rapidement retrouver sa classe dans les temps. Elle
avait passé un excellent moment durant deux heures et cela semblait réciproque.
Et prendre du plaisir durant une séance d’EPS pour Bucky Délavigna, c’était un
exploit notable.

***

La fin des cours matinaux pour le moment du repas fut l’occasion de


beaucoup d’échanges entre les différents groupes d’élèves. Bucky fut heureuse
d’entendre que Béhuit avait fait, encore une fois, forte impression. L’idée de faire
un petit tournoi en mélangeant filles et garçons avait enthousiasmé les élèves.

Nolwenn ne tarda pas à utiliser ce ressenti général du cours d’EPS pour


aborder Glaème sur le sujet de ses contacts physiques avec son frère :

- Je t’ai trouvé très… ouverte avec mon frère durant ce petit tournoi, dit-elle
à son intention.

- L’équipe tournait bien, on a gagné l’ensemble de nos matches. On a


partagé un excellent moment.

- Tu semblais bien apprécier les contacts physiques avec lui en particulier,


insista Nolwenn.

- Bucky et toi en avez également eu avec votre professeur de sport et Bucky


semblait apprécier aussi… Doit-on en tirer des conclusions ? Répondit-elle
habillement pour n’être plus le centre d’intérêt de cette discussion.

- Ce n’était pas le même type de geste ! Se défendit Bucky. Je le trouve de


bon enseignement et sympathique, voilà tout. J’ai tout de même le droit
d’apprécier quelqu’un sans que tu te fasses des idées salaces à propos de lui et
de moi.

- Ne te fâche pas, répondit Glaème, surprise par la réaction de son amie. Je


cherchais simplement à te démontrer qu’il n’y avait rien de particulier entre Antoine
et moi, tout comme c’est le cas entre toi et Béhuit. C’est bien le cas ? Nous
sommes d’accord ?

71
- Bien évidemment ! Désolée… Se corrigea-t-elle, surprise de sa propre
réaction.

Bucky appréciait réellement Béhuit et ne cherchait pas à s’en cacher. Sans pouvoir
l’expliquer, elle avait une sensation de bien-être quand il était proche d’elle. Elle
était impatiente de le retrouver le soir pour l’entraînement de volley-ball et de pom-
pom-girl, commun en localisation.

***

L’entraînement du soir fut compliqué à gérer pour Bucky. D’une part, elle
commençait sérieusement à sentir le manque de sommeil de la veille et avait, de
ce fait, toujours un temps de retard sur la chorégraphie des pom-pom-girls par
rapport à ses amies. Et d’autre part, la concentration sur ses exercices laissait à
désirer. Elle était captivée par l’entraînement des garçons au centre du gymnase,
si bien qu’elle n’était pas totalement attentive aux directives de Meyrie, présente
ce soir. Bien trop curieuse de savoir comment se déroulait l’entraînement des
garçons sous les ordres de Béhuit Ciel. Elle se surprit elle-même en regardant bien
plus souvent l’entraîneur que les joueurs, y compris Creth.

Antoine, Erik, Creth et les autres membres de l’équipe de volley purent


goûter pour la première fois à un véritable entraînement de Béhuit. L’échauffement
fut très court pour enchaîner rapidement sur de petits exercices pratiques
imbriqués les uns aux autres qui ne permettaient pas aux garçons d’avoir des
périodes de récupération. La séance fut donc très physique et diversifiée. Les
joueurs n’avaient qu’une période de repos relative lorsqu’ils devaient, un par un,
assister Béhuit sur un exercice. Béhuit, durant la session semblait prendre de
nombreuses notes ; de grosses évolutions étaient à prévoir sur l’organisation de
l’équipe et c’était tant mieux. Pour Yvan, Creth et Antoine, cette année était la
dernière chance pour aller chercher un résultat. Antoine en avait particulièrement
besoin ; élève très moyen, cette option pourrait lui permettre de remonter sa
moyenne générale. L’idée de se faire remarquer de Glaème par des victoires n’était
pas non plus étrangère à cette motivation. Depuis plus de deux ans, la plus
brillante étudiante de sa classe lui plaisait et il ne pouvait pas compter sur ses
résultats scolaires pour l’impressionner, mais ses performances en volley-ball le
pourraient peut-être.

72
***

La fin de l’entraînement fut accueillie comme une délivrance pour Bucky et


l’équipe de volley, exténuées. Seul Creth ne semblait pas être à bout dans l’effectif,
il avait clairement une endurance physique au-dessus de ses équipiers. Les
étudiants rentrèrent rapidement aux vestiaires afin d’être le plus rapidement
possible chez eux dans leur lit. Bucky, littéralement au bout du rouleau de son côté
aussi, ne parla que brièvement à Creth pour aller se coucher au plus vite. La
capitaine des pom-pom-girls aurait bien été dans le bureau de Béhuit à la fin de
l’entraînement pour discuter un peu plus en détail du programme du dimanche,
mais elle n’en avait plus physiquement et mentalement le courage. Elle se promit
de ne plus jamais faire de soirée prolongée en semaine. Réussirait-elle à s’y tenir ?
Rien n’était moins sûr. Elle avait toujours de bonnes excuses pour y déroger. Elle
était jeune et elle voulait en profiter avant d’entrer véritablement dans le monde
adulte.

***

La récupération le long de la semaine fut lente pour Bucky du fait de


l’intensité de son planning. Elle ne se remit réellement de son manque de sommeil
que le vendredi ; jour qui commençait par son deuxième cours hebdomadaire
d’EPS.

Ce nouveau cours n’eut plus rien à voir avec le premier ! Les filles et les
garçons furent désormais séparés de part et d’autre du gymnase. Il n’y avait pas
le moindre match de prévu, mais uniquement un entraînement destiné à améliorer
les basiques des moins expérimentés, dont Bucky et Nolwenn faisaient partie, ou
des perfectionnements spécifiques, notamment pour les services, des autres
étudiants maîtrisant mieux la discipline.

Béhuit restait, quant à lui, au milieu du gymnase pour surveiller et conseiller


les différents groupes. Il était dans les faits, bien plus souvent sur
l’accompagnement du groupe de Bucky en corrigeant leurs défauts de
mouvements et leurs gestes que sur les autres plus expérimentés et donc plus

73
autonomes. Il semblait aussi quelques fois plongé dans une sorte d’absence d’une
dizaine de secondes totalement inexplicable en alternance avec des phases de
concentrations intenses. Ce n’était pas la première fois que ce type de
comportement se remarquait chez lui ; les joueurs de volley-ball garçons et les
pom-pom-girls avaient pu le découvrir lors de leurs entraînements. Des troubles
évidents de l’attention, suspecta Bucky.

Bucky, malgré toute sa bonne volonté, montrait un retard évident en sport


par rapport à ses autres camarades ; être dans un groupe avec quasiment que des
sportifs en n’ayant jamais pratiqué aucun sport, hormis la danse, en dehors de
l’école, depuis son enfance avait provoqué un gap irrécupérable dans cette classe.
Pour la première fois depuis son arrivée à l’E2C, elle avait un peu honte d’elle. Non
pas pour la note évaluative médiocre qu’elle aurait en sport, son niveau de
danseuse expérimentée et son capitanat de pom-pom-girl permettant de
largement rattraper cela, mais pour l’image qu’elle donnait d’elle vis-à-vis de Creth,
son petit ami. Il préférait clairement rester concentré sur son cours sans la
regarder une seule fois. Peut-être était-il mal à l’aise par rapport à ce qu’elle
montrait, totalement à l’encontre du comportement d’Antoine envers Glaème de
plus en plus proche l’un de l’autre malgré le déni de son amie. La non-mixité des
groupes ne les empêchait pas d’échanger fréquemment durant le cours. Elle
n’était pas non plus fière d’elle vis-à-vis de Béhuit. Promesse lui avait été faite de
l’épauler dans son activité et de lui faire sa promotion, mais le niveau qu’elle
affichait, lui permettrait-elle seulement de rester crédible en parlant de tout ce qui
se rapprocherait de plus ou moins près du sport avec ses camarades de classe ?

Elle fut agréablement surprise que son professeur prenne du temps pour
s’occuper exclusivement d’elle en tête-à-tête, durant cinq petites minutes des deux
heures que comportait le cours du jour, pour lui expliquer comment mieux
positionner son corps et ses bras afin de tenter d’améliorer un peu son niveau de
jeu, très perfectible. Déjà très maladroite en début d’exercice, la pom-pom-girl
perdit absolument tous ses moyens lorsque Béhuit lui saisit ses bras à l’aide des
siens, puis lui positionna son corps pour lui expliquer le mouvement correct à
effectuer. Ces contacts physiques lui avaient donné l’impression d’une sorte
de "reset" qu’elle était capable d’obtenir des garçons après les avoir embrassés.
Son cœur palpitait inexplicablement du fait d’un simple toucher. Par réflexe, elle
se crispa.

- Désolé, j’essayais simplement de te guider, lui indiqua-t-il, comprenant


sans doute que ses gestes pouvaient être mal interprétés.

74
Il la lâcha immédiatement, embarrassé et comprenant qu’il avait commis
une bourde en posant ses mains sur les bras et hanches de l’étudiante.

- Non c’est bon ! Lui répondit Bucky. Enfin, c’est bon dans le sens pas de
problème… pas dans le sens j’apprécie… ça ne veut pas dire que je n’apprécie pas
non plus quand tu me touches ! Enfin tu comprends ce que je veux dire, s’empêtra-
t-elle.

Nolwenn et Glaème, toutes proches en souriaient toutes les deux. Le


comportement de Bucky vis-à-vis de son professeur interpellait. Béhuit était la
première personne qui intimidait leur amie. On pouvait même remarquer qu’elle en
rougissait.

- Encore désolé, cela ne se reproduira plus, conclut Béhuit avant de se


diriger vers d’autres élèves.

Durant quelques secondes, la brune à la mèche fuchsia resta sans


esquisser le moindre geste. Elle se sentait dans un étrange état d’anxiété.

- Tu as un don certain pour perturber ton professeur ! Rigola Nolwenn.

- Je ne t’ai encore jamais vue aussi maladroite avec quelqu’un, enchérit


Glaème.

La capitaine ne répondit point, à quoi bon ? Elles avaient raison.

***

La fin du cours de volley-ball fut accueillie avec délivrance pour Bucky et


Nolwenn. Alors que Nolwenn cherchait le moyen le plus rapide pour quitter le
gymnase de peur d’être retenue du temps supplémentaire pour une raison
quelconque, Bucky attendait, comme au cours d’EPS précédent, que tous ses
camarades quittent le gymnase dans l’optique de se retrouver seule avec Béhuit.
Elle souhaitait simplement cette fois-ci s’excuser de son niveau catastrophique en
volley-ball et lui expliquer qu’il ne s’agissait en aucun cas d’une mauvaise volonté
de sa part. Puis éventuellement revenir sur sa réaction vis-à-vis du positionnement
de son corps lors d’un mouvement de réception au volley-ball.

Béhuit ne remarqua pas tout de suite que Bucky n’avait pas encore quitté
les lieux. Il semblait être plongé dans ses pensées. C’était décidément une

75
habitude chez lui. Un rêveur ? Bucky prit l’initiative de s’approcher un peu plus de
lui afin qu’il puisse la remarquer.

- Béhuit ? Lui dit-elle pour le sortir de ses songes.

Le professeur reprit immédiatement ses esprits pour la fixer. Il paraissait


étonné que quelqu’un, hormis lui, soit encore présent dans le gymnase.

- Ne te mets pas en retard, Bucky, dépêche-toi de rejoindre tes camarades,


et encore une fois, je m’excuse pour ce contact inapproprié entre nous deux, dit-il.

- C’est plutôt moi qui souhaitais m’excuser pour ma réaction


disproportionnée… et pour mon niveau. A part la danse, je ne suis pas très sport.

- Ton niveau n’est pas si mauvais. Tu es juste dans une classe très sportive
avec un niveau exigeant. Tu vas t’améliorer, à ton rythme ne t’inquiète pas. Sinon,
comment mes entraînements sont perçus ?

- Tu t’en sors très bien, j’ai l’impression. Vu mon niveau général en sport, on
s’adresse rarement à moi avec ce sujet de conversation, avoua-t-elle en toute
franchise. Mais les échos que j’ai ne sont pas mauvais.

- Alors tant mieux, maintenant dépêche-toi, on se revoit dimanche pour…


soigner mon image, c’est ça ?

- Bien sûr ! S’empressa-t-elle de lui répondre, je passerai te chercher avec


ma voiture que je dois récupérer demain, conclut-elle en partant rejoindre le reste
de sa classe pour son cours d’informatique.

Bucky avait l’intention pour ce dimanche de remettre à jour la tenue


vestimentaire un peu dépassée de son professeur, ainsi que sa coupe de cheveux.
Elle avait volontairement prévu d’aller dans un autre endroit que le centre
commercial de Cley, tout proche, afin de ne pas se montrer avec son professeur
et ainsi d’éviter toute question gênante. Elle prit même la décision de ne pas
prévenir ses amies les plus proches, y compris Nolwenn. Garder cela pour elle,
d’autant qu’elle sentait un intérêt croissant pour son professeur. Un toucher
physique pourtant anodin en cours l’attestait.

76
Chapitre 4 : Prémices

Il était à peine exagéré de dire que ce dimanche était attendu avec


insistance par Bucky. Elle voulait en savoir toujours plus sur le coach de volley-ball
des garçons qu’elle appréciait un peu plus, jour après jour. Depuis leur première
rencontre, cette journée était une véritable occasion de le faire. Son intérêt pour
Béhuit hantait même ses dernières nuits. Elle n’avait encore jamais ressenti un tel
magnétisme et de tels moments d’anxiété envers quelqu’un. Tout se mélangeait
et le moment pour elle était venu de clarifier ses sentiments. Intérêt amical, de
curiosité, ou attirance amoureuse ? La question lui trottait de plus en plus dans la
tête. S’agissait-il d’un coup de foudre qu’elle niait du fait de leurs différences ? Cet
état existait-il déjà réellement ? Il était en tout cas inédit chez elle.

Nolwenn ne connaissait pas l’agenda de la journée de son amie, mais se


doutait par son comportement, qu’elle préparait quelque chose qui la mettait dans
un état d’excitation inhabituel. Il s’agissait, selon elle, probablement d’un rendez-
vous avec un garçon, étant donné l’effort que son amie avait fait sur sa tenue et
son physique. Les détails de perfection avaient même poussé Bucky à faire
nettoyer l’intérieur et l’extérieur de son véhicule qu’elle venait de récupérer,
pourtant loin d’être laissé dans un mauvais état par Lily. La voyant prête à partir en
fin de matinée, elle ne manqua pas de la questionner :

- Je ne sais pas où tu vas, mais tu veux que je t’accompagne ?

- Si tu cherches à savoir où je vais, je ne te le dirai pas, répondit Bucky


comprenant immédiatement que sa meilleure amie cherchait à se renseigner sur
sa destination et surtout avec qui elle s’y rendait.

77
- C’est un rendez-vous avec Creth ? Pourquoi cherches-tu à ne pas en
parler ? Tu as d’ordinaire la langue bien pendue pour ce genre de chose.

- Bonne après-midi Nolwenn ! Se contenta de répondre Bucky qui tenta d’en


dire le moins possible.

Même s’il s’agissait juste d’un rendez-vous qui avait pour objectif de faire
gagner à Béhuit Ciel de la popularité, Bucky souhaitait rester muette sur cette
rencontre. Elle avait même prévu de l’emmener à une quarantaine de kilomètres
d’ici pour éviter toute rencontre fortuite non désirée.

Bucky quitta ainsi le pavillon des Donerm avec son véhicule récupéré la
veille sans donner le moindre indice à Nolwenn. Sa meilleure amie n’était pourtant
pas stupide, Bucky avait un comportement qui sortait de l’ordinaire depuis le début
de cette semaine.

***

En rentrant l’adresse de Béhuit sur son GPS, Bucky s’aperçut que son
professeur de sport habitait tout près de chez elle, à un peu moins d’un kilomètre
et dans le même quartier pavillonnaire de la ville de Cley. Elle arriva un peu avant
l’heure prévue devant les lieux. Dès son arrivée, elle se posa instantanément la
question de savoir comment un simple professeur de sport âgé d’une trentaine
d’années seulement, avait pu se payer, ou même louer, un tel pavillon qui s’offrait
à ses yeux. En effet, depuis l’implantation du campus, tout proche, les prix de
l’immobilier avaient littéralement explosé et le bien dans lequel Béhuit résidait était
flambant neuf, ou plus vraisemblablement très récemment rénové, et surtout
gigantesque ! Au bas mot deux-cents mètres carrés habitables avec un garage et
une petite cour d’entrée piétonne et véhicule. Peut-être vivait-il tout simplement
chez ses parents ou en couple avec une personne à la situation professionnelle
des plus confortables, chose qui la tracassait plus que tout ! Il fallait qu’elle se
l’admette, elle préférait le savoir célibataire, même si elle n’était pas encore
certaine de ses sentiments.

Cherchant rapidement à en savoir plus, elle entra dans la propriété puis


sonna à la porte. Elle remarqua dans la cour d’entrée, qu’en plus du fameux coupé
blanc Audi à cinq portes, une moto sportive neuve à prédominance rouge était
stationnée dans l’allée menant au garage durant le petit temps d’attente que

78
Béhuit mit avant de lui ouvrir sa porte d’entrée. Elle le découvrit en train de
s’essuyer les cheveux, avec une serviette uniquement autour du bassin et torse nu,
assurément tout droit sorti de sa salle de bain ! Un moment très sympathique
visuellement parlant pour elle.

- A cette heure-ci, je croyais te voir un peu moins vêtu… heu plus… je voulais
dire plus ! Corrigea-t-elle immédiatement.

Elle avait complètement bafouillé dans ses dires en voyant son professeur
de sport, torse à l’air, qui ne la laissait pas indifférente. Il fallait bien avouer qu’il
était plutôt joli garçon et de surcroît à son goût.

- Pour me voir nu, il aurait fallu passer quelques minutes plus tôt. Là, tu me
vois ni plus ni moins comme je serai sur une plage ! Sourit-il en faisant référence
à leur toute première rencontre. En fait, j’ai dû faire un peu d’exercice ce matin
avant notre rendez-vous, j’ai donc par égard pour toi dû prendre une douche. Je te
laisse entrer le temps que je finisse de me préparer…

- Je suis navrée, ma langue a fourché se justifia-t-elle. Depuis notre


rencontre, j’enchaîne les bourdes avec toi, avoua-t-elle en parfaite transparence,
tout en se maudissant intérieurement d’avoir fait un raté monumental dans sa
dialectique.

- Bucky, tout va bien, assura-t-il. Je sais bien que notre première rencontre
a été quelque peu singulière, mais tu n’as rien à craindre de moi et je te remercie
de m’aider à m’intégrer plus rapidement. Allez, entre… ne reste pas dehors !

- Je ne vais pas te déranger, tu n’habites peut-être pas seul ? Questionna-t-


elle tout en cherchant à savoir si son professeur partageait avec d’autres
personnes cette immense pavillon.

- J’habite seul ici, lui dit-il en retournant à l’étage, probablement pour se


vêtir.

Laissée seule au rez-de-chaussée, Bucky entra plus en avant que le simple


seuil d’entrée, comme elle avait été invitée à le faire, pour y découvrir un immense
salon qui se prolongeait sur une cuisine ouverte qui donnait sur un grand jardin-
terrasse avec piscine et sauna, le tout avec une vue dégagée et à seulement une
dizaine de mètres des berges du lac du campus. Le mobilier du salon et la cuisine
équipée, sublime, semblaient également flambants neufs. Bucky n’avait même
pas vu la totalité du rez-de-chaussée et avait déjà pu confirmer que cette demeure
n’était clairement pas dans les moyens d’un simple professeur de sport. On était

79
bien plus sur un niveau de vie équivalent au sien ou pour être exact, à celui de ses
parents. Indice supplémentaire, il fallait ajouter la valeur potentielle de la moto
neuve qui ne devait sans doute pas être donnée non plus question tarif.
Finalement, seul son véhicule semblait en phase avec ses moyens théoriques.
Même si en parfait état, l‘Audi était, en effet, sans doute plus âgé qu’elle. Il avait
dû en prendre soin tout au long de ces années.

- Ta maison est superbe, un vrai piège à filles ! Cria Bucky afin d’être
entendue à l’étage plus haut pour essayer d’ouvrir la discussion sur l’origine de la
fortune de son hôte.

- Dois-je comprendre que toutes les femmes sont vénales et matérialistes ?


Entendit-elle en guise de réponse de l’étage supérieur.

- Elles te répondront toutes que non, mais crois-moi, ça augmentera


considérablement tes chances de les charmer ! Indiqua-t-elle.

- Ce n’est pas la mienne ! C’est la maison familiale de l’un de mes amis. Elle
vient d’être remise à neuf afin d’être vendue dès que j’aurais trouvé un logement,
lui répondit Béhuit, alors qu’il descendait les escaliers pour la rejoindre, désormais
entièrement vêtu.

- Je te suggère de lui dire que tu ne trouves pas le moindre logement pour


rester le maximum possible ici, c’est très beau ! …Et la moto, c’est la tienne ?

- C’est la sienne, elle vient juste d’être livrée et il me la prête en attendant


pour la rôder. Il est actuellement en déplacement professionnel et nous sommes
tous deux motards, alors j’en profite. D’ailleurs je ne sais pas où nous allons, mais
nous pourrions y aller à moto ? Proposa-t-il.

- Nous allons aux galeries Lafayette sur Paris pour revoir ton look et
t’acheter un vêtement bien précis pour les matchs. Pour être honnête je n’ai jamais
fait de moto et je pensais que nous irions avec ma voiture pour que je te conduise
là-bas, rétorqua Bucky un peu prise au dépourvu par la proposition.

- Je te rassure, je ne te demande pas de piloter un tel engin, c’est moi qui


conduirai la moto et je dispose d’un sac à dos suffisamment grand pour y mettre
des vêtements.

- Je ne suis pas trop en tenue pour faire de la moto et je n’ai pas de casque,
objecta-t-elle.

80
Il est vrai qu’elle s’était habillée en jupe droite et plutôt courte, pas idéal pour
ce moyen de locomotion.

- J’ai un blouson et un casque couleur fuchsia à disposition, cela va


forcément te plaire vu que ça ira avec ta mèche de cheveux de la même couleur.
Je vois que tu portes des collants avec ta jupe et tu as des bottes longues, tu
n’auras pas froid, je t’assure. La vraie question est donc, as-tu peur de la moto ou
es-tu prête à faire quelque chose de nouveau aujourd’hui ? Nous gagnerons
également du temps vu qu’il y aura moins de ralentissements sur la route avec un
deux roues.

Bucky se mit à frémir un instant. Béhuit avait clairement bien préparé son
coup et les arguments qu’elle avait avancées avaient été balayées d’un revers de
main. Elle n’avait jamais fait de moto et, à son âge, découvrir de nouvelles activités
était quelque chose de très excitant. Pourtant, un paramètre important retenait son
enthousiasme. Le contact prolongé entre elle et lui sur la moto ; s’il avait le même
effet sur elle que durant le dernier cours d’EPS, sa crispation risquerait peut-être
de créer une perte d’équilibre du deux roues.

- La proposition est intéressante, mais je ne voudrais pas créer un accident


si je me crispe… de peur, se justifia-t-elle.

- Tu auras juste à te tenir à moi. Crispée ou pas, cela n’entraînera aucune


répercussion sur ma conduite et promis, je serai prudent, lui dit-il en ouvrant un
placard du salon avec tout l’équipement nécessaire. Bucky, tu m’as dit de te faire
confiance pour cette sortie et le reste, fais-en de même avec moi pour le
déplacement.

La proposition, bien qu’anodine, provoqua un stress incroyable chez Bucky.


Ses mains en tremblaient légèrement. Elle ne pouvait plus se voiler la face et avait
déjà la réponse à ce qu’elle pressentait depuis quelques jours, et ce, avant même
le début officiel de leur journée commune ; elle avait complètement craqué pour
lui ! Cette situation la pétrifia d’autant plus, qu’elle ne savait pas comment y
répondre étant donné le statut d’étudiante et de professeur qu’ils avaient l’un par
rapport à l’autre. Elle se bloqua de peur face à l’inconnu de la suite des
événements. Plus de mouvements, plus de prises de paroles possible, sa
respiration se bloqua. Une crise d’angoisse couvait…

Béhuit lui tendit l’équipement nécessaire pour une sécurité correcte sur ce
type de véhicule ; un blouson renforcé, un casque et des gants, le tout noir et
fuchsia alors que Bucky n’avait toujours pas esquissé le moindre geste où la

81
moindre réponse. Il prit alors la décision de l’aider à enfiler le blouson en lui tendant
une manche afin qu’elle y glisse son bras.

- Fais-moi confiance, lui dit-il pour l’encourager.

- J’ai un peu peur, finit-elle par lui dire en ne faisant pas uniquement allusion
au voyage à moto.

La confirmation d’un coup de foudre à retardement était maintenant


évidente. Elle, qui savait très bien s’y prendre d’ordinaire avec le sexe opposé,
n’arrivait même plus à répondre à une simple proposition de déplacement à moto !

- Je te promets que je suis un excellent conducteur ! Appuya-t-il avant que


Bucky ne se décide à passer son bras, puis l’autre dans les manches du blouson.

Elle se demandait quand elle allait pouvoir récupérer au moins une partie
de ses facultés. Elle n’arriva même pas à attacher la fermeture-éclair du blouson
à l’aide de ses mains encore tremblantes. Heureusement, Béhuit prit l’initiative de
lui fermer et de lui enfiler son casque, le tout parfaitement à sa taille. A croire que
l’équipement avait été acheté pour elle !

Une fois tous deux équipés et prêts à partir, Béhuit démarra la moto. Le
stress des sentiments de Bucky laissa place au stress, bien plus contrôlable pour
elle, de son premier voyage à moto. Une fois Béhuit prêt et la moto démarrée, il lui
fit signe de monter derrière et lui indiqua de bien mettre ses bras autour de son
torse pour ne pas tomber. Bucky savait qu’elle allait devoir bien s’accrocher ; la
moto, sans avoir même avancé, dégageait déjà une puissance impressionnante.
On était loin de la puissance d’un simple scooter, elle chevauchait un véritable
monstre mécanique !

***

La route vers les galeries Lafayette à Paris fut forte en émotion pour Bucky.
Elle prit rapidement un réel plaisir à se laisser pousser par des accélérations de
plus en plus franches au rythme des kilomètres, au fur et à mesure qu’elle indiquait
à Béhuit, via l’intercom des casques, qu’elle était en confiance. Elle était également
dans une situation de bien-être incroyable en le serrant dans ses bras, pour
prévenir toute chute. Le contact physique prolongé avec lui, mélangé à l’adrénaline
de son premier voyage à moto, lui fit perdre toute notion du temps. A leur arrivée,

82
elle fut tout simplement incapable d’évaluer la durée du trajet effectué… trop court
à son goût ! Une chose était sûre, elle avait adoré cette première à moto, qui plus
est avec une personne pour qui elle avait des sentiments aussi intenses.
L’étudiante attendait déjà le chemin du retour avec impatience, prête à renouveler
l’expérience.

C’était désormais à son tour d’impressionner Béhuit. Tout était déjà planifié.
Elle se dirigea avec le trentenaire chez un coiffeur haut de gamme où elle avait pris
rendez-vous. Son professeur de sport, malgré des cheveux déjà coupés courts, ne
posa même pas de question et s’installa avec confiance sur l’un des fauteuils du
salon à la demande de Bucky. Le but n’était pas réellement de couper les cheveux
de Béhuit encore plus courts, mais de lui poser un rajout d’une tresse, couleur bleu
ciel, l’autre couleur du campus de Cley avec le fuchsia, d’une vingtaine de
centimètres sur le côté du crâne juste derrière l’une de ses oreilles, ainsi que de lui
tailler sa barbe irrégulière pour la rendre moins fouillis.

Bucky qui égalisait grâce à un deuxième coiffeur, et en même temps que


Béhuit, sa longueur de cheveux d’un noir profond et colora de nouveau son coin de
mèche fuchsia, ne quitta pas des yeux l’évolution de la coupe et surtout du rajout
de Béhuit. Elle la fit même modifier par trois fois pour être certaine d’un excellent
rendu. Elle était en ces lieux, totalement dans son élément, à l’aise. Elle souhaitait
le montrer à Béhuit qui ne s’inquiétait pas le moins du monde. Il semblait lui faire
une confiance aveugle et était dans une relative sérénité, ce qu’elle appréciait. Le
résultat arriva quelques minutes après et sembla plaire à Béhuit. Il possédait
désormais une tresse bleu ciel d’une vingtaine de centimètres et une barbe courte
correctement égalisée. Elle avait tout simplement relooké à son goût son
professeur et elle se savait de bon goût. Le résultat plairait donc forcément. Ce
style bad-boy mannequin lui allait très bien !

Une fois les coiffures terminées, Bucky avait prévu de manger avec Béhuit
dans un restaurant avec lui. Elle proposa donc de l’inviter, mais elle ne savait
absolument pas quoi lui proposer comme type de restauration. A la trentaine, on
n’avait pas forcément les mêmes goûts qu’à son âge, même si ses parents
l’avaient habitué, aussi, à des restaurants "haut de gamme" voire étoilés. La pom-
pom-girl lui proposa donc de choisir pour ne pas se tromper. L’essentiel était de
lui faire plaisir. Une bonne surprise pour elle, Béhuit appréciait la cuisine Italienne
de manière générale, tout comme elle, et ils prirent donc l’option tous deux d’aller
dans un restaurant de ce type, tout proche. Ils avaient au moins un point commun
concernant les goûts culinaires. Un bon point pour partager des moments
ensemble.

83
***

Bucky fut impressionnée par le plaisir que prenait son professeur d’EPS à
manger une simple entrée tomate mozzarella suivie d’une pizza reine et d’un
banana split pour dessert. A ses dires, il n’avait pas souvent l’occasion de manger
des choses aussi bonnes. La cuisine du restaurant n’avait pourtant rien
d’exceptionnel en soi. Mais elle était heureuse de savoir que Béhuit passait un
agréable moment en sa compagnie et ne chercha pas à en savoir plus sur cet
engouement incroyable pour un menu somme toute ordinaire.

Ce repas fut l’occasion pour tenter d’en savoir un peu plus sur son
énigmatique professeur en le questionnant. Malheureusement, elle n’eut pas
grand-chose à se mettre sous la dent. Béhuit semblait tout faire pour prendre la
direction de leurs échanges, si bien qu’elle avait dit pas mal de choses sur elle et
ne put en savoir que très peu sur lui. Simplement que ses parents étaient décédés
et qu’il revenait tout juste sur la région après avoir vécu un peu partout en province.
Elle était également intriguée par les messages réguliers qu’il recevait sur sa
montre connectée et son portable, tout au long de leur discussion ; ils n’arrêtaient
pas de vibrer !

- Je vois que tu es quelqu’un de très demandé, souligna Bucky.

Elle venait de remarquer, une fois de plus, la montre de Béhuit vibrer alors
qu’il était en train de terminer son dessert ; un énorme banana split qu’elle aurait
été incapable de finir rien qu’en pensant au nombre de calories qu’il contenait !

Béhuit ne répondit point et se contenta de mettre la main sur son portable


pour sans doute répondre au message qu’il venait de recevoir. Moins d’une dizaine
de secondes plus tard, le portable se mit à vibrer de nouveau.

- On est proche du harcèlement, je pourrais témoigner en ta faveur ! Insista


la pom-pom-girl cherchant à obtenir l’attention de Béhuit.

- J’en conviens, finit-il par dire avant de décider d’éteindre purement et


simplement ses dispositifs connectés, passablement en colère.

- Des problèmes ? Demanda-t-elle, prête à le soutenir et en savoir plus sur


l’interlocuteur qui le bombardait littéralement de messages depuis le rendez-vous
chez le coiffeur déjà.

84
- Rien que tu ne puisses résoudre malheureusement… simplement l’histoire
de ma vie. Je préfère continuer de profiter de ce moment plutôt que de parler de
ça.

- Comme tu veux, répondit Bucky, ravie d’apprendre que Béhuit appréciait


cet instant avec elle et ne voulant surtout pas le braquer.

- Je me demande d’ailleurs ce que tu fais ici, avec un professeur d’EPS, alors


que tu devrais être avec tes amis, voir ton petit ami.

Bucky se trouva profondément embarrassée sur la réponse à apporter à


cette affirmation. Elle hésitait à lui dire qu’elle passait un excellent moment avec
lui et qu’elle ne souhaitait voir personne d’autre actuellement. Elle se sentit, une
fois de plus dans cette journée, tremblante avec des difficultés à soutenir le regard
fixe de Béhuit. Elle ne put se sortir de la situation qu’avec l’aide, plus que
bienvenue, de son portable qui se mit à vibrer à son tour. Il s’agissait de Creth qui
cherchait à la joindre !

- Je vois d’ailleurs que c’est lui qui t’appelle, souligna Béhuit qui pouvait voir
s’afficher le nom de l’appel entrant sur le téléphone de Bucky, posé sur la table.

Bucky profita de la situation pour pouvoir s’isoler un moment en sortant du


restaurant pour retrouver ses esprits. Elle ne prit même pas la peine de décrocher
son téléphone ; Creth lui laisserait certainement un message vocal. Elle utilisa son
temps, éloignée de Béhuit, pour reprendre de profondes bouffées d’oxygène dans
cet air pourtant difficilement respirable de la capitale. Il fallait qu’elle retrouve son
calme avant de retourner aux côtés de Béhuit.

Une fois apaisée, elle coupa également son téléphone, pour éviter tout
dérangement, puis passa directement au comptoir du restaurant pour régler
l’addition. Béhuit protesta quelque peu. Il voulait au moins régler sa part de la note,
mais Bucky lui fit comprendre qu’elle souhaitait régler intégralement cette journée
qu’elle lui avait organisée en guise de remerciement pour son silence concernant
sa dernière activité nocturne. Ne restait plus pour elle qu’à l’emmener dans un
magasin de vêtements pour homme, haut de gamme bien entendu. Bucky n’avait
pas l’intention de faire les choses à moitié pour l’aider… et l’impressionner !

***

85
Béhuit semblait très surpris de se retrouver devant un magasin des galeries
Lafayette qui ne vendait que des costumes. Avant même de rentrer, il interrogea
immédiatement Bucky :

- Je ne suis pas certain qu’acheter des costumes hors de prix m’aidera à


paraître un professeur « cool ».

- Tu es correctement habillé pour la semaine, mais tu vas avoir besoin d’une


image beaucoup plus sérieuse les jours de matches. Les entraîneurs de volley
d’aujourd’hui portent tous des costumes dans ces moments. On va donc te
prendre un costume sur mesure bleu ciel qui se mariera parfaitement avec ta
mèche de cheveux et nous allons également te prévoir une chemise blanche avec
un col et une cravate fuchsia, qu’en penses-tu ? Demanda-t-elle.

- Je ne suis pas expert en communication et encore moins calé sur la mode.


Tu m’as demandé de te faire confiance, alors je me repose sur ton expertise en la
matière. En revanche, les prix sont exorbitants, je refuse que tu dépenses une telle
somme d’argent, protesta-t-il.

- Tu as des amis riches. Moi, ce sont mes parents qui ont de gros moyens.
Je refuse que tu paies quoi que ce soit ! Renchérit-elle. Cet achat ne se remarquera
même pas sur mon compte en banque.

- C’est à Creth que tu devrais offrir ce type de cadeau, pas à moi. Il en a déjà
laissé passer un merveilleux le soir du dernier match, souligna Béhuit.

Bucky n’avait jamais clairement indiqué à Béhuit l’identité de son petit ami.
Cela n’avait cependant pas dû être compliqué à déduire étant donné que Creth
était le seul garçon du campus à posséder la même voiture que lui, avec deux
portes en moins ! Elle aurait aimé lui répondre qu’elle préférait sortir avec lui plutôt
qu’avec l’un des joueurs de son équipe, mais il n’en était absolument pas question.
Elle devait d’abord réfléchir sereinement, et donc loin de lui, avant de lui faire part
des émotions qu’il faisait monter en elle.

- Tu m’offriras un service en retour et nous serons quittes, cela te convient-


il ?

- Du moment que tout est légal dans ce service et que tu ne me demandes


pas de te faire un strip-tease, je peux l’envisager, sourit-il.

Bucky rougit quelque peu de la réponse ; il était loin d’avoir oublié sa


prestation de leur première rencontre. Au lieu de la gêner, Bucky éprouvait un

86
plaisir coupable que son professeur ait apprécié. Avait-il une attirance pour elle ?
Il fallait qu’elle se l’avoue, elle avait fait très fort avec son professeur. Elle se
contenta finalement de le faire entrer dans la boutique en acquiesçant les termes
du marché qu’elle avait proposés.

La pom-pom-girl, tout comme pour le coiffeur, analysait les moindres


détails de la future tenue de l’entraîneur de volley alors qu’il restait en retrait. Il ne
semblait absolument pas dans son monde, mais Bucky maîtrisait suffisamment
les codes de ces lieux pour deux. Sa mère, lorsqu’elle était présente, et pas en
déplacement professionnel, faisait régulièrement des journées shopping avec sa
fille à Néom-The Line, l’endroit où elle vivait hors période scolaire. Elle put donc
passer commande après avoir pris les mensurations de Béhuit via une cabine 3D
spécifique et convenir d’une livraison directement chez lui pour le milieu de la
semaine d’après. Béhuit aurait donc son costume à disposition dès son premier
match en tant qu’entraîneur.

Une fois le but atteint, Bucky et Béhuit rentrèrent ensemble après avoir bu
un café en terrasse. Il la remercia plusieurs fois pour sa gentillesse et lui annonça
qu’il n’oublierait pas qu’il lui devait un service. Elle ne réussit, pas plus qu’au
restaurant à le faire parler de lui. Il était décidément très secret sur sa vie privée.
Elle n’était pas aveugle, malgré ses sentiments pour lui ; il cherchait à garder secret
des pans entiers sur sa vie.

***

La pom-pom-girl ayant pris en assurance à moto à l’aller, autorisa Béhuit à


une conduite plus sportive pour le retour. Elle ne fut pas déçue du résultat. Cet
engin était une véritable bête de compétition et Bucky sentit durant le trajet
plusieurs fois la roue avant décoller du sol sous les puissantes accélérations. Elle
qui, d’ordinaire, était assez craintive avec ce type d’activité n’eut pas la moindre
sueur froide. Béhuit maîtrisait incroyablement bien sa monture et le fait de se
coller à son conducteur lui procurait la sensation que rien ne pouvait lui arriver.
Très heureuse de ce moment, Bucky se sentit même, l’espace d’un instant, liée par
connexion spirituelle avec son professeur. Elle avait l’impression de lui
transmettre ses émotions. L’étudiante aurait apprécié, finalement, un trajet plus
long en sa compagnie avec ce moyen de transport, tout comme à l’aller. Le fait de
slalomer entre les voitures et de subir des accélérations importantes sur les

87
portions de route où cela était possible fut une agréable découverte, à renouveler
au plus vite. Avec lui aux commandes et personne d’autre.

***

L’après-midi était passée rapidement et il était déjà presque dix-sept heures


lorsque la moto stoppa juste devant la maison de Béhuit dans un ultime
vrombissement de moteur. Bucky accompagna Béhuit chez lui afin d’y déposer
l’équipement moto.

- Je te remercie Bucky, j’ai hâte de vivre mon premier match pour voir
l’image que je renvoie.

- Pro et dans l’ambiance du campus. Les élèves et collègues vont adorer, lui
répondit Bucky, sure d’elle. Grâce à la touche Délavigna, tu vas marquer des
points !

Il était maintenant de rigueur de se dire en revoir. Bucky avait terminé ce


qu’elle devait faire. Sa promesse avait été honorée. Pourtant, elle ne bougea point.
Elle ignorait comment dire en revoir à son professeur après cette après-midi
passée ensemble. La bienséance devait l’amener à une simple poignée de main,
pourtant elle espérait secrètement au moins une bise de sa part, comme pour
acter un rapprochement à l’issue de cette journée. Elle fantasmait même d’un doux
baiser sur ses lèvres. Ses espoirs furent rapidement anéantis… lorsque Béhuit lui
tendit la main :

- Merci encore pour ce moment de détente, Bucky. Je t’aurais bien proposé


de rester un peu pour profiter de la maison, mais j’ai du travail.

L’étudiante lui serra la main en retour, sans savoir trop quoi lui répondre,
elle préféra rester muette et partir. Cette poignée de main, somme toute logique,
l’avait tout de même déçu.

***

88
Bucky rentra en moins de cinq minutes chez Nolwenn qui ne manqua pas
de l’interroger sur son emploi du temps de l’après-midi dès son arrivée. Elle se
contenta de lui dire qu’elle avait fait une sortie à Paris sans rien mentionner d’autre.
Elle savait qu’elle ne pourrait pas garder secret longtemps ce rendez-vous avec
Béhuit, mais avait décidé de ne rien dire à Nolwenn pour le moment. La priorité
était, pour Bucky, de savoir quoi faire des sentiments qu’elle avait envers son
professeur d’EPS. Elle souhaitait aller plus loin avec lui de façon de plus en plus
claire dans son esprit. Mais cela était risqué pour elle… sans doute plus encore
pour lui !

Elle ralluma son portable pour s’apercevoir que Creth avait tenté de la
joindre par deux fois pour lui proposer une sortie. Elle ne le rappela pas. La nuit
portant conseil, elle serait sans doute quoi faire demain, après les perspectives
qu’ouvraient cette journée.

***

C’était bien la première fois en semaine que Bucky se réveillait avant toute
la famille Donerm, et pour cause, elle était déjà en train de prendre son petit
déjeuner à cinq heures du matin. La nuit n’avait été pour elle que succession
d’insomnies et de micro-siestes. Béhuit avait hanté sa nuit. Bien que plus âgé d’au
moins dix années, bien que cachant des choses à son sujet, et bien qu’il soit son
professeur d’EPS, elle avait pris une décision durant sa nuit agitée ; elle se refusait
de ne pas tenter sa chance avec lui. Pourquoi refouler ses sentiments ? Elle était
consciente qu’elle risquait de se prendre une fin de non-recevoir par l’intéressé,
mais elle se persuadait que le destin avait choisi de les faire se rencontrer le soir
du premier match de volley de la saison. Une simple différence d’âge et de statut
ne bloquerait pas cette envie.

Nolwenn la rejoignit dans la cuisine une dizaine de minutes plus tard,


encore à moitié endormie et avec une coupe de cheveux des plus désordonnée,
mais clairement poussée par la curiosité.

- Faisons le point ; sortie plus que mystérieuse hier après-midi et réveil ce


matin à cinq heures. Bucky, tu as des choses à dire à ta meilleure amie !

Bucky lui servit une tasse de café avec un bol de céréales préparé à
l’avance. Son amie la connaissait parfaitement et malgré le fait que Nolwenn

89
n’avait pas l’expérience en termes de garçon que pouvait avoir Bucky, elle
souhaitait se confier et avoir un avis sur ce qu’elle ressentait.

- C’est un garçon ! Poursuivie Nolwenn, alors qu’elle se faisait servir le petit


déjeuner par son amie.

Bucky hocha la tête avant de commencer à prendre la parole :

- C’est quelque peu différent cette fois…

- Et il ne s’agit vraisemblablement pas de Creth, coupa Nolwenn.

- En effet, je vais lui dire que je préfère stopper notre relation. Écoute
Nolwenn, le garçon avec qui je suis sorti hier après-midi me fait véritablement
vibrer, je n’arrête pas de penser à lui. Je voudrais tenter de lui annoncer mes
sentiments pour ne pas avoir de regrets. Mais j’ai besoin d’avoir ton avis par
rapport à la situation particulière que nous avons l’un par rapport à l’autre.

- C’est Béhuit ! Répondit du tac au tac Nolwenn.

Bucky la regarda avec des yeux grands ouverts qui devait sans doute
montrer toute sa surprise. Son amie avait tapé juste, sans laisser paraître la
moindre hésitation !

- Comment le sais-tu ? Demanda Bucky qui ne comprenait absolument pas


comment elle avait pu deviner.

- Lors du dernier cours d’EPS. Je ne t’ai jamais vu aussi prise au dépourvu


avec un garçon que lorsqu’il t’a tenu pour te montrer comment faire une manchette
correcte au volley-ball. On aurait dit une poule tenant un couteau ! Rigola-t-elle.

- Alors ça se voit tant que ça ? Demanda-t-elle un peu gênée.

- Comme le soleil en plein jour ! Lui confirma Nolwenn. Mon père me le dit
souvent ; la pauvreté et l’amour sont les choses les plus difficiles à cacher sur
cette terre.

- Cet homme me déstabilise complètement, j’ai envie de lui avouer qu’il me


plaît, mais il s’agit de notre professeur, je voudrais savoir ce que tu en penses ?

- Je te connais Bucky, tu as toujours été singulière avec les garçons, une


fois que tu en a un dans la tête, tu ne peux pas t’empêcher de tenter ta chance
avec lui, mais cette fois, c’est ton professeur d’EPS ! Le règlement intérieur du
campus, que je n’ai pas lu dans les détails, interdit ce type de relation à coup sûr,

90
surtout du côté du professeur. Si relation il y a entre vous deux, Béhuit risque tout
simplement de se faire renvoyer du campus. Je sais pertinemment que tu
essaieras d’avoir une aventure avec lui, alors je ne te dirai pas de ne pas le faire.
Sache seulement que s’il accepte une relation entre vous, vous devrez rester très
discrets, du moins jusqu’à la fin de l’année. Si vous êtes encore ensemble d’ici là,
tu ne seras plus élève et donc lui plus ton professeur.

- Merci de ne pas me prendre pour une folle Nolwenn, répondit Bucky, très
heureuse de voir son amie la soutenir. Tu peux m’aider à faire en sorte que l’on se
retrouve seul à seul à la fin d’un cours ou d’un entraînement de volley ?

- Bucky, beaucoup d’éléments jouent en ta défaveur sur ce dossier, c’est ton


prof ! Et de sport qui plus est, alors que tu es lamentable dans ce domaine. Il a au
minimum dix ans de plus que toi. Il y a une forte probabilité pour qu’il refuse de
sortir avec toi.

- Je préfère savoir qu’imaginer, affirma Bucky.

Un bref silence et Nolwenn reprit la parole :

- On va t’aider alors.

- Comment ça "on" ? Demanda Bucky en inclinant légèrement la tête.

- Je ne suis pas la seule à avoir remarqué ton petit manège avec Béhuit. Je
pense que toutes les pom-pom-girls de notre groupe, avec Glaème en tête, s’en
sont aperçues ou ont été mises au courant par les autres. Rassure-toi, comme
d’habitude notre groupe gardera le secret. Mais s’il te plaît, ne fais rien avant que
nous en ayons parlé avec les filles du groupe, tu veux bien ?

Bucky était à deux doigts de sauter de joie. Elle regrettait encore plus de
vivre déjà sa dernière année d’étude avec son groupe de pom-pom. Le soutien
qu’elles avaient les unes envers les autres était indéfectible et passait en premier
plan. Elle était désormais certaine qu’elle pourrait, elle l’espérait rapidement,
avouer ses sentiments en restant discrète grâce à une probable diversion de son
groupe d’amies.

Les deux filles prirent tranquillement leur déjeuner avec un supplément de


vitamines C avant de se reposer une heure supplémentaire. La journée allait être
longue, une fois de plus, car un entraînement de pom-pom-girl était prévu après
les cours avec les garçons de l’équipe de volley et… Béhuit.

91
***

La nouvelle, désormais officielle, des sentiments de Bucky pour Béhuit se


propagea comme une traînée de poudre au sein des pom-pom-girls. Tout comme
pour son épisode du strip-tease, elle avait confiance sur le silence de son groupe
afin que la nouvelle ne s’ébruite pas plus. Par sécurité, Lily ne fut pas mise au
courant de la situation. Une réunion informelle était prévue le soir avant
l’entraînement pour évoquer le sujet. Il n’y avait plus qu’à attendre de ce côté-là
pour Bucky d’avoir le feu vert avant de déclarer à son professeur son penchant
pour lui.

Dans l’immédiat, la priorité était pour Bucky d’annoncer à Creth qu’elle


mettait fin à leur relation, peut-être à l’issue de l’entraînement commun de ce soir ?
Se dit-elle. A moins que les intercours de la journée ne lui permettent de le faire
avant, mais elle estima que mettre fin à une relation entre un cours d’anglais et de
mathématiques était un manque de respect pour Creth. Elle souhaitait éviter cela
et se contenta de l’éviter durant toute la journée de cours.

***

Les pom-pom-girls affiliées au volley-ball s’étaient donné rendez-vous dans


un des petits espaces verts du campus juste devant le gymnase du cours prévu à
dix-neuf heures. Si des filles comme Bucky avaient terminé les cours depuis dix-
sept heures, d’autres avaient dû écourter leurs derniers cours d’option hors sport
pour se retrouver à dix-huit heures trente à ce conciliabule. C’était le cas
notamment de Nolwenn, qui avait dû indiquer à sa professeure de harpe un
impératif l’obligeant à partir plus tôt que d’ordinaire.

Nolwenn, Glaème, Shandrill, Anita et toutes les autres filles du groupe


étaient présentes pour discuter avec leur capitaine dans cet endroit de verdure au
calme. L’ordre du jour était déjà connu ; les sentiments amoureux de Bucky envers
Béhuit.

Une fois l’équipe de pom-pom-girls au complet, Bucky commença par


remercier toutes les filles une à une pour leur présence avant de prendre la parole :

92
- Je suis vraiment touchée les filles que nous soyons, depuis cinq ans pour
certaines d’entre nous, si proches les unes des autres. Cette petite réunion
informelle est une idée de Nolwenn que je remercie, mais concerne en fait ma
personne propre. Je vous demande de prendre soin de ne pas divulguer à qui que
ce soit ce que je vais vous dire. La plupart de vous sont déjà au courant, mais je
souhaitais vous confirmer que je suis sortie hier après-midi avec Béhuit et il
s’avère… que j’ai des sentiments pour lui.

- Stop ! La coupa Shandrill. Qu’as-tu fait exactement avec lui hier et peut-on
avoir des détails croustillants ?

- Je l’ai juste aidé à affiner son image. Je lui ai pris un costume pour ses
matches et je n’ai rien tenté avec lui. Je tenais à y réfléchir de manière posée avant,
répondit la capitaine de l’équipe.

- Je pense que tu es carrément en crush sur lui, cela ne fait pas le moindre
doute. Ton comportement change radicalement quand il est proche de toi,
répondit Glaème. Après je ne suis pas certaine qu’il ressente la même chose pour
toi, les sens uniques existent aussi en amour !

- J’en suis consciente Glaème, mais la question est, est-ce que cela vous
dérange si je tente ma chance avec lui, car cela entraînera peut-être des
répercussions sur notre activité de pom-pom-girls.

Bucky souhaitait être parfaitement transparente avec ses amies sur ses
sentiments. En tant que capitaine responsable, elle voulait leur montrer que leur
passion commune passait avant ses pulsions amoureuses.

Après un rapide échange dans lequel Bucky resta volontairement à l’écart,


la réponse fut claire ; cela ne poserait pas de handicap pour l’activité des filles.
Pour le reste et notamment le règlement intérieur du campus, c’était un autre
paramètre qui ne les concernait pas, du moins directement. Elles acceptèrent donc
toutes de faciliter les choses pour Bucky, et décidèrent même de préparer un plan
pour que Béhuit et elle se retrouvent, à un moment ou un autre, seuls lors du
premier déplacement en extérieur du match de ce week-end. Il était prévu pour ce
samedi soir à Bruges, en Belgique, avec une nuit d’hôtel à la fin du match. Bucky
était ravie d’être épaulée par ses amies jusqu’à ce qu’elles demandent une
contrepartie !

- En échange de notre aide Bucky, on veut que tu nous prépares une nouvelle
chorégraphie pour la présentation des garçons lors des matchs. Nolwenn et moi

93
avons remarqué que tu étais talentueuse pour cela, déjà l’année dernière en danse
et cette année durant la préparation de ton strip-tease pour Creth… enfin Béhuit, lui
annonça Glaème calmement.

- Avec plaisir les filles, répondit immédiatement Bucky.

A dire vrai, Bucky y pensait depuis le début de cette année. Elle trouvait la
présentation actuelle un peu trop terne, classique. Un besoin de renouveau se
faisait sentir auprès de la plupart des anciennes. Se savoir poussée par son équipe
dans ce sens la réjouissait.

- Si possible, on la voudra moins sexy que ta représentation privée avec


Béhuit, ajouta Nolwenn afin de taquiner un poil son amie.

- J’en parle dès ce soir à Meyrie, annonça Bucky pleine d’enthousiasme pour
ce projet.

- Concernant Béhuit, on va préparer correctement les choses et on te


préviendra le moment opportun. On croise les doigts pour toi, dit Glaème
accompagnée du geste qui allait avec ses dires.

- Je sais que mes chances sont minces, mais je veux essayer. Il est
tellement différent des autres garçons ! Insista Bucky. Désolé de vous mettre en
porte à faux les filles.

- On te fait confiance, tu n’auras pas de mal à te mettre à nue devant lui… vu


qu’il a déjà tout vu ! Lui fit remarquer en souriant Shandrill. Pour le reste, on fera
tout pour que cela reste au secret, quelle que soit l’issue.

C’est sur cette remarque que les filles prirent la direction du gymnase.
L’heure de l’entraînement était arrivée. Elles furent piles dans le bon timing
puisqu’elles croisèrent les volleyeurs sur leur chemin. C’était le moment idéal
qu’avait choisi Bucky pour prendre Creth a part, juste avant d’entrer pour lui
expliquer simplement qu’elle ne souhaitait plus sortir avec lui, car son cœur battait
pour un autre. Il prit la nouvelle avec un peu de surprise, mais ne semblait pas
peiner plus que ça. Cette non-réaction lui confirma qu’il ne tenait pas plus que cela
à elle. Tant mieux ! Les deux entrèrent dans le gymnase à leur tour sans rancœur,
ni animosité.

***

94
Bucky chercha directement du regard si Meyrie était présente. Elle ne
souhaitait pas perdre de temps pour lui dire que le groupe souhaitait changer la
chorégraphie de présentation des garçons et qu’elle souhaitait en créer une
nouvelle. Ce nouveau défi l’excitait déjà.

Meyrie se trouvait au centre du terrain avec Béhuit. Ils discutaient tous les
deux. Bucky préféra attendre avec le reste des filles sur le côté habituel où leur
entraînement se déroulait. Elle savait qu’elle aurait sa chance avec Béhuit plus tard
et préférait s’entretenir avec Meyrie lorsqu’elle ne serait plus près de lui, de peur
que sa proximité ne lui fasse, une fois de plus, rencontrer des problèmes pour
s’exprimer distinctement. On n’était jamais trop prudente.

Alors qu’elle commençait quelques étirements en compagnie de son


groupe, Nolwenn s’approcha d’elle pour la questionner :

- La tresse bleue de Béhuit, c’est toi ? Demanda Nolwenn.

- Oui, c’est bien mon idée, tu en penses quoi ?

- On adore ! Répondit Shandrill, qui s’immisçait dans la conversation. C’est


étonnant qu’il ait accepté de te suivre là-dessus, mais on trouve ça super !

Alors que Meyrie arrivait à destination vers son groupe de pom-pom-girls,


Béhuit regarda un instant en direction des filles, dont Bucky, pour leur faire un
signe de bonsoir à l’aide de la main avant de se retourner pour taper des mains en
direction des garçons ; l’entraînement commençait ! Bucky se contenta de lui faire
un sourire alors que les autres filles lui firent un coucou rapide de la main.

- Ce n’est pas avec le prédécesseur que j’aurais pu voir une telle chose, dit
Meyrie arrivée près d’elles.

L’entraîneuse des pom-pom-girls était heureuse de constater que le courant


passait entre ses filles et l’entraîneur des garçons. Elle n’imaginait pas à quel point
concernant sa capitaine.

- Cette année est un renouveau total Meyrie, lui annonça Nolwenn. D’ailleurs
Bucky a quelque chose à vous proposer, on en a parlé ensemble et nous sommes
tombées d’accord.

Les regards de tout le monde se tournèrent vers Bucky qui annonça ses
intentions :

95
- Meyrie, on souhaiterait créer une nouvelle chorégraphie pour la
présentation des garçons, j’ai déjà quelques idées.

- C’était donc pour cela le regroupement près du gymnase avant le début de


l’entraînement, répondit Meyrie Dharcourt.

- Exactement ! Mentit Bucky sans que l’une des filles qui composait son
équipe ne la corrige.

- Je vous suis à cent pour cent là-dessus, mais cela va être terriblement
chronophage. Vous seriez prêtes à fournir un effort supplémentaire au niveau de
votre planning que je sais déjà charger ?

Toutes les filles acquiescèrent sans la moindre hésitation. Meyrie semblait


aussi enthousiaste que ses filles pour ce projet.

Il avait été rapidement convenu que les pauses du midi pour cette semaine
seraient mises à profit pour discuter de la nouvelle chorégraphie avec Meyrie, afin
d’avancer plus efficacement sur le projet. Une chorégraphie ne se créait pas en un
claquement de doigts. C’était un travail de longue haleine, mais Glaème et
Nolwenn savaient que les talents de chorégraphie de Bucky permettraient
certainement d’accélérer les choses. Elle avait préparé sa chorégraphie sexy,
initialement prévue pour Creth, en moins d’une semaine et le résultat avait été
époustouflant rien que lorsqu’elle avait répété son show avec ses amies. Son
talent avait également déjà été repéré l’année dernière en danse lors de la
prestation libre et lors du bal de début d’année passée.

L’entraînement se termina sans que Bucky ne cherche à s’approcher de


Béhuit. Elle attendait le déplacement à Bruges du samedi soir pour le faire. Elle put
rentrer chez elle pour se coucher, la journée avait encore une fois été longue.

***

La semaine passa à vitesse grand V pour Bucky. En plus de son planning


déjà bien rempli, elle se contenta désormais uniquement d’un rapide sandwich ou
d’une salade tous les midis avec les autres filles de son groupe de pom-pom-girls
pour mettre en place les premières esquisses concernant la nouvelle
chorégraphie. Comme attendu par Nolwenn et Glaème, les choses avançaient vite
et dans la bonne direction. Bucky, même si elle n’en avait pas totalement

96
conscience, montrait des qualités certaines pour élaborer des chorégraphies.
Meyrie et les filles étaient époustouflées par les idées novatrices et originales
qu’elle proposait. Elle avait même en tête de faire participer les garçons à la
chorégraphie de façon, certes succincte, mais suffisante pour les rendre encore
plus acteurs de leur arrivée avant le début des matches. Il fallait bien évidemment
convaincre les garçons d’y participer avec l’accord de Béhuit, rien de tel n’avait
jamais été proposé. La musique n’avait pas encore été choisie non plus, mais les
grandes lignes de la chorégraphie étaient déjà couchées par informatique.
L’utilisation de Shandrill avait déjà été pensée, il était nécessaire qu’elle mette ses
talents de gymnaste, en plus de celle de danseuse, à profit pour rendre le show
encore plus spectaculaire.

Du côté de sa relation avec Béhuit, Bucky se contenta de paraître la plus


pétillante possible lors des cours d’EPS. Avec trente-cinq élèves, Béhuit n’avait que
peu de temps à lui consacrer en seul-à-seul et uniquement pour lui parler volley
pour qu’elle améliore ses gestes. Elle se contenta de rester attentive en lui lançant
régulièrement des sourires dès qu’il regardait dans sa direction afin de lui
communiquer sa bonne humeur.

Les cours des pom-pom-girls communs avec les entraînements de volley


des garçons firent encore moins avancer les choses ; Béhuit était bien trop occupé
à gérer son équipe, et Bucky accaparée par l’organisation de la chorégraphie de
présentation des garçons et la formation des plus jeunes de son groupe. Peu lui
importait, elle savait qu’elle aurait sa chance ce samedi pour le match qui se jouait
sur le campus d’excellence de Belgique.

***

C’était jour de match ! Le jour que Bucky attendait pour proposer à Béhuit
une liaison amoureuse. Elle n’avait aujourd’hui qu’un unique cours de culture
générale de dix heures à midi. Ce cours, tardif, lui avait permis de profiter d’un
sommeil plus long jusqu’à un peu plus de neuf heures du matin avec Nolwenn.

Les jours de match, qui plus est à l’extérieur, étaient toujours organisés de
manière particulière pour que les joueurs et les pom-pom-girls les accompagnants
puissent arriver le plus sereinement possible sur le lieu de la rencontre. C’était
aujourd’hui à Bruges. L’E2C avait mis à disposition l’un des cars du campus pour

97
que le déplacement se fasse pour cette fois par la route, la distance entre les deux
campus n’étant pas excessive. Il y en avait pour un peu moins de cinq heures de
trajet. Avec un départ prévu à treize heures, cela laissait présager à la délégation
de Cley une arrivée seulement une heure avant le match. C’était le temps minimum
nécessaire pour se préparer sereinement pour les garçons et les filles. Une fois le
match terminé, il était prévu de passer la nuit dans un hôtel restaurant avant de
repartir le lendemain matin.

Après un déjeuner rapide à la cafétéria, quasiment déserte comme tous les


samedis, pour Bucky, Glaème, Shandrill et quelques autres pom-pom-girls, tout le
monde put se retrouver sur le parking où le car à moteur hydrogène, aux couleurs
ciel et fuchsia du campus, les attendait. Certains, qui avaient un cours optionnel
après celui de culture générale, sortaient tout juste de leur dernier cours sans avoir
eu le temps de se restaurer. Il y avait notamment Anita, qui sortait d’un cours de
batterie et Nolwenn de son cours de harpe. Correctement organisées, les filles leur
avaient préparé de quoi se restaurer sur le tard, afin qu’elles ne montent pas dans
le car le ventre vide. C’est le moment qui fut choisi par les pom-pom-girls pour
discrètement prévenir Bucky qu’elles feraient à partir de cet instant, tout pour lui
laisser le champ libre avec Béhuit, afin qu’elle puisse lui faire part de ses
sentiments.

Bucky avait été débordé cette semaine. Cela semblait être également le cas
pour Béhuit. Elle n’avait absolument pas envisagé comment s’y prendre, mais une
chose était certaine, si relation entre eux devait se faire, il fallait qu’elle le soit de
manière discrète. Une liaison au grand jour était trop dangereuse pour la carrière
de Béhuit sur le campus d’excellence. Elle ne souhaitait absolument pas mettre
son emploi en péril.

Bucky, en tant que capitaine de son groupe de pom-pom-girls, et en


l’absence de Meyrie Dharcourt, occupée déjà par le groupe de pom-pom-girl affilié
au handball également en déplacement pour un match en Turquie, était chargée
de s’assurer que son groupe était au complet. Béhuit avait fait la même chose de
son côté avec l’aide d’Antoine, capitaine de l’équipe de volley masculine. Après
que Béhuit demande confirmation à Bucky que tout était OK pour son groupe, les
filles et les garçons montèrent dans le car.

Seul Béhuit n’était pas encore monté, il semblait attendre quelqu’un. Le


retardataire ne tarda pas à venir. Il s’agissait de Mathéo qui, en tant qu’étudiant
avec l’option médias et informations était chargé de couvrir l’évènement. Une
première pour un match à l’extérieur pour l’équipe de volley ! Béhuit y était sans

98
doute pour quelque chose. Le courant était semble-t-il bien passé entre eux et il
avait dû le convaincre, lui et son professeur pour cette option, de couvrir pour cette
saison également les matches à l’extérieur.

Les précédentes années, en tant que pom-pom-girl affiliée au handball,


Bucky et ses amies les plus anciennes avaient des règles strictes lors des
déplacements extérieurs. Que ce soit en car, train, ou avion, filles et garçons ne
devaient pas se mélanger. Les filles étaient à l’avant et les garçons à l’arrière. Aux
dires d’Antoine, les années précédentes, c’était également le cas pour le volley-
ball. Mais aujourd’hui, pour ce premier déplacement de l’année, tous les éléments
étaient réunis pour ne pas appliquer cette directive. Béhuit était nouveau et ne
semblait pas avoir connaissance de cette pratique. Évidemment, personne parmi
les étudiants au moment de monter dans le car ne lui avait indiqué ! Ajouter à cela
que l’entraîneur de volley des garçons était le seul accompagnant pour ce match,
Meyrie ayant d’autres obligations avec d’autres groupes de pom-pom-girls du
campus, on arriva donc à ce qui devait naturellement se faire, un véritable mélange
des genres ! Sans surprise, Erik et Anita s’étaient assis ensemble, l’un à côté de
l’autre ou plus précisément pas loin d’être l’un sur l’autre. Trois garçons, dont
Creth, qui avait déjà oublié Bucky, et deux filles avaient choisi de se placer dans la
grande rangée du fond tous ensemble. Antoine avait également profité tout de
suite de la situation pour se mettre à côté de Glaème. Shandrill et Nolwenn étaient
ensemble, mais juste devant et à côté de trois volleyeurs alors que Mathéo faisait
plus ample connaissance avec Djurek, le passeur titulaire de l’équipe. Plus aucune
pom-pom-girl de l’équipe n’était assise seule ! Elles profitaient certes de la
situation, avec la complicité des garçons, mais avaient un objectif en tête qu’avait
remarqué Bucky ; l’isoler pour faire en sorte qu’elle ait une excuse pour s’asseoir à
côté de Béhuit dans la première partie du car. Elle choisit donc de s’installer à une
place seule, à l’avant par rapport à tout le reste de ses camarades, en espérant que
Béhuit ne trouve pas cela trop suspect. Il n’y avait de toute façon pas de place
ailleurs.

Béhuit fut le dernier à monter à bord du car ultra-moderne de


l’établissement. Des écrans numériques étaient présents sur la plupart des appuie-
têtes afin d’y être chacun connecté à un téléphone ou un ordinateur portable pour
y travailler ou y regarder un film. Les sièges étaient massant, chauffants ou
rafraîchissants sur commande et d’un grand confort. Une cabine WC et un coin
cuisinette avec évier et petite table haute étaient disponibles au centre du véhicule.
Il demanda le silence afin de prendre la parole :

99
- C’est pour moi le premier match avec vous et en déplacement qui plus est.
Je vous demanderai à tous un effort sur le niveau sonore afin de nous éviter une
migraine à notre arrivée, dans cinq heures en comptant les deux petites pauses
prévues sur le trajet. Les majeurs étant responsables de leurs actes, je me
dédouane de toute responsabilité sur vos agissements. En revanche, pour les
mineurs, afin de m’éviter des ennuis, merci de bien suivre certaines consignes
particulières, à commencer par des corps à corps un peu trop proches filles-
garçons. Une distance de sécurité d’une dizaine de centimètres est privilégiée.
Anita et Erik en prendront particulièrement bonne note. Bon voyage à tous.

Béhuit avait remarqué, dès ses débuts, le fort attachement entre Erik et
Anita. Vraisemblablement, il souhaitait tout de suite montrer qu’il ne tolérait pas
de batifolage entre élèves. Un peu déçu, Erik et sa jeune pom-pom-girl prirent un
peu de distance l’un par rapport à l’autre pour ne se toucher plus que par les mains
pour éviter toute remarque supplémentaire de l’entraîneur de volley-ball.

Alors que le car commençait à se déplacer, Béhuit chercha où il allait


s’installer. Il avait remarqué que l’arrière était complet et que seul Bucky se trouvait
en première partie.

- Je vois que tu te retrouves seule en première partie du car, lui fit-il


remarquer.

Elle ne sut pas trop quoi répondre pour ne pas paraître trop suspecte, mais
la chance était de son côté ; l’effectif de tous ses camarades réunis correspondait
à l’unité près aux places disponibles à l’arrière du car après le petit salon-
restauration disposé au centre du véhicule.

- Oui, heu… plus de place, souligna-t-elle.

- Je peux ? Lui demanda Béhuit en indiquant le siège vide accolé au sien.

C’était la situation rêvée ! Il lui proposait de faire le voyage juste à ses côtés
et relativement éloigné des autres étudiants. Elle fit un oui par un mouvement de
tête soutenu, tout en ayant le cœur qui s’emballait. Elle était à nouveau intimidée
par sa présence, car tout proche d’elle, quasiment en contact. Cela lui rappelait
son trajet à moto du week-end dernier, d’une douceur charnelle qu’elle rêvait de
renouveler.

Béhuit s’installa après avoir déposé son sac à dos juste en dessous du
siège et ne dit point mot. La situation crispa Bucky qui souhaitait, le plus tôt
possible, engager la conversation avec lui, mais elle ne le connaissait que

100
relativement peu. Difficile de trouver un sujet d’accroche jusqu’à son déclic en le
regardant, il était habillé en jean avec un t-shirt.

- Tu n’as pas reçu ton costume ?

- Il est dans la valise, je le mettrai à mon arrivée. Je l’ai essayé, il me donne


une prestance incroyable, merci ! Lui répondit l’intéressé.

- Et ta mèche fait aussi le job ?

- C’est incroyable ce qu’un détail peut faire, elle a accéléré mon intégration
au campus, on dirait que je fais partie de la famille ! Les élèves me parlent plus
souvent et volontiers. Tu es une fille surprenante, Bucky. Jolie fille, intelligente,
excellente danseuse et une pro du conseil en images, Creth a beaucoup de
chance !

- Creth et moi ne sommes plus ensemble, alerta Bucky heureuse de pouvoir


signifier à Béhuit qu’elle était de nouveau seule et donc ouverte pour une nouvelle
relation.

- Tu m’en vois désolé.

- J’ai décidé de rompre car ce n’était pas la personne qui me convenait. Je


suppose que tu as aussi dû rompre quelque fois pour cela ? Demanda Bucky,
curieuse d’en savoir un peu plus.

- Moi ? Pas vraiment ! En faites, j’étais plutôt de l’autre côté du spectre, on


va dire, et je pars d’un effectif petites amies assez bas, lui avoua Béhuit.

Bucky était plus attentive que jamais. Pour la première fois, Béhuit lui faisait
part de sa vie personnelle, elle ne demandait qu’à en savoir plus :

- Tu n’as jamais annoncé à une fille que tu la quittais ? Il y en a eu si peu que


cela ?

- Je suis resté très longtemps avec la même fille, alors j’avoue que mon
totale conquête féminine est très faible.

Bucky le fixa de plus près, puis lui fit un signe de la tête avec un léger sourire
pour l’inviter à continuer de parler. Il hésita quelques instants avant de finalement
poursuivre :

- J’ai eu un premier amour, qui a duré deux mois, elle m’a quitté pour un
autre. L’année d’après, alors que je n’avais pas encore dix-huit ans, j’ai rencontré

101
quelqu’un de fantastique, nous sommes restés ensemble environ douze ans, ce
fut la plus belle période de ma vie, mais nos chemins se sont séparés contre nos
volontés. J’ai enfin eu une aventure avec une femme que je connais très bien, car
nous sommes du même milieu, on se voit régulièrement, mais elle semble
finalement prioriser son travail à moi.

- Je suis persuadée que la prochaine sera la bonne, dit Bucky afin de le


réconforter tout en espérant secrètement être la prochaine inscrite sur sa courte
liste de conquête.

Un petit silence s’immisça dans la conversation. Béhuit semblait tout à


coup, pour une raison inconnue, se fermer et ne plus vouloir parler de sa vie. Sans
transition, il changea de sujet :

- Meyrie m’a dit que tu souhaitais modifier le spectacle de présentation des


garçons ?

Il ne fallait pas être grand clerc pour comprendre que Béhuit ne souhaitait
pas en dire plus sur son passé. Avant d’arriver ici en tant qu’entraîneur de volley et
professeur de sport, Bucky comprit que son voisin de siège jusqu’à Bruges n’avait
pas dû avoir la vie facile ces dernières années, mais il semblait avoir repris du poil
de la bête depuis son affectation à l’E2C. Ne cherchant pas à le brusquer, elle lui
présenta avec beaucoup d’enthousiasme son projet en réponse à sa question. Elle
n’en n’apprit pas plus sur lui durant le trajet. Mais il fut très à l’écoute quant à la
nouvelle chorégraphie de la pom-pom-girl et avait promis d’évoquer aux garçons
qu’une petite participation au show grandirait le spectacle. Ils partageaient un
véritable moment ensemble, exactement ce qu’elle désirait.

***

Le car arriva au gymnase à l’heure prévue, quasiment à la minute près. Il ne


restait plus qu’une heure avant le début du match et tout le monde devait se
presser pour être dans les temps.

Les garçons entrèrent rapidement dans les vestiaires visiteurs pour se


mettre en tenue avant de partir à l’échauffement. Les filles, elles, se dirigèrent vers
un vestiaire annexe pour notamment se maquiller. Elles avaient eu, par habitude
de ces évènements, la présence d’esprit d’aller se changer une à une dans les

102
toilettes du car pour gagner du temps. Le timing était également serré pour elles,
juste après l’échauffement des garçons, les pom-pom-girls entraient en scène
pour la présentation "classique" de leur équipe en attendant que Bucky et Meyrie
mettent en place le nouveau show. Mais il fallait également qu’elles s’échauffent
et s’étirent avant leur représentation afin d’éviter toute blessure. On ne se lançait
pas dans un grand écart sans avoir préparé son corps, sauf peut-être pour
Shandrill, d’une souplesse supérieure.

En l’absence de Meyrie, Bucky, en tant que capitaine cette année, dut


organiser son équipe elle-même. Il n’y avait pas de souci particulier pour le faire.
Elle était efficacement épaulée par Glaème dont l’organisation et la rigueur n’était
plus à prouver et Shandrill qui au fil des années prenait une place de plus en plus
importante au sein de l’équipe. En tant que quatrième année, nul doute que la pom-
pom-girl et gymnaste du groupe prendrait le leadership de l’équipe une fois Bucky,
Nolwenn et Glaème parties, en fin d’année. Si Bucky était la danseuse la plus douée
du groupe, Shandrill était sans conteste, celle qui, avec ses acrobaties et sa
souplesse, donnait au spectacle une saveur particulière et une valeur ajoutée
indéniable.

Tout fut prêt dans les temps ! C’était le moment pour les pom-pom-girls de
faire l’ouverture en tant qu’équipe visiteuse pour la présentation des volleyeurs de
Cley. Avant même de rentrer sur le terrain, Bucky eut un sourire. Béhuit était parfait
dans son costume pour son premier match. La musique commença. C’était le top
départ pour leur show.

La présentation de l’équipe des volleyeurs de l’équipe de Cley fut encore


ponctuée de quelques approximations. C’était tout à fait normal, Anita et les deux
autres premières années de la troupe débutaient. Ces erreurs mineures
disparaîtraient avec un peu plus de travail. Le but avait cependant été atteint ;
proposer une jolie chorégraphie au public avec en point d’orgue les projecteurs
dirigés vers les joueurs de l’E2C à la toute fin de la musique. Les pom-pom-girls
bleu et fuchsia furent applaudies comme il se devait et notamment par Béhuit, qui
semblait totalement fan de ce que produisait Bucky et ses amies. Un point
supplémentaire que la capitaine ne manqua pas de relever. Être admirée dans son
activité fétiche par celui qu’elle souhaitait comme partenaire particulier la comblait
de joie. Après la présentation de l’équipe de Bruges à l’aide de leurs pom-pom-girls
sous les applaudissements de la foule locale, le match put commencer.

Bucky ne connaissait pas grand-chose au volley-ball et dans le sport en


général, hormis peut-être le handball qu’elle avait suivi en tant que pom-pom-girl

103
durant quatre années. Elle était une piètre joueuse et découvrait seulement cette
année ce championnat. La seule chose qui était facile à analyser pour elle, c’était
le score. Et malgré les directives et les conseils donnés de façon très calme par
Béhuit sur le bord du terrain, force était de constater que l’équipe de l’E2C fut
rapidement menée au score de quatre points, et ce, jusqu’à la fin du premier set,
qui fut perdu ainsi.

Le deuxième set fut plus serré, mais tout de même perdu vingt-cinq points
à vingt-trois malgré les encouragements de Bucky et son groupe entre chaque
point. Le troisième set fut en revanche intriguant, même pour la néophyte que
Bucky était. Le placement des joueurs de l’E2C par rapport aux autres sets étaient
différents. Béhuit avait clairement changé de poste certains de ses joueurs et
effectué de nombreux changements. Il avait également de nombreux échanges
avec Mathéo, tout proche dans les premiers rangs des gradins réservés aux
"médias" des deux équipes. Le set fut également perdu vingt-cinq points à vingt-
deux et par conséquent une nouvelle défaite trois sets à zéro avait été actée, mais
Béhuit ne semblait pas si mécontent que cela. Il réconforta ses joueurs avant de
se diriger dans les vestiaires.

***

A leur sortie des vestiaires, après une bonne douche, les garçons
patientèrent dans le car pour y attendre les filles, plus lentes à se préparer. Elles
remarquèrent une mine triste, mais moins marquée qu’au premier match, le score
avait été moins sévère ce soir, c’était déjà un point positif. Béhuit encouragea alors
les garçons à applaudir les filles une fois toutes présentes dans le car afin de les
remercier pour leurs prestations et leurs encouragements. Bucky n’ayant jamais
connu cela jusqu’à maintenant, apprécia profondément le geste, initié par la
personne pour qui son cœur battait. Il cachait clairement des choses, mais elle le
devinait d’une gentillesse et d’un altruisme rare en ces temps. Les autres filles du
groupe semblaient également avoir apprécié l’attention particulière de l’entraîneur
des garçons. Malgré une deuxième défaite de la saison ce soir, l’ambiance était
finalement bonne et la cohésion entre les filles et les garçons pleine de promesse.

Une fois tout le monde installé dans le car, encore une fois dans un joyeux
mix de filles et de garçons, le chauffeur pu se diriger vers l’hôtel restaurant, à
moins de vingt minutes de route. Durant le trajet, Bucky ne pensa qu’à une chose,

104
comment et quand, durant cette soirée, allait-elle pouvoir avouer ses sentiments
pour Béhuit ?

***

L’arrivée à l’hôtel ne fut qu’une formalité. Alors que Bucky n’avait pas ouvert
la bouche une seule fois durant le voyage, Béhuit lui demanda à elle et à Antoine
de venir à l’avant une fois le car stoppé. Il semblait quelque peu perdu par la suite
des évènements. Une chose était sûre, ce n’était pas un cadeau d’avoir laissé
absolument seul le nouvel entraîneur de volley pour gérer un déplacement. Antoine
et Bucky en avaient bien conscience et d’un échange de regards, avaient décidé,
en tant que capitaines de lui porter assistance. Cela faisait après tout partie de
leurs responsabilités.

- On va t’aider, dit Bucky avant même que Béhuit ne prenne la parole.

- A vrai dire, je suis un peu perdu sur la façon de gérer la suite des
évènements, avoua l’entraîneur.

- Nous sommes habitués, pas d’inquiétude. On va prendre nos bagages,


pour nous diriger vers l’accueil. Les chambres sont pour deux personnes, on va
gérer les binômes avec Bucky. Tu seras le seul à avoir une chambre uniquement
pour toi. On a quinze minutes pour s’installer et on se retrouve au restaurant pour
manger à une grande table réservée pour l’E2C. Ensuite, c’est en général quartier
libre jusqu’à minuit pour les élèves majeurs. Pour les mineurs, c’est obligation de
rester à l’hôtel et ils doivent être dans leur chambre à vingt-trois heures, lui indiqua
simplement Antoine.

- Et le lendemain, c’est départ du car à neuf heures. Tout le monde doit être
devant à huit heures quarante-cinq, poursuivit Bucky.

- Si les élèves majeurs pouvaient me faire une fleur en ne sortant pas de


l’hôtel ce soir, vous me feriez plaisir, souligna Béhuit.

- Cela arrive rarement dans les faits, et on ne le fera pas ce soir, s’engagea
Antoine.

- Merci à vous deux pour votre aide. Une dernière chose, pas de chambre
mixte, surtout en ce qui concerne ton frère, Antoine, ajouta l’entraîneur.

105
- C’est impossible, il sait déjà qu’il sera avec moi cette nuit. Si mes parents
apprennent qu’Erik et Anita ont passé la nuit ensemble, ils me tuent moi et
Nolwenn ! Et comme avec ma sœur, nous avons un objectif d’espérance de vie
assez conséquent…

Béhuit semblait très satisfait de ce petit conciliabule et demanda


calmement à tout le monde de descendre pour récupérer ses bagages et se diriger
à l’accueil de l’hôtel. Une fois à l’accueil, Béhuit put rapidement récupérer les cartes
d’entrée magnétiques de chaque chambre que les élèves se partagèrent de façon
organisée.

Cette année ne dérogeait pas à la règle, Nolwenn et Bucky partageaient la


même chambre. Elles montèrent pour s’installer succinctement avec pour objectif
d’arriver à l’heure pour le repas, mais au moment d’ouvrir sa chambre et de laisser
passer Nolwenn, Glaème et Shandrill s’engouffrèrent pour entrer également !

- A quatre, ça risque d’être un peu serré ! Annonça Bucky aux deux intruses.

- Il y a plus urgent que de rejoindre notre chambre, lui indiqua Glaème qui
était binôme de chambre avec Shandrill.

- C’est-à-dire ? Questionna Bucky.

- Que tu vas te mettre à côté de Béhuit pour manger et que tu ne le lâches


plus jusqu’à sa chambre, ou jusqu’à ce que tu lui dises tout, lui annonça Nolwenn.

- Nous, on s’occupe du reste, y compris de gérer les garçons et les mineurs…


même si un garçon, ça reste toujours au final un mineur dans la tête, dit Glaème
en ricanant.

- De ce fait, Béhuit n’aura aucun étudiant à gérer, mise à part toi. Pour le
reste, c’est à toi de t’organiser. On a passé l’âge de faire les entremetteuses et les
messagères, ajouta Nolwenn.

- Dépêche-toi ! Lui dit Shandrill en la prenant par la main. On a dix minutes


à peine pour te faire un maquillage discret et te coiffer. J’ai même du parfum dans
ma valise. On va faire en sorte que tu sois irrésistible !

Bucky se laissa emmener dans la salle de bain de sa chambre,


impressionnée par le plan de ses trois amies pour l’aider à sortir… avec son
professeur d’EPS. Aucune ne semblait perturbée par la situation complexe que
cela pouvait engendrer.

106
- S’il accepte de sortir avec moi, je fais quoi les filles ? Cela risque de
rapidement se savoir, dit Bucky dans un sursaut de lucidité, alors que ses amies
faisaient en sorte qu’elle soit le plus agréable possible à regarder.

- J’ai lu dans les moindres détails le règlement intérieur, lui annonça


Glaème. Pour commencer, vous êtes tous les deux majeurs, donc aucun risque de
poursuites judiciaires. Le seul élément dérangeant est que, dans les excellences
campus, les relations élève-professeur sont interdites, s’il y a cours en commun.

- Il risque donc d’avoir des problèmes ! Conclue Bucky.

- Certainement, mais étant donné la situation, il y a possibilité de demander


un autre professeur d’EPS pour notre classe. On pourrait même demander à
Meyrie et Béhuit d’échanger leur planning par exemple, ils semblent bien
s’entendre ! Proposa Nolwenn.

- Je serais même prête à attendre de finir mes études à l’E2C avant de sortir
avec lui s’il me donne ma chance, avoua Bucky.

Glaème, Nolwenn et Shandrill se regardèrent, toutes les trois épatées par le


comportement de leur amie.

- Bucky prête à attendre un garçon ! Affirma Nolwenn. C’est une première !


D’ordinaire, c’est tout de suite ou pas avec toi. On ne t’a jamais vue aussi… éprise
d’un garçon.

Bucky rougit en ne disant mot. Ses trois amies qui en temps normal,
l’auraient sûrement taquinée un peu plus sur son état sentimental, ne firent que
l’aider à soigner son apparence avant de descendre manger. Elle était heureuse
d’avoir des amies aussi géniales à ses côtés. Ne manquait que Lily, restée à Cley
pour un match avec son équipe de volley féminine, pour avoir les amies qu’elle
préférait à ses côtés.

Une fois Bucky maquillée légèrement et coiffée par ses amies avec de jolies
tresses, les filles descendirent au restaurant afin de ne pas être en retard. Nolwenn
s’était rapidement changée alors que Glaème et Shandrill n’étaient même pas
encore entrées dans leur chambre. Ce n’était pas important, leur amie était
présentable, c’est tout ce qui comptait pour le moment.

Les quatre amies arrivèrent les dernières et ne purent donc pas choisir où
s’installer sur la grande table mise à disposition par l’hôtel restaurant. Aucune
n’avait anticipé ce souci pour installer la capitaine des pom-pom-girls près de

107
l’entraîneur de volley. Tout le monde avait déjà pris une place et même si quatre
places côte à côte avaient été laissées par leurs camarades, le placement ne les
arrangeaient pas du tout. Elles se trouvaient carrément à l’autre bout de la table.
Difficile avec ces conditions pour Bucky d’entamer la moindre conversation avec
Béhuit, à qui elle souhaitait déclarer sa flamme. Le repas fut donc pour Bucky d’un
intérêt plus que limité. Il aurait pu lui permettre de passer un agréable moment
avec ses amies, car ce n’était pas courant pour les filles d’avoir tout le temps
désiré pour manger, mais elle avait la tête ailleurs. Elle n’attendait qu’une chose ;
que son professeur d’EPS quitte la table pour lui emboîter le pas.

Bucky dut attendre un long moment Béhuit. Elle fut, une fois de plus,
impressionnée par le plaisir et les quantités qu’avait englouties son professeur
lors de ce repas ; un plat de moules frites, à volonté, à trois reprises. Une fois le
dessert passé, il patienta, un temps interminable pour Bucky, cherchant sans
doute à s’assurer que tous les mineurs remontent dans leur chambre pour éviter
tout dérapage. Une fois les derniers mineurs remontés, il quitta sa chaise en
souhaitant une bonne soirée aux quatrièmes et cinquièmes années qui avaient la
possibilité de prolonger un peu l’instant en discutant. Nolwenn signifia
immédiatement le départ de Béhuit à Bucky par un coup de coude.

- C’est maintenant ! Lui signifia-t-elle.

- Croisez les doigts pour moi les filles, annonça Bucky en se levant pour le
rejoindre.

Avant de quitter la salle pour suivre Béhuit, elle jeta un dernier coup d’œil
vers ses amies. Elles avaient toutes les doigts croisés. Puis, après leur avoir souri
en guise de remerciement, elle accéléra le pas pour rattraper Béhuit.

Béhuit avait brusquement changé de direction pour se diriger vers un petit


jardin de l’hôtel. Elle remarqua qu’il venait de répondre au téléphone en demandant
à son interlocuteur de patienter. Bucky avait du mal à le suivre d’autant que dans
le petit jardin, il cherchait clairement à s’isoler des oreilles indiscrètes. Elle resta
volontairement à l’écart, mais suffisamment proche pour tenter de satisfaire sa
curiosité. Béhuit la repéra dans la minute et stoppa à nouveau la conversation
téléphonique.

- Bucky, c’est un appel important, tu peux t’éloigner s’il te plaît ?

Béhuit voulait clairement que rien ne filtre de sa discussion. Bucky, ne


souhaitant pas le mettre de mauvaise humeur, avant ce qu’elle désirait lui

108
annoncer, s’éloigna un peu plus loin pour le laisser poursuivre son appel en toute
discrétion, mais en le gardant à portée de vue pour s’approcher de lui lorsqu’elle
en aurait la permission. Le jardin dans lequel elle se trouvait était plutôt intimiste
accompagné d’un éclairage LED léger. Lui faire sa déclaration ici n’était sans doute
pas le meilleur endroit, mais il avait le mérite d’être un minimum romantique.

L’appel ne dura pas plus de cinq minutes. Bucky aurait pu mettre ce temps
à profit pour préparer ce qu’elle allait lui dire, mais rien à faire, elle était trop
anxieuse pour réfléchir. Elle avait bien la solution "spéciale Bucky mode reset" en
tête qui consistait à s’avancer puis embrasser celui qu’elle souhaitait conquérir
sans le moindre mot, comme elle l’avait fait pour Creth, mais Béhuit était plus âgé,
et donc plus mature que tous les garçons avec qui elle était sortie jusque-là. Pas
sûr que le baiser ne produise l’effet escompté. Peut-être même l’inverse.

Béhuit s’approcha de Bucky, il venait tout juste de mettre un terme à son


appel téléphonique. Quoi qu’on lui ait annoncé par téléphone, la nouvelle n’était
pas bonne. Elle le lisait aux traits de son visage et son regard.

- Bucky, tu voulais me demander quelque chose ? Lui demanda-t-il en


tentant de cacher un mal-être évident.

Une fois encore, elle se paralysa de peur et resta silencieuse. Elle sentait
même ses lèvres tremblantes, empêchant toutes formes de communication orale.
Comment lui annoncer ce qu’elle ressentait ? Et était-ce le bon moment ?

Béhuit s’aperçut que quelque chose n’allait pas, il l’enlaça d’un bras, ce qui
n’arrangea en rien l’état de stress de l’étudiante, pour la diriger vers un banc du
jardin non loin de là. Elle se laissa diriger, puis asseoir sans la moindre résistance
et toujours muette dans un état entre la peur et le plaisir. Elle, qui d’ordinaire n’avait
pas le moindre mal à proposer une relation à un garçon, était aujourd’hui sans la
moindre solution. La peur d’un « non » la hantait clairement.

- Bucky, tu commences à m’inquiéter, tu ne te sens pas bien ? Demanda


Béhuit qui commençait visiblement à se faire sérieusement du tracas pour elle.

Alors qu’elle n’arrivait toujours pas à faire quoi que ce soit de réfléchi, ni à
aligner deux mots de suite. Béhuit sorti ses lunettes de soleil pour les mettre sur
le nez… en pleine nuit ! Cherchait-il à cacher ses larmes qu’elle devinait dans ses
yeux ?

- Ne bouge pas ! Lui demanda-t-il d’une voix douce en posant sa main près
de sa gorge.

109
A défaut de pouvoir sortir des mots, Bucky réussit à faire des gestes. Elle prit la
main de Béhuit, posée sur sa gorge pour la serrer dans les siennes.

- Bucky, tu tachycardises, allonge-toi, on va appeler un médecin ! Lui dit-il.

Avec beaucoup de volonté et en reprenant son souffle, elle put enfin enchaîner
quelques mots :

- Ça va aller. Rien de médical. C’est la première fois de ma vie que je stresse


autant, finit-elle par lui dire en serrant ses mains contre la sienne de plus en plus
fortement.

Béhuit enleva ses lunettes de sa seule main libre, pour fixer Bucky de plus
près. Manifestement, il ne comprenait pas. Rien d’étonnant, Bucky devait se lancer
pour que tout s’éclaire pour lui. Les yeux de l’entraîneur étaient humides. Il avait
sans doute appris une mauvaise nouvelle avec sa conversation téléphonique.
Mais elle décida tout de même de se lancer :

- Tu me plais, finit-elle par avouer juste avant… de coller ses lèvres contre
les siennes ! Faute d’avoir trouvé une meilleure idée.

Le baiser ne dura que quelques secondes avant que Béhuit ne rompe le


contact délicatement, mais ce temps avait été suffisamment long pour que Bucky
remarque qu’il lui avait été brièvement rendu.

- Tu me plais ! Lui dit-elle à nouveau, avec plus d’énergie, mais toujours


tremblante.

Béhuit resta silencieux quelque instant qui parut infiniment long pour Bucky.
Il la regardait, probablement surpris des sentiments de la capitaine des pom-pom-
girls à son égard.

- Bucky, on se connaît à peine depuis quelques semaines, mais c’est


suffisant pour moi pour savoir que tu es quelqu’un de formidable. Je suis très
surpris de te plaire et c’est très gratifiant pour mon amour-propre. Une personne
comme moi qui plait à quelqu’un comme toi, jamais je n’aurais pu l’imaginer. Mais
ce n’est malheureusement… pas une bonne idée.

- Si c’est parce que tu es mon professeur de sport, je suis prête à attendre


la fin de l’année scolaire, je peux même demander à changer de classe pour faire
en sorte de ne plus t’avoir comme prof pour que l’on puisse se mettre ensemble !

- Bucky, ça n’a rien à voir avec mon poste de professeur, coupa-t-il.

110
- Si c’est la différence d’âge, on doit avoir une dizaine d’années environ. Il y
a des couples avec des différences bien plus conséquentes qui marchent très
bien, justifia-t-elle.

Béhuit utilisa ses deux mains pour les mettre dans les siennes et les serrer
très fort à son tour. Alors qu’il avait, d’après elle, apprécié sa déclaration et qu’elle
sentit distinctement un retour à son baiser, Béhuit eut les larmes aux yeux encore
un peu plus. Il semblait tout à coup abattu. Avait-elle fait quelque chose de mal ?

- D’ordinaire, les hommes ont un sourire que je qualifierais de malsain


quand je leur annonce qu’ils me plaisent ? Ai-je fait quelque chose que je n’aurais
pas dû pour te rendre aussi triste ? Lui demanda Bucky.

- J’ai tellement envie de répondre oui à tes avances. Une liaison amoureuse
me manque cruellement.

- Alors fais-le ! Je sens bien que quelque chose coince, mais que je te plais.
On s’apprécie, pourquoi hésiter ? Peu importe le problème, on trouvera la solution.
Dis-moi ce qui se passe, s’il te plaît, tu as ma parole, je n’en parlerai pas à mon
entourage. C’est en rapport avec ce rendez-vous dont je ne dois pas parler ?

- Bucky, tu ne sais rien de moi, et il vaut mieux que tu en saches le moins


possible. Tu as un avenir radieux qui s’ouvre à toi. Te mettre avec moi risquerait
de bouleverser profondément ta vie. Une fille extraordinaire avec un homme
quelconque avec tant de tourment comme moi, c’est voué à l’échec.

Bucky n’avait pas de doute, ses sentiments pour lui étaient partagés. Elle
aurait compris un simple non de la part de Béhuit s’il n’avait pas eu d’attirance pour
elle. Ce refus lui paraissait totalement illogique. L’envie de son professeur
d’accepter sa proposition était palpable.

- Béhuit, parle-moi, je ne dirai rien à personne, c’est promis, dit-elle afin de


relancer la discussion après un moment de silence.

- Je risque de repartir à tout moment et si je dois rester... tu ne mérites pas


que je t’abandonne du jour au lendemain.

Bucky fut surprise par la révélation, mais ne laissa rien paraître. Un poste à
l’E2C s’acceptait clairement dans la durée. Pourquoi devoir éventuellement
repartir ? Elle décida de traiter les problèmes un par un. Sa priorité, c’était qu’il cède
à ses avances, elle était certaine qu’il ne suffisait pas de grand-chose pour le faire

111
basculer. L’étudiante le sentait, il cherchait un réconfort amoureux. Elle était
apparue dans sa vie au moment idéal !

- Je te propose juste de faire un bout de chemin ensemble, nous aviserons


ensuite. Je ne te demande pas une relation long terme dans un premier temps, je
te propose simplement que l’on apprenne à se découvrir l’un l’autre. Je sens une
réelle alchimie entre nous.

Béhuit déplaça ses mains pour désormais la tenir par le cou. Les larmes qui
se dessinaient sur ses yeux coulaient désormais le long de son visage. Il lui déposa
un rapide baiser sur les lèvres… avant de la quitter.

Il souhaitait cette relation, c’était sûr ! Mais il lui cachait clairement des
choses, sans doute en rapport avec le coup de téléphone qu’il venait de recevoir.
Bucky n’avait pas l’intention de laisser les choses comme cela :

- Je n’abandonnerai pas, lui fit remarquer Bucky, alors qu’il s’éloignait.

Alors que l’entraîneur de volley regagnait sa chambre, Bucky resta


immobile. Elle était beaucoup moins anxieuse, heureuse de savoir que Béhuit
l’appréciait également. Mais elle ne comprenait pas. Que lui cachait-il ? Décidée à
vivre quelque chose avec lui, elle se fixa un nouveau but ; découvrir ses secrets
pour comprendre mieux sa situation et peut-être l’aider ou à défaut le soutenir…

Elle regagna doucement sa chambre où ses amies l’attendaient, la tête


pleine d’interrogations. Elle préféra annoncer aux filles que Béhuit ne lui avait pas
fermé la porte, mais qu’il préférait y réfléchir par rapport à sa situation
professionnelle. C’était probablement faux, mais elle ne voulait pas faire part des
mystères qui entouraient Béhuit, comme elle lui avait promis. Elle se coucha en
pensant évidemment à lui. Elle aurait clairement préféré terminer dans ses bras
cette nuit, mais il était bel et bien attiré par elle, l’essentiel était là.

***

Le retour du lendemain se fit dans le calme. Beaucoup en profitèrent pour


se reposer et gagner quelques heures de sommeil supplémentaires. D’autres pour
avancer dans les révisions. Pour Bucky, ce fut surtout l’occasion de pouvoir
réamorcer le dialogue avec Béhuit qui semblait encore plus mélancolique que la
veille. Elle s’installa volontairement à l’avant du car, juste à côté de lui, mais il

112
changea de place. Il ne souhaitait pas rester à ses côtés. Elle aurait pourtant aimé
le rassurer, le réconforter. Déçue, elle se plongea dans la préparation de sa
chorégraphie et jeta un œil de temps à autre vers lui. Il semblait dormir
profondément. Avait-il passé une mauvaise nuit à cause de sa déclaration ou de
son échange téléphonique ? Un mélange des deux, probablement.

113
Chapitre 5 : Montagnes émotionnelles

Ce début de semaine d’octobre 2036 fut un calvaire pour Bucky. Alors


qu’elle était partie pour convaincre Béhuit de laisser une chance à une relation
amoureuse entre eux d’exister, lui, redoublait d’ingéniosité pour l’éviter et, à dire
vrai, il avait d’autres chats à fouetter. L’E2C avait informé l’ensemble du campus
que l’entraîneur de basket masculin n’était pas présent jusqu’à nouvel ordre et on
avait confié à Béhuit l’intérim en attendant. Sa quantité de travail en fut
grandement affectée. Il devait désormais aussi gérer les entraînements de l’équipe
de Basket en plus de ceux du volley, le tout en continuant à donner ses cours
d’EPS. Ceci avait été rendu possible avec de nombreux tours de passe-passe avec
les emplois du temps.

Le premier entraînement de la semaine, commun entre les pom-pom-girls


et les volleyeurs, ne fut donc pas propice pour que Bucky puisse le voir seul à seul.
La pom-pom-girl était occupée de son côté et Béhuit du sien, mais elle posait son
regard régulièrement sur lui en espérant qu’il en fasse de même. Ce n’était
malheureusement pas le cas. Il était soit en train de diriger son équipe, soit plongé
dans d’inexplicables songes, une fois encore. Il semblait de plus en plus marqué
par la tristesse. Impossible de confirmer s’il y avait un lien avec elle. Ce
comportement la perturbait au plus haut point et les répercussions furent visibles.
Elle n’avait plus la tête à son cours et sa créativité fut affectée, l’empêchant
d’avancer un peu plus sur sa chorégraphie de présentation de l’équipe de volley-
ball masculine et lui fit perdre une concentration efficace durant ce cours. Ce
n’était que partie remise, mais elle refusait que la situation s’éternise ainsi. Elle
voulait agir, même si d’autres éléments jouaient en sa défaveur. En effet, les cours
d’EPS de la semaine étaient les derniers pour la période volley-ball avant de passer

114
à une autre discipline. C’était le moment des évaluations des élèves. Impossible
durant ces séances, importantes pour le diplôme de fin d’année, pour Bucky d’être
seule avec son professeur pour pouvoir échanger sur des choses d’ordre privé. Le
stress ambiant était trop important et les questions d’élèves trop nombreuses.

***

Le deuxième et dernier cours d’EPS de la semaine qui se déroulait le


vendredi matin fut la seule réelle opportunité que pu saisir Bucky pour être seule
avec son professeur. La fin de ce cours signifiait la fin des évaluations pour le
volley et un nouveau sport à partir de la semaine suivante, sport que n’avait pas
notifié Béhuit, malgré quelques questions d’élèves allant dans ce sens.

Depuis le déballage de ses sentiments envers lui, ils n’avaient pas


communiqué. Ce n’était pas faute d’avoir essayé du côté de Bucky via le téléphone,
mais il ne répondait pas à ses appels et messages. Elle cherchait simplement à
l’obliger à communiquer pour comprendre.

Alors que le cours touchait à sa fin, Bucky s’avança près de lui, devant toute
la classe. Elle ne supportait plus qu’il l’évite et avait décidé d’agir :

- Béhuit, si tu ne dois pas disparaître définitivement à l’instant, je


souhaiterais pouvoir discuter avec toi une fois le cours terminé. C’est important !

Elle s’appuyait évidemment sur les dires de Béhuit du week-end précédent.


Il lui avait confié qu’il pouvait partir à tout moment. Allusion impossible à
comprendre pour les autres personnes présentes à ce cours. A dire vrai, Bucky ne
comprenait pas trop non plus ; une place dans un campus d’excellence était une
sorte de Graal pour quantité de professeurs, alors pourquoi vouloir quitter un job
de ce type à tout moment ? Son professeur lui cachait évidemment des choses.

- Dans mon bureau à la fin du cours, lui répondit-il calmement. Il semblait


avoir compris qu’il n’y couperait pas cette fois-ci.

Hormis Bucky, tous les élèves se dirigèrent vers la sortie du gymnase une
fois changés, le cours et les évaluations étaient terminés. La capitaine des pom-
pom-girls se dirigea directement dans le bureau de Béhuit. Il l’attendait
visiblement, debout, les bras croisés, dans un coin de son bureau. La brune à la
mèche fuchsia entra dans la salle en s’assurant d’avoir correctement fermé la

115
porte derrière elle. Cette discussion ne devait absolument pas filtrer pour des
raisons évidentes.

- Bucky, ce n’est pas possible entre nous, crois-moi ! Commença par se


justifier Béhuit, entrant directement dans le vif du sujet.

- Ce baiser, tu me l’as bien rendu, je l’ai bien senti ! Lui répondit l’intéressée.

- Tu mérites mieux que moi ! Je ne peux pas t’apporter ce que tu désires !


Nous vivons dans deux mondes bien différents, tu n’imagines même pas à quel
point, Enchaîna-t-il.

- Nos deux mondes différents ont pourtant permis notre rencontre ! Lui
rétorqua la pom-pom-girl. Écoute, je te propose simplement d’essayer en toute
discrétion. Si cela ne fonctionne pas, j’admettrai mon erreur ! Mais je suis sûre de
moi ! Je suis la personne qu’il te faut, je suis persuadée que nous ne nous sommes
pas rencontrés par hasard. Je crois au destin et le nôtre est lié, je le sens, continua-
t-elle d’un ton plus calme et sûr de ses dires.

- Bucky, j’ai un objectif clair ici et tu… n’en fais pas partie. Une fois que je
l’aurai atteint, je disparaîtrai et tu n’entendras plus jamais parler de moi.

- Une attirance ne se contrôle pas et je te prouverai qu’on est fait l’un pour
l’autre, que nous sommes complémentaires. Tu caches des choses, je le sais, et
ce, depuis notre première rencontre, mais ça ne m’empêche pas de vouloir être
avec toi. La raison de ta venue t’empêche-t-elle de sortir avec moi ?

- Il ne va pas réjouir les foules en tout cas. Le problème est que j’ai peur de
te mettre en danger ou de devoir te quitter sans même te dire en revoir. Je ne veux
pas te blesser ou te donner de faux espoirs. Je suis déjà passé par là et je refuse
de le revivre.

- Laisse nous une chance ! Insista-t-elle. Je suis encore jeune, mais je sais
reconnaître un homme à qui je plais, le regard posé sur moi est bien différent. A
l’instant même tu as ce regard, tes pupilles se dilatent, ajouta-t-elle en souriant.

Béhuit hésita un instant avant de répondre. Bucky savait qu’elle avait vu


juste, même si elle avait quelque peu menti. Elle se savait jolie, mais n’avait jamais
remarqué de regards particuliers et insistants de l’entraîneur de l’équipe de volley-
ball masculine à son égard. Sans dire un mot, il se déplaça vers la sortie de son
bureau pour s’approcher d’elle… et lui ouvrir la porte ! Par ce geste, il lui demandait
clairement de quitter son bureau.

116
- J’arriverai à te convaincre, lui assura-t-elle avant de quitter les lieux.

Cette entrevue ne s’était pas déroulée comme l’aurait voulu la pom-pom-


girl. Elle était cependant sûre d’une chose ; il y avait confirmation d’une attirance
réciproque et elle mettrait tout en œuvre pour que l’entraîneur de volley de l’équipe
masculine exprime ses sentiments envers elle. Il y avait bien des entraves,
connues ou secrètes, pour qu’ils se mettent en couple, mais Bucky se jura de
passer outre. C’était bien la première fois qu’elle mettait autant d’ardeur pour
convaincre un garçon de sortir avec elle, mais il en valait le coup, elle n’en doutait
pas.

***

L’organisation pour se rendre à Munich pour le match de l’équipe masculine


de volley-ball sortait totalement des sentiers battus ! Béhuit devait d’abord gérer le
match à domicile de l’équipe de Basket masculine dans un premier temps. Il était
prévu ensuite qu’il rejoigne Antoine, Erik, Creth et les autres au tout dernier
moment. Le match de volley prévu d’ordinaire à dix-neuf heures avait dû être
décalé à vingt-et-une heures trente afin de laisser le temps à Béhuit d’arriver, en jet
privé loué exceptionnellement par l’E2C, afin de tenter de réaliser l’impossible dans
les temps.

Pour les joueurs et les pom-pom-girls qui leur étaient affiliées, le


déroulement des choses avait été bricolé également de toutes pièces jusqu’au
dernier moment. Sans professeur pour les accompagner, c’est finalement Meyrie
Dharcourt qui était chargée de les accompagner en avion, du campus jusqu’à leur
hôtel à Munich. Ayant des obligations avec d’autres pom-pom-girls, elle devait
repartir avant le début du match avec le jet privé qui devait déposer Béhuit.
Concernant les élèves, après un repas léger à l’hôtel, ils devaient se rendre seuls
dans le gymnase Munichois de l’établissement, non loin de là, grâce au car du
campus de l’équipe locale qui n’était pas utilisé à cette heure et mis à disposition
lorsque cela était possible, comme il était de coutume entre établissements.

Ce bricolage de dernière minute ne plaisait pas trop à Bucky. Pour la


première fois, elle était, de fait, responsable des mineurs de son groupe en
l’absence de professeur pour un transfert, certes minime, entre un hôtel et un
gymnase. Elle espérait seulement que les plus jeunes ne profiteraient pas de la

117
situation pour quelques extravagances. Mais point plus important pour elle, elle
ne verrait pas Béhuit avant le début du match, si tout se passait comme prévu, en
sachant qu’il existait une probabilité pour que le match commence sans lui ! Ne
restait plus à Bucky pour lui parler que l’hôtel, une fois le match terminé, et le
voyage retour en avion pour tenter de le faire craquer. Elle ne souhaitait pas que la
situation s’enlise entre eux et voulait profiter de ce match à l’étranger pour que
tout soit déballé. Elle était faite pour lui. Elle devait juste lui ouvrir les yeux !

***

Le trajet entre les campus Français et Allemand en avion fut une formalité.
Meyrie, habituée aux déplacements avait parfaitement bien géré les contraintes
particulières liées au transport aérien. A l’arrivée à l’hôtel, elle avait également
organisé les chambres des élèves et leur répartition. Elle avait même mis le
bagage de Béhuit dans la chambre qui lui était destinée, afin qu’il n’ait pas à la
promener durant le match, et ainsi être plus léger pour être plus rapidement sur le
lieu du match.

Pour les élèves, tout s’était également passé pour le mieux. Le fait d’arriver
à l’hôtel avant de se rendre au match avait permis aux filles de s’habiller et se
maquiller plus sereinement dans leurs chambres pour cette nuit à la place de le
faire dans les vestiaires du gymnase de l’équipe locale ; pas toujours très pratique.
Les vestiaires n’étaient pas vraiment conçus pour se maquiller même si les filles
avaient pris l’habitude de faire avec.

Le court déplacement entre l’hôtel et le gymnase fut également un véritable


soulagement pour Antoine et Bucky. Le car de l’équipe de Munich arriva à l’heure
prévue avec l’entraîneuse des pom-pom-girls de Munich dedans ! Mise au courant
du souci d’encadrant, l’homologue Allemande de Meyrie avait pris l’initiative
d’encadrer les élèves de l’E2C pour le transfert. Une preuve de plus que les
établissements d’excellence savaient se rendre mutuellement service en cas de
problème.

Une fois arrivées au gymnase, les filles, déjà prêtes, firent un échauffement
en commun avec les pom-pom-girls de l’équipe jouant à domicile alors que les
garçons avaient rejoint leur vestiaire pour se changer puis commencer également
leur échauffement.

118
***

Le temps passait et l’heure du match approchait. Bucky put sentir les


garçons un peu perdus. Ils semblaient être plus ou moins dirigés par Mathéo,
tablette multimédia à la main, qui les avait accompagnés de nouveau. Elle conclut
rapidement que Béhuit donnait ses directives pour le moment en visioconférence
grâce à l’étudiant en troisième année avec option informations et médias. Vive la
technologie.

C’était bientôt à la pom-pom-girl et ses amies d’entrer en scène pour


présenter l’équipe des garçons. Bucky fit part de sa déception à Nolwenn ; Béhuit
ne serait sans doute pas là pour les voir danser. Elle le savait, l’homme qui lui
plaisait énormément appréciait ce spectacle et le fait qu’il ne puisse pas le voir,
contrariait la capitaine. Mais alors que le compte à rebours du top départ pour une
entrée dans dix secondes pour les filles fut lancé, le visage de Bucky s’illumina !
Béhuit Ciel prit place sur le banc de touche juste à temps. Il était en jean avec un
t-shirt, et tout transpirant, il avait dû sans doute courir et n’avait pas eu le temps
de se changer avec le beau costume que Bucky lui avait acheté. Mais il était là, à
temps, pour les garçons… et il la verrait danser.

Lorsque Bucky entra sur le terrain et commença à engager la chorégraphie,


elle fut heureuse de remarquer que c’était elle spécifiquement qu’il regardait,
même s’il essayait maladroitement de le cacher. Elle lui fit un clin d’œil rapide qui
le perturba, tout en dansant et sans perdre le rythme. Il décida de poser son regard
ailleurs. Ce jeu du chat et de la souris avec son professeur de sport ne lui déplaisait
pas. Elle était désormais sûre d’avoir toute la soirée, la nuit et le lendemain matin
pour lui faire comprendre qu’il ne pouvait pas s’interdire une relation avec elle
malgré des entraves qu’il était le seul à connaître.

La partie des pom-pom-girls se termina en attendant un premier temps-


mort dans le match qui allait s’engager. Les jeunes pousses de l’équipe avaient
été parfaites. Toutes les filles étaient désormais opérationnelles.

***

119
L’arrivée tardive de l’entraîneur de l’E2C avait clairement créé des soucis
dans l’équipe, d’autant que Béhuit avait fait des ajustements sur le terrain par
rapport au dernier match. Certains joueurs avaient modifié leur placement de
départ par rapport aux autres, et Erik, contrairement aux autres matchs,
commença titulaire, à la grande joie d’Anita. Ces différents facteurs ne laissèrent
pas la moindre chance aux visiteurs lors du premier set, assez largement perdu.

Lors du deuxième set, la donne changea quelque peu. Les joueurs


semblaient assimiler doucement leurs placements sur le terrain et un changement
palpable était observable. Creth se plaçait plus habilement au contre et Djurek
avait une possibilité supplémentaire à l’attaque en la personne d’Erik, surtout
lorsque ce dernier était placé sur les positions arrières. Le dernier de la fratrie
Donerm fut incontestablement la révélation du set avec ses attaques et ses
services. Malgré sa taille, modeste pour un volleyeur, qui le limitait lorsqu’il était
sur une position à l’avant du terrain et proche du filet, il avait un mouvement de
bras particulier qui lui permettait de frapper fort des positions arrière sans que le
ballon atterrisse en dehors des limites du terrain. Cette singularité était
particulièrement criante par rapport aux autres joueurs de l’équipe. Pour la
première fois, l’E2C menait au score sur un set et finit même par le remporter, le
premier de la saison. La soirée ne serait quoi qu’il arrive, pas un échec au niveau
sportif.

Ce retour dans la partie eut pour effet de galvaniser les troupes. Les filles
étaient totalement déchaînées et ne cessaient de gigoter leurs pompons entre
chaque point en encourageant avec le plus de bruit possible. Pour couronner le
tout, une partie du public, venu nombreux, encourageait l’E2C. Un contingent de
français était sur place et malgré leur infériorité numérique, ils ne cessaient pas
d’encourager l’équipe de volley française et… ses pom-pom-girls. Bucky avait
même remarqué que deux d’entre eux tentaient des approches via des
compliments sur son physique et celui des autres filles de son équipe. Elle ne prêta
que peu d’attention à ces commentaires, pourtant élégants et courtois. Ce n’était
pas forcément toujours le cas, certains supporters avaient des approches bien
plus frontales et grossières. Heureusement, ou malheureusement selon les
garçons rencontrés, se faire draguer était assez courant. Être pom-pom-girl attirait
indéniablement. Bucky avait appris à gérer et ignorer ce comportement avec ses
amies, même si cela lui apportait beaucoup d’amour-propre. Il ne fallait pas se
mentir, elle adorait être désirée comme la plupart des filles et des garçons de son
âge. Mais elle avait des vues sur l’entraîneur de l’E2C et son attention était fixée
sur lui dès que c’était possible. Lui, ne la regardait pas, il était concentré sur son

120
équipe. Il était véritablement passionné par ce sport, cela se remarquait. Une
chance pour l’E2C et pour Bucky que ce professeur de sport soit venu sur ce
campus. Il était pétri de qualités sportives… et pas seulement.

Les garçons avaient pour la première fois de la saison le sourire aux lèvres
et ils étaient prêts et surmotivés pour remporter le troisième set. Un fait de jeu
changea cependant défavorablement la physionomie du match. Sur une défense
encore brillante d’Antoine, Djurek et Erik se rentrèrent dedans violemment sur un
manque de communication et durent être remplacés. Djurek avait reçu un énorme
coup au visage et s’était ouvert l’arcade alors qu’Erik souffrait du coude. Sans ces
deux joueurs clés sur le terrain, Djurek étant le passeur de l’équipe et la plaque
tournante de la distribution du jeu, et malgré le retour d’Erik en toute fin de match,
l’E2C perdu les deux sets suivants qui signifia une nouvelle défaite. Tout le monde
était déçu, mais il n’y avait pas pour autant d’abattement. Sans ce fait de jeu, la
victoire aurait été à portée et même les pom-pom-girls, novices dans ce sport,
l’avaient compris.

Après que les deux équipes se furent serré la main, Béhuit remercia
chaleureusement, dans un anglais très approximatif qui fit rigoler Bucky, son
homologue allemand et l’entraîneuse des pom-pom-girls de Munich pour avoir
décalé le match et avoir accompagné les élèves de l’E2C de l’hôtel au gymnase.

Tout le monde prit un moment pour discuter ou se poser dans le gymnase.


Anita était déjà en train de masser, à l’aide d’une pommade, l’articulation du bras,
finalement légèrement blessée, de son bien-aimé sans la moindre connaissance
médicale. Elle lui montrait simplement qu’elle était là pour s’occuper de lui.
Glaème, elle, parlait avec Antoine, comme très souvent ces dernières semaines.
Ivan discutait de son côté avec deux de ses adversaires du soir. Creth, lui, restait
assis sur le banc à scruter un peu partout, il avait, tout comme Béhuit quelque fois
des moments d’absence. Bucky se demanda un instant si elle n’était en fait pas
attirée par ce type d’homme ; mystérieux et un peu dans la lune !

Profitant de toutes ces apartés, elle se dirigea vers Béhuit pour aller à sa
rencontre. Tout comme Anita avec Erik, elle souhaitait montrer à Béhuit qu’elle
était présente pour lui, mais sur ce court chemin, elle fut stoppée avec Nolwenn et
Shandrill. Deux hommes de la délégation des supporters français, membres du
public ce soir, poursuivaient leur tentative d’approche de façon plus claire.

- Salut les filles, je voulais vous dire que mon ami et moi, nous sommes
tombés sous votre charme et on ne voulait pas partir sans avoir tenté notre

121
chance. Nous allons continuer notre soirée dans une discothèque toute proche et
l’on souhaitait savoir si vous étiez intéressées pour poursuivre la soirée là-bas ?

Nolwenn, comme d’habitude, assez timide avec les garçons n’osa pas
répondre. Bucky pouvait remarquer que Shandrill, elle, s’en moquait complètement
et était prête à leur indiquer une fin de non-recevoir ; elle était en couple avec un
homme de vingt-cinq ans qui habitait en Dordogne et malgré la distance qui les
séparait, elle en était très amoureuse. Une soirée, et encore moins une aventure,
avec d’autres garçons ne l’intéressait pas.

Bucky comprit qu’elle devait prendre la parole pour mettre les choses à plat.
Les deux hommes étaient plus âgés qu’elle et probablement un peu moins que
Béhuit. Ils semblaient sympathiques et plutôt beaux garçons.

- Nous devons passer à notre hôtel d’abord pour nous changer, vous pouvez
nous donner l’adresse de la discothèque, au cas où, certaines d’entre nous
souhaiteraient venir ? Questionna Bucky pour se laisser toutes les possibilités.

L’un des deux hommes avaient peut-être tapé dans l’œil de Nolwenn et
Bucky avait surtout remarqué que Béhuit la regardait. Quel meilleur moyen que la
jalousie pour l’obliger à se révéler !

- Bien sûr, répondit un des deux hommes en envoyant d’un simple contact
l’adresse de la discothèque de son téléphone à celui de Bucky grâce à une sorte
de QR code amélioré.

Les deux garçons quittèrent les lieux, sans doute pour se préparer et se
rendre dans ce night-club en espérant y retrouver les filles.

- Ça sera sans moi les filles, ça ne m’intéresse pas, dit Shandrill D’argent à
ses deux amies.

- Et toi Nolwenn, un des deux t’intéresse ? Demanda Bucky.

- Ils ont l’air plus âgés que nous, répondit Nolwenn un peu timidement.

- Ce n’est pas la question que je t’ai posée, répondit Bucky. Et en plus, ne


me parle pas de différence d’âge, je te rappelle que j’ai des vues sur Béhuit, ajouta-
t-elle en chuchotant tout en le scrutant du regard.

- Ils ont l’air sympas oui, fini par répondre Nolwenn.

- D’accord, tu attends là ! J’ai une idée pour qu’on fasse d’une pierre deux
coups, annonça Bucky, avant de se diriger vers Béhuit.

122
La capitaine des pom-pom-girls s’approcha d’un pas sûr vers l’entraîneur de
l’E2C pour l’interpeller. Avant même son arrivée, Béhuit la remarqua.

- J’ai peur de ce que tu vas me dire, lui dit le professeur à la tresse bleu ciel.

- Rien de bien compromettant, nous ne sommes pas seuls, dit-elle en


souriant et désormais détendue en sa présence.

- Je t’écoute…

- Il y a une discothèque non loin de notre hôtel, je voudrais m’y rendre pour
décompresser un peu avec Nolwenn et peut-être d’autres majeurs si cela les
intéresse.

- Je préférerais que vous restiez à l’hôtel, surtout si c’est pour y voir les deux
mecs du public qui vous ont accosté.

- Entrevois-je une once de jalousie ? Si tu nous accompagnes, promis, je ne


te lâcherai pas dit-elle de façon plus discrète.

Son plan, pas très subtil, semblait fonctionner. Béhuit prit Bucky par le bras
pour l’accompagner dans un coin du gymnase, afin d’être plus à l’abri des oreilles
indiscrètes. La pom-pom-girl se laissa guider, ils allaient tous deux pouvoir se
parler franchement.

- Que cherches-tu ? Lui demanda calmement Béhuit.

- A comprendre de quoi tu as peur pour t’interdire toute relation plus


poussée avec moi.

- Bucky, je ne peux rien te dire, sache juste que je ne veux pas te faire du
mal.

- Mais tu m’en fais ! Je comprendrais si tu n’avais pas d’intérêt pour moi,


mais je sais que non, ce premier baiser était formidable et partagé. Bon sang,
même Roméo et Juliette ont fini ensemble malgré tous les obstacles…

- … et ils en sont morts ! Écoute, j’ai commis une erreur, je la regrette. Bucky,
tu es jolie, intelligente, perspicace, tu as un destin exceptionnel qui s’offre à toi
grâce à l’E2C. Tu trouveras d’autres hommes bien mieux que moi.

- Ne te rabaisse pas Béhuit ! Tu es professeur sur un campus d’excellence,


tu es un super entraîneur de volley, les garçons peuvent te le confirmer, et je sais

123
que tu me caches des choses ; tu m’as parlé d’un objectif que tu tiens secret, si tu
as été choisi, c’est que tu as des talents que tu me caches pour le réaliser !

Béhuit resta sans dire un mot. Il semblait ne pas trouver de réponse à


donner, sans doute était-elle dans le vrai. Succinctement, elle regarda autour d’elle.
Les gymnases sur les campus d’excellence étant tous identiques, elle savait qu’un
local technique était seulement à quelques mètres d’eux. Elle prit à son tour Béhuit
par l’avant-bras pour le faire entrer avec elle dans la petite pièce exiguë en
refermant discrètement la porte derrière elle, en faisant en sorte que personne ne
les remarque.

- Nous sommes seuls, embrasse-moi ! Lui dit-elle avec assurance.

- Bucky, c’est trop compliqué…

- Embrasser ? Crois-moi, le faire avec moi, c’est tout à fait dans tes cordes !
Répondit-elle.

- Tu sais très bien ce que j’essaie de te dire.

- Et tu n’écoutes pas ce que je te réponds. Entre toi et moi, il n’y a rien de


compliqué. Tu as des problèmes évidents qui te font douter, je le conçois tout à
fait. Mais je t’assure que t’isoler comme tu le fais ne t’aidera pas à les résoudre. Il
est plus facile de trouver des solutions à deux que seul, tu ne crois pas ? S’il te
plaît embrasse-moi !

Béhuit tourna la tête de droite à gauche pour lui exprimer son refus.

- Alors, c’est moi qui vais le faire ! Avertit Bucky.

- Tu te trompes Bucky, j’ai eu un moment d’égarement, mais je n’ai pas de


sentiments pour toi !

- Tu m’as promis un service lors de notre sortie ensemble à Paris. Je veux


que tu m’embrasses ! S’il n’y a aucune alchimie dans ce contact et que donc tu
n’as pas de sentiments pour moi, j’abandonne. Mais s’il se passe la même chose
qu’à notre premier baiser, tu m’accompagnes avec Nolwenn en boîte de nuit pour
que l’on puisse simplement en discuter.

- C’est n’importe quoi ! Protesta l’entraîneur… avant que Bucky ne se jette


sur lui pour déposer ses lèvres sur les siennes !

La pom-pom-girl embrassa Béhuit de la façon la plus intense possible. Tout


en poursuivant le baiser, elle attrapa le bras de son professeur pour le placer sur

124
le creux de sa hanche afin qu’il puisse la tenir plus fermement. Non pas qu’elle
cherchait à s’échapper, elle voulait simplement lui montrer de manière plus claire
qu’elle était particulièrement détendue et sereine avec lui. La magie semblait
opérer comme la première fois ! Elle ne s’était pas trompée.

Béhuit la serra avec le bras qui l’enlaçait tout en partageant le baiser afin
qu’ils se rapprochent encore un peu plus. Bucky était aux anges ! Jamais les
baisers qu’elle avait échangés auparavant dans sa vie, et il y en avait quand même
eu un bon échantillon représentatif, n’avaient été aussi intenses. Elle eut l’espace
d’une seconde cette sensation étrange que leurs deux esprits s’étaient connectés,
une sorte de fusion physique et psychique. Mais tout stoppa d’un coup !

- Non, non, non ! Lâcha Béhuit tout en la repoussant de façon tellement


puissante qu’elle manqua de peu de trébucher.

- Tu as des sentiments pour moi ! Lui dit-elle, avoue-le !

Béhuit ouvrit immédiatement la porte pour quitter le local avant de se


retourner :

- Fais ce que tu veux ce soir, avec qui tu veux, mais je ne t’accompagnerai


pas. Ma dette est payée !

Bucky aurait bien voulu le retenir, mais son corps était encore sous l’effet
de leur étreinte. Elle n’avait de toute façon pas d’autre choix que de le laisser partir,
il y avait encore du monde sur le terrain, même si les gens se dirigeaient tous
lentement vers les vestiaires ou la sortie. Elle ne souhaitait pas poser plus de
problème à son professeur en lui sautant dessus pour lui arracher à nouveau un
baiser. Elle avait de toute façon prouvé à Béhuit qu’elle avait raison ; il avait des
sentiments aussi forts pour elle, qu’elle pour lui, ce qui expliquait sa colère
soudaine. Clairement, elle l’avait mis à défaut. Pourtant, l’entêtement de Béhuit la
contrariait. Comment allait-elle faire pour le convaincre qu’il y aurait des bons
côtés à sortir avec elle ?

Elle se rendit assez désappointée dans les vestiaires des pom-pom-girls


pour se doucher et se changer. Après discussion avec Nolwenn, elles prirent la
décision de se rendre toutes les deux à la discothèque pour retrouver les deux
supporters français après une étape rapide à l’hôtel. Il était déjà tard et la journée
longue, personne d’autre ne souhaitait les accompagner, que ce soit chez les filles
ou les garçons. L’un des deux français du public avait vraiment tapé dans l’œil de
Nolwenn, et Bucky comptait bien rendre Béhuit jaloux un maximum pour qu’il

125
puisse enfin s’ouvrir à elle. Cette sortie dans le night-club tout proche était une
opportunité pour les deux amies pour des raisons différentes, même si elles ne s’y
rendraient qu’à deux. L’effectif était le minimum pour une soirée de ce type avec
des inconnus niveau sécurité, il allait falloir rester prudente ! Les drogues de
dernière génération étaient monnaie courante dans ce type de lieu.

***

Le retour en car pour l’hôtel, et le repas tardif qui suivit, permit à Bucky de
voir que l’élu de son cœur n’était pas au mieux. Il limitait ses échanges avec ses
élèves au strict minimum et ne prit même pas la peine de répondre à Bucky
lorsqu’elle osa une tentative pour communiquer avec lui. Il semblait à la fois en
rogne et triste. Il ne fallait pas aller chercher bien loin pour comprendre que les
événements du local technique du gymnase de l’excellence campus de Munich
l’avaient en partie chamboulé. Béhuit avait certainement d’autres problèmes, mais
cette petite entrevue avec elle en faisait partie. Elle préféra laisser faire tout en
voulant mettre fin à cette situation complexe entre eux. Son idée était désormais
simple ; se rendre à la discothèque toute proche pour ne pas laisser Nolwenn y
aller seul, par sécurité. Cela devait obliger Béhuit à se déplacer pour les rejoindre.
Les deux hommes rencontrés à la fin de la rencontre de volley-ball serviraient à le
rendre jaloux. Elle avait clairement remarqué que l’entraîneur de volley masculin
l’était un minimum, une preuve de plus des sentiments qu’il éprouvait pour elle.
Elle n’avait pas la moindre intention de commencer quelque chose avec ces
garçons d’au moins cinq ans plus âgés qu’elle. Ils serviraient juste d’appât. Pour
Nolwenn, c’était sans doute différent, ne pas avoir de petit-ami la perturbait de plus
en plus et cette soirée était une opportunité d’une aventure bienvenue, même
succincte.

Avant de partir avec sa meilleure amie, elle ne manqua pas d’avertir Béhuit
en lui indiquant son départ en frappant à la porte de sa chambre. Il n’y eut point de
réponse, mais il ne dormait pas, elle avait remarqué de la lumière passant par le
pas de la porte de la chambre. Il était prévenu. Elle espérait qu’il viendrait les
rejoindre rapidement. L’adresse exacte lui avait été envoyée par messagerie. Elle
ne respecterait pas le couvre-feu normalement admis. Raison de plus pour lui de
venir la chercher !

126
***

La discothèque se trouvait à seulement cinq minutes à pied de l’hôtel.


Nolwenn et Bucky y retrouvèrent rapidement les deux jeunes hommes du public
qui les avaient accostés un peu plus tôt lors du match. Après avoir dansé
ensemble sur trois ou quatre musiques, les garçons invitèrent les deux pom-pom-
girls à boire un verre à une table. Alors que Nolwenn appréciait de plus en plus
cette nuit au fur et à mesure que passait les minutes, ce fut tout l’inverse pour
Bucky. Elle pensait que Béhuit viendrait la rejoindre poussé par la jalousie
rapidement dans la soirée, mais ce ne fut pas le cas. Elle ne pensait plus qu’à
retourner à l’hôtel, déçue de ne pas le voir débarquer. L’homme qui lui faisait face
tentait clairement de la charmer. Elle n’était absolument pas réceptive. Elle devait
cependant rester pour son amie. Contrairement à Bucky, Nolwenn n’était pas du
tout une adepte des discothèques et également moins habituée à un
rapprochement avec les membres du sexe opposé. Bucky connaissait mieux les
risques de ce type de sortie, elle ne voulait pas laisser son amie seule avec un
inconnu sans être bien sûr qu’il soit un minimum fiable et elle consentante à ce qui
risquait de se produire dans quelques heures.

***

Le courant semblait bien passer entre Nolwenn et le jeune homme alors que
le petit groupe de quatre s’était posé pour prendre un rafraîchissement. Ils étaient,
lui et son ami, étudiants en sixième année de pharmacie à la faculté de Munich et
originaires de l’ouest Parisien. Alors que l’un des deux jeunes hommes tenta un
premier baiser rapide avec Nolwenn couronné de succès, Son comparse tenta la
même chose avec Bucky, qui le stoppa immédiatement dans son élan !

Le jeune homme changea ses plans en proposant à Bucky de venir danser


de nouveau avec Nolwenn et son ami. Elle accepta. C’était la seule chose
intéressante qu’elle pouvait faire pour laisser un peu plus de temps à son amie afin
qu’elle profite de son flirt de la soirée.

Le temps passait et Bucky était de plus en plus déçu que Béhuit ne vienne
pas. Son compagnon du soir, malgré plusieurs fins de non-recevoir de sa part,
chercha plusieurs fois à l’embrasser. Elle commençait à se sentir fatiguée et les

127
derniers verres alcoolisés qu’elle avait pris, pour tenter de faire passer sa
déception n’aidaient pas. Peu habituée à consommer de l’alcool car elle
n’appréciait pas, les effets ne tardèrent pas à se faire sentir. Les breuvages forts
avaient chez elle la somnolence pour effet secondaire.

Pour Nolwenn, tout se passait pour le mieux. Elle était en corps à corps ou
bouche-à-bouche permanent avec l’étudiant en pharmacie pour qui elle avait un
faible. C’était un véritable plaisir pour Bucky de voir son amie passer du bon temps,
elle qui avait eu peu d’aventures dans sa vie jusqu’ici. Bucky aurait bien aimé lui
laisser passer un peu plus de bon temps. Elle lui demanda de rentrer à l’hôtel, quitte
à prendre les coordonnées de ce garçon. Il était près de quatre heures du matin et
le départ pour l’aéroport était prévu pour huit heures quarante-cinq, ce qui ne leur
laissait pas présager un long sommeil réparateur. Un autre souci existait ; il y avait
en principe pour les étudiants en déplacement un couvre-feu fixé à minuit, qu’elles
n’avaient déjà que trop dépassé. Nolwenn, déçue de devoir quitter le garçon,
accepta d’accéder à la demande de son amie, mais seulement après un ultime
verre sur l’insistance des deux étudiants en pharmacie. Elle acquiesça. Son amie
méritait bien un tout dernier moment de bien-être.

Bucky choisit de commander un alcool léger. Même si l’hôtel n’était pas très
loin, il fallait qu’elle arrive à rentrer à pied et elle commençait à avoir un léger doute
sur sa capacité à le faire. Nolwenn de son côté était restée quasiment sobre,
n’ayant pris que des cocktails de fruits très légèrement alcoolisés. La meilleure
amie de Bucky n’était, tout comme elle, pas une grande fan d’alcool et aimait
garder tous ses esprits lorsqu’elle approchait quelqu’un.

Alors que les garçons étaient partis récupérer l’ultime commande de la


soirée. Nolwenn discuta seul-à-seul avec sa meilleure amie :

- Ce garçon est super, merci de m’avoir accompagné jusqu’au bout Bucky.


Je vois bien que tu es fatiguée et que ton prétendant de ce soir ne t’intéresse pas.
Je vais aux toilettes me rafraîchir un peu, tu viens ?

Bucky déclina l’offre de son amie, elle souhaitait s’économiser au maximum


en vue du retour à l’hôtel et boire ce dernier verre le plus rapidement possible.
Nolwenn s’éloigna, seule, pour se remettre à son avantage une ultime fois pour
cette nuit. Bucky était désolée que la soirée ne puisse pas se prolonger plus
longtemps, mais elle n’avait déjà que trop duré par rapport à ce qui était convenu
en déplacement sportif avec l’E2C. Il était urgent de rentrer !

128
Durant le court instant où elle se retrouva seule, Bucky somnola quelques
minutes. Elle ne fut réveillée que par le retour des garçons avec les boissons.
Nolwenn n’était pas encore revenue de son côté. L’étudiante s’empressa de boire
d’un trait son verre pour en terminer au plus vite, sans même le savourer. Elle ne
remarqua que trop tard Nolwenn qui revenait précipitamment en lui faisant des
signes.

- On part ! Dit Nolwenn dès son arrivée à la table en aidant son amie à se
lever, sans avoir même touché à son cocktail de fruit.

- Attends un peu, lui demanda un des étudiants, tu n’as même pas


commencé ton verre !

- Vous n’êtes que des salauds ! Lança-t-elle avec un ton suffisamment fort
pour que les plus proches personnes encore présentes entendent, même si
probablement aucune autre personne dans ce club ne maîtrisait la langue de
Molière.

- Je ne comprends pas, lui indiqua l’autre étudiant.

- Je vous ai vu verser une poudre dans nos boissons !

Bucky comprit immédiatement. Elle, qui d’ordinaire était très vigilante sur
ce fléau des night-clubs dans le monde entier, ne l’avait pas été sur ce dernier
verre. Elle venait d’ingérer, selon toute vraisemblance, une substance qui la
rendrait bien plus docile avec les deux étudiants. Heureusement que Nolwenn
avait été, elle, suffisamment sur ses gardes malgré ce bon moment passé jusqu’ici
avec les deux jeunes hommes. Bucky l’avait accompagnée pour justement la
protéger de ce type de mésaventure et c’était finalement elle qui était tombée dans
le traquenard !

Les deux filles sortirent très rapidement de la discothèque sans se


retourner. Bucky, avait du mal à marcher correctement et devait être soutenue par
son amie pour continuer à avancer. Était-ce le produit qui faisait déjà son œuvre
ou simplement les effets combinés de l’alcool et de la fatigue ? Elle n’était pas en
mesure de le dire, mais sans son amie, elle serait sans doute déjà tombée à terre.

***

129
Après une petite centaine de mètres, Bucky ne pouvait plus faire un pas
devant l’autre et évita une lourde chute uniquement grâce à son amie qui lui permit
d’amortir le choc avec le sol en la retenant un maximum de ses bras. Cette fois, il
n’y avait plus de doute, c’était bien le produit qui entrait en action, il devenait très
difficile pour elle de bouger les membres. Nolwenn se tenait au-dessus d’elle très
inquiète, Bucky était désormais incapable de faire quoi que ce soit. Ce produit était
d’une efficacité terrible.

***

Bucky était totalement amorphe et elle était bien trop lourde pour que
Nolwenn puisse la porter ou même la déplacer. Et pas un rat dans les rues à cette
heure tardive. La situation tournait à l’urgence, aussi Nolwenn prit la décision
d’appeler à l’aide, selon les règles internes aux campus qu’on leur rabâchait en
permanence en cas de déplacement sportif : appeler l’encadrant accompagnant
qui n’était autre que… Béhuit ! Bucky avait souhaité qu’il vienne durant toute la
soirée, elle allait être exaucée.

Elle mit la main sur son téléphone et chercha le numéro de son professeur
d’EPS dans son répertoire. Il lui avait été fourni justement pour ce type de situation
avant son premier déplacement à Bruges. A son grand soulagement, Béhuit
décrocha rapidement son combiné en cette heure plus que tardive.

- Béhuit, on vient de sortir du club avec Bucky, mais elle est tombée au sol,
je ne peux plus la relever. Je pense qu’elle a ingéré de la TTX, dit Nolwenn de façon
totalement décousue.

- De la TTX ? Interrogea Béhuit.

- C’est une drogue utilisée pour abuser des filles lors des soirées.

Elle s’arrêta de parler tout à coup. Une voiture grise venait de s’arrêter non
loin d’eux, les deux étudiants en pharmacie qui avaient drogué Bucky étaient
dedans !

- Les hommes qui l’ont droguée sont là, dit-elle à Béhuit paniquée.

Les deux étudiants n’étaient pas sur leurs traces par hasard. Ils avaient
clairement de la suite dans les idées sachant Bucky incapable de faire quoi que ce

130
soit. La ruelle où elles se trouvaient était sombre et déserte en cette heure tardive.
Malheureusement le coin idéal pour une agression, pensa Nolwenn.

- Nolwenn, écoute-moi, j’arrive ! Ne suis que ces deux consignes, laisse ton
téléphone allumé le plus longtemps possible et cours à l’hôtel si on tente de s’en
prendre à toi. Tu peux tenter de gagner du temps pour Bucky, mais sans prendre
de risque. Je pense qu’ils l’emmèneront quoi qu’il arrive.

Les deux hommes sortirent du véhicule alors que Nolwenn se contenta de


ranger son téléphone sans l’éteindre, suivant au mieux les consignes de son
encadrant. Elle était pétrifiée de terreur.

- On va vous ramener, dit l’un des deux hommes.

- Partez ! Cria Nolwenn en espérant que quelqu’un puisse les entendre pour
les secourir ou pour les faire paniquer.

Alors que les deux hommes, clairement menaçants, approchaient de


Nolwenn et Bucky, l’un des deux sortit une arme blanche de sa poche ; un couteau
à cran d’arrêt !

- Ferme-là ! Lui dit-il en la menaçant alors qu’elle continuait à crier.

Nolwenn savait qu’elle devait fuir en courant, l’hôtel ne devait être qu’à cinq-
cents mètres environ, mais elle refusait de laisser Bucky entre les mains de ces
deux individus. Dans un geste désespéré, elle tenta de traîner Bucky, à demi-
consciente en direction de l’hôtel, mais après même pas un mètre d’avancée, son
flirt du soir lui mit le couteau sous la gorge alors que l’autre homme attrapait Bucky
afin de la porter pour la déplacer dans son véhicule.

La pom-pom-girl sous la menace directe d’une arme blanche ne bougea


plus, paniquée par son agresseur, alors que son complice posait son amie à
l’arrière de la voiture avant de se mettre au volant.

- Pourquoi tu fais ça ? Demanda-t-elle

- Toi, tu étais docile, mais ta copine non, et on vous veut toutes les deux.
Maintenant tu vas monter gentiment dans la voiture avec moi.

Nolwenn cria, une fois de plus, le plus fort possible ce qui décontenança
totalement son agresseur. Par réflexe, elle appliqua ce que Béhuit lui avait
demandé ; courir à toutes jambes en direction de l’hôtel. Elle s’arracha de l’emprise
de son ravisseur avec une force qu’elle ne se connaissait pas en le bousculant

131
pour se frayer un chemin en direction de l’hôtel. Sans doute surpris de sa réaction,
son agresseur tomba, fesses sur le sol, laissant ainsi quelques foulées d’avance à
l’étudiante.

Après seulement quelques secondes, elle entendit la voiture démarrer et


s’éloigner. Ses agresseurs n’avaient pas insisté pour la rattraper. Elle était sauvée !
Mais ils avaient pris Bucky avec eux. Elle culpabilisait terriblement d’avoir laissé
les deux hommes l’emporter, on ne savait où. Mais elle ne doutait pas de ce que
lui voulaient ses deux agresseurs.

N’ayant pas de meilleures idées et suivant les consignes de son professeur,


Nolwenn se remit à courir en direction de l’hôtel jusqu’à ce qu’elle remarque que
quelqu’un galopait à sa rencontre. Elle eut du mal à le distinguer dans la noirceur
de la rue, mais elle finit par l’identifier, c’était Béhuit. A portée en quelques foulées
supplémentaires, elle se jeta dans ses bras.

- Je suis désolé, ils ont Bucky, lui dit-elle, à moitié en pleurs et tremblante.

- Y a déjà au moins cinquante pour cent de l’effectif qui est sauf ! Répondit-
il avec un calme incroyable, alors qu’il en profitait pour la regarder de la tête aux
pieds, avec ses lunettes de soleil sur la tête, en pleine nuit. C’était à se demander
comment il pouvait y voir correctement avec la noirceur ambiante.

- J’aurais dû rester avec elle, c’est ma meilleure amie, ajouta Nolwenn en


culpabilisant.

- Tu es blessée, lui dit-il en posant sa main entre son épaule et le haut de sa


poitrine. Toujours avec un flegme presque inquiétant.

Nolwenn, regarda de plus près où Béhuit avait posé la main. Il y avait du


sang ! Elle avait une entaille d’une dizaine de centimètres partant du haut de son
épaule. Elle ne sentait rien sous l’effet de l’adrénaline que devait dégager son corps
dans cette situation. Son agresseur avait dû lui asséner un coup de couteau lors
de sa fuite sans qu’elle ne s’en aperçoive.

- Ô mon dieu ! Finit-elle par dire, alors qu’elle commençait seulement à sentir
la douleur.

- L’entaille n’est pas profonde, ne t’inquiète pas, c’est superficiel, on va juste


aider l’hémorragie à s’arrêter plus rapidement, lui dit Béhuit, alors qu’il était en train
d’enlever le pull qu’il portait pour le jeter au sol.

132
D’un geste rapide, il enleva ensuite son t-shirt pour le rouler en boule et le
plaqua fortement sur la blessure de la pom-pom-girl.

- Continue à plaquer le t-shirt sur ta blessure comme je le fais, lui dit-il.


L’hôtel n’est pas loin, tu penses pouvoir t’y rendre seule ?

- Oui, lui dit-elle ne pensant qu’à son amie en danger.

Nolwenn ne souhaitait qu’une chose, que Béhuit s’occupe au plus vite de sa


meilleure amie partie en voiture, il y a quelques minutes déjà. Il était même peut-
être déjà trop tard.

- C’est ma faute, c’est moi qui voulais aller au rendez-vous, dit-elle en


craquant devant son professeur de sport.

- Nolwenn, rentre calmement, je vais chercher Bucky. Je suis sur le coup,


dit-il alors qu’il remettait son pull enlevé quelques instants plus tôt.

Béhuit semblait être sûr de lui, alors que la voiture qui transportait Bucky
était peut-être déjà loin, mais il dégageait une telle certitude dans ses dires qu’on
ne pouvait que le croire. Nolwenn se contenta de se diriger à pas rapide vers l’hôtel
alors que Béhuit partait en courant dans le sens opposé. Visiblement, il savait
précisément où il se dirigeait.

***

Bucky était à peine consciente, allongée à l’arrière du véhicule. Elle ne


parvenait pas à crier. Respirer paraissait déjà difficile. Elle sentit la voiture s’arrêter
puis entendit ses deux ravisseurs sortir de l’avant du véhicule. Incapable de faire
quoi que ce soit, elle ne pouvait qu’attendre avec anxiété la suite des évènements.
Elle se doutait d’une partie du programme, mais elle ne savait pas si on la laisserait
en vie une fois que ses deux assaillants se seraient chargés d’assouvir leurs
lamentables pulsions. Elle ne voyait qu’un point positif à la situation ; sa meilleure
amie avait réussi à prendre la fuite car elle n’était pas dans la voiture. Elle n’aurait
pas à partager ce calvaire avec elle. Il lui aurait été encore plus insupportable de
la voir souffrir à ses côtés.

Son corps fut traîné et sorti de la voiture dans une ruelle. Alors qu’elle
sentait les mains de ses assaillants parcourir son corps, laissant présager le début

133
de son chemin de croix. Elle comprit que finalement, les deux jeunes hommes
étaient en train de la fouiller et finirent par récupérer ce qu’ils cherchaient : son
portable !

- Bousille-le ! Parvint-elle à entendre.

Elle avait compris que le seul moyen de la suivre à la trace allait être anéanti.
Ses deux ravisseurs étaient bien organisés. Le visage de son courtisan du soir
s’approcha du sien. Elle lui aurait bien craché dessus, mais elle ne réussit qu’à
légèrement baver. Elle souhaitait montrer au jeune homme à travers son regard
qu’il ne la briserait pas, même si elle se sentait de plus en plus mal sous l’effet de
la drogue.

- Tu n’as pas voulu de moi et ta copine s’est enfuie, alors tu en auras deux
pour le prix d’un ! Lâcha-t-il.

Bucky se sentit à nouveau soulevée pour être remise à l’arrière du véhicule


qui se redéplaça de quelques rues durant un temps qui lui parût interminable. Le
véhicule stoppa à nouveau. L’instant d’après, elle sentit son pull puis son
débardeur partir en lambeaux. Cette fois, son calvaire commençait. L’étudiante se
laissa doucement tomber dans l’inconscience sans lutter. Elle préférait ne pas
vivre la suite du programme de manière consciente. Elle espérait simplement
pouvoir se réveiller un jour…

***

Bucky recouvrait doucement ses esprits. Un visage se tenait au-dessus


d’elle. Au moins était-elle déjà en vie, première bonne nouvelle. Une deuxième
bonne nouvelle arriva à la suite, elle provenait du visage qu’elle avait sous les yeux ;
une femme d’une trentaine d’années tout au plus, sans doute une brune teinte en
blonde à la vue des racines foncées qu’elle possédait en total désaccord avec des
cheveux blonds très clairs en fin de mèches. Elle portait des lunettes de vue et lui
envoyait des faisceaux lumineux sur ses yeux à l’aide d’une petite lampe torche.
Sans doute tentait-elle de la stimuler. Ses agresseurs eux, ne semblaient pas être
à proximité immédiate.

- Bucky ? Je suis Mélanie, parlez-moi si vous m’entendez !

134
- Je vous entends, lui confirma Bucky qui bougea la tête de droite à gauche.
Elle avait, au moins en partie, récupéré ses capacités physiques et chercha du
regard des indices visuels pouvant lui indiquer où elle se trouvait.

Dès sa réponse positive, la personne arrêta de lui éclairer les yeux pour
l’aider à se surélever légèrement afin qu’elle soit quasiment en position assise
grâce à plusieurs oreillers mis délicatement sous son dos et sa tête.

- Tout va bien Bucky, vous rappelez vous ce qui s’est passé ? Demanda-t-
elle.

L’étudiante à la mèche fuchsia ne lui répondit pas tout de suite. Elle se


contenta de regarder un peu plus en détail son environnement. La chambre où elle
se trouvait ressemblait à la chambre d’hôtel qu’elle partageait avec Nolwenn, mais
étant dans un lit deux places, ce n’était pas la sienne qui était composée de deux
lits individuels. Alors que la prénommée Mélanie lui retirait le drap qui lui couvrait
le corps, elle put se rendre compte qu’elle avait toujours son jean sur elle, heureuse
nouvelle étant donné la tournure qu’avaient pris les évènements avant qu’elle ne
perde connaissance. En revanche, sans surprise, elle n’avait ni son débardeur, ni
son pull, ni même son soutien-gorge sur la partie haute de son corps. Dans ses
derniers instants de lucidité, elle avait senti que ses agresseurs les lui avaient
déchirés. Elle n’était pas torse-nu pour autant. Elle portait un pull, clairement trop
grand pour elle, ses mains en dépassaient à peine. Pull qui ne lui était pas étranger,
un mélange de bleu et blanc comme deux couleurs mal mélangées.

La trentenaire qui lui faisait face portait une blouse et avait une grosse
mallette avec divers équipements médicaux à ses côtés. Bucky finit par fixer son
regard sur elle.

- Deux hommes m’ont mise dans leur voiture. M’ont-ils violée ? Demanda-t-
elle sans détours et clairement à celle qui lui faisait face.

Bucky préférait ne pas tourner autour du pot, même si quelques éléments


lui laissaient présager que le pire n’était finalement pas arrivé.

- Béhuit est arrivée à temps. Vous pourrez lui dire merci, lui annonça
Mélanie.

En un instant, tout s’éclaira pour Bucky. Elle se trouvait dans la chambre


d’hôtel de Béhuit et c’était bien le pull de son professeur qu’elle portait. Elle était
heureuse que rien de grave ne lui soit arrivé, mais elle l’était quasiment autant que
ce soit Béhuit qui vienne lui porter assistance. Il avait probablement dû risquer sa

135
vie pour la sauver étant donné la situation dans laquelle elle se trouvait. Une preuve
de plus qu’il tenait très fort à elle.

- Il ne lui est rien arrivé ? Et Nolwenn ? Demanda-t-elle.

- Nolwenn a une blessure sans gravité au niveau de l’épaule, elle se repose


dans la chambre de ses frères, et Béhuit est simplement aller chercher de la glace
à la réception, il s’est pris un mauvais coup et sa lèvre a bien enflée. Et au cas où
le sort de vos agresseurs vous intéresse, ils sont entre les mains des forces de
l’ordre, mais pour le moment à l’hôpital… votre chevalier servant les a bien
amochés.

- Et vous, je crois deviner que vous êtes médecin, mais pourquoi ne pas
s’être occupé de nous à l’hôpital ?

- Béhuit vous a ramené ici et je suis venue sur place. Par chance, je n’étais
pas loin. Lui et moi, on se connaît depuis un petit moment maintenant, alors quand
il m’a demandé de venir ici, je l’ai fait. Si vous aviez eu quelque chose de plus
sérieux, je vous aurais emmenée à l’hôpital, mais ce n’est pas le cas. Vous allez
toutes les deux bien… du moins physiquement. Concernant le psychologique, vous
allez peut-être devoir faire preuve de patience pour vous remettre complètement.
Une thérapie sera peut-être nécessaire.

- Finalement, je ne me rappelle pas grand-chose, je suis rapidement tombée


inconsciente. Je ne sais pas ce qui s’est passé pour Nolwenn, je vais aller lui parler
dès que j’irai mieux. Mais Béhuit, je ne comprends pas, que lui est-il arrivé ?

- Bucky, je ne vous connais pas, mais je vais aller droit au but. Je suis tenue
au secret et cela ne me permet pas de vous en dire beaucoup, mais il est impératif
que vous sachiez que Béhuit ne va pas bien en ce moment et vos péripéties
nocturnes n’ont rien arrangé. Il va bien physiquement, tout comme vous, c’est
psychologiquement que je m’inquiète pour lui ; il est dans une passe compliquée
qui me préoccupe fortement.

- Je sais qu’il me cache des choses et que cela le perturbe profondément,


je ne demande qu’à l’aider, mais il se referme comme une huître. Comprenez, j’ai
un énorme coup de cœur pour lui, je lui ai avoué, je lui ai fait plusieurs fois des
avances, je sais qu’il ressent des choses pour moi, il l’a prouvé encore ce soir, mais
je ne parviens pas à le faire s’ouvrir à moi, alors que je ne demande que ça. Si vous
le connaissez si bien, vous pouvez aussi m’aider, vous devez savoir ce qu’il me
cache.

136
- Il ne vous dira rien Bucky, pas plus que moi, surtout que je suis loin d’en
savoir autant que lui. Je vous confirme simplement que lui aussi vous apprécie
beaucoup, il vient de me le confier. Il est important qu’il sache que vous
n’abandonnerez pas. Je ne devrais pas vous le dire, mais il faut impérativement
qu’il se trouve quelqu’un d’extérieur à son entourage habituel avec qui partager,
qu’il ait une relation solide, c’est une personne qui a besoin de sentir une forte
empathie autour de lui. J’espère seulement que vous ne me décevrez pas, que
vous ne le décevrez pas, une désillusion amoureuse l’anéantirait moralement. Il
faut que vous réussissiez à percer l’armure au plus vite, sinon je crains le pire pour
lui, vous n’imaginez même pas ce qu’il a traversé et ce qu’il traverse encore. Sa vie
n’est pas aussi simple et paisible qu’elle ne le suggère.

Avant de pouvoir répondre, Bucky entendit qu’on frappait à la porte. C’était


Béhuit qui s’annonçait avant de rentrer dans la chambre qui était en fait la sienne.
Bucky regarda Mélanie. Toutes deux s’étaient immédiatement comprises ; rien ne
devait filtrer de leur petite discussion.

- Elle va bien ? Demanda Béhuit à Mélanie, une fois entrée, remarquant que
Bucky avait repris connaissance.

Il s’était improvisé une poche de glace avec une serviette en tissu de l’hôtel-
restaurant dans lequel ils étaient, qu’il appliqua sur le coin de sa lèvre une fois sa
question posée. Sa lèvre avait quelque peu enflé, mais comme Mélanie l’avait
annoncé à Bucky, cela ne semblait pas bien grave, mais la légère blessure était la
preuve que Béhuit s’était battu avec ses deux agresseurs.

- Je te confirme encore une fois que tout va bien pour elle, mis à part une
alcoolémie modérée mais en décroissance, je te conseille plutôt de t’occuper de
ta lèvre. Je vais vous laisser discuter seuls et revoir Nolwenn avant de retourner
chez moi. On reste en contact, lui répondit Mélanie qui cherchait de manière à
peine voilée à quitter les lieux le plus rapidement possible pour laisser Béhuit et
Bucky, seuls.

Après que Mélanie eut fait un signe de tête à Béhuit qui lui rendit la pareille,
le tout sans le moindre mot, la médecin quitta la chambre avec tout son matériel.
Ces deux-là se connaissaient très bien ! Une bonne amie, sans aucun doute.

Bucky se retrouva seule avec Béhuit dans un silence pesant, elle ne savait
pas trop par où commencer. Elle espérait que Béhuit prenne les devants, mais il
n’en fut rien, il se contenta d’avancer jusqu’au bord du lit où se trouvait Bucky pour

137
s’y asseoir, le tout en maintenant sa poche de glace sur sa lèvre endolorie. La pom-
pom-girl savait qu’elle devait dire quelque chose pour engager la conversation :

- Merci et… je suis désolée. J’ai été idiote, mais tu es finalement venu à ma
rencontre, c’est tout ce qui compte pour moi, trouva-t-elle à dire pour tenter de
débloquer le mutisme de son professeur.

Béhuit la regardait sans répondre. Bucky pouvait deviner, comme l’avait


averti Mélanie, qu’il n’était vraiment pas au mieux et ce depuis le début de la
semaine et elle n’était probablement pas la seule raison de ce comportement. Elle
ignorait ce qu’il lui arrivait et savait que Béhuit ne lui avouerait rien. Elle se contenta
de s’approcher de lui pour le serrer dans ses bras. Les rôles auraient sans doute
dû être inversés vu ce qu’elle venait de vivre, mais elle s’en moquait. Elle voulait
montrer toute l’affection qu’elle lui portait, Mélanie lui avait conseillé d’insister, et
elle était décidée à suivre ce conseil.

Alors que les premiers rayons de soleil commençaient à montrer le bout de


leurs nez, L’entraîneur de volley la serra également très fort d’un bras alors qu’il
utilisait toujours l’autre pour faire désenfler sa lèvre avec sa poche de glace
improvisée.

- Il va bientôt être l’heure du départ, j’ai amené tes affaires ici, je te propose
de mettre autre chose que mon pull, lui dit-il en enlevant sa poche de froid pour
être plus facilement compris.

Bucky ne tint pas compte des dires de Béhuit. Elle se contenta de poser la
main sur sa lèvre qui était légèrement ouverte et enflée. Puis elle prit la poche de
glace de son sauveur du soir pour l’appliquer elle-même sur la lèvre endolorie.

- Tu t’es suffisamment occupé de moi cette nuit. Je ne vais pas me changer.


Ton sweat me convient bien et je n’ai pas trop de vêtements à mettre mis à part
ma tenue de pom-pom-girl, laisse-moi plutôt prendre soin de toi, lui dit-elle d’une
voix qu’elle voulait la plus douce possible.

- Je suis épuisé, Bucky, dit-il d’un ton qui en disait long sur son état physique,
mais surtout moral.

- Il nous reste un peu de temps, lui répondit-elle.

Avec une énorme délicatesse, Bucky allongea Béhuit à ses côtés, dans le
lit. Elle posa la tête sur le torse de celui qui venait de la sortir d’une très mauvaise
passe pour ne plus la bouger. Entendre le cœur de la personne pour qui elle s’était

138
éprise l’apaisait. Elle espérait que c’était également le cas pour Béhuit. Ils restèrent
là, silencieux plusieurs minutes, avant que Bucky ne finisse par se rendormir.

Elle ne sortit de sa torpeur qu’en entendant Antoine taper à la porte pour


prévenir qu’elle et Béhuit étaient attendus, car en retard, pour le retour. Béhuit
s’était aussi assoupi. Il fallait rejoindre les autres. Ils n’avaient dû dormir qu’une
vingtaine de minutes tout au plus, mais que le moment fut agréable.

***

Le chemin du retour, en avion, fut rapide. La nuit de Bucky et Nolwenn fut


sur toutes les lèvres du groupe. Bucky aurait préféré s’occuper un peu plus de son
sauveur de la nuit dernière, mais elle était harcelée de questions et souhaitait
également rester aux côtés de Nolwenn. Son amie avait un large pansement au
niveau du creux de l’épaule et semblait encore sous le choc de l’agression qu’elles
avaient subie. Plus que tout, elle semblait inconsolable d’avoir laissé son amie
pour prendre la fuite. Bucky tenta bien de lui expliquer, qu’au bout du compte,
c’était bien son amie qui avait subi le plus de dégâts physiques et psychologiques
dans cette affaire, mais elle ne semblait pas convaincue. Elle n’aurait jamais dû
fuir en laissant sa meilleure amie entre les mains des deux étudiants en
pharmacie. Etaient-ils seulement réellement étudiants en pharmacie ?

Finalement, tout le monde comprit que le pire avait été évité grâce à la
vigilance de Nolwenn et à l’intervention de Béhuit, qui restait en retrait de tout cela.
Antoine et Djurek tentèrent bien de questionner leur entraîneur sur ce qu’il avait
exactement fait pour retrouver Bucky et la tirer des mains de ses agresseurs, mais
il se contenta de répondre que c’étaient les forces de l’ordre sur place qui avaient
surtout agi. Bucky n’en croyait pas un mot. Mélanie lui avait dit le contraire et des
éléments le prouvaient ; c’était bien le pull de Béhuit qu’elle portait encore sur elle
qu’il avait probablement enlevé pour ne pas la laisser poitrine à l’air et la lèvre de
son professeur d’EPS portait encore les stigmates d’une rixe, il avait forcément dû
arriver avant les forces de l’ordre sur place.

Le groupe fut ramené sur le campus de Cley afin que chacun puisse rentrer
chez soi de son côté. Béhuit entra dans sa voiture après avoir dit rapidement en
revoir d’un signe de la main à tout le monde, puis quitta les lieux. Bucky ne
souhaitait absolument pas en rester là avec lui. Elle demanda à Nolwenn de rentrer

139
avec ses frères dans la voiture familiale des Donerm. Son amie lui répondit par
l’affirmative, sans même lui poser de question. Elle savait pertinemment que
Bucky souhaitait retrouver Béhuit. Jamais elle n’avait vu son amie aussi
déterminée à suivre un garçon. Avec ce qui venait de se passer, Nolwenn aurait
également aimé pouvoir se réconforter auprès de quelqu’un, mais sa vie
sentimentale était décidément un désastre ces derniers temps, preuve en était la
nuit dernière.

***

La capitaine des pom-pom-girls avait pour idée de prendre en chasse son


professeur d’EPS à l’aide de son véhicule. Béhuit, avec son vieux véhicule, fut tout
simplement impossible à suivre pour elle avec sa voiture sans prendre trop de
risque. L’entraîneur de volley filait chez lui à une vitesse des plus dangereuses,
preuve supplémentaire de son mal-être et, fort heureusement, d’une habilitée
certaine pour la conduite. Bucky en le suivant savait qu’elle avait toutes les
chances de transformer son trajet en accident de la circulation. Elle se contenta
de se diriger chez lui à son rythme.

Lorsqu’elle se gara, elle ne fut pas surprise de voir le véhicule de Béhuit déjà
rangé sur son emplacement et les lumières d’ambiance de la maison déjà
allumées. Malgré un trajet très court entre le campus et son domicile, Béhuit était
arrivé depuis plusieurs minutes. Il avait vraiment dû y aller fort sur la vitesse pour
rentrer chez lui !

Elle descendit de son véhicule avant de sonner en continu à la porte d’entrée


de la villa. Béhuit ouvra. Bucky prit immédiatement la parole sans laisser à
l’occupant des lieux la moindre chance de pouvoir s’exprimer alors qu’une averse
pointait le bout de son nez :

- Dès demain, je demande à changer de classe, dit-elle.

- Dans quel but ? Demanda Béhuit.

- Il n’y aura, de cette façon, plus de relation prof-élève entre nous. Cela
évitera toute complication pour ton travail. J’attends maintenant de savoir ce qui
t’empêche de sortir avec moi !

140
- Je te l’ai déjà dit, même si j’apprécierais entamer quelque chose avec toi,
nous deux, c’est voué à l’échec. Nous deux, ce n’est pas possible, je devrai te
quitter un moment ou un autre !

- Ne vis pas dans l’avenir, profite du présent ! Le coupa-t-elle. Même si


j’ignore pourquoi tu devras partir, tu m’as mise au courant et je préfère vivre
quelque chose avec toi ne serait-ce qu’une petite heure, plutôt que de me faire
repousser sans cesse par une personne dont je sais pertinemment qu’elle me
désire autant que je la désire. Je te ferai céder à un moment ou un autre. Tu ne
peux pas rester comme ça, seul et triste ! Laisse-moi entrer dans cette maison et
ta vie ! Finit-elle par lui dire.

- Ne fais pas ça Bucky, répondit Béhuit désemparé.

- Soit tu me laisses rentrer parce que je te plais et tu es courtois, car il pleut


et je commence à être trempée. Soit, je repars déçue, mais encore plus déterminée
et je te jette ton sweat immédiatement dans la tête, faute d’autres projectiles
disponibles, pour te montrer mon mécontentement envers ton entêtement !
Menaça-t-elle.

- A part mon sweat, tu ne portes rien… lui fit remarquer Béhuit.

Voyant que Béhuit ne se décidait pas à la faire entrer et malgré sa remarque,


dont Bucky était pleinement consciente, elle ne se défila pas. Elle enleva le sweat
devant lui et sur le pas de la porte avant de le jeter dans sa direction.

Doué d’une bonne anticipation, Béhuit parvint à éviter le vêtement


transformé en projectile pour l’occasion. Bucky le regardait fixement dans les yeux
lorsqu’il la regarda à nouveau ; elle ne cachait rien du haut de son corps. La pom-
pom-girl se savait jolie fille et tous les moyens étaient bons pour le faire craquer
ou, pour commencer, au moins à la faire entrer par pudeur vis-à-vis des voisins qui
avaient l’agréable possibilité de se rincer l’œil.

- Je ne bougerai pas d’ici temps que tu ne me laisseras pas entrer, ajouta-t-


elle.

Béhuit lui ferma la porte au nez sans plus d’explications. Mais elle était
déterminée, elle ne bougea pas malgré le froid et l’humidité qu’elle commençait à
sentir, la pluie doublant d’intensité. La porte se rouvrit au bout de quelques
secondes. Béhuit avait récupéré le haut jeté et le tendit à Bucky.

- Tu vas attraper froid Bucky, remets ça, lui demanda Béhuit.

141
- Je refuse ! Si tu ne veux pas que j’attrape froid, laisse-moi entrer !

- Mais quelle tête de mule ! Pensa à voix haute Béhuit.

Bucky ne fit pas le moindre geste, malgré une envie pressante de se mettre
à l’abri. Elle laissa volontairement les cartes en main à Béhuit… qui finit par céder
en se poussant de son entrée, lui signifiant qu’elle pouvait pénétrer dans la villa.
Elle s’engouffra immédiatement dans la maison avant de fixer à nouveau son vis-
à-vis. Béhuit referma sa porte d’entrée pour, à son tour, regarder Bucky. Elle
remarqua dans son regard qu’il ne la fixait pas droit dans les yeux, mais la
parcourait dans son ensemble. Elle ne fut ni surprise, ni gênée. Pour la deuxième
fois, elle donnait à Béhuit l’occasion de voir le haut de son corps sans le moindre
artifice pour le cacher.

- Remets ça, lui demanda Béhuit en lui tendant le sweat.

- Si tu acceptes de sortir avec moi !

- Remets ça ! Renouvela-t-il.

- J’attends, lui dit-elle avec un sourire en coin.

Elle le voyait tergiverser et décida d’accélérer les choses en s’approchant


un peu plus de lui. Elle se retrouva très proche, à portée de ses lèvres, mais s’arrêta.
Elle laissa à Béhuit l’occasion de faire le dernier pas… qu’il fit après une ultime et
brève hésitation !

Pour la première fois, c’était lui qui avait pris l’initiative de coller ses lèvres
contre les siennes. Bucky s’empressa de placer ses bras autour du cou de Béhuit
comme pour mieux le tenir afin qu’il ne se défile pas, une fois de plus. Après un
long et tendre baiser, les choses s’accélérèrent sur l’initiative de Bucky qui
accompagna Béhuit pour enlever le t-shirt qu’il portait. Une fois torse nu, elle le tira
vers l’énorme canapé d’angle qui se trouvait non loin de là et s’allongea dessus,
sur le dos, en l’invitant à venir par un geste du doigt. Il s’allongea tout près d’elle
afin de l’embrasser à nouveau, tout en lui caressant le ventre puis en remontant
doucement et sensuellement jusqu’à sa poitrine. C’est à ce moment que Bucky
ressentit… un mal-être ! Cela n’avait rien à voir avec Béhuit, mais elle s’arrêta
immédiatement de l’embrasser et retira la main que Béhuit avait posé sur son sein.

C’était une catastrophe ! Elle qui n’avait jamais autant déployé d’énergie
avec un garçon pour en arriver là était désormais mal à l’aise. Le contact physique
de Béhuit sur son corps lui rappelait… son agression de la nuit dernière ! Bucky

142
avait finalement quelques séquelles psychologiques et elle le découvrait au pire
moment. Ce n’était pourtant pas le plus grave pour elle. Bucky se connaissait bien
et savait qu’elle était douée d’une résilience au-dessus de la moyenne et d’une
fabuleuse force de caractère qui lui permettrait d’oublier vite la tentative de viol de
la veille. Le vrai problème était de faire comprendre à Béhuit qu’elle désirait
finalement remettre à plus tard ce qu’ils faisaient alors qu’elle avait tout fait pour
le déclencher ! La crainte de le laisser dans une totale incompréhension après
avoir soufflé le chaud et le froid était réelle. Impossible pourtant pour elle d’aller
plus loin. Impensable de continuer avec Béhuit avec une arrière-pensée de dégoût !

- C’est affreux… dit-elle en le regardant alors qu’il s’était allongé à côté d’elle
comprenant que quelque chose n’allait pas.

- Tu viens juste de subir un choc Bucky, ne t’inquiète pas, je comprends tout


à fait, lui dit-il en se levant du canapé pour ramasser son t-shirt et aider Bucky à
l’enfiler afin qu’elle porte quelque chose sur le haut du corps.

Béhuit était vraiment un homme hors norme. Loin de tout ceux qu’elle avait
côtoyé jusqu’ici. Il avait immédiatement compris ce qui se passait en elle, sans
qu’elle ne lui dise le moindre mot. Il lisait en elle comme si toutes ses pensées et
ses ressenties étaient à voix haute.

- Rassure-moi, même si je me suis bloquée, on peut envisager quelque


chose ensemble ? Tu ne vas pas renier tes sentiments ? S’inquiéta-t-elle.

Béhuit pris un instant de réflexion avant de répondre :

- Tu hantes mes pensées Bucky, depuis le premier baiser que nous avons
échangé la semaine dernière. Je veux juste te dire que notre relation se fera
obligatoirement au jour le jour, je ne peux rien te garantir de plus.

- Au jour le jour, marché conclu. Je te promets que je vais vite me remettre


pour que l’on puisse aller au bout des choses.

- J’y compte bien, ça fait deux fois que tu te déshabilles devant moi et qu’il
ne se passe rien, c’est assez frustrant, je dois avouer.

- La troisième sera la bonne, compte sur moi. Là, je suis juste perturbée et…
très fatiguée. Pour me faire pardonner, je te propose que l’on se fasse livrer à
manger, à mes frais, pour ensuite faire une bonne sieste récupératrice.

- Tu ne préfères pas rentrer chez toi ? Demanda Béhuit.

143
- Pour rien au monde ! Lui répondit Bucky.

***

Bucky et Béhuit passèrent durant le repas, livré par drone, qu’avait


commandé la pom-pom-girl, un agréable moment à échanger. Elle n’avait pas
souvent eu l’occasion d’être seul-à-seul avec lui. Il en mentionnait toujours aussi
peu sur sa vie privée et recevait quelques messages qu’il prenait soin de ne pas lui
divulguer, mais elle s’en moquait. Avec le temps, elle lui prouverait qu’elle serait
digne de confiance. Le plus important était qu’il ait admis ses sentiments pour elle.
Le reste viendrait naturellement avec le temps. Ils étaient enfin ensemble !

Le sommeil fut de plus en plus pesant au bout d’une petite heure. Bucky ne
tenait plus et alla s’écrouler sur le canapé du salon. Béhuit la couvrit avec un plaid
sorti d’un meuble afin de s’assurer qu’elle n’ait pas froid, alluma le poêle à bois,
puis s’allongea non loin d’elle pour s’assoupir aussi. La distance n’était pas assez
proche pour Bucky, qui lui fit comprendre dans l’instant qu’elle n’était pas restée
dormir ici pour ne pas être en contact physique avec lui. Elle se blottit avec son
plaid dans les bras de Béhuit qui se laissa approcher. A son contact, elle se sentait
en sécurité et heureuse.

Ils passèrent une grosse partie de l’après-midi à dormir, l’un contre l’autre.
Bucky était heureuse d’avoir proposé à Béhuit de rester chez lui ; dormir à ses
côtés était bien plus agréable que seule dans son lit chez Nolwenn.

***

Bucky ouvrit doucement les yeux. Elle se sentait déjà beaucoup mieux. La
sieste qu’elle venait de faire avait été réparatrice. Elle remarqua, dès son éveil,
qu’elle n’était plus blottie dans les bras de son nouveau petit ami. Il avait quitté le
canapé. Elle le chercha rapidement du regard. Il ne se trouvait pas bien loin ; il
revenait de la cuisine ouverte avec un plateau qu’il déposa sur le canapé. Bucky
pût sentir une odeur de café provenant du plateau. Béhuit lui avait préparé de quoi
s’hydrater et quelques biscuits au chocolat.

144
- Attention ! Si c’est tout le temps comme cela, je risque de passer très
souvent chez toi, fit-elle remarquer, heureuse que Béhuit prenne soin d’elle.

- Tu peux rester encore si tu le souhaites, mais je dois préparer mes cours.


Dès mardi, je dois vous proposer une nouvelle activité en commençant par ta
classe. D’ailleurs à ce propos… ne demande pas à changer de classe, je ne veux
pas perturber tes habitudes. Ton diplôme est plus important que tout.

- Béhuit, tu risques le renvoi si jamais la direction sait que nous sortons


ensemble et il en sera terminé de ta carrière de professeur. Je préférerais aller
parler directement au directeur, dès demain, pour lui expliquer en toute
transparence que je préfère changer de classe car nous nous fréquentons et que
nous savons qu’une relation professeur-élève n’est pas autorisée. Le problème
sera réglé si tu n’es plus mon professeur d’EPS.

- Ma carrière de professeur ? Bucky, tu as compris que je n’ai jamais été


professeur d’EPS ?

- Disons que je me suis posé la question, mais comme tu t’es toujours bien
débrouillé. Tu maîtrises parfaitement les choses, que ce soit en EPS ou en Volley.
J’ai juste entendu dire que tu n’étais pas très à l’aise pour prendre l’intérim de
l’équipe de basket.

- Bucky, à part au volley où j’ai effectivement des diplômes, je ne suis à l’aise


nulle part ! C’est pour ça que j’ai besoin que tu sois présente à mes cours afin que
tu puisses m’aider à donner le change et m’aiguiller. Dès que je vais passer à
d’autres activités que le volley, on risque de remarquer la supercherie et je serai
renvoyé avant même que l’on soit au courant de notre relation.

Bucky lui sourit. Béhuit se confiait à elle, enfin ! Cette première révélation la
décontenança quelque peu, mais elle comprit pourquoi le changement de classe
qu’elle proposait n’était pas nécessaire. Elle voulait poser une multitude de
questions à son professeur. Mais elle décida de mettre à plat les choses
calmement, les unes après les autres.

- Tu as bien tes diplômes de professeur d’EPS, rassure-moi ?

Béhuit secoua la tête pour lui signifier que ce n’était pas le cas.

- Je ne demande qu’à t’aider, mais tu l’as sans doute remarqué, je suis une
calamité en sport… à moins que tu ne proposes la danse comme prochaine

145
activité ! Je pourrais te guider en préparant les cours à ta place ? Pensa à voix
haute Bucky.

- L’idée est bonne Bucky, mais préparer des cours prend du temps et tu as
déjà tes propres cours et la préparation de la chorégraphie des pom-pom-girls pour
la présentation des garçons. Je refuse que tu prennes un risque dans tes études
pour moi.

- Béhuit, tu es un excellent entraîneur de volley, pourquoi ne pas avoir posé


ta candidature uniquement pour ce poste ? Pourquoi avoir voulu également
postuler pour être professeur d’EPS ? Si c’est pour des raisons financières,
démissionne. Je trouverai un moyen pour le côté pécunier.

- Bucky, stop ! Coupa Béhuit. La seule chose que je peux te dire, c’est que je
dois faire partie intégrante du campus, c’est réellement important. Je ne peux
vraiment rien te dire de plus.

- Je ne comprends pas trop… mais je m’adapte ! Creuse-toi la tête, à part le


volley, il y a bien un sport que tu maîtrises à peu près ? Tu es très sportif, je le vois
quand tu joues un peu lors des entraînements avec les garçons, lorsque tu as joué
avec moi durant le tout premier cours d’EPS ou encore quand tu as mis au tapis
les deux salauds qui ont essayé d’abuser de moi la nuit dernière d’après ce que j’ai
pu comprendre.
Le visage de Béhuit s’illumina tout à coup, il prit avec empressement la main
gauche de Bucky dans les siennes. Même si elle ne comprenait pas exactement,
la conversation qu’ils avaient ensemble l’avait orientée sur une idée.

- Bucky, à L’E2C, le professeur d’EPS peut bien proposer n’importe quel


sport ?

- Dans la limite du raisonnable. En troisième année, j’ai bien eu six séances


de plongée sous-marine dans le lac artificiel du campus. Tu peux donc sortir un
peu des sentiers battus.

- Merci Bucky, j’ai trouvé !

Bucky ne comprenait pas exactement comment elle lui avait fait trouver son
activité d’EPS pour mardi matin, mais elle était heureuse pour lui. Elle s’approcha
un peu plus pour lui déposer un rapide baiser sur la bouche.

- Merci à toi aussi.

- Pour ? L’interrogea Béhuit.

146
- De me faire confiance.

Ils se souriaient. Bucky ne demandait qu’à en savoir plus sur Béhuit, mais
elle décida de ne pas lui poser de question trop indiscrète, il lui avait déjà fourni
des informations surprenantes et il avait probablement de très bonnes raisons de
ne rien lui dévoiler.

- En tant qu’élève avec un statut spécifique désormais, je pourrais connaître


le sport que je pratiquerai mardi ? Demanda l’étudiante, tout de même curieuse.

Béhuit garda volontairement le silence. Bucky n’insista pas, elle se contenta


d’apprécier le café et les biscuits que lui avait servis son hôte.

***

L’étudiante rentra chez elle avec le t-shirt de Béhuit sur le dos pour réviser
un peu avec Nolwenn qui sortait elle aussi d’une sieste tardive.

Les parents de Nolwenn et ses frères étaient aux petits-soins avec Nolwenn
après les évènements nocturnes qu’elle avait traversés avec Bucky. Ils
souhaitaient aller voir Béhuit pour le remercier en personne, mais Bucky leur avoua
qu’elle revenait de chez lui et qu’elle l’avait déjà fait au nom de tous.

Bucky fut encouragée, en début de soirée, par l’ensemble de la famille


Donerm, à appeler ses parents pour les avertir des évènements de Munich. La
pom-pom-girl les appela et les rassura au mieux en minimisant les choses. Elle les
savait déjà très préoccupés par leur travail et ne voulait pas en rajouter une
couche. Les Donerm et Béhuit étaient de toute façon là pour la soutenir au cas où.

Les deux pom-pom-girls montèrent dans leur chambre, assez tôt dans la
soirée, une fois le dîner passé. Elles souhaitaient pouvoir discuter entre elles dans
leur chambre commune avant de se coucher pour être suffisamment en forme
pour la dernière semaine de cours qui les attendait avant la semaine de vacances
de la Toussaint précédée de la fête d’Halloween qu’organisait le campus, comme
tous les ans.

Les remords de Nolwenn envers Bucky semblaient lentement se dissiper


après avoir reparlé de leur mésaventure du soir précédent. Son amie se remettait
tranquillement de l’estafilade qu’elle avait de l’épaule au haut de sa poitrine.

147
D’après les dires de Mélanie, elle ne garderait même pas de cicatrice. Une fois
l’histoire du drame, où elles avaient eu toutes deux la peur de leur vie, évacuée,
Nolwenn poursuivit la discussion pour savoir ce qui s’était passé chez Béhuit et
s’ils sortaient ensemble ou pas. Bucky ne préféra pas répondre pour protéger
Béhuit, même si Nolwenn se doutait grandement des choses ; Bucky s’était rendue
chez Béhuit avec son sweat flashy pour en revenir avec son t-shirt ! Elle s’était, de
plus, bien évidemment changée en rentrant chez les Donerm, mais elle l’utilisait de
nouveau ce soir en tant que chemise de nuit. Le fait d’utiliser à nouveau le t-shirt,
sans même l’avoir lavé prouvait que son amie Bucky était devenue carrément
accro à cet homme. Aussi loin que la mémoire de Nolwenn remontait, elle n’avait
jamais connu Bucky aussi amoureuse. Sans essayer d’obtenir plus d’informations
en lui énonçant les faits, Bucky se trahit par un sourire gêné. Son amie avait raison
et il n’était pas possible de lui mentir, d’autant plus qu’elle envoya un message
souhaitant une bonne nuit à Béhuit. Elle était déjà impatiente de le retrouver le
lendemain soir à l’entraînement dans le gymnase commun aux volleyeurs garçons
et aux pom-pom-girls qui leur étaient affiliées. Quand elle n’était pas avec lui,
c’était systématique, il lui manquait. Et c’était encore pire maintenant qu’ils étaient
ensemble.

148
Chapitre 6 : En attendant les vacances

Il ne restait plus qu’une semaine de cours avant les vacances de la


Toussaint et un repos bien mérité d’une semaine pour l’ensemble des étudiants.
Alors que Bucky avait passé une nuit somme toute normale, cela avait été plus
difficile pour Nolwenn qui avait cogité sans arrêt sur son agression de la nuit
précédente. Il était difficile pour elle de passer à autre chose. Elle avait encore
besoin de repos pour récupérer convenablement, mais il fallait bien aller en cours.
Pour au moins lui changer les idées.

Bucky, en pleine forme et heureuse de débuter une relation avec Béhuit,


même discrète, l’aida de son maximum en lui préparant ses affaires et son petit-
déjeuner. L’entraide était une seconde nature entre les deux amies. Elle espérait
qu’elle retrouve rapidement un sommeil serein. Son amie ne tiendrait pas la
semaine de cette façon avec un tel déficit de repos si les prochaines nuits
s’avéraient identiques à celle-ci.

Avant de partir, Bucky prit soin d’envoyer un message à Béhuit :

" Bonjour mon professeur préféré, tu as un moment de libre pour que l’on se
voit seuls ? Je t’embrasse fort"

La réponse ne tarda pas :

"Bonjour ma pom-pom préférée. Emploi du temps full, seule possibilité à la fin


de l’entraînement de ce soir, pas trop tard pour toi ?"

Bucky ne perdit pas de temps à lui confirmer la proposition :

149
"J’irai jusqu’au bout de la nuit pour toi. Il faudra que tu me ramènes pour ne
pas éveiller trop de soupçons, c’est ok ?"

L’émoticône en forme de pouce levé de Béhuit apparaissant sur l’écran de


son smartphone confirmant leur rendez-vous nocturne la rendit folle de joie. Ne
restait plus pour elle qu’à préparer habilement les choses pour éviter d’être
surprise avec lui par les volleyeurs. Concernant les pom-pom-girls de son équipe,
elle ne leur avait encore rien dit sur l’évolution de sa situation avec lui. Elle avait
décidé de leur annoncer le strict minimum, mais il était limpide dans son esprit
qu’elle profiterait de ses amies pour l’aider à garder sa relation avec Béhuit secrète
le plus longtemps possible, en attendant de trouver une autre solution qu’une
demande de changement de classe que Béhuit ne cautionnait pas. La fin d’année
scolaire était encore bien trop loin pour espérer cacher cette relation tout ce
temps ! Bucky se connaissait, elle allait forcément faire une bourde avant. Elle était
bien trop démonstrative quand il s’agissait d’exprimer ses sentiments. Surtout vu
leurs forces en ce qui concernait ce beau blond avec une mèche ciel.

Avant de partir, Bucky s’occupa encore de Nolwenn en lui changeant son


pansement et en lavant sa plaie. Les dires de Mélanie se confirmaient ; la blessure
cicatrisait déjà et était moins vilaine que la veille. Elle n’en garderait probablement
aucune trace visible ou très légère dans le pire des cas. Il allait juste falloir oublier
les décolletés pour les prochains jours pour son amie. Une fois le pansement
changé, elle prit les clés de son véhicule pour se diriger avec Nolwenn, en même
temps qu’Antoine et Erik, vers les véhicules qui leur permettaient de se rendre sur
le campus.

***

A leur arrivée sur la grande esplanade d’accueil du campus, Bucky et la


fratrie Donerm purent découvrir que des installations décoratives étaient en cours.
Pour ceux qui auraient pu se poser la question, comme les premières années ou
sans doute Béhuit, l’immense panneau d’information centrale en indiquait la
raison : la traditionnelle fête d’Halloween du campus prévue, comme tous les ans,
le samedi soir juste avant les vacances scolaires !

Les campus d’excellence organisaient en effet de nombreux évènements


dans le but de faire décompresser les élèves et les lier un peu plus entre eux. Outre

150
le fait de sortir ses étudiants avec un diplôme mondialement reconnu en fin de
cursus, le but était de les rapprocher afin qu’ils puissent être solidaires les uns des
autres dans leurs vies professionnelles futures et rien de tel que ces fêtes pour le
faire. Pour l’occasion, les trois gymnases étaient utilisés pour organiser une soirée
musicale où il était nécessaire de venir déguiser, de la façon la plus originale
possible, afin de faire de nouvelles rencontres pour les premières années et tenter
de remporter le trophée du meilleur déguisement de l’année pour la totalité des
étudiants. Le campus se couvrait traditionnellement de toiles d’araignée, de
squelettes phosphorescents, de pierres tombales lumineuses, de citrouilles
sculptées ou encore de rats en résine pour ces festivités. Bucky et Nolwenn
appréciaient cet évènement et le moment était venu de trouver un costume digne
de ce nom. Il fallait juste être précautionneux pour Bucky et éviter de se déguiser
en agresseur au couteau à cran d’arrêt pour cette année !

Le groupe d’amies composé de Bucky, Nolwenn, Lily, Glaème, Shandrill


s’était retrouvé au niveau des casiers. Bucky et Nolwenn ne coupèrent
évidemment pas au résumé de leur mésaventure à Lily, seulement mise au courant
par Anita. Le fait de parler de cette agression apaisa un peu Nolwenn. Il était
évident qu’elle avait besoin d’en parler un maximum aux autres ; une vraie thérapie
pour elle. Du côté de Bucky, la page était quasiment tournée. Elle ne se souvenait
finalement que de peu de chose et se sentait désormais mieux. La nuit avait fait
des merveilles dans sa tête. Elle n’attendait plus qu’une chose pour se confirmer
un état psychologique optimal ; que Béhuit repose ses mains sur elle afin qu’ils
puissent terminer ensemble ce qu’ils avaient initié chez lui. Après avoir fait le tour
de l’agression du night-club, la sonnerie du campus, en mode Halloween avec un
son de fantôme hurlant, indiquant le début des cours, se mit en route. Il était temps
d’aller en cours d’expression écrite. Mais juste avant de rentrer dans la salle de
classe, Nolwenn et Bucky apprirent leur convocation immédiate par le directeur.
Les deux amies n’étaient pas les seules à être demandées dans le bureau de la
direction du campus, Béhuit l’était également. Sans doute en lien avec ce qui leur
était arrivé la veille.

Dispenser du cours d’expression écrite, les deux filles retrouvèrent Béhuit


sur le chemin du bureau du directeur. En présence de Nolwenn, Bucky ne fit qu’un
simple bonjour à Béhuit par un signe de main. Le professeur de sport en fit de
même pour Bucky et Nolwenn. Il était bien dommage que Nolwenn soit présente,
Bucky en aurait bien profité pour discuter avec Béhuit plus intimement sur le
chemin.

- Tu sais pourquoi nous sommes convoqués ? Demanda Nolwenn à Béhuit.

151
- Tu ne t’en doutes pas ? Lui répondit Béhuit.

- Si, mais je voulais dire, pourquoi exactement ?

- Je pense pour connaître les détails, mais nous verrons bien !

Arrivés au niveau du bureau, les deux élèves et leur professeur furent


immédiatement invités à entrer. Là, le directeur et quelques autres personnes les
attendaient. Ils ne cachèrent point leurs intentions ; ils cherchaient à savoir ce qui
s’était passé exactement pour faire en sorte que cette histoire ne soit rapidement
plus qu’un mauvais souvenir et essayer d’éviter ce type de problème à l’avenir.

- Entrons dans le vif du sujet, Nolwenn Donerm et Bucky Délavigna, une fois
le match terminé et votre retour à l’hôtel, qu’avez-vous fait ?

Bucky voyait Nolwenn totalement perdue. Elle ne disait mot, se sachant bien
moins éloquente que sa meilleure amie. Bucky comprit immédiatement que c’était
bien elle qui devrait prendre la parole.

- Nous avons décidé de sortir dans une discothèque toute proche. Nous
avions rencontré deux garçons durant le match et on devait se retrouver là-bas,
répondit Bucky tout en comprenant qu’elle et son amie allaient bientôt être prises
à défaut.

- Avez-vous prévenu Monsieur Ciel de cette sortie et quelle heure était-il ?

- Oui, j’ai frappé à sa porte pour lui signaler, il devait être un peu plus de
vingt-trois heures, je pense.

- Donc en partant à plus de vingt-trois heures, vous comptiez revenir avant


minuit ?

Alors que Bucky cherchait comment répondre au mieux, Béhuit pris


immédiatement la parole.

- J’ai autorisé Bucky et Nolwenn à revenir plus tard qu’à minuit étant donné
le chamboulement sur le planning de déplacement à l’extérieur. Comme vous le
savez, la situation était délicate et le match ayant fini plus tard que d’ordinaire, je
me suis dit que décaler les horaires du couvre-feu semblait cohérent, mentit-il, afin
de couvrir les deux étudiantes.

- Je pense que c’est une erreur de votre part, lui répondit le directeur. Quelle
limite horaire leur avez-vous donnée ?

152
- Aucune, je leur ai juste dit qu’elles pouvaient revenir plus tard pour cette
fois, répondit l’entraîneur de volley.

Le cerveau de Bucky tournait à plein régime. Béhuit était en train de lui


sauver la mise, ainsi qu’à Nolwenn. Elle cherchait à faire en sorte de reprendre les
choses en main pour éviter qu’il se prenne des sanctions disciplinaires à leur
place ! Il prenait des risques manifestes pour les couvrir. Bucky pouvait être
rassurée des sentiments de Béhuit à son égard, il la protégeait, ni plus, ni moins.

- On n’a pas vu l’heure passer, on comptait revenir vers une heure du matin,
mais on n’a pas fait attention, intervint Bucky.

- En fait, un des garçons me plaisait et j’ai demandé à Bucky de rester un


peu plus longtemps que de raisonnable, avoua Nolwenn.

- J’aurais dû les rappeler, mais je me suis endormi. Il faut dire que j’étais le
seul accompagnant et que j’ai été très sollicité durant cette journée pour dépanner
le campus. Les filles ont clairement commis une erreur en rentrant très
tardivement. J’ai commis une erreur en leur laissant une flexibilité sur le couvre-
feu et en m’endormant, et si je puis me permettre, Monsieur le directeur, malgré
toute votre bonne volonté, vous m’en avez demandé beaucoup trop. Je devais
gérer deux évènements sportifs seul, ou quasiment, dont un en Allemagne, alors
que je suis en poste ici depuis environ un mois, c’est un petit miracle que tout ce
qui avait été prévu ait été fait. Il faut convenir ensemble d’une chose, dans cette
situation particulière, nous avons tout fait au mieux avec des erreurs sur
l’ensemble de la chaîne, mais je trouve que nous nous en sommes tous
remarquablement sortis, y compris les filles qui ont superbement réagi face à leurs
agresseurs ! Argumenta Béhuit.

- Vous ne pouvez pas, à vous et à moi, nous reprocher des erreurs sur des
imprévus de dernière minute, rétorqua le directeur.

- Sauf votre respect, Monsieur le directeur, je ne pense pas que Bucky et


Nolwenn avaient prévu, non plus, qu’elles se retrouveraient dans cette discothèque
en face de deux prédateurs sexuels ! Enchaîna Béhuit, décidé à ne rien lâcher pour
protéger les filles.

Une pause sonore s’abattît sur la salle de réunion du bureau du directeur.


Des regards se croisèrent comme pour s’interroger à la table. Bucky, elle, regarda
Béhuit qui jeta également un coup d’œil rapide vers elle. Du bout des lèvres, elle lui
mima un merci qu’il comprit immédiatement en lui répondant d’un clin d’œil avec

153
un sourire en coin. Elle appréciait profondément son aide. Quel dommage qu’elle
ne puisse se jeter dans ses bras pour l’embrasser !

Le directeur mit un temps avant de reprendre la parole pour se tourner une


nouvelle fois vers les deux pom-pom-girls :

- Pouvez-vous nous dire ce qui s’est passé au juste durant votre escapade,
très tardive, en discothèque ?

Bucky expliqua avec le plus de détail possible cette nuit-là. Elle ne manqua
pas de souligner, les bons réflexes de Nolwenn et la prise en main de la situation
par Béhuit. Une fois son long discours terminé, le directeur se contenta
simplement de proposer, à tout élève le souhaitant, un soutien psychologique avec
l’une des personnes assises à la table. Un psychologue était présent pour
l’occasion. Pour le reste, ils devaient discuter du reste entre eux. Bucky n’était pas
totalement sereine pour elle et son amie, mais Béhuit avait été pour elle un
merveilleux avocat !

Les filles et leur professeur quittèrent la salle avec le psychologue. Nolwenn


avait tout de même demandé à lui parler. Elle en avait besoin, contrairement à
Bucky qui ne s’estimait déjà plus impactée par cette histoire. Elle pouvait rejoindre
sa classe, accompagnée par Béhuit. Rien que pour cela, elle avait été ravie d’avoir
été convoquée.

- Merci d’avoir pris notre défense, lui dit Bucky une fois seule avec lui sur le
chemin du cours d’expression écrite.

- J’espère juste que vous n’aurez pas de problème.

- Le seul problème que je risque d’avoir, c’est que maintenant cela va être
compliqué de retourner voir le directeur pour lui expliquer que nous sommes
ensemble. On va devoir faire profil bas un petit moment et cela me contrarie,
j’aimerais pouvoir crier à tout le monde que nous nous fréquentons.

- Cette convocation ne change rien, Bucky. Notre relation doit rester secrète
le plus longtemps possible. On devra aviser au moment où elle éclatera au grand
jour, mais je te demande de faire en sorte que cela remonte à la direction le plus
tard possible.

- Je comprends, lui dit Bucky. Mais là j’ai cours d’expression écrite et je


voudrais plus faire un cours d’expression physique pour juste pouvoir te sauter
dessus et t’embrasser, ajouta-t-elle malicieusement.

154
- Tu devras attendre au moins ce soir après l’entraînement, une fois tout le
monde parti.

- J’ai hâte, lui dit-elle arrivée devant sa salle de cours. Vivement ce soir !

Bucky frappa à la porte puis entra dans sa salle de cours. Elle vit Béhuit
s’éloigner en direction de son gymnase. Le voir plus tôt que prévu, même pour une
convocation, lui avait donné de l’énergie pour la journée.

***

Bucky et ses amies ne revirent Nolwenn qu’à la pause déjeuner à midi. La


cellule psychologique avait pris son temps pour l’écouter. Cette longue séance
semblait lui avoir fait du bien. Les cours d’expression écrite et de physique du
matin avaient été manqués, mais ses camarades de classe lui avaient déjà envoyé
le cours du jour par informatique.

L’étudiante à la mèche fuchsia préféra ne pas orienter la discussion sur


Béhuit durant le repas, malgré quelques questions de Glaème sur le sujet. Le but
était d’en dire le moins possible et ses amies l’avaient très bien compris. La
discussion tourna donc rapidement vers la soirée Halloween et les vacances qui
suivaient. Depuis deux ans déjà, les filles avaient pris pour habitude de partir
ensemble à cette période de l’année. Bucky n’avait absolument pas pensé à la
destination possible cette année, bien trop accaparée par sa chorégraphie et sa
relation avec Béhuit. Nolwenn n’était jamais force de proposition et encore moins
aujourd’hui, vu son état mental encore fragile, même si tout le monde était
d’accord pour dire que changer d’air ferait un bien fou à la fille Donerm. Ne restait
plus donc que Lily, Glaème et Shandrill pour espérer un début d’idée de destination
pour cette année. Shandrill s’imposa immédiatement. Ses amies comprirent
qu’elle avait déjà une idée bien avancée sur la destination et qu’il allait être très
difficile d’y échapper, pour le meilleur ou pour le pire.

La gymnaste et pom-pom-girl souhaitait tout simplement inviter ses


camarades chez son petit ami en Dordogne, à Sarlat-la-Canéda plus précisément.
En tant qu’éleveur et producteur de canards avec ses parents, il disposait du
domaine familial pour lui tout seul durant ses vacances car son père et sa mère
partaient en voyage. Shandrill avait déjà fait part à son petit ami de l’envie de venir
avec ses amies.

155
- Il y a beaucoup de chambres de disponibles ? Demanda Lily.

- Cinq chambres qui servent d’ordinaire de chambres d’hôtes en plus de


celles de mon petit copain et de ses parents. Elles seront toutes libres pour nous !
Répondit-elle.

- Tu me proposes d’aller dans la chambre de ton petit copain ? Demanda


Lily.

- N’y pense même pas ! C’était juste pour vous faire comprendre que je serai
dans sa chambre avec lui et que vous aurez cinq chambres à disposition, bécasse !
Lui répondit-elle sur un ton léger.

- Cela me conviendrait bien, je voudrais cependant savoir, vu qu’il y a pas


mal de place s’il serait possible d’amener quelqu’un en plus du groupe habituel ?
Renchérit Lily.

Les autres filles se regardèrent entre elles. Toutes pensèrent à la même


chose ; Lily souhaitait-elle emmener un petit ami dont elle ne leur aurait pas fait
par ?

- Ce n’est pas du tout ce que vous imaginez, bande d’obsédées ! Dit-elle en


voyant les regards particuliers de son groupe d’amies posés sur elle. Je voulais
simplement savoir si Anita pouvait se greffer au groupe. Après tout, elle fait partie
de votre groupe de pom-pom-girl et c’est ma sœur. C’est la seule année où nous
pourrons faire cela en commun, elle et moi.

- La connaissant, il y a peu de chance qu’elle vienne sans mon frère, rétorqua


Nolwenn.

- Dans la limite des chambres disponibles, ça ne posera pas de problème et


puis ça évitera à mon petit copain de se retrouver le seul garçon, répondit Shandrill.

- Il faudra simplement éviter de mettre Anita et Erik dans la même chambre,


souligna Nolwenn, sinon les parents de Lily et les miens vont nous tuer.

- On sera vigilante sur ce point, effectivement, lui répondit Lily.

- Afin d’éviter toute jalousie dans la fratrie Donerm, on pourrait proposer à


Antoine de venir également ? Lança Glaème.

L’ensemble des filles la regardait avec un grand sourire aux lèvres.

- Je le savais, vous fricotez ensemble ! Dit Bucky.

156
- Absolument pas ! C’est juste par pur souci d’équité dans la famille Donerm,
se défendit Glaème. Il dormira dans la même chambre qu’Erik pour l’avoir à l’œil.

- Jamais entendu une excuse aussi pitoyable, lui répondit Lily en rigolant.

- Je sens que l’on va bien rigoler avec la répartition des chambres, dit
Shandrill, montrant qu’Antoine était également le bienvenu.

Un silence prit place dans la conversation. Les filles avaient désormais,


toutes, le regard tourné vers Bucky. Elle n’y couperait pas ! Si elle souhaitait inviter
quelqu’un pour ce voyage, elle devait mettre carte sur table maintenant. Bucky les
regardait sans rien dire, malgré des regards de plus en plus insistants en devenant
même gênants. La capitaine des pom-pom-girls mourrait évidemment d’envie de
proposer d’inviter son professeur d’EPS. Elle ignorait encore pourquoi, mais il
l’avait averti qu’il pouvait disparaître du campus à tout instant. Elle ne pouvait et
ne voulait pas perdre une semaine loin de lui. Ce voyage était également une
occasion en or pour mieux le connaître et se rapprocher de lui sans risque que leur
relation éclate au grand jour, si tous les participants à ce voyage acceptaient de
garder le silence et limitaient au strict minimum leurs photos et vidéos pour les
réseaux sociaux. La situation était périlleuse.

- Je peux toujours lui proposer… finit par dire Bucky. Allez-y les filles, lâchez-
vous ! Sauf toi, Glaème, sinon je te reprends de volée avec Antoine ! Avertit la
capitaine de pom-pom-girls se sachant démasquée.

Alors que ses amis étaient en train de procéder pour certaines à des
virements bancaires sur le compte d’autres via leur téléphone, sans doute pour
cause de paris lancés entre elles sur sa relation avec Béhuit, elle préféra prévenir
ses amies :

- Il ne faudra en parler à personne les filles et il faut absolument que ce soit


le même chose pour tes frères, Nolwenn, demanda-t-elle à ses amies, inquiète.

- Propose-lui d’abord, lui répondit Glaème. S’il vient, on saura faire taire les
garçons, mais ils risquent d’être surpris de votre relation.

- Ça risque de faire bizarre de partir en vacances avec l’un de nos


professeurs, on aura le droit à des cours particuliers ? Ironisa Lily.

Les filles passèrent le reste de la pause déjeuner à rire du comique possible


de la situation. Bucky, de son côté envoya un message à Béhuit pour l’inviter
officiellement. Il ne répondit pas. C’était tout à fait normal, cet horaire était utilisé

157
pour le cours tactique hebdomadaire de l’équipe de volley-ball, avec notamment
Antoine et Erik. Bucky se demandait, tout de même, si c’était une bonne idée de
mettre les deux frères Donerm dans la confidence.

***

"on ne serait qu’en couple ou avec d’autres ?" s’afficha sur le smartphone de
Bucky durant l’intercours de quinze heures, seul moment possible pour elle de
consulter son téléphone. Elle choisit de lui répondre sans attendre : "On en parle ce
soir après l’entraînement, réfléchis-y, je m’occupe du reste !". Elle avait encore des
cours derrière et était prise par le temps. Elle fut cependant heureuse de constater
que Béhuit ne fermait pas la porte à cette invitation. Elle allait tout faire pour qu’il
accepte et que les participants à cette escapade tiennent leur langue. Il fallait
qu’elle trouve un moyen de pression sur les garçons avant de leur avouer la relation
qu’elle entretenait avec leur entraîneur de volley et professeur d’EPS.

***

Les amies pom-pom-girls de Bucky remarquèrent tout de suite que leur


capitaine avait mis une attention toute particulière à se faire belle ce soir. Elle était,
déjà d’ordinaire, jolie et soignée concernant son physique, mais le fait de se
maquiller et de se vêtir en tenue de pom-pom-girl pour un simple entraînement
n’était pas passé inaperçu. On se serait cru un soir de match. Elle cherchait
indéniablement à être remarquée et à plaire !

Bien que distant l’un de l’autre et chacun plongé dans leurs activités
respectives, Glaème, Nolwenn et Shandrill aperçurent durant l’entraînement les
regards fréquents que lançaient leur amie en direction de l’entraîneur de volley.
Elles n’avaient jamais connu Bucky aussi captivée par un garçon. On était loin du
comportement habituel qu’elle avait avec ses précédentes conquêtes qui ne lui
servaient que de variables d’ajustement quand elle avait du temps libre. Elle était
cette fois clairement demandeuse. Sa productivité en fut décuplée concernant la
nouvelle chorégraphie à préparer pour la présentation de l’équipe des garçons.
Sans avoir réellement commencer à le fréquenter, Béhuit lui donnait déjà des ailes.

158
L’entraînement fut prolifique et permis de poser sur ordinateur les
premières idées de mouvements en s’aidant de l’intelligence artificielle en
complément. Il manquait encore la musique à trouver et savoir comment faire
participer les garçons à la chorégraphie, mais Bucky était sur la bonne voie. Elle
allait pouvoir laisser sa patte à l’E2C avant de le quitter en fin d’année scolaire.

Les quelques rares moments de déconcentration qu’elle avait eus durant


ces deux heures avaient été pour chercher du regard son professeur d’EPS. Plus
elle le regardait, plus elle n’avait qu’une envie ; être dans ses bras. Jamais elle ne
s’était sentie aussi bien et l’approche de la fin de l’entraînement ne fit qu’accentuer
encore ce bien-être.

***

Pourvu qu’il accepte de partir en vacances avec nous, se dit-elle en


regardant les gens quitter le gymnase au fur et à mesure une fois les séances
d’entraînements closes. Elle s’était faite la plus discrète possible dans le coin du
gymnase opposé à la sortie pour échapper à un maximum de regards.

Nolwenn fut la dernière à partir accompagnée de Glaème et Shandrill pour


confirmer à Bucky qu’il n’y avait plus personne d’autre dans le gymnase. Ses amies
lui avaient, encore une fois, rendu service en s’assurant qu’elle se retrouverait
seule avec Béhuit dans le gymnase, et probablement sur tout le campus en cette
heure tardive, après leur départ. Elle donna les clés de sa voiture à Nolwenn afin
qu’elle puisse rentrer chez elle grâce à sa voiture bleue et fuchsia, comme c’était
le cas habituellement, mais sans elle cette fois-ci. Béhuit se chargerait de la
ramener chez elle… ou ailleurs, elle était ouverte à toutes les propositions.

Enfin seule et toujours en tenue de pom-pom-girl, Bucky se dirigea vers le


bureau de Béhuit. Il avait laissé sa porte ouverte, projetant à coup sûr sa venue.
Elle entra directement sans même frapper. Installé à son bureau, penché sur sa
tablette, il eut à peine le temps de lever la tête pour la voir arriver. Elle se posa, à
cheval, sur ses jambes après l’avoir fait reculer, assis sur sa chaise à roulettes, à
une distance suffisante du bureau pour qu’elle puisse se mouvoir sur lui. Une fois
installée, et alors que ni lui, ni elle, n’avait encore ouvert la bouche, elle l’embrassa
pendant une bonne minute.

159
- Je crois que je devrais laisser la porte de mon bureau plus souvent ouverte,
dit Béhuit, une fois l’intense baiser achevé.

Bucky le regarda en souriant. Elle étincelait de bonheur. Elle l’embrassa de


nouveau presque par réflexe. Il fallut bien attendre encore une trentaine de
secondes pour qu’elle ne mette fin au baiser. Sa langue s’enlaçant avec la sienne
était un véritable délice pour elle.

- Je voudrais juste m’assurer de quelque chose, lui dit-elle.

- Je t’assure que nous sommes seuls, lui répondit Béhuit.

- Oui je sais, lui dit Bucky.

Elle positionna, toujours en restant assise sur Béhuit, ses mains dans le dos,
sous son haut de pom-pom-girl afin d’y dégrafer son soutien-gorge.

- Je voudrais être sûre que tout va bien, lui dit-elle.

Bucky cherchait à s’assurer que le contre-coup de son agression était bel et


bien passé pour aller plus loin avec Béhuit. Elle lui prit la main gauche pour la
diriger sous son t-shirt, tout en l’embrassant à nouveau. Béhuit comprit tout de
suite la direction que Bucky cherchait à lui faire prendre et arriva doucement au
but. Ce fut un plaisir pour elle de sentir la main de Béhuit sur son sein, sans la
moindre pensée déplaisante. C’était même l’inverse, le sentir la toucher était
véritablement enivrant. Elle s’était vite remise et pouvait donc aller plus loin
désormais, s’il le souhaitait… mais elle avait peu de doute sur le sujet. Avec l’âge,
on passait bien plus rapidement à l’acte, lui avait-on appris. En prenant soin de ne
pas arrêter de l’embrasser, Bucky entreprit d’enlever son haut de pom-pom-girl.

- Bucky… je ne suis pas sûr, lui annonça Béhuit.

- Rassure-toi, je sais ce que je fais, répondit-elle en lui souriant sans


s’arrêter.

- Et c’est bien ce qui m’inquiète ! Bucky, je vois que ça va mieux pour toi et
j’en suis ravi, mais dans mon bureau… je ne suis pas très chaud, lui annonça Béhuit
tout en continuant à l’embrasser.

- Tu préfères le vestiaire des filles ? Le terrain de volley ? Le local


technique ? Quand même pas le bureau du directeur ? Quoique, si tu as les clés,
plaisanta-t-elle, bien que prête dans l’absolu à céder sur le lieu de son choix.

160
Béhuit la souleva par les hanches pour la mettre debout afin qu’il puisse se
lever à son tour.

- Je préférerais éviter de faire ça sur le campus !

- Conscience professionnelle ? Questionna Bucky, en souriant pour lui


montrer qu’elle se moquait gentiment de lui.

- Simplement pas envie qu’on nous retrouve sur une sextape


prochainement, le campus est truffé de caméras, lui répondit Béhuit.

- Pas dans ton bureau quand même ?

- Tu serais surprise… lui répondit Béhuit.

- Va pour le vestiaire des filles alors ? Tenta la jolie brune.

Le silence de Béhuit l’inquiétait. Elle questionna son professeur de


nouveau :

- Attends, tu ne crois tout de même pas qu’il y a des caméras dans le


vestiaire des filles ? S’inquiéta-t-elle.

- Bucky, je veux simplement quitter le campus. Tu veux bien ?

Béhuit ne semblait définitivement pas chaud pour conclure dans un endroit


quelconque de l’E2C. Cette histoire de caméra lui avait mis le doute également.
Bucky allait devoir trouver un plan B pour arriver à ses fins.

- On va chez toi dans ce cas ? Proposa-t-elle.

Béhuit fit une grimace. Bucky compris qu’il y avait également un hic pour
aller chez lui.

- C’est-à-dire, je ne suis plus seul dans le pavillon…

- Rassure-moi, tu plaisantes ? Demanda Bucky d’un ton cachant à peine son


agacement.

Béhuit lui fit un signe de la tête pour lui montrer qu’il était tout à fait sérieux.
L’ami qui lui avait prêté le pavillon était sans doute revenu chez lui. Sachant qu’il
était impossible pour Bucky d’amener Béhuit chez les Donerm, avec notamment
Nolwenn dans la même chambre qu’elle, la capitaine des pom-pom-girls comprit
les choses. Ce n’était visiblement pas ce soir qu’elle pourrait assouvir ses envies

161
coquines avec lui. Elle prit l’initiative de rattacher son soutien-gorge, quelque peu
frustrée tout de même.

- Je suis désolé, Bucky, tu ne m’en veux pas ? Demanda Béhuit.

- A toi, jamais. En revanche tu diras à ton ami que je n’ai jamais rencontré,
que je le déteste déjà ! On essaiera juste de ne pas être trop bruyant dans la
chambre ? Osa-t-elle, afin de faire en sorte qu’il l’emmène tout de même chez lui.

- Crois-moi, il est préférable que vous ne vous rencontriez pas dans


l’immédiat, lui répondit Béhuit, d’un air résigné.

- Et donc, tu as prévu un programme particulier pour ce soir, pour nous


deux ? Car ce que j’avais prévu initialement avec toi tombe totalement à l’eau.

- Je suis désolé Bucky, pour ce problème… d’intimité. Pour me faire


pardonner, je voulais te proposer une petite virée à moto à Disney Village. On
pourrait s’y balader et y manger un petit quelque chose. Je n’y ai pas mis les pieds
depuis des lustres, ça te dirait ? Proposa-t-il en montrant à Bucky qu’il avait pris
soin de lui prendre un équipement pour la moto.

Elle s’empressa de s’approcher un peu plus de lui pour l’embrasser à


nouveau avant de lui faire un signe affirmatif de la tête. La proposition lui convenait
à merveille ! Finalement, procéder dans un ordre plus conventionnel avec lui était
peut-être la meilleure chose à faire. Il est vrai que depuis leur rencontre, les étapes
d’avancer dans leur couple n’avaient jusqu’ici rien eu de classique !

Elle s’empressa de reprendre son sac pour se changer avec une tenue plus
adéquate pour la moto. Elle enleva rapidement sa jupe droite et son shorty pour y
enfiler un jean, le tout devant Béhuit. Elle l’aurait sans doute fait de façon plus
sensuelle et aguichante, mais vu ce que lui avait révélé Béhuit sur de possible
caméras, elle préférait rester prudente. Elle compléta sa tenue avec un épais pull
qu’elle mit directement par-dessus son haut de pom-pom-girl en l’agrémentant
d’un petit foulard. Additionné du blouson et des bottines noires et fuchsia que lui
fournissait son petit ami, elle était bien au chaud pour le voyage même en se
sachant frileuse. Ils purent quitter, tous deux, le gymnase pour rejoindre la moto
de Béhuit. Elle était impatiente de faire sa première véritable sortie en couple avec
lui, même si la soirée allait être courte. Il était déjà quasiment vingt-trois heures et
ils avaient tous deux cours d’EPS ensemble le lendemain à huit heures. Il était
nécessaire de ne pas se coucher trop tard pour pouvoir étudier dans de bonnes
conditions.

162
***

Ayant toute confiance en Béhuit, Bucky donna carte blanche à son


professeur pour conduire de façon sportive, comme il l’avait déjà fait à son retour
de Paris quelques semaines plus tôt. Encore une fois, les accélérations étaient
franches et Bucky devait se tenir fermement à son conducteur pour éviter la chute.
Elle commençait déjà à prendre l’habitude de ce moyen de transport qu’il lui avait
fait découvrir et avait bien moins peur que la première fois ; peut-être était-ce tout
simplement parce qu’il faisait nuit cette fois et que l’on distinguait moins les
dangers ou encore qu’elle eût tout simplement plus confiance en Béhuit. Quoi qu’il
en soit, elle prit encore du plaisir sur la route. Elle qui d’ordinaire n’appréciait pas
les poussées d’adrénaline ne demandait qu’une chose, que le chemin se prolonge
encore et encore. En contact permanent avec Béhuit, elle se sentait si bien, sereine
et invincible. Aucun de ses ex ne lui avait procuré cette sensation.

Béhuit se gara tout près du village Disney. Tous deux se baladèrent bras
dessus, bras dessous, en véritable amoureux, avant de se poser dans un
restaurant tex-mex. Juste après que la commande soit passée, Bucky se rappela
qu’elle devait parler de la soirée d’Halloween et des vacances à Béhuit. Elle
espérait le voir pour les deux évènements afin de profiter de sa présence, bien
décidée à passer un maximum de temps à ses côtés.

- Béhuit, je voulais que l’on parle des vacances que je t’ai proposées de
passer avec moi.

- Dis-moi tout, je t’écoute, Bucky.

- Alors, voilà, Shandrill à un petit ami de longue date…

- Ah mince ! Elle est donc déjà prise. Je ne peux donc pas lui proposer des
vacances en tête à tête. Tu me proposes donc de me rabattre sur toi ? Plaisanta-
t-il.

- Tu es bête ! Lui dit-elle en rigolant tout en lui mettant un léger coup sur son
épaule pour lui faire payer le fait de tenter de la rendre jalouse. Non, son petit ami
a une immense propriété là-bas, celle de ses parents pour être exact. Ils partent
eux-mêmes en vacances et acceptent que Shandrill vienne avec ses amis. C’est
en Dordogne à Sarlat-la-Canéda.

163
- Bucky, si jamais tu proposes à tes amies que je vienne, il n’y aura plus de
doute pour elles concernant notre relation.

Bucky fit un rictus de visage, facilement interprétable pour Béhuit, qui faisait
comprendre que ses amies étaient déjà au courant d’une relation entre eux deux.

- Je vois ! Tu leur as déjà confirmé qu’on était ensemble, conclu Béhuit.

- Elles nous permettront de rester discrets plus longtemps. Elles m’ont déjà
permis de m’assurer que nous étions bien seuls dans le gymnase ce soir. Elles
seront plus des atouts pour nous qu’un handicap, je n’ai pas de doute là-dessus.
C’est même elles qui m’ont plus ou moins suggéré que tu viennes avec nous !

- Qui y aura-t-il exactement ? Interrogea le professeur d’EPS avec une mèche


bleue toujours bien visible le rendant encore plus séduisant aux yeux de Bucky et
d’autres élèves d’après ce qu’elle avait pu entendre.

- Shandrill, Nolwenn, Glaème, Anita, sa sœur Lily et… deux autres personnes
qui ne sont pas au courant de notre relation pour le moment et qui risquent d’être
particulièrement surpris.

- Bucky, ça ne me plaît pas. Trop de monde est déjà au courant.

- Je fais entièrement confiance à ces deux personnes, ils sont comme des
frères pour moi !

- Antoine et Erik, c’est ça ? Demanda Béhuit, bien dirigé par un faisceau


d’indices concordants.

Bucky confirma l’identité des frères Donerm d’un mouvement de tête.


Béhuit eut un léger réflexe de recul vis-à-vis d’elle. L’étudiante déduisit rapidement
que son professeur n’était pas du tout emballé par ce projet jugé beaucoup trop
risqué à son goût.

- Je veux simplement être avec toi et te faire découvrir mes amis, hors de
l’E2C. Tu ne seras ni notre professeur, ni un entraîneur de volley là-bas, simplement
la personne avec qui je sors. C’est une occasion trop belle pour être ensemble, loin
du campus. S’il te plaît, dis oui ! Je me charge de tout.

Béhuit était en plein dilemme et fixa Bucky. Elle avait l’impression, une fois
de plus, qu’il entrait dans sa tête, mais cela ne la gênait pas. Elle se faisait sans
doute des idées ou bien ce sont les sentiments qu’elle éprouvaient pour lui qui lui

164
faisaient imaginer des choses insensées, sorte de connexion amoureuse. Elle
aimait l’imaginer.

- Je vais le regretter, fini par dire Béhuit d’un ton montrant une réponse
positive.

Bucky l’embrassa à la fois pour lui montrer sa joie et le remercier de la


confiance qu’il lui portait. Elle allait pouvoir passer toute une semaine avec lui.

- Ne reste plus qu’une chose en suspens, dit Bucky.

- Quoi ?

- Nous partons dimanche matin et je voudrais que tu te portes volontaire,


en tant que professeur, pour surveiller la fête du campus d’Halloween, ce samedi
soir. J’y serai et je voudrais qu’on la passe ensemble.

- Bucky, là, c’est non ! Il est impossible que l’on prenne le risque de se faire
remarquer ensemble à cette fête !

- Je voudrais simplement que tu y sois. Je me tiendrai à carreaux ! On aura


simplement des discussions élève-professeur, pas de baisers, rien qui pourrait
laisser penser ou entendre que quelque chose entre nous existe. Juste passer ce
moment ensemble.

- Elève - professeur, rien de plus ?

- Rien de plus, juste pour que tu t’amuses et tu t’intègres encore mieux, c’est
aussi dans ton intérêt !

Béhuit finit également par répondre favorablement à la requête de Bucky.


La semaine de vacances s’annonçait sous les meilleurs auspices… tout comme la
soirée qui fut bien plus longue que prévue. Bucky resta avec Béhuit longtemps
installé à leur table afin de discuter de danse, pom-pom-girl et volley. Elle
partageait ses projets et ses ambitions avec lui, bien plus discret sur le sujet de
son côté. Ils se baladèrent également main dans la main un bon moment. Chaque
minute où elle le découvrait un peu plus, elle en tombait un peu plus amoureuse.
Elle ne le connaissait que depuis peu de temps, mais l’évidence lui sautait aux
yeux, quand il lui parlait, la faisait rire, l’embrassait ; c’était lui et personne d’autre,
malgré les différences manifestes qui existaient entre eux et certaines questions
qu’il laissait volontairement sans réponse !

165
Béhuit ne déposa Bucky chez les Donerm qu’à deux heures du matin avec
une distance de sécurité pour éviter d’être repéré, notamment par les parents de
Nolwenn. La jeune étudiante ne serait sans doute pas très en forme pour son cours
d’EPS, dans quelques heures, et tout au long de la journée, mais elle n’en avait
cure. Pour rien au monde, elle n’aurait écourté cette soirée qui l’avait comblée de
bonheur.

***

Malgré un manque de sommeil à cause de sa soirée tardive avec Béhuit,


Bucky était relativement en forme. Nolwenn lui fit remarquer que son cerveau
semblait plus dans l’attente de revoir Béhuit que de l’alerter sur son déficit de
repos. Effet que Bucky, ne pouvait contester. Elle n’attendait en effet qu’une chose,
le revoir pour sa première heure de cours de la journée à l’E2C. Un peu comme une
toxicomane attendait sa dose. Fort heureusement, le produit recherché par Bucky
n'était pas connu pour être néfaste pour la santé, bien au contraire. Il apportait une
bonne dose de dopamine naturelle connue pour son pouvoir relaxant.

Son amie tenta bien de lui tirer un peu les vers du nez pour savoir ce qu’elle
avait fait exactement de sa première sortie avec Béhuit, mais elle ne répondit
point. Elle préférait garder pour elle ce moment passé avec son petit ami. Elle
confirma simplement à sa meilleure amie que leur professeur d’EPS serait bien
avec eux, à Sarlat.

Béhuit acceptant l’invitation en Dordogne, il allait donc falloir mettre au


secret les frères Donerm de la situation sentimentale de Bucky. Nolwenn serait
d’une aide capitale pour le faire ; une pression familiale étant toujours appréciable
pour obtenir le silence de quelqu’un, mais il fallait que les filles préparent un
argumentaire bien rodé auquel il fallait immédiatement réfléchir. Il n’y avait pas de
temps à perdre. Le départ du voyage était prévu en fin de semaine !

***

Le suspense de la nouvelle discipline en EPS touchait à sa fin. La classe de


Bucky allait connaître en première le choix de Béhuit. Lily avait bien demandé

166
discrètement à Bucky si elle avait des infos à ce propos en ayant obtenu des
confidences sur l’oreiller, mais la capitaine des pom-pom-girls se contenta d’un
mutisme. Elle connaissait parfaitement Lily qui, par cette question, cherchait plus
à savoir si Bucky avait couché avec Béhuit la nuit dernière, qu’autre chose. La
laisser dans le flou sur ce genre de chose n’était pas dans ses habitudes, mais
avec Béhuit, les choses étaient différentes ; elle préférait ne pas trop en dire à Lily
par sécurité. Elle savait déjà que le professeur d’EPS les accompagnerait à Sarlat-
la-Canéda, c’était amplement suffisant.

Le gymnase avait été recouvert de tapis joints pour former un tatami sur
une large partie centrale. Béhuit les attendait au centre, bras croisés, en
chaussettes. Tout le monde se regardait parmi les élèves et se posait la question
de la discipline sportive, en avançant un peu plus vers leur professeur. Bucky, elle,
s’en moquait totalement. Elle était simplement heureuse de le revoir pour deux
heures, même en sachant que rien de bien croustillant ne se passerait entre eux
du fait de la situation. Elle voulait cependant faire bonne figure. Quelle idée avait-
elle eu de fréquenter un professeur dans la discipline où elle excellait le moins ! Sa
dernière note en volley-ball en attestait, un lamentable sept sur vingt. Béhuit et elle,
n’avaient rien échangé sur ce sujet. Il était probablement gêné de lui mettre une
note aussi mauvaise, mais somme-toute logique. Elle ne bénéficiera pas de
traitement de faveur de ce côté. Il était finalement mieux de dissocier plaisir et
études.

- Jeunes demoiselles, jeunes hommes, vous n’êtes pas sans savoir qu’un
évènement déplaisant s’est produit le week-end dernier lors d’un déplacement
sportif, commença Béhuit.

Sans même se regarder, la totalité des élèves avaient bien compris


l’allusion du professeur. Il s’agissait bien évidemment de l’agression de Bucky et
Nolwenn qui avait fait le tour du campus.

- Les consignes de sécurité ont été bien respectées, mais je me suis dit
qu’on n’est jamais trop préparé face à une agression physique. En conséquence,
les prochaines séances d’EPS seront une initiation à la self-défense ! Poursuivit le
professeur.

Après avoir invité les élèves à se déchausser pour entrer sur le tatami.
Béhuit demanda immédiatement une volontaire pour commencer un exercice
pratique. Bucky s’engouffra dans la brèche et leva le bras ! Malheureusement, elle
ne fut pas la seule. Lily et Glaème en avaient fait de même. Cela devait être

167
clairement par curiosité pour Glaème mais pour Lily, c’était autre chose ; elle
cherchait clairement à embêter son amie !

- Lily ! Tu es sûr de toi ? Lui demanda Bucky avec un regard qui en disait
tellement long que même Glaème baissa le bras de peur de s’attirer les foudres de
son amie.

Lily avait immédiatement compris l’avertissement. Bucky ne trouvait pas du


tout la blague de Lily à son goût. Elle interpréta parfaitement le message et, tout
comme Glaème, fini par baisser le bras.

- Nolwenn, merci de te porter volontaire, annonça Béhuit.

Bucky se tourna vers sa meilleure amie, elle n’avait même pas levé le bras !
Nolwenn ne comprenait pas et se trouva terriblement embarrassée par la
situation.

- Celle qui lève la main, c’est Bucky. Nolwenn, c’est celle juste à côté, tu
confonds encore les deux élèves ! Souligna Lily, sarcastique sur ce coup-là.

Afin d’éviter tout incident diplomatique avec sa meilleure amie, Nolwenn prit
la parole :

- Je n’ai pas levé la main ! Fit-elle remarquer.

- Je sais bien, mais je te choisis quand même. Règle numéro un ; on n’est


jamais volontaire pour se faire agresser, c’est pour cela que tout le monde doit
savoir réagir dans ce cas. Nolwenn, merci de t’approcher.

Bucky avait compris que Béhuit prenait ce cours très au sérieux. Elle
comprenait le choix de Nolwenn qui venait de subir un évènement de ce type, tout
comme elle, mais sa meilleure amie avait été bien plus affectée. La choisir pour
cet exercice était une bonne idée pour lui donner un peu plus confiance en elle,
mais Bucky ne put s’empêcher d’être déçue et son amie embarrassée par la
situation.

***

Ce cours fut une mine d’informations et d’exercices pratiques pour les


élèves. Béhuit avait eu l’idée parfaite en faisant ce cours. Sur cette séance, il n’y

168
avait eu que très peu de combat à proprement parlé. Béhuit avait surtout axé ces
deux heures sur la meilleure manière de réagir. Bucky et ses camarades, avaient
effectué des exercices de respiration pour apprendre à rester calme face à une
situation de stress, à crier pour désorienter un adversaire ou encore à prendre la
fuite de la meilleure façon. Il passa toute la séance avec Nolwenn comme binôme
de démonstration. A la fin de la séance, Bucky avait apprécié le geste. Son petit
ami avait rassuré Nolwenn en lui montrant qu’elle avait correctement agi, il y a
quelques jours, et lui donna des astuces supplémentaires pour encore mieux faire.
Béhuit était quelqu’un de bien et un bon professeur… avec ou sans diplôme
officiel ! Le cours avait fait mouche et tout le monde était impatient de voir le
contenu des prochains, beaucoup plus axé sur la lutte physique à priori.

L’étudiante à la mèche fuchsia n’eut que peu de temps pour discuter avec
Béhuit, même à la fin du cours. De nombreux élèves, en particulier les filles,
cherchaient à lui poser des questions complémentaires. Elle se contenta de lui
faire un discret clin d’œil en lui mimant un baiser du bout des lèvres. Elle n’avait
pas pu profiter de lui, même un minimum, mais elle savait qu’elle aurait plus de
temps le soir même après le nouvel entraînement de volley et des pom-pom-girls
dans ce même gymnase.

***

Comme durant toutes les journées à l’E2C, Bucky n’eut pas une minute
d’oisiveté après son cours avec Béhuit. Entre la biologie, les maths, l’informatique,
le cours de danse néo-classique et la nouvelle chorégraphie de présentation
d’équipe des pom-pom-girls à avancer, elle n’avait même pas vu passer la journée
avant de devoir retourner au gymnase pour son entraînement de pom-pom-girl de
dix-neuf heures. Heureusement pour elle, Glaème et Nolwenn avaient un peu
avancé sur le sujet des frères Donerm et les vacances à Sarlat. Il n’allait pas bien
être compliqué de les faire venir, mais il fallait impérativement leur annoncer la
relation entre Béhuit et Bucky, qui devait rester discrète. Les deux amies de Bucky
avaient prévu de faire une petite réunion avec tous les participants pour ce voyage
juste après l’entraînement du soir en restant dans le gymnase. Lily était également
conviée et avait simplement à se rendre dans le gymnase à la place d’attendre la
sortie de sa sœur, toujours pas mise au courant du projet, pour qu’elles puissent
ensuite rentrer toutes les deux en voiture. Glaème s’était même permis d’envoyer
un message à Béhuit pour le mettre au courant, toutes les pom-pom-girls et les

169
joueurs de volley ayant le numéro de l’entraîneur en cas de situation d’urgence lors
d’un problème durant un match en extérieur. Chose qui s’était récemment révélé
utile.

A leur arrivée, les filles furent surprises de constater que Béhuit était en
conversation avec Mathéo et Ethan Spidze, le frère de Glaème, en troisième année
à l’E2C. Ils étaient tous trois si captivés par leur discussion, qu’ils ne remarquèrent
même pas les filles entrer dans le gymnase. Sans réfléchir, Glaème s’approcha
pour aller à la rencontre de son frère. Elle s’interrogeait sur sa présence ici, Ethan
étant un joueur de basket-ball, sa venue ici n’avait rien de logique.

Bucky ne se mêla pas de cette discussion. Elle avait bien trop à faire pour
sa chorégraphie et s’y attela immédiatement. Elle s’aperçut cependant que la
conversation stoppa dès l’arrivée de Glaème. Visiblement, Ethan, Mathéo et Béhuit
ne souhaitaient pas que Glaème assiste à la discussion. Elle revint quelque peu
frustrée ; son frère n’avait pas voulu lui dire ce qu’il était venu faire ici, mais elle
s’était déjà jurée de questionner Béhuit plus tard, peut-être durant les vacances de
la Toussaint.

Sans Meyrie, occupée avec un autre groupe de pom-pom-girls, Bucky dut


gérer l’entraînement de ses amis avec l’aide de Nolwenn et Glaème, toutes les trois
en dernière année. Cet entraînement n’eut rien de très physique, il fut consacré à
la musique à choisir pour la nouvelle chorégraphie. Bucky avait soumis son idée à
son groupe et fit l’unanimité. Elle avait proposé Ambiance madison des Blues
Brothers qui collait parfaitement avec ce qu’elle cherchait à faire. Il fallait
désormais discuter des idées de mouvements imaginés par Bucky pour les
intégrer au mieux avec la musique. A la fin de l’entraînement, les filles tenaient les
grandes ébauches du show. Ne manquait plus qu’à en parler à Meyrie dans les
prochains jours pour voir ce qu’elle en pensait.

***

Une fois l’entraînement terminé, Nolwenn se précipita vers ses frères pour
leur demander de rester dans le gymnase après leur douche. Shandrill fit de même
en prévenant Anita pour la même raison. Il s’agissait officiellement de parler entre
eux. Bucky conseilla à Béhuit d’attendre dans les gradins jusqu’à ce qu’elle lui

170
fasse signe pour s’immiscer dans la conversation. Il appliqua sans un mot. La
pom-pom-girl appréciait la confiance qu’il lui faisait.

Alors que Bucky et Shandrill prirent soins que seuls les membres conviés à
ce petit aparté étaient encore présents tout en accueillant Lily, Nolwenn et Glaème
firent approcher Antoine, Erik et Anita près du filet de terrain de volley. Elles
n’attendirent plus que Bucky et Shandrill pour commencer.

- On vous écoute les filles, on dirait une réunion secrète ! Va falloir nous
expliquer, dit Antoine.

- Antoine, tu sais qu’avec les filles, on passe nos vacances de la Toussaint


ensemble ? Demanda Nolwenn.

- Oui… et ?

- Voilà, cette année, mon petit copain m’invite chez lui et il dispose de cinq
chambres de deux places, alors on a pensé que comme Anita faisait maintenant
partie de notre groupe de filles, lui proposer de venir avec nous, annonça Shandrill.

Anita fit un énorme sourire accompagné de petits sauts de joie. Il n’était


même pas nécessaire d’attendre la réponse à la vue de son comportement,
tellement heureuse de partir avec sa sœur Lily et ses amies pom-pom-girls.

- Je suis content pour Anita, mais quel rapport avec Erik et moi ? Interrogea
Antoine.

- En fait, c’est la seule année où Lily pourra partir en vacances "pom-pom-


girls" avec Anita. Alors je me suis dit que ce serait une bonne idée de faire la même
chose avec mes frères, sourit Nolwenn.

- Si j’ai bien compris les filles, vous nous demandez de passer les vacances
de la Toussaint, mon frère et moi, avec votre groupe de pom-pom-girls ? Demanda
Antoine avec un large sourire.

- Et ça y est, ça fantasme ! Fit remarquer Lily.

Au moment où Nolwenn fit un geste de la tête pour répondre positivement,


Erik et Anita se jetèrent dans les bras l’un de l’autre et s’embrassèrent, fous de joie
de passer leurs vacances ensemble.

- En revanche Anita, je te préviens, tu dors dans la même chambre que moi !


Souligna Lily, afin de couper court aux imaginations fertiles de sa sœur et d’Erik.

171
- C’est un programme que je cautionne à cent pour cent, dit Antoine en
regardant Glaème du coin de l’œil. En revanche on aurait très bien pu en parler
ailleurs qu’ici, souligna-t-il.

Tous les regards se tournèrent alors vers Bucky. Le moment pour elle était
venu d’avouer qu’elle sortait avec leur entraîneur et qu’elle souhaitait qu’il les
accompagne également.

- En fait, comme il y a de la place, je voulais également inviter quelqu’un


d’autre, dit Bucky.

- Toi, tu as un nouveau petit copain ! Enchaîna Antoine.

Bucky eut un peu honte de la réaction d’Antoine. Avait-elle eu tant de petits


copains que cela pour qu’il en parvienne directement à cette conclusion ? En
réfléchissant un peu, la réponse était oui, elle devait être honnête avec elle-même.

- Oui, mais cette fois c’est un peu… différent, souligna Glaème.

- Comment-ça ? Demanda Erik, piqué par la curiosité.

Bucky n’osa plus trop parler. Elle craignait un peu la réaction des deux frères
Donerm à l’annonce de l’heureux élu ou de la malheureuse nouvelle victime selon
les avis de chacun.

- Toutes les filles ici sont au courant et ont promis de ne rien dire, vous
devrez en faire de même les garçons ! Si cette relation arrive dans les mauvaises
oreilles, Bucky et le petit-ami en question risquent d’avoir des soucis, dit leur sœur.

Les deux frères se regardèrent avant qu’Antoine ne se remette à parler en


regardant Bucky :

- Mais qui tu es allée nous pêcher cette fois ?

- Vous promettez de ne rien dire ? Demanda Nolwenn.

- Pour des vacances avec des pom-pom-girls, je me couperais la langue,


plaisanta Antoine.

Bucky fit un léger signe de la main à Béhuit, installer un peu plus loin dans
les gradins, pour lui signifier d’avancer. Lorsque l’entraîneur de volley s’approcha,
les frères comprirent immédiatement et restèrent sans dire mot jusqu’à ce que
Béhuit arrive à leur niveau.

172
- Béhuit ? C’est une blague ? Demanda Antoine à son entraîneur.

- Absolument pas ! Dit Bucky immédiatement sur la défensive.

- Et moi qui croyais que tu tentais le célibat ! Tu as déjà fait le tour des
élèves, donc tu passes aux profs ? Dit le capitaine de l’équipe de volley.

Bucky était un peu gênée de la remarque d’Antoine, sans doute faite,


comme d’accoutumée avec Antoine, pour la taquiner, mais elle craignait
qu’Antoine renvoie une image d’elle qui lui déplaisait. Elle était certes sortie avec
une quinzaine de garçons depuis son arrivée à l’E2C, peut-être plus, mais elle
sentait que les choses étaient différentes avec Béhuit. Elle en était réellement
éprise.

- Écoutez-moi les jeunes, je suis le premier surpris par la situation. Si je


dérange, je comprendrais, je n’avais absolument pas prévu tout cela, dit
l’entraîneur de volley.

Bucky lui prit instinctivement la main pour la mettre dans la sienne, comme
pour confirmer à tout le monde qu’elle et Béhuit étaient bel et bien ensemble.

- On se connaît tous ici, et depuis de nombreuses années pour certains, je


veux juste vous dire que Béhuit me plaît et que je veux partager un maximum de
choses avec lui, comme souhaitent le faire Erik et Anita, ou Shandrill et son petit-
ami. Je vous demande simplement cette faveur et de garder cette relation sous
silence, annonça la capitaine de pom-pom-girls.

Bucky regarda Antoine, Erik, Anita, Lily, Shandrill, Glaème et Nolwenn. Sans
exception, ils firent un signe du pouce ou de la tête à leur amie signifiant qu’ils
étaient d’accord pour partir en vacances avec l’entraîneur de volley et de garder le
silence sur cette relation.

- Plus qu’à prévenir les parents qu’on part ensemble, dit Nolwenn en
direction de ses frères.

- Pareil pour nous, enchaîna Lily en direction d’Anita.

- Parfait, je vous envoie tous les détails via une messagerie de groupe,
conclue Shandrill.

Nolwenn signifia au groupe que tout avait été dit. Tout le monde plia bagage
à l’exception de Bucky qui ne semblait pas pressée de partir. Nolwenn comprit tout
de suite que son amie ne rentrerait pas encore avec elle ce soir, et se contenta de

173
lui demander les clés de sa voiture. Bucky et Béhuit restèrent rapidement seuls. La
pom-pom-girl serra Béhuit dans ses bras, elle était tellement heureuse de partir en
Dordogne avec lui et ses amis.

Le couple ne resta pas très longtemps ensemble. Bucky tombait de fatigue


et cela semblait aussi être le cas pour Béhuit. Il n’y avait par ailleurs pas beaucoup
d’opportunités d’intimité pour le couple ; Béhuit semblait toujours aussi inquiet des
caméras de surveillance, y compris dans les lieux du gymnase où il ne semblait
pas y en avoir. La seule chose qu’ils purent faire fut un petit tour à moto avec une
halte dans une allée proche de son domicile pour s’embrasser langoureusement
et discuter de la fête d’Halloween où Béhuit lui avait confirmé sa venue. Elle rentra
chez elle moins d’une heure après Nolwenn. Son amie l’avait attendue pour se
coucher sans lui poser la moindre question ; elle avait compris que contrairement
à ses précédentes relations, Bucky ne souhaitait rien étaler cette fois ci.

***

Avant la soirée fêtant Halloween sur le campus, Bucky ne put revoir qu’une
seule fois Béhuit lors du cours d’EPS de self-défense du vendredi matin.
Évidemment, elle n’avait pas pu passer un moment agréable avec lui afin de garder
leur relation secrète. Ce cours avait cependant été très instructif pour elle ; Béhuit
leur avait appris à réagir face à un étranglement et une tentative d’immobilisation.
En le voyant donner ce cours, il lui paraissait de plus en plus évident qu’il avait un
passé en lien avec l’armée ou la sécurité et qu’il avait probablement suivi un
entraînement poussé dans ce domaine. C’était parfait pour lui, impossible dans
ces conditions de déduire que leur professeur de sport n’était pas diplômé, comme
il lui avait confié.

Pour partager un minimum d’intimité avec lui, elle dû se contenter


uniquement de messages et d’appels en visio. Les emplois du temps étaient trop
chargés pour prétendre à mieux et la fatigue commençait trop à s’accumuler. Il
n’était en plus pas possible pour eux de se rendre l’un chez l’autre pour cause de
présences quelque peu parasitaires. Bucky ne profitait clairement pas de son petit-
ami comme elle le souhaitait, mais les vacances allaient changer la donne !

***

174
Dès le début de l’après-midi du samedi, Bucky et Nolwenn se préparèrent
pour la fête d’Halloween. Cette année, la fille unique Délavigna avait choisi de se
déguiser en diablesse d’un rouge intense. La tenue était plutôt moulante avec un
joli décolleté qui mettait en valeur ses courbes. Le costume possédait également
un serre-tête montrant deux jolies cornes noires, une cape rouge et se terminait
par une longue queue, rouge également, de plus d’un mètre, complétée d’un long
trident noir et rouge pailleté. Son amie Nolwenn avait opté pour une tenue plus
classique de sorcière aux couleurs rose et noire avec un balai.

En descendant dans le salon, les filles purent voir les costumes des frères
Donerm ; Antoine était en pirate accompagné d’un joli perroquet en peluche sur
l’épaule, alors qu’Erik était un prisonnier qui traînait un boulet au bout d’une chaîne.
Une fois encore, comme tous les ans, les parents Donerm s’étaient démenés pour
les déguisements de cette fête. Adorant les évènements costumés, ils avaient une
jolie panoplie de déguisements et d’accessoires qui grandissait année après
année. Les étudiants avaient tout eu à disposition pour laisser libre cours à leur
imagination. Peut-être l’un d’entre eux allait enfin remporter le titre du plus joli
déguisement. Ils l’espéraient tous, ne serait-ce que pour rendre hommage aux
parents Donerm qui multipliaient les efforts dans ce sens chaque année, mais la
concurrence était toujours rude et les imaginations fertiles chez les autres
étudiants.

Selon le principe "Cendrillon" du campus, les soirées évènements se


terminaient toutes à minuit pour éviter au maximum les dérapages tardifs de la
nuit. Afin de compenser cela, le début des évènements commençait toujours à
seize heures par un goûter d’ouverture. Halloween ne dérogeait pas à la règle. Il
fallut donc pour Bucky et les Donerm partir de la maison assez tôt, d’autant que
rentrer en costume dans un véhicule ne fût pas forcément chose aisée pour
certains.

Béhuit avait prévenu Bucky par messagerie qu’il était sur place depuis treize
heures afin de préparer l’arrivée des élèves. Elle avait fortement insisté auprès de
la fratrie Donerm pour ne pas arriver en retard. Impatiente de revoir son professeur.

***

175
Même en arrivant un peu avant l’heure, une petite queue s’était déjà formée
pour accéder au secteur sport du campus. Pour l’évènement, les trois gymnases
de l’établissement d’excellence avaient été décorés avec soin. Rien que pour y
rentrer, il fallait écarter des rideaux toile d’araignée et des squelettes suspendus.
Tout avait été fait pour que l’immersion soit totale. Il y avait même des projections
3D totalement bluffantes et des sons d’ambiance incroyables.

Après un petit moment d’attente, Bucky dirigea ses amis vers le gymnase
du volley-ball. Les trois centres sportifs avaient été décorés à l’identique, mais
Bucky savait que Béhuit surveillait son propre gymnase avec l’aide d’autres
professeurs dont Meyrie.

Dès l’entrée du gymnase, ils furent de nouveau stoppés, par Meyrie cette
fois, pour les prendre un à un en photo. Cette année, l’entraîneuse de danse et des
pom-pom-girls s’était déguisée de la même manière que l’année précédente ; en
fée. Une fois l’étape photo, cause de la file d’attente, terminée, le groupe se sépara
rapidement pour le goûter buffet à disposition ; Antoine avait repéré des
coéquipiers de son équipe de volley-ball alors qu’Erik attendait tout près de
l’entrée, Anita allait sans doute très prochainement arriver. Bucky et Nolwenn
profitèrent de leur côté du buffet à disposition pour le goûter. Gâteaux et boissons
aux couleurs vertes, roses, noires, bleues ou fuchsias remplissait les tables. Elles
furent instantanément servies par Béhuit qui leur tendit des verres.

- Mesdemoiselles les sorcières et diablesses, permettez-moi de vous faire


goûter à mon sang de troll à l’extrait de farfadet, je l’ai moi-même concocté, dit-il
en souriant aux deux étudiantes.

Bucky prit directement le verre à la couleur fuchsia plus que suspecte,


probablement rempli de colorants alimentaires, comme une bonne partie des
choses présentes pour se restaurer. Elle ne se préoccupa pas trop de son verre et
de son contenu, mais plutôt de Béhuit. Il était habillé en chevalier d’apparat.
Comme tous les professeurs présents, il avait, lui aussi, joué le jeu du
déguisement. Bucky appréciait particulièrement.

- Merci noble chevalier, lui répondit Nolwenn. Je vous laisse de ce pas, en


tête à tête avec la maligne créature qui fait face à vous !

Nolwenn avait aperçu au loin Shandrill qui entrait également et se dirigea


vers elle. Elle aurait sûrement pu attendre que Shandrill arrive jusqu’à eux, mais il
y avait surtout l’excuse toute trouvée pour laisser seul un moment le nouveau
couple. Bucky avait décidément des amies hors normes !

176
- Le malin n’a jamais eu autant d’effets sur moi que sous vos traits, vous
êtes étincelante ! Lança Béhuit à Bucky, une fois laissés seuls.

- Je n’ai, de mon côté, jamais été aussi impatiente de corrompre l’âme d’un
preux chevalier pour mes vils projets, répondit-elle, entrant dans le jeu de son bien-
aimé.

Le couple ne resta pas longtemps seul. Il fut rapidement rejoint par


Shandrill, Nolwenn, Lily et Glaème. Ce n’était pas bien embêtant. Il commençait à
y avoir bien trop de monde pour pouvoir discuter tranquillement. Bucky devait faire
preuve de prudence pour que l’on ne repère pas qu’elle avait un penchant certain
pour son professeur d’EPS.

- Mais dites-moi, ce ne serait pas vos amies Nolwenn la sorcière, Shandrill


l’infirmière, Lily l’elfe noire et Glaème Catwoman qui viennent nous saluer ? Dit
Béhuit dès leur arrivée.

- Effectivement, nous venons nous assurer que notre diablesse d’amie ne


vous pousse pas trop vers la luxure, répondit Glaème.

- Je te propose, Catwoman, d’aller plutôt t’occuper de faire chavirer de


bonheur un pirate afin que tu ronronnes de plaisir en te frottant à sa barbe bleue !
Surenchérit Bucky en montrant du regard Antoine, pas très éloigné de leur position.

Fidèles à leurs habitudes, les filles s’envoyaient de petites piques en rapport


avec leur penchant sentimentaux du moment. Bucky n’avait pas de preuve
qu’Antoine et Glaème se fréquentaient assidûment, mais le fait qu’elle le propose
spontanément pour les accompagner à Sarlat ainsi que leur complicité depuis le
début de l’année scolaire la laissait fortement penser à un rapprochement. C’est
donc tout naturellement qu’elle répondait aux remarques sur Béhuit par des
remarques sur Antoine, déguisé en pirate pour l’occasion.

Glaème ne chercha pas à relancer la joute verbale et se mit à la recherche


du pirate en question dans un gymnase de moins en moins clairsemé. Bucky et
ses autres amies restèrent près du goûter, accompagné de Béhuit. Ils passèrent
une bonne demi-heure à scruter les étudiants aux alentours pour repérer qui
pouvait prétendre au plus joli déguisement.

***

177
Pour Bucky, tout se passait pour le mieux. Même s’il n’était pas possible de
parader en vrai couple avec son professeur. Il resta avec elle et ses amies. Il
participait de temps à autre dans les diverses discussions des filles pour émettre
un avis ou faire preuve d’humour. Les filles semblaient réellement l’apprécier.
C’était une bonne chose en vue du séjour en commun, prévu dès le lendemain
matin. La capitaine des pom-pom-girls fut malheureusement contrariée lorsque
Béhuit annonça qu’il avait un tour à faire pour vérifier que tout allait bien. Elle en
avait presque oublié qu’il était ici pour surveiller les étudiants et qu’il ne pouvait
pas rester en un lieu fixe pour le faire efficacement. Malgré sa promesse de revenir
au plus vite, Bucky ne put cacher sa tristesse auprès de ses amies, surtout que
Glaème était au bras d’Antoine et qu’il en fut de même pour Anita et Erik. Bien sûr,
Nolwenn, Lily et Shandrill n’étaient pas accompagnées non plus pour cette fête,
mais elle ne pût s’empêcher une pointe de jalousie. Elle aurait tellement aimé
rester avec lui et dans ses bras durant la totalité de la fête, mais ce n’était
malheureusement pas concevable.

Encore une fois, l’E2C avait mis les petits plats dans les grands pour
Halloween, comme pour la totalité des fêtes répertoriées durant l’année scolaire.
A la tombée de la nuit, un éclairage spécifique s’était mis en route en même temps
que des machines à fumée pour créer une ambiance sombre, opaque et
inquiétante. Des sons d’épouvantes sortaient de la totalité des enceintes
disponibles dans les gymnases. Tout avait été fait pour être dans le thème sans la
moindre faute de goût ! L’instant passé par le groupe composé des Donerm, Lily,
Anita, Shandrill, Glaème et bien évidemment Bucky présageait de bons moments
en perspective pour les vacances. Tout le monde s’entendait à merveille, semblait
détendu et il n’y eut même pas de déception dans le fait de ne pas être élu meilleur
déguisement de la soirée ; titre décerné à une étudiante de troisième année,
déguisée en mariée-zombie !

Le repas du soir commença à être servi sous forme de buffet. Il s’agissait


de la dernière étape de la première fête de l’année scolaire avant une soirée
dansante de trois heures environ. Plus le temps passait, moins Bucky souriait.
Béhuit n’avait même pas été aperçu depuis qu’il les avait quittés. Ses amies étaient
de très bonne compagnie, mais Béhuit lui manquait et elle s’inquiétait de ne pas le
revoir. Nolwenn avait tout de suite identifié le problème de son amie. Elle tenta de
l’apaiser en lui rappelant que les professeurs, pas plus d’une vingtaine ce soir,
avaient plus de mille étudiants à surveiller. Mais Bucky ne put s’empêcher de partir
à sa recherche en ayant à peine mangé.

178
Malgré trois gymnases et leurs annexes intérieures et extérieures à
disposition, la foule d’étudiants était relativement compacte. Il était difficile pour
Bucky de se déplacer et encore plus de repérer quelqu’un en particulier. Retrouver
Béhuit allait s’avérer une tâche des plus compliquées, elle ne savait même pas par
où commencer entre les gymnases et les parties extérieures. La diablesse du soir
se demanda même un moment si Béhuit ne les avait tout simplement pas
retrouvées ! Elle questionna les étudiants croisés de-ci de-là qu’elle connaissait
personnellement pour leur demander s’ils ne savaient pas où se trouvait
l’entraîneur de volley et professeur de sport. Par chance, elle croisa une camarade
pom-pom-girl de son groupe de volley qui lui indiqua l’avoir vue dans un des petits
parcs extérieurs à quelques mètres du gymnase d’où elle sortait. Elle bénissait la
température clémente du soir en cette fin octobre pour cette recherche nocturne
en extérieur. Frileuse de nature et malgré son manteau par-dessus son
déguisement, elle trouvait déjà les quinze degrés limite.

Bucky ne réussit à reconnaître Béhuit que grâce à sa tenue de chevalier qui


tournait au fluo avec l’éclairage particulier pour la soirée du campus. Il était au
milieu d’une petite place centrale avec de nombreux va et vient d’étudiants et
semblait très attentif à la surveillance des élèves. Elle se faufila jusqu’à lui et
l’interpella, arrivée près de lui. Il ne la remarqua point. Le fond sonore était certes
parasitaire, mais elle s’étonnait qu’à une si petite distance, il ne l’entende pas. Elle
s’approcha encore un peu plus pour finalement lui taper sur le bras. Elle n’avait
jamais rencontré une personne aussi concentrée sur une surveillance. Lorsqu’il se
tourna vers elle, son regard vide avec des pupilles à la forme inhabituelle
l’interpella ; il semblait comme sonné, hagard, voire alcoolisé ou encore pire,
drogué.

- Béhuit, qu’est-ce que tu as ? Lui demanda-t-elle en le serrant un peu plus


fort de peur qu’il ne trébuche, son équilibre semblant précaire.

- Trop forcé… dit-il avec difficulté.

Sans comprendre réellement ce qui lui arrivait, Bucky l’aida à s’asseoir sur
un banc, tout proche, puis chercha du regard si un autre professeur était à portée
de vue pour lui demander assistance.

- Je vais chercher de l’aide, lui dit-elle finalement relativement inquiète avant


de se lever.

- Bucky, reste-là, laisse-moi juste une minute pour récupérer.

179
La pom-pom-girl n’avait pour ainsi dire pas le choix, Béhuit la retenait
fermement par le bras. Elle le fixa de nouveau. Cette fois, il la regardait également.
Son regard avait changé du tout au tout, ses pupilles étaient redevenues comme
elle les avait connues jusqu’ici.

- Tu es certain de ne pas avoir besoin d’aide ?

- C’est simplement une baisse de tension, lui affirma-t-il.

Bucky n’était en aucun cas médecin, mais doutait de l’interprétation des


maux de son professeur. En fermant les yeux seulement quelques secondes pour
récupérer, Béhuit semblait en bien meilleur forme, l’histoire de la chute de tension
lui paraissait grosse. Elle fut cependant rassurée de voir qu’il allait beaucoup
mieux.

- Tu ne veux pas qu’on appelle ton amie Mélanie par sécurité ? Lui suggéra-
t-elle, afin d’obtenir un premier avis médical par visio.

- Je vais bien Bucky, inutile de t’inquiéter. Tu me cherchais pour une raison


particulière ?

Bucky sentait bien que Béhuit cherchait à évincer son problème. Il


souhaitait vraisemblablement garder cela pour lui, elle n’insista pas, bien qu’elle
aurait profondément apprécié qu’il lui en parle. Être en couple avec lui n’avait en
rien levé sa part de mystère. Elle se posait chaque jour un peu plus de questions
sur lui qu’elle n’obtenait de réponses.

- Être avec toi ! Tu me manquais, tout simplement… Je t’ai perdu de vue un


bon moment. Je pense que tu as bien trop travaillé ce soir, je te ramène avec moi
à notre gymnase.

Bucky emmena prudemment Béhuit jusqu’à son groupe d’amis en le


soutenant à l’aide de son bras droit, l’installa par précaution sur une chaise avant
de demander à ses amies d’apporter à boire et à manger en se servant au buffet.
Béhuit avait beau lui dire que tout allait bien, elle et son groupe restèrent aux petits
soins pour lui par prudence un bon moment.

Le repas dura une bonne heure avant de faire place à la partie musicale. Le
centre de chaque gymnase fut rapidement modifié pour laisser place à une piste
de danse pour que les étudiants puissent s’y trémousser. Le groupe de Bucky se
lança sans retenu par une petite chorégraphie préparer entre danseuse, heureuses
de pouvoir décompresser un peu après ce début d’année scolaire, particulièrement

180
pour les danseuses aguerries qu’étaient Nolwenn, Glaème, Bucky et dans une
moindre mesure Shandrill. Béhuit vint les rejoindre au bout d’un moment
accompagné de Meyrie. La capitaine des pom-pom-girls était rassurée, Il allait
mieux et elle profitait pleinement de la fête avec lui. Elle ne pouvait pas faire de
danses trop subjectives ou collées à son professeur afin d’éviter tout soupçon,
mais elle s’en contenta. Vivre ces instants avec lui étaient déjà incroyable.

La soirée avança et malgré quelques brefs déplacements pour signaler un


début de mauvais comportement chez quelques étudiants, Béhuit et Meyrie
restèrent principalement avec les volleyeurs des deux sexes et les pom-pom-girls
qui y étaient affiliées. Tout ce petit monde avait fédéré en un seul et même groupe
pour danser. Bucky remarqua, une fois de plus, un rapprochement entre Glaème
et Antoine, toujours ensemble sur la piste de danse fabriquée temporairement sur
le sol du gymnase pour la soirée et en dehors lors des courtes pauses qu’ils
s’accordaient. Erik et Anita étaient en mode "slow", malgré des musiques bien plus
dansantes. C’était un peu plus ennuyeux du côté de Bucky, Creth profitait
clairement de l’évènement pour se rapprocher d’elle avec des tentatives de corps
à corps appuyées. Ils s’étaient séparés en bons termes, il y a quelques semaines,
mais il cherchait désormais à raviver la flamme pour avoir une nouvelle chance.
Seul problème, la flamme en question était bien ardente… mais pour quelqu’un
d’autre ! Et la situation allait devenir des plus complexes, les fins de soirée
dansantes se terminaient toujours avec quelques musiques romantiques pour
baisser le rythme et finir sur une touche de douceur. Bucky ne savait déjà pas
comment s’y prendre pour réussir à inviter son professeur sans paraître suspecte,
mais elle allait devoir gérer en plus les probables invitations de Creth pour danser
seul-à-seul l’un contre l’autre. La soirée avait finalement été parfaite jusqu’ici et
Bucky souhaitait la terminer de la même manière. Elle devait préparer quelque
chose pour réussir à danser avec Béhuit sans que cela puisse éveiller les soupçons
et se charger du problème Creth. Elle demanda à Nolwenn de la suivre à l’écart,
alors que la musique battait encore à plein régime, afin de planifier au mieux le
passage à la musique douce et romantique.

- Si c’est pour me dire que Creth te fait des avances, je crois que je ne suis
pas la seule à l’avoir vue, lui fit immédiatement remarquer Nolwenn, alors que Lily
et Glaème s’approchaient également, sans doute curieuse de la cause de ce
conciliabule.

- Il va certainement m’inviter pour le premier slow, je mettrai les points sur


les "i" à ce moment-là. Je cherche surtout à pouvoir inviter ensuite Béhuit pour un

181
slow sans que cela paraisse trop suspect, mais inviter un professeur à danser, je
n’ai pas le souvenir d’avoir déjà vu un précédent !

- J’ai la solution ! Annonça Lily. Je me doutais que tu chercherais à danser


avec lui pour les musiques douces. Une élève qui invite un professeur, ça va
clairement soulever des questions, mais plusieurs invitations en même temps,
cela passera juste pour une originalité pour cette année !

- Développe… lui proposa Bucky, très intriguée.

- Il va falloir demander à Antoine d’inviter Meyrie au premier slow. Nolwenn,


tu inviteras Béhuit pour laisser ensuite la place à Bucky. Glaème, le professeur de
physique est également tout près, tu es sa chouchoute, prouve-le-nous !

- Je veux bien danser un slow avec Béhuit, dit Nolwenn. Mais mon frère
refusera d’inviter Meyrie !

- …Sauf si Glaème lui demande et lui promet les danses suivantes ! Rétorqua
Lily en lançant un regard à la concernée.

- Je veux bien me sacrifier pour Antoine, mais le professeur de physique, il


pourrait être mon grand-père ! Souligna Glaème.

- Je ne comprends pas pourquoi tu ne nous avoues pas ce qui est évident !


Mon frère te plaît et il est fou de toi, un peu plus chaque jour depuis deux ans,
pourquoi nies-tu l’évidence ? Demanda Nolwenn.

- Tout le monde n’est pas comme Bucky à sauter sur un garçon pour
l’embrasser alors qu’elle ne le connaît même pas ou encore à effectuer un strip-
tease devant son futur professeur d’EPS. Moi j’ai besoin de temps pour être sûre
de mes sentiments, répondit Glaème.

- Je crains bien que cette mésaventure du strip-tease me suive pour


longtemps, mais je ne la regrette pas, elle m’a permis de le rencontrer. Sans ce
strip-tease, les choses entre Béhuit et moi auraient probablement été totalement
différentes, on ne sortirait peut-être même pas ensemble. Je me dis que le destin
l’a amené à moi. Un conseil, en amour, ne perds pas de temps Glaème, fonce !
Pourquoi attendre ? Demanda Bucky.

Glaème semblait finalement gênée par la réponse de Bucky. Sa relation


avec Antoine la stressait. C’était un pas vers l’inconnu pour elle qui était une fille
qui cherchait à tout maîtriser avec certitude.

182
- Je n’ai jamais eu de petit copain, j’ai en fait un peu peur de me lancer, finit-
elle par admettre.

- D’après ce que je vois, tu n’auras même pas besoin de le faire si tu lui


envoies les bons signaux. Ton plan est super Lily, on va juste le développer un peu
plus, proposa Bucky. Glaème, tu invites le prof de physique et tu promets
l’intégralité des danses suivantes à Antoine s’il invite Meyrie, je pense que durant
les derniers slows, tu n’auras aucune avance supplémentaire à faire, il va
t’embrasser de lui-même… si tu le laisses faire. Nolwenn, tu serviras de diversion
en invitant Béhuit ! On va lui demander d’accepter. En le voyant accepter l’invitation
d’une élève, les autres professeurs devraient suivre le mouvement. En revanche ce
n’est pas une séance de pelotage, si je te vois profiter de mon mec, je t’écorche
vive ! Ajouta-t-elle en rigolant. Tu passeras ensuite au professeur de physique afin
de donner encore mieux le change à la vue de tous. Lui, en revanche, tu pourras le
tripoter autant que tu veux ! Plaisanta-t-elle. Lily, ta coach de volley est également
au bout de la salle et je crois me souvenir que Djurek l’apprécie, essaye de le
convaincre de l’inviter afin qu’aucun professeur ne se sente laissé de côté.
Demande l’aide de Shandrill, elle et Djurek sont dans la même classe depuis trois
ans, Ils se connaissent très bien, elle parviendra à le convaincre, en lui promettant
la danse suivante par exemple.

- Qu’est-ce qu’on ne ferait pas pour une amie, répondit Nolwenn. Mais tu
sais que tu nous devras un service en échange ?

- Tout ce que vous voulez les filles, répondit Bucky sans hésiter.

- Tu m’as dit que Béhuit disposait d’une superbe maison avec piscine
chauffée, jacuzzi et vue sur le lac du campus. On veut être invitées là-bas !
Demanda Nolwenn, qui avait déjà semble-t-il prévu la contrepartie avec les autres.

- On peut dire que vous avez de la suite dans les idées ! La maison ne lui
appartient pas et la personne qui y habite est présente depuis le début de la
semaine d’après ce que j’ai compris… Je ne peux rien vous promettre, mais je vais
voir ce que je peux faire ! Répondit-elle.

En un éclair, chaque fille partit dans la direction lui permettant d’exécuter


au mieux le plan de Bucky. La brune à la mèche fuchsia ne perdit pas de temps
non plus de son côté et se dirigea vers Creth pour lui offrir la possibilité de danser
avec elle dès le premier slow qui ne devait plus trop tarder désormais. Nolwenn,
tout en dansant encore sur une musique rythmée, était en train de discuter avec
Béhuit afin de lui expliquer le déroulement pour la suite. Glaème avait déjà envoyé

183
Antoine vers Meyrie et se dirigeait désormais vers le professeur de physique et Lily
était en train de parler avec Djurek et Shandrill. Tout avait l’air d’être prêt lorsque
le DJ annonça la fin de soirée avec cinq musiques douces et romantiques pour
tous les amoureux du campus en guise de conclusion pour cette soirée.

Dès le début du premier slow, Bucky jeta un coup d’œil global sur la
situation. Nolwenn était dans les bras de Béhuit, ce qui encouragea Meyrie à
accepter l’invitation d’Antoine pour faire la même chose. Glaème avait également
réussi son coup en dansant avec son professeur de physique, finalement très
heureux de danser avec son élève chouchoute. Pour Djurek, cela fut plus
compliqué ; l’entraîneuse de l’équipe féminine de volley semblait plus réticente à
danser avec un étudiant. Heureusement, Lily la poussa physiquement vers Djurek
pour qu’elle accepte et finit par la convaincre.

Les couples de danse correctement établis, Bucky put désormais s’occuper


d’elle-même et de son partenaire pour ce slow. Le but de cette danse était bien
précis ; faire comprendre à Creth qu’il n’avait pas la moindre chance de renouer
avec elle, ce qu’il n’avait visiblement pas encore assimilé. Il commençait d’ailleurs
lentement, mais sûrement, à descendre ses mains de plus en plus bas au niveau
de son bassin !

- Creth, je te rappelle que nous ne sommes plus ensemble, je te saurais gré


d’arrêter de descendre tes mains déjà bien trop basses sur mon corps à mon goût,
si tu veux les garder intactes !

- Cette rupture a été une erreur, je me disais que cette soirée pourrait
permettre de nous donner une nouvelle chance. Tu m’intéresses énormément.

- J’en suis flattée, mais je suis passée à autre chose, j’ai des vues sur
quelqu’un d’autre, finit-elle par lui dire.

- Quelqu’un que je connais ? Questionna-t-il.

- Quelle importance ! Je débute une aventure avec cette personne, c’est tout
ce que tu as à savoir. Je suis tombée sous son charme.

- Je vois, mais je suis sûr que tu retomberas sous le mien, lui affirma-t-il
avec une expression du visage laissant apparaître une pleine confiance en lui qui
mit mal à l’aise l’étudiante de dernière année.

- Je te conseille de chasser ailleurs, c’est peine perdue me concernant, lui


répondit-elle tout de même pour bien lui faire passer le message.

184
Bucky sortit rapidement de l’étreinte de son cavalier à peine la musique
achevée. Creth l’avait mise profondément mal à l’aise. Elle n’avait encore jamais
senti quelqu’un d’aussi sûr de lui. Lui qui paraissait timide à son arrivée à l’E2C
avait bien changé en quelques semaines et pas forcément en bien selon l’avis de
la pom-pom-girl. Rien de bien méchant en soi, mais elle n’appréciait pas ce
comportement.

Immédiatement, elle se dirigea vers Béhuit pour danser avec lui, mais
Glaème la devança, proche de se jeter dans les bras de son professeur de sport.

- Glaème ! Tu plaisantes, j’espère ? Lui lança Bucky avec un regard noir.

- Pas du tout ! Si tu veux donner le change efficacement, tu dois passer par


ton professeur de physique avant de danser avec Béhuit.

Béhuit resta muet, il ne semblait pas savoir comment réagir et cherchait


probablement à ne pas s’immiscer entre les deux amies. Bucky n’apprécia pas que
son amie se jette sur Béhuit, mais elle devait admettre qu’elle n’avait pas tort.
Danser avec le professeur de physique avant Béhuit permettrait de dissiper
définitivement toute éventuelle interrogation.

- Tu as gagné, lui dit-elle en se dirigeant vers le sexagénaire avant de l’inviter


pour cette deuxième danse douce.

Les cavaliers avaient beaucoup tourné les uns par rapport aux autres. Lily
dansait désormais avec Creth, Djurek avec Meyrie, et Antoine avec l’entraîneuse
de volley féminine. Nolwenn, quant à elle, s’était fait inviter par Yvan de l’équipe de
volley. La seule chose immuable restait Erik et Anita qui n’avaient même pas pris
la peine de se lâcher durant le petit interlude entre les deux musiques.

La troisième danse douce fut la bonne pour Bucky. L’idée d’inviter les
professeurs avait fait des émules ; Nolwenn avait pris la place de Bucky avec le
professeur de physique alors qu’Yvan se permettait sans que rien ne lui soit
demandé d’inviter Meyrie ! Il était désormais certain pour Bucky que le fait qu’elle
danse avec Béhuit n’attirerait absolument pas l’attention, bien que pour un œil
attentif, il était perceptible malgré la faible lumière des spots et autres
stroboscopes que la pom-pom-girl était beaucoup plus proche de ce partenaire
qu’avec ses précédents cavaliers.

- Je n’attendais plus que ce moment, lança-t-elle à Béhuit alors qu’ils


dansaient ensemble en se regardant intensément.

185
- Et il va se prolonger plus longtemps que tu ne le crois, lui répondit Béhuit.
Glaème m’a dit que je danserais avec Meyrie à la prochaine et que l’on dansera à
nouveau ensemble pour la dernière. Elle a tout prévu m’a-t-elle dit !

Glaème n’avait donc pas irrité son amie en dansant avec Béhuit
innocemment. Elle avait tout simplement tout fait pour que Bucky danse deux fois
avec Béhuit au lieu d’une. Elle la chercha du regard pour lui faire un signe de
remerciement, mais elle était confortablement blottie dans les bras d’Antoine, la
tête sur ses épaules avec les yeux fermés pour cette danse. Glaème semblait
profiter du moment autant qu’elle. Quoi de plus agréable que d’être au contact de
celui qu’on aime ! Le plus discrètement possible, elle en fit de même un court
instant, mais dû se raviser. Il pouvait y avoir du monde qui les observe !

- Je me sens si bien avec toi, lui lâcha-t-elle presque involontairement.

Bucky profita un maximum de cette danse plongée la plupart du temps dans


le regard de Béhuit qui semblait faire de même. Ils ne se parlèrent même pas. Quoi
qu’il arrive pour Bucky, elle savait que cette dernière soirée d’Halloween à l’E2C
était la plus belle de toute et celle qui serait gravée de longues années dans sa
mémoire, peut-être à jamais. La brune à la mèche fuchsia ne reprit conscience de
ce qui l’entourait que lorsque la musique s’arrêta. Après s’être confirmé avec
Béhuit qu’ils se reverraient pour la dernière danse, Bucky chercha avec qui elle
pouvait danser. Voyant immédiatement que Glaème et Antoine ne s’étaient pas
embrassés et hésitaient même à danser à nouveau ensemble, Bucky prit l’initiative
de sauter sur Antoine pour le prendre comme cavalier. Glaème lui avait permis de
faire la prochaine danse avec Béhuit sans que les gens se posent trop de
questions. Elle était donc décidée à lui rendre service à elle et Antoine afin qu’ils
arrêtent de se tourner autour sans faire le pas du premier baiser.

- Je te le prends ! Dit-elle à Glaème en tirant Antoine par le bras.

Ni Antoine, ni Glaème ne protestèrent. Bucky trouvait ce manque de


confiance en soi mignon. Ces deux-là s’aimaient, mais Glaème faisait ses premiers
pas avec un garçon et Antoine n’osait sans doute pas entreprendre davantage car
Glaème lui avait toujours fait comprendre il y a encore peu qu’elle n’était pas
intéressée. Bucky avait bien compris que la donne avait changé aujourd’hui, mais
ce passif faisait sans doute hésiter le capitaine de l’équipe de volley à tenter de
nouveau des avances. Alors qu’elle commençait à danser avec Antoine, elle l’incita
un maximum :

186
- Tu l’invites à la prochaine danse et tu l’embrasses ! Lui dit-elle fortement
près de son oreille pour être certaine qu’il ait bien entendu dans le vacarme
ambiant.

- J’en ai très envie, mais je ne sais pas trop si elle est d’accord.

- Je te parie ce que tu veux qu’elle l’est. Elle est simplement maladroite et


timide avec toi, ce qui n’est pas du tout son habitude, tu es son premier flirt. Il faut
que tu te lances. C’est à toi de prendre l’initiative !

- Tu es sûre ?

- Antoine, c’est elle qui a eu l’idée de te faire venir avec nous demain !

- Vraiment ? Répondit-il avec le sourire aux lèvres.

Bucky lui fit signe que oui d’un mouvement de tête. Elle avait atteint son but
et mit Antoine en confiance pour la prochaine danse. Elle était désormais
optimiste sur le dénouement entre une de ses amies et celui qu’elle considérait
comme un frère.

Immédiatement alors que la musique se terminait et avant même que le DJ


annonce la dernière danse de la soirée, Bucky et Antoine rompirent leur contact
physique pour retrouver Béhuit et Glaème respectivement.

Bien que très heureuse de danser de nouveau avec son professeur de sport,
elle ne put s’empêcher d’épier Glaème et Antoine et elle n’était vraisemblablement
pas la seule ; Shandrill, Lily et Nolwenn, tout en dansant avec leurs cavaliers
respectifs scrutaient le couple de la même façon que Bucky.

Après une attente insoutenable, Antoine se pencha enfin vers Glaème pour
déposer un timide et doux baiser sur les lèvres de la fille qu’il cherchait à séduire
depuis deux ans. Ce premier baiser en appela rapidement un second bien plus
intense, moment où Lily et Shandrill crièrent de joie. Bucky et quelques autres
suivirent le mouvement pour manifester leurs approbations. Le volleyeur et la
pom-pom-girl ne s’en préoccupèrent pas, comme si pour eux le monde extérieur
avait disparu.

- Rappelle moi de ne pas t’embrasser en public avec tes amis à côté, fit
remarquer Béhuit à Bucky.

- Dès demain, tu n’y échapperas pas ! Lui affirma-t-elle.

187
Ils se regardèrent, tous deux, avec un large sourire alors que le dernier
morceau s’arrêta. La soirée avait été une réussite. Il fallait désormais rentrer, la
fête était terminée et un voyage de près de six heures attendaient Bucky et ses
amis. Avant de partir, elle ne put faire qu’un geste discret de la tête à Béhuit pour
lui dire en revoir afin, encore une fois, de ne rien laisser paraître. Lui, devait rester
pour remettre un peu d’ordre dans les gymnases. Elle le verrait demain sans qu’elle
ait à cacher ses sentiments pour ses vacances de la Toussaint avec lui. Elle était
plus qu’impatiente, surtout en voyant Antoine et Glaème s’embrasser une dernière
fois avant de se quitter au niveau du parc de stationnement des véhicules.

188
Chapitre 7 : Break à Sarlat.

L’heure convenue du réveil n’était pas encore arrivée que Nolwenn et Bucky
s’affairaient déjà. L’excitation du voyage, pour ce premier jour de vacances, leur
avaient fait perdre le sommeil. Bucky avait déjà prévenu le groupe de messagerie
créé pour ces vacances qu’elle partait immédiatement chercher avec Nolwenn
l’immense SUV haut de gamme à hydrogène de location qu’elle s’était permis de
réserver en lieu et place de son véhicule pour effectuer le trajet. Il était en effet
nécessaire d’avoir, au moins, un plus gros véhicule pour le voyage à Sarlat. Bucky,
Nolwenn, Shandrill, Glaème, Lily, Anita, les frères Donerm et bien évidemment
Béhuit étaient prévus pour ce voyage, un véhicule aussi imposant n’était pas que
bling-bling et fioritures. Un deuxième véhicule était également prévu pour ce
voyage, celui de Béhuit. Son Audi coupé disposait de cinq places avec un large
coffre et était taillé pour la route, et contrairement aux véhicules des étudiants, il
était le seul à pouvoir tenir la cadence du SUV haut de gamme qu’elle venait de
louer. Avec les bagages de chacun, et neuf personnes en tout, ces deux gros
véhicules allaient se trouver bien remplis !

Pour Erik et Anita, il s’agissait tout simplement de leurs premières vacances


ensemble et sans leurs parents respectifs. L’impatience du départ se lisait sur le
visage du dernier des Donerm. Il en était tout autre pour les parents de Nolwenn,
très anxieux de laisser partir le petit dernier avec sa petite amie. Nolwenn et
Antoine avaient beau tenter de les rassurer une énième fois avec l’aide de Bucky,
rien n’y faisait. Ils les voyaient déjà faire chambre commune et commettre ce bond
en avant ensemble à même pas seize ans, encore un brin trop tôt de l’avis de tous,
sauf des concernés. Antoine promit en ultime recours à ses parents qu’il prendrait
une chambre avec son frère et Lily une autre avec sa sœur. Cela ne les rassura pas

189
plus. Bucky préféra ne pas entrer tout de suite dans le jeu de l’organisation des
chambres avec les parents Donerm. Elle savait pourtant que cela allait rapidement
devenir un sujet. La seule chose qui était certaine, c’est que Shandrill serait dans
la chambre de son petit ami. Pour le reste de la répartition, personne n’était entré
dans les détails et même Bucky n'avait pas évoqué le sujet avec Béhuit. Elle-même
hésitait à savoir quoi faire avec son tout nouveau petit ami ; ils n’avaient même
pas encore couché ensemble ! Elle avait simplement prévu quelques nuisettes
sexy pour ne pas être prise au dépourvu dans l’éventualité forte d’une chambre
commune avec lui. La pom-pom-girl en avait en tout cas très envie et ne voulait
pas se trouver à court de munitions pour sa première fois.

Par souci de discrétion, les étudiants s’étaient donné tous rendez-vous près
de chez Béhuit. Ni la fratrie Donerm, ni Bucky n’avaient parlé aux parents Donerm
de leur professeur d’EPS et de sa présence pour ses vacances, il n’était donc pas
question de se rejoindre ailleurs que chez l’entraîneur de volley-ball. Bucky et la
fratrie Donerm avaient juste à passer chercher Anita et Lily Klébel avant de se
rendre chez leur professeur. Shandrill et Glaème devaient quant à elles se rendre
chez leur professeur d’EPS directement par leur propre moyen grâce à un véhicule
d’autopartage à disposition des étudiants du campus.

A quelques minutes d’intervalle, tout le monde se rejoignit tout près de chez


Béhuit. Il les attendait avec son véhicule prêt à partir. Il était étrange que Béhuit
demande sur le groupe de messagerie que le point de rendez-vous se fasse
finalement au bout de sa rue et pas directement chez lui, mais personne ne s’en
préoccupa, même pas Bucky qui faisait contre mauvaise fortune bon cœur sur le
fait qu’il garde des pans de sa vie secrète.

Dès son arrivée, l’étudiante s’empressa d’aller embrasser l’entraîneur de


volley-ball. Pour la première fois, ses amis voyaient Bucky et Béhuit lèvres jointes,
ce qui ne manqua pas d’attirer toute leur attention, même si personne n’osa faire
de remarque. Bucky était heureuse et c’est tout ce qui devait compter pour eux.
Même si voir un enseignant de l’E2C et une de ses étudiantes s’embrasser de cette
manière était probablement une première pour tous.

Après avoir réparti plus convenablement les bagages entre les deux
véhicules, il fallait maintenant y répartir les passagers. Bien que Bucky soit la
locatrice légale de l’énorme SUV couleur noire grâce au virement "spécial
vacances" de ses parents, elle confia les clés du véhicule à Antoine. Elle n’était pas
très à l’aise pour conduire un véhicule aussi imposant et souhaitait par-dessus tout

190
faire le voyage avec Béhuit, conducteur du deuxième véhicule, cause de sa toute
première rencontre avec lui sur un quiproquo bien particulier.

Antoine s’empressa de prendre le volant du véhicule en emmenant par la


main, en tant que passagère avant, Glaème. Erik et Anita les suivirent, trop heureux
d’avoir l’opportunité de profiter des sièges massant des places à l’arrière. Lily
décida de les suivre pour également profiter du véhicule en full options, mais aussi
pour surveiller sa sœur, on n’était jamais trop prudent ! Shandrill et Nolwenn
optèrent donc pour le choix vacant des places arrière du coupé blanc de Béhuit.
Rien n’avait été décidé entre elles en amont, mais la place passagère avant avait
été naturellement laissé au profit de Bucky, ainsi au plus proche de Béhuit.

Bien que l’adresse de destination eût été entrée sur les GPS, Béhuit prit la
tête du convoi sur demande de Bucky. Shandrill connaissait bien la route et aurait
sans doute des suggestions à proposer pour arriver à bon port plus rapidement.
Six heures de route étaient prévues avec sans doute quelques pauses pour
changer de conducteur, si nécessaire, ou pour profiter du pique-nique qu’avaient
préparé les parents Donerm pour limiter un peu les frais des étudiants. Tous
n’avaient pas les moyens financiers des parents de Bucky.

***

Après pas loin de six cents kilomètres d’une route relativement longue, mais
agréable passée entre amis, les deux véhicules arrivèrent ensemble tout proche
de la destination. Béhuit, à l’avant du convoi, avait tout au long du chemin été
particulièrement vigilant à faire en sorte que le SUV noir de location ne le perde
pas de vue, particulièrement lorsque Glaème eut remplacé Antoine au volant afin
qu’il prenne une pause salutaire. Béhuit, lui, avait fait l’intégralité de la route au
volant. Bucky n’avait même pas pris la peine de proposer à Béhuit de le remplacer.
Tout comme à moto, il semblait très à l’aise pour la conduite et faisait preuve d’une
endurance beaucoup plus importante que des étudiants encore "jeunes
conducteurs" ou qu’ils l’étaient encore il y a peu. Bucky ignorait de toute façon le
fonctionnement d’une boîte de vitesse manuelle. Elle n’avait encore jamais
rencontré une voiture qui en possédait une jusqu’au coupé blanc de Béhuit. On ne
lui avait montré que la théorie lors de son apprentissage à la conduite. Et pourquoi
proposer au chauffeur de prendre sa place alors qu’il lui caressait la jambe, tout
en conduisant, avec sa main droite après chaque passage de vitesse.

191
Le corps de ferme de la famille du petit ami de Shandrill était un peu à
l’extérieur de la ville, dans un endroit relativement isolé, en hauteur. Mais entre le
GPS et la mémoire de Shandrill, il fut rapidement identifié.

A destination, un jeune homme entre la vingtaine et la décennie suivante les


attendait pour les inviter à poursuivre leur route jusqu’au bout d’une allée qui se
terminait par ce qui semblait être le pavillon d’habitation pour les invités, accolé
au principal. Le reste était composé de sortes d’hangars où l’on pouvait voir des
canards aller et venir. Comme Shandrill l’avait indiqué durant le voyage, Karim, son
petit ami, ainsi que sa famille étaient ici éleveurs et producteurs de produits à base
de canards, foie gras et gésier principalement, depuis une quinzaine d’années à la
suite d’un coup de cœur pour la région et sa gastronomie.

La propriété était tout simplement immense et la vue sur Sarlat-la-Canéda,


magnifique, les résidences d’habitations se situant en haut d’une colline. Une fois
les véhicules définitivement stoppés, Karim s’empressa d’accueillir tout le monde
en serrant la main chaleureusement à chacun jusqu’à ce que Shandrill ne se
blottisse dans ses bras et l’embrasse.

- Je suis ravi que ma Shandrill ait pu amener ses amis avec elle ici pour les
vacances. Depuis le temps qu’elle me parle de vous ! Dit Karim dont la joie se lisait
aisément sur son visage.

- Merci de nous avoir invités, répondit Lily, c’est immense chez vous, fit-elle
remarquer.

- Nous avons besoin d’énormément de place pour le bien-être des animaux


et également pour les noyers dont nous disposons. Nous profitons également de
la grandeur du corps de ferme pour proposer des locations saisonnières. Nous ne
les avons pas proposés exceptionnellement afin que vous en profitiez. Je vous
laisse prendre vos bagages, je vous conduis tout de suite à vos chambres pour
que vous puissiez prendre vos marques.

C’est à ce moment que Bucky se rappela qu’elle n’avait même pas discuté
avec Béhuit, ni avec qui que ce soit d’ailleurs, de la répartition des chambres ! Et, à
la vue de la tête de Glaème, elle n’était pas la seule à se poser des questions. Elles
se rapprochèrent l’une de l’autre pour une discussion privée :

- Tu dors avec Béhuit ? Demanda Glaème.

- Je te retourne la question avec Antoine, demanda Bucky.

192
- J’aimerais bien lui proposer, mais j’ai peur de lui faire passer un mauvais
signal. Je ne suis pas certaine de vouloir faire le grand saut avec lui aussi
rapidement, même si j’apprécierais dormir à ses côtés et toi ?

- Je ne sais juste pas comment lui annoncer sans paraître trop…


entreprenante. Je préférerais que la proposition vienne de lui, histoire de me savoir
désirée.

- Bucky, réveille-toi ! Tu as toujours été entreprenante, sans cela tu ne serais


jamais sortie avec lui, souligna Glaème.

Rapidement, le groupe vida les voitures pour y prendre ses effets


personnels. Karim s’était, quant à lui, permis de prendre le sac de voyage de
Shandrill pour lui éviter de porter, un vrai gentleman ! Puis il accompagna tout le
monde dans le grand salon pour y indiquer de l’index l’accès aux cinq chambres
disponibles, côté invité, alors que lui, se dirigeait de l’autre côté avec Shandrill qui
semblait connaître parfaitement les lieux.

Le corps de ferme avait été décoré avec goût par de nombreux tableaux et
des sculptures en bois. Les pierres étaient apparentes sur tous les murs, donnant
au lieu un aspect plus authentique. Passé la découverte visuelle, Lily mit les pieds
dans le plat en montrant une des portes qui donnait sur une chambre :

- Moi, je vais prendre cette chambre avec Anita. Pour le reste, je vous laisse
vous débrouiller entre adultes et… selon vos affinités !

Anita, regarda directement Erik. Les deux jeunes étaient clairement déçus,
mais il était convenu que les deux étudiants de première année ne fassent pas
chambre commune. Nolwenn et Antoine avaient l’air d’acquiescer. Glaème, elle, ne
lâchait pas du regard Bucky, comme pour lui montrer sa détresse et son embarras
face à la répartition. La capitaine des pom-pom-girls devait prendre les choses en
main avant que la tension augmente encore un peu plus, alors que Lily traînait sa
sœur dans leur chambre.

- Ok, il reste donc quatre chambres et pas mal de non-dits à éclaircir. Charité
bien ordonnée commençant par soi-même, je me lance pour ma part. Béhuit, je
souhaiterais qu’on partage la même chambre afin de pouvoir être un maximum
ensemble… si tu es d’accord, bien entendu !

- Cette répartition me convient parfaitement sans même en connaître la


suite ! Répondit l’intéressé.

193
Soulagée, Bucky prit immédiatement son bagage pour le confier à Béhuit
avant de lui demander de choisir une chambre encore vacante pour s’y poser,
pendant qu’elle gérait la suite de la répartition.

- Antoine ! Glaème n’ose pas te le dire, mais elle aimerait bien te proposer
de faire chambre commune. Elle voudrait cependant s’assurer que tu ne lui sautes
pas dessus une fois la porte de la chambre refermée. Elle souhaiterait se donner
un peu plus de temps pour… enfin… tu sais quoi, je ne vais pas te faire un dessin !
Arriveras-tu as contrôler tes hormones ?

- Attendez ! Anita et moi, on peut aussi se contrôler, intervint Erik alors que
Glaème était en train de rougir et Antoine restait muet.

- Glaème et Antoine sont majeurs, s’il y a dérapage, et qu’ils sont


consentants tous les deux, ça les regarde. Leurs parents n’ont plus grand-chose à
y redire. Toi, tu n’as que quinze ans, on ne veut pas prendre ce risque. On te laisse
choisir une chambre, répondit Bucky en faisant comprendre au plus jeune des
Donerm qu’il n’y avait pas matière à discussion.

Erik prit son sac, un peu vexé et mécontent, pour se diriger vers une
chambre.

- J’avoue que parler de l’intimité de mes deux frères ne m’incite pas à


écouter plus longtemps cette discussion, dit Nolwenn. Je prends une chambre
aussi. Si jamais tu as besoin Glaème, je te laisse une place en fonction de ce que
vous déciderez.

Nolwenn ouvrit rapidement la porte de l’avant dernière chambre. Bucky


regarda alors Glaème et Antoine qui se regardaient l’un l’autre, avec gêne.

- J’ai fait tout ce que je pouvais faire, bonne chance pour la suite les
amoureux, lança Bucky en rejoignant la chambre choisie par Béhuit. Il était
maintenant préférable de laisser Glaème et Antoine seuls pour faire le point entre
eux.

La chambre dans laquelle entra Bucky était relativement grande, une bonne
vingtaine de mètres carrés, sans compter la salle de bain et les WC sur un côté.
Tout était décoré avec goût en gardant le cachet de la demeure fermière. Béhuit
était déjà allongé sur le lit avec son smartphone à la main.

194
- Tu ne vides pas ton sac pour mettre tes vêtements dans l’armoire à
disposition ? L’interrogea Bucky, voyant son bagage plus au moins déjà mis sous
le lit.

- Je préfère tout laisser dans mon sac, si cela ne t’ennuie pas.

Elle soupçonnait fortement que Béhuit cherchait à cacher une partie des
choses qu’il avait prise avec lui. Ils allaient partager pour la première fois une
même chambre et elle ne voulait pas gâcher ces vacances avec lui. Elle préféra ne
pas insister et commença à ouvrir son sac pour y ranger ses vêtements sans lui
faire de remarques supplémentaires sur le sien.

Une fois leur chambre préparée à leur goût, l’ensemble du groupe se


retrouva dans le salon où Shandrill et Karim les attendaient déjà. Bucky fut
heureuse de revoir sortir Glaème et Antoine de la même pièce ; ils avaient donc
décidé de faire chambre commune. Une fois tout le monde réuni, Karim proposa
de se rendre au restaurant d’un ami à lui pour manger. Il n’était pas loin de dix-neuf
heures, le timing était parfait. Il n’y avait plus qu’à reprendre les véhicules pour se
diriger vers le centre historique de Sarlat.

***

Le repas chez l’ami restaurateur de Karim, au centre du joli cœur historique


de la ville aux routes pavées, fut succulent et l’accueil incroyable. Shandrill
D’argent semblait, encore une fois, très bien connaître les lieux. Elle avait dû y
manger déjà quelques fois auparavant. Tout en profitant au maximum de Béhuit
en le regardant avaler plus que de raisonnable les produits de la gastronomie
locale, Bucky chercha à en savoir plus sur Karim en lui posant une multitude de
questions. Finalement, elle ne le connaissait pas du tout et Shandrill n’en disait
que très peu sur sa liaison avec lui lorsqu’elle était à l’E2C. Sans filtre, il répondit à
toutes les questions en regardant ou embrassant la gymnaste du groupe. Il en était
clairement très épris et cela semblait aller dans les deux sens, Shandrill le
regardait avec des yeux qui pétillaient de bonheur.

A la fin du repas, les filles en surent beaucoup plus sur la personne qui les
avait invité pour ce séjour. Cet homme de vingt-cinq ans aux origines sud-
méditerranéennes était venu s’installer ici avec sa famille car ses parents et lui-
même étaient tombés sous le charme de la région. Rapidement, ils décidèrent de

195
racheter un élevage de canard pour en faire leur activité. Shandrill et lui s’étaient
rencontrés il y a deux ans et demi, alors qu’elle participait à une compétition de
gymnastique à Sarlat pour le compte de l’E2C, tandis que lui profitait de
l’évènement pour y faire sa publicité en proposant de goûter ses produits locaux.
A leurs dires, le courant était tellement bien passé entre eux que Shandrill resta
deux journées de plus à Sarlat en se faisant passer malade vis-à-vis du campus.
Depuis, ils se voyaient au maximum en fonction de leurs disponibilités. La plupart
du temps durant les vacances. C’était la toute première fois que le producteur de
foie gras rencontrait des amis de Shandrill. Il n’avait, jusqu’ici, rencontré que les
parents de la gymnaste et personne d’autre de sa vie. Il était visible qu’il cherchait
à bien se faire voir de l’entourage de sa petite amie en mettant les petits plats dans
les grands, afin de lui montrer qu’il était capable de bien faire les choses pour elle.
Bucky devinait chez lui un léger manque de confiance en soi, probablement le fait
qu’il avait en face de lui quasiment uniquement des étudiants de l’E2C, réputés
dans toute la France et à l’international comme la future élite planétaire.
Inconsciemment, il devait penser que Shandrill méritait mieux que lui. Bucky
reconnaissait en lui la même façon de penser que Béhuit ; la peur de ne pas être
assez bien pour les filles qu’elles étaient. Elle allait sans doute avoir besoin d’une
petite discussion en privé avec Shandrill pour en parler et élaborer un plan pour
rassurer leurs petits amis de ce côté-là. Ces deux hommes méritaient l’intérêt que
les pom-pom-girls leur prêtaient même si d’extérieur, on pouvait les considérer
comme des filles inaccessibles.

Bucky proposa de payer l’addition pour tout le monde, mais ce ne fut pas
nécessaire. Karim s’était déjà arrangé avec son ami, gérant du restaurant.
Probablement en lui promettant une prochaine fourniture de foie gras, gésier ou
noix à un prix défiant toute concurrence !

La sortie du restaurant fût l’occasion de se promener dans la ville de nuit.


Bras dessus, bras dessous avec Béhuit, Bucky profitait du quartier historique et
touristique aux airs médiévaux romantique à souhait avec son groupe d’amis.
Cette ville était magnifique surtout blotti dans les bras de son petit ami.

Une fois rentrée et avant de se coucher, Shandrill proposa un petit jeu à tout
le monde afin de mieux se connaître, jeu très ludique et connu de tous faisant
fureur en soirée. Il permettait en composant des équipes de deux joueurs, de se
poser des questions pour en savoir plus les uns sur les autres. Personne ne refusa
la proposition. La plupart se connaissaient très bien, mais le jeu allait permettre
d’en savoir plus sur Karim et Béhuit et ils leur permettraient de mieux s’intégrer au
groupe.

196
Très rapidement, le jeu eut l’effet escompté. Le groupe d’étudiants en surent
encore un peu plus sur Karim, ses loisirs, ses défauts ou encore… le lieu de sa
première fois avec Shandrill ! Lorsque le tour du questionnement arriva à Bucky et
à Béhuit, la capitaine des pom-pom-girls comprit qu’il allait falloir être vigilante.
Non pas sur elle qui n’avait rien à cacher, mais sur Béhuit qui cacherait
probablement, voire mentirait sur certaines questions. Il fallait qu’elle l’assiste au
cas où. Rapidement les premières questions fusèrent, ce fut Antoine qui était
chargé de les poser :

- Bucky, nationalité de ton premier baiser ?

- Pas la moindre idée, je l’ai quitté avant même de lui avoir demandé, mais
il parlait Français… enfin je crois ! Plaisanta-t-elle.

- Béhuit, même question !

- Française, il parait que c’est celles qui embrassent le mieux non ? Dit-il en
jouant le jeu.

- Bucky, nombre total de petits copains… à plus ou moins dix, poursuivit


Antoine en faisant éclater de rire tout le monde.

- Je ne tiens pas les comptes, mais vu que j’ai le droit à une marge d’erreur,
je dirais une petite vingtaine et je peux répondre pour Béhuit, c’est trois, lâcha-t-
elle afin d’obtenir des jokers dans le jeu permettant de ne pas répondre à certaines
questions pouvant s’avérer trop indiscrète à son goût.

Béhuit confirma les dires de Bucky. Glaème prit la main pour la suite :

- Béhuit, profession de ton dernier flirt, avant Bucky bien entendu.

- Je peux répondre pour Bucky, étudiant en dernière année à l’E2C et je


préfère utiliser le joker obtenu par Bucky pour mon propre cas.

- Des choses à cacher ? Questionna Glaème.

- On va simplement dire que je ne suis pas certain moi-même de la réponse,


répondit-il.

Sans même avoir à confirmer, la réponse de Béhuit fut validée pour son
amourette avec Creth. Bucky ne put s’empêcher de réfléchir immédiatement sur
l’utilisation du joker par Béhuit. Elle savait que sa dernière petite amie en date
travaillait dans le même milieu que lui, ou que ce fut le cas, il y a encore peu. Béhuit
devait donc faire globalement la même chose qu’elle et il ne souhaitait pas le

197
divulguer. Soit la profession était particulière, soit Béhuit voulait garder cette
information secrète pour qu’elle ne fasse pas de rapprochement sur les raisons de
sa venue sur le campus. Cela confirmait une fois de plus l’importance du secret
qu’il ne voulait pas divulguer, même à elle.

Pour le plus grand soulagement de Bucky, les autres questions posées ne


furent pas problématiques pour Béhuit et tout le monde put aller se coucher sans
que Béhuit n’éveille le moindre soupçon après avoir discuté du programme de la
semaine de vacances. Karim et Shandrill leur avaient préparé un planning bien
condensé. Mais elle n’y prêta que peu d’attention. Bucky n’attendait désormais
qu’une chose ; que Béhuit et elle se retrouvent seuls dans leur chambre. Elle n’avait
vraiment pas prévu de dormir dans l’immédiat. A dire vrai, elle en angoissait
quelque peu.

A peine la porte de la chambre fermée que Bucky sauta dans les bras de
Béhuit pour l’embrasser en l’invitant à passer les grandes mains de son partenaire
sous ses vêtements.

- Tu es sûr de vouloir le faire ? Demanda Béhuit, comprenant aisément son


but.

- Sans l’ombre d’une hésitation ! Je te signe tous les documents de


consentement que tu veux ! S’empressa-t-elle de lui répondre.

- On va peut-être attendre que tout le monde dorme avant, proposa-t-il.

- Les murs sont épais, et promis je tenterai de ne pas crier trop fort ! Lui
répondit-elle en souriant, tout en lui soulevant son pull et son tee-shirt ensemble
afin de les retirer d’une traite, très appliquée sur son objectif.

Bucky était décidée à ne pas attendre plus longtemps pour s’offrir à lui.
Contrairement à ce que pas mal de monde pouvait penser sur le campus, elle
n’avait couché qu’avec trois hommes dans sa vie. Ses relations précédentes
n’avaient pour la plupart pas suffisamment duré longtemps pour en arriver jusque-
là. Elle avait pourtant choisi de ne pas se poser cette question avec Béhuit. Plus
âgé qu’elle, il devait sans doute s’attendre à ce que les choses se fassent vite et
malgré les secrets qu’il gardait, elle avait une confiance absolue en lui. Elle sentait
un lien solide, une connexion, rien de comparable avec ce qu’elle avait vécu avant.
S’offrir à lui paraissait presque… naturel !

- Bucky, je voudrais te dire avant que cela ne soit plus sérieux… alors qu’il
tenta délicatement de la ralentir.

198
- Je t’écoute, lui répondit-elle le sentant posé et réfléchi.

- Je ne peux rien te promettre sur notre relation. Je préfère te le dire à


nouveau, je risque de devoir te quitter à tout moment.

- Je sais, tu me l’as déjà dit et je t’ai déjà répondu que je l’acceptais, même
si je ne le comprends pas. Je veux juste que tu me répondes en toute franchise.
Tu tiens à moi ?

- Tu me plais Bucky Délavigna, il n’y a pas de doute, répondit-il.

- Alors on vivra notre relation au jour le jour et on profitera à fond de chaque


instant. Tant que tu souhaiteras rester avec moi, je te suivrai, le reste, je m’en
moque éperdument.

Il lui fit un signe de la tête et l’embrassa de nouveau. Plus rien ne pouvait


les arrêter désormais pour se découvrir physiquement plus en détail. Les deux
précédentes tentatives avortées chez Béhuit et dans son bureau au campus pour
coucher ensemble allaient pouvoir être oubliées. Elle le laissa délicatement
découvrir la moindre parcelle de son corps. Elle était un peu stressée, mais
tellement impatiente afin de savoir si la compatibilité entre eux était parfaite, sur
tous les plans. Il la caressa longuement, sur la totalité de son corps en insistant
sur les zones érogènes de plus en plus, avant de descendre lentement le long de
son corps avec de nombreux baisers. D’abord de son cou, puis jusqu’à sa poitrine
pour finir par son pubis. Il ne put descendre un peu plus bas, elle serra
involontairement les jambes de plaisir tout en s’excusant. Au départ très excitée,
elle se sentait maintenant excessivement intimidée. La peur de ne pas faire
correctement les choses l’incita à ne plus rien faire ou tenter, tout en essayant de
se détendre, y compris au niveau des jambes. Malgré, a priori, un manque de
pratique récent, Béhuit semblait parfaitement s’y prendre, délicatement, sans
forcer les choses. Aucun doute, il était plus expérimenté qu’elle ce qui n’était pas
pour déplaire à l’étudiante. Il n’avait plus qu’à retirer son caleçon et se positionner
entre ses jambes, désormais un peu plus détendues pour qu’il puisse se mettre
idéalement afin d’être au plus proche avec elle et qu’elle puisse rapidement le
sentir entrer au plus profond d’elle. Un gémissement discret et involontaire de
Bucky le fit se stopper avant qu’il ne comprenne que ce n’était qu’une preuve de
plaisir. Elle demanda rapidement à se mettre sur lui plutôt que l’inverse afin de se
sentir plus libre dans ses mouvements pour profiter encore plus du moment. Le
plaisir fut tellement intense qu’elle en ferma plusieurs fois les yeux
involontairement. Elle n’avait pas fait d’erreur en ne souhaitant pas repousser cet
instant. Le sentir si fort et si proche était exceptionnel. Quelques gémissements

199
de plaisirs supplémentaires obligèrent Béhuit à lui mettre la main sur la bouche
pour limiter les décibels sans qu’il s’arrête pour autant dans ses mouvements de
plus en plus rapides. Elle avait du mal à garder les idées claires. Jamais elle ne
s’était abandonnée comme cela pour quelqu’un…

***

Bucky se sentait apaisée et heureuse. Elle s’était très vite endormie une fois
les flots de Béhuit contre son corps, terminés. Tout s’était merveilleusement bien
passé, du moins comme elle l’avait imaginé. Quelques tremblements involontaires
de plaisirs, encore en elle, l’attestait. Délicatement, elle leva sa tête du torse de son
professeur pour s’apercevoir qu’il dormait profondément. Ignorant totalement
l’heure qu’il était, elle préféra ne pas le réveiller. Son sommeil semblait si serein.
Tout l’inverse de son comportement, parfois si inquiétant. Seul indice tangent, la
lumière du soleil se levant par la fenêtre. Ni lui, ni elle, n’avaient pris l’initiative de
fermer les volets, bien trop occupés dans leur tâche commune.

Décidée à lui montrer encore un peu plus ses sentiments, Bucky se leva le
plus discrètement possible afin de s’habiller avec ses vêtements de la veille,
disséminés un peu partout autour du lit pour rejoindre la cuisine avec une seule
idée en tête ; préparer un petit-déjeuner à Béhuit pour lui servir au lit !

L’étudiante à la mèche fuchsia ne fut pas la première à se lever. Shandrill


était déjà présente sur l’immense table en noyer massif de la cuisine, son mug
rempli de café à la main. A la vue de sa coupe matinale, désorganisée, de ses
cheveux noirs avec d’innombrables mèches fuchsia et de sa tenue plutôt légère et
sexy qu’on pouvait deviner sous un peignoir mal boutonné, l’étudiante de
quatrième année avait dû, tout comme Bucky, ne pas s’endormir tout de suite
après avoir fermé la porte de sa chambre. Sans même devoir se parler, les deux
filles comprirent toutes les deux que leurs dernières heures avaient eu une activité
similaire.

Karim, avant de partir s’occuper de son élevage, avait tout préparé pour ses
invités. Du café, du chocolat chaud, du thé, des viennoiseries, du pain, de la
confiture, des noix ou encore de la brioche. Rien ne manquait à l’appel, il y en avait
pour tous les goûts. Après avoir tout de même demandé la permission à Shandrill
de faire un plateau petit-déjeuner pour Béhuit, à défaut d’avoir Karim en visuel,

200
Bucky retourna vers sa chambre avec toute la nourriture nécessaire pour deux ;
elle en avait suffisamment pris pour qu’ils puissent se restaurer à leur faim.

Lorsqu’elle ouvrit la porte de sa chambre, elle remarqua que Béhuit dormait


encore. Elle posa avec précaution le plateau sur le bord du lit avant de venir
s’allonger contre lui en le réveillant grâce à des baisers doux et sensuels en
commençant par son torse et en remontant méthodiquement jusqu’à son cou puis
sa bouche. Il ne s’était pas habillé et le drap ne couvrait que le bas de son corps.
Nul doute qu’elle parviendrait à le réveiller agréablement.

- Petit déjeuner pour reprendre des forces, lui susurra-t-elle à l’oreille.

- J’ai rarement eu réveil aussi agréable, lui indiqua-t-il tout en ouvrant les
yeux avec un large sourire.

Désormais réveillé, elle lui approcha le plateau pour qu’il puisse déjeuner,
en énumérant tout ce qu’elle lui avait mis à disposition en picorant également des
choses de-ci de-là sur le plateau. Elle n’avait pas très faim, au contraire de Béhuit
qui montrait toujours un appétit aussi féroce. Elle le regarda principalement
manger, serrée contre lui sans dire le moindre mot. Elle hésitait à évoquer avec lui
leur toute première nuit. Étant bien moins âgée que lui, elle espérait ne pas avoir
déçu son partenaire de sa fragile expérience. Elle avait été loin d’être active, de
peur de mal faire.

- Quelque chose de tracasse ? Lui dit-il tout à coup, inquiet.

Bucky fut une fois de plus surpris par son compagnon. C’était à se
demander s’il n’avait pas des pouvoirs de télépathie pour la comprendre.

- Non, simplement j’ai apprécié notre première fois et je voulais juste savoir
si cela était réciproque.

- Absolument pas ! Dit-il.

Bucky se figea d’un coup et ne sut quoi dire. La réponse avait été franche.
Elle avait simplement espéré un peu plus de tact de la part de son partenaire. Elle
était très déçue d’elle.

Béhuit posa le plateau par terre et commença à passer la main sous les
vêtements de sa petite amie en souriant.

- On va donc être dans l’obligation de faire une séance de rattrapage ! Dit-il


en souriant puis rigolant.

201
Bucky fut soulagée ! Béhuit plaisantait et profitait désormais de la situation.
Elle lui mit une petite tape sur l’épaule pour lui montrer qu’elle trouvait son humour
quelque peu cruel sur ce coup, même si c’était en partie pour cela qu’elle l’aimait
aussi. Elle l’assista tout de suite après, le plus efficacement, pour enlever les
quelques vêtements, qu’elle avait remis à peine une demi-heure plus tôt, avant de
repartir dans une nouvelle ivresse. Le courant passait entre eux charnellement, un
énorme soulagement ! Rassurée, elle allait pouvoir se montrer un peu plus
entreprenante en passant sa main sur son bas ventre. Il était déjà prêt. Les
préliminaires n’allaient pas être trop longs…

***

Le néo-couple ne fut pas surpris de rejoindre le salon du corps de ferme en


dernier. Après leur deuxième fois, ils avaient pris un bain ensemble dans la salle
de bain privative de leur chambre dans laquelle ils avaient passé un bon moment
à se caresser, et accessoirement, se laver l’un l’autre pour encore mieux se
découvrir en détail et prolonger ce bon moment. Pour finir, Bucky s’était amusée à
présenter toute sa garde-robe disponible pour demander à Béhuit avec quels
vêtements disponibles il la préférait pour se vêtir, et ainsi lui faire le plus plaisir
possible. Le coût temporel total avait été conséquent ! Béhuit pris un malin plaisir
à lui demander de tout essayer pour la voir plusieurs fois se dévêtir. Cela ne la
dérangea pas. Elle aimait être son centre d’attention. Une fois la tenue préférée de
Béhuit choisie et enfilée, ils purent sortir.

- Bien dormi, les amoureux ? S’empressa immédiatement de leur dire Lily


qui cherchait vraisemblablement à confirmer ce que toutes les personnes
présentes dans la salle imaginaient.

- Je laisse libre cours à votre imagination, répondit simplement Bucky en


regardant son groupe d’amis.

- Tu es d’habitude bien plus bavarde, souligna Lily.

- Les gens changent, se contenta-t-elle simplement de répondre.

La capitaine des pom-pom-girls savait que sa relation avec Béhuit était bien
différente de ce qu’elle avait connu auparavant. Sans comprendre pourquoi, elle
était gênée de parler avec ses amies de sa relation amoureuse dans les détails,

202
surtout en sa présence bien qu’elle fût prête à le complimenter devant tout le
monde sur ses exploits de chambrée.

- Glaème, juste par curiosité, tu as bien dormi cette nuit ? Enchaîna-t-elle en


guise de contre-feu.

- Je te signale que moi je ne t’ai pas posé de question, lui répondit Glaème.

A voir le large sourire sur le visage de Glaème et d’Antoine, Bucky n’avait


pas besoin qu’on lui confirme la réponse et ne l’embêta pas plus. Elle était
simplement contente pour son amie et Antoine, qui espérait depuis fort longtemps
une aventure avec elle. Ils n’étaient sans doute pas allés au bout des choses la
nuit dernière comme Glaème l’avait demandé, mais une idylle amoureuse
commençait bel et bien officiellement entre eux deux.

Shandrill guida, après quelques petites discussions, tous ses amis vers
l’élevage de canards pour y retrouver Karim. Il était au travail avec quelques
employés de ses parents, mais coupa court à son activité pour présenter
l’exploitation familiale à ses invités dès qu’il les repéra.

***

Cette matinée fut une agréable découverte pour Bucky. Main dans la main
avec Béhuit ou carrément dans ses bras, elle écouta avec attention les
explications prodiguées par Karim pour leur expliquer le fonctionnement de
l’exploitation. Il semblait réellement apprécier son métier et avait pris soin de le
mettre en avant, même s’il était visible que cette présentation le stressait.
Probablement de peur de passer pour quelqu’un digne de peu d’intérêt et donc se
dévaloriser vis-à-vis de Shandrill auprès de son groupe d’amis. Bucky chercha à le
rassurer plusieurs fois en lui indiquant qu’elle appréciait fortement la visite avec
l’appui de tous les autres, mais rien n’y faisait. Être en face des amis de l’élue de
son cœur et se faire bien voir d’eux était un objectif important pour lui. Shandrill
avait pourtant également tout fait pour l’aider, Bucky n’était pas dupe, une
présentation orale aussi poussée provenait au moins en partie d’elle. Les
présentations orales étaient hebdomadaires à l’E2C et elle en reconnaissait la
patte de certains de ses professeurs dans plusieurs tournures de phrases de
Karim.

203
La visite se termina par la petite boutique de l’exploitation, flambant neuve.
Karim fut fier d’annoncer que l’idée venait de Shandrill, afin de compléter les
revenus de l’exploitation en y développant la touche tourisme. Il lui laissa même le
privilège de la présenter elle-même à ses amis tandis que Karim la regardait, rempli
d’admiration pour elle. Il en était fou. Bucky se demandait si ses sentiments envers
Béhuit transparaissaient autant que chez Karim ; des regards appuyés avec un
sourire continue.

Pour remercier leur hôte de toutes ses attentions depuis le début du séjour,
les étudiants ne lésinèrent pas sur la carte bleue, gold ou infinite dans le cas de
Bucky et Béhuit, via leurs smartphones, pour acheter de nombreux produits dans
le magasin. Shandrill poussa même un peu plus à l’achat avec une excellente idée ;
il était un peu plus de midi et elle proposa à ses amis un apéritif et repas avec des
produits du magasin dans une des annexes du corps de ferme dans laquelle se
trouvait une piscine chauffée. Bucky fit en sorte, grâce au budget confortable que
lui avait procuré ses parents, de dévaliser la boutique pour que cet apéritif-repas
soit grandiose. La connaissant parfaitement, aucun de ses amis ne se risqua à lui
proposer de participer. Ils se contentèrent chacun de prendre de quoi ravir les
parents. Béhuit fut le seul à proposer de participer financièrement pour le midi,
mais elle s’y refusa ; elle souhaitait offrir ce cadeau à ses amis et particulièrement
à l’homme qu’elle fréquentait, même si une incohérence de plus lui sautait aux
yeux. Aucun professeur, même de l’E2C, n’était en mesure de pouvoir prétendre à
une carte de paiement infinite, très haut de gamme et aisément reconnaissable,
même sur une application smartphone pour un œil averti comme le sien, qui
possédait un moyen de paiement identique. Elle ignorait tout des raisons réelles
de la venue de Béhuit à son campus, sous un alibi de professorat, mais il disposait
d’un puissant soutien pécunier !

Après être rapidement repassé par les chambres pour enfiler des maillots
de bains, Béhuit et le groupe d’étudiants se retrouvèrent à la piscine de l’annexe
du corps de ferme. Elle n’était pas particulièrement grande, ni profonde, mais était
chauffée et taillée semblait-il à même la pierre ce qui lui conférait un cachet
exceptionnel, d’autant que les contours disposaient d’une cuisine ainsi qu’un
espace repas, bienvenu pour ce qu’il était prévu de faire. Karim profita de sa pause
de midi dans son travail pour participer avec le groupe et préparer avec attention
les mets : foie gras, magrets et gésier de canard, vin blanc, noix, charcuterie et
divers légumes. Une bouteille de champagne avait même été ouverte. Le repas fut
apprécié.

204
Shandrill resta un long moment avec Karim dans un coin de la piscine,
tantôt à s’embrasser, tantôt à se nourrir avec du gésier de canard, péché mignon
de l’étudiante de quatrième année avant que l’éleveur ne soit dans l’obligation de
retourner travailler.

De leur côté, les frères Donerm s’amusaient dans la piscine avec leurs
petites amies respectives sur leurs épaules en tentant de se faire tomber. Nolwenn
et Lily faisaient, quant à elles, quelques longueurs en les poussant à chaque fois
qu’elles passaient par leur route.

Quasiment phobique du sport et particulièrement frileuse, Bucky ne rentra


que quelquefois dans l’eau, uniquement pour rejoindre Béhuit afin d’être avec lui.
Il passa, de son côté, une bonne partie de son temps à faire des longueurs avec
Lily et Nolwenn, mais en restant sous l’eau. Elle fut d’ailleurs impressionnée par
ses capacités pulmonaires. Il tenait excessivement longtemps sans respirer. Il
n’était peut-être pas professeur d’EPS, mais il était sportif, c’était une certitude.

La piscine fut quittée en milieu d’après-midi pour s’habiller plus


chaudement qu’avec des maillots de bain. Shandrill avait prévu pour ses amies
une sortie pour visiter la grotte de Lascaux et le moment était venu de s’y rendre.

***

Bucky passa un agréable moment en visitant Lascaux. Ses amies étaient


présentes, la visite instructive et intéressante, et le tout s’était fait en contact
physique constant avec Béhuit, que du bonheur ! Seul petit bémol, prendre une
photo de groupe à destination des réseaux sociaux sans lui. Obligatoire pour ne
pas faire apparaître la relation particulière que le professeur d’EPS pouvait avoir
avec certains de ses élèves et plus spécifiquement la capitaine des pom-pom-
girls. Elle prit cependant sur son smartphone uniquement quelques photos de
couple avec lui pour qu’ils aient tout de même des souvenirs tangibles de leurs
premières vacances ensemble. Elle espérait déjà que d’autres suivraient. Même si
Béhuit l’avait alerté sur le fait de devoir vivre cette relation au jour le jour, elle ne
pouvait pas s’empêcher de se projeter dans un coin de sa tête. Une première pour
elle avec un garçon ! Preuve supplémentaire de la différence entre l’entraîneur de
volley et de ses précédentes conquêtes.

205
Une fois ce haut lieu de la visite touristique du coin qu’était Lascaux
achevée, le petit groupe de l’E2C rentra chez Karim. Alors que certains rejoignirent
la piscine, Bucky emmena Béhuit en le tirant par la main dans leur chambre. Elle
souhaitait un nouveau moment d’intimité avec lui et ne s’embêta pas plus que cela
à amener les choses de façon subtile et discrète. Désormais en confiance, elle
poussa Béhuit sur leur lit en lui demandant de patienter juste un instant, le temps
de mettre la main sur un stylo et un post-it dans son sac pour y inscrire de la façon
la plus grosse possible MIAM avant de le coller sur le côté extérieur de sa porte de
chambre et de la verrouiller.

- Je peux savoir ce que tu as inscrit sur le post-it ? Demanda Béhuit, allongé


sur le lit alors que Bucky s’avançait pour le chevaucher afin de bien lui faire
comprendre ce qu’elle projetait dans le cas improbable où il n’aurait toujours pas
compris.

- C’est un code entre filles, se contenta-t-elle de lui répondre.

- Pour les prévenir de ce que tu cherches à faire de moi ?

- Pour ne pas être dérangée dans mon élan lui dit-elle, tout en lui soulevant
son pull. MIAM : Moment Intime Avec Mec, lui précisa-t-elle.

Rarement utilisé, cet acronyme avait été inventé par Nolwenn et Bucky qui,
partageant leur chambre, voulaient pouvoir avertir l’autre qu’elle était avec un
garçon afin qu’elle n’entre pas, ni ne dérange. Cette idée avait tellement été
appréciée que bon nombre de pom-pom-girls l’adoptèrent. Pour la première fois,
Bucky était fière de l’utiliser pour bien montrer à ses amies qu’il ne fallait pas la
déranger. Elle ressortirait quand elle l’aurait décidé !

- Trois fois en même pas vingt-quatre heures, tu risques de m’épuiser


rapidement, souligna Béhuit.

- Tu te sens trop vieux pour relever le défi ? Lui demanda-t-elle en souriant


tout en lui soulevant désormais son T-shirt.

- Non, mais si je meurs d’épuisement, je veux juste que tu te souviennes que


tu seras la responsable !

- Par précaution, je te conseille donc de me laisser faire. Je ne suis pas très


sportive, mais sache qu’uniquement pour préserver ta santé, je vais faire en sorte
de prendre la majorité de cette dure besogne à ma charge.

206
Béhuit ne protesta pas le moins du monde. Bucky s’appliqua du mieux
qu’elle savait le faire en se plaçant confortablement sur lui.

Elle termina finalement exténuée, une bonne vingtaine de minutes plus tard,
mais encore une fois aux anges. Il semblait qu’il en avait été de même pour
l’homme qui partageait son lit. Sans même bouger, elle resta couchée en amazone
sur lui, un moment fort de plus avec lui.

***

L’étudiante à la mèche fuchsia fut réveillée par un doux baiser sur le front.
Elle rouvrit les yeux brusquement pour s’apercevoir qu’elle s’était assoupie sur
Béhuit, juste après son exercice charnel.

- Je crois que je me suis assoupie ! Dit-elle.

- Moi j’en suis sûr, j’ai attendu au maximum, mais je crois que tout le monde
a commencé à manger. Par politesse, je te propose de les rejoindre.

D’un petit signe en le regardant, elle le conforta dans ses pensées. Elle se
leva pour chercher du regard ses sous-vêtements pour les remettre et ensuite
mettre la main sur les vêtements suivants. Béhuit en fit de même. Ils purent sortir
rapidement de la chambre. Bucky aurait pu prendre un peu plus de temps pour se
recoiffer et paraître un peu plus présentable, mais elle ne voyait pas l’intérêt de
tenter de cacher ce qu’elle faisait dans la chambre avec Béhuit, d’autant qu’avec
le post-it MIAM suspendu à la porte de sa chambre, qui avait bien fonctionné
d’ailleurs en les laissant sans le moindre dérangement, tout était clair.

Tous déjà en train de manger, personne ne fit de remarque lorsqu’elle et


Béhuit s’installèrent sur les deux places libres de la table qui leur avaient été
laissées. Bucky n’eut de toute façon pas le temps de lancer la moindre
conversation ; son téléphone sonnait pour une demande d’appel en Visio, il
s’agissait de sa mère !

Elle retourna immédiatement dans sa chambre pour être au calme. Ses


parents ne l’appelaient en général que toutes les deux semaines pour prendre de
ses nouvelles et durant ce laps de temps, des événements importants s’étaient
produits dans sa vie.

207
- Bonjour ma chérie, lui dit sa mère à peine l’appel accepté.

Elle était accompagnée à l’image par son père qui faisait des gestes de la
main pour la saluer. Elle répondit également de la main.

- Les vacances se passent bien ? Où es-tu et avec qui ? Interrogea son père.

- Je suis en Dordogne à Sarlat, avec quelques amis et notamment la fratrie


Donerm. Nous sommes chez le petit ami de Shandrill D’Argent. Sa famille a un
grand corps de ferme qui fait élevage de canards et chambres d’hôtes, c’est
magnifique.

- Tu penseras bien à payer un maximum de choses à Nolwenn, Antoine et


Erik afin de les remercier de t’héberger durant tes études, souligna son père.

- Oui, je le fais. Comme on était beaucoup à partir, j’ai loué une grosse
voiture pour toutes les vacances et j’ai déjà payé quelques spécialités locales. Je
ferai en sorte de repayer certaines choses.

- Parfait, et dans ce groupe, il y a d’autres garçons ? Demanda sa mère très


curieuse sur la vie sentimentale de sa fille.

Bucky n’avait jusqu’ici jamais rien caché de sa vie amoureuse à sa mère.


Pourtant, là, elle se vit obligée de ne pas tout dire, ignorant totalement la réaction
que ses parents pouvaient avoir en apprenant qu’elle sortait avec son professeur
d’EPS, bien plus âgé qu’elle.

- Oui, il y a des garçons et oui je sors avec l’un d’entre eux, mais c’est tout
nouveau entre lui et moi et je préférerais ne pas développer.

- Heureuse pour toi, sois juste précautionneuse si tu vas plus loin avec lui !
Souligna sa mère.

Ne voulant absolument pas lui dire qu’elle avait déjà couché avec lui, et
encore moins trois fois en moins de vingt-quatre heures et le tout sans protection,
elle préféra acquiescer. Elle s’était bien fait implanter une pilule contraceptive
microdosée sous le bras à ses dix-sept ans, comme beaucoup de jeunes femmes
désormais, pour éviter toute grossesse, mais elle n’avait même pas soulevé la
question d’une éventuelle précaution supplémentaire avec Béhuit. Sa dernière
relation sexuelle à elle remontait à plus de six mois et elle avait subi une prise de
sang depuis, automatiquement demandée à chaque rentrée à l’E2C, ne signalant
rien de particulier. Quant à Béhuit, il avait probablement dû subir également une
prise de sang pour sa prise de poste et il ne semblait pas avoir eu de relations

208
sexuelles non plus depuis un moment d’après ce qu’il lui avait confié de sa vie
sentimentale avant elle !

- Je serai prudente, se contenta-t-elle de lui répondre pour la rassurer.

Elle resta une petite dizaine de minutes avec ses parents. Durant la
conversation, sa mère tenta plusieurs fois d’en savoir plus sur son nouveau petit
copain, mais elle ne lui donna pas la moindre indication, même pas son prénom,
de peur qu’un rapprochement soit fait avec un minimum de recherches sur son
identité ; Béhuit était loin d’être un prénom courant. Elle finit par raccrocher.
D’habitude, heureuse d’échanger avec ses parents, elle préféra clore un peu plus
vite que d’accoutumer, la discussion. Pour la première fois, elle leur cachait des
choses et elle était impatiente de retrouver ses amis et surtout celui avec qui elle
allait encore partager sa chambre cette nuit.

Après, une fois de plus, un excellent repas, Shandrill et Glaème eurent l’idée
de déplacer une partie du mobilier sur le côté afin de laisser une place
conséquente au centre du salon. Elles souhaitaient organiser une soirée musicale
et dansante. Bucky fut emballée par l’idée. Elle n’avait pas perdu de vue qu’elle
devait élaborer la chorégraphie de présentation de l’équipe masculine de volley-
ball des garçons et qu’elle souhaitait les faire participer activement à ce projet.
Erik et Antoine feraient de parfaits cobayes pour leur apprendre dès ce soir
quelques pas de danse. Elle voulait même aller plus loin en faisant participer
Béhuit. Il semblait volontaire également pour danser, elle en profiterait pour jauger
son niveau aussi.

Une fois quelques éléments nécessaires pour transformer la soirée en


ambiance discothèque apportés par Karim. Antoine s’improvisa DJ pour la soirée.
Il avait un certain talent pour l’informatique et le numérique. Tout était parfait pour
passer une excellente soirée.

Bucky comprit rapidement les raisons du projet de ses deux amies ;


partager et montrer leur habilité à leurs petits amis respectifs pour la danse,
probablement pour les charmer encore un peu plus. Shandrill faisait preuve de
beaucoup de souplesse autour de Karim alors que Glaème dansait main dans la
main avec Antoine. Anita et Erik n’étaient pas en reste. De son côté, Bucky profitait
également de ses talents de danseuse et ses charmes pour envoûter avec des
déhanchés particulièrement subjectifs son professeur. Béhuit avait rapidement
compris qu’une possibilité de profiter d’elle se présentait encore pour cette nuit.
Elle ne se lassait clairement pas de lui. La capitaine des pom-pom-girls était

209
cependant un peu ennuyée pour Lily et Nolwenn, les deux seules célibataires du
groupe. Heureusement qu’elles étaient deux pour ne pas se sentir trop exclues.

Au bout d’une bonne heure, les musiques d’ambiances rythmées laissèrent


place aux musiques plus douces et romantiques. Alors qu’il semblait clair que les
frères Donerm ne lâcheraient pas leurs cavalières attitrées, Bucky et Shandrill, d’un
accord tacite envoyèrent Karim et Béhuit inviter les deux filles célibataires du
groupe pour ne pas les laisser de côté. La capitaine des pom-pom-girls et sa future
successeur en profitèrent pour préparer la fin de soirée ; apprendre le Madison aux
garçons pour jauger ce que cela pouvait donner pour la future chorégraphie. La
totalité des garçons de l’équipe de volley n’avait jamais pris de cours de danse et
il était nécessaire pour Bucky d’évaluer le travail à accomplir pour qu’ils
apprennent une chorégraphie, aussi minime soit-elle.

Une fois la musique des Blues Brothers prête, les deux jeunes étudiantes
rejoignirent leur partenaire respectif pour profiter avec eux des deux dernières
musiques douces que Karim avait prévues.

Arrivée dans les bras de Béhuit, Bucky posa la tête sur son torse durant
l’enchaînement des deux chansons romantiques à souhait. Ils ne se parlèrent
même pas. Elle dansait, il la serrait dans ses bras et elle pouvait sentir les
battements de son cœur avec sa tête posée sur le haut de son torse, que pouvait-
elle demander de plus ?

Les deux musiques pour couples achevées, Bucky prit un petit instant pour
expliquer la suite du programme aux garçons :

- Antoine, Erik, avec les filles, nous sommes sur l’élaboration d’une nouvelle
chorégraphie pour présenter votre équipe. Cherchant à faire dans l’originalité, on
a eu l’idée de vous faire participer activement.

- Je crains le pire, répondit Antoine.

- Il n’y aura rien de bien compliqué, promis, juste des bases de pas de
Madison qu’on vous propose de vous montrer tout de suite. Karim, tu peux
évidemment te joindre à nous si tu le désires. Béhuit, tu es avec moi pour mes
qualités et mes défauts, je ne te laisse pas le choix, dit-elle en souriant.

Aucun argument en défaveur de ce petit cours ne fut amené par les


garçons. Il faut dire qu’Anita et Glaème, partie intégrante de cette chorégraphie
avancèrent le fait de prendre plaisir à partager une démonstration en commun
avec leurs petits-amis respectifs. Il aurait fallu être fou et suicidaire pour émettre

210
un refus, cause évidente d’une dispute. Béhuit suivi également le mouvement par
égard pour sa compagne, mais avec un atout dans sa manche ; Bucky s’aperçut
immédiatement qu’il connaissait les pas, fort simples, de cette danse dès le début
de son apprentissage. C’était une bonne chose, car en fait, ni Shandrill, ni Glaème
ne savaient danser sur ce type de musique non plus, même si cela n’inquiétait pas
Bucky. Les filles, danseuses expérimentées, allaient très vite assimiler les pas.

Mission accomplie ! La soirée se termina avec un enthousiasme non


dissimulé de Bucky ! Les garçons, sans aucune expérience en danse, avaient
correctement assimilé les bases en un seul cours. Elle n’avait désormais plus qu’à
reproduire le même process pour les autres garçons de l’équipe et bien
évidemment préparer plus en détails désormais la chorégraphie. Quelques idées
supplémentaires avaient germé dans sa tête, avec Béhuit notamment ; elle voulait
faire quelque chose de particulier avec lui pour cette présentation de l’équipe. Elle
ne pouvait pas ne pas profiter du fait de sortir avec l’entraîneur de l’équipe de volley
pour proposer quelque chose d’encore plus novateur dans sa présentation de
l’équipe.

Après un dernier thé servi par Shandrill, Bucky rejoignit sa chambre en


compagnie de Béhuit. Ils prirent, toujours ensemble, une bonne douche.
L’étudiante mit de son côté une de ses jolies nuisettes sexy, toujours dans le souci
de se montrer sous son meilleur jour, même pour se coucher. Elle ne garda pas
longtemps le vêtement. Béhuit avait envie d’elle. D’une manœuvre
particulièrement délicate, il lui retira sa nuisette avant même qu’elle ne puisse
s’allonger sur le lit. Il lui demanda de rester debout près du lit, tout en la caressant.
Elle ne voyait aucunement l’intérêt de ne pas lui accorder cette faveur, d’autant
qu’elle prenait un plaisir fou dans la façon dont il la touchait un peu partout en
montant et descendant le long de son corps. Jamais elle n’aurait imaginé que de
simples gestes de son compagnon ne lui procure autant d’extase. Ils n’allaient pas
dormir tout de suite. Inutile, elle vivait un rêve éveillé !

***

La suite des vacances à Sarlat-la-Canéda continua comme elle avait


commencé ; très câline pour Bucky et relativement chargés. Elle était sans arrêt
avec Béhuit et ressentait un véritable manque les rares fois où elle se trouvait loin
de lui. La nécessité de l’avoir à portée de vue était forte. Ce qu’elle savait depuis

211
quelques semaines maintenant se confirmait ; elle en était complément folle ! Que
ce soit lors d’une randonnée dans les alentours, une partie de pêche, un moment
piscine ou encore la visite un peu plus lointaine du gouffre de Padirac ou des
châteaux à deux pas de l’élevage, absolument tout semblait magique avec lui.

De son côté, Béhuit paraissait également détendu et heureux. Elle espérait


en être la principale cause. Il avait laissé poser et éteint son smartphone sur leur
table de nuit sans y toucher du séjour. Probablement pour se couper
volontairement du monde extérieur qui manifestement le stressait au plus haut
point. Son professeur d’EPS s’entendait également de mieux en mieux avec son
groupe d’amis, particulièrement avec Nolwenn qu’il réconfortait de temps à autre,
elle qui passait de bonnes vacances, mais dont le moral fluctuait pour cause de
célibat. Il fallait dire que malgré des sorties quasiment toutes communes, chaque
couple vivait un peu dans son monde. Elle et Béhuit s’isolaient souvent dans leur
chambre pour quelques jeux coquins, Shandrill allait, dès qu’elle en avait
l’occasion, rejoindre Karim, même si c’était simplement pour l’aider dans son
travail. Erik et Anita, eux, cherchaient sans cesse un endroit isolé des autres
personnes sous la surveillance constante de Lily, et enfin, Glaème semblait donner
des cours à Antoine dans quelques matières scolaires, coupés d’échanges de
baisers. Il était en effet l’un des derniers de sa classe et Glaème la plus brillante,
elle s’était donc mise en tête de s’assurer qu’il ait bien son diplôme à la fin de cette
année. Mieux ne valait pas trop compter sur des points supplémentaires avec
l’option volley-ball.

Le jour du retour arriva après une dernière soirée dans le corps de ferme où
les filles se déchaînèrent littéralement sur la piste de danse improvisée du salon
central de la demeure. Les garçons furent subjugués et totalement sous le charme,
les filles, non-célibataires, n’hésitant pas à jouer la carte de la séduction sexy
profitant du fait d’être en comité restreint. Le réveil avait, du coup, été compliqué
et au lieu de partir le matin comme cela était prévu, Bucky et son groupe ne
partirent qu’en début d’après-midi. Il allait falloir rapidement rentrer, les cours
reprenaient le lendemain.

Ce fut avec un véritable pincement au cœur qu’ils dirent au revoir à Karim


après l’avoir remercié pour cet accueil. Le pire fut évidemment pour Shandrill, en
pleurs de devoir le quitter jusqu’à, probablement, les prochaines vacances, celles
de Noël. Nolwenn, installée avec la gymnaste à l’arrière du véhicule de Béhuit,
passa la première partie du trajet à la réconforter. Bucky était triste pour elle.
Jusqu’à sa rencontre avec Béhuit, elle n’aurait pas compris la réaction de Shandrill,
mais là, elle pouvait se projeter et elle eut un soudain un moment d’angoisse. Elle

212
avait été prévenue, Béhuit risquait de disparaître du jour au lendemain, et elle
n’était vraiment pas sûre de pouvoir tenir le choc ce jour-là ! Une fois encore,
Béhuit, en conduisant et sans même la regarder, posa sa main sur la sienne et la
serra, il avait compris ce qui la tracassait. Il l’embrassa ensuite rapidement sur la
joue, en quittant un minimum la route des yeux avant de lui chuchoter à l’oreille :

- J’ai passé une semaine inoubliable, tu es une fille formidable, ne change


pas Bucky Délavigna.

Une fois Béhuit remis en position pour une conduite optimale, Bucky se
pencha pour poser sa tête, sans geste brusque, sur son épaule afin de profiter de
l’instant présent. Dès le lendemain, ces démonstrations d’amour ne seraient plus
possibles. Il allait de nouveau falloir cacher cette relation aux yeux du campus.

***

Le trajet de retour fut un véritable calvaire ! Les membres de l’E2C n’étaient


clairement pas les seuls à rentrer de vacances et lorsque le mauvais temps se mit
de la partie par de fortes pluies, le retard pris des proportions inquiétantes. L’heure
d’arrivée sur Cley s’allongea jusqu’à atteindre un prévisionnel estimé à une heure
du matin. Le lendemain s’avérait déjà compliqué, surtout pour les conducteurs ;
les passagers pouvant tout de même s’assoupir dans la voiture. Glaème, pas
rassurée de conduire de nuit, préféra ne pas prendre de relais avec Antoine qui dut
faire la quasi-totalité du trajet, juste remplacé une unique fois durant une petite
heure par Lily.

Par sécurité, Béhuit demanda à Antoine de passer devant lui. Il préférait


pouvoir surveiller son véhicule expliqua-t-il à Bucky. Une fois le cap de minuit
franchi, la dernière portion d’autoroute s’avéra beaucoup plus sèche et Antoine
accéléra pour gagner un peu de temps sur l’heure d’arrivée prévisionnelle.

Sans doute peu habitué à conduire un tel véhicule, avec une telle puissance
sous le capot et la fatigue jouant, Antoine ne s’aperçut pas qu’il roulait à une
vitesse supérieure à cent soixante-dix kilomètres par heure. Béhuit, par précaution
et en le suivant tout de même de près demanda à Bucky de l’appeler pour lui
suggérer de baisser sa vitesse. Mais la malchance leur joua un tour. Alors
qu’Antoine était en train de lentement diminuer sa vitesse pour retourner vers les
cent-trente kilomètres par heure réglementaire, averti par Bucky, Béhuit vit

213
rapidement apparaître un gyrophare dans ses rétroviseurs. Un véhicule de
gendarmerie les doubla, puis leur indiqua de s’arrêter sur la prochaine aire
d’autoroute. Bucky s’inquiéta, elle pouvait payer l’amende pour les deux véhicules,
mais craignait que les forces de l’ordre leur retirent sur le champ leur permis de
conduire pour grand excès de vitesse.

Arrêtés sur l’aire d’autoroute, deux véhicules de gendarmerie


supplémentaires les attendaient déjà. Il s’agissait de plusieurs patrouilles qui
travaillaient de concert. Immédiatement, deux agents se dirigèrent vers leurs
véhicules. Un d’entre eux vint taper à la vitre de Béhuit. Bucky était très inquiète de
la sanction. Béhuit, de son côté semblait d’un calme presque suspect.

- Bonsoir Monsieur l’agent, lui dit Béhuit.

- Bonsoir Monsieur, vous savez pourquoi nous vous avons arrêté ?

- Je m’en doute.

- Vous rouliez à vive allure, veuillez me présenter votre permis de conduire


et votre carte grise.

- Mes papiers sont dans le coffre, nous revenons de vacances, puis-je sortir
pour les prendre et vous les présenter ?

- Faites donc, se contenta de répondre l’agent.

Bucky était de plus en plus inquiète. Les forces de l’ordre n’avaient pas la
réputation d’être tendres avec les délits routiers, contrairement à pas mal d’autres
choses. Se faire confisquer le permis serait une catastrophe pour Béhuit, plus de
voiture possible, ni de moto, elle qui aimait tant en faire avec lui !

Béhuit sortit calmement de la voiture et ouvrit le coffre. Après quelques


secondes, il y retira les documents demandés puis demanda au gendarme de
s’éloigner du véhicule avec lui.

Shandrill et Nolwenn ne semblaient pas non plus particulièrement sereines.


Les trois pom-pom-girls restées dans le véhicule se regardaient, inquiètes.

L’agent des forces de l’ordre et Béhuit s’étaient éloignés d’une bonne


dizaine de mètres. Impossible pour elle d’entendre la conversation. Béhuit avait
pris soin de refermer le coffre et relevé sa vitre de portière. Il ne souhaitait
vraisemblablement pas que la discussion soit entendue. Après moins d’une
minute, le gendarme appela le collègue qui s’occupait de la voiture d’Antoine, puis

214
un autre encore un peu plus tard. Ils discutèrent un court instant avec Béhuit avant
de retourner à leurs véhicules. Béhuit, au lieu de revenir, se dirigea vers le véhicule
d’Antoine pour lui glisser quelques mots et retourna rejoindre Bucky pour y
redémarrer la voiture.

- Tout va bien ? Pour le PV, je peux le prendre en charge, dit Bucky en


cherchant à savoir ce qui s’était dit.

- Pas de panique, je me suis arrangé pour Antoine et moi, on peut repartir !

- C’est-à-dire ? Demanda Nolwenn.

- J’ai fait preuve de diplomatie, j’ai simplement trouvé les bons mots.

Bucky ignorait totalement ce que pensaient ses deux amies à l’arrière, mais
elle était certaine d’une chose ; la diplomatie n’était pas suffisante pour se sortir
de cette situation sans le moindre PV. Béhuit cachait, encore une fois, quelque
chose qui lui avait permis de leur suggérer, voire obliger, à oublier l’infraction, le
tout en prenant soin de ne pas le divulguer aux filles. Capable de faire face à deux
hommes, dont un armé, de rentrer en tant que professeur d’EPS sans le moindre
diplôme à l’E2C dans un but secret, possédant une carte de paiement "Infinite"
absolument pas en cohérence avec ses revenus théoriques, être suspicieux avec
les caméras du campus au point même de suspecter qu’il y en ait dans le vestiaire
des filles et faire oublier à des gendarmes une infraction, l’homme qu’elle aimait
comme personne, qui disait risquer de la quitter à tout moment était quelqu’un qui
amenait à se poser toujours plus de questions. Que pouvait-il bien cacher et
surtout que savait-il à propos de l’E2C qu’elle ignorait ? Il n’était certainement pas
arrivé sur ce campus par hasard.

Moins d’une heure plus tard, les deux véhicules arrivèrent à bon port. Béhuit
ramena Shandrill à son logement étudiant avant de ramener Nolwenn et Bucky à
une centaine de mètres de chez elles, afin d’éviter d’être repéré par les parents
Donerm. Il était très tard, Bucky et Béhuit ne prirent pas trop le temps de parler et
se quittèrent sur un doux baiser. Ils devaient se revoir le lendemain en cours, mais
en reprenant soin de ne rien dévoiler de leur relation. Les contacts physiques
prolongés étaient terminés.

215
Chapitre 8 : Perte de contrôle.

Mis à part Antoine, tout le monde était relativement en forme chez les
Donerm pour cette journée de reprise. Bucky avait pour sa part refait le plein
d’énergie et était fin prête pour une nouvelle période de cours et d’examens jusqu’à
Noël. Elle savait qu’elle avait énormément de travail pour les prochaines semaines.
Hormis les cours, déjà très chronophages, elle devait terminer sa chorégraphie
pour son groupe de pom-pom-girls afin qu’elle puisse être présentée au moins
deux fois en cas d’élimination prématurée des garçons dans leur championnat de
volley-ball, ce qui avait des chances non négligeables de se produire. Une nouvelle
tâche pour elle se présentait également ; en tant que danseuse, elle et ses amies
devaient s’entraîner pour une représentation spectacle traditionnelle de fin
d’année. Elle espérait simplement pouvoir dégager encore un peu de temps pour
passer des moments avec Béhuit, afin de profiter de sa présence.

A leur arrivée sur le campus, Nolwenn et Bucky remarquèrent


immédiatement une effervescence particulière. Elles en découvrirent l’origine dès
leur arrivée sur l’esplanade d’entrée. Tout le monde avait les yeux rivés sur
l’immense panneau d’information encadré par deux drapeaux Français montrant
à tous la nationalité de ce campus d’excellence. Le directeur de l’établissement
était indisponible jusqu’à nouvel ordre et sa remplaçante était déjà présente et
passerait voir chaque classe pour se présenter. La seule information notable
disponible sur le panneau d’affichage était son nom : Madame Céssix Sky.

Outre les questions que se posait tout le monde sur le pourquoi de


l’absence de l’ancien directeur de l’E2C. Les élèves se demandaient tous les
changements qui pouvaient être possibles avec une nouvelle personne à la tête

216
du campus. Personne parmi les élèves n’avaient la réponse. Même Bucky et
Nolwenn, en dernière année d’étude et fréquentant les lieux depuis cinq ans
n’avaient connu jusqu’ici que cet unique directeur. Y allait-il avoir des
changements dans le fonctionnement et le règlement intérieur ou voire dans la
politique générale du campus ? Cette nouvelle annonce ne laissait personne
indifférent.

Après avoir déposé sa tenue de pom-pom-girl et de danse dans son casier


en attendant son utilisation le soir même, Bucky se dirigea avec ses camarades
de classe vers leur cours d’expression écrite. Elle ne manqua pas de remarquer
que Glaème et Antoine se donnaient la main sans se cacher. Plus de doute
possible, ils étaient désormais officiellement ensemble, y compris sur le campus.
Bucky ignorait si son amie et celui qu’elle considérait comme son frère avaient fait
le grand saut durant les vacances, mais cette semaine de vacances leur avaient
permis de confirmer qu’ils s’appréciaient énormément. Elle était tellement
heureuse pour eux, même si le changement de comportement de Glaème vis-à-vis
d’Antoine restait une énigme ; elle l’avait quasiment ignoré durant deux ans.

***

Il ne fallut pas attendre longtemps pour Bucky et sa classe pour découvrir


la tête de la nouvelle directrice. Dès son deuxième cours de la journée, celui de
physique, Bucky et les autres furent stoppés en plein travaux pratiques de
diffraction de la lumière laser. Céssix Sky entrait dans leur classe pour se
présenter après s’être excusée auprès du professeur de physique pour
l’interruption de son cours.

Étonnamment pour un poste de cette importance, la nouvelle directrice


semblait relativement jeune, la trentaine tout au plus. Cette blonde aux cheveux
très longs et aux yeux bleu aquarelle était d’une taille imposante pour une femme,
Bucky estimait qu’elle devait mesurer environ un mètre quatre-vingts. Elle avait un
visage agréable à regarder et était d’une corpulence moyenne. On pouvait
également remarquer que cette femme semblait particulièrement sportive, elle
était athlétique sans que cela ne joue particulièrement contre sa féminité. Ce ne
fut qu’une demi-surprise pour Bucky de constater que certains de ses camarades
masculins appréciaient physiquement la nouvelle directrice. Elle ne pouvait pas se

217
permettre de les juger outre mesure étant donné sa relation avec son professeur
d’EPS. Elle avait bien craqué pour lui !

Le discours de Céssix Sky, dans lequel on devinait un léger accent


québécois, fut rassurant. Elle ne souhaitait pas tout chambouler ici et se voulait
plus dans un programme de continuité des actions de son prédécesseur, bien
qu’elle soulignât à maintes reprises qu’un comportement à la hauteur des
exigences du campus était attendu. Rien ne filtra de la raison de l’absence de
l’ancien directeur. Elle indiqua simplement qu’elle était ici de façon temporaire
sans pouvoir donner de dates exactes. Elle semblait assez accessible à première
vue. Cependant Bucky ne put s’empêcher de rester sur ses gardes avec elle. Elle
trouvait que Céssix la fixait beaucoup par rapport aux autres élèves. Avant qu’elle
ne parte se présenter à une nouvelle classe, ce sentiment se confirma.

- Avant de partir, je demanderais à Nolwenn Donerm et Bucky Délavigna de


se rendre à mon bureau à la fin de ce cours, demanda la nouvelle directrice de
l’E2C.

Les deux pom-pom-girls se regardèrent et s’interrogèrent sur le pourquoi de


cette convocation. Selon Nolwenn, il devait s’agir de leur sortie nocturne de Munich
et de l’agression qu’elles y avaient subie, une décision avait dû être prise à leur
encontre. Bucky n’était pas totalement sereine, elle avait enfreint quelques règles
et même si Béhuit avait été un très bon avocat pour elle et sa meilleure amie, il y
aurait peut-être des sanctions disciplinaires.

***

Avec un peu d’appréhension, Bucky et Nolwenn ne prirent pas le chemin de


la cafétéria à la fin du cours de physique, mais bien celui du bureau de la directrice
de l’E2C, comme il leur avait été demandé un peu plus tôt. Sur le chemin, elle ne
manqua pas d’alerter Béhuit sur sa convocation par messagerie. Il allait
certainement être convié sous peu, également. Elle espérait qu’au moins lui
n’aurait pas de problème.

Après s’être fait connaître auprès de la secrétaire de direction de l’E2C, les


deux amies furent invitées à entrer dans le bureau que les étudiants préféraient
éviter d’ordinaire. On y entrait rarement pour des bonnes nouvelles.

218
- Entrez Mesdemoiselles et refermez la porte derrière vous, leur demanda
Céssix Sky.

Madame Sky les invita à s’asseoir avant de prendre la parole :

- Savez-vous pourquoi je vous ai demandé de venir ?

- Pour les problèmes à Munich, dit timidement et de façon très incertaine


Nolwenn.

- Des pom-pom-girls vives d’esprit, rien n’est donc perdu ! Même s’il faut
admettre que votre comportement là-bas ne transpirait pas la finesse intellectuelle
et la maturité.

Bucky sentait que la conversation allait rapidement tourner au vinaigre,


aussi tenta-t-elle de se défendre comme elle le pouvait.

- Nous avons appliqué le protocole d’urgence comme cela avait été


demandé…

- Ce que vous faites de vos deux jolis minois avec les membres du sexe
opposé vous regarde, Mademoiselle Délavigna. Ce que je ne supporte pas dans
cette affaire, c’est que vous avez profité de la gentillesse d’un entraîneur
inexpérimenté, isolé, et dans une situation compliquée compte tenu de son
planning, pour parader à une heure non prévue dans un night-club. Vous n’êtes pas
les seules à vous être mise en danger, lui aussi l’a été, car vous avez
consciemment profité de la situation. Je vous le demande donc, laquelle de vous
deux lui a forcé la main pour autoriser cette sortie ? Coupa-t-elle, clairement en
colère.

- Personne ! Répondit Nolwenn. On lui a simplement indiqué que l’on sortait.

Nolwenn cherchait à défendre son amie. Mais elle devait se souvenir, tout
comme Bucky, que la demande n’en avait pas vraiment été une, mais plutôt une
sorte de chantage affectif que son amie avait tenté sur Béhuit pour le rendre
jaloux.

- Soit la profiteuse se dénonce, soit vous serez toutes les deux


sanctionnées, menaça Céssix Sky.

Bucky remarqua que depuis le début de la discussion, la directrice n’avait


quasiment exclusivement que le regard braqué sur elle. Nul doute qu’elle
connaissait en partie les faits. Ne souhaitant pas prendre de risque pour son amie

219
et se sachant responsable, d’après les dires de la nouvelle directrice, elle protégea
son amie. Inutile qu’elles soient toutes deux dans l’œil du cyclone.

- C’est moi qui lui ai demandé, lâcha Bucky.

Instantanément, le regard de Madame Sky se tourna vers Nolwenn qui ne


savait pas quoi dire pour sauver son amie.

- Mademoiselle Donerm, vous pouvez sortir. Je vous ai annulé votre cours


optionnel de harpe de dix-sept heures pour que vous puissiez voir le psychologue
à la place. Je veux m’assurer que vous vous êtes bien remise de cette mésaventure
ou si d’autres séances vous sont nécessaires.

Nolwenn hésita à se lever. Elle savait qu’elle s’en sortirait sans le moindre
blâme, mais cela n’allait sans doute pas être du même acabit concernant sa
meilleure amie, clairement dans la ligne de mire.

- Bucky… dit-elle.

- ça va aller… lui répondit l’intéressée, afin de lui signifier qu’elle pouvait


partir tranquille même s’il paraissait évident que la directrice allait la sanctionner.

Nolwenn sortit du bureau et referma la porte derrière elle. Un silence se


prolongea alors que Bucky était scrutée dans sa globalité, de bas en haut. Elle avait
la curieuse impression d’être physiquement jaugée par sa nouvelle directrice.

- Il serait temps de grandir, Bucky Délavigna. Vous n’êtes pas le centre du


monde, je n’accepte pas que vous mettiez en danger un professeur par votre
insouciance.

Bucky était consciente de sa conduite un peu légère à Munich, mais elle


était suffisamment intelligente pour comprendre qu’il y avait quelque chose
d’autre derrière cela. Elle sentait bien que la directrice trouvait un prétexte ici pour
lui nuire. Se sachant en difficulté, elle préféra contre-attaquer sans attendre plus :

- Je n’ai pas réfléchi sur les tenants et les aboutissants lors de notre dernier
déplacement, je l’admets, mais il serait plus judicieux de me donner les vraies
raisons de tant d’acharnement à mon encontre, rétorqua Bucky, pleinement
consciente qu’on ne lui ferait pas de cadeau.

- Vous aurez tout le temps de faire votre auto-critique, jeune insolente. Je


vous exclus de l’option pom-pom-girls jusqu’à la fin de la saison.

220
- Vous ne pouvez pas faire ça ! Rétorqua Bucky, totalement sous le choc et
voyant sa vie si parfaite s’écrouler comme un château de cartes sous un coup de
vent.

- Non, elle ne le fera pas ! Lâcha une puissante voix juste derrière Bucky.

Le ton semblait extrêmement ferme. Bucky n’eut même pas besoin de se


retourner pour identifier cette voix grave et forte qui coupa la discussion, elle la
connaissait désormais parfaitement et lui fit battre encore un peu plus
intensément le cœur.

Béhuit venait d’entrer dans le bureau ! Sans y être convié, d’après ce qu’elle
pouvait comprendre des dires de la secrétaire, juste derrière lui, qui tentait
désespérément de le faire sortir. Bucky était très heureuse que Béhuit vienne,
encore une fois, prendre sa défense de manière très ferme. Il se mettait de
nouveau clairement en danger pour elle.

- Ça va aller ! Signifia la directrice à sa secrétaire, alors qu’elle regardait


Béhuit.

Béhuit referma la porte, au nez de la pauvre assistante sans aucun


ménagement. Il semblait furieux.

- Béhuit, tu n’as pas à intervenir ! Lui dit la directrice.

Grâce à la simple tournure de cette phrase, Bucky comprit immédiatement


que Céssix Sky le connaissait !

- Je ne pensais pas te voir tomber un jour aussi bas ! Se contenta de lui


répondre Béhuit. Bucky lève-toi et sors… j’ai une discussion à avoir seul à seul avec
Madame la directrice.

- Je veux comprendre ce qui se passe, vous vous connaissez de toute


évidence ! Protesta Bucky.

- Délavigna, votre professeur vous a demandé de sortir. J’aimerais bien que


vous me prouviez votre capacité à appliquer des ordres aussi basiques, dit
Madame Sky, sans même la regarder.

La directrice avait clairement des choses à dire en privé à Béhuit, à moins


que ce ne soit l’inverse. Bucky hésitait, elle tenta de croiser le regard de son
professeur pour n’avoir ne serait-ce qu’un début d’explication.

221
- S’il te plaît Bucky… se contenta de dire Béhuit, pour l’inciter à quitter les
lieux immédiatement sans poser de questions.

Malgré son inquiétude et son incompréhension, elle choisit d’appliquer les


consignes de son professeur d’EPS et sortir. Elle serait bien restée juste derrière
la porte du bureau par curiosité, mais la secrétaire, passablement énervée de s’être
fait mettre à la porte par Béhuit, lui demanda de sortir. Elle prit donc la décision
d’aller rejoindre Nolwenn à la cafétéria pour se restaurer. Elle ne put cependant
s’empêcher sur le chemin d’envoyer un message à Béhuit pour lui demander de la
recontacter au plus vite. Elle était excessivement inquiète pour sa situation de
pom-pom-girl et son poste à lui !

***

Bucky, qui ne mangeait déjà pas énormément ces derniers temps, n’avait
rempli son estomac qu’avec une minuscule part de carottes râpées et un verre
d’eau, bien trop tracassée par son entrevue avec la nouvelle directrice de l’E2C.
Ses amies avaient du mal à trouver les bons arguments pour la rassurer. Elle avait
annoncé son exclusion probable des pom-pom-girls, complètement anéantie. Son
seul espoir résidait dans l’entrevue entre Béhuit et la directrice dont elle ne
connaissait pas le lien, mais qui existait sans l’ombre d’un doute. Elle scrutait sans
arrêt l’entrée de la cafétéria en espérant y voir Béhuit débouler, mais rien n’arriva
jusqu’à un envoi par messagerie téléphonique :

"Je ne peux pas te rejoindre à la cafétéria, je suis déjà en retard pour mon
cours tactique de volley-ball avec l’équipe. Les choses se sont arrangées pour toi, tu
es juste privée de l’entraînement de ce soir et tu devras faire ton mea-culpa devant
tout le monde avant le début de l’entraînement de mardi et ensuite tu reprendras les
entraînements normalement, si tout le monde est OK."

Bucky s’empressa de répondre à Béhuit après avoir pleuré de joie. Elle allait
pouvoir continuer l’option pom-pom-girls avec ses amies !

"Je te serai éternellement reconnaissante. Il faut qu’on parle, tu me manques,


on se voit quand ?"

La réponse n’arriva pas. Béhuit était probablement déjà avec l’équipe de


volley d’Antoine et Erik, pour parler tactique.

222
Elle partit en direction du cours d’Anglais, soulagée, tout comme ses amies.
Perdre Bucky aurait été une catastrophe pour les pom-pom-girls. Elle voulait
cependant revoir Béhuit rapidement, pour le remercier de vive voix… et le
questionner à propos de Céssix Sky.

***

A la fin de son cours de mathématiques à dix-sept heures, Bucky se


dépêcha de rallumer son portable. Elle fut très frustrée de constater que Béhuit,
malgré avoir pris connaissance de son dernier message, ne lui avait toujours pas
répondu. N’ayant personnellement pas de cours à ce moment-là et étant privée
d’entraînement avec les pom-pom-girls plus tard dans la soirée, elle se retrouvait
libre de tout engagement. Elle eut bien tenté de retourner voir la nouvelle directrice,
mais elle continuait de faire la tournée des grands ducs pour se présenter à chaque
classe, elle n’était donc pas disponible comme le signala son assistante. Ne restait
plus pour elle que de rentrer chez les Donerm, sans Nolwenn, entre les mains d’un
psychologue, et qui enchaînerait avec la séance de pom-pom dont elle était privée.

***

Seule dans sa chambre, elle prit le temps de réviser et de tenter d’avancer


sur sa chorégraphie. Elle n’eut cesse que de regarder son smartphone alors que le
temps s’écoulait lentement. Un peu avant vingt heures, la réponse de son bien-
aimé arriva :

"Des choses à faire après l’entraînement, mais personne chez moi cette nuit.
Si intéressée, je t’appelle pour te dire quand je pars de l’E2C, vers minuit j’espère, pas
trop tard pour toi ?"

Très satisfaite de la proposition, elle s’empressa de lui indiquer son accord.


Étant libre, elle avait tout le temps pour dormir un peu pour ensuite se rendre chez
lui. Elle eut même l’idée d’arriver un peu avant pour se glisser dans son jacuzzi ou
sa piscine, si correctement chauffée, côté jardin. Elle savait sa villa libre de toute
entrave pour se diriger côté jardin sans passer par la maison en elle-même. Après
ce qu’il avait fait pour elle, une petite surprise coquine avec sa copine l’attendant

223
dans un bikini sexy était une récompense amplement méritée. Elle profiterait
également de ce moment seul à seul avec lui pour le questionner sur Céssix Sky
en espérant qu’il veuille bien lui répondre. La nouvelle directrice faisait peut-être
partie des secrets qu’il ne souhaitait pas lui révéler. Il commençait à y avoir
beaucoup trop de zones floues à son goût autour de lui.

***

Ayant le sommeil facile, Bucky s’endormit très rapidement pour n’être


finalement réveillée que par Nolwenn qui rentrait tout juste de son entraînement
de pom-pom-girl. Meyrie, mise au courant de la sanction de Bucky, avait prise en
charge la séance et l’avancée de la chorégraphie de présentation des garçons pour
ne pas perdre une séance, le timing était déjà assez court comme ça pour se
permettre de sauter deux heures de pas de danse à mettre en place. Nolwenn
proposa à Bucky de descendre à la cuisine pour dîner, mais la fille à la mèche
fuchsia déclina l’offre pour la partie alimentation. Elle souhaitait manger avec
Béhuit, même si cela se ferait sans doute très tardivement. Elle prépara
simplement quelques affaires, dont son maillot de bain le plus sexy, et prévint son
amie qu’il y avait une forte probabilité pour qu’elle ne rentre pas ce soir et la
retrouve directement demain à l’E2C. Comme ce soir, la fille Donerm allait devoir
faire véhicule commun avec ses deux frères pour se rendre sur le campus demain
matin.

Après avoir tout de même accompagnée son amie dans la cuisine pour son
repas avec ses deux frères et le reste de la famille pour discuter principalement de
sa sanction, Bucky décida de partir pour se rendre chez Béhuit en précisant aux
parents Donerm qu’il était possible qu’elle dorme chez son nouveau petit ami ce
soir et donc qu’elle ne rentre chez les Donerm que le lendemain. Les parents de
Nolwenn semblaient un peu réticents, mais la fratrie Donerm les rassura en
indiquant que le petit ami en question avait passé les vacances de la Toussaint
avec eux et insistèrent sur le fait qu’il soit très mature et responsable. Le tout sans
le nommer, bien évidemment.

***

224
Afin de ne pas être repérée avec son véhicule aux couleurs ciel et fuchsia
peu communes, Bucky décida de se garer à distance de la villa où Béhuit résidait
afin que la surprise soit totale. A un peu plus de vingt-trois heures en semaine, sa
rue, en impasse, était plongée dans un calme profond. Comme l’était également la
rue de la maison des Donerm, beaucoup d’impasses de ce type existaient dans
cette ville connue pour sa tranquillité. Sans même se poser de question, elle entra
dans la magnifique villa par le portillon d’entrée piéton qui n’était pas verrouillé.
Toutes les lumières étaient éteintes, preuve que le propriétaire des lieux n’était pas
présent ce soir et que Bucky allait donc pouvoir profiter des lieux uniquement avec
son petit ami.

A son entrée, les détecteurs de mouvements s’activèrent pour éclairer les


différentes allées du bien, celle pour l’entrée piétonne, pour les deux entrées
voitures et celui qu’elle visait plus spécifiquement et qui menait par un petit
passage via un jardin paysager vers l’arrière de la propriété.

Lorsqu’elle mit le pied dans le jardin à l’arrière, tout s’illumina également, y


compris la piscine et le jacuzzi. L’allumage automatique des lumières par
détecteur de présence lui simplifiait les choses ; elle n’aurait rien à faire dans la
pénombre. S’approchant de la piscine et du jacuzzi surélevés par rapport au reste
du joli jardin masquant les côtés de la propriété grâce à d’innombrables et
immenses bambous afin de bloquer la vue à tous vis-à-vis, elle posa son regard
avec émerveillement derrière le petit muret du fond. On était au bord du lac du
campus et on pouvait y percevoir l’E2C, de l’autre côté de la rive, encore
uniquement illuminé par de puissantes LED passant de la couleur bleue à blanche
puis rouge ; couleurs de la France.

Bucky eut un instant de blues. C’était sa dernière année scolaire dans ce


complexe élitiste. Les plus belles années de sa vie, elle les avait passées ici. Elle
jalousait un peu Erik et Anita qui débutaient seulement leur aventure ici. Ils allaient
passer cinq années merveilleuses à l’E2C. Elle devait profiter au maximum de cette
dernière année et pour le moment tout s’annonçait pour que cette année soit la
meilleure des cinq ; sa décision d’être une pom-pom-girl affiliée au volley-ball et sa
liaison avec Béhuit. Elle devait faire en sorte que cette soirée soit magique pour
elle et pour lui.

Passé ce moment d’absence, l’étudiante brune à la mèche fuchsia repéra


aisément le panneau numérique de contrôle de la piscine et du jacuzzi. Se
familiarisant rapidement avec l’interface d’intelligence artificielle, elle put
absolument tout régler dans le jardin sans la nécessité d’introduire un mot de

225
passe ; éclairage, mise en température de la piscine et du jacuzzi, hauteur d’eau,
tout était disponible en accès libre. La piscine n’était qu’à dix degrés Celsius, la
passer à vingt-huit comme le souhaitait Bucky, éternelle frileuse, allait mettre un
temps trop conséquent vu la grande taille et profondeur de l’édifice, estimé à six
heures par l’IA, aussi abandonna-t-elle l’idée. Cependant, régler le jacuzzi sur trente
degrés ne mettrait qu’une demi-heure, la quantité d’eau à chauffer étant beaucoup
moins conséquente, parfait pour l’arrivée de Béhuit. La jeune étudiante prit aussi
un malin plaisir à faire un nombre conséquent d’essais de lumières du lieu,
réglables à volonté. Elle s’arrêta sur un éclairage extérieur fuchsia et sur une
couleur "blanc chaud" concernant la piscine et le jacuzzi afin de les rendre très
lumineux. Ne manquait plus pour elle que de se mettre en bikini et de se presser
dans le jacuzzi pour ne pas attraper froid, il faisait neuf degrés à l’air en cette nuit
de mi-novembre. Elle patienta donc une vingtaine de minutes avant d’ôter ses
vêtements qu’elle dissémina sous forme d’un jeu de piste en partant de l’accès au
salon-cuisine de la propriété qui menait jusqu’à la terrasse et notamment le
jacuzzi. Elle commença par y déposer ses bottes et son manteau au plus près de
la porte fenêtre menant au salon, puis ses collants, son pull, son débardeur et ainsi
de suite jusqu’à son soutien-gorge et sa culotte en se dirigeant vers le jacuzzi. Un
message poussant à la curiosité Béhuit espérait-elle, lorsqu’il reconnaîtrait les
vêtements ou sous-vêtements de sa petite amie. Elle pouvait maintenant l’attendre
tranquillement dans un jacuzzi à bonne température, vêtue uniquement d’un bikini
fuchsia et ciel pour ne rien changer de ses habitudes de couleur.

A l’aide de son smartphone pour patienter, et surtout s’informer sur


l’avancée de Béhuit dans son activité nocturne, Bucky fut avertie par l’homme
qu’elle attendait de son arrivée aux alentours de minuit et quart. Il était quasiment
minuit, ne restait plus que quinze minutes à l’attendre et espérer que sa petite
surprise lui plaise ! Un petit moment de détente l’attendait avant un reste de nuit
bien plus passionné, si tout se passait comme elle le souhaitait…

***

Tranquillement installée dans le jacuzzi en écoutant ambiance madison des


Blues Brothers à l’aide de son smartphone afin d’imaginer quelques pas de danse
supplémentaires pour sa chorégraphie de pom-pom-girl, Bucky fut totalement
paralysée de peur lorsqu’une longue lame fraîche en acier vint se poser sous sa
gorge. Par instinct, elle évita tout geste brusque que son agresseur pouvait mal

226
interpréter. L’étudiante ne chercha même pas à tourner la tête pour tenter
d’identifier la personne qui la menaçait.

- Tu as intérêt à avoir une explication cohérente et rationnelle pour te trouver


dans ce jacuzzi, lui annonçant une voix féminine, probablement propriétaire de la
lame de minimum trente centimètres posée sous son cou et prête à l’égorger.

- J’attends simplement mon petit ami ! Répondit-elle afin de montrer sa


bonne foi.

En réfléchissant un peu, la voix qui lui parlait lui paraissait familière. Bucky
savait qu’elle avait déjà rencontré cette personne, mais ne parvenait pas
clairement à l’identifier. Difficile de faire preuve de discernement dans une telle
situation. Pourtant, cet accent, elle le connaissait.

- Délavigna ! Identifia l’inconnue, tout en se permettant de stopper la


musique qui lui avait permis de s’approcher de l’étudiante sans qu’elle ne perçoive
le moindre bruit.

Plus de doute pour Bucky, elle connaissait son assaillante. Son petit accent
canadien venait de la trahir. La lame s’ôta doucement de sa gorge, à son grand
soulagement. Débarrassée du danger, elle se risqua à tourner la tête, puis le reste
de son corps, toujours plongé dans l’eau du jacuzzi, chauffée à une température
des plus confortables. Elle put enfin identifier clairement la personne qui se tenait
un genou à terre juste à côté d’elle ; Céssix Sky ! Sa nouvelle directrice.

- Je savais bien que vous n’étiez pas claire ! Ça vous arrive souvent de
menacer les gens dans leur jacuzzi avec un couteau ? L’interpella Bucky.

- J’ai tendance à me méfier des personnes qui accaparent le bien d’autrui,


estimez-vous heureuse d’être encore en vie ! Vous n’êtes pas la propriétaire des
lieux.

- Béhuit m’a invitée ici pour votre gouverne !

- Dans quel but ? Demanda Céssix.

Bucky resta silencieuse. Elle s’était prise au piège toute seule ! Comment
une étudiante allait pouvoir justifier le fait de se rendre chez son professeur d’EPS
en pleine nuit, seulement vêtue d’un bikini et dans le jacuzzi sans que la directrice
ne découvre la relation amoureuse qui les liaient ?

227
Le visage de Madame Sky lâcha une mimique montrant clairement une
sorte de dégoût. Elle venait de deviner seule la finalité de cette rencontre nocturne.
La directrice était désormais clairement au courant de la liaison que Bucky
entretenait avec son professeur !

- Ne sanctionnez pas Béhuit ! Supplia Bucky, cherchant d’instinct à


préserver l’emploi de son professeur.

- Délavigna, économisez votre salive, je suis déjà au fait pour vous deux !
Béhuit ne vous a encore rien dit ?

Bucky prit la nouvelle avec un immense soulagement. Visiblement Béhuit


et Céssix Sky se connaissaient très… très bien, et avaient discuté d’elle bien plus
qu’elle ne l’imaginait.

- Je vous laisse me l’annoncer, finit-elle par répondre, cherchant à


comprendre un peu plus la nature de la relation qui la liait à lui.

- Nous vivons ensemble ici !

- Béhuit est célibataire, enfin… il est avec moi ! Protesta la pom-pom-girl qui
comprenait clairement que Béhuit, en plus de garder des choses sur sa vie secrète,
lui avait menti.

Il ne vivait pas seul en ces lieux. Enfin du moins pas avec le propriétaire des
lieux comme il lui avait annoncé, à moins que ce ne soit elle ? Comment Béhuit
avait-il pu lui mentir à ce point ? Était-il en couple avec Céssix Sky ? Des tas de
questions se bousculaient dans sa tête.

- Je vais vous apprendre quelque chose jeune fille, ça ne durera pas, il finira
par vous quitter. Mais je vous rassure, nous vivons simplement ici en colocation et
nous travaillons ensemble.

Bucky remit toutes les pièces du puzzle dans l’ordre grâce aux souvenirs de
ses précédentes discussions avec Béhuit. Céssix ne pouvait-être que sa
précédente petite amie, sa fameuse collègue du même milieu avec qui il avait eu
une brève relation et dont il ignorait si leur histoire était belle et bien terminée.

- C’est pour cela que vous m’en voulez autant ? Vous voulez le récupérer !...
Votre chance est passée ! Protesta avec véhémence Bucky, décidez à ne pas se
laisser faire.

228
- Vous avez commis une grossière erreur à Munich, votre renvoi des pom-
pom-girls était parfaitement justifié ! J’ai adouci la peine uniquement pour faire
plaisir à Béhuit. Quant à ma relation avec lui, vous ne la connaissez en rien, lui et
moi, on est plus proches que vous ne le serez jamais !

- C’est pourtant avec moi qu’il a choisi d’être ! Je lui apporte sans doute des
choses que vous n’arrivez pas à lui procurer.

- Le plaisir charnel et de la nouveauté ne dure qu’un temps, Bucky Délavigna.


Il se lassera rapidement de vous… et reviendra vers moi.

- Vu que votre relation n’a été qu’éphémère, je présume que vous n’êtes tout
simplement pas doué au lit et pour le reste ! Vous vous méprenez sur moi,
Madame la directrice. J’ai bien plus de qualités que vous semblez le subodorer.
En premier lieu, je ne l’ai jamais laissé dans le flou concernant notre relation ! Je
ne vis pas une simple amourette avec lui.

- Vous ne savez rien sur moi… et sur lui, et je vous trouve bien sûre de vous.
Désolée de vous annoncer qu’il finira par vous quitter, à un moment ou un autre.
Je n’ai pas besoin d’entraver votre liaison, elle finira indubitablement par s’arrêter.
Vous vous donnez beaucoup trop d’importance.

- Votre jalousie vous fait perdre votre discernement, il m’aime plus que ce
que vous pensez !

- Un couple solide se dit tout, non ? Vous connaissez donc les raisons de sa
venue ici ?

- Vous m’avez l’air bien renseignée, donnez-les-moi !

- Arrêtons ce petit jeu malsain, stoppa Céssix Sky. J’ai passé l’âge d’éduquer
les ingénues. Sachez simplement que votre immunité vis-à-vis de moi ne durera
qu’un temps. Le jour où il ne sera plus avec vous, vous serez à ma merci. Je vous
prodigue donc un unique conseil, ne lui faites pas de mal sous peine d’un terrible
retour de flamme…

- Ce n’est pas mon intention, j’ai des sentiments forts pour lui.

- Alors profitez-en ! J’attendrai simplement qu’il revienne vers moi une fois
votre relation terminée.

- Si vous l’aimez, pourquoi avoir mis fin à votre relation ?

229
- Je n’avais pas tous les paramètres, conclut-elle avant de partir par le côté
du jardin après avoir jeté un œil à sa montre connectée et lancé une toute dernière
phrase : Je vous ai à l’œil ! Ajouta-t-elle.

Bucky ne lâcha pas sa directrice du regard jusqu’à ce qu’elle ne tourne dans


le fond du jardin pour probablement partir. Lorsqu’elle se retourna, elle vit
l’éclairage du salon s’illuminer. Béhuit venait probablement d’entrer. Céssix Sky
avait su qu’il arrivait et semblait avoir pris soin de ne pas le rencontrer en faisant
le tour de la propriété pendant que lui passait par l’intérieur. Bucky n’avait plus qu’à
attendre qu’il ne découvre son jeu de piste pour la retrouver tout en se jurant de
prouver à sa directrice qu’elle se trompait ; quel que soit ce que cachait Béhuit, sa
relation avec lui était forte et traverserait les obstacles. Mais elle avait
nécessairement besoin d’une mise au point avec lui…

***

La porte-fenêtre de la cuisine-salon s’ouvrit doucement. Bucky y remarqua


immédiatement Béhuit s’aventurer un pas dehors pour ramasser les bottes noires
de sa petite amie, laissées à terre dans le but de l’attirer. Instantanément, il leva la
tête en suivant du regard le reste des vêtements, pour finalement tomber sur elle.
A son sourire, il semblait apprécier la surprise.

- Je t’avais bien dit que cette maison était un piège à filles ! Lui dit-elle.

- Fais-moi penser à en inviter d’autres dès demain ! D’ailleurs à propos de


fille, tu n’aurais pas croisé Céssix, par hasard ? Lui demanda-t-il.

- Elle a pris soin de partir en t’évitant, mais en signalant qu’une discussion


entre toi et moi était nécessaire, c’est bien l’unique fois où nous sommes tombées
d’accord, répondit Bucky.

- Comment ça s’est passé entre vous deux ? Dit-il en grimaçant.

- Entre notre toute première discussion de ce matin et celle qui vient d’avoir
lieu, je suis incapable de te dire laquelle a été la pire…

Béhuit s’approcha tout près d’elle pour finir par s’asseoir juste au bord du
jacuzzi. Elle n’allait pas avoir besoin de lui tirer les vers du nez, il semblait prêt à
tout lui déballer sur la nature de sa relation avec Céssix Sky.

230
- Bucky, juste avant de commencer à sortir ensemble, je t’ai annoncé que je
devrais te cacher des choses sur moi. Il faut que tu saches que Céssix fait partie
intégrante de ce pan de vie secret…

- Béhuit, aucun garçon ne m’a jamais fait autant d’effet que toi. Je pense à
toi en continu quand nous ne sommes pas ensemble, tu envahis mes pensées, je
n’aurais jamais cru devenir si dépendante de quelqu’un. J’ignore pourquoi tu ne
peux pas me dire grand-chose sur toi et sur Céssix Sky mais je t’en prie, ne me
brise pas le cœur, se livra-t-elle en le coupant, terriblement inquiète de ce qu’il allait
lui révéler.

- Pour Céssix, sache juste que des liens très particuliers nous unissent. Elle
est venue vivre avec moi ici lorsqu’on a commencé à sortir ensemble toi et moi,
sans qu’il y ait le moindre rapport entre sa venue et notre relation. Oui, Céssix et
moi sommes sortis ensemble il y a peu. Oui, elle vit avec moi ici, mais j’ai été clair
avec elle, c’est avec toi que je suis. Elle ne dormira pas ici ce soir, c’est pour cela
que j’ai souhaité t’inviter. Je n’avais simplement pas prévu qu’elle repasse ici avant
de partir.

- Je ne parviens même pas à être rationnelle avec toi. Je prends tout ce que
dit comme parole d’évangile. Je devrais être méfiante, te poser plus de questions,
mais j’ai trop peur de te perdre ! Promets-moi simplement que tu n’as plus de
sentiments pour elle ?

Béhuit lui fit signe de la tête pour lui confirmer, puis se leva. Bucky le
regarda, attentive et toujours confortablement assise dans le jacuzzi pour ne pas
avoir froid. D’un seul geste, il enleva son sweat et son t-shirt pour se retrouver torse
nu, puis continua ainsi pour n’être plus qu’en boxer avant de rejoindre Bucky dans
l’eau chaude et l’embrasser.

La pom-pom-girl savait qu’elle devait lui poser plus de questions… mais elle
abandonna tout de suite l’idée à son contact. Tout ce qui comptait pour elle, c’était
d’être une fois de plus dans ses bras. Et même si la nouvelle directrice de l’E2C
ferait sans doute tout pour lui rendre la vie impossible, elle sentait que Béhuit serait
là pour la protéger. La meilleure des preuves d’amour.

Sans surprise, son joli bikini termina rapidement dans le fond du jacuzzi.
Béhuit ne s’était pas gêné pour le lui enlever. Ce qui était clairement le but
recherché par la jeune fille. Délicatement, il la porta jusqu’à l’étage de la propriété
pour l’emmener dans sa chambre. C’était la première fois qu’elle y entrait, mais
bien trop occupée à profiter de cet instant charnel avec Béhuit, elle n’y prêta pas

231
la moindre attention. Son lit semblait confortable et était pour deux personnes,
l’essentiel était là. Sans même se sécher, elle finit allongée sur le matelas avant
qu’il ne la caresse plus intensément encore. Ils étaient repartis pour faire l’amour
une fois de plus.

***

Une fois de plus, Bucky avait apprécié cet instant avec Béhuit. Elle ne se
lassait pas du contact physique à la fois apaisant et torride qu’il lui prodiguait sur
la totalité de son corps durant ses moments. Elle en frissonnait toujours encore
de longues minutes après leur étreinte.

Après avoir discuté succinctement de tout et de rien avec lui. Béhuit


s’endormit assez rapidement, tout en la serrant dans ses bras. Contrairement à
elle, il n’avait pas pu faire de sieste et il s’était déjà couché très tard la veille. Grâce
à un faible éclairage LED dans la chambre, Bucky pu faire le tour du lieu avec le
regard sans bouger. La pièce dans laquelle elle se trouvait était relativement
grande, au bas mot vingt-cinq mètres carrés, avec un immense dressing qui en
prenait une bonne partie. A cela, s’ajoutait un accès vers une salle de bains
privative où elle pouvait deviner, avec la faible lumière disponible, une douche à
l’italienne. Le sac de voyage qu’il avait utilisé, pour partir en vacances à Sarlat, était
posé juste devant le dressing et toujours fermé ; il ne s’en était visiblement
toujours pas occupé depuis son retour.

N’ayant pas encore excessivement sommeil, elle se libéra délicatement de


l’emprise de Béhuit afin de ne pas le réveiller pour quitter le lit, puis la chambre,
non sans avoir auparavant jeté un coup d’œil par la fenêtre donnant sur une
magnifique vue de nuit du campus et de son lac. L’intégralité de ses vêtements et
le sac de change qu’elle avait pris, en prévision de sa nuit ici, étaient restés sur la
terrasse du jardin ou s’étaient perdus dans le fond du jacuzzi concernant le bikini.
En s’y rendant, elle put ainsi s’habiller d’une nuisette et remonter à l’étage. Piquée
par la curiosité, elle ne put s’empêcher de tenter de visiter le reste des lieux pour
trouver notamment la chambre de Céssix Sky avant de rejoindre le lit de son bien-
aimé. La visite très succincte de la villa fit comprendre à Bucky que son escapade
nocturne allait tourner court. Hormis la chambre de Béhuit, toutes les autres
pièces de l’étage étaient verrouillées électroniquement mis à part les toilettes. Que
cachait Béhuit qui demandait autant de précaution ? Elle ne put que retourner se

232
coucher auprès de lui avec toujours plus d’interrogations. A ce rythme, elle allait
pouvoir écrire une thèse entière sur les zones d’ombres de la vie de son faux
professeur d’EPS.

***

Bucky fut la première à se réveiller dans le couple. Il était encore assez tôt
et il faisait encore nuit, mais la pom-pom-girl souhaitait profiter un peu plus encore
de son professeur d’EPS avant qu’ils ne doivent se rendre à l’E2C pour le cours de
self-défense dont il était l’enseignant. Elle estimait qu’il lui restait une bonne heure
avant de devoir quitter les lieux.

Soucieuse du temps de repos de Béhuit, couché à plus d’une heure du matin


depuis deux jours consécutifs, elle entreprit de préparer le petit-déjeuner pour eux
deux. Elle dut rapidement se raviser. La cuisine, pourtant très bien équipée, était
quasiment vide de toute denrée alimentaire. Il y avait bien quelques sachets de thé
et du café, mais pas une trace de nourriture hormis un paquet de pâtes. A croire
que personne ne vivait ici ! Elle n’abdiqua pas pour autant et entreprit de passer
commande via son smartphone d’un petit-déjeuner avec livraison en drone sur la
terrasse. Ils déjeuneraient simplement tous deux, juste avant de partir, au lieu de
le faire maintenant, le temps que la livraison se fasse.

N’ayant rien à faire en bas en attendant le petit-déjeuner, elle remonta


s’habiller tout en laissant dormir un peu plus Béhuit totalement hermétique au
monde extérieur. Il aurait probablement aimé la regarder s’habiller et elle, se
laisser contempler, mais son repos était à privilégier. Elle lui laisserait à coup sûr
de prochaines opportunités.

Passée dix minutes supplémentaires et ne pouvant plus attendre, elle fut


contrainte de le réveiller. Elle était prête à partir, ne lui manquait plus que de
déjeuner. D’un baiser accompagné de caresses, elle le réveilla.

- Il était temps de te lever pour le cours de self-défense de la classe de ton


étudiante préférée, lui dit-elle. Le petit-déjeuner arrive par drone dans moins de
cinq minutes, je te laisse te préparer ajouta-t-elle.

Elle mit ensuite la main sur son sac pour descendre et avancer au mieux le
service du petit-déjeuner.

233
Ils profitèrent tout deux d’un petit déjeuner seul à seul. Bucky utilisa ce
moment pour le remercier d’être intervenu auprès de Céssix Sky afin d’alléger sa
sanction, même si la directrice avait une dent contre elle indirectement à cause de
lui. Le reste de la discussion ne porta que sur une chose ; quand allaient-ils pouvoir
se retrouver à nouveau seuls dans la semaine. La réponse restait en suspens. Il
fallait surtout espérer que Céssix découche encore pour que Béhuit puisse l’inviter
de nouveau pour la nuit.

Après un dernier baiser devant la porte d’entrée, chacun prit sa voiture pour
se rendre au même endroit. Béhuit avait demandé de continuer une discrétion
maximum sur cette relation, même si la directrice était au courant…

***

La journée de cours en ce mardi de novembre fut d’une routine bienvenue


pour Bucky. Mis à part le cours de self-défense d’EPS de Béhuit, qu’elle suivit plus
pour le plaisir de regarder son professeur que pour les savoirs qu’il proposait. Rien
ne perturba sa journée de travail, pas même Madame Sky qu’elle eut le bonheur de
ne pas croiser. Les cours de biologie, maths et codage informatique achevés, elle
se pressa à son cours de danse d’une durée de deux heures avec Meyrie,
accompagnée de Nolwenn, Glaème et Anita. De là, elle se dirigea, une fois ce cours
terminé, vers le gymnase dédié au volley-ball pour son entraînement de pom-pom-
girl. Elle devait simplement effectuer ses excuses pour son comportement juste
avant, comme lui avait demandé la directrice.

Dès son arrivée au gymnase, elle ne fut pas réellement surprise de voir
Céssix près du terrain de volley-ball. Elle souhaitait probablement s’assurer, et
peut-être prendre un malin plaisir, que le discours d’excuses de Bucky ait bien lieu.
Consciente de son erreur, ce mea-culpa ne la gênerait pas. Si Céssix pensait la
mettre à mal avec ce discours, elle se mettait le doigt dans l’œil jusqu’au coude !
Elle était bien plus furieuse de la voir discuter en tête à tête avec Béhuit, à voix
basse. Elle aurait, à cet instant, tout donné pour savoir ce qu’ils se racontaient. Elle
allait devoir en prendre l’habitude.

Une fois Meyrie, Béhuit, les pom-pom-girls et joueurs de volley-ball réunis


au centre du terrain de volley. Céssix Sky fit signe à Bucky Délavigna d’avancer.
Pas plus impressionnée que cela, elle se dirigea vers sa directrice.

234
Arrivée tout près d’elle, Céssix lui lâcha une petite remarque d’un ton bas :

- C’est le moment de payer les pots cassés.

Bucky lui aurait bien répondu via une petite réplique bien sentie, mais elle
se retint. Inutile d’envenimer les choses et puis, après tout, c’était bien elle, simple
étudiante, qui sortait avec Béhuit et la savoir enrager à ce propos lui suffisait. En
position pour parler devant tout le monde, elle s’exprima sans la moindre
hésitation, afin de montrer à la directrice qu’elle était parfaitement détendue pour
l’exercice.

- Bonsoir tout le monde. Si je prends la parole ce soir, c’est pour revenir sur
ce qui s’est passé à Munich lors du déplacement du dernier match de volley-ball.
Par mon comportement sortant des règles établies, j’ai mis en danger ma
meilleure amie Nolwenn, l’entraîneur de volley-ball et ma propre sécurité. Pour ces
fautes, je vous présente à tous et toutes mes plus plates excuses en vous
promettant qu’à l’avenir, je ferai preuve de plus de maturité et de vigilance. Soyez
sûrs que cet évènement m’a permis une profonde remise en cause. Merci donc de
me permettre de rester dans ma fonction de capitaine des pom-pom-girls jusqu’à
la fin de la saison. Je m’en remets à votre compréhension et votre jugement.

Bucky attendit la décision du reste du groupe. Au pire, elle perdrait son


statut de capitaine, mais elle n’était pas inquiète. L’entraîneur de volley, sa propre
entraîneuse, l’intégralité des pom-pom-girls et sans doute une écrasante majorité
de l’équipe de volley dont son capitaine était derrière elle. Si Céssix attendait
quelque chose de ce côté, elle allait vite déchanter, se dit-elle.

Sans le moindre suspense et quasi-instantanément tous les étudiants se


dirigèrent vers Bucky pour lui montrer un soutien sincère. Elle ne pensa qu’à défier
du regard Céssix afin de lui montrer qu’en plus de Béhuit, elle était donc soutenue
et confirmée dans sa fonction par tous ses camarades.

La directrice se leva pour quitter le gymnase. Bucky eut la joie de reprendre


son entraînement de pom-pom-girl et de montrer à la dirigeante du campus qu’il
ne serait pas si facile que cela de l’évincer de la vie de Béhuit. En jetant un nouveau
coup d’œil vers lui, elle eut confirmation de la surprenante présence d’Ethan Spidze
dans l’effectif de volley-ball pour ce soir à ses côtés. Il arrivait tout juste.

Tout en avançant sur sa nouvelle chorégraphie à l’aide de ses amies, elle


s’avoua être en plein conte de fée moderne et ne bouda pas son plaisir en
extériorisant sa joie qui fut rapidement communicative. L’entraînement se déroula

235
du coup dans une bonne humeur notable. Ne lui manquait plus que de pouvoir
officialiser sa liaison et tout serait parfait.

La séance de Bucky dépassa de façon exceptionnelle les créneaux horaires


théoriques. Les choses avançaient remarquablement dans l’ensemble, mais il
fallait aller vite pour que les filles soient prêtes à temps. D’autant qu’il allait
également falloir intégrer les garçons de l’équipe de volley et leur entraîneur
dedans ; une des grosses originalités de cette chorégraphie, encore jamais
rencontrée jusqu’à maintenant au sein des campus d’excellence. Ce dépassement,
qui devait s’avérer léger au départ, finit par prendre des proportions si énormes
que Béhuit et ses joueurs quittèrent les lieux avant Meyrie et les filles. Elle ne put
faire, à celui pour qui son cœur battait la chamade, qu’un simple sourire discret en
guise d’en revoir, ses amies étaient évidemment au courant de sa relation
amoureuse, mais pas Meyrie. Elle aurait pourtant aimé pouvoir lui déposer un
baiser et discuter un peu avec lui, il semblait encore plus soucieux qu’à
l’accoutumée. Mais la chorégraphie était importante et à prioriser… au moins pour
ce soir.

***

Il ne restait plus que deux heures avant le match de l’équipe de volley à


domicile. Bucky était particulièrement impatiente d’y être. Elle n’avait que très peu
échangé et passé du temps avec l’entraîneur de volley qui ne cessait, jamais bien
longtemps, de trotter dans ses pensées. Comme toute étudiante à l’E2C, elle était
débordée, et cela avait été sans doute le cas aussi pour son professeur d’EPS ; ils
n’avaient pu se voir à l’abri des regards indiscrets que de courts instants durant
des intercours ou une petite heure chez lui avant que Céssix ne rentre. Cette soirée
de match s’annonçait bien particulière pour elle ; en plus de croire à une victoire
de l’équipe de Béhuit, il lui avait demandé de remplir son sac de pom-pom-girls un
peu plus avec des vêtements de rechange. Il voulait l’emmener avec lui à l’issue
du match pour une destination secrète pour passer un dimanche en tête à tête.

Avec étonnement, Nolwenn apprit que sa meilleure amie devait partir un


peu plus tôt pour se rendre au gymnase. Creth souhaitait voir Bucky un peu avant
l’arrivée de tout le monde. La capitaine des pom-pom-girls n’était pas dupe, la "tour
de contrôle" de l’équipe de volley-ball souhaitait sans doute lui proposer de se
remettre ensemble. Les regards discrets qu’il portait sur elle durant la semaine de

236
cours allaient dans ce sens. Elle n’avait probablement pas été assez claire lors de
la fête d’Halloween. Cette discussion devait mettre fin à tout espoir de sa part ;
elle était avec Béhuit et ne cherchait absolument pas à changer de partenaire,
comblée de bonheur avec son professeur, malgré les voiles d’ombres sur sa
présence ici. Elle se rendit donc sans sa meilleure amie à l’E2C afin de faire
comprendre à Creth qu’elle était belle et bien prise, même si elle ne comptait pas
donner l’identité de son petit-ami.

***

A son arrivée du côté sport du campus, Bucky ne remarqua pas Creth alors
que la nuit prenait définitivement le pas sur le jour. Il était pourtant bel et bien
arrivé. Son véhicule garé non loin du sien en attestait, désormais capable de bien
différentier le véhicule du joueur de celui de son entraîneur. On ne la reprendrait
plus à confondre les deux véhicules ! Faute de le trouver, elle se dirigea dans le
gymnase encore désert à cette heure-là, même si les premières arrivées ne
tarderaient plus. Creth était là, assis sur son banc de touche et déjà en tenue. Il ne
serait pas en retard pour le match, à coup sûr.

- Bucky, je te remercie d’être passée, dit l’étudiant qui la dépassait en taille


de plus de vingt centimètres.

- J’ai accepté de venir pour mettre rapidement les choses au clair, Creth.
J’ai sans doute dû mal me faire comprendre à la soirée d’Halloween et je m’en
excuse.

- Cela ne te dérange pas si on en discute dans un endroit plus tranquille.


L’un des petits jardins sur le côté du gymnase, par exemple ?

- Nous sommes seuls dans le gymnase, fit-elle remarqué.

Bucky ignorait pourquoi, mais elle se sentait mal à l’aise avec son ex depuis
qu’elle était avec Béhuit. Peut-être de peur de créer un conflit interne dans l’équipe
de volley. Elle ne devait pas se mentir, elle avait quitté un joueur de l’équipe pour
se mettre avec l’entraîneur, il y avait un risque non négligeable de créer quelques
tensions au sein du groupe et l’équipe n’avait pas besoin de ça ! Cette mésaventure
lui était déjà arrivée au handball en enchaînant une liaison avec deux joueurs de
l’équipe successivement.

237
- S’il te plaît, insista-t-il. Nous serons plus tranquilles, continua-t-il en
s’approchant plus près d’elle.

Bien que la pom-pom-girl fût particulièrement réticente à se rendre avec lui


dans un endroit un peu plus intimiste alors que la nuit était tombée, elle accepta
tout de même, sans trop comprendre pourquoi. Excès de gentillesse peut-être.
Qu’importe le lieu, il fallait lui faire comprendre que ses avances resteraient vaines.

Les deux étudiants arrivèrent rapidement à l’un des espaces verts adjacents
au gymnase. Creth avait bien pris soin de choisir le plus tranquille, à l’arrière du
complexe sportif. Seul un fiable éclairage leur permettait de se distinguer.

- On est bien mieux là pour discuter, qu’en penses-tu ? Lui demanda Creth.

- Je m’en moque totalement Creth. Ecoute, c’est terminé entre nous deux et
il n’y a pas de retour en arrière possible. Je suis avec quelqu’un d’autre et je tiens
particulièrement à lui. J’en suis désolé pour toi.

Creth ne sembla pas particulièrement déçu de la tournure que prenait


l’échange. Il se contenta de se rapprocher un peu plus d’elle.

- Regarde-moi, lui dit-il.

Bucky était de plus en plus vigilante face à lui. Il ne cherchait visiblement


pas à comprendre ce que tentait de lui expliquer l’étudiante à la mèche fuchsia.
Par réflexe, elle recula quelque peu, mais se retrouva rapidement bloqué contre le
mur extérieur du gymnase.

- Creth, ça suffit ! Lui ordonna-t-elle en le fixant avec un regard noir pour bien
lui montrer qu’il allait trop loin.

Les deux étudiants ne se lâchaient pas du regard. Bucky fut totalement


troublée. Alors qu’il tentait de l’apaiser en lui parlant de manière douce et fluide,
elle se noya dans son regard, comme hypnotisée et incroyablement détendue.
Impossible pour elle de ne plus le fixer. Elle ne prêtait même plus attention aux
dires de son interlocuteur, incapable de suffisamment se concentrer pour le faire.
Elle restait immobile, plongée dans ses yeux verts alors qu’il continuait à parler.
Elle n’avait même plus conscience du temps qui s’écoulait. Il la captivait. D’attirant
auparavant, il était devenu irrésistible, sans la moindre explication rationnelle !

Doucement, Creth se colla à elle pour la tenir par le bassin, elle se laissa
faire avant de l’entourer de ses bras également. C’était comme s’il était devenu
irrésistible. Une attirance puissante pour lui naissait chez la pom-pom-girl.

238
Attirance totalement impossible pour elle à réfréner et lorsqu’il l’embrassa, elle ne
réussit même pas à lui montrer la moindre once de désapprobation. Il n’y en avait
pas ! Bien au contraire, elle l’accompagna dans son baiser.

Après quelques instants, il l’allongea sur le gazon. Elle en était même


jusqu’à pressée qu’il aille plus loin avec elle et lorsqu’il lui enleva son manteau,
puis son pull suivi de son débardeur, Bucky n’attendait qu’une chose ; un plaisir
des sens. Elle avait envie de lui ! Il continua en lui déboutonnant son jean avant de
lui baisser. C’était tout simplement comme si elle ne contrôlait plus son corps.
Tout en la serrant très fort avec une de ses mains au niveau de sa hanche, il
regarda son corps de très près, alors qu’elle se contenta de finalement regarder le
ciel impatiente de découvrir la suite. Avec une force brusque et soudaine, il la
retourna pour la mettre face contre terre et lui baissa sa culotte d’une dizaine de
centimètres sans chercher à lui enlever plus. Elle sentit quelques secondes plus
tard une pression particulièrement forte sur le côté gauche son bassin, il la tenait
avec une poigne incroyable ! C’était douloureux, mais inexplicablement, elle
appréciait. Comment pouvait-elle laisser faire cela ? En à peine une minute, elle
était devenue son objet.

- Creth ! Cria une voix.

Le volleyeur s’arrêta et stoppa instantanément ses gestes pour se relever.


Cet arrêt soudain fit instantanément sortir Bucky de l’état incompréhensible où elle
s’était retrouvée. Immédiatement, elle remonta sa culotte légèrement baissée pour
la remettre correctement, ainsi que son jean et se retourna pour s’apercevoir que
la personne qui les avait surpris n’était autre que… Béhuit !

- Tu as un match sous peu ! Retourne dans le gymnase, l’échauffement va


commencer, lui ordonna son entraîneur.

- Je suis navré, on s’est isolés avec Bucky pour être tranquilles. Nous
cherchions juste un petit moment de plaisir commun avant le match, tenta-t-il de
manière inconcevable d’ironiser !

La pointe d’humour de Creth fit rapidement pschitt. Il ignorait que Bucky et


l’entraîneur de volley-ball de l’équipe masculine étaient ensemble ! Béhuit
dévisagea Creth un court instant. Etonnamment, il n’avait pas encore posé les yeux
sur elle. Un court instant de répit. Qu’allait-elle bien pouvoir lui dire ou lui expliquer
alors qu’elle ne comprenait pas elle-même ce qui s’était passé ? Elle en tremblait
d’avance. Comment avait-elle pu se laisser faire à ce point par Creth, alors qu’elle
était follement amoureuse de son professeur. En y réfléchissant un peu plus, elle

239
se le confirma. Elle n’avait pas le moindre sentiment amoureux envers l’étudiant
de cinquième année et camarade de classe. Qu’est-ce qui avait bien pu lui passer
par la tête pour qu’elle le laisse agir et l’encourage en plus dans ce sens ?

- Béhuit, on est jeune, on prenait simplement du bon temps, ajouta Creth,


alors que Béhuit ne le lâchait pas du regard.

- Pas quelques minutes avant l’échauffement d’un match sur le côté d’un
gymnase. Va rejoindre les autres, redemanda-t-il.

Alors que sans rien ajouter, Creth se mit en direction du gymnase, Béhuit se
tourna pour le suivre du regard. Il ne lâchait pas son attention sur lui, bien que ne
changeant pas de position pour rester non loin de Bucky qui remettait son
débardeur. Elle entreprit de remettre son pull, mais elle stoppa net en voyant son
professeur diriger désormais son attention sur elle. Creth avait rejoint le gymnase.
ils étaient maintenant seuls. Les ennuis allaient commencer.

- Béhuit, je suis désolée, j’ignore ce qui s’est passé, initia-t-elle en


introduction d’un très long argumentaire qu’elle allait devoir trouver.

- Est-ce qu’il t’a forcée ? Demanda Béhuit.

Bucky réfléchit un cours instant. Certes elle ne lui avait pas dit oui, mais elle
ne lui avait pas dit non également et l’avait même accompagné dans ses avances.
Faire passer cela pour une agression aurait-été un mensonge. Elle s’était
sciemment laissée faire une fois plongée dans son regard.

En parfaite transparence et avec un début de larmes aux yeux, Bucky


secoua la tête pour lui faire comprendre que ce n’était pas le cas. Elle avait honte
d’elle !

- J’ai eu un moment d’absence, justifia-t-elle maladroitement.

- Bucky, je te demande de ne pas participer au match de ce soir si tu n’as


qu’un tant soit peu un minimum de respect pour moi. Reste dans les tribunes.

Béhuit lui demandait ni plus ni moins de ne pas participer à la soirée en tant


que pom-pom-girl. Un vrai drame pour elle ! Mais finalement, rien à côté de la
probable rupture entre eux.

- Laisse-moi une chance de m’expliquer, s’il te plaît, lui demanda-t-elle.

240
- On en parlera plus tard, j’ai un match de volley. J’ai besoin de réfléchir, je
souhaite simplement ne pas te voir sur le terrain. On aura une explication à la fin
de la soirée, tu n’imagines même pas le mal que tu me fais.

- Je tiens à toi et je ferai tout ce qu’il faut pour te le montrer. Je t’attends à


la fin du match.

Alors que Béhuit rebroussait chemin pour regagner le gymnase. Bucky


s’écroula sur son pull, resté à terre, totalement anéantie d’avoir tout gâché. Elle ne
pouvait s’en vouloir qu’à elle-même. Pour la première fois de sa vie, elle se
détestait. Après s’être entièrement rhabillée, elle courut vers les vestiaires filles
pour rejoindre Nolwenn, probablement arrivée maintenant, pour lui expliquer
qu’elle avait fait la plus grosse erreur de sa vie…

***

Toutes les filles étaient en train de commencer à se préparer, lorsque Bucky


déboula dans le vestiaire. Sans le moindre échange, sa meilleure amie avait
compris que quelque chose n’allait pas chez sa capitaine.

- Bucky, qu’est-ce qui se passe ? Demanda-t-elle alors que tout le groupe de


pom-pom s’était tut.

- Je ne pourrai pas faire le match de ce soir avec vous, dit-elle à toutes ses
équipières en pleurant.

- Mais pourquoi ? Demanda Nolwenn.

- Béhuit me l’a demandé. J’ai tout gâché avec lui. J’ai si honte.

Instinctivement, Nolwenn s’approcha pour prendre Bucky dans ses bras et


l’asseoir. Elle respirait très rapidement. Indéniablement, la brune à la mèche
fuchsia était moralement atteinte et choquée.

Toutes ses équipières tentèrent de la calmer un peu plus pour qu’elle


parvienne à s’exprimer. Difficilement, elle finit par expliquer ce qui lui était arrivé
avec Creth et le moment où Béhuit les avait surpris. Même auprès de ses amies,
elle ne parvint pas à se justifier pour son comportement plus que docile avec le
plus grand joueur de volley par la taille de l’effectif de Cley.

241
Bucky parvint à retrouver un semblant de calme et d’apaisement après un
bon quart d’heure. Aucune fille ne trouva les mots pour la réconforter. La seule
lueur d’espoir était venue de Glaème qui lui avait fait remarquer que Béhuit n’avait
pas mis fin à leur relation. Peut-être l’excuserait-il ?

Les pom-pom-girls durent retourner à leur préparation pour le match.


Glaème allait devoir prendre les rênes du capitanat pour ce soir à la demande de
Nolwenn, qui elle aussi ne participerait ce soir. Elle priorisait son amie et souhaitait
rester avec. Il n’y avait pas de raison de paniquer pour la représentation de ce soir.
Des chorégraphies de secours étaient prévues lorsqu’une, deux, ou même trois
pom-pom-girls n’étaient pas présentes. Ce qui comptait pour la fille Donerm à ce
moment était de ne pas laisser sa capitaine et meilleure amie seule. Elle ne l’avait
jamais vu dans cet état !

Alors que les filles quittaient les vestiaires pour le début de la rencontre,
Nolwenn, restée avec Bucky, lui conseilla de prendre une douche. Son amie était à
ce moment le seul réconfort qui lui permettait de ne pas se remettre à pleurer. Une
chance d’avoir une amie comme elle, prête à sacrifier un soir de match pour la
soutenir.

Elle suivit son conseil. Après s’être dévêtue, elle se mit sous une douche,
mais lorsqu’elle aperçut les impressionnantes marques laissées par Creth sur sa
hanche, elle s’écroula en pleurs sous la douche. Pourquoi avait-elle laissé faire
sans même se débattre ou se plaindre de la douleur que lui avait infligé ses mains
d’une force prodigieuse. Elle ne put ressortir des douches qu’avec la complicité de
Nolwenn, venue lui porter assistance.

***

Les tribunes spectateurs n’étaient vraiment pas un endroit familier pour


Nolwenn et Bucky, bien plus habituées à être sur le terrain ou très proches les jours
de match. Le temps que Bucky parvienne à se sécher et s’habiller, et pas en tenue
de pom-pom-girl à son grand regret, la présentation de l’équipe par les filles était
passée, ainsi que le tout début du match. L’équipe d’Antoine et Erik était déjà
menée quatre points à trois. Elle se retint d’à nouveau verser une larme lorsqu’elle
regarda de plus près, de sa place de spectatrice, la tenue de Béhuit. Alors qu’il
l’avait surpris avec Creth, habillé de son costume bleu sur mesure qu’elle lui avait

242
offert, il ne le portait plus désormais. Il était vêtu d’un sweat et d’un jean noir
accompagné de baskets et de ses indéboulonnables lunettes de soleil qu’il ne
quittait que rarement. Il ne s’était certainement pas changé juste avant le match
pour rien. C’était un message limpide à destination de Bucky. Il devait lui en vouloir
terriblement, comment lui reprocher ?

Les points défilaient les uns après les autres et les choses ne se passaient
pas bien pour l’E2C. Béhuit prit très rapidement deux temps morts pour tenter de
rectifier le tir. De là où elle était, et malgré la présence de maximum cinquante
personnes dans les tribunes pouvant en contenir facilement vingt fois plus, elle ne
parvint pas à entendre ce qu’il disait, mais son regard était clairement insistant sur
Creth.

Le premier set fut perdu assez largement. Même en tant que novice de la
discipline, Bucky avait observé que Creth n’y était pas du tout aujourd’hui. La
tension avec son entraîneur était de plus en plus palpable.

Les choses s’envenimèrent après seulement quelques points durant le


deuxième set. Au beau milieu d’une phase de jeu, Creth s’arrêta carrément pour
regarder Béhuit… et les deux hommes se jetèrent l’un sur l’autre sans la moindre
raison apparente !

Creth fut le plus rapide et asséna un impressionnant coup de poing à Béhuit,


entré sur le terrain pour en découdre. Bucky comprit pourquoi le joueur de volley
lui avait laissé des traces sur le bassin ; il avait une force prodigieuse. Le coup fut
tel que son professeur d’EPS recula de trois bons mètres avant de finir par une
roulade pour se relever. L’instant suivant, Creth était déjà en train de courir vers les
vestiaires. Tout le monde se figea, y compris l’arbitre, ne sachant pas trop quoi
faire. Seul Béhuit ne fut pas dans la passivité. Il courut immédiatement à son tour
vers les vestiaires après avoir ordonné à Antoine de gérer l’équipe tout en se
déplaçant.

Bucky était anéantie. En plus d’une probable rupture avec Béhuit, elle avait
sabordé l’équipe. C’en était trop, elle se remit à pleurer. Sa dernière année ici, en
tant qu’étudiante, qui s’annonçait pourtant grandiose se transformait en une
véritable descente aux enfers.

Tant bien que mal, la partie put reprendre son cours avec deux points de
pénalité pour l’E2C et sans trop de solution pour remplacer Creth. Antoine jeta un
coup d’œil rapide dans les tribunes pour y chercher sa sœur du regard. Ni Bucky,
ni Nolwenn n’étaient présentes avec les autres pom-pom-girls et l’une d’elles était

243
en pleurs. Le capitaine de l’équipe de volley devait en déduire un lien avec
l’altercation incompréhensible entre son entraîneur et son coéquipier.

Très peu de temps après la reprise du match, Céssix Sky entra dans le
gymnase avec deux membres de la sécurité du campus pour se rendre
immédiatement vers les vestiaires. Sans même prêter attention au match, elle
s’engouffra par la porte donnant accès aux vestiaires et une bonne partie du
gymnase.

Nolwenn, avec sa meilleure amie en larmes sur son épaule, serait bien
rentrée chez ses parents afin d’avoir du renfort pour s’occuper d’elle, mais l’accès
à la sortie du gymnase était désormais bloqué par un agent de la sécurité, alors
qu’un autre interdisait l’accès au vestiaire. Aussi loin que sa mémoire puisse
remonter, elle n’avait jamais connu le service de sécurité de l’E2C dans l’action.
Une première dont tout le monde se serait bien passé et qui montrait une situation
qui sortait totalement de l’ordinaire.

***

Sans la moindre surprise, l’équipe de volley de l’E2C perdit par trois sets à
zéro. Bucky n’y prêta pas la moindre attention. Ni Creth, Ni Béhuit, Ni la directrice
de l’E2C n’étaient réapparus dans le gymnase.

Dès le coup de sifflet final, l’agent de sécurité surveillant les tribunes


encouragea vivement tout le monde à quitter les lieux rapidement alors que son
collègue, aidé d’un autre arrivé en renfort, bloquait toujours l’accès aux vestiaires.
Ni les joueurs, ni les pom-pom-girls n’avaient le droit d’y accéder. On leur demanda
de patienter sur le terrain en attendant de pouvoir récupérer leurs effets
personnels. Il en fut de même pour les étudiants et encadrants du campus visiteur.
Nolwenn, accompagnée par Bucky, anéantie, put rejoindre ses frères et le reste de
l’équipe sur le terrain.

- Que s’est-il passé ? Leur demanda immédiatement Antoine.

- Je suis désolée… se contenta de répondre Bucky, incapable d’en dire plus


avant de pleurer de nouveau.

- Pour la faire courte, Creth a fait des avances très entreprenantes à Bucky
qui y a cédé et Béhuit les a surpris, juste avant le match.

244
La liaison entre Bucky et son professeur de sport étant toujours inconnue
pour l’équipe de volley, mis à part pour les frères Donerm, Antoine fit signe à sa
sœur d’aller continuer cette discussion dans un endroit plus discret. Nolwenn le
suivit après avoir assise Bucky sur le banc de touche, la confiant à Glaème et
Shandrill, en lui demandant de l’attendre ici. Ils ne reprirent la discussion qu’une
fois sûrs de ne pas être entendus en se mettant dans un coin du gymnase.

- J’ai dû rater un épisode. Bucky n’était pas avec Béhuit ? Elle avait l’air de
l’apprécier ? Poursuivit Antoine.

- Elle a été incapable de m’expliquer pourquoi elle a cédé aux avances de


Creth. Elle est catastrophée par ce qui s’est passé, comme tu as pu t’en apercevoir.

- C’est pour cela que vous n’avez pas participé ce soir avec les autres pom-
pom ?

- Pour être exact, Béhuit lui a demandé de ne pas participer au match ce


soir. J’ai juste préféré ne pas la laisser seule pour ma part. Que vous a dit Béhuit ?

- Rien, absolument rien ! C’est étrangement durant le match que tout a


dérapé, les discussions entre lui et Creth étaient… lunaires, par moment
incompréhensible.

- Creth était au courant que Bucky sortait avec Béhuit ?

- Je ne pense pas, mais peu importe, Bucky a mis une sacrée pagaille dans
l’équipe !

- Ne l’accable pas plus qu’elle ne l’est déjà Antoine, s’il te plaît.

- Si jamais les autres membres de l’équipe apprennent l’origine de cette


bagarre, j’ai peur de leur réaction et je ne parle même pas de Madame Sky. Mais
bon sang, qu’est-ce qui lui est passé par la tête ?

- Elle ne le sait pas elle-même ! Jamais je ne l’avais vue aussi amoureuse


d’un garçon avant Béhuit, c’est incompréhensible. Mais c’est ma meilleure amie et
comme notre sœur, il faut la soutenir et la ramener à la maison au plus vite, elle y
sera mieux. Papa et maman pourront sans doute nous épauler.

- Je suis d’accord avec toi. On avisera ensuite. J’espère simplement que


nous n’avons pas perdu Béhuit ce soir. C’est un entraîneur au top. Quant à Creth,
peu de chance qu’on le revoit dans l’équipe et le conseil de discipline risque d’être
violent pour lui.

245
Les hommes qui étaient entrés dans les vestiaires en ressortirent pour
redonner les sacs de sport de chacun et chacune en faisant plusieurs allers-
retours. Interdiction formelle était toujours faite de pénétrer dans des lieux autres
que le terrain. Ce qui se passait était incroyable ; comment un simple conflit
amoureux avait pu donner un tel déferlement de violence ?

L’inquiétude gagna la totalité de l’équipe de volley et des pom-pom-girls,


tous étaient sans la moindre nouvelle de Béhuit, Creth et la directrice. Ayant
récupéré leurs sacs de sport, et voyant l’état inconsolable de Bucky, Antoine et
Nolwenn prirent la décision d’exfiltrer la capitaine des pom-pom-girls pour rentrer.

La sortie des lieux pour le parking figea net Bucky. Béhuit était tout près, en
train de discuter avec Céssix, la sécurité et une autre femme habillée d’une très
longue tunique accompagnée d’une capuche qui laissait à peine deviner son
visage. Il semblait bien aller. En revanche, il n’y avait aucun signe de la présence
de Creth. Séchant au mieux ses larmes et contre l’avis de Nolwenn et Antoine, elle
se dirigea vers Béhuit plutôt que de se diriger vers sa voiture avec laquelle sa
meilleure amie devait la raccompagner chez les Donerm.

A son approche, la discussion s’arrêta net entre les membres du groupe.


Céssix Sky fit simplement un signe de la tête à Béhuit, de dos, pour lui signifier que
quelqu’un approchait.

- Est-ce que tu vas bien ? Demanda Bucky à Béhuit, doucement avec


hésitation ne sachant quoi dire pour tenter d’ouvrir le dialogue.

Béhuit la fixa du regard avec une lueur dans les yeux qu’elle n’avait encore
jamais rencontrée chez lui, mélange de déception, de tristesse et totalement vide.
Il ne lui répondit pas.

- Je crois deviner la réponse… Je voudrais te parler seule à seul, s’il te plaît,


lui demanda Bucky de manière très lente et intelligible.

- Je n’ai aucune envie de te parler pour le moment.

- Je t’en prie, insista-t-elle avec une intonation de voix montrant sa tristesse.

Rapidement, il lui tourna le dos en demandant à Céssix de le ramener, mais


Bucky ne s’avoua pas vaincue pour autant.

- Je tiens énormément à toi, Béhuit ! Dit-elle plus fort alors qu’il commençait
à s’éloigner avec Céssix Sky.

246
- Béhuit, rentrons ! Lui demanda la directrice avec insistance, le voyant
hésiter.

Il se retourna pour faire de nouveau face à Bucky.

- Quand on tient à quelqu’un, on n’agit pas comme tu l’as fait… dit-il


lentement, mais avec rancœur.

- Je veux simplement en parler avec toi, je ne sais pas ce qui m’a pris, lui
répondit-elle.

- Je croyais compter un minimum pour toi, je me trompais, oublie-moi !


Répondit-il avant de repartir accompagné de son ex-petite-amie et de la
mystérieuse femme à la longue tunique grise.

L’étudiante à la mèche fuchsia resta prostrée, sans rien dire en regardant


Béhuit s’éloigner. Elle s’en voulait tellement d’avoir tout gâché. C’est finalement
Nolwenn qui l’accompagna à sa voiture en l’enlaçant pour lui montrer son soutien
avant de l’installer côté passager. Nolwenn allait conduire. La propriétaire du
véhicule n’était clairement pas en état de le faire.

***

Toute la nuit. Bucky avait pleuré toute la nuit malgré les tentatives de
réconfort de toute la famille Donerm. Ne sachant que faire avec sa meilleure amie,
Nolwenn s’était décidée à dire toute la vérité à ses parents. Plus expérimentés
qu’elle, ils pourraient peut-être être force de proposition. Il n’en fut rien. Lors des
peines de cœur, on était définitivement seul. L’unique début de solution qu’ils
proposèrent fut de contacter ses parents au plus vite qui vivaient depuis
maintenant plusieurs années en Arabie Saoudite en tant que promoteur immobilier
pour The line-Néom. Dès les premières heures de la matinée, les parents Donerm
demandèrent à Bucky d’appeler au plus vite. Ils ne semblaient pas du tout juger
Bucky malgré ce qu’ils avaient appris. Il y avait pourtant matière. Bucky entretenait
une liaison avec son professeur d’EPS et elle avait été motif d’une rixe en plein
match de volley de leurs fils. Mais ils la considéraient un peu comme leur
deuxième fille et ne cherchèrent qu’à la réconforter. Ils avaient prévu de se rendre
dès le lundi à l’E2C pour savoir exactement ce qu’il en était afin de mieux l’aider.

247
Les parents Délavigna comprirent tout de suite à l’autre bout de la ligne que
leur fille n’allait pas bien. Elle se contenta simplement de leur dire qu’elle avait tout
gâché avec son nouveau petit copain et qu’en plus de cela, elle avait été la cause
d’une bagarre au sein de l’équipe de volley. Elle préféra ne pas souligner que le
petit ami en question était son professeur d’EPS et l’entraîneur de volley des
garçons, cherchant avant tout du réconfort. Après même pas quelques minutes de
discussion, ses parents lui proposèrent de tenter de nouvelles excuses vis-à-vis de
son petit ami. Peut-être lui pardonnerait-il à froid. Pour le reste, ils la rassurèrent
au mieux. Pas de quoi s’inquiéter, on ne pouvait tout de même pas la tenir
responsable d’une rixe entre deux étudiants submergés de testostérone. C’est du
moins ce qu’ils comprenaient de la situation, même si elle était un peu plus
complexe.

Bucky raccrocha avec ses parents. Elle ne retint qu’une chose de cette
conversation ; le conseil de s’excuser à nouveau auprès de Béhuit. S’il existait
même une chance infime pour qu’il lui pardonne pour se remettre ensemble, elle
devait essayer. Elle tenait particulièrement à ce garçon, malgré ce qu’elle avait failli
laisser faire à Creth sans son intervention salvatrice.

***

A dix heures du matin, Bucky n’avait toujours pas déjeuné, trop stressée par
l’enjeu de cette rencontre. Elle s’était préparé un maximum avant de se rendre chez
Béhuit en cherchant ce qu’elle allait pouvoir lui dire pour s’excuser. Faute
d’argument, elle se contenta de sonner à sa porte en se préparant à lui dire qu’elle
était prête à beaucoup pour recoller les morceaux. En attendant que quelqu’un lui
ouvre, elle remarqua que la moto de Béhuit, garée sur le côté était accidentée. Tout
un côté du véhicule avait la peinture rayée et l’état de la carrosserie ne laissait pas
de place au doute. La moto était sûrement tombée à terre en mouvement ! La roue
avant était également sortie de sa jante. Pourvu qu’il ne soit rien arrivé de grave à
Béhuit ! Elle ne s’en remettrait pas.

- Délavigna ! Entendit-elle quand la porte s’ouvrit.

Céssix Sky venait de lui ouvrir, une bien mauvaise surprise. L’étudiante
aurait clairement préféré ne pas la croiser.

- Béhuit va bien ? Je souhaiterais lui parler ! Dit-elle.

248
- Pour parler sans être prise pour une folle, il faut être au moins deux, et je
ne suis pas certaine qu’il soit d’accord pour communiquer avec vous !

Elle était ravie d’apprendre que sa moto accidentée n’avait pas blessé
Béhuit. Il était bien là, même si Céssix entravait clairement la route jusqu’à lui.

- Je vais prendre le risque de passer pour une folle dans ce cas, donc soit
vous l’appelez, soit je rentre de force pour aller le trouver ! Où est-il ? Dans sa
chambre ?

- Vous ne mettrez pas un pied dans cette maison, lui répondit la directrice
calmement, rentrez chez vous.

Sans réfléchir, Bucky força le passage afin d’entrer dans l’immense salon
de la propriété. Toute directrice qu’elle était, Céssix Sky n’allait pas l’empêcher de
voir Béhuit. Une bien mauvaise idée !

A peine avait-elle mis le pied sur le pas de la porte que Céssix la déséquilibra
d’un habile coup de pied, puis enchaîna en la rattrapant par le bras pour la faire
pivoter sur elle-même avec rapidité afin qu’elle se retrouve en une fraction de
seconde plaquée contre le mur extérieur de la maison. Elle avait échoué pour
entrer et se retrouvait le nez contre un mur sans pouvoir bouger. La directrice ne
lui avait pas lâché le bras et avait possibilité de lui déboîter en forçant un petit peu.
La négociation verbale aurait-été finalement peut-être plus constructive, pensa-t-
elle.

- Je me suis trompée sur toi. Tu es encore plus stupide que je l’imaginais.


Tu pensais vraiment pouvoir entrer sans ma permission ? Lui dit la directrice en lui
pliant de plus en plus le bras dans un angle improbable.

- Cassez-moi le bras si ça vous chante ! Mais je veux le voir, dit-elle suivi


d’un léger cri de douleur.

- Faire pom-pom-girl avec un bras abîmé, c’est très compliqué. Tu as déjà


perdu Béhuit, je te conseille de renoncer avant de perdre aussi tes pompons !

Malgré l’intense douleur, Bucky ne pas céda pas… tout comme Madame
Sky, bien décidée à mettre à exécution sa menace si l’étudiante de dernière année
continuait à s’obstiner de la sorte.

- Céssix, lâche-là ! Ordonna Béhuit, arrivé sur place.

249
- Je peux gérer la situation, lui répondit Céssix Sky sans lâcher sa prise sur
la pom-pom-girl qui ne voyait rien visuellement à part le mur blanc de la villa à pas
plus d’un centimètre de ses yeux.

- Je n’en doute pas, mais je vais tout de même prendre le relais pour éviter
la casse, répondit-il.

- Elle n’aurait jamais dû essayer d’entrer en force, dit-elle tout en relâchant


légèrement la pression sur le bras de Bucky à son grand soulagement.

- Elle aura commis une erreur de plus… se contenta de répondre Béhuit.

La pression sur son bras stoppa et Bucky put enfin décoller le nez du mur.
Son bras lui faisait encore mal lorsque Céssix Sky le lâcha définitivement, mais il
n’avait, fort heureusement, pas été abîmé. Un soulagement pour la pom-pom-girl
qui passait déjà un mauvais moment.

- Je veux simplement te parler, dit Bucky en direction de Béhuit.

La directrice fixa du regard Béhuit, sans bouger, toujours très proche de


Bucky. Elle attendait d’autres indications de sa part.

- Ça va aller, je m’en charge, lui dit le professeur de sport, comme pour


l’inviter à quitter la discussion qui s’annonçait.

- Je t’attends à l’intérieur, ajouta la directrice pour lui montrer clairement


qu’elle était toute proche au cas où.

Céssix disparut de la vue de Bucky lorsque la porte se ferma derrière elle.


L’étudiante était désormais seule avec Béhuit, dehors, juste devant l’entrée de la
maison. Elle allait pouvoir non pas tenter de s’expliquer, mais tout simplement lui
demander pardon. Des explications rationnelles, elle n’en n’avait pas réellement à
lui apporter.

- Encore deux cours de self-défense avec toi et je la mettais au tapis ! Lui


dit-elle avec ironie dans une tentative quelque peu désespérée de lui faire lâcher
un sourire.

- Bucky, je suis pressé, alors dit moi pourquoi tu es venue ?

- Pour te demander pardon ! S’empressa-t-elle de répondre. Écoute, je sais


que ce que j’ai fait est lamentable. Je ne sais pas ce qu’il m’a pris. Entre Creth et
moi, il n’y a rien du tout. Je te le jure. Tu comptes énormément pour moi, je ne veux
pas qu’on se sépare.

250
- Il fallait y penser avant de te laisser peloter par lui et retourner comme
une… répondit-il avant de s’arrêter probablement de peur que ses mots ne frisent
l’incorrection. J’ai honte pour toi, finit-il par ajouter.

- Béhuit je te le redis, je ne sais pas ce qui m’est passée par la tête, c’est
comme-ci il était entré dans mes pensées.

- Vu la position que vous aviez tous les deux, je ne crois pas qu’il cherchait
uniquement à entrer dans tes pensées ! Comment as-tu pu te laisser emporter de
la sorte, je croyais que nous deux, ça comptait…

- Ça compte énormément.

- Ce que j’ai vu ne va clairement pas dans ce sens !

- Je sais très bien que tu m’en veux et je te comprends. S’il te plaît, je veux
te montrer que tu importes plus que tout pour moi. Tu peux me demander ce que
tu veux, je ferai tout pour te montrer que j’ai des sentiments forts pour toi.

- Très bien. Tu veux me prouver que tu as un minimum de sentiment et de


respect pour moi ?

- Plus que tout ! S’empressa-t-elle de répondre sans même réfléchir.

- Je ne veux plus te voir près de chez moi. Je veux que tu m’évites sur le
campus. Je veux que tu fasses la pom-pom-girl ailleurs qu’au volley. Céssix se
débrouillera pour t’obtenir une dispense d’EPS car je ne veux plus t’y voir non plus.
Je veux te rayer de ma vie. Tu m’as blessé, Bucky, tu n’imagines pas à quel point !

Bucky comprit soudain qu’il n’y avait pas de retour possible entre eux. Elle
n’était même pas déçue qu’il ne veuille plus d’elle, c’était parfaitement
compréhensible. Elle était simplement anéantie d’avoir causé autant de tort à une
personne qu’elle avait aimé comme jamais elle n’avait aimé auparavant. Elle
regarda Béhuit, sans lui répondre, mais en faisant en sorte qu’il comprenne qu’elle
acceptait sa requête. C’était le minimum qu’elle pouvait faire pour le décevoir un
peu moins. Comme toujours, il semblait avoir compris ce qu’elle pensait et se
tourna pour entrer à l’intérieur de sa luxueuse propriété. Elle lui parla avant qu’il ne
referme, probablement pour la dernière fois :

- Béhuit, je suis vraiment désolée.

- Et moi brisé.

251
La porte se referma. Bucky n’avait plus qu’à rentrer chez les Donerm. La
seule preuve d’amour qu’elle pouvait désormais apporter à Béhuit était de faire en
sorte qu’elle sorte de sa vie. C’était sans doute mieux pour elle aussi, afin de
l’oublier rapidement. Le pourrait-elle ?

***

Nolwenn ne mit pas longtemps à comprendre que son amie n’était pas
revenue couronnée de succès de son passage chez Béhuit. Elle ne disait mot et la
tristesse se lisait sur son visage. D’un instinct protecteur envers sa meilleure amie,
elle la prit dans ses bras pour tenter de la réconforter.

- Tu auras tout essayé, n’aie pas de regret, lui dit Nolwenn.

- Il n’y aura pas eu de miracle, lui répondit l’intéressée.

- On se fait un restaurant pour oublier tout ça ? On fera payer mes parents !


Proposa-t-elle.

- J’ai des choses à faire avant, mais je veux bien. J’apprécierais que toute
la famille Donerm vienne. Je te laisse gérer.

- Compte sur moi ! un restaurant particulier ? Demanda Nolwenn, trop


heureuse d’aider son amie à aller de l’avant.

- Surprend-moi, lui répondit-elle avant de monter dans sa chambre.

Bucky avait pris une décision. Dès son arrivée, elle ferma sa porte de
chambre à double tour afin que Nolwenn ne puisse entrer, puis attrapa son
téléphone pour joindre ses parents par messagerie :

Maman, Papa, pas réussi à recoller les morceaux avec mon petit ami. Ma situation
est désormais singulière et j’ai besoin de tourner la page loin de tout ça. Je voudrais
vous rejoindre à Néom pour pouvoir vous expliquer les choses plus en détail, tout n’a
pas été dit par téléphone ce matin.

Le retour ne prit que quelques secondes :

Bucky, tes parents seront toujours là pour toi, surtout dans les moments difficiles.
Prends un billet d’avion pour nous rejoindre dès que tu le souhaites. Nous te

252
trouverons une solution pour la poursuite de tes cours à l’E2C en attendant que tu y
retournes. Tiens-nous au courant. Nous t’aimons.

L’étudiante de cinquième année réserva dans la foulée un billet d’avion pour


l’Arabie Saoudite, un vol était prévu le soir même et des places étaient encore
disponibles, en business class uniquement. Peu importe le prix, ses parents
comprendraient. Elle voulait les rejoindre au plus vite pour réfléchir à son avenir et
montrer à Béhuit qu’elle tenait promesse. Ne lui restait plus qu’une chose à faire
avant de partir au restaurant avec les Donerm pour leur annoncer son départ :
reprendre le tee-shirt de Béhuit qu’elle avait gardé en chemise de nuit pour lui
rendre avec une lettre d’accompagnement. Elle tenait à écrire une dernière fois à
Béhuit qu’elle assumerait ses erreurs avec le plus de dignité possible.

Nolwenn frappa à la porte lorsqu’elle s’aperçut qu’elle ne pouvait plus


accéder à sa chambre commune avec son amie. Bucky venait juste de finir sa
courte lettre d’explication à destination de son ex. Elle lui ouvrit.

- Tout va bien ? On part au restaurant avec mes parents et mes frères quand
tu veux ! Lui annonça Nolwenn pas encore au courant de ses projets.

- Allons-y alors, se contenta-t-elle de répondre.

***

En tant que grande fan de sushi, Nolwenn avait évidemment choisi un


restaurant Japonais pour se restaurer. Avec la présence supplémentaire d’Erik,
d’Antoine et de leurs parents, Bucky était heureuse de passer un dernier moment
avec eux avant son départ en Arabie Saoudite. Elle ne savait absolument pas
quand elle reviendrait. Allait-elle seulement le faire ? L’idée d’abandonner
définitivement l’E2C était une option à ne pas totalement écarter. Cette possibilité
serait un véritable déchirement pour elle, mais elle avait un engagement à tenir
auprès de Béhuit qu’elle se refusait de ne pas honorer. Céssix lui permettrait sans
doute d’avoir une dispense d’EPS comme Béhuit lui avait suggéré. Elle pourrait
faire en sorte de l’éviter dans les couloirs du campus. Mais elle devrait demander
une affiliation autre que le volley-ball pour son activité de pom-pom-girl et c’était
bien le plus dur à admettre, en supposant que cela soit possible.

253
La famille Donerm, dans son intégralité, fut aux petits soins pour Bucky
pendant ce repas. Rencontrer et vivre avec toute cette famille plus de quatre ans
avait été une expérience extraordinaire. Les parents, bien que possédant
beaucoup moins de moyens que ceux de Bucky étaient toujours près de ses
enfants et d’elle, prêts à leur rendre service et leur rendre la vie la plus agréable
possible. Erik et Antoine cherchaient la moindre opportunité pour la taquiner dès
qu’ils le pouvaient, comme aurait pu le faire des frères, mais ils savaient quand lui
montrer leur affection, comme c’était le cas aujourd’hui. Ils ne semblaient même
pas lui tenir rigueur de la probable ambiance particulière qu’il y aurait désormais
dans l’équipe de volley, dès demain. Et que dire de Nolwenn, cette sœur qui depuis
toute petite l’accompagnait pour avancer dans la vie. Celle qui l’aidait à garder une
certaine rigueur pour ses études et qui partageait avec elle sa passion des pom-
pom-girls et de la danse. Celle qui avait mis sa vie en danger pour tenter de la
sauver de ses agresseurs à Munich. Elle allait horriblement lui manquer.

Lentement, elle prit une profonde inspiration. Arrivée au dessert, le moment


était venu de leur annoncer son départ :

- Je voulais vous remercier d’être venus ce midi pour déjeuner avec moi. Je
tiens à payer le repas.

- Tu connais la tradition dans la famille Donerm ! Quand un enfant ne va pas


bien, il a le devoir d’utiliser les parents pour se remonter le moral. C’est de bon
cœur que nous souhaitons payer la note, dit le père de famille.

- Pas cette fois. J’ai besoin d’un certain temps pour me reconstruire loin
d’ici et de tout ça, j’insiste pour payer aujourd’hui en guise de reconnaissance
envers vous.

- Que veux-tu dire ? Tu m’inquiètes, lui dit Nolwenn.

- Je pars dès ce soir rejoindre mes parents…

- Et tu reviens quand ? Questionna Antoine.

- Je ne sais pas. Lorsque j’irai mieux et que j’aurai tourné la page.

- Mais tes études ? Tu ne peux pas abandonner si près du but, avança la


mère Donerm.

- Nolwenn m’enverra les cours par mail dans un premier temps.

254
- Tu ne peux pas faire cela ! Protesta Nolwenn. Et tes amies, les pom-pom-
girls et la nouvelle chorégraphie, et moi ! Tu ne vas pas m’abandonner maintenant
à un peu plus de six mois du diplôme !

- Je ne sais pas, Nolwenn. Comprends-moi, je dois réfléchir à mon avenir,


analyser ce qui m’a prise hier avec Creth, ne pas blesser encore plus Béhuit qui est
l’entraîneur de l’équipe de volley. Lorsque j’aurai des réponses, tu seras la première
que je mettrai au courant, je te le promets.

Un long silence s’invita à la table. Nolwenn se mit à pleurer. Perdre sa


meilleure amie dans seulement quelques heures était quelque chose de
particulièrement dur à encaisser. Elles tombèrent dans les bras l’une de l’autre.

Le repas se termina avec des visages fermés. Bucky et les Donerm


rentrèrent, et tous ensemble, ils entreprirent de l’aider à faire sa valise. Il était
inutile de la persuader de rester, car au fond, elle prenait sans doute la moins
mauvaise option en choisissant de partir pour réfléchir plus en détail à son avenir
et se reconstruire.

***

Bucky projetait de rejoindre l’aéroport Charles-de-Gaulle en Uber, mais toute


la famille Donerm insista pour l’accompagner. Elle ne fut qu’à moitié surprise que
toutes ses amies pom-pom-girls et Lily viennent lui dire en revoir en personne.
Bucky ne les avait pas prévenues, mais Nolwenn avait dû le faire. Au moment de
rejoindre la voiture familiale des Donerm. Bucky fit une accolade à chacune de ses
amies avant de partir et demanda un service à Glaème ; livrer le petit paquet
composé d’un t-shirt et d’une lettre préparée à l’intention de Béhuit. Il ne souhaitait
plus la voir, Glaème se chargerait donc de faire la livraison pour elle. Dans la voiture
par un signe de la main, elle fit un dernier geste d’en revoir. Reviendrait-elle ?

Arrivée à l’aéroport, la famille Donerm accompagna Bucky jusqu’à l’accès


réservé aux personnes munies de billets. Le moment d’une dernière accolade était
venu. Elle commença par les parents en les remerciant encore une fois
chaleureusement pour s’être si bien occupé d’elle durant tout ce temps. Puis elle
serra avec chacun de ses bras les deux frères en même temps.

255
- Promettez-moi de gagner au moins un match cette année, leur demanda-
t-elle.

Les deux frères ne répondirent pas, sans doute trop émus, ou peut-être était-
ce tout simplement la peur de ne pas pouvoir tenir leur promesse. Après ce
qu’avait fait Creth, il allait au minimum être renvoyé de l’équipe, qui ne marchait
déjà pas fort en sa présence, alors qu’il faisait partie des meilleurs joueurs. Il n’était
pas certain que Béhuit reste aux commandes de l’équipe non plus. La suite de la
saison ne s’annonçait pas radieuse. Bucky s’en voulait terriblement d’avoir anéanti
une saison de volley-ball à l’E2C.

Puis vint le moment de dire au revoir à Nolwenn. Celle avec qui elle avait
tant partagé ces dernières années. Avant une dernière accolade, elle lui donna un
petit paquet.

- Qu’est-ce que c’est ? Lui demanda-t-elle.

- Une preuve de notre amitié indéfectible, lui répondit Bucky. Ouvre !

Le paquet avait été fait à la va vite et Nolwenn ne mit pas longtemps à


l’ouvrir. Il s’agissait tout simplement des clés de sa voiture couleur ciel et fuchsia.
Nolwenn se mit à pleurer d’émotion. Son amie lui confiait sa voiture durant son
absence.

- Prends en soin et fais rêver les garçons avec ! Lui dit Bucky avant de la
prendre une énième fois dans ses bras.

- Reviens vite, lui intima Nolwenn, avant qu’elle ne les quitte définitivement
pour rejoindre la zone d’embarquement sans se retourner.

Elle avait désormais quarante-cinq minutes avant d’embarquer. Après avoir


pris un thé à la menthe via un distributeur de boisson, elle s’installa à une place
libre et éteignit son smartphone en prévision du vol…

***

Bucky s’impatientait. Quarante-cinq minutes, c’était long quand on n’avait


rien à faire ! Heureusement, elle avait pris avec elle son ordinateur-tablette
portable. L’intégralité de ses cours à l’E2C était dessus. Une petite leçon de

256
génétique lui permettrait de faire passer le temps qu’il restait avant d’embarquer
plus rapidement.

Lancée dans sa leçon, Bucky fut tout à coup perturbée dans ses révisions.
Quelqu’un criait son nom. Elle reconnut tout de suite cette voix puissante et
portante. Béhuit était là et la cherchait !

Avant même qu’elle ne se signale, il la repéra et s’approcha d’elle. Elle


ignorait pourquoi il était venu ici, ni même comment il avait pu passer la douane
sans billet, mais elle était heureuse de le revoir pour au moins lui dire véritablement
en revoir et peut-être adieux.

- Bucky… pardonne-moi de ne pas t’avoir laissé t’expliquer, tu dois rester !


Lui demanda Béhuit.

- J’ai besoin de partir un moment loin de toi et de l’E2C. Des explications, je


n’en ai pas. J’ai eu un comportement ignoble envers toi et j’ai honte. Je dois
m’organiser pour faire en sorte que tu ne me revois plus, comme tu me l’as
demandé. Je sais que c’est trop tard, mais je suis désolée pour ce que j’ai fait. De
t’avoir blessé et déçu.

- Bucky, ce qui s’est passé avec Creth… oublions !

- Mais c’est ignoble ce que je t’ai fait, c’est une torture de savoir que tu
souffres à cause de moi !

- Personne n’est parfait ! Il faut savoir quelques fois prendre un chemin


tortueux pour progresser.

- …Mais je n’ai aucune excuse ! J’ai été faible. Je ne suis même pas capable
d’expliquer pourquoi j’ai cédé à ses avances alors que…

- …Reste Bucky ! Depuis que j’ai fait ta connaissance, il y a à peine deux


mois, tu m’as redonné goût à la vie, j’ai besoin d’être avec quelqu’un comme toi,
qui me permet de savoir pourquoi je dois poursuivre ce pourquoi on m’a préparé.
Tu me rends tout simplement heureux. Tu m’es d’un soutien psychologique
inestimable. Lorsque j’ai un coup de blues, te parler me remonte le moral. Sans toi,
je n’y arriverai pas.

- Céssix sera sans doute bien plus douée que moi pour te rendre heureux…
et elle te sera plus fidèle.

257
- Céssix est quelqu’un qui fait partie de ma vie, et pour un bon moment. Ça
ne collera sans doute jamais entre vous deux et c’est quelqu’un de génialissime.
Mais la personne à qui je pense sans cesse, c’est toi. Ce que j’ai de mieux en moi,
c’est toi. Tu m’as complètement charmé dès notre première rencontre. J’adore te
voir danser en tant que pom-pom-girl. J’adore ton intelligence, ta façon de voir la
vie de manière positive ou encore quand tu me souris et j’adore te voir rire à mes
blagues, alors qu’une bonne partie provoquerait un lancer de tomates dans un one-
man-show.

- Je t’aime Béhuit, lui avoua-t-elle de peur de ne jamais pouvoir lui avouer.

Béhuit avança un peu plus pour être plus proche de l’étudiante.

- Ma jolie pom-pom-girl… Se contenta-t-il de lui répondre.

- Je suis amoureuse de toi, tu es l’homme de ma vie Béhuit, je le sais, je le


sens, dit-elle alors qu’il avait pris l’initiative de lui caresser sa mèche de cheveux
fuchsia. Je m’en veux terriblement d’avoir brisé en mille morceaux notre relation.

Rapidement, elle eut une sensation de bien-être. Le simple fait qu’il lui
caresse les cheveux au niveau de sa mèche colorée l’apaisa.

- Quelqu’un m’a dit un jour qu’un être cher, c’est quelqu’un qui connaît tous
tes défauts et qui t’aime quand même. J’en ai découvert un ce week-end, mais je
veux connaître tous tes autres défauts Bucky Délavigna, reste à l’E2C !

- On ne pourra pas oublier aussi facilement, cette histoire a détruit la


cohésion de ton équipe de volley, tes joueurs vont me haïr quand ils connaîtront la
vérité.

- Bucky, quelle vérité ? Mon conflit avec Creth durant le match n’avait pas
de rapport avec toi, crois-moi !

- Comment-ça ? S’interrogea l’étudiante.

Béhuit lui fit un léger geste de la tête lui montrant qu’il ne souhaitait pas
s’étendre sur le sujet. Il tenait encore une fois à garder la raison secrète.
Doucement, il approcha son visage du sien pour lui déposer un baiser sur les
lèvres. Elle n’aurait jamais cru revivre une telle chose. Il était si bon de se retrouver
dans ses bras, de sentir ses lèvres contre les siennes et leurs langues chercher
contact.

- Tu restes avec moi ma pom-pom, lui intima Béhuit.

258
- Soyons honnêtes, je ne mérite pas ta clémence… mais je t’aime bien trop
pour ne pas la prendre. Je te promets de ne plus te décevoir, lui répondit Bucky si
heureuse d’avoir une nouvelle chance avec lui et tentant de sécher ses larmes.

Elle attrapa son sac de voyage, y rangea son ordinateur puis prit la main de
Béhuit.

- Emmène-moi, finit-elle par lui demander.

- On avait initialement prévu un dimanche ensemble, on pourrait peut-être


le transformer en un lundi ensemble !

- Mais nous allons rater les cours ! Répondit Bucky, pourtant très emballée
par la proposition.

- Je te rappelle qu’il y a encore quelques minutes, tu comptais embarquer


dans un avion pour ne plus retourner à l’E2C pour un moment ! Lui rappela Béhuit.

Elle sourit, il avait parfaitement raison. Béhuit la tira par la main pour la sortir
de la zone d’embarquement. Elle n’avait pas la moindre idée où il allait l’emmener,
la destination n’avait pourtant aucune importance. Elle était de nouveau avec lui,
c’est tout ce qui importait. Le fait qu’il lui pardonne son écart avec Creth la rendait
encore plus amoureuse de lui. Plus de doute pour elle, il s’agissait de l’homme
avec qui elle passerait le reste de ses jours.

L’étudiante de dernière année n’avait désormais plus qu’à prévenir ses


parents. Elle ne viendrait finalement pas les rejoindre. L’homme qu’elle aimait lui
avait pardonné son écart incompréhensible. Elle ignorait comment elle avait pu
tomber sur un homme aussi compréhensif malgré cette faute. Elle ne gâcherait
pas cette deuxième chance.

259
Chapitre 9 : Mise au point

Avec courtoisie, Béhuit lui porta son bagage de voyage puis passa à ses
côtés l’espace douanier en faisant un signe à l’un d’entre eux. Bucky ne comprenait
pas, mais se doutait encore une fois qu’il avait réussi à passer cette espace grâce
à cette personne. Qu’avait-il bien pu raconter pour que le douanier accepte de le
laisser passer sans billet ? Elle s’en moquait, du moins pour le moment, d’autant
qu’elle remarqua toute la famille Donerm qui l’attendait.

Nolwenn se précipita sur elle pour la prendre dans ses bras.

- Je suis tellement heureuse que tu ne partes pas ! Lui dit-elle.

Puis elle se tourna vers Béhuit :

- Merci de me l’avoir ramenée et merci de lui pardonner, dit-elle en regardant


son professeur d’EPS, remarquant bien qu’ils se tenaient par la main.

Le reste de la famille Donerm s’approcha à son tour. Nolwenn en profita


pour présenter Béhuit à ses parents. Ils ne firent pas la moindre remarque sur le
couple élève-professeur en face d’eux. Ils se contentèrent de remercier Béhuit pour
son intervention ce soir ainsi qu’à Munich.

Une fois les présentations faites, Bucky fit rapidement comprendre à la


famille qui allait de nouveau l’héberger, qu’elle ne rentrerait pas tout de suite. Elle
avait besoin de se retrouver avec Béhuit. L’ensemble de la famille comprit, mais
les parents Donerm précisèrent tout de même que mieux valait ne pas trop rater
de cours pour le bien de sa scolarité et la pérennité de l’emploi de Béhuit, mais le
couple ne s’en inquiéta pas, bien trop plongé dans les yeux l’un de l’autre.

260
Bucky retrouva l’Audi de son petit ami, très mal garée, au dépose minute.
Une demande d’enlèvement du véhicule était en cours avec une amende en sus.
Béhuit quitta l’aéroport avec elle, sans même s’y attarder. Il allait sans doute faire
sauter cette amende aussi facilement que son infraction au code de la route à son
retour de Sarlat. Il souhaitait l’emmener quelque part le plus rapidement possible….

***

Il était bien tard et la jeune étudiante se demandait bien où Béhuit désirait


l’emmener à cette heure bien avancée. Sous le mutisme de son petit ami, elle
n’avait que deux indices ; la destination était proche, car il ne restait que peu de
carburant à la voiture qui roulait sur la réserve, et Béhuit connaissait le chemin sur
le bout des doigts, le GPS n’avait pas été activé.

La voiture avait quitté l’aéroport Charles-de-Gaulle en direction de l’aéroport


privé du Bourget avant de bifurquer brusquement. Bucky ne connaissait
absolument pas le coin, tout de même réputé pour y être particulièrement
défavorisé. Elle n’était pas totalement sereine face à la renommée de coupe-gorge
des lieux, mais Béhuit était avec elle et c’était bien le plus important. Après
quelques kilomètres supplémentaires, le véhicule prit une allée non éclairée où
Béhuit y stationna le véhicule. Les alentours, pourtant en principe très denses en
population ici n’étaient absolument pas éclairés. Bucky y reconnut un cimetière
notamment. Une zone clairement pas habitée.

- Tu ne vas pas m’égorger ici et te débarrasser de mon cadavre ? Demanda-


t-elle dans un ton entre l’ironie et l’inquiétude provoquée face à l’ambiance glauque
des lieux.

- Ça serait pourtant l’endroit idéal, en effet ! J’espère simplement ne pas


avoir oublié la scie circulaire ! Rigola Béhuit.

Puis il poursuivit soudain de façon beaucoup plus sérieuse :

- Bucky, je t’ai emmenée ici pour te montrer que je tiens à toi…

- Ce n’est pas le premier endroit que j’aurais choisi pour déclarer ma


flamme… Coupa Bucky.

Il rigola à nouveau, puis continua :

261
- Je ne sais pas où notre relation va nous mener et tu as compris que je suis
dans l’obligation de te cacher énormément de choses à propos de moi et de mon
passé.

- Ton passé m’importe peu, je sais que tu es quelqu’un de bien. A l’instant


présent, tu es celui que j’aime. Je ne t’oblige en aucun cas à en parler, lui répondit-
elle, afin de le soulager de ce côté-là même si elle n’était pas contre en savoir un
peu plus sur le passé et le présent de son amant.

- Je veux juste qu’on aille dans un endroit qui a beaucoup compté pour moi
dans mon enfance. Je veux partager au moins cela avec toi.

Elle lui fit un signe de tête pour lui montrer qu’elle était enthousiaste à cette
idée. Bucky ne savait finalement que peu de choses sur lui et en apprendre, même
qu’un peu plus, permettrait peut-être de le comprendre mieux. Elle le savait
simplement très discret sur son passé. Probablement par obligation.

Béhuit sortit de la voiture avec une lampe torche. Bucky le suivit, même si
elle ignorait toujours la destination finale. Son professeur d’EPS la guida jusqu’à
une porte extérieure grillagée et verrouillée dont l’autre côté donnait sur un
immense parc, évidemment fermé à cette heure de la nuit.

- On doit escalader cette porte pour entrer dans le parc, lui indiqua Béhuit
en lui montrant avec les mains jointes qu’il était prêt à l’aider à monter.

- Tu me demandes de faire la grille ? Vu notre différence d’âge, ça ne devrait


pas être toi l’adulte responsable dans ce couple ? Sourit-elle.

- Quel que soit leur âge, les hommes ont toujours leur période de folie !

Pas très adroite pour passer, Bucky fut cependant bien aidée par son
compagnon qui la souleva suffisamment pour lui permettre de basculer de l’autre
côté. Bien plus sportif, lui passa aisément l’obstacle haut de plus de deux mètres.
Il alluma immédiatement sa puissante lampe torche avant de s’enfoncer dans un
parc qui s’avérait être tout simplement immense.

***

Bucky n’était pas très rassurée, d’autant que des bruits d’animaux étaient
perceptibles. Elle tint un peu plus fort la main de Béhuit pour être sûre de ne pas

262
le perdre dans la pénombre ambiante, malgré une luminosité lunaire importante
ce soir. Impossible de retrouver son chemin si elle devait perdre de vue son petit
ami. Durant une dizaine de minutes, ils avancèrent de plus en plus. Son guide
semblait exactement savoir où il se dirigeait. Elle put voir au loin quelques lumières
lointaines de la ville qui se reflétait sur un joli lac. Le coin devait être magnifique
de jour. Ce parc était un véritable trésor caché !

- Je ne connaissais pas ce parc ! Lui dit-elle, agréablement surprise par le


calme et la beauté du lieu.

- J’ai passé toute mon enfance non loin d’ici. Les villes aux alentours ne
sont pas réputées alors seuls les gens du coin en profitent, les autres en ont peur.
Nous sommes bientôt arrivés, souligna-t-il en empruntant une nouvelle allée.

- On ne s’arrête pas au bord de ce lac ? Interrogea-t-elle, trouvant déjà


l’endroit romantique à souhait.

- De nuit, il y a encore mieux.

Durant dix minutes supplémentaires, Bucky prit une pente clairement


ascendante en épingle semblable à une route de montagne. Une fois arrivés en
haut des lieux, ce fut l’émerveillement…

Ayant pris clairement de la hauteur, Bucky put contempler un panorama


relativement lointain de Paris. Le phare de la tour Eiffel au moment de son passage
sur elle illuminait les lieux ; une belle colline de verdure avec de gros rochers pour
s’installer était à disposition. De plus haut, la vue sur le lac en contre-bas était
encore plus agréable.

Béhuit invita Bucky à s’asseoir avec lui sur le rocher le plus élevé afin de
profiter au mieux du paysage délicatement éclairé par l’éclairage urbain
relativement lointain et de la lune, encore plus belle d’ici. Il faisait relativement
froid, la pom-pom-girl se colla contre lui pour ne pas grelotter. Sentant
probablement que la fraîcheur l’incommodait, Béhuit retira son manteau pour lui
mettre sur ses épaules afin de la couvrir un peu plus.

- Cet endroit mériterait d’être plus connu, souligna-t-elle.

- Je ne suis pas revenu ici depuis des lustres. Quasiment rien n’a changé.
J’y passais des moments agréables avec mes amis à l’époque. Je voulais y
repasser, mais pas seul, je voulais partager cela avec quelqu’un qui compte pour
moi !

263
Même si l’endroit était particulièrement saisissant visuellement et apaisant
auditivement. Bucky n’y prêta plus attention. Elle contempla Béhuit puis
l’embrassa. Elle était tellement heureuse qu’il lui pardonne son inexplicable erreur
avec Creth.

- Plus qu’un repas chaud et tout serait parfait, lui annonça-t-elle.

- Rien n’est perdu ! Que désires-tu manger ? On va se faire livrer par drone !

- Béhuit, les drones ne livrent pas à des endroits non autorisés, lui fit-elle
remarquer.

- A cœur vaillant, rien d’impossible ! Une pizza, ça te convient ?

Bucky cligna des yeux pour lui donner son accord. Il était en principe
autorisé de se faire livrer par drone qu’à des adresses privées exactes, mais son
professeur l’avait déjà surprise tellement de fois que plus rien ne l’étonnait
désormais.

Après quelques minutes à pianoter sur son téléphone à l’abri de son regard.
Béhuit lui annonça que la pizza arriverait dans moins de vingt minutes. Il profita
du temps qui leur était donné pour la faire se lever.

- Que cherches-tu à me faire faire ? Demanda-t-elle bien plus curieuse


qu’inquiète.

- C’est dans des endroits comme cela que l’on ressent le plus la vie, cette
énergie invisible qui nous entoure. Je vais te montrer, tends légèrement les bras
et ferme les yeux, lui dit-il tout en l’aidant à garder l’équilibre avec ses mains sur
ses hanches pour prévenir de toute chute. Maintenant, ressens cette brise. Elle est
pleine de vie. Elle t’apaise, te renforce en te traversant. Tu ressens quelque chose ?

- Oui…. Tes mains posées sur mes hanches et qu’il fait fichtrement froid !
Lui répondit-elle, en souriant tout en gardant les yeux fermés.

- Ce n’est pas la réponse que j’espérais, rigola-t-il, mais c’est mieux que rien !

Bucky rouvrit les yeux pour se tourner vers son partenaire. Elle n’avait pas
vraiment compris où il voulait en venir avec cette expérience, mais elle passait un
agréable moment avec lui et l’essentiel était là.

***

264
Bucky et Béhuit quittèrent les lieux après avoir mangé leur pizza. Béhuit
avait été un peu plus entreprenant avec elle une fois la pizza reine avalée, mais
l’étudiante lui fit remarquer que malgré également son fort désir de répondre
favorablement à ses avances, elle avait bien trop froid pour se laisser dévêtir.
Aussi avaient-ils finalement opté pour réserver une chambre dans l’hôtel le plus
proche à même pas un kilomètre de leur lieu de stationnement.

Une fois dans la chambre réservée qui s’avérait être loin du haut standing,
ils s’installèrent sur le lit pour repartir ce sur quoi ils s’étaient arrêtés. Lentement,
Béhuit commença à passer une de ses mains sous les vêtements de l’étudiante
pour mieux la sentir. Elle en fit de même tout en continuant à l’embrasser, profitant
un maximum de cet instant qu’elle ne pensait plus jamais revivre… jusqu’à ce que
le téléphone de Béhuit, ainsi que sa montre, ne se mettent à vibrer. L’étudiante
chercha à lui faire rejeter l’appel… en vain ! Il lui faisait comprendre que cet appel
devait être important.

L’appel fut très bref et Béhuit ne parla quasiment pas, si bien qu’il fut
impossible pour Bucky de savoir qui était au bout du fil. Pas bien important, elle
souhaitait reprendre où ils s’étaient arrêtés, mais à la vue de la mimique du visage
de son petit ami, c’était mal parti !

- C’était Céssix… lui dit-il gêné.

- Céssix ? Tu veux dire une autre amie qui porte le même prénom que ton
ex qui cherche à te remettre le grappin dessus et qui est également la directrice
de mon établissement ? Demanda-t-elle avec humour, mais sans pouvoir
dissimuler une certaine nervosité.

- Elle va passer me chercher sous peu. Je suis… désolé ma pom-pom. Je


vais te laisser les clés de ma voiture pour que tu puisses rentrer demain matin, dit-
il embarrassé.

- Si on a décidé de prendre cette chambre d’hôtel sordide ensemble, ce


n’était pas vraiment pour y dormir, et encore moins, seul de surcroît. Je sais que
je ne suis pas idéalement placée pour te faire une scène de jalousie après ma
conduite, mais je dois bien admettre que je ne suis pas sereine de te savoir avec
elle et assez déçue que tu me laisses en plan comme cela.

- Premièrement, ne te dévalorise pas après ce qui s’est passé avec Creth, je


t’ai demandé d’oublier cet incident pour ton bien… et le mien. Deuxièmement, il est

265
légitime que tu sois quelque peu inquiète, mais je t’assure qu’il n’y a plus aucune
relation amoureuse entre Céssix et moi, il faut que tu apprennes à me faire
confiance.

- Je te fais confiance… mais absolument pas à elle ! Elle cherche clairement


à te récupérer au cas où tu n’aurais pas compris. J’aimerais également savoir
comment elle sait où tu te trouves, elle te piste ? Et…

Béhuit se contenta de l’embrasser afin qu’elle cesse de parler, moyen futé


de sa part pour aisément reprendre la parole :

- Fais-moi confiance Bucky… sans poser de question !

- Je t’aime, se contenta-t-elle d’ajouter afin de lui montrer une fois de plus


que ses sentiments envers lui étaient forts et sincères.

Béhuit se leva et remit son manteau avant de donner sa clé de voiture à son
étudiante. Il était presque trois heures du matin et Bucky avait en principe cours le
lendemain. Elle décida de rentrer tout de suite en descendant en même temps que
lui. Aucun intérêt de rester dans une chambre d’hôtel miteuse pour passer la nuit.

Arrivés en bas, un gros SUV noir attendait déjà son compagnon. Les vitres
du véhicule étaient teintées et elle ne pouvait pas voir qui se trouvait à l’intérieur,
mais il y avait fort à parier que Céssix était dedans.

- On se revoit dans quelques heures à l’E2C ? Demanda-t-elle avant qu’il ne


se dirige vers le mystérieux véhicule.

- Je ne sais pas, mais je t’appelle, promis ! Dit-il avant de l’embrasser une


dernière fois et de monter dans le véhicule, avant qu’il ne quitte rapidement les
lieux.

***

Bucky rentra chez les Donerm non sans difficulté. Au volant de la vieille Audi
de Béhuit, c’était la toute première fois qu’elle conduisait une boîte manuelle et un
véhicule aussi puissant et long de surcroît. Pour rajouter au stress la voiture était
sur la réserve, il ne restait que 70 km d’autonomie. Après quelques sueurs froides
et avoir torturé une bonne dizaine de fois l’embrayage du véhicule, elle finit à bon

266
port par se garer juste devant le pavillon des Donerm avant d’entrer pour rejoindre
la chambre de Nolwenn.

Malgré l’heure très matinale désormais, Nolwenn se retourna pour


questionner Bucky.

- Tout s’est bien passé avec Béhuit ?

- Oui, il a juste dû repartir en urgence et je ne sais pas pourquoi. J’ignore


même s’il sera présent à l’E2C demain, s’inquiéta-t-elle.

- Vu l’heure qu’il est, je te conseille de te coucher dès maintenant si tu


souhaites pouvoir tenir toute la journée de demain. Je suis heureuse pour toi
Bucky.

- Rendors toi ! Lui répondit son amie en souriant avant de rapidement se


mettre au lit après avoir enfilé un pyjama.

***

Dix heures du matin. Bucky ouvrit enfin un œil. Le cours du lundi matin
d’expression écrite avait déjà officiellement été séché par la jeune fille et même
en se préparant rapidement, elle allait aussi devoir faire l’impasse sur les deux
heures de cours de physique quantique qui suivaient. Nolwenn n’avait même pas
essayé de la réveiller ou elle avait tout simplement échoué à le faire. La capitaine
des pom-pom-girls n’en avait pas le moindre souvenir.

Bucky posa immédiatement la main sur son smartphone. Elle avait reçu un
simple SMS lui indiquant que Nolwenn lui fournirait les cours qu’elle allait manquer
et qu’elle avait pris sa jolie voiture fuchsia et bleue pour se rendre en cours ayant
remarqué que le long coupé de Béhuit était en sa possession, garé juste devant
chez elle.

Il n’y avait en revanche pas de nouvelle émanant de son petit ami. Aussi
tenta-t-elle de lui envoyer un message : "Je viens à peine de me lever et tu me
manques déjà. J’espère que tout va bien pour toi. Je pars bientôt sur le campus, en
espérant t’y voir au moins ce soir. Je t’aime". Le message resta sans retour.

267
***

L’étudiante à la mèche fuchsia arriva sur le campus le plus discrètement


possible par "l’entrée sport" du campus. Il était onze heures, et à cet horaire,
quasiment tout le monde était en cours. Seule de la rare mauvaise graine comme
Bucky qui avait eu une panne de réveil n’était pas en classe. Alors qu’il y avait des
places de disponibles pour stationner tout près des gymnases de l’E2C, l’étudiante
décida de se garer bien plus loin. Nolwenn n’avait pas bien réfléchi le matin en
prenant la voiture de son amie pour se rendre sur le campus. En effet, de ce fait
obligé de prendre le véhicule de son professeur de sport, Bucky pouvait éveiller les
soupçons de certains étudiants en arrivant avec. Elle fut très prudente et la plus
discrète possible. A priori, les rares passants ne l’avaient pas repérée. Sa liaison
avec Béhuit allait pouvoir rester secrète.

Elle se posa à la cafétéria avec une bonne longueur d’avance sur ses
camarades puis décida de s’aider de quelques vidéos et de l’intelligence artificielle
pour avancer sur sa chorégraphie pour ne pas rester dans l’oisiveté. Cela lui
permettait d’éviter de penser à Béhuit… qui ne lui avait toujours pas répondu !

***

A un peu plus de midi, toutes les amies de Bucky lui tombèrent une à une
dans les bras. La capitaine des pom-pom-girls était finalement revenue sur sa
décision de stopper ses études. Hormis les pom-pom affiliées et les frères
Donerm, personne n’avait été mis au courant du départ avorté de Bucky et pour
cause, la rixe entre Creth et Béhuit était sur toutes les lèvres ! Et les rumeurs
allaient bon train étant donné qu’il n’y avait rien pour les éteindre ; Creth n’était pas
là et personne n’avait eu de ses nouvelles, Béhuit n’avait pas assuré ses cours de
ce matin et Céssix Sky était également absente du campus.

Bucky fut, un moment, inquiète sur le fait que quelqu’un fasse le


rapprochement avec sa non-participation au dernier match des garçons, mais
Nolwenn et ses camarades pom-pom-girls avaient habilement procédé en
expliquant que l’absence était due à des soucis d’ordre féminin ; impossible qu’un
membre de l’équipe masculine de volley ou toute autre personne du même sexe
ne demande plus de détails ! Les pom-pom-girls n’avaient donc rien divulgué de sa

268
relation avec l’entraîneur de volley et les frères Donerm, mis dans la confidence,
n’avaient également rien dit à leurs coéquipiers de volley-ball. Une très bonne
nouvelle pour Bucky qui n’allait donc pas être accusée de tous les maux de l’équipe
de volley qui avait vu sa séance tactique de ce midi annulée pour cause d’absence
de l’entraîneur. Elle ne pouvait cependant pas s’empêcher une certaine culpabilité
quant à la situation.

Le sujet de discussion ne varia pas du repas. Qu’allait-il advenir de Creth et


de la section masculine de volley-ball ? Les amies de Bucky tentèrent bien d’en
savoir plus en lui demandant des informations sur le devenir de l’équipe et si leur
capitaine était bien la cause de cette confrontation, mais elle ne put répondre. Elle
n’en savait tout simplement rien, seulement que Céssix Sky et Béhuit étaient partis
ensemble pour une destination inconnue. Cette absence avait-elle réellement un
rapport avec Creth ? Elle n’en était même pas certaine ! Elle ne jugea pas utile d’en
parler à ses amies.

***

Sans surprise, l’équipe de volley se retrouva le soir pour l’entraînement sans


Creth… et sans Béhuit. L’entraîneur de volley et professeur d’EPS ne lui avait
d’ailleurs toujours pas donné de nouvelles à la suite de son message matinal. Elle
n’était pas rassurée de savoir son petit ami avec son ex durant une aussi longue
période. Elle s’imaginait des scènes, loin d’être agréable pour elle, entre lui et sa
directrice.

Sans la moindre information, l’équipe se mit d’accord pour faire un petit


match, mais le moral n’y était clairement pas et lorsque Meyrie arriva pour diriger
Bucky et sa troupe après être passée voir les groupes de filles affiliés au handball
et au basket-ball, ce fut carrément la déprime. Elle venait d’avoir une information ;
la direction de l’E2C, et donc Céssix Sky avait décidé de renvoyer définitivement
Creth de l’E2C pour son comportement.

Bucky trouva la sanction particulièrement sévère, notamment pour l’équipe


de volley-ball. Un simple avertissement avec une demande d’excuse, comme cela
avait été le cas pour elle, aurait peut-être suffi ? Elle s’en était finalement très bien
sortie après son erreur à Munich. Béhuit lui avait sauvé la mise en intervenant
auprès de Madame Sky. Cette directrice n’était définitivement pas commode et

269
une fois de plus, elle le prouvait. La capitaine des pom-pom-girls accusa un peu le
coup tout au long de son entraînement. Elle n’était clairement plus amoureuse de
Creth. L’avait-elle été un jour ? Mais elle ne lui souhaitait pas tout ce mal. Il avait
certes été très insistant après leur rupture et elle s’était laissé emporter, elle ne
s’expliquait toujours pas pourquoi, lors du dernier match, mais il n’avait jamais
véritablement été malveillant avec elle. Concernant ses pratiques sexuelles, c’était
déjà plus litigieux ! Le seul point positif qu’elle y voyait, c’était d’être certaine de ne
pas se retrouver, mal à l’aise, entre lui et Béhuit à l’avenir. Effacer de sa mémoire
cette erreur allait être plus simple.

A la fin de l’entraînement dans une déprime générale, plusieurs personnes


mirent la main sur leur portable et indiquèrent aux autres qu’un message avait été
envoyé par la direction de l’E2C ; la classe de Bucky ne commencerait qu’à dix
heures demain, le cours d’EPS du matin avec Béhuit était annulé. Bucky n’avait, de
son côté, toujours pas la moindre nouvelle de lui. Rien n’avait été précisé sur
l’entraînement de volley qui devait avoir lieu en soirée. Elle rentra chez Béhuit en
dernière avec l’Audi blanche qu’elle décida de garer devant la magnifique villa de
son compagnon. Toutes les lumières étaient éteintes, personne ne s’y trouvait. Elle
laissa les clés dans la boîte aux lettres et chercha à le joindre pour au moins le
prévenir que son véhicule et sa clé l’attendaient devant chez lui, mais elle tomba
directement sur le répondeur. Que pouvait-il bien faire ? Allait-il bien ? Était-il
tombé sous les avances de Céssix ? Elle comprendrait parfaitement une sorte de
vengeance de la part de son petit ami en faisant un écart, même si ça ne
l’enchantait guère.

Une fois chez les Donerm et sachant qu’elle commençait tard le lendemain,
elle entreprit de rattraper ses cours matinaux auxquels elle n’avait pas assisté. Elle
ne fut dérangée que par ses parents par une visio de dix minutes qui voulaient
savoir si tout allait réellement bien pour elle après sa décision de dernière minute
de ne pas partir. Elle leur répondit par l’affirmative et qu’elle se sentait très
amoureuse de cet homme qui lui avait pardonné son écart de conduite. Elle parla
un minimum de lui en prenant soin de ne pas préciser qu’il s’agissait de son
professeur d’EPS. Elle appréhendait leur réaction.

Bucky ne put finir de rattraper l’intégralité de ses cours, la fatigue la gagnait.


Avant de se coucher, elle laissa un dernier message à Béhuit… toujours sans
retour.

***

270
Nolwenn secoua vigoureusement son amie pour la réveiller. Il n’était
même pas encore neuf heures et le premier cours de la journée n’était pas prévu
avant un petit moment encore, mais le smartphone de Bucky vibrait et sonnait en
continu. Le nom de la demande de visio entrante était clairement affiché : Béhuit
Ciel.

- Bucky, réveille-toi, c’est Béhuit qui cherche à te joindre ! Lui dit Nolwenn en
lui tendant son téléphone.

Au nom de son petit ami, elle sursauta et prit le téléphone tendu par son
amie.

- Mais c’est un appel en visio ! S’inquiéta-t-elle.

- Et ?

- Je ne suis même pas coiffée, habillée et maquillée ! S’affola-t-elle.


Réponds ! Finit-elle par lui dire avant de courir dans la salle de bains avec quelques
vêtements.

- Il t’a déjà vue dans cet état à Sarlat, je crois ?

- Oui, mais on vient de se réconcilier, il est avec Céssix, je n’ai pas envie de
lui montrer un laisser-aller !

- Et je lui dis quoi ?

- Peu importe, gagne du temps ! Cria Bucky.

Totalement prise au piège par son amie. Nolwenn décrocha avec son plus
beau sourire. Elle ne savait pas du tout comment elle allait pouvoir gagner du
temps afin que Bucky se rende plus présentable. La seule chose qui la rassura
quelque peu, c’était qu’elle s’entendait plutôt bien avec le professeur.

- Nolwenn ! Sais-tu que ce n’est pas très sympathique de répondre à un


appel privé en visio qui ne t’est pas destiné, dit Béhuit.

- C’est elle qui m’a demandé de répondre ! Avoua-t-elle sans détour.

- Ah, un problème ? S’inquiéta-t-il.

- Non, du tout, elle attendait ton appel avec impatience.

271
- Dans ce cas passe là moi, s’il te plaît.

- Bucky, sors vite de la douche ! Béhuit t’attend, cria-t-elle.

Alors que Bucky peinait à se coiffer tout en retirant son pyjama,


particulièrement moche, pour s’habiller, elle entendit Nolwenn lui crier de sortir de
la douche. Volontairement ou pas, sa meilleure amie avait eu une idée d’enfer ! Elle
lâcha son peigne et termina de se dévêtir pour sauter dans la douche, tête la
première, se mouiller les cheveux et le visage, avant d’enfiler une serviette de bain
autour d’elle, juste avant que Nolwenn n’entre dans la salle de bain pour lui donner
le téléphone. Elle allait pouvoir donner le change, les cheveux dégoulinant d’eau lui
permettait de cacher sa coiffure déplorable et pleine d’épis du matin et le visage
humide avec l’éclairage de la salle de bain lui donnait un meilleur teint.

- Désolé, j’étais sous la douche ! Lui répondit-elle.

- Désolé de ne pas t’avoir contacté avant, s’excusa-t-il immédiatement. Je


regrette de ne pas avoir appelé un peu plus tôt pour te voir directement sous la
douche, ajouta-t-il malicieusement en la voyant simplement vêtue d’une serviette
de bain.

- Je ne suis pas certaine que tu en aurais véritablement profité…Quand


reviens-tu ? Tu me manques terriblement, à moi et à l’équipe de volley. Creth a été
renvoyé définitivement du campus.

- Je suis au courant pour Creth, je pense être de retour avec Céssix pour
l’entraînement de ce soir.

- Super nouvelle ! Enfin, je parlais pour toi. Pour Céssix, son absence ne
manque à personne. D’ailleurs où êtes-vous tous les deux et que faites-vous de
particulier ?

- Bucky, je peux simplement te dire que nous sommes en Bretagne, sur la


côte. On est venu rendre hommage avec Céssix à une amie commune. Je ne peux
malheureusement rien te dire de plus.

Une fois de plus, Bucky prit sur elle et fit un mouvement de tête pour montrer
qu’elle acceptait de ne pas en savoir plus. A l’image, Béhuit était dehors dans un
coin de verdure, très proche de la mer, elle pouvait la voir en arrière-plan.

- Je suis désolée pour ton amie. Tu tiens le coup ?

- En grande partie grâce à toi, lui répondit-il.

272
Même si le moment ne s’y prêtait probablement pas, Bucky sourit à pleines
dents. Rien ne lui faisait plus plaisir que de savoir qu’elle lui remontait le moral.
Une preuve supplémentaire des sentiments qu’il portait à son égard. Elle sentit une
intense chaleur émanant de sa poitrine, son cœur battait plus rapidement. Plus
que tout, elle désirait le revoir au plus vite pour lui montrer la réciprocité de ses
sentiments. Les preuves s’accumulaient de plus en plus ; ils étaient faits l’un pour
l’autre !

- As-tu la possibilité d’amener ma voiture sur le campus afin que je puisse


l’utiliser dès la fin de notre entraînement ? Demanda Béhuit.

- Tes désirs sont des ordres, répondit-elle sans même réfléchir. Si tu as


d’autres désirs, sache que je suis ouverte à toute suggestion… après
l’entraînement par exemple ?

- La voiture était déjà un bon point de départ, mais je prépare quelques


suggestions additionnelles pour mon retour. Je suis désolé, je dois te laisser,
continua-t-il déçu.

Sans répondre, Bucky se mit à embrasser l’écran de son smartphone afin


de lui faire passer un message clair sans utiliser de mots.

- A ce soir ma pom-pom ! Entendit-elle avant que la communication ne


s’arrête.

Plus que quelques heures avant de le retrouver, Bucky retourna sous la


douche avant de commencer sa journée en prévision de paraître sous son meilleur
jour pour le soir.

***

Comme demandé par son petit-ami, Bucky confia une fois de plus sa voiture
à Nolwenn afin de prendre le véhicule de son compagnon pour pouvoir le garer sur
le parking coté sport du campus. Grâce à un aimant fixé à une tige métallique, elle
réussit non sans difficulté à récupérer la clé du véhicule qu’elle avait déposée dans
la boîte aux lettres sous le regard suspicieux d’un des voisins. Elle n’était vraiment
pas à l’aise avec une boîte de vitesse manuelle, la longueur du véhicule et sa
puissance, mais la route pour rejoindre l’E2C n’était pas très longue. Elle s’en était
bien sortie, non sans mal, pour rentrer des environs de l’aéroport du Bourget de

273
nuit ainsi que le lendemain matin. Elle repartit de la maison de Béhuit, toujours
sans vie, un peu anxieuse.

Au bout de quelques kilomètres, la moitié de la route avait déjà été avalée.


Bucky commençait à dompter de mieux en mieux le passage de vitesse.
L’embrayage criait moins à chaque changement de rapport. Ce n’était finalement
pas si compliqué que cela, mais l’étudiante préférait définitivement la boîte
automatique et le mode semi-autonome de conduite des véhicules modernes.
Pourquoi faire des actions supplémentaires quand l’électronique et la technologie
en étaient capables ? En confiance, elle choisit de passer par une rue assez étroite
avec un virage très sec afin de gagner un peu de temps sur l’itinéraire. Avec sa
voiture, elle prenait tout le temps ce raccourci pour rejoindre le campus. Mais au
moment de manœuvrer pour un virage sur sa gauche, elle s’aperçut rapidement
que le souci principal de l’Audi n’était pas sa boîte manuelle… mais sa longueur.
Bucky avait pris son virage comme si elle conduisait sa Tesla modèle 1 avec une
voiture bien plus longue et un rayon de braquage totalement différent, et avant
même de pouvoir rectifier le tir d’un virage bien trop serré et pris légèrement trop
vite pour éviter de passer un rapport de vitesse inférieur, elle frotta le véhicule
contre une bordure béton !

Paniquée, elle s’arrêta quelques décamètres plus loin en espérant ne pas


avoir fait de dégâts. Loupé ! La carrosserie de la porte avant côté conducteur
n’avait pas bougé, mais la peinture avait clairement disparu sur vingt bons
centimètres laissant une rayure bien visible. Bucky eut beau frotter stupidement le
coin endommagé pour tenter de faire disparaître son méfait, elle se rendit à
l’évidence. Elle allait devoir expliquer à son petit ami qu’elle avait abîmé sa voiture.
Voiture à laquelle il semblait tenir. Elle appréhendait déjà sa réaction. Les hommes
et leurs véhicules, c’était parfois quelque chose !

Elle arriva à destination, dépitée. Afin de rester discrète, elle se gara encore
une fois assez loin des gymnases pour éviter de se faire repérer dans le véhicule
de son professeur par d’autres étudiants. En sortant, elle bougea à plusieurs
reprises la portière comme pour mieux contempler son œuvre sur la peinture
blanche. Quelque chose l’intriguait. En plus de la peinture rayée, la portière faisait
un bruit étrange à chaque mouvement de fermeture ou d’ouverture initié par Bucky.
Une pièce semblait avoir cassé de l’intérieur. Elle crut au départ à un objet rangé
dans la portière qui se déplaçait au gré des mouvements, mais il n’y avait rien, mis
à part une bouteille d’eau solidement ancrée dedans qui ne pouvait clairement pas
être à l’origine du bruit métallique qu’elle entendait. Cherchant à en comprendre
l’origine, elle regarda plus en détail. Aucun indice jusqu’à ce qu’elle soulève la

274
bouteille d’eau. La configuration de rangement était clairement bombée, non pas
par le choc ; la carrosserie n’avait de toute manière pas été endommagée, mais
comme si un compartiment supplémentaire était présent sous le premier qui
permettait de ranger une bouteille. Poussée par la curiosité, elle ne mit pas
longtemps à comprendre comment ouvrir cette alcôve dissimulée. Lorsqu’elle la
souleva, elle fut terrifiée de ce qu’elle y trouva. Un pistolet était placée dedans avec
une autre pièce. Bucky ne s’y connaissait pas du tout en arme à feu, mais elle
devinait que la pièce supplémentaire était un chargeur pour l’arme. Béhuit se
baladait donc armer dans sa voiture ! Les étrangetés qu’elle avait découvertes sur
lui et ses secrets ne l’avaient pas inquiétée outre mesure jusqu’à maintenant, mais
cette fois, Bucky entrait clairement sur un terrain glissant. On ne se baladait pas
en France avec une arme létale de ce type par hasard. Comment devait-elle réagir
vis-à-vis de Béhuit ? Le quitter ? Certainement pas, elle en était tombée follement
amoureuse. Lui en parler directement pour en savoir plus ? Lui dirait-il seulement
quelque chose ? Et comment le prendrait-il ? Elle ne voulait pas prendre le risque
de le perdre alors qu’il venait juste de lui pardonner sa faute avec Creth, aussi
préféra-t-elle opter pour faire semblant de ne rien avoir vu et essayer d’en savoir
plus d’elle-même. Après avoir pris quelques photos de l’arme avec son
smartphone, elle la replaça dans le compartiment dissimulé où elle se trouvait et
remit la bouteille d’eau à sa place par-dessus. Bucky referma ensuite le véhicule
et se pressa vers sa salle de cours, elle avait pris du retard.

***

La capitaine des pom-pom-girls avait passé l’essentiel de sa journée à


regarder sa montre connectée pour savoir avec exactitude le temps qui lui restait
avant son entraînement de ce soir commun avec celui de l’équipe de volley-ball.
Elle avait survolé ses cours de Maths, Biologie et Informatique en y prêtant que
peu d’attention. Obnubilée par son impatience de revoir Béhuit… et par ce qu’elle
avait découvert dans sa voiture. Elle aurait apprécié partager ses informations
avec quelqu’un, au moins Nolwenn, mais promesse avait été faite de ne rien révéler
sur lui à son entourage, elle commençait à comprendre pourquoi ! Elle ne voulait
pas le décevoir une seconde fois. Son erreur avec Creth n’aurait déjà jamais dû
être pardonnée.

Dans sa tête, elle revisionnait tous les évènements suspects qu’elle avait
vécus avec lui. Un comportement très méfiant de sa part lors de leur première

275
rencontre où il s’attendait à une surprise… qui n’était pas elle et la danse sensuelle
qu’elle lui avait proposé et où il avait donc pensé un moment à menacer Bucky
avec une arme à feu. Un rendez-vous des plus étrange dans un parking désert avec
un individu tout droit sorti du film Men in black. Un train de vie bien supérieur à ce
à quoi il pouvait prétendre. Un faux CV non vérifié qui lui avait permis d’entrer en
tant que professeur à l’E2C. Son mutisme sur ce qui s’était réellement passé avec
les deux agresseurs qui avaient tenté d’abuser d’elle. Sa capacité à faire plier les
forces de l’ordre en discutant simplement avec eux pour un contrôle routier ou le
passage d’un point aéroportuaire. Son étrange relation avec Céssix, son ex,
clairement dans la confidence et agissant probablement de concert avec lui et
récemment arrivée en tant que directrice sur ce campus alors qu’elle semblait bien
jeune pour ce poste. Que lui cachait-il réellement ? Il fallait qu’elle en sache plus.
Béhuit était quelqu’un de profondément bon, elle le sentait. Ce qu’il lui cachait avait
forcément un but louable. Pourvu que ses sentiments ne lui fassent pas perdre
son discernement, pensa-t-elle un moment. La chute serait vertigineuse pour elle.

Elle profita de la fin de son dernier cours avant la danse pour se renseigner
un peu plus sur l’arme qu’elle avait photographiée. Grâce à l’intelligence artificielle
disponible via son smartphone, elle trouva rapidement l’arme que possédait Béhuit
grâce uniquement à la photo qu’elle avait prise ; un Glock-19 de septième
génération. En se renseignant un peu plus, elle apprit que ce pistolet semi-
automatique était considéré comme l’un des meilleurs au monde ; pour preuve, la
police, la gendarmerie et les militaires l’utilisaient, même les agents
gouvernementaux ! Béhuit travaillait-il pour l’une de ces unités ? Un policier en civil
peut-être ? Cela expliquerait partiellement les choses.

Le cours optionnel de danse qui suivait, et qui d’ordinaire la passionnait, la


vit tout faire en retard avec tout ce qui trottait dans sa tête. Bucky allait devoir se
reprendre pour assurer son diplôme de fin d’études, mais elle n’avait qu’une chose
en tête ; revoir l’entraîneur de volley-ball des garçons, car il lui manquait et voulait,
après réflexion, lui faire part de ce qu’elle avait découvert dans l’Audi blanche…
qu’elle avait en plus abîmée !

Une fois le cours de danse terminé, elle se rua vers le gymnase utilisé pour
le volley pour entrer le plus rapidement possible dans le vestiaire dédié aux filles.
Béhuit n’était pas encore arrivé et c’était tant mieux. Bien que la tenue de pom-
pom-girl soit facultative lors des entraînements, elle était fermement décidée
aujourd’hui à se vêtir, se coiffer et se maquiller comme pour un soir de match.
Béhuit lui avait avoué qu’elle le faisait fantasmer quand elle était dans cette tenue ;
elle était fermement décidée à lui faire assouvir ce fantasme le plus fréquemment

276
possible. Cela permettrait peut-être de mieux faire passer la découverte de son
arme… et son futur devis peinture chez le carrossier.

Se mettre à son avantage prit tellement de temps qu’elle fut la dernière à


mettre les baskets sur le sol synthétique du gymnase. Toutes les filles avaient déjà
commencé quelques assouplissements. Les volleyeurs attendaient assis sur le
côté du gymnase, le moral en berne, en attendant leur entraîneur. Béhuit allait-il
parvenir à redresser l’équipe de ce coup terrible qu’était le renvoi de Creth, rentré
au Canada aux dernières nouvelles.

Voyant que Béhuit n’était toujours pas arrivé. Bucky s’inquiéta.


L’entraînement avait déjà officiellement commencé depuis dix minutes. Les
garçons se décidèrent finalement à commencer de manière autonome un
échauffement en espérant que leur entraîneur arrive comme cela était prévu, mais
certaines rumeurs disaient qu’il ne reviendrait pas non plus, choqué par ce qui
s’était passé avec Creth. La capitaine des pom-pom-girls savait que ce n’était pas
le cas, mais n’en fit pas part aux garçons. Elle ne pouvait pas prétendre à plus
d’informations qu’eux et cela n’expliquait pas l’absence de ce soir.

L’échauffement touchait à sa fin. Dans une ambiance particulière et avec


Meyrie présente encore ce soir, les filles allaient pouvoir tenter un premier jet de
leur nouvelle chorégraphie de présentation de l’équipe de volley… quand le
portable de Bucky se mit à sonner. Elle l’avait déposé non loin de là. Elle savait qui
tentait de la joindre dès le début de la sonnerie. Son smartphone était en mode
vibreur, sauf pour les appels de Béhuit ! Elle courut vers son portable avant de
sortir du gymnase pour répondre afin que personne n’écoute sa discussion et n’en
connaisse la provenance, même si une partie de ses amies pom-pom-girls
devaient s’en douter.

- Dis-moi simplement que tu arrives bientôt ! Dit-elle fébrilement à peine


l’appel accepté et sentant son cœur s’emballer.

- J’ai un contre-temps, on a un pépin mécanique avec Céssix, lui annonça


Béhuit.

- Et du coup pour l’entraînement de ce soir ? Questionna-t-elle.

- Ça va être compliqué, on est en pleine campagne et on doit patienter


demain pour obtenir un véhicule de remplacement. Par chance, on a trouvé un
hôtel, même s’il ne reste plus qu’une seule chambre de libre.

277
Le sang de l’étudiante ne fit qu’un tour. Elle avait immédiatement compris
ce que cela impliquait entre son petit ami et Céssix Sky.

- Rassure-moi, elle dort dans la baignoire ? Parce que si ce n’est pas le cas,
elle va d’abord te proposer de dormir dans le même lit, t’expliquer qu’elle n’a rien
prévu pour dormir et donc se coucher nue dans les mêmes draps que toi. Elle
prétendra bien évidemment qu’elle a froid et en tissant lentement sa toile telle une
veuve noire, elle va se retrouver…

- Quelle imagination débordante ! Entendit-elle de son combiné… et de vive-


voix !

Elle se retourna immédiatement. Il était là ! Avec son téléphone en lui


souriant.

- Tu permets ! Je dois terminer mon appel avec la personne au bout de la


ligne en lui indiquant que je trouve son humour vraiment moyen sur ce coup-là, dit-
elle en mettant la main sur son combiné pour faire semblant que son interlocuteur
au téléphone ne l’entende pas avant de raccrocher et de se jeter sur lui pour
l’embrasser.

- Je crois que tu as raccroché au nez de ton interlocuteur ! Souligna Béhuit


une fois le baiser terminé.

- C’est tout ce qu’il méritait ! Je ne trouve vraiment pas ça drôle.

- Je suis désolé, je n’ai pas pu m’en empêcher ! Rigola-t-il. Comment va


l’équipe ?

- Comme moi il y a quelques secondes, quand je venais d’apprendre que


mon petit copain allait coucher dans le même lit que son ex !

- Si mal que ça ! Je vais tenter d’arranger les choses avec l’équipe et tout
faire pour me faire pardonner de ma pom-pom préférée !

- Les deux tâches s’annoncent compliquées, répondit-elle en souriant, lui


montrant clairement qu’elle lui avait déjà pardonné sa petite blague.

- Et si je te propose une fin de soirée, seuls, chez moi, avec la villa que pour
nous deux ?

- Je te répondrais de rapidement résoudre l’autre problème, celui de ton


équipe de volley afin de profiter le plus rapidement possible de ta pom-pom.

278
- Je te laisserai même choisir la position pour notre corps à corps, inclus
dans le programme ! Lui annonça Béhuit d’un ton plus bas.

Bucky ne manqua pas de profiter de cette proposition pour se venger de la


blague de son compagnon pour la rendre jalouse.

- J’opterai bien pour celle de la moto, répondit-elle avec un sourire en coin.

- Je ne la connais pas, dit Béhuit intrigué.

- C’est celle où tu dors sur la béquille ! Rigola-t-elle. Il faut bien que je me


venge de ta blague, plaisanta-t-elle.

Elle l’embrassa de nouveau avant qu’il n’entre dans le gymnase. Elle avait
décidé de ne pas lui parler tout de suite de l’état de son véhicule et de l’arme à feu
qu’elle avait trouvée à l’intérieur. Elle ne voulait pas prendre le risque de gâcher le
programme post-entraînement que lui proposait son professeur de sport.

L’entrée de l’entraîneur de volley-ball fut accueillie par de larges sourires,


que ce soit du côté des pom-pom-girls ou des volleyeurs. La présence de Béhuit
rassura immédiatement tout le monde, la saison allait pouvoir se poursuivre et il
avait déjà une idée en tête pour remplacer Creth d’après ce que les pom-pom-girls
avaient pu entendre au loin.

Bucky signifia à ses amies qu’il était temps de s’y mettre ! Le programme
était encore chargé ce soir et il fallait avancer encore et toujours sur cette
chorégraphie. En regardant une dernière fois le centre du gymnase avant de lancer
le début de la chorégraphie, elle se disait qu’elle était heureuse, entourée de ses
amis, avec Béhuit qui dirigeait son équipe. Elle ne croyait pas pouvoir revivre cela
il y a peine deux jours. Son microcosme était de retour. Ne restait plus qu’à gérer
ce souci de rayures et d’armes à feu.

Pour la première fois en ces cinq années d’études ici, le gymnase n’avait
pas encore éteint son éclairage à vingt-trois heures en semaine. Les
entraînements de pom-pom-girls et de volley avaient largement débordé des
horaires théoriques. Du côté des pom-pom-girls de Meyrie, rien de bien étonnant.
La nouvelle chorégraphie devait absolument être prête pour le prochain match
dans onze jours pour avoir une chance d’être présentée au moins deux fois. Si la
nouvelle présentation de l’équipe des garçons ne se faisait pas à ce moment-là,
elle ne pourrait être "homologuée" par le campus qu’en fonction des prochains
résultats des volleyeurs et il n’y avait pas de quoi être vraiment optimiste, même
avec tout le positivisme du monde. Avec quatre défaites en autant de matches,

279
l’équipe de l’E2C était dernière de sa poule de sept équipes. Du côté des garçons,
Béhuit n’hésita pas à pousser ses troupes jusqu’à leurs limites. Il montrait
clairement à son équipe que malgré le départ de Creth et l’absence de victoire
jusqu’à maintenant, rien n’était encore perdu. En une soirée d’entraînement, il avait
réussi à redonner de l’espoir chez Antoine et ses coéquipiers par cet entraînement
et une livraison de pizzas au gymnase pour tout le monde en cette heure tardive.
Il ne manqua pas d’ailleurs d’inviter les pom-pom-girls et Meyrie pour ce petit
moment. La cohésion devait être la plus large possible et les pom-pom-girls
avaient clairement un effet mobilisant pour les volleyeurs. A dire vrai, c’étaient un
peu leur rôle premier.

Sans trop s’approcher durant ce repas de peur d’éveiller des soupçons,


Bucky jeta des regards furtifs vers Béhuit avec admiration. Son petit ami était un
génie ! Il avait réussi à fédérer un peu plus ce grand groupe composé de pom-pom-
girls et de volleyeur en plus de redonner espoir à l’équipe. Cette saison ne pouvait
pas se terminer comme les autres pour l’équipe de volley. Ce groupe méritait
d’aller plus loin que les poules de qualifications, il suffisait juste de ne pas terminer
dernier ! En voyant Anita dans les bras d’Erik, Antoine entourant des siens les
épaules de Glaème, Nolwenn et Shandrill rire aux éclats à une blague de Djurek,
Bucky souri. Son vœu fait à la vue de l’étoile filante intense juste avant de
commencer sa dernière année d’étude avait été exaucé ; cette année était la
meilleure. La différence avec les autres ; la présence des frères Donerm dans
l’équipe qu’elle soutenait, l’arrivée d’Anita pour assurer la relève des pom-pom-girls
et la rencontre de l’homme de sa vie avec qui elle pouvait partager tout cela !

Une fois le repas tardif terminé, tout le monde plia rapidement bagage. Il
faut dire qu’il y avait cours demain matin dès huit heures. A quelques mètres d’elle,
Nolwenn fit un signe discret à son amie en lui secouant les clés de la voiture bleue
et fuchsia. Bucky lui répondit par un non de la tête. Sa meilleure amie comprit
rapidement ; elle allait encore garder la voiture ce soir. Bucky rentrerait avec
Béhuit.

La pom-pom-girl attendit discrètement près de la sortie à l’extérieur du


gymnase que Meyrie termine une discussion avec Béhuit. L’attente, bien que
courte, la fit cogiter. Elle allait se retrouver seule avec Béhuit et devoir s’expliquer
quant à l’état de sa voiture. Meyrie sortit du gymnase pour rejoindre son véhicule,
Bucky resta dans la pénombre, pour ne pas être remarquée, puis se mit juste
devant l’entrée une fois son entraîneuse partie. Béhuit était en train de sortir à son
tour.

280
- Rassure-moi, tu as bien amené ma voiture ici ? Demanda-t-il à Bucky.

Elle sortit la clé de sa poche pour la lui tendre.

- D’ailleurs à ce propos… dit-elle en lui donnant.

Béhuit la regarda avec insistance, sans parler, il attendait la suite.

- J’ai pris un virage avec ta voiture… comme si c’était la mienne, mais je me


suis rapidement aperçue que les dimensions n’étaient pas vraiment les mêmes.

Craintive, elle ne lâcha pas l’expression du visage de son compagnon. Pas


de rictus de colère, c’était bon signe.

- Et ? Demanda-t-il en tournant légèrement la tête, prêt à connaître la


sentence.

- J’ai rayé ta peinture sur une petite dizaine de centimètres… mais je vais te
rembourser les réparations !

- Ce n’est pas ta faute, mais la mienne. Dans l’urgence, je t’ai confié ma


voiture sans même t’avoir demandé si tu te sentais capable de la conduire. Je suis
désolé.

Bucky fut très agréablement surprise. Elle connaissait l’amour de certains


hommes pour leurs véhicules et elle croyait que Béhuit faisait partie de cette
catégorie qui plaçait leur voiture au rang de membre familial proche. Visiblement,
ce n’était pas son cas.

- Tu ne m’en veux pas trop ?

- Ne t’inquiète pas, ce n’est que de la tôle, montre-moi, dit-il en lui indiquant


de l’accompagner jusqu’à la voiture, garée très loin sur le parking.

Un coup de lampe torche via le smartphone, et Bucky montra les dégâts sur
l’Audi.

- Je comprends mieux ton erreur d’appréciation, lui dit-il en regardant


l’étendue des rayures sur la carrosserie.

- Comment ça ? Lui demanda-t-elle pas totalement sereine.

- Ta rayure sur la carrosserie ne fait pas une petite dizaine de centimètres


mais vingt bons. Effectivement l’évaluation des distances et toi, la cohabitation a
l’air compliquée ! dit-il en souriant.

281
- A ma décharge, dans des situations bien précises, les garçons n’arrêtent
pas de faire passer des longueurs de 30 centimètres pour à peine la moitié !
Ironisa-t-elle.

- Je refuse d’aborder ce sujet délicat avec toi, sourit-il montrant qu’il aimait
toujours autant la répartie de sa petite amie.

Elle sourit également, la première partie des annonces qu’elle devait lui faire
s’était passée encore mieux que ce qu’elle croyait. Ils montèrent dans la voiture,
Béhuit bien évidemment au volant. Alors qu’il démarrait pour se diriger dans la
magnifique villa dans laquelle il vivait, Bucky réfléchit. Était-ce le bon moment pour
désormais lui parler de son arme, dissimulée dans la portière. Elle opta finalement
pour l’attente d’un moment plus propice où il serait plus détendu, à l’écoute ? Peut-
être tout simplement après avoir fait l’amour avec lui, car nul doute que cette
activité ferait partie du programme de la suite de la soirée. Avec un peu de chance,
les hormones de bien-être produites par les corps à ce moment-là lui éviteraient
quelques remontrances.

***

Dès l’arrivée sur un des emplacements de stationnement de sa villa, Bucky


remarqua que Béhuit avait bien préparé les choses ou quelqu’un d’autre avait dû
le faire. Céssix Sky ? Sans doute pas ! Quel intérêt pour elle de préparer un
éclairage romantique à souhait avec bougies dans une partie de la maison et de
sa terrasse et d’avoir fait chauffer la piscine de manière qu’elle soit désormais à
vingt-huit degrés avec deux cocktails de fruits qui les attendaient au bord ? Ce
n’était pourtant pas uniquement dû à de la domotique et de l’IA.

- Un programme particulier de défini ? Demanda-t-elle curieuse.

- Cocktail de fruits frais à siroter dans une piscine chauffée à vingt-huit, si


cela convient à ma pom-pom particulièrement en beauté ce soir… pour un simple
entraînement.

- Je vois que tu as allégrement chauffé la piscine, car tu me sais frileuse,


que tu as préparé un cocktail de fruit, car tu sais que je ne suis pas une grande fan
d’alcool, alors de mon côté je devais bien fournir un effort aussi. Tu m’as dit adorer

282
quand je suis habillée en pom-pom, j’ai donc fait le nécessaire pour le plaisir visuel
à mon petit copain. Tu as de la musique ? Lui demanda-t-elle.

- Pas trop forte, alors ! Je ne souhaite pas déranger le voisinage.

- C’est juste pour avoir la trame de fond.

- La trame de fond ? Dit-il après avoir demandé à l’intelligence artificielle de


la maison un accès à la bibliothèque musicale disponible.

- Je te laisse moins d’une minute pour aller dans la piscine, le temps de


choisir la musique, lui dit-elle.

Béhuit ne se posa pas plus que cela de question, il ouvrit la baie vitrée et
se retrouva en short de bain en un temps record ! Il avait bien prévu son coup en
ayant des vêtements pour la baignade en guise de sous-vêtement. Bucky, elle
n’avait bien évidemment rien prévu à cet effet, ni sur elle, ni dans son sac de sport.
Ce n’était pas un problème vu ce qu’elle s’apprêtait à faire. Elle était un peu plus
inquiète de la température ambiante de ce mois de novembre. Elle allait devoir
résister un temps, heureusement court d’une chanson, à avoir froid.

D’un geste du regard, elle indiqua à Béhuit d’entrer dans la piscine. Il


plongea sans même poser de question pour se retrouver à l’autre bout de l’étendue
d’eau chlorée, sept mètres plus loin, juste à côté des cocktails.

- Installe-toi confortablement, lui indiqua-t-elle alors qu’elle demandait la


musique désirée à l’IA à voix basse.

Elle mit le son relativement bas, mais suffisant pour que Béhuit puisse
l’entendre distinctement. La musique choisie n’eut rien d’anodine quand elle se mit
à danser en s’approchant un peu plus de la piscine et bravant le froid en tenue de
pom-pom-girl après avoir laissé tomber son épais manteau. Le déclic fut immédiat
chez Béhuit ; il reconnut Birds, le morceau de leur première rencontre.

- Tu es magnifique ! Dit-il, totalement captivé.

En deux mois, elle avait oublié quelque peu sa chorégraphie, n’avait pas les
accessoires vestimentaires supplémentaires et il faisait bien plus froid, mais
Bucky savait qu’elle s’en sortirait haut la main dans son exercice d’effeuillage. Il
n’y avait de toute façon que peu de chance que son public de ce soir se plaigne de
la prestation ! Pour la deuxième fois de sa vie, elle effectuait un strip-tease.
Toujours pour le même homme. Elle était prête à le faire autant de fois qu’il le
désire.

283
Contrairement à sa première, Bucky avait cette fois-ci terminée dans les
règles de l’art ; totalement nue. Avant même la fin du morceau du groupe Imagine
Dragons, Bucky plongea à son tour dans la piscine, le froid ambiant étant bien trop
intense pour elle. Elle ne remonta à la surface que près de Béhuit, qui lui tendit son
cocktail.

- C’était magnifique, se contenta-t-il de lui dire.

- C’est plutôt un chocolat chaud qu’il aurait fallu prévoir, répondit-elle en


grelottant encore malgré la plaisante chaleur de l’eau.

Béhuit l’enlaça pour mieux la réchauffer, et sans doute en profiter un peu


aussi vu les zones de son corps qu’il touchait. Leur étreinte ne s’arrêta plus
jusqu’au lit, un étage plus haut. Le cocktail attendrait…

***

Après de nouvelles étreintes physiques, Bucky et Béhuit ne cherchèrent pas


tout de suite le sommeil. Le professeur d’EPS était allé chercher les vêtements de
Bucky restés sur la terrasse et un chocolat chaud. Elle n’avait plus froid, mais
trouva l’attention tellement tendre qu’elle le prit sans sourciller. En la regardant
ingurgiter sa boisson chaude, il la caressa encore tout en lui disant qu’elle était
belle, que c’était une fille incroyable. Les phrases, pourtant bateau, de son bien-
aimé lui allaient droit au cœur. Elles montraient qu’il prenait également leur relation
au sérieux. Elle sentait que c’était le moment de lui parler de ce qu’elle avait
découvert dans la voiture.

- Béhuit, je voulais te dire tout d’abord que je t’aime.

Elle le voyait déjà grimacer.

- Je n’ai encore rien dit de particulier ! Ajouta-t-elle.

- Lorsqu’on commence une phrase par « je voulais te dire d’abord que je


t’aime », ce n’est jamais bon signe.

Elle ne pouvait pas lui donner tort. Bucky s’y était mal prise pour introduire
ce qui la tracassait. Béhuit stoppa les caresses et se posa à côté d’elle, assis en
tailleur, sur le lit, confortablement installée sans le moindre vêtement.

284
- Lorsque j’ai abîmé ta voiture, je me suis aperçu que ta portière faisait un
bruit étrange. J’ai simplement voulu vérifier l’origine du bruit…

-… et tu as découvert une arme, coupa Béhuit.

D’un simple hochement de tête, Bucky confirma, inquiète de la suite de la


discussion.

- Une fois de plus, j’ai commis une erreur. Tu n’aurais jamais dû trouver cette
arme, dit Béhuit.

- Je ne cherchais pas à fouiller dans tes effets personnels, se justifia-t-elle


par avance.

- Je ne t’ai rien reproché, continua-t-il. Bucky, tu es une fille intelligente, plus


notre relation se prolongera, plus tu découvriras des choses troublantes, des
comportements inexpliqués sur moi. Souviens-toi, je t’ai annoncé que notre liaison
pouvait s’arrêter du jour au lendemain pour les raisons qui m’amènent à l’E2C. La
situation a un petit peu évolué pour notre couple, il a plus de chance de durer
aujourd’hui, mais je ne peux rien te dire, je crois avoir été clair dès le départ.

- Tout à fait ! S’empressa-t-elle de répondre. C’est juste que finalement, je


connais peu de chose de toi et je m’inquiète. Quand on possède une arme, c’est
pour se défendre d’une éventuelle menace. J’ai en fait, peur pour toi, tout
simplement !

- Je peux juste te confier une chose Bucky… j’ai peur aussi !

Bucky le regarda avec attention, ses yeux, qu’elle devinait un peu plus
humide montrant une tristesse, voire de la peur chez lui, la choqua. Elle ne lui
demanda rien de plus. Comme il lui avait rappelé, elle s’était engagée à ne pas
chercher à en savoir plus sur sa venue si elle souhaitait prolonger son histoire avec
lui.

- Je suis désolée, je n’aurais pas dû fouiner dans cette portière, avoua-t-elle


tout en le prenant dans ses bras.

Bucky n’avait pas eu de réponse claire de son compagnon. Mais une chose
était sûre, Béhuit n’était pas serein vis-à-vis d’une menace qu’il ne souhaitait pas
divulguer. Ils finirent par s’endormir dans les bras l’un de l’autre. Elle, sans doute
en première, sous les douces caresses de son petit ami qui parcourait son corps.

285
***

Dès sa première heure de cours, un cours théorique sur la chimie organique


que tous les élèves trouvaient sans le moindre intérêt hormis deux, trois
exceptions dont Glaème faisait partie, Bucky avait été remarqué par les amies de
sa classe, Lily en tête. Remarque, lui avait été faite qu’elle portait exactement les
mêmes vêtements que la veille. Malgré son mutisme durant ce cours, et Nolwenn
qui tentait de la couvrir en affirmant sa présence dans leur chambre commune la
nuit dernière, elle fut obligée d’avouer, à la sortie du cours, qu’elle avait
effectivement passé la nuit chez Béhuit. Par nature curieuse, les filles lui
demandèrent plus de détails. La capitaine des pom-pom-girls n'eut pas trop le
temps d’y réfléchir ; Céssix Sky, de retour sur le campus, s’approchait de son
groupe et tout le monde s’arrêta de parler. La voir n’enchantait pas les foules,
particulièrement Bucky.

- Délavigna, étant donné que vous n’avez pas cours ces deux prochaines
heures, je vous invite à me suivre dans mon bureau, dit la directrice de l’E2C.

Les amies de l’étudiante à la mèche fuchsia se dispersèrent dans la foulée


ainsi que tous les autres étudiants proches des lieux à la manière d’un mouvement
de foule ; incontrôlable. Céssix Sky avait un don certain pour les faire fuir. Le renvoi
définitif de Creth avait encore un peu plus installé sa réputation ! Bucky se retrouva
en quelques secondes seule face à l’ex de son petit ami. Céssix n’attendit même
pas une réponse de sa part et lui fit un geste de la main pour l’inviter à se diriger
avec elle à son bureau.

Contrairement aux autres étudiants, Bucky voulait montrer à sa directrice


qu’elle ne la craignait pas. Elle bluffait quelque peu. Elle se savait surtout protégée
par Béhuit qui avait sans conteste une influence certaine sur cette blonde aux yeux
bleus, même si la hiérarchie à l’E2C n’allait pas dans ce sens.

- Je suppose que je suis dans l’obligation d’accepter cette invitation à vous


suivre jusqu’à votre bureau ?

- Je vous conseille fortement de le faire !

Bucky n’insista pas plus et suivit la trentenaire au physique athlétique,


jusqu’à destination. Elle l’invita à s’asseoir. Elle accepta et posa ses fesses sur la
chaise la plus crainte de tout le campus.

286
- Votre nuit dans la villa a été agréable ? Commença Madame Sky.

- Cette question n’a pas le moindre rapport avec la vie du campus et ne vous
concerne pas ! Se défendit-elle.

- Il ne me semble pas avoir mentionné que cet entretien concernait vos


études ici.

- Ce n’est donc pas une discussion directrice-étudiante ? Interrogea-t-elle.

- Effectivement…

- Dans ce cas, je suis donc libre de sortir ! Je n’ai pas la moindre envie de
vous parler de ma relation avec Béhuit, dit-elle tout en commençant à se lever de
sa chaise.

- DELAVIGNA ! Si vous passez le seuil de cette porte, vous le perdez !


Menaça-t-elle en élevant la voix.

Bucky hésita. La menace semblait sérieuse et piqua sa curiosité.

- J’aimerais savoir comment vous allez vous y prendre ?

- En le renvoyant d’où il vient… de manière définitive.

- Vous ne le récupérez pas comme ça, il vous en voudra trop… et je le suivrai.

- Je continue à penser que vous n’êtes qu’une passade pour lui, même si
j’admets qu’il semble heureux avec vous pour le moment.

- Et donc vous m’avez convoqué pour m’aider à faire en sorte que nous
restions ensemble ? Je n’y crois pas un instant !

- Il a juste besoin du plus de stabilité émotionnelle possible et comme il


semble, à ma grande surprise, l’avoir trouvé auprès de vous, nous allons bien
devoir nous adapter.

Bucky croisa les bras, face à sa directrice, elle ne comprenait pas vraiment
où voulait en venir Céssix, mais cette discussion prenait une tournure intéressante.

- Nous ? De qui parlez-vous exactement ? Je ne vous suis pas totalement,


développez…

- Je ne le ferai pas et vous le savez, n’est-ce pas ? Affirma-t-elle en faisant


bien comprendre qu’elle faisait partie intégrante des secrets de Béhuit.

287
- Je n’ai rien à vous dire à ce sujet…

-… et cela doit continuer à en être ainsi ! C’est ce que je vous propose. Sans
ça, Béhuit devra disparaître, ce qui mettra évidemment fin à votre relation.

- Nous vivons en démocratie, vous pouvez peut-être le renvoyer, mais pas


l’obliger à partir !

Céssix Sky ne répondit point, mais son regard bleu aquarelle, que Bucky
rêvait de posséder, en disait long. Sans même un mot, elle lui fit comprendre que
Béhuit avait une maîtrise très limitée sur sa propre vie.

- Et vous vous étonnez qu’il ne vous aime plus ? Ajouta la pom-pom-girl.

- Je ne suis pas la méchante de l’histoire Délavigna, contrairement à ce que


vous pouvez penser.

Elle se pencha sur son bureau pour y saisir sa tablette tactile pour la tendre
à Bucky. Un document officiel annoté "secret défense" ouvert s’y trouvait.

- Qu’est-ce que c’est ? Demanda Bucky qui avait par ce document sur
tablette confirmation que Béhuit et Céssix travaillaient bien pour le gouvernement
ou quelque chose y ressemblant.

- Le document à signer si vous souhaitez continuer à fréquenter Béhuit.

Intriguée, elle plongea dans le document et entama la lecture. Céssix


attendit patiemment. Le document, d’une quarantaine de lignes, truffé de termes
juridiques que Bucky maîtrisait suffisamment pour comprendre les grandes lignes
lui indiquait qu’en signant ce document, elle s’engageait au silence sur tout ce
qu’elle pourrait apprendre sur Béhuit et les raisons de sa venue ici… sous peine de
prison à vie ou de mort.

Les derniers doutes se dissipaient pour Bucky. Béhuit et Céssix étaient à


l’E2C pour une mission classifiée secret défense. Ses passe-droits au niveau des
forces de l’ordre et de la douane, son arme à feu dans la portière, sa carte bleue
très haut de gamme, son comportement face à l’agression qu’elle avait subie à
Munich, cette villa magnifique, L’étudiante avait des explications. Il y avait encore
pas mal de zones d’ombre, mais l’essentiel était ailleurs pour elle ; Béhuit agissait
pour le gouvernement et non pas pour une entité mafieuse, voire terroriste. Un
véritable soulagement.

288
- Si je ne signe pas ce document, vous remplacerez Béhuit ? C’est bien ça ?
Demanda-t-elle à Céssix.

La directrice lui répondit positivement d’un simple hochement de tête.

- Vous savez que par ce document, vous m’en avez beaucoup plus appris
sur Béhuit par rapport à ce qu’il m’a révélé lui-même ?

- Ça prouve qu’il tient à vous. Il ne veut pas vous mettre en danger.

- Béhuit est au courant de cette discussion ?

- Disons que je lui ai promis de simplifier votre situation de couple.


Désormais les choses sont claires, soit, vous ne signez pas et Béhuit disparaît.
Soit, vous signez et vous me prouvez que vos sentiments pour lui sont réels et que
je peux vous faire confiance.

Sans trop réfléchir, Bucky signa via reconnaissance rétinienne et vocale,


une première pour elle.

- Je peux donc en savoir plus maintenant ? Questionna Bucky.

- Absolument pas !

- Alors pourquoi me faire signer ce document, si c’est pour ne rien me dire


de plus ?

- Par précaution ! Je crains particulièrement les confidences sur l’oreiller et


il se peut que vous découvriez des choses à ne pas divulguer lorsque vous êtes
avec lui.

- Je vois. Puis-je au moins faire une suggestion pour votre mission ?

- Je ne prends d’ordinaire que les bonnes idées… mais surprenez-moi !

- Comme nous restons ensemble avec Béhuit, il serait judicieux de prévoir


une solution de secours dans l’éventualité où notre relation serait découverte.
Histoire de ne pas avoir à renvoyer Béhuit pour faute grave.

- On y a déjà pensé et nous y travaillons.

Bucky sortit du bureau, aérienne et soulagée. Mise dans la confidence, elle


savait que Céssix Sky s’acharnerait probablement moins sur elle, et elle avait
désormais toute confiance envers Béhuit. Il fallait juste rester au secret. Si c’était
la seule condition pour avoir une relation durable avec lui, elle le ferait volontiers.

289
***

Avec de l’avance sur ses amies, Bucky anticipa quelque peu son cours
théorique du midi de pom-pom-girl. Les révélations sur son petit ami l’avaient
certes en partie soulagé, mais elles amenaient des questions et une
particulièrement ; quelle était la raison de la venue de Béhuit et Céssix à l’E2C ?
Elle tenta de lui envoyer un message pour lui dire simplement qu’une discussion
avec Céssix avait eu lieu et qu’une sorte d’arrangement avait été trouvé entre elles.
Il ne pouvait pas lui répondre pour le moment, probablement en train de donner un
cours de self-défense à une classe de l’E2C. Elle se remit dans ses activités,
sereine pour son avenir avec lui. Elle ne reçut que plus tard la réponse de
l’entraîneur de volley, un simple : j’en suis heureux, tu es une merveilleuse petite
amie.

***

Nolwenn, Glaème et Shandrill regardèrent leur capitaine avec admiration.


La chorégraphie qu’avait concoctée Bucky était tout bonnement parfaite. Elle avait
pensé à tout, dans les moindres détails et tout collait parfaitement avec la
musique choisie. Les jeux de pompons, les figures artistiques mettant en valeur
les talents de gymnaste de Shandrill, et ses propres talents de danseuse, le tout
avec de l’originalité. Rien n’avait été oublié. En voyant la joie particulière que
dégageait Bucky depuis le cours théorique de pom-pom-girls jusqu’au cours
pratique du soir, sans les garçons le mercredi, en passant par le cours de danse,
Glaème ne manqua pas de lui faire remarquer qu’elle devrait passer plus souvent
la nuit chez son petit ami. En retour, Bucky l’encouragea à faire de même avec le
sien. Pas de réponse… Son amie restait très discrète sur son couple avec Antoine.

La soirée se termina avec des filles épuisées. Il faut dire qu’avec le cours
de danse de début d’après-midi en plus, les mercredis étaient particulièrement
physiques pour les filles. Il ne restait plus qu’à incorporer les garçons de l’équipe
dans la chorégraphie. Même si Bucky avait déjà théoriquement tout préparé, il
fallait trouver un moment aux garçons pour leur apprendre les quelques pas de
danse de Madison nécessaires. Il en était de même pour Béhuit, que Bucky

290
souhaitait absolument incorporer au show en tant qu’entraîneur, une originalité de
plus. Pour ne pas perdre de temps, elle proposa aux filles de le faire le lendemain
soir à la fin de l’entraînement des garçons du jeudi qui se faisait sans pom-pom-
girls. Un petit cours d’une demi-heure permettrait probablement aux garçons
d’avoir les grandes lignes de cette partie de la chorégraphie à laquelle ils
participeraient activement.

Le soir même, Nolwenn et Glaème se chargèrent d’envoyer un message aux


garçons pour leur signifier qu’ils devraient rester plus tard que d’ordinaire pour leur
faire découvrir la chorégraphie. De son côté, Bucky se chargea évidemment de
prévenir Béhuit que les pom-pom-girls débarqueraient en toute fin d’entraînement
pour cette mise en place. Elle le prévint également qu’elle souhaitait également
qu’il fasse partie intégrante de ce show avec, entre autres, une danse très
succincte avec elle. Les accords masculins arrivèrent en fin de soirée. Tous
positifs !

Enthousiaste, Bucky ne se coucha pas tout de suite, elle imaginait déjà les
mouvements de danse qu’elle pouvait effectuer avec Béhuit. Elle se coucha
finalement une grosse heure après Nolwenn, des rêves plein la tête.

***

Après une journée de cours typique du jeudi composée de cours


d’économie, d’anglais, d’informatique, de physique et de chimie de deux heures
chacun. Nolwenn, Glaème et Bucky restèrent dans leur salle de cours pour se
poser une grosse heure et demie en attendant la fin de l’entraînement des garçons.
Les pom-pom-girls, hors cinquième année, dont Shandrill et Anita, avec un emploi
du temps différent, les rejoignirent à un moment différent pour en faire de même.
Le groupe ne perdit même pas de temps pour se changer. Toutes avaient décidé
de rester en jogging, voir jean. Ce soir, ce sont bien les garçons qu’il allait falloir
faire danser, elles devraient simplement les guider.

A leur arrivée dans le gymnase, elles furent surprises de remarquer qu’Ethan


était encore présent à cette séance. Béhuit avait réussi à le persuader de continuer
les entraînements de volley-ball. Même Bucky, qui connaissait peu de chose à ce
sport avait compris l’idée de l’entraîneur ; remplacer numériquement Creth par
Ethan. Seulement le petit dernier de la famille Spidze avait deux ans de moins et

291
n’avait que très peu pratiqué ce sport jusqu’à maintenant, pas certain que le niveau
affiché soit le même ! C’était cependant toujours mieux que rien et un central en
plus du seul disponible dans l’équipe depuis le renvoi de Creth était obligatoire
pour avoir une équipe de base qui tienne la route.

Afin de maximiser le temps de chacun, Bucky entra directement dans le vif


du sujet. Le but, ce soir, était d’expliquer le rendu que cherchait la capitaine des
pom-pom-girls. Les pas de danse d’un Madison étaient en principe simple à
apprendre, mais pour s’assurer que même les garçons de l’équipe de volley-ball
sans le moindre talent puissent s’en sortir, Anita et Glaème leur serviraient de
"pom-pom-pilote" à suivre le long de cette danse de moins d’une trentaine de
secondes en se plaçant juste devant eux durant la chorégraphie.

Simplement huit essais suffirent pour que les garçons arrivent à suivre leurs
deux pom-pom pilotes pour la seule véritable partie dansante qu’ils avaient à
effectuer. Bucky avait réussi ce tour de force de faire quelque chose
d’esthétiquement beau et original avec des danseurs sans la moindre expérience
en un temps record. La demi-heure prévue avait suffi pour cette partie du morceau.
Ne restait plus qu’à leur présenter lors d’une prochaine répétition le moment de
leur entrée sur le terrain juste avant cette partie dansante pour eux et quelques
petits gestes à effectuer durant des tests grandeur nature et on y serait ; l’équipe
de volley-ball masculine aurait sa nouvelle chorégraphie de présentation !

Ne restait qu’un détail à régler pour Bucky. La rentrée de Béhuit vers la fin
du morceau des Blues Brothers. Elle s’y attela dès la fin de la répétition alors que
pom-pom-girls et joueurs de volley partageaient de bon moment ensemble sans
vouloir rentrer chez eux ; cette idée de chorégraphie les rapprochait encore. Durant
ce moment, la capitaine des pom-pom-girls s’approcha de Béhuit. Ils ne s’étaient
pas du tout parlé durant cette demi-heure. L’entraîneur de volley était resté assis
dans une tribune sur le côté, curieux de voir ce que donnerait cet apprentissage de
danse à des non-initiés.

- Vos premières impressions ? Monsieur l’entraîneur de volley-ball.

- On ne peut pas juger un film à sa bande-annonce ! Répondit-il en souriant.


Mais je dois admettre que la personne qui a préparé ce spectacle a un don certain.

- Heureuse que cela te plaise, car tous les deux nous ne partons pas tout de
suite !

292
- Je crains le pire, lui répondit-il en la contemplant, sans lâcher son regard
sur elle.

- Et tu fais bien ! La chorégraphe a de grandes ambitions pour cette


présentation d’équipe. Elle souhaite que tout le monde y participe, y compris
l’entraîneur. Il va falloir donc qu’il reste encore un moment pour se préparer.

- Pourquoi ne pas avoir fait danser l’entraîneur avec les joueurs ? Interrogea-
t-il, circonspect.

- J’ai d’autres ambitions pour lui. Il va entrer plus tard dans la chorégraphie
et aura même le privilège immense de participer en dansant avec la capitaine des
pom-pom-girls ! Dit-elle en souriant.

- Bucky, je ne sais pas danser…

- Et c’est bien pour cela que l’on va commencer dès maintenant


l’apprentissage de notre petit tandem d’une vingtaine de secondes. Il n’est pas très
long, mais assez intense.

- Tu surestimes mon niveau. Si tu souhaites m’apprendre à danser même


sur un court instant, nous risquons d’y passer un long moment et je te rappelle que
dès demain à huit heures, nous avons cours !

Elle s’approcha un peu plus près de lui afin de ne pas être entendue par une
oreille extérieure :

- Si ma mémoire ne me joue pas trop de tours, il me semble qu’hier soir, tu


ne t’es pas posé cette question en invitant une sublime femme à passer une nuit
torride chez toi !

- C’est qu’elle n’a pas eu le moindre scrupule à jouer de ses charmes !

- Je ne vois pas l’intérêt d’être séduisante si cela ne me permet pas de


manipuler l’homme que j’aime ! Répondit-elle en le tirant par la main afin qu’il
l’accompagne sur le terrain de volley à la vue de tout le monde.

Les volleyeurs souriaient, leur entraîneur n’allait pas y couper non plus. Ils
savaient Bucky très persuasive quand elle avait une idée en tête. Même leur
entraîneur avait cédé à la capitaine des pom-pom-girls… s’ils savaient à quel point,
pensa-t-elle. Bucky commença à placer l’entraîneur sous les applaudissements
des filles et des garçons et les explications des pas et placements débutèrent.

293
Hormis Nolwenn, tout le monde partit petit à petit. Il était tard et il y avait
cours le lendemain. Du repos était nécessaire. La meilleure amie de Bucky ne put
cependant faire comme ses camarades. Sa capitaine lui avait demandé de rester
pour rentrer ensemble chez les Donerm, mais surtout pour qu’elle puisse juger,
avec une vision plus distante qu’aurait le public, en d’autres termes des tribunes,
de ce que souhaitait faire Bucky avec Béhuit. En contact permanent pour les
figures de danse avec lui, il lui était impossible de le faire elle-même. Bucky
expliqua dans les moindres détails à l’appui de vidéos et de l’intelligence artificielle
les pas souhaités. Béhuit écouta avec attention toutes les directives ; la partie
danse n’était pas bien longue entre eux deux, mais assez technique. Elle appréciait
qu’il l’écoute et se laisse diriger sans rechigner. Avait-il compris à quel point ce
projet tenait à cœur à l’étudiante à la mèche fuchsia ?

Ils finirent tellement tard que Nolwenn s’était endormie dans les gradins. Il
était presque une heure du matin et indispensable de s’arrêter pour avoir un
minimum les idées claires le lendemain et ne pas se retrouver enfermé dans le
campus. Il n’y avait pas match ce samedi, le couple pourrait se voir le dimanche
pour continuer à avancer.

Après avoir réveillé Nolwenn et échangé un long baiser, le couple se sépara


pour aller dormir. Bucky allait le revoir dans quelques heures.

***

Le cours d’EPS de self-défense de huit heures du matin avec Béhuit comme


professeur fut un supplice pour Bucky. Mis à part la danse, elle n’aimait pas
pratiquer le sport et encore moins le self-défense, malgré l’agression récente
qu’elle avait subie. Elle n’en voyait pas l’intérêt, elle qui détestait la violence, et puis
Béhuit était là pour la protéger, cela faisait probablement partie de ses véritables
prérogatives. Elle ne doutait pas que son chevalier servant serait là pour la secourir
en cas de besoin.

Par deux fois, elle faillit s’assoupir lors d’un moment d’explication
d’exercice de son petit ami. Fort heureusement Nolwenn était beaucoup plus
intéressée par ces cours qu’elle et, en tant que binôme, elle l’a maintenue éveillée.
Ce fut une chance, Nolwenn habituellement s’intéressait autant au sport qu’elle.
Béhuit avait réussi l’exploit de piquer sa curiosité comme finalement une large

294
proportion de la classe. L’idée du self-défense était excellente. Elle espérait qu’à
l’issue de cette séance, Béhuit ne lui en voudrait pas de ne pas avoir suivi son cours
avec assiduité, aujourd’hui elle n’en avait pas le courage. Vraiment pas.

Le reste de la journée fut aussi difficile, mais Bucky réussit à traverser les
cours sans paraître trop absente. Elle profita de deux heures libres l’après-midi
avant les évaluations du vendredi pour se reposer un peu plus. D’ordinaire les
élèves utilisaient ce moment pour réviser les cours de la semaine, mais pas cette
fois pour la capitaine des pom-pom-girls qui le passa à dormir. Rien d’étonnant
donc à ce qu’à la fin des évaluations, elle se retrouve avec un lamentable quatre
sur vingt. Elle allait devoir bûcher les prochaines évaluations pour corriger le tir.
Ces derniers temps, elle avait bien trop privilégié sa chorégraphie et son petit ami,
elle ne regrettait pourtant rien. Il lui restait encore un petit capital de points
d’avance pour obtenir son diplôme en fin d’année. La seule chose qui la dérangeait,
c’était qu’en dessous de six sur vingt, la direction convoquait l’étudiant. Elle aurait
clairement préféré éviter de revoir Céssix Sky…

295
Chapitre 10 : Succès et déception.

Alors qu’elle avait initialement prévu de passer un dimanche entier avec


Béhuit, Bucky dut se résoudre à ne lui proposer qu’un après-midi. Elle n’avait plus
beaucoup de marge avec ses notes et se devait de réviser et rattraper les cours
qu’elle avait raté physiquement ou parce qu’elle n’y avait prêté aucune attention.
La nouvelle chorégraphie qui était en train de voir le jour lui rapporterait sans
conteste pas mal de points bonus pour le décompte final, mais elle n’était pas à
l’abri d’une mauvaise surprise si jamais elle devait rater les prochaines
évaluations. Pour l’heure, avant de quitter le campus en ce début d’après-midi de
samedi, elle était convoquée par la direction, et donc Céssix Sky. Son quatre sur
vingt à l’examen hebdomadaire lui imposait cette désagréable obligation. Et
lorsqu’elle vit l’élève de première année qui passait juste avant elle, pour la même
raison, sortir en pleurs, une inquiétude émergea de son esprit. Sa convocation était
cette fois parfaitement légitime, difficile pour Béhuit de la couvrir sur ce coup,
l’étudiante ne devait sans prendre qu’à elle-même. Elle ne l’avait, de toute façon,
même pas tenu informé de cette convocation.

Son tour était venu, elle entra avec une tension bien supérieure à la normale.
Céssix était installée à son bureau. Bucky referma la porte derrière elle avant de
s’asseoir à la chaise qui lui était destinée. Décidément, elle voyait beaucoup trop
ce bureau ces derniers temps !

- J’écoute, dit la directrice Sky, le nez sur son écran à projection 3D


d’ordinateur.

- Pas grand-chose à dire, je me suis bien ramassée sur la dernière


évaluation, voilà tout.

296
- Et donc après ce merveilleux argumentaire et parce que vous fréquentez
Béhuit, je dois vous dire simplement félicitations et vous laisser sortir de ce
bureau ?

- C’est vous qui mettez le sujet de mon professeur d’EPS sur la table, alors
que je ne vois pas bien ce qu’il a à voir là-dedans.

- C’est bien que vous le preniez comme ça, il ne viendra donc pas se plaindre
à mon bureau si je vous sanctionne comme il se doit ?

Bucky se trouva quelque peu coincée, elle prit un temps de réflexion avant
de répondre :

- Si cette sanction est juste, proportionnée, et surtout ne fait pas apparaître


une jalousie latente.

- Je saurais rester professionnelle, je vous assure. Mais je dois bien avouer


que je prends un certain plaisir d’être à ma place plutôt qu’à la vôtre à tout point
de vue à cet instant. De la jalousie, il n’y en a point, si vous pensez qu’il a trouvé sa
perle rare avec vous, vous êtes encore plus sotte que vos résultats ne le laissent
paraître, annonça Céssix avec un léger sourire malsain.

- Je suis certaine d’être sa perle rare, pour reprendre vos propos. Cela étant,
vous savez ce qu’on dit ; pour qu’un homme trouve sa perle rare, il doit croiser
avant pas mal de thons ! Vous étiez le dernier en date, je crois ?

La directrice se leva d’une traite alors que Bucky ne bougea pas de sa


chaise. Elle sentait une confrontation physique envisageable, mais elle avait
décidé, quoi qu’il arrive, de ne pas y répondre. Sa dernière confrontation avec elle
lui avait prouvé que Céssix était bien plus puissante physiquement qu’elle.
Cependant, si d’aventure la directrice en venait à lui faire du mal, Béhuit
n’apprécierait sans doute pas !

- Je prends donc cela pour de la jalousie ! Analysa l’étudiante en gardant


son calme.

Céssix Sky se contrôla, juste après avoir levé la main dans sa direction,
probablement pour la gifler au mieux… ou lui asséner un coup de poing au pire.
Elle retrouva son calme d’un coup et se mit à sourire.

- Si vous voulez jouer à la plus maline, vous êtes mal tombée. Vous savez
quoi. Je prends mon rôle de directrice tout à coup très à cœur. J’ai un bon moyen
pour vous mettre la pression. Aucune sanction n’est nécessaire à votre encontre

297
pour votre évaluation, juste un avertissement. Si vous avez de nouveau une note
de ce type, c’est le licenciement !

- Vous manquez de vocabulaire pour une directrice, on dit renvoi et non


licenciement, je ne suis pas votre employée. Ce sont même, techniquement, mes
parents qui vous paient !

- Je maintiens bien le mot licenciement ! Je ne parle pas de vous, mais de


Béhuit ! Encore une note de ce type et je le vire du campus !

- Vous ne le ferez pas ! Protesta Bucky. Nous avions un arrangement et il


n’a rien à voir là-dedans

- Cet arrangement concerne la partie immergée de l’iceberg, votre silence


pour la couverture de Béhuit vis-à-vis de mes supérieurs. Mais je suis également
la directrice ici, je fais donc en sorte de trouver des moyens de motivation pour
mes étudiants. Et puis la situation n’aura pas lieu d’être. Comme vous êtes sa perle
rare, vous allez faire en sorte de ne pas rater vos prochaines évaluations pour qu’il
reste ici.

- Nous savons toutes les deux qu’il est indispensable ici pour… ce que vous
avez à faire à l’E2C, quoique cela puisse être !

- Les cimetières sont remplis de gens que l’on croyait irremplaçables ! Vous
voulez vraiment prendre ce risque ?

Bucky ne dit mot, comprenant que Céssix Sky avait gagné cette manche.
Elle se leva de sa chaise pour sortir. Tout était clair. Céssix ne put cependant
s’empêcher d’enfoncer le couteau dans la plaie :

- On ne se revoit donc pas dans mon bureau jusqu’à la fin de l’année ?

Elle ne répondit toujours point et quitta les lieux. La donne était limpide, elle
allait devoir mettre les bouchées doubles dans ses révisions sous peine de ne plus
voir Béhuit, du moins sur le campus, et par la même occasion perdre l’entraîneur
de volley masculin de l’E2C. L’équipe ne s’en relèverait pas ! Elle ne perdit pas de
temps, dès son arrivée chez les Donerm, elle se replongea dans ses cours avec
Nolwenn à ses côtés.

***

298
La pluie n’avait pas cessé de tomber depuis le samedi après-midi. Combiné
au froid de cette fin novembre, Bucky n’était finalement pas si triste de passer son
week-end dans sa chambre jusqu’au dimanche à 16h. Se sentant vraiment très en
retard dans ses cours, elle n’avait eu d’autre choix que de reculer encore sa venue
chez Béhuit pour profiter un peu de lui et surtout lui apprendre les pas de danse
nécessaires pour la partie couple de la nouvelle chorégraphie.

A son arrivée chez lui, et à son grand désarroi, Céssix Sky était présente à
la villa. Il était décidément difficile d’être seule avec son petit ami. La voyant dans
l’immense coin cuisine de l’imposante pièce à vivre qui servirait de piste de danse
pour s’entraîner, l’étudiante n’hésita pas à narguer sa directrice ; elle embrassa
intensément et longuement Béhuit devant elle. Céssix resta de marbre, au grand
damne de l’étudiante, et poussa le vice à ne pas s’éloigner d’eux alors que son
professeur d’EPS lui proposait de prendre une petite collation avant de
commencer. Tous trois à la même table, l’ambiance était lourde. Les deux femmes
se regardaient avec animosité, en silence.

- Stop ! Intervint Béhuit, clairement pas serein.

Bucky fixa son petit ami. Céssix semblait faire de même.

- Les filles, il va peut-être falloir fournir un effort de cohabitation, car là, je


vous promets, ça devient flippant !

- Tu ne trouves pas que je suis déjà conciliante en acceptant qu’elle vienne


ici ? Argua Céssix en direction de Béhuit.

- Vous le seriez peut-être plus en montant à l’étage, afin que je ne me sente


pas épiée sur mes moindres gestes ! Répondit Bucky.

- C’est quand même moi qui vis ici, pas vous ! J’ai le droit de rester au rez-
de-chaussée si j’en ai envie ! Répondit Céssix, cette fois en direction de Bucky.

- Et c’est tout de même mon petit ami ! Vous ne pensez pas que j’ai le droit
d’avoir un minimum d’intimité avec lui ?

- Attendez les filles, vous n’aviez pas convenu d’un arrangement pour éviter
ce genre de situation ? Souligna Béhuit.

- C’est un arrangement te concernant toi et ta mission, pas entre cette fille


et moi, corrigea Céssix.

299
- Il va falloir donc ajouter des clauses supplémentaires à cet arrangement !
Céssix, tout est pourtant clair entre nous, tu connais les liens particuliers que nous
avons et je te remercie pour tout ce que tu fais pour moi, mais je te demande de
ne pas interférer dans ma vie sentimentale, demanda Béhuit.

- Je n’aurais pas dit mieux, je pense que c’est très clair, ajouta Bucky, afin
d’enfoncer un peu plus le clou.

- Et toi Bucky, arrête de la provoquer sans cesse, elle est officiellement ta


directrice ! Sur le campus, tu n’as pas vocation à lui tenir tête, si elle te dit quelque
chose, tu appliques. Quelqu’un a-t-il quelque chose à ajouter ?

D’ordinaire, la capitaine des pom-pom-girls aurait répondu pour se justifier,


mais pas cette fois. Pour la première fois, elle découvrait qu’elle était en couple et
devait agir en conséquence. Béhuit avait un besoin quasiment viscéral et
inexplicable de Céssix Sky. Sans doute à raison, Bucky l’avait toujours prise pour
sa rivale, tout comme cela devait être le cas pour sa directrice. Mais elle faisait
partie intégrante de la vie de Béhuit et elle se devait mettre de l’eau dans son vin.
On ne pouvait pas demander à la personne qu’on aimait de s’éloigner d’une
personne qui lui était chère par amour. Elle-même l’aurait difficilement accepté de
son côté. Elle devait évoluer. Tout ce qui comptait, c’était lui et son bien-être. Elle
se leva pour s’approcher de Céssix, calmement.

- Madame la directrice, je souhaiterais simplement être seule avec Béhuit


afin de préparer une nouvelle chorégraphie de pom-pom-girl dans l’optique de
prétendre à des points supplémentaires afin d’obtenir mon diplôme de fin de
cursus. Je n’ai malheureusement pas d’autre lieu pour le faire qu’ici. Je vous
remercie de me laisser le faire chez vous, dit-elle avec la voix la plus aimable
possible.

Céssix la fixa, avant de regarder Béhuit, puis la regarda de nouveau. Bucky


essayait le plus possible d’arrondir les angles. La directrice ne dit mot. Elle se
contenta d’un hochement de tête et monta à l’étage, probablement en direction de
sa chambre. Avant qu’elle ne soit en haut des escaliers, Béhuit l’interpella pour
simplement lui dire merci.

- Merci à toi aussi, ma pom-pom, enchaîna-t-il.

- On commence ? Proposa-t-elle.

300
***

Après trois bonnes heures de danse à expliquer et apprendre à l’entraîneur


de volley ce qu’elle cherchait à obtenir de lui dans cette chorégraphie. Bucky
décida d’arrêter l’apprentissage. Béhuit progressait bien, mais il commençait à
fatiguer et comme cette danse longue d’une vingtaine de secondes au total
comportait tout de même un porté, mieux valait être prudent. Béhuit lui proposa
de rester manger, voire éventuellement dormir. Elle refusa pour la nuit, devant
encore réviser, mais prit l’initiative de monter à l’étage pour demander à Céssix la
permission de rester et de partager le repas avec elle et Béhuit. Son petit ami la
laissa faire selon son idée. Elle voyait à son visage qu’il était heureux des efforts
qu’elle fournissait. Elle était ravie de lui montrer les sacrifices qu’elle était prête à
faire par amour pour lui.

A l’étage, elle appela Céssix, ne sachant pas vraiment où était sa chambre.


L’une des nombreuses portes du première étage s’ouvrit. Céssix prit soin de venir
à la rencontre de Bucky dans le couloir en prenant soin de bien refermer sa porte.
Sans surprise et tout comme Béhuit, elle lui cachait des choses. Elle commençait
à s’y habituer.

- Délavigna, vous avez pu avancer comme vous le souhaitiez ?

- Tout à fait, je voulais simplement vous demander la permission de rester


manger avec vous ce soir, avant que je ne reparte.

- Vous voulez dire que je dois rester en haut ? Dit-elle en grimaçant.

- Absolument pas ! On pourrait peut-être faire un repas… ensemble, si cela


vous convient ! Écoutez, je sais que nous ne serons probablement jamais les
meilleures amies du monde, mais pour Béhuit, il va bien falloir que l’on se côtoie
et qu’on apprenne à s’entendre un minimum. Je m’occupe de la commande et c’est
moi qui invite.

Céssix rouvrit la porte de sa chambre pour la refermer juste après y être


entré.

- Bon, bah j’aurais tenté, dit l’étudiante à voix haute pour elle-même, le nez
devant la porte close.

301
Alors qu’elle se dirigea vers les escaliers pour redescendre, elle entendit la
porte s’ouvrir à nouveau. Céssix était ressortie avec un prospectus à la main pour
lui tendre.

- Béhuit et moi, nous apprécions le couscous. Va pour une commande pour


trois personnes ! Vous restez dormir ensuite ?

Bucky sourit à pleines dents. Elles faisaient toutes les deux un effort.

- Ça aurait été avec plaisir, mais j’ai des révisions à continuer, je ne voudrais
pas être convoquée de nouveau dans votre bureau et j’ai déjà suffisamment profité
de votre hospitalité.

Les deux femmes redescendirent ensemble. Elles repartaient sur de


meilleures bases. Les quelques échanges qu’elle eut avec sa directrice durant le
repas furent constructifs, sans animosité d’un côté ou de l’autre. Béhuit appréciait,
c’est tout ce qui comptait pour elle : le rendre heureux.

Une fois le repas terminé, elle rentra après avoir embrassé son amant une
dernière fois sur le palier de la porte. Céssix avait fait l’effort de remonter à l’étage
pour les laisser tranquilles. Un dimanche idéal avait eu lieu pour se préparer pour
une nouvelle semaine qui s’annonçait tendue. La chorégraphie de présentation
des garçons devait absolument se faire pour le match de samedi, prévu à Lisbonne
au Portugal, et tant de choses restaient à faire…

***

Cours, révisions, nouvelle chorégraphie de présentation de l’équipe de


volley-ball et désormais préparation du spectacle de danse néo-classique de la fin
d’année. Pour Bucky, trouver un créneau pour passer un moment avec son petit
ami ne fut définitivement pas facile. Elle ne put profiter de sa compagnie que lors
des dernières mises en place de la chorégraphie après les entraînements garçons
de la semaine qu’Ethan Spidze avait rejoint en tant que nouveau joueur de manière
officielle. Céssix avait autorisé ce transfert. Un renfort nécessaire pour l’équipe.

Béhuit suivait parfaitement ses consignes sur les mouvements de danse,


ce qui la mit en confiance pour proposer des choses plus audacieuses afin que le
rendu soit un peu plus spectaculaire. Seul regret, elle ne put passer qu’une nuit
dans la semaine à la villa chez lui. Et encore, c’était bien parce que Céssix avait

302
fait l’effort de leur laisser. Ce mode de vie caché lui pesait de plus en plus. Béhuit
l’avait pourtant avertie et elle avait accepté cette contrainte en toute connaissance
de cause, l’étudiante n’avait cependant pas prévu un attachement aussi fort vis-à-
vis de son professeur d’EPS sous couverture pour une mission dont elle ignorait
tout, mais elle était suffisamment sensible pour être classée secret défense.

En fin de semaine, Bucky se rendit compte que sa chorégraphie n’avait pas


suffisamment été revue du côté des joueurs et de l’entraîneur. Il n’y eut pas d’autre
solution que de proposer une ultime séance, le samedi après-midi, juste avant de
partir pour le match à Lisbonne. Grâce à son lien particulier avec l’entraîneur de
volley et de Meyrie, la requête fut acceptée pour voir quelques éléments de finition.
La chorégraphie n’avait encore jamais été dansée dans son intégralité, les garçons
ignorant même la teneur du spectacle en dehors de la partie où ils participaient. Il
s’agissait maintenant de coller les séquences les unes aux autres pour voir si le
tout proposait un rendu correct.

***

Bucky était stressée, pour la première fois, concernant sa chorégraphie. On


était l’après-midi du samedi et alors que les garçons arrivaient doucement dans le
gymnase pour une première mise en condition réelle pour leur présentation, les
tribunes étaient, elles, déjà remplies d’une trentaine de personnes. Une grande
partie des curieux faisaient partie des pom-pom-girls affiliées au handball et au
basket-ball qui étaient prêtes à adopter la chorégraphie que proposait Bucky, si
elle était jugée digne d’intérêt. Mathéo était également prêt à filmer à l’aide des
caméras utilisées d’ordinaire pour corriger les éventuelles erreurs d’arbitrage et un
petit drone afin que Meyrie et elle, puissent observer ce que cela donnait sous tous
les angles.

Après une dernière vérification de la bande son et de l’éclairage, Bucky


lança la répétition, grandeur nature. La magie opéra immédiatement ! Des ratés
inévitables, particulièrement chez les garçons étaient perceptibles, mais ce que
proposait Bucky avait un potentiel indéniable. Comme elle s’y attendait, la
participation active des joueurs lors d’une courte séquence donnait un plus
incontestable. Et que dire de la partie avec Béhuit, il avait été fantastique et ne fut
qu’à peine surpris de découvrir que le porté qui initiait leur danse provenait d’un
lancer de quatre de ses amies pom-pom-girls. L’étudiante à la mèche fuchsia

303
savait pertinemment que cette partie serait sujet à cautionnement pour les autres
groupes de pom-pom-girls, mais elle s’était refusée de ne pas faire participer son
petit ami à son spectacle, même s’il paraissait clair qu’un individu comme
l’entraîneur de l’équipe de basket-ball refuserait de participer à une danse comme
celle-là avec une pom-pom-girl ! Des adaptations devraient forcément avoir lieu.
Ajouter à cela des mouvements originaux chez les filles et des cabrioles
impressionnantes de Shandrill et on avait tout ce qu’avait imaginé Bucky, qui
comprit immédiatement le bon retour une fois la dernière note de musique
d’Ambiance Madison passée. Les sourires dans les tribunes ne mentaient pas !

Meyrie profita des derniers instants pour corriger certaines positions,


particulièrement chez les garçons. Tout ne serait pas parfait pour la première de
ce soir, mais le principal était là ; Bucky allait pouvoir présenter sa création !

Avant de se diriger vers le car pour se rendre à l’aéroport en vue du match


de ce soir, elle fut intensément questionnée sur sa chorégraphie par les pom-pom-
girls des autres disciplines, preuve incontestable du succès de sa création.
Comme elle l’avait imaginé, la participation des garçons et surtout de l’entraîneur
avait fait mouche. La question qui se posait principalement était de savoir
comment Bucky avait réussi à les convaincre de participer. Elle répondit
simplement que son groupe de pom-pom-girls et les joueurs de volley-ball étaient
très proches, le fait que les frères Donerm sortent avec deux d’entre elles et qu’il y
ait leur sœur n’y était pas étranger. Quant à convaincre l’entraîneur, elle se garda
bien d’avancer qu’elle couchait avec, et se contenta juste de dire que c’était
quelqu’un d’extraordinaire qui était ouvert d’esprit. Pile le moment où Béhuit
passait non loin d’elle pour se rendre à son car. Elle évita de lui sourire pour ne pas
éveiller les soupçons, mais les filles le regardaient avec admiration. Elle n’était
visiblement pas la seule à qui il avait tapé dans l’œil ! Il s’arrêta un instant tout près
du groupe. Par réflexe, toutes les filles détournèrent le regard de peur d’avoir été
remarquées en train de l’épier avec un plaisir coupable. Il avait peut-être même
entendu les compliments que Bucky lui avait fait. Toutes les filles étaient gênées.
Toutes sauf Bucky qui ne s’arrêta pas de le scruter. Elle commençait à le connaître,
quelque chose clochait dans son comportement. Il observait les pom-pom-girls
sans la regarder elle. Une mimique particulière l’interpella. Ce n’était pas la
première fois qu’elle apercevait Béhuit remuer l’ensemble de ses doigts avec une
mine inquiète qu’il chercha immédiatement à dissimuler… en reprenant son
chemin. Sans doute imperceptible pour les autres pom-pom-girls, Bucky avait, elle,
bien compris que quelque chose avait troublé l’entraîneur lorsqu’il avait croisé le
groupe de pom-pom-girls. Quoi ? Impossible de le dire, mais elle était certaine de

304
ne pas avoir fait fausse route. Elle se dirigea à son tour vers le car une fois sa
discussion terminée et y croisa son bien-aimé devant, en train d’envoyer un
message via son portable. La tentation fut trop forte, elle passa tout près de lui
avant de monter dans le transport collectif les menant à l’aéroport afin de jeter un
coup d’œil le plus discret possible sur son portable. Le message avait déjà été
envoyé. Elle avait cependant bien distingué son destinataire : Céssix. Une
confirmation de plus que les deux travaillaient de concert sur quelque chose qui
concernait le campus. Elle ne put s’empêcher d’y penser un court instant. Qu’est-
ce qui venait de se passer à l’instant qui inquiétait autant Béhuit ?

***

Avec la présence de Meyrie pour ce déplacement, Bucky et l’ensemble du


groupe se sépara en deux groupes distincts dans le car ; les filles s’étaient mises
à l’avant et les garçons à l’arrière du véhicule. Béhuit, monté en dernier, ne tarda
pas à découvrir le pot-aux-roses ; Bucky et les autres l’avaient berné lors des deux
derniers matches à l’extérieur en omettant de dire que les deux sexes ne se
mélangeaient pas lors des déplacements. Le blond à la mèche bleue fixa
particulièrement Bucky pour lui faire part de sa désapprobation. Elle ne sut lui
répondre que par un sourire gêné et un tirage de langue pendant qu’Antoine et son
équipe tentaient de jouer la carte pas du tout crédible de l’ignorance. Béhuit
souriait légèrement. Il semblait ne pas trop en vouloir aux étudiants pour cette
omission volontaire.

***

Dernière discrète touche de maquillage et ce fut le moment de quitter les


vestiaires pour rejoindre le terrain portugais sous un dernier discours de conseils
technique et d’encouragement de Meyrie. Les garçons étaient en train de
s’échauffer, la tension était également palpable chez eux. Ce match revêtait pour
eux une importance capitale. Béhuit, dans son beau costume bleu ciel, était
également très concentré. Il jeta cependant un rapide coup d’œil vers elle. Il ne
l’avait pas oubliée et savait que Bucky vivait un moment particulier aussi ce soir.
Après des ultimes assouplissements pour limiter le risque de blessure et s’être

305
repassée avec son groupe les mouvements de façon mentale, elle ramassa son
pompon bleu et son pompon fuchsia alors que Béhuit retirait sa veste en prévision
de la danse "tonique" qu’il s’apprêtait à faire avec elle. Un dernier regard vers
Mathéo qui lui confirma par un signe du pouce que la séquence d’éclairage avait
bien été fourni à la personne qui s’en occupait ce soir et que tout était prêt pour
filmer la chorégraphie, et le groupe de pom-pom-girls s’avança en prévision du
début de la chorégraphie. Les filles attendirent que le gymnase soit plongé dans
une relative obscurité pour se placer. Bucky prit une dernière puissante inspiration
et Ambiance Madison des Blues Brothers fut lancée.

Très attentive aux mouvements de ses équipières, particulièrement les plus


jeunes, afin de les corriger par certains signes ou mots en cas de louper de leur
part, Bucky dansait machinalement sans la moindre faute de son côté. Excellente
danseuse, elle s’était passée un nombre de fois incalculable la chorégraphie dans
sa tête si bien qu’il lui semblait la connaître depuis toujours. Tout se passait bien,
seules des erreurs minimes de pas, probablement pas visibles pour le public avait
été détectées par la capitaine. Shandrill avait déjà impressionné par quelques
cabrioles et le jeu de pompons de début de chorégraphie donnait un bel effet. La
première moitié de la musique même pas terminée, que la première véritable
originalité imaginée par Bucky arrivait déjà. Les garçons entraient déjà dans la
danse, devancés par Glaème et Anita afin de les guider au mieux. Son idée de
"pom-pom-girls pilotes" proche d’eux pour les accompagner permit aux joueurs de
volley de raccrocher les wagons lorsqu’ils se perdaient dans leurs mouvements.
Le rendu général satisfaisait la capitaine. Déjà essoufflée par les nombreux
mouvements qu’elle avait effectués, il n’y eut qu’un court répit avant qu’elle ne
s’approche, en dansant, de Béhuit pour l’inviter à entrer sur le terrain. Elle ne put
s’empêcher d’avoir un sourire en lui tendant la main. Elle avait créé une
chorégraphie de pom-pom-girls et en profitait pour y faire participer la personne
qui la faisait vibrer depuis environ deux mois maintenant. Un moment merveilleux
pour elle, d’autant que l’entraîneur de volley fit une prestation avec elle très
convaincante. Il avait parfaitement assimilé ce qu’il devait faire en dansant avec
elle en couple durant une vingtaine de secondes. Une dernière petite série de
mouvements de danse pour que les filles se retrouvent toutes devant les garçons
et jettent leurs pompons l’un après l’autre sur des tirs de pistolets simulés par
l’ensemble des garçons sur le "bang bang" final de la musique et la présentation
de l’équipe fut terminée… sous un tonnerre d’applaudissements !

Heureuses, les filles se jetèrent dans les bras les unes des autres, avec
Meyrie qui vint rapidement les rejoindre pour les féliciter. Elle aussi, s’était

306
terriblement investie dans le projet de la nouvelle chorégraphie. Puis les garçons
vinrent se joindre au groupe de filles. Sans surprise, Glaème et Antoine
échangèrent un intense baiser. Bucky de son côté eut une étreinte avec Yvan, un
de ceux qu’elle connaissait le plus dans cette équipe mis à part les frères Donerm.
Les garçons avaient clairement apprécié de faire partie intégrante de leur
présentation. Bucky, après avoir fait une rapide accolade à Djurek, se dirigea vers
Béhuit. Même sans rien pouvoir montrer de leur relation, elle souhaitait tout de
même partager un minimum sa joie avec lui, alors que Meyrie le remerciait une
énième fois d’avoir accepté que ses joueurs participent et surtout sa propre
participation très active souligna-t-elle. Proche l’un de l’autre, ils se contentèrent
de se serrer la main pour se féliciter. Ni d’étreinte, ni de bise, cette danse entre eux
pouvait déjà soulever suffisamment de questions.

- Bravo Bucky, tu as un talent incroyable, se contenta-t-il de lui dire.

- Merci d’avoir contribué à cela. C’est à mon tour désormais de te souhaiter


bonne chance pour ce match. Fais-en sorte que cette soirée soit inoubliable !
L’encouragea-t-elle.

La jeune pom-pom-girl souhaitait de toutes ses forces une issue favorable


pour l’équipe de volley ce soir. Son petit ami le méritait. Jamais elle ne s’était
autant préoccupée des résultats sportifs de l’équipe qu’elle encourageait.

***

Le score était plus que serré sur cette fin de premier set, 22 partout ! Les
deux équipes ne s’étaient pas distancées de tout le set. C’est le moment que
choisit Béhuit pour faire entrer Ethan Spidze pour la première fois du match. Bucky
était curieuse de voir ce que le petit frère de Glaème allait montrer. L’équipe fondait
énormément d’espoir en lui.

Tout de suite, le nouveau central de l’équipe de l’E2C se mit en évidence en


contrant l’attaquant adverse avec une facilité déconcertante. Encore deux points
comme cela, et le premier set était en poche ! Le point suivant fut tout aussi
encourageant, un magnifique ace d’Erik qui s’était habitué à faire un clin d’œil en
direction d’Anita à chaque fois qu’il réussissait cet exploit. La balle de set fut
malheureusement ratée, Erik servit cette fois dans le filet. Il restait une opportunité
qu’Yvan ne manqua pas de conclure sur une réception d’Antoine puis une passe

307
parfaite de Djurek. L’E2C prenait la tête sous les cris de joie des pom-pom-girls.
Pour la première fois cette saison, l’E2C menait un match !

Le deuxième set partit sur le même tempo que le premier, avec un score
serré de 15 partout, jusqu’à ce que les garçons passent par un trou d’air et ne
perdent contact avec l’équipe adverse. Voyant la situation lui échapper, Béhuit
remplaça Erik par Ethan, tout en donnant des consignes spécifiques à Antoine.
L’hémorragie de points fut stoppée et l’E2C reprit même quelques couleurs lors de
la rotation d’après en refaisant entrer Erik pour le service. L’E2C parvint à revenir à
égalité à 23 partout, mais une mauvaise réception d’Yvan puis une passe
complètement ratée de Djurek enterra les espoirs sur ce set, perdu 25 à 23.

Le troisième set vit l’équipe de l’E2C prendre une petite avance grâce à une
série de services puissants d’Erik dès le début du match. Six services de suites
sous les acclamations de Bucky et ses équipières. Tout comme au premier set,
Béhuit fit entrer Ethan une fois de plus en fin de set. Visiblement l’entraîneur de
l’E2C prenait garde à ce qu’Ethan ne se retrouve jamais sur la ligne arrière du
terrain dans ce match. Le jeune Spidze plaça deux contres et une attaque
monumentale pour permettre de remporter le set 25 à 19. Pour la première fois de
la saison, l’E2C avait remporté deux sets dans un match et ils le menaient de
nouveau. La joie se lisait sur les visages. Bucky tenta de glisser un sourire à Béhuit
qui ne la regarda pas. Pas de raison de lui en vouloir. Il était concentré. Tout
comme elle l’était lors de la présentation de l’équipe ; elle aussi l’avait à peine
regardé alors qu’ils avaient dansé en couple. Ne manquait plus qu’un set pour que
la soirée soit parfaite !

Le quatrième set fut encore une fois serré, mais cette fois, le set leur
échappa malgré une fois encore la rentrée d’Ethan dans les derniers points. Bucky
ne désespérait pas pour autant, l’équipe avait encore une chance de remporter le
match lors du dernier set.

La tension était palpable avant le début de cet ultime set qui se jouait en
quinze points. Toute l’équipe, y compris Béhuit, avait compris qu’un moment
essentiel se jouait. Jamais Bucky n’avait vu l’équipe aussi stressée. L’entraîneur
tenta bien de faire descendre en pression les joueurs, mais il n’y parvint pas.
L’enjeu était trop important.

Pour la première fois, Ethan commença dès le début du set mais l’équipe,
pétrifiée par l’enjeu, rata absolument tout ce qu’elle entreprit. Erik loupa son
premier service qui termina dans le filet, Antoine rata totalement les réceptions
des deux points suivants, pas du tout son habitude. Même Ethan se mit à

308
dysfonctionner en manquant carrément le ballon sur une attaque, puis en contrant
en dehors des limites du terrain adverse. Malgré des tentatives de changement
pour reprendre la main, Béhuit ne put redresser la barre. La perte du cinquième set
15-9, et du match par la même occasion, était acté. Le dépit se lisait sur tous les
visages des joueurs.

D’instinct, Anita se blottit dans les bras d’Erik, terriblement affecté par sa
contre-performance des deux derniers sets. Le jeune joueur de première année
était totalement passé à côté en cette fin de match. Bucky voyait la déception qui
se lisait sur le visage de Béhuit. Elle allait devoir trouver les mots et les gestes pour
le consoler… quand ils seraient seuls.

***

Par politesse, les filles cachèrent la bonne nouvelle concernant leur


chorégraphie lors du transfert par car du campus de Lisbonne à l’hôtel. Elle
circulait déjà de manière virale sur les réseaux sociaux, preuve que Bucky avait
visé juste. Le salut vint de Mathéo qui redonna quelque peu le sourire à l’équipe de
volley-ball. Le classement de la poule de championnat mis à jour du groupe de
l’E2C était extrêmement serré. Bien évidemment, avec aucune victoire, Cley était
dernier, mais avait seulement une victoire de retard sur deux autres équipes, dont
celle de ce soir. La deuxième ayant elle-même uniquement battue Lisbonne par 3
sets à 2 rencontrait Cley pour le dernier match ! Une rapide analyse des choses
permit de comprendre que tout n’était pas perdu pour éviter la dernière place et
avoir ainsi un ticket pour le tournoi de rattrapage. Il suffisait de gagner, de
préférence assez largement, le prochain match ! A l’annonce de cette nouvelle,
l’ambiance fut moins délétère chez les garçons. L’espoir était encore permis pour
que la fin de saison ne soit pas un long chemin de croix.

***

Dès son arrivée à l’hôtel, Bucky n’avait qu’une idée en tête ; faire en sorte de
passer la nuit, non pas dans sa chambre d’hôtel qu’elle partageait avec Nolwenn,
mais bel et bien dans celle de son petit ami, un étage plus haut. Alors que Nolwenn

309
lui annonçait un plébiscite de la vidéo de chorégraphie de présentation d’équipe
des garçons sur les réseaux sociaux, elle demanda assistance à sa meilleure
amie :

- Nolwenn, j’espère que tu ne m’en voudras pas trop, mais je voudrais passer
la nuit dans la chambre de Béhuit.

- Pour fêter avec lui le succès de ta chorégraphie ou le consoler de sa


défaite ? Sourit-elle, faisant ainsi comprendre qu’elle ne lui prêtait pas rigueur de
l’abandonner cette nuit pour rejoindre son petit ami.

- Tous les prétextes seront utilisés pour qu’il me serre dans ses bras… je
suis totalement folle de lui ! Et là, il me manque alors qu’il est tout près de moi
dans sa chambre, je veux être avec lui !

- Si on m’avait dit un jour que ma meilleure amie serait aussi dépendante


d’un homme, je ne l’aurais jamais cru. Béhuit t’a transformée.

- En bien j’espère ?

- Je pense qu’il est encore trop tôt pour le dire, mais une chose est sûre. Il
t’a ouvert de nouveaux horizons. Sans lui, cette chorégraphie n’aurait pas existé,
du moins pas sous ce format ! Et je te confirme que c’est quelqu’un qui est fait
pour toi malgré vos différences. Vous vous complétez parfaitement.

- Mon homme est formidable… tout comme moi. En toute humilité bien sûr,
rigola-t-elle.

Son amie rigola également, avant de reprendre la parole :

- Et j’imagine que je vais devoir t’aider à trouver une solution pour que tu ne
te fasses pas repérer en montant le rejoindre ?

- C’est l’une des principales utilités des meilleures amies, non ?

- Tu as une idée pour être sûre de ne pas être prise la main dans le sac ?

- Il y a en principe peu de chance au départ que je me fasse repérer par


quelqu’un en montant simplement un étage, mais je veux prendre le moins de
risque possible. je ne souhaite pas que Béhuit ait un problème.

Les deux filles entendirent toquer à la porte de leur chambre. Il était près de
23h30 ! En principe, les mineurs devaient déjà être dans leurs chambres et les
majeurs ne devaient plus tarder à le faire.

310
- Les filles, c’est Glaème ! Entendirent-elles.

Nolwenn ouvra la porte à son amie pour y découvrir qu’elle n’était pas seule.
Antoine aussi était présent.

- Cela me fera toujours bizarre de voir une amie à moi avec mon frère bras
dessus, bras dessous, dit Nolwenn en les voyant.

Le couple de cinquième année força légèrement le passage pour entrer


après avoir vérifié que personne n’était dans le couloir. Ils souhaitaient être le plus
discret.

- Je ne vais pas y aller par quatre chemins avec vous, initia Antoine.

Bucky montra toute son attention à Antoine. Sa sœur en fit de même. Après
un petit instant à regarder Glaème, le capitaine de l’équipe de volley reprit :

- Glaème et moi, nous voudrions passer la nuit… ensemble.

- Vous voulez jouer au docteur ? Demanda Bucky avec un sourire curieux.

- Je ne veux rien savoir de plus ! Stoppa Nolwenn clairement gênée de parler


de la vie sentimentale et potentiellement sexuelle de son frère.

- On ne vous en dira de toute manière pas plus, enchaîna Glaème. On a


simplement besoin de votre aide pour pouvoir rester ensemble cette nuit !

- Pour un couple en détresse sexuelle, je me plierai en quatre ! Répondit


Bucky cherchant à savoir si cette nuit entre Glaème et Antoine serait utilisée pour
assouvir leur pulsion.

- Dans ce cas je vous confirme qu’aucunes de vous deux ne dormira ici !


Leur annonça Glaème. Cette chambre sera la nôtre !

- Contrairement à Bucky, moi je ne souhaite rien savoir de plus sur ce qui va


se passer dans cette chambre ! Dis-moi simplement où je dors ce soir ? Demanda
Nolwenn.

- Pour toi, c’est simple, tu prends ma place avec Shandrill, répondit Glaème.

- Je sens que l’histoire va être plus complexe pour moi ! Je vous préviens,
productrice de sextape, c’est pas trop mon truc. Et si c’est pour me proposer un
plan à trois… je suis plus pour le faire avec deux garçons ! Plaisanta Bucky.

311
- Tu pourras proposer tes plans salaces à Béhuit ! Il faut que tu arrives à le
persuader pour qu’il t’accueille dans ta chambre cette nuit. Et ne me dis pas non !
Je trouve que j’ai suffisamment œuvré pour ton couple, tu dois me rendre la
pareille, dit Glaème.

Bucky et Nolwenn rigolèrent au même moment. Finalement, la brune à la


mèche fuchsia avait trouvé des alliés de circonstance pour ses plans.

- Je pense que Bucky acceptera ce sacrifice de bonne grâce, sourit


Nolwenn.

***

En quelques minutes, un plan d’action avait été élaboré. Discrètement, Erik


surveillait le couloir du haut alors que Shandrill celui du bas afin que les échanges
de valises aient lieu. Pendant ce temps, Bucky avait prévenu par messagerie
Béhuit qu’elle venait dans sa chambre cette nuit en insistant sur le fait qu’il lui
manquait. Bien évidemment, elle ne l’informa pas du petit jeu de chaises
musicales des chambres qui était en cours. Tout comme dans les transports, il y
avait des principes de séparation ; les chambres des filles et des garçons devaient
être à des étages différents. L’entraîneur de volley craignait quelque peu une
rencontre fortuite dans le couloir et notamment de Meyrie, mais elle le rassura.
Elle avait donné son sac de voyage à Antoine pour qu’il le monte à Béhuit dans un
premier temps, puis une fois confirmation que le terrain était dégagé par les frères
Donerm, elle se précipita au premier étage, comme pour une véritable opération
clandestine.

Alors qu’Antoine l’attendait, tout près de la porte de chambre de Béhuit, il fit


signe à Bucky que le chemin était dégagé en lui indiquant la chambre de son petit
ami. Sans perdre de temps, elle s’engouffra dedans alors qu’Antoine était en train
de prendre le chemin inverse pour descendre d’un étage pour rejoindre Glaème.
Tout s’était passé comme prévu ! Il n’y avait plus qu’à reprendre sa place d’origine
à 6h30 du matin pour que personne ne puisse détecter ces changements de
chambres.

Elle s’installa sur le lit, le temps que Béhuit referme la porte et prenne soin
de bien vérifier que la serrure était verrouillée. Il se retourna pour la regarder :

312
- Et en plus, tu embarques un innocent dans ton méfait ! Lui dit-il en souriant.

L’entraîneur de volley-ball semblait aussi heureux que la capitaine de pom-


pom-girls de faire chambre commune ce soir.

- Beaucoup plus que tu ne l’imagines, pas mal de pom-pom sont dans le


coup ! Il fallait être sûr qu’on ne me voit pas monter à ton étage ! Répondit-elle.

Béhuit ne se doutait pas que Glaème et Antoine faisaient également


chambre commune un étage plus bas et elle ne préféra pas lui dire ne sachant pas
la réaction qu’il aurait.

- Je te remercie d’être la plus prudente possible et je suis heureux de t’avoir


avec moi ce soir, mais comment allons-nous te faire sortir demain matin ?

- De la même manière ! Je suis une fille réfléchie et organisée, fais-moi


confiance !

- Pas sûr qu’une fille réfléchie ne prenne le risque d’entrer en douce dans la
chambre de son professeur d’EPS ! Dit-il calmement avec pragmatisme.

- Je voulais simplement partager un peu plus mon bonheur avec toi sur le
succès de ma chorégraphie et puis… tu me manques… enfin… te voir à mes côtés
et ne rien laisser paraître, c’est difficile. J’aurais tellement aimé te sauter dans les
bras et t’embrasser à la fin de la chorégraphie pour partager ma joie ou encore te
réconforter en me blottissant contre toi lorsque nous avons perdu ce match.

L’étudiante de 19 ans cherchait à expliquer à Béhuit combien elle était


devenue dépendante de lui. D’une simple attirance, elle était devenue totalement
accro. Leur relation ne pouvait pas continuer à être secrète. Elle le supportait de
moins en moins.

- Bucky… j’ai été parfaitement clair dès le début de notre relation. Notre
liaison ne sera jamais… normale.

- J’en suis consciente. Je voulais simplement te dire que cela me pèse. Je


suis une fille assez démonstrative d’ordinaire et devoir cacher mes sentiments
pour toi, c’est compliqué. C’est déjà assez difficile de ne rien pouvoir te demander
sur les raisons de ta venue à l’E2C…

B8 s’approcha du lit pour s’y asseoir et inviter l’étudiante à s’asseoir sur ses
jambes. Ce qu’elle s’empressa de faire.

313
- Ma pom-pom… nous n’aurons jamais une vie, tous les deux, comme tu le
souhaiterais. Je ne veux aucunement te faire souffrir. Si tu ne supportes pas cette
situation, je comprendrais qu’on se sépare.

- Jamais ! Coupa-t-elle avec un ton ferme. Tu es l’homme de ma vie, je le


sais, je le sens ! Je voulais simplement te faire comprendre que cette situation
m’est pénible. Il n’y a pas possibilité que Céssix modifie ton planning afin que je
ne sois plus ton élève ?

- Je pense que si, mais Céssix pense avant tout à la raison de ma venue ici.
Écoute, crois-moi, cela ne me plaît pas non plus, j’essaye de faire au mieux pour
nous faciliter les choses, mais je ne maîtrise pas tous les facteurs.

Elle hocha la tête pour montrer qu’elle comprenait la situation, puis


l’embrassa. Elle voulait insister sur le fait de trouver une solution, mais elle
craignait qu’il le prenne mal. La belle brune laissa couler d’autant que Béhuit
commençait à prendre des initiatives intéressantes en lui déboutonnant son jean
et en passant sa main sous son t-shirt pour lui dégrafer son soutien-gorge. Elle
allait enfin pouvoir profiter de son petit ami après de nombreuses heures de faux-
semblant.

***

6h29 ! Bucky avait ouvert l’œil pile au bon moment pour annuler l’alarme sur
son portable afin de ne pas réveiller Béhuit. Il dormait profondément. Elle serait
bien encore restée avec lui, mais l’heure de reprendre leur chambre d’origine était
venue pour elle, Antoine, Glaème et Nolwenn. Elle s’habilla rapidement avant
d’embrasser délicatement une dernière fois Béhuit. Même endormie, elle prit
quand même soin de lui chuchoter un "je t’aime" et sortit avec son bagage.

Antoine était déjà là, au bout du couloir alors qu’elle voyait Glaème
discrètement regagner le rez-de-chaussée ; elle l’avait raccompagné le plus loin
possible sans prendre trop de risque. Antoine lui fit signe de venir pour également
descendre. La voie était dégagée et rapidement, elle regagna sa chambre.

Nolwenn venait également juste de reprendre possession des lieux. Le plan


avait parfaitement fonctionné ! Ne restait plus qu’à aller prendre le petit-déjeuner
après une bonne douche… et cacher ses sentiments une fois de plus tout le long

314
du chemin de retour. C’était d’autant plus douloureux pour Bucky ; Béhuit lui avait
annoncé qu’il ne pourrait pas se voir à la villa, il avait à faire dès leur retour en
France. Elle n’eut droit qu’à un rapide et furtif baiser en toute fin du trajet, Béhuit
l’avait suivi jusqu’à la résidence des Donerm pour l’embrasser une dernière fois
tout de même avant de la quitter jusqu’au lundi.

***

Le portable de Bucky n’arrêtait pas de vibrer pour lui annoncer notifications


sur notifications. Clairement la nouvelle chorégraphie de présentation des garçons
était un succès. La nouvelle semaine de cours ne fit que le confirmer. Dès son
arrivée sur le campus, elle fut alpaguée par les pom-pom-girls affiliées au handball
et au basket qui lui confirmaient déjà leur envie d’utiliser la chorégraphie qu’elle
avait créée et ce le plus vite possible. Le premier cours de danse après les
vacances de Noël fut déjà bloqué à cet effet sur l’initiative de Meyrie, les pom-pom-
girls y étant toutes présentes. Mathéo y mit également du sien en invitant Bucky à
une interview pour la pause midi pour en faire un podcast pour le campus. Les
cours n’avaient même pas encore commencé que la capitaine des pom-pom-girls
affiliée au volley-ball avait un large sourire. Elle ne manqua pas, juste avant de se
rendre en cours, d’envoyer un message à Béhuit pour lui faire part de son bonheur !

Même pas installée à sa place pour le cours d’expression écrite que le


succès continua ! La professeure ne manqua pas de la féliciter avec Glaème et
Nolwenn pour leur "chorégraphie entraînante et originale", selon ses dires. Même
elle, pourtant pas du tout axée sur le sport sur le campus et en général avait vu la
vidéo produite par Mathéo ! Sa journée d’étude commença le cœur léger.

***

La fin du cours de physique approchait doucement. Il était un peu plus de


11h30. Il ne restait plus que 30 minutes avant de passer prendre un sandwich
rapidement à la cafétéria pour se rendre à son interview. N’écoutant absolument
pas son vieux professeur plongé dans la présentation d’une énième équation
différentielle, que seule Glaème devait comprendre, elle pensait déjà à ce qu’elle

315
allait pouvoir répondre à Mathéo dans moins d’une heure. Elle fut sortie de son
oisiveté quand elle entendit frapper vigoureusement à la porte d’entrée de la
classe.

Le professeur de physique, intrigué, alla ouvrir. Bucky reconnu


immédiatement son professeur de sport. Pourquoi interrompait-il le cours de l’un
de ses collègues ?

Nolwenn, assise à côté de Bucky, lui demanda à voix basse si elle savait ce
que Béhuit voulait. Bucky se contenta de hausser les épaules, elle l’ignorait
totalement. Elle commençait à s’inquiéter, presque à paniquer, était-ce le moment
tant redouté où Béhuit devait plier bagage immédiatement et souhaitait lui dire
adieu ? Elle se décomposa. Impossible qu’il la quitte comme cela, de cette
manière. Elle ne le laisserait pas faire, quitte à le lier à elle avec une paire de
menottes pour partir avec lui.

Le professeur laissa entrer Béhuit après une courte discussion entre eux.
"je n’en ai pas pour longtemps" discerna-t-elle.

- Excusez-moi de vous déranger durant ce cours qui a l’air… passionnant,


dit-il avec ironie en regardant le tableau numérique bourré de calculs.

- Un problème Béhuit ? S’inquiéta immédiatement Antoine.

- Simplement des choses à éclaircir et… des changements probables pour


tous.

Bucky était complètement tétanisée, comme elle l’avait été pour lui déclarer
sa flamme. Elle tremblait de tout son corps et il lui était impossible de parler. Allait-
il annoncer qu’il partait après avoir donné des explications quant à son arrivée ici ?
Elle refusait que leur relation s’arrête comme cela. Encore moins aujourd’hui, dans
une journée qui s’annonçait pourtant radieuse pour elle.

- Vous nous inquiétez ! Dit Yvan.

- Je remercie d’abord mon collègue, professeur de physique, de me laisser


prendre la parole durant son cours. Je voulais simplement vous annoncer… que je
vais devoir quitter mon poste de professeur d’EPS.

Bucky était proche de s’évanouir, son pire cauchemar était en marche !


Maigre lot de consolation, elle et sa classe allaient peut-être connaître la vérité et
les raisons de sa venue.

316
- Pour quel motif ? Tu ne peux pas abandonner l’équipe ! S’insurgea Antoine.

- On a encore une chance de se qualifier pour le tournoi de rattrapage,


continua Yvan.

- Tu n’as pas le droit de nous faire cela ! Ajouta Glaème.

- Laissez-moi juste m’expliquer avant ! Tout d’abord, je ne souhaite pas


abandonner l’équipe de volley, je quitte simplement mon poste de professeur
d’EPS. Sachez que je ferai tout pour terminer la saison de volley avec l’équipe.

Tout le monde se regardait dans la classe, cherchant à comprendre. Bucky


poussa un ouf de soulagement ! Elle ne savait pas ce qui se passait non plus, mais
au moins, il cherchait à rester en partie sur le campus. Était-ce le fait de Céssix ?
Ce n’était pas impossible. Un marché entre elles avait pourtant été convenu afin
que Béhuit ne soit pas renvoyé ! Et elle avait rempli sa part de marché, pour le
moment, avec des notes en net progrès.

- Mais pourquoi ? Demanda Nolwenn qui semblait également affectée par


ce départ.

- La raison est dans cette classe, c’est pour cela que je viens vous voir
spécifiquement, répondit-il en fixant Bucky.

La brune à la mèche fuchsia comprit rapidement. Il avait décidé de tout


déballer sur leur relation ! Alors que la plupart des élèves étaient toujours dans
l’interrogation. Antoine, Nolwenn, Glaème et Lily comprirent également et
regardèrent à leur tour Bucky… qui ne savait plus où se mettre et s’enfonça un peu
plus dans sa chaise, alors que Béhuit poursuivait son discours :

- J’ai rencontré une personne de cette classe qui m’a véritablement


charmée. Elle est belle, intelligente, a un sens de la répartie incroyable, elle illumine
ma vie et le plus surprenant ; elle m’a annoncé être amoureuse de moi.

Bucky se sentait gênée, mais quel plaisir d’être encensée devant toute sa
classe ! Elle craignait cependant les suites pour Béhuit. Elle tenta de montrer par
un "non" discret de la tête à Béhuit qu’elle ne l’obligeait à rien. Il n’en tint pas
compte.

- Et on peut savoir de qui tu parles ? Demanda une des pom-pom-girls


affiliées au basket-ball.

317
- Oui, vous pouvez le savoir, je suis venu pour ça ! Répondit-il en s’avançant
tranquillement vers Bucky.

- Je ne veux pas te poser de problème, tu n’es en rien obligé de faire cela,


lui répondit Bucky partagé entre la peur, la joie et se sentant rougir, alors qu’il était
tout près d’elle.

- Je sais, mais je le fais parce que j’ai envie de te montrer que toi aussi, tu
comptes pour moi.

Il se pencha vers elle… et l’embrassa devant toute la classe !

Elle était aux anges ! Plus besoin de faux-semblant, de ne rien laisser


paraître aux yeux de tous. Par ce geste, Béhuit révélait leur amour sous les cris
d’encouragement d’une partie de la classe. Son émotion était telle qu’elle fut
proche des larmes, tout en continuant à l’embrasser. Tous les deux, c’était
désormais officiel !

- Maintenant que tout est limpide pour tout le monde, je m’en vais de ce pas
à la direction, annonça Béhuit juste après avoir rompu le contact entre ses lèvres
et celles de Bucky.

Le professeur de physique regarda passer Béhuit bouche-bée en le suivant


du regard jusqu’à sa sortie. Il mit un instant supplémentaire avant de reprendre
ses esprits pour demander à la classe de se taire pour reprendre le cours. Peine
perdue. Tout le monde était focalisé sur la petite amie officielle du probable ex-
professeur d’EPS, très émue par la démonstration sentimentale qui venait de lui
être faite.

- Je crois que n’importe quelle fille présente ici rêverait d’être à ta place !
Nous sommes toutes mortes de jalousie, lui glissa Lily.

Au bout de quelques secondes supplémentaires, le professeur parvint enfin


à obtenir un semblant de calme. Il regarda Bucky.

- Mademoiselle Délavigna, avant que je ne reprenne le cours, vous avez


quelque chose à ajouter ?

Elle le fixa, encore sous le coup de l’émotion du geste de Béhuit.

- Je devrais sans doute vous dire que je suis désolée que votre cours ait été
interrompu… mais je ne le suis même pas, sourit-elle de bonheur.

318
Toujours assise, elle poussa un petit cri "oui" de victoire tout en levant les
bras. Elle prit sa tablette numérique de travail pour la ranger dans son sac et se
leva. Elle ne voulait pas rester loin de Béhuit une seconde de plus !

- Mademoiselle, si vous quittez cette salle, je serai contraint de vous retirer


un point sur la moyenne de votre évaluation de la semaine selon le règlement
intérieur, avertit le professeur comprenant immédiatement son intention.

Elle le regarda avec un grand sourire :

- Honnêtement Monsieur, Béhuit à bien plus de valeur pour moi qu’un point
sur une évaluation. C’est l’homme de ma vie !

- Je comprends… Profitez de votre jeunesse ! Lui répondit-il, l’invitant du


regard à quitter la salle.

L’étudiante sortit de la salle sous les acclamations de ses camarades et


même du professeur physique pour courir rejoindre Béhuit… certainement en
direction du bureau de Céssix Sky.

***

Pourtant pas du tout sportive, Bucky se sentit pousser des ailes dans sa
course folle pour rejoindre Béhuit, même si l’équilibre de course était légèrement
compliqué à garder avec des bottes hautes à talons et une robe très ajustée au
corps. Elle le rattrapa, alors qu’il se dirigeait très lentement vers le bureau de la
direction. Dans un couloir absolument vide, les élèves étant tous en cours, Béhuit
entendit ses pas de course et se retourna pour l’attendre. Sans même décélérer,
elle lui sauta dans les bras, tellement violemment qu’il faillit en perdre l’équilibre
en la réceptionnant.

- Je t’aime ! Cria-t-elle dans le couloir vide, perturbant probablement les


cours qui se tenaient à côté !

Ils s’embrassèrent de nouveau sans qu’elle touche le sol de ses pieds. Elle
se cramponnait fermement à lui à l’aide de ses bras.

- Alors, c’est officiel ? Lui demanda-t-elle.

- Dès que tu m’auras lâché pour avertir Céssix, oui !

319
Relâchant doucement son emprise. Elle remit les pieds à terre.

- Je sais bien que ton poste de professeur d’EPS t’importe peu, mais tu es
certain que tu pourras continuer la saison de volley ? S’inquiéta-t-elle.

- Ne te tracasse pas pour cela ma pom-pom, tout est prévu dans les
moindres détails.

- Tu as besoin que je t’accompagne pour Céssix ? Proposa-t-elle.

D’un geste de la tête, il fit un non puis repartit.

- Béhuit… Merci ! Lui dit-elle le voyant s’éloigner.

Il tourna la tête :

- Merci à toi de m’aimer… et à ce soir pour l’entraînement de volley où nous


n’aurons plus besoin de nous cacher ! Avant de repartir de plus belle.

***

Zapper la fin du cours de physique pour rejoindre Béhuit avait permis à


Bucky d’être l’une des premières à la cafétéria. Elle put ainsi se rendre dans
l’espace multimédia et information du campus pour y rejoindre Mathéo tout en
s’étant restaurée. Tout au long de sa scolarité, elle avait déjà fait deux interviews
ici, mais cette troisième avait un goût tout particulier pour elle. Elle devait y parler
de sa chorégraphie, son œuvre, qui lui ouvrirait sans doute des portes pour faire
chorégraphe, danseuse, voire les deux. Elle souhaitait continuer ses études ou
entrer dans la vie active dans ce domaine.

Après s’être installée avec Mathéo dans la salle servant à faire les
interviews, Bucky se recoiffa légèrement afin d’apparaître sous un meilleur jour sur
la vidéo. Une brève introduction, en présentant Bucky de façon élogieuse, puis il
posa ses premières questions :

- Bucky, comment t’es venue l’idée de créer une nouvelle chorégraphie de


présentation d’équipe ?

- Disons que j’avais déjà cette idée dans un coin de la tête depuis un
moment. Mais ce sont mes amies et coéquipières pom-pom-girls qui m’ont

320
définitivement poussée dans ce sens. Cette chorégraphie a été avant tout un
projet collectif, son succès repose en grande partie sur cela !

- Oui, un collectif vraiment large puisque tu y fais activement participer les


garçons et même, le nouvel entraîneur ; Béhuit Ciel. Comment as-tu fait pour les
convaincre ?

- Je dois avouer que je connais particulièrement bien les joueurs les plus
influents de cette équipe et certains ont même des liens particulièrement proches
avec mes équipières, cela n’a donc finalement pas été compliqué de les faire
adhérer.

- Et pour l’entraîneur ? Comment tu t’y es pris ? D’autant que tu effectues


même une brève danse en couple avec lui !

Bucky, consciente que sa relation avec Béhuit éclatait au grand jour à ce moment
même, préféra pourtant ne pas trop en dire. Inutile de révéler des éléments
supplémentaires sur sa vie privée qui pourrait la mettre, lui et elle en difficulté.

- Béhuit Ciel est un entraîneur très ouvert d’esprit doté d’un énorme cœur, il
a tout de suite compris que ce projet allait dans le sens de l’équipe !

- De là à se produire en dansant avec toi ?

- Tous les deux nous nous entendons bien. Cela a facilité les choses.

- Cela ne donne pas une sensation étrange de danser avec l’entraîneur de


volley du campus qui est également votre professeur de sport ?

- Absolument pas ! Je crois savoir que les professeurs sont des êtres
humains comme les autres ! non ? Rigola-t-elle.

- Penses-tu que ta nouvelle chorégraphie de présentation d’équipe va être


reprise par les pom-pom-girls affiliées au handball et au basket ?

- C’est en cours de discussion. Certains joueurs de ces disciplines


refuseront peut-être d’y participer et c’est encore plus compliqué du côté des
entraîneurs, il faudra probablement adapter la chorégraphie en fonction, mais il est
certain que les pom-pom-girls du basket et du hand la plébiscitent.

- Il est vrai que je vois mal l’entraîneur de basket y participer, dit Mathéo en
rigolant.

321
- Toutes les équipes n’ont pas la chance d’avoir un Béhuit Ciel comme
entraîneur, dit-elle en souriant.

L’interview se termina quelques minutes plus tard, tout s’était bien passé.
Mathéo remercia Bucky d’avoir accepté ce tête-à-tête, elle en fit de même.

***

17h00. C’était la fin du cours de mathématiques et Bucky avait deux heures


libres avant l’entraînement de pom-pom-girls en commun avec l’équipe de volley-
ball. Depuis sa déclaration devant toute sa classe, Bucky n’avait pas eu de
nouvelles de Béhuit. Seul quelques regards étudiants, tantôt accusateurs, tantôt
amusés, montrèrent à la capitaine des pom-pom-girls à sa sortie de cours que la
nouvelle de sa relation commençait à se diffuser. Elle préféra ne pas y prêter
attention.

- Chorégraphe de la nouvelle présentation d’équipe, officiellement en couple


avec ton professeur d’EPS, impossible pour toi de passer inaperçue ! Lui indiqua
Glaème.

- C’est le prix du succès. Tu penses que je dois m’entraîner pour signer des
autographes et accepter les photos des gens que je croise ? Ironisa-t-elle.

Antoine courut rejoindre Glaème et Bucky. Dès que la jonction fut faite, ils
s’embrassèrent tous deux et bifurquèrent pour quitter Bucky. Ils devaient, soi-
disant, réviser avant l’entraînement. Bucky n’en croyait pas un mot, mais les laissa
partir sans rien dire. Lily et Nolwenn étaient déjà parties vers le conservatoire du
campus pour leurs options musicales. Elle se retrouva seule dans les couloirs
bondés d’intercours. Presque machinalement, elle mit la main sur son smartphone
afin de prendre des nouvelles de Béhuit. Il lui avait dit que tout était plus ou moins
prévu avec Céssix, mais elle ne put quand même s’empêcher de s’inquiéter. Béhuit
ne répondait pas. Elle mourait pourtant d’envie de le voir même si dans l’absolu,
elle n’avait qu’à attendre deux petites heures supplémentaires pour le côtoyer au
gymnase. En relevant la tête de son smartphone, elle remarqua que Céssix Sky
était dans le couloir bondé d’étudiants. Son premier réflexe fut d’aller dans sa
direction pour simplement lui demander des informations vis-à-vis de Béhuit, mais
elle se ravisa. La directrice de l’E2C regardait fixement pour faire un signe de la
tête en direction d’une intersection de couloir. Curieuse, la fille unique des

322
Délavigna se fraya un chemin en direction de ce que Mme Sky pointait des yeux.
A peine arrivée à la jonction des couloirs donnant sur les casiers des élèves qu’elle
remarqua Béhuit, à une dizaine de mètres à peine. Tout comme Céssix Sky, il
semblait extrêmement focalisé sur quelque chose. Il n’avait même pas remarqué
sa petite amie, désormais officielle, toute proche. Ces deux-là étaient clairement
en train d’épier une personne, mais difficile pour Bucky d’identifier clairement la
cible dans la foule. Afin de ne pas paraître suspecte à son tour, d’autant qu’elle
était regardée par pas mal d’étudiants à la suite des derniers évènements de sa
vie, elle se dirigea vers son casier en passant à moins de trois mètres de Béhuit. Il
ne la remarqua même pas. Ses mimiques de visages, qu’elle commençait à
correctement interpréter chez lui montrait une concentration extrême et une
certaine crainte. En regardant de l’autre côté du couloir, Céssix semblait être dans
le même état. Qu’avaient-ils aperçu qu’elle ne parvenait pas à discerner ? Elle
attendit quelques instants, mimant de faire quelque chose dans son casier pour
voir comment évoluait le comportement de son bien-aimé. Les secondes
passèrent jusqu’à ce que Béhuit se décide à se diriger vers l’esplanade d’entrée.
La directrice fit de même. Plus de doutes possibles, ils prenaient en filature un
étudiant. La tentation fut trop forte ; elle décida d’emboîter le pas derrière ces
deux-là. Elle fut malheureusement stoppée nette par trois pom-pom-girls affiliées
au basket-ball.

- On a entendu dire que Béhuit Ciel est venu t’embrasser en plein cours de
physique en disant qu’il t’aimait ! C’est vrai ? Demanda l’une des filles.

- Les filles… je suis assez pressée, je n’ai pas trop le temps d’étaler avec
vous ma vie amoureuse, répondit-elle tout en se frayant un chemin à travers elles,
afin de ne pas perdre de vue Béhuit et Céssix qui s’enfonçaient de plus en plus loin
dans l’esplanade d’entrée du campus en direction du parking et de l’arrêt de bus.

Difficilement, elle arriva à suivre son petit-ami, mais vu la foule qu’il y avait
sur l’esplanade, puis bientôt le parking, peu de chance que Béhuit ou Céssix ne la
repèrent. Au fur et à mesure que la foule se dispersait, Béhuit accéléra le pas pour
doubler en courant un groupe d’étudiants. Bucky pensa le perdre rapidement de
vue, mais il stoppa d’un coup… puis fit demi-tour en direction de Céssix Sky pour
lui parler. Trop loin pour entendre la discussion sans se faire repérer, elle ne
comprit qu’un non de la tête, effectué par son probable ex-professeur d’EPS.
Céssix retourna vers son bureau alors que Béhuit rebroussa chemin pour se diriger
vers le domaine des sports du campus. Prudente, pour éviter qu’il déduise qu’elle
le suivait, elle l’appela sur son portable. Elle le vit décrocher.

323
- Oui Bucky !

- Je te cherche, je voudrais savoir ce que tu fais avant l’entraînement de ce


soir ?

- Je me dirige vers mon bureau, j’ai quelques trucs à préparer pour tout à
l’heure !

- Tu as dû retourner voir Céssix par rapport à nous deux ? Demanda-t-elle


faussement.

- Pour nous deux, tout est réglé, je devais juste discuter avec un collègue
dans l’espace des professeurs. Je retourne à mon bureau.

- Je peux t’y rejoindre ? Sachant que nous n’avons plus besoin de nous
cacher.

- C’est d’accord, mais j’aurai besoin d’un peu de temps pour travailler ; une
petite trentaine de minutes.

- J’en profiterai pour réviser aussi et on aura donc un peu plus d’une heure
pour d’autres activités ensemble.

- Ta proposition me paraît… louable. A tout de suite !

Dès que la communication coupa, l’étudiante se dirigea vers le gymnase de


volley tout en comprenant que Béhuit lui avait certainement menti. Il n’avait pas
été dans la salle des professeurs pour voir un collègue, mais bien pour suivre
discrètement un étudiant ou un groupe d’étudiants ou peut-être même un autre
professeur. Finalement, il y avait beaucoup d’hypothèses et peu de certitudes.

324
Chapitre 11 : Que du bonheur.

Le gymnase de l’E2C était quasiment plein à craquer ce soir pour le match


de la dernière chance de l’E2C pour sa section volley-ball masculine. Les
conditions pour se qualifier pour le tournoi de rattrapage étaient connues : une
victoire impérative et de préférence assez large. La foule présente n’était
cependant pas venue spécialement pour le match à proprement parler, mais bel et
bien pour la nouvelle chorégraphie présentée pour la première fois à domicile par
les pom-pom-girls permettant ainsi son officialisation. Des pom-pom-girls du
handball, présentes ce soir dans les tribunes, scrutaient avec attention le groupe
affilié au volley ; elles avaient décidé d’utiliser la chorégraphie de Bucky pour
présenter également leur équipe, dont même l’entraîneur avait accepté
d’apprendre quelques pas de danse comme l’avait fait Béhuit. Pour le basket-ball,
c’était autre chose. Comme elle s’y attendait, Bucky allait devoir modifier la
chorégraphie pour que les filles puissent l’utiliser. En froid polaire avec Béhuit,
l’entraîneur de Basket refusait strictement de "jouer la danseuse" et interdisait
également que ses joueurs participent à cela, malgré un enthousiasme palpable
chez certains.

Le peut-être dernier match officiel de la saison, le tournoi de "la coupe de la


loose" n’étant qu’un arrangement de rencontres entre les équipes arrivées
dernières de chaque poule, allait commencer avec la présence en tribunes
notamment des parents Donerm, de la famille Spidze et de Lily accompagnée de
ses parents. Après un dernier étirement au niveau des adducteurs, quasiment en
position de grand-écart, Bucky se releva pour se diriger vers le banc de touche. Elle
sentait le stress monté chez Béhuit et s’approcha pour lui déposer un baiser furtif
d’encouragement. Elle ne manquerait pas de l’embrasser à nouveau une fois la

325
présentation d’équipe faite. Ils étaient officiellement ensemble, même si Céssix
avait expressément demandé un comportement descend au sein du campus.
C’était suffisant pour faire le bonheur de la capitaine des pom-pom-girls.

Quelques instants plus tard, les lumières s’éteignirent pour n’illuminer qu’à
minima le terrain. Les pom-pom-girls visiteuses allaient présenter leur équipe.
Bucky et les siennes se concentraient déjà sur leur chorégraphie, sous la houlette,
encore ce soir, de Meyrie qui n’avait fait aucun reproche à Bucky ou Béhuit sur leur
liaison amoureuse. Le succès allait être clairement là. La semaine avait permis de
corriger les principaux défauts lors des entraînements. Moins de cinq minutes plus
tard, ce fut au tour de l’E2C de présenter son équipe.

***

Plus abouti que la semaine passée, le show de l’E2C se termina, pour la


deuxième fois, sous un tonnerre d’applaudissements. Cette fois, Bucky put se
blottir dans les bras de Béhuit pour profiter de ce succès avec lui et le remercier
pour sa prestation enivrante avec elle. Nolwenn regarda en direction de ses
parents alors que ses frères étaient dans les bras de leurs petites amies
respectives. Shandrill était un peu déçue malgré son sourire de façade et sa
performance. Karim n’avait pas pu faire le déplacement pour la voir. Il n’aurait peut-
être pas d’autre occasion de le faire. Tout allait dépendre du résultat des garçons
ce soir. Après avoir reçu des rapides félicitations de la part des pom-pom-girls
visiteuses pour la chorégraphie, preuve du succès de la création de Bucky, le
match put commencer. C’était au tour des garçons de Béhuit de montrer leur
talent.

Depuis le début de la semaine, le trentenaire à la mèche bleue avait


profondément changé la configuration de l’équipe. Antoine avait perdu son
capitanat au profit d’Yvan, le seul autre cinquième année de l’équipe depuis le
renvoi de Creth. L’aîné des Donerm était désormais avec un maillot différent,
entièrement fuchsia, par rapport à la prédominance couleur ciel du maillot
standard avec quelques décors fuchsia du reste de l’équipe ; il était passé libéro !
Bucky, de son niveau de compétence bien faible dans le volley-ball et globalement
tout ce qui touchait au sport, n’avait jamais joué dans une équipe avec ce type de
poste spécifique qui pouvait entrer et sortir autant de fois que désiré à la place
d’un autre joueur entre les points, mais qui devait obligatoirement se trouver sur

326
les positions arrières. Ethan Spidze, contrairement à la semaine passée,
commença en tant que titulaire. Bucky espérait que les modifications apportées
par l’entraîneur porteraient leurs fruits. Faire un tournoi principal ou de rattrapage
était un moment intense à vivre le plus de fois possible dans sa vie. Bucky y avait
toujours participé avec le handball jusqu’à maintenant. Mais cette année, elle le
souhaitait encore plus ardemment que les précédentes et elle mettrait tout ce
qu’elle pourrait niveau encouragement pour que son campus y parvienne. Le reste
ne dépendait pas d’elle.

Dans un gymnase bien garni, l’ambiance n’était assurément pas la même !


Est-ce cela qui transcendait l’équipe de l’E2C ? Peut-être. Était-ce la nouvelle
disposition tactique de Béhuit ? Certainement. Était-ce Ethan qui enchaînait contre
sur contre et attaques puissantes qu’il en faisait déjà oublier Creth, son
prédécesseur ? Aucun doute. L’E2C marquait, en ce premier set, des points
comme on enfilait des perles sur le regard émerveillé de Bucky et ses équipières.
Quelle idée de génie avait eu Béhuit de transférer Ethan Spidze dans l’équipe. Tout
autant que de passer Antoine libéro, qui enchaînait réception parfaite sur réception
parfaite permettant au passeur qu’était Djurek de tranquillement distiller les
ballons à ses attaquants et particulièrement Ethan qui évoluait dans une autre
dimension. Le dernier des enfants Spidze, sortait du terrain dès que la rotation lui
faisait atteindre la ligne arrière pour être remplacé par Antoine pour revenir dès
que celui-ci passait sur la ligne avant lors de la rotation. Les forces et les faiblesses
des deux joueurs se complétaient parfaitement. Le premier set fut bouclé en un
temps record, 25 à 14. Pour la première fois, Bucky ne doutait pas de l’issue
positive du match ; L’E2C était clairement supérieur.

Le deuxième set fut encore plus convaincant que le premier, 25 à 12 et


malgré un léger relâchement au troisième set, l’E2C remporta le match sur une
attaque victorieuse d’Yvan, 25 à 20. C’était fait ! Béhuit avait mené son équipe à la
victoire au moins une fois cette saison, et plus important, l’équipe était qualifiée
pour le tournoi de rattrapage de fin d’année, prévu juste avant Noël. Les pom-pom-
girls se jetèrent sur les membres de l’équipe de volley-ball pour former une ronde
commune avec eux pour fêter l’évènement, puis, après quelques tours, les joueurs,
suivis des pom-pom-girls se dirigèrent vers Béhuit et Mathéo pour les acclamer et
les remercier. Prises dans l’euphorie, les pom-pom-girls une à une firent une
intense bise à l’étudiant de troisième année chargé de s’occuper de la partie média
de l’équipe de volley, mais il y avait bien plus ! Mathéo s’était mué en véritable
entraîneur adjoint au fil du temps. Et que dire de Béhuit, étincelant au milieu de ses
joueurs et des pom-pom-girls, avec son costume bleu ciel, sa chemise blanche

327
avec une cravate et un col fuchsia et sa belle mèche de cheveux couleur ciel. Avant
qu’une seule fille ne puisse lui faire la bise, Bucky le contempla avant de se jeter
dans ses bras pour l’embrasser intensément. Ses équipières n’essayèrent même
pas de reproduire la même chose avec Béhuit qu’elles avaient fait avec Mathéo.
Elles craignaient peut-être les foudres de leur capitaine ou tout simplement la
laissait profiter au maximum de ce moment avec celui qu’elle aimait.

Un dernier tour d’honneur pour remercier le public d’être venu et il n’y avait
plus qu’à trouver un endroit pour fêter l’évènement. Céssix n’était pas à la villa ce
soir. Béhuit avait demandé à Bucky, si elle désirait, de passer la nuit avec lui là-
bas. Pourquoi ne pas continuer la fête là-bas ? Point besoin de supplication ou de
jouer de ses charmes, dans l’euphorie Béhuit accepta. Bucky avait promis, il y a
quelque temps, qu’elle essaierait d’organiser une fête dans la villa de Béhuit à ses
équipières lors de la soirée Halloween du campus, promesse tenue ! Ne restait
plus que les repas à prévoir ; inutile de compter sur la cuisine de Béhuit, Bucky la
savait vide de toute denrée ! Une commande de pizzas et de boissons ferait
parfaitement l’affaire.

***

Grâce à un convoi d’une dizaine de voitures, tout le monde arriva à bon port
à la villa de l’entraîneur de volley. Même l’entraîneuse des pom-pom-girls avait
accepté de venir faire un tour. Bucky mit pour tout le groupe les points sur les "i" ;
il était formellement interdit de monter à l’étage bien que les portes y soient toutes
verrouillées électroniquement. Le rez-de-chaussée était de toute façon déjà bien
suffisant. Malgré la fraîcheur de ce début de mois de décembre, Nolwenn et
quelques autres demandèrent si la piscine et le jacuzzi pouvaient être utilisés.
Béhuit confirma. Elles étaient déjà préchauffées. Probablement en prévision du
tête-à-tête que Bucky et Béhuit avaient initialement prévu ce soir.

- Tu ne m’en veux pas trop d’avoir proposé à tout le groupe de venir ?


Demanda Bucky par acquit de conscience à ce blond à la mèche bleue dont elle
était folle.

- Vous êtes jeunes. Il y a une superbe villa de disponible, profitez-en ! Se


contenta-t-il de lui répondre.

328
- J’ai l’impression d’entendre mes parents ! Tu es encore loin de la vieillesse.
A ta place, je profiterai également de ces instants en me détendant, tout en
enlaçant ma petite amie.

- Merci Bucky, lui dit-il tout en la serrant dans ses bras, comme suggéré.

- Pourquoi ?

- D’illuminer ma vie, me remonter le moral… m’aimer, tout simplement.

- Tu pourras toujours compter sur moi, dit-elle avec conviction tout en


regardant Nolwenn et quelques autres se jeter déjà dans la piscine en sous-
vêtements au moment où deux drones se posaient sur la terrasse pour livrer les
pizzas.

- Une maison superbe, une qualification pour le tournoi de rattrapage et la


pom-pom-girl chorégraphe et étudiante la plus en vue du campus dans tes bras, il
va falloir que tu m’expliques tes secrets, intervint Meyrie en se rapprochant du
couple.

- La maison n’est pas à moi. La qualification est due à une seule victoire
depuis le début de la saison. Quant à la pom-pom-girl… je pense qu’elle me confond
avec quelqu’un d’autre, une star internationale, je pense, mais ne lui dis rien, elle
risque de s’en apercevoir ! Répondit Béhuit en souriant.

- C’est un garçon formidable, il est donc normal qu’il sorte avec une fille au
moins aussi géniale ! Intervint Bucky en le fixant avec bienveillance.

La capitaine des pom-pom-girls quitta les deux professeurs pour s’occuper


de distribuer les pizzas et les boissons. A cette heure, il commençait à faire
sérieusement faim pour certains, même si la plupart des étudiants prenaient un
encas avant les matches.

Le groupe de plus d’une vingtaine d’étudiants profita un maximum de la


villa. Bucky allait devoir faire un peu de ménage avant de repartir le lendemain midi
pour éviter tout conflit avec Céssix. La situation entre elles s’était apaisée ; inutile
de remettre de l’huile sur le feu. Mais pour le moment, place à la fête ! Bucky
rejoignit Nolwenn et quelques autres étudiants dans la piscine après s’être mise
en sous-vêtements ; les dessous de pom-pom-girls étant particulièrement
opaques, pas de risque d’en montrer trop. Elle tenta, avec l’aide de Nolwenn et
Shandrill de renverser Djurek qui ne résista pas bien longtemps et finit par céder
sous la force des trois jeunes étudiantes. Lily et Yvan, de leur côté, discutaient

329
alors que le couple Glaème-Antoine avait privatisé le jacuzzi pour profiter
d’instants torrides. Bucky ne manqua pas d’aller les voir au bout de quelques
minutes :

- Dis-donc les amoureux, il y a dans ce groupe des jeunes qui n’ont même
pas encore 16 ans, je ne suis pas certaine que votre corps à corps sulfureux ne
trouble pas quelques âmes sensibles !

En effet, Bucky avait remarqué une gêne palpable chez Ethan Spidze qui
avait clairement remarqué, malgré l’eau, qu’Antoine avait passé une de ses mains
sous le soutien-gorge de sa sœur. Nolwenn avait, elle, pris l’option de s’éloigner le
plus possible du jacuzzi en allant discuter avec Béhuit, n’ayant également pas
envie d’en savoir plus sur les pratiques érotiques de son frère avec une de ses
meilleures amies. Bucky était heureuse de savoir que l’entraîneur de volley-ball et
la fille unique des Donerm entretenaient une complicité de plus en plus forte. Cela
lui facilitait la vie.

Antoine fit l’effort de retirer sa main baladeuse de la poitrine de Glaème à


la demande de sa petite amie.

- Désolé Bucky, nous nous sommes laissé quelque peu aller, justifia
Glaème.

- Je vous conseille simplement de tenter de vous isoler un peu plus pour


faire… ce que vous avez à faire, répondit Bucky plus discrètement.

- Bucky, nous n’avons pas trop d’endroits pour nous retrouver seuls !
Annonça Antoine.

La capitaine des pom-pom-girls n’avait jamais vraiment pensé à la difficulté


du couple pour être seul. Glaème habitait dans une des chambres d’internat du
village étudiant où il était strictement interdit d’amener des personnes du sexe
opposé, et Antoine partageait sa chambre avec Erik dans la maison familiale.
Difficile pour le couple d’avoir de l’intimité. Quelle chance Bucky avait de pouvoir,
de temps à autres, profiter de la villa de Béhuit. Elle qui se sentait de temps à autre
freinée par le manque d’espace personnel avec son ex-professeur de sport n’osait
même pas imaginer la frustration de ces deux-là !

- Merci d’éviter de donner des idées à ma sœur et à ton frère, Antoine !


Intervint Lily qui était entre temps passée se chercher une serviette que Béhuit
avait mis à disposition pour se sécher et se protéger du froid à l’air libre.

330
- On ne force personne à nous relooker ! Protesta Glaème. Et puis, ils ne
sont pas dans les parages, poursuivit-elle.

- Où sont-ils alors ? Demanda Lily.

- Rassurez-vous, toutes les chambres de la villa sont électroniquement


verrouillées, enchaîna Bucky devinant l’inquiétude de la grande sœur d’Anita, alors
qu’on ne voyait pas le couple de première année dans l’espace extérieur jardin-
piscine.

Antoine sortit précipitamment du jacuzzi alors que Lily partait déjà vérifier
si sa sœur se trouvait bien dans le salon-cuisine de la villa. Bucky commença à
suivre le pas, mais se ravisa en regardant Antoine.

- Antoine, je te conseille d’attendre dans le jacuzzi… bien éloigné de Glaème,


avant de partir à la recherche de ton frère, dit-elle en lui indiquant du regard son
bas-ventre.

Le capitaine de volley-ball n’avait que son boxer sur lui suffisamment


moulant pour qu’il soit visible que Glaème lui avait fait un effet certain ! Gêné,
Antoine sauta immédiatement dans le jacuzzi alors que Glaème posa ses mains
sur son visage, honteuse. Bucky sourit.

- Je crois qu’il n’y a pas qu’Antoine qui avait les mains baladeuses dans ce
jacuzzi. Visiblement Glaème, tu sais très bien utiliser les tiennes aussi !
Heureusement qu’on ne distingue rien dans le fond, rigola-t-elle.

- Bucky, merci de partir à la recherche de mon frère et d’Anita, répondit


Antoine alors que Glaème ne savait plus où se mettre.

La capitaine des pom-pom-girls ne les embêta pas plus. Il fallait retrouver


Erik et Anita qui, malgré leur jeune âge, avait sûrement l’imagination aussi fertile
que Glaème et Antoine. Elle se dirigea vers Béhuit et Nolwenn qui s’arrêtèrent net
dans leur discussion à son approche. Pas le temps d’enquêter plus que cela sur
leur discussion.

- On recherche Erik et Anita. Je ne les vois pas, dit Bucky.

- Ils ne sont pas dans la piscine ou le jacuzzi ? Demanda Béhuit.

- Pas ici en tout cas, dit Nolwenn qui semblait avoir un comportement
étrange. Oh mon dieu ! Ils ne sont pas quelque part en train de… ?

- Les chambres sont toutes verrouillées, la rassura Bucky.

331
- La salle de sport ? Suggéra Béhuit.

Bucky, accompagnée de Lily et Nolwenn se précipitèrent vers la salle de


sport. Lorsqu’elles ouvrirent la porte, elles ne virent personne dans la pièce à
proprement parler, mais de l’eau coulait clairement dans la cabine de douche
opaque située dans une annexe de la salle. Des vêtements étaient jonchés au sol
juste devant. Bucky identifia clairement une tenue de pom-pom-girl et des
vêtements masculins.

- Faites que ce ne soit pas Anita… faites que ce ne soit pas Anita… Se répéta
doucement Lily.

- Erik, c’est toi ? Cria Nolwenn.

- Je suis… occupé, répondit une voix clairement identifiée comme celle


d’Erik.

- Pas à ce que l’on croit ? Demanda Lily.

- Lily ? Dit une voix féminine à travers la paroi de la douche.

Anita et Erik étaient bel et bien sous la douche ensemble ! Les derniers
espoirs de non-dérapage entre eux s’évanouirent lorsque Bucky montra du doigt
les sous-vêtements d’Anita et d’Erik.

- Tu sors de cette douche immédiatement ! Cria Lily à destination de sa


sœur.

- Je crois bien qu’il est trop tard ! Il fallait bien que cela arrive à un moment
ou un autre, affirma Bucky à destination de ses deux amies.

- J’aurais préféré un autre… bien plus tard, dit Nolwenn.

- Vous n’avez même pas 16 ans, bon sang ! Cria de plus belle Lily.

- Les filles, on se calme. Nous allons gentiment sortir de la pièce afin qu’ils
se rhabillent et nous allons ensuite calmement discuter à tête reposée de ce qui
s’est passé, proposa Bucky.

Elles ressortirent toutes les trois de la pièce sur insistance de Bucky. Lily
fulminait.

- Ton frère a clairement dépassé les bornes, dit Lily en direction de Nolwenn.

- Je sais, se désola Nolwenn.

332
- Attendez les filles, il y a peu de doute sur le fait qu’Anita ait été
consentante. Ils s’aiment, voilà tout ! Les interpella Bucky.

- Je te laisserai donc annoncer la nouvelle à mes parents ! Lui répondit


Nolwenn.

- Les filles ! Je le répète, ils n’ont rien fait de mal. Ils se connaissent
quasiment depuis toujours et ils ont simplement grandi, voilà tout. Ils glissent
doucement vers l’âge adulte.

La porte s’ouvrit après quelques minutes interminables. Lily attrapa


immédiatement par le bras Anita pendant que Nolwenn dévisageait son frère.

- On part ! Ordonna Lily à sa sœur.

Rapidement Anita se dégagea de l’emprise de sa sœur.

- Non, je veux rester encore un peu avec Erik, protesta-t-elle. Laissez-nous


tranquille !

- Je crois que tu as fait suffisamment de choses avec Erik ce soir ! Répondit


Lily.

- Je suis suffisamment grande pour prendre mes propres décisions.

La situation commençait clairement à s’envenimer et les choses n’allaient


sans doute pas s’arranger, Antoine arrivait à son tour vers le petit groupe, habillé
entre temps.

- Tu es sous ma responsabilité, protesta Lily.

- Tu n’es pas maman. Tu es simplement ma sœur. Tu n’as aucune autorité


légitime sur moi. Je reste ! Tu peux bien me menacer de parler à papa et maman,
je m’en moque ! Rétorqua Anita tout en allant joindre sa main dans celle d’Erik.

- Vous êtes trop jeune pour faire cela ! Intervint Antoine qui avait tout de
suite compris ce qui était reproché aux deux étudiants de première année.

- Ce n’était pas la première fois de toute manière ! Renchérit Erik.

- Pardon ? S’étonna Lily.

- Quoi ? Quand ? Demanda Nolwenn perdant en partie ses mots.

333
- Le déplacement à Lisbonne la semaine dernière, pendant que mon très
cher frère fricotait avec Glaème dans une autre chambre avec la complicité de ma
sœur ! J’en ai profité pour inviter Anita dans la mienne !

- Le plus important n’est pas là, tempéra Bucky. Vous avez au moins utilisé
un moyen de contraception ?

- Bien évidemment, répondit Anita.

- Alors le sujet est clos ! On ne peut pas revenir en arrière, ils l’ont fait, tout
le monde ici se doutait que ça arriverait.

- Pas sûr que mes parents sautent de joie quand ils vont l’apprendre, dit
Antoine.

- Alors vous ne leur dites rien, voilà tout ! Quelqu’un ici est-il déjà allé voir
ses parents pour leur annoncer ses prouesses sexuelles ? Antoine, tu comptes leur
parler de ce qui se passait dans le jacuzzi, il y a quelques minutes avec Glaème ?
Lily, tu as parlé de ta première fois à tes parents ? Erik et Anita sont ensemble, ne
cherchez pas à vous immiscer plus.

En quelques phrases, Bucky était parvenue à apaiser la situation. Les


discussions dans les fratries furent plus posées. Béhuit, regardait tout cela de loin
en souriant à Bucky. Elle l’avait une fois encore impressionné. Elle adorait ça !

***

Nolwenn était de plus en plus mystérieuse ces derniers temps. Elle rentrait
quelques fois du campus sans l’aide du véhicule de Bucky et à des heures assez
tardives. Bucky n’y voyait pas d’objection. Elle aurait mal été placée pour en faire,
passant un maximum de temps libre avec Béhuit lorsque leurs emplois du temps
le permettaient. Seulement sa curiosité était trop pressante. Elle fit plusieurs
tentatives pour savoir où, et surtout avec qui, elle passait du temps, mais elle ne
répondit pas. Un garçon devait probablement se cacher là-dessous, mais elle ne
parvenait pas à lui tirer les vers du nez.

Elle ne pouvait pas s’y attarder plus. Tant d’autres choses lui trottaient dans
la tête, à commencer par des comportements chez Béhuit donnant l’impression à
Bucky qu’il épiait certains étudiants. Le bal traditionnel de début d’année trottait

334
aussi dans la tête de Bucky. Elle souhaitait ardemment participer avec Béhuit étant
donné que les cavaliers pouvaient venir de tous les horizons. Son petit ami lui avait
malheureusement annoncé qu’il avait des impératifs ailleurs à ce moment-là. Un
secret de plus et une très grosse déception. Ne pas l’avoir comme partenaire de
danse la contrariait profondément et contrairement aux autres années, les
prétendants ne se jetaient pas sur elle. Ils étaient, bien évidemment, au courant
qu’elle n’était plus célibataire et devaient en plus présumer qu’elle ferait ce bal
avec l’entraîneur de volley. Un peu par dépit, elle accepta la seule invitation qui se
présenta, provenant de Rayan, un étudiant originaire du Moyen-Orient de
cinquième année qu’elle ne connaissait que très peu. Son charme naturel
fonctionnait encore suffisamment pour sauver les meubles pour cette ultime
année.

Le spectacle de danse de fin d’année hantait aussi les pensées de Bucky.


L’option danse était indispensable pour que Bucky est une note convenable en
sport cette année. L’option renforcée "pom-pom-girls" allait sans doute bien y
aider, mais le spectacle de danse devait conforter cette note et puis contrairement
au bal de début d’année, Béhuit était disponible pour la voir à sa représentation
ouverte à tous. Hormis chez les pom-pom-girls et pour des danses privées, voire
très privées, il n’avait encore jamais véritablement vu son talent dans ce domaine
de la danse plus traditionnel ; elle voulait lui faire forte impression. En plus de tout
cela, quelques jours juste avant, il y avait le long week-end de tournoi de rattrapage
à Madrid particulièrement éprouvant pour les joueurs… comme pour leurs pom-
pom-girls. Les filles allaient devoir partir un jour avant les garçons afin de préparer
une chorégraphie d’ouverture avec l’ensemble des pom-pom-girls présentent ; 240
au total ! Un spectacle toujours aussi grandiose que Bucky était heureuse de
partager avec son équipe de volley de l’E2C qui n’avait pas connu l’ombre d’un
tournoi depuis 3 ans. Les filles allaient ensuite devoir se démener durant la
compétition ; les meilleures présentations de joueurs donnant des points bonus à
l’équipe de volley représentée lors de ce tournoi. Une occasion pour Bucky et ses
équipières de participer activement à un classement honorable en fin de tournoi
de l’équipe de Béhuit. Nul doute qu’avec le succès sur les réseaux sociaux de la
nouvelle présentation d’équipe de l’E2C, le jury sur place avait de bonne chance
d’aller dans le même sens. Il fallait simplement ne pas se rater et c’était une
occasion en or pour Bucky de se faire connaître un peu plus. Un avenir
professionnel en tant que chorégraphe ou danseuse, voir les deux, ne lui déplaisait
pas, et ce type d’évènement était connu pour être assidûment suivi par des
professionnels du milieu.

335
***

Quatre heures du matin en ce jeudi 18 Décembre 2036 et la première


journée marathon des pom-pom-girls pour le tournoi de fin d’année de rattrapage
commençait. Les filles avaient toutes dû se lever particulièrement tôt en vue de se
retrouver sur le campus d’excellence de Madrid à 8h00. Entre le temps pour
rejoindre le car à l’E2C devant les amener à l’aéroport Charles-de-Gaulle, le voyage
en avion et le transfert de l’aéroport Adolfo-Suárez de Madrid-Barajas à son
campus d’excellence, il ne fut pas possible de se lever plus tard.

Même si les deux heures de vol pouvaient servir de temps de sommeil


supplémentaire pour Bucky, cela ne fut pas le cas. Installée entre Nolwenn et
Glaème, elle ne put s’empêcher de remarquer que sa meilleure amie ne lâchait pas
son téléphone. La fille Donerm communiquait avec quelqu’un en prenant bien soin
de ne rien montrer à Bucky, alors que de l’autre côté Glaème et Shandrill étaient
plongées dans une discussion sur les endroits paradisiaques à visiter. La capitaine
des pom-pom-girls réussit cependant à distinguer bal de début d’année dans le fil
de discussion.

- Tu échanges avec qui ? Demanda-t-elle poussée par une irrésistible envie


d’en savoir plus.

- Tu es bien curieuse !

- Et toi bien mystérieuse ! Tu ne me cacherais pas un petit ami par hasard ?


Et tu tentes de l’inviter pour le bal ? S’emballa Bucky, heureuse que son amie ait
trouvé quelqu’un.

- J’ai bien un cavalier pour le bal, mais je le connais à peine.

- C’est malheureusement mon cas aussi, mais il est peut-être super ! Je


peux savoir qui c’est ?

- Je préfère que la surprise soit totale.

- Ça veut dire que je le connais ?

- Ce n’est pas impossible, répondit Nolwenn toujours aussi floue.

336
Bucky ne comprenait pas. Nolwenn était bien énigmatique ces derniers
temps. Entre sa meilleure amie et son petit copain, elle était décidément servie !

***

Il était toujours aussi impressionnant de voir autant de pom-pom-girls


réunies dans un seul et même gymnase. 24 équipes étaient présentes pour le
tournoi de rattrapage qui permettait un ou deux billets d’entrée pour la phase finale
du championnat européen. Toutes les équipes de pom-pom-girls avaient réussi à
arriver à l’heure sur le campus d’excellence de Madrid.

Rapidement, dans un anglais parfait, l’entraîneuse des pom-pom-girls de


Madrid annonça le programme de la journée qui attendait les filles. Bucky et les
plus expérimentées de ses équipières en connaissaient déjà le déroulement ;
révision des chorégraphies le matin dont la nouvelle présentation de l’équipe pour
l’E2C puis mise en place d’une cérémonie d’ouverture l’après-midi, dans une danse
commune à toutes les pom-pom-girls à mettre en place sur une chanson choisie ;
Wavin’flag de Knaan feet. Féfé pour cette année. Il ne fallait pas perdre de temps,
une chorégraphie d’ouverture à mettre en place avec 240 pom-pom-girls à faire
danser dans un gymnase était un véritable défi. Heureusement l’entraîneuse des
pom-pom-girls de Madrid avait déjà préparé le terrain dans les grandes lignes.
Certainement aidée par ses homologues.

Preuve supplémentaire du succès de la chorégraphie de présentation des


garçons de l’E2C imaginée par Bucky, les tractations entre les 24 capitaines pour
savoir qui dirigerait et peaufinerait la cérémonie d’ouverture parmi elles ne dura
pas bien longtemps. Bucky fut plébiscitée pour s’en occuper ; immense privilège.
Dès la fin de la matinée, elle discuta avec les entraîneuses dont Meyrie pour la
mise en place. La pression commençait déjà à monter et la petite attention de
Béhuit par messagerie pour lui dire qu’il l’aimait et lui souhaitait bon courage pour
la journée fut pour elle un stimulant bien utile.

Tout l’après-midi et une bonne partie de la soirée furent utiles pour préparer
au mieux le tournoi prévu le lendemain matin avec l’arrivée des garçons. Cela fut
systématiquement le cas les années précédentes où Bucky avait connu ce type de
tournoi avec l’équipe de handball. Elle termina littéralement sur les rotules avec
toutes les autres pom-pom-girls originaires des différentes villes et pays qu’elles

337
représentaient. Le temps imparti avait été court, mais la chorégraphie d’ouverture
donnait satisfaction. Bucky put aller se coucher en même temps que les autres
étudiantes pour récupérer au maximum pour les deux, voire trois prochains jours
qui s’annonçaient éprouvants.

***

Dès 9h00 du matin, les filles étaient habillées, maquillées et sur le pont pour
la cérémonie d’ouverture. Un mélange de tension et d’émotion était palpable,
particulièrement pour les pom-pom-girls de dernières années ; ce tournoi de
rattrapage signifiant leur dernier week-end, certes intense, en tant que pom-pom-
girls, mise à part pour les deux équipes qui parviendraient en finale. Bucky ne se
faisait pas trop d’illusions malgré le dernier match convainquant des garçons. Les
chances qu’ils se qualifient pour la phase finale étaient quasi-nulles. Elle allait
devoir penser durant ce week-end à céder son brassard de capitaine à une
quatrième année selon la tradition des pom-pom-girls lors de leur dernier match…
ou du moins essayer, il n’était pas toujours évident de prévoir quand le dernier
match d’une équipe se déroulait. Elle était cependant certaine de l’identité de celle
qui prendrait la relève ; Shandrill !

Les tribunes étaient pleines à craquer et débordaient même avec des gens
parqués sur le côté contre un des murs, le public venu nombreux complétant la
présence des joueurs de chaque équipe arrivée il y a peu. Le petit jeu de chaque
groupe de pom-pom-girls consistait à repérer son contingent. Bucky identifia tout
de suite le sien grâce aux couleurs ciel et fuchsia qu’ils portaient avec leur
survêtement du campus. Béhuit était évidemment là, avec son costume. Elle ne
fixa que lui qui la repéra sur le côté du terrain. Il lui mima un baiser pendant qu’elle
joignait ses mains en forme de cœur dans sa direction pour lui montrer l’amour
qu’elle lui portait. Elle fut heureuse de voir une Shandrill souriante qui criait "il est
venu, il est venu". Karim, son petit ami qui les avait si bien accueillies chez lui
durant les vacances de la Toussaint, avait fait le déplacement pour la voir. Bucky
fut dans l’obligation de prévenir la gymnaste de son groupe de ne pas pleurer
d’émotion pour ne pas massacrer son maquillage. Elle se retint difficilement,
heureuse de pouvoir montrer à son petit ami qu’elle n’était pas seulement une
excellente gymnaste, mais également une bonne danseuse et pom-pom-girl.
Bucky était très heureuse pour elle.

338
Après un discours d’introduction de la directrice du campus de Madrid,
toujours en anglais, la cérémonie d’ouverture put commencer. Bucky ne prêta plus
la moindre attention aux tribunes, elle était la chef d’orchestre et devait tout faire
pour que l’ouverture soit grandiose.

Qu’elle soit sur la piste de danse ou pas durant le morceau selon les
moments, Bucky était systématiquement en train de donner des consignes ou
faire des signaux de-ci de-là pour éviter le plus de fautes possibles. Gérer 240
danseuses, ce n’était pas rien ! Fort heureusement, elle était particulièrement bien
épaulée par les capitaines des autres équipes. Toutes unies pour un objectif
commun malgré le soutien d’équipes différentes ; on était parfaitement dans
l’esprit pom-pom-girls que Bucky appréciait. Après une chorégraphie achevée
sans trop d’erreurs, avec de jolis effets de pompons et de drapeaux aux couleurs
nationales de chaque équipe, le public exulta, les volleyeurs en premier lieu. Une
preuve du plus que les pom-pom-girls s’étaient révélées être des soutiens
indispensables. Particulièrement dans ce tournoi où elles allaient pouvoir apporter
des points bonus lors de leurs prestations de présentations d’équipes. Après un
nombre incalculable d’accolades de remerciements pour avoir pris en charge la
chorégraphie d’ouverture, Bucky reprit ses esprits. Il fallait déjà se reconcentrer ;
les 24 équipes allaient se séparer en deux poules sur deux gymnases différents
pour que les matches commencent après un bref échauffement des joueurs… et
leurs présentations par leurs pom-pom-girls.

A peine le temps de se retrouver avec les garçons dans un coin du gymnase


pour y déposer quelques équipements que l’échauffement commença pour les
garçons. Les filles, elles, n’attendaient plus que le top départ de présentation des
équipes. Sur les douze équipes qui se trouvaient sur ce gymnase, trois allaient
avoir des points supplémentaires que l’on pouvait utiliser quand on le souhaitait
durant la journée en fonction de la prestation de leur pom-pom-girl, grâce à un jury
prévu à cet effet.

Pour la troisième fois, la chorégraphie de présentation d’équipe de l’E2C fut


un franc succès. Les filles réussirent à décrocher la deuxième place sur douze,
synonyme de quatre points bonus pour l’équipe que Béhuit pourrait utiliser à son
bon vouloir, à l’issue de leur prestation avec l’aide des garçons comme la
chorégraphie créée par Bucky l’exigeait. Les filles ne pouvaient malheureusement
pas prétendre à mieux ; difficile de lutter contre l’équipe de Madrid qui évoluait
dans son antre avec qui le jury se montrait particulièrement conciliant. Rien de
scandaleux en soi, ce phénomène de favoriser les locaux était récurrent d’année

339
en année, quel que soit le lieu du tournoi ou la discipline. C’était un peu traditionnel.
Le groupe E2C fut cependant ravi du résultat.

Bucky et les siennes n’avaient plus désormais qu’à assurer le spectacle


entre les sets et les matches et encourager les garçons autant que faire se peut le
reste du temps et ceux jusqu’à la fin de la première journée qui, comme son nom
ne l’indiquait pas, allait se terminer particulièrement tard. Faire 11 matches en
deux sets gagnants de 15 points était particulièrement long. Le défi physique était
tout aussi important. Les filles allaient devoir faire preuve de ténacité et Béhuit
gérer particulièrement bien son effectif. Ce tournoi étant connu pour être
particulièrement dur et éprouvant, les entraîneurs devaient faire astucieusement
tourner leurs effectifs pour espérer voir les quarts de finale le dimanche. Bucky
faisait toute confiance à Béhuit et Mathéo pour faire au mieux.

***

A la grande surprise des pom-pom-girls, l’équipe de l’E2C était loin d’être


ridicule dans ce tournoi. A l’issue du neuvième match et alors qu’il était près de
22h, l’équipe de Béhuit pointait à la septième place sur douze. C’était certes,
insuffisant pour le moment pour prétendre à une qualification pour les quarts de
finale, car il fallait finir dans les quatre premiers de la poule, mais rien n’était perdu.
Ethan progressait de match en match, Antoine était d’une régularité incroyable en
réception, Yvan et Erik enchaînaient les attaques sur de très bonnes passes de
Djurek et les remplaçants montraient un niveau intéressant permettant de plus
facilement faire tourner l’effectif pour Béhuit.

Il restait encore deux matches à effectuer avant la clôture de la journée et


nul doute qu’ils se termineraient à plus de minuit ce qui voulait dire que comme ce
que Bucky avait connu pour le handball les saisons précédentes, la deuxième
journée du tournoi allait directement s’enchaîner avec la première, car elle débutait
officiellement à partir de minuit, le tournoi étant également nocturne. Ce tournoi
n’était pas réputé pour être particulièrement exigeant pour rien ! Il allait désormais
falloir s’organiser au mieux pour les filles et les garçons pour aller chercher du
sommeil pour tenir la cadence. Comme ses prédécesseuses l’avaient fait avant
elle, les années précédentes, la capitaine décida de scinder son groupe de filles en
deux, afin qu’elles n’assurent en moyenne plus qu’un match de la nuit sur deux. Ce
temps gagné devait être mis à profit pour dormir un peu dans les gradins qui

340
s’étaient quelque peu vidés à mesure que le temps avançait. Bucky chargea
Glaème et Shandrill de s’occuper d’un groupe, alors qu’elle s’occuperait avec
Nolwenn de l’autre, et il allait falloir particulièrement bien gérer les choses ; à
même pas 16 ans, les premières années, dont Anita faisait partie commençait à
montrer des signes de fatigue évidents. Meyrie gardait un œil sur son groupe sans
intervenir. En cinq années, Bucky commençait à bien la connaître, elle la laissait
gérer ses filles, mais n'hésiterait pas à l’avertir au cas où elle sentirait une des filles
mettant sa santé en péril.

Béhuit fit, de son côté, largement tourner son effectif pour le dixième match.
Ni Antoine, ni Ethan, ni Djurek n’étaient présents. L’entraîneur leur avait demandé
de se reposer, ainsi qu’à Mathéo et deux autres joueurs. Bucky suivit le mouvement
en demandant au groupe de Glaème et Shandrill d’aller également dormir. Ce
n’était pas totalement innocent de sa part ; dormir à même le sol était un peu plus
confortable en s’endormant dans les bras, voire sur, quelqu’un. Naturellement,
Shandrill rejoignit Karim, qui n’avait pas quitté les lieux de la journée et qui avait
prévu un grand sac de couchage pour eux deux afin, qu’ils dorment l’un avec
l’autre. Glaème et Antoine avaient eu la même idée. Un petit moment
supplémentaire de partage et d’intimité entre eux qui leur laisserait des bons
souvenirs à coup sûr ! Bucky, de son côté, n’avait pas encore décidé quand son
demi-groupe et elle-même allaient dormir. Elle faisait confiance à Glaème et
Shandrill pour gérer les choses quand elle se reposerait, mais elle souhaitait vivre
chaque instant avec Béhuit et les entraîneurs ne dormaient que très rarement dans
ce type de tournoi, et pour les plus résistants, il n’y avait pas de sommeil du tout
sur les deux premières journées de tournoi. Bucky ignorait si Béhuit tiendrait ce
rythme, mais elle décida de se caler au sien… autant qu’elle le pourrait.

Malgré une défaite les faisant passer à la huitième place, Béhuit choisit pour
le onzième match de ne pas faire tourner son effectif. Bucky comprit
immédiatement qu’il cherchait à faire se reposer, un peu plus, plusieurs de ses
cartes maîtresses. La brune à la mèche fuchsia décida de suivre le mouvement et
garda son groupe actuel pour encourager les garçons présents sur le terrain. La
période la plus compliquée du tournoi arrivait. Quand elle regarda autour d’elle, elle
vit des centaines de personnes allongées là où elles le pouvaient, souvent dans
les gradins, regroupées par campus. Il ne fallait maintenant plus compter
seulement sur la qualité intrinsèque des joueurs, mais bel et bien sur un autre
facteur ; une gestion rigoureuse et tactique de son propre effectif et de celui de
ses adversaires.

341
Erik et Yvan furent tout simplement sensationnels sur ce onzième match
alors qu’il était aux alentours de minuit. Malgré une fatigue palpable, ces deux
joueurs furent les seuls sur le terrain à avoir encore suffisamment d’énergie pour
frapper avec force et précision dans le ballon, aidé il est vrai par le passeur
remplaçant de l’équipe qui se débrouillait particulièrement bien. Sur une énième
attaque gagnante d’Yvan, l’E2C remporta le dernier match de "la journée"
synonyme de récupération de la septième place. Il n’y avait plus qu’à attendre que
les derniers matches ne se terminent et la deuxième journée allait commencer
avec une nouvelle présentation d’équipe des garçons pour les pom-pom-girls avec
des nouveaux points bonus à la clé. A la différence de la première fois, il s’agissait
cette fois-ci de présenter la chorégraphie dite "de secours", c’est-à-dire avec
seulement sept pom-pom-girls. Bien sûr, cette chorégraphie avait été travaillé par
Bucky et ses équipières, mais elle n’avait encore jamais été utilisé en conditions
réelles.

Chose particulièrement embêtante dans la chorégraphie de Bucky pour la


présentation des garçons à laquelle elle n’avait jamais réfléchi, c’était que même
pour la chorégraphie de secours, elles avaient besoin… des garçons, contrairement
aux autres équipes ! Et à une heure du matin, ils auraient sans doute préféré un
peu de repos durant la représentation des 12 groupes de pom-pom-girls. Bucky,
réalisant ce détail, s’excusa platement auprès de Béhuit et s’arrangea en lui disant
que six garçons suffiraient pour la présentation de secours. Elle lui proposa même
de ne pas danser avec lui cette fois-ci afin qu’il puisse également se reposer un
minima. Il refusa catégoriquement. Leur petite danse ensemble durant la
chorégraphie était un plus incontestable et des points bonus utilisés à bon escient
pouvaient permettre de remporter un match ou s’éviter de la fatigue inutile. Il
souhaitait être artisan du bon classement de son équipe. Bucky le remercia avec
une accolade accompagnée d’un baiser. Par ce geste, il montrait qu’il
n’abandonnerait, ni elle, ni l’équipe de volley pour du sommeil. Surtout que
l’entraîneur croyait encore à une qualification. Après tout, il n’y avait que trois
places à gagner !

***

Le talent se monétise ! Et à l’issue de cette nouvelle présentation d’équipe,


les bénéfices de l’inventivité de Bucky furent clairement à la hauteur. Malgré la
fatigue de tous les acteurs, l’E2C termina première avec la chorégraphie de

342
secours. Cette fois, une chute de l’une des pom-pom-girls de l’équipe de Madrid,
sans aucun doute liée à la fatigue, ne leur permit même pas de finir dans les trois
premières places. Elles avaient beau danser à domicile, une chute et un public
quasi-inexistant à cette heure tardive ne permirent pas une influence
suffisamment positive sur le jury. Alors que la moitié de l’équipe de volley tentait
de dormir, ainsi que les trois plus jeunes pom-pom-girls, le reste de la team E2C se
congratula. Certes, les joueurs, quasiment que les remplaçants, avaient perdu du
temps de sommeil, mais 6 points bonus pour cette nouvelle journée, cela ne se
refusait pas. La deuxième journée commençait du mieux qu’il fut possible.

Une fois encore, Béhuit choisit de ne pas faire tourner l’effectif et de garder
toujours la même équipe en jeu, sans le moindre joueur sur le banc de touche. Du
côté de Bucky et de son groupe de pom-pom-girls, il était tout simplement
impossible de ne pas "switcher". Sept des dix filles sortaient d’une nouvelle
chorégraphie sur les Blues Brothers particulièrement éreintante. Nolwenn ainsi
qu’une autre pom-pom-girl de troisième année et elle-même n’avaient pas encore
eu de répit pour souffler ou dormir. Voyant son propre état, elle jugea trop risqué
de ne pas mettre au repos Nolwenn. Bucky, bien que ne participant pas aux danses
du match à venir, choisit de ne pas se coucher pour autant. Elle s’installa
simplement sur le banc de touche vide aux côtés de Béhuit. Elle resterait avec lui
jusqu’au bout malgré une fatigue psychique et physique évidente et avancée.
Béhuit semblait de son côté tenir le coup, toujours aussi concentré sur sa tâche et
pédagogue dans ses conseils avec les joueurs. Il ne les incriminait jamais et leur
proposait systématiquement des idées sur les faiblesses adverses. Elle admirait
sa méthode.

***

Il était désormais un peu plus de 3h du matin. La période la plus propice aux


blessures pointait le bout de son nez. Ce n’était pas un mythe et Bucky, toujours
assise sur le banc de touche soutenant Béhuit au plus près, put s’en apercevoir.
Les deux médecins présents pour l’évènement ne cessaient d’être appelés de part
et d’autre du gymnase. Principalement pour des joueurs, mais quelques fois même
aussi pour des pom-pom-girls. Fort heureusement, tout se passait bien de ce côté-
là pour l’E2C, il n’y avait pas eu d’alerte et Béhuit commençait à faire tourner son
effectif en réveillant Antoine, ainsi qu’un autre joueur pour notamment mettre au
repos Erik. Pour les premiers résultats de cette deuxième journée, une victoire et

343
une défaite figeaient un peu plus l’E2C à la septième place de la poule. Pour les
pom-pom-girls, Bucky gérait la fatigue de ses équipières comme elle le pouvait, les
trois jeunes remplaçaient les plus fatiguées des intermédiaires et expérimentées.
Ne dormant pas, Bucky participait quand elle sentait une de ses équipières en
danger. Avec Béhuit, elle était désormais la seule à ne pas avoir fermé l’œil de la
nuit.

Le troisième match de cette seconde phase fut écourté par Béhuit. Antoine
avait remarquablement bien débuté en tant que joueur standard, laissant de côté
son maillot fuchsia et son poste de libéro pour cette rencontre. A cette heure
tardive les attaques et contres étaient bien moins impressionnants et permirent
au petit ami de Glaème d’être moins limité par sa taille lorsqu’il était sur une
position avant. Les points se concluaient plus souvent sur des ballons placés
habilement dans le camp adverse que frappés. L’E2C avait remporté le premier set
du match, mais le deuxième fut bien plus compliqué et alors que l’équipe de Cley
se vit distancé 12 à 9, Béhuit décida d’utiliser ses six points bonus, obtenus par
Bucky et les siennes pour remporter le match, s’évitant ainsi un troisième set à
l’issue incertaine. Cette victoire ne permit pas de gagner de place au classement,
mais les équipes classées cinquième et sixième étaient toutes proches et surtout
donna la possibilité à Béhuit d’envoyer tout le monde au repos, les autres matchs
étant toujours en cours. Un peu de repos ne ferait pas de mal.

Afin de ne pas perdre de temps, tout le groupe chercha une place dans les
gradins non loin les uns des autres pour s’endormir le plus rapidement possible
dans le bruit ambiant. Exténuée, Bucky prit rapidement place, la tête posée sur les
jambes de Béhuit, couchée perpendiculairement par rapport à lui. Il était
impensable pour elle de dormir sans être en contact avec lui. Elle sentit Béhuit
poser sa veste de costume sur son corps afin qu’elle n’attrape pas froid. Peu de
chance. Il faisait une température assez élevée grâce à la combinaison d’un
nombre conséquent de personnes fournissant des efforts physiques importants
dans un lieu clos. Elle apprécia cependant le geste d’attention, il prenait soin d’elle,
avant de s’endormir.

***

Une douce voix qu’elle savait reconnaître entre mille et une bonne odeur de
café au lait réveilla Bucky. Quand elle ouvrit les yeux pour regarder son petit ami

344
qui lui tendait une tasse, elle ne parvint pas à estimer combien de temps elle avait
dormi. Quoi qu’il arrive, pas assez à son goût ! Elle n’était plus la tête posée sur les
jambes de l’entraîneur de volley, il s’était levé avant elle. La capitaine des pom-
pom-girls fixa l’immense horloge numérique, tout en se mettant en position assise
afin de profiter de la boisson chaude que lui avait proposé Béhuit. Il était six heures
du matin, elle avait dormi un peu plus de deux heures.

- J’ai loupé combien de matches ? demanda-t-elle.

- Simplement deux victoires ! Lui annonça Béhuit heureux de lui partager la


bonne nouvelle, tout en lui déposant également près d’elle une banane et des
raisins secs.

Elle chercha du regard le classement, indiqué grâce à une projection 3D,


dans un coin du gymnase. L’E2C était passé sixième au classement de la poule.

- Le campus de Rome est largement premier, mais entre la deuxième et


septième place, c’est extrêmement serré ! Lui indiqua Béhuit, comprenant ce
qu’elle cherchait à analyser. Il y a une petite pause de trente minutes pour se
restaurer, continua-t-il en s’installant à côté d’elle tout en buvant un chocolat
chaud.

- Cela veut dire que nous avons encore une chance de nous qualifier pour
les quarts de finale ! Se réjouit-elle.

- Le chemin est encore incertain, mais il nous reste six matchs pour réussir
l’exploit.

Bucky se leva à l’annonce de la bonne nouvelle et appela ses pom-pom-


girls. La plupart mangeaient, tout comme elle. Il fallait qu’elle remobilise ses
troupes ! Participer à la troisième journée était dans le domaine du possible et les
filles se devaient d’encourager les garçons au mieux pour qu’ils y parviennent. Elle
ne transmettrait peut-être pas son brassard de capitaine aujourd’hui !

***

La lumière du jour pointait son nez par les quelques baies vitrées du
gymnase. Malgré une nouvelle défaite contre l’équipe du campus d’excellence de
Rome, supérieure aux autres, refaisant glisser l’équipe de Cley à la septième place,

345
personne n’abdiqua dans les rangs. Une septième place était un très bon résultat
en soi, mais Béhuit et ses joueurs savaient qu’ils pouvaient aller chercher mieux et
peut-être même une qualification. Le match en cours partait bien avec un premier
set remporté et surtout, tous les joueurs importants étaient de retour dans
l’effectif, notamment Ethan qui avait eu pas mal de temps de sommeil.
L’entraîneur de volley de l’E2C avait ainsi un central en pleine possession de ses
moyens pour passer des attaques en force et placer des contres dévastateurs
dont un incroyable en passant ses mains au-dessus du contre que proposait Yvan
pour empêcher les attaquants adverses de passer ! Le niveau de l’équipe montait
clairement d’un cran.

Bucky ne fonctionnait plus qu’au mental, comme bon nombre de ses amies.
Il en était sans doute de même pour les joueurs. Pourtant, ce qui se passait au fil
des matchs méritait de tels efforts. Parti de la septième place alors qu’il ne restait
que 6 matches, l’E2C passa sixième, puis cinquième, puis troisième. Jamais elle
n’avait vu tourner l’équipe de cette façon, tout était fluide, bien orchestré. La
moindre erreur était immédiatement corrigée et Béhuit prenait toujours des temps
morts qui s’avéraient salvateurs. Ne restaient plus que deux matchs et le calcul
fut très rapidement fait par Mathéo, encore une victoire sur les deux prochains
matches, et la qualification pour le quart de finale était assurée !

Personne n’eut à se ronger les ongles dans un terrible suspense. Dès l’avant
dernier match, Erik s’offrit le luxe de conclure la rencontre par 3 aces de suite sur
son service et ainsi qualifier l’E2C pour une historique troisième journée du tournoi
de rattrapage. Pas la peine d’aller chercher dans les annales du volley-ball de l’E2C,
cela n’avait encore jamais été fait ! Erik se permit une petite danse avant que ses
coéquipiers se jettent sur lui pour le porter en triomphe. Clairement personne
n’avait imaginé un tel résultat. Tout le monde se congratula et Bucky ne loupa pas
l’occasion pour partager sa joie en sautant sur le dos de Béhuit. Elle venait de vivre
quelque chose à jamais gravé dans sa mémoire qu’elle pourrait partager avec son
petit ami. Elle était fatiguée, courbaturée, son maquillage était en bout de course
et elle sentait la transpiration, mais elle venait de vivre quelque chose de fort et ce
n’était pas fini. Shandrill lui fit un clin d’œil complice alors qu’elle était toujours
accrochée à l’entraîneur de l’E2C. Les deux pom-pom-girls ne feraient pas la
passation du brassard sur le prochain match. Un dernier sandwich avec une
boisson énergisante et tout le monde était paré pour le dernier match.

L’E2C put s’offrir le luxe de faire jouer une équipe largement remaniée pour
le dernier match. Inutile de prendre le risque de blesser des joueurs comme Yvan,
Ethan, Djurek ou les frères Donerm. Le seul intérêt de cette ultime rencontre de la

346
journée consistait à savoir si l’E2C terminerait deuxième ou troisième de sa poule.
Une fois de plus, l’équipe sur le terrain prit de court tout le monde. Le dernier match
fut remporté à la surprise générale à l’issue d’un combat serré. Si l’E2C se qualifiait
en finissant à la deuxième place du classement, c’était en partie grâce aux
remplaçants, ils avaient réellement enchaîné les bonnes performances, surtout
durant la nuit. On avait souvent dit à Bucky que cette compétition se remportait
avec la totalité d’une équipe et ses pom-pom-girls ; cela se vérifiait une fois de
plus.

Il était quasiment 14h, le moment du repos, jusqu’au quart de finale le


lendemain à 9h, était arrivé. Le planning était désormais simple, sieste jusqu’à 18h
dans une chambre avec un lit bien douillet à l’hôtel, puis massage-récupération
suivi d’un repas avant une activité calme et une bonne nuit complète de sommeil.

***

Contrairement à un déplacement classique où tout était normé pour les


chambres, les tournois de rattrapages ou principaux de fin d’année mettaient
simplement un nombre de chambres à disposition sans séparation distinctes
entres filles et garçons. Conscient de la faille dans l’organisation et au courant du
départ immédiat de Meyrie pour aller s’occuper de la troisième journée du tournoi
principal de Basket de l’E2C en Suisse, Antoine et Glaème se dirigèrent vers
l’entraîneur au moment où on lui remit les clés magnétiques des chambres.

- Coach, vous allez faire chambre en commun avec Bucky ? Demanda


Antoine.

- C’est un peu indiscret comme question, mais je crois comprendre où tu


veux en venir, répondit Béhuit sans que Bucky, se tenant non loin de là, n’en rate
une miette.

Pour elle, il était acquis que Béhuit ferait chambre commune avec sa "pom-
pom". L’occasion était trop belle et elle était officiellement en couple avec
l’entraîneur de volley, aucune raison de mentir sur le sujet. Mais Bucky devinait
aussi les intentions du libéro de l’équipe.

347
- Je t’ai toujours dit que tu avais un entraîneur particulièrement perspicace
et vif d’esprit ! Il est vraiment dommageable qu’il ne soit pas resté notre professeur
de sport, enchaîna Glaème.

- Nul besoin de me caresser dans le sens du poil Glaème ! Je sais


parfaitement où toi et Antoine voulez en venir. Étant donné que vous êtes majeurs,
je suis d’accord, mais pas trop de folie tout de même, on a un quart de finale à
jouer demain, dit-il en tendant une clé magnétique au couple.

- J’en prends bonne note, répondit Glaème en lui prenant la clé. Je te


préconise la même chose pour ma capitaine ! Nous avons encore besoin d’elle,
ajouta-t-elle malicieusement, avant de partir main dans la main vers sa chambre
avec Antoine.

Béhuit distribua quasiment toutes les clés au fur et à mesure alors que
Bucky l’attendait patiemment. Ne restait plus qu’Anita, Erik et Shandrill encore
présent devant l’entraîneur. Shandrill semblait très gênée et ne bougeait pas.
Quant à Erik et Anita, ils hésitaient à proposer à Béhuit ce que tout le monde encore
présent pressentait. L’entraîneur s’approcha avec une clé et la donna à Erik :

- Soyons clair, je ne suis au courant de rien et si vous êtes découverts, je


nierais avoir eu connaissance de vos agissements ! Vous passez doucement dans
l’âge adulte, prouvez que vous le méritez.

- Merci coach, dit Erik qui s’empressa d’entrer discrètement avec Anita dans
la chambre qui leur était dédié.

Le couple Béhuit-Bucky regarda avec beaucoup d’attention Shandrill,


toujours immobile. Elle souhaitait clairement dire des choses embarrassantes et
ne savait pas comment s’y prendre.

- Tu ne veux pas partager ta chambre avec Nolwenn ? Lui demanda Bucky


dubitative.

- C’est-à-dire que je voudrais demander à Béhuit s’il est possible de…


découcher ?

- Un problème ? Demanda Béhuit.

- En fait, Karim a la possibilité de rester jusqu’à demain et il m’a proposé de


partager une chambre dans un autre hôtel…

348
- Shandrill, étant donné les problèmes rencontrés par Nolwenn et Bucky à
Munich, je dois bien admettre que je préférerais te savoir ici avec les autres, lui
répondit l’entraîneur de volley, embêté.

- C’est qu’on ne s’est pas vus depuis les vacances de la Toussaint et on doit
déjà se quitter demain…

Bucky comprenait la demande de Shandrill. En se projetant à sa place, elle


aurait clairement voulu partager un maximum de temps avec son compagnon,
mais elle comprenait également la franche hésitation de Béhuit. Bien que les
fautives premières de la mésaventure de Munich étaient elle et Nolwenn, son ex-
professeur d’EPS s’était toujours senti en partie coupable de la tentative de viol
qu’elle avait subie.

- On ne pourrait pas s’arranger autrement ? Proposa Bucky.

- Peut-être. Tu as une idée derrière la tête ? Demanda Béhuit.

- A la place que Shandrill parte rejoindre Karim, on pourrait peut-être


proposer à Karim de venir ici !

- L’hôtel est réservé dans sa totalité pour les participants au tournoi,


rétorqua Béhuit.

- Je doute que l’hôtel ait reçu une liste détaillée des participants aux quarts
de finale et je ne suis pas non plus certaine qu’il connaisse le nombre de chambres
nécessaires pour chaque campus ! Meyrie aurait très bien pu rester !

Shandrill sourit immédiatement à son amie, puis jeta un regard appuyé vers
Béhuit. Pendant que Bucky tentait avec son entraîneur un regard de supplication.
Il les regarda toutes les deux plusieurs fois tour à tour.

- C’est vraiment très moche d’abuser de tes charmes pour arriver à tes fins,
répondit-il en regardant l’étudiante de dernière année. Je vais demander si on peut
avoir une chambre supplémentaire en prétextant une erreur de décompte.

- Merci ! S’empressa de lui dire Shandrill.

Elle appela immédiatement Karim pour lui annoncer que les plans
changeaient. C’était finalement à lui de la rejoindre.

Comme escompté, obtenir une chambre supplémentaire ne fut pas bien


compliqué pour Béhuit. Il passa simplement pour une personne à la limite de
l’incompétence en ne connaissant pas le nombre exact de ses étudiants présents.

349
- N’en oubliez aucun demain matin ! Se moqua poliment le directeur de
l’hôtel en lui tendant une clé magnétique supplémentaire.

Finalement, tout le monde avait eu une chambre comme il le souhaitait.


Tous les couples avaient eu l’accord de Béhuit pour dormir ensemble. Bucky n’eut
même pas le courage de prendre une douche avant de se coucher, malgré une
hygiène corporelle limite, elle se jeta sur l’un des deux lits simples disponibles dans
la chambre pour dormir après les avoir collés l’un à l’autre. Il était nécessaire
qu’elle récupère.

***

Même une sieste de quasiment quatre heures supplémentaires n’avait pas


suffi. Bucky sentait qu’elle était loin d’être encore à 100% de ses moyens. Pourtant,
il était 18h et le créneau dit "de récupération" était arrivé. Elle pourrait redormir à
nouveau pour une bonne nuit complète de sommeil dans quelques heures.
Doucement, elle commençait à sentir les courbatures la gagner. Béhuit était sous
la douche, il n’avait pas pris le temps de se laver non plus avant de se coucher. Elle
prit l’initiative de le rejoindre… en espérant que la douche soit suffisamment
spacieuse pour deux. Au pire, ils se serreraient !

La douche commune mit quelque peu en retard Bucky et Béhuit, mais elle
n’eut pas le moindre regret. L’occasion d’être lavée par son partenaire ne se ratait
pas. Aussi arrivèrent-ils bons derniers dans le salon réservé à l’E2C pour une
séance de massage et récupération avec cinq kinésithérapeutes. Ce sont les
garçons qui furent pris en main en priorité, même si les pom-pom-girls avaient tout
de même une des kinés qui leur était spécifiquement dédiée. Sans courbature,
Béhuit se contenta de superviser le tout en regardant l’état de ses joueurs. Bucky,
attendant son tour pour être massé en fit de même pour ses équipières. Elle insista
auprès de la kiné pour qu’elle s’occupe en priorité de Shandrill. Adepte des saltos
et autres sauts périlleux, elle devait être la plus en proie à la fatigue musculaire. Il
fallait lui éviter à tout prix une blessure lors de la troisième journée ; elle participait
au championnat de France de Gymnastique dans quelques mois. Les plus jeunes
furent ensuite sa priorité et elle s’occupa finalement tellement d’autrui, qu’elle
oublia de se mettre sur le planning de massage. Elle se contenta donc des
hydrojets et des instruments à pulsions électriques pour sa récupération jusqu’à
ce que Béhuit ne prenne l’initiative de lui proposer de la masser lui-même :

350
- Vu que tu ne t’occupes pas suffisamment de toi-même, je vais devoir le
faire en personne !

Acceptant la proposition et totalement détendue, elle s’allongea sur une


table prévue à cet effet. Un massage de Béhuit valait bien plus que tout ce qu’un
professionnel pouvait lui proposer. Elle s’abandonna, sous le regard amusé, voire
médusé de certains de ses camarades. Ce tournoi était décidément exceptionnel
et de très loin le meilleur qu’elle avait connu.

A 19h30, tout s’arrêta pour aller prendre une douche glacée dans les
chambres sur le conseil des professionnels pour une meilleure récupération, ce
que Bucky n’appliqua absolument pas. Personne ne la mettrait sous une douche
sans eau chaude ! Une étape ordinaire pour se rincer suffirait. Puis le moment du
repas. Il était plus qu’attendu pour rééquilibrer le régime alimentaire depuis le
début du tournoi où n’existaient que fruits, séchés ou pas, et sandwichs au
fromage, poulet ou jambon et des boissons énergisantes. Un buffet était à
disposition avec tout ce qu’il fallait pour se refaire une santé, y compris des
spécialités espagnoles comme de la charcuterie, des tapas ou encore de la paella.
Bucky se laissa tenter par cette dernière après quelques entrées piochées de-ci
de-là, tout comme Béhuit, mais dans des proportions beaucoup plus importantes.
Le moment fut encore une fois convivial. La joie se lisait sur les visages,
particulièrement pour Shandrill qui pouvait partager ce moment avec Karim, qui
mangeait avec le groupe sans que personne ne s’en offusque. En cinq années à
l’E2C, le groupe qu’elle avait cette saison était de loin le plus fusionnel et le plus
agréable à vivre. Que ce soit pour les pom-pom-girls, les joueurs de volley-ball ou
même l’entraîneur, tout le monde s’appréciait. Si seulement il était possible de se
glisser jusqu’à la finale demain pour que la compétition se poursuive, se dit-elle.
Elle rêvait, sans doute.

***

Avec un minutage précis par rapport au planning, Bucky et ses équipières


entrèrent sur le terrain pour présenter l’équipe de l’E2C. La nuit avait permis de
recharger pleinement les batteries, ne restait que quelques courbatures, vestiges
des journées précédentes. Dans une salle quasiment pleine, et dans un récital
quasiment de routine maintenant, même pour les garçons, la chorégraphie
imaginée par Bucky envoûta une fois de plus la foule. Dommage que pour cette

351
dernière journée, des points bonus n’étaient pas attribués à la meilleure des 8
chorégraphies d’équipes restantes, l’E2C les aurait probablement décrochés.

Sans surprise, Béhuit aligna l’équipe-type pour les quarts de finale. Avec
notamment Antoine en libéro, Yvan l’attaquant/réceptionneur capitaine, Djurek le
passeur, Erik l’attaquant de pointe et Ethan le central, toutes les têtes d’affiche
étaient sur le terrain pour l’entame du match. Un dernier mouvement
d’encouragement de leurs pom-pom-girls et le premier service fut envoyé.

La dernière journée était différente des précédentes dans son format ; du


quart jusqu’à la finale, les matches se jouaient dans une configuration
traditionnelle ; 3 sets gagnants en 25 points mise à part si un cinquième set avait
lieu, en 15 points gagnants. Les quarts se jouaient le matin, les demi-finales
l’après-midi, et la finale le soir. Encore fallait-il arriver jusque-là, car le premier set
ne se passait pas comme espéré. L’équipe d’en face possédait un joueur
particulièrement performant à l’attaque qui posait énormément de problème à
l’E2C. Ethan avait sans doute les capacités pour monter aussi haut que lui dans
les airs pour le contrer, mais il se trouvait sur les positions arrière, remplacé par
Antoine, lorsque le géant de plus de 2m15 de l’équipe adverse se trouvait sur les
positions avant. Le premier set fut perdu 25-21 et cette fois, c’est clairement Béhuit
qui sortit l’équipe de cette situation délicate sur un coup de génie tactique.

Dès le deuxième set, Béhuit mit Ethan sur le banc de touche et fit quelques
autres ajustements. D’abord, ce fut l’incompréhension chez Bucky. Pourquoi se
priver de son meilleur joueur ? Mais elle comprit très rapidement où son petit ami
avait décidé d’en venir. En ne plaçant pas volontairement son meilleur joueur sur
le terrain, il avait tout le loisir, dès le deuxième point de faire entrer Ethan à la place
d’un joueur de son choix placé au même poste de départ que la superstar adverse
et ce choix fut tout bonnement gagnant ! Particulièrement performant au contre et
désormais face à lui, Ethan posa d’immenses problèmes au géant d’en face.
Impossible pour lui de taper aussi fort qu’au set précédent en passant au-dessus
du contre adverse sous peine de se faire immédiatement punir par Ethan. Le
meilleur joueur adverse ainsi muselé, permit à Antoine et les siens de prendre un
avantage sur l’équipe adverse les deux sets suivants. L’E2C les remporta 25-20 et
25-22. Au quatrième set, l’entraîneur adverse tenta bien de mettre à mal la tactique
de Béhuit en ne faisant également pas commencer son meilleur joueur, mais peine
perdue, le coup de bluff ne marcha pas ! Béhuit refusa de faire entrer Ethan avant
de savoir où entrait le géant d’en face. Les deux joueurs ne rentrèrent donc qu’au
tout dernier moment, mais comme l’E2C sans Ethan montrait un meilleur visage
que l’équipe adverse sans son joueur vedette, Béhuit pouvait se permettre de jouer

352
la montre. Sans solution adverse, l’E2C remporta le quatrième set synonyme de
victoire 25 à 21. Les joueurs ne se trompèrent pas sur les raisons de cette victoire
et coururent vers leur entraîneur pour le remercier de cette brillante idée. Bucky
avait du mal à cacher son émotion et versa une petite larme. L’E2C était en demi-
finale et en plus, l’équipe le devait à son petit ami. Lui qui se dévalorisait souvent.
Elle avait aujourd’hui un argument lui démontrant l’inverse. C’était quelqu’un
d’incroyable, elle voulait qu’il s’en rende simplement compte ! Elle n’en était pas
tombée amoureuse pour rien.

***

De la récupération, des explications tactiques et un repas rapide avant une


brève sieste et l’instant de la demi-finale était là. Bucky hésitait à transmettre le
brassard de capitaine à Shandrill. Si l’E2C venait à perdre ce match, cela serait
pourtant le dernier match officiel de la saison. Elle la regarda avant le début de la
chorégraphie de présentation, tout en enlevant délicatement son brassard de
capitaine.

- Jusqu’au bout ! Jusqu’en finale ! Lui dit Shandrill avec fermeté, lui
montrant bien qu’elle n’envisageait pas autre chose qu’une victoire sur ce match !

Bucky remonta le morceau de tissu qui lui entourait le bras et serra le poing.
Si la transmission ne se faisait pas dans les règles de l’art, Shandrill ne lui en
voudrait pas !

Le match s’annonçait particulièrement compliqué. L’E2C avait en face de


lui l’équipe de l’excellence campus de Rome, favorite du tournoi de rattrapage, qui
les avait déjà battue en poule par deux fois lors des deux derniers jours. C’était
même à se poser la question de la présence à un tournoi de rattrapage d’une
équipe aussi forte. Les filles redoutaient particulièrement ce match. Rome
possédait de très bons joueurs dont le passeur, particulièrement efficace dans sa
qualité et choix de passe.

***

353
Béhuit ne cessait pas de se gratter sa fine et légère barbe durant tout le
premier set. Bucky analysait cela chez lui comme une mimique de réflexion.
Comme redouté, et même si l’E2C ne déméritait pas, l’équipe d’en face était
malheureusement supérieure ; bien mieux organisée tactiquement qu’Yvan et les
siens. Malgré quelques conseils après la perte du premier set, au moment où les
pom-pom-girls de l’équipe assuraient le show pour ne pas laisser de temps mort
dans les rencontres, le deuxième set repartit sur les mêmes bases et fut une
nouvelle fois perdu. Mais en tout début de troisième set, un Erik déchaîné et
n’ayant plus rien à perdre enchaîna cinq services gagnants bientôt ajoutés à deux
contre d’Ethan et Djurek. 7-0 pour l’E2C ! Cley n’était pas encore définitivement
enterré. Cette avance fondit cependant comme neige au soleil et malgré
l’obtention d’une balle de set, l’E2C ne menait plus que 24 à 23 ! Remporter ce point
était vital pour rester encore en vie dans ce tournoi et accéder à la finale
permettant de se qualifier directement pour la phase finale du championnat des
campus d’excellence ou par un match de barrage contre un mal classé du tournoi
principal. Le passage en finale permettait donc de s’assurer qu’un autre match au
minimum se jouerait en janvier ! L’E2C ne pouvait pas échouer si près du but ! Yvan
était au service et se contenta simplement de s’assurer de ne pas le rater. L’équipe
comptait sur Ethan Spidze, placé à l’avant pour contrer l’adversaire. Il n’eut même
pas besoin de le faire… inexplicablement et après une bonne réception d’un de ses
équipiers, le passeur adverse rata complètement sa passe… avant de s’écrouler
sur le terrain. La passe fut tellement mauvaise qu’elle retourna directement en
direction d’Ethan qui ne se fit pas prier pour smasher puissamment le ballon dans
le camp adverse. Le troisième set fut remporté et l’espoir perdurait, d’autant que
le passeur, clairement la pièce maîtresse de l’équipe adverse, ne se relevait pas.
Le médecin présent sur les lieux, se précipita près du joueur et le couperet tomba ;
asthénie ! Plus connu sous le nom d’épuisement physique. Il y avait eu déjà
quelques cas lors de ce tournoi, comme tous les ans. Rien de grave en soi, il fallait
simplement plusieurs jours de repos pour récupérer, mais une chose était sûre,
son match était terminé sur ordre strict du médecin.

La perte pour Rome de leur pièce maîtresse les perturba totalement.


Comment en aurait-il pu être autrement ? Le passeur, comme Bucky l’avait appris
en côtoyant Béhuit et son équipe de volley, était un rouage essentiel dans le jeu et
son remplaçant, sans doute de première ou deuxième année, n’avait pas du tout
l’expérience, ni même le talent de son prédécesseur. Le match fut ainsi beaucoup
plus équilibré. Pour l’E2C, très malchanceuse jusqu’alors depuis le début de la
saison entre les blessures et le renvoi de Creth, le destin tournait enfin en sa
faveur. Les deux sets suivants furent remportés 25-22 puis 15-12. Les garçons

354
tombèrent d’épuisement sur la balle de match, brillamment conclu par un ballon
particulièrement bien placé de Djurek. Bucky, elle-même épuisée, admirait ses
camarades masculins et n’imaginait même pas à quel point leurs muscles
devaient les faire souffrir entre les courbatures et l’acide lactique qui s’accumulait
dans leur corps. Il restait pourtant encore un match ce soir ! La finale ! Si on avait
dit cela à Bucky, il y a encore deux jours et demi, malgré l’optimisme de son
tempérament, jamais elle ne l’aurait crue.

Alors que la totalité de l’équipe de volley était près du banc de touche en


train de souffler et de s’hydrater. Quelques pom-pom-girls prirent l’initiative de
s’approcher des garçons pour leur proposer de les masser au niveau des épaules.
Cette idée était bien évidemment venue de Glaème et Anita qui cherchaient à
joindre l’utile à l’agréable avec leurs petits amis, mais les autres suivirent
rapidement le mouvement. Shandrill massait Djurek alors que Nolwenn s’occupait
pour sa part d’Yvan. Bucky, après avoir cependant demandé à Béhuit du regard
son approbation, se proposa pour masser Ethan Spidze. La séquence ne dura
qu’une dizaine de minutes avant de devoir regagner l’hôtel, mais elle fit un bien fou
aux garçons ; complètement lessivés pour la plupart. La fatigue se lisait sur les
visages, y compris chez les pom-pom-girls qui souhaitaient cependant faire bonne
figure.

En prenant son sac de sport, Bucky fut interpellée par une personne alors
qu’elle cherchait à rejoindre Béhuit pour partir main dans la main avec lui en
direction du car.

- Bucky Délavigna ? Interrogea la personne avec un accent laissant


clairement entendre qu’il ne parlait pas français.

- C’est bien moi, répondit l’étudiante, directement en Anglais sentant


clairement que son interlocuteur ne maîtrisait pas sa langue natale.

Comprenant qu’il pouvait continuer en Anglais, son interlocuteur eut la


parole plus facile :

- Je suis Frankie McKay, Directeur de l’école Julliard du ballet d’Amérique à


New-York. J’ai suivi avec intérêt vos talents de danseuses et la chorégraphie que
vous avez mise en place. Votre profil me plaît beaucoup et notre école en a besoin.
Une place dans notre organigramme en tant qu’encadrante à la fin de vos études
vous intéresserait-elle ?

355
La pom-pom-girl vivait un rêve éveillé. On lui proposait ni plus ni moins un
travail dans ce qui la passionnait ! La meilleure école de danse de New-York et
l’une des plus réputées au monde la sollicitait.

- Il se pourrait que je le sois, répondit-elle dans un anglais toujours aussi


parfait. Mais j’aurais besoin d’en savoir un petit plus…

- Bien évidemment, je vous propose d’en discuter plus en détail à New-York


même, dans notre école pour que vous puissiez visiter les lieux. Je vous donne ma
carte de visite afin que vous me donniez vos disponibilités pour y passer un week-
end. Il va sans dire que nous prendrons tout en charge pour ce voyage. J’attends
votre retour avec impatience.

Elle s’empressa de prendre la carte de visite de Monsieur McKay pour la


ranger dans une des poches de son sac de sport. L’opportunité était incroyable.

- Je ne serai pas disponible pour ce travail avant l’obtention de mon


diplôme, fin juin, Souligna-t-elle.

- Pas de soucis, prenez votre temps ! Je sais très bien qu’un diplôme dans
un campus d’excellence passe avant tout ! C’est ce qui fait aussi votre valeur.
Concernant le week-end que je vous propose, vous pouvez également venir
accompagnée de la personne de votre choix. L’entraîneur de votre équipe de
volley-ball par exemple. Il me semble que vous êtes en couple.

Avec enthousiasme, Bucky fit un oui de la tête avant de quitter le directeur


pour rejoindre ses camarades et le car. Béhuit l’attendait au loin. Elle s’empressa
de le rejoindre et de monter dans le car pour rejoindre l’hôtel. Béhuit ne manqua
pas de s’apercevoir de son sourire radieux.

- Une bonne nouvelle ? Lui demanda l’entraîneur de volley, une fois assis à
ses côtés dans le car.

- Cette journée est sans doute l’une des plus belles de ma vie ! Lui avoua-t-
elle. Je suis encore pom-pom-girl pour encore minimum un match après celui de
ce soir avec mes amies. L’équipe de volley de notre campus a une chance de
participer aux 1/8 de finale des phases finales du championnat pour la première
fois de son histoire, j’ai trouvé un homme que j’aime de tout mon cœur et… on m’a
proposé un poste dans une prestigieuse école de danse à New York une fois mon
diplôme obtenu, ajouta-t-elle avec fierté.

- Je suis heureux pour toi, Bucky, lui dit-il en la serrant dans ses bras.

356
- Ça te dit un week-end tous frais payés à New York ? On me propose de
visiter les lieux et j’ai le droit d’emmener quelqu’un avec moi !

- Je ne sais pas trop… Trouve une date et j’essaierai de venir, répondit


Béhuit, embarrassé.

L’étudiante perdit quelque peu son enthousiasme. Elle venait pour la


première fois de comprendre qu’il allait être difficile de se projeter dans l’avenir
avec son ex-professeur d’EPS. Le job qu’on lui proposait ne se concrétiserait pas
avant juin ou juillet, au mieux, et était à plusieurs milliers de kilomètres de la France
et de Béhuit. Pouvait-il et voulait-il la suivre à New York au cas où elle accepterait
cette proposition ?

- Tu me suivrais ? Demanda-t-elle en allant droit au but.

- Je vais tout faire pour tenter de partir avec toi pour ce week-end à New-
York, mais je ne peux rien te garantir.

- Je ne te parlais pas uniquement du week-end…

Il lui tint la main avec insistance sans répondre. Il réfléchissait. Après


plusieurs secondes, il se décida à ouvrir la bouche.

- Bucky, je n’ai pas la moindre visibilité sur mon avenir. Je n’en suis pas
vraiment le maître. Je suis dans l’incapacité totale de te répondre. Juin, c’est
tellement loin. Te dire où je serai à ce moment-là m’est impossible. Je regrette.

- Si tu me suis là-bas, tu pourras donner ta démission. Mon salaire sera, je


pense, suffisant pour que nous puissions vivre tous les deux dessus le temps que
tu trouves un nouveau travail.

- Bucky, vis ton rêve et ne pense qu’à toi. Si j’avais la possibilité de te suivre,
je le ferais sans doute, mais je ne l’ai pas. J’ai malheureusement un statut
particulier qui m’empêche de prendre des décisions de vie comme tu me le
proposes.

- Béhuit, si je ne peux pas vivre mon rêve avec toi, ça n’en sera pas vraiment
un. Un rêve, c’est quelque chose qui se partage et c’est avec toi que je veux le
vivre…

- Je suis désolé, se contenta-t-il de répondre.

L’étudiante à la mèche fuchsia décida de stopper la discussion. Béhuit


semblait désolé et impuissant. Elle se contenta de l’embrasser avec douceur. Elle

357
n’y avait encore jamais pensé, mais si elle souhaitait poursuivre sa relation avec
Béhuit, elle allait devoir réfléchir à son avenir en fonction de lui. Les garçons
avaient toujours été une variable d’ajustement pour elle jusqu’ici. Aujourd’hui, c’est
elle qui désirait ajuster ses choix de vie par rapport à un garçon. Un premier pas
vers une réflexion de couple ? Ses priorités venaient en tout cas de changer. Béhuit
prenait de plus en plus d’importance dans sa vie. Elle n’avait pourtant pas peur.
C’était après tout l’homme de sa vie et si elle devait faire des sacrifices pour lui
prouver, elle le ferait. Sans la moindre hésitation.

358
Chapitre 12 : Complicité

Le gymnase était encore une fois plein à craquer. La finale du tournoi de


rattrapage, toujours à Madrid, commençait dans moins d’une demi-heure. Depuis
vingt minutes déjà, Bucky et ses équipières s’étiraient les muscles, principalement
les jambes. La fatigue physique était à son paroxysme. Son corps était à bout, elle
le sentait bien. Déjà l’esprit dans son show, la capitaine des pom-pom-girls sentit
son portable vibrer dans la poche de son survêtement qu’elle portait encore pour
le moment ; ses parents cherchaient à la joindre. Probablement pour prendre de
ses nouvelles. C’est avec joie qu’elle s’isola en sortant du gymnase pour répondre
dans le calme. Elle avait tant de chose à leur raconter depuis leur dernier appel en
visio, mais si peu de temps.

- Coucou ma grande… On ne te dérange pas au moins ? Demanda son père,


remarquant sans doute qu’elle était en survêtement, maquillée et coiffée.

- Le match ne commence pas tout de suite, j’ai le temps de discuter


brièvement avec vous avant notre chorégraphie, répondit-elle.

- Mais… ce n’est pas le créneau de la finale ? Interrogea le père.

Bucky confirma par un geste énergétique de la tête de haut en bas et un


large sourire.

- Tu veux dire que ton équipe est en finale ? Je croyais que l’équipe des
frères Donerm était… médiocre.

- Tant de choses se sont passées depuis la semaine dernière. Depuis cette


qualification pour le tournoi de rattrapage. L’équipe de volley est génialissime, ma

359
nouvelle chorégraphie fait un malheur et on m’a proposé un week-end à New-York
pour un futur poste à responsabilité dans une école de danse ! Je suis aux anges !

- C’est merveilleux ma fille, ton rêve se réalise ! Nous sommes tellement


heureux pour toi, souligna sa mère. Ne tarde pas trop à répondre à leur proposition
pour ne pas laisser passer le poste.

- Je me concentre sur le tournoi pour le moment et mon spectacle de danse,


demain soir. J’y réfléchirai à tête reposée durant les vacances de Noël.

- Oui, nous en parlerons ensemble lorsque tu nous auras rejoint à Néom


pour les fêtes de fin d’année. Quand arrives-tu ? Demanda sa mère.

- Je l’ignore, je n’ai pas eu le temps de m’occuper du billet d’avion… mais à


ce propos, serait-il possible que j’en prenne un deuxième ? Je souhaiterais vous
présenter… mon petit ami ! Dit-elle prudemment.

Le moment était venu de présenter Béhuit à ses parents. Il était important


pour elle que ses parents fassent sa connaissance. Elle ignorait comment ils
allaient prendre la différence d’âge, mais cette étape était nécessaire pour elle afin
d’officialiser un peu plus sa relation avec l’homme qu’elle sentait être le bon.

- Je vois que c’est du sérieux avec lui ! C’est la première fois que tu veux
nous présenter un garçon ! Souligna la mère. Mais il ne passe pas Noël avec sa
famille ?

- Je l’ignore, il n’est pas très bavard à propos de sa famille. je voulais juste


lui proposer de vous rencontrer. J’espère qu’il dira oui !

- Tu sembles être très attachée à lui ! Analysa la mère.

- Être aimée par lui, c’est tellement valorisant. Mais l’aimer, c’est
totalement… déstabilisant et enivrant, je ne suis plus la même. Je pense sans arrêt
à lui, avoua Bucky. Je tiens vraiment à vous le présenter. Vous allez voir, il est
génial !

- Il est avec toi à Madrid ? Il fait partie de l’équipe de volley-ball, si nous


avons bien suivi ? Interrogea le père.

- C’est un petit plus compliqué que cela, mais il est bien avec moi ce soir.
Je peux donc lui proposer ?

- Nous serons très heureux de l’accueillir, annonça son père. Ce qui compte
pour nous, c’est ton bonheur.

360
- Je lui demande et je vous tiendrai informés. Je dois malheureusement
vous laisser, la finale approche ! Je vous tiens au courant dans les prochains jours,
conclu Bucky voyant le temps avancer doucement.

- Pas de souci ma fille, nous te souhaitons bonne chance pour la finale de


ton petit ami, dirent ensemble ses parents avant de couper la connexion, tout en
lui mimant des baisers.

Bucky retourna dans le gymnase pour terminer son échauffement, tout en


gardant dans un coin de la tête qu’elle devait proposer à Béhuit de passer les fêtes
de fin d’année avec elle et ses parents. Elle était tout de même anxieuse à ce sujet.
Elle espérait qu’il pourrait venir, au moins quelques jours et que cette rencontre se
passerait pour le mieux.

***

Pour la dernière fois de ce tournoi, Bucky arbora sa chorégraphie de


présentation de l’E2C. Jamais elle n’aurait pensé la présenter autant et ce n’était,
de plus, pas la dernière puisque la saison de l’équipe de volley ne s’arrêterait pas
là, même en cas de défaite. Chaque fille était clairement épuisée, y compris elle-
même, ce qui engendra quelques erreurs pour la synchronisation des mouvements
de danse. Décemment, elle ne pouvait pas en vouloir à ses partenaires.

A l’issue de la prestation Shandrill s’écroula. C’était clairement la pom-pom-


girl qui se dépensait le plus avec ses saltos et autres cabrioles. Heureusement que
ce tournoi touchait à sa fin. Bucky commençait à avoir de gros maux de tête,
symptômes d’épuisement. Nolwenn, malgré son maquillage, laissait paraître une
pâleur inquiétante sur son visage et Anita dormait quasiment debout. Cependant,
les pom-pom-girls de l’E2C furent encore une fois applaudies chaudement. Le
coup d’envoi de la finale pouvait être donné.

Les deux équipes présentes sur le terrain ce soir n’étaient clairement au top
de leur forme. Il y avait un nombre incalculable de services manqués, d’attaques
très largement en dehors des limites du terrain et de rapidité d’exécution de
mouvement très inférieures à la normale en ce début de match. Malgré un premier
set remporté sans montrer un spectacle incroyable, les filles et garçons de Cley
exultèrent. Il ne leur manquait plus que deux sets pour s’ouvrir les portes d’un
huitième de finale du championnat des campus d’excellence européens.

361
Béhuit fut contraint de sortir Erik au cours du deuxième set. Il n’en pouvait
tout simplement plus. Puis ce fut le tour d’Yvan qui s’écroula sans pouvoir se
relever sans aide après une dernière attaque gagnante pour empocher le deuxième
set. L’équipe d’en face n’était également pas au mieux ; l’entraîneur adverse
multipliait les remplacements. Tous les acteurs encore présents sur le terrain pour
le début du troisième set ne tenaient que par la volonté et à ce petit jeu, c’est
l’équipe adverse qui empocha le troisième, puis le quatrième set. Tout allait se
jouer sur un cinquième set décisif.

Béhuit eut beau se creuser les méninges afin de trouver une idée pour aider
son équipe ; il n’y avait plus rien à faire. Les joueurs, encore sur le terrain, d’un côté
comme de l’autre parvenaient à peine à mettre un pied devant l’autre. Le set fut
extrêmement serré ; 12 partout lors de ce dernier acte de la campagne madrilène.
La tension était à son comble dans le gymnase. L’adversaire, au service, se
contenta de mettre le ballon dans le terrain, mollement, pourtant personne ne
bougea pour la récupérer… un point offert ! Le service suivant fut un peu plus
puissant, mais parfaitement réceptionné par Antoine sur son passeur pour offrir
une super balle d’attaque pourtant complètement manquée et envoyée en dehors
des limites du terrain très largement. 14-12 ; balle de match… manquée par le
serveur adverse en la mettant directement dans le filet ! C’était au tour de l’E2C de
servir pour tenter de revenir à 14 partout. Sur un service très assuré, l’adversaire
enchaîna une réception-passe-attaque que personne ne put remonter. Bucky et
son campus venaient de perdre la finale !

L’intégralité du groupe s’écroula au sol de fatigue et de déception, y compris


les pom-pom-girls, tandis que l’adversaire du soir fêtait sa victoire sous les
applaudissements du public. Bien évidemment, si on avait dit à Bucky que son
équipe parviendrait en finale du tournoi de rattrapage, il y encore quelques jours,
elle aurait signé des deux mains, mais il était tellement rageant d’échouer si près
de la consécration. Tant pis, il allait falloir en passer par un match de barrage pour
espérer voir les huitièmes de finale de la phase finale de championnat…

Après un discours de Béhuit pour remotiver son équipe, la déception passa


en partie. Les joueurs furent finalement heureux de recevoir la médaille des
finalistes ; un souvenir sans doute inoubliable. Béhuit sembla particulièrement
ému de recevoir sa médaille sous les applaudissements des pom-pom-girls. Bucky
s’empressa de le prendre dans ses bras pour le féliciter.

- Pas trop déçu ? Lui demanda-t-elle.

362
- Un peu. Mais restons réalistes, cette médaille est déjà inespérée et nous
offre la possibilité de jouer le match de barrage en janvier.

- Et puis ta plus grande victoire, tu la tiens !

- Avoir offert à cette équipe le succès ?

- Je ne parlais pas de l’équipe… mais de la personne qui te serre dans ses


bras ! Sourit-elle. Quelle plus grande victoire que d’avoir charmé une fille comme
moi !

Béhuit rigola :

- Et modeste avec ça ! Finit-il par lui dire.

- Trouvant que mon petit ami ne me fait pas suffisamment de compliments,


je suis bien obligée de faire preuve d’autosatisfaction, répondit-elle d’un ton
malicieux.

- Mon éternelle insatisfaite, tu aimerais entendre quelque chose de


particulier de ma part te concernant ?

- Que je suis une fille formidable, que tu m’aimes et… que tu passerais bien
Noël avec moi et mes parents à Néom. J’aimerais te les présenter !

- Tu es une fille formidable, je t’aime et… es-tu vraiment certaine que c’est
une bonne idée ? Nous sommes ensemble depuis à peine 2 mois !

- Pourquoi attendre ? Je sais que c’est toi le bon !

Elle espérait ne pas faire paniquer sa moitié en lui parlant sans filtre. Être
parfaitement transparente sur ses sentiments lui permettrait de connaître le
ressenti de Béhuit sur leur couple.

- Bucky, tu connais ma situation, il m’est impossible de me projeter sur le


long terme…

- Toi et moi, c’est pour la vie ! Rien de ce que tu pourras me dire ne me fera
changer d’avis !

- J’aimerais avoir ton optimisme.

- J’atteins toujours mes objectifs, ma vie amoureuse n’y dérogera pas. Je


sais que tu doutes, que tu es inquiet, tu as même peut-être peur, mais rien, tu

363
m’entends bien, rien, ne m’éloignera de toi. Je ne te quitterai plus. Tu es condamné
à me subir. Je suis née pour t’accompagner, jusqu’à la fin, répondit-elle.

- Comment peux-tu être aussi certaine que c’est moi et pas un autre ?

- Parce que je sais qu’après la nuit, le soleil finit toujours par repointer le
bout de son nez. Parce que je sais que l’eau qui s’évapore finira toujours par
retomber. Parce que je sais que dès que je m’éloigne de toi, je suis comme
démembrée…

- Bucky… lui dit-il, résigné, avant de l’embrasser, visiblement touché par les
dires de l’étudiante.

Par cette déclaration, qu’elle était prête à faire et refaire si cela était
nécessaire, Bucky espérait avoir touché au plus profondément de son être Béhuit.
Elle n’avait absolument rien préparé. Tout était improvisé. Elle avait simplement
laissé parler ses sentiments. Elle espérait simplement qu’il les partage de manière
aussi intense. L’étudiante ne se lassait pas de son baiser, tellement intense,
tellement sensuel. Sentir sa langue enlacer la sienne était toujours aussi fort et
provoquait un bienfait toujours aussi enivrant. C’était simple, dans ces moments,
pour Bucky, le monde s’arrêtait. Ni elle, ni lui ne semblait vouloir rompre ce
moment.

- Mademoiselle Délavigna ? Demanda une voix masculine toute proche du


couple, pour tenter de les décoller l’un de l’autre.

Elle et Béhuit furent bien obligés, ne serait-ce que par politesse, de stopper
ce baiser qu’elle appréciait tant.

- Juste un instant, Demanda la pom-pom-girl à l’inconnu, avant de fixer à


nouveau Béhuit, les yeux pétillants de bonheur, pour enchaîner.

- Dis-moi que tu es d’accord pour Noël ! Ajouta-t-elle à Béhuit.

L’entraîneur de volley-ball hésita quelques instants puis finit par accéder à


la demande de Bucky. Elle lui sourit puis tourna sa tête en direction du
cinquantenaire qui se tenait en face d’elle afin de lui montrer qu’elle était
désormais tout ouïe.

- Désolé de vous déranger vous et votre compagnon, mais je tenais


absolument à vous parler avant votre départ. Je me présente, je suis Yvan
Kaliensky, directeur artistique du Moulin Rouge à Paris.

364
- Je vais peut-être vous laisser seul à seul, proposa Béhuit comprenant bien
que Bucky allait sûrement se voir proposer un futur poste.

- Non, tu peux rester ! Répondit-elle avec insistance en le tenant par le bras


afin de lui faire comprendre qu’elle désirait vivement qu’il reste à ses côtés pour
cet échange.

- Cela ne me dérange aucunement, souligna Yvan Kaliensky.

Bien habillé, les cheveux légèrement grisonnants avec un corps laissant


penser qu’il avait un gros passif dans la danse, l’homme souhaitait de toute
évidence ne pas se mettre Bucky à dos. Il allait clairement lui proposer un poste.
De son côté Bucky voulait connaître l’avis de Béhuit. Plus rien ne se ferait sans lui
dans sa vie.

- Je vous écoute, continua Bucky, tout en tenant Béhuit désormais par la


taille.

- Voilà, vos talents de danseuse et de chorégraphe ne sont pas passés


inaperçus et nous cherchons une personne comme vous pour remettre à jour notre
spectacle. Vous êtes une excellente danseuse en plus d’avoir des idées
chorégraphiques talentueuses. Mon établissement souhaiterait en discuter plus
longuement avec vous lors d’un entretien.

- Que me proposez-vous exactement ? Demanda Bucky.

- Que vous aidiez à mettre en place un nouveau spectacle et potentiellement


que vous fassiez partie de nos danseuses en sus, si cela vous intéresse.

- Je n’ai rien contre les cabarets comme le vôtre, mais j’avoue avoir une
certaine réticence à me produire poitrine à l’air, dit-elle tout en regardant Béhuit,
comme pour lui demander son aval. Vous me laissez y réfléchir ?

- Cela va de soi, je comprends tout à fait votre appréhension. Toutes nos


danseuses ne se produisent pas seins nus, vous aurez le choix. Laissez-moi
simplement vous offrir deux places gratuites pour la date de soirée qui vous
conviendra. Ce sont deux places VIP pour vous et la personne de votre choix, à
votre nom. A la fin du spectacle nous pourrons échanger sur ce que nous pouvons
nous offrir mutuellement, dit-il en tendant les tickets.

La jeune étudiante prit les places en faisant un signe de tête à son


interlocuteur pour lui faire comprendre qu’elle avait bien prise en compte sa
proposition. Elle en était à deux propositions dans deux registres bien différents

365
et cela ne semblait pas terminé ; une cinquantenaire, habillée de manière très
professionnelle avec un tailleur noir, attendait son tour pour venir lui parler. Ce
qu’elle fit, une fois le directeur artistique du Moulin Rouge parti.

- Mademoiselle Délavigna, je suis Jacqueline Lemieux, je suis heureuse de


faire votre connaissance. J’ai cru comprendre que vous aviez déjà quelques
propositions d’opportunités professionnelles après la fin de vos études, mais
j’aimerais vous proposer un poste différent de ce qu’on a dû vous proposer, dit la
femme avec un accent trahissant immédiatement ses origines québécoises.

- Je vous écoute, répondit Bucky, ravie de voir les propositions s’accumuler.

- Je suis la directrice du campus d’excellence de Montréal, et j’aimerais tout


simplement vous proposer le poste d’entraîneuse de danse et des pom-pom-girls
de notre établissement qui va se libérer à la fin de l’année.

Une proposition dans un cabaret mondialement connu, sur un campus


d’excellence et dans l’une des écoles de danse les plus réputées au monde. Bucky
n’allait pas manquer de choix ! Elle était désormais certaine d’entrer dans la vie
active dans le domaine qui la passionnait. La diversité des propositions la rendait
d’autant plus heureuse. Elle allait devoir peser le pour et le contre des trois. Béhuit,
lui souriait, probablement heureux pour elle. Elle n’osait pas lui dire pour le
moment, mais nul doute qu’il aurait son mot à dire quant à sa destination future.
Le vœu qu’elle avait fait en apercevant cette étoile filante particulièrement
lumineuse en début d’année scolaire était exaucé. Cette dernière année à l’E2C
était la meilleure, non pas uniquement de son cursus scolaire, mais de sa vie !

Après avoir pris les coordonnées de la directrice du campus d’excellence


de Montréal, Bucky, accompagnée de Béhuit, put enfin rejoindre le car à
destination immédiate de l’aéroport pour rentrer en France. Le voyage dans le car
servi à Bucky de première analyse de ses opportunités en parlant à Béhuit. Il lui fit
comprendre qu’il ferait tout pour rester avec elle, mais qu’elle devait choisir ce qui
lui plaisait le plus. Elle remarqua pourtant que le Moulin Rouge semblait avoir ses
faveurs, il avait toujours voulu voir un french cancan en vrai, lui confia-t-il. Ses yeux
s’illuminaient quand il lui en parlait. Elle allait pouvoir lui faire plaisir, elle
n’accepterait probablement pas le poste, car après réflexion, se montrer dénudée,
même pour un spectacle, ne la bottait guère. Elle était plus attirée par l’opportunité
de New-York. Mais elle possédait deux places VIP pour se rendre au Moulin Rouge,
pas de raison de ne pas lui faire plaisir en passant une belle soirée avec lui.

366
***

Les filles n’avaient même pas eu 24 heures de repos qu’elles durent déjà
retourner s’affairer à la tâche avec le spectacle de danse de fin d’année en soirée.
Ce spectacle était important. Un jury était présent pour noter chacune des filles en
vue d’obtenir une note supplémentaire avec un coefficient important pour calculer
la moyenne finale d’EPS comptant pour obtenir son diplôme. Ouvert au public,
Béhuit avait évidemment été invité à assister au spectacle par Bucky. Savoir son
petit ami dans la salle lui donnerait du courage pour faire abstraction des
courbatures encore bien présentes, séquelles du tournoi de rattrapage de volley-
ball. Depuis la rentrée, elle ne préparait que cela avec Nolwenn et Glaème lors des
cours de danse sous la direction, encore et toujours, de Meyrie Dharcourt,
passionnée par son travail. Avec sa chorégraphie et sa prestation en tant que pom-
pom-girl, Bucky Délavigna savait déjà qu’elle avait un 20/20 assuré. Mais un
deuxième 20/20 en danse ne serait pas de refus pour récupérer les notes
présentes et futures de cette année en EPS… qui étaient beaucoup moins à son
avantage, les notes venant pourtant en grande partie de son petit ami. C’était dire
le niveau qu’elle affichait !

Bien que la représentation de ce soir soit un examen important pour les


danseuses, il ne fallait pas perdre de vue qu’il s’agissait avant tout d’un moment
qui devait émerveiller le public présent, venu encore en nombre, comme tous les
ans. Sur presque 1h30, Bucky allait se produire cinq fois, en comptant le final. En
tant que cinquième année, elle avait évidemment une place importante en termes
de présence.

Contrairement à un show de pom-pom-girl, un chignon très serré et un


intense maquillage neutre était nécessaire. Toutes les danseuses devaient se
ressembler. Chaque danse comportait également sa propre tenue pour que le
spectacle soit grandiose, ce qui obligeait les filles à devoir se changer pendant que
les autres se produisaient. Il fallait être rapide et efficace pour enlever et remettre
des robes différentes à chaque musique, pas toujours évidentes à enfiler, mais
elles s’étaient toutes entraînées, même pour cela. Un dernier bref regard discret
vers la salle en dépassant la tête du rideau de la scène pour s’assurer de la
présence de Béhuit avant que le spectacle commence et Bucky fut prête. Béhuit
ne l’avait pas remarqué. Il était bien là, mais semblait tracassé, même si, seul
Bucky devait s’en apercevoir du fait de son lien particulier avec lui. Il regardait de
l’autre côté de la scène où une autre tête dépassait pour scruter la foule ; Emma !

367
Danseuse et pom-pom-girl du handball de troisième année. La présence de cette
fille, somme toute ordinaire, semblait le perturber au plus haut point et ce n’était
pas la première fois. Elle avait déjà observé ce même comportement lorsqu’il
l’avait croisé lors de la toute dernière répétition de présentation des garçons avant
la "première" de Lisbonne. Bucky ne connaissait que très peu cette fille de deux
ans sa cadette, mais elle ne comprenait pas une telle inquiétude vis-à-vis de cette
personne. Qu’est-ce qui tracassait Béhuit ? Était-ce en rapport avec le pourquoi de
sa présence ici sous couverture ? Était-il tout simplement tombé sous son
charme ? Non, ça ne pouvait pas être cela ! Cette petite jeune n’arrivait pas à sa
cheville et puis Béhuit l’aimait. Elle s’inquiétait inutilement. Il fallait se reconcentrer
de toute manière, l’éclairage diminuait. Le spectacle commençait. Elle allait
pouvoir l’éblouir de son talent de danseuse et montrer à Béhuit qu’elle était la
meilleure danseuse pour mettre en évidence sa supériorité sur cette Emma, juste
au cas où ! Prudence était mère de sûreté !

***

Tout avait été parfait ! Après une première danse de la totalité de l’effectif
de dernière année réussie. Bucky vogua de succès en succès dans un trio avec
Nolwenn et Glaème, puis un duo avec sa meilleure amie, pour conclure par une
prestation solo, le tout sans le moindre raté malgré la fatigue latente accumulée
de ces derniers jours. Le final ne fit que confirmer le succès global du spectacle
sur le thème cette année des comédies musicales. Une excellente note ne faisait
pas de doute et elle l’avait bien évidemment remarquée, un Béhuit ébloui par son
talent. Il ne regardait qu’elle en applaudissant chaudement ! Ne restait plus qu’à
quitter la scène pour le retrouver après avoir enfilé une tenue un peu plus passe-
partout.

Après que les danseuses se soient félicitées pour leurs prestations. Bucky
ne manqua pas l’occasion de rattraper Emma en sortant des coulisses pour la
rejoindre. Curieuse de nature, elle souhaitait connaître un peu plus la danseuse
pom-pom-girl de troisième année affiliée au handball pour tenter de débusquer une
quelconque piste permettant de comprendre pourquoi Béhuit semblait focalisé sur
elle.

- Emma ! L’interpella-t-elle en la rejoignant.

368
L’étudiante s’arrêta avant de se retourner pour identifier Bucky. De taille
comparable à elle, Emma avait une carrure un peu plus imposante malgré ses deux
ans de moins. Elle possédait, comme beaucoup de filles de leur tranche d’âge des
cheveux longs et colorés en blond. Ce n’était pas particulièrement une belle fille.

- Oui Bucky, répondit-elle, sans doute étonnée de se voir appelée par une
étudiante de cinquième année qu’elle ne connaissait que très peu.

- Je voulais te féliciter pour ta prestation de ce soir. Je trouve que tu as fait


énormément de progrès, mentit-elle pour tenter d’amorcer un début de
conversation.

- Je te remercie, mais je suis loin d’avoir un excellent niveau comme le tien !


Répondit-elle surprise par la remarque pas vraiment fondée.

- Je souhaitais te confier que je regrette de ne pas t’avoir prise dans mon


groupe de pom-pom-girls en ce début d’année. J’aurais aimé t’avoir comme
équipière au volley-ball.

Le regard d’Emma montrait clairement que la jeune fille n’était pas tombée
dans le traquenard de son aînée. Elle avait compris que Bucky cherchait à
l’amadouer un maximum. La brune à la mèche fuchsia avait bien évidemment
uniquement l’intention d’en savoir un peu plus sur elle, mais la fausse blonde
n’était pas tombée dans le panneau. Quelques secondes de silence la mirent mal
à l’aise.

- Je regrette simplement que tu ne l’aies pas fait, répondit-elle de façon


surprenante. J’aurais pu y côtoyer Creth. Je dois avouer que j’ai eu un crush sur
lui. D’ailleurs, tu as de ses nouvelles à ce propos ?

- Non pas la moindre ! J’ai cru comprendre qu’il était retourné au Canada.

- Tu n’as pas essayé de le contacter depuis ?

- Disons qu’entre lui et moi… ça s’est achevé de manière très compliquée.

- Vous êtes pourtant sortis ensemble ? Que s’est-il passé ? Béhuit Ciel à
quelque chose à voir là-dedans ?

Bucky se sentait prise au piège. Ce n’était finalement pas elle qui posait les
questions. Elle se retrouvait empêtrée à devoir raconter sa brève liaison avec Creth
à une quasi-inconnue et ce n’était pas elle qui amenait le sujet Béhuit sur la table,
mais bien son interlocutrice. Sa liaison avec lui, officialisée désormais, était

369
encore aujourd’hui sujet de beaucoup de discussions, principalement des ragots,
mais le fait qu’elle parle de lui ne lui semblait pas être un hasard.

- Bucky ! Tout va bien ? Lui demanda Béhuit, s’immisçant dans la


conversation.

Il arrivait finalement à point nommé. La fille unique des Délavigna


n’appréciait pas la manière dont tournait cette discussion avec une de ses
camarades.

- Oui, tout va bien, lui répondit-elle.

C’était effectivement le cas pour elle, mais pas pour lui. Quelque chose
clochait dans son comportement. Un air inquiet qu’il tentait de dissimuler, et puis
sa main ! Cette sorte de mouvements incontrôlés de ses doigts qui bougeaient.
Son petit ami était très clairement sur ses gardes ! Elle le sentait et le connaissait
suffisamment bien pour être certaine de ne pas se tromper.

- Béhuit Ciel, je suis Emma Nunes, ravie de faire votre connaissance. C’est
la première fois que nous nous parlons l’un avec l’autre me semble-t-il ? Dit
l’étudiante de troisième année en lui tendant la main.

- C’est exact, nous ne nous connaissions que de vue jusqu’ici, lui répondit-
il, en lui serrant la main avant de poursuivre rapidement ; je suis désolé, mais nous
sommes assez pressés Bucky et moi. Nous avons un planning chargé.

Bucky n’ajouta rien, mais comprit clairement que Béhuit mentait ! Ils
n’avaient rien prévu de particulier ensemble ce soir. Béhuit devait juste rentrer à la
villa pour discuter avec Céssix Sky. Sans doute pour lui parler de Noël, que Bucky
espérait toujours passer avec lui, chez ses parents à Néom. Elle ne s’était pas faite
d’idée, Béhuit avait un comportement inexplicable face à cette étudiante.

- Dans ce cas, je vous laisse partir, dit Emma. Nous aurons bien l’occasion
de faire plus ample connaissance une autre fois.

- L’occasion s’y prêtera sûrement, répondit-il.

Tenant fortement Bucky par la main, Béhuit sortit de la salle de spectacle


du conservatoire de l’E2C d’un pas tonique pour ne finir par s’arrêter qu’au moment
de se retrouver à l’écart de tout le monde sur le parking, hormis Céssix toute
proche. La directrice avait toujours cette tendance à faire fuir les étudiants à une
distance raisonnable.

370
- Bucky, tu es sûre que tout va bien ? Tu ne te sens pas faible ou vaseuse ?
Demanda-t-il de façon insistante.

- Je vais bien Béhuit ! Je suis simplement courbaturée de partout, c’est


parfaitement logique après ces derniers jours. Si tu m’expliquais plutôt ce qui te
tracasse à propos d’Emma ?

Béhuit et Céssix se fixèrent du regard. De toute évidence, et sans surprise,


la directrice devait savoir ce qui perturbait l’entraîneur de volley.

- Je te demande simplement d’éviter de la côtoyer, lui dit son petit ami.

- Et donc je dois acquiescer… sans la moindre explication ? Répondit


l’étudiante.

- Ma pom-pom, je cherche simplement à te protéger… initia-t-il avant d’être


coupé par Céssix.

- Délavigna, on ne peut rien vous dire, il est plus sage que vous restiez dans
l’ignorance, enchaîna-t-elle.

- L’ignorance est un des chemins qui mène à l’obscurantisme et au


complotisme, ce n’est pas ma tasse de thé ! Argua Bucky.

La jeune fille se sentait tellement frustrée qu’elle en serra les poings. Elle
abdiqua cependant. En insistant, elle risquait peut-être de mettre Béhuit dans une
situation difficile vis-à-vis de Céssix Sky et ce n’était vraiment pas le moment ;
Bucky devait réserver des billets d’avion pour partir rejoindre ses parents pour les
vacances de Noël et elle avait compris que l’aval de la directrice était nécessaire
pour que son petit ami puisse l’accompagner.

- J’accepte de ne pas essayer d’en savoir plus à une condition ! Ajouta-t-elle


en direction de Céssix.

- Je ne négocierai pas, quoi que ce soit, avec vous, pour votre silence !
L’arrêta Céssix.

Bucky comprit tout de suite qu’elle s’y prenait très mal avec son
interlocutrice. Céssix n’était pas femme à céder au chantage. Cette femme était
une meneuse née, sûre d’elle, sans faiblesse apparente et encore particulièrement
belle ce soir dans son tailleur blanc. Le type de femme qui attirait les hommes.
L’étudiante décida d’arrondir un maximum les angles avec elle. La cohabitation

371
n’avait jamais été simple entre elles et ne le serai peut-être jamais, mais il fallait
absolument qu’elle arrive à obtenir un accord de sa part.

- Dans ce cas, considérez simplement que je vous demande une faveur…


pour le bien de Béhuit.

- Dites toujours…

- Les vacances scolaire de Noël ont officiellement commencé et j’aimerai


beaucoup les passer avec lui, se lança-t-elle afin que Béhuit n’ait pas à le faire.

- Où ça ? Demanda la directrice.

- A Néom, c’est la ville du concept the Line, en Arabie saoudite.

- Vous voulez qu’il parte avec vous chez vos parents ? Demanda Céssix.

L’étudiante à la mèche fuchsia ne fut qu’à moitié surprise que la blonde qui
lui faisait face en sache autant sur elle. En tant que directrice, elle avait accès à
son dossier personnel et elle avait dû se pencher dessus avec attention étant
donné la liaison amoureuse qu’elle entretenait avec son ex.

- Je souhaiterais le leur présenter, répondit-elle simplement.

Céssix regarda à nouveau Béhuit avec insistance. Sans même parler, ils
semblaient se comprendre parfaitement. Elle se confortait une fois de plus sur le
fait que ces deux-là travaillaient ensemble depuis un bout de temps, même si elle
ignorait toujours leurs activités précises en rapport avec la sécurité intérieure.

- Je ne suis pas certaine que ce soit une bonne idée ! Béhuit, ne te fais pas
trop d’illusion, tu sais ce qu’il en est, dit la directrice à l’entraîneur.

- Les choses ont évolué favorablement dans le bon sens dernièrement,


répondit-il.

- Mais cela n’ira probablement jamais jusqu’à ce qu’elle désire, insista


Céssix.

- Honnêtement, je ne vous demande pas de savoir ce que vous en pensez,


nous connaissons toutes les deux la réponse. Béhuit n’est pas un simple flirt, je
veux le faire entrer un peu plus dans ma vie, coupa Bucky.

Céssix fixa à nouveau Béhuit, avant de reprendre la parole :

372
- Tu es de toute façon officiellement en vacances, tu fais ce que tu veux…
même si je reste convaincue que c’est une très mauvaise idée.

Bucky s’approcha un peu plus de Béhuit, mais se figea en le voyant hésiter.


Il n’était pas certain de la décision à prendre malgré l’accord de Céssix.

- Ne me fais pas souffrir ! Supplia Bucky de plus en plus anxieuse en le


regardant, indécis.

- Si je ne te fais pas souffrir aujourd’hui, j’ai peur de le faire bien plus encore
dans le futur, répondit-il.

- Au jour le jour, c’est bien ce qu’on avait convenu ? Quitte à choisir, je


préfère vivre au maximum les choses avec toi. Peu importe si je dois en souffrir
plus tard, je ne veux rien regretter ! Si tu m’aimes, viens avec moi !

Le blond à la mèche ciel prit son temps pour répondre. Temps interminable
pour Bucky. Un "non" de sa part signifierait probablement une rupture. Ce n’était
pas possible ! Ils s’aimaient tellement fort. Inconcevable que leur histoire se
termine ainsi !

- Tu me diras combien je te dois pour le billet d’avion, je veux participer aux


frais, dit-il finalement, incertain d’avoir fait le bon choix...

Instinctivement, elle se blottit contre lui avec soulagement, sourire aux


lèvres. Elle allait pouvoir le faire entrer un peu plus dans sa vie en le présentant à
ses parents. C’était donc de plus en plus sérieux entre eux. Exactement ce qu’elle
cherchait. Finies les liaisons de quelques jours, il l’avait fait gagner en maturité.
Elle devait juste prévenir son père et sa mère que Béhuit n’était pas étudiant à l’E2C
rapidement, dès demain ! Juste avant de réserver les billets, ne voulant pas les
mettre devant le fait accompli. Elle craignait un peu leur réaction….

***

A 6h du matin, il était tôt pour Bucky, mais suffisamment tard avec le


décalage horaire pour qu’elle puisse appeler ses parents à Néom. Elle avait
difficilement fermé l’œil malgré un besoin évident de repos entre ses prestations
de pom-pom-girls et son évaluation de danse des derniers jours. La possible
mauvaise réaction de ses parents la tracassait au plus haut point. Comment réagir

373
si ses parents ne cautionnaient pas ? Elle allait être fixée sous peu. Elle prit son
smartphone et sortit de la chambre afin de ne pas réveiller Nolwenn qui dormait
profondément, juste à côté. Elle ronflait même légèrement, preuve d’un sommeil
récupérateur et d’une fatigue latente.

Dans un salon encore vide à cette heure avec une famille occupante des
lieux pour la totalité en période de vacances. Bucky lança l’appel en visio,
rapidement accepté. Ses parents devaient être debout avec le jeu du décalage
horaire.

- Bonjour ma fille, répondit son père tout en faisant un signe de la main, sans
doute à sa mère non loin de lui.

- Bonjour Papa, répondit-elle, stressée.

Sa mère arriva rapidement dans le champ de vision.

- Tu tombes bien Bucky, je voulais savoir si ton petit copain a un régime


alimentaire particulier ou des choses qu’il n’aime pas. Je suis en train de préparer
votre venue. Tu sais quand tu arrives ?

- Je me charge de réserver les billets ce matin ! Je vous tiendrai informée.


Concernant le régime alimentaire de Béhuit, je ne me souviens pas l’avoir déjà vu
refuser de manger quelque chose, il a un appétit solide !

- Enfin des informations ! Souligna le père. Il s’appelle Béhuit !

- Et il mange de tout ! Renchérit la mère.

Bucky sourit légèrement.

- Oui, son nom est Béhuit… Béhuit Ciel.

- Il est de quelle origine ? Ce n’est pas un prénom courant ! S’interrogea sa


mère.

- Il est français et je crois bien qu’il a passé l’essentiel de sa vie en France,


peut-être même la totalité, Répondit-elle avouant sa relative ignorance sur le sujet.

- Tu nous appelles pour une raison spécifique ? Demanda sa mère.

Elle reprit son souffle avant de se lancer :

- Oui… en fait, avant d’arriver, je souhaiterais vous parler un peu plus de lui,
afin que vous ne soyez pas surpris en le voyant.

374
Les parents se regardèrent.

- Tu sais, du moment qu’il te plaît, l’essentiel est là ! Peu importe s’il a une
couleur de peau différente, une croyance particulière ou un handicap, il sera le
bienvenu. Nous sommes certains qu’il s’agit de quelqu’un de bien. Il est après tout
également étudiant à l’E2C, tout comme toi, il a forcément des qualités d’autant
qu’il a réussi à prendre le cœur de notre fille. C’est donc indubitablement quelqu’un
pétri de qualité, répondit son père.

- En faites, il est bien à l’E2C… mais il n’est pas étudiant.

- C’est-à-dire ? Demanda la mère après un regard échangé avec son mari.

- C’est… l’entraîneur de volley-ball de l’équipe des garçons. Il a également


été mon professeur d’EPS, avoua-t-elle.

- Mais quel âge a-t-il ? S’empressa de demander le père.

- 30 ans environ, répondit-elle tout en s’apercevant qu’elle ne lui avait jamais


demandé.

- Vous allez avoir des problèmes si la direction découvre votre relation !


Intervint son père.

- Nous avons gardé un temps notre relation discrète, puis il a décidé de tout
révéler. Pour cette raison, il a été renvoyé de son poste de professeur d’EPS. Il
reste cependant l’entraîneur de l’équipe de volley des garçons. Il s’occupe
également de donner des cours de culture générale aux classes.

- Et pour toi ? S’inquiéta son père.

- Ma classe a récupéré notre ancien professeur d’EPS, rien de plus.

- Honnêtement, même si cela ne semble pas poser de problème pour tes


études, je trouve quelque peu inquiétant qu’un professeur s’amuse à séduire les
étudiantes, ajouta la mère. Désolée de te le dire.

- Pour être parfaitement transparente à ce propos avec vous… c’est un peu


moi qui lui ai fait des avances ! Il n’a jamais rien tenté de déplacer à mon égard
avant que je lui avoue mes sentiments… Papa, Maman, je vous assure que Béhuit
est quelqu’un de bien. Je suis parfaitement consciente de notre différence d’âge,
mais je suis certaine que ce garçon est fait pour moi. Laissez-moi l’occasion de
vous le présenter. Vous l’apprécierez, j’en suis sûre.

375
- J’avoue être surprise, et je pense que pour ton père, c’est la même chose.
Mais c’est la première fois que tu nous présentes un garçon. C’est donc sérieux
entre vous deux. Le plus important, c’est qu’il te rende heureuse… dit la mère de
Bucky.

- C’est le cas ! Coupa l’étudiante comme pour appuyer son argumentaire sur
le bienfondé de cette relation.

- Alors il est évidemment bienvenu. Tu diras à Béhuit que nous sommes


impatients de le rencontrer, poursuivit-elle. J’ai juste une dernière question pour
préparer votre arrivée ; je dois préparer simplement ta chambre ou également la
chambre d’ami ?

Bucky rougit quelque peu avant de répondre.

- Maman ! Si c’est un moyen détourné pour savoir si lui et moi nous


couchons ensemble, ce n’est pas très subtil ! Mais je te confirme que ce n’est pas
la première fois que nous ferons chambre commune. Ça a déjà été le cas durant
les vacances de la Toussaint et je passe de temps à autre des nuits chez lui !

- Aucune arrière-pensée de ma part ma chérie. Je souhaite simplement ne


pas vous mettre dans l’embarras à ce propos, répondit-elle.

La fille Délavigna était heureuse. Ses parents semblaient avoir bien ingéré
la nouvelle. Ce Noël s’annonçait particulièrement magique. Son tout premier en
couple !

Lorsqu’elle raccrocha, elle remarqua le père de la fratrie Donerm non loin


d’elle. Un léger sursaut de surprise. Le cinquantenaire lui parla :

- Désolé de t’avoir effrayée, je ne suis pas encore bien réveillé. Tu viens


d’annoncer à tes parents que Béhuit n’était pas étudiant, mais l’entraîneur de
volley ?

- Oui, d’ailleurs je voulais vous remercier de ne rien avoir dit à mes parents.
Il était préférable que je leur annonce moi-même.

- Bucky, ma femme et moi, nous savons que tu es une fille responsable et


tu es une adulte. Béhuit est quelqu’un qui a l’air d’être une bonne personne. Nous
n’avions donc pas à nous immiscer dans tes choix vis-à-vis de tes parents.

- Nolwenn, Antoine et Erik ont de la chance d’avoir des parents comme vous.
J’ai de la chance de vous avoir ! Lui dit-elle en toute sincérité.

376
- Bucky, tu n’es peut-être pas de notre famille, mais sache que tu seras
toujours la bienvenue dedans car pour nous, c’est comme si tu en faisais partie.
Toute la famille Donerm est heureuse de t’avoir au sein de son foyer.

Bucky s’approcha subitement de son interlocuteur pour l’enlacer. La famille


Donerm était une famille géniale, dans sa globalité. Le choix des parents de Bucky
de proposer à la famille de Nolwenn de prendre soin d’elle avait été la meilleure
décision qu’ils aient prise. Vivre avec eux lui avait permis de passer tellement de
bons moments. Jamais elle n’avait été mise de côté, elle avait toujours été
considérée comme une fille supplémentaire dans la famille et pour cela, elle leur
serait éternellement reconnaissante !

La mère du foyer ne tarda pas à arriver à son tour, et sans comprendre ce


qui se passait, se mit également à enlacer Bucky et son mari, sans demander la
moindre explication. Que cette famille était aimante ! Les quitter, eux-aussi en fin
d’année scolaire, allait être un crève-cœur. Le passage à la vie adulte allait être une
étape source de bouleversements.

***

Valise prête après un dernier entraînement dans le salon des Donerm avec
Rayan en vue du bal de nouvel an. Cadeaux checkés pour ses parents, dans cette
même valise. Passeport ok, billets d’avion numérique bien présents sur son
smartphone, Bucky n’avait plus qu’à attendre que Béhuit passe la chercher pour
l’emmener jusqu’à l’aéroport. Avant de partir, elle croisa Nolwenn, de retour, qui
était également parti s’entraîner avec son mystérieux partenaire de bal dans un
endroit inconnu. Elle ne connaissait toujours pas l’identité de son cavalier et sa
meilleure amie ne lui laissait pas le moindre indice. Une vraie chipie !

Un coup de klaxon et un message sur son téléphone. Il était arrivé. Le


moment pour Bucky était venu de faire la bise à l’ensemble de la famille Donerm
en leur souhaitant de passer un joyeux Noël. Rien n’était encore confirmé, mais
Bucky reviendrait sûrement pour le nouvel an. Peut-être avec ses parents,
également en période de vacances. Une dernière tentative avortée pour tenter d’en
savoir plus sur l’identité du partenaire de bal du nouvel an de Nolwenn, et elle partit.
Pour la première fois, seule avec son petit ami, pour le présenter à ses parents.

377
Ce ne fut pas le coupé blanc de Béhuit qui l’attendait pour partir, mais un
immense SUV noir, rapidement identifié comme celui de Céssix Sky. C’est elle qui
amena le couple à l’aéroport. Il n’y eut pas énormément d’échanges durant le trajet
d’à peine trente minutes. Bucky le percevait, sa directrice n’était pas ravie du
départ en vacances de son colocataire d’autant qu’aucune date n’avait été encore
décidée concernant le retour. Une fois déposé, et après une rapide accolade entre
Céssix et Béhuit, le jeune couple s’enregistra avant de patienter en attendant le
départ de leur avion. Puis enfin l’embarquement dans l’avion. Bucky avait tout fait
pour que, dès le début du voyage, son compagnon se sente à son aise ; ils
disposaient de billets en première classe. Elle lui avait fait la surprise et il ne s’en
aperçut qu’au dernier moment. Il semblait apprécier. Elle voulait qu’il se sente bien.

***

Après plus de 4h de vol avec un succulent repas et un long film regardé


ensemble. L’avion posa ses roues sur le tarmac de l’aéroport de Tabūk-Néom, en
Arabie Saoudite. Bucky connaissait parfaitement les lieux et une fois sortit de
l’avion, récupéré les bagages et enfilé rapidement un Pashmina pour faire plus
couleur locale et s’éviter d’éventuels ennuis bien qu’habillée déjà très sobrement,
elle guida Béhuit, un petit peu perdu jusqu’à la douane. Il ne voyageait clairement
pas souvent !

Le douanier s’adressa à elle en Anglais, mais elle lui répondit


immédiatement en Arabe afin que le contact passe mieux à la surprise totale de
Béhuit. Bucky ne lui avait jamais dit qu’elle maîtrisait cette langue. Ses parents
habitaient là depuis cinq ans maintenant et elle allait les voir plusieurs fois par an
pour des séjours plus ou moins longs. Avec quelques cours particuliers à chacune
de ses venues et de la pratique sur place, elle possédait désormais de bonnes
bases.

- Vous parlez notre langue ? Demanda le douanier, agréablement surpris en


continuant de lui parler dans sa langue natale.

- Mais parents vivent ici. Avec le temps, j’ai fini par me débrouiller, lui dit-elle
sans presque aucune hésitation pour chercher ses mots.

Après avoir expliqué les raisons de sa venue en soulignant qu’elle venait


accompagnée de Béhuit afin qu’il n’ait pas à répondre à des questions en Anglais,

378
qu’elle savait qu’il ne pratiquait que très peu. Les deux amoureux passèrent
finalement la douane après quelques questions basiques.

- Tu parles également Arabe ? Lui demanda Béhuit.

- Pas encore totalement, mais je progresse, répondit-elle fière d’épater son


petit ami, une fois de plus.

A peine le sas de sortie de la douane passée, que Bucky remarqua


immédiatement un panneau à son nom. Ses parents n’avaient sans doute pas pu
venir les chercher en personne. Un chauffeur avait été réservé pour l’emmener
jusqu’à chez elle. Bucky se présenta rapidement au chauffeur, toujours en Arabe
avant qu’il ne les mène jusqu’à un imposant 4X4 luxueux avant de démarrer pour
les mener à destination après une bonne heure de route, en comptant les
embouteillages.

Contrairement à ce qu’elle imaginait, Béhuit ne fut pas plus émerveillé que


cela en arrivant à The line, tout au plus curieux. C’était assez étonnant. Cette ville
constituée de deux édifices miroir de 170km de long, 500m de hauteur et 200m de
large était pourtant extraordinaire. D’une superficie de 36km², elle n’était pas
encore tout à fait terminée, mais en mettait pourtant déjà plein les yeux. Rien que
les trains à grande vitesse souterrains à l’entrée, unique moyen de déplacement
ici une fois arrivée, voguant à 400km/h, valait le détour. Cette ville intelligente à
zéro émission carbone était incroyable. Des murs végétalisés, des drones par
centaines, une densité d’habitation incroyable. On était ici dans une véritable
fourmilière… pour riches ! A chaque fois qu’elle revenait ici, Bucky voyait Néom
progresser dans son développement. Plus que quelques années, au plus une
décennie, et le projet serait terminé.

- D’ordinaire, les gens qui visitent Néom pour la première fois sont éblouis
par la singularité des lieux, souligna-t-elle.

- Pas facilement impressionnable, lui répondit-il, laconiquement.

- Et dire que je croyais que c’était moi la bourgeoise du couple qui n’était
pas impressionnable, taquina-t-elle.

Après une petite marche de 5 minutes en descendant du train, L’étudiante


et l’entraîneur de volley arrivèrent devant l’appartement de la famille Délavigna,
quasiment au dernier étage. Ses parents lui avaient annoncé par messagerie qu’ils
devaient rapidement se rendre à un rendez-vous professionnel et qu’ils
reviendraient rapidement. Ils avaient souvent des imprévus de dernière minute,

379
même en vacances. La jeune fille de 19 ans s’y était habituée. Elle ouvrit donc la
porte de l’appartement elle-même sans sonner. La serrure était verrouillée par
identification vocale et digitale. D’une simple demande de la part de l’étudiante, la
porte se déverrouilla, l’intelligence artificielle l’avait reconnu comme habitante des
lieux.

Elle entra en demandant à Béhuit de la suivre. Le foyer était comme Bucky


l’avait quitté il y a environ 5 mois. Très équipé, décoré avec goût et avec de
nombreuses photos d’elle. Bucky fit visiter la totalité de ce 95m² composé de trois
chambres à son invité.

- Ce n’est pas ta villa, mais j’espère que cela te plaît quand même ?
Demanda-t-elle à la fin de la visite.

- Énormément, en même temps la déco y joue pour beaucoup. Il y a des


photos de toi absolument partout ici ! Je suis donc conquis par l’endroit.

Bucky apprécia le compliment. Cela venait de lui donner une idée pour le
cadeau de Noël. Béhuit n’avait pas la moindre photo d’elle à sa connaissance, mis
à part peut-être sur son téléphone. Elle allait faire en sorte qu’il puisse décorer un
peu plus chez lui. Pas une photo ne s’y trouvait, rien d’ailleurs ! Elle avait
parfaitement intégré que la villa de Béhuit n’était qu’un logement temporaire et que
son propriétaire n’était pas un ami, mais bel et bien son mystérieux employeur.

- Quand on est la fille unique d’une famille, bonne danseuse, plutôt jolie et
étudiante dans un établissement d’excellence, je dois bien admettre qu’on peut
rapidement être idolâtré par ses parents.

- Je remarque cependant qu’il y a pas mal de photos de toi également dans


ta chambre. Je pense que tu t’aimes beaucoup aussi !

- Disons que je m’apprécie fortement, répondit-elle en tirant la langue. Tu


sais, tu es le premier garçon que je fais entrer dans ma chambre, personne ne la
visite d’ordinaire, mais si cela peut te faire plaisir, dès demain, je fais installer des
photos de toi dans la pièce.

- Après réflexion, des photos de toi, c’est bien plus joli que moi !

- Détrompe-toi, elles me seront très utiles pour un peu plus penser à toi et
m’aider à fantasmer. Tu es bien plus joli garçon que tu l’imagines.

- Je crois bien que c’est la première fois que je dois être l’objet des
fantasmes de quelqu’un ! dit-il en rigolant.

380
- D’ailleurs, je ne t’ai jamais dit que j’ai toujours rêvé de faire l’amour dans
ma chambre de jeune fille.

- On va peut-être attendre ce soir, tes parents risquent de rentrer à tout


moment.

- Je ne tiendrai pas jusqu’à ce soir, répondit-elle tout en commençant à


l’embrasser dans le cou.

Après avoir commencé à lui déboutonner sa chemise, Bucky fut contrainte


de tout stopper. La porte d’entrée s’ouvrait… ses parents arrivaient ! Rapidement,
elle lui reboutonna avant de passer sa main dans ses cheveux cherchant à le
rendre le plus présentable possible. Non pas qu’il ne l’était pas, mais elle tenait
réellement à ce que cette rencontre ne tourne pas au fiasco. Tous deux se
dirigèrent dans le salon où se trouvait l’entrée de l’appartement, main dans la main.
Ils étaient là !

- Maman ! Papa ! Dit-elle, avant de se rapprocher pour les embrasser.

Une petite accolade supplémentaire, quelques mots doux avec ses parents
puis le moment qu’elle redoutait était attendu.

- Je vous présente Béhuit Ciel, leur dit-elle, tout en faisant signe à son petit
ami d’avancer.

- Alors c’est vous l’heureux élu ! Dit sa mère en le regardant. J’avoue déjà
que tu as bien choisi l’emballage ! Ajouta-t-elle en direction de sa fille, tout en lui
faisant un geste de la tête.

- Maman ! Lâcha Bucky, un brin gêné.

Un à un les parents vinrent saluer Béhuit, qui ne semblait pas


particulièrement stressé par la rencontre. Dans un premier temps, les deux
hommes présents se serrèrent la main puis la mère de Bucky et son petit ami se
firent la bise. Le premier contact, les premiers regards, le courant semblait passé.

- J’ai cru comprendre que vous étiez l’entraîneur de l’équipe de volley-ball


où ma fille est pom-pom-girl, demanda le père. Vous entraînez donc les frères
Donerm ?

- C’est bien cela. J’ai pris mon poste quelques semaines après la rentrée,
répondit Béhuit.

381
- Et vous êtes aussi professeur d’EPS à l’E2C, si j’ai bien suivi ? Demanda la
mère.

- Ce n’est plus d’actualité. J’ai dû quitter mon poste du fait de ma relation…


avec votre fille, répondit stoïquement Béhuit.

- Désolé d’être direct, mais cela n’engendrera rien sur la scolarité de ma


fille ? Non pas que je ne m’intéresse pas aux désagréments éventuels de votre
côté, mais c’est ma fille et ses études à l’E2C sont importantes ! Demanda le père.

Bucky voulut prendre la parole pour rassurer son père et lui souligner que
Béhuit avait fait cela pour la protéger, mais son compagnon la devança.

- Je ne suis plus professeur d’EPS pour que votre fille puisse continuer
sereinement ses études. Monsieur, sachez que je ferais tout pour ne pas nuire à
son avenir. Le fait que votre fille me fréquente n’entraînera aucune conséquence
néfaste pour elle au sein de l’E2C. Je m’y engage !

Le père semblait satisfait de la réponse :

- Je vous en prie, appelez-moi Henri, lui dit-il.

- Et appelez-moi Michelle, renchérit la mère.

Ça matchait bel et bien entre eux ! Béhuit répondit habilement aux


questions que ses parents lui posèrent le reste de la journée avant qu’elle et lui ne
s’installent tranquillement dans sa chambre et ensuite passent au dîner qui se
déroula également idéalement. Béhuit évita, habilement, quelques réponses trop
embarrassantes pour Bucky, comme leur première rencontre, qu’il omit sans doute
volontairement, afin d’éviter que sa petite amie ne sache plus où se mettre.
Annoncer une première rencontre lors d’un strip-tease par erreur aurait été plus
que gênant et son ex-professeur d’EPS l’avait bien compris. Comme à son
habitude, Béhuit resta également très flou sur sa vie personnelle ; pas un mot sur
sa famille, sa vie d’avant. Quelques réponses bien vaseuses au mieux, dont Bucky
elle-même n’était pas certaine de la véracité. Son passé était décidément un sujet
qu’il souhaitait éviter. Bucky faisait contre mauvaise fortune, bon cœur. C’était
l’une des conditions pour qu’elle et lui reste ensemble. Elle espérait cependant
connaître un jour la vérité sur son compagnon et ses activités.

***

382
Après simplement une journée à Néom, c’était déjà le tout premier réveillon
que Bucky passait avec Béhuit ! Ses parents s’étaient encore démenés pour
proposer des plats typiques pour l’évènement alors qu’ils étaient dans un pays qui
ne fêtait pas cette date. Des fruits de mer en entrée, un chapon accompagné de
marrons et de haricots verts, le tout saucé, le fromage, que Bucky ne mangeait
jamais car elle n’aimait pas ça, et la traditionnelle bûche de Noël. Chaque année,
ils réussissaient l’exploit de faire un réveillon à la française. Un sapin avait même
été livré le soir de l’arrivée de Bucky et décoré par tout le monde pour garder une
ambiance du pays natal des Délavigna malgré les 40°C qu’il faisait dehors.
Heureusement que les appartements restaient frais du fait de leur conception
révolutionnaire !

Bucky avait bataillé, mais réussi, à obtenir dans les temps tout ce qu’elle
désirait offrir pour les personnes présentes. Un roman policier dédicacé par son
auteur pour son père, une robe tailleur noire de grande marque, parfaite pour le
travail de promoteur immobilier, pour sa mère et bien évidemment des présents
pour son petit ami. Elle avait dû aviser rapidement pour ce dernier. Il eut été
inconcevable de le laisser sans cadeau à ouvrir sous le sapin des Délavigna. Avait-
il eu le temps de son côté de lui prévoir également quelque chose ? Le délai avait
été court, elle se promit de ne rien lui reprocher. Mais elle devait bien s’avouer
qu’un cadeau de sa part, quel qu’il soit, la comblerait de bonheur. La nature
matérialiste humaine, forte chez elle, elle ne pouvait tout de même pas la renier !

Le moment venu, chacun posa les cadeaux au pied du sapin. Quelle bonne
surprise de voir que même ses parents avaient prévu un cadeau, certes commun,
pour elle et Béhuit en plus d’un autre uniquement pour elle. Joie encore plus
intense de découvrir que son petit ami n’était pas venu les mains vides ; il avait
prévu un cadeau pour chaque membre de la famille Délavigna ! Elle l’avait
décidément bien choisi, son petit ami était parfait !

Une fois la totalité des paquets déposés, l’étudiante brûla d’impatience de


connaître le contenu du petit paquet que lui avait prévu Béhuit.

Comme c’était la tradition dans la famille, tout le monde ouvrit ses cadeaux
en même temps. Impatiente, mais très procédurière et courtoise par rapport à ses
parents, Bucky commença par le cadeau de ses parents… et quel cadeau ! Un
simple bout de papier où était inscrite une promesse de ses parents ; celle de lui
acheter un appartement dans la ville de son choix afin de poursuivre sereinement
ses études ou commencer sa carrière professionnelle ! Plus de question de

383
logement à se poser pour l’après E2C, ses parents lui en achèteraient un. Elle
bondit immédiatement dans les bras de ses parents pour les remercier, se sachant
clairement privilégiée dans sa vie par ce que ses parents lui procuraient ! Elle était
particulièrement chanceuse à ce sujet, bien informée des inégalités de plus en plus
criantes sur cette planète, Néom en était le parfait exemple.

Béhuit en avait profité de son côté pour ouvrir l’enveloppe cadeau commune
venant de ses parents à leur destination ; une visite nocturne "VIP" pour deux de la
tour Eiffel suivie d’un repas au Jules Verne, le restaurant du monument. Un beau
moment en amoureux à passer en perspective. Béhuit remercia chaleureusement
les parents de Bucky. L’idée de ses parents serait un parfait complément des deux
places pour le Moulin Rouge qu’elle avait obtenu et qui faisait partie des choses
que Bucky avait offertes à Béhuit comprenant bien que le seul fait de parler de ce
spectacle lui mettait des paillettes dans les yeux.

Elle prit enfin en main le cadeau de Béhuit à son intention. Une boîte en
carton toute simple de la taille d’un smartphone, pas plus, que son petit ami n’avait
pas pris soin d’emballer, peut-être par manque de temps. Cet emballage était
clairement une boîte de récupération dans laquelle il avait glissé ce qu’il souhaitait
lui offrir dedans. Submergée par sa curiosité, elle s’empressa de l’ouvrir… pour
découvrir une chaîne en or au bout de laquelle pendait une pierre précieuse
sculptée magnifiquement, probablement une émeraude. Sa couleur verte était
magnifique, presque irréelle, sans nul doute l’œuvre d’un artisan de talent.

- Il est magnifique ! Ne manqua pas de lui faire remarquer sa mère.

Bucky ne savait pas quoi dire, ce bijou était une merveille, jamais elle n’en
avait vu de tel, y compris dans les bijouteries haut de gamme qu’elle fréquentait
de temps à autre. Béhuit avait dû payer cela une fortune. Il y avait même fait graver,
au laser sans doute, "Bucky Délavigna" sur le dos de la pierre précieuse en petit.

- Ce collier est unique, il t’accompagnera ! J’aimerais que tu le portes tout


le temps, sous tes vêtements s’il le faut, lui demanda Béhuit.

Sans même lui répondre, elle retira le collier qu’elle portait sur elle pour
l’occasion du réveillon pour mettre celui que Béhuit venait de lui offrir. Il était
même quasiment trop beau pour elle.

- Tu ne me verras l’enlever qu’à ta demande ! Lui promit-elle. Tu n’aurais pas


dû, il a dû te coûter une fortune ! Lui fit-elle remarquer.

- C’est une amie qui l’a créée, spécifiquement pour toi !

384
- C’est une artiste-bijoutière connue ?

- Elle préfère rester discrète, anonyme et ne pas avoir de pub.

- Elle a bien tort ! Intervint la mère de Bucky. Vous pourriez lui demander de
m’en faire un aussi ? Je suis un peu jalouse de ma fille, je dois bien avouer.

- C’est un immense privilège qu’elle m’a fait ! Je suis désolé de vous


répondre que ce n’est pas possible Michelle.

Béhuit se permit de s’approcher de sa petite amie, sous le coup de l’émotion


du geste pour lui montrer une particularité supplémentaire du collier qu’elle portait.
Au niveau de l’accroche entre l’émeraude et le collier se trouvait une minuscule
molette avec une sorte de poulie que Bucky n’avait pas remarqué et qui lui
permettait d’ajuster la taille ! Jamais elle n’avait vu un tel bijou, si beau, unique et
fait pour elle. A portée de lèvres, elle ne put s’empêcher de l’embrasser. La seule
chose qui la retenait de se jeter avec passion sur lui était ses parents. Sans leur
présence, elle aurait déjà probablement enlevé rapidement les vêtements de son
compagnon pour le croquer à pleines dents. Elle l’aimait chaque jour encore plus
fort. L’étudiante comprenait enfin la signification de s’enflammer pour quelqu’un ;
elle avait chaud de l’intérieur, ses battements de cœur se faisaient plus fort, elle
ne voyait que lui. Bucky n’était pas vraiment fille à croire au prince charmant,
pourtant elle devait se l’avouer, elle avait bel et bien trouvé le sien ! Un soudain
instant de réflexion à la fin du baiser. Ses cadeaux ! Ils n’étaient vraiment pas à la
hauteur. Une inquiétude, puis une honte, la rongea.

- Béhuit, je suis la pire des petites amies, les cadeaux que je t’ai fait n’ont
rien d’aussi merveilleux, j’ai même un peu honte que tu les ouvres. Je suis par
avance… désolée ! Dit-elle, fébrilement.

- Ne te préoccupe pas de cela, lui répondit-il avant d’ouvrir un premier


paquet.

- D’abord mon inexplicable erreur avec Creth et maintenant mes cadeaux


qui ne sont pas à la hauteur, je suis lamentable en tant que copine, ajouta-t-elle
proche des larmes.

- Je t’arrête tout de suite Bucky. Crois-moi j’ai aussi bien des défauts ! Lui
répondit-il en lui posant la main sur sa joue pour la réconforter.

Craintive, elle le regarda déballer, il avait commencé par le pire des cadeaux,
une blague pour augmenter le nombre de cadeaux et le faire sourire. Après le

385
cadeau qu’il venait de lui offrir, cette gentille petite pique qu’elle lui adressait était
tout bonnement en dessous de tout.

- Je préférerais que tu n’ouvres pas ce cadeau finalement, lui dit-elle.

Il s’arrêta une seconde, en la regardant lui faisant comprendre que rien ne


le blesserait. Puis, enleva finalement le papier cadeau pour rapidement ouvrir le
paquet pour y découvrir un paquet de pâtes, de riz, de lentilles et quelques
conserves avec un post-it collé au-dessus bien en évidence qu’il se mit à lire à voix
haute :

"Pour donner une utilité aux placards de ta cuisine !"

Bucky baissa légèrement la tête, pas très fière d’elle. Cette blague était
d’une médiocrité affligeante après le cadeau qu’elle venait de recevoir.

- Grâce à ce cadeau, j’aurais au moins la possibilité de proposer quelque


chose à manger à la villa ! Sourit-il. Il est vrai que ne jamais rien pouvoir te proposer
lorsque tu viens, c’est un peu la loose.

Béhuit semblait apprécier le message que sa petite amie avait tenté de lui
faire passer. Elle qui ne comprenait pas comment Béhuit et Céssix faisaient pour
vivre sans quasiment aucune denrée dans leur villa. Elle se rassura en se disant
que le plus dur était passé. Ses autres cadeaux étaient… moins mauvais. Il était
temps de passer à un deuxième paquet qui était en fait une enveloppe. Bucky
s’empressa de commenter le cadeau :

- Cela complétera parfaitement le cadeau de mes parents ! Tu n’auras plus


qu’à choisir la date.

Dans l’enveloppe se trouvaient les deux billets VIP qui lui avait été offert par
le directeur artistique du Moulin Rouge.

- Tu seras en revanche dans l’obligation de m’inviter étant donné que les


billets sont à mon nom. Je ne pense pas être une immense fan de spectacle
cabaret mais comme cela semble te plaire énormément, nous irons quand tu le
désires !

- Tu ne vas même pas réfléchir à l’offre qu’ils te font ? Lui demanda Béhuit,
surpris.

- J’ai déjà un peu réfléchi, c’est largement New-York mon souhait. J’aurais
peut-être d’autres propositions, j’attends de voir, disons simplement que le Moulin

386
Rouge et le poste à l’excellence campus de Montréal ne sont pas mes premiers
choix. Mais on ne va pas gâcher ces deux places sachant que tu as toujours eu
envie de voir un french cancan en vrai !

- On te cherche déjà un appartement à New-York ? Conclut son père,


enthousiaste.

- Pas encore, tempéra-t-elle. Je vais d’abord répondre à leur invitation et


j’aviserai ensuite. Il y a un autre paramètre important pour moi qui dictera mon
choix, ajouta-t-elle en fixant Béhuit.

Sans clairement le dire, l’étudiante faisait comprendre à son petit ami, et à


ses parents par la même occasion, que la possibilité de la suivre pèserait
énormément dans sa décision. Il lui avait bien répété de vivre sa vie sans le prendre
en compte, totalement dans le flou concernant son avenir, mais elle ne l’entendait
pas de cette oreille. L’idée de commencer une carrière professionnelle et une vie
de couple avec lui à New-York germait naturellement dans son esprit. Et l’un n’irait
pas sans l’autre !

Béhuit poursuivit avec le dernier cadeau, certainement, sans conteste le


plus personnel. Elle espérait qu’il lui plairait. Un grand cadre photo de 50cm de
côté avec un patchwork fait uniquement des photos d’elle ou de couple avec lui.

- Tu n’as même pas de photo de moi chez toi ! Ça ne plaira pas forcément
à Céssix, mais il sera très bien dans ta chambre, précisa-t-elle.

- Je vois que j’ai la chance d’apparaître sur quelques photos ! Ironisa-t-il.

- Je ne voulais pas paraître trop égocentrique ! Dit-elle en rigolant. Tu


aimes ? ajouta-t-elle, avec une once d’inquiétude.

- J’adore ce cadeau personnalisé ! Désormais, chaque nuit je m’endormirai


en te contemplant. Ça aura sans conteste un effet apaisant sur mes nuits.

Finalement, les cadeaux de Bucky semblaient plaire. Ils n’étaient certes pas
à la hauteur du sien, mais au moins ils avaient permis de lui donner le sourire. Elle
ferait mieux une prochaine fois.

***

387
Après quelques jours passés chez elle avec ses parents et Béhuit,
essentiellement à visiter ce que proposait Néom afin que son petit ami découvre
les multiples loisirs et activités que l’immense cité proposait, le moment fut venu
de prévoir le retour et le nouvel an.

L’année précédente, Bucky avait fait la fête chez la famille Donerm


accompagnée de ses parents. Cette année, elle s’organisait avec Nolwenn,
Glaème, Lily et Shandrill via une messagerie avec pour objectif de fêter l’année
2037 toutes ensemble et sans doute pour une dernière fois ; les plus âgées,
comme Bucky, allaient probablement entrer dans la vie active ou poursuivre des
études supérieures bien loin de l’E2C et de la ville de Cley. Sans surprise, les filles
non célibataires souhaitaient passer ce cap avec leurs petits amis respectifs. De
fil en aiguille, Bucky se doutait que pour ce nouvel an, on allait se retrouver peu ou
prou avec le même groupe que pour les vacances de la Toussaint. Cela ne la
dérangeait pas plus que cela, il fallait simplement trouver un lieu suffisamment
grand. Heureusement la capitaine des pom-pom-girls était une fille
particulièrement habile pour faire pencher les évènements à son avantage ! Ses
parents avaient décidé de passer le nouvel an loin de Néom et avec les parents de
Nolwenn en les invitant à un endroit encore non-défini. La totalité de la famille
Donerm allait certainement être invitée. Pour contenter tout le monde, elle suggéra
une croisière sur un bateau suffisamment grand pour la famille Donerm, la sienne
et tout le groupe de vacances de Sarlat ! Idée jugée excellente par tout le monde…
sauf peut-être les finances de ses parents qui allaient probablement payer
l’addition. L’idée de Bucky vogua de messagerie en messagerie et après une visio
générale, tout le monde valida une croisière le long du Nil en Égypte avec une fin
en avion sur Gizeh pour contempler les pyramides et le Sphinx. Un voyage
quasiment couvert dans sa totalité par les finances de ses parents ; seuls les
billets d’avion au départ et retour de la France devaient être financés par chaque
participant.

Ne restait plus qu’à préparer sa valise ! Le départ était prévu le lendemain.


Un nouvel an dans un bateau privatisé grand luxe, Bucky n’avait encore jamais fait !

***

Nourriture succulente, visites inoubliables, nouvel an féerique avec feu


d’artifice sur un bateau haut de gamme, privatisé avec un personnel aux petits

388
soins, le tout dans les bras de son bien-aimé, entourée de ses parents et de ses
amis. Ce dernier nouvel an de "jeune fille" pour Bucky resterait à coup sûr, un bon
souvenir. Il fallait pourtant rentrer, les vacances se terminaient ; place au cours à
l’E2C et son bal de début d’année.

La capitaine des pom-pom-girls échangeait quelques messages avec


Rayan, son cavalier de bal, pour prévoir encore quelque rencontre au gymnase pour
en faire un partenaire de danse appréciable. Quelle tristesse pour elle de ne pas
avoir son petit ami ! Il n’était malheureusement pas disponible cette soirée-là pour
des raisons encore une fois tenues secrètes. Elle ne pouvait cependant pas lui en
vouloir, il avait déjà montré une belle preuve d’amour en acceptant de passer Noël
et le Nouvel an avec elle. C’était ainsi. Si elle voulait poursuivre avec lui, Bucky
devrait s’y faire.

Ayant passé 10 jours H24 avec lui, Béhuit manqua pourtant à Bucky dès
qu’ils durent rentrer chacun de leur côté. Nolwenn lui fit remarquer qu’elle avait
vraiment ce garçon dans la peau, elle ne lui donna pas tort ; "L’amour, c’est
emprunter une allée étroite en voiture. Si tu t’y engouffres, il sera difficile de faire
demi-tour" se contenta-t-elle de lui répondre joyeuse.

Malgré la présence de sa meilleure amie, elle se sentit seule dans son lit pour
s’endormir. Un ultime petit message pour dire à Béhuit qu’elle l’aimait en
contemplant son pendentif… avant de fermer les yeux.

***

Le samedi 10 janvier 2037 attendu par toutes les étudiantes,


particulièrement les danseuses, était arrivé ! Du moins pour celles qui avaient
réussi à trouver un cavalier.

Bucky enfila plusieurs fois sa longue robe pour s’assurer que tout était
parfait pour la soirée de bal de début d’année de l’E2C. Comme tous les ans, le
thème était principalement axé sur la valse ; "ambiance Viennoise", disait-on.
Costumes pour les garçons et robes longues pour les filles étaient obligatoires.
Seul le code couleur variait de bal en bal. Cette année ; costumes bleu foncé ou
noir pour les garçons et robes noires et or pour les filles étaient demandés pour
cette soirée. Bucky avait opté pour une robe entièrement noire avec des motifs
couleur or faisant penser à des éclairs. Nolwenn avait de son côté misé sur une

389
robe bicolore avec un bustier couleur or, le reste de la robe laissant la place au
noir. Une broche en or dans les cheveux pour les deux amies, achetée à Louxor
lors de la croisière du nouvel an et elles étaient parées pour attendre leurs
cavaliers. Bucky ne manqua pas d’ajuster la taille de son collier afin de mieux
l’adapter par rapport à la hauteur de son décolleté. Comme promis, elle ne l’avait
encore jamais quitté depuis que Béhuit lui avait offert. Il était quelque peu gênant
pour pratiquer la danse, un peu moins pour l’activité de pom-pom-girl à l’aide de
vêtements moulants qui lui permettaient de le plaquer contre sa peau, même s’il
était dissimulé dans cette situation. Elle faisait de toute façon avec, quel que soit
le lieu ou l’activité. C’était le tout premier cadeau que son petit ami lui avait offert !
Elle comptait ne jamais le quitter.

Ne restait plus qu’à attendre que Rayan et le mystérieux cavalier de


Nolwenn passent les chercher. Malgré une ultime et vaine tentative, Nolwenn resta
toujours aussi silencieuse quant à son identité. Elle remarqua cependant chez elle
un sourire en coin. Qui avait-elle été dénicher ?

Un rapide coup d’œil sur son smartphone pour se renseigner si toutes ses
amies étaient prêtes. Glaème attendait qu’Antoine passe la chercher, cela n’allait
pas tarder ; Bucky, en jetant un coup d’œil dehors, avait vu que sa voiture prêtée
aux fils Donerm pour l’occasion n’était plus là. Antoine, accompagné de son frère
était sur le chemin pour aller chercher Glaème et Anita. Sans aucune surprise, les
deux garçons s’étaient proposés auprès de leurs petites amies respectives pour
être leurs cavaliers. Shandrill, elle, vivait un rêve ! Depuis le voyage du nouvel an en
Égypte, la gymnaste et Karim ne s’étaient pas quittés et vivaient ensemble depuis
une semaine dans un hôtel haut de gamme ; le manoir de Gressy, tout proche de
Cley et l’E2C. Une sorte d’expérience de vie commune qui allait se conclure par le
bal de ce soir, lui avait-elle confié. Restait Lily, qui pour la troisième fois pour ce
bal avait réussi à se faire inviter par Yvan. Aucune relation amoureuse entre eux,
ils s’entendaient simplement bien, surtout grâce à leur passion commune du
volley-ball. Yvan, d’origine ukrainienne, avait de toute façon une fiancée dans son
pays natal. Ce bal était une première ; toutes ses amies avaient réussi à dénicher
un cavalier, c’est Nolwenn qui en avait fait les frais l’année dernière. C’était une
excellente chose qu’elle ait trouvé un potentiel prétendant pour sa dernière année
ici. Bucky n’était, finalement, que la seule un peu contrariée ; Rayan était quelqu’un
de charmant mais… il n’était pas Béhuit.

Les deux amies patientèrent jusqu’à la réception d’un message de Rayan.


En parfait gentleman, il lui avait réservé une limousine avec chauffeur qui arrivait.
Malheureusement, il avertissait Bucky qu’il ne serait pas dedans, un contre-temps

390
de dernière minute. Il la rejoindrait directement à l’E2C. A peine le temps de
prendre connaissance du message que la limousine arriva. Elle scruta son amie.

- Des nouvelles de ton cavalier ? Demanda Bucky voyant l’heure avancée.

- Il va arriver sous peu, répondit Nolwenn sans la moindre inquiétude et sans


même regarder son portable.

Bucky ne partageait pas le même positivisme que son amie. Elle priait de
tout son cœur que le cavalier à l’identité secrète de sa meilleure amie ne lui pose
pas un lapin. Cela s’était malheureusement déjà vu dans l’histoire des bals de
début d’année de l’E2C.

- Je vais attendre un peu avec toi qu’il arrive, finit-elle par dire dubitative
quant à la situation.

- Bucky, je t’assure que tout va bien, on va passer une soirée inoubliable, va


rejoindre ta limousine !

La capitaine des pom-pom-girls était surprise devant tant de confiance… en


ne cherchant même pas à joindre son cavalier, pourtant en retard ! Nolwenn prit
même l’initiative de pousser son amie jusqu’à la faire entrer dans sa limousine. La
certitude de l’arrivée de son cavalier était suspecte.

- Je garde mon téléphone près de moi ! Tu m’appelles en cas de souci ! Lui


dit Bucky.

- Il n’y en aura pas ! Profite de ta limousine et à tout de suite.

***

Nolwenn avait craint jusqu’à la dernière minute que tout ne se passe pas
selon le plan établi. Deux petites minutes supplémentaires à attendre devant sa
maison et des bruits de sabots se firent entendre tapant contre le sol bitumeux de
la route. Elle avait juste eu le temps de préparer un sac à dos à la hâte. Son cavalier
n’avait pas fait les choses à moitié, c’était une calèche tirée par deux chevaux qui
s’avançait dans sa rue avant de stopper juste devant chez elle. Son cavalier
descendit, extrêmement élégant dans son costume bleu foncé avec une chemise
couleur or pour être raccord avec elle. On lui avait promis un cavalier digne du
prince charmant, c’était pour le moment le cas.

391
- Mademoiselle, je suis votre cavalier et abonné pour cette soirée, lui dit-il
en l’invitant à monter dans la calèche après lui avoir baisé la main.

Une fois monté, avec le sac à dos en supplément fait à la va-vite juste après
le départ de Bucky, Nolwenn eut un pincement au cœur, son cavalier lui passa une
couverture chaude autour de ses épaules nues afin qu’elle n’attrape pas froid en
cette soirée d’hiver avant de lui proposer un Virgin mojito à boire. Il s’était même
renseigné sur son cocktail préféré !

- En calèche, je crains que nous arrivions en dernier pour la soirée, souligna


l’étudiante.

- C’est un peu l’idée, comme cela tout le monde pourra nous voir arriver, tu
seras la vedette, la reine de ce soir !

Nolwenn rougit légèrement, elle appréciait l’idée, alors que le cocher dirigea
son attelage tranquillement vers l’E2C. A cette allure, il y en aurait bien pour 30
minutes de trajet. A coup sûr, ils seraient bons derniers ce qui leur laissaient
l’occasion de siroter tranquillement leurs cocktails et de discuter pour faire plus
ample connaissance, eux qui ne s’étaient jusqu’ici que très peu parlés alors qu’ils
faisaient partie de la même promotion. La seule chose dont elle était sûre, c’est
qu’il était très attentionné et très bien préparé pour les valses de ce soir, sa
professeure avait enchaîné les séances pour qu’il soit au top.

***

La soirée ne commençait pas si bien que cela. La limousine s’arrêta juste


devant l’entrée des gymnases, dont deux d’entre eux transformés en salle de bal
pour l’occasion, et Rayan n’était pas là pour l’accueillir. Elle sortit seule du véhicule,
quasiment tout le monde était déjà arrivé. D’instinct, elle choisit sans hésiter de se
diriger vers le gymnase de volley-ball. Toutes ses amies présentes y étaient plus
ou moins liées et avaient dû s’y rendre. Elle ne tarda pas à repérer Shandrill,
Glaème, Lily et Anita accompagnées de leurs cavaliers, juste devant l’entrée. Seul
Nolwenn manquait à l’appel… et Rayan qui ne répondait pas au message que
Bucky venait de lui envoyer.

- Nolwenn n’est pas encore arrivée ? Lui demanda Lily.

392
- Elle ne devrait plus tarder… j’espère, lui répondit Bucky montrant toute son
inquiétude.

- Et toi ? Où est ton cavalier ? Sourit Shandrill, main dans la main avec Karim.

Ce sourire cachait quelque chose, la capitaine des pom-pom-girls le comprit


immédiatement. Ce sentiment fut conforté par le large sourire des autres
membres du groupe.

- Qu’est-ce que vous me cachez ? Demanda-t-elle.

Glaème s’approcha d’elle, posa ses mains sur chacune de ses épaules
avant de la faire pivoter de 180 degrés. Une fois le demi-tour accompli, Bucky
manqua de peu de perdre connaissance…

Béhuit était là ! A moins d’un mètre, majestueux dans un costume bleu


foncé avec une touche de gris aux extrémités de sa veste. Il lui tendait une rose
rouge.

- Je souhaitais te faire la surprise, lui dit-il. Veux-tu être ma cavalière ce


soir ?

Une fois l’hébétement passé, elle l’attrapa dans ses bras.

- Mais qu’est-ce que je vais dire à Rayan ? Se demanda-t-elle à voix haute.

- Rayan est occupé… et au courant depuis le début de ma surprise.

- Tu veux dire que j’ai passé tout mon temps à lui apprendre les
chorégraphies de valse pour rien ?... Et qu’en plus je n’avais en fait aucun
prétendant pour ce bal ! Ajouta-t-elle à voix plus basse pour elle-même.

- Pas exactement, il a une autre cavalière, celle-là même qui m’a appris tous
les mouvements de valses nécessaires pour cette soirée.

- Nolwenn ? Interrogea-t-elle.

Béhuit fit un mouvement de tête de haut en bas pour répondre positivement.


Sa meilleure amie était également dans le coup depuis le début ! Tout s’éclairait,
le fait de cacher l’identité de son cavalier, ces apartés courantes entre sa meilleure
amie et l’entraîneur de volley qu’elle avait repéré sans trop y prêter attention.

- J’ai donc bien fait de me faire belle ce soir pour ne pas décevoir mon
cavalier ! Analysa-t-elle, dans un bonheur indescriptible.

393
Elle prit la rose rouge tendue par Béhuit avant d’écourter la tige en la
cassant pour la glisser dans ses longs cheveux noirs, à l’opposé de sa broche déjà
présente près de sa mèche fuchsia.

- J’espérais ne pas être déçue pour cette soirée, je suis désormais certaine
que ce ne sera pas le cas ! Dit-elle.

- Et tu n’as encore rien vu ! Je t’informe que tu restes avec moi jusqu’à


demain soir.

- Soit le bal dure beaucoup plus longtemps que ce que je pense, soit tu
m’emmènes quelque part, devina-t-elle avec un sourire.

- Tu es une jeune femme très perspicace ! Quasiment cinq années de


campus d’excellence pour déduire rapidement les choses ! Se moqua-t-il.

- Je te signale tout de même qu’il va falloir penser à passer chez les Donerm,
Monsieur l’homme parfait, pour que je récupère quelques vêtements de rechange.
J’adore cette robe, mais je risque d’avoir besoin de vêtements de rechange un peu
plus passe-partout pour la journée de demain. Tu n’as donc pas tout prévu !

- Quelle fille de peu de foi ! Lui dit-il. Tu crois que je n’y ai pas pensé ? Un
sac de change pour toi arrive en même temps que Nolwenn.

- C’est ignoble ! Tu as définitivement retourné ma meilleure amie contre


moi, souligna-t-elle avec joie heureuse de voir qu’il avait tout prévu dans les
moindres détails.

Un petit temps d’attente afin de prendre une photo officielle des couples
participant à l’évènement, permettant de voir l’arrivée bien tardive d’une Nolwenn
radieuse, au bras de Rayan, et le groupe put entrer dans le gymnase après
confirmation de la part de la fille Donerm que le sac de change de Bucky avait bien
été mis dans le coffre du coupé blanc de Béhuit garé à une centaine de mètres de
là.

- Tu connais mon planning d’après bal, je présume ? Demanda Bucky à sa


meilleure amie.

-… Et je ne te dirai rien ! S’empressa-t-elle de répondre.

- J’espère que ton cavalier va lamentablement se vautrer dans sa


chorégraphie et t’emporter dans une chute légendaire sous les yeux de tout le
monde pour cette trahison ! Plaisanta-t-elle.

394
- N’y compte pas ! Il a eu la meilleure des professeurs et Béhuit m’a dit que
Rayan serait mon véritable chevalier servant ce soir.

Bucky était particulièrement contente pour son amie. Avec sa complicité,


elle avait permis à Béhuit de lui faire la surprise d’être son cavalier, mais elle avait
eu une juste récompense en retour ; un étudiant qui l’accompagnait ce soir et qui
semblait être véritablement à ses ordres ! Elle ignorait toutefois comment Béhuit
connaissait Rayan qui ne semblait pas faire partie de ses anciens élèves d’EPS.
Encore une fois, son compagnon était rempli de surprises et entouré de mystères.

Le gymnase avait été, comme pour toutes les fêtes, décoré avec goût et
dans le style ce soir. Des rideaux noirs et or avaient été posés pour habiller les
immenses murs. Des fausses bougies LED ainsi que quelques lustres avaient été
ajoutés pour créer une ambiance plus authentique… et que dire du sol ! Un parquet
provisoire avait été posé sur la totalité du gymnase. Comble du raffinement ; un
orchestre composé en partie des étudiants trônait à l’autre bout du terrain de
volley. Lily et Nolwenn, joueuses de violon et de harpe, allaient à coup sûr jouer
quelques morceaux durant la soirée sous l’oreille attentive du responsable du
conservatoire de l’E2C qui allait sans doute les évaluer à l’aide de leurs professeurs
du conservatoire, présents ce soir. Chaque année, entrer dans ce bal permettait à
Bucky une sorte de bond dans le temps des traditionnelles valses viennoises. Elle
était émerveillée par les efforts du personnel de l’E2C pour la décoration qui
surpassait tout cette année. Elle savait au moins où partait le demi-million d’euros
que ses parents avaient payé aux enchères pour sa scolarité ici. Céssix, dans le
gymnase pour l’évènement, avait dû prévoir une rallonge budgétaire probablement
conséquente par rapport aux années précédentes. De nombreux éléments de
décor rendaient le bal encore plus immersif ; des faux feux de cheminée au pied
de certains murs, un buffet d’époque, même le plafond avait été modifié pour y
installer les faux chandeliers à LED et des fausses peintures murales ressemblant
à s’y méprendre à des vrais. Bucky devait s’avouer que la directrice n’avait commis
aucune faute de goût pour ce bal. C’était difficile à admettre, mais cette femme
avait des qualités, et lorsqu’elle jeta un œil dans sa direction, elle eut une
inquiétude, jalousie latente au départ qui se transforma rapidement en crainte. Elle
fixait Béhuit qui lui répondit d’un discret signe de la tête. Sa main dans celle de son
compagnon, elle sentit d’un coup une tension musculaire, une inquiétude qui se
lisait par les traits sur son visage en plus de la légère pression contre sa main.
Béhuit bougeottait les phalanges puis tourna sa tête directement sur Emma, à une
bonne quinzaine de mètres d’eux ! Il se crispa même un instant.

395
- Tu ne me diras rien ? Lui demanda-t-elle discrètement lui faisant ainsi
comprendre qu’elle avait déduit qu’une attention particulière pesait sur la pom-
pom-girl de troisième année affiliée au handball.

- Profites de ta soirée Bucky, lui répondit-il en posant ses yeux sur elle.

- Cela va s’avérer compliqué si ce n’est pas ton cas, lui répondit-elle d’un ton
doux. Cette fille ne m’a pas l’air bien méchant, ajouta-t-elle, espérant en savoir plus.

- Serpent qui change de peau reste toujours serpent ! Se contenta-t-il de lui


répondre avant de se détendre quelque peu et de la tirer par la main jusqu’au buffet
dînatoire en prenant bien soin de s’éloigner d’Emma.

***

L’intégralité des filles prirent soin de ne pas souiller leur robe avec le buffet
présent. Avant les danses qui s’annonçaient, c’eut été une faute impardonnable.
Cette inquiétude ne semblait pas partagée par les garçons présents, si bien que
c’est bien eux qui ingurgitèrent une grande partie des mets présents. Certaines
filles comme Lily et Nolwenn avaient carrément décidé de faire l’impasse et de ne
rien manger pour éviter tout accident.

Une fois le buffet terminé, le bal à proprement parler allait pouvoir


commencer. Les filles décidèrent d’un commun accord de se diriger vers les
toilettes pour se "repoudrer le nez" avant le premier morceau.

Visiblement les amies n’étaient pas les seules filles présentes ce soir à
avoir eu la même idée. C’était un peu la foire d’empoigne pour entrer dans les
toilettes surchargées d’étudiantes ayant toutes eu la même idée, mais les pom-
pom-girls avaient un atout en main que les autres filles n’avaient pas. Un accès au
vestiaire des filles du gymnase dont Glaème avait habilement pensé à amener la
clé, mise dans son sac à main, pour en déverrouiller la porte. Elle n’eut cependant
pas la nécessité de l’utiliser, la porte était déjà ouverte. Les clés étant identiques
dans chaque gymnase du campus, les pom-pom-girls du handball les avaient
devancées sur cette idée. Fort heureusement, les vestiaires étaient suffisamment
grands pour accueillir toutes les pom-pom-girls en même temps pour faire la
même chose ; s’arranger une dernière fois de la tête aux pieds. Maquillage,
coiffure, robe, accessoires, tout était vérifié et corrigé si nécessaire une dernière

396
fois. Bucky aida dans un premier temps Nolwenn dont la coiffure en chignon était
à affiner. Tout était ok pour ses amies ! Elle n’avait de son côté plus qu’à mettre
un coup de rouge à lèvres couleur rose, qui s’était un peu estompé entre le
grignotage et les verres de soda, et elle serait parfaite également. Elle conseilla
ses amies de ne pas l’attendre, elle en avait pour moins d’une minute.

Ses jolies lèvres uniformément colorées d’un rose brillant, elle rangea son
maquillage dans son sac à main, assorti à sa robe ; merci papa et maman pour
cette délicate attention. Puis au moment où elle se dirigea vers la sortie, elle se
retrouva nez à nez avec… Emma. Elle ne l’avait pas remarqué parmi les quatre
pom-pom-girls encore présentes ici et qui sortaient également.

- Salut Bucky, lui dit-elle.

- Coucou, lui répondit-elle, sobrement.

La fille Délavigna aurait bien arrêté cet échange de politesse là, mais son
interlocutrice lui barrait le passage. Bien sûr, elle avait possibilité de la contourner,
mais elle décida de ne pas le faire afin de ne pas lui montrer qu’elle cherchait à
l’éviter. Elle avait bien retenu le conseil de Céssix et de Béhuit à ce sujet ; ne pas la
côtoyer ! Même si elle ignorait totalement pourquoi.

- Joli pendentif ! Embraya l’étudiante de troisième année.

- Oui, il est très beau, confirma-t-elle.

Le regard d’Emma sembla de plus en plus intense et menaçant, l’espace


d’un instant. Effet combiné probable du maquillage de la jeune fille de 17 ans et
de l’éclairage.

- Et je vois qu’il te protège bien également, ajouta la pom-pom-girl affiliée au


handball.

- Je ne comprends pas très bien ta remarque, qu’entends-tu par… me


protéger ? Répondit-elle.

Elles se retrouvaient désormais seules dans les vestiaires, les autres pom-
pom-girls avaient toutes quittées les vestiaires. Bucky était de moins en moins
sereine vis-à-vis d’Emma qui semblait être une fille extrêmement sûre d’elle. De
toute évidence, le pendentif de Bucky la captivait et pas pour sa beauté ou encore
sa valeur pécuniaire probablement élevée, voire indécente. C’était pour autre
chose que la brune à la mèche fuchsia n’arrivait pas à cerner. Protéger ;

397
Qu’entendait-elle par-là ? Y avait-il une signification ou cherchait-elle tout
simplement à la déstabiliser avec un sous-entendu qu’elle ne comprenait pas.

- C’est Béhuit Ciel qui te l’a offert ? Demanda-t-elle sans répondre à la


question de Bucky.

- C’est de l’ordre du privé ! Préféra-t-elle répondre d’un ton sec, de plus en


plus sur ses gardes.

- Très bien, ne te fâche pas, c’était juste une question pour faire la
conversation.

- Nous devons sortir, les premières danses vont commencer, lança Bucky
afin de tenter de clore l’échange tout en forçant légèrement le passage.

Après un léger choc épaule contre épaule, Bucky tendit la main pour ouvrir
la porte du vestiaire et ainsi rejoindre la piste de danse, mais elle en fut empêchée
par son autre bras. Emma venait de lui attraper pour l’empêcher de progresser
plus ! Elle commençait sérieusement à s’inquiéter et une pointe de peur s’empara
d’elle. D’autant que cette fille possédait une sacrée poigne ! Cette force physique,
d’une fille deux ans plus jeune qu’elle, lui rappelait de mauvais souvenirs ; lorsque
Creth avait réussi à la troubler et à tenter de profiter d’elle en la retournant au sol
sans qu’elle s’explique encore aujourd’hui pourquoi elle ne l’avait pas stoppé.

- Emma, Lâche-moi ! Tenta-t-elle de dire le plus calmement possible mais


d’un ton menaçant pour ne pas laisser paraître sa peur.

L’étudiante de troisième année ne lui répondit pas et se contenta de


l’éloigner un peu plus de la porte de sortie en la tirant. Bucky eut énormément de
mal à résister et fut dans l’obligation de reculer d’un pas.

- Je te trouve bien méprisante à mon égard, répondit-elle tout en se


replaçant entre la porte et Bucky.

- C’est n’importe quoi, protesta-t-elle, gagnée par la panique… jusqu’à ce que


la porte ne s’ouvre !

- Mesdemoiselles ! Si les vestiaires sont fermés ce soir, ce n’est pas pour


que vous les ouvriez pour les utiliser.

Céssix Sky était entrée dans les lieux. Pour le première fois, Bucky était
heureuse de l’avoir près d’elle. Emma desserra immédiatement son emprise du
bras de Bucky.

398
- Désolée Madame la directrice, il y avait trop de monde ailleurs, nous
voulions simplement nous remaquiller ! N’est-ce pas Bucky ? Lui dit Emma d’un air
menaçant.

- Oui, c’est bien ça, répondit la brune à la mèche fuchsia, entrant dans son
jeu.

Céssix fit sortir les deux pom-pom-girls avant de refermer le vestiaire


derrière elle. Emma regarda une dernière fois Bucky en coin avant de rejoindre la
piste de danse, probablement en direction de son cavalier. L’étudiante de
cinquième année reprit une bonne bouffée d’air avant de se diriger vers Béhuit.

- Délavigna, On vous a demandé d’éviter cette fille, il me semble, lui dit


discrètement Céssix alors qu’elle s’éloignait.

- J’ignorais qu’elle était dans les vestiaires quand j’y suis entrée…

- Vous n’avez pas eu de problème avec ? Vous vous sentez bien ?

- Elle s’est montrée… menaçante physiquement envers moi, avoua Bucky.

- Vous savez ce qu’elle vous voulait ?

- Non, elle a commencé à me parler de mon pendentif et puis s‘est énervée.


Elle voulait savoir qui me l’avait offert…

- Lui avez-vous répondu ? Coupa Céssix nerveuse.

- Non ! Vous m’avez demandé de me méfier d’elle, j’ai préféré ne pas lui
répondre.

Céssix semblait soulagée de la réponse apportée par Bucky.

- Retournez avec Béhuit et ne le lâchez plus de la soirée, conseilla-t-elle. Il


faut vraiment que vous évitiez cette fille.

- Allez-vous un jour m’expliquer ce qui se passe ? Je suis de toute façon


tenue au secret. Je vous rappelle que vous m’avez fait signer un document en ce
sens. Demanda Bucky, clairement désireuse d’en savoir plus.

- J’en doute, répondit-elle avant de pousser légèrement l’étudiante vers la


piste de danse.

Visiblement, Céssix préférait éviter qu’on remarque qu’elle et Bucky


discutaient ensemble. La musique d’introduction des valses commençait. Elle

399
accéléra le pas pour rejoindre Béhuit. Elle arriva seulement quelques secondes
avant les premiers pas de danse. Inutile de lui parler de ce qui venait de lui arriver,
Céssix était semble-t-il sur le coup et Béhuit devait être concentré sur ses
mouvements de valse. La soirée devait être magique, ce petit incident n’allait pas
tout gâcher. Elle lui en parlerait, peut-être plus tard, à moins que Céssix ne le fasse
avant.

***

Nolwenn avait particulièrement bien travaillé avec Béhuit. Des mouvements


amples et maîtrisés, le plus souvent dans le rythme, accompagnés d’une bonne
posture. Le cavalier de Bucky était vraiment à la hauteur ! Seuls quelques petits
bugs dans la temporalité de la chorégraphie… immédiatement corrigés par sa
cavalière vigilante et habituée au fil des années à rencontrer ce type de problème
avec ses partenaires de valse.

- Ôte-moi d’un doute, ce n’est pas le garçon qui doit en principe conduire les
valses ? Sourit Béhuit se sentant de temps à autre accompagné fortement pour
éviter les fautes.

- Je ne conduis pas, j’anticipe simplement tes pas, se justifia-t-elle avec un


regard malicieux.

- Tu me rassures, j’ai cru un moment que tu me guidais dans mes instants


de doute !

- Tu parles pour la valse ou dans ta vie en général ? Plaisanta-t-elle.

Il sourit jusqu’à ce que Bucky ne sente les doigts de son compagnon exercer
de presque imperceptibles petites pressions sur le bas de son dos de manière
désynchronisée. Il perdit, l’instant d’après, ses pas. Habilement l’étudiante rattrapa
le coup en conduisant la danse quelques secondes avant de lui relaisser la main.
Il avait visiblement des sauts de concentration. Ce n’était probablement pas un
hasard, alors qu’Emma et son cavalier se retrouvaient, du fait des mouvements de
valse entre couples, à proximité direct d’eux. Quelques mouvements et instants
plus tard, alors que la chorégraphie les éloignait d’Emma, Béhuit reprit ses esprits
en même temps que ses crispations totalement incontrôlées des doigts
s’arrêtèrent. Il n’y avait plus de doute possible ; Béhuit avaient ces sortes de crises

400
uniquement lorsque Emma était proche. Que se passait-il entre cette fille et lui
pour que leur proximité ne trouble Béhuit à ce point ?

- Tout va bien ? Demanda-t-elle une fois le morceau de musique classique


terminé.

- Désolé, j’ai perdu mes pas, je me suis déconcentré un instant.

- Ce n’est pas grave, ça fait cinq fois que je vis la même soirée. Tes fautes,
je les rattraperai. Je te demande simplement si quelque chose ne te perturbe pas,
demanda Bucky en montrant du regard discrètement Emma. Tu veux sortir en
attendant la prochaine musique pour en parler ?

Elle pouvait difficilement être plus claire. Elle espérait de Béhuit au moins
un début d’explication.

- Bucky, tu ne vas pas me faire une scène de jalousie ? S’inquiéta-t-il.

- Pas du tout ! S’empressa-t-elle de répondre. Je sais pertinemment que


cela n’a rien à voir avec une attirance amoureuse. Je cherche simplement à
comprendre ce qui te perturbe chez elle.

Béhuit ne savait visiblement pas quoi lui répondre. Ce fichu "secret défense"
faisait encore des siennes !

- Tu es resplendissante ce soir, se contenta-t-il de lui répondre.

- Bien que j’apprécie grandement ton dire et que je t’annonce que tu pourras
m’enlever toi-même cette robe, mais sans me l’abîmer parce que j’y tiens. Tu ne
réponds pas à ma question, mais je comprends bien que je dois m’en contenter.
Tu es certain de ne pas vouloir prendre l’air un instant ? J’ai besoin d’un cavalier
au top pour la prochaine valse, c’est ma préférée !

- Oui, sortons un peu, finit-il par admettre.

A peine sorti, Béhuit inspira à plein poumon. Il tentait des manœuvres


respiratoires pour être un peu plus détendu. Visiblement la situation le stressait
beaucoup plus qu’il voulait bien le suggérer.

Une légère pluie fine combinée à une température glaciale de début d’année
gêna grandement Bucky. Robe de bal plutôt fine, épaules quasi-nues seulement
recouvertes d’une fine dentelle couleur noire, rien ne l’incitait à rester avec Béhuit.
Pourtant, elle attendit patiemment que la respiration de Béhuit se normalise. Il
garda ses yeux fermés pas loin d’une minute avant de les rouvrir en déployant

401
légèrement ses bras sur les côtés. Puis, il la fixa. Elle lui répondit par un sourire,
tout en commençant à trembler de froid. Elle était vraiment fragile concernant les
températures fraîches.

- Juste encore un petit moment, je te rejoins, lui dit-il.

- Céssix m’a demandé de ne pas te quitter, je reste, dit-elle, grelottant de


plus en plus.

Il sourit à son tour, tout en enlevant sa veste bleu foncé pour la poser sur
les épaules de Bucky. Il voyait qu’elle avait froid. Puis il la prit dans ses bras. Sans
le voir, juste en sentant son corps contre le sien, elle comprit qu’il reprenait son
exercice de respiration tout en l’entourant avec ses bras. Elle ne dit rien. Il ne
voulait de toute façon pas en parler, elle le savait. Puis d’un coup, il la
raccompagna à l’intérieur du gymnase. Ils étaient tous deux légèrement humides
par l’ondée extérieure. Pas le temps de se refaire belle pour autant. La chanson
qu’elle attendait arrivait. Béhuit se fraya un chemin en la tenant par la main pour
arriver sur la piste de danse à une place quasi-centrale, réservée aux pratiquantes
de l’option danse. Il fallait une carrure assez imposante pour arriver à se faire une
place à cet endroit stratégique, mais son petit ami avait la largeur d’épaule et le
gabarit pour !

- Cette danse, c’est celle que j’ai le plus préparée avec Nolwenn ! Dit-il.

Ce n’était pas étonnant, Nolwenn connaissait les goûts de sa meilleure


amie, elle savait qu’un Béhuit parfait pour cette danse la comblerait de bonheur.
Elle regarda rapidement autour d’elle. Sa meilleure amie était à seulement
quelques mètres dans les bras d’un Rayan qu’elle espérait à la hauteur. Nolwenn
la remarqua et lui fit un clin d’œil, juste avant que le morceau commence.

Unconditionally de Katy Perry était la musique redondante de chaque bal de


début d’année que préférait Bucky. Une chanson moderne, parfaitement
transposable pour une valse dans l’air du temps, avec des paroles de circonstance
concernant son cavalier de ce soir. Cette danse avait cette spécificité d’être la
seule valse dite semi-ouverte. En d’autres termes, tous les cavaliers des
danseuses ce soir devaient avoir les mêmes pas et figures, alors que leurs
cavalières devaient faire preuve d’originalité, tout au long du morceau, sans
perturber le partenaire. Excellente danseuse et chorégraphe de talent, c’était le
moment attendu par Bucky.

402
Contrairement à la première danse où elle remarqua quelques doutes chez
son cavalier, elle sentait cette fois Béhuit sûr de lui dans sa conduite. Nolwenn et
lui avaient dû bûcher intensément sur cette valse, pas facile à prendre en main du
fait du rythme et de la chorégraphie assez complexe, avec beaucoup de
mouvements différents qu’elle demandait. Le moment qu’elle vivait était
magnifique. Elle ne remercierait jamais assez son petit ami d’avoir travaillé en
douce avec sa meilleure amie durant des heures et des heures, uniquement pour
lui faire plaisir, avec cette merveilleuse surprise. Heureuse, elle écrasait toute
concurrence dès ses premiers mouvements originaux sous les regards médusés
de plusieurs de ses camarades, dont Erik et Anita qui s’arrêtèrent même à la moitié
du morceau pour les contempler, comme beaucoup d’autres étudiants non-
danseurs. Son cavalier avait simplement à l’accompagner comme pour la
chorégraphie traditionnelle. C’était uniquement elle qui ajoutait des déhanchés ou
des rotations supplémentaires. La star de la soirée, c’était, sans conteste, elle. Elle
frappait un grand coup devant le jury, chargé de la noter dans son option. Une fois
la danse terminée sous les applaudissements de certains étudiants, elle ne put
s’empêcher, une nouvelle fois, de lui parler des sentiments qu’elle avait à son
égard :

- Béhuit, tu es mon présent et je serai ton avenir. Je t’ai trouvé, je ne te


lâcherai plus. Je t’aime plus que tout !

403
Chapitre 13 : Firmament

La routine hebdomadaire de l’E2C avait repris son cours. Le rythme intense


des études avait bel et bien recommencé. Le cours d’EPS où se trouvait Bucky,
avec son nouvel-ancien professeur la laissait encore dans ses songes. L’escrime,
tout comme bon nombre de sports, ce n’était pas son truc, bien trop violent pour
elle qui préférait encore repenser à son bal de début d’année, la nuit, puis la journée
qui avait suivi.

Elle avait passé un week-end inoubliable avec Béhuit qui l’avait emmenée
au château de Montvillargènne à Gouvieux dans l’Oise, une fois le bal terminé. Ils
avaient pu profiter d’une magnifique chambre à l’ancienne dans la continuité de
l’ambiance viennoise, d’un superbe brunch, d’une séance de massage et de la
piscine intérieure chauffée. Ils restèrent une bonne partie de leur dimanche sans
bouger de leur chambre, se contentant de jeux érotiques, de films, voire les deux
en même temps, si bien que Nolwenn avait finalement prévu trop de vêtements
dans son sac : elle était restée nue une bonne partie du temps.

Une grosse soufflante de son professeur pour lui demander de se


concentrer la ramena à l’instant présent. Lily venait de lui infliger une dixième
touche, sans qu’elle ne bouge. Le score final était de 10 à 0 !

- Tu vas encore avoir une note ridicule, 10 touches à 0 ! L’avertit Lily.

- La danse et la chorégraphie des pom-pom-girls me sauvera du marasme.

404
- C’est en partie vrai, mais le plus important, c’est que Béhuit ne soit plus
notre professeur d’EPS. Ton niveau en escrime à lui seul pourrait-être motif de
rupture ! Plaisanta-t-elle.

- Je n’en suis pas certaine ! Si tu savais le nombre de fois où il m’a touché


dimanche sans que je me défende et pourtant je ne l’ai pas entendu se plaindre de
mon niveau ! Dit-elle avec un plaisir coupable.

- Bucky, je suis ravie de ta vie sexuelle, mais on pourrait parler de sport en


EPS ? Répondit Lily cherchant absolument à ne pas à avoir plus de détails sur le
dimanche de son amie.

- Crois-moi, vu comment nous avons transpiré dans la chambre, je te parle


de sport aussi ! Rigola-t-elle.

Lily se boucha les oreilles et se déplaça pour son prochain match d’escrime
vers une autre étudiante. Nolwenn la remplaçait pour sa confrontation d’escrime
suivante.

- Je pense que je vais regretter de te poser la question, mais qu’as-tu


raconté à Lily pour qu’elle se bouche les oreilles ainsi ? Demanda Nolwenn, tout en
commençant à brancher de façon maladroite son équipement d’escrime.

- Je lui ai simplement fait la remarque que certains sports sont bien plus
intéressants à pratiquer que d’autres, ironisa sa meilleure amie.

- Et je présume que le sport dont tu parlais se fait plutôt dans une chambre
que dans un gymnase ?

- Il est techniquement possible de le faire partout ! D’ailleurs à ce propos, tu


ne m’as pas dit comment s’est passée ta soirée avec Rayan et si elle s’est
prolongée ?

- Il a été un cavalier de bal génialissime, mais cela n’a pas été plus loin si tu
veux tout savoir. Il m’a simplement raccompagnée chez moi.

- Qu’est-ce qui a bloqué ?

- Je le trouve un peu trop sérieux à mon goût. Je sais que je suis difficile,
mais je recherche un garçon qui me fait rire.

- Je te comprends tout à fait ! Béhuit m’a en partie charmé pour sa répartie.


J’adore son humour.

405
Bucky était déçue pour son amie, mais sa soirée avec Rayan lui avait au
moins permis de participer au bal cette année et pour cela, elle avait chaudement
remercié Béhuit. Après quelques secondes de silence, la confrontation entre les
deux amies commença pour se terminer une nouvelle fois par une déroute de
Bucky 10 à 3. Comme à son habitude dans tous les sports individuels, elle avait
enchaîné défaite sur défaite, mais cela ne lui fit pas perdre le sourire. Elle était
coutumière du fait.

Le professeur d’EPS annonça la fin du cours après un premier bilan ne


faisant pas les faveurs de Bucky. Elle s’en moquait éperdument, sa note en option
danse de son spectacle était tombée ; 20/20. Entre cette note et celle à venir pour
ses prestations et sa chorégraphie de pom-pom-girl, sa moyenne pour les activités
sportives ne seraient finalement pas si mauvaises. Les dernières évaluations
hebdomadaires dans les autres matières s’étaient également très bien passées.
Le diplôme du campus d’excellence était à portée et ce n’est pas l’EPS qui allait
l’empêcher de l’obtenir…

***

Le samedi 24 janvier 2037 était arrivé. Il était historique pour la section


volley-ball de l’E2C. Une victoire dans ce match de barrage et l’équipe de Béhuit se
qualifiait pour les huitièmes de finale du championnat Européen de volley-ball des
campus d’excellence. Les garçons avaient travaillé dur pour préparer ce match se
déroulant à Stockholm en Suède. Avec l’aide de Mathéo, Béhuit avait analysé sans
relâche les précédents matchs de l’équipe adverse. Il semblait confiant. Bucky ne
doutait pas de lui, mais se posa une nouvelle fois la question de sa passation de
pouvoir du capitanat des pom-pom-girls avec Shandrill, juste avant de présenter
l’équipe des garçons dans le gymnase Suédois quasiment comble ce soir. A partir
de maintenant, chaque match que ferait Bucky, Nolwenn et Glaème en tant que
pom-pom-girls serait peut-être le dernier.

- Tu es une excellente capitaine Bucky, ne te tracasse pas pour la passation.


Nous savons toutes les deux que tu vis ta meilleure année de pom-pom-girl, alors
tu dois en profiter jusqu’au bout ! Lui dit Shandrill voyant hésiter son aînée d’un an.

- Tu seras une capitaine formidable Shandrill. Tu es sûre que cela ne te


dérange pas de ne pas pouvoir prendre les commandes avant l’année prochaine ?

406
- Au diable les traditions ! Tu mérites mille fois de rester notre meneuse
jusqu’au bout. Et puis, je suis confiante, tu pourras tout de même me donner le
brassard lors de la finale !

Bucky lui sourit légèrement ! Shandrill rêvait. Déjà passer le barrage ce soir
pour rejoindre les huitièmes de finale serait tout bonnement incroyable.

Les lumières baissèrent en intensité et le compte à rebours se mit en route.


Le moment de présenter les équipes était arrivé. Elle espérait très fort que ce ne
soit pas la dernière. Partager ces moments avec ses amies pom-pom-girls,
l’équipe de volley avec les frères Donerm et bien évidemment Béhuit ; elle ne
voulait pas que cela s’arrête.

Encore une fois, la présentation des garçons souleva les foules. Bucky était
heureuse de constater que ce qu’elle avait créé n’était pas une mode passagère,
mais bien une évolution pour présenter les équipes. Un rapide baiser à Béhuit,
sorte de coutume désormais entre eux, avant le premier service pour lui porter
chance et le match de barrage commença…

***

Après un début de match médiocre et un premier temps mort demandé par


Béhuit, la situation tourna doucement, mais sûrement, en faveur de l’E2C. Les
conseils de l’entraîneur et Mathéo payèrent et en suivant un chemin quasiment
tout tracé avec un Ethan Spidze du plus en plus époustouflant, même s’il ne restait
toujours pas sur le terrain lorsqu’il arrivait sur les postes arrières, l’équipe
Française remporta sans trembler par 3 sets à 0 le match. Bucky n’en croyait pas
ses yeux ! Alors que l’objectif théorique de l’équipe était simplement de remporter
quelques matches cette saison, Béhuit avait réussi à les hisser jusqu’en huitième
de la phase finale. L’entraîneur avait réussi à révolutionner le volley-ball masculin
du campus de Cley en a peine une saison passée ici. Bucky se doutait cependant
que cela ne durerait pas. Son petit ami n’était pas réellement entraîneur, même s’il
en montrait toutes les qualités. Il était venu à l’E2C pour autre chose. L’étudiante
ignorait quoi, mais il y avait un rapport évident avec Emma Nunes.

Dans les bras de ses joueurs, tour à tour, elle voyait quelques larmes
d’émotion couler des yeux du blond à la mèche ciel. Ce job lui donnait une joie de
vivre incroyable. Pourvu qu’il reste jusqu’au bout de la saison. Elle s’approcha à

407
son tour de lui après avoir eu également le droit à des accolades de ses camarades
joueurs et pom-pom-girls.

- Au cas où j’aurais commis l’erreur de ne jamais te l’avoir dit, tu es quelqu’un


d’exceptionnel, lui lâcha-t-elle.

- Tu sais ce qu’on dit, derrière le succès de chaque homme, il y a une


femme !

- Rassure-moi, tu parles bien de moi et pas de notre directrice, dit-elle en


blaguant.

Il rit avant de la prendre dans ses bras et l’embrasser. Elle était si bien avec
lui, si sereine, comme entourée d’une confiance sans faille que personne ne
pouvait briser.

- Je suis heureuse avec toi, lui avoua-t-elle une fois le baiser achevé. Dès
que je ne suis pas avec toi, je suis déprimé, j’aimerais tellement être en continu à
tes côtés.

Un nouveau baiser s’initia.

- Eh les amoureux, il y a des célibataires dans ce groupe ! Vous pourriez


arrêter de faire vos saletés devant tout le monde, demanda Nolwenn avant de les
prendre également dans ses bras pour fêter l’évènement.

- J’adore faire des saletés avec cet homme ! Lui répondit Bucky et crois-
moi, là, on est soft. On fait des choses bien plus dégueulasses en privé, dit-elle en
rigolant.

- J’ai quelque fois honte de t’avoir comme amie, lui répondit sa meilleure
amie en souriant.

Des autres étudiants arrivèrent pour également s’accoler au trio. Ce groupe


était soudé de manière incroyable.

***

Après une nuit plutôt agitée pour les étudiants passés à l’hôtel de
Stockholm à fêter le résultat et tout aussi agitée, mais à l’horizontale, ensuite, pour

408
Bucky dans sa chambre avec Béhuit, le départ pour le retour en avion le lendemain
matin pour la France se fit au ralenti. Les cernes étaient visibles chez chacun des
étudiants. La plupart feraient une sieste, une fois rentrés.

Toujours aux côtés de Béhuit, Bucky le sentait dans une profonde réflexion
depuis le réveil. Il la regardait sans cesse, ce qui n’était pas pour lui déplaire, mais
elle sentait bien qu’il se posait des questions, même s’il lui disait que tout allait
bien. Chaque jour supplémentaire qu’elle passait avec lui permettait de le
connaître davantage et un Béhuit relativement silencieux du réveil à la montée
dans l’avion, c’était un Béhuit inquiet !

- Tu ne veux rien me dire ? Demanda-t-elle une fois installée à ses côtés


dans l’avion.

- C’est assez compliqué. J’ai très envie de faire une chose, mais je ne sais
pas si c’est une bonne idée.

- C’est malheureusement bien trop flou pour que je puisse tenter de te


conseiller. Tu ne peux pas m’en dire plus ?

- Désolé, se contenta-t-il de lui répondre.

Elle mit sa main dans la sienne, alors que l’avion avançait en vue du
décollage. Elle ignorait ce qui le préoccupait, mais elle voulait lui montrer qu’elle
était présente.

- Sache juste que je suis avec toi, quoi qu’il arrive, je t’accompagnerai pour
toujours, tenta-t-elle de le réconforter.

L’avion décolla alors que Bucky ferma les yeux. Le besoin de dormir
devenait bien trop fort.

***

Soudainement, la capitaine des pom-pom-girls rouvrit les yeux. L’avion était


encore dans les airs. Elle avait dû s’assoupir quelques minutes après le décollage.
Béhuit n’était plus assis à ses côtés. Elle interpella Nolwenn plongée sur son
smartphone, sur la rangée juste à côté de la sienne.

- Tu sais où est Béhuit ?

409
- Il s’est levé il y a environ cinq minutes pour se diriger vers l’avant de
l’appareil. Pourquoi ? Il te manque déjà ?

- Ce n’est pas seulement ça, je le sens plongé dans une sorte de dilemme
depuis ce matin, je ne sais pas ce qu’il a, alors je m’inquiète.

- Qui aurait pu imaginer que ma meilleure amie, avec les innombrables


petits amis qu’elle a eus durant sa scolarité à l’E2C qu’elle manipulait à son bon
vouloir pour les jeter peu de temps les uns après les autres puisse être désormais
aussi accrochée, je dirais même à la merci, d’un garçon ? Demanda Nolwenn avec
un léger sourire.

- C’est tout le malheur que je te souhaite ! Il est intelligent, me fait rire, très
câlin avec moi, extrêmement sexy et il m’aime. Est-il nécessaire de te signaler
qu’au lit, il n’y a rien à redire non plus ? Comment veux-tu que je lui résiste ?

- Je suis heureuse que tu aies trouvé chaussure à ton pied. Pour être tout à
fait honnête, jamais je n’aurais cru voir cela un jour ! Il t’a fait t’élever, évoluer, mûrir
en… Ça fait combien de temps que vous êtes ensemble maintenant ?

- Environ 3 mois que je nage en plein bonheur. Les plus beaux de ma vie.

Les amies s’arrêtèrent soudainement de discuter, un bip annonça la prise


de parole du commandant de bord.

"Ladies and Gentleman, ce n’est pas le commandant de bord qui vous parle,
c’est l’entraîneur de volley-ball de l’E2C. En premier lieu, merci à l’ensemble des
passagers d’applaudir l’équipe pour sa qualification pour les huitièmes de finale du
continent Européen pour la première fois de son histoire !"

La quasi-totalité des passagers, pom-pom-girls et membres de l’équipe en


tête jouèrent le jeu et un tonnerre d’applaudissements résonna dans l’Airbus d’Air
France. Bucky trouvait l’idée de Béhuit absolument géniale. Elle comprenait
pourquoi il était parti à l’avant de l’appareil. Il avait réussi à convaincre le
commandant de bord de le laisser prendre la parole.

Alors que l’ovation commença à baisser en intensité, Béhuit reprit la parole :

"Je profite également de ma prise de parole pour vous faire une annonce
concernant ma vie personnelle, plus particulièrement de ma petite amie. Désolé à
toutes les demoiselles à bord, mais il s’agit uniquement de celle qui se trouve sur le
siège 30B de cet appareil, la sublime Bucky Délavigna…"

410
Sur l’instant, Bucky chercha de la tête sa place. 30B !

"Voilà 3 mois que je sors avec la fille qui se trouve assise à ce siège, je voulais
lui dire, devant témoins, que depuis que je suis avec elle, elle m’a ramené de l’ombre
à la lumière. De la crainte à l’espoir. De la dépression au… plaisir ! Grâce à elle, je
comprends l’utilité de la voie que je dois prendre. Je voulais lui dire que malgré la
malchance qui a traversé ma vie jusqu’ici, je ne m’en plaindrai désormais jamais. Car
j’ai eu la plus incroyable des chances ; celle de la rencontrer. Bucky, nous sommes
ensemble le plus souvent possible, dès que nos emplois du temps le permettent.
Mais ça ne me suffit pas, ça ne me suffit plus. Alors c’est vrai, tu es encore jeune,
encore étudiante, tu seras peut-être à l’autre bout du monde pour mener la suite de
ta vie dans quelques mois, mais tout comme ce voyage entre Stockholm et Paris qui
nous rapproche chaque instant de notre destination, je veux que l’on se rapproche
petit à petit dans nos vies. Je te veux comme copilote dans le voyage de mon
existence. Je suis conscient que pour une demande au mariage, il est un peu trop
tôt, alors je me contente devant vous, très chers passagers de ce vol Air France, de
proposer à Bucky Délavigna du siège 30B de se fiancer et de venir vivre avec moi
pour montrer à tout le monde à quel point je tiens à elle."

Une nouvelle bronca se fit entendre dans l’avion alors que Bucky utilisait
ses mains pour se cacher le visage. Submergée par l’émotion, elle pleurait de joie !
Elle ne s’attendait absolument pas à cette demande. Glaème et Antoine, tout
proches d’elle la tirèrent pour se lever de son siège afin de se placer dans un des
couloirs de l’appareil. Les yeux humides, elle avait du mal à discerner ce qui se
passait autour d’elle, hormis des cris de joie. Tous les passagers acclamèrent la
demande. Elle tenta de sécher ses larmes pour y voir plus clair avec l’aide d’un
mouchoir fourni par Nolwenn. Béhuit arriva proche d’elle. Il avait quitté le cockpit :

- Tu n’es pas obligée de me répondre tout de suite, lui dit-il alors que les
acclamations baissaient fortement en intensité pour entendre ce que se racontait
le couple.

- Je n’ai pas le temps d’y réfléchir, j’ai bien trop peur que tu reviennes sur ta
folle proposition, répondit-elle en se jetant dans ses bras.

- J’en conclus que la réponse est oui ?

- Même pour un mariage, je t’aurais dit oui, lui répondit-elle à l’oreille.

- C’est, je pense, un peu trop tôt…

- Je sais, mais je ne veux pas non plus des fiançailles interminables.

411
- Ça ne dépendra que de toi ! Lorsque tu te sentiras prête, j’irai demander ta
main à tes parents pour faire les choses dans les règles, je te le promets.

Bucky lui aurait bien tendu son téléphone pour qu’il appelle immédiatement
ses parents, mais il avait parfaitement raison. 19 ans, c’était encore trop tôt pour
se marier. Les fiançailles et la vie commune était exactement ce qu’il lui fallait pour
le moment. L’étudiante avait cependant, avec cette proposition, de la suite dans
les idées ; dès qu’elle confirmerait sa voie dans la vie active, elle songerait au
mariage. Elle avait trouvé l’homme de sa vie, inutile d’attendre trop longtemps. Il
lui manquait simplement un peu de maturité et d’indépendance.

***

A l’arrivée sur le campus, ce fut bien la première fois que Bucky n’eut pas
de réticence à quitter Béhuit, bien au contraire. Elle devait simplement prévenir les
parents Donerm et les siens qu’elle allait se fiancer et partait vivre immédiatement
avec Béhuit dans sa villa après avoir préparé ses affaires pour emménager avec
l’élu de son cœur.

Dans la voiture pour le retour, Nolwenn ne montrait qu’une joie modérée.


Bucky se doutait bien que sa meilleure amie était peinée de ne plus vivre sous le
même toit qu’elle du jour au lendemain, après autant d’années de vie commune.

- Ne t’inquiète pas, on continuera à se voir tous les jours et j’emménage à


seulement 800 mètres de chez toi. Tu restes et resteras toujours ma meilleure
amie ! Tu sais quoi ? Je t’invite à dormir dès que je peux chez lui… enfin chez nous
devrais-je dire !

- Tu veux dire chez lui et chez Madame Sky. Tu ne crains pas cette
cohabitation ?

- Tout ce qui compte, c’est d’être avec lui, je me moque de sa colocataire.


Si la situation la dérange, elle n’aura qu’à partir !

- Elle est au courant de ton arrivée dès ce soir ?

- Béhuit doit la prévenir dès qu’il arrive à la villa. Il m’a dit qu’il ne lui laissera
pas le choix.

412
- Tu es sûre que ce n’est pas un peu prématuré comme projet ? Tu n’as
même pas 20 ans !

- Je suis consciente que cela paraît fou, mes parents seront sans doute de
ton avis, mais avec lui, je suis bien, je n’ai aucune appréhension, envisager la vie
avec lui me semble… naturelle. Un peu comme une route à prendre que je connais
parfaitement.

Bucky regarda plus attentivement son amie à son arrivée chez les Donerm.
Nolwenn ne prenait pas très bien le fait de ne plus avoir sa meilleure amie avec
elle. La capitaine des pom-pom-girls l’enlaça de ses bras.

- Tu sais ce qu’on va faire ? Je vais préparer mon emménagement pour la


villa de Béhuit, mais je reste ce soir avec toi. Une dernière soirée entre copines
pour marquer le coup ! Lui proposa Bucky.

- Ça me plairait bien, mais ton petit ami ou devrais-je dire, fiancé, risque de
mal le prendre, répondit Nolwenn, émue.

- Il comprendra. Je veux que tu saches que même si je pars vivre avec lui,
notre relation restera toujours aussi forte.

Dans les bras l’une de l’autre à l’entrée de la maison, les parents Donerm
approchèrent. Ils avaient remarqué que leur fille était triste. Bucky allait devoir leur
expliquer qu’elle partait vivre avec Béhuit.

***

L’annonce de Bucky décontenança quelque peu les parents d’Antoine. Ils


ne firent cependant aucune remarque à la fille unique des Délavigna. La seule
chose qu’ils demandèrent fut logiquement de prévenir ses parents pour avoir leur
accord pour ce déménagement « surprise ». Après une accolade pleine d’amour
avec les chefs de foyer, Bucky s’isola ; le moment d’annoncer la nouvelle à ses
parents était arrivé. Elle ignorait totalement comment il allait prendre la nouvelle.

Quelques secondes d’attente avant que sa mère n’accepte la visio.

- Coucou ma fille ! Alors, ce résultat ? L’équipe de volley de Béhuit s’est


qualifiée ?

413
Elle fit un oui enthousiaste de la tête accompagné d’un grand sourire.

- Je suis très heureuse pour Béhuit, tu dois être folle de joie !

- Ce n’est pas uniquement pour cela que je t’appelle… euh, papa est
disponible ?

- Oui, pourquoi ?

- Je voudrais vous parler à tous les deux.

Bucky put voir sa mère se déplacer avec son smartphone jusqu’à un bureau
où son père semblait être en train de travailler. Il s’arrêta, comprenant que c’était
sa fille qui était en visio.

- Bonjour ma fille, quelles sont les nouvelles ? Demanda immédiatement


son père.

- L’équipe de volley est qualifiée pour les huitièmes de finale, répondit sa


fille.

- Tu dois être très heureuse… surtout pour Béhuit, je présume. Il semble faire
un excellent travail avec l’équipe des frères Donerm, enchaîna-t-il.

- Oui, il est fantastique et grâce à lui, la saison des pom-pom-girls se


poursuit également. Mais si je vous appelle, ce n’est pas simplement pour cela.

- Un problème ? S’inquiéta tout de suite sa mère.

- Pour moi, non. Pour vous, je vais le savoir à l’issue de cette discussion…

- Si tu ne prévois plus de t’installer à New-York, car tu as finalement un autre


projet professionnel et que tu as peur pour ton appartement cadeau de Noël, n’ai
crainte, nous attendons une réponse ferme de ta part, tenta de rassurer son père.

- Ça ne concerne pas mon avenir professionnel, même si ce que je veux


vous annoncer risque de chambouler cette partie de ma vie.

Alors que Bucky hésitait, ses parents se regardaient, le visage de plus en


plus grave. L’étudiante se lança pour en finir au plus vite :

- Béhuit m’a demandé en fiançailles et de venir vivre avec lui durant le


voyage en avion nous ramenant à la maison !

414
Sans surprise, ses parents furent sous le choc. Un silence, puis quelques
bégaiements ; ils ne savaient pas quoi répondre à leur fille. Elle préféra reprendre
les devants :

- Il m’a dit qu’il me demanderait au mariage quand je me sentirai prête. Il


sait, tout comme moi, que je suis encore un peu jeune.

- Effectivement ! Ma fille tu n’as même pas 20 ans. Béhuit est quelqu’un de


très bien et il est normal qu’il souhaite avancer plus rapidement car il est plus
mature que toi, mais cette proposition me paraît… bien trop anticipée. Que vas-tu
lui répondre ? Demanda sa mère.

- En fait, je lui ai répondu oui instantanément. Je pars vivre chez lui, dès ce
soir.

- Bucky… tenta de répliquer le père avant d’être coupé par sa fille.

- …Papa, je suis la femme de sa vie ! Je sais que cela n’est pas rationnelle,
mais je le sens au plus profond de moi.

- Nous souhaitons simplement te mettre en garde. Tu es encore si jeune et


en couple depuis si peu de temps, argumenta sa mère.

- Et tu vas donc abandonner l’opportunité professionnelle de New-York pour


vivre avec lui ? Ajouta le père.

- Ça sera une décision à prendre en couple ! Il n’est pas dit qu’il ne me suive
pas là-bas !

- Mais il perdra son emploi ! Il est prêt à ce sacrifice ? Demanda son père.

Les parents de Bucky ignoraient absolument tout de la vie secrète de


Béhuit. Elle-même n’en savait déjà que très peu, mais une chose était certaine, cet
emploi d’entraîneur n’était que transitoire en plus de n’être qu’une façade. Même
s’il semblait prendre du plaisir à diriger l’équipe de volley de l’E2C.

- Nous ferons ce qu’il faut pour rester ensemble ! Se contenta-t-elle de


répondre.

La discussion se poursuivit durant une bonne demi-heure, sans animosité.


Bucky fit comprendre à ses parents qu’elle les aimait profondément, mais qu’elle
était une adulte et ne doutait pas de ses choix de fiançailles et de vie commune
avec Béhuit. Elle voulait être soutenue, simplement. Ils acceptèrent, légèrement à
contre-cœur, de l’accompagner dans sa nouvelle vie avec Béhuit. Bucky le sentait

415
bien, ses parents ne voulaient pas la perdre à cause de sa vie sentimentale. Ils
craignaient clairement un conflit à ce propos. Ils finirent même par proposer à leur
fille une aide pécuniaire pour s’installer avec Béhuit et lui proposer de
l’accompagner pour les préparatifs d’une éventuelle fête pour les fiançailles. Ses
parents n’étaient sans doute pas 100% d’accord avec ce choix, mais au moins
continuaient-ils à l’épauler dans sa vie de jeune adulte. Elle avait encore tellement
besoin d’eux pour être conseillée et orientée. Elle termina la visio soulagée, alors
qu’Antoine la regardait avec insistance. Il était également entré dans la véranda de
la maison des Donerm, peu de temps avant qu’elle raccroche.

- Alors, tes parents ont pris la nouvelle comment ? Interrogea-t-il.

- Ils ne sont pas fous de joies, mais ils ne sont pas en colère non plus. On
va résumer en disant qu’ils sont inquiets, mais honnêtement, je les comprends…

- Donc tu vas réellement aller vivre avec lui ? Dès ce soir ?

- Disons plutôt cette nuit. J’aimerais passer une dernière soirée avec vous.

L’étudiante à la mèche fuchsia devina une touche de joie chez le libéro de


l’équipe de volley-ball.

- Je ne pensais pas que mon départ de chez toi te rendrait si heureux !


S’étonna Bucky.

- Tu feras toujours partie de cette famille et on se verra suffisamment


encore sur le campus pour que l’on puisse se chamailler. Crois-moi ton départ me
fait quand même un pincement au cœur.

- Alors pourquoi je devine de la joie chez toi ?

- Tu sais ce qu’on dit ; la nature a horreur du vide…

Bucky flairait une idée dans la tête du capitaine de l’équipe de volley.

- Mon départ pour vivre chez Béhuit va te permettre d’en tirer un bénéfice,
je peux savoir lequel ? Analysa-t-elle.

- Disons que j’ai l’intention de ne pas laisser ma pauvre sœur seule dans sa
chambre.

Bucky déduisit immédiatement les plans d’Antoine. Une seule chose


pouvait le rendre aussi joyeux.

416
- J’y crois pas ! Je ne suis même pas encore partie que tu m’as déjà
remplacée ! C’est du joli !

- Les parents de Glaème ont simplement de légères difficultés financières


et comme une place se libère dans la chambre de Nolwenn avec ton départ…

- Je ne suis pas sûre que Glaème accepte de venir vivre chez toi, tempéra-
t-elle.

- Il n’y a pas que toi qui étais en communication téléphonique à l’instant…

- Et donc… vu ton sourire, elle accepte ?

- Ses parents ont des soucis financiers, je viens de te dire ! Donc ma petite
amie lâche sa résidence étudiante pour éviter des frais à ses parents, ma sœur a
une nouvelle amie avec qui partager sa chambre pour ne pas se retrouver seule, et
moi j’ai ma petite amie à domicile ! Ne reste plus qu’à convaincre mes parents,
mais je suis optimiste, ils ne vont tout de même pas laisser ma chérie dehors !

- J’ai bien envie de proposer à mes parents d’aider Glaème à payer son
logement étudiant ! Dit-elle avec un large sourire afin d’embêter Antoine dans ses
plans.

- Si tu fais ça, je te décrédibilise sur tes habitudes de vie chez nous auprès
de Béhuit ! Et crois-moi, j’ai de l’imagination !

Ils rigolèrent ensemble. Les difficultés pécuniaires de Glaème étaient


paradoxalement une bonne nouvelle pour tout le monde… sauf peut-être les
parents Spidze. Bucky avait désormais moins d’appréhension à quitter sa
meilleure amie.

***

Après une dernière soirée passée autour d’un repas familial et un jeu de
société chez les Donerm, Bucky, avec l’aide de tout le monde mit ses quelques
valises, principalement remplies de vêtements et de chaussures, dans sa voiture
aux couleurs E2C. Béhuit l’avait avertie que la villa était vide de tout occupant ce
soir ; ni lui, ni Céssix n’étaient présents, une urgence d’après ce qu’elle comprenait.
Il lui avait cependant créé un code pour accéder à la villa verrouillée

417
électroniquement afin qu’elle puisse s’installer tranquillement. Elle n’avait plus
qu’à partir.

Il était étrange pour Bucky de rentrer dans une villa sans vie qui n’était pas
la sienne. Elle ne partait cependant pas de zéro, elle connaissait bien les lieux.
Béhuit l’avait invitée, surtout à passer la nuit, un bon nombre de fois ces trois
derniers mois. La domotique IA des lieux n’avait plus aucun secret pour elle et mis
en marche tout ce dont elle avait besoin, dont l’éclairage. Elle remarqua
immédiatement que l’accès aux chambres à l’étage, hormis celle de Béhuit, ne lui
était pas autorisé. Bien dommage, la curiosité l’aurait peut-être poussée à visiter
la chambre de Céssix Sky. Elle monta ses trois valises une à une jusqu’à ce qu’elle
dût désormais appeler sa chambre. Un petit mot doux, scotché à la porte :
Bienvenue dans ta chambre ma pom-pom. Elle ouvrit. Le lit était fait et juste au-
dessus trônait au mur le cadre photo qu’elle lui avait offert, la seule touche
personnelle dans toute la maison ! Elle corrigerait cela. Les trois quarts du
dressing était mis à sa disposition. C’était pourtant juste au niveau place. Comme
toute jeune femme coquette, Bucky avait énormément de vêtements. Elle les
rangea méthodiquement, mais certaines paires de chaussures ne passaient pas.
Heureusement qu’elle connaissait l’existence d’un meuble à chaussures au rez-de-
chaussée proche de l’entrée qui lui permettrait de ranger les bottes, bottines ou
baskets qu’elle utilisait en cette saison de l’année. Elle continua avec son matériel
pour ses études qu’elle posa dans le coin bureau de la chambre. Puis ne restait
plus qu’à poser ses produits d’hygiène et maquillage dans la salle de bains
privative de la chambre. Cela provoqua une sensation étrange de placer sa brosse
à dent électrique à côté de celle de Béhuit. Par ce dernier geste, elle était
définitivement installée. Une nouvelle étape dans sa vie.

Un nouveau coup d’œil à son smartphone pour voir que Béhuit ne donnait
toujours pas de nouvelle. Elle n’était pas loin de commencer à s’inquiéter. Il était
désormais tard et le lendemain était un lundi, jour de cours. Elle se décida à
grignoter quelque chose devant l’immense écran à projection disponible dans le
fond du salon pour profiter d’un film à la demande. Autant se détendre dès à
présent dans son nouveau foyer. Elle opta pour une comédie, elle adorait rire. Pour
le grignotage, ce fut un peu plus compliqué ; mis à part les denrées cadeaux de
Noël pour Béhuit, il n’y avait que très peu de choses à se mettre sous la dent. Le
frigo et les placards étaient d’une tristesse de vide à faire peur. Comment diable
Béhuit et Bucky s’organisaient pour manger ? Elle trouva cependant posé en
évidence sur l’îlot central de la cuisine 3 plaques de chocolat avec son prénom
d’inscrit dessus. Béhuit avait pensé à elle ! Son futur fiancé était formidable.

418
Tranquillement, elle s’installa dans le canapé pour regarder une vieille comédie à
succès, tout en laissant fondre des carrés de chocolat dans sa bouche. Elle
attendait son arrivée…

***

Une soudaine et forte luminosité fit ouvrir les yeux de Bucky. Comme à son
habitude, elle s’était vite assoupie. Elle ne se rappelait que des vingt premières
minutes du film. Béhuit la fixait, plaqué contre la porte d’entrée.

- Dans mon idée, te proposer de venir vivre avec moi, ce n’était pas pour que
tu dormes dans le salon et moi en haut ! Dit-il en la contemplant.

- Je déteste dormir seule dans les grands lits. Je t’attendais donc pour aller
me coucher dans notre chambre. Pour patienter, j’avais le choix entre un film sur
le canapé ou la salle de sport, mais ne sachant absolument pas utiliser les objets
de torture qui s’y trouvent, j’ai opté par ignorance pour le premier choix.

- Comment une aussi bonne danseuse que toi peut détester le sport à ce
point, demanda-t-il en souriant de sa spécificité.

- Je ne déteste pas le sport, j’aime beaucoup en regarder. C’est très pratique


pour la sieste ! Céssix n’est pas là ?

- Elle est montée directement dans sa chambre, tu as le sommeil assez


lourd, tu ne l’as pas entendue.

- Je vois. Et comment a-t-elle pris la nouvelle ? Demanda-t-elle avec une


légère appréhension.

- Elle finira par s’y habituer.

Bucky stoppa le film avant que Béhuit ne finisse par la porter jusque dans
leur chambre. Elle était tellement joyeuse à l’idée de savoir, que désormais, elle
dormirait chaque nuit dans le même lit que lui. Ils prirent leur douche ensemble
avant de se coucher. Un câlin n’aurait pas été de refus, une fois dans le lit, mais il
était tard et Béhuit semblait très fatigué. Elle n’insista pas. Elle aurait désormais
chaque nuit comme nouvelle opportunité. Et puis s’endormir la tête sur son torse,
sentir sa respiration, être en contact avec sa peau, était déjà merveilleux.

419
Chapitre 14 : Vie commune

Bucky vivait un rêve éveillé chaque jour. Elle se levait, tous les matins, aux
côtés de Béhuit avant de descendre prendre le petit-déjeuner apporté par porteur
spécial ; principe curieux mais très appréciable, qui expliquait enfin pourquoi il n’y
avait rien dans le frigo ou les placards. Elle remontait ensuite dans la chambre,
toujours accompagnée de son futur fiancé, pour s’habiller et prendre son sac
d’étudiante avant de partir sur le campus avec un véhicule commun ; l’Audi ou la
moto selon les conditions météorologiques. Une fois ses journées de cours
terminées, elle se dirigeait vers le gymnase de volley soit pour son entraînement
de pom-pom-girl, soit tout simplement pour y attendre Béhuit en révisant dans son
bureau avant de rentrer et terminer les journées avec un repas du soir qui les
attendait, toujours par livreur. La vie avec lui était comme elle l’avait imaginée ;
délicieuse. Seul petit hic, l’ambiance glaciale avec Céssix Sky, que ce soit à la villa
ou sur le campus. L’emménagement de Bucky à la villa avait enterré tout espoir de
relation amicale entre elles. Cela ne lui posait pas de problème, mais était
clairement inconfortable pour Béhuit.

Il n’y avait pas de match ce week-end. Le huitième de finale de volley-ball


n’était pas encore pour tout de suite, mais prévu début mars. Pourtant, Bucky
savait déjà comment l’occuper avec ses amies ; le championnat de France de
gymnastique auquel Shandrill participait avec certaines filles de l’option
gymnastique de l’E2C. Il se déroulait cette année à Paris du samedi après-midi au
dimanche soir, l’occasion était trop belle d’accompagner et soutenir la pom-pom-
girl gymnaste du groupe. Toutes les amies avaient prévu d’y assister ; Nolwenn,
Glaème, Lily et Anita seraient présentes pour accompagner Bucky et encourager
leur amie étudiante de quatrième année ce week-end. L’hôtel avait même été

420
réservé pour profiter de ce moment entre filles car les garçons n’étaient
malheureusement pas disponibles. Antoine et Erik étaient restés à la maison
familiale pour aider leur père à rafraîchir la chambre de Nolwenn, principalement
de la peinture, afin que Glaème puisse venir s’installer dès dimanche soir chez les
Donerm. Béhuit n’était également pas disponible, il profitait de l’absence de Bucky
pour organiser une réunion importante à la villa avec Céssix dès le samedi après-
midi. Cela faisait un peu bizarre de se faire mettre quelque peu à la porte de la villa
pour le week-end alors qu’elle y résidait désormais, mais c’était le prix à payer pour
vivre avec Béhuit. Elle s’y faisait doucement.

Malheureusement pour Shandrill, Karim ne pouvait également pas faire le


déplacement pour voir sa petite amie évoluer dans une compétition d’importance.
Il était resté éloigné bien trop longtemps de son élevage de canards durant la
période de la trêve des confiseurs. Prendre encore un long week-end de plus n’était
pas raisonnable pour la ferme de sa famille.

Le championnat de France de gymnastique serait peut-être le dernier


moment de communion entre les amies. Elles faisaient, depuis quelques mois,
moins de choses uniquement entre elles, entre filles. Glaème préférait passer son
temps libre avec Antoine et cela n’allait pas s’arranger avec son emménagement
chez les Donerm. Anita, la nouvelle du groupe, ne lâchait également que rarement
Erik. Quant à Bucky, elle ne se voilait pas la face ; ses copines étaient passées un
peu au second plan depuis qu’elle avait rencontré sa moitié. Bref, il allait falloir
faire de cette compétition un moment mémorable ! Il ne se renouvellerait peut-être
pas de sitôt.

Un dernier baiser à son fiancé, avant de sortir de la villa. Un signe de la main


courtois d’en revoir à Céssix Sky pour ne pas envenimer une situation déjà
complexe entre les deux membres de sexe féminin du foyer, et Bucky monta dans
sa voiture pour passer chercher Nolwenn, Glaème, Lily et Anita. Elle avait bien senti
qu’elle laissait un Béhuit craintif et stressé. Quelque chose d’important allait avoir
lieu durant son absence. Elle aurait donné beaucoup pour savoir quoi, mais il était
évident que ni Béhuit et encore moi Madame Sky, ne lui en dirait plus.

***

421
Une fois toutes ses amies récupérées, Bucky se lança en direction de
l’Accor Arena de Paris. Le trajet prendrait environ une heure d’après le GPS. Ce
temps fut mis à profit pour échanger entre elles. Évidemment, c’est rapidement
Bucky qui fut la cible de questions. Sa mise en ménage avec Béhuit était bien
l’information la plus croustillante à se mettre à la bouche.

- Alors Bucky, comment se passe cette première semaine de vie avec Béhuit
? Demanda Lily.

- C’est un véritable bonheur de commencer et finir toutes mes journées à


ses côtés. Je suis heureuse qu’il m’ait demandé de vivre avec lui. J’adore me
réveiller les matins dans ses bras, prendre mon petit-déjeuner en couple, partir
avec sa voiture ou sa moto à l’E2C, caler nos journées l’un avec l’autre.

- Et en ce qui concerne notre charmante directrice ? Vous êtes déjà de super


copines et tu l’appelles Céssix ? Ironisa Glaème.

- Bien sûr ! Nous sommes devenues les meilleures copines du monde. C’est
tellement fort entre nous deux que je suis à deux doigts de lui proposer une
expérience à trois avec Béhuit, blagua-t-elle à son tour.

Le groupe de filles se mit à rire avant que Glaème reprenne la parole :

- Non sérieusement, comment tu gères cela ? Ça ne doit pas être simple de


vivre avec l’ex de ton fiancé qui est de surcroît ta directrice !

- Nos échanges sont très limités. On se contente de cordialités.

- Et vous allez tenir longtemps comme cela ? Demanda Nolwenn.

- Cette situation est temporaire. Dès juin, on discutera avec Béhuit de notre
vie ensemble. Il faut d’abord que j’obtienne mon diplôme. Dès que ça sera le cas,
je réfléchirai un peu plus aux suites à donner à mes opportunités professionnelles.
J’espère qu’il me suivra, quel que soit mon choix, mais il est de toute façon évident
pour moi que je ne partirai pas loin de lui s’il refuse de me suivre.

- Tu es prête à faire une croix sur des opportunités professionnelles pour


Béhuit ? Demanda Glaème, très surprise.

- Je veux faire carrière dans le monde de la danse depuis que je suis entrée
à l’E2C et je le ferai, mais j’ai un fiancé et rien ne se fera loin de lui. Il est désormais
ma priorité !

422
- Bucky, ton petit ami est entraîneur de l’équipe de volley et professeur de
culture générale à l’E2C, il ne pourra pas te suivre à l’étranger, notamment New-
York, souligna Glaème.

- Il n’est pas dit qu’il ne donne pas sa démission pour me suivre, rien n’est
acté.

- Ça ne serait pas un mal qu’il démissionne, coupa Lily.

- Pourquoi ça ? Interrogea Nolwenn.

- Il est déjà tombé amoureux d’une pom-pom-girl bien plus jeune que lui, il y
a peut-être un risque de récidive ! Répondit Lily. Et puis il se peut qu’il continue à
travailler avec Madame Sky, qui est, je le rappelle, son ex….

- Merci de me rassurer ! Dit avec second degré Bucky, mais je suis sûre que
Béhuit ne me ferait jamais ça !

Nolwenn, installée à l’arrière du véhicule avec Lily et Anita, mit un rapide


coup de coude à la volleyeuse au niveau de son flanc. Elles n’appréciaient pas la
remarque de son amie vis-à-vis de son ex-colocataire qui risquait de la faire
cogiter. Immédiatement, Lily tenta de se justifier :

- Je voulais simplement dire que repartir de zéro dans un autre pays pour
vous deux serait une bonne idée !

Bucky répondit par un silence. Ses amies n’avaient pas toutes les
informations sur Béhuit dont disposait la capitaine des pom-pom-girls. Bien
évidemment que le poste à New-York était un rêve pour elle. Bien évidemment
qu’emmener Béhuit avec elle éloignerait son fiancé de Céssix et éventuellement
des jolies étudiantes de l’E2C, mais la véritable activité de Béhuit, quelque peu
forcée de ce qu’elle pouvait comprendre, en rapport avec la défense ne lui
permettrait pas d’aller vivre à l’étranger.

- Je pense qu’il préfère rester en France, dit-elle.

- Et tu vas donc sacrifier ta carrière, ton rêve, pour quelqu’un que tu as


rencontré il n’y a même pas six mois ! S’insurgea Glaème, clairement carriériste
dans ses choix de vie.

- Mon rêve, c’est de rester avec lui jusqu’à la fin de ma vie. Des opportunités
professionnelles, j’en aurai, et j’en ai déjà une en France notamment.

423
- Honnêtement, je ne comprends pas ta décision. Si jamais cela ne marche
finalement pas entre Béhuit et toi, tu auras tout perdu ! Répondit la brillante élève
qu’était Glaème.

- Tu veux dire que pour la suite de tes études, tu ne vas pas prendre en
compte ce que fera mon frère ? Intervint Nolwenn.

Glaème se sentit profondément gênée d’un coup. Elle n’avait visiblement


jamais pensé à sa relation avec Antoine une fois son diplôme à l’E2C obtenu.

- Je suis navrée de te le dire Nolwenn, mais ma relation avec ton frère


n’entravera en rien ma carrière professionnelle. Je ne suis pas du même avis que
Bucky. Les femmes ont la chance dans ce pays de faire des choses incroyables et
ce n’est pas un garçon qui me fera dévier de mes plans professionnels.

- Mon frère est au courant de ça ? Demanda Nolwenn.

- Je n’ai jamais caché mes ambitions de faire une carrière de haut rang.
Vous le savez toutes. Antoine le sait aussi !

- Disons que bêtement, je me disais que comme tu as des sentiments pour


mon frère et que tu viens vivre chez nous de surcroît, tu prendrais peut-être un peu
plus en compte son envie et ses désirs sur tes choix futurs, s’irrita légèrement
Nolwenn qui n’était pas loin de penser que Glaème voyait Antoine uniquement
comme un loisir passager et un hébergeur de secours.

- Nolwenn, ne te méprends pas, ton frère est mon premier petit-copain et il


compte énormément pour moi, mais je ne ferai pas passer ma carrière après lui,
répondit la plus fluette des étudiantes de cinquième année.

- Glaème, tu es mon amie et je ne veux pas me fâcher avec toi pour une
histoire de garçon. Mais s’il te plaît, confirme-lui que tu as de grosses ambitions
professionnelles qui risque d’interférer sur votre vie sentimentale, conseilla
Nolwenn.

- Je pensais qu’il s’en doutait, s’excusa Glaème. Je suis désolée, je vais


l’avertir. Ton frère me plaît beaucoup. Mon intention n’est pas de le faire souffrir.

- Depuis que nous nous sommes mis tous ensemble dans la même classe
en troisième année, il est fou de toi. Tu l’as déjà rendu si triste en quatrième année
en déclinant son offre d’être ton cavalier pour le bal du nouvel an, lui fit remarquer
Bucky pour qui Antoine comptait énormément.

424
- Mais Léandro était l’un des deux seuls garçons qui faisait option danse, il
était en plus en dernière année, je ne pouvais pas décliner son offre ! Je pensais
qu’Antoine comprenait, se justifia-t-elle.

- On te demande simplement de mettre les choses au clair avec lui,


enchaîna Nolwenn, car je pense que vous n’êtes pas totalement en phase sur le
niveau d’avancée dans votre couple.

Glaème fit un oui de la tête avec un rictus de visage montrant son embarras.
Elle n’avait pas mesuré le degré d’affection que lui portait son petit ami. Il était prêt
à tout pour elle alors qu’elle, bien qu’incontestablement éprise également de lui,
ne le faisait pas passer au premier plan. Elle divergeait totalement d’avis par
rapport à Bucky à ce propos. Glaème était une excellente amie et si elle voulait
éviter une dispute avec elle, Bucky allait devoir éviter le sujet "entre l’amour et la
carrière, que doit-on faire passer en priorité ?" Il n’y avait pas réellement de bonne
réponse, personne ne détenait la vérité, elle était propre à chacun…

***

Après avoir trouvé, non sans difficulté, une place où se garer à un prix
proche de l’indécence, les cinq filles entrèrent dans l’Accor Arena. Une fois des
places assises trouvées, elles cherchèrent à localiser Shandrill. La couleur de sa
tenue, ciel et fuchsia, et ses nombreuses mèches de cheveux colorées, également
fuchsia, aidèrent ses camarades à la repérer. Elle s’échauffait tranquillement sur
son agrès de prédilection ; le sol. Cela expliquait en grande partie ses talents
d’acrobate de pom-pom-girls se rapprochant plus du cheerleading. L’étudiante de
quatrième année avait cependant plusieurs cordes à son arc puisqu’elle était
également inscrite à la poutre pour ces championnats de France. Lorsqu’elle
remarqua ses 5 amies, venues la soutenir, elle leur fit un grand sourire
accompagné d’un signe de la main. Facilement repérable par les couleurs de tenue
de gymnastique, Shandrill n’était pas seule. En plus de l’entraîneuse, deux autres
gymnastes de l’E2C étaient présentes pour la compétition. C’était une fois de plus
la preuve que les campus d’excellence ne sortaient pas uniquement de leurs
établissements des têtes bien remplies, mais également des sportifs de haut-
niveau. La compétition allait bientôt commencer. Ce très long après-midi qui se
prolongerait jusqu’en début de soirée n’avait qu’un seul et unique but pour
Shandrill ; terminer dans les 12 meilleures dans un ou deux agrès pour participer

425
à la finale du lendemain. Il y avait énormément d’attente en perspective pour les
filles, supportrices de Shandrill D’argent, mais elles étaient ensemble pour
partager ce moment, entre amies. Le temps passerait vite.

Après deux bonnes heures d’attente, le moment pour Shandrill de passer


était arrivé. Elle enleva son survêtement pour se préparer à passer à la poutre
après quelques dernières répétitions sur l’agrès. Bucky et ses amies apprécièrent
particulièrement son justaucorps à manche longue pailleté. L’E2C faisait
régulièrement appel à des consultants de renom pour concevoir et renouveler
régulièrement les tenues de sport et de pom-pom-girls de ses élèves avec une
option sport et on voyait bien la différence par rapport à la concurrence. Ce
mélange bleu ciel et rose fuchsia pailleté avec un énorme E2C d’un noir profond
inscrit sur la poitrine étincelait de mille feux.

Un dernier coup d’œil en direction de ses amies et l’étudiante de quatrième


année se lança. La donne était simple ; il fallait qu’elle obtienne l’une des douze
meilleures notes pour participer à la finale du lendemain. Bucky savait Shandrill
très douée à la poutre, mais elle l’était bien plus au sol. Elle craignait pour elle
beaucoup plus cet agrès que le suivant, pourtant, tout se passa bien. Hormis une
légère frayeur sur un léger déséquilibre, la gymnaste s’en sortit parfaitement bien
et récupéra une note la plaçant huitième alors qu’il ne restait que huit filles à
passer après elle. Glaème, Lily, Anita, Nolwenn et Bucky regardèrent avec attention
les prestations des dernières concurrentes et au bout, un premier soulagement !
Shandrill termina 12ème et se qualifiait donc pour la finale cet agrès le lendemain.
Les filles étaient folles de joie pour leurs amies qui se permit d’aller à leur
rencontre dans les tribunes pour partager son bonheur.

- Je ne vous remercierai jamais assez d’être là ! Dit la finaliste à la poutre.

- On aurait manqué cela pour rien au monde. Une copine gymnaste qui
participe au championnat de France, c’est trop la classe ! Répondit Lily alors que
Nolwenn sortait son portable pour prendre une photo de groupe.

Une fois la photo effectuée, Shandrill redescendit pour se préparer pour son
épreuve de sol, dans un peu plus d’une heure. Bucky partagea immédiatement la
photo avec Béhuit pour lui annoncer la nouvelle. Pas le moindre retour de sa part.
Elle espérait que tout allait pour le mieux de son côté. Elle ignorait totalement ce
qu’il faisait avec Céssix, mais elle savait que c’était potentiellement dangereux.
Elle ne put s’empêcher quelques frissons d’inquiétude. Nolwenn le repéra
immédiatement :

426
- Un problème ? Lui demanda-t-elle.

- C’est juste que Béhuit ne répond pas à mon message…

- Il est sans doute occupé, ne t’inquiète pas inutilement, dès demain tu seras
à nouveau avec ton homme !

Bucky ne pouvait pas partager sa véritable crainte. Elle afficha un sourire


de façade à sa meilleure amie… avant qu’elle ne renvoie discrètement quelques
minutes plus tard un nouveau message demandant si tout allait bien. Toujours
sans réponse après une heure, et alors que Shandrill se préparait à entrer à
nouveau en scène pour le sol.

Bien que beaucoup plus talentueuse au sol qu’à la poutre, les filles ne purent
s’empêcher de stresser pour Shandrill. Cet agrès était clairement son point fort et
objectif pour obtenir une médaille. Ses amies pom-pom-girls le remarquaient à
chaque entraînement ou match de volley. Bucky sourit en repensant à l’idée de
génie qu’avait eu Meyrie Dharcourt de proposer, il y a 4 ans maintenant, de ne pas
ouvrir uniquement l’option pom-pom-girl aux danseuses, mais également aux
gymnastes par mimétisme avec les campus d’excellence nord-Américains. Sans
cette idée, Bucky et les autres filles du groupe n’auraient jamais fait la
connaissance de l’étudiante gymnaste et pom-pom-girl aujourd’hui en quatrième
année. Shandrill fut l’une des deux premières gymnastes à avoir été tenté par
l’aventure et immédiatement, elle avait accroché avec Bucky, Nolwenn et Glaème.
Certes, l’intégration dans les pom-pom-girls n’avait pas été spécialement facile car
la danse était la base de l’activité et elle n’en faisait pas, mais ses amies
l’accompagnèrent et la firent progresser afin de l’intégrer dans le groupe malgré
les réticences des plus anciennes pom-pom-girls de cette époque. Aujourd’hui,
Bucky pensait que c’était un privilège de l’avoir dans son groupe et qu’après son
départ, elle serait une capitaine remarquable. La pratique de cette activité lui
servait clairement aujourd’hui ; Bien que l’agrès du sol soit avant tout une épreuve
de gymnastique, quelques pas de danses et de grâce pour conquérir le jury était
nécessaire et Shandrill D’Argent avait désormais ces qualités. A la fin de sa
prestation, aucune fille n’avait le moindre doute sur sa qualification puisqu’elle
resta un très long moment deuxième pour finir finalement 4ième. Elle était qualifiée
pour la finale du lendemain pour la poutre et le sol. Une fois le résultat connu, elle
fit un énorme câlin à son entraîneuse avant de courir rejoindre Bucky et les autres.
Quelques photos toutes ensemble puis un appel à Karim, suivi de ses parents pour
annoncer la bonne nouvelle de vive-voix avant de proposer à ses amies de
confirmer la réservation de l’hôtel tout proche pour passer du bon temps ensemble

427
à flâner à Paris. Toutes les filles salivaient d’avance sur ce programme. Toutes
sauf peut-être une… Bucky, qui n’avait toujours pas de retour de Béhuit.

***

Photos au pied de la tour Eiffel, balade en bateau-mouche puis à pied


jusqu’à la pyramide du Louvre et le jardin des tuileries. Les 6 étudiantes, sans trop
rentrer tard pour cause de deuxième journée de compétition pour Shandrill,
passèrent un moment inoubliable. Cela faisait un bien fou de ne se retrouver
qu’entre filles, même si Glaème, Anita, Shandrill et Bucky avouèrent penser à leur
petits-amis respectifs durant certains moments de cette virée. Bucky retrouva
rapidement le sourire lorsqu’en début de balade elle reçut enfin un retour de
Béhuit : "Je vais bien, félicites Shandrill, tu me manques". Libérée de son inquiétude,
elle profita comme ses amies, à fond de l’instant. Jeunes et jolies, elles ne
manquèrent pas de se faire accoster par quelques jeunes hommes en recherche
d’affection sur le chemin du retour, mais alors que Lily prit tout de même un
numéro de téléphone avec l’un d’eux, Bucky comprit que Béhuit l’avait changé ; la
chasse aux garçons ne l’intéressait plus ! Alors qu’elle était, il y a encore peu,
particulièrement douée dans ce domaine. Elle avait grandi, mûri, et surtout aucun
homme ne lui faisait ressentir autant de chose que Béhuit. Avec lui, elle transitait
tout simplement de jeune fille à femme. Il était étrange de constater comment un
seul l’homme, même si certes il s’agissait de celui qui lui était destiné, l’avait
métamorphosée.

Comme convenu, et afin de ne pas hypothéquer les chances de succès de


Shandrill, les filles ne se couchèrent pas trop tard à l’hôtel qu’elles avaient réservé.

***

Après une embuscade "attaques d’oreillers" savamment orchestrée par


Bucky et Lily à l’encontre de Shandrill pour le réveil afin de passer encore un bon
moment entre copines. Les filles retournèrent à l’Accord Arena pour la finale du
championnat de France de gymnastique. Une accolade supplémentaire avec
chacune de ses amies, et Shandrill partit en direction du coin "athlète" pour se

428
préparer au mieux. La compétition reprenait pour elle alors que son groupe de
soutien rejoignit le coin spectateur. Une longue attente commença. Smartphone,
discussions ou révision pour les plus studieuses, tout était bon à prendre pour
passer le temps. Bucky en profita pour envoyer quelques mots d’amour à Béhuit
encore une fois sans retour. Il était décidément très occupé, même pour sa future
fiancée.

Après deux heures d’attente, le moment de passer pour Shandrill au sol était
arrivé. Clairement la discipline où elle avait le plus de chance d’obtenir un excellent
résultat. Les filles la sentaient stressée comme jamais. Bucky comprenait en se
projetant à sa place ; les championnats de France, ce n’était pas rien ! Surtout pour
décider de l’ordre des 12 meilleures du pays dans cette discipline. Les étudiantes
se tinrent les mains les unes des autres pour former une chaîne comme pour
mieux canaliser leurs énergies afin d’envoyer de bonnes ondes à leur amie
gymnaste.

Shandrill D’Argent s’élança sur une musique entraînante et commença


rapidement plusieurs figures acrobatiques. Comme dans toutes disciplines
sportives hormis ce qui touche de près à la danse, Bucky ne connaissait pas grand-
chose à la gymnastique, mais une chose était certaine, Shandrill était une véritable
acrobate. Ce qu’elle proposait en tant que pom-pom-girl n’était que du menu fretin
par rapport à ses pleines capacités qu’elle montrait dans cette compétition. Les
amplitudes de ses sauts étaient hallucinants. Au terme d’une prestation
éblouissante, les étudiantes supportrices crièrent de joie. La gymnaste aux
cheveux noir et fuchsia tomba dans les bras des autres gymnastes de l’E2C.
Apparemment, elle était contente de sa prestation. Cela se confirma rapidement
par la note obtenue qui la plaça à la première place provisoire, en attendant les
trois dernières et meilleures concurrentes.

C’était particulièrement horrible et immoral, mais à chaque passage des


gymnastes suivantes, Bucky en venait à souhaiter qu’elles se ratent. Désirer
l’échec d’un autre pour réussir était tout ce que la capitaine des pom-pom-girls
détestait, c’était en partie pour cela que Bucky n’était pas fan de sport. Cette
activité faisait ressortir les mauvais côtés de la nature humaine. Une fois les deux
filles suivantes passées, Shandrill se retrouva troisième, toujours synonyme d’une
place sur le podium, mais il restait encore une dernière compétitrice réputée
comme la favorite. La donne était donc simple, contrairement aux qualifications,
il fallait que la jeune fille de 18 ans n’impressionne pas le jury pour que Shandrill
obtienne une troisième place.

429
C’était connu, le malheur des uns faisait toujours le bonheur des autres. Ce
vieil adage se confirma une fois de plus. Sans doute paralysée par l’enjeu, la
dernière gymnaste se loupa dès le début de sa prestation par une réception sur les
fesses ! Quelques minutes plus tard, la confirmation tomba, la dernière
concurrente avait obtenu une note inférieure à celle de Shandrill qui explosa de
joie ! Elle était médaillée de bronze des championnats de France pour l’agrès sol !
Ses amies lui firent plein de geste de tendresse de leur tribune. Elle ne pouvait
cependant pas venir à leur rencontre. L’étudiante de 4ième année devait se
reconcentrer ; elle participait également à la finale à la poutre dans deux petites
heures.

Nouvelle attente, puis le moment de monter sur la poutre. Shandrill


paraissait moins stressée, sans doute aidée par son résultat magnifique à l’agrès
précédent. Quelques petits déséquilibres, mais globalement une bonne prestation
permit un résultat honorable dans ce qui n’était pas sa spécialité ; Septième.
Shandrill avait l’air heureuse de sa performance. Pour Bucky, il ne s’agissait même
pas d’une performance, mais d’un don hors du commun. Comment était-il possible
de faire de telles figures sur une poutre si peu large ? Les capacités physiques et
d’équilibre de son amie l’émerveillaient.

Une grosse heure plus tard, ce que tout le groupe E2C attendait arriva.
Shandrill monta sur le podium pour recevoir sa médaille pour la spécialité "sol".
Nolwenn, Glaème, Lily, Anita et Bucky étaient toutes sans exception en train de
filmer et prendre des photos de la scène. Bucky n’oublia pas de les partager avec
Karim et Béhuit alors que Nolwenn le faisait pour ses frères. Tous seraient heureux
pour elle. Shandrill serait sans nul doute le sujet d’information principal dès
demain à l’affichage du panneau géant d’information du campus.

Un petit moment supplémentaire et Shandrill put serrer fort ses amies pour
mieux faire part de son émotion de joie. Elle montra fièrement sa médaille à ses
amies alors que son téléphone se mit à sonner ; Karim tentait de la joindre par visio
pour la féliciter de vive voix. Il semblait à la fois si heureux du résultat de sa petite
amie et si déçu de ne pas avoir pu venir. Les relations longues distances étaient
vraiment une chose ardue à gérer. Bucky était heureuse de ne pas avoir à vivre ça
avec Béhuit. Pourvu que la poursuite de ses études ou son passage dans la vie
active ne pose pas ce problème l’année prochaine, pensa-t-elle, anxieuse.

***

430
Bucky avait ramené toutes ses amies une à une dans leurs appartements
ou maisons respectives. Elle termina par Nolwenn et Glaème en profitant de
l’occasion pour faire un coucou aux parents Donerm qu’elle voyait désormais
beaucoup moins. Il était important pour elle de leur montrer qu’elle ne les oubliait
pas malgré son déménagement pour aller vivre avec Béhuit. Antoine et Erik étaient
également présents. La famille était au complet pour accueillir Glaème, en lieu et
place de Bucky. La petite amie d’Antoine emménageait officiellement pour sa
première nuit. Un pot de bienvenue fut organisé et Bucky y participa. Une sorte de
passation.

- Des conseils particuliers à me donner pour ma vie ici ? Demanda Glaème


à Bucky avant qu’elle ne parte une fois la petite festivité terminée.

Elle sourit, les parents étaient en train de débarrasser les verres et donc
suffisamment loin pour ne pas les mettre mal à l’aise par rapport à ce qu’elle
s’apprêtait à répondre :

- Oui. Ta chambre se trouve en haut avec Nolwenn. Ne te perds pas dans la


chambre en bas, qui est celle d’Antoine, rigolant à sa propre blague.

- Je ne peux rien te promettre, j’ai un très mauvais sens de l’orientation.


Autre chose ?

- Une seule ! Rassure-toi, cette famille est vraiment géniale, dans sa


globalité. J’espère que tu passeras autant de bons moments que moi dans cette
maison !

La capitaine des pom-pom-girls quitta les lieux après avoir dit en revoir à
tous les occupants du foyer. Le moment pour elle était venu de rejoindre Béhuit ;
deux jours et une nuit sans lui, c’était bien trop long.

***

Alors qu’elle s’engageait en voiture en direction de sa demeure commune


avec Béhuit. Bucky fut contrainte de piler avec sa voiture au moment de s’engager
dans sa rue ! Deux immenses véhicules noirs, aux vitres teintées, venaient de lui
couper la route sans prêter la moindre attention à son véhicule bien plus petit.

431
Deux grosses cylindrées ; elle devinait qu’elles repartaient de chez elle. Bucky
aurait bien aimé savoir qui se trouvait dedans. Elle avait juste eu le temps de
remarquer que la plaque d’immatriculation du dernier véhicule était particulière et
ne correspondait pas aux standards européens ; des plaques diplomatiques ou
d’état !

L’étudiante gara son véhicule à sa place de stationnement de la villa qui lui


était désormais réservée. Béhuit, Céssix, et donc désormais Bucky, avaient chacun
la leur en plus d’un petit emplacement supplémentaire réservé pour la moto de son
compagnon. Tous les véhicules étaient à leur place. Béhuit et Céssix étaient donc
probablement présents. La brune à la mèche fuchsia entra dans la villa après avoir
composé son code numérique personnel d’entrée et posé son doigt pour
confirmer le déverrouillage de la porte par reconnaissance digitale. Elle entra en
s’annonçant. Personne ne semblait être au rez-de-chaussée, peut-être à l’étage ?
Elle s’apprêta à monter juste avant d’apercevoir un vêtement qui la figea de peur !
Un débardeur blanc, qui n’étant pas le sien, devait probablement appartenir à
Céssix Sky était à terre dans la cuisine et avec une immense tache de sang sur
son flan et troué à cet endroit. Elle appela d’une voix forte Béhuit… pas de retour.
Inquiète, elle monta à l’étage rapidement. En haut, elle remarqua immédiatement
que la porte de chambre Céssix était entrouverte, fait qu’elle n’avait pas connu
jusqu’alors. Un coup d’œil rapide dans sa propre chambre et celle de Béhuit pour
constater la non-présence de son compagnon. Rongée par la peur et la curiosité,
elle ouvrit un peu plus la chambre de Céssix pour y découvrir sa directrice…
topless, assise dans son lit avec Béhuit à ses côtés en train de l’aider à enfiler un
haut ! Prête à faire une scène, elle se ravisa cependant. Céssix n’était pas au
mieux. Elle avait clairement du mal à effectuer certains gestes. Un immense
hématome bleu accompagné d’une plaie montrait bien qu’elle ne jouait pas la
comédie. La directrice l’aperçut en train de l’épier.

- Délavigna, sortez de cette chambre, vous n’avez rien à faire ici ! Vous êtes
dans mes quartiers privés, dit-elle avec un effort non dissimulé.

- Je voulais simplement m’assurer que vous n’aviez pas besoin d’aide


supplémentaire, se justifia Bucky, qui en profita tout de même pour jeter un œil
dans sa chambre.

La chambre de Céssix était identique en tout point à celle que Bucky


partageait avec Béhuit. Aussi austère ; pas un élément de décoration et avec une
salle de bain privative qu’elle venait d’utiliser il y a très peu de temps, la buée
ambiante en attestait. Céssix avait encore ses longs cheveux blonds humides et

432
une serviette posée sur le lit venait d’être utilisée pour la sécher. Cette douche
expliquait la raison de sa nudité et son état précaire la raison de la présence de
Béhuit, bien qu’elle n’appréciât pas du tout le fait que son fiancé puisse se rincer
l’œil en servant à son ex d’aide-soignant. Son regard fut attiré vers le bureau ; un
matériel de la forme et la taille d’un demi-pamplemousse d’un acier gris
indéterminé en plus d’un ordinateur très high-tech et d’une pile de dossiers papier
y étaient posés. Une arme y était également présente, la même que Béhuit avait
dissimulé dans sa voiture.

- Bucky, s’il te plaît, sors. J’arrive sous peu, d’accord ? Lui dit simplement
Béhuit, clairement dans l’embarras.

L’étudiante venait de comprendre que Béhuit n’avait pas eu une simple


réunion ce week-end comme il lui avait annoncé, mais bel et bien une opération de
terrain dont elle ignorait tout. Un tas de questions lui brûla les lèvres, pourtant elle
se contenta de refermer la porte de la chambre de Céssix en sortant dans un
mutisme absolu. Elle avait accepté cette condition en se mettant en couple avec
lui. Elle avait même signé une clause de confidentialité à ce propos avec Madame
Sky. Elle n’espérait qu’une chose ; que Béhuit lui en dise un peu plus. Un mariage
était prévu entre eux à moyen terme, peut-être que cette situation aiderait
l’entraîneur de volley-ball à se confier un peu plus à elle.

Elle retourna au rez-de-chaussée et se mit à faire cuire des pâtes.


Heureusement que son cadeau de Noël à destination de Béhuit était présent.
Faute de cela, il n’y aurait rien eu à manger. Une énième commande par livraison
aurait été faite. Mais pour s’apaiser, rien de tel que de cuisiner pour Bucky et puis
une assiette de pâtes pour une blessée était le menu simple et idéal par excellence
pensa-t-elle. Elle ne voulait en aucun cas entrer en conflit avec Céssix et ce petit
geste montrait ses intentions pacifiques.

Quelques pâtes crues qu’elle croqua en attendant la cuisson, comme elle


aimait le faire, ne l’apaisa pas plus que cela. Le fait de penser que Béhuit avait une
Céssix nue à disposition l’insupportait, même si elle savait devoir faire preuve de
contrôle. Un coup d’œil rapide vers les escaliers donnant vers l’étage et elle
aperçut Béhuit la regarder en train de surveiller la cuisson du repas en préparation.

- Tu fais à manger ? Demanda-t-il, dans une tentative d’amorce de


communication avec elle.

- Cuisiner m’apaise… répondit-elle.

433
Il descendit lentement des escaliers pour s’approcher d’elle.

- Bucky… Je ne sais pas trop par où commencer…

- Tu l’aimes toujours ? Coupa-t-elle sans détours.

- Non…. Je t’assure que non, répondit-il immédiatement et calmement.

- Alors tu n’as rien à me justifier… elle est blessée, je l’ai vue. Il est légitime
que tu t’occupes d’elle. C’est simplement que je suis contrariée que tu puisses la
voir nue sans qu’elle ne fasse aucun effort de pudeur et nous savons tous les deux
strictement pourquoi.

- Bucky ! Céssix est mon ex, je l’ai déjà vu dans le plus simple appareil, tenta-
t-il de se justifier calmement.

- Et je suis ta petite amie et ta future fiancée. Je ne cherche pas à me fâcher


avec toi, mais je pensais bêtement que la seule fille que tu avais à disposition sans
ses vêtements désormais, c’était moi et que cela te suffisait !

- C’est le cas ! Céssix avait besoin de prendre une douche et elle rencontrait
des difficultés pour le faire. Je l’ai aidée avec son accord.

- Je sais. J’aurais simplement aimé que tu me préviennes. Pour être


franche, je comprends bien qu’elle est ton équipière, mais j’ai peur Béhuit. Peur
pour ta sécurité quand je la vois dans cet état. Peur qu’elle parvienne à te ramener
à elle de nouveau. Vous avez tellement de secrets, et partagez tellement, alors que
moi, je ne peux que cuisiner et me morfondre sur notre absence de points
communs et ne rien savoir de ta vie, expliqua-t-elle, les yeux teintés de tristesse.

L’étudiante à la mèche fuchsia craignait terriblement de perdre Béhuit. Ce


qu’elle venait de voir la ramena à la dure réalité. Sans qu’elle le sache, Béhuit avait
risqué sa vie aujourd’hui vu l’état de sa partenaire et cette même partenaire, avec
qui il partageait tant de secrets, avait des sentiments pour lui.

- Ma pom-pom, sache que tout est fait pour que ma sécurité soit assurée.
Je te promets que j’ai été très prudent aujourd’hui. Tu remarqueras d’ailleurs que
je suis revenu sans la moindre égratignure. Et concernant notre relation, si je
t’aime, c’est justement parce que nous ne sommes pas du même monde. Toi et
moi, on se complète parfaitement !

434
Il s’approcha pour la prendre dans ses bras. Sans doute avait-il ressenti les
craintes de sa petite amie. Elle se laissa enlacer avant de le serrer à son tour avec
ses bras. Ces moments de tendresse entre eux, elle les adorait.

- S’il te plaît, à l’avenir, si elle est de nouveau nue, quitte la pièce, demanda-
t-elle.

- Je t’assure que tout a été fait pour, mais il lui était impossible d’enlever
ses vêtements et d’en enfiler de nouveaux, seules.

Bucky versa une larme. Céssix avait de nombreux atouts. Elle était plus
expérimenté que Bucky, connaissait bien mieux Béhuit et semblait avoir tellement
plus de points communs avec son petit ami qu’elle ne pouvait en avoir.

Il posa la main sur sa joue pour lui essuyer sa larme.

- Pour la première fois de ma vie, j’ai peur de ne pas être à la hauteur Béhuit.
Peur de ne pas te mériter. Je me sens tellement perdue par rapport à tes soucis,
de ne pas pouvoir te soutenir comme tu le devrais, se confia-t-elle.

- Bucky, ne cherche pas à faire ce que tu ne sais pas faire par peur de me
perdre. Je t’aime car, toi et moi, nous sommes différents. Je ne te demande pas
de changer pour moi.

Le minuteur de la plaque de cuisson sonna. Les pâtes étaient prêtes !


L’étudiante proposa à Béhuit de monter une assiette pour Céssix, pendant qu’elle
dressait la table de cuisine pour eux deux. Il l’embrassa succinctement pour lui
montrer qu’il appréciait les efforts qu’elle faisait avant de monter le plat à l’étage
pour Céssix, agrémenté d’un grand verre d’eau. Il redescendit rapidement pour
venir manger avec elle, en tête-à-tête. La vie commune avec lui, mis à part Céssix
et les secrets qu’il partageait avec elle, était un vrai bonheur. Une fois le repas pris,
ils se préparèrent un thé et sortirent sur la terrasse pour le boire après s’être
habillés relativement chaudement.

De nuit, l’E2C était magnifique de l’autre côté du lac. Elle le contempla


longuement, serrée contre Béhuit qui l’invita rapidement à descendre de la
terrasse, puis sortir du jardin et ainsi faire une petite sortie privative les menant au
bord de l’étendue d’eau. D’ici, l’E2C y était encore plus majestueux. Quitter cet
établissement en fin d’année allait être un véritable déchirement. Ce lieu, elle le
prenait comme un foyer. Puis elle se laissa à une confidence à voix haute à Béhuit
qui l’enlaçait encore et toujours.

435
- J’espère que nos enfants iront également à l’E2C, quand ils en auront l’âge.

- Nos enfants ? Interrogea Béhuit d’un ton inquiet en regardant le ventre de


la pom-pom-girl.

- Ne panique pas ! Je n’ai rien à t’annoncer, je pensais simplement à voix


haute. On va attendre encore quelques années pour les enfants si tu veux bien !
Sourit-elle.

Il ne répondit pas. Il semblait réfléchir. Encore une fois, il cherchait à lui


dissimuler quelque chose. Elle insista :

- J’ai une pilule microdosée implantée sous mon bras ! C’est seulement une
envie pour un futur loin d’être proche. Tu ne veux pas d’enfant plus tard ?

- Le futur est une chose par nature incertaine. Peut-être bien plus sombre
que la plupart des gens l’imaginent. Un enfant avec toi serait un véritable cadeau
pour moi, mais sera-t-on capable de faire en sorte qu’il ait une belle vie ? Je ne suis
même pas certain de pouvoir te préserver de tout ce qui t’attend en restant avec
moi.

- Ton pessimisme m’effraie quelquefois… mais j’ai de l’optimisme à


revendre, suffisamment pour nous deux, voire pour plus si nos futurs enfants
héritent de la joie de vivre de leur père, répondit-elle afin de lui donner du baume
au cœur.

Il se serra un peu plus contre elle, sans rien ajouter. Ses activités inconnues
du week-end ne l’incitaient vraisemblablement pas à la fête. Qu’avait-il fait avec
Céssix d’aussi dangereux et déprimant ? Inutile d’espérer la moindre réponse de
sa part.

- Regarde Béhuit. Cette vue splendide de nuit sur l‘E2C, les pieds au bord du
lac, à tes côtés. Cette villa magnifique que tu m’as proposé de partager avec toi.
Cette proposition de fiançailles. Tu fais mon bonheur, lui dit-elle en le fixant.

Leurs deux téléphones se mirent à vibrer au même moment ; une


notification venait de tomber. Une bombe cyclonique s’apprêtait à déferler sur la
France et une partie de l’Europe. On attendait une véritable tempête de neige et
des températures inférieures à -20°C. Les premières estimations parlaient de plus
d’un mètre de poudreuse en quelques heures dans la soirée de mardi à mercredi
midi. La situation était plutôt plaisante, pensa Bucky. Elle allait en toute hypothèse
être confinée avec Béhuit dans la villa !

436
***

La performance de Shandrill aux championnats de France de gymnastique


ne fut malheureusement pas saluée à sa juste valeur sur le campus. La tempête
de neige qui s’annonçait était sur toutes les lèvres et phagocytait toutes les autres
informations. Ce qui se préparait était annoncé comme un évènement centennal.
Il était conseillé de rester chez soi et de faire des provisions de sécurité. A cette
fin, les cours à partir de mardi étaient annulés jusqu’à probablement la fin de la
semaine. Des cours par visio seraient possiblement donnés pour ne pas prendre
trop de retard sur les programmes.

Les derniers moments de cours de la semaine en présentiel furent donc la


séance de volley-ball commune avec les pom-pom-girls le lundi soir. Bucky ne
manqua pas l’occasion de préparer un petit pot pour fêter le résultat de son
équipière pom-pom-girl de quatrième année. Il était nécessaire de marquer le
coup. Béhuit et son équipe écourtèrent également leur séance dans l’optique de
participer à la fête, même si son partenaire de vie semblait contrarié de devoir
annuler probablement tous les entraînements de la semaine. Le huitième de finale
approchait à grand pas pour les garçons et cette tempête allait clairement mettre
un coup d’arrêt à la progression des volleyeurs. Bucky était plutôt mi-figue, mi-
raisin pour les jours qui s’annonçaient. Côté bonne nouvelle, le départ de Céssix
dont l’état de santé s’améliorait, mais qui partait, ce soir même, en lieu sûr pour
récupérer totalement ses forces. Elle se fichait totalement de la localisation du lieu
sûr en question, tout ce qu’elle avait compris, c’est qu’elle allait passer, une durée
indéterminée, isolée du monde avec Béhuit. Côté mauvaise nouvelle, l’annulation,
tout comme pour les volleyeurs des entraînements de pom-pom-girls et surtout,
en toute probabilité, son premier cours de culture générale la matinée du samedi
sur les gestes de premiers secours dirigé par Béhuit. C’était bien dommage,
l’étudiante pom-pom-girl aurait bien joué le cobaye pour son professeur,
particulièrement pour l’exercice de bouche-à-bouche. Tant pis, elle le ferait en
cours "très particulier" à la villa.

Les étudiants ne s’éternisèrent pas trop une fois les entraînements et la


petite fête en l’honneur de Shandrill terminée. Les températures chutaient déjà.
Tout le monde se préparait à se calfeutrer ou se réfugier chez de la famille. Bucky,
elle, n’était pas préoccupée par l’évènement météorologique à venir. Les
employeurs de Béhuit, les vrais, lui avaient livré pléthore d’équipements et de

437
denrées pour tenir un véritable siège. L’étudiante n’allait pas s’en plaindre, pour
une fois que les placards allaient être pleins ! La vie à la villa s’annonçait sereine.

Elle rentra, non sans attendre un peu Béhuit, qui fut le dernier à sortir. Il était
ressorti de son bureau avec un sac noir avant de la rejoindre dans l’Audi pour partir.
Elle ne put s’empêcher de le questionner sur ce sac, mais compris rapidement qu’il
ne désirait pas en parler.

***

La tempête n’était même pas encore arrivée qu’une sorte de prudence


gagnait déjà la population de Cley ; il n’y avait personne dehors. Il faut dire que les
informations n’incitaient pas à l’optimisme, la bombe cyclonique annoncée se
faisait déjà sentir avec des températures bien inférieures à zéro. La domotique de
la villa annonçait -10°C le mardi midi alors que le ciel se couvrait lentement et le
vent se renforçait progressivement. Les médias ne cessaient d’inciter à la
prudence tout en développant sur l’irrémédiable dérèglement climatique qui, cette
fois-ci, allait faire passer la France et ses voisins dans une puissante tempête
polaire.

Bucky était plus inquiète pour ses amies que pour elle-même. Concernant
les Donerm et Glaème, elle les savait relativement en sécurité avec une cheminée
en cas de coupure d’électricité. Mais pour les étudiants comme Shandrill vivant
dans les logements étudiants et sans solution familiale proche, c’était plus
inquiétant ; absolument tout était électrique là-bas alors que des coupures de
courant étaient à prévoir. Il y avait un risque qu’elle se retrouvent sans chauffage !
Elle aurait bien invitée ses amies à venir dormir à la villa, mais Béhuit avait été
catégorique et intransigeant ; il ne souhaitait personne à la villa. L’étudiante à la
mèche fuchsia avait compris pourquoi ; certains équipements livrés en vue des
intempéries pouvaient soulever énormément d’interrogation. Un générateur de
secours ressemblant plus à un prototype high-tech était installé dans le salon. Le
placard à pharmacie était rempli de gélules plus ou moins grosses qu’elle n’avait
encore jamais vues, quant à la nourriture, certains produits lui étaient carrément
inconnus, Bucky n’était même pas sûre, malgré leur rangement dans la cuisine,
que ces produits soient destinés à être consommés. Toute la matinée, Béhuit avait
installé ou déplacé plusieurs caisses. Elle l’aida sans comprendre réellement
parfois ce qu’elle déplaçait. Elle le savait, Béhuit ne lui dirait rien sur tout ça, mais

438
elle était pourtant satisfaite ; il lui faisait désormais suffisamment confiance pour
lui laisser regarder, et cela, c’était une véritable avancé pour elle-même sur son
objectif qui était à plus ou moins long terme que son compagnon n’ait plus aucun
filtre avec elle.

Le midi, tout fut prêt selon les dires de son compagnon. Elle le contempla
durant le repas qu’il avait rapidement préparé sans dire mot.

- Quoi ? Demanda-t-il

- Rien, je suis simplement heureuse de partager ces moments avec toi. Je


te remercie de t’ouvrir à moi.

- Tu ne dévoileras rien, j’espère ?

Elle rigola légèrement.

- Béhuit, mis à part du matériel grand froid, j’ignore même la fonction des
équipements que nous avons placés de-ci, de-là dans cette villa. Je n’en ai soit
jamais vu auparavant, soit nous avons déplacé de petites caisses opaques ne
laissant rien paraitre.

- Il est préférable que je ne t’en dise pas plus.

- On ira au rythme que tu décides, sache juste que je ne dévoilerai rien à


personne et que tu peux me faire confiance. Je ne ferai jamais rien à ton encontre.

Rapidement, la discussion entre eux dérapa sur une proposition de "sieste


crapuleuse" de la part de Béhuit que Bucky accepta sans la moindre hésitation. En
tête-à-tête pour un certain temps, les prochains jours s’annonçaient très chauds
malgré les températures extérieures.

***

Dès la fin d’après-midi, les premiers flocons commencèrent à tomber. Ils


gagnèrent très rapidement en intensité alors que le froid s’aggravait ; la
température sur la terrasse indiquée par la domotique couplée à une station météo
indiquait -18°C. Le vent soufflait également de plus en plus fort. Des congères de
neige se formèrent rapidement. L’environnement devenait silencieux. La neige
avait cette extraordinaire capacité d’absorber le bruit. Par sécurité, Béhuit avait

439
déjà mis en route le poêle à bois ; outil de romantisme absolu quand la nuit
commençait à tomber. Ils regardèrent durant plusieurs heures le phénomène
s’intensifier tout en mangeant une quiche que Bucky s’était amusée à préparer
elle-même. Seuls dans la villa, ils en profitèrent pour improviser un matelas avec
plusieurs couvertures et coussins et prirent également la couette de leur lit pour
bien rester au chaud près du feu de bois pour faire l’amour avant de rester là pour
s’endormir. Avant de fermer l’œil, elle repéra qu’elle n’avait plus de réseau
téléphonique… juste avant que l’électricité de la villa ne se coupe ! Pas de panique
pour autant ; dans les bras de Béhuit et près du poêle fournissant une puissante
chaleur, elle était invulnérable…

***

Bucky ouvrit les yeux. C’était probablement le matin, mais elle mit un certain
temps à le confirmer. Les volets étaient fermés du côté cour. La double porte-
fenêtre qui donnait sur la terrasse et le jardin permettait un accès limité à la
lumière. Il faisait un temps exécrable sans soleil avec encore une neige abondante
qui tombait. Il y avait déjà plus d’un mètre de poudreuse au sol. Aucun signe d’un
quelconque rétablissement du courant, tout était éteint y compris le tableau
central de commande de la domotique. Elle n’avait pas froid malgré sa simple
nuisette sous les couvertures, le poêle avait encore du bois qui se consumait pour
engendrer une douce chaleur. Béhuit avait dû probablement se lever plusieurs fois
cette nuit pour entretenir la seule source de chauffage disponible. Elle ne l’avait
pas entendu le faire. Elle se connaissait, elle avait le sommeil assez lourd.

Son fiancé dormait encore paisiblement. Elle se leva avec précaution pour
le laisser dormir. Un coup d’œil rapide sur son téléphone qui indiquait 8h30 et pas
de réseau disponible. Les médias ne s’étaient pas trompés ; la neige, le froid et le
vent combinés avaient endommagé le réseau de distribution EDF. Fort
heureusement, le poêle disposait d’une partie four sur sa partie supérieure. Utile
pour faire chauffer le café du matin pour accompagner les viennoiseries du petit-
déjeuner. Par sécurité, elle remit une bûche de bois dans le foyer et se mit à réviser.
Il n’y avait rien à faire d’autre sans courant. Heureusement que les ordinateurs
portables étaient sur batterie.

440
Après une heure à réviser dans le lit qu’elle avait improvisé avec son
compagnon dans le salon, elle se leva pour servir le petit déjeuner sur plateau à
Béhuit qui se réveillait doucement.

- Petit déjeuner pour l’homme de ma vie ! Dit-elle une fois le plateau déjeuner
préparé.

- Merci, femme de mes rêves, répondit-il en s’asseyant avant de prendre ce


que lui avait concocté sa moitié.

Il jeta un coup d’œil vers la porte fenêtre pour évaluer l’évolution des
conditions météorologiques.

- Le courant est coupé. Il n’y a également plus de réseau téléphonique et


internet. Nous sommes seuls au monde pour un bon moment ! Lui annonça-t-elle.

- J’ai l’impression que la situation ne te déplaît pas ?

Elle répondit avec un sourire enthousiasmé tout en se collant à lui. Son


bonheur baissa cependant d’intensité lorsque le téléphone de son compagnon se
mit à vibrer. Il avait du réseau, satellitaire sans doute. Le contraire aurait été
finalement étonnant. Ils n’étaient malheureusement pas si seuls au monde que
cela. D’un air coupable, il répondit en se levant pour s’éloigner d’elle. Évidemment,
le contenu de cet appel ne devait pas arriver jusqu’aux oreilles de l’étudiante.

Elle attendit cinq bonnes minutes le retour de Béhuit qui s’était isolé dans
la salle de sport en remettant juste avant une nouvelle bûche dans le poêle à bois
et en regardant dehors. La hauteur de neige ne devait pas être loin des 1m50 et
l’intensité des chutes de neige ne baissait toujours pas. Elle espérait que tous ses
amis du campus allaient bien. Tout le monde n’avait pas de poêle à bois pour se
réchauffer. Le paysage dehors était féerique malgré la faible visibilité, tout était
blanc. On se croyait dans le grand nord Canadien !

Béhuit revint à ses côtés.

- Tout va bien ? Lui demanda-t-elle, même si elle savait que Béhuit ne


rentrerait probablement pas dans les détails.

- Oui, rassure-toi. C’était Céssix qui va très bien. Elle revient une fois la
tempête terminée.

- Je suis heureuse pour elle, mais je préfère quand elle ne vit pas sous notre
toit. J’espère que cette tempête va durer !

441
- Elle va baisser doucement en intensité tout au long de la journée. Le pays
est quasiment entièrement paralysé et sans courant. Quelle idée de génie a eu la
France de passer au tout électrique ! Avec le froid ambiant et sans chauffage, il y
a un risque réel qu’une partie de la population meurt de froid !

Bucky s’inquiéta immédiatement, en premier lieu, pour Shandrill qui ne


possédait pas de chauffage autre que de source électrique comme la villa de
Béhuit ou la maison des Donerm.

- Tu as besoin d’appeler tes parents pour les rassurer ? Lui proposa Béhuit
en lui tendant son téléphone.

Elle accepta la délicate attention en envoyant un message à ses parents


pour leur annoncer tout simplement de ne pas se faire du mauvais sang ; elle était
en parfaite sécurité dans la villa de Béhuit. Et elle l’était un peu plus encore
maintenant ; le temps de dicter le message au smartphone de son compagnon
que le blond à la mèche ciel avait enclenché le générateur de secours qu’on leur
avait fourni. Tout se remis en marche immédiatement, y compris la domotique qui
annonçait une température extérieure de -20°C et une pression atmosphérique
très basse. Bucky fut à moitié surprise de constater que la maison avait récupéré
un réseau internet également, tout comme le téléphone de son compagnon. Elle
le fut beaucoup plus quand elle vit Béhuit s’habiller chaudement pour se préparer
à sortir.

- Les pouvoirs publics nous ont demandé de rester cloîtrés chez nous !
L’interpella Bucky.

- Il faut savoir faire preuve de désobéissance civile quelques fois, dit-il


calmement. Céssix m’a demandé de m’assurer que tout allait bien pour tes
camarades dans le village étudiant. Ils sont sans courant et sans chauffage.

- Il y a plus d’un mètre de poudreuse dehors ! Faire les quelques kilomètres


pour les rejoindre est impossible.

- Reste bien au chaud ici et ne t’inquiète pas, la villa est équipée. Il faut juste
que j’atteigne la cabane sur le côté du jardin, répondit-il.

- Il y a une dameuse dans la cabane ? Questionna-t-elle afin de se moquer


de lui pour mieux cacher une certaine inquiétude.

- Non, mais une motoneige oui, dit-il en souriant et fièrement.

- Une motoneige ! S’étonna-t-elle.

442
- On est loin de nous avoir laissé sans matériel dans ce blizzard. Il faut juste
pouvoir la sortir de la cabane, je risque de devoir creuser un peu.

- Tu vas partir seul en motoneige là-bas ?

- Ça devrait être rapide, le lac est gelé, je vais passer par là pour rejoindre
les résidences étudiantes, l’épaisseur de glace y est suffisante.

- Je trouve cela dangereux ! Avoua-t-elle.

- Je serai prudent, rassure-toi.

Bucky prit immédiatement le parti de s’habiller également chaudement. Des


vêtements polaires avaient également été prévus pour elle. Béhuit l’attendit sans
rien dire. Il semblait avoir compris que Bucky désirait l’aider et l’accompagner.

Une fois tous les deux chaudement équipés, Béhuit ouvrit la porte fenêtre.
Le couple se retrouva face à un mur de neige et un souffle froid intense.
Heureusement qu’ils étaient correctement équipés, Même des raquettes étaient
prévues pour marcher en surface de l’épais manteau neigeux. Béhuit passa le
premier puis aida Bucky à sortir pour qu’elle enjambe l’immense "marche de neige",
refermant la porte-fenêtre juste derrière elle pour garder la maison au chaud. Au
sommet du tas de neige, la vue était encore plus frappante. La visibilité était très
réduite dans cette intense purée de pois. Sur la terrasse, il était impossible de
distinguer où était exactement la piscine et le jacuzzi, également recouverts par la
neige. Malgré les raquettes, avancer n’était pas simple, le vent glacial ralentissait
énormément les mouvements. Bucky n’avait jamais vu cela de sa vie, elle qui était
pourtant habituée à régulièrement partir aux sports d’hiver avec ses parents !

Difficilement, ils atteignirent l’immense abri de jardin de la villa. Bucky n’y


avait jamais vraiment prêté attention jusqu’à maintenant, mais il était aux
dimensions du reste de la villa ; une dameuse aurait finalement peut-être bien pu
y entrer en tassant un peu ! Rien que dégager la neige pour pouvoir ouvrir l’édifice
tout en bois d’une quarantaine de mètres carrés flambant neuf fut compliqué ;
dégager la poudreuse qui empêchait d’ouvrir, prit une bonne dizaine de minutes
malgré une pelle que Béhuit avait eu la bonne idée de prendre avec lui. Une fois la
porte dégagée et ouverte, Béhuit approcha la motoneige au plus proche de la
sortie. Bucky ne demanda même pas s’il savait conduire ce type d’engin ; on ne lui
avait pas fourni pour rien !

Après une bonne vingtaine de minutes supplémentaires à créer une rampe


de neige pour permettre au véhicule de se trouver enfin au-dessus de l’imposante

443
couche de neige, Béhuit alla chercher un gros sac à dos dans la villa afin de se
parer pour le départ. Il y avait clairement suffisamment de place sur le véhicule
pour deux. Une petite remorque était même disponible ! Béhuit la regardait,
comme pour l’enjoindre à venir s’asseoir derrière lui. Elle hésitait. Elle était déjà
pétrie de froid. Béhuit tendit son bras pour l’empoigner et l’approcher de lui. Il
appuya sur un petit bouton sur le côté de sa combinaison qui s’illumina. Quasi-
instantanément elle sentit une douce chaleur. Elle avait des vêtements
chauffants !

- L’autonomie est de deux heures maximum par ces températures, lui


signala Béhuit. Tu m’accompagnes ?

Tous les arguments la poussaient désormais à chevaucher la motoneige


derrière Béhuit ; voir si ses camarades étudiants de l’E2C étaient en bonne santé
sans risquer elle-même de mourir de froid, le tout en se baladant avec son fiancé
sur un moyen de transport qu’elle n’avait encore jamais utilisé, l’occasion était trop
belle ! Elle s’installa derrière lui en le serrant tout comme elle le faisait à moto
traditionnelle. Béhuit tourna la poignée de gaze et le couple s’enfonça dans le
jardin pour atteindre rapidement le lac gelé.

Béhuit conduisait aussi bien la motoneige qu’une moto traditionnelle ou une


voiture. Il avait clairement de l’expérience sur ce type de transport. Le fait de
passer par le lac fut un gain de temps énorme pour rejoindre le village étudiant à
la vue des conditions dantesques. A leur arrivée, les logements étudiants
ressemblaient à une ville fantôme. Personne n’était dehors dans ce lieu qui
d’ordinaire grouillait de vie. Il faut dire qu’une bonne partie des étudiants avaient
profité du mardi pour rentrer chez leurs parents, de la famille ou trouver un lieu
plus sûr en prévision de ce qui s’annonçait. Deux membres de la sécurité du
campus étaient présents et accueillirent rapidement les visiteurs. Béhuit semblait
bien les connaître. Il leur demanda un rapide état des lieux alors que Bucky en
profita pour rejoindre la chambre de Shandrill.

La fraîcheur qui régnait dans le bâtiment était préoccupante. Bucky rejoignit


la porte de la chambre de son amie qui lui ouvrit recouverte d’une couverture sur
ses épaules.

- Bucky ! S’exclama-t-elle heureuse de voir son amie en la serrant dans ses


bras.

- Heureuse de voir que tu ne t’es pas transformée en abominable fille des


glaces.

444
- On en est proche. Je ne pensais pas que la situation serait aussi
catastrophique. Nous sommes coupés de tout et prisonniers des glaces.
Comment as-tu fait pour venir jusqu’à moi ?

- Je suis venu avec Béhuit. On s’inquiétait pour vous en voyant la situation


se détériorer. Mon fiancé est disons… quelqu’un de prévoyant qui est parfaitement
équipé. On est venus jusqu’ici par le lac en motoneige.

- En motoneige ? Béhuit ne serait pas légèrement survivaliste ?

Bucky pouffa de rire.

- J’enquêterai plus en détail la chose, mais force est de constater que cela
nous aide bien aujourd’hui. Tout le monde va bien ?

- La sécurité nous a demandé de rester cloîtrés dans nos chambres. Ils nous
ont apporté des couvertures supplémentaires, mais sans courant, pas de
chauffage ni possibilité de se chauffer un repas.

Comme elle s’y attendait, la situation était tendue ici et sans doute à pas
mal d’endroits en France et en Europe. La capitaine des pom-pom-girls entra dans
l’appartement de sa future remplaçante à ce poste après avoir sorti un réchaud à
gaz de son sac à dos. Béhuit avait habilement pensé à en apporter un dans les
sacs. Après avoir invité les quelques autres étudiants présents dans le bâtiment,
tous profitèrent de ce matériel pour manger et boire chaud. Ils en avaient
visiblement bien besoin. Bucky était préoccupé par leur situation ; ils ne tiendraient
pas très longtemps dans ces conditions. Seule bonne nouvelle en regardant par la
fenêtre, la visibilité s’améliorait alors que la neige baissait en intensité.

Bucky passait du bon temps avec le petit groupe d’étudiants avec qui elle
était dans la chambre universitaire de Shandrill. Une manière d’oublier un peu la
situation extérieure. Lorsqu’elle regarda sa montre, elle s’aperçut qu’une heure
était passée. Elle se demandait bien ce que pouvait faire son Béhuit durant ce
temps-là. Elle se décida à prendre de ses nouvelles juste avant que le courant ne
se remette en route sous un hourra général. Personne ne s’imaginait que la
situation s’arrangerait aussi vite. Les convecteurs électriques se mirent
immédiatement en route. Dans quelques heures, les températures seraient douces
dans le village étudiant. Shandrill et Bucky se regardèrent ; le courant n'avait pas
pu revenir par magie comme cela. Aucune équipe EDF ne pouvait encore sortir par
ce temps. Bucky descendit pour confirmer ce qu’elle pressentait. Béhuit devait être
à l’origine du rétablissement du courant. Elle fut confortée dans son idée

445
lorsqu’elle s’aperçut que la motoneige n’était plus là ! Elle se hâta dehors pour
tomber nez-à-nez avec un membre de la sécurité.

- Mademoiselle Délavigna, rentrez vous mettre au chaud, lui conseilla-t-il.

- Je cherche à savoir où est Monsieur Ciel, répondit-elle.

- Il est parti avec mon collègue sur le campus pour dérouter une partie du
courant produit par les éoliennes ici. Ils viennent d’y parvenir ! Analysa-t-il.

- Il ne m’a même pas prévenue ! S’énerva-t-elle à voix haute.

- Il ne souhaitait pas vous inquiéter ! Répondit-il alors que son talkie-walkie


se mit à grésiller.

"Nous sommes sur le retour… Terminé", entendit-elle.

- Bien reçu ! Répondit l’agent en face d’elle.

Bucky lui en voulait un peu de ne rien lui avoir annoncé ses plans. Elle aurait
aimé qu’il la prévienne de ses intentions. Il la surprotégeait bien trop à son goût.
Une discussion devait avoir lieu pour lui faire comprendre qu’elle ne goûtait que
modérément cette absence de communication dans leur couple. Elle n’était plus
une petite fille que l’on devait protéger !

A peine dix minutes de plus et Béhuit revint avec l’autre membre de la


sécurité sur la motoneige. Après une brève discussion avec les deux membres de
la sécurité faisant comprendre à Bucky qu’ils se connaissaient excessivement
bien, elle s’approcha. La discussion s’arrêta entre les trois hommes.

- Félicitations pour le retour de l’électricité… pas pour ton manque de


communication ! Dit-elle.

Les deux membres de la sécurité comprirent rapidement qu’il était


préférable de quitter les lieux afin d’éviter de se retrouver au beau milieu d’un
conflit de couple.

- Tu étais montée voir Shandrill ! Je suis simplement parti sur le campus


pour dériver une partie du courant produit par les éoliennes du lac jusqu’ici, se
défendit-il.

- Ça a mis une heure, sous ce temps exécrable ! Tu ne t’es pas dit que j’allais
me faire du souci pour toi ?

446
- Et c’est pour cela que je ne t’ai rien dit.

- J’ai bientôt 20 ans Béhuit, je ne suis plus une petite chose fragile. J’aurais
préféré être avertie.

Il s’approcha d’elle pour l’embrasser.

- Tu ne t’en sortiras pas aussi facilement, lui dit-elle non sans avoir accepté
avant le doux goût des lèvres pourtant froides de son compagnon.

- Je m’excuse, je suis désolé. On oublie ? Lui dit-il avec un sourire.

- Tu as vraiment de la chance que je sois folle amoureuse de toi, lui répondit-


elle afin de lui faire comprendre qu’elle lui pardonnait.

- Tes camarades sont désormais en sécurité. On rentre ? Proposa-t-il.

Bucky accepta. Ils repartirent tous les deux après avoir dit au revoir à
Shandrill D’argent. Sur le retour, ils levèrent la tête au ciel, une brève apparition du
soleil leur donnèrent le sourire. La tempête se terminait.

***

Pour la deuxième fois en deux nuits, Bucky et Béhuit profitèrent d’être seuls
à la villa pour un sulfureux corps-à-corps sur le lit improvisé près du poêle à bois,
malgré la bonne marche du générateur de secours. C’était le coin idéalement
romantique, au chaud et à la lueur d’un feu de bois. Uniquement avec son pendentif
lui couvrant le corps, elle était confortablement installée sur lui ! Ces moments-là,
elle ne s’en lassait pas. Jamais elle n’aurait imaginé devenir aussi accro à cette
activité. Il était tellement adroit, doux, passionné avec elle.

Le moment d’extase n’était probablement plus très loin. Elle pouvait le


sentir rien qu’à la fréquence de va et vient de son partenaire… lorsqu’il se figea ! La
mine concentrée. Désormais sans le moindre mouvement de bassin de sa part,
elle fut bien obligée de s’arrêter de l’accompagner également dans ses intenses et
exquis flots qui provoquait toujours chez elle des sensations intenses tout le long
de son corps. Jamais Béhuit n’avait stoppé les choses d’une manière aussi
abrupte ! Jusqu’ici, elle avait toujours su détecter chez lui les moments clés de
plaisir de son partenaire.

447
- Je sens une présence… lui dit-il.

- heu… oui… c’est moi, Bucky Délavigna ! Ta fiancée ! Vu nos positions,


j’espère bien que tu ressens une présence ! Je m’y prends si mal que ça ? Dit-elle
avec humour.

- Je ne te parle pas de ça, lui répondit-il en la poussant de ses mains pour


l’inciter à ne plus le chevaucher.

Quelque peu perdue, Bucky se déplaça avec un sentiment d’inachevé.


Dégagé de sa partenaire, il se hâta d’enfiler ses vêtements. Il était évident que
quelque chose clochait. Sa discrète mimique et ses mouvements de phalanges
reprenaient.

- Il y a quelqu’un dans la villa ? Demanda-t-elle.

- Habille-toi et monte dans notre chambre ! Je veux que tu te caches sous


le lit jusqu’à ce que je vienne te chercher.

- Béhuit, dis-moi ce qui se passe ? Demanda-t-elle.

- Montes ! Cria-t-il alors qu’elle s’était simplement contentée d’enfiler sa


nuisette.

Pendant que Béhuit se hâtait vers son dispositif de domotique, elle se


précipita à l’étage en le regardant une dernière fois. Elle craignait pour elle… et
surtout pour lui, d’autant plus qu’il venait de sortir une arme à feu ! Elle n’avait rien
remarqué d’anormal, mais elle lui faisait suffisamment confiance pour prendre au
sérieux la situation. Une fois en haut dans sa chambre, elle se faufila sous le lit,
terrorisée. Elle repensait aux mouvements de phalanges de son compagnon.
S’agissait-il d’Emma ? Si oui, pourquoi venait-elle à la villa et comment l’avait-elle
fait par un si mauvais temps ? Les questions se bousculaient dans sa tête.

Les minutes passaient. Trop lentement à son goût. Elle tremblait de plus en
plus dans le noir le plus complet sous le lit. Son cœur semblait se paralyser, elle
avait du mal à respirer. Tout à coup, une détonation ! Elle se força à serrer les dents
pour ne pas crier. Pourvu que Béhuit ne soit pas blessé ou pire ! Il ne s’était pas
trompé. Il y avait bien une présence. Elle attendait, encore et encore. Chaque
seconde supplémentaire semblait durer des heures. De nouveau, des bruits… de
pas à priori. Ils s’approchaient d’une cadence lente et méthodique. Faites que ce
soit Béhuit, faites que ce soit Béhuit, implora-t-elle. Un individu arrivait désormais
tout près de la chambre.

448
- Bucky ? Entendit-elle.

Jamais elle n’avait été aussi heureuse d’entendre la voix de l’élu de son
cœur. Elle se précipita pour sortir de sous le lit alors que la lumière s’allumait. Elle
finit rapidement dans ses bras, soulagée à l’extrême.

- J’ai entendu un coup de feu ! Lui dit-elle.

- Tout va bien ma pom-pom, assura-t-il.

Il mentait très mal. Serrée dans ses bras, elle le sentait également tout
tremblant, le cœur palpitant, le souffle rapide. Elle le fixa après avoir décollé la tête
de son torse.

- Je veux savoir ce qui s’est passé ! Lui demanda-t-elle en commençant à


pleurer.

Béhuit hésita et choisit de ne, tout simplement, rien répondre.

- C’était Emma ? Enchaîna-t-elle pour tenter de le relancer.

Peine perdue. Elle était en colère de ne rien savoir, plus exactement que
Béhuit ne lui dise rien. Dans un accès de rage, elle le repoussa.

- Alors ça sera toujours comme ça dans notre couple ? Même lorsque nous
serons mariés, tu resteras dans le mutisme ?

- Je crois avoir été parfaitement clair sur le sujet, finit-il par répondre.
J’aimerais sincèrement qu’il en soit autrement…

- Je t’aime Béhuit, mais je ne sais pas si je tiendrai à la longue. Ce genre de


vie là, ça sera difficile. J’aspire à une vie calme, pacifique. Ce coup de feu, ce n’est
pas un monde pour moi, dit-elle en laissant couler des larmes de son visage.

Les nerfs de Bucky lâchaient. Béhuit se rapprocha d’elle pour à nouveau la


prendre dans ses bras. Elle le repoussa faiblement avant de céder. Après une
longue étreinte sans rien dire, Béhuit l’installa dans leur lit afin qu’elle puisse
dormir. Il ne resta pas avec elle et se leva.

- Où vas-tu ? Demanda-t-elle.

- Céssix revient sous peu. Je dois l’attendre.

- Ne pars pas, demanda-t-elle. J’ai peur.

449
- Il n’y a plus rien à craindre Bucky. Tout est sous contrôle. Je dois échanger
avec Céssix dès son arrivée.

- Alors je descends aussi ! Protesta-t-elle.

- Bucky, tu ne peux pas y participer. Dors ! C’est mieux comme ça…

- Si tu me laisses seule, autant que tu dormes sur le canapé en bas cette


nuit ! Menaça-t-elle.

Elle ne voulait pas le quitter. Pas après ce qu’il venait de se passer, mais il
resta, de toute évidence, campé sur ses positions. Il referma la porte de la chambre
derrière lui… et la verrouilla ! Comment pouvait-il lui faire ça ? L’enfermer dans sa
chambre, comme une enfant. Elle était trop troublée pour réagir, mais dès qu’il
remonterait, elle lui ferait payer !

***

Bucky avait très mal dormi cette nuit. Béhuit n’était pas remonté, mais elle
remarqua cependant qu’il avait déverrouillé la porte qui était entrouverte,
probablement tard dans la nuit. Son fiancé avait donc dû dormir en bas et avait
pris au comptant les menaces de l’étudiante. La chambre était lumineuse, un beau
soleil hivernal rayonnait dehors. Un gros bruit de moteur dans la rue l’incita à se
lever pour voir ce qui se passait. La route était en train d’être dégagée du mètre
cinquante de poudreuse par un tracteur faisant office de chasse-neige. Elle
entendit une vibration derrière elle. Son smartphone venait de récupérer du réseau.
Après s’être habillée plus amplement qu’avec sa nuisette sexy pour éviter toute
remarque désobligeante de Céssix, qui était probablement de retour à la villa par
un moyen dont la pom-pom-girl ignorait tout, elle descendit au rez-de-chaussée.
Un petit-déjeuner l’attendait avec du café au lait, du pain et de la pâte à tartiner.
Béhuit lui avait préparé ! Un coup d’œil rapide sur le canapé permit à Bucky de
déduire que son compagnon avait bien passé la nuit dans le salon ; des
couvertures y étaient en vrac. En revanche Béhuit n’y était plus. La porte de la salle
de sport y était ouverte. Elle le voyait au loin, assis jambes croisées dans une
séance de yoga ou de relaxation. Elle s’approcha de lui. Pas de présence de Céssix
qui devait être dans sa propre chambre. Tant mieux, ils allaient pouvoir discuter
de leur accrochage de la nuit dernière.

450
Béhuit n’avait pas remarqué sa présence, elle attendit patiemment en le
regardant torse nu plongé dans une torpeur incroyable. Elle hésitait à le déranger,
il semblait si serein et détendu dans cet état. Il ne détecta sa présence que
lorsqu’elle essaya de se poser sur un banc de musculation en faisant tomber une
gourde d’eau posée dessus qu’elle n’avait pas remarqué ; une maladresse de sa
part. Il ouvrit les yeux. Avant même que Bucky ne puisse lui parler, il la devança :

- Je l’ai fait uniquement pour te protéger et prévenir toute curiosité de ta


part. Je ne veux que ton bonheur. En guise d’excuse, je t’ai préparé le petit-
déjeuner.

Bucky hésitait sur la réponse à apporter.

- J’ai très mal dormi cette nuit. J’avais besoin de mon fiancé… mais il a
dormi sur le canapé !

- C’est toi qui m’as demandé de le faire ! Se justifia Béhuit.

- Je parlais sous le coup de la colère et la déception, c’était une bêtise !


Pourquoi tu ne me fais pas confiance Béhuit ? Je t’assure que je n’ai jamais rien
dit à mes amis, mes parents, tes collègues professeurs. Dis-moi simplement qui
t’en veux ? Pourquoi ce coup de feu hier ?

- La partie officieuse de ma vie, je te la cache pour une bonne raison Bucky.


Je ne te dirai rien et tu le sais. Je te demande simplement de me faire confiance.
Je t’assure que je fais le maximum pour t’offrir la vie la plus heureuse possible.

Inutile d’insister sur le sujet au risque d’envenimer une nouvelle fois les
choses. Elle détestait se disputer avec lui et ne voulait pas recommencer comme
la nuit dernière. Alors, elle lui sourit :

- Merci pour le petit-déjeuner, dit-elle d’une voix douce avant de se diriger à


la cuisine pour reprendre des forces.

- Bucky ! L’appela-t-il pour la stopper.

Elle se retourna. Il hésitait à parler. Il voulait lui dire une chose importante.
Allait-elle en savoir plus sur la raison du coup de feu, de la blessure de Céssix Sky
et de cette méfiance envers Emma ?

- Le campus n’est pas aussi sûr que tu pourrais le penser. Je suis ici pour
le sécuriser… mais sois prudente quand même, ça ne coûte rien ! Lâcha-t-il.

451
Enfin, il lui donnait la véritable explication de sa présence à l’E2C ! Une
menace pesait sur son lieu d’études. Rien ne lui avait permis de le remarquer
jusqu’à maintenant. Elle pensait jusqu’à présent que c’était Béhuit qui était visé.
Nul doute qu’elle serait plus attentive là-bas désormais. A la lecture de son visage,
Bucky interpréta un manque de confiance chez son partenaire. Il n’était pas certain
d’avoir fait le bon choix en lui en disant plus sur les raisons de sa présence ici. Elle
décida de lui montrer qu’il avait le bon choix en lui en dévoilant un peu plus. Même
si elle mourait d’envie de lui poser des questions supplémentaires, elle ne le fit
pas. Son objectif immédiat était de le rassurer. Elle se déplaça jusqu’à lui pour le
prendre dans ses bras.

- Avec un garde du corps comme toi, je suis persuadée que le campus est
en sécurité, dit-elle simplement.

- J’espère vraiment être à la hauteur, répondit-il fébrilement.

- Je n’ai pas de doute à ce sujet. Quelle que soit la menace, tu sauras y faire
face ! J’en suis persuadée ! Mon fiancé est une personne bien plus exceptionnelle
qu’elle ne le pense. Je ne suis pas tombée amoureuse de lui par hasard.

Il sourit.

- Si tu as besoin d’un quelconque soutien, je suis là, lui proposa-t-elle.

- Promets-moi simplement d’être prudente et de me prévenir si tu vois


quelque chose qui te semblerait anormal.

- C’est promis, mon fiancé, répondit-elle.

Il la fixa intensément. Elle le sentait rassurée par cette discussion.

- Je crois savoir que c’est bientôt ton anniversaire. Tes 20 ans, si je ne


m’abuse ?

- Le 29 avril, c’est encore dans un peu plus de deux mois…

- J’espère que deux mois suffiront pour tout préparer, répondit-il.

- Si tu comptes me préparer l’anniversaire du siècle, cela sera peut-être un


peu juste, ajouta-t-elle, afin de comprendre ce qui trottait dans la tête de l’homme
qu’elle aimait.

452
- A vrai dire, comme je ne t’ai toujours pas offert ta bague de fiançailles, je
me suis dit qu’en même temps que ton anniversaire, on pourrait fêter aussi nos
fiançailles officiellement le même jour. Si cela te convient, bien entendu.

- Carrément ! Répondit-elle avec engouement.

- Tu pourrais y inviter tes amies, ta famille… enfin, tous les gens que tu
souhaites. Je te laisse organiser comme tu le désires les choses.

- Attention ! Tu te lances sur un terrain glissant avec moi, j’ai une


imagination débordante pour officialiser les choses et comme en plus c’est mes
20 ans…

Des tonnes d’idées germaient dans la tête de la jeune étudiante. Elle avait
déjà dans l’idée de faire de ce double évènement quelque chose de grandiose.

- Fais comme tu le souhaites ma pom-pom. L’essentiel, c’est que cette fête


d’anniversaire et nos fiançailles se fassent comme tu le rêves. Dis-moi simplement
ce que je dois faire de mon côté pour t’épauler.

- Venir avec moi pour choisir ma bague et me donner les coordonnées des
gens que tu veux inviter, répondit-elle débordante de joie.

- Pour la bague, dis-moi simplement quand ton emploi du temps le permet.


Pour mes invités, je suis au regret de te dire que je n’en ai pas.

Le sourire de la capitaine des pom-pom-girls cessa. Elle venait de


comprendre pourquoi Béhuit ne parlait jamais de ses proches. Les deux seules
personnes de son entourage qu’elle connaissait était Céssix Sky, qui ne voudrait
probablement pas participer à la fête, et Mélanie, la médecin qu’elle avait
brièvement rencontrée à Munich. Aucune mention n’avait jamais été faite sur sa
famille, mis à part le décès de ses parents, ou d’autres amis. Elle allait devoir
approfondir le sujet. Impensable que Bucky n’ait que des invités à elle pour ce 29
avril 2037.

453
Chapitre 15 : Idyllique… à quelques détails près !

Le déneigement fut beaucoup plus rapide qu’escomptait Bucky. Le samedi


de cours pu même être assuré en présentiel. Une bonne nouvelle finalement pour
l’étudiante ; les cours de premiers secours via les cours de culture générale
prodigués par son fiancé allaient se tenir ! Depuis que Béhuit avait abandonné son
poste de professeur d’EPS pour elle, afin que leur relation se révèle au grand jour,
elle ne l’avait plus eu en tant qu’enseignant ; cela lui manquait. Pas de pression sur
ce cours puisqu’il n’était pas noté, ce qui expliquait l’autorisation d’un statut élève-
professeur entre elle et Béhuit ; pas de soupçon de favoritisme possible.

En seulement quelques jours, Bucky avait déjà bien avancé du côté de ses
fiançailles. Sa liste d’invités était prête et elle avait pris soin de prévenir tout le
monde par messagerie, téléphone ou mail. Tout le monde serait là malgré le fait
que ce jour tombe un jour de la semaine, un mercredi. Bucky aimait fêter son
anniversaire à la date exacte, le 29 avril précisément, une manie bien ancrée en
elle. Ses fiançailles se faisant comme convenu à la même date sur l’idée de
l’homme de sa vie, elle souhaitait tellement lui rendre tout ce qu’il lui apportait
depuis le début de leur relation. Par reconnaissance, elle ne pouvait pas le laisser
sans invités à lui. Béhuit lui avait dit qu’il n’avait plus de famille et pas de personne
proche ; ce n’était pas tout à fait la vérité. Céssix Sky était très proche et
incontestablement quelqu’un d’important dans la vie de l’entraîneur de volley-ball.
Il y avait également la prénommée Mélanie, la médecin qui s’était occupée d’elle
après son agression à Munich. Elle décida de tout faire pour les inviter et lorsque
les cours redémarrèrent dès le samedi, elle se lança, loin de la villa et de Béhuit,
pour discuter avec la directrice de l’E2C.

454
Après s’être annoncée auprès de l’assistante de Céssix Sky, Bucky
demanda à parler à sa directrice. Elle fut rapidement invitée à entrer.

- Bucky, que voulez-vous ? Vous savez que nous vivons sous le même toit.
Me demander à me parler ici m’interpelle… dit la directrice.

- Je préfère que Béhuit soit à l‘écart de cette conversation. Il est compliqué


de le faire à la villa.

- Je vois… Allez-y, je vous écoute.

- Pour mes 20 ans et mes fiançailles du 29 Avril avec lui… commença-t-elle.

-… Je ferai en sorte d’être ailleurs, coupa Céssix.

- Je vous remercie du geste, mais en fait… Je souhaiterais plutôt votre


présence.

Un silence s’empara de la pièce. Le visage de la directrice de l’E2C montrait


clairement une sorte de méfiance. La trentenaire en face d’elle semblait de toute
évidence penser à un piège.

- Écoutez Madame Sky, Béhuit n’a pas d’invités pour nos fiançailles. Je veux
que les gens qui lui sont proches y participent et vous faites incontestablement
partie des personnes les plus importantes de sa vie. Je vous demande simplement
d’être présente pour ce moment. Pour lui !

- Sans vouloir vous offenser Délavigna, ces fiançailles ne sont pour moi
qu’une vaste supercherie.

- Je peux le concevoir. Je sais que la situation vous déplaît fortement. Mais


c’est important pour lui ! Je ne vous demande pas de me faire une fleur, je vous
demande juste de participer à un moment important à ses yeux.

Céssix semblait réfléchir. Elle la jaugeait du regard. Bucky resta stoïque,


neutre.

- Ne vous attendez pas à ce que je sois débordante de joie pour un


évènement que je ne cautionne pas, finit-elle par répondre.

- Quelques sourires pour les photos suffiront ! Au nom de Béhuit, je vous


remercie pour vos efforts. Je voudrais également savoir… si vous connaissez
Mélanie, c’est une médecin qui est une bonne amie à lui, il me semble.

455
- Elle ne viendra pas Bucky… répondit Céssix.

- Vous êtes sûre que ce n’est pas possible ? Ils semblent s’apprécier…

- Secret défense, se contenta de répondre la directrice.

Bucky était déçue. Par cette réponse, sa vis-à-vis lui faisait comprendre qu’il
n’y avait pas de possibilité d’invitation. La seule chose positive dans cette réponse
était d’en apprendre un peu plus sur Mélanie. Elle faisait, selon toute
vraisemblance, partie intégrante de la vie secrète de Béhuit. Au moins il y aurait
Céssix qui viendrait, c’était déjà cela !

***

Le cours de culture générale était attendu avec impatience et lorsque Bucky


arriva avec quelques minutes de retard du fait de son entretien avec Céssix, elle
remarqua immédiatement la plupart des étudiants avec le sourire aux lèvres. Ce
type de cours était très apprécié, tout comme Béhuit comme professeur. Il partait
avec de sérieux atouts pour avoir du succès.

- Bucky, tu es en retard, souligna-t-il en la voyant arriver après tous ses


camarades.

Elle lui aurait bien répondu de façon osée, voire aguichante, mais elle ne
chercha pas à le mettre en difficulté. Elle se contenta simplement de tourner la
situation à son avantage.

- Désolé Béhuit. Afin de m’excuser, je me propose de jouer la victime pour


les exercices.

- Et ça t’arrange bien ! Souligna Nolwenn sous quelques rires d’étudiants.

- Il m’est nécessaire d’avoir quelqu’un pour présenter l’exercice,


effectivement, alors si cela ne trouble personne étant donné ma relation avec
Bucky. Tu peux venir t’allonger à mes pieds si tu veux bien.

- C’est mieux que ce soit Bucky qu’une autre personne, ajouta Glaème. Pour
éviter toute scène de jalousie de Bucky, d’une part, et tout geste pouvant être mal
interpréter de Béhuit d’autre part.

456
Bucky s’allongea devant Béhuit, déjà accroupi, pour expliquer les premiers
gestes à effectuer en cas de découverte d’une personne inconsciente. Pour la
plupart des étudiants, il s’agissait juste d’une révision, toujours utile pour se
rafraîchir la mémoire.

Le cours se déroula admirablement bien. Peu de remarques furent faites


dans la classe sur la relation entre Bucky et Béhuit et lorsque ce fut le cas, ce fut
uniquement sous l’angle de l’humour. Les cours de Béhuit avaient manqué à sa
fiancée. Il était finalement dommageable que Béhuit ait dû quitter son poste de
professeur d’EPS pour elle. Même s’il ne s’agissait pas véritablement de son
activité professionnelle, Béhuit avait un don pour transmettre dans la bonne
humeur tout en suscitant l’intérêt. C’est en partie pour cela qu’il avait dû être choisi
comme professeur de sport à l’E2C pour sa couverture, tout comme Céssix Sky au
poste de directrice de l’E2C. Bucky ne la portait pas dans son cœur, mais elle
reconnaissait que l’ex de son compagnon était également particulièrement
compétente à son poste directrice.

***

C’était à la fin de l’entraînement commun entre les volleyeurs et les pom-


pom-girls, exceptionnellement écourté cette fois-ci. Le match des huitièmes de
finale approchait à grand-pas, dans moins de deux semaines. Bucky avait senti
Béhuit contrarié pour son équipe ; un stage de préparation était nécessaire selon
lui pour mettre toutes les chances de son côté de passer en quart de finale. Il y
avait bien un stage de prévu, tous les ans, pour un des sports de salle en Corse
près de la ville d’Ajaccio, mais il était trusté quasiment toujours par le basket.
Bucky l’avait déjà vécu lors de ses années pom-pom-girl affiliées au handball une
seule fois, il y a deux années. Alors que toutes et tous pensaient que le basket
aurait encore ce privilège cette année, Béhuit annonça que c’était pour la première
fois le volley-ball qui aurait le droit à cette faveur. L’entraîneur de Basket n’allait
pas du tout apprécier ! Tout l’inverse de Bucky et des personnes présentes ce soir.
Le groupe allait partir durant une semaine ensemble dans un cadre idyllique pour
préparer au mieux le prochain match. Céssix avait dû grandement peser sur la
décision de choisir l’équipe de volley-ball. Elle avait justifié cela pour marquer le
coup du tout premier huitième de finale de la section de volley-ball. Cela signifiait
pour Bucky un gros allègement des cours pour la semaine pour la remplacer par
des journées entières de séances de pom-pom-girl dans un superbe endroit près

457
de la plage… et avec Béhuit ! Les volleyeurs et certaines pom-pom-girls allaient
connaître cela pour la première fois ! Cette soirée commençait bien et ce n’était
pas terminé pour la capitaine des pom-pom-girls ; il était prévu qu’elle parte avec
Béhuit ce soir à destination de la tour Eiffel pour manger ce soir au restaurant du
monument ; le Jules Verne, pour ensuite aller voir le spectacle du Moulin Rouge.
En plus de la bonne nouvelle de ce stage de préparation, la suite de la soirée
promettait à Bucky de garder le sourire.

Les étudiants quittèrent un à un le gymnase pour rentrer chez eux sur cette
bonne nouvelle, après une bonne douche. Bucky de son côté ne se pressait pas ;
elle attendait Béhuit pour se rendre à Paris à moto. Cela promettait d’être plutôt
rapide avec ce moyen de transport. Aussi, Béhuit avait décidé de préparer le
programme d’entraînement du stage durant une vingtaine de minutes avant de
partir. Largement suffisant pour qu’elle soit la dernière sur place avec lui. Elle
voulait tirer profit de la situation. Elle avait annoncé à Béhuit qu’elle réviserait en
l’attendant, mais ses plans étaient tout autres. L’occasion était trop belle pour
pimenter sa relation de couple avec son compagnon. Il n’avait jamais vraiment été
chaud pour un mélange des corps avec Bucky ici et elle savait pourquoi ; le
gymnase et sans doute une bonne partie de l’E2C était sous surveillance vidéo !
Cependant, à force de côtoyer son compagnon en fin de séance d’entraînement,
elle avait compris qu’une demande de couper la surveillance existait. Béhuit le
demandait de plus en plus régulièrement quand ils se retrouvaient seuls dans son
bureau afin que le couple puisse parler plus librement, en particulier pour la
préparation de leurs fiançailles.

La brune à la mèche fuchsia, toujours en tenue de pom-pom-girl, après


s’être assurée une dernière fois que le gymnase était libre de tout autre occupant,
se dirigea vers le bureau de Béhuit. Il avait, comme à son habitude, laissé sa porte
grande ouverte pour que Bucky puisse y entrer à sa guise. Il était plongé dans son
travail.

- Tu as bientôt terminé ? Demanda-t-elle.

- On a encore un peu de temps et je suis déjà en tenue pour ce soir…

- …Et tellement séduisant dans ce merveilleux costume que je t’ai acheté


pour les matches, coupa-t-elle.

- En revanche, pour toi, je ne suis pas sûr que rester en tenue de pom-pom-
girl soit idéal pour le voyage à moto et la suite de la soirée, même si je ne nie pas
que te voir dans cette tenue est toujours autant un plaisir pour moi.

458
- C’est bien pour ça que, depuis un certain temps, je m’habille avec même
durant les entrainements ! Répondit-elle.

Elle inclina l’écran de l’ordinateur portable de son compagnon afin qu’il


atteigne le clavier pour s’éteindre.

- Tu veux me parler de quelque chose, analysa-t-il en la fixant comme pour


tenter de lire en elle.

Étrangement, il avait plus de difficultés à deviner ce qu’elle pensait, ces


derniers temps.

- Parler… pas vraiment, je pensais à quelque chose de plus… fusionnel et


sportif…nous sommes dans un gymnase après tout !

- Bucky, même si c’est tentant, tu sais qu’une bonne partie de l’E2C est sous
surveillance afin que les étudiants ici soient en sécurité.

- Même sous les douches des vestiaires des filles ?

Il hésita à répondre. Bucky en déduisit immédiatement la réponse. Elle


n’était guère surprise, même si cela la dérangeait profondément. Décidément, les
employeurs de Béhuit et Céssix ne reculaient devant rien !

- Si cela peut te rassurer, les membres du sexe masculin ne sont pas


habilités à visionner les enregistrements de cet endroit, dit-il.

- Cela ne me rassure pas totalement, mais mes pensées sont occupées par
autre chose. Tu as quelques fois demandé avec ton smartphone à un dénommé
Darog par messagerie de couper la surveillance dans ton bureau.

- Il va falloir que je sois plus discret quand tu es à côté de moi…

- Désolé d’avoir les yeux et les oreilles qui traînent. Je suis une fille très
curieuse. On dit que c’est une preuve d’intelligence ! Se défendit-elle. Tu ne
pourrais pas demander à Darog de couper la surveillance des douches des filles
pour une petite demi-heure ?... Non plutôt 45 minutes, annonça-t-elle.

- Darog me fait déjà une fleur lorsqu’il coupe la surveillance de mon bureau.

- J’aimerais bien que tu lui demandes une petite exception supplémentaire


pour un fantasme que j’aimerais assouvir avec mon futur fiancé afin que notre
soirée soit parfaite sur tous les points. Avoue qu’une proposition comme cela, tu
en meurs d’envie ? Dit-elle afin de l’encourager dans ce sens.

459
- Tu as gagné, je demande ! Mais on devra rouler un peu plus rapidement à
moto pour ne pas être en retard ! Finit-il par répondre après hésitation.

Il prit son téléphone et appela directement la personne concernée.


L’interlocuteur décrocha immédiatement, avant même la première sonnerie.

- J’aurais besoin que tu coupes la surveillance des vestiaires fille, demanda


Béhuit alors que son interlocuteur n’avait même pas ouvert la bouche.

- Bonjour Darog… c’est simplement pour mon plaisir ! Je te promets que je


te serais redevable ! intervint Bucky dans la conversation.

- Bucky ! Réprimanda Béhuit.

Son compagnon désapprouvait clairement son intervention dans cette


conversation. Elle regretta tout de suite, en comprenant son erreur. Elle avait de
toute évidence, mit Béhuit en difficulté.

- Une heure, pas plus ! Entendit-elle à travers le combiné d’une voix très
rauque. Amusez-vous bien tous les deux, entendit-elle distinctement avant que
l’appel ne cesse.

- Ne refais jamais cela ! Dit Béhuit fâché.

- Je suis désolée, s’excusa-t-elle. S’il te plaît, ne m’en veux pas, j’ai agi sans
réfléchir !

- Tu es insupportable ! Dit-il en souriant.

Ce sourire montrait clairement qu’il appréciait tout de même son


comportement. Probablement une facette de sa personnalité qu’il aimait chez elle.
Elle savait pourtant avoir fauté. Elle ne savait rien du Darog en question avec sa
voix particulière. Il avait heureusement été très conciliant avec Bucky, sans même
la connaître.

- Je peux me faire pardonner en t’invitant à visiter le vestiaire des filles ?

- Tu as cette fâcheuse tendance à utiliser le sexe avec moi pour obtenir ce


que tu souhaites ou te faire pardonner.

- Tant que cela fonctionne et me donne du plaisir, pourquoi changer ?

Ils prirent rapidement leurs affaires pour pouvoir se diriger vers les
vestiaires avant de s’y précipiter. Une relation sexuelle avec un enseignant dans

460
les vestiaires du gymnase de l’E2C, jamais elle n’aurait pensé assouvir ce
fantasme il y a encore quelques mois !

***

Faire l’amour sous la douche d’un gymnase ne fut finalement pas si aisé
que cela. Il fallait faire preuve de souplesse et d’une certaine force qu’elle
n’imaginait pas pour prendre du plaisir en restant fermement cramponnée avec
l’aide de ses jambes à son compagnon, le tout contre le mur et sous une douche
bien chaude afin de ne pas trop épuiser son partenaire qui la portait. Cette position
n’était finalement pas si éloignée, mais plus fatigante, de ce que le couple pouvait
pratiquer en danse pour la présentation de l’équipe des garçons ou le bal de début
d’année. Le plaisir n’en fut que décuplé. Béhuit, malgré le fait de la porter en
continu, semblait bien avoir profité de l’idée de sa future fiancée également. C’était
une expérience à renouveler, excitante, qui sortait de la routine sexuelle qui
commençait à s’installer chez eux. Elle appréhendait énormément cette lassitude
sans renouveau. Surprendre Béhuit, même en vivant ensemble était nécessaire
pour préserver la flamme. A prochainement 20 ans, Bucky qui avait trouvé le bon
partenaire, tenait à vivre des choses marquantes avec lui de ce côté-là. Elle aurait,
à l’opposé, préféré une vie plus conventionnelle du côté de la véritable activité de
Béhuit, mais dans la vie, rien n’était parfait.

Après s’être lavés sans trop de travail supplémentaire, car déjà au bon
endroit, ils s’habillèrent. Béhuit remis son beau costume sans sa veste pour la
ranger dans son sac à dos, correctement pliée ; il souhaitait la préserver pour leur
déplacement à moto. Bucky avait également tout prévu de son côté pour être
classe tout en étant capable de faire la route ; une robe noire et blanche, courte et
moulante, avec des collants sombre et bien épais, accompagnée de ses bottes
noires et or lui arrivant jusqu’au genou. Ils furent rapidement prêts à partir. Les
vêtements inutiles pour ce soir, dont sa tenue de pom-pom-girl, avaient été
soigneusement laissés dans le bureau de Béhuit. Ils les récupéreraient le
lendemain. Alors que Bucky enfilait son casque et ses gants, Béhuit démarra la
sportive deux roues. Elle grimpa derrière lui et s’accrocha fermement à son torse
à l’aide de ses bras avant de se diriger vers la capitale. Un dîner romantique les
attendait au deuxième étage de la tour Eiffel. Ils avaient un peu de retard, mais
Béhuit allait remédier à ça !

461
Le trajet Cley-Paris fut agréable à souhait ! Grâce à un trafic fluide ce soir-
là et une Bucky totalement en confiance sur ce moyen de locomotion, Béhuit avait
pu avaler les kilomètres à une vitesse proche de l’indécence sur certaines portions
de route. Des flashs crépitèrent de temps à autre le long de la route sans que cela
ne provoque le moindre frisson à son conducteur. La plaque d’immatriculation du
véhicule ne permettait sans doute pas au service des amendes de remonter
jusqu’à lui pour lui soustraire des points à son permis, voire carrément lui enlever.
En y réfléchissant, Béhuit avait un nombre de passe-droits assez impressionnant ;
Un homme puissant et/ou important, cela le rendait encore plus désirable aux yeux
de sa passagère. Qu’est-ce qu’elle pouvait l’aimer !

Garé tout près du monument Parisien le plus célèbre de France, ils ne mirent
que peu de temps pour y accéder afin de se rendre au restaurant Jules Verne du
deuxième étage. La vue y était magnifique et le repas promettait de l’être tout
autant. Les parents de Bucky n’avaient pas lésiné sur les moyens pour ce cadeau
de Noël. Il s’agissait de sept plats de dégustation ; dont deux desserts. La cuisine
y était particulièrement raffinée. Ce n’était pas particulièrement le type de
nourriture que Bucky plébiscitait, elle qui préférait les produits plutôt bruts, mais
elle apprécia tout de même. C’était pareil du côté de Béhuit, sauf pour le plat
composé de poisson, du turbot ici en l’occurrence. Il décida de ne pas finir
l’assiette. Elle sourit intérieurement. Elle venait enfin de découvrir quelque chose
que Béhuit ne mangeait pas ! Elle commençait vraiment à le connaître dans ses
moindres détails. En savoir toujours un peu plus sur lui était important pour elle.
Béhuit était un superbe blond assez athlétique et avec un sens de l’humour
prononcé. Il mangeait comme quatre, était une personne particulièrement tactile
au grand bonheur de Bucky qui se retrouvait souvent à être cajolée, caressée, voire
massée. Il était cependant souvent triste ou plongé dans ses pensées. Bucky avait
clairement compris qu’il jouait un rôle très actif dans la protection de l’E2C d’une
menace dont elle ignorait tout. Sa vie avant elle, dont elle connaissait encore très
peu, avait vraiment dû être particulière traumatisante. Qu’est-ce qu’on avait bien
pu lui faire endurer durant cette période ? Bucky ne désirait qu’une chose, lui
donner un peu plus le sourire et voir la vie plus souvent du bon côté.

Une fois le repas absolument exquis terminé, ils reprirent la moto pour se
rendre au Moulin Rouge. Béhuit était impatient de voir ce spectacle et Bucky
heureuse de lui offrir cette opportunité. Le bonheur de son compagnon était ce
soir sa priorité, encore plus que d’ordinaire. En donnant ses invitations à l’agent
d’accueil, malgré leur léger retard, elle fut tout de suite reçue par le directeur
artistique, Monsieur Kaliensky, qui visiblement les attendait.

462
- Mademoiselle Délavigna, c’est un immense plaisir de vous recevoir. Je
vous propose de vous placer aux meilleures places afin que vous puissiez profiter
un maximum du spectacle. Je viendrai, si vous le permettez, vous revoir à la fin
pour vous présenter les coulisses et l’une de nos meneuses de revue. N’hésitez
pas à commander ce que vous désirez boire, c’est offert !

Bucky avait visiblement bien plus tapé dans l’œil du directeur artistique du
Moulin Rouge qu’elle ne le pensait. On lui déroulait carrément le tapis rouge ! On
la fit passer devant tout le monde avec Béhuit afin qu’elle soit placée en première
dans la salle décorée façon Paris du 19ième siècle. Tout comme Béhuit, elle n’avait
jamais véritablement vu ce type de spectacle. Elle était impatiente d’en voir le
contenu. Cela lui permettrait en partie de comprendre pourquoi un emploi lui était
proposé ici avec une possibilité supplémentaire en tant que danseuse.

On installa Béhuit et Bucky assez proche de la scène, mais pas trop non
plus afin d’avoir une parfaite vue d’ensemble. Sans que ni elle, ni son compagnon,
ne leur demandent quoi que ce soit, on leur servit une flûte de champagne à
chacun. Bucky n’était pas très alcool et encore plus depuis la dernière fois qu’elle
avait bu à Munich, cependant elle n’osa pas, par politesse, décliner la flûte qu’on
lui déposa devant elle. Béhuit la boirait peut-être en plus de la sienne. Il n’était pas
un grand fan d’alcool non plus et n’en avait pas pris au deuxième étage de la tour
Eiffel, il y a moins d’une heure ; peu de chances qu’il rencontre des difficultés à
conduire la moto pour le retour une fois les deux flûtes ingérées. Elle le regarda.
L’impatience de voir le spectacle se lisait sur son visage. Bucky, de son côté,
espérait ne pas s’ennuyer.

Durant la totalité du spectacle, Béhuit ne décolla pas la tête de la scène. Il


était subjugué par ce qui se présentait devant ses yeux. Le cadeau de Bucky était
à la hauteur de ses espérances, à coup sûr. Bucky ne critiqua aucunement les
goûts de son futur fiancé, car à sa grande surprise, elle avait également adoré !
Des costumes magnifiques, un éclairage captivant, des chorégraphies
incroyables, une musique parfaite et des danseurs et danseuses de très haut
niveau ; tout ce qu’elle adorait était condensé ici ! Alors qu’elle avait toujours pensé
que danser poitrine nue, et encore pas si souvent que cela, pour des demoiselles
était très kitch et pour les mâles en manque d’affection, elle dut revoir sa copie et
comprenait désormais pourquoi on cherchait à l’embaucher ici. Ce monde qu’elle
ne connaissait que peu était, en fait, très proche de celui des pom-pom-girls ;
simplement un peu plus adulte. Elle se maudissait d’avoir dénigré légèrement ce
type de show… comme le faisaient la plupart des gens avec les pom-pom-girls. Elle
était partie avec des a priori stupides ! Elle allait finalement réfléchir un peu plus

463
au poste qu’on lui proposait ici. Bien sûr, c’était toujours New-York sa priorité, mais
un plan de repli sur Paris au cas où Béhuit serait dans l’incapacité de la suivre
n’était finalement pas si mauvais. D’autant qu’elle savait que cela plairait
certainement à son compagnon si elle faisait danseuse en prime ici, même si elle
doutait tout de même avoir le niveau requis malgré ses qualités ! Quoi que peut-
être uniquement pour danser le french cancan de très loin ce qu’il préférait dans
le spectacle ; certaines danses avec sa poitrine bien visible devant tout le monde
ne lui plairaient peut-être pas tant que cela si elle faisait partie des danseuses !
Elle n’était pas certaine de le désirer non plus, même si elle ne faisait pas de sa
pudeur un totem infranchissable.

- J’ai adoré ma pom-pom ! Merci de m’offrir des soirées comme celle-là. De


l’entraînement de volley à ce spectacle, j’ai passé un moment inoubliable. J’espère
que tu ne t’es pas trop ennuyée, j’ai bien compris que tu étais venue ici uniquement
pour me faire plaisir, dit Béhuit.

- Rassure-toi, ce sera inoubliable pour moi aussi ! Ce spectacle, je l’ai adoré,


et c’est un peu finalement grâce à toi que je le découvre. Ce monde n’est en fait
pas si éloigné de celui des pom-pom-girls !

Ils s’embrassèrent alors que les autres spectateurs quittaient la salle.


Monsieur Kaliensky arriva au bout de quelques minutes pour leur parler alors qu’ils
n’en avaient toujours pas terminé avec leur baiser quelque peu interminable. C’est
Béhuit, qui par pure politesse sans doute, rompit le contact entre leurs deux
bouches. Bucky ne se lassait jamais des baisers de l’entraîneur de volley-ball et
cela pouvait durer très longtemps. Dégagée de l’envoûtement de son compagnon,
elle se décida à pointer ses jolis yeux noisette vers le directeur artistique.

- J’ai l’impression que je dérange ! Dit-il poliment.

- Ce n’est pas totalement faux, avoua-t-elle sans gêne. Mais ce n’est pas
grave, je finirai ce que je faisais avec mon fiancé plus tard ! Ajouta-t-elle en
regardant affectueusement Béhuit.

- Vous êtes fiancés ? Demanda-t-il, un peu surpris, sachant que Bucky était
encore relativement jeune.

- Sous quelques semaines, souligna-t-elle.

- Je vous félicite ! Cette année va être donc encore un peu plus pour vous
une année charnière dans votre vie. De nombreuses choses vont changer.

464
- C’est en partie pour cela que je suis avec vous ce soir je pense, dit-elle afin
de passer dans le vif du sujet.

- Et j’espère que la proposition que je vous ferai vous conviendra. Comment


avez-vous trouvé le spectacle ?

- Je ne connaissais pas réellement ce monde. Je suis agréablement


surprise et je comprends mieux pourquoi vous me sollicitez.

- Le succès de votre chorégraphie de pom-pom-girl montre sans


contestation possible votre talent pour cet art, initia-t-il.

-… Et comme le monde des pom-pom-girls et du cabaret ne sont pas si


éloignés, vous pensez à moi pour vous accompagner à l’élaboration d’un nouveau
spectacle, avec un regard nouveau, tout en sauvegardant les traditions, le coupa-
t-elle.

- Nous avons besoin d’idées novatrices et dans l’air du temps et puis notre
chorégraphe actuelle arrive doucement à la retraite ! Puis-je vous convier dans
mon bureau pour que nous en discutions ? Je vous présenterai ensuite, si vous
êtes intéressée, les coulisses ainsi que l’une de nos meneuses de revue qui est
américaine et également ancienne pom-pom-girl.

L’homme tendit un badge à Béhuit. Probablement une sorte de pass pour


pouvoir se déplacer à son gré.

- Monsieur, je vous emprunte votre fiancée pour une courte durée si cela ne
vous dérange pas. En attendant, vous pourrez accéder aux coulisses si cela vous
dit grâce à ce pass. N’hésitez pas à demander quelque chose à boire à l’un des
membres du personnel si vous avez également soif, Dit Monsieur Kaliensky.

Béhuit regarda Bucky qui lui fit un léger signe de la tête pour lui faire
comprendre que la suite de la discussion ne le concernerait pas directement. Il prit
le pass, avant de se faire emmener vers les coulisses par l’un des membres du
personnel.

- Évite de côtoyer de trop près les danseuses ! L’avertit-elle sur le ton de


l’humour.

- Ce n’est pas parce que je possède un avion de chasse que je n’ai pas le
droit d’en regarder d’autres, répondit-il sans doute pour la taquiner en plus de la
complimenter sur son physique.

465
- Les regarder oui, les essayer non ! Souligna-t-elle avant de le laisser
s’éloigner.

Le fluet M. Kaliensky emmena directement Bucky à son bureau. Comme


elle s’en doutait, un poste à terme de chorégraphe lui était offert, en commençant
simplement d’assistante à l’actuelle jusqu’à son départ à la retraite prévu dans
deux ans environ. Afin qu’elle ait la possibilité de mieux s’immerger, la possibilité
d’être également danseuse lui était ouverte malgré un déficit, en principe
rédhibitoire, de quelques centimètres concernant sa taille. Son rôle était
clairement défini ; mettre aux standards d’aujourd’hui un spectacle traditionnel,
tout comme elle l’avait fait de la présentation de l’équipe de volley-ball des garçons
de manière novatrice. Il fallait qu’elle en apprenne plus sur l’histoire du cabaret,
mais l’offre d’emploi était loin d’être inintéressante d’autant que le salaire était
compétitif et même confortable si elle faisait en plus danseuse et sans doute donc
suffisant pour un couple si Béhuit avait la possibilité d’abandonner son activité
actuelle. Elle attendrait sa visite à l’école Julliard de New-York pour donner une
réponse définitive.

L’entretien terminé, elle retourna voir Béhuit dans les coulisses ; il buvait en
compagnie probablement d’une des danseuses, à la vue de son physique
particulièrement bien proportionné. M. Kaliensky qui l’accompagnait, lui annonça
que la danseuse en question était la meneuse de revue qu’elle devait rencontrer
pour un premier échange. Elle sortait selon toute vraisemblance de la douche et
n’avait plus sa tenue de spectacle, mais des vêtements classiques : pantalon
moulant et débardeur.

- Je ne t’ai pas trop manqué ? Demanda Bucky à Béhuit en train de scruter


de très près une robe de french cancan.

- Je crois qu’il vous imagine déjà dans cette robe ! Répondit la danseuse
avec un accent trahissant ses origines non françaises.

Visiblement, la meneuse de revue était au courant de la proposition de


poste de Bucky et cherchait à se mettre l’étudiante de l’E2C dans la poche.

- Bucky Délavigna, répondit la brune à la mèche fuchsia en lui tendant la


main pour lui serrer.

- Je suis heureuse de vous rencontrer, je suis Abby Saints, danseuse ici et


ancienne pom-pom-girl. Votre chorégraphie pour présenter votre équipe de volley-
ball a un succès fou, on en parle jusqu’à chez moi en Caroline du sud !

466
Bucky eut le sourire. Elle ne s’imaginait pas avoir tapé aussi fort avec sa
chorégraphie qui, par les réseaux sociaux, se visionnait même jusqu’à l’étranger !

- En toute honnêteté, je suis un peu surprise de ce succès, répondit Bucky.

- Vous avez un talent indéniable en plus d’être une bonne danseuse. Je suis
convaincue qu’une personne comme vous pourrait nous apporter énormément
pour créer le nouveau spectacle que nous souhaitons.

Abby Saints, tout comme son directeur artistique, semblait enthousiaste à


l’idée de travailler avec Bucky. Béhuit la regardait également de façon admirative.
Elle n’était franchement pas déçue de sa soirée ! Quel bonheur d’être admirée !
Surtout par celui qu’on aime.

Après quelques petits échanges supplémentaires, la jeune étudiante


répartit avec son beau blond pour rentrer se coucher à la villa. Il y avait cours le
lendemain. Elle avait promis une réponse à M. Kaliensky dès l’obtention de son
diplôme. Sous quelques mois, si tout se passait bien. C’était parfait pour se laisser
le temps de se décider.

***

Cette fin de mois de mars annonçait officiellement la fin de l’hiver, mais pas
uniquement pour Bucky. Il ne lui restait désormais plus qu’un mois pour préparer
ses 20 ans et ses fiançailles avec Béhuit. Elle avait bien avancé sur le sujet. Une
quarantaine d’invités étaient prévus dû à finalement un certain nombre
d’impossibilités de venir un mercredi soir, jour de semaine. Bucky n’avait pas
choisi de fêter son anniversaire à la date exacte pour rien ! Cela donnait une
excuse aux invitations qualifiées de "diplomatiques" pour ne pas pouvoir venir et
ce n’était en rien gênant pour Bucky et ses camarades de l’E2C. Le vendredi 1 mai
était férié et le jeudi 30 avril traditionnellement chômé à l’E2C pour laisser aux
professeurs une journée pour préparer les ultimes épreuves de fin d’année.
L’occasion idéale de pouvoir prolonger la fête. Le lieu avait également été défini ;
la villa ! Céssix, faisant partie des invités, avait à la grande surprise de Bucky
accepté que la splendide demeure soit utilisée pour l’anniversaire et les fiançailles.
Il restait encore des choses à préparer dont sa bague à aller choisir avec Béhuit,
mais ce n’était pas cela qui la préoccupait aujourd’hui. Elle devait s’assurer qu’elle
n’avait rien oublié pour son départ avec Béhuit à Porticcio pour le stage d’une

467
semaine de volley-ball où leurs pom-pom-girls étaient également conviées. En tant
que capitaine, elle avait dû préparer un programme d’entraînement intensif avec
l’aide de Meyrie. Les filles ne venaient pas à ce stage pour y faire de la figuration
ou bronzette, il avait pour, elles aussi, une vocation de perfectionnement dans leur
activité. Une fois cette semaine achevée, Bucky et Béhuit ne rentraient pas sur Cley
avec les autres. L’étudiante avait habilement placé sa visite de l’école de danse de
New-York pour le week-end. Elle souhaitait se placer rapidement sur ce poste qui
lui était proposé.

Après un dernier check-up, elle referma son sac de voyage. Béhuit le prit en
même temps que le sien, deux fois moins rempli, pour les déposer dans le coffre
de sa voiture. La capitaine des pom-pom-girls monta dans le véhicule, prête à partir
après un discret signe de la main de politesse afin de dire en revoir à sa directrice.
Ce fut un peu plus long pour Béhuit. Il avait visiblement bien plus de choses à dire
à Céssix et de toute évidence, une fois de plus, loin des oreilles curieuses de sa
future fiancée. Elle commençait à prendre l’habitude de ce comportement lié à leur
activité de surveillance de l’E2C.

A leur arrivée, le car du campus les attendait pour les emmener à l’aéroport.
Remonter dans un avion pour la première fois depuis la proposition de fiançailles
de Béhuit lui donnait des frissons ; plus jamais elle ne verrait ce moyen de
transport comme avant.

***

Le lieu de préparation pour les huitièmes de finale était resté comme dans
les souvenirs de Bucky et des autres pom-pom-girls qui avaient déjà vécu cette
expérience avec elle ; magnifique ! Le camp d’entraînement était au bord de la
plage et donnait sur une eau bleu turquoise de carte postale. Tout autour, des
bungalows récents, mais se mariant très bien au lieu, servaient de chambre pour
entraîneurs et étudiants. Elle remarqua également l’immense terrasse de l’espace
restauration qui permettait de manger tout en sentant l’écume de la mer,
seulement deux mètres plus bas. Même si l’objectif de ce lieu était un travail
sportif intense, Bucky se souvenait que lors de sa dernière escapade ici avec
l’équipe de handball, quelques moments de détente y étaient prévus. Cet endroit,
propriété commune des campus d’excellence d’Italie, d’Algérie, de Tunisie et de

468
Suisse en plus de celui de l’E2C, faisait remonter des souvenirs particuliers chez
l’étudiante à la mèche fuchsia.

- C’est un endroit magique pour un stage ici, même les pro en rêveraient !
Souligna Béhuit voyant sa compagne scruter la mer et la terrasse à quelques
mètres alors que les autres étudiants et Meyrie se préoccupaient de la répartition
des bungalows.

- C’est en grande partie grâce à toi que nous sommes ici aujourd’hui.
L’équipe de basket-ball en est verte de rage, dit-elle en invitant Béhuit à mettre ses
bras autour d’elle.

- L’environnement est idéal pour ce stage. Les huitièmes approchent à


grands pas.

- Je ne crois pas te l’avoir dit, mais j’ai des souvenirs particuliers ici…

- C’est-à-dire ? Demanda Béhuit à sa compagne.

- Ma toute première fois… c’était ici. Sur cette plage… sous cette terrasse
même.

- Et qui était cet homme que je qualifierais de plus chanceux de cette


galaxie ?

- Tu le connais assez bien. C’est Sacha, de ma classe et de l’équipe de


handball. On voulait faire ça dans son bungalow, mais son camarade de chambre
était un ex à moi ! Difficile de lui demander de nous laisser les lieux, rigola-t-elle.

- Et vous n’avez donc rien trouvé de mieux qu’ici ? Même si ce n’est en fait
pas si mal comme lieu.

- J’étais incroyablement stressée. Une première fois pour une fille, c’est
beaucoup d’appréhension !

- Mais ça s’est finalement bien passé ? Demanda Béhuit curieux.

- Disons que je préfère largement être entre tes mains expertes ! Il ne me l’a
jamais vraiment avoué, mais je crois que c’était sa première fois également. Rien
que de mettre le préservatif a été un combat, il avait du mal et je n’osais pas l’aider.
Il n’a pas réussi non plus à enlever correctement mon haut de bikini, j’ai dû le faire
moi-même. Quand je pense à toi qui arrive à me dégrafer mon haut sans même
que je m’en aperçoive, je me dis qu’il manquait quelque peu d’expérience.

469
Bucky n’avait aucune gêne à lui parler de cela. Il était important pour elle
qu’il sache tout d’elle, y compris sa vie antérieure à leur rencontre.

- Pour rattraper le coup… et ma jalousie, ça te dirait de renouveler


l’expérience avec moi durant le séjour ? Demanda Béhuit.

- Je ne t’ai pas raconté cette histoire de manière totalement innocente !


L’endroit est paradisiaque et en plus de ma première fois, j’aimerais aussi profiter
du même lieu pour le faire avec l’homme de ma vie. Une façon de boucler la boucle.

- Tu penses réellement qu’une possibilité de te répondre non à cette


proposition existe ? Sourit-il. Je vais montrer à ce joueur de handball ce dont un
ancien du volley est capable, plaisanta-t-il.

Bucky rigola de nouveau. Son compagnon actuel n’avait rien à craindre. Elle
ne regrettait pas ses quelques expériences passées, mais c’est bien avec lui seul
qu’elle se sentait en osmose dans cette activité et pour le reste. Il ne restait plus
qu’à trouver le moment propice, sans doute en soirée, pour combler ses envies.

A peine les bagages déposés dans les bungalows que les entraînements
commençaient. Bucky se sépara de Béhuit qu’une fois arrivée dans le joli gymnase
avec vue sur la baie d’Ajaccio. Avec l’aide de Mathéo, présent une fois de plus
officiellement pour suivre l’équipe en tant que média mais en réalité surtout pour
seconder Béhuit. L’équipe de volley commença à s’échauffer alors que Bucky et
ses amies dirigées par Meyrie se mirent dans un coin afin de procéder à quelques
étirements tout en parlant du programme de la semaine.

L’objectif pour les pom-pom-girls était très précis ici. Chercher quelques
nouvelles mini-chorégraphies d’une minute maximum afin de divertir le public
durant les temps morts demandés par Béhuit durant les matchs. Régulièrement
d’une année sur l’autre, ces shows express étaient modifiés afin de donner une
sensation de renouveau, mais cela n’avait pas encore été fait cette saison. La
raison en était simple ; la présentation des garçons d’avant-match avait occupé à
100% les dix filles et Meyrie. Ce stage avait pour but d’en inventer une ou deux
nouvelles pour remplacer les plus anciennes et évidemment, on comptait
énormément sur la capitaine pour cela. Bucky était devenue une véritable
référence dans ce domaine depuis le succès viral de la chorégraphie sur le
morceau des Blues Brothers. Elle sentit une attente de ses partenaires qui lui mit
un peu de pression sur les épaules. La capitaine ne voulait pas les décevoir. Elle
allait devoir trouver des idées dignes de son équipe !

470
***

Avec des journées bien remplies, Bucky ne vit pas passer les premiers jours.
On était déjà le mercredi après-midi et la fin du stage était prévue pour le samedi
en début d’après-midi. Si du côté des garçons, les progrès et la cohésion d’équipe
progressaient chaque jour un peu plus malgré une fatigue physique qui
commençait à peser sur les organismes, du côté des filles, cela n’avançait pas
comme le souhaitait leur capitaine ; une seule chorégraphie allait pouvoir être
créée au lieu des deux espérées. Bucky avait tellement cherché à créer quelque
chose de parfait avec son équipe pour la première qu’elle en avait oublié la
seconde. Meyrie rassura les filles en leur disant qu’une mini-chorégraphie parfaite
valait mieux que deux quelconques, mais Bucky vit cela comme un demi-échec.
Elle aurait clairement aimé en faire deux. L’organisation des fiançailles et son
anniversaire lui prenait plus de temps que prévu. Elle voulait que tout soit parfait
et passait de long moment en visio avec ses parents, le traiteur ou les sites de
décoration du net. Temps qu’elle ne passât pas à réfléchir à de nouveaux
mouvements. Personne ne semblait cependant lui en vouloir, elle avait déjà
tellement œuvré pour l’activité de pom-pom-girl.

Contrairement aux après-midis jusqu’ici, Meyrie et Béhuit se mirent


d’accord pour faire une pause régénératrice afin que les étudiants récupèrent. Il
est vrai qu’un entraînement, le matin, l’après-midi, puis en soirée, cela ressemblait
plus à un programme de sportif professionnel que d’étudiant. Un véritable moment
de détente était bienvenu. Détente oui, mais quartier libre pas vraiment, du moins
pour l’après-midi. Les entraîneurs de danse et de volley avaient prévu une sieste
obligatoire d’une heure dans les bungalows et une sortie surprise juste après. Le
programme fut agréablement accueilli par l’ensemble des étudiants,
particulièrement pour les couples Glaème-Antoine et Anita-Erik qui n’avaient pas
beaucoup eu l’occasion de se côtoyer depuis leur arrivée à Porticcio. Cette sortie
allait leur permettre de passer un peu plus de temps ensemble. Problème que
Bucky avait le privilège de ne pas connaître ; elle partageait le même bungalow que
Béhuit, contrairement aux autres étudiants qui étaient dans leur chambre en
binôme sans mixité possible. Béhuit n’était pas contre faire des exceptions pour
les frères Donerm, mais il se rangea finalement de l’avis de Meyrie qui ne
souhaitait pas de dispersion sur ce sujet. Bucky avait même un moment bien cru
passer ses nuits sans Béhuit ; le règlement de l’E2C ne tolérait, en principe, pas de

471
mixité dans les chambres pour les étudiants ! Ce fut uniquement le fait qu’une
relation entraîneur-étudiante n’ait pas été pensée qui eût permis à Bucky de
profiter de ce vide dans le règlement intérieur pour partager la chambre à coucher
de Béhuit.

La sieste fut particulièrement bienvenue chez les volleyeurs. Ils étaient


épuisés. Pour les filles, cette heure fut mise à profit plus pour un moment
d’oisiveté que de sommeil. Leur activité était moins intense niveau physique et
avec de longs moments de réflexion. Bucky, de son côté, en profita pour avancer
sur l’organisation familiale du 29 avril prochain jusqu’à ce que Béhuit lui annonce
que le moment était venu d’aller chercher ses camarades. Il avait tout préparé pour
sa sortie surprise et il fallait partir. Il n’avait pas voulu lui dire où il emmenait tout
le monde avec la participation de Meyrie.

Après trente minutes de voyage sympathique à longer la côte pour arriver à


destination, les étudiants identifièrent la surprise de Béhuit et Meyrie ; le car
s’arrêta juste devant un bâtiment indoor multi-activités.

- Volleyeurs et pom-pom-girls, l’E2C a privatisé les lieux jusqu’à 19h ! Vous


êtes libres de faire les activités proposées à l’intérieur comme bon vous sembles,
annonça Meyrie avant de signifier au chauffeur d’ouvrir les portes du car.

Tout le monde était ravi de la surprise ! Les étudiants se précipitèrent dans


les lieux pour y regarder ce qui y était proposé. Bucky regarda avec attention les
activités proposées ; bowling, karting, billard, simulateur de chute libre et laser
Game. Différents groupes se formèrent selon les envies. Elle opta finalement avec
son groupe d’amis proches pour un bowling où ils firent deux parties, bien
évidemment accompagnés de Béhuit. Tout comme Antoine et Glaème ou Erik et
Anita, Bucky se moquait un peu de l’activité choisie. Ce qui comptait pour elle,
c’était de partager un moment supplémentaire avec son futur fiancé. Les trois
couples du groupe passèrent plus de temps à embrasser leur moitié qu’à se
préoccuper de la partie de bowling au grand dam de Nolwenn et Shandrill qui avait
l’étrange impression d’une nouvelle fois tenir la chandelle de ces six-là. Histoire de
les obliger à se décoller les uns des autres, les deux filles sans partenaire du
groupe proposèrent de changer d’activité pour du karting. La proposition n’était
pas anodine et Bucky avait immédiatement flairé les intentions ; obliger les
couples à se séparer même si Bucky avait à tout hasard demandé s’il existait des
karts biplaces. Tout le monde accepta. Deux parties de bowling, c’était largement
suffisant.

472
Pour la première fois, Bucky découvrait le karting. Après avoir écouté
beaucoup plus les conseils de Béhuit que le membre du personnel de l’activité
pour les explications, elle se lança sur le circuit qui donnait en partie en extérieur.
Elle se retrouva dès le départ, dernière, mais pas si loin que cela de Nolwenn.
Comme dans toutes activités sportives, la dernière place allait se jouer entre elle
et sa meilleure amie.

Après quelques tours de piste, elle commença à prendre confiance, mais


les autres également. Elle ne parvenait pas à reboucher la distance qui la séparait
de sa concurrente directe. Elle fut surprise de se faire doubler dans un virage par
un kart. Elle avait déjà un tour de retard sur le premier qui avançait à une vitesse
folle et qui quelques virages plus loin avala également Nolwenn comme s’il avait
dépassé un simple plot. Les panneaux d’affichages digitaux firent comprendre à
Bucky que le premier de cette course à une vingtaine de Kart au total n’était autre
que Béhuit et qu’il avait une avance folle sur tout le reste de ses adversaires. Si
Bucky avait un talent pour la danse et tout ce qui s’en rapprochait, son futur fiancé
en avait indéniablement un dès qu’il avait un volant ou un guidon entre les mains !
Plus les tours avançaient, plus il relégua la concurrence loin de lui. De son côté,
c’était plus compliqué, par deux fois, elle loupa un virage pour se retrouver dans
les pneus, une grosse perte de temps qui la fit finalement terminer très loin derrière
tout le monde !

Après une pause de 15 minutes et quelques railleries de ses amis, le groupe


recommença une session de course après que Béhuit lui prodigue de nouveau des
conseils sur sa conduite. C’est avec une joie immense qu’elle termina cette fois la
course devant Nolwenn, Anita, Glaème et une autre pom-pom-girl et à seulement
quelques encablures de Shandrill et Ethan, une véritable victoire pour elle !

- Avec toi comme professeur particulier, je vais rapidement devenir


championne de karting, signala-t-elle à Béhuit une fois sorti de son kart.

- Avec de la pratique et de la persévérance, sait-on jamais. C’est en forgeant


que l’on devient forgeron, répondit-il.

- C’est de la triche ! Protesta Glaème. Tu nous as caché tes talents en kart


et tu n’as conseillé que ta petite amie afin qu’elle finisse avant d’autres ! En
regardant Béhuit avec une certaine jalousie.

- Mes conseils n’étaient pas privés ! Il n’y a simplement que Bucky qui les a
écoutés, rigola-t-il.

473
Antoine et Erik, grands amateurs de ce loisir soulignèrent les excellents
temps de leur entraîneur de volley, très proches des records du circuit. Béhuit
justifia cela par beaucoup de conduite ces dernières années sans développer plus.
Bucky ne chercha pas à creuser plus le sujet. Elle avait toujours remarqué en lui
une sorte de sûreté dans sa conduite pourtant parfois très sportive à moto ou
lorsqu’il conduisait sa voiture. Elle n’en était pas sûre, mais cette maîtrise était
peut-être en lien avec la véritable raison de sa présence ici. Béhuit avait clairement
été formé à la conduite ; ses résultats en karting l’attestaient !

Le groupe de Bucky décida de finir l’après-midi en ces lieux avec quelques


parties de billard après avoir bu quelques verres de soda ou d’alcool léger selon
les goûts, histoire de se réhydrater. Le karting avait été particulièrement éprouvant.
Finalement pas idéal pour une après-midi de repos pensa-t-elle. Et si le but de
Béhuit pour cette journée était tout simplement de rapprocher encore un peu plus
les pom-pom-girls et leurs volleyeurs ? Se demanda-t-elle. A moins que ce soit tout
simplement pour passer encore un peu plus de temps avec elle. Au moment même
où elle chercha à interroger Béhuit sur le sujet, elle le vit s’éloigner pour répondre
au téléphone.

Tout en écoutant d’une oreille ses amis en commençant une partie de


billard, Bucky épiait discrètement l’homme pour qui son cœur battait. Il était à une
dizaine de mètres, derrière une baie vitrée qui ne permettait pas à sa petite amie
d’entendre quoi que ce soit de la discussion. C’était clairement volontaire de sa
part. Au fur et à mesure que la discussion s’étalait dans le temps, le visage de
l’entraîneur de volley-ball se décomposait ; une très mauvaise nouvelle à coup sûr.
Alors qu’elle prévint ses amis de continuer la partie sans elle pour se rapprocher
de lui, il raccrocha et fixa immédiatement Bucky. Elle se hâta de venir à sa
rencontre.

- Qu’est-ce qui t’arrive ? Demanda-t-elle, en prenant soin d’être isolée de


toute autre personne.

- Bucky… je dois partir…

- Une mauvaise nouvelle ?

- Je dois m’assurer de quelque chose. C’est important, on va venir me


chercher sous peu. Tu m’excuseras auprès des autres, dit-il complètement perdu.

- Et… tu reviens quand, au juste ? S’inquiéta Bucky qui appréhendait la


réponse.

474
Il la prit dans ses bras. Elle comprenait que c’était extrêmement grave et
sérieux. Sa mission refaisait surface à nouveau. Elle repensa immédiatement au
coup de feu lors de la tempête de neige, la blessure de Céssix. Elle commença à
trembler. Elle attendait une réponse.

- J’espère pouvoir le faire…

Le ton et la réponse ne laissait pas de place au doute. Béhuit n’était même


pas sûr de rentrer !

- S’il te plaît, reste ! Si tu m’aimes, reste ! J’ai bien compris que c’était
dangereux. Ne m’abandonne pas comme cela. Tu m’as demandé d’être ta fiancée
et je t’ai répondu oui, ajouta-t-elle pour étoffer son argumentaire.

- Je dois partir Bucky, c’est vital. Je suis désolé de te mettre dans cette
situation, mais je te promets une chose. Tu es la femme que j’aime et ce que je
fais même si tu en ignores tout, c’est pour toi. Pour que tu aies la vie heureuse et
insouciante que tu mérites et je ferai tout pour la partager, du mieux que je peux,
à tes côtés.

Bucky comprenait qu’elle ne pourrait pas l’empêcher de partir. Sans pouvoir


se contrôler, elle commença à sangloter sur l’épaule de l’homme qui se complétait
si parfaitement à elle. Béhuit, à l’aide de ses mains, appuya sur les joues de Bucky
pour la forcer à le regarder.

- Je te promets d’être le plus prudent possible. Une jolie pom-pom-girl,


capitaine et chorégraphe de surcroît qui est tombée amoureuse de moi. Je refuse
de gâcher cette chance, dit-il dans une tentative d’obtenir un sourire d’elle.

Il ne la regardait plus un instant plus tard. Alors qu’elle pensait qu’il


cherchait un baiser de sa part. Quelques secondes plus tard, il la lâcha. Elle
comprit en tournant la tête ; à travers la baie vitrée, ses amis avaient remarqué que
Béhuit annonçait à Bucky quelque chose qui la rendait triste.

- Tu diras à Mathéo de prendre les rênes pour les prochains entraînements,


je lui fais confiance. Et pour le reste des gens, dis-leur que je ne peux pas faire
autrement et que je reviens au plus vite. Je peux compter sur toi ?

- Uniquement si tu reviens… et rapidement.

Alors que tout le groupe d’amis de Bucky les fixait avec de plus en plus
d’insistance, Béhuit tourna les talons pour partir avec célérité. Sans bouger, elle le
regarda partir. Pourvu qu’il ne lui arrive rien, se dit-elle…

475
Nolwenn fut la première à se décider à passer la baie vitrée pour aller à la
rencontre de sa meilleure amie qui tentait de sécher ses larmes en la voyant
arriver.

- Bucky ? Initia Nolwenn sobrement pour tenter de la faire parler.

- Il a un gros souci, se contenta-t-elle de répondre. Il revient au plus vite.

- Comment ça ? Il part d’un coup ?

- Il reste Meyrie pour nous gérer. Mathéo va prendre en charge les


entraînements en attendant son retour.

Bucky ne put s’empêcher de se réfugier dans les bras de sa meilleure amie.

***

La fin de la journée fut des plus étrange. Tout le monde avait été pris au
dépourvu du départ précipité de l’entraîneur de volley. Meyrie tenta d’en savoir plus
en passant des coups de fil, probablement à l’E2C pour prévenir et tenter de
connaître la raison de son départ précipité ; graves problèmes familiaux, lui
expliqua Céssix. Bucky savait que la directrice de son campus d’excellence
mentait à sa professeure de danse et lorsque Meyrie questionna également Bucky
pour tenter d’en savoir plus, la pom-pom-girl fut dans l’obligation de mentir à son
tour en corroborant les dires de Madame Sky. Béhuit n’avait plus aucun lien avec
qui que ce soit dans sa famille. Leur absence à ses fiançailles le prouvait. Du côté
des volleyeurs, on hésitait entre la colère et la tristesse ; comment Béhuit pouvait
les laisser tomber en plein stage alors que des huitièmes de finale historiques pour
l’équipe allaient avoir lieu dans un peu plus de deux semaines ! Le sentiment
d’abandon était palpable. Seul Mathéo ne semblait pas affecté. Il l’était peut-être,
mais trop occupé à revoir ce qu’avait planifié Béhuit pour les prochains
entraînements disponibles sur sa tablette numérique, laissée avec tout le reste de
ses affaires dans son bungalow. Béhuit n’était pas passé rechercher le moindre
vêtement ! A y réfléchir, Bucky se demandait également comment il avait pu partir
sans aucun moyen de locomotion. Un mystère de plus. Elle ne les comptait
désormais plus. La seule chose qu’elle souhaitait, c’était son retour.

Une soirée de repos sans entraînement passée avec ses amis sur le bord
de la plage qui tentaient de la réconforter, et elle rentra, seule et abattue, dans son

476
bungalow pour tenter de trouver le sommeil. Ne parvenant pas à le faire, elle initia
de tracer le téléphone de son compagnon pour au moins le localiser, tentative
évidemment vaine, le téléphone était annoncé éteint. Elle ne put s’empêcher
d’envoyer un message : Nous n’avons même pas eu la possibilité de faire l’amour
sur la plage sous la terrasse. Je t’aime. Message bien envoyé… mais non
réceptionné.

***

Bucky passa sa journée du jeudi tel un fantôme ; une âme-en-peine


totalement égarée. Meyrie avait rapidement déduit que sa capitaine pour la section
volley-ball n’était pas en mesure de faire quoi que ce soit pour avancer sur le projet
de ce stage. C’était définitif, il n’y aurait bien qu’une seule et unique nouvelle petite
danse à utiliser durant les temps-morts demandés par leur équipe. Que ce soit la
professeure de danse ou ses camarades, personne ne lui fit le moindre reproche ;
voir l’élu de son cœur disparaître pour de "graves soucis familiaux" un mois avant
ses fiançailles sans avoir la moindre nouvelle de lui, c’était forcément perturbant.

Pour les volleyeurs et malgré le fait que Mathéo se sente quelques fois un
peu perdu, les entraînements ne se passèrent pas si mal que cela. Les joueurs les
plus expérimentés, Antoine et Yvan en tête, épaulèrent l’entraîneur de substitution
dans le déroulement des différentes séances. Béhuit avait créé une cohésion de
groupe, une communion excessivement forte. Sa petite amie était fière de voir ce
qu’avait fait l’homme qu’elle aimait de cette équipe.

Bucky, bien que toute la journée avec ses amies, fût d’une passivité
inquiétante. Elle n’arrivait rien à avaler. Le stress du départ précipité de Béhuit lui
avait coupé l’appétit et sa joie communicative des premiers jours de stage. Une
seule chose l‘occupait ; son smartphone. Elle espérait un hypothétique message
de Béhuit lui prouvant qu’il allait bien, elle ne demandait pas plus. Mais rien, aucune
nouvelle. Par dépit, elle tenta de joindre Céssix… même résultat. Sans avoir mangé
du matin au soir, elle eut un gros coup de mou. C’est sur les injonctions communes
de Nolwenn, Glaème et Shandrill qu’elle se décida à manger… un minimum, juste
assez pour reprendre un peu de force. Elle était fatiguée, n’ayant que très peu
dormi la nuit dernière et pas très loin de l’hypoglycémie. Antoine et Erik
l’accompagnèrent jusqu’à son bungalow par prévention. Elle se demanda si elle
devait annuler son voyage à New-York prévu le week-end même. Elle se coucha

477
immédiatement, sans même se changer, pour s’endormir profondément, mais la
main sur son smartphone…

***

Bucky réémergea lentement. Elle manquait encore de sommeil, mais une


gêne la réveilla. Loin d’être au top de sa forme, elle mit un petit temps à
comprendre que son réveil avait été provoqué par des vibrations puis une
sonnerie… son téléphone !

- Je suis OK, tout va bien ! Pu-t-elle lire avec une joie indescriptible.

Un deuxième message avait été envoyé dans la foulée :

- Je te laisse deux petites heures pour te préparer. Il est dans mon devoir de
futur fiancé de réaliser les désirs de la femme que j’aime. Cette plage va se souvenir
de tes cris de plaisir et montrer à ton ex qu’un volleyeur est bien plus vigoureux qu’un
handballeur.

Béhuit avait lu son message ! Impossible de lui répondre par messagerie.


Elle l’appela ! Elle voulait entendre sa voix, lui parler, lui dire qu’elle l’aimait d’une
puissance que jamais elle n’aurait pensé. Il décrocha immédiatement.

- Je vais bien Bucky. C’était une fausse alerte ! Dit-il avant même de laisser
parler sa petite amie.

Elle ne releva même pas l’histoire de la fausse alerte pour le questionner


sur l’origine de son départ précipité. Il ne lui en dirait pas plus et elle s’en moquait
dans l’immédiat.

- J’ai eu si peur…

- Je n’étais pas très serein non plus pour être tout à fait transparent. Mais
je reviens à toi et à l’équipe et c’est tout ce qui compte, dit-il. Ton fiancé sera tout
à toi jusqu’à l’aube sous peu !

- Je vais t’attendre au portail, j’ai trop hâte de te serrer dans mes bras.

- Je n’arriverai pas par le portail ! La corrigea-t-il.

- Par parachute directement sur la plage ? Plaisanta-t-elle.

478
Le simple fait de l’entendre lui avait redonné sa joie de vivre. Il était une
heure du matin, elle avait sommeil et désormais faim, mais son corps avait pris un
coup de fouet émotionnel qui lui permit un regain d’énergie.

- Je ne maîtrise pas assez la discipline pour être sûr d’arriver sur la plage…
et pas dans l’eau ! Répondit-il également avec humour. Attends-moi simplement
sur la plage en dessous de la terrasse. On a de la chance, 18°, il fait bon pour ce
que nous avons à faire ! Je suis désolé, je vais devoir couper.

Bucky entendait un bruit de fond étrange, sorte de moteur qui commençait


à brouiller la conversation. Rapidement avant que la conversation ne s’interrompe,
elle parla une dernière fois :

- Béhuit, je suis folle de toi et je t’aimerai toute ma vie.

La communication s’interrompit en annonçant une perte de réseau. Sans


doute du côté de Béhuit. Elle ignorait s’il avait entendu. Ce n’était pas bien grave,
elle lui redirait de vive voix.

Dès qu’elle décolla son téléphone de l’oreille, elle se précipita vers le chevet
de la chambre en commun avec Béhuit. Elle se savait en manque d’énergie et fort
heureusement Nolwenn avait eu une idée de génie en lui laissant un sandwich et
quelques barres chocolatées ! L’appétit retrouvé, elle se jeta dessus pour dévorer
la totalité. Les sucres rapides des barres chocolatées firent rapidement leurs
effets, elle se sentit bien mieux. Elle était encore fatiguée, mais pas question de
dormir alors que Béhuit la rejoignait !

Une douche chaude, puis elle enfila son bikini. Elle ne l’avait pas encore
utilisé du séjour. Afin de ne pas attraper froid en attendant que le contact peau à
peau avec Béhuit ne la réchauffe, elle enfila par-dessus son épais et long manteau
avant de se diriger vers la terrasse et la plage du domaine. Personne à cette heure.
Seule une faible lumière éclairait encore les lieux. Tout le monde devait dormir.
Bucky avait évidemment décidé de ne prévenir personne du retour de Béhuit.
Égoïstement, elle ne le voulait que pour elle. Les autres apprendraient son retour
le matin.

Elle patienta un bon moment avant de recevoir un simple message lui


indiquant qu’il arrivait. Hormis le bruit des faibles vagues, s’échouant sur une plage
de sable frais, un bruit de moteur. Un moteur de bateau. La faible luminosité ne lui
permettait de ne rien distinguer. Puis soudain un Zodiac à une trentaine de mètres
qui coupa son moteur pour continuer de s’approcher à la rame sans doute pour

479
rester discret sur sa présence ici. Plusieurs personnes étaient sur la petite
embarcation ; Béhuit en faisait probablement partie, même si Bucky ne parvenait
pas à le discerner clairement. L’étudiante fit une tentative d’approche en mettant
les pieds dans l’eau… bien froide encore à cette période de l’année. Elle recula par
réflexe. Ce n’était pas très grave, il était là. Il se jeta à l’eau pour les cinq derniers
mètres alors que le bateau opérait déjà un demi-tour. Elle avait froid pour lui, il
avait de l’eau jusqu’au bassin. C’était lui, plus aucun doute.

- Moi qui croyais que tu me sauterais dans les bras ! Dit-il en continuant son
avancée sur Bucky.

- Oh mais je vais le faire ! J’attends juste que tu sortes de l’eau !

Il finit par poser les pieds sur la terre ferme. Sans en dire plus, ils se
serrèrent l’un à l’autre. Bucky ne perdit pas un instant, elle ôta son manteau pour
le laisser tomber pour n’être plus qu’en bikini, couleur fuchsia bien évidemment.
L’instant d’après, elle accompagna Béhuit pour enlever son haut avant de
commencer à déboutonner son jean. Béhuit avait bien évidemment compris les
intentions de sa partenaire, il bascula Bucky afin de l’allonger sur la plage. Elle le
laissait désormais maître des opérations, elle l’accompagnerait si besoin. Elle ne
souhaitait pas parler. Simplement sentir ses mains parcourir son corps de haut en
bas, puis dans l’autre sens. Un rapide passage par son dos pour dégrafer son haut
de bikini avant qu’il n’embrasse sa poitrine dénudée. Un léger frisson, mélange de
plaisir et de température ambiante fraîche. Elle lui embrassa intensément le creux
du cou, peut-être même un peu violemment sous la passion, elle le mordillait
légèrement alors qu’il utilisait un de ses bras pour désormais se débarrasser de la
dernière matière textile qu’elle avait encore sur elle pour laisser à sa main le champ
libre ! Elle se retint de gémir de plaisir en le mordillant encore plus fort. Elle
comptait sur Béhuit pour que cet instant dure encore un peu. Chaque minute
supplémentaire était une bénédiction…

***

Lumière progressive, douce chaleur, enlacée au niveau de sa poitrine nue,


Bucky ouvrit les yeux. Le soleil se levait en plein sur son visage à travers une des
fenêtres de son bungalow. Elle ne se souvenait absolument pas y être retournée
avec Béhuit. Il avait sans doute dû la ramener lui-même de la plage en la portant

480
sans qu’elle s’en aperçoive dû à un déficit prononcé et naturellement lourd du
sommeil. Il était collé à son dos, contre elle. Elle referma les yeux plusieurs
minutes pour synchroniser sa respiration avec la sienne, un petit exercice pour
encore plus se sentir en phase avec lui. Il était marrant de constater qu’il respirait
naturellement bien moins vite qu’elle. Alors que le soleil gagnait en intensité et
donc en luminosité, il réveilla également Béhuit. Elle se retourna pour lui faire face.
Ils ne s’étaient toujours pas parlé. Il la fixait également avec crainte. Elle apprenait
doucement à interpréter ses mimiques de visage et ses gestes. Elle se décida à
ouvrir la bouche en première :

- Ce n’est pas terminé… n’est-ce pas ?

- C’était une fausse alerte… mais le dénouement approche. Bien que de


toute manière, cela se répétera encore et encore. Tu es certaine que tu veux de
cette vie avec moi ?

- Ne dit-on pas que l’amour est plus fort que tout ? Répondit-elle en souriant.

- Bucky, je suis sérieux…

- Mais je le suis aussi ! Depuis que nous sommes ensemble, je me sens


évoluer, grandir et je ne vois pas ma vie autrement qu’avec toi. Je t’ai répondu oui
pour des fiançailles et je te répondrai oui pour le mariage dès que ma vie
professionnelle sera engagée sur les bons rails… Enfin… si la demande est
correctement faite ! Plaisanta-t-elle.

Béhuit sourit légèrement. C’est tout ce qu’elle espérait.

- Tu es… formidable, lui dit-il. Je suis sincèrement désolé de te traîner là-


dedans.

- Je t’aiderai à régler tes soucis, je te le promets, dit-elle sérieusement.

- J’aimerais avoir ton optimisme…

Elle l’embrassa avant de reprendre la parole :

- Allez, nous devons nous lever ! Tu as une équipe à entraîner qui va être
ravie de te revoir !

Elle aperçut un suçon sur le bas du cou de son compagnon lorsqu’ils se


levèrent pour se vêtir. Elle y était allée un peu fort cette nuit sur la plage ! Béhuit
remarqua immédiatement son sourire en coin.

481
- Qu’y a-t-il ? Demanda-t-il.

- Il est possible que tu me haïsses, répondit-elle. Je crois bien que tu as un


suçon au niveau du cou. Je te suggère de le prendre comme une marque
d’affection intense, ajouta-t-elle en tirant la langue.

- Heureusement que j’ai une écharpe pour le cacher ! Je suis heureux que
tu le prennes comme cela, car je pense que tu en as un aussi !

Elle courut vers le miroir de la salle de bain. Il ne lui avait pas menti ! Une
ecchymose se trouvait juste sous son oreille. Elle se retourna pour se rapprocher
du lit alors que Béhuit rigolait.

- Tu ne voudrais pas me prêter ton écharpe ? Demanda-t-elle.

D’un geste de la tête et avec un large sourire, Béhuit lui fit signe que non.
Elle attrapa un oreiller pour tenter de lui lancer dessus, mais Béhuit sortit
suffisamment vite pour parer le projectile en refermant la porte du bungalow avant
de la rouvrir. Il avait son écharpe avec lui, bien évidemment.

- C’est simplement un signe d’affection intense, dit-il en souriant.

Elle rigola à son tour. C’était certes disgracieux, mais pas bien grave.
Absolument tout le monde dans ce stage était au courant de la passion folle qui
les animait l’un pour l’autre. Cela n’empêcha pas Bucky de tenter de poursuivre
Béhuit pour mettre la main sur l’écharpe, sans y parvenir, avant d’arriver sur la
terrasse du domaine où le petit-déjeuner était en train d’être servi.

De nombreux étudiants étaient déjà sur les lieux quand Béhuit arriva au pas
de course sur la terrasse, suivi par Bucky. Son retour fut accueilli immédiatement
avec soulagement.

- Béhuit, on était inquiet ! Signala Ethan.

- Rassurez-vous tout va bien, j’ai simplement résolu des problèmes


personnels urgents, répondit-il. Je suis bel et bien de retour. Nous avons un match
à gagner, je crois ?

Le retour de Béhuit était savouré tel le retour d’un héros. C’était incroyable
de voir l’affect qu’il avait créé avec ses joueurs. Elle le regarda avec admiration.
Son poste d’entraîneur était un poste de couverture pour elle ne savait quel
objectif, mais il le faisait bien. Il avait cette capacité de transmission et de partage
qu’avait tout bon professeur.

482
Comme depuis le début de ce stage, tout le monde prit le petit-déjeuner
ensemble. Bucky était regardée avec insistance par certains et certaines, elle
savait pourquoi. Le fait de laisser ses longs cheveux noirs détachés n’avait pas
suffi pour camoufler suffisamment ce qu’elle désirait dissimuler.

- A quelle heure es-tu rentré, Béhuit ? Demanda Glaème après avoir


longuement regardé le cou de son amie.

- Très tard dans la nuit, répondit simplement Béhuit. Pourquoi ?

- Je me disais simplement que tu aurais pu laisser dormir Bucky, sourit


Glaème en regardant avec insistance à nouveau le cou de Bucky !

- Je te déteste Glaème ! Dit amicalement Bucky en tentant de remettre ses


cheveux plus efficacement à l’aide de sa main sur son suçon bien visible.

- A priori, les retrouvailles ont été torrides. Béhuit t’a dévorée au sens large
comme au sens figuré ! Continua la petite-amie d’Antoine.

Tout le monde sur la terrasse avait désormais vu et compris. Bucky se


contenta de dévisager son blond à la mèche bleue, auteur des faits.

- Ne me regarde pas comme ça ! Répondit-il. Je t’ai simplement rendu la


monnaie de ta pièce, sourit-il en posant la main sur son écharpe pour la taquiner.

- Tu ne veux vraiment pas me prêter ton écharpe ? implora-t-elle.

Il finit par céder en lui mettant lui-même autour du cou, laissant ainsi
apparaître, aux yeux de tous, la marque disgracieuse laissée également par sa
partenaire sur son corps. Un rapide bisou pour le remercier devant tout le monde
avant que Glaème ne décide d’appeler Bucky la "dévoreuse d’entraîneur". Ce petit
surnom risquait de la suivre quelque temps….

***

La fin du stage fut aussi passionnante que son début. Béhuit et Meyrie
avaient même organisé un petit tournoi de volley, deux contre deux et mixte, le
samedi matin avant le départ pour détendre un peu les esprits. Bucky avait
rapidement su convaincre Béhuit d’y participer, avec elle comme partenaire, bien
sûr. Pas vraiment doué de son côté et avec un Béhuit un peu rouillé, ils finirent

483
dans les dernières positions, mais jouer avait eu un tout autre but pour la capitaine
des pom-pom-girls ; lui prouver qu’elle était capable de tout partager avec lui,
même ce qui ne lui plaisait pas spécialement ! Ils partaient pour New-York juste
après pour le week-end. Elle souhaitait aussi montrer à l’homme de sa vie qu’elle
était prête à ne plus penser en célibataire, mais bien en couple.

Un rapide en revoir à l’aéroport à ses amis, puis Bucky traîna par la main
son compagnon jusqu’à leur propre vol. Elle était impatiente de voir le cadre de
travail du poste qui lui était proposé dans la "grosse pomme". Cette escapade en
couple revêtait une importance capitale pour elle. Leur futur était en jeu. Même si
rien n’était sûr, Béhuit lui avait dit qu’il tenterait de la suivre, où qu’elle aille. Encore
une belle preuve d’amour de sa part ! Peut-être également lui offrir la possibilité de
se débarrasser de son activité secrète actuelle qu’il ne semblait pas
particulièrement apprécier. L’étudiante n’était pas stupide ; elle avait bien compris
que cette demande de fiançailles quelque peu précipitée avait aussi pour but de
mettre une certaine pression sur les supérieurs de Béhuit. Si cela aboutissait,
Bucky serait la plus heureuse des femmes !

Durant le long trajet en avion les emmenant jusqu’à New-York, elle chercha
à le questionner un peu plus pour y voir le plus clair possible. Après de longues
heures d’hésitation, elle se lança alors qu’ils étaient l’un contre l’autre à leurs
places d’avion, classe business, gracieusement payée par l’école de danse de
Julliard, en train de regarder un film.

- Béhuit… je voudrais savoir si je pouvais t’aider d’une quelconque manière


pour que tu retrouves une vie… normale, demanda-t-elle après s’être assurée que
personne ne les écoutait.

- Par normale, tu veux dire sans voyage à New-York en business class, de


stage en Corse ou de soirée au Moulin Rouge ?

- Je voulais plutôt dire sans pouvoir faire sauter des infractions comme des
grands excès de vitesse, passer la douane sans le moindre billet d’avion, revenir
en stage avec un zodiac en pleine nuit par la mer, ou se balader avec une arme à
feu cachée dans ta voiture, dit-elle sérieusement.

Le visage de Béhuit changea. Il comprenait que la discussion engagée ne


laissait pas de place à l’humour.

484
- Bucky, si j’ai en partie une vie normale, c’est déjà grâce à toi. Tu en as fait
bien plus que tu ne le crois et penses. Le reste n’est malheureusement pas entre
tes mains, ni les miennes, quoi que nous fassions.

- J’ai l’impression que l’on te fait chanter et qu’on te menace pour continuer
quelque chose que tu ne souhaites finalement pas faire…

- C’est un peu plus complexe que cela. A ton âge, on est persuadé que tout
est blanc ou tout est noir, mais en avançant dans la vie, on constate qu’il faut
souvent choisir entre le gris clair et le gris foncé. Disons simplement que je suis
du côté des… moins méchants dans tout ce merdier, dit-il calmement.

- Mais on te prive d’une certaine liberté tout de même, je le vois bien.

- Crois-moi, les solutions ne sont pas légions. Ma pom-pom, sache


simplement que je ferais mon maximum pour ton bonheur.

Bucky acquiesça puis reposa sa tête sur le torse de son compagnon pour
continuer à regarder le film. Béhuit n’était pas prêt à lui en dire davantage, comme
d’habitude…

***

Le séjour à New-York s’était merveilleusement bien déroulé. Le poste dans


la prestigieuse école de danse de Julliard qui lui était proposé était à la hauteur de
ses espérances ! Une place de numéro trois dans l’organigramme, un excellent
salaire, de nombreux avantages dont un logement de fonction en attendant d’en
trouver un, son choix personnel ne faisait plus aucun doute ! Elle restait désormais
pendue à la décision de Béhuit, qui avait également passé de bon moment avec
elle sur Broadway-Times square, pour donner sa réponse définitive. Ils avaient
également profité de ce séjour pour que Bucky choisisse sa bague de fiançailles,
pas trop grosse pour éviter de faire trop tape à l’œil, mais sertie de discrets
diamants roses et rouges. Elle était pour la porter directement à l’annulaire, mais
Béhuit souhaitait bien faire les choses, c’est lui qui la garda en attendant le jour de
son vingtième anniversaire ; elle avait tellement hâte ! Ils quittèrent les États-Unis
pour rejoindre la France. Bucky n’espérait qu’une chose, revenir dans quelques
mois ici pour s’y installer, au moins pour un temps. Enthousiasme sur ce qui
l’attendait, elle ne grogna quasiment pas pour rejoindre directement l’E2C de

485
l’aéroport. On était déjà le lundi matin à l’atterrissage et les cours reprenaient ; le
décalage horaire allait être difficile à assimiler.

***

Ce soir de samedi était une soirée historique pour l’équipe de volley-ball.


Depuis le début de la semaine, Béhuit et les garçons de sa classe membres de
l’équipe ne parlaient que de cela ; le huitième de finale de la dernière phase du
championnat. L’enjeu les stressait tous énormément. Les filles avaient bien tenté
de les décontracter avec des méthodes plus ou moins licites pour certaines durant
les entraînements en commun avec eux, mais l’effet fut limité. Pour la première
fois de la saison, les garçons n’avaient quasiment pas ouvert la bouche durant le
voyage jusqu’à l’excellence campus de Vienne en Autriche. Ils se préparaient déjà
mentalement pour leur match. Bucky et ses camarades décidèrent de ne pas trop
les déranger. C’était un moment important surtout pour certains comme Antoine
dont le résultat de ce soir pouvait lui permettre de gagner quelques points
supplémentaires afin d’obtenir son diplôme en fin d’année. Malgré les cours
particuliers de Glaème, il était encore en retard sur son temps de parcours pour
avoir le précieux sésame en fin d’année scolaire.

A son arrivée dans le gymnase Autrichien, Bucky hésita de nouveau à


transmettre son brassard de capitaine des pom-pom-girls. Chaque match
désormais était peut-être le dernier de la saison… et de sa vie ! Une petite larme de
mélancolie de cette période incroyable de sa vie avant qu’elle ne regarde son
équipe. Nolwenn et Glaème semblaient également nostalgiques, c’était pour elles
aussi peut-être la dernière. Shandrill, sourire aux lèvres qui lui faisait comprendre
à nouveau que la transmission du brassard selon la coutume importait peu. Toutes
les autres, qu’elle avait vu évoluer durant quatre années pour certaines. Les petites
dernières, dont Anita, qu’elle était fière d’avoir en partie formée en espérant
qu’elles le fassent à leur tour pour les prochaines promotions. Puis Meyrie,
présente ce soir, qui donnait tellement de sa personne et de sa vie privée pour,
génération après génération, faire découvrir et briller cette merveilleuse discipline
encore méconnue en Europe. C’est grâce à cette professeure passionnée qu’elle
avait découvert cette activité qui lui avait changé la vie et qui lui permettait
aujourd’hui d’avoir un emploi garanti à la fin de ses études. Elle lui devait
beaucoup ! Instinctivement, avant de rentrer sur le terrain pour la présentation des
garçons, elle la serra dans ses bras.

486
- Merci pour tout ce que tu as fait pour moi et les autres, lui dit la capitaine.

- Je le fais pour le plaisir d’avoir fait grandir des filles comme vous ! Bucky,
tu as un potentiel exceptionnel et je suis fière que des gens du milieu l’aient
remarqué. C’est un grand honneur pour moi d’avoir entraîné une fille comme toi et
de voir que la relève est assurée avec Shandrill. Je ne sais pas si j’aurais l’occasion
de te le redire alors je le fais maintenant ; je te souhaite le meilleur pour la suite de
ta vie, notamment avec Béhuit. Ne laisse jamais personne te dire que vous n’êtes
pas faits pour être ensemble. Vous voir tous les deux encore ce soir, c’est la
meilleure preuve que l’amour avec un grand "A" existe. Il n’a pas d’âge, pas de
frontière, pas d’explication, il réunit sans fondement scientifique deux êtres.

- A replacer aux fiançailles dans deux semaines, intervint Nolwenn avant de


venir faire un câlin de groupe à sa meilleure amie et sa professeure.

Elle fut rejointe par Glaème.

- Les filles, quoi qu’il arrive ce soir, cela aura été un honneur de partager ces
moments à vos côtés ! Dit Meyrie.

Le speaker prit la parole pour annoncer la présentation des équipes. Bucky


allait pouvoir de nouveau montrer sa chorégraphie à succès. Ce n’était que du
bonus maintenant. Un clin d’œil en direction de l’entraîneur de volley qui, comme
à son habitude, enleva sa veste pour se préparer à danser avec elle. Si le match se
soldait ce soir par une victoire, le prochain match, elle ne le danserait plus avec
son petit ami, mais bel et bien son fiancé, pensa-t-elle.

***

Les garçons étaient un peu moins performants que d’ordinaire pour leur
présentation. Quelques oublis de pas heureusement rattrapés grâce à leurs pom-
pom-girls pilotes. Un enthousiasme moindre. Ils étaient clairement déjà dans leur
match. Du côté des filles de Bucky, elles étaient désormais toutes au point, des
petits rajouts de-ci de-là dans la chorégraphie étaient déjà parfaitement assimilés.
Un poids en moins pour Bucky qui n’avait pu autant à les surveiller qu’auparavant
pouvant ainsi un peu plus se concentrer sur sa prestation, et elle en avait bien
besoin. Au milieu de la musique des Blues Brothers, elle sentait que quelque chose
clochait… une gêne au niveau de son genou droit. A mesure que le show avançait,

487
la gêne se transforma en handicap pour danser puis en douleur. Bucky ne
comprenait pas ce qui lui arrivait. Elle serra les dents afin de ne rien laisser paraître,
il ne restait plus que la danse avec Béhuit avant les derniers mouvements. Comme
la chorégraphie l’exigeait, elle alla vers le banc de touche pour entraîner par la main
Béhuit jusqu’au terrain de volley. Rapidement la danse entre elle et l’entraîneur de
volley fut beaucoup moins fluide qu’à l’accoutumée, malgré une volonté évidente
de la capitaine des pom-pom-girls à aller au bout. Elle força de plus en plus. Il était
évident qu’elle s’était blessée ; quelle poisse ! Béhuit l’avait compris et fit des
mouvements de danse beaucoup moins amples que d’ordinaire. Impossible pour
elle de tournoyer avec lui. Elle craignait particulièrement le moment où Béhuit allait
devoir la projeter légèrement pour se remettre au même niveau que ses
partenaires une fois leur danse terminée. Fort heureusement, son compagnon
avait été particulièrement vivace sur le coup, il la garda dans ses bras plutôt que
de la lancer légèrement les quelques secondes restantes de la chorégraphie. Sans
lui, elle aurait clairement fini à terre ! La foule malgré le fait de jouer à l’extérieur
exulta littéralement, la blessure de Bucky ne s’était pas trop remarquée.

Le show terminé, immédiatement Bucky s’asseyait à terre. La douleur était


forte !

- Bucky ! Qu’est-ce qu’il y a ? S’inquiéta Béhuit.

- C’est mon genou… je pense que je me suis blessée durant la danse,


grimaça-t-elle de douleur.

Sans se poser de question, Béhuit la porta dans ses bras jusqu’au tableau
de marque alors que les pom-pom-girls viennoises s’apprêtaient à présenter leur
équipe. En match officiel, un médecin était toujours disponible quelque part dans
le gymnase. Le professionnel de santé s’approcha de Bucky sans même qu’on
l’appelle ; il avait remarqué que la capitaine des pom-pom-girls de l’E2C s’était
blessée. Il fit comprendre à Béhuit de le suivre à l’infirmerie du gymnase avec
Bucky dans les bras. Son genou la lançait énormément. C’était le pire moment
pour se blesser ! Pesta-t-elle intérieurement.

***

Durant plusieurs minutes, Bucky se fit ausculter le genou. Elle regardait


attentivement les traits de visage du médecin, chaque mouvement de genou était

488
un supplice ! Béhuit la regardait en lui tenant la main pour la soutenir. Elle le fixa
avec insistance afin de croiser son regard. Une fois fait, elle lui parla :

- Béhuit, le match commence… les garçons ont besoin de toi !

- Je ne te laisse pas ! Pas avant de savoir ce que tu as !

- Une blessure au genou, dit-elle en tentant de sourire malgré une douleur à


chaque mouvement de jambe opéré par le médecin pour analyser l’étendue des
dégâts. Vas-y bon sang ! Cette soirée est, et sera, un moment fort dans ta vie, ne
la gâche pas pour moi.

- Je veux avoir des nouvelles permanentes, finit-il par répondre.

- Je reviens au plus vite, mais probablement dans les tribunes ! Je veux


assister au moment de gloire de mon futur fiancé.

Il l’embrassa sur le front avant de sortir avec précipitation de l’infirmerie. Le


match avait déjà commencé. Elle allait le rejoindre au plus vite.

La porte de l’infirmerie n’eût même pas le temps de se refermer que Meyrie


et Nolwenn se précipitèrent sur elle pour la questionner. Après une brève
explication, elles attendirent toutes les trois le verdict du médecin.

- J’attends confirmation, mais je crois que ce sont vos ligaments croisés


qui ont été touchés, analysa le médecin en anglais afin de se faire comprendre de
Bucky ; l’Autrichien ne faisant pas partie du répertoire de langues pratiquées par la
pom-pom-girl.

- Et c’est grave ? Demanda Bucky, également en anglais.

- Cela peut être une entorse comme une rupture. Avez-vous entendu ou
senti quelque chose se rompre ?

- Je ne crois pas, répondit-elle, je sens simplement une douleur à chaque


fois que vous me bougez la jambe.

- Il faut vous rendre à l’hôpital pour en savoir plus. Je vais appeler les
pompiers afin qu’ils vous y acheminent !

- Est-ce que cela peut attendre ? Demanda-t-elle.

- Il serait plus judicieux d’y aller tout de suite. Vous n’arriverez pas à marcher
normalement et sans douleur, même s’il s’agit simplement d’une entorse !

489
- Je souhaite simplement assister au match, j’irai à l’hôpital ensuite. Vous
pouvez faire quelque chose en attendant ?

Le médecin strappa un maximum la jambe de Bucky afin que son genou


bouge le moins possible et lui donna un anti-douleur. Elle demanda ensuite à
Meyrie et Nolwenn de l’aider à se déplacer jusqu’au terrain. Difficile de marcher,
mais avec sa professeure et sa meilleure amie en soutien, elle réussit à parvenir
jusqu’à la tribune la plus proche où elle s’installa. L’E2C venait juste de perdre le
premier set 25 à 20. Elle fit un signe à Béhuit en l’appelant pour lui dire que tout
allait bien. Elle mentait, mais elle ne souhaitait pas le perturber durant son match.
Alors que Nolwenn rejoignit ses coéquipières encore valides, Bucky décida de
l’arrêter.

- Je crois qu’il y a de bonne chance que ma vie de pom-pom-girl s’arrête ici !


Dit-elle en enlevant son brassard représentant son capitanat. Donne-le à Shandrill !
Elle prend les rênes ce soir !

Nolwenn acquiesça en prenant le brassard pour le transmettre à la


gymnaste. Elle lui fit un signe de la tête en guise de remerciement et parla
immédiatement avec ses équipières. Le moment était venu pour elles de faire une
danse pour l’entre-sets !

La pom-pom-girl blessée ne perdait pas du regard Béhuit. Il n’arrêtait pas


de discuter avec ses joueurs, assisté par Mathéo et sa tablette, montrant la
tactique qu’il désirait que ses joueurs appliquent probablement avec l’appui
d’images. Malgré la perte de ce premier set, dont Bucky n’avait rien vu, l’E2C
semblait confiant dans ses chances.

***

Même avec de modestes connaissances en volley-ball malgré des progrès


continus à force de côtoyer l’équipe de son compagnon, Bucky remarqua qu’elle
ne jouait pas comme d’habitude. Au fur et à mesure que les points passaient, en
faveur de l’E2C, elle comprit que Béhuit avait donné des directives bien précises à
ses joueurs. Les services étaient beaucoup moins puissants que d’ordinaire,
particulièrement chez Erik afin de viser une zone particulière du terrain à chaque
engagement. Elle mit un temps supplémentaire à comprendre que ce n’étaient pas
des zones du terrain qui étaient visées, mais bien des joueurs spécifiques de

490
l’équipe d’en face. Elle n’en comprenait pas le but exact, mais elle devait avouer
que le score prouvait le bien-fondé de cette tactique. L’E2C remporta le deuxième
set, puis le troisième avec toujours un petit matelas de points d’avance sur
l’adversaire.

Avant même le début du quatrième set, le sourire sur les visages de toute
l’équipe était palpable malgré l’enjeu. Bucky sentait que l’équipe défendant les
couleurs de son campus se sentait sereine, sûre de ses forces. Tout le contraire
de l’équipe d’en face avec pourtant une salle comble et acquise à sa cause.
L’ascendance psychologique était évidente. Avant l’engagement du set, Béhuit
courut la voir dans la tribune. Elle agitait ses pompons pour montrer que même
avec sa blessure, elle continuait à encourager l’équipe.

- Tu te sens bien ? Demanda-t-il après lui avoir déposé un baiser.

- Assise, il n’y a pas de souci et je n’ai quasiment plus mal ! Sans doute ton
baiser… ou peut-être les anti-douleurs, plaisanta-t-elle.

Béhuit se positionna pour la porter dans ses bras.

- Qu’est-ce que tu fais ? Lui demanda-t-elle, tout en s’accrochant à son cou


par sécurité.

- La capitaine des pom-pom-girls n’a rien à faire dans les tribunes durant un
match.

L’étudiante fut emmenée jusqu’au banc de touche de l’équipe, au plus près


de l’action, assise à côté des remplaçants. Elle était un peu gênée par la situation,
mais tellement heureuse du geste de l’entraîneur envers elle. Elle craignait une
réaction de l’arbitre. Elle n’avait a priori rien à faire là, mais le set débuta comme si
de rien n’était.

A une distance d’à peine un mètre de Béhuit, Bucky put voir que les conseils
tactiques fusaient sans cesse entre les points et même durant. L’E2C perdit les
deux premiers points, mais reprit très rapidement le commandement pour finir par
prendre une avance relativement confortable. Le match était gagné, elle le voyait
dans tous les regards. Son genou endommagé ne l’empêchait pas de gigoter ses
pompons à chaque point obtenu. Après un dernier temps-mort demandé par
Béhuit permettant aux filles de tester en conditions réelles la nouvelle
chorégraphie travaillée durant le stage malheureusement sans la participation de
Bucky, le jeu reprit. Une balle de match arriva rapidement, immédiatement

491
convertie par une énième attaque manquée de l’adversaire qui avait totalement
déjoué face au génie tactique de Béhuit.

Dans une salle avec un public quasi-silencieux, sonné par le résultat, les
joueurs se jetèrent tous dans les bras les uns des autres. L’E2C allait jouer un quart
de finale ! Bucky n’espérait qu’une chose, que sa blessure ne soit pas bien grave.
Elle voulait participer activement à la suite du périple de son équipe et être capable
de danser pour ses fiançailles. Il fallait qu’elle se remette vite sur pied se persuada-
t-elle, alors que Béhuit la serrait une fois de plus dans ses bras pour se réjouir de
ce moment avant même qu’il ne le fasse avec ses joueurs.

***

L’intégralité de l’équipe avait décidé de ne pas rejoindre l’hôtel, mais de faire


la fête en discothèque. Intégralité ? Pas exactement, Bucky ne grimpa pas dans le
car, mais dans un véhicule de secours en direction de l’hôpital. Elle devait passer
des examens pour connaître le verdict de sa blessure au genou. Elle était triste de
ne pas pouvoir participer à la fête et, de cause à effet, que Béhuit n’y participe pas
non plus. L’entraîneur avait évidemment préféré accompagner sa "pom-pom" pour
la soutenir dans ce moment difficile.

- Je suis désolée de gâcher un peu la fête ce soir ! S’excusa-t-elle alors qu’ils


attendaient à l’hôpital qu’elle soit prise en charge.

Béhuit l’embrassa pour la réconforter. Elle était inquiète concernant la


gravité de sa blessure. Elle stressait déjà à l’idée de ne pas finir la saison avec ses
amies danseuses et pom-pom-girls et surtout de fêter ses fiançailles et ses 20 ans
en béquilles, voire en fauteuil roulant !

Une radio suivie d’une échographie plus tard, le verdict tomba ; une entorse
ligamentaire du genou fut confirmée. Bucky demanda immédiatement son temps
d’indisponibilité pour la danse et quand il serait possible de remarcher
normalement. La réponse fut mi-figue, mi-raisin, elle allait pouvoir remarcher
rapidement, mais avec une attelle durant quatre semaines et des béquilles tant
qu’elle sentirait qu’elle en aurait besoin, environ deux semaines, d’après le
médecin, soit le jour de ses fiançailles à quelques jours près ! La reprise de
l’activité sportive était, elle, prévue dans quatre à six semaines. Elle ne pourrait

492
participer aux quarts de finale dans trois semaines et peut-être même pas aux
éventuelles demi-finales encore trois semaines plus tard.

- Nous devrons aller en finale, voilà tout ! Tenta de la consoler Béhuit qui
avait un peu de mal à suivre cette discussion tout en anglais.

On lui posa immédiatement l’attelle alors qu’elle appelait ses parents pour
leur annoncer qu’elle s’était blessée. Elle les rassura un maximum ; la blessure
n’était pas si grave et Béhuit était à ses côtés. En tant que parents, ils avaient
toujours eu la fâcheuse habitude de s’inquiéter de manière excessive. Béhuit, de
son côté, était également au téléphone et Bucky comprit rapidement qu’il
s’agissait de Mélanie à l’autre bout de la ligne ; la médecin qu’elle avait rencontrée
à Munich qui l’avait encouragée à encore plus mettre en avant ses sentiments vis-
à-vis de Béhuit et amie de son fiancé prochain. Béhuit tendit rapidement son
smartphone au médecin ; Mélanie demandait qu’on lui envoie la totalité de son
dossier médical. Le médecin devant elle demanda simplement la permission à
Bucky de le faire. Elle répondit par l’affirmative, mais demanda à son tour le
smartphone. Elle y voyait une occasion trop belle pour tenter de faire venir la jeune
médecin à ses fiançailles.

- Bucky, ne vous inquiétez pas, je regarde votre dossier pour m’assurer que
le diagnostic est le bon et que le traitement est le meilleur possible.

- Je vous remercie Mélanie, mais c’est pour autre chose que je voulais vous
parler.

Elle voyait déjà Béhuit commencer à s’inquiéter, sans doute pour ses
secrets. Il avait tout faux. Bucky ne tourna pas plus autour du pot ; l’homme qu’elle
aimait était capable de lui reprendre son smartphone des mains pour mettre un
terme à la conversation de peur que des révélations soient faites. Mélanie devait
savoir des choses sur la raison de sa présence à l’E2C !

- Autre chose ? S’interrogea la médecin.

- Béhuit et moi, nous aimerions vraiment que vous participiez à nos


fiançailles le 29 Avril prochain.

La réponse au bout du fil se faisait étrangement attendre alors que Béhuit


demandait à Bucky de lui rendre son téléphone portable. Elle réitéra en prenant
soin de demander confirmation que Mélanie avait bien entendu.

493
- Je suis sincèrement heureuse pour vous… mais je suis dans l’obligation de
devoir décliner votre offre… Je dois vous laisser.

Bucky rendit le smartphone à Béhuit en le regardant. Il ne semblait


absolument pas surpris de la réponse de Mélanie. Tout comme Céssix, il devait se
douter qu’elle ne viendrait pas.

- J’aurais vraiment aimé qu’elle vienne, lui dit Bucky. Je suis désolée.

- Mélanie a des obligations importantes Bucky. Je sais que ce n’est pas


contre moi. C’est touchant de ta part d’avoir essayé, mais c’était peine perdue.

Bucky était prête à quitter l’hôpital. Un taxi les attendait pour les transporter
à l’hôtel afin qu’ils dorment un peu. Ils n’arrivèrent qu’à trois heures du matin, mais
seulement quelques minutes après Meyrie et les derniers étudiants de retour de la
discothèque. La fête avait eu l’air grandiose. Quelle frustration d’avoir loupé cela !

***

C’était le jour J ! Privée de toute activité sportive, Bucky s’était jetée corps
et âme dans la préparation de son anniversaire-fiançailles afin de le rendre
inoubliable. Elle commençait depuis quelques jours à remarcher normalement,
sans avoir besoin de béquilles, mais il était encore trop tôt pour se débarrasser de
son attelle. Elle qui avait opté au départ pour une robe plutôt courte montrant ses
jambes avait dû se résigner à porter une longue robe de cocktail aujourd’hui afin
que personne ne voit ce dispositif médical disgracieux. La météo annonçait un
beau soleil et des températures clémentes. Les invités, en particulier ceux venus
de loin comme ses parents, étaient arrivés la veille. Elle sentait qu’ils ne
cautionnaient pas particulièrement ses fiançailles, même s’ils cherchaient à ne
rien laisser paraître. Peu importe, Bucky savait qu’elle ne se trompait pas, malgré
le caractère précipité de la demande probablement pour montrer aux employeurs
de Béhuit, qu’elle et lui, c’était du sérieux !

La pièce montée était magnifiquement ornée d’un "20 – Fiançailles" et la


villa avait été décorée fastueusement. La famille de Bucky allait connaître Béhuit ;
elle était fière de leur présenter. Lui ne semblait pas particulièrement débordé de
joie. Il était simplement heureux de lui faire plaisir et pouvoir partager ces instants
avec elle. Elle arriverait à le rendre heureux malgré les nombreux tracas qu’il

494
semblait porter. Une chose était certaine, il ne semblait pas optimiste en l’avenir,
tout comme Céssix qui malgré quelques sourires forcés également tentait de
donner le change. Bucky était la seule personne vivant dans la villa qui apportait
de la joie de vivre. C’était en partie pour cela que Béhuit devait autant l’apprécier.

Alors que les invités arrivaient un à un dans la villa, Bucky les accueillit avec
tendresse. L’ensemble des pom-pom-girls affiliées au volley-ball avaient répondu
présentes ainsi que l’équipe de volley, Lily était bien évidemment là aussi. Meyrie
avait également fait le déplacement avec son mari. Et puis, il y avait les grands-
parents, les oncles, les tantes et les cousins, les parents Donerm, peu de
personnes chères au cœur de Bucky manquaient. Tout le monde avait fourni un
effort vestimentaire important.

Rapidement les gens furent invités à se restaurer grâce au buffet que Bucky
avait commandé alors qu’elle présentait Béhuit, dans son beau costume habituel
d’entraîneur qu’elle lui avait payé, aux membres de sa famille. Il semblait un peu
impressionné par la grandeur de sa famille, mais s’en tira très bien avec chacun
d’entre eux.

L’après-midi fut consacré aux 20 ans de Bucky. Une étape importante pour
celle qui sentait doucement une certaine maturité s’installer en elle. Elle remarqua
que ses parents posaient énormément de questions à Céssix concernant la liaison
entre leur fille et l’entraîneur de volley qui était aussi son colocataire. La directrice
de l’E2C contourna habilement toutes les questions pouvant prêter à
interrogations. Tout comme ses parents, Céssix ne devait pas cautionner ses
fiançailles, mais ne le montra pas. Elle ne cherchait sans doute pas à fâcher Béhuit,
peut-être dans l’espoir de le récupérer dans un futur plus ou moins proche. Le lien
entre cette femme et l’homme de sa vie était réellement particulier. Bucky jalousait
qu’elle sache tout de son Béhuit. Elle espérait sincèrement que cette semi-
officialisation de leur couple encourage Béhuit à se dévoiler un peu plus.

Le moment qu’elle attendait arriva en début de soirée. Avec une certaine


appréhension, elle entendit Béhuit prendre la parole fortement pour demander le
silence dans l’immense salon et l’extérieur de la villa. Il était sur la terrasse, juste
devant la piscine qui venait de s’éclairer automatiquement avec le reste de la
demeure, la nuit gagnant lentement, mais irrémédiablement sur le jour. Il demanda
à Bucky de s’approcher. Elle avait tous ses sens en émoi, cherchant à mémoriser
un maximum cet instant, évènement majeur dans sa vie. Arrivée à seulement un
mètre de lui en boitant légèrement, il lui fit signe de stopper. Tout autour d’elle, les
êtres qui lui étaient chers la fixaient du regard avec un large sourire.

495
Inconsciemment, elle attrapa le pendentif que Béhuit lui avait offert et qu’elle ne
lâchait jamais, même pas sous la douche ou durant la nuit. Elle avait pris l’habitude
de le toucher lorsqu’elle était stressée. C’était incontestablement le cas à ce
moment.

- Famille, amis ou simples badauds, je voulais prendre la parole pour vous


remercier d’avoir répondu présent pour les 20 ans de Bucky. Délicieuse et
merveilleuse Bucky, je suis heureux de participer et vivre avec toi cette nouvelle
étape dans ta vie. J’espère pouvoir t’accompagner encore dans de nombreuses
autres étapes clés de ton existence. Au cas où quelqu’un n’aurait pas bien lu et
compris complètement les invitations de ma petite amie, nous profitons de son
anniversaire pour également officialiser notre amour. Voilà environ 7 mois que
nous nous sommes rencontrés. Elle m’a tout de suite ébloui par sa beauté, sa
grâce, sa joie de vivre, son intelligence… Elle a, en fait, tellement de qualités qu’en
énumérer la totalité prendrait un temps bien trop long pour continuer à capter votre
attention.

- Je pense qu’ils seront suffisamment patients et courtois pour écouter la


liste exhaustive, coupa Bucky en souriant et aimant être mise en valeur
particulièrement par l’élu de son cœur.

Quelques rires de l’assemblée avant que Béhuit ne reprenne la parole en lui


souriant :

- Alors disons simplement qu’elle a toutes les qualités que je cherche chez
une femme et que pour cette raison, je n’ai pas pu rester insensible à ses charmes
malgré les obstacles qui se dressaient devant nous. J’ignore encore pourquoi,
mais je ne m’en plains pas, elle m’a rapidement fait comprendre que nous étions
faits l’un pour l’autre et que j’étais l’homme de sa vie. D’ailleurs, si quelqu’un a une
explication, je suis preneur, ironisa-t-il.

Bucky l’écoutait sans dire mot, ni bouger. Béhuit avait habilement évité de
rentrer dans les détails de leur première rencontre qui l’aurait forcément mise mal
à l’aise vis-à-vis de sa famille et certains autres invités. Aujourd’hui encore, elle ne
regrettait rien de l’épisode du strip-tease, bien au contraire, mais elle préférait
éviter que l’information ne se répande. Elle le voyait avec la main dans sa poche,
tenant probablement l’écrin qui contenait la bague qu’elle était impatiente de
mettre à l’annulaire gauche. Béhuit poursuivi. Toute l’assemblée l’écoutait
religieusement.

496
- Bref, en résumé, ce que j’essaie d’expliquer, peut-être maladroitement, à
toutes les personnes présentes ici, c’est que Bucky, dans ces ténèbres que sont
ma vie, tu es ma lumière, ma lueur d’espoir, le phare qui me guide, l’étincelle de
bonheur qui me permet d’avancer dans un avenir incertain. Je le craignais
auparavant, aujourd’hui j’ai appris à le dompter, car je sais que tu es et seras à mes
côtés. Je veux simplement que tu saches devant témoins, c’est que ce que j’ai de
mieux en moi… c’est toi ! Tu es la femme de mes rêves ! Bucky Délavigna, s’il te
plaît, désires-tu te fiancer, à un homme plein de tourments, mais qui ne demande
qu’à t’aimer ?

Il s’agenouilla juste devant elle en lui présentant la bague qu’elle avait


choisie, sertie de diamants rouges et roses, couleur se rapprochant le plus de sa
préférée. Elle n’hésita pas un seul instant et tendit sa main gauche afin que Béhuit
puisse lui enfiler le symbole de leur union. Elle ne manqua cependant pas de
prendre la parole. Elle voulait aussi lui montrer que de son côté également, l’amour
qu’elle lui portait était intarissable, inconditionnel.

- Béhuit, je suis tellement émue et heureuse que tu me passes cette bague


au doigt que je ne peux même pas garantir que je ne vais pas m’évanouir…

- Je te ferai du bouche-à-bouche pour te réanimer ! Plaisanta-t-il.

- La première chose qui m’a charmé chez toi, c’est ton humour, ton sens de
la répartie incroyable, ta gentillesse et ta douceur envers moi. Je ne m’en suis pas
rendue compte immédiatement, mais tu as rapidement envahi mes pensées
jusqu’à l’irrationnel. Aujourd’hui encore je passe mes journées à penser à toi quand
nous sommes séparés… et collée à toi quand nous sommes ensemble ! Je suis
consciente d’avoir la chance d’avoir des parents qui peuvent me permettre de faire
mes études à l’E2C. Je suis consciente d’avoir de la chance d’avoir du talent dans
l’activité qui me plaît, la danse et ce qui gravite autour. Je suis consciente d’avoir
la chance d’être plutôt jolie et intelligente en plus d’être entouré de merveilleux
amis. Pourtant, la vraie chance de ma vie, c’est de t’avoir rencontré et que tu
m’aimes. Même contre vents et marées, rien ne pourra m’empêcher de t’épouser.
Dès que je serai totalement insérée dans le monde adulte, je te le ferai savoir et à
ce moment-là nous pourrons nous marier car je te le dis dès aujourd’hui, c’est sans
aucune hésitation que je te réponds oui.

Bucky aida Béhuit à se relever une fois la bague à son doigt pour l’enlacer
fortement et l’embrasser sous des applaudissements nourris. Au cours de sa vie,
rien ne l’avait rendue aussi heureuse que ce moment. Elle le stoppa pour aller
chercher le cadeau qu’elle avait prévu pour lui. Elle ne lui en avait pas parlé, mais

497
il était inconcevable pour elle de ne pas lui offrir quelque chose pour ce qui était
aussi ses fiançailles ! Elle tendit le paquet, sûre d’elle. Il l’ouvrit sans le moindre
commentaire pour y découvrir une chaîne en or avec un discret pendentif sur
lequel on pouvait lire "avec tout mon amour, Bucky". Elle le prit immédiatement
pour lui mettre autour du cou.

- Je tenais également à t’offrir quelque chose, lui dit-elle.

- Si c’est une compétition entre nous, tu ne la remporteras pas ! Souligna-t-


il. Je te rappelle que l’on fête aussi ton anniversaire.

- Je suis réellement tombée sur l’homme parfait ! Répondit-elle en le


regardant se déplacer jusqu’à une grande boîte.

Inutile pour elle d’ouvrir le paquet pour comprendre ce qu’il y avait à


l’intérieur. Des miaulements juvéniles s’échappaient de la boîte ; un chaton ! Elle
regarda Béhuit encore une fois et s’empressa d’ouvrir le colis pour y extraire la
petite boule de poils d’un noir profond aux yeux verts qui s’y trouvait.

- Je croyais que tu n’aimais pas les chats ? Souligna-t-elle, une fois de plus
joyeuse.

- Je ne les apprécie pas plus que cela, mais je t’ai fait la promesse de te
rendre heureuse.

Bucky avait plusieurs fois fait part à Béhuit de sa passion pour la race féline
qui se trouvait dans ses bras. Elle envisageait même de proposer à l’entraîneur de
volley d’en prendre un pour la villa. Il ne semblait pas très ouvert à cette idée, elle
comprenait aujourd’hui pourquoi ! Il lui en offrait un pour ses 20 ans et en plus de
la couleur qu’elle désirait, d’un noir uniforme avec des yeux verts. Le chat typique
des sorcières, qu’elle trouvait si joli.

- Il a un nom ? Demanda-t-elle à Béhuit alors que pas mal de pom-pom-girls


de son équipe s’approchait de Bucky pour venir une à une caresser le félidé.

- C’est ton chat ma pom-pom, je te laisse choisir….

Son prince charmant avait une fois de plus été fantastique. La seule chose
de cette longue soirée, qui se termina à 4h du matin, où elle eut des regrets fut son
impossibilité de danser dû à sa blessure au genou, même si Béhuit l’avait
carrément prise dans ses bras pour quelques morceaux durant la partie musicale.
Il souriait, rigolait, mais ses yeux montraient une peur latente concernant les
prochaines semaines. Elle avait compris que le dénouement de la raison de sa

498
venue ici approchait à grands pas. Ce n’était pas une mauvaise chose, même si
une crainte sur la sécurité physique de Béhuit la stressait. Céssix semblait
particulièrement sure d’elle, les choses se déroulaient donc dans le bon sens. Une
fois tout cela finie, Béhuit pourrait peut-être partir avec elle pour New-York,
accompagné de Paillette, le nom qu’elle avait décidé pour son chaton noir.

499
Chapitre 16 : Cœur meurtri

Une fois de plus, Bucky était centre de discussion et de regard en cette


nouvelle semaine de cours. Rien à voir avec le fait que la capitaine des pom-pom-
girls commence à remarcher normalement et sans béquilles, mais bien sur le fait
qu’elle soit désormais belle et bien fiancée à l’entraîneur de volley masculin et de
culture générale du campus. La plupart des gens croisés lui firent des sourires
qu’elle interprétait comme des félicitations. Une infime partie la critiquait de
manière à peine voilée ; ils ne cautionnaient visiblement pas cette union élève-
professeur. Rien de plus que de la jalousie, d’après l’étudiante à la mèche fuchsia.
Béhuit l’avait déposé devant l’esplanade d’entrée du campus pour cette nouvelle
journée avant d’aller se garer plus loin. Il était essentiel qu’elle se remette à
marcher pour sa rééducation.

Un arrêt de quelques instants pour scruter le panneau d’information


annonçant la défaite surprise de l’équipe de basket masculine de l’E2C lors des
huitièmes de finale, puis elle reprit sa route non sans avoir compris qu’il s’agissait
d’une terrible déconvenue pour les champions en titre ! Bucky ne fut donc pas
étonnée de retrouver les membres de sa classe faisant partie de l’équipe de Basket
avec la gueule de bois. La pilule semblait dure à avaler. Il en était de même du côté
des pom-pom-girls qui leur étaient affiliées. Le millésime sport pour cette année
était pourtant loin d’être mauvais ; les équipes filles et garçons de volley-ball
étaient en quart de finale, ainsi que l’équipe masculine de handball. Il ne fallait
également pas oublier la médaille de bronze de Shandrill aux championnats de
France de gymnastique.

500
Avec une démarche encore incertaine et lente, elle eut un peu de mal à se
déplacer de salle de cours en salle de cours. Fort heureusement Nolwenn
l’accompagnait en lui tenant son sac pour l’intégralité de sa journée et même de
sa soirée. Cela pouvait paraître étrange pour certains, mais Bucky souhaitait
encore venir aux entraînements de danse et de pom-pom-girl malgré sa blessure.
Certes, elle n’y participait pas, mais elle était là pour donner quelques conseils ou
avis. Particulièrement pour les séances de pom-pom-girls ; elle souhaitait quelque
chose d’irréprochable pour les ¼ de finale de l’équipe de volley de Béhuit. C’était
sa manière à elle de soutenir encore de manière active le groupe… et de rester un
peu plus avec Béhuit !

Bien que simple participante passive, elle fut physiquement épuisée à la fin
de l’entraînement. Sa jambe fatiguait excessivement vite alors qu’elle n’avait rien
fait de plus que de la marche. Elle allait devoir faire preuve encore de patience et
de courage pour se rétablir complètement. Il était impensable pour elle d’espérer
participer au prochain match dans deux semaines, mais elle espérait réellement
être opérationnelle pour une éventuelle demi-finale même si la probabilité était
faible. L’E2C rencontrait les champions en titre du campus d’excellence de Saint-
Pétersbourg au prochain match ! En attendant d’espérer à cette folle éventualité,
elle dû se résoudre à se faire porter par Béhuit à la fin de la séance jusqu’à la
voiture. Il ne fallait pas, d’après Mélanie qui suivait son état de santé à distance,
trop forcer les choses et s’arrêter de marcher lorsque Bucky sentait son genou
faiblir.

- Je te conseille de ne pas trop forcer ma pom-pom ! Demain, il serait plus


sage que tu y ailles un peu moins fort, conseilla Béhuit alors qu’il la tenait dans ses
bras pour la déposer devant la porte passager de l’Audi.

- J’ai du temps pour me reposer, je suis, de fait, dispensée d’EPS encore


demain et pour un bout de temps. On pourra faire grasse matinée ! Répondit-elle.

- Tu commences donc par quel cours demain ?

- Biologie ! On attaque la reproduction humaine. Je vais écouter avec


attention, peut-être des choses intéressantes à apprendre et à essayer à la maison
demain soir ! Annonça-t-elle avec joie et humour.

- Pourquoi ? Il y a des travaux pratiques ? Où dois-je effectuer ma demande


pour être ton binôme ? Plaisanta-t-il.

Elle ria de bon cœur avant de répondre.

501
- Non, malheureusement pas de travaux pratiques pour ça ! Je pense que
l’ensemble des garçons de ma classe auraient été ravis de devoir se trouver une
binôme dans ce cas précis. Pour les filles, ça aurait été vu de façon bien plus
mitigée.

Béhuit l’aida un maximum à monter dans le véhicule. Depuis sa blessure, il


était aux petits soins avec elle. Puis ils rentrèrent à la villa afin qu’elle se repose
un maximum. Sa jambe était à bout pour aujourd’hui.

***

Le mercredi midi, c’est avec enthousiasme que Bucky rejoignit le cours


théorique de pom-pom-girl. Son genou avait fait d’indéniables progrès en deux
jours seulement. En fin de semaine, elle pourrait de nouveau trottiner sur une
courte distance. Ce n’était de toute façon pas nécessaire pour le cours
d’aujourd’hui. Le cours théorique, par définition, ne demandait aucune aptitude
physique et se déroulait dans une salle de classe.

Mis à part son handicap au genou, tout se déroulait parfaitement pour


Bucky. Béhuit répondait présent dès le moindre signe de fatigue pour l’aider et il
semblait avoir plus le sourire que d’ordinaire. Peut-être parce qu’il était désormais
fiancé, mais sans doute pas seulement. L’étudiante de dernière année avait
entendu des bribes de conversation entre Céssix et Béhuit qui lui faisait
comprendre que leur mission ici se déroulait parfaitement bien et qu’un
dénouement positif était proche. Bucky en était profondément ravie, cela semblait
avoir enlevé un poids immense sur les épaules de son homme qu’elle avait
quelquefois retrouvé en pleurs au beau milieu de la nuit depuis qu’ils vivaient
ensemble. Elle le sentait depuis quelques jours bien plus heureux et encore plus
investi dans son poste d’entraîneur. Pour preuve, pendant que Bucky et les autres
pom-pom-girls étaient à leur cours théorique, les volleyeurs se permettaient un
mini entraînement supplémentaire dans le gymnase qui ne figurait pas dans leur
emploi du temps !

Le cours théorique du jour porta à la demande de Bucky sur une idée de


nouvelle mini-chorégraphie pour les temps-mort. L’étudiante âgée de désormais
20 ans, et fiancée, n’avait pas oublié que lors du stage en corse, les filles n’avaient
finalement produit qu’une seule des deux danses prévues ! Bucky souhaitait

502
rattraper le coup et avait une nouvelle idée pour faire avancer les choses avant son
départ de l’E2C. La nouvelle mini-chorégraphie ne serait peut-être pas prête d’ici
là, mais de bonnes bases auront été laissées pour les pom-pom-girls de l’année
suivante.

***

Même pas le temps de finir de présenter ce qu’elle avait imaginé que tout
le monde arrêta d’y prêter attention pour se regarder. Les alarmes du campus
venaient de se mettre en route ! Meyrie et les pom-pom-girls restaient dubitatives.
Il était étrange d’organiser une alerte intrusion durant le moment du repas ;
quasiment personne ne devait être en cours hormis Bucky et son groupe.

- Qui a eu l’idée d’effectuer un exercice à cette heure-là ? Critiqua Glaème.

- Il n’y a, à ma connaissance, pas d’exercice intrusion de prévu aujourd’hui,


répondit calmement Meyrie.

- Peut-être un dysfonctionnement ? Interrogea Shandrill.

Meyrie semblait se poser des questions et hésiter sur la manière d’agir.

- Je pense qu’il s’agit d’un problème technique, mais nous allons laisser la
porte de la salle close… juste par sécurité.

D’ordinaire, Bucky aurait également pensé à un dysfonctionnement, mais


elle n’était pas totalement sereine. Le coup de feu dans la villa durant la tempête
de neige trottait encore dans sa tête. Elle ne voulait aucunement faire paniquer ses
amies pour rien, mais jeta un coup d’œil sur le mobilier le plus proche disponible
afin de bloquer la seule issue de la salle où elle se trouvait. A peine le temps d’y
penser que les haut-parleurs se mirent en route :

- Ici votre directrice Madame Sky, c’est une alerte intrusion ! Je demande à
tous les étudiants proches des sorties du campus de le quitter au plus vite et aux
autres de se cloisonner dans une salle !

L’intégralité des filles se regardèrent ! Inutile de penser à fuir du campus, la


salle où se trouvaient les étudiantes accompagnées de leur entraîneuse était bien
loin de l’esplanade menant à la sortie. Meyrie prit immédiatement la décision de
déplacer des tables pour les plaquer contre la porte de la salle afin de la rendre

503
difficilement ouvrable. Pour la suite, le protocole, maintes fois répété, était clair ;
s’accroupir ou s’allonger et attendre dans le silence… qui ne dura que peu de
temps.

A peine positionnées que d’intenses détonations retentirent. Par réflexe,


Bucky se plaqua au sol comme toutes les filles présentent dans la salle. Il y avait
clairement un, voire plusieurs tireurs au sein même du campus.

Bucky était pétrifiée de terreur, comme toutes ses amies. Elle savait qu’il se
tramait quelque chose à l’E2C grâce à Béhuit, mais elle avait cru que la situation
était sous contrôle. Vraisemblablement pas. Encore plusieurs détonations en
rafale qui semblait provenir de différents endroits, mais toujours proche. Elle ne
voyait qu’une chose utile à faire ! Appelez Béhuit à son secours. Elle chercha à
faire un appel en direct, mais se ravisa ; il fallait être le plus silencieux possible
comme le protocole l’exigeait. Elle ne voulait clairement pas avertir de sa présence
à un intrus tout proche. Elle opta finalement pour un message qu’elle tapa avec
énormément de difficulté. Ses mains tremblaient comme jamais. Enfin, elle parvint
à finir ce qu’elle souhaitait écrire : un intrus dans le campus et tout près, je suis
coincée dans ma classe. Elle n’avait plus qu’à appuyer sur envoi, mais
inexplicablement, le téléphone se mit à grésiller et s’éteignit. Quelques instants
plus tard, elle pouvait voir une légère fumée en sortir. Au même moment, l’alarme
s’arrêta et les sprinklers de la salle se déclenchèrent. Dans un silence mortifère,
elle sentit des gouttelettes d’eau lui tomber dessus. Un coup d’œil vers Shandrill
toute proche pour savoir comment réagissait sa plus proche voisine ;
désemparée ! Son portable venait également de rendre l’âme sans la moindre
explication. Un léger mouvement de tête pour se tourner vers Nolwenn. La
meilleure amie de Bucky tentait d’enlever sa montre connectée. Bucky l’aida au
mieux, la montre avait, tout comme les téléphones, surchauffé et brûlé légèrement
le poignet de Nolwenn. Sous une ondée d’eau par l’intermédiaire des sprinklers,
Bucky orienta le poignet de Nolwenn afin qu’il soit mouillé un maximum.

Les pom-pom-girls et leur professeur se contentèrent de se regarder avec


insistance. Elles étaient, toutes, trempées par un débit d’eau continu. Chacune
avait vu son portable court-circuité, tout comme tous les appareils électriques ; les
alarmes semblaient avoir aussi été endommagées et étaient devenues muettes,
ainsi que les détecteurs de fumée ce qui expliquait la mise en route des dispositifs
anti-incendie. Le vidéoprojecteur utilisé pour le cours était également à l’arrêt.
Bucky commençait à grelotter ; la peur ou simplement le froid dû à l’humidité, elle
ne sut le dire. Meyrie s’approcha en rampant en faisant signe à tout le monde de
la rejoindre. Puis se mit à chuchoter :

504
- Vous allez bien ? Demanda-t-elle.

L’ensemble des étudiantes firent un geste de la tête pour indiquer que


c’était bien le cas.

- Que fait-on maintenant ? Demanda Glaème.

- Nous devons attendre les secours, ils doivent être au courant, ils vont
arriver, tenta de rassurer Meyrie à voix basse.

La tentative pour rassurer les étudiantes fut tout de suite anéantie !


Plusieurs énormes détonations recommencèrent de plus belle. Par réflexe, Bucky,
allongée sur le ventre, se recroquevilla tout en mettant ses mains sur ses oreilles.
Le bruit était insoutenable ! Un court instant de silence, puis le vacarme reprit de
plus belle.

Lorsque Bucky se décida enfin à décoller les mains de ses oreilles, elle
entendit des pleurnichements ; Nolwenn sanglotait en tentant de le faire le plus
discrètement possible. Glaème n’en était pas loin non plus. Quant à Shandrill, elle
regardait dans le vide en tremblant de tout son corps. Les yeux noisette de la brune
à la mèche fuchsia s’arrêtèrent sur le mur de classe donnant sur le couloir ; Des
trous ! Preuve irréfutable de la proximité des coups de feu et de leurs pouvoirs
destructeurs. Dans un geste protecteur, la professeure fit signe à toutes ses
étudiantes de se coller les unes aux autres pour les entourer de ses bras un
maximum. Toutes se donnèrent la main machinalement. La plupart respiraient
rapidement, comme si elles avaient du mal à trouver l’oxygène nécessaire au bon
fonctionnement de leur corps. Bucky était dans le lot. Elle ne comprenait pas que
personne ne soit encore venu les soustraire au danger. Le bureau de Céssix était
pourtant tout proche ! Elle s’imaginait le pire ; peut-être que la directrice avait été
éliminée !

De nouveau un silence angoissant puis une intense vibration. Bucky crut un


moment à un tremblement de terre. Le tout fut accompagné d’un bruit strident qui
monta en intensité jusqu’à ce qu’il soit impossible de ne pas se boucher les oreilles
encore une fois, puis une nouvelle détonation, sourde cette fois. Sorte d’implosion
que Bucky arriva à déchiffrer encore moins que le reste pour finir par un bruit
suggérant qu’une partie du bâtiment, sans doute petite, venait de s’écrouler.
Jamais l’étudiante n’aurait pensé qu’une telle chose ne se passe ici, sur son
campus !

505
Alors que le calme revint et que toutes les filles se regardèrent, désormais
trempées jusqu’aux os par ce débit d’eau qui ne s’arrêtait pas, tout le monde
s’interrogeait silencieusement. C’est Glaème qui se décida à prendre faiblement la
parole de peur d’être entendu par un quelconque individu à l’extérieur de la salle.

- On ne peut pas rester ici plus longtemps, on n’y survivra pas !

- La consigne est de rester dans un lieu confiné et sûr, répondit Meyrie.

- Il ne l’est pas ! Paniqua Glaème. Les murs sont troués et nous sommes
pour ainsi dire dans une piscine…

- On pourrait essayer de sortir par les fenêtres, suggéra Shandrill.

- Nous sommes au deuxième étage Shandrill, lui fit remarquer son


entraîneuse.

Bucky se contentait de suivre avec recul la conversation. Elle ne pouvait pas


s’empêcher de se dire que son heure et celle de ses amies était peut-être arrivée.
Elle aurait aimé faire encore tant de chose avant et en premier lieu profiter un peu
plus encore de son fiancé. Sa vie risquait d’être finalement bien trop courte… elle
regrettait de ne pas lui avoir proposé le mariage tout de suite.

Alors que le débat entre filles n’avançait pas. Bucky s’aperçut que Nolwenn
était également silencieuse. Elle la regardait, anéantie, puis s’approcha encore
plus près de Bucky.

- Je ne veux pas quitter ce monde tout de suite. Pas sans avoir rencontré le
véritable amour. Je souhaitais tellement trouver aussi un Béhuit, un homme avec
qui partager, celui qui illuminerait mes yeux comme les tiens s’illuminent quand tu
le regardes, lui dit Nolwenn dans une tentative d’aparté.

Bucky ne sut quoi répondre. Elle se contenta de serrer dans ses bras sa
meilleure amie, la personne avec qui elle avait tant partagé, et peut-être même
aujourd’hui, jusqu’à la mort qui pouvait arriver à tout moment. Elle repensa à
Béhuit, il était peut-être également en danger, voire mort. Des échanges de coups
de feu et de fortes détonations avaient eu lieu, comment croire que Céssix Sky et
Béhuit n’y étaient pas liés.

Les sprinklers arrêtèrent enfin leurs débits incessants d’eau. Le silence en


fut encore plus frappant et inquiétant. Meyrie avait réussi une fois de plus à
convaincre les plus récalcitrantes à attendre en silence qu’on vienne les sortir de
là. Tout le monde s’observait avec un regard vide, sans le moindre mot. Bucky avait

506
de plus en plus froid. Malgré la coupure d’eau, le sol sur lequel elle était assise et
ses vêtements étaient trempés. A l’image de l’une de ses camarades pom-pom-
girl, elle prit l’initiative d’enlever le pull qu’elle portait pour ne rester qu’en
débardeur. Sa peau sécherait plus vite et elle aurait peut-être un peu moins froid.

Avec inquiétude, toutes se scrutèrent d’un coup comme pour se confirmer


les unes aux autres ce qu’elles avaient entendu ; des bruits de pas… tout proches.
Puis on frappa à la porte ! Par réflexes, l’ensemble du groupe se recoucha sur le
sol inondé. Bucky sentait sa fin de plus en plus proche puis une voix connue parvint
à travers la porte.

- Les filles ? Vous êtes toujours là ?

Il était dans ce cas recommandé de ne pas répondre, mais Nolwenn et


Glaème se levèrent machinalement pour se diriger au plus près de la porte
entravée de multiples tables et quelques armoires qu’avaient positionnées les
filles pour éviter une intrusion intempestive. Bucky passa également de la position
allongée à assise. Cette voix, elle la connaissait bien ; Antoine !

- C’est peut-être un piège ! Suggéra Meyrie en chuchotant.

- C’est mon frère ! C’est Antoine ! Dit distinctement Nolwenn alors que
Glaème commençait déjà à enlever du mobilier pour pouvoir ouvrir la porte.

- Nolwenn ! Tout va bien ? Demanda Antoine à travers la porte.

- Oui, on va bien, je n’ai jamais été aussi heureuse de te voir ! Souligna-t-elle.

- Vous êtes toutes là ? Glaème, tu vas bien ? Interrogea Antoine.

- Je suis là ! S’empressa de répondre sa petite-amie. Je pousse les meubles


pour t’ouvrir.

Rapidement, de nombreuses filles aidèrent Glaème à pousser les tables et


chaises devant la porte afin d’ouvrir la porte. Bucky, partie également pour aider,
se ravisa. Anita ne bougeait pas, accroupie, en sanglots. Bucky tenta de la
réconforter, elle était clairement en état de choc et on ne pouvait pas lui en vouloir !

Dès que Glaème poussa la dernière table l’empêchant d’atteindre la


poignée, elle s’empressa d’ouvrir la porte pour se jeter dans les bras d’Antoine ! Le
couple fut poussé par Ethan, puis Erik qui chercha du regard Anita, avant de se
précipiter vers elle, pour également la prendre dans ses bras alors qu’elle n’avait
toujours pas quitté sa position accroupie. Bucky laissa le couple s’étreindre

507
tranquillement. Voyant Glaème et Antoine en bouche-à-bouche, et Erik serrer
frénétiquement Anita tout en lui parlant doucement pour la réconforter, elle opta
de se rapprocher d’Ethan Spidze pour tenter d’obtenir des réponses à ses
nombreuses interrogations.

- Ethan, qu’est-ce qui se passe ?

- Des personnes armées sont sur le campus ! Il faut fuir au plus vite !

- Pourquoi ne pas être partis ? Vous étiez au gymnase, tout proche de la


sortie interrogea Meyrie.

- C’est ce que la plupart des joueurs de l’équipe ont fait, mais Béhuit s’est
mis en tête de venir vous chercher car d’après lui les premiers coups de feu
venaient d’ici et il savait que vous y étiez.

- Béhuit ! Lâcha de joie Bucky. Où est-il ?

- Je ne sais pas ! Il nous a simplement demandé de venir vous chercher pour


vous faire sortir d’ici.

- Mais pourquoi n’avez-vous pas simplement fuit au lieu de suivre Béhuit ?


Demanda Meyrie.

- C’est ce qu’il nous a demandé, mais on l’a persuadé de l’accompagner.


Nos sœurs étaient là et pour certains même, leur petite amie. On ne voulait pas
vous abandonner à votre propre sort.

Alors qu’Anita sortait lentement de son état second, tout en restant collé à
Erik, larmoyant de joie de retrouver sa moitié saine et sauve. Bucky remarqua que
les garçons étaient armés. Ethan avait une longue barre de fer à la main, Erik, un
long couteau et Antoine, un pistolet dans sa main droite. Bucky avait
immédiatement reconnu l’arme, un Glock-19 ! L’arme de Béhuit qui était cachée
dans son véhicule.

De nouveaux coups de feu percèrent le silence du campus ! Encore une fois,


le son parvenant jusqu’aux oreilles des étudiants était proche. Meyrie prit
l’initiative de refermer la porte de la salle de classe. Bucky embrayant directement
avec l’aide d’Ethan pour y mettre une table devant. Encore des détonations, se
rapprochant petit à petit. Couteau à la main, Erik se mit à quelques mètres sur le
côté de la porte avec Anita qui s’était accroupie à nouveau en tenant la jambe de
son petit copain. Ethan s’était mis à l’opposé sur l’autre côté de la porte, barre de
fer fermement tenue à deux mains. Antoine, pour sa part, avait renversé une table

508
et invita toutes les filles à le faire pour se protéger d’éventuels coups de feu
provenant de la porte et clairement mise en joue par ses soins avec son Glock-19.
Il était prêt à faire feu ! Même si Bucky doutait qu’il sache réellement s’en servir.

La porte commença à trembler faiblement une première, puis une seconde


fois. On cherchait clairement à y entrer, puis tout à coup un puissant cri, quelques
coups de feu puis une lame qui vint en partie trancher la porte. Bucky voyait
Antoine hésiter à ouvrir le feu à travers la porte.

- SAFE ! entendirent-ils distinctement au travers de la porte lacéré sur 50


centimètres.

- Ok, on est bon ! Répondit une deuxième voix derrière la porte.

Sans même réfléchir, et malgré la douleur que ce mouvement rapide


provoqua chez elle au niveau de son genou. Bucky poussa la table lui faisant
barrage pour ouvrir à nouveau la porte. Cette deuxième voix, elle l’avait
immédiatement reconnue. Même pas le temps de regarder autre chose dans le
couloir qu’elle se jeta sur Béhuit une fois sortie de la classe. Il était là ! En vie ! Et
venu lui porter secours.

- Ma pom-pom ! Lui dit-il simplement alors qu’elle ne touchait plus le sol en


s’agrippant fermement à lui.

Elle ne répondit pas, submergée par l’émotion et heureuse de le sentir.

- Je suis désolé Bucky, continua-t-il. On s’est trompé et on a été pris au


dépourvu… on a complètement merdé !

Elle se décida enfin à lâcher son étreinte sur lui afin de retoucher le sol et
pouvoir le regarder. Son visage avait du sang coagulé sur la joue. Probablement
pas le sien, aucune blessure de visible sur lui. Même si elle n’y connaissait rien,
Bucky reconnut, grâce au cinéma et aux séries en streaming, qu’il était en
équipement d’intervention. Des vêtements noirs et épais laissant penser à une
tenue pare-balles très high-tech, de l’équipement militaire accroché à lui grâce et
de multiples poches et accroches dont des grenades, un long couteau futuriste
dans un fourreau et un énorme pistolet à la main, toujours avec ses
indéboulonnables lunettes de soleil sur les yeux.

- Et maintenant ? Demanda une voix sur le côté de Bucky.

- Il faut qu’on trouve le moyen d’évacuer les civils ! Répondit Béhuit.

509
Bucky tourna la tête afin d’identifier avec qui parlait son fiancé. Rayan ! Bien
qu’en tenue traditionnelle pour un étudiant, il avait également des lunettes de soleil
posées sur le nez et une arme à feu entre les mains. Contrairement à Antoine, il
semblait très à l’aise en la tenant, tout comme Béhuit qui en tenait une bien plus
imposante ! Si l’arme à feu de Rayan semblait plutôt conventionnelle, celle de
Béhuit ne ressemblait en rien à ce qu’elle connaissait, mais elle se l’avouait
volontiers, son savoir dans ce domaine était plus que limité. Des éléments
l’interpellaient cependant, en premier lieu sa matière qui semblait fait d’un métal
étrange dont la couleur semblait varier. Puis sa forme, pas conventionnelle ; une
arme imposante avec deux gâchettes distinctes et un bout de canon très large par
rapport à la grosseur de l’arme. Rien qu’en la regardant, elle avait l’impression
d’être immergée dans un film de science-fiction !

Béhuit remarqua que sa fiancée regarda avec insistance son arme.

- Tu sais bien que je n’ai jamais été véritablement professeur, lui dit-il.

- Oui, mais j’essaie de comprendre ce que tu fais véritablement dans la vie,


même si les masques et les faux-semblants tombent, analysa-t-elle.

- Béhuit ? Interrogea de nouveau Rayan pour couper court à la discussion


du couple alors que tous les élèves commençaient à sortir de la classe.

Bucky observa avec attention Béhuit. Il semblait perdu, indécis. Il ne


maîtrisait vraisemblablement pas la situation. Vu ce qui semblait se passer, elle
n’était pas du tout étonnée.

- Où est Céssix ? Demanda Bucky alors qu’il réfléchissait toujours derrière


ses lunettes.

- Elle doit coordonner les secours, répondit-il sobrement.

- Béhuit ! On ne peut pas rester à l’arrêt ! Interpella Rayan à nouveau.

- Il faut évacuer en restant le plus possible à couvert. Par le conservatoire !


Conclut l’homme à la mèche bleue.

Alors que Béhuit était en train d’organiser le convoi d’étudiants en vue du


déplacement périlleux qui s’annonçait tout en étant observé avec insistance à la
vue de sa tenue et son équipement, Bucky regardait ailleurs. Le sol était jonché de
pièces mécaniques faisant penser à du matériel de robotique. Elle pensa au début
à des débris de drones, mais ce n’était pas cela ; pas d’hélices, fait d’un alliage
étrange clair vert-bleu, composé de pattes avec des ventouses et de restes d’une

510
sorte de cisaille, il était désormais quasiment tranché en deux. Bucky en avait
immédiatement déduit que cette chose étrange avait été tranchée grâce au tout
aussi étrange couteau de Béhuit rangée dans son fourreau, sans prendre
énormément de place. Elle se risqua à regarder un peu plus loin, derrière Rayan,
qui la fixait avec insistance. Manifestement, il tentait discrètement de lui boucher
la vue, mais la pom-pom-girl avait bien été la plus rapide et remarqua à une
vingtaine de mètres une dépouille. Quelqu’un avait été tué juste là ! La couleur à
prédominance noire et blanche avec une manche ciel et fuchsia et le type de
vêtements permit à l’étudiante de déduire aisément qui gisait ici ; un membre de
la sécurité du campus !

Rayan s’approcha de Bucky puis l’invita à se retourner pour ne pas regarder.

- On ne peut plus rien pour lui Bucky ! Il faut partir ! Lui dit Rayan, alors que
tout le monde commençait à avancer prudemment en file indienne avec Béhuit en
tête. Bucky se mit à suivre ses camarades en avant-dernière position suivie de
Rayan qui lui emboîta le pas.

***

Le déplacement, un maximum discret des pom-pom-girls et de leurs


accompagnateurs, en direction du conservatoire se faisait avec de nombreux à-
coups. Béhuit, en tête, demandait très souvent aux étudiants de stopper leur
marche pourtant prudente. Quelquefois même, il leur demanda carrément de se
baisser. A chaque intersection dans les couloirs campus, il semblait profondément
réfléchir avant de décider de la direction à prendre… pas toujours la plus courte,
analysa Bucky. Elle qui connaissait ce campus comme sa poche. Rayan, juste
derrière elle, ne lâchait pas son arme à feu ; index constamment sur la gâchette et
prêt à faire feu. Il marchait très souvent à reculons. Béhuit lui avait clairement
confié la tâche de surveiller les arrières du groupe. Il semblait le faire avec une
relative expérience et ce n’est certainement pas à l’E2C qu’il avait appris cela !
Rayan et lui se connaissaient sans doute de la véritable activité de Béhuit.

Une fois de plus, Béhuit arrêta le groupe au grand soulagement de Bucky


qui n’osait rien dire, mais qui avait de plus en plus de mal à se mouvoir ; sa blessure
au genou refaisait des siennes, malgré une attelle dernière génération l’assistant
à chacun de ses pas. Le groupe se trouvait devant une porte de sortie de bâtiment.

511
Pour se rendre au conservatoire du campus, il n’y avait plus qu’à traverser un jardin
long d’une trentaine de mètres en passant par cette porte, ce qui semblait
profondément déplaire à Béhuit. Il fit rasseoir tout le monde et se déplaça jusqu’à
Rayan. Bucky juste à côté, et malgré la discussion à voix basse des deux hommes,
n’en loupa pas un mot :

- Tu vas prendre la tête de convoi ! Lui dit Béhuit avec une intonation de voix
faisant comprendre à Bucky qu’il s’agissait d’un ordre.

- Compris, se contenta de répondre Rayan.

- Il va falloir que nous traversions très rapidement le jardin afin de rester un


minimum à découvert, l’un d’entre eux n’est clairement pas loin.

- Mon assistance ne m’indique pourtant rien, fit remarquer Rayan dans une
discussion que la fille Délavigna commençait à avoir du mal à comprendre.

- C’est donc qu’il n’y a pas de bots dans le coin, et c’est pour cela que nous
passons par ici pour rejoindre le conservatoire. Il faut que tu mènes rapidement le
groupe de l’autre côté et que tu sécurises les lieux ; prends les garçons avec toi en
tête pour le faire.

- Ils n’ont pas la moindre expérience en combats urbains, rétorqua Rayan.

- Il faut faire avec ce qu’on a ! Je ne peux pas t’aider sur ce coup-là, je risque
d’avoir du travail en queue de groupe. Il y en a un qui s’approche doucement de
notre position. Il n’y a plus une minute à perdre.

Alors que Rayan gagnait l’avant du groupe, Bucky fixa du regard Béhuit.
Derrière ses lunettes noires, elle ne savait pas s’il la regardait également. Elle
hésitait à lui faire part de ses difficultés inhérentes à son genou. Même pas le
temps d’y réfléchir que Rayan demanda à tout le monde de se lever et ordonna de
le suivre le plus vite possible alors qu’il ouvrait la porte. Tous les garçons hormis
Béhuit étaient devant, comme demandé.

Comme Bucky le présageait, la sortie se fit au pas de course. Elle tenta de


suivre Nolwenn en serrant les dents. Elle ne réussit que sur 10 mètres… avant de
chuter. Ce qu’elle craignait était arrivée ! Sa blessure avait dû s’aggraver. Béhuit la
dépassa un instant avant de s’arrêter pour l’aider, alors qu’elle entendit une
détonation. Son fiancé tenta de la lever à l’aide de sa main droite alors qu’il avait
son arme pointée d’où il venait dans l’autre.

- Lève-toi ! Lui dit-il en tentant de l’aider de son bras libre.

512
C’était peine perdue ! Entre la peur et la douleur, elle fut incapable de se
relever.

- Je ne peux plus bouger ! Pleura-t-elle.

Alors qu’elle sentit un impact de balle à seulement quelques centimètres


d’elle, Béhuit la coucha complètement puis s’allongea sur elle avant d’entendre une
intense décharge sortir de son arme. Avait-il également ouvert le feu ? Elle
l’ignorait. Impossible de le dire en étant dos aux tirs.

De nouveaux échanges de coups de feu, alors que Bucky vit, que mise à part
elle et Béhuit, tout le monde était arrivé au conservatoire de l’E2C sains et saufs.
Maigre consolation. Les coups de feu furent rapidement de plus en plus intenses.
Ce n’étaient plus des tirs isolés, mais bien des rafales qu’elle entendait… Des
armes de guerre étaient utilisées ! Elle serra d’une de ses mains le pantalon de
Béhuit, comme pour profiter de lui une dernière fois. Étant donné le déluge de feu
qui s’abattait sur eux et sans le moindre abri solide, des balles allaient rapidement
les transpercer de toutes parts. Elle finirait au moins dans ses bras, c’était déjà ça,
se dit-elle !

Les secondes défilaient et le moment fatidique n’arriva toujours pas. Elle se


décida à rouvrir les yeux qu’elle avait fermés. Rayan avait pris position à une
fenêtre du conservatoire, la plus proche de la porte par laquelle il était passé. Il
faisait feu en direction d’elle, peut-être pour la couvrir. Une pièce métallique
rectangulaire tomba à côté de son visage qu’elle identifia comme une sorte de
chargeur, Béhuit devait aussi tirer plus que de raison. Un petit drone passa
également à moins de deux mètres d’elle. Il semblait lui tourner autour avec une
rapidité et une aisance incroyable. Puis, une intense explosion qui couvrit
quasiment les échanges de tirs et un nouveau chargeur qui tomba près de son
visage. Elle sentit Béhuit se lever. Elle regarda dans sa direction, il dégoupilla une
grenade, puis la jeta à seulement quelques mètres. Quasi-instantanément, une
épaisse fumée se forma près d’eux. Béhuit était décidément très équipé. Il tenta
de nouveau de relever Bucky, en vain ! Elle souffrait bien trop, impossible pour elle
de tenir debout !

- Va-t’en ! Lui dit-elle en désespoir de cause, sachant qu’elle ne pouvait plus


avancer.

- Laisse-toi faire, se contenta-t-il de répondre, visiblement pas décidé à


appliquer la demande de sa pom-pom.

513
Avec un intense effort, Bucky se sentit soulevée puis pendue à l’épaule de
Béhuit. Il la tenait fermement par le haut des jambes. Elle avait le haut du corps à
l’envers contre son dos. Elle se cramponna du mieux qu’elle le pouvait à sa
combinaison, disposant de nombreuses accroches. Béhuit se baissa avant de se
relever pour se diriger vers le conservatoire. Elle ne voyait même plus le bâtiment
d’où elle venait. la fumée redoublait d’intensité. Ils allaient peut-être s’en sortir !

Le haut du corps contre le dos de son fiancé, Bucky n’arrivait pas évaluer la
distance qui restait à Béhuit pour atteindre l’entrée du conservatoire. La seule
chose qu’elle pouvait apercevoir était la fumée toujours plus opaque et désormais
2 petits drones qui semblaient patrouiller autour d’elle. Puis tout à coup, trois
rapides projectiles traversèrent l’écran de fumée pour se diriger droit sur eux.
Bucky n’eut même pas le temps d’avertir Béhuit, dos à la situation, qui chuta avec
elle. Deux des trois projectiles, en forme de petites aiguilles à tricoter avait atteint
Béhuit, un à l’épaule qui ne transportait pas Bucky et l’autre à son mollet, cause
certaine de sa chute. Béhuit face contre le sol se releva lentement. Se faire
transpercer la chair par ces objets non identifiés devait être un calvaire. Bucky,
tenta également, au moins de se mettre à quatre pattes, elle n’avait pas été
atteinte. Elle scruta Béhuit avant de regarder vers l’écran de fumée, quelqu’un
venait de le traverser ; Emma Nunes !

Béhuit et Céssix ne s’étaient pas trompés avec l’étudiante pom-pom-girl


affiliée au handball de troisième année. Elle était armée, sans doute d’une arme de
guerre de type mitrailleuse et avançait d’un air décidé dans leur direction. Inutile
de faire preuve d’une grande intelligence pour comprendre qu’elle faisait partie
intégrante de cette attaque incompréhensible contre l’E2C et de ses intentions
belliqueuses à leur égard. Alors que Béhuit avait un mal de chien à se relever et
enleva le morceau pointu qui s’était empalé dans son mollet. Emma pointa son
arme dans leur direction au même moment que Béhuit pointa la sienne sur elle.
Bucky ferma les yeux par réflexe et détourna la tête.

Encore et toujours un vacarme insupportable, mais elle faisait toujours


partie de ce monde ! Elle rouvrit un œil. Emma avait vidé son chargeur sans que la
moindre balle n’atteigne Béhuit ou elle. Un champ translucide semblait les
protéger. Emma n’abdiqua pas pour autant, elle abandonna son arme puis
commença à bouger dans une gestuelle étrange. Si la situation avait été tout autre,
Bucky l’aurait quasiment trouvée esthétique et jolie à regarder ! Les mains d’Emma
prirent rapidement une teinte rouge, sans la moindre explication, alors que Béhuit
prit l’initiative de lui tirer dessus, la touchant à la jambe… sans qu’elle ne s’arrête
pour autant. Après ses mains, ses yeux s’illuminèrent juste avant qu’une projection

514
de flammes ne se dirige vers Bucky au moment même où Béhuit se jeta sur elle
pour la protéger.

Même l’enfer ne devait pas être aussi chaud ! Les flammes avaient une
intensité folle qui aurait dû consumer le couple en une fraction de seconde.
Pourtant, rien ne leur arriva ! Les flammes les avaient contournés sans la moindre
raison apparente. La pelouse autour d’eux était, elle, carbonisée ! Bucky, dans les
bras de Béhuit, n’était pas pour autant sauvée, Emma s’approchait avec une longue
double lame bleutée. Béhuit sorti immédiatement de son fourreau son couteau et
se leva difficilement pour engager le combat au corps-à-corps. Emma n’avait pas
le physique de son fiancé, mais Béhuit semblait mal en point. La confrontation
était plus qu’incertaine !

Comme elle s’en doutait, la lame de Béhuit était beaucoup plus longue qu’il
y paraissait. Elle s’allongea en une fraction de seconde, accompagné d’un
grésillement. Le compagnon de Bucky para une première attaque d’une violence
surprenante compte-tenu de la carrure d’Emma ; elle avait tout simplement une
force prodigieuse ! Tout n’était cependant pas perdu, Béhuit semblait également
adroit avec son arme, même s’il avait un problème manifeste au niveau de son
mollet qui l’empêchait de prendre correctement appui sur le sol. La blessure de
même origine qu’il avait à l’épaule n’était pas belle à voir non plus, l’étudiante voyait
clairement un mince filet de sang s’en échapper. D’abord paniqué par un
déséquilibre de Béhuit qui l’emporta sur le côté avant de chuter, elle fut ravie de
voir un, puis deux impacts sur le corps d’Emma. Le déséquilibre de Béhuit avait
permis à Rayan de se dégager le champ pour ouvrir le feu. La pom-pom-girl de
troisième année n’abdiqua pourtant pas et, après avoir refait quelques
mouvements de bras, envoya un rayon lumineux en direction de Rayan. Emma
semblait à peine blessée par les deux balles qu’elle avait reçues dans le torse !
Alors que Béhuit se releva pour faire de nouveau face à son adversaire, Bucky
entendit un cri. Ethan venait de passer juste à côté d’elle alors qu’un nouvel impact
de balle à la hanche apparut sur Emma. Le central de l’équipe de volley-ball ne
perdit pas de temps et à l’aide de sa barre de fer, probablement un pied de table,
frappa de toute ses forces, mais la barre fut inexplicablement… projetée avec son
possesseur deux mètres en arrière, juste à côté de Bucky ! Intelligemment, Béhuit
avait profité de cet instant par un mouvement rapide pour planter sa lame dans le
ventre d’Emma qui finit enfin, par s’écrouler, à genoux d’abord, puis au sol, sans
bouger.

Ethan se releva difficilement alors qu’Antoine arrivait à leur côté.

515
- Portez Bucky jusqu’à l’intérieur ! Ordonna Béhuit, un genou à terre.

Les deux joueurs de volley ne perdirent pas de temps et prirent chacun un


bras de Bucky pour la soulever et ainsi la déplacer jusqu’au conservatoire. Bucky
entendit un nouveau coup de feu dans son dos. Elle sursauta avant de tourner la
tête tout en arrivant au but. Béhuit venait de tirer une balle dans la tête d’Emma ! Il
se retourna ensuite pour les rejoindre en boitant, tout en avalant un produit qu’elle
ne parvint pas à identifier.

Enfin, tout le monde était dans le conservatoire ! Rayan ferma


immédiatement la porte derrière Béhuit et demanda à tout le monde de trouver du
mobilier pour la bloquer. Fort heureusement un bureau se trouvait à quelques
mètres, et il ne fallut que peu de temps pour que Meyrie et ses pom-pom-girls,
aidées d’Erik, ne barricadent la porte. Bucky fut installée contre le mur du hall
d’entrée. Elle souffrait affreusement, mais ne voulait rien laisser paraître. Rayan
semblait de son côté un peu sonné, tout comme Ethan, mais ce n’était rien par
rapport à Béhuit assis juste en face d’elle. Il ingurgitait produits sur produits, sortis
de ses nombreuses poches disponibles. Elle se déplaça, quasiment en rampant
jusque lui.

- Béhuit… dit-elle simplement pour lui montrer son inquiétude concernant


son état de santé une fois arrivée à son contact.

Le trentenaire sorti du matériel d’une nouvelle poche, des compresses !

- Applique la fortement sur ma plaie à l’épaule ! Lui dit-il.

- Mais la pointe est encore enfoncée dedans, rétorqua-t-elle.

- Alors enlève la ! S’emporta-t-il.

Complètement dépassée par la situation, Bucky retira d’un coup sec le


projectile. Béhuit gémit, mais sans se plaindre davantage. La douleur devait
pourtant être atroce. Elle déballa ensuite la compresse avant de l’appliquer sur la
blessure en appuyant fortement dessus.

- Rayan ! Prends les garçons avec toi et assure-toi qu’il n’y a pas de bots sur
notre itinéraire, il faut emmener tout le monde de l’autre côté du conservatoire et
de là courir jusqu’au bois.

- Je ne suis pas sûr que tu en sois capable, objecta l’étudiant de dernière


année.

516
- Je n’en suis pas capable non plus ! Je ne peux même pas poser la jambe
par terre, appuya Bucky toujours occupée à tenter de stopper l’hémorragie de son
fiancé.

- Tu es quelqu’un de costaud Rayan, tu porteras Bucky sur ton dos !

- Et pour toi ? Demanda l’étudiant natif du Moyen-Orient.

- Ils ont un tireur embusqué à l’étage ! Je dois m’occuper de lui au moment


où vous sortez pour vous laisser le champ libre et faire diversion. Cela permettra
également de les retarder peut-être sur ce qu’ils cherchent à faire !

- Béhuit, je ne pars pas sans toi ! Protesta Bucky alors que son saignement
commençait à se tarir, la compresse faisant son effet.

- Exécution ! Ordonna Béhuit en direction de Rayan qui demanda


immédiatement aux garçons de le suivre.

- Tu m’écoutes ? Protesta Bucky. Je reste avec toi !

Il tourna enfin sa tête vers elle, tout en appliquant également une


compresse sur son mollet.

- Bucky ! Ecoute-moi ! Il y a encore quelques mois, ma vie était toute tracée,


mais je n’en mesurais pas l’enjeu, l’intérêt ! J’attendais simplement la fin, sans but
réel. Je maudissais cette vie et puis… je t’ai rencontré. Partager ma vie avec une
fille aussi merveilleuse, exceptionnelle que toi, m’a fait passer de l’enfer à un coin
de paradis. Aujourd’hui, j’ai compris pourquoi je dois me battre. J’ai enfin compris
mon utilité, le sens de ma vie. Tout ça, je dois le faire pour toi. Pour avoir la vie que
tu mérites. Pour que tu puisses danser à New-York ou au Moulin Rouge !

- Tu es blessé ! Tu ne pourras pas t’en sortir seul. Je t’en prie, je t’en supplie,
je t’en conjure, reste avec moi !

- Bucky, il est capital que je les retarde en attendant les renforts, mais je
n’arriverai pas à le faire si je ne te sais pas en sécurité. J’ai besoin de te savoir hors
de danger pour me concentrer pleinement à ma tâche. Avec toi à mes côtés et en
danger, je n’ai pas la moindre chance ici, je ne serai pas cohérent, concentré, je ne
penserai qu’à toi !

- Béhuit, je ne comprends rien à ce qui se passe, mais je suis certaine d’une


chose, c’est bien trop dangereux de rester ici !

517
- Il est absolument nécessaire que je reste ici pour les occuper. Il n’y a pas
d’autre solution.

- Je veux rester alors… je vais t’aider.

- Tu connais très bien tes limites Bucky ! Ce qui se passe ici dépasse
largement tes capacités, aussi multiples et extraordinaires soient-elles. Tu pourras
m’aider largement plus une fois sortie.

- En attendant que l’on m’annonce ta mort ? S’énerva-t-elle.

- Non ! En passant un message une fois à l’extérieur du campus. Je veux


que tu trouves Céssix ou à défaut quelqu’un prénommé Ade pour leur dire qu’il ne
reste plus que le majeur et que je le retarde au maximum.

- Béhuit, je ne comprends rien, réitéra-t-elle.

- Bucky, c’est capital ! Ma vie en dépend peut-être, je peux te faire


confiance ?

Bucky hésita. Même si elle ne comprenait pas grand-chose de la situation,


ce plan semblait être le meilleur… à ceci près qu’il le mettait en danger certain.

- Céssix ou Ade, il ne reste plus que le majeur, dit-elle en pleurnichant.

Alors que Béhuit lui déposa un baiser, Rayan revint.

- C’est dégagé Béhuit ! Lui dit-il.

- Parfait, alors ne perdons pas de temps, dit-il après avoir décollé ses lèvres
de celles de Bucky.

Il sortit immédiatement un petit spray, ou du moins ce qui y ressemblait,


pour en pulvériser le contenu sur sa blessure au mollet. Il en sortit, dans la foulée,
un deuxième pour le tendre à sa pom-pom.

- Enlève la compresse et pulvérise sur la blessure ! Indiqua-t-il à Bucky.

Bucky suivit à la lettre la simple consigne. Elle retira la compresse et


pulvérisa rapidement derrière. Une sorte de gel semblable à de la glu se fixa sur la
blessure. Elle en vida l’intégralité du contenu. La plaie ne semblait plus saigner.

Béhuit se releva quelques instants plus tard. Pour vérifier divers points de
son équipement, particulièrement son armement.

518
- Rayan, tu emmènes tout le monde à la sortie et dès que tu entends le
signal, vous foncez jusqu’au bois sans vous retourner !

- La communication est toujours HS ! Quel sera le signal ? Demanda Rayan.

- Impossible de le rater, dit-il en souriant avant de se tourner vers Bucky.

Elle le regarda fixement en pleurant, mais que très peu de temps finalement.
Béhuit lui planta une seringue dans le cou avant qu’elle ne perde connaissance. Il
l’avait devancée ! Elle s’était décidée à finalement rester avec lui, mais il avait bel
et bien prévu le contraire… pour la protéger…

***

Brusquement, Bucky sortit de sa somnolence. Des mouvements de


sautillement incessant de son corps l’avait réveillée. Elle était sur le dos de
quelqu’un qui avançait à pas rapide, Rayan à coup sûr ! Elle en voulait terriblement
à Béhuit pour ce qu’il lui avait fait ; lui faire perdre connaissance pour qu’elle ne
puisse pas protester, encore une fois, sur sa décision de rester seul.

Rayan avançait relativement vite malgré le fait d’avoir Bucky comme poids
mort sur le dos. Il était tout de même bon dernier ; ses camarades avaient une
bonne centaine de mètres d’avance et entraient à l’orée du bois de Cley ou un
nombre impressionnant de véhicules de police, voire de force d’intervention plus
lourde étaient stationnés. BRI, RAID, elle identifia les forces de l’ordre les plus
connues affichées sur certains véhicules. Beaucoup était également annoté U3I,
pour Unité Internationale d’Investigation et d’Intervention, sorte d’Interpol
amélioré.

Alors qu’elle pensait voir ses compagnons d’infortune rapidement passer


les premiers véhicules pour se mettre définitivement en sécurité, il n’en fut rien !
Ils s’arrêtèrent net et levèrent les bras. Apparemment, les autorités n’étaient pas
bien sûres de savoir différencier l’ami de l’ennemi. Lorsque Rayan s’approcha au
même niveau que les autres, il fut mis en joue par des personnes aussi bien équipé
que Béhuit !

- Ne bougez plus ! Mains en l’air et agenouillez-vous, entendit-elle


distinctement.

519
- Je m’exécute ! Cria Rayan. Je dépose à terre simplement la blessée avant,
précisa-t-il.

- Sans geste brusque ! Menaça un homme qui s’approchait déjà d’eux alors
que l’ensemble des pom-pom-girls, Meyrie et les joueurs de volley présent avaient
déjà la figure contre le bitume et les bras attachés dans le dos.

De nouveau consciente, mais toujours incapable de faire quoi que ce soit


avec sa jambe, Bucky assista du mieux qu’elle le put Rayan. Dans l’impossibilité
de se tenir debout, elle se contenta de se mettre directement et main sur la tête,
son visage contre le sol. Il ne fallut même pas une minute avant qu’elle ne soit
menottée mains dans le dos !

- Identité ? Demanda un homme près d’elle, alors qu’elle ne voyait que le sol.

- Bucky Délavigna. Je suis étudiante en dernière année ici !

- D’accord Melle Délavigna, où êtes-vous blessée ?

- Au genou, je ne peux plus marcher.

- Patientez sans bouger.

Cette situation des plus inconfortables l’inquiétait ! Elle était encore peut-
être en ligne de mire depuis l’E2C.

- Je suis Bucky Délavigna et je dois parler de toute urgence à Céssix Sky…


ou à un certain Ade.

- Mettez-les à l’abri ! Entendit-elle.

Céssix Sky ! Elle reconnaissait cette voix entre mille.

A sa grande surprise, tout le monde fut isolé dans un camion d’intervention


hormis elle. On l’avait juste fait passer un peu plus loin derrière les véhicules. Alors
qu’elle se sentit plus en sécurité, le vent tourna rapidement. Assise dans un
véhicule et menottée, Céssix sortit une arme à feu et lui posa sur sa tempe !

- Céssix ! Vous êtes folle….

- Comment connaissez-vous Ade ?

- C’est Béhuit qui m’a demandé de lui passer un message si je ne vous


trouvais pas ! Répondit-elle, maudissant décidément cette journée ou son intégrité
physique était constamment menacée.

520
- Le message Bucky… rapidement !

- Il m’a dit de vous dire qu’il ne restait que le majeur…

Elle baissa son arme avant de la ranger.

- Béhuit est toujours dans l’E2C ?

- Oui, il nous a dit qu’il tentait de gagner du temps.

- Vous êtes toujours restés en groupe durant les évènements ?

- Oui, j’étais avec mon groupe de pom-pom-girls et on a été rejoints par


Béhuit et quelques volleyeurs.

Céssix détacha immédiatement les menottes de Bucky.

- Je suis désolé Bucky, je voulais être bien sûre qu’il s’agissait de vous.

Bucky ne comprenait pas ce que voulait dire Céssix Sky, mais elle n’en était
pas à une bizarrerie près aujourd’hui. La directrice fit immédiatement un geste de
la main avant qu’un brancard n’arrive, puis leva Bucky pour l’aider à s’allonger
dessus.

- Libérez Rayan et amenez le reste du groupe en lieu sûr à l’abri avec l’équipe
de la cellule psychologique, demanda la grande blonde.

- Céssix… Béhuit a besoin de votre aide, il est blessé ! Qu’attendez-vous pour


venir l’aider ? Demanda Bucky, qui commençait à se déplacer via le brancard.

- On y travaille, répondit-elle.

Bucky retrouva quelque peu le sourire, une tête familière venait de se


pencher au-dessus d’elle ; Mélanie l’accueillait alors qu’elle montait dans un
véhicule de secours accompagné de Céssix et de Rayan. Les derniers doutes
s’estompaient, l’étudiant de cinquième année faisait partie de l’équipe de Céssix
et Béhuit.

- Tu as uniquement mal au genou ? Rien d’autre ? Lui demanda Mélanie.

Bucky lui confirma qu’elle n’avait rien de plus, même si elle considérait que
les dégâts à son genou avaient dû empirer et que cela n’avait rien d’anodin.
Mélanie la releva pour la mettre en position assise avant de lui sourire. Elle ne
semblait nullement inquiète de son état de santé. Elle tourna légèrement la tête
vers Céssix… avant de perdre le sourire. Intriguée, Bucky regarda également sa

521
directrice. Le débardeur vert foncé qu’elle portait était imbibé de sang au niveau
du haut de sa poitrine, à seulement quelques centimètres du cœur.

- Céssix, il va falloir que tu repasses dans la cuve. Tu n’as pas eu le temps


suffisant pour récupérer, lui annonça Mélanie.

- Pas de cuve ! Protesta Céssix. Je n’ai pas le temps pour cela, l’unité sera
bientôt prête pour rejoindre Béhuit.

- Sans repos complet, ta blessure se rouvrira…

- Stoppe ça comme tu peux et rapidement, je ferai avec, s’agaça-t-elle.

Le véhicule stationna après une courte distance. Un fauteuil roulant


attendait l’étudiante, toujours en lisière de bois. Une installation temporaire y avait
été montée à la hâte avec une rapidité qu’elle trouva remarquable. Cette annexe
estampillée "U3I" était strictement interdite à toute personne étrangère au service
put lire un peu partout la jeune femme.

- Je ne vais pas avoir de problème en entrant ici ? Demanda Bucky alors


qu’on la dirigeait vers l’un des algécos présents après être entrée dans un énorme
chapiteau afin d’y masquer absolument tout de l’extérieur.

- Rappelez-vous simplement que vous êtes soumise au secret défense et


ne fouinez pas partout ! Se contenta de répondre Céssix qui l’accompagnait avec
Mélanie.

La médecin la poussa jusqu’à une petite salle, probablement un avant-poste


médical. Elle aida Bucky à s’installer sur l’un des trois lits disponibles avant de
récupérer du matériel alors que Céssix soulevait son débardeur. La jolie blonde
aux yeux bleus aquarelles semblait avoir subi de multiples traumatismes au niveau
du tronc. La plus impressionnante laissait présager une hémorragie inquiétante en
voyant le bandage taché de sang qui entourait pourtant la blessure. Mélanie tira
un rideau de séparation qui ne permit pas à Bucky d’en voir plus. Elle put tout de
même entendre la discussion entre les deux femmes.

- Céssix, je ne peux que te reconseiller de ne pas participer à une


intervention pour le moment.

- La camp de fortune est maintenant à l’abri des regards indiscrets, mon


unité arrive, elle n’interviendra pas sans moi !

522
Un léger cri de douleur montrant à Bucky que ce que subissait sa directrice
de campus était des plus déplaisants, puis un silence jusqu’à… un bourdonnement
intense et de plus en plus aigu provenant de l’extérieur de l’algéco. Bucky avait
déjà entendu ce bruit, il y a peu ; lorsqu’elle fut confinée dans sa salle de classe
juste avant qu’Ethan et les frères Donerm ne viennent à sa rencontre.

Alors que le bruit montait crescendo en intensité et en fréquence, la porte


de son algéco s’ouvrit. Une silhouette probablement féminine sous une
magnifique tunique claire la couvrant de la tête aux pieds ne laissant dépasser
qu’une très longue chevelure couleur argent pendant jusqu’à son bassin entra. Ce
vêtement, finement travaillé, ne lui était pas inconnu. Cette femme, elle l’avait déjà
brièvement croisée le soir de sa rupture temporaire avec Béhuit, qu’elle regrettait
toujours amèrement. Elle évita scrupuleusement Bucky pour se diriger de l’autre
côté du rideau avec Mélanie et Céssix.

- Commandante, le reste de l’unité arrive, entendit Bucky dans un accent


doux et mélodieux.

- Très bien, j’arrive sous peu, répondit Céssix Sky.

L’étrange femme repassa de la manière la plus discrète possible en prenant


soin de longer les murs afin de mettre le plus de distance entre elle et Bucky. Elle
ne voulait pas être vue plus en détail alors que le bourdonnement strident s’arrêta
dans un puissant fracas ; du matériel venait de tomber tout près des lieux !

Céssix ne tarda pas à sortir à son tour. Très inquiète pour Béhuit, la pom-
pom-girl n’hésita pas à l’interpeller :

- Céssix, ne tardez pas à agir, Béhuit est blessé à la jambe et l’épaule…

- On part à son secours… immédiatement.

Céssix repris sa route alors que Bucky reprit la parole.

- Céssix… Faites attention à vous également !

L’athlétique femme reprit son chemin après lui avoir fait un signe de la tête.

***

523
Bucky n’était plus qu’avec Mélanie dans l’algéco. La médecin s’occupait de
son genou. Elle avait d’impressionnants outils médicaux pour l’aider.

- Il n’y a pas de rupture… mais l’entorse s’est aggravée ! On va te remettre


une attelle plus performante, biomécanique, et tu vas devoir réutiliser une béquille
pour te déplacer, conclut la médecin.

- Je suis bien plus inquiète pour Béhuit que pour mon problème au genou…

- Calme-toi, sache que tout est fait pour le sortir de ce campus d’excellence
sain et sauf.

- Un gros contingent de l’U3I semble présent en tout cas. Tu en fais partie ?


Questionna Bucky de manière pas si innocente que cela.

Mélanie la regarda avec insistance. Elle n’était pas tombée dans le


panneau !

- J’en sais beaucoup moins que ce que tu pourrais le penser, se contenta-t-


elle de répondre.

La soignante de Bucky s’occupa admirablement d’elle. De nouveaux


vêtements pour être au sec en attendant que les siens passent au séchage, puis
quelques cachets, une sorte de soin aux ultrasons avant de lui installer une attelle
incroyablement légère et souple lui maintenant fermement le genou pour
l’empêcher de le plier, et l’étudiante n’avait plus qu’à utiliser la béquille fournie pour
essayer de se déplacer seule. La vitesse laissait à désirer, mais elle pouvait le faire
seule et sans douleur. Mélanie avait fait des merveilles !

***

Une bonne vingtaine de minutes étaient passées, Bucky craignait de plus


en plus pour Béhuit. Le temps jouait clairement en sa défaveur. Mélanie tenta de
la réconforter en lui tenant la main. Son stress devait se remarquer. Après l’avoir
sentie au toucher, elle regarda la bague que portait l’étudiante à l’annulaire de sa
main gauche.

- C’est ta bague de fiançailles ? Demanda-t-elle, probablement pour la faire


penser à des choses plus joyeuses.

524
Bucky répondit par l’affirmative mollement de la tête.

- Elle est magnifique, lui fit remarquer Mélanie.

- Merci…. Il est triste que tu n’aies pas pu venir pour fêter ça avec nous. Je
pense que Béhuit aurait apprécié. J’ai été contrariée qu’il n’ait que Céssix comme
proche.

- J’aurais aimé y participer je t’assure, mais j’ai des contraintes


particulières….

Bucky lui fit un léger sourire. Elle ne lui en voulait pas. L’étudiante avait bien
compris que Mélanie regrettait sincèrement sa non-présence.

- Merci cependant pour m’avoir encouragée à insister pour que l’on soit
ensemble…

- Béhuit est un grand romantique qui a besoin d’aimer et d’être aimé. Je suis
heureuse qu’il ait trouvé quelqu’un.

- J’espère seulement que nous pourrons encore partager tellement tous les
deux, s’inquiéta Bucky.

- Crois-moi Bucky, Béhuit est d’une importance capitale. Tout sera fait pour
le ramener ici sain et sauf, dit calmement la médecin.

Des bruits lointains. Bucky commençait malheureusement à bien les


reconnaître ; des coups de feu, des rafales, des explosions. La porte de l’algéco
s’ouvrit. Un homme se trouvait devant les deux filles ; un quarantenaire aux
cheveux courts, lunettes de soleil sur les yeux, mode décidément très tendance
chez tout le personnel de l’U3I. Cet homme, elle l’avait déjà rencontré, mais sa
mémoire lui jouait des tours, elle ne savait plus où !

- Mélanie, prenez votre matériel ! Une équipe vous emmène jusqu’au point
de contact, annonça l’homme.

La docteure enfila rapidement un haut que Bucky identifia comme un gilet


pare-balles puis prit un énorme sac à dos.

- Bucky, tu ne bouges pas d’ici jusqu’à ce que je revienne, ordonna Mélanie.

- C’est Béhuit ? Demanda Bucky à l’homme à quelques mètres d’elle.

525
Il ne lui répondit pas et se contenta de refermer la porte derrière lui, une fois
Mélanie sortie. Bucky se retrouva seule, dans une angoisse indescriptible.

***

Les coups de feu, parfois impressionnants en termes de détonation,


reprirent plusieurs fois. Bucky sursautait à chaque coup. Décidément, les
complices d’Emma Nunes étaient surarmés !

Elle n’en pouvait plus d’attendre ici. Ses vêtements posés sur des
convecteurs à chaleur étaient désormais secs. Elle se changea pour remettre son
jean et son débardeur avec difficulté à cause de son entorse. Puis une fois vêtue,
elle décida de sortir de l’algéco. Elle ne pouvait pas attendre seule ici plus
longtemps. Il y avait probablement du monde dans les nombreux algécos aux
alentours, mais seulement un petit groupe sur la sorte de cour interne de
l’immense chapiteau lorsqu’elle sortit. Personne ne remarqua qu’elle quittait les
lieux. A l’aide de sa béquille, elle se dirigea vers la sortie de l’édifice à quelques
mètres seulement.

Un avertissement verbal venant de derrière elle parvint jusqu’à ses oreilles ;


le groupe l’avait repéré ! Tant pis ! Elle tira l’épais rideau faisant office de porte
pour sortir des lieux. Le campus était désormais à portée de vue, à peine à environ
1 km de distance. Il n’y avait plus de coup de feu pour le moment, mais de la fumée
s’échappait par endroit du campus. Les véhicules des forces de l’ordre
conventionnelles s’étaient retirés, sans doute bien plus loin, par sécurité. Il ne
restait plus que quelques voitures estampillées U3I et un blindé militaire. Ce n’était
pas une intrusion qui avait lieu à l’E2C, mais une véritable guerre ! Pensa Bucky.

Au loin, elle vit de nombreuses formes avancées dans sa direction et qui


sortaient du campus. Les assaillants avaient-ils été définitivement réduits au
silence ? Elle ne les pleurerait pas !

- Un pas de plus et je tire ! Entendit-elle dans son dos alors qu’elle avançait
un peu plus vers son lieu d’enseignement.

- Vous n’allez tout de même pas lui tirer dessus ! Protesta une voix alors
qu’elle pivota de 45° afin d’identifier visuellement la menace.

526
Un homme du groupe qui l’avait repéré en train de sortir du chapiteau la
menaçait de son arme, pointée sur elle. Un jeune homme était juste à côté. Bucky
l’avait identifié ; Rayan !

- C’est une civile, une étudiante ! Baissez-moi ça ! Invectiva Rayan envers la


personne qui menaçait Bucky.

L’homme baissa lentement son arme, mais en la gardant tout de même à la


main !

- Bucky, tu dois retourner à l’intérieur ! Lui dit Rayan.

- Je crois qu’un groupe revient Rayan, répondit Bucky en le montrant du


doigt. Je vais voir s’il y à Béhuit.

Au mépris du danger, Bucky reprit une lente marche vers le campus.

- Bucky, s’il te plaît… c’est dangereux ! L’avertit Rayan.

L’étudiante s’en moquait. Elle s’avança, persuadée que Béhuit faisait partie
du groupe qui se dirigeait vers elle.

Rayan la rejoignit rapidement, également arme à la main et doigt sur la


gâchette après avoir dit à ses collègues qu’il prenait l’entière responsabilité du
comportement de Bucky. Il avait décidé de l’accompagner.

Au fur et à mesure que les deux parties se rejoignaient, Bucky remarqua un


peu plus de détails. Le groupe était composé d’une dizaine personnes, sans
compter deux gros drones qui semblaient les escorter, mais ce qui lui glaça le
sang, ce fut de voir que plusieurs brancards étaient utilisés dont un avec une
personne à cheval dessus. Elle se figea, fébrile.

- Bucky… tu ne devrais pas y aller, lui conseilla Rayan.

Un bruit parvint à ses oreilles sur le côté. Deux hélicoptères de couleur


sombre qui s’approchaient rapidement, mais semblaient ralentir. Alors que les
deux véhicules aériens étaient en train de manœuvrer pour se poser tout près de
Bucky, elle avança le plus vite qu’elle le pouvait vers le groupe. La situation
commençait à s’éclaircir ; la femme à la tunique blanche si jolie était désormais
tâchée de sang. Alors que Bucky s’avançait toujours plus pour les rejoindre, la
mystérieuse femme remit son capuchon sur la tête. Les autres personnes
faisaient probablement partie d’un groupe d’intervention à la vue de leur tenue. Sur
l’un des brancards qui avançait rapidement, tiré par deux hommes, elle reconnut

527
bientôt Mélanie. La médecin était à cheval sur quelqu’un. Comme Bucky le
craignait, il y avait des blessés !

Le groupe bifurqua lentement. Bucky comprit qu’il se dirigeait vers les


hélicoptères qui s’étaient posés. Elle en fit de même afin de pouvoir les rejoindre.
Personne ne se préoccupa d’elle quand elle fit la jonction, accompagnée de Rayan.

Son regard se posa immédiatement sur le brancard portant Mélanie. Ce


qu’elle redoutait le plus se trouvait sous ses yeux ! La docteure était carrément
posée, à cheval, sur son fiancé, noyé dans une mare de sang. La médecin cherchait
probablement à limiter le débit sanguin qui s’écoulait du corps de Béhuit,
inconscient. Le brancard passa à allure vive juste devant elle. Les blessures de
son compagnon étaient affreuses ; sa main et une petite partie de son bras droit
avait été sectionné laissant un flot de sang dégouliner au sol malgré d’innombrable
compresses et bandages posés dessus. Ce n’était pourtant pas la blessure sur
laquelle s’affairait la médecin. Béhuit avait également été transpercé au niveau de
l’estomac et Mélanie semblait, avec un étrange appareil, contenir la plaie béante
d’où du sang avait été envoyé avec la pression jusqu’à son visage. Son fiancé avait
en plus la joue gauche ouverte sur toute sa longueur.

Bucky tenta de se précipiter en criant sur le brancard, mais elle en fut


empêchée par Rayan qui la retint de ses puissants bras. Elle ne fit finalement que
très peu attention au deuxième brancard. Elle avait juste reconnu Céssix Sky, qui
semblait également mal en point.

- Mélanieeee… cria-t-elle, alors que Bucky s’écroula au sol, fort


heureusement bien amortie par Rayan.

- Je t’informerai ! Se contenta de répondre Mélanie en s’éloignant en


direction des hélicos.

Bucky ne se contrôlait plus, elle tremblait, hurlait, pleurait. Ce qu’elle vivait


était trop pour elle. Malgré les tentatives de Rayan pour la calmer, elle n’y arriva
pas ! Elle finit par tomber dans les pommes…

***

528
Avant même d’ouvrir les yeux, Bucky se remit à pleurer. Une main pourtant
bienveillante lui exerçait une pression sur le bras. Elle était allongée dans un lit.
Nolwenn était là !

Immédiatement elle reconnut la chambre dans laquelle elle avait passé tant
d’années ; celle de sa meilleure amie. Elle était chez la famille Donerm.

- Tes parents ont pris le premier vol disponible, ils arrivent dans quelques
heures ! Annonça Nolwenn avant de la serrer dans ses bras.

- Béhuit ? Interrogea immédiatement Bucky.

- On sait simplement qu’il est gravement blessé et qu’il a été évacué par
hélicoptère, tout comme Madame Sky.

L’étudiante à la mèche fuchsia passa lentement de la position allongée à


assise. Son amie l’assista.

- Il y a un psychologue qui attendait ton réveil en bas. Je vais le prévenir,


continua Nolwenn.

Bucky fut un bref et discret signe de la tête pour montrer qu’elle avait
compris ! Son amie quitta la chambre afin de prévenir du réveil de sa quasi-sœur.
Elle se recroquevilla au mieux, l’attelle posée à sa jambe l’empêchait de le faire
totalement. Puis se balança légèrement d’avant en arrière de manière quasi-
incontrôlée, atteinte au plus profond de sa chair.

- Melle Délavigna ? Entendit-elle.

Elle mit un certain temps à regarder la personne qui l’interpellait.

- Je suis Johannes, je fais partie de la cellule psychologique mise en place


à la demande de Mélanie pour ce foyer.

- Vous avez des nouvelles d’elle ? Et de Béhuit ? Questionna-t-elle


immédiatement.

- J’aimerais juste que nous nous occupions un peu de vous avant. Je vais
vous poser…

- Je n’ai pas besoin de vous pour le moment ! La personne dont j’ai besoin,
c’est Béhuit ! Je vais donc être claire. Vous n’obtiendrez rien de moi avant d’avoir
pris contact avec Mélanie ! Le coupa-t-elle dans un accès de colère soudain.

529
Devant la colère menaçante de Bucky, Johannes sortit son téléphone afin
de l’apaiser. Il chercha sur son répertoire Mélanie avant de l’appeler. Quatre
sonneries, puis elle décrocha…

***

Les yeux fixés sur la pendule de la cuisine, l’étudiante à la mèche fuchsia


attendait avec impatience que les aiguilles lui indiquent 7 heures du matin.
Étrangement, elle avait plutôt bien dormi et d’une traite ; les calmants que lui avait
donnés Johannes avaient dû grandement aider. Ses parents étaient arrivés chez
les Donerm, hier soir, et dormaient encore dans le canapé-lit du salon. Les
retrouver lui avait procuré un bref instant de réconfort, bien éphémère. Elle
n’attendait désormais plus qu’une chose, pouvoir les réveiller afin qu’ils l’amènent
comme convenu à l’hôpital militaire de Saint-Mandé dans le Val de Marne aux
portes de Paris pour voir Béhuit. Son fiancé s’y trouvait dans un état grave, mais
stable, selon Mélanie, avec qui elle avait discuté au téléphone. Béhuit n’avait
officiellement pas le droit aux visites, mais Mélanie avait promis à Bucky qu’elle
ferait en sorte qu’elle puisse accéder à sa chambre quelques minutes à partir de
10 heures. L’étudiante était impatiente de pouvoir le retrouver. Le combat pour
qu’il se remette de ses blessures serait sans doute long et difficile, mais elle était
prête à l’accompagner pour cela. La bague de fiançailles qu’elle portait au doigt
n’est pas qu’un symbole pour elle, c’était une promesse d’amour inconditionnelle
qu’elle lui vouait. Elle l’honorerait sans regret. Les séquelles que garderaient Béhuit
seraient probablement définitives pour certaines, elle pensait notamment à sa
main droite, amputée, mais l’essentiel pour elle était là, il était en vie et c’est cela
qui était le plus important.

Avant de rejoindre l’hôpital, Bucky demanda à ses parents de faire une


courte étape à la villa où rien n’avait bougé. Céssix Sky n’était évidemment pas
rentrée non plus, son état avait été qualifié de sérieux par Mélanie, mais elle n’était
visiblement pas dans le même hôpital que Béhuit. La mine triste, dans cette
maison privée de présence humaine, Bucky monta dans sa chambre pour y
récupérer des vêtements pour son fiancé ainsi que le patchwork de photos sous
cadre qu’elle lui avait offert à Noël dans l’idée de l’accrocher dans sa chambre
d’hôpital. Elle savait que ce tableau, avec énormément de photos d’elle, lui
redonnerait le sourire dès qu’il ouvrirait les yeux. Elle était un peu sa muse et en
était très fière. Elle hésita à prendre des vêtements pour elle-même ; dormirait-elle

530
ici ce soir ou chez les Donerm ou bien ailleurs, elle l’ignorait. Elle ressortit des lieux
avec une étrange appréhension ; reviendrait-elle un jour vivre ici avec Béhuit et
Céssix Sky ?

***

Comme elle le présageait, Bucky arriva, accompagnée de ses parents, bien


plus tôt qu’à l’horaire convenu avec Mélanie. Les visites, déjà d’ordinaire interdites
dans l’aile où se trouvait Béhuit, ne pouvaient se faire qu’accompagnées du
médecin référent et Mélanie n’était semble-t-il pas disponible avant 10 heures du
matin, ce qu’elle lui avait annoncé la veille. Les personnes à l’accueil souhaitaient
de leur côté ne pas lui donner la moindre information au sujet de Béhuit et se
contentèrent de proposer à Bucky de patienter en attendant l’arrivée du Docteur
Pruvost Mélanie ; c’était la première fois que l’étudiante entendait son nom de
famille.

Patienter dans une salle d’attente ne fut rapidement pas possible pour elle.
Ressasser à ne rien faire, sans son portable laissé dans la salle de cours théorique
de l’E2C, et sans doute non fonctionnel, Bucky se leva devant la mine surprise de
ses parents. Elle avait remarqué que la boutique de l’hôpital ouvrait et décida de
s’y rendre. Elle revint, une bonne demi-heure plus tard, avec deux sacs bien remplis
devant ses parents qui patientaient avec un café.

- Tu as fait tes courses pour la semaine ? Demanda son père avec


étonnement.

- J’ai pris tout ce qui pourrait faire plaisir à Béhuit ! Sourit-elle légèrement.
Du chocolat, des magazines sur les motos et le sport…

- Bucky… fit-elle coupée.

Mélanie venait d’arriver ! Elle était dans sa blouse. Les yeux de Bucky se
portèrent involontairement sur son badge ; Dr Pruvost Mélanie, Médecin-
chirurgien, chef urgentiste. La fiancée de Béhuit comprenait désormais pourquoi
il l’avait appelé lors de son agression à Munich. Elle était parfaitement apte et
compétente, malgré son jeune âge pour ce type de poste, pour gérer son agression
ou les blessures de Béhuit aujourd’hui.

531
- Mélanie ! J’ai légèrement dévalisé la boutique de l’hôpital pour Béhuit pour
qu’il puisse s’occuper dans sa chambre… Où est-il ?

- On va parler dans une salle plus au calme avant si tu veux bien, répondit
Mélanie tout en demandant aux parents Délavigna de patienter ici.

Bucky déposa ses achats près de ses parents et leur demanda de bien
prendre soin du cadre photos, cadeau de Noël de Béhuit, qu’elle souhaitait lui
accrocher dans sa chambre. Ne pas pouvoir le voir directement dans sa chambre
montrait à Bucky que l’état de son fiancé devait être très sérieux. Il était sans doute
dans le coma pensa-t-elle et ses blessures atroces à regarder. Elle ne se faisait
guère d’illusion, il avait perdu sa main avec une partie de l’avant-bras de manière
probablement définitive.

Arrivée dans une salle de consultation, Mélanie, l’invita à s’asseoir avec un


sourire… clairement forcé, avant de refermer la porte.

- Mélanie, je me doute que Béhuit gardera des séquelles, lui dit Bucky.
Laissez-moi simplement le voir…

- Bucky, la situation de Béhuit a posé un problème il y a quelques heures…


Commença la médecin.

-… Mais il va mieux maintenant ? Interrogea Bucky.

- Son état de santé était tellement préoccupant que nous avons été dans
l’obligation de le transférer par hélicoptère vers un autre hôpital, plus spécialisé.

- Quel hôpital ? Demanda-t-elle, prête à partir immédiatement pour s’y


rendre.

- Cela n’a aucune importance Mélanie, sa blessure au niveau de l’abdomen,


qu’on avait stabilisée dans un premier temps… était en fait beaucoup plus grave
qu’on ne le pensait. Je t’assure que j’ai tout tenté…

- Mélanie, Donnez-moi simplement l’hôpital, réitéra Bucky.

- Il a fait une hémorragie interne dans l’hélicoptère… son cœur s’est


rapidement arrêté, dit-elle doucement.

- Mélanie, s’il vous plaît, supplia Bucky qui ne souhaitait pas qu’on lui
annonce ce qu’on s’apprêtait à lui dire.

532
- Bucky, dans l’hélicoptère, les médecins ont tenté de le réanimer durant
plusieurs minutes, mais son cœur n’est jamais reparti…

Bucky la regarda. Elle avait parfaitement compris. Béhuit, l’homme de sa


vie, était mort. Elle se mit à pleurer en restant muette.

- Je suis sincèrement désolée Bucky, s’excusa Mélanie.

- Je n’ai même pas pu lui dire en revoir, pleura Bucky. Il est tout pour moi…
comment je vais faire pour continuer sans lui… on était fiancé… fiancé !

Par quelques gestes de tendresse, Mélanie tenta de la consoler ; combat


vain. Devant une telle nouvelle, Bucky se retrouvait seule… abandonnée, et même
ses parents qu’elle retrouva rapidement pour les serrer de toutes ses forces dans
ses bras étaient impuissants ; l’équipe de volley-ball masculine de l’E2C n’avait
officiellement plus d’entraîneur…

533
Chapitre 17 : Derniers hommages

Malgré tous les efforts et trésors d’imagination déployés par ses parents et
la famille Donerm au complet pour essayer de lui rendre un semblant de gaîté,
Bucky sanglotait des dizaines de fois par jour. Elle avait passé ces dernières 72
heures, sans sortir de la maison des Donerm. Glaème lui avait rendu son lit dans
la chambre de Nolwenn pour faire en sorte qu’elle se sente mieux, la petite-amie
d’Antoine aurait très bien pu rester en bas pour dormir dans une partie du salon,
voire proposer à l’aîné des Donerm de faire chambre commune, mais elle retourna
inexplicablement vivre au village étudiant. Le revers financier de ses parents était-
il terminé ? Il y avait sans doute d’autres raisons mais, et c’était horrible pour Bucky
de se le dire, elle s’en moquait. Son monde s’était écroulé et sa vie ne continuait
que sur des bases incertaines. Elle avait perdu tout goût à la vie. Aurait-elle
seulement la force de retourner sur le campus demain ? Les cours n’y seraient pas
assuré, mais un dernier hommage à Béhuit y était prévu, suivi de son incinération.
Céssix avait, elle, survécu et avait averti les étudiants de l’E2C du programme. La
reprise des cours était également déjà actée à la semaine d’après.

Passant l’essentiel de son temps dans son lit avec Paillette, son chaton noir
dernier cadeau de Béhuit, ou dans le jardin de la maison des Donerm, Bucky errait
sans que personne ne sache trop quoi lui dire. Existait-il seulement quelque chose
d’intelligent à dire dans ces moments-là à la personne qui venait de perdre son
grand amour ? Les étreintes et câlins que son entourage lui faisait, suffisait pour
lui montrer qu’ils étaient là. Elle n’avait simplement pas la force de leur dire qu’elle
savait qu’elle devait continuer… sans Béhuit. Elle ignorait déjà si elle tiendrait le
coup, le lendemain, pour les obsèques.

534
Alors qu’elle était dans le jardin, assise sur la terrasse, à regarder dans le
vide malgré la présence de Nolwenn pour la soutenir dans l’épreuve. Monsieur
Donerm la sortit de sa torpeur pour lui parler :

- Bucky… tu as de la visite…

Bucky tourna la tête. Alors qu’elle s’attendait à voir une de ses amies pour
une énième tentative de réconfort et de psychologie, elle fut surprise de l’identité
de la visiteuse ; Céssix Sky attendait à l’entrée de la terrasse ! Elle la regarda sans
rien dire. La directrice semblait bien loin de la forme olympique, mais au moins
marchait-elle sans aucune assistance ou matériel. Elle jeta un coup d’œil insistant
avec son regard bleu aquarelle vers Nolwenn.

- Je vais vous laisser seules… dit Nolwenn en se levant et entrant dans le


salon en ayant pris soin de fermer la porte fenêtre derrière elle avec son père.

- Vous faites toujours aussi peur aux étudiants à ce que je vois… finit par
dire Bucky pour amorcer le dialogue.

- Pour être honnête, il y en a une sur qui mes talents d’intimidation ne


fonctionnent pas. C’eût été le cas au début, mais elle n’est aujourd’hui qu’au plus
méfiante à mon égard ! Comment allez-vous Délavigna ?

- Comme une personne qui a perdu son fiancé et qui ne peut pas marcher
très longtemps sans béquille, répondit-elle.

Céssix Sky s’assit près de Bucky en lui déposant un sachet papier de


couleur blanche.

- Mélanie m’a demandé de vous donner cela. C’est la suite du traitement


pour votre genou. La posologie est notée dessus. Vous allez vous en remettre
Délavigna.

- A vrai dire pour le moment, je me moque un peu de l’état de mon genou,


répondit Bucky.

- Ce n’est pas de votre genou que je parlais…

Bucky hésita un instant. Elle avait toujours voulu apparaître forte devant sa
directrice, sans nul doute pour cause de concurrence pour obtenir le cœur de
Béhuit. Mais aujourd’hui, il n’était plus là. Elle craqua une fois de plus dans la
journée et se mit à pleurer. Céssix lui serra fermement le bras avec sa main.

535
- Délavigna écoutez-moi ! Béhuit est mort, mais je sais que là où il est
aujourd’hui, il n’a aucun regret ! S’il a fait ce qu’il avait à faire sans trembler, c’est
parce que son souhait le plus cher, c’était vous, votre sécurité ! Votre chemin ne
s’arrête pas avec sa mort. Il s’est battu pour que vous viviez, il a réussi ! Montrez-
lui que vous méritez le sacrifice qu’il a accepté. Faites-lui honneur en lui montrant
que votre vie, même sans lui, va être fantastique, belle. Vous allez le faire vivre, à
travers vous, tout comme je le ferai également, pour lui montrer qu’il a fait le bon
choix ; celui de rendre ceux qu’il a sauvé heureux. Et vous allez lui prouver que vous
allez commencer, dès maintenant ! En finissant votre cursus à l’E2C pour obtenir
votre diplôme !

Le charisme de Céssix Sky était indéniable et Bucky fut troublée qu’il soit
utilisé pour la première fois pour le bien de la jeune étudiante qu’elle était. Les deux
femmes ne s’étaient jamais vraiment appréciées malgré leur cohabitation à la villa.
Toutes deux avaient toujours été en compétition permanente.

- Béhuit n’est plus parmi nous, nous pouvons arrêter les faux-semblants,
répondit Bucky.

- Bucky, je suis venue vous dire que je suis là pour vous soutenir,
contrairement à ce que vous pourriez penser. Les derniers mots de Béhuit ont été
pour vous. Il m’a demandé de vous soutenir… et je le ferai, avec ou sans votre
accord. Je lui ai promis ! C’est difficile à admettre pour moi, mais il vous aimait
profondément.

La brune à la mèche fuchsia ne savait pas trop quoi répondre. Elle se


contenta d’un léger sourire en coin à l’attention de sa directrice. Pour accepter
cette promesse, Céssix devait énormément avoir aimé Béhuit et prendre sur elle.

- Merci pour votre aide. Vivre après l’avoir rencontré… la vie va me paraître
tellement… vide, répondit Bucky.

- Vous apprendrez à faire avec… au fil du temps. Je voulais également vous


dire que la villa sera encore votre foyer tant que j’y serai, si vous souhaitez toujours
y habiter.

Cette journée n’était finalement pas aussi mauvaise que les précédentes.
Béhuit même après sa disparition avait réussi à obtenir quelque chose qu’elle
n’aurait jamais osé imaginer ; le soutien de sa directrice !

536
***

Ce jour allait sans nul doute être l’un des plus sombres et tristes de sa vie.
Bucky s’était habillée en tailleur jupe noire et maquillée légèrement de la même
couleur de deuil. Elle souhaitait se faire belle pour lui… une dernière fois. Elle avait
pris soin de placer ses lunettes de soleil en haut de son crâne afin de pouvoir
masquer ses larmes si nécessaire ; cela se produirait forcément. Sa mère l’avait
aidé à se préparer. Un soutien toujours bienvenu dans ces moments-là.

L’heure du départ pour le gymnase de volley-ball de l’E2C était arrivée. Un


dernier hommage du campus allait s’y dérouler. Un coup d’œil rapide pour être
sûre qu’elle portait bien encore son pendentif avec une émeraude et sa bague de
fiançailles par réflexe, puis elle se dirigea dans l’imposant SUV noir avec chauffeur
qui l’attendait. Peut-être celui de Céssix, elle ne savait le dire avec précision. Quoi
qu’il en soit, sa directrice lui avait bien prévu un véhicule personnel pour se rendre
jusqu’au campus pour ce funeste moment.

L’E2C, encore sous le coup de cet attentat terroriste, était très surveillé à
son entrée. Des véhicules de l’U3I, probablement le véritable employeur de Béhuit,
et par ricochet de Céssix, filtrait le passage. Les étudiants étaient nombreux.
Quasiment tous devaient être présents. Des extérieurs étaient également présents
dont le ministre de l’intérieur et celui de l’éducation nationale. Fébrile dès sa sortie,
elle fut accompagnée par Céssix au premier rang. Les joueurs de volley-ball de
l’équipe et les pom-pom-girls y étant affiliées en composaient l’essentiel. Bucky
jeta un coup d’œil avec plus d’attention. Il y avait bien Mélanie qui était là, mais
personne d’autre qu’elle ne connaissait pas était à son rang. Béhuit ne lui avait pas
menti ; il n’avait pas la moindre famille.

Après un discours politique à rallonge pour un nouveau vœu pieux du "plus


jamais ça". Céssix prit rapidement la parole pour un discours, également bateau,
sur l’entraîneur de volley-ball de l’E2C. Aucune mention n’y fut faite de sa véritable
activité et encore moins de leur présence réelle ici. Bucky regardait ses
camarades, ainsi que Meyrie. Tous restaient silencieux et têtes baissées. Bucky
n’avait pas échangé avec eux à ce sujet, mais ils avaient sans doute été fortement
incité à ne rien dire, voire menacé, afin que la couverture de Béhuit reste secrète,
même après son décès. Une fois son discours clos, Céssix demanda à Bucky si
elle désirait intervenir pour parler de lui à la foule présente ; elle n’en avait vraiment
pas le courage, les forces lui manquaient. Elle luttait déjà pour ne pas pleurer.

537
Un convoi vers le crématorium puis un dernier adieu en petit comité. Les
joueurs de volley-ball souhaitaient transporter son cercueil eux-mêmes jusqu’à
son ultime destination. Ils avaient même pris le soin d’enlever chemises et vestes
pour laisser paraître leur maillot de volley et former un cercle autour de sa
dépouille en se tenant les uns les autres bientôt rejoints par les pom-pom-girls.
Bucky ne put retenir ses larmes ; il aurait sans conteste apprécié le geste. Ce fut
rapidement à son tour de s’avancer en entrant dans le cercle créé par les étudiants
avant que le cercueil ne rejoigne les flammes. Elle s’avança fébrilement,
accompagné de ses parents. Embrassa le cercueil d’un tendre baiser avant de
sortir une paire de ciseaux de coiffure de sa poche. Tout le monde la scrutait avec
attention. Délicatement, elle empoigna sa mèche fuchsia… avant de la couper…
pour la déposer sur le cercueil avant de s’écrouler en larmes. Elle souhaitait qu’une
partie d’elle se consume avec lui. Puis, ne souhaitant pas voir la suite, ses parents
l’aidèrent à quitter les lieux.

***

Plusieurs minutes furent nécessaires pour qu’elle se reprenne, aidée de ses


amies. La crémation avait dû commencer alors qu’elle était dehors. Céssix était
également à l’extérieur, non loin d’elle, à discuter avec l’occupant d’une voiture qui
ne prit même pas la peine de descendre. Elle ne le vit que brièvement, mais l’avait
identifiée. Ce quarantenaire, elle l’avait déjà rencontré dans le camp d’appoint de
l’U3I lors de l’attaque et, elle s’en souvenait désormais, lors de sa toute première
rencontre avec Béhuit. C’était avec lui qu’il avait eu son rendez-vous si mystérieux
sur un parking désert alors qu’elle était restée cachée dans l’Audi.

Alors qu’elle se dirigea vers le véhicule pour tenter de l’interpeller et lui faire
part de sa rancœur vis-à-vis de la mort de son fiancé, la voiture repartit en même
temps que Céssix la stoppa pour qu’elle ne fasse pas une tentative improbable et
dangereuse pour arrêter le véhicule.

- Qui est cet homme ? Demanda avec force Bucky à sa directrice.

- La réponse ne vous sera d’aucune utilité Délavigna, répondit-elle


calmement en la bloquant.

- Il n’a même pas le courage de venir me dire en face qu’il est désolé !
Enragea l’étudiante.

538
- Il souhaitait simplement vous donner ceci.

Céssix lui tendit une clé USB. Elle fixa sa directrice.

- Béhuit a enregistré une vidéo à votre attention le lendemain de vos


fiançailles en demandant qu’elle vous soit remise… au cas où il lui arriverait
quelque chose, ajouta Céssix.

***

Toujours chez les Donerm avec Paillette dormant paisiblement sur son
torse, Bucky n’arriva toujours pas à trouver le sommeil. Il était pourtant trois heures
du matin. Nolwenn dormait profondément. Depuis que Céssix lui avait donné la
clé USB, elle hésitait à la regarder. Un dernier message de sa part avec peut-être
des informations sensibles, ce n’était pas rien ! Elle ne cessait de la malaxer avec
sa main droite, puis se décida enfin à franchir le pas. Son ordinateur n’était pas
loin ; elle le saisit avant de descendre dans le salon. Ses parents y dormaient,
également profondément. A leur compte, ils allaient devoir repartir à Néom pour
retourner travailler dans deux jours. Ils avaient bien proposé à Bucky de la suivre
pour quelques jours, voire plus, mais elle préférait rester auprès de ses amis et de
l’E2C. Elle se dirigea vers le jardin discrètement après avoir enfilé un épais et long
manteau, puis s’installa avec tout son matériel sur le salon de jardin de la terrasse.
Avec anxiété, elle inséra la clé dans son ordinateur puis lança son contenu. Béhuit
y apparut directement en gros plan. A l’aide d’un casque audio, elle mit le son
suffisamment fort pour ne rien rater :

"Tout est OK ? Ça enregistre ?... Salut ma pom-pom. Si tu peux voir ce message, je


ne veux pas que tu pleurs… car si tu peux le regarder, c’est finalement plutôt une
bonne nouvelle. C’est que tu es en vie et en bonne santé… contrairement à moi. Nous
sommes seulement quelques jours après nos fiançailles et ça fait bizarre de tourner
une vidéo en sachant qu’elle ne te sera révélée qu’à ma mort… mais si tu la regardes,
c’est que j’ai bien fait de la faire. Je mène une vie dangereuse et des probabilités
élevées existent pour que je meurs. Pourtant, cette vie à marche forcée que j’ai
détestée durant des années, je ne la regrette finalement pas, même par ma mort, car
elle m’a permis de faire la rencontre de la personne la plus époustouflante et
exceptionnelle qui existe : toi ! Je n’ai aucun regret, car même l’éternité ne m’aurait
pas suffi pour profiter de tous ce que tu aurais pu m’apporter. Je n’ai aucun regret,

539
car mon amour pour toi est si fort que je suis persuadé que si une vie existe après la
mort, on finira par se retrouver. Je n’ai aucun regret, car tu es en vie et je suis
persuadé qu’avant de me rejoindre, tu auras une existence exceptionnelle, celle que
tu mérites, sans doute dans le milieu de la danse où tu as un talent incontestable. Je
n’ai aucun regret car ça a été un privilège de partager une période de nos vies
respectives, d’être aimé par toi !

Je ne te transmets ce message que dans un unique but ; te dire que des moments
de joie, tu en auras encore plein dans ta vie. Que tu dois continuer à vivre avec cette
bonne humeur qui te caractérise tant. C’est la dernière faveur que je te demanderai ;
continuer à vivre pleinement ta vie… sans moi !

Tu ne rencontreras sans doute pas quelqu’un d’aussi génial que moi, mais tu sauras
à nouveau trouver un garçon qui t’aimera. Tu auras du choix, je ne suis pas inquiet à
ce niveau ! Dit-il avec humour.

De mon côté, sache que lorsque je partirai, lors de mon dernier souffle, mes dernières
pensées seront pour toi, car le plus important dans ma vie, ça aura été toi. Je t’aime
ma pom-pom. Fin d’enregistrement !

Bucky n’avait absolument rien appris de plus sur la vie secrète de Béhuit,
mais ce message la toucha infiniment. Elle commença à pleurer juste avant qu’elle
n’entende la porte du jardin s’ouvrir ! Elle se cacha machinalement les yeux pour
se les essuyer et ferma l’écran de son ordinateur.

- Besoin d’un câlin, sœurette ? Entendit-elle sans encore avoir regardé qui
s’introduisait sur la terrasse.

Antoine était là et déjà habillé… à moins qu’il ne se soit tout simplement pas
encore dévêtu. Elle fit un oui de la tête. Il s’approcha d’elle pour l’étreindre
tendrement, comme l’aurait probablement fait un véritable frère.

Le contact dura un long moment dans le silence de la nuit.

- Tu ferais mieux d’aller te coucher Antoine, il est très tard.

- Je n’arrive pas à dormir. Soyons honnêtes, pas mal de choses nous


trottent dans la tête ces derniers temps.

- Pour t’apaiser, Glaème sera plus douée que moi. Tu devrais lui demander
de venir te réconforter. Elle en a sans doute besoin aussi.

540
- Glaème fait également partie de mes pensées nocturnes qui m’empêchent
de trouver le sommeil.

Compte-tenu de sa situation, Bucky n’avait égoïstement rien cherché à


savoir de ce qui se tramait dans le couple d’Antoine, même si elle avait remarqué
qu’ils cherchaient à s’éviter depuis son retour chez les Donerm. En attestait la
décision de Glaème de laisser sa place à Bucky de manière très généreuse, mais
en décidant de ne pas rester dans la maison des Donerm alors qu’en se serrant un
peu, il aurait été parfaitement possible qu’elle reste !

- Tu veux me raconter ce qui s’est passé ? Proposa Bucky.

- Je crois que tes problèmes sont bien plus embêtants que les miens !
Répondit-il.

- Les problèmes des autres, c’est toujours sympathique pour oublier les
siens, l’encouragea-t-elle.

- Glaème préfère mettre un peu de distance entre nous deux. Elle craint que
cela ne l’entrave dans sa carrière. Comme tu le sais, une place l’attend à l’INSP à
Strasbourg alors que moi, l’école d’ingénieurerie en drone au Futuroscope
m’attend, si j’arrive à obtenir mon diplôme, même si cela semble difficile compte
tenu du probable retrait de notre équipe du championnat de volley-ball.

- L’équipe de volley va déclarer forfait ?

- Sans Béhuit, on a plus trop le cœur de poursuivre cette saison qui restera
de toute manière exceptionnelle pour tous ses joueurs.

- Je comprends. Même si je n’étais pas blessée, je ne sais pas si j’aurais pu


continuer à faire pom-pom-girl. Concernant Glaème, tu la connais… c’est une
carriériste ! Faire de la politique plus tard, c’est tout ce qui compte pour elle.
Poitiers-Strasbourg ce n’est pas la porte à côté, j’en conviens, mais tu pourras
toujours passer la voir de temps à autre. Cette fille t’a toujours plu Antoine et elle
a fini à céder à tes avances. Je serais toi, je n’abandonnerai pas aussi facilement.

- Ça aura déjà été un rêve éveillé de sortir et même de vivre quelque temps
avec elle. Je ne veux pas qu’elle me reproche un éventuel échec de sa future vie
professionnelle, je l’aime bien trop pour ça. Je ferai ce qu’elle me demande.

- Antoine, tu as peut-être eu de la chance en sortant avec elle, mais elle a de


la chance de t’avoir eu en tant que premier petit copain ! Tenta-t-elle de le consoler.

541
Bucky ne comprenait pas la façon d’agir de Glaème. Les deux filles
divergeaient totalement de point de vue sur ce point. Privilégier sa future vie
professionnelle au détriment d’une vie sentimentale… que de tristesse !
Cependant, tout comme Antoine, elle se devait de respecter son choix. Elle ne lui
reprocherait rien à ce sujet, même si elle était affectée pour Antoine.

***

La reprise des cours fut finalement salvatrice pour Bucky. Rester chez les
Donerm à broyer du noir toute la journée ne l’aidait pas à avancer. Tout le contraire
des cours qui lui occupaient suffisamment l’esprit pour ne pas penser en continu
au décès tragique de son fiancé. Les entraînements communs entre les pom-pom-
girls et les volleyeurs avaient été remplacés par une cellule psychologique pour
limiter un maximum les traumatismes et mettre des mots pour tenter d’expliquer
l’inexplicable. Les médias parlaient d’attentat terroriste et érigeaient en héros
Béhuit et les deux agents de la sécurité qui avaient perdu la vie pour sauver celles
des étudiants. C’était un peu plus compliqué, savait-elle. Des éléments avaient été
volontairement tus, à commencer par les vraies fonctions de Béhuit.

Céssix n’avait pas fait les choses à moitié pour éviter au maximum les
séquelles à long terme chez les élèves. Quatre psychiatre-psychologues étaient là
dont Johannes qui semblait chapeauter le tout. Même Mélanie était présente pour
un check-up physique des étudiants. Rien à signaler de ce côté, si bien que la
médecin ne se préoccupa quasiment uniquement que de Bucky et son genou. Son
rétablissement avançait dans le bon sens, l’étudiante pouvait désormais marcher
normalement sans la moindre douleur. Dans une semaine, on lui enlèverait son
attelle et elle pourrait doucement recommencer à reprendre la danse. Pour
l’activité de pom-pom-girl c’était beaucoup plus sujet à caution. Des bruits de
couloirs parlaient carrément d’un arrêt pur et simple du championnat. Certains
campus encore dans la course au titre avait en tout cas, par solidarité, déclaré
forfait pour le reste de la compétition. L’équipe de l’E2C n’avait encore
officiellement rien communiqué, mais Bucky savait qu’après un tel choc et sans
entraîneur, l’équipe ne pourrait pas honorer son quart de finale.

Les jours de la semaine passaient et les rumeurs se transformèrent en


confirmation. L’ensemble des équipes encore en lice pour le sacre de champion
d’Europe de volley-ball masculin s’étaient retirées. Seul l’E2C n’avait toujours pas

542
officialisé de position et fut donc, de fait, déclaré champion. Personne n’avait le
sourire pour autant. Ce titre, l’E2C ne l’avait pas réellement mérité, les garçons
aurait sans doute préféré le gagner dans les règles de l’art.

Le début de semaine suivant vit la fin de la cellule psychologique et dans


l’absolu la reprise des entraînements de volley et des pom-pom-girls. Meyrie avait
bien prévu un léger décrassage pour les filles, sans Bucky ; il était encore un peu
trop tôt pour elle. Pourtant l’entraînement se transforma en réunion. Mathéo,
présent ce soir, souhaitait s’exprimer auprès de l’équipe de volley-ball et de leurs
pom-pom-girls affiliées. Tout le monde s’installa dans une ambiance encore
glaciale malgré le temps qui passait depuis la mort de l’entraîneur de volley.

- Merci de passer nous voir, initia Djurek alors que Mathéo n’était pas revenu
dans le gymnase depuis la mort de Béhuit. Tu souhaitais nous réunir et nous parler,
personne ne manque à l’appel, y compris chez les pom-pom-girls, ajouta-t-il.

- Je suis heureux de voir que tout le monde ici est resté soudé. Voilà, je sais
que je ne suis qu’un étudiant de troisième année et que je ne fais pas réellement
partie du groupe… commença-t-il avant d’être coupé.

- Tu te trompes ! Dit sèchement Shandrill. Cette année sportive, tu l’as vécue


avec nous. Tu fais partie de ce groupe et je suis certaine que tout le monde pense
la même chose que moi.

Tout le monde acquiesça les dires de la nouvelle capitaine des pom-pom-


girls, Bucky également. Mathéo s’était impliqué de plus en plus au cours de la
saison de championnat pour finir par assister efficacement Béhuit dans son
travail. Sans cet étudiant de troisième année, ils n’auraient peut-être pas atteint les
quarts de finale. Mathéo fut ému d’être reconnu faisant partie intégrante du
groupe, lui qui n’avait pas la moindre capacité sportive alors qu’il en était
passionné. Béhuit avait aussi réussi cet exploit de le faire entrer avec les volleyeurs
et les pom-pom-girls alors que rien ne le prédisposait à cela. Après une pointe
d’émotion pour lui, il reprit la parole :

- Écoutez, je souhaitais juste vous dire que je suis ravi du titre de champion
de l’équipe, mais j’ai l’impression… d’un sentiment d’inachevé.

- Tu n’es pas le seul dans ce cas, lui répondit Antoine. Mais l’attentat nous
a privés de notre entraîneur et les autres équipes ont déclaré forfait pour la suite.

543
- Nos adversaires des quarts de finale étaient les champions en titre, ils
avaient la possibilité de faire un doublé historique et ils enragent de s’être retirés
par courtoisie.

- Où veux-tu en venir ? Interrogea Meyrie.

- Je ne sais pas pour vous, mais pour moi, Béhuit était quelqu’un qui m’a
ouvert un monde auquel je n’aurais jamais espéré faire partie intégrante. Je ne
veux pas m’arrêter comme ça, alors j’ai pensé proposer au campus de Saint-
Pétersbourg de revenir sur leur décision de déclarer forfait contre nous !

- Ethan, les quarts de finale devaient avoir lieu le week-end dernier ! Souligna
Yvan.

- Le match peut très bien être joué en lieu et place de la finale, prévu dans
deux semaines à l’origine. Je suis sûr que nous pouvons nous arranger entre
campus. Après ce qui s’est passé, nous sommes en droit de demander un dernier
match. Transformer ce quart en finale ! Je suis persuadé que les autres campus
approuveront et les Russes auront la possibilité de conserver leur titre. Je ne sais
pas pour vous, mais réunir notre équipe pour un dernier match vaut bien plus
qu’une coupe offerte à titre posthume.

Pour la première fois dans ce gymnase depuis la mort de Béhuit, Bucky


voyait un peu d’enthousiasme sur les visages de ses camarades. Repartir pour un
dernier match, l’idée plaisait. Tous se retournèrent vers Bucky avec un air
interrogatif. Elle avait tout de suite compris que le groupe lui demandait son aval
pour entériner la proposition.

- Je pense qu’il apprécierait l’idée, répondit-elle, avec un brin d’émotion.

Une étincelle réapparue dans certains regards, particulièrement chez les


garçons. La fin de la saison s’annonçait sous un nouvel angle.

- L’idée me paraît bonne, mais ne vous enthousiasmez pas trop vite, il va


falloir convaincre du monde pour que cela se fasse, tempéra Meyrie.

- Je suis en contact avec un étudiant option média du campus d’excellence


de Saint-Pétersbourg, ils accepteront la proposition.

- Et les autres équipes ? Demanda Glaème.

- Avec le calendrier serré, il n’y a plus qu’un match possible, ils resteront sur
leurs forfaits, affirma Mathéo.

544
- Il va nous falloir l’aval de Madame Sky, rajouta Meyrie. Je vais de ce pas
lui parler. Je crois qu’elle se trouve encore à son bureau pour superviser les
derniers travaux de réparation du campus.

Immédiatement, l’équipe de volley improvisa un petit entraînement de volley


pour se remettre en forme. Ils n’avaient pas touché de ballon depuis deux
semaines et ils leur en restaient tout autant pour se préparer. Sous l’impulsion de
Nolwenn, Glaème et Shandrill, les filles se mirent également en action alors que
Bucky restait tranquillement installée à les regarder. Elle attendait confirmation,
mais si ce match avait effectivement lieu, elle serait parmi les pom-pom-girls,
blessée ou pas… pour Béhuit !

***

Mathéo ne s’était pas trompé. Le campus d’excellence Russe avait répondu


favorablement à la demande de l’E2C. L’appui de Céssix pour cette idée avait
ouvert toutes les portes ! Meyrie avait dû la convaincre. Assez facilement selon
Bucky. La directrice savait, tout comme Bucky, qu’un dernier match en la mémoire
de Béhuit était une excellente idée. Le match se déroulerait en lieu et place de la
finale à Zagreb et à la même date. Cela ne laissait pas beaucoup de temps aux
garçons, mais ils avaient déjà tous convenu de rajouter quelques entraînements,
tout comme les pom-pom-girls afin de les accompagner jusqu’au bout. Il était
incroyable de voir le risque que prenaient certains joueurs pour leur défunt
entraîneur. En effet, le titre de champion leur assurait une note de 20/20 dans leur
option de volley alors que si ce match terminait par une défaite, ils n’auraient que
18/20, et deux points en moins pour des élèves comme Antoine, cela pouvait tout
simplement coûter le diplôme attribué à la fin du mois prochain ! Bucky ne les
remercierait jamais assez pour ce sacrifice.

Tout le monde arriva avec un esprit conquérant au gymnase pour


l’entraînement du soir, mais l’enthousiasme retomba rapidement. Un terrain était
déjà installé avec juste devant l’entraîneur de basket-ball de l’équipe masculine,
éliminée de sa compétition depuis les huitièmes de finale.

- On peut savoir ce que vous faites là ? Demanda Antoine qui ne le portait


pas dans son cœur.

- Je suis votre entraîneur jusqu’à la fin de la saison, dit-il avec le sourire.

545
Bucky analysa immédiatement son comportement comme malsain. Lui et
Béhuit se détestaient depuis l’intérim du second au poste d’entraîneur de basket
du premier. La situation avait bien évidemment empiré avec le cas Ethan Spidze,
passé du basket au volley. Comment osait il reprendre la succession de Béhuit ?

- On se passera de vous ! Protesta immédiatement Ethan qui avait un très


lourd contentieux avec lui.

- Un entraîneur est nécessaire pour ce match reconnu comme officiel.


Béhuit a été mon remplaçant durant mon absence en début d’année au basket, je
le remplace donc tout naturellement aujourd’hui, répondit-il.

- Nous refusons catégoriquement, dit avec véhémence Yvan, capitaine de


l’équipe.

- C’est ça ou le forfait… un entraîneur est obligatoire ! Sourit-il. La directrice


m’a donné les pleins pouvoirs.

L’entraîneur de basket était probablement dans le vrai, il fallait un entraîneur


pour ce match, mais lui… comment Céssix avait pu le choisir ? Bucky ne perdit pas
une minute, elle se rendit en direction du bureau de sa directrice. Ce dernier match
de la saison ne pouvait pas être gâché avec cette présence totalement indésirable.

***

Plus d’assistante à cette heure tardive, tant mieux ! Bucky tapa


immédiatement à la porte du bureau de Madame Sky avant d’entrer sans qu’on ne
lui demande rien. Céssix était, comme escompté, encore là et en train de discuter
avec… Mélanie !

- Délavigna, lorsque l’on frappe aux portes, on attend en principe


l’autorisation pour entrer ! Fit sobrement remarquer la directrice.

- Ce choix d’entraîneur est totalement stupide et vous le savez ! Vous ne


pouvez pas faire cela à Béhuit ! Ce match est pour lui rendre hommage.

- C’est malheureusement le seul que j’ai sous la main et qui a le plus


d’expérience dans ce sport ! Se justifia-t-elle.

- Et l’entraîneuse de volley des filles ?

546
- Les filles sont qualifiées pour les demi-finales de ce week-end, elle est
dans l’impossibilité de gérer les garçons en même temps !

- Céssix, il faut trouver quelqu’un d’autre ?

- Je ne peux pas recruter un nouvel entraîneur en 24 heures Bucky ! C’est


impossible…

- Nous pourrons faire sans entraîneur, j’en suis certaine.

- Le règlement l’interdit…

- Alors nous prendrons un des joueurs, renchérit la pom-pom-girl.

- Les entraîneurs-joueurs ne sont pas autorisés…

- Très bien ! Alors nous prendrons Mathéo ! Quelque chose l’interdit ?

- Je ne crois pas, mais cela me semble un peu ridicule, souligna tout de


même Céssix. Vous allez faire un déplacement à l’étranger et un étudiant d’à peine
18 ans sera responsable de vous ?

- Ce n’est pas plus ridicule que l’entraîneur de basket ! Yvan et Antoine


sauront surveiller les joueurs les plus jeunes, Meyrie sera présente, je m’engage
également à les surveiller.

Alors que Céssix réfléchissait à la proposition, Mélanie, muette jusque-là,


entra dans la danse.

- Céssix était justement en train de me demander de vous accompagner en


tant que médecin pour ce déplacement. J’épaulerai l’entraîneuse des pom-pom-
girls et les étudiants les plus âgés afin qu’une certaine discipline soit de rigueur,
proposa Mélanie.

Bucky lui fit un large sourire. Cette femme était exceptionnelle et à chaque
fois qu’elle la rencontrait, elle faisait preuve d’une bienveillance incroyable envers
l’étudiante de 20 ans.

- Délavigna, si jamais il y a le moindre problème… finit par commencer


Céssix Sky.

- Il n’y en aura pas ! Coupa Bucky.

Un nouveau silence, puis Céssix reprit la parole.

547
- Vous voulez bien aller me chercher l’entraîneur de basket, que je lui
annonce la nouvelle, demanda Céssix à Bucky.

Bucky était tout sourire. Elle avait réussi à convaincre sa directrice…

***

Les entraînements nocturnes étaient désormais quotidiens, que ce soit


pour les filles ou les garçons. Bucky appréciait particulièrement cette unité
retrouvée. Le plus souvent assise non loin des filles, elle scrutait Mathéo qui se
débrouillait particulièrement bien pour gérer les entraînements. Malgré ses
seulement 18 ans, il était religieusement écouté par le groupe. Béhuit ne s’était
encore une fois pas trompé. L’étudiant à l’option média et information avait un réel
talent pour ce poste !

Du côté de Bucky, les choses étaient moins roses. Son genou se remettait
doucement et Mélanie lui enleva même son attelle, mais la médecin, amie de
Béhuit, qui la suivait de manière quasi quotidienne lui annonça rapidement qu’il
serait difficile pour elle de tenir sa place avec les autres pom-pom-girls à ce match
sans prendre de risque. Terrible désillusion pour elle qui souhaitait participer une
dernière fois avec ses amies à l’évènement qui s’annonçait grandiose. Elle ne
baissa pourtant pas les bras et alla même dans l’optique de faire une chorégraphie
de présentation des garçons légèrement modifié à laquelle elle participerait ! Elle
simplifia simplement les quelques pas de danse avec l’entraîneur afin d’apprendre
les rudiments à Mathéo pour qu’il ne se retrouve pas perdu et que cela soit un peu
moins difficile physiquement pour elle.

Voyant que Bucky était déterminée, Mélanie l’emmena, lors du dernier


entraînement avant le match, à l’hôpital afin de subir des examens plus précis pour
évaluer les probables répercussions d’une participation de sa part. Accompagnée
de Nolwenn, encore et toujours présente pour la soutenir, elles durent attendre un
assez long moment après les examens pour que Mélanie revienne avec son
diagnostic.

- Alors ? Le verdict, demanda Bucky, dès que la médecin se trouva à portée


de vue.

548
- Tu ne t’es pas encore suffisamment remise pour pouvoir participer à de
tels efforts sans risque… Je réitère ce que je t’ai dit, tes ligaments du genou sont
fragiles, je te déconseille de participer au match.

- Mélanie, je refuse de ne pas participer. C’est le dernier de ma vie étudiante


et je veux le faire pour Béhuit. C’est important pour moi, tu comprends ?

- Bucky, il y a de fortes probabilités pour de terribles douleurs avant tout


simplement une rupture de tes ligaments du genou qui t’handicaperait pas loin
d’une année complète avant que tu retrouves toutes tes capacités, alors que là, tu
n’as plus que deux ou trois semaines à patienter, tenta de la persuader Mélanie.

- Mélanie, j’ai l’impression que tu ne comprends pas l’importance de ce


match pour moi ! Je veux pouvoir danser avec les filles de mon groupe… une ultime
fois. Si la rupture des ligaments doit arriver, tant pis ! Fais simplement en sorte que
je puisse tenir ma place dans deux jours.

***

Pour la dernière fois, Bucky sortit de son sac de sport sa tenue de pom-
pom-girl ciel et fuchsia. Elle était dans les vestiaires du campus d’excellence de
Zagreb. Elle regardait son genou, encore convalescent, pour le masser une
dernière fois comme pour le supplier de tenir le coup, au moins pour la
chorégraphie de présentation des garçons. Elle avait remarqué que les autres filles
lui cachaient quelque chose en étant appelées, une à une, vers les douches sans
en revenir, mais ne s’en préoccupa pas plus que cela. Elle pensa une fois de plus
à Béhuit, il aurait tellement apprécié vivre ce moment et elle danser une dernière
fois avec lui. Elle fouilla dans une des poches de côté de son sac pour y sortir une
boîte de gélules ; des anti-douleurs puissants prescrits par Mélanie pour tenir le
choc. Elle en avala deux à l’aide d’une gorgée d’eau avant de commencer quelques
étirements seule.

- Bucky ! Tu peux fermer les yeux quelques secondes, entendit-elle des


douches.

Elle ne s’était pas trompée. Ses camarades avaient prévu quelque chose
pour sa dernière.

- C’est fait ! Cria-t-elle afin d’être correctement entendue.

549
Elle entendit les filles s’approcher doucement d’elle puis stopper à
seulement un ou deux mètres d’elle.

- Tu peux rouvrir les yeux ! Lui dit Glaème.

Lorsqu’elle ouvrit les yeux, elle ne put s’empêcher de verser une larme.
Absolument toutes les filles, sans exception, s’étaient faites une mèche couleur
ciel, identique à celle qu’avait Béhuit.

- On souhaitait lui rendre un dernier hommage aussi ! Lui dit Nolwenn. Je


pense qu’il aurait aimé que sa fiancée y participe également, continua-t-elle avec
une bombe colorante pour cheveux à la main !

- Merci les filles… du plus profond de mon cœur, dit-elle sans pouvoir retenir
une larme supplémentaire pendant que Nolwenn se permettait d’utiliser la bombe
couleur bleu ciel pour lui teindre une mèche de cheveux.

Alors qu’elle se laissait colorée par Nolwenn, elle remarqua également que
Shandrill retira son brassard de capitaine pour le mettre à nouveau autour de celui
de son aînée.

- Il aurait également souhaité que tu sois la capitaine ce soir… au moins


durant la chorégraphie de présentation des garçons que tu as créée… et où on l’a
vu prendre un réel plaisir à danser avec toi !

- Shandrill, la capitaine, c’est toi désormais ! Répondit Bucky émue par tant
de bonté de la part de ses amies.

- Tu as toujours voulu faire selon la tradition, alors nous allons le faire ! Tu


me transmettras définitivement le brassard après notre chorégraphie d’ouverture.

N’ayant pas la force de parler, elle se contenta d’un oui de la tête. Les
chemins allaient sans doute se séparer dans les prochains mois, mais jamais elle
n’oublierait ce groupe qui aura fait partie des plus beaux moments de sa vie et du
pire.

Les filles l’aidèrent à sécher ses larmes puis la maquiller légèrement,


comme elles avaient pour habitude de le faire à tous les matchs. Des larmes ne
devaient pas gâcher la prestation de ce soir qui s’annonçait pourtant chargée en
émotion.

***

550
Le gymnase de Zagreb était plein à craquer ! Bucky s’arrêta un instant avant
de mettre un pied sur le terrain pour sortir son émeraude dissimulée sous sa tenue
de pom-pom-girl et plaquée contre sa peau. Elle regarda ensuite sa bague de
fiançailles. Un moment de faiblesse rapidement dissipé par le sourire de ses
amies, qui attendaient le signal de leur capitaine pour pénétrer dans l’enceinte. Un
baiser sur son émeraude avant de le remettre sous son haut et de donner le signal !

Quelques tribunes supplémentaires temporaires avaient été installées sur


un côté. Le public avait très largement répondu présent pour cette finale quelque
peu arrangée. Les joueurs étaient comme à leur habitude en train de s’échauffer
lorsque Bucky et les siennes accédèrent au lieu. Après avoir profité du public en
nombre dans une ambiance qui promettait d’être de feu, son regard s’arrêta sur
les joueurs de son équipe en plein échauffement. Absolument tous s’étaient
également fait la petite mèche de cheveux bleue ! Cette idée était donc collective
et n’émanait pas uniquement des pom-pom-girls, preuve supplémentaire de l’unité
au sens large du groupe.

Des signes de la main et des couleurs reconnaissables permirent à Bucky


de voir que tout un contingent de l’E2C était présent. Lily et quelques-unes de
l’équipe féminine de volley accompagnées de leur entraîneuse, récemment
éliminées en demi-finale avait fait le déplacement. Les parents Donerm, Karim ou
encore Rayan et d’autres étudiants furent également identifiés. Céssix Sky était
également présente. Elle avait décidé en dernière minute d’accompagner l’équipe
afin de l’encadrer pour ce déplacement. Il y avait donc du monde pour soutenir
l’équipe. Même les parents de Bucky étaient là !

Des derniers services pour clore l’échauffement et le début de la soirée


commençait. Bucky jeta un dernier coup d’œil vers Mathéo qui semblait stressé
pour sa première danse de présentation et son premier match en tant
qu’entraîneur. Elle lui fit un signe pour tenter de lui montrer que tout se passerait
bien.

Les lumières baissèrent d’intensité, ce fut aux pom-pom-girls Russes


d’ouvrir le bal. Leur prestation fut acclamée par le public, mais Bucky était certaine
que celle qu’elle avait inventée était meilleure. Elle réajusta une dernière fois
fièrement son brassard de capitaine avant d’ordonner à ses camarades de se
placer… et c’était parti. Bucky, Nolwenn et Glaème présentaient pour la dernière
fois leur équipe.

551
Les anti-douleurs fournis par Mélanie faisaient des merveilles. Bucky ne
ressentait aucune douleur, même si elle sentait que son genou ne répondait pas
comme elle l’envisageait. Handicapée, elle était bien moins gracieuse que
d’ordinaire, mais elle était heureuse de pouvoir participer. Au fur et à mesure que
la chorégraphie avançait, elle sentait, comme l’avait averti sa médecin, qu’elle ne
pourrait rien faire après le morceau des Blues Brothers. Elle puisa donc dans ses
dernières forces pour danser le plus correctement possible avec Mathéo, terrifié
de ne pas être à la hauteur, malgré une chorégraphie grandement simplifiée par
rapport à ce que devait fournir Béhuit. Gênée dans ses mouvements, mais
expérimentée, elle mit Mathéo sur les bons rails et put finir le morceau sous un
tonnerre d’applaudissements. Ses camarades tombèrent dans ses bras les unes
après les autres. Ayant compris que sa soirée était finie, la capitaine s’empressa
de redonner, dans les règles de l’art cette fois, son brassard à Shandrill. Impossible
pour Bucky de marcher jusqu’à la première rangée des tribunes, sa jambe ne tenait
plus sous le poids de son corps, le tout sans la moindre douleur. Elle fut
transportée par Mathéo et Erik, assise aux côtés de Meyrie qui la félicita, mais
s’inquiéta pour son genou. Bucky s’en moquait, elle avait participé au plus
important à ses yeux…

***

Le premier point montrait encore une fois l’esprit particulier qui régnait
entre les campus d’excellence. Yvan vit son service, très mollasson, se conclure
en ace. Les adversaires du soir qui jouaient pour un doublé historique s’étaient
contentés de rester immobiles et silencieux en regardant vers le ciel et
demandèrent par des signes au public de se taire. L’E2C ne demanda pas le ballon
et se contenta également de ne pas bouger. Bucky avait immédiatement compris.
Une minute de silence en mémoire de Béhuit était en cours. Tout le monde porta
la main à son cœur et regarda vers le ciel. Bucky, elle, malaxa frénétiquement sa
bague de fiançailles sans pouvoir s’empêcher de verser quelques larmes. Puis le
jeu reprit, l’E2C menait un à zéro, un point de soutien laissé volontairement par
l’adversaire.

***

552
Catastrophique ! Il n’y avait pas d’autre mot pour qualifier ce début de
match. Un service raté d’Yvan, trois contre d’Ethan en dehors des limites, deux
réceptions complètement manquées et, il fallait le dire, une équipe en face
surpuissante firent rapidement arriver le score à 10 points à 2 pour les Russes
chez qui Bucky avait remarqué que le passeur regardait avec insistance Nolwenn
entre chaque point. Les pom-pom-girls sous les ordres de Shandrill avaient beau
donner de la voix et agiter leurs pompons, rien n’y faisait, l’équipe française
semblait pétrifiée par l’enjeu. Un temps mort demandé par Mathéo ne changea
absolument rien. Sa seule utilité ? Permettre à Bucky de confirmer ses premières
impressions sur le passeur adverse ; il était sous le charme de Nolwenn alors
qu’elle dansait durant le temps-mort. Pour le reste rien ne changea, deux points
supplémentaires sur deux aces. 12-2 ! Le salut ne vint… que par une panne
d’éclairage qui stoppa le match et renvoya les garçons dans leurs vestiaires en
attendant la réparation du souci technique, laissant les pom-pom-girls et ses
soutiens abattus.

La panne technique ne semblait pas se résoudre. Ce n’était pas la


préoccupation première de Bucky, atterrée par le niveau des garçons. Elle ne
pouvait pas laisser faire cela. C’était pour elle un peu comme perdre Béhuit une
seconde fois. Elle ne le supportait pas. Elle appela Nolwenn alors que Mélanie lui
massait sa jambe.

- Aide moi à me déplacer jusqu’au vestiaire des garçons ! Lui dit-elle.

- Pardon ? Répondit Nolwenn.

- Nous devons aller leur parler. Ce match va tourner au massacre si rien


n’est fait. Je refuse que Béhuit soit humilié ce soir !

- Bucky… tenta timidement Nolwenn.

- Accompagne-moi là-bas ! La coupa-t-elle.

Voyant son amie carrément menaçante sur le sujet, Nolwenn l’aida à se


lever avec l’aide de Lily sous la désapprobation de Mélanie. Même avec l’aide de
ses deux amies, Bucky avait du mal à avancer et la douleur commençait à
lentement se diffuser. Arrivé à la porte d’entrée du vestiaire, Bucky avala une gélule
anti-douleur avant d’ouvrir la porte. Les trois filles virent les garçons assis sur des
bancs, anéantis, le regard vide et silencieux.

553
- Je crois que nous avons bien fait de venir, dit Lily voyant l’ambiance
calamiteuse.

Seul Antoine les fixa, les autres relevaient à peine leur présence.

- Je ne crois pas me souvenir de la mixité des vestiaires. J’en aurais profité


bien plus sinon, souligna le libéro de l’équipe avec un brin d’humour malgré le
contexte.

- Ce n’est en tout cas pas avec votre prestation sportive de ce soir que vous
allez réussir à inviter des filles sous les douches ! Je vous le confirme, répondit
Bucky.

- Bucky, le match de ce soir est un hommage pour Béhuit… simplement. Les


Russes et nous ne jouons pas du tout dans la même catégorie, affirma Yvan.

- Vous avez tout faux, les garçons ! Ce soir, vous n’êtes pas venus pour lui
rendre hommage et regarder le ciel en pensant à lui à chaque point perdu. Vous
êtes ici pour quelque chose de plus grand, de plus fort ! Lui faire honneur ! Il n’est
plus présent physiquement avec nous, mais il vous a inculqué cette culture pour
gagner des matches, montrez-moi qu’il a laissé une trace en chacun de vous,
battez-vous ! Ne lui faites pas ça… ne me faites pas ça ! Je ne veux pas qu’on se
souvienne de lui de cette manière, dirigeant une équipe atone qui attend
simplement la fin du match. Honorez-le ! Faites-le vivre en chacun de vous ! Soyez
dignes de lui ! Il vous a appris tant de choses, pleurnicha-t-elle

Les garçons étaient gênés, ils ne savaient plus où se mettre. Voir les larmes
de l’ex-capitaine des pom-pom-girls à propos de Béhuit, encore une fois, n’était pas
simple à encaisser. Chaque membre qui composait l’équipe de volley-ball souffrait
énormément de la disparition de son entraîneur, mais ce n’était rien à côté de ce
que devait endurer son ex petite amie et fiancée. L’étudiante ne se rendait pourtant
pas compte de la supériorité des joueurs d’en face.

- Bucky, cette équipe est beaucoup plus forte que nous ! Lui dit avec une
voix remplie d’émotion et de résignation Mathéo qui semblait dépité.

- Toutes les équipes étaient plus fortes que vous en début de saison ! Vous
avez pourtant remporté énormément de matchs pour arriver jusqu’ici. Certaines
équipes en face de vous étaient largement supérieures, comme lors du tournoi de
rattrapage ou le huitième de finale. Béhuit a pourtant réussi à trouver la faille chez
l’adversaire. J’aime à penser qu’il est en chacun de vous aujourd’hui. Les garçons,
la solution pour ce match vous l’avez ! Demandez-vous comment aurait-il fait pour

554
redresser la barre ce soir ? Je suis sûr que des solutions, il y en a, et vous pouvez
les trouver ! Creusez-vous la tête ! Encouragea Bucky.

- Bucky a raison les garçons ! Ils ont un très bon niveau, mais forcément des
points faibles. Il faut tout analyser. Pour commencer, leur meilleur attaquant, tous
passent par lui dès qu’il est sur la ligne avant. Ne vous laissez plus embarquer au
contre, privilégiez-le. Anticipez sur lui ! Conseilla la capitaine de l’équipe féminine
de volley.

- L’adversaire va rapidement s’en apercevoir et leur passeur qui est


excellent va changer de tactique, rétorqua Djurek.

- Et donc, vous préférez vous laisser massacrer comme cela et ne rien


tenter ? Conclu Lily.

Mathéo réfléchit quelques instants et donna raison à Lily.

- Cela ne marchera malheureusement qu’un temps, leur passeur, qui est


Français cela dit en passant et nous comprend parfaitement, est très bon et
ajustera ses passes, analysa-t-il.

- Il faudrait le perturber un maximum pour qu’il fasse moins les bons choix…
qu’il a toujours fait depuis le début du match, enchaîna Antoine.

- Il n’est pas si concentré qu’il n’y paraît ! Intervint Bucky. Il a très souvent
les yeux qui traînent chez les pom-pom-girls… et pas celle de son équipe !
Développa-t-elle en regardant Nolwenn.

La fille Donerm se mit à rougir, totalement gênée.

- Tu crois que c’est moi qu’il regarde ? Demanda-t-elle.

- Les pom-pom-girls sont faites pour être regardées, mais il ne se contente


pas de te regarder… il te dévore des yeux ! Répondit Bucky.

- C’est ça ! Dit Mathéo. On va jouer avec nos armes… Vous savez qu’au
temps des Romains, certains peuples dont les Gaulois demandaient à leurs
femmes de perturber l’adversaire en leur montrant leur poitrine.

- Mathéo, je t’arrête tout de suite. Je suis prête à énormément de chose pour


aider l’équipe, mais je ne montrerai pas mes nichons si j’ai bien compris ton idée !
Le stoppa Nolwenn.

555
- En deux millénaires les choses ont évolué, mais on ne change pas la nature
humaine. On te demande simplement de lui montrer que tu n’es pas hermétique à
lui et de jouer de tes charmes dans la limite du raisonnable afin qu’il soit moins
concentré ! Répondit Mathéo.

Nolwenn semblait quelque peu perdue.

- Encore une fois, je veux bien aider, mais je n’ai vraiment pas pour habitude
d’allumer les garçons ! Sans vouloir offenser personne, Bucky est bien plus douée
que moi pour cela !

- Nolwenn, je suis blessée au genou et ce n’est pas sur moi qu’il a flashé !
Les garçons sont tous les mêmes sur ce sujet, quoi qu’ils en disent ! Comme tu
l’as dit, les codes, je les maîtrise à peu près. On va faire en sorte qu’il ne regarde
que toi durant tout le reste du match. Tu es d’accord ? Proposa Bucky.

- Je veux bien essayer… pour l’équipe, céda Nolwenn.

Bucky connaissait excessivement bien sa meilleure amie. Si Nolwenn


acceptait de jouer à ce petit jeu, c’est qu’elle n’était pas non plus totalement
insensible aux charmes du passeur français du camp adverse.

- Et pour le reste, libérez-vous les garçons ! Vous jouez clairement avec le


frein à main ! Quitte à être catastrophique, tentez, prenez du plaisir, c’est ce que
Béhuit aurait voulu je crois, conclut Lily avant que les trois filles ne repartent dans
leur propre vestiaire à la demande de Bucky.

***

Le problème technique avait enfin été résolu. La pause avait finalement


duré pas loin d’une demi-heure. Le corps arbitral avait choisi de ne pas reprendre
le match immédiatement et proposa cinq minutes pour réchauffer les organismes
afin d’éviter toute blessure due à une reprise à froid. Cette décision logique
arrangeait parfaitement Bucky, qui fit immédiatement signe à Nolwenn de passer
à l’action avec le passeur adverse. Bucky avait un objectif dans ce match, elle y
parviendrait. Elle avait expliqué des choses simples à faire à sa meilleure amie,
mais qui suffirait, elle en était certaine à perturber le passeur adverse ; des sourires
à chaque fois qu’il la regarderait, des déhanchés un peu plus prononcés sur ses
chorégraphies et même un clin d’œil de temps à autre lorsqu’il marquerait des

556
points ! Bucky avait même poussé le bouchon en gonflant artificiellement la
poitrine de son amie à l’aide de chaussettes en guise de rembourrage dans son
soutien-gorge. Paraître un bonnet de plus, cela pouvait aider dans ses moments-
là !

Sa meilleure amie, bien que gênée appliqua directement les consignes dès
qu’il la regarda. Ce qui arriva rapidement alors qu’elle dansait quelque peu pour
faire patienter le public durant l’échauffement. Nolwenn lui fit un sourire, suivi d’un
clin d’œil. L’étudiant se figea un instant et stoppa le ballon envoyé par son équipier
afin de s’échauffer pour se diriger vers le banc de touche et boire un peu avant à
nouveau de la regarder tout en continuant à boire. Bucky ne s’était pas trompée,
un véritable coup de foudre pour Nolwenn avait eu lieu !

***

Après une attaque sortie de quelques centimètres et un beau point adverse,


le match reprit sur les mêmes bases. C’est encore Saint-Pétersbourg qui
engrangeait les points ! Les joueurs de l’E2C devenaient de plus en plus furax
envers eux-mêmes et Bucky crut même qu’ils allaient totalement et définitivement
perdre les pédales… ce fut tout l’inverse. Avec une rage incroyable Erik envoya un
véritable boulet de canon sur un smatch qui claqua très fort au sol… point de départ
d’une révolte de l’E2C.

En quelques points, l’E2C avait totalement changé de visage. Ce fut encore


plus marqué lorsque Mathéo prit son deuxième temps-mort du set, mis à profit par
Nolwenn, pour être dévorée à nouveau du regard par toujours le même garçon et
où les deux belligérants semblaient finalement prendre un malin plaisir à ce petit
jeu. Nolwenn semblait de moins en moins crispée de le charmer ouvertement et le
passeur, qui semblait pourtant avoir compris son petit jeu pour le déconcentrer,
passa l’intégralité du temps-mort à la fixer d’un sourire béat. Au retour de ce
temps-mort, l’E2C était revenu encore sur le terrain plus déterminé et extrêmement
concentré et le niveau de jeu s’équilibra. Bien sûr, cela ne fut pas assez pour
espérer grand-chose sur ce premier set finalement perdu 25 à 16, mais Bucky avait
récupéré la véritable équipe qu’elle avait vu grandir et progresser tout au long de
l’année.

557
Émerveillement ! Il n’y avait pas d’autres mots pour définir ce que voyait
Bucky en ce début de deuxième set. Après un service adverse qui finit par un renvoi
de Djurek très subtil sur le coin des limites adverses pour engranger le premier
point du set, Erik enchaîna service surpuissant sur service surpuissant. Il était
incroyable de voir comment un étudiant de premier année âgé de 16 ans depuis
quelques jours pouvait mettre en difficulté une équipe aguerrie. La difficulté à
réceptionner la balle était visible et même lorsque cela était fait, Ethan et Djurek
étaient présents au contre pour empêcher tout salut adverse ! L’affront que l’E2C
avait subi en début de match fut lavé ; l’équipe de Bucky enchaîna 8 points de suite
sans que l’adversaire, jouant en blanc ce soir, ne parvienne à l’éviter.

Après un temps-mort adverse qui vit l’entraîneur de Saint-Pétersbourg


entrer dans une rage folle, la rencontre s’équilibra à nouveau avec un niveau de jeu
époustouflant des deux côtés. Jamais Bucky n’avait vu un match d’une telle
intensité. Les attaques étaient puissantes, les contres dévastateurs et les
défenses incroyables. Pour la première fois de sa vie, Bucky trouva cela
particulièrement plaisant à regarder. Elle découvrait dans ce sport une beauté
qu’elle n’avait encore jamais ressentie. Tout semblait fluide, travaillé, organisé
comme une chorégraphie de pom-pom-girl ou de danse néo-classique. Béhuit
avait, à ses yeux, réussi à faire de ses joueurs de véritables artistes.

L’équilibre du jeu amena l’E2C à empocher le deuxième set 25 à 20 sans


que les opposants du soir ne parviennent réellement à refaire leur retard de début
de set. Satisfaction immense pour Bucky et tout le clan des supporters français
présents. Quoi qu’il arrive, les joueurs sous le commandement du jeune Mathéo
ne seraient pas ridicules, même si l’équipe ne semblait clairement pas se
contenter d’un unique set ce soir.

Les joueurs de l’E2C ne prêtaient plus la moindre attention à leurs pom-


pom-girls durant le troisième set. Seul Erik pointait du doigt Anita avec un clin d’œil
à chaque fois qu’il marquait un point, une mimique dont il avait pris l’habitude
depuis les phases finales de championnat. Ils étaient pleinement concentrés sur
leur jeu et les conseils de Mathéo. Ils en avaient bien besoin. Les joueurs d’en face
montraient clairement qu’ils étaient les champions en titre avec un attaquant
clairement au-dessus du niveau des autres sur le terrain que seul Ethan parvenait
à gêner lorsqu’il lisait correctement le jeu adverse et un passeur époustouflant qui
arrivait, malgré des réceptions ou défenses de ses équipiers pas toujours exempts
de tout reproche, à délivrer des passes optimums sauf une fois où il rata
complètement sa passe ! Un effet Nolwenn ? Impossible à dire sur une seule
erreur. Mais ce qui était sûr, c’est que si Nolwenn ne semblait pas énormément

558
perturber le passeur, du moins sur son niveau dans ce match, elle mettait dans
une colère folle un de ses équipiers qui avait vu clair dans le jeu de la pom-pom-
girl de Cley.

Le score fut extrêmement serré tout le long du set. Les deux équipes se
rendant coup pour coup. Les Russes prirent cependant une légère avance en fin
de set, 24 points à 22. Une balle de set contre l’E2C ne les firent pas trembler ou
douter pour autant ! Ils éliminèrent la première sur une attaque d’Yvan qui se servit
astucieusement du contre adverse afin que le ballon soit rabattu en dehors des
limites de terrain. 24 à 23 ! Ce fut au tour de l’E2C de servir pour tenter d’effacer la
deuxième balle de set adverse. La réception et passe adverse fut parfaite pour une
attaque surpuissante… contrée par Ethan. Une deuxième tentative s’enchaîna pour
leur attaquant star, même résultat même effet, encore un contre d’Ethan qui
atterrit dans les bras d’un défenseur adverse ! Le campus d’excellence de Saint-
Pétersbourg fit une troisième tentative avec toujours le même attaquant, mais qui
parvint cette fois-ci à éviter habilement les mains du dernier de la famille Spidze
d’une attaque surpuissante que Bucky vit remonter très haut avant de redescendre
dans le camp adverse. Antoine avait réussi à sauver le point ! Les pom-pom-girls
exultèrent en même temps qu’une bonne partie du public. L’E2C semblait
infranchissable. Une nouvelle tentative via un autre attaquant encore une fois
sauvée par Yvan et qui permit à Djurek d’envoyer le ballon dans le fond du terrain
adverse, sauvé in extrémis par un joueur adverse. Malgré une très mauvaise
remise le passeur de Saint-Pétersbourg parvint, une fois de plus, à donner un
ballon incroyable à son attaquant principal qui tapa de toutes ses forces avec un
cri qui parvint jusqu’aux oreilles de Bucky. Antoine, encore et toujours sur la
trajectoire du ballon se prit le ballon en pleine figure avant qu’il ne touche le sol.
L’E2C avait perdu le set malgré une bravoure incroyable. Une rage de soulagement
de la part de l’attaquant Russe, accompagné d’un regard provocateur vers Antoine,
qui se contenta de se relever, main sur le nez en le regardant également, avant que
chacun ne regagne son banc de touche. Antoine semblait saigner du nez, pas
vraiment étonnant vu la puissance avec laquelle le ballon s’était écrasé sur sa
figure, mais absolument pas résigné malgré la perte de ce set, tout comme le reste
de son équipe.

Au grand soulagement de Bucky, Antoine retrouva immédiatement sa place


pour ce quatrième set. Mélanie avait fait en sorte de lui arrêter son hémorragie
nasale. La seule stigmate de l’effroyable ballon qu’il s’était pris, était son nez avec
du coton dans l’une de ses narines, sans doute pas idéal pour respirer, et son
maillot taché de quelques gouttes de sang. Dès la reprise du match, l’E2C goûta

559
de nouveau à la puissance de frappe de l’adversaire droit sur Antoine qui remonta
le ballon pour Djurek qui distilla une passe extrêmement rapide à Yvan qui planta
un boulet de canon dans le camp adverse. 1-0 ! Le message était clair, l’E2C se
battrait jusqu’au bout !

Béhuit aurait tout simplement été fier de ce match, hormis peut-être son
début, et particulièrement sur ce set. Malgré une fatigue qui commençait
doucement à se voir chez les deux équipes, l’E2C montrait une hargne incroyable
pour défendre chaque ballon. C’était simple, chaque point gagné par l’équipe de
Saint-Pétersbourg ne l’était que sur un enchaînement incessant d’attaques.
Antoine et les siens remontaient absolument tout et ne cédaient qu’après un âpre
échange. Combiné à cela un Yvan, Ethan et Erik des grands jours pour frapper
également comme des mules ou pour placer idéalement des ballons dans le camp
adverse pour les mettre en difficulté et l’adversaire ne parvint pas réellement à se
détacher des joueurs fuchsia et ciel. C’était prodigieux ! Jamais Bucky n’aurait cru
voir un jour l’équipe de son campus à ce niveau. Tellement incroyable que le public,
tout de même très majoritairement Croate et plutôt neutre jusqu’à maintenant
encourageait de plus en plus clairement l’E2C qui ne manqua pas d’haranguer la
foule pour la faire se soulever un peu plus à chaque point remporté.

19 à 18 pour les Russes, le score était une nouvelle fois très serré. Ce fut au
tour de l’E2C de servir avec un engagement que Bucky jugea très tactique, fait pour
gêner l’adversaire plutôt que de tenter de mettre le point directement. Difficilement
le ballon parvint une nouvelle fois au passeur de l’équipe Russe qui fit glisser le
ballon entre ses doigts laissant mollement le ballon tomber à ses pieds. Bucky
pensa à la fatigue dans un premier temps, mais cela ne fut pas le cas de l’un de
ses équipiers qui l’invectiva vigoureusement en Russe en désignant clairement du
doigt Nolwenn. Était-il dans le vrai ? Vraiment difficile à dire. Ce n’était que sa
deuxième véritable erreur du match et pourtant il avait eu énormément de ballons
catastrophiques à gérer sur les réceptions et défenses de son équipe. Le plan de
Bucky n’avait peut-être pas fonctionné pour déconcentrer le passeur adverse, mais
il semblait faire preuve, de façon totalement inattendue, d’efficacité sur l’un de ses
équipiers !

19 partout, de nouveau un service placé de l’E2C qui permit à Bucky de voir


que le passeur adverse ne resta pas déstabilisé longtemps par son erreur. Un
ballon habilement distillé à un de ses attaquants qui trompa totalement le central
adverse de l’E2C pour finir par un duel entre l’attaquant Russe et Erik présent au
contre. Le bilan fut amer ; Erik ne toucha pas suffisamment le ballon pour bloquer
l’adversaire et se contenta de l’effleurer en donnant le point à l’équipe tout de blanc

560
vêtu. Mais ce n’était pas le plus grave. Erik s’était carrément retourné l’auriculaire
de la main gauche sur l’affaire. Un léger cri de douleur qui fit se lever des gens de
la foule, dont Bucky qui fut rapidement rappelé à l’ordre par son genou. Mathéo
demanda immédiatement un temps-mort !

Sans perdre un instant, Mélanie prit en charge son nouveau patient.


Décidément, Céssix avait bien fait de lui proposer de venir ! Les pom-pom-girls de
l’E2C, qui utilisaient la dernière chorégraphie spécial temps-morts conçue par
Bucky qu’elle-même n’utiliserait jamais, ne furent pourtant quasiment pas
regardées. Tout le monde scrutait le banc de touche de Claye. Alors que Mathéo
semblait donner des directives à son équipe et demanda à un des remplaçants de
se préparer pour prendre la place Erik, Mélanie analysa brièvement la situation
avant de tirer d’un coup sec sur le doigt retourné d’Erik qui lâcha un nouveau cri,
bien perceptible. Bucky ne parvint pas à attendre ce qui se disait mais le sujet était
limpide, Erik pourrait-il rejouer ce soir ? Bucky n’était pas inquiète pour le moment
au sujet du niveau de l’équipe. Béhuit lui avait toujours dit que l’une des grandes
forces de son équipe était son homogénéité, il avait sans doute raison. Mais le
remplaçant d’Erik n’avait pas sa force de frappe au service et sur la ligne arrière.

Le jeu reprit, sur les mêmes bases qu’il s’était arrêté et c’est immédiatement
le remplaçant d’Erik qui se mit en évidence grâce à une habile attaque gagnante.
20 partout ! Bucky rejeta un coup d’œil sur le banc. Mélanie avait sorti sa trousse
de secours et se hâtait de bander l’auriculaire d’Erik en le joignant à l’annulaire. Un
bandage qu’elle tentait de faire le plus rapidement possible, tout en lui donnant
une gélule, sans doute le même anti-douleur que Bucky, ne pouvait signifier qu’une
seule chose, Mathéo cherchait à remettre le dernier des frères Donerm sur le
terrain et Mélanie lui avait confirmé que cela était possible malgré ce que son doigt
avait subi ! On utilisait de toute manière peu, voire pas du tout, l’auriculaire au
volley-ball, de sa main non directrice qui plus est.

Bucky avait compris qu’une véritable course contre la montre s’était


engagée. Mathéo cherchait clairement à remettre Erik sur le terrain au moment où
il devrait servir. Sur le terrain, le niveau de l’E2C n’avait pas baissé en son absence,
son remplaçant s’était même permis le luxe de contrer l’attaquant vedette Russe,
qui commençait clairement à faiblir physiquement. Le score était encore
extrêmement serré, 23 partout ! Sur une merveilleuse attaque d’Ethan, l’E2C prit
l’avantage, 24-23, le moment de la rotation de l’équipe était là alors que Mélanie
était en train de finir son bandage dans un temps record. Elle devait cependant
encore scotcher le tout afin que les deux doigts soient bien solidaires l’un de
l’autre. Tout le monde dans l’équipe se regarda. Mathéo prit la décision de signifier

561
à l’arbitre qu’il demandait à nouveau un changement alors qu’Erik n’était encore
visiblement pas prêt. L’entraîneur d’à peine 18 ans mit un temps fou à préciser à
l’arbitre la nature de son changement. L’arbitre le sanctionna logiquement pour un
retard de jeu ! Bucky paniqua, mais Lily juste à ses côtés lui expliqua que c’était
excessivement bien pensé. Un retard de jeu, si c’était le premier, n’engendrait
absolument aucune conséquence sur le score ou le terrain. Mélanie avait fini et
Erik pu entrer pour tenter de convertir la balle de set avec son service.

Le service d’Erik fut un peu moins puissant que d’ordinaire. C’était soit la
blessure, soit pour être sûr que le ballon finisse dans les limites du terrain adverse.
Il mit cependant suffisamment en difficulté l’adversaire pour qu’il soit dans
l’incapacité de terminer son action par une attaque et se contenta finalement de
renvoyer simplement le ballon à l’E2C. Antoine en profita immédiatement pour
s’imposer en criant devant ses équipiers pour envoyer un ballon en or à Djurek qu’il
convertit en offrande pour Ethan qui, malgré un contre à deux en face, ne
l’empêcha pas de transpercer la défense, qui ne dut son salut qu’à un réflexe
exceptionnel de l’un de ses joueurs. Saint-Pétersbourg passa comme très souvent
lors de ce match par son attaquant le plus talentueux pour tenter de conclure le
point, mais leur plan fut contrecarré par Ethan sur un contre qui bloqua la
puissante attaque. Le ballon s’éleva très haut dans le gymnase avant de
redescendre pile entre les deux camps. L’attaquant Russe fut le premier sur le
ballon, mais Ethan, avec son passé de basketteur, bloqua littéralement avec l’une
de ses mains la tentative des Russes de placer le ballon dans le camp adverse.
Une pichenette astucieuse supplémentaire d’Ethan et le ballon échappa des mains
de l’Est-européen pour finir par rebondir dans son camp. L’E2C avait remporté le
quatrième set ! Fou de rage, l’attaquant adverse tapa très fort après rebond dans
le ballon pour finir sa course dans le filet… touchant légèrement Ethan, encore collé
à celui-ci, avec la force mise dedans. Ethan le regarda méchamment, il n'avait rien
eu, le filet ayant largement amorti le choc, mais il n’avait pas apprécié le geste et
en un éclair… tout s’envenima !

Alors qu’Ethan s’approchait du Russe responsable de ce mauvais geste


d’humeur, celui-ci ne recula pas, bien au contraire, mais le bouscula afin de
l’empêcher de venir dans son camp. Ethan ne se laissa pas faire et revint à la
charge, les deux joueurs s’empoignèrent. S’ensuivit une tentative de coup de poing
sur Antoine qui tentait de séparer les deux joueurs par le joueur Russe clairement
le plus nerveux ce soir. Alors que le passeur adverse tenta à son tour de séparer
Ethan et son attaquant vedette, Erik vint à la rescousse de son frère. Le joueur
Russe en face de lui tenta un nouveau coup de poing sur Erik, dans un accès de

562
colère et sûr de sa force du fait de son âge et sa taille supérieure, c’était ne pas
connaître Erik ! Le plus jeune des frères Donerm de première année n’avait pas pris
que l’option volley-ball à l’E2C mais également Karaté ! Activité qu’il pratiquait
depuis ses 5 ans et dont il devait passer la ceinture noire dans 2 semaines… si son
doigt le permettait. Il attrapa le bras de son adversaire avant de le déséquilibrer
pour finir par l’immobiliser face contre terre. Bucky avait l’impression par ce geste
de revivre sa tentative d’intrusion dans la villa afin de s’excuser auprès de Béhuit
qui s’était soldée par un geste quasi identique de Céssix sur elle à la différence
près qu’elle se retrouva plaquée contre le mur en lieu et place du sol pour le joueur
Russe. Grâce à Antoine, Yvan et 2 joueurs de Saint-Pétersbourg dont le passeur,
tout le monde retrouva un semblant de calme, mais les sanctions ne tardèrent pas
à tomber. Les deux joueurs Russes impliqués furent sanctionnés d’un carton jaune
ainsi qu’Ethan Spidze. Alors que tout le monde regagnait son banc de touche,
Bucky demanda les implications concrètes de ses sanctions à Lily.

- C’est plutôt une bonne nouvelle, un carton jaune, c’est un point pour
l’adversaire. Cela signifie que le dernier set qui se joue en 15 points commencera
sur le score de 2-1 pour l’E2C !

Alors que tour à tour, les pom-pom-girls des deux équipes animaient le
terrain en attendant le tout dernier set pour cette saison de volley-ball, Bucky
regarda du côté Russe. Leur entraîneur ne semblait pas content de leur prestation
et le joueur qui avait fini par être neutralisé par Erik au sol ne décolérait pas. Il
invectivait sans cesse son passeur qui tenta de le calmer. Succès pour un temps
très court lorsque sous les yeux de son équipier, le passeur regarda rapidement
les pom-pom-girls de Cley danser. Le joueur de quatrième ou cinquième année,
Bucky ne savait le dire, perdit définitivement la raison et courra en direction des
pom-pom-girls qui dansait pour bousculer violemment Nolwenn qui pourtant,
n’avait cette fois-ci, rien fait de particulier pour perturber le passeur. Nolwenn se
retrouva les fesses à terre. Ses équipiers, passeur en tête, l’empêchèrent de
justesse de porter la main violemment sur la pauvre Nolwenn surprise par cet
accès de violence à son encontre. Du côté de l’E2C, Antoine et Erik étaient arrivés
les premiers près de l’attroupement pour défendre leur sœur. Une deuxième rixe
commença en à peine 5 minutes ! Le calme revint cependant rapidement quand le
Russe fautif fut renvoyé violemment par le passeur et l’entraineur de son équipe
vers son banc de touche. L’équipe arbitrale, n’ayant rien raté et ayant participé au
retour au calme sur le terrain se réunirent rapidement alors que Nolwenn, quelque
peu choquée fut installée par ses deux frères sur le banc de touche. Alors que
l’entraîneur Russe vint personnellement s’excuser auprès de Nolwenn pour le

563
comportement de son joueur. L’arbitre s’approcha de l’agresseur de Nolwenn pour
sans aucun doute possible le sanctionner alors qu’il venait de prendre quelques
minutes plus tôt un carton jaune. Le règlement des campus d’excellence
concernant le sport était clair et Bucky le connaissait parfaitement ; on insultait, et
encore moins, agressait physiquement une pom-pom-girl. Que cet étudiant soit en
quatrième ou en cinquième année, son option sport était terminée. Il y avait même
un risque pour qu’il soit renvoyé immédiatement de son campus ! L’arbitre sortit
un carton rouge, en plus d’un jaune dans l’autre main. Bucky regarda Lily afin de
mieux comprendre.

- Le joueur est exclu du terrain ainsi que du gymnase, je pense qu’il va payer
très cher son geste ! Et ça nous fait 3 à 1 pour l’E2C ! Dit la volleyeuse.

Le joueur exclu évacua les lieux sous les huées de la foule. Un calme relatif
réinvestit le gymnase avant que l’arbitre ne convoque les deux capitaines, leur
signifiant probablement qu’il ne tolérerait plus aucun écart de conduite. Le stress
monta en Bucky. L’E2C était à portée d’un exploit monumental.

Un service bien en dehors des limites d’Erik, puis une attaque dehors
d’Ethan et Saint-Pétersbourg avait déjà rattrapé son retard ! La situation ne
s’arrangea guère à la suite d’une mésentente puis un service gagnant des Russes.
L’E2C était mené 5 à 3. Mathéo n’attendit pas plus longtemps et demanda un
temps mort. Complètement pétrifiée par l’enjeu, Bucky ne fit même pas attention
que ses amies pom-pom-girls faisaient leur toute dernière chorégraphie de la
saison quoi qu’il arrive et tombèrent dans les bras les unes des autres à sa fin. Elle
ne pensait qu’à tendre l’oreille pour essayer de déchiffrer ce que disait Mathéo ;
impossible avec le bruit ambiant, mais ses gestes étaient clairs, il les suppliait de
se reprendre pour ne rien regretter.

Les joueurs retournèrent sur le terrain et la situation ne s’arrangea pas, deux


attaques loin des limites du terrain coup sur coup, 7 à 3. Puis deux erreurs
adverses avant que l’E2C ne soit contré par deux fois. 9 à 5, les deux équipes
fatiguaient clairement. Les fautes directes de services, d’attaques, voire, de filets
s’enchaînèrent des deux côtés, 12 à 8. Il allait être très difficile de revenir. Un bref
espoir avec une attaque gagnante d’Yvan, tout de suite éteint par une réponse du
terrifiant attaquant Russe qui aura marqué autant de point que tout le reste de son
équipe. 13 à 9. L’espoir revint pourtant grâce à de magnifiques défenses d’Antoine
et des attaquants de l’équipe, les joueurs ciel et fuchsia ne lâchaient rien…

564
***

Encore un nouveau point pour Cley ! Plus les points se rallongeaient, plus
les garçons de l’E2C prenaient un ascendant psychologique sur ses adversaires.
C’était totalement fou ! Mené 13-9, ils avaient repris la tête du match 14-13 et
avaient entre les mains une balle de match ! L’ambiance dans les tribunes était à
son paroxysme, la plupart des spectateurs étaient debout.

Yvan respira un bon coup et servi, après un énième conseil de Mathéo, sur
la partie du terrain adverse à cibler sur cette balle d’engagement. Le service fut
plus qu’assuré, Ethan était au contre, prêt à bondir. On misait évidemment sur lui
pour achever l’adversaire. Bucky, assise au premier rang, osait à peine regarder le
point. Certaines de ses amies pom-pom-girls avaient lâché leurs pompons afin de
se tenir les mains, également pétrifiées par l’enjeu.

La réception adverse ne fut pas très haute en altitude, Bucky avait compris
pourquoi ; accélérer le jeu un maximum afin qu’Ethan ne puisse suivre au contre…
et le plan fonctionna. Seul Djurek se retrouva en face de l’attaquant adverse pour
le bloquer. Il échoua… mais toucha suffisamment le ballon pour permettre à
Antoine de courir bien loin des limites du terrain et lever le ballon suffisamment
haut dans les airs pour que Djurek puisse se déplacer jusqu’à lui, mais toujours
très loin du filet. Inutile de tenter une passe à Ethan dans de si mauvaises
conditions, l’option Erik sur la ligne arrière fut tout naturellement choisie. L’étudiant
de première année envoya un véritable boulet de canon sur les lignes adverses qui
fut sauvé avec tellement de difficulté que l’adversaire se contenta en troisième
touche du ballon de renvoyer la balle en catastrophe et facilement à l’E2C. Antoine
ne manqua pas, encore une fois, l’occasion de distiller un ballon en or à Djurek qui
évidemment profita de cette réception idéale pour servir, tout proche de lui, au
centre, Ethan. L’adversaire avait évidemment compris que le plus puissant
attaquant de l’E2C allait être servi et ce n’est pas deux, mais les trois joueurs des
postes avant qui tentèrent de le bloquer, peine perdue ! Ethan se contenta
simplement de taper moins fort que d’accoutumé pour s’assurer de passer au-
dessus de la muraille qui se dressait devant lui. Mais l’adversaire était coriace, un
des défenseurs adverses remonta miraculeusement le ballon avant qu’il ne touche
terre et son passeur, incroyablement habile depuis le début du match, envoya le
ballon en direction de son attaquant vedette que renvoya immédiatement Ethan
par un contre encore une fois à une hauteur folle ! La défense adverse remonta
une nouvelle fois le ballon, non sans difficulté et avec une précision limitée,

565
pourtant le passeur fit encore une fois preuve de son talent en offrant une balle
d’attaque tout à fait potable à nouveau à son attaquant phare qui s’appliqua du
mieux possible pour éviter la muraille Ethan qui se trouvait à nouveau sur son
chemin. Il réussit, mais perdit énormément en puissance ce qui permit à Yvan de
surgir pour remonter le ballon sur Djurek qui retenta une nouvelle fois l’option Erik
en faisant mine de faire une passe pour Ethan et ainsi tromper le contre. Comme
à son habitude Erik ne se posa pas de questions et mit toutes les forces qui lui
restaient dans cette énième attaque malgré sa blessure au doigt. Par un plongeon
sorti des plus dignes mouvements cinématographiques, les Russes remontèrent
une fois de plus la balle, mais avec tellement de difficulté que le passeur fut
contraint de faire une passe pour une attaque d’un joueur sur la ligne arrière
immédiatement contré ! … Par Ethan, décidément infranchissable ! Et sauvé in-
extrémis par un mouvement réflexe du passeur adverse qui engendra tout de
même une panique dans les rangs Russes qui ne purent que se contenter de
repousser le ballon sur Yvan… qui le renvoya immédiatement dans un coin au fond
du terrain voyant l’équipe Russe très mal placée… mais qui parvint tout de même
à récupérer le ballon et se débrouilla pour à nouveau servir son attaquant star…
une fois de plus contré par l’E2C provoquant une envolée du ballon dans le
gymnase et proche de toucher le plafond pour finalement redescendre entre les
deux camps. Le plus prompt pour taper dans la balle fut l’adversaire, mais malgré
la force de l’attaque, il fut remonté, une énième fois, parfaitement par Antoine en
direction de Djurek qui servit son seul attaquant disponible sur la ligne avant
hormis Ethan pour tenter de tromper l’adversaire… mais qui fut suffisamment
ralenti pour permettre un nouveau sauvetage Russe et une nouvelle tentative du
passeur en direction de son attaquant principal qui mit toute l’énergie qui lui restait
dans sa frappe malgré le fait qu’Ethan soit encore une fois sur sa route ! La frappe
fut extrêmement puissante malgré le fait que la passe soit relativement éloignée
du filet, son passeur avait pourtant fait un véritable exploit avec la réception
catastrophe de son équipe. Contre toute attente, Ethan baissa les mains au dernier
moment et cria si fortement "Out" que même Bucky pu l’entendre, malgré le bruit
du public et son relatif éloignement du terrain. La balle traversa rapidement la
surface de jeu jusqu’à Antoine sur la trajectoire du ballon, encore et toujours, qui
sembla se désarticuler non pas pour réceptionner la puissante attaque adverse…
mais pour éviter de la toucher sur les conseils de son équipier ! Le libéro évita d’un
chouia la balle en finissant par une roulade pour ainsi laisser passer le ballon qui
vint mourir dans le fond du terrain ; balle annoncée bonne par l’arbitre !

Toute l’équipe se dirigea d’un seul homme vers l’arbitre, y compris Mathéo,
en faisant des gestes pour demander une confirmation vidéo. Il y avait

566
suffisamment de caméras et drones-caméras dans l’enceinte du gymnase pour
vérifier si le ballon avait bien touché le sol dans les limites du terrain.

Un silence total dans la salle… tout le monde regarda l’écran géant, arbitre
en tête. Le cœur de Bucky crevait tous les plafonds de fréquences de pulsations.
Enfin, l’image arrivait sur l’écran géant où l’on pouvait voir la trajectoire du ballon
au ralenti : de quelques centimètres… out !

Antoine s’écroula sur le dos les bras levés avant que son frère ne vienne se
jeter sur lui pour une étreinte fraternelle. Ethan, Djurek, Yvan et Mathéo se
précipitèrent les uns sur les autres. L’E2C était champion ! Les pom-pom-girls se
dirigèrent également rapidement vers l’attroupement de joueurs. Bucky se leva
également et avança légèrement… avant de s’écrouler sur le bord du terrain. Ce
n’était pas seulement son genou qui l’empêchait de s’avancer, mais bel et bien
l’émotion. Elle se retrouva posée sur le sol du gymnase, à genoux, les larmes aux
yeux, avec ses mains tentant de masquer les multiples sentiments qui se
manifestaient en elle. Elle regarda, les yeux humides, un instant le plafond du
gymnase avant de se les recouvrir avec les mains. Elle espérait que de là-haut,
Béhuit soit informé qu’il avait réussi ! Qu’il avait fait de son équipe les champions
d’Europe 2037 de volley-ball. Bien sûr, certaines mauvaises langues allaient dire
que le championnat s’était arrêté en quart de finale. Mais Bucky s’en moquait.
Béhuit resterait à tout jamais le premier à avoir mené l’équipe de volley de l’E2C au
titre de champion !

Ses mains cachant encore ses yeux noyés par l’émotion, elle sentit
quelqu’un la prendre dans ses bras. Elle retira ses mains de son visage pour tenter
de l’identifier ; Nolwenn !

- Il serait si fier de toi… de l’équipe ! Lui chuchota à l’oreille Nolwenn. On lui


a offert le plus merveilleux des cadeaux d’adieux.

- Il va tellement me manquer… la vie va me paraître si vide sans lui.

- Il est toujours là ! Il vit en toi et j’en ai la preuve…

Bucky regarda sa meilleure amie comme pour lui faire comprendre qu’elle
appréciait sa gentillesse, mais que ce mensonge était bien trop gros. Nolwenn
avait pourtant l’air sûre d’elle.

- La Bucky Délavigna que je connais n’aurait jamais été dans les vestiaires
des garçons pour remettre sur pied une équipe de volley-ball fébrile. Lorsque tu es

567
entrée, ce n’était pas toi que j’ai vue… c’était lui ! Justifia Nolwenn. Tu vois
réellement ma meilleure amie donner des conseils dans un match de volley ?

Une fois de plus, Nolwenn montrait à Bucky qu’elle était une fille formidable,
une amie sincère, un soutien indéfectible. Elle était dans le vrai. Jamais la
désormais ex-pom-pom-girl n’aurait pensé un jour conseiller une équipe de volley.
Elle apprécia l’idée de Nolwenn ; c’était Béhuit qui s’était exprimé à travers elle !

Alors que tout le clan de l’E2C était réuni sur sa partie de terrain en
bougeant, dansant et criant de joie pour fêter sa victoire. Bucky remarqua que
Nolwenn regarda un instant dans la direction des perdants où les comportements
étaient tout autres ; la plupart étaient assis ou allongés, prostrés, certains même
pleuraient. L’entraîneur était assis sur son banc de touche, les yeux regardant dans
le vide. Ils étaient passés à côté d’un doublé historique, être champion deux
années de suite ! Nolwenn s’attarda avec insistance sur leur passeur brun,
dépassant le mètre quatre-vingts à la corpulence plutôt fine, tout en aidant Bucky
à se lever.

- Il est très mignon ! Lui fit remarquer Bucky alors que le joueur fixé par son
amie était debout, tête basse à seulement quelques mètres d’elles.

- C’était malheureusement lui ou l’équipe, répondit-elle, parfaitement


consciente que son petit numéro pour le déconcentrer avait annihilé tout espoir de
communication dans des conditions cordiales entre eux.

Il releva la tête en direction des filles puis fixa Nolwenn… qui détourna
immédiatement la tête. Bucky, d’un geste de la main l’invita à s’approcher.

- Qu’est-ce que tu fais ? Lui demanda Nolwenn qui commençait à rougir


d’embarras.

- Vu comment il te regarde, c’est soit parce qu’il veut te tuer, soit qu’il est
encore totalement sous ton charme, répondit Bucky qui penchait plutôt pour la
deuxième option.

Il s’approcha alors que Nolwenn tenta d’éviter la rencontre… retenue par le


bras par son amie.

- Tu n’abandonnerais pas une estropiée tout de même ! Lui dit Bucky.

Nolwenn ne pouvait de toute manière plus se défiler, il était là.

- Je suis désolée, s’excusa platement Nolwenn à son encontre.

568
- Je devrais être fâché contre vous et pourtant, je ne vous cache pas que j’ai
apprécié vos méthodes à mon encontre. Mon seul regret, c’est que c’était
simplement de la comédie pour vous.

- Ce n’est donc pas pour un meurtre ! Signala Bucky à son amie.

- Je ne suis pas comme ça d’ordinaire ! …Mon intention n’était pas de vous


humilier et ce n’était pas uniquement de la comédie, se justifia Nolwenn.

Un silence gênant avant que le joueur de volley se tourne vers Bucky.

- Toutes mes condoléances pour votre entraîneur et désolé pour votre


jambe, j’espère que ce n’est pas grave ! Lui dit-il.

La conversation fut stoppée par Antoine qui serra la main de son adversaire
avant de prendre les deux pom-pom-girls dans ses bras alors qu’Yvan le suivait de
peu pour faire la même chose. Bucky avait remarqué qu’Antoine et Glaème avaient
pris soin de s’éviter jusqu’à maintenant. Elle prit l’initiative de s’éloigner un peu de
Nolwenn et du passeur adverse pour les laisser seuls afin de parler plus
sérieusement avec le libéro de l‘E2C. Elle comptait ouvrir les yeux à Antoine et avait
compris qu’une attirance réciproque existait entre Nolwenn et l’étudiant du
campus Russe, effectivement français ou d’origine. Une possibilité de faire plus
ample connaissance n’était pas tout à fait à exclure ! Antoine et Yvan l’aidèrent à
se déplacer jusqu’au banc de touche afin qu’elle se rasseye. Antoine la serra une
fois de plus dans ses bras :

- On l’a fait ! On l’a fait ! Lui dit-il, ne revenant toujours pas de sa victoire.

- Et maintenant ? Lui demanda Bucky.

Antoine ne comprenait pas ce que voulait dire Bucky. Avec insistance, elle
regarda en direction de Glaème sautillant de joie avec Djurek, une autre pom-pom-
girl du groupe et deux autres joueurs.

- Je suis fou d’elle… mais je ne fais pas partie de son futur, répondit-il.

- Elle est bien moins démonstrative que toi, c’est certain, et soyons clairs,
rien ne l’éloignera de ses ambitions professionnelles, mais elle t’aime. J’étais prête
à tout et n’importe quoi pour Béhuit, alors si tu ne veux pas que cela s’arrête, dis-
le-lui ! Conseilla-t-elle.

Antoine lui fit une tendre bise sur la joue avant de se diriger vers la fille qu’il
avait toujours aimée. Glaème en fit timidement de même et posa sa tête

569
tendrement sur son épaule. Bucky s’approcha un peu plus, en boitillant, pour
entendre la conversation dans ce brouhaha ambiant alors que les couleurs
d’éclairage du gymnase changèrent en ciel et fuchsia.

- Cette victoire, elle va te permettre d’obtenir ton diplôme. Tu vas pouvoir


faire tes études d’ingénierie drone à Poitiers, vivre ton rêve ! Lui dit Glaème
calmement.

- Et toi, vivre le tient à l’INSP de Strasbourg…. Je suis certain que tu feras


une grande carrière politique dans quelques années. Quel que soit ton parti
politique, tu peux être sûr d’avoir mon vote, répondit-il.

Glaème retira sa tête de l’épaule d’Antoine pour le regarder :

- Si j’ai un jour besoin d’un rapport parlementaire ou autre sur les drones
dans ma carrière politique, j’espère pouvoir compter sur toi.

Elle commença à se décaler pour aller fêter l’évènement avec d’autres.


Bucky fit signe de la tête et des bras de ne pas lâcher l’affaire. Antoine la retint. Ils
se regardèrent à nouveau.

- Glaème, mon rêve, ce n’est pas cette école d’ingénieur… mais la femme
qui se trouve en face de moi !

- Antoine, nous pourrons tenter de nous voir les week-ends….

- Tu sais très bien que cela ne fonctionnera pas ! Coupa-t-il. Tout comme
Bucky l’a fait avec Béhuit, je ne veux rien regretter. L’amour de ma vie, c’est toi !
Alors je n’irai pas poursuivre mes études à Poitiers.

- Antoine, si tu espères me faire abandonner l’INSP de cette manière, tu te


trompes !

- Tu ne m’as pas compris. Je sais très bien que ton destin professionnel est
tout tracé et que tu ne l’abandonneras pas pour moi, alors moi je le fais… Je
viendrai vivre avec toi à Strasbourg !

- Tu sacrifierais ton avenir pour moi ?

- Tu es mon avenir ! Et lorsque je me projette dans la vie que j’imagine, je ne


vois pas une carrière brillante dans un domaine ou un autre, mais je te vois toi,
nous deux, ensemble, en couple.

570
- Et si jamais tu te lasses un jour de moi, tu auras tout perdu ! Je ne suis pas
une fille facile à vivre au quotidien.

- Tu as un don certain pour la politique, j’en ai un pour te rendre heureuse.


On a vécu déjà plus ou moins ensemble chez mes parents durant quelques mois
et je n’ai pas repéré les défauts que tu essaies de te donner. Dis-moi simplement
que tu acceptes que je te suive, que nous emménagions ensemble !

- Je suis désolée d’être comme je suis. Je ne comprends pas ce qui te séduit


tant chez moi.

- Ça ne répond pas à ma question. Veux-tu que je te suive à Strasbourg


l’année prochaine ?

- Mais qu’y feras-tu ?

- Je m’occuperai de ma petite-amie et puis je trouverai un travail là-bas


quand elle sera absente. Je vais être diplômé d’un campus d’excellence tout de
même, je trouverai bien un job !

Elle se jeta sur lui pour l’embrasser.

- Une égocentrique comme moi ne mérite pas un homme comme toi, lui
avoua-t-elle. Je saurai un jour te rendre tout ce que tu me donnes.

- Ton amour est tout ce que je demande !

- Tu l’as ! J’espère le mériter, conclut-elle juste avant un long nouveau


baiser.

Bucky était heureuse pour eux. Un coup d’œil à sa gauche pour voir qu’Erik
embrassait également de son côté Anita. Cette année de volley-ball se terminait
aussi bien qu’elle le pouvait. Elle savait qu’elle vivait un des faits marquants de sa
vie. Si seulement Béhuit avait pu être là pour le vivre avec elle… avec eux. Encore
des larmes, savant mélange de tristesse et de joie, elle n’arrivait pas à les stopper.
La nouvelle capitaine des pom-pom-girls de l’E2C s’approcha et la serra dans ses
bras.

- Bucky, tu n’oserais pas faire pleurer ta capitaine tout de même ! Lui dit
Shandrill.

- Tu prendras bien soin des filles, d’accord ? Répondit Bucky, emprunte


encore à de vives émotions.

571
- Tu as ma parole ! On s’est déjà mises d’accord, tu sais, le groupe de pom-
pom-girls sera le même que cette année. On remplacera uniquement Nolwenn,
Glaème et toi par des premières années. J’ai également échangé avec Djurek,
Ethan et Erik ; ils ne veulent pas d’autres pom-pom-girls que nous l’année
prochaine. Une symbiose s’est créée dans ce groupe, et même si les plus anciens
éléments partent pour entrer dans la vie adulte, une trace indélébile reste et
restera. L’héritage perdurera.

Bucky fut émue d’apprendre que le groupe encore présent à l’E2C l’année
prochaine avait déjà convenu de rester ensemble.

Alors que le protocole de remise de la coupe était en train d’installer un


immense podium, le speakeur cherchait à interviewer quelqu’un. Yvan, en tant que
capitaine, fut le premier choix de l’homme au micro, mais il refusa. Dans la tête de
toute l’équipe, Antoine était le capitaine malgré son poste de libéro qui l’empêchait
réglementairement de l’être. Le plus vieux des frères Donerm fut dans l’obligation
de se décoller de Glaème pour répondre aux questions après que le silence eut été
demandé afin de l’entendre convenablement. Mélanie ramena
précautionneusement Bucky sur le banc de touche afin qu’elle puisse profiter
convenablement de la remise de ce prix. Elle lui donna également un anti-douleur
en la voyant grimacer. Elle souffrait quelque peu, mais ce n’était rien par rapport à
sa douleur psychologique depuis la mort de Béhuit. Sa saison sportive s’achevait
de toute façon, elle avait désormais tout le temps pour se remettre à cent pour
cent de ses capacités physiques.

- Bucky, il faut vraiment que tu sois prudente les prochains mois ! L’avertit
Mélanie.

- Le sport n’est vraiment pas ma tasse de thé et la saison de danse et de


pom-pom-girl s’achève. Je vais pouvoir me reposer comme tu me le demandes,
analysa-t-elle.

Elle écouta attentivement l’interview d’Antoine qui commença :

- Antoine Donerm, vous êtes le libéro de l’E2C et vous êtes ce soir champion
avec votre équipe. Quel incroyable match, quelle incroyable saison ! Analysa le
speakeur.

- Lorsqu’on a commencé la saison, on avait un seul but ; gagner au moins


un match. Ça ne s’annonçait pas spécialement bien et puis on a découvert qu’une
personne pouvait tout changer…

572
- Vous parlez sans doute de votre regretté entraîneur, Béhuit Ciel…

- Oui. En quelques matches seulement, il a su nous faire progresser, nous


donner confiance en nous, nous dénicher un talent incroyable en la personne
d’Ethan et fédérer tout un groupe. Cette victoire, même ce soir, c’est à lui qu’on la
doit !

- Il n’était pourtant malheureusement pas là et votre début de match était


catastrophique. Comment avez-vous fait pour retourner la situation ? Demanda le
speakeur.

- Durant le problème technique, on a énormément repensé à lui ! On


souhaitait lui faire le plus beau des cadeaux d’adieux, alors on a cherché à savoir
comment il aurait agi dans ce match et on a fini par trouver des solutions. L’équipe
en face était peut-être plus forte que nous en théorie, mais ce soir, c’est l’ensemble
de notre collectif qui l’a emporté. Le message que je retiens de cette saison, c’est
que rien n’arrête un collectif soudé.

- Applaudissons Antoine et son équipe ! Annonça le speakeur en guise de


conclusion.

Antoine lui reprit immédiatement le micro des mains, il avait visiblement


quelque chose à ajouter alors que la coupe faisait son entrée sur le terrain.

- Je veux simplement ajouter quelque chose… Je remercie nos pom-pom-


girls de leur soutien tout au long de la saison et j’ai un message tout particulier
pour l’une d’entre elles que je considère comme ma sœur. Bucky… on l’a fait ! Pour
lui ! Cria-t-il.

Une fois de plus, Bucky ne put retenir un nouveau sanglot. D’autant que
lorsque Yvan eut la coupe entre ses mains, toute l’équipe de volley se dirigea
naturellement vers elle pour la lui donner. Elle représentait, ni plus, ni moins, leur
entraîneur défunt ce soir. Elle fut même portée par les frères Donerm jusqu’aux
épaules d’Ethan afin qu’elle soulève haut dans le gymnase le trophée. La fête qui
allait suivre promettait d’être dantesque ! La première sans l’homme de sa vie…

***

573
Dès leur retour à l’hôtel, une fête qui s’annonçait grandiose commença. Une
partie de l’hôtel avait été réservée et était utilisée en piste de danse. Bucky de
nouveau avec une béquille et une attelle fournie par Mélanie en profiterait moins
que les autres. Pourtant, elle n’était pas trop contrariée. Même sans sa blessure,
elle n’aurait sans doute pas énormément dansé. Une fête sans Béhuit, surtout ce
soir, c’était un peu trop rude et beaucoup trop tôt. Elle se contenta de rester
installée dans un fauteuil en regardant ses amis, profitant de ces instants qui
resteraient sans doute à jamais gravés dans leur mémoire. Céssix vint s’installer
près d’elle. La directrice épaulait Meyrie pour prévenir tout débordement.

- Mélanie m’a annoncé que vous aviez probablement une rupture partielle
des ligaments croisés ? Demanda la directrice pour avoir confirmation qu’elle avait
bien compris.

- J’en aurai pour plusieurs mois avant de revenir en pleine forme, mais j’ai
tout mon temps.

- Plus tôt vous guérirez, plus tôt vous pourrez réfléchir à votre avenir.

- C’est exact, je vais poursuivre ma vie dans le monde de la danse, c’est ce


que souhaitait Béhuit.

- Vous avez un talent pour cela, je l’admets volontiers. D’ailleurs, lorsque


vous serez à 100% de vos capacités physiques, je vous conseille de réserver un
vol à Saint-Pétersbourg après avoir appelé cette personne.

Céssix lui tendit une carte de visite.

- L’académie de ballet Vaganova souhaiterait vous auditionner, poursuivit-


elle. On est venu me rencontrer en tant que directrice de l’E2C en me demandant
de vous transmettre l’information.

Bucky n’en croyait pas ses yeux. Après l’école Julliard de New-York. Une
nouvelle école de danse prestigieuse située à Saint-Pétersbourg lui proposait
quelque chose, la carte de visite étant celle de la directrice artistique. L’étudiante
était émue de recevoir une nouvelle proposition de qualité. Elle ne sortit de son
état second que par les vibrations de son téléphone. La personne qu’elle espérait
voir ce soir pour participer à la fête était venue !

De nouveau à une vitesse bien faible, Bucky arriva à l’accueil de l’hôtel. Enzo,
le passeur de l’équipe de volley-ball Russe avait accepté l’invitation discrète de la

574
meilleure amie de Nolwenn pour participer à la soirée malgré sa défaite. Une
preuve supplémentaire de son intérêt pour l’étudiante de l’E2C.

- Je suis heureuse que vous ayez accepté ma proposition de vous joindre à


notre fête ! Dit-elle.

- A vrai dire, j’ai été particulièrement surpris par votre proposition. Êtes-vous
sûre que je ne vais pas me faire lyncher par vos camarades ? Demanda-t-il.

- Vous êtes officiellement mon invité, ne craignez rien ! Et quelque chose


me dit que ma meilleure amie vous protégera aussi.

- Vous êtes certaine que j’ai réellement une chance avec elle ?

- Elle s’appelle Nolwenn Donerm, elle est en dernière année et je suis sûre
de mon coup. C’est moi qui ai remarqué que vous la trouviez à votre goût, alors
faites-moi confiance quand je vous dis que c’est la même chose de son côté. Elle
n’aurait jamais accepté de faire ce qu’elle a fait durant le match si ça n’avait pas
été le cas.

Enzo fit un mouvement de la tête pour acquiescer. Bucky l’invita à être aidé
pour se déplacer jusqu’à la salle où se déroulait les festivités. Les déplacements
étaient vraiment compliqués pour elle.

La fête battait son plein lorsqu’ils entrèrent dans les lieux. Immédiatement
Enzo chercha du regard Nolwenn qu’il trouva rapidement en train de danser,
encore en tenue de pom-pom-girl tout comme Bucky et Glaème. Les trois filles de
dernière année profitaient encore un peu et pour la dernière fois de leurs
vêtements de scène. Nolwenn ne mit que très peu de temps à l’apercevoir, elle se
figea. Bucky devinait une anxiété naissante chez sa meilleure amie. Alors qu’Enzo
ne bougeait plus non plus, sans doute pour les mêmes causes, Bucky décida de
faire les dix mètres environ qui la séparait de son amie pour lui parler.

- Qu’est-ce qu’il fait là ? Demanda Nolwenn, atrocement gênée.

- Tu lui plais et il est venu faire la fête avec nous… enfin surtout avec toi !
Répondit-elle avec un clin d’œil.

- Mais qu’est-ce que je lui dis ?

- Simplement que tu es heureuse qu’il soit venu afin de passer un moment


avec toi ! Répondit Bucky avant de la prendre par le bras pour tenter de la diriger
vers lui.

575
Nolwenn avança timidement, Enzo en fit de même pour finir par aller
s’asseoir avec elle à une table pour boire un verre. Leurs gestuelles ne trompaient
pas ; Bucky était persuadée qu’une romance entre eux débutait. Dans l’incapacité
de danser avec les autres, elle s’installa sur un canapé en les espionnant
discrètement de temps à autre et en regardant les couples du groupe. Antoine et
Glaème qui allaient partir vers Strasbourg, Anita et Erik qui finissaient leur première
année d’étude à l’E2C, Shandrill et Karim… et Lily qui s’avança vers elle.

- Me revoilà dans le club des célibataires avec toi, lui dit Bucky, résignée.

- Parle-moi plutôt de ton avenir ! New-York, c’est un véritable rêve qui va te


permettre de te reconstruire ! Répondit Lily.

Bucky zappa volontairement le sujet. Sans Béhuit, elle était encore


terriblement perdue.

- Et toi ? Où vas-tu finalement ? Demanda-t-elle pour ne pas avoir à parler


d’elle.

- J’ai choisi le M.I.T. ! Nous pourrons nous retrouver probablement quelques


fois. Nous ne serons pas si distantes l’une de l’autre.

Bucky sourit, encore une fois sans répondre et en tournant la tête vers
Nolwenn et Enzo. Ils n’avaient pas perdu de temps ; ils étaient déjà en train de
s’embrasser !

576
Chapitre 18 : La vie continue

C’étaient les derniers moments qu’elle vivait à l’E2C. 5 ans de sa vie qui se
concluaient sous une journée ensoleillée et chaude, au niveau de l’esplanade
d’entrée du campus. Dans sa toge de cérémonie noire avec un large liseré ciel et
fuchsia à la manche droite, Bucky observait l’intégralité de sa promotion dans des
vêtements identiques au sien. Tous ses proches avaient également obtenu leur
diplôme ; Nolwenn, Glaème, Lily, Yvan et même Antoine, grâce à sa note en volley-
ball ! Rayan en faisait également partie. Ce dernier embrassait une carrière
militaire disait-on. Rien d’étonnant pour Bucky ; il suivait la voie qu’avait prise
Béhuit, sans doute une décennie plus tôt, à la sortie de ses études.

Un peu plus loin, Bucky pouvait voir ses parents debout sur le côté,
téléphone à la main, en train de prendre des photos ou filmer un moment
également inoubliable pour eux. Dans quelques minutes, leur fille unique allait
obtenir son Bachelor international d’excellence campus ; un sésame capable
d’ouvrir toutes les portes des études supérieures au niveau mondial. Les parents
Donerm et Erik, accompagnés d’Anita étaient également présents pour voir
Nolwenn, Antoine et Lily recevoir également leur diplôme.

En position légèrement surélevée, Céssix Sky était sur un pupitre en train de


faire son discours de fin d’année avant d’appeler probablement un à un les lauréats
de cette année 2037. Un discours pour féliciter l’ensemble des étudiants promus
pour leurs 5 années de persévérance, de ténacité et de courage. Également pour
annoncer que l’ancien directeur serait de retour à la prochaine rentrée. Céssix Sky
allait retourner à ses véritables occupations.

577
Un paragraphe un peu plus douloureux pour la fille Délavigna quand la
directrice rendit un hommage de plus à Béhuit Ciel. Voilà environ un mois qu’il avait
été la victime d’une barbarie terrible. Il était toujours difficile pour Bucky
d’admettre que même au sein de ce lieu qu’elle croyait protégée des horreurs du
monde extérieur, des intégristes avaient pu faire cela. Lui avait-on dit simplement
la vérité ou s’agissait-il d’autre chose, que l’U3I notamment, cherchaient à taire ?
Elle avait vu tellement de choses étranges et inexplicables ce jour-là.
Machinalement, elle attrapa son émeraude pour la serrer de sa main droite à
travers sa toge. Voilà six mois que cette pierre précieuse finement taillée ne l’avait
plus quittée ; elle l’apaisait dans les moments stressants et elle avait promis à
Béhuit de ne jamais l’enlever. Selon les doléances posthumes de l’amour de sa vie,
elle continuerait à vivre sa vie, à en profiter au mieux, mais elle sentait pourtant
que la plus belle page de sa vie se tournait… et sans lui !

***

Intense émotion lorsqu’elle fut appelée par l’assistante de direction pour


recevoir son Diplôme. Applaudie chaudement par tout son clan parmi le public et
les lauréats, elle leva les bras au ciel avec un sourire de façade pour les photos
juste après avoir reçu des mains de l’assistante de Céssix son Bachelor. Elle serra,
une à une, les mains de l’ensemble de ses professeurs cette année. Une poignée
bien plus appuyée qui se finit en franche accolade avec Meyrie Dharcourt. Celle
qui avait été, en deuxième et troisième années, sa professeure d’EPS et surtout
son enseignante en danse et chez les pom-pom-girls durant toute sa scolarité ici,
elle ne l’oublierait jamais ! Bucky put même voir des larmes s’écouler des yeux de
son entraîneuse, preuve d’un amour inconditionnel qu’elle portait à ses filles de
cœur, sans doute aussi fort qu’il aurait pu l’être avec une fille de sang.

- Soit sûre qu’il est fière de toi, lui dit sa professeure.

Bucky ne répondit point et se contenta de faire un signe de haut en bas de


la tête tout en lâchant à son tour une larme avant de passer au professeur suivant.

Sa dernière poignée de main officielle fut pour Céssix Sky. D’ordinaire très
bavarde, Bucky ne savait pas trop quel sujet aborder avec elle. Se contenteraient-
elles d’une simple poignée de main ? Les deux femmes ne s’étaient jamais
réellement appréciées, pourtant Bucky avait incontestablement été la plus proche

578
d’elle parmi toutes les personnes présentes sur le campus. Elles avaient habité
ensemble quelque mois à la villa.

- Félicitations Mademoiselle Délavigna, dit Céssix en lui tendant la main.

- Merci, Madame la directrice, lui répondit sobrement Bucky en lui serrant la


main.

Un petit silence avant de délier leurs mains et Bucky initia un mouvement


vers ses parents avant d’être interpellée.

- Bucky ! Béhuit souhaitait vous offrir quelque chose pour votre diplôme,
ajouta Céssix.

La jeune diplômée se retourna vers sa directrice, curieuse. Un petit paquet


cartonné l’attendait, tout juste sorti du sac à main de Céssix.

- Je ne vous suit pas… répondit Bucky.

- Béhuit vous a mis sur son testament le lendemain de vos fiançailles. Il


voulait vous offrir quelque chose de particulier au cas où… il disparaîtrait avant ce
jour.

- Vous savez ce que c’est ? Demanda-t-elle, surprise que l’amour de sa vie


ait pensé à cette funeste éventualité de disparition avant qu’elle n’obtienne son
diplôme.

- Je vous laisse le soin de le découvrir se contenta de lui répondre la


trentenaire. Il a simplement dit que c’est ce qui lui a permis d’avoir la chance de
vous rencontrer et qu’elle vous revient de droit.

Alors qu’un embouteillage de diplômés commençait à se former à son


niveau pour cause de discussion à rallonge avec Céssix. Bucky se contenta de
prendre l’étui et de rejoindre ses parents pour tomber dans leurs bras. Ils étaient
tous les deux émus aux larmes, fière du succès de leur fille qui avait réussi à aller
au bout de ce cursus exigeant malgré une fin de parcours chaotique et éprouvante
psychologiquement.

- Je vois que Madame Sky t’a offert quelque chose, lui dit sa mère,
intéressée.

- Ça vient en fait de Béhuit, dit-elle fébrilement. Il avait prévu quelque chose


pour moi à mon diplôme.

579
Elle regarda avec attention le paquet, une inscription était présente ; "Tu
trouveras la suite près du gymnase de volley". L’écriture n’était pas celle de Béhuit.
Bucky l’avait identifié comme celle de Céssix. C’est elle qui avait dû emballer le
cadeau en question. Elle décida de ne pas l’ouvrir immédiatement pour une
accolade avec Antoine et Nolwenn, peu après elle dans l’ordre alphabétique de la
remise. Ils attendirent ensuite Lily, Glaème et Yvan pour se féliciter les uns, les
autres. Bucky n’échappa pas à une tendre bise de félicitations des parents de sa
meilleure amie. C’était fait, ils passaient officiellement anciens élèves de l’E2C. Un
dernier alignement de tous les promus de l’année pour le traditionnel lancer des
coiffes en l’air et chacun quitta l’esplanade plus ou moins rapidement.

Le groupe de Bucky décida de faire une dernière halte au gymnase. Elle


devait de toute manière s’y rendre. Arrivée sur les lieux, elle ouvrit le cadeau laissé
à son intention sous le regard attentif de Nolwenn, Antoine, Lily, Yvan, et Glaème.
Une clé de voiture qu’elle reconnut sans difficulté avec un petit mot. L’écriture de
Béhuit cette fois-ci ; "Cette voiture fait partie de notre histoire, j’espère quel que soit
l’usage que tu en fais, qu’elle contribuera à te faire avancer dans la vie. C’est ma
dernière contribution pour la vie exceptionnelle qui t’attend. Vis ta vie à fond !". Elle
regarda en direction du parking du gymnase ; l’Audi A5 de Béhuit était garée et
comme flambant neuve malgré un âge avancé. La voiture avait dû passer entre les
mains de professionnels pour être restaurée. Plus de trace de son précédent
méfait avec, que Béhuit tardait à réparer, et une peinture blanc brillant entièrement
refaite.

Sans cette voiture, quasiment identique à celle de Creth, Bucky n’aurait


jamais pu approcher Béhuit comme elle l’avait fait et ils ne se seraient peut-être
jamais mis ensemble. C’était aussi la voiture avec laquelle ils avaient vécu leur vie
de couple, leurs premières vacances.

- Deux voitures, ça va te faire un peu beaucoup, lui signala Antoine. Surtout


si tu pars à New-York !

- J’ai vécu des choses extraordinaires grâce à cette voiture, je ne m’en


séparerais pas, même si elle aussi âgée que moi ! Répondit Bucky.

Pour la dernière fois, ils décidèrent d’entrer dans le gymnase. Le terrain de


volley y était encore installé. Antoine ne put s’empêcher de s’émouvoir sous un
tendre baiser dans le cou de Glaème. Des souvenirs remontaient chez les
étudiants présents. Du côté de Bucky, il faisait principalement référence à Béhuit.
Chacun raconta tour à tour ses anecdotes avec rires et émotions sur ce qu’ils
avaient vécu ici, puis le moment de quitter définitivement le campus arriva. Bucky

580
confia les clés de sa voiture électrique à Nolwenn pour qu’elle puisse rentrer chez
les Donerm avec Antoine et Glaème où ils devaient tous se retrouver.

- Tu ne veux pas que je t’accompagne dans l’Audi et qu’on laisse Antoine


conduire ta voiture ? Proposa Nolwenn.

- Je ne vous rejoins pas tout de suite, répondit Bucky.

- Où vas-tu ? Demanda Antoine.

- J’ai besoin de passer quelque part avant.

- Tu es sûr que tu ne veux pas que je t’accompagne ? Réitéra Nolwenn dont


l’inquiétude transparaissait sur son visage.

Bucky répondit par l’affirmative d’un signe de tête. Personne n’insista plus.
Ses amies devaient se douter que c’était en rapport avec Béhuit et il ne se trompait
pas. Bucky, pour la première fois, éprouvait le besoin de se rendre où les cendres
de Béhuit avaient été entreposées, dans un caveau du cimetière de Cley. Elle ne
s’y était encore jamais rendue jusqu’ici.

***

L’étudiante fraîchement diplômée n’eut que peu de mal à identifier la


parcelle réservée à Béhuit. Des fleurs et messages en quantité y trônaient encore
pour le remercier pour son sacrifice. Il était bien évidemment mort, mais elle
souhaitait lui parler, seul-à-seul, et quel meilleur endroit qu’ici pour le faire.

- Salut Béhuit… Je suis désolée de ne pas être passée avant. Je n’en avais
tout simplement pas la force. Je suis fraîchement diplômée de l’E2C et je suis
venue avec ton Audi, cadeau supplémentaire de ta part. Cela fait plus d’un mois
que tu nous as quittés et chaque journée est toujours aussi difficile à vivre pour
moi… si tu savais comme tu me manques. J’ai bien reçu ta vidéo posthume à mon
attention. Tu me dis d’y faire de toi mon passé, de continuer en profitant. Mes
parents me disent que le temps permettra de cicatriser. Mes amis me disent qu’il
faut tourner la page et reprendre en main mon avenir, Céssix me dit que je finirai
par oublier… mais… vous vous trompez tous ! Pour moi, la meilleure façon de
passer à autre chose… c’est de connaître la vérité ! Je veux savoir ce qui s’est
réellement passé et pour quelles raisons. Je veux savoir pourquoi et qui t’obligeait

581
à faire ce que tu faisais. Je veux comprendre pourquoi l’U3I nous a tous mis au
secret et ce qu’on nous cache. Je veux connaître ta vie avant de me rencontrer et
le meilleur moyen de le faire… c’est d’entrer moi-même à l’Union Internationale
d’Investigations et d’Interventions. Je ne passerai pas à autre chose avant d’avoir
les réponses que je recherche, je ne parviendrai pas à refaire ma vie sans savoir !

Bucky avait pris sa décision. La danse ne serait pas sa priorité ces


prochaines années, bien que cela soit sa passion. Il fallait qu’elle se renseigne pour
savoir comment postuler à l’U3I, mais elle ne doutait pas de pouvoir le faire. Après
tout, un Bachelor d’excellence campus ouvrait officiellement toutes les portes et
le siège européen de la structure se trouvait à Paris !

***

Bucky Arriva la dernière pour la petite fête chez les Donerm pour clôturer
l’année scolaire et l’obtention des diplômes. Nolwenn se précipita vers elle.

- Est-ce que tout va bien ? Demanda-t-elle à Bucky, anxieuse.

- Je vais bien Nolwenn. J’avais simplement besoin de réfléchir.

La fille Délavigna fut accueillie par tous les présents ; ses parents, la famille
Donerm au complet, Glaème, Lily et Anita, accompagnées de leurs parents. Elle
était visiblement attendue pour que la fête commence réellement, pourtant elle
s’isola de nouveau rapidement et discrètement pour passer un appel. Elle avait
décidé de complètement changer ses projets pour la rentrée suivante.

Bucky ne réapparut qu’une dizaine de minutes plus tard. Son père se pressa
à sa rencontre. Le comportement de sa fille le tracassait clairement. Bucky s’en
aperçu immédiatement.

- Tout va bien ma fille ? Demanda-t-il.

- Oui papa, j’ai simplement pris une décision concernant mon avenir.

Son père la regarda avec insistance en plissant les yeux. Il appréhendait les
dires de sa fille. Sans même répondre, il fit comprendre à sa fille de développer le
fond de sa pensée.

- Je préférerais un appartement à Paris… plutôt qu’à New-York, dit-elle.

582
- Bucky, je sais que la mort de Béhuit t’a affectée et c’est tout à fait normal,
mais ne gâche pas ton avenir à New-York pour lui. Ce n’est pas ce qu’il souhaitait.

- Papa, Béhuit a profondément bouleversé ma vie et j’aime à croire qu’il


m’invite vers une autre voie que je dois prendre, sinon je ne parviendrai pas à m’en
remettre, tu comprends ?

- Quelle est ton idée ?

- J’ai un nouvel entretien prévu au Moulin Rouge, demain. Béhuit rêvait que
je danse dans ce cabaret… je veux lui offrir ce cadeau ! Je sens qu’il fait partie de
moi… et en moi, il est encore un peu en vie.

- Ta mère et moi n’arriverons pas à te faire changer d’avis, je présume ?

Le père de Bucky connaissait très bien sa fille qui avait toujours été
indépendante dans ses choix. D’un simple geste de la tête, elle lui fit comprendre
qu’il était inutile d’essayer de la faire revenir sur sa décision.

- J’étais plus Time square-Broadway que Montmartre-Pigalle pour un


appartement, mais nous t’avons promis de t’acheter un pied-à-terre.

Elle prit son père dans ses bras. Elle eut le droit à un tendre bisou paternel
en retour.

- Papa, je sais que cela n’était pas non plus prévu, mais je vais peut-être
aussi continuer mes études en plus du Moulin Rouge.

- Tu vas réussir à gérer les deux ?

- Je ne demanderai pas un plein-temps au Moulin Rouge afin d’y parvenir.

- Et quelles études ?

- Je ne sais pas encore réellement, elles devront simplement me servir de


tremplin pour un objectif plus lointain, je ne préfère pas t’en dire plus pour le
moment.

- Quoi que tu fasses ma fille, ta mère et moi, nous serons toujours fiers de
toi !

Encore une étreinte avant que son père rejoigne sa mère, et qu’elle, se dirige
vers Nolwenn pour lui demander un aparté. Nolwenn semblait intriguée par la
demande de son amie.

583
- Je voulais savoir si tu avais des nouvelles pour septembre ? Lui demanda
Bucky.

- L’ENVA n’attendait plus que mon diplôme pour me confirmer une place
directement en troisième année, je leur envoie mon certificat de réussite dès ce
soir, répondit-elle.

L’Ecole National Vétérinaire d’Alfort avait toujours été le but ultime de


Nolwenn en entrant à l’E2C. Aussi loin que Bucky s’en souvienne, sa meilleure amie
avait toujours voulu s’occuper des animaux. Désormais diplômée d’un campus
d’excellence, quoi de plus logique pour elle que de vouloir devenir vétérinaire.

- Et tu vas faire tous les jours le trajet Cley-Maisons-Alfort ?

- J’en ai bien peur, mes parents me cherchent une voiture pas trop chère,
car j’en ai pour plus d’une heure trente en transport en commun contre moins d’une
heure si je suis véhiculée. J’ai bien essayé de me trouver un studio pour me
rapprocher, mais c’est totalement hors budget familial.

- J’ai peut-être une solution des plus économiques à te proposer…

Nolwenn la regardait avec intérêt. Le facteur pécunier de ses prochaines


études vétérinaires était clairement une épine dans le pied dans son avenir.

- Tu as toute mon attention, développes, répondit-elle.

- Nolwenn, je ne pars plus à New-York pour le moment. Je vais rester à Paris,


pour notamment travailler au Moulin Rouge… alors je me disais tout simplement
que l’on pourrait se trouver un logement à Paris.

- Tu ne pars plus à New-York ? Un logement ensemble à Paris ? S’exclama


Nolwenn un peu perdu face à l’afflux d’informations.

- Oui, tu as bien entendu, je souhaite finalement accepter la proposition de


poste au Moulin Rouge. Mes parents vont donc me prendre un appartement à
Paris. Si tu viens habiter avec moi, tu n’auras que le métro à prendre ! Rapide et
économique…

- Bucky, mes parents n’auront jamais les moyens de te payer un loyer


Parisien…

- Je ne t’ai jamais parlé d’argent ! J’ai tout de même le droit d’héberger une
amie à titre gracieux dans mon futur chez moi !

584
Nolwenn exulta de joie, voyant son principal souci s’envoler grâce à sa
meilleure amie.

- On va continuer à vivre ensemble alors ! Sourit Nolwenn.

- Attention ! Nous n’habiterons pas seuls et j’ai aussi un intérêt caché à te


voir venir vivre dans mon futur appartement.

Nolwenn la regardait en souriant. Elle connaissait parfaitement sa meilleure


amie avec qui elle allait encore vivre probablement quelques années de plus. Elle
sentait une touche d’humour arriver.

- Paillette va venir vivre aussi avec nous ! Je vais avoir besoin de quelqu’un
pour s’occuper de sa santé.

- Vu les portions que tu lui donnes à manger, je vais avoir intérêt à surveiller
tout ça de près au risque que ton chat finisse rapidement obèse, rigola Nolwenn.

C’était fait ! Bucky avait sa ligne directrice toute tracée, planifiée. Ne lui
restait plus qu’une chose à faire ; savoir comment intégrer l’U3I de manière plus
précise. Elle était déterminée à savoir qui était véritablement l’amour de sa
vie ainsi que les causes réelles de sa mort. Paradoxalement, c’était la seule façon
pour elle de passer à autre chose.

585

Vous aimerez peut-être aussi