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BOUDRAOUI
(CC BY-NC-ND 2.0)
UNIVERSITE CLAUDE BERNARD-LYON I
U.F.R. D'ODONTOLOGIE

Année 2021 THESE N° 2021 LYO 1D 010

THESE
POUR LE DIPLOME D'ETAT DE DOCTEUR EN CHIRURGIE DENTAIRE

Présentée et soutenue publiquement le : 09 Mars 2021

par

BOUDRAOUI Lenny

Né le 03 octobre 1995, à Lyon (69)

_____________

Reconstitution de la dent dépulpée : reconstitutions adhésives céramiques et


reconstitutions corono-radiculaires collées

______________

JURY

Monsieur Jean-Jacques MORRIER, Professeur des Universités Président

Monsieur Pierre FARGE, Professeur des Universités Assesseur

Monsieur Bruno COMTE, Maître de Conférences Assesseur

Monsieur Christophe JEANNIN, Maître de Conférences Assesseur

Madame Cheraz TAFROUNT, Assistant Assesseur

1
BOUDRAOUI
(CC BY-NC-ND 2.0)
UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON I

Administrateur provisoire M. le Professeur F. FLEURY


Président du Conseil Académique M. le Professeur H. BEN HADID
Vice-Président du Conseil d’Administration M. le Professeur D. REVEL

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FACULTE D'ODONTOLOGIE DE LYON

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Vices-Doyens : M. Jean-Christophe MAURIN, Professeur des Universités


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ECONOMIE DE LA SANTE – ODONTOLOGIE LEGALE

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FONCTION-DYSFONCTION, IMAGERIE, BIOMATERIAUX

Professeurs des Universités : M. Pierre FARGE, Mme Brigitte GROSGOGEAT,


M. Jean-Christophe MAURIN, Mme Catherine MILLET, M. Olivier
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JEANNIN, Mme Marion LUCCHINI, M. Renaud NOHARET, M.
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Gilbert VIGUIE

Maîtres de Conférences Associés M. Hazem ABOUELLEIL,

SECTION 87 : SCIENCES BIOLOGIQUES FONDAMENTALES ET CLINIQUES


Maître de Conférences Mme Florence CARROUEL

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BOUDRAOUI
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A notre président du jury :

Monsieur le Professeur MORRIER Jean Jacques,

Professeur des Universités à l'UFR d'Odontologie de Lyon

Praticien-Hospitalier

Docteur en Chirurgie Dentaire

Maître en Biologie Humaine

Docteur de l'Université Lyon I

Habilité à Diriger des Recherches

Responsable de la sous-section Odontologie Pédiatrique

Nous sommes très sensibles à l’honneur que vous


nous faites de présider notre thèse.

Veuillez recevoir nos remerciements les plus


sincères pour votre disponibilité́ et pour le
dévouement dont vous avez fait preuve durant notre
cursus universitaire et hospitalier.

Voyez dans ces quelques pages l’expression de


notre profond respect et nos remerciements pour ces
dernières années à vos côtés.

4
BOUDRAOUI
(CC BY-NC-ND 2.0)
A notre juré et directeur de thèse :

Monsieur le Professeur Pierre FARGE,

Professeur des Universités à l'UFR d'Odontologie de Lyon

Praticien-Hospitalier

Docteur en Chirurgie Dentaire

Docteur en Sciences Odontologiques

Docteur de l'Université Lyon I Docteur en Sciences Cliniques (Ph.D) de l'Université de


Montréal

Habilité à Diriger des Recherches

Vous avez eu la gentillesse d’accepter de diriger


ce travail, nous vous remercions pour votre
accompagnement et votre implication.

Vous nous avez encadré dans le service de


polyclinique pendant notre dernière année d’étude
clinique. Pour le soutien, l’envie de transmettre,
votre exigence, votre pédagogie et la gentillesse
dont vous faites preuve, nous vous en sommes très
reconnaissants.

Veuillez accepter notre sincère reconnaissance


pour l’apprentissage de votre discipline ainsi que
pour votre aide dans la réalisation de ce travail.

5
BOUDRAOUI
(CC BY-NC-ND 2.0)
A notre juré :

Monsieur le Docteur COMTE Bruno,

Maître de Conférences à l'UFR d'Odontologie de Lyon

Praticien-Hospitalier

Docteur en Chirurgie Dentaire

Docteur de l'Université Lyon I

Responsable de la sous-section Prévention

Merci de nous faire l’honneur d’assister à notre


thèse.

Merci pour votre professionnalisme et votre


gentillesse au quotidien. Vous nous avez transmis
votre savoir-faire et savoir-être sans compter.

Veuillez trouver dans ce travail, l’expression de


notre profonde reconnaissance.

6
BOUDRAOUI
(CC BY-NC-ND 2.0)
A notre jurée :

Madame la Docteur JEANNIN Christophe,

Maître de Conférences à l'UFR d'Odontologie de Lyon

Praticien-Hospitalier

Docteur en Chirurgie Dentaire

Docteur de l'Institut National Polytechnique de Grenoble

Merci de nous faire l’honneur d’assister à notre


thèse.

Pendant nos années d’études pré́ -cliniques et


cliniques, vous avez bien voulu partager votre
expérience et nous transmettre votre passion pour la
discipline. Nous n’oublierons jamais la grande
pédagogie dont vous avez fait preuve à notre égard.

Veuillez trouver dans ce travail, l’expression de


notre profonde gratitude.

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(CC BY-NC-ND 2.0)
A notre jurée :

Madame la Docteur TAFROUNT Cheraz,

Assistant hospitalo-universitaire au CSERD de Lyon

Docteur en Chirurgie Dentaire

Merci de nous faire l’honneur d’assister à notre


thèse.

Pendant nos années d’études cliniques, vous avez


fait preuve de patience et de pédagogie. De plus, vos
précieux conseils et votre disponibilité ont contribué
à l'amélioration de notre prise en charge des
patients au quotidien.

Veuillez trouver dans ce travail, l’expression de


notre profonde gratitude.

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BOUDRAOUI
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Table des matières
I. Introduction................................................................................................................ 11
II. Caractéristiques de la dent dépulpée......................................................................... 12
1. Modification physico-chimiques des tissus durs ................................................................. 13
2. Les modifications neurosensorielles provoquées par la perte de la pulpe dentaire ............. 14
3. Fragilité de la dent dépulpée principalement due à la perte de substance .......................... 15
A. Due au traitement endodontique et à la carie ..................................................................... 15
B. Due à la préparation du logement canalaire (mise en forme pour tenon) .......................... 16
III. Reconstitution collée et critères décisionnels : notion de bio-mimétisme ................ 19
1. Principes de bio-mimétisme et de gradient thérapeutique ................................................. 19
2. RCR collées. ....................................................................................................................... 21
A. Rappel sur les forces occlusales ............................................................................................ 21
B. RCR Coulée ............................................................................................................................ 23
C. Terminologie ......................................................................................................................... 24
D. Indications ............................................................................................................................. 25
E. Quel tenon sélectionner ? ..................................................................................................... 25
a. Les tenons en fibre de quartz .......................................................................................................... 26
b. Les tenons en fibre de verre ou silice ............................................................................................. 26
c. Les tenons en fibre de carbone ....................................................................................................... 27
F. Avantages des RCR à tenons fibrés ....................................................................................... 27
3. Restaurations adhésives en céramique et composite ......................................................... 29
A. Inlay/onlay et overlay ........................................................................................................... 30
a. Terminologie ................................................................................................................................... 30
b. Indications ....................................................................................................................................... 31
c. Critère décisionnel........................................................................................................................... 32
B. Endocouronne ....................................................................................................................... 33
a. Terminologie ................................................................................................................................... 33
b. Critères décisionnels ...................................................................................................................... 34
c. Indications ....................................................................................................................................... 35
d. Taux de succès et viabilité. ............................................................................................................. 36
C. Facette ................................................................................................................................... 37
a. Terminologie ................................................................................................................................... 37
b. Indications ....................................................................................................................................... 38
c. Critères décisionnels ....................................................................................................................... 39
D. Avantage des reconstitutions adhésives céramiques. .......................................................... 40
4. Arbre décisionnel entre les différentes reconstitutions collées ........................................... 42
IV. Choix du système de collage et de la technique d’empreinte.................................... 43
5. Choix du système d’empreinte ........................................................................................... 43
A. Empreinte physique .............................................................................................................. 44
B. Empreinte optique ................................................................................................................ 45
C. Comparaison des systèmes d’empreintes ............................................................................ 48
6. Problématique du collage de la dent dépulpée................................................................... 49
A. Quelle colle utiliser ? ............................................................................................................. 51
a. Par leur mode de prise .................................................................................................................... 51
b. Par leurs propriétés adhésives ........................................................................................................ 52
1. Les colles sans potentiel adhésif : les composites de collage .................................................... 52
2. Les colles avec potentiel d’adhésion propre : les colles complexes........................................... 53
3. Les colles auto-adhésives ........................................................................................................... 54
B. Quel protocole de collage utiliser ? ...................................................................................... 55
a. Etape préalable ............................................................................................................................... 56
b. La préparation dentaire .................................................................................................................. 57

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Nettoyage des surfaces dentaires ...................................................................................................... 57
Choix de l’adhésif ............................................................................................................................... 57
Préparation de la dent à proprement parler ..................................................................................... 58
c. La préparation de l’intrados prothétique ........................................................................................ 59
d. Le collage à proprement parler ....................................................................................................... 60

V. Conclusion ................................................................................................................. 62
VI. BIBLIOGRAPHIE ........................................................................................................ 63

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BOUDRAOUI
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I. Introduction

La reconstitution des dents dépulpées constitue un défi quotidien pour le


chirurgien-dentiste. Compte tenu de la diversité́ des situations cliniques, des
caractéristiques mécaniques de la dent dépulpée et des nombreuses propositions
thérapeutiques existantes aujourd’hui, il est difficile d’obtenir un consensus large sur les
méthodes et conduites à suivre concernant la restauration de la dent dépulpée, qui reste
une décision clinique avant tout.

Néanmoins, les habitudes des praticiens et leur formation antérieure initiale


aboutissent souvent à des préparations coronaires périphériques complètes couplées à des
ancrages radiculaires. Celles-ci fragilisent les structures dentinaires et amélaires
résiduelles : elles ne sont donc pas toujours adaptées à la situation clinique.

En effet, les études récentes sur les dents dépulpées ont permis de mettre en évidence
que celles-ci ne sont pas significativement plus fragiles que les dents vitales. Seule la perte
de substance joue un rôle déterminant dans la fragilisation de la dent.

La préservation tissulaire et les reconstitutions collées des dents dépulpées sont


aujourd’hui des impératifs de l’économie tissulaire et les systèmes de conception
(empreinte optique, conception et fabrication assistées par ordinateur) et de collage sont
de plus en plus élaborés.

Dans ce travail, nous tenterons de savoir si la systématisation du collage dans la


reconstitution de la dent dépulpée permet de pérenniser les structures résiduelles et les
reconstitutions choisies (reconstitutions corono-radiculaires collées et reconstitutions
adhésives céramiques).

Pour cela, nous nous intéresserons dans un premier temps aux caractéristiques de la
dent dépulpée afin de définir ce qui influe sur sa fragilité. Dans une deuxième partie,
nous développerons les différentes reconstitutions adhésives céramiques pour proposer
un arbre décisionnel relatif à ces différentes techniques. Dans une dernière partie, nous
comparerons les différentes techniques d’empreinte (classique, CFAO) et nous tenterons

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BOUDRAOUI
(CC BY-NC-ND 2.0)
de répondre à la problématique du collage sur la dent dépulpée avec un protocole
accessible efficace.

II. Caractéristiques de la dent dépulpée

La dent dépulpée présente la particularité de pouvoir se maintenir sur l’arcade


malgré la suppression de son principal constituant nutritif : la pulpe. C’est le parodonte
qui assure la persistance de la dent dans l’os. Il s’agit d’un phénomène unique dans
l’organisme pour un tissu calcifié.

Quelle qu’en soit la cause, la perte du parenchyme pulpaire et le traitement


endodontique associé vont engendrer des modifications au sein de l’organe dentaire lui-
même (dentine et émail) engendrant des caractéristiques nouvelles d’une dent dépulpée
pouvant être définie comme suit :

- Acellulaire : la disparition des cellules pulpaires et odontoblastiques laisse un tissu


organo-minéral inerte ;
- Dyschromies-susceptible : les modifications interne et externe engendreront à
terme une variation de teinte ;
- Traitement susceptible : les thérapeutiques nécessaires à la préservation tissulaire
associées aux thérapeutiques endodontiques laisseront des séquelles de traitement.

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(CC BY-NC-ND 2.0)
1. Modification physico-chimiques des tissus durs

« Du point de vue qualitatif, il a été longtemps supposé que la dent non vitale était
plus fragile en raison d’une diminution de sa quantité en eau ». (1) La littérature étaye le
concept d’une perte liquidienne d’environ 9% pour les dents dévitalisées, mais il est à
noter que seul le contenu en eau libre, et non l’eau liée aux tissus, est modifié. (Helfer et
Al, 1972). Ainsi, la résistance mécanique en tension ou en compression de la dentine
canalaire reste inchangée. (Papa et Cain) (2)

En revanche, les irrigants endodontiques et agents thérapeutiques tels que


l’hypochlorite de sodium (NAOCL) l’EDTA ou l’hydroxyde de calcium, exercent des
interactions chimiques sur le contenu de la dentine canalaire, qu’il soit minéral ou
organique.

En effet, d’après l’étude de Salah et Al (2019)(3), ces irrigants auraient une action
protéolytique engendrant une fragmentation du collagène dentinaire. Les auteurs
concluent que l’utilisation de solutions d’irrigation réduit la micro-dureté de la dentine
canalaire et altère la qualité du collage ultérieur.

A l’inverse, des désinfectants comme l’eugénol et le formocrésol augmentent la


résistance à la traction de la dentine, par une coagulation et une chélation avec
l’hydroxyapatite. La dureté n’est, quant à elle, pas influencée par ces produits.

Néanmoins, les données recueillies durant ces études n’ont pas pu mettre en évidence
un réel lien de causalité entre modification des tissus durs suite au traitement
endodontique et fragilité de la dent dépulpée. Ces modifications, bien que présentes, sont
trop faibles pour en tirer des conclusions tangibles.

13
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(CC BY-NC-ND 2.0)
2. Les modifications neurosensorielles provoquées par la perte de la pulpe
dentaire

L’absence de pulpe liée au traitement endodontique entraine une perte des ressources
nutritives et des fonctions physiologiques. Le renouvellement hydrique n’est plus assuré
et la dent n’est plus capable de se défendre. Les tissus dentaires persistant se transforment
en une structure microporeuse organo-minérale demeurant seulement une barrière
physique entre le milieu intérieur et extérieur.(4)

De plus, nous observons une perte des récepteurs intra-pulpaires entrainant une
altération neurosensorielle de protection de la dent dépulpée ainsi qu’une altération de la
proprioception. La circulation des fluides dentinaires, due à une stimulation occlusale,
n’est plus assurée et la proprioception est modifiée.

L’étude de Randow et Glantz(5) du seuil de douleur d’une dent saine par rapport à
une dent dépulpée lors de l’application d’une charge occlusale met en évidence que ce
seuil est deux fois supérieur pour les dents ayant eu un traitement endodontique.

La dent dépulpée pouvant ainsi être soumise à des forces occlusales supérieures par
rapport à une dent saine, il est donc primordial de reconstituer et de renforcer les
structures restantes pour assurer la pérennité sur l’arcade. (1)

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(CC BY-NC-ND 2.0)
3. Fragilité de la dent dépulpée principalement due à la perte de substance

A. Due au traitement endodontique et à la carie

L’étude de Saberi et Al (2020), s’intéresse à la rigidité de la dent dépulpée par rapport


à une dent saine de toute agression et de toute instrumentation. De plus, elle étudie les
facteurs qui influent sur cette différence de rigidité, plus particulièrement en fonction des
étapes du traitement endodontique et du délabrement due à la carie.(6)

Pour ce faire, 42 prémolaires ont ainsi été réparties dans plusieurs groupes en fonction
de leur état de délabrement :
- Dent saine ;
- Cavité d’accès ;
- Cavité d’accès et perte de crête marginale ;
- Instrumentation endodontique.

Figure 1 : 36 avant et après traitement endodontique


(mise en évidence d’un affaiblissement de la paroi mésiale).

Ils ont ainsi pu établir :


- Perte de seulement 5% de la rigidité lors de l’instrumentation endodontique ;
- Elimination de la dentine radiculaire par mise en forme radiculaire (la perte de
substance restant faible) :
 Perte de 20% lors de la réalisation de la cavité d’accès ;
 46% de perte de crête marginale et de cavité d’accès ;
 68% de perte des 2 crêtes et cavité d’accès. (CF figure 2 et 3)

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(CC BY-NC-ND 2.0)
Figure 4 : Représentation des résultats de l’étude de Saberie et Al 2020 :
- 5 % de perte de rigidité pour une cavité occlusale ;
- 20 % de perte de rigidité pour une cavité occlusale associée à une cavité d’accès ;
- 46 % de perte de rigidité pour une perte de crête marginale associée à une cavité d’accès ;
- 63 % de perte de rigidité pour une perte de 2 crêtes marginales associées à une cavité d’accès.

Il apparait pour ces auteurs que la force et la résistance dentaire sont inversement
proportionnelles à la perte de substance coronaire et radiculaire.

B. Due à la préparation du logement canalaire (mise en forme pour tenon)

Les dents traitées endodontiquements présentent un état de délabrement élevé. Les


reconstitutions corono-radiculaires, qu’elles soient collées ou scellées, sont alors utilisées
pour permettre de palier aux manques de rétention de la dent dépulpée. Elles assurent
ainsi l’étanchéité et la pérennité de la restauration définitive.

La mise en place des reconstitutions corono-radiculaires passe par la préparation du


système canalaire par ancrage, entrainant plusieurs risques de fragilisation de la dent :

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- Le premier risque concerne les aléas thérapeutiques lors de la préparation du
logement. En effet, une déviation d’axe au cours du forage peut entrainer une
perforation du plancher (strip-perforation) ou au niveau radiculaire ayant pour
conséquence une perte d’étanchéité et une fragilisation des structures
résiduelles(7) ;

- L’ancrage étant pérennisé par une technique rigoureuse soumise aux règles
d’élargissement canalaires, ci-après exposées :
• Les 2/3 de la hauteur de la racine doivent être désobturés ;
• L’extrémité de la racine doit rester obturé sur au moins 3 mm pour éviter la
dissolution du matériau d’obturation canalaire ;
• La longueur du tenon radiculaire doit être au moins égale à la hauteur de
la couronne reconstituée ;
• La largeur du canal doit être égale au 1/3 du diamètre mésiodistal de la
racine.

Figure 5 : Perforation radiculaire lors de la préparation du logement canalaire

- Le second risque survient plus tard, une fois que la dent a été remise en fonction.
En effet, la préparation du logement canalaire réduit l’épaisseur des parois
radiculaires. La dentine résiduelle y est plus fine et donc plus fragile. Certaines
études ont montré que la préparation canalaire créait des points de fragilité
aboutissant de manière significative à des fractures radiculaires. Ce risque
augmente si l’axe du forage n’est pas parfaitement respecté(8) ;

17
BOUDRAOUI
(CC BY-NC-ND 2.0)
- De plus, le module d’élasticité des ancrages métalliques est supérieur aux
structures dentinaires résiduelles. Les contraintes seront transmises aux tissus de
soutien, en particulier au niveau de l’extrémité du tenon. Le risque de fracture est
ici maximal ;

- Les alliages non précieux utilisé dans la réalisation d’ancrages sont exposés à la
corrosion intra radiculaire, cette dernière pouvant entrainer une résorption
dentinaire compromettant le pronostic de la dent(9).

Figure 6 : Fracture radiculaire sous prothétique avec élément intra-canalaire surdimensionné (image
radiologique et clinique). D’après le Dr M. Himmiche 2001.

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III. Reconstitution collée et critères décisionnels :
notion de bio-mimétisme

La résistance des tissus dentaires est inversement proportionnelle à sa perte de


substance coronaire et radiculaire. La conservation tissulaire, notamment en zone
cervicale (pour créer un effet de férule), puis l’utilisation de procédures adhésives au
niveau coronaire et radiculaire permettraient de pérenniser les tissus résiduels ainsi que
les restaurations. Pour ceci, il est nécessaire d’utiliser des matériaux de pilier et de
noyaux ayant des propriétés physiques et mécaniques proches de la dent naturelle.

1. Principes de bio-mimétisme et de gradient thérapeutique

Le concept de bio-mimétisme consiste à imiter et reproduire les formes, matières,


propriétés et processus du vivant. En dentisterie, le modèle de base sera donc la dent
naturelle intacte qui a très peu évolué au fil du temps.
Il offre à l’opérateur la possibilité de restaurer l’intégrité biomécanique, structurelle et
esthétique de la dent.
L’objectif des restaurations s’appuyant sur le principe de bio-mimétisme appliqué à la
dent dépulpée ne sera donc pas de créer des matériaux toujours plus résistants, mais
plutôt de développer des matériaux se rapprochant le plus des propriétés mécaniques et
biologiques des tissus dentaires (dentine et émail).

Les reconstitutions adhésives céramiques et reconstitutions corono-radiculaires


collées semblent donc être des solutions thérapeutiques de choix pour ce qui est de la
reconstitution de la dent dépulpée, alliant esthétisme et préservation tissulaire.
L’évolution des techniques adhésives permettant le collage de la céramique dans des
situations de plus en plus périlleuses.

Néanmoins, les diverses situations cliniques ne le permettent pas toujours. S’appuyer


sur des critères décisionnels nombreux et précis permet de poser la bonne indication et
d’assurer ainsi la pérennité des soins.

19
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(CC BY-NC-ND 2.0)
Les critères de décision clinique sont :
- L’occlusion ;
- La localisation de la dent (antérieure/postérieure) ;
- Les tissus résiduels ;
- D’éventuelles para-fonctions ;
- L’esthétique ;
- Les limites de préparation ;
- L’hygiène et l’accord du patient.

De la notion de bio-mimétisme va découler la notion de gradient thérapeutique.


L’idée principale de ce gradient est que les choix thérapeutiques doivent se faire dans un
souci de préservation maximale des tissus dentaires, de la moins mutilante à la plus
mutilante, afin de retarder au maximum l’extraction dentaire (Figure 7). Le praticien
devra faire tout ce qui est en son pouvoir pour utiliser les thérapeutiques les plus à gauche
du gradient quel que soit l’âge du patient.

Il est donc souvent conseillé d’associer plusieurs thérapeutiques, en commençant par


la moins mutilante, en évaluant le résultat avec le patient(10).

Figure 7 : Graphique représentant le principe de gradient thérapeutique pour les traitements esthétiques.
D’après Tirlet et Attal, 2009.

20
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Les reconstitutions corono-radiculaires et coronaires collées post traitement
endodontique répondent de manière satisfaisante à ces deux principes, mais ne pourront
pas toujours être proposées en première intention en fonction du tableau clinique(11).

Figure 8 : Graphique représentant le gradient thérapeutique adapté au dents traitées endodontiquement.


D’après Boudraoui Lenny 2020.

Ce graphique appliqué au reconstitutions coronaires et corono-radiculaires collées


illustre la notion gradient thérapeutique dans la restauration d’une dent traitée
endodontiquement.
Il met en évidence les différentes solutions thérapeutiques de la moins délabrante
(inlay/onlay) à la plus mutilante (reconstitution corono-radiculaire complète). Le
praticien devra poser l’indication en s’appuyant sur les critères décisionnels cités
précédemment pour respecter ce principe.

2. RCR collées.

A. Rappel sur les forces occlusales

L’occlusion maintient les arcades en équilibre et assure un confort au patient. Les


dents maxillaires et mandibulaires s’affrontant jusqu’à 2000 fois par jour, essentiellement
au cours des repas, les forces appliquées sur celles-ci sont considérables (entre 100 et
200N).

21
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De plus, en nous appuyant sur l’étude de Raidow et Glandz (1986)(5), nous avons
pu mettre en évidence le fait que les forces appliquées sur une dent dépulpée sont plus
importantes que sur une dent saine.

La sélection du système RCR et des matériaux d’assemblage les plus adéquats


constituent donc un véritable challenge pour assurer une transmission équilibrée des
forces occlusales, afin de pérenniser les structures prothétiques et de maintenir la dent sur
l’arcade le plus longtemps possible. Pour ce faire, les aspects suivant de la RCR entrent
en compte :
- Le module d’élasticité ;
- La biocompatibilité ;
- La résistance à la corrosion ;
- L’esthétique.

De plus, les tenons variant selon leur indication de forme et de longueur, les forces
transmises aux structures radiculaires résiduelles varient aussi :

- La forme conique permet une préservation tissulaire maximale. Néanmoins,


l’adhésion y est trop faible, même pour un tenon collé. Il faudra donc préparer la
dent à une longueur suffisante pour que la rétention soit satisfaisante. Elle est
plutôt indiquée pour les incisives et canines maxillaires présentant de longues et
fines racines ;

- La forme cylindrique permet une grande rétention, malgré un forage sur une
courte longueur du fait de son parallélisme avec les parois. Néanmoins, elle
fragilise les structures dentinaires résiduelles du fait d’un forage important en
largeur. Le risque de fracture radiculaire latéral est important. Elle sera donc
indiquée pour les dents présentant des racines larges et courtes ;

22
BOUDRAOUI
(CC BY-NC-ND 2.0)
- La forme cylindro-conique est le bon compromis entre les deux formes
précédentes, puisqu’elle permet une préservation tissulaire satisfaisante ainsi
qu’une bonne rétention et une distribution optimale des forces ;
- Les tenons anatomiques qui, contrairement aux autres tenons, vont avoir une
anatomie semblable à la forme de la préparation canalaire. Ils seront indiqués
pour les dents présentant une anatomie canalaire particulière, tels que les canaux
ovalaires ou aplatis fortement représentés au niveau des prémolaires.

Figure 13 : Les différentes formes de tenons en fibre de quartz. D’après Idrissi Janati 2008

B. RCR Coulée

Pendant des années, la référence était la reconstitution corono-radiculaire coulée ou


inlay core métallique. Ce geste a même été standardisé, entrainant la réalisation quasi-
systématique d’inlay-core sur dents antérieures et postérieures dans le but de couronner la
dent pour la protéger.

L’assemblage des inlay core est réalisé par le scellement des structures. L’interface
d’assemblage est donc complexe puisqu’elle met en jeu ciment tenon et dentine.

En nous basant sur les critères de choix d’une RCR et sur l’étude de Aggarwal et Al
(2013)(12), nous comprenons que cette technique est aujourd’hui dépassée puisque le
risque de fracture des structures résiduelles est trop important, l’intégration esthétique
n’est pas satisfaisante et les risques de corrosion liés à l’utilisation de structure métallique
non noble peuvent entrainer des résorptions au niveau radiculaire.

23
BOUDRAOUI
(CC BY-NC-ND 2.0)
Le concept a donc évolué pour laisser place aux RCR collées grâce à de nombreux
facteurs :
- Le progrès de la connaissance des caractéristiques biomécanique de la dent
dépulpée.
- Les propriétés mécaniques et les valeurs d’adhésions des matériaux d’assemblage
qui a fortement progressé.
- Les grands développements des adhésifs amélo-dentinaires.

C. Terminologie

La reconstitution corono-radiculaire collée (RCR collée) se définit comme une


restauration avec une portion coronaire mais aussi radiculaire. Elle a pour rôle de répartir
de manière homogène les contraintes coronaires et radiculaires.
Elle permet également d’éviter toute réinfection de l’endodonte par une conception
étanche. Elle peut être réalisée en technique directe (directement réalisée au fauteuil) ou
en technique indirecte (réalisée au laboratoire de prothèse).

Une reconstitution corono-radiculaire par matériau inséré en phase plastique et


utilisant un tenon fibré présente 3 interfaces :
- Une interface entre l’adhésif et les tissus coronaires ;
- Une interface entre l’adhésif et les tissus radiculaires ;
- Une interface entre l’adhésif et le tenon.

Les RCR collées peuvent être aussi bien réalisées sur les dents antérieures que
postérieures.

Figure 9 : RCR à tenons fibrés sur incisive et molaire

24
BOUDRAOUI
(CC BY-NC-ND 2.0)
D. Indications

Dans la dentisterie actuelle, les RCR collées par tenon fibré sont souvent préférées
aux RCR coulées (inlay-core) puisque qu’elles possèdent de nombreux avantages
(économie tissulaire, répartition des contraintes, etc.) qui seront détaillés ultérieurement.

Néanmoins, bien que préférées aux RCR coulées classiques, l’indication doit être
posée de manière précise et rigoureuse afin de pérenniser la reconstitution choisie pour
restaurer la dent traitée endodontiquement.

Pour cela, le praticien s’appuiera sur plusieurs critères répondant au respect de


l’espace biologique et une perte de substance limitée pour respecter l’effet de férule. Ces
critères sont les suivants :
- La dent nécessite d’être couronnée ;
- Perte de substance limitée avec 2 ou 3 parois résiduelles ;
- Epaisseur des parois résiduelles supérieure ou égale à 1mm ;
- Hauteur des parois résiduelles supérieure ou égale à la moitié de la hauteur
prothétique ;
- Limite cervicale de la totalité de la préparation en position supra-gingivale afin de
réaliser cliniquement un joint étanche et un cerclage de la dentine par la
construction prothétique (distance>2mm) ;
- Accès clinique suffisant et isolement des fluides buccaux réalisable par la pose
d’un champ opératoire ;
- Anatomie radiculaire compatible avec les systèmes normalisés (largeur et forme) ;
- Forme simple et réalisable en bouche.

E. Quel tenon sélectionner ?

Pour respecter le bio-mimétisme, les tenons les plus utilisés dans la réalisation des RCR
collées sont les tenons à base de fibres. Ils sont répartis en trois groupes :
- Les tenons en fibre de quartz(13) ;
- Les tenons en fibre de verre ou silice(14) ;
- Les tenons en fibre de carbone.

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(CC BY-NC-ND 2.0)
a. Les tenons en fibre de quartz

Les tenons en fibre de quartz sont une version plus moderne et esthétique des tenons
en fibre de carbone. Historiquement, les tenons en fibre de carbone étaient recouverts de
fibres de quartz pour pallier aux problèmes esthétiques qu’ils engendraient.

Désormais, ils sont constitués d’une matrice de résine époxy, recouverte de fibres de
quartz parfaitement parallèles. Leur teneur en fibre varie de 60 à 65% et est
proportionnelle à la résistance du tenon(13).

Leurs propriétés mécaniques, proches de la dent naturelle, les rendent plus résistants
que les tenons en fibres de verre et parfaitement bio-compatibles.

De plus, leur couleur blanche et translucide permet une intégration esthétique bien
meilleure que les tenons en fibre de carbone, notamment dans une zone antérieure. Leur
utilisation sera préférée dans les zones postérieures ainsi que dans les zones antérieures
lorsque les contraintes occlusales sont importantes.

Figure 12 : Tenon en fibre de quartz. D’après Idrissi Janati 2008

b. Les tenons en fibre de verre ou silice

Les tenons en fibre de verre ou silice ont une matrice composée d’alumine
magnésique de silice et d’oxyde de bore en proportion variable selon les fabricants.

Ce sont les tenons les plus esthétiques et translucides. Ils seront donc préférés dans
les zones antérieures chez les patients ayant une demande esthétique forte.

Néanmoins, leurs propriétés mécaniques inférieures aux deux autres types de tenons
à base de fibres ne leur permettent pas d’être utilisés dans toutes les situations cliniques.

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BOUDRAOUI
(CC BY-NC-ND 2.0)
Avant leur mise en place dans un canal, une analyse minutieuse du contexte occlusal est
nécessaire. En effet, dans un contexte occlusale défavorable, le risque de fracture du
tenon serait trop important(14).

Figure 11 : Tenon en fibre de verre ou silice.

c. Les tenons en fibre de carbone

Les tenons en fibre de carbone sont noirs et opaques. Ils ont une rigidité semblable à
celle de la dentine. Ils ont également une résistance plus forte et sont plus faciles à enlever
que les autres tenons en fibre.

Malgré des propriétés mécaniques proches de la dent naturelle (respectant ainsi le


bio-mimétisme), ils ont été petit à petit abandonnés au profit des deux autres tenons à
base de fibres. En effet, le rendu esthétique dans la conception d’une couronne tout
céramique n’était pas satisfaisant puisqu’une zone d’ombre au niveau cervical
apparaissait. Cette zone d’ombre étant accentuée par la finesse du parodonte.

Figure 10 : Tenon en fibre de carbone. D’après Idrissi Janati 2008

F. Avantages des RCR à tenons fibrés

Plusieurs avantages à l’utilisation des RCR à tenons fibrés ont pu être mis en
évidence avec le temps :

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(CC BY-NC-ND 2.0)
- Les RCR collées permettent une économie tissulaire, à la différence des RCR
coulées. En effet, il n’y pas de nécessité de mise en dépouille interne de la dent ;

- Elles entrainent moins souvent des fractures radiculaires, pouvant être fatales dans
le processus de conservation de la dent. En effet, les contraintes fonctionnelles
sont mieux gérées avec ce type de restauration puisque le module d’élasticité de
ces matériaux est plus proche de celui de la dent naturelle ;

- Bien qu’entrainant plus souvent des fractures au niveau de la zone cervicale,


celles-ci sont détectables bien plus rapidement et facilement qu’une fracture
radiculaire. De plus, la conservation de la dent résiduelle n’est pas forcément
engagée et la ré-intervention demeure possible ;

- L’études de Samran et Al (2018)(15) a pu montrer que les systèmes de collage


utilisés permettaient de renforcer les structures dentinaires résiduelles, notamment
par une répartition plus homogène des contraintes ;

- Un agent de liaison (système adhésif et de collage choisi que nous détaillerons


plus loin) entoure dans sa totalité le tenon fibré. Cet agent lui évite tout contact
direct avec la dentine radiculaire. Le tenon est donc passif et les structures
dentinaires résiduelles protégées des contraintes(16) ;

- L’esthétique est nettement améliorée par rapport aux RCR coulées classiques
(inlay-core métallique). En effet, les zones d’ombres cervicales dues au métal ont
ainsi pu être éliminées ;

- Les RCR collées peuvent être réalisées directement après l’obturation


endodontique (dans la même séance et sous champ opératoire), limitant ainsi la
contamination bactérienne par la salive des structures dentinaires résiduelles ;

- L’utilisation de matériaux inertes électro-chimiquement permet une meilleure


résistance à la corrosion.

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(CC BY-NC-ND 2.0)
Figure 14 : Différente étapes de la réalisation d’une RCR collée en technique directe par l’utilisation d’un
tenon en fibre de quartz. D’après BOUDRAOUI Lenny 2020.

Pour restaurer la perte de substance des dents dépulpées, les praticiens ont pour
habitude de réaliser des restaurations périphériques complètes couplées à des ancrages
radiculaires coulés ou collés, notamment dans les cas de délabrement important de la
dent afin de respecter l’effet de férule.

Néanmoins, l’étude de Garavaglia et Al (2013)(17) a pu mettre en évidence que,


dans un grand nombre de cas, il est possible de réaliser des restaurations partielles sans
tenons ni couronnes. C’est ce qu’on appelle les restaurations adhésives en céramique et
composite.

3. Restaurations adhésives en céramique et composite

Les restaurations adhésives en céramique et en composite représentent l’ensemble


des restaurations indirectes céramiques et composites. Elles sont réalisées en laboratoire
ou par technique CFAO avant d’être collées à la dent.

Il existe quatre catégories de restaurations adhésives céramiques :


- Les inlay/onlay ;
- Les overlays ;
- Les endo-couronnes ;
- Les facettes (peut utiliser pour les dents dépulpées).

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BOUDRAOUI
(CC BY-NC-ND 2.0)
Nous proposons dans cette partie, dans un souci de préservation tissulaire et de
facilité de ré-intervention, d’établir un arbre décisionnel des différentes reconstitutions
adhésives, afin de comprendre s’il est possible de systématiser ces différentes
restaurations dans la reconstitution de dents traitées endodontiquement.

A. Inlay/onlay et overlay

a. Terminologie

Les inlays/onlays sont des reconstitutions partielles collées visant à reconstituer une
perte de substance dentaire. Elles peuvent être réalisées en composite ou en céramique.

Les indications sont nombreuses (nous ne nous intéresserons ici seulement aux
indications, relatives aux dents traitées endodontiquement) et il est essentiel de les
respecter :
- On parle d’inlay dans le cas ou la perte de substance n’intéresse pas les cuspides ;
- On parle d’onlay lorsque la perte de substance concerne au moins une pointe
cuspidienne ;
- L’overlay, quant à lui, est l’extension d’un onlay lorsque le recouvrement
cuspidien est total. La totalité de la surface masticatoire est recouverte. Dans le
cas des dents traitées endodontiquement, les endo-couronnes à encrage caméral
sont préférées dans un souci de rétention et d’utilisation maximale des surfaces de
collage(18).

Figure 15: Photographie représentant respectivement inlay, onlay et overlay.


D’après le Dr Michetti Jérome 2020

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BOUDRAOUI
(CC BY-NC-ND 2.0)
b. Indications

Les inlay/onlay répondent de manière très satisfaisante aux principes de bio-


mimétisme et de gradien thérapeutique puisque qu’ils visent à reconstituer à l’identique
les tissus dentaires (perdus par le processus carieux ou par la cavité d’accès
endodontique), tout en conservant un maximum de tissus dentaires résiduels(19).

Les indications sont les suivantes :

- Les lésions de moyenne à grande étendue ayant aboutis au traitement


endodontique de la dent (pulpite, PAA, abcès, etc.) dont l’anatomie occlusale a
été grandement modifiée, notamment par la perte d’une ou plusieurs cuspides. A
noter que ladite modification concerne aussi l’anatomie proximale ;

- Les dents traitées endodontiquement, dont la cavité d’accès réalisée par le


praticien a compromis le pronostic de résistance. Les structures dentinaire et
amélaire résiduelles doivent être suffisantes. Dans le cas contraire, une
restauration par couronne périphérique sera préférée ;

- Plusieurs dents du même quadrant ont dû être traitées endodontiquement suite à


des caries proximales. Ce type de restauration indirecte, permet au prothésiste de
rétablir une anatomie optimale, aussi bien sur le plan proximal (point de contact)
qu’occlusal, avec un profil d’émergence et un rendu esthétique satisfaisant ;

- La reconstitution de dent présentant une ou plusieurs fêlure(s) coronaire(s). En


effet, les systèmes adhésifs utilisés vont permettre de combler ces fêlures en plus de
renforcer les structures dentinaire et amélaire résiduelles (applicable à la dent
vivante comme à la dent dépulpée) ;

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BOUDRAOUI
(CC BY-NC-ND 2.0)
Figure 16 : Préparation et collage d’un onlay post traitement endodontique.
D’après le Dr Michetti Jerome 2020.

c. Critère décisionnel

D’après la Haute Autorité de Santé (2020)(18), les critères à prendre en compte lors
du choix d’une restauration par inlay/onlay en céramique va dépendre du praticien, du
patient et du matériau utilisé.

• Praticien :

- Evaluation de la perte de substance : Dans le cas de cavités volumineuses (stade


3 ou 4 selon la classification SiSta), il est préférable de restaurer une dent de
manière indirecte par inlay/onlay. En effet, dans le cas d’une restauration par
technique directe, le risque de retrait est trop important lors de la polymérisation ;

- Evaluation des structures résiduelles en étudiant les parois et cuspides


résiduelles : celles qui seront jugées fragiles, c’est-à-dire ayant une épaisseur
inférieure à 2mm, seront réduites et recouvertes par de la céramique(18) ;

- Evaluation de la situation de la dent sur l’arcade : Le contexte occlusal et les


forces appliquées au niveau des prémolaires et des molaires en font des dents de
choix pour ce type de restauration ;

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BOUDRAOUI
(CC BY-NC-ND 2.0)
- Evaluation du nombre de restauration(s) à réaliser (cf. supra) : Dans le cas où
plusieurs restaurations sont à réaliser, le choix de la technique indirecte par
inlay/onlay est un gain de temps puisque le nombre de séances est réduit ;

- Analyse des limites qui doivent être supra-gingivales, comme pour toute autre
reconstitution adhésive céramique. De plus, l’émail doit être présent sur la totalité
de la périphérie de la préparation.

• Critères cliniques :

- Hygiène bucco-dentaire correcte ;


- Faible cario-susceptibilité ;
- Motivation et coopération ;
- Environnement oral ;
- Valeur masticatoire de la dent ;
- Occlusion ;
- Ecartement de toutes para-fonctions (bruxisme) ;
- Habitudes nocives (tabac).

B. Endocouronne

a. Terminologie

L’endocouronne est une technique relativement récente puisqu’elle a été proposée


pour la première fois en 1995 par Patrick Pissis(20).

Elle se définie comme une coiffe prothétique à ancrage caméral avec absence
d’ancrage radiculaire. Cette technique développée récemment va de pair avec le principe
d’économie tissulaire et d’invasion minimale en utilisant la totalité du volume pulpaire
disponible.

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(CC BY-NC-ND 2.0)
Elle permet de reconstituer les dents postérieures présentant une faible hauteur
coronaire. Ceci est rendu possible grâce à une rétention à la fois macro-mécanique, par
les parois de la chambre pulpaire, et micro-mécanique, par le système adhésif choisi (ces
informations seront développées ultérieurement)(21).

Bien que se définissant comme une couronne, ce type de restauration ne requiert pas
de métal et permet d’obtenir une restauration entièrement céramique peu invasive au
niveau des canaux. Cette méthode permet de limiter la fragilisation des structures
dentinaires résiduelles due à la préparation et, comme vu précédemment, à la mise en
place d’un tenon. D’après Dogui et Al 2018(22).

Figure 17 : Endocouronne d’une 26 : Intrados et Extrados.


D’après Boudraoui Lenny 2020

b. Critères décisionnels

Les critères décisionnels sont assez simples :


- La dent nécessite d’être couronnée ;
- La dent présente de nombreuses fissures ;
- Les limites supra ou juxta-gingivales permettent la pose d’un champ opératoire
étanche : le collage est alors fait à l’abris des fluides gingivaux optimisant ainsi sa
réussite ;
- L’ancrage caméral doit être suffisant avec un minimum de 3mm (l’idéal étant
5mm) ;
- Les parois résiduelles ont une épaisseur suffisante (>1,5mm).

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(CC BY-NC-ND 2.0)
c. Indications

• Molaires :

Pour les dents postérieures traitées endodontiquement, la technique de restauration


par endocouronne en monobloc est tout à fait indiquée. D’une part, elles possèdent une
surface de collage disponible et, d’autre part, leur anatomie camérale est particulièrement
favorable, avec une perte de substance suffisamment importante pour que la dent ne
puisse pas être reconstituée par inlay/onlay.
De plus, en évitant la mise en place d’un ancrage radiculaire, les endocouronnes
représentent une bonne alternative dans le cas de racines minces, calcifiées ou
sinueuses(23).
Le but étant d’obtenir un bandeau cervical d’émail améliorant ainsi le processus
d’adhésion et de collage avec des limites supra-gingivales.

Figure 18 : Préparation, collage et contrôle radiographique d’une endocouronne sur 37.


D’après le Dr David Minière 2020

• Incisives et canines :

Néanmoins, l’endocouronne n’est pas adaptée pour les dents antérieures. En effet, ce
type de restauration résiste très peu aux forces de cisaillement, importantes à ce niveau.
Réaliser cette technique en antérieur augmente de manière significative le risque de
fracture.

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(CC BY-NC-ND 2.0)
• Prémolaires :

Pour ce qui est des prémolaires, il n’y a pas de consensus. Bien que leur surface de
collage soit moins importante que celle des molaires, la littérature ne met pas en évidence
d’échecs plus importants que pour ces dernières et les forces présentes à ce niveau-là sont
adaptées pour ce type de restauration(23). En revanche, les critères décisionnels doivent
être respectés.

Mais il est parfois difficile d’intégrer cette technique sur le plan esthétique : le
bandeau cervical supra-gingival peut être visible une fois la restauration mise en place.

Figure 19 : Endocouronne après collage sur 15.


D’après Boudraoui Lenny 2020.

d. Taux de succès et viabilité.

Différentes études ont été réalisées sur les endocouronnes. Ici nous allons nous
intéresser à l’étude de Sedrez Ja et Al réalisée en 2016(24). Cette étude récente est
intéressante puisqu’elle a repris 5 études (clinique et in vitro) portant sur l’utilisation des
endocouronnes actuelles comparées à l’utilisation de traitement conventionnels (ancrage
radiculaire, inlay/onlay).

La méta-analyse des 5 études a pu mettre en évidence une résistance à la fracture


sensiblement similaire avec un léger avantage pour l’endocouronne. Ces résultats sont à
interpréter avec précaution puisque peu d’études ont été réalisées et le nombre de dents
par échantillon reste très faible.

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(CC BY-NC-ND 2.0)
De plus d’autres facteurs peuvent jouer sur la résistance d’une couronne sur le long
terme (matériaux utilisés, éventuelle occlusion, etc.).

En conclusion, cette technique représente une alternative prometteuse et


conservatrice de la couronne avec préparation périphérique totale pour le traitement des
dents postérieures qui nécessitent une protection et une stabilité sur le long terme.
L’indication devant être posé avec rigueur.

C. Facette

a. Terminologie

La facette céramique est une pièce prothétique fine et pelliculaire visant à modifier en
forme, position, structure et teinte la dent naturelle. La caractéristique principale de la
facette est son épaisseur, celle-ci variant de 0,3 à 1mm en fonction de l’indication
clinique. La préparation est donc principalement amélaire et le principe de préservation
tissulaire est omniprésent.

Bien que moins invasive qu’une prothèse scellée conventionnelle et grandement


esthétique, elle n’est pas indiquée en première intention. L’indication doit être posée de
manière rigoureuse en s’appuyant sur le principe de gradient thérapeutique afin de
pérenniser la restauration.

Figure 20 : Photographies de facettes d’un traitement esthétique antérieur.

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(CC BY-NC-ND 2.0)
b. Indications

Le traitement esthétique de la dent dévitalisée antérieure est un véritable défi dans la


pratique clinique du chirurgien-dentiste.
Peu utilisé, les reconstitutions périphériques complètes sont souvent préférées
dans la reconstitution des dents dépulpées antérieures dans un souci de rétention et
pérennité.

Néanmoins, elle peut trouver son indication dans certains cas dans un but de
préservation tissulaire :

• Anomalies de couleur :

- La dent présente une dyschromie persistante d’origine endodontique, et ce malgré


les thérapeutiques d’éclaircissement interne et externe appliquées à plusieurs
reprises avec rigueur(25) :
 Traitement traumatisant ;
 Elimination incomplète des tissus nécrosés ;
 Utilisation de certains produits thérapeutiques ;
 Utilisation de certains matériaux d’obturation (cônes d’argent, pâte
d’obturation, MTA, etc.) ;
 Irrigation canalaire insuffisante pouvant entrainer un assombrissement de la
dentine (des résidus organiques peuvent persister dans le système canalaire et
réagir avec des métabolites bactériens)(26).

Figure 21 : Patient présentant une dyschromie persistante au niveau de la 11 suite au traitement endodontique.
D’après le Dr Prunel Louise 2018.

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• Anomalies de structure :

- Fracture coronaire de faible à moyenne étendue ayant abouti au traitement


endodontique (présentant une dyschromie ou non) ne pouvant être restaurée de
manière pérenne par une restauration adhésive directe ;
- Cavité d’accès endodontique associée à une ou deux restaurations proximales de
faible à moyenne étendue. Le succès du collage des facettes céramiques nécessite
alors une continuité de l’émail périphérique ;

Figure 22 : Patient présentant une fracture coronaire de moyenne étendue au niveau de sa 21 d’origine
traumatique ainsi qu’une dyschromie. La dent est traitée endodontiquement.
D’après le Dr Prunel Louise 2018

c. Critères décisionnels

Les critères décisionnels aboutissants au choix d’une reconstitution pour traitement


endodontique par la réalisation de facettes céramiques doivent être motivés par le
praticien et le patient (modification de la dent en termes de couleur, de forme et de
position). Il est ainsi primordial d’établir l’état initial cliniquement et radiologiquement
afin de déterminer les limites de préparations, ce qui permet d’aboutir à un résultat final
satisfaisant.

Néanmoins, la réalisation de facettes n’est pas toujours possible, démontrant une fois
de plus l’importance de l’étude clinique préalable :
- Tissus dentaires résiduels insuffisants ;
- Bruxisme ;
- Anomalie colorimétrique trop importante ;

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(CC BY-NC-ND 2.0)
- Maladie parodontale ;
- Tabac ;
- Anomalie occlusale ;
- Manque d’hygiène.

D. Avantage des reconstitutions adhésives céramiques.

Le choix d’une reconstitution adhésive céramique post traitement endodontique,


qu’elle soit partielle (inlay/onlay) ou totale (facette, endo-couronnes), présente de
nombreux avantages par rapport aux thérapeutiques classiquement mis en œuvre dans la
reconstitution d’une dent traitée endodontiquement (ancrages radiculaires et couronnes
périphériques) :

- Respect de la notion de gradient thérapeutique, visant à retarder au maximum


l’extraction dentaire par l’économie et la préservation tissulaire. En effet, les
préparations pour restaurations adhésives céramiques sont peu invasives(21) ;

- Simplicité de réalisation (préparation et prise d’empreinte) : le nombre de séances


est ainsi réduit ;

- Possibilité de ré-intervenir facilement en passant à travers la restauration en place ;

- Réduction d’interface de collage par rapport à une thérapeutique de tenon


classique ;

- Préservation de la dimension esthétique de la reconstitution : possibilité du choix


de la teinte ainsi que du remaquillage de la pièce prothétique. Il est possible de
jouer notamment sur la translucidité qui est un facteur essentiel pour une
intégration esthétique optimale par rapport aux dents adjacentes ;

- Biocompatibilité (étanchéité inter-faciale), la céramique étant un matériau inerte :


davantage biocompatible que les métaux et les résines ;

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- Stabilité dans le temps du fait des propriétés mécaniques du matériau ;

- Meilleure qualité du joint périphérique, par rapport aux reconstitutions directes


collées ;

- Possibilité d’une réalisation totale en CFAO (détaillée ultérieurement) ;

- Préservation de la santé parodontale, grâce aux limites de préparations supra-


gingivales permettant un accès à l’hygiène améliorée ;

- Pour terminer, l’image radiologique est moins polluée par rapport aux
reconstitutions métalliques. Un diagnostic plus précoce d’une éventuelle reprise
carieuse sous prothétique est donc possible.

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4. Arbre décisionnel entre les différentes reconstitutions collées

Au terme de cette partie, nous proposons l’arbre décisionnel ci-dessous :

Figure 24 : Arbre décisionnel des différentes reconstitutions collés post traitement endodontique.
D’après BOUDRAOUI Lenny 2020.

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IV. Choix du système de collage et de la technique
d’empreinte

La compréhension des mécanismes d’adhésion aux tissus minéralisés, les études sur
le comportement bio-mécanique des dents dépulpées (partie 1) et le développement d’un
éventail très large de biomatériaux composites et céramiques de plus en plus performants
ont permis d’étendre les indications des restaurations adhésives céramiques et RCR
collées.
Néanmoins la pérennitée des reconstructions choisies dépendra d’une part du choix
et de la qualité de l’empreinte et d’autre part du strict respect des procédures du système
et du protocole de collage.

5. Choix du système d’empreinte

L’empreinte est un enregistrement qui permet d’obtenir un modèle et une copie


tridimensionnelle de la préparation. Cette étape est primordiale dans la réalisation d’une
reconstitution adhésive céramique puisque la qualité de celle-ci détermine la qualité de la
reconstitution.

Néanmoins, les indications décrites précédemment ne concernent que les dents


présentant des limites supra-gingivales. Ainsi, seulement deux types d’empreintes
semblent possibles (l’accès aux limites étant facilité) :
- Les empreintes physiques ;
- Les empreintes optiques.

L’empreinte pourra être réalisée le jour de la préparation si les conditions le


permettent ou différée de quelques semaines dans le cas où des techniques chirurgicales
sont nécessaires pour donner un accès aux limites supra-gingivales (gingivectomie et
élongation coronaire).

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A. Empreinte physique

L’empreinte traditionnelle consiste en l’enregistrement d’un matériau au contact de


la préparation. Réalisée à l’aide d’un porte-empreinte complet ou sectoriel, le matériau
plastique va durcir par réaction de prise et enregistrer la préparation.

Les élastomères, silicones par addition de polyéther, représentent une alternative plus
courante et adaptée pour les reconstitutions adhésives céramiques ou RCR collés. En
raison de leur précision d’enregistrement, de leur bonne élasticité et de leur résistance à la
déchirure, ils sont aujourd’hui omniprésents dans les cabinets(27).

Pour ce qui est de la technique d’empreinte, le double mélange est indiqué dans
l’enregistrement de préparations cavitaires appliquée à la dent dépulpée et peut être
réalisée en un seul temps opératoire.
Très utilisée elle consiste tout d’abord à placer un matériau à basse viscosité (light)
sur la préparation puis à insérer le porte-empreinte chargé d’un matériau à haute viscosité
(lourd).

Figure 25 : Résultat d’une prise d’empreinte en double mélange dans la réalisation d’inlay.
Dr Kalo Manuel 2008.

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B. Empreinte optique

L’empreinte optique se définit comme l’acquisition numérique du volume de


plusieurs dents ou préparations par un système optique couplé par ordinateur. Elle est
encore peu développée en France mais elle s’est largement démocratisée aux Etats-Unis.

Les empreintes optiques peuvent être réalisées selon deux techniques :


- Technique directe : l’empreinte est réalisée en bouche par le praticien, ce qui
nécessite d’être à l’abri des fluides dentaires et de la lumière, obligeant dans
certains cas le praticien à poudrer les surfaces dentaires à l’oxyde de titane (elle
permet cependant d’éliminer les erreurs liées aux matériaux d’empreintes) ;
- Indirecte : le modèle en plâtre est scanné et modélisé par le prothésiste.

La prise d’empreinte optique en technique directe repose sur l’enregistrement de


trois points distincts :
 L’arcade concernée ;
 L’arcade antagoniste ;
 Le vestibule avec les arcades en position d’intercuspidie maximale (la prise
d’occlusion se faisant à ce moment-là).

Le principe général de l’empreinte optique, commun aux différents systèmes,


consiste en la projection d’un point ou d’une ligne sur les surfaces dentaires dans le but
de mesurer la déformation de cette projection.

Deux systèmes s’offrent au praticien :


 Les systèmes de mesure statique, s’apparentant à un appareil photo 3D ;
 Les systèmes de mesure dynamique, s’apparentant à une caméra 3D(28).

La précision de l’empreinte numérique sera variable entre 5 et 10 micron et va


dépendre de plusieurs facteurs :
 Type de rayonnement émis ;
 Qualité de l’émetteur/récepteur ;
 Sophistication du traitement de l’image ;

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(CC BY-NC-ND 2.0)
 Conditions dans lesquelles l’empreinte est prise : lumière ambiante, humidité,
etc.(29).

Le tableau ci-dessous (p. 47) compare les différentes caméras présentes sur le marché.
L’ergonomie, les coûts et les caractéristiques varient grandement d’une caméra à l’autre.
Il est nécessaire pour le praticien de comparer les différentes caméras afin de choisir la
plus adaptée à sa pratique. D’après l’étude de Renne et Al. (2017)(30)

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Figure 27 : Comparatif des caractéristiques des différents systèmes d’empreintes optiques intra-orales.
D’après le Fil dentaire 2020.

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C. Comparaison des systèmes d’empreintes

Le choix de l’empreinte optique semble être la meilleure solution dans la prise


d’empreinte pour la réalisation de restaurations adhésives céramiques de la dent
dépulpée, c’est une technique qui se développe progressivement dans les cabinets.

En effet, l’étude de elle Ahlholm et Al réalisé en 2018 (31) comparant empreinte


physique et optique a pu mettre en évidence de nombreux avantages concernant
l’empreinte optique :

- La précision, bien que semblable aux empreintes conventionnelles, est meilleure


car les fichiers numériques ne sont pas altérables dans le temps. Les déformations
liées au transport, aux variations de températures et à l’hétérogénéité du matériau
sont donc supprimées(32) ;

- Ce type d’empreinte est plus confortable pour le patient :


 Réalisation plus ergonomique ;
 Pas de salissures ;
 Elimination du réflex nauséeux ;
 Pas de nettoyage ni de choix de porte-empreinte.

- Le gain de temps est non négligeable, que ce soit lors de la prise de l’empreinte ou
lors de la transmission des informations au prothésiste. En effet, le stockage des
empreintes est nettement moins encombrant que celui des empreintes
traditionnelles. Par ailleurs, dans le cas où le praticien est équipé d’une usineuse
(CEREC), la réalisation de la pièce prothétique pourra être réalisée dans la même
séance que la prise d’empreinte ;

- D’un point de vue écologique, l’empreinte optique produit nettement moins de


déchets polluants qu’une empreinte conventionnelle. Les enjeux écologiques sont
de plus en plus présents au cœur d’une approche moderne de la dentisterie. A
noter toutefois que l’impact écologique varie d’un système optique à un autre ;

48
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(CC BY-NC-ND 2.0)
Dans le cas où le praticien possède uniquement un système d’empreinte et non
d’usinage, le prothésiste doit aussi s’équiper pour recevoir et traiter les fichiers.

Figure 28 : De la prise d’empreinte à la modélisation d’une endocouronne réalisé sur une 26.
D’après Boudraoui Lenny 2020

6. Problématique du collage de la dent dépulpée

L’assemblage en prothèse fixée est l’action par laquelle une pièce prothétique est liée
à une ou plusieurs dents. Si pendant de très longue années cette liaison s’est faite par
scellement, au cours des dernières décennies, la nature des matériaux de réhabilitation
prothétique s’est diversifiée, favorisant ainsi le développement d’assemblage par collage.

Les colles présentent une forte cohésion. D’après l’étude de Sano et Al. (2020)(33),
s’intéressant au test d’adhérence micro-tensile a pu mettre en évidence le fait que les
valeurs d’adhérence varient grandement entre les ciments de scellement classiquement
utilisés (adhésif ou non) et les colles, avec un avantage significatif pour les colles. En
effet, les colles présenteraient une valeur d’adhésion 30% supérieurs aux ciments.

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(CC BY-NC-ND 2.0)
Les reconstitutions adhésives céramiques devront être préférentiellement collées afin
de leur assurer une bonne rétention, un renfort structurel et un résultat satisfaisant sur le
plan esthétique.

Le collage présente 4 grands avantages :


- Une conservation tissulaire maximale, grandement intégrée dans la dentisterie
moderne ;
- La dissipation des contraintes thermiques, physiques et mécaniques grâce à la
capacité de déformation du joint de colle ;
- Un joint prothétique étanche ;
- La possibilité de choisir la teinte pour une intégration esthétique optimale.

Néanmoins, le collage met en jeu une chaine de 5 maillons tous interdépendants :


- Les matériaux : la dent, la céramique et la colle ;
- Les interfaces : entre la céramique et la dent, avec la double exigence d’obtenir
une adhésion et une étanchéité des deux côtés.

Le succès thérapeutique dépend des performances de chacun des maillons. Si l’un


d’entre eux est défectueux, il met en péril l’ensemble de la construction.

Le collage sur la dentine radiculaire n’est pas chose aisée. Pour plusieurs raisons, les
valeurs d’adhésion sont plus faibles que pour la dentine coronaire :
- Le diamètre des tubules dentinaires diminue en direction de l’apex ;
- La chimie du traitement endodontique peut être responsable d’une altération du
collage ;
- Les solutions d’irrigation, de lubrification et d’obturation peuvent être à l’origine
d’une oxydation tissulaire et d’une pollution de la dentine.

Ainsi, la dent dépulpée, de par ses caractéristiques intrinsèques (hauteur coronaire,


structures résiduelles et limites) et extrinsèques (occlusion, para-fonctions et habitudes
nocives), ne permet pas de mettre en place un collage de bonne qualité dans toutes les
situations cliniques rencontrées.

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(CC BY-NC-ND 2.0)
L’étude du cas doit être réalisée de manière rigoureuse (caractéristiques intrinsèques
et extrinsèques) afin que le collage puisse assurer une résistance aux contraintes
mécaniques, thermiques et hydriques auxquelles seront soumises dents et pièces
prothétiques au sein de la cavité buccale(34).

A. Quelle colle utiliser ?

Les colles sont des matériaux organiques qui durcissent par polymérisation. Elles
sont utilisées dans le système d’assemblage de la dent dépulpée par reconstitution
adhésive céramique.
Elles peuvent être classées selon deux critères : par leur mode de prise et par leurs
propriétés adhésives.

a. Par leur mode de prise

On distingue trois modes de prise : les colles chémo-polymérisables, photo-


polymérisables et duales (chémo et photo-polymérisables).

D’après l’étude de Pathak et Al (2016)(35), il a été démontré que le mode


polymérisation jouait un rôle important dans la qualité du collage grâce à sa valeur
d’adhésion, correspondant aux taux de conversion et aux degrés de polymérisation. Pour
une même colle, la photo-polymérisation augmente de manière significative la résistance
mécanique et la valeur d’adhésion. Cette dernière, pour la polymérisation chimique,
certes moins importante, reste néanmoins indispensable du fait de la pénétration plus ou
moins complète de la lumière au sein des restaurations.
La valeur d’adhésion permet également une prise de masse et un taux de conversion
constant.

Au final, l’étude de Sabatini et Al (2013)(36) a mis en avant les colles duales car elles
associent ces deux modes de prise, augmentant significativement la valeur d’adhésion.

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Figure 29 : Polymérisation de l’adhésif dans le collage d’une endo-couronne.
D’après Boudraoui Lenny 2020

b. Par leurs propriétés adhésives

Trois types de colles sont à distinguer :


- Les colles sans potentiel adhésif : les composites de collages ;
- Les colles avec potentiel d’adhésion propre : les colles complexes ;
- Les colles auto-adhésives.

1. Les colles sans potentiel adhésif : les composites de collage

Les colles sans potentiel adhésif nécessitent l’application d’un système adhésif avant
l’application de la colle composite. L’adhésif permet l’adhésion aux tissus dentaires et la
colle composite permet de remplir l’espace entre la dent et l’intrados.

Ces composites, certes proches des résines de restaurations directes, varient par leur
proportion en résine augmentée et par leur viscosité diminuée, dans le but d’une mise en
place plus facile. Elles sont ainsi qualifiées de colles micro chargées ou micro hybrides.
Ces composites de collage présentent des propriétés optiques et mécaniques
excellentes en raison de leur composition chimique qui permettent un collage optimal à
bon nombre de substrats dentaires.
De nos jours, ces matériaux sont les plus utilisés pour le collage des restaurations
adhésives céramiques. C’est le cas du Variolink qui est un composite de collage indiqué
pour le collage définitif des restaurations en céramique et résine. Esthétique, il présente
une stabilité très intéressante de la couleur, même soumis à une lumière intense ou à un
environnement humide.

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(CC BY-NC-ND 2.0)
Néanmoins, un traitement précis des surfaces dentaires et prothétiques est requis. Le
nombres d’étapes de collage est donc augmenté : une compréhension et une connaissance
parfaite des différentes étapes est nécessaire.
En conséquence, leur utilisation en pratique clinique est longue et fastidieuse,
souvent sujette à erreur et très opérateur-dépendant(37).

Figure 30 : Exemple de composites de collages (variolink).


D’après Ivoclar 2020.

2. Les colles avec potentiel d’adhésion propre : les colles complexes

Les colles avec potentiel adhésif ont également une composition proche des
composites fluides, à l’exception que la matrice résineuse porte des groupements
chimiques particuliers (les monomères fonctionnels), capables d’adhérer respectivement à
la dent et à la prothèse.
Ces colles bénéficient d’un grand recul clinique puisqu’elles sont utilisées depuis
plusieurs dizaines d’années et leur efficacité est grandement mise en avant. De plus, après
polymérisation, elles gardent une certaine plasticité, trouvant un grand intérêt en
prothèse plural puisque qu’elles pourront se déformer au gré des mouvements entre les
différents piliers.
C’est le cas du SuperBond qui présente une adhésion puissante sur différents
matériaux tels que l’émail, la dentine, les métaux, les composites, les céramiques et la
zircone sans nécessité d’utiliser un adhésif. Viscoélastique, elle permet d’absorber les
contraintes lors de la mastication.

Néanmoins, la réussite de ce type de collage réside dans le respect d’un protocole


souvent fastidieux. De plus, malgré leurs capacités d’adhésion au tissu dentaire, ces colles
nécessitent très souvent un mordançage et l’application d’un primer.

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Figure 31 : Exemple de colle complexe (SuperBond).
D’après Ivoclar 2020.

3. Les colles auto-adhésives

Récemment apparues, ces colles résineuses universelles auto-adhésives à


polymérisation duale ont pour objectif de combiner facilité d’utilisation et très bonnes
propriétés mécaniques, esthétiques et adhésives. Ainsi, aucun prétraitement de la surface
dentaire, ni mordançage, ni primer, ni adhésif n’est nécessaire car leur matrice organique
contient des méthacrylates d’acide phosphorique multifonctionnels.
Ces colles auto-adhésives ont été développées afin de répondre aux demandes des
praticiens souhaitant une mise en œuvre plus rapide et plus facile, avec un plus large
champ d’application que les ciments conventionnels.
C’est le cas du SpeedCEM Plus qui présente un auto polymérisation fiable tout en
permettant une élimination aisée des excès, une radio-opacité et une mise en œuvre
tolérante.

Des études opposent les colles nécessitant un prétraitement des surfaces dentaires et
prothétiques par application d’acide de mordançage, les colles nécessitant l’application
d’adhésif auto mordançant et les colles auto adhésives. Ces dernières ne démontrent pas
de différence significative d’adhésion au niveau de la dentine et de l’émail lorsque les
protocoles de collages fournis par les fabricants sont respectés à la lettre.

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Figure 32 : Exemple de colles auto adhésives (SpeedCEM Plus).
D’après Ivoclar 2020.

Les indications cliniques de ces différents matériaux sont, par conséquent,


dépendantes des surfaces assemblées mais aussi de leur mise en œuvre.

Les composites de collage restent les colles les plus utilisées de nos jours, bénéficiant
d’un recul clinique et de qualités esthétiques et mécaniques excellentes. Néanmoins, leur
utilisation reste longue et fastidieuse.

En ce sens, la dernière génération de colles auto-adhésives et auto-mordançantes


duales ne nécessitant plus aucun traitement préalable de la surface dentaire semble
répondre aux souhaits des praticiens en termes de gain de temps et de facilité
d’utilisation. Le risque opérateur-dépendant est par ailleurs réduit par la simplification du
protocole(34).

B. Quel protocole de collage utiliser ?

Nous nous intéressons ici au protocole optimal d’utilisation des composites de


collages puisque ce sont, de nos jours, les plus utilisés mais aussi les plus longs et
compliqués à mettre en place.

L’essayage des céramiques est d’abord réalisé afin de contrôler la forme,


l’adaptation, l’esthétique et les contacts inter-proximaux.

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Le collage de reconstitution adhésive céramique comprend trois procédures
distinctes :
- La préparation dentaire ;
- La préparation de l’intrados prothétique ;
- Le collage à proprement parler.

Figure 36 : Tableau des 10 étapes clés du collage d’une reconstitution adhésive céramique.
Koubi S. 2010

a. Etape préalable

Avant la réalisation de ces trois étapes, il est nécessaire et obligatoire de poser le


champ opératoire. Une digue individuelle est mise en place sur la dent préparée
permettant :
- Une bonne isolation du site opératoire (éventuellement optimisée par la mise en
place d’une ligature) ;
- Une sécurité contre la pollution par la salive, le sang et les fluides gingivaux ;

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- Une vision et une ergonomie ;
- Une préservation des contacts proximaux par la finesse de la feuille de digue ;
- Un contrôle optimal des excès de composite de collage, notamment au niveau
inter-proximal.

b. La préparation dentaire

Nettoyage des surfaces dentaires

La contamination de la surface amélo-dentinaire par les ciments temporaires et la


couche hybride provisoire peut altérer de manière significative l’efficacité des procédures
de collage. L’élimination de ces dépôts est donc primordiale.

A l’heure actuelle, le nettoyage le plus efficace est obtenu à l’aide d’appareils


ultrasoniques pour enlever les ciments visibles puis par l’utilisation d’un jet abrasif
(micro-sableuse) projetant des particules d’alumine de 25 à 30 microns. Ce procédé
permet d’obtenir une surface propre et un ancrage micro-mécanique amélioré.

Choix de l’adhésif

Passons ensuite à la couche hybride. Pour cela, il faut choisir un système adhésif
adapté à la situation clinique.

D’après l’étude de Talan et Al (2020)(38), il a été mis en évidence que les


restaurations adhésives céramiques, en raison de l’absence de forme de préparation
rétentive, nécessitent un adhésif avec un mordançage et un rinçage préalable (M&R),
compte tenu du potentiel d’adhésion (notamment sur l’émail).

On évitera les systèmes auto-mordançant (SAM) pour plusieurs raisons :


- Ils adhèrent moins à l’émail, ce qui est un inconvénient majeur ;
- Ils se comportent comme des membranes semi-perméables, ce qui peut à moyen
ou long terme entrainer le décollement de la pièce prothétique ;

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- Certains de ces systèmes adhésifs sont incompatibles avec le système d’amorçage
de chémo-polymérisation des colles et composites duals.

Figure 33 : Les différents systèmes adhésifs.

Préparation de la dent à proprement parler

Nous utilisons un adhésif M&R3, c’est-à-dire avec mordançage et rinçage en trois


étapes cliniques :

- Un mordançage amélo-dentinaire est effectué à l’acide phosphorique 32%


pendant 30 secondes sur l’émail et 15 secondes sur la dentine. Frotter les parois de
la préparation permet une dissolution de la boue dentinaire et de l’hydroxyapatite
sur quelques microns. La surface est ensuite rincée abondamment avant d’être
séchée ;

- Le primer est ensuite appliqué en plusieurs couches successives sur la dentine


humide permettant une meilleure pénétration de la résine adhésive, afin de
combler la place libérée par la dissolution de l’hydroxyapatite et de la boue
dentinaire. Il rend la surface hydrophile et la dentine devient hydrophobe et
poreuse ;

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- Pour finir, la résine adhésive est appliquée puis légèrement séchée pour
uniformiser la couche hybride afin de ne pas créer de surépaisseur qui empêcherait
la bonne adaptation et le bon collage de la pièce prothétique.

Figure 34 : Mordançage d’une 11 suite au recours à un système adhésif M#R3/Mise en place du primer
puis de l’adhésif. D’après le Dr Koubi S. 2010.

c. La préparation de l’intrados prothétique

La préparation de la pièce prothétique va se faire en deux temps, en accord avec le


prothésiste (si la prothèse n’est pas usinée au cabinet) :

- Tout d’abord, la ou les pièces prothétiques sont préparées préalablement avec une
technique d’aéro-abrasion. Cela consiste en la projection de particules d’alumine
de 50 microns contre l’intrados prothétique permettant d’obtenir une surface
rugueuse et opaque ;

- Elles sont ensuite mordancées à l’acide fluorhydrique à 5% pendant 1 à 2 minutes.


Cela modifie l’aspect de surface de la céramique, dans le but de créer de la
rétention micro-mécanique entre la pièce prothétique et le composite de collage ;

- L’intrados est ensuite rincé abondamment et les résidus sont éliminés à l’alcool à
90° dans un bain d’ultrason ;

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- Par la suite, nous réalisons une silanisation de l’intrados de la reconstitution
adhésive céramique. Il s’agit d’un agent de couplage provoquant une interaction
chimique entre la céramique et le composite de collage, ce qui renforce l’adhésion
entre les deux matériaux d’après l’étude de Archana et Al (2019)(39) ;

- Pour finir, si nous le souhaitons, nous pouvons appliquer un adhésif amélo-


dentinaire sur l’intrados de la prothèse pour empêcher au silane de s’hydrolyser.

Figure 35 : Respectivement : Mordançage à l’acide fluorhydrique, Neutralisation de l’acide, application de


silane. D’après le Dr Oudin 2017.

d. Le collage à proprement parler

Pour le collage d’une reconstitution adhésive céramique, une colle duale semble être
la solution la plus pertinente.

Dans le cas du choix d’une colle sans potentiel adhésif, le protocole est le suivant :

- Le composite de collage est réparti sur l’intrados de la pièce prothétique à l’aide


d’un embout injecteur pour faciliter l’homogénéité après son remplissage ;

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- Une fois mis en place, les excès de composite de collage sont éliminés à l’aide
d’une sonde et d’un pinceau ;

- Ensuite, une polymérisation de toutes les faces de la restauration est effectuée


pendant 40 secondes chacune. Pour les colles duales, la polymérisation est activée
par la lumière puis poursuivie chimiquement ;

- Pour parfaire le durcissement de la résine, un gel de glycérine est déposé à la


surface pendant la dernière exposition à la lumière ;

- Pour terminer, le champ opératoire est retiré et les étapes de finition sont
effectuées. Pour cela, on utilise des instruments manuels comme une lame de
bistouri n°12 en traction ou des curettes parodontales de Gracey 204 S. Avec ces
instruments, on effectue des mouvements de traction tout autour de la
reconstitution adhésive céramique pour enlever les restes de composites de collage
polymérisés.

Un strip métallique abrasif peut éventuellement aussi être utilisé au niveau


interproximal sous l’air de contact.

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V. Conclusion

La connaissance des caractéristiques physiologiques et histologiques de la dent


dépulpée ainsi que son comportement biomécanique et des propriétés mécaniques des
biomatériaux et les procédures d’adhésions ont modifié les choix thérapeutiques et les
pratiques de reconstitution de la dent dépulpée.

Les tissus modifiés de la dent dépulpée sont des structures fiables. Ils peuvent et
doivent être préservés par l’utilisation de techniques de restauration partielle limitant
l’élimination des tissus sains.
Néanmoins, les fonctions physiologiques de la dent restent altérées. Ses capacités
d’adaptation et de défense diminuent dans le temps.

Sur la base de ces avancées, prouvées par de nombreuses références bibliographiques,


il a été possible de proposer un arbre décisionnel clair et reproductible pour le praticien
concernant les reconstitutions adhésives céramiques et les RCR collées.

Cet outil permet au chirurgien-dentiste d’avoir une approche plus moderne de la


dentisterie tendant vers une conservation maximale des tissus dentaires, une facilité de
préparation et de prise d’empreinte (CFAO).

De plus, en respectant rigoureusement les principes et protocoles de collages, le taux


de réussite sur le long terme sera aussi important qu’avec des restaurations dites
« classiques ».

Néanmoins, la dentisterie étant en constante évolution, ces critères et protocoles sont


voués à s’améliorer dans le but d’utiliser les techniques de collages sur des dents de plus
en plus délabrées.

Les techniques et protocoles sont en évolution vers une fiabilité accrue et une mise en
œuvre simplifié.

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N°2021 LYO 1D 010

BOUDRAOUI Lenny – Reconstitution de la dent dépulpée : reconstitutions


adhésives céramiques et reconstitutions corono-radiculaires collées

Résumé : La reconstitution des dents dépulpées est un défi quotidien pour le


chirurgien-dentiste. En effet, la dent dépulpée est considérée comme plus « fragile » en
raison de sa perte de substance plus ou moins importante et nécessite d’être
restaurée. Les coutumes et les croyances aboutissent la plupart du temps à la mise en
place d’une couronne périphérique complète couplée à un ancrage radiculaire
métallique. L’évolution des systèmes adhésifs et l’émergence de nouveaux concepts
tels que le bio-mimétisme et la conservation tissulaire a permis de remettre en question
le bien-fondé de ces restaurations. Dans ce travail nous tenterons de savoir si la
systématisation du collage dans la reconstitution des dents dépulpées est possible par
un arbre décisionnel des différentes reconstitutions adhésives céramiques et
reconstituions corono-radiculaires collées puis en établissant un protocole de collage
précis rigoureux et reproductible.

Mots clés : Dent Dépulpée


Bio-mimétisme
Reconstitution adhésive céramique
Reconstitution Corono-radiculaire
CFAO
Collage
Mordançage
Adhésif

Jury : Président : Monsieur le Professeur Jean-Jacques MORRIER


Assesseurs : Monsieur le Professeur Pierre FARGE
Monsieur le Docteur Bruno COMTE
Monsieur le Docteur Christophe JEANNIN
Madame le Docteur Cheraz TAFROUNT

Adresse de l’auteur : BOUDRAOUI Lenny


14 rue Auguste Lacroix
69003 Lyon

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