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Énoncé

J’effectue mon intervention sociale individuelle dans un centre de formation (association à but
non lucratif, loi 1901) porteur du dispositif « Accompagnement Rénové ». L’établissement a
été créé en 1972 en tant que structure de formation, elle propose entre autres des formations
de Conseiller d’Insertion Professionnelle (CIP). Elle a également des dispositifs d’insertion
tels que le Boost Emploi et le Dispositif d’Aide pour l’Emploi (DAPE) en lien avec le
département. L’association a également obtenu le marché pour l’expérimentation de
l’accompagnement rénové en lien avec la loi du plein-emploi réformant le RSA. C’est dans ce
cadre que j’interviens. Les bureaux sont situés en centre-ville, dans un territoire bien desservi
en transports en commun, facilitant le déplacement des personnes orientées par le
Département.

Le dispositif est financé par le Département (via l’État). Il est encadré par la réforme du
Revenu de Solidarité Active-RSA- (loi du plein emploi) et la politique de la réinsertion
sociale, encadré par la loi du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions et la loi
2002-2 rénovant l’action sociale et médico-sociale. Le but de ce dispositif concerne la levée
de freins périphériques sociaux que pourraient rencontrer les Bénéficiaires du RSA (BRSA).
Les personnes me sont orientées par mes collègues CIP du service. Pour mener à bien ses
missions, l’équipe travaille avec tous les acteurs du territoire qui œuvrent pour la lutte contre
l’exclusion et l’insertion professionnelle. Celle-ci est composée d’un chef de service, de cinq
CIP, d’une psychologue, d’un travailleur social et d’une assistante d’administration.

En tant que travailleuse sociale en formation d’assistante de service social, j’interviens dans le
champ de l’accompagnement des personnes inscrites dans la catégorie socio-professionnelle.
Ma mission est d’accueillir, d’écouter, d’informer, de soutenir, et d’accompagner les BRSA
confrontés à diverses problématiques et les accompagner dans la levée des freins
périphériques sociaux tels que l’accès au logement ou le surendettement.

L’accompagnement vise notamment l’accès et l’ouverture des droits tels que la santé, les
prestations sociales, mais aussi le maintien ou l’accès à un logement. C’est dans ce cadre que
je suis intervenue auprès de Madame Souad 1. J’ai choisi de présenter cette situation, car elle
illustre l’évolution de la relation d’aide et le lien de confiance qui s’est établi entre nous.
Aussi, il m’a paru intéressant de présenter et de mettre en lumière les problématiques
1
Afin de garantir l’anonymat des personnes, tous les noms et prénoms cités ci-après seront fictifs .

1
rencontrées par cette dame ainsi que les réponses apportées par le service et les différents
partenaires. De plus, cela m’a permis de développer et d’adapter ma communication
professionnelle en fonction de l’interlocuteur. Enfin, cette situation m’a questionnée tout au
long de l’accompagnement, j’ai dû faire des ajustements réguliers pour m’adapter au rythme
de madame Souad.

La première rencontre

J’ai rencontré Madame Souad, dès ma première semaine de travail. Après avoir échangé avec
l’équipe, il était important pour moi de me présenter à chacun des bénéficiaires du RSA
(catégorie socio-pro) afin qu’ils puissent m’identifier en allant directement les rencontrer dans
les bureaux de mes collègues CIP, au début de leur entretien.

J’ai voulu adopter cette démarche « d’aller-vers » pour éviter l’appréhension des bénéficiaires
lors des temps formels et établir un premier contact. J’ai ainsi pu expliquer les raisons de ma
présence dans le service, et mon rôle en tant que travailleuse sociale de formation ASS.

C’est dans ce contexte que j’ai rencontré Madame Souad. J’ai pu échanger avec sa CIP sur ces
difficultés financières.

J’ai proposé à Madame de reprendre le relais de son accompagnement social. Elle accepte, je
lui propose donc un rendez-vous pour un temps d’échange, elle me dit être « soulagée »
d’avoir quelqu’un pour l’accompagner dans ses démarches sociales.

Recueil de données

Les données recueillies proviennent du dossier social et professionnel de Madame Souad, de


mes échanges avec l’équipe ainsi que de mes observations et entretiens formels et informels
avec la bénéficiaire. Lors de cet accompagnement, j’ai pu rencontrer Madame Souad deux à
trois fois par mois pendant 6 mois, dans nos locaux. Je me suis également rendu à son
domicile une fois à sa demande.

Madame Souad est âgée de 48 ans. Elle est arrivée à l’âge de 16 ans en France, après avoir
vécu des violences et des persécutions de la part de sa famille paternelle, chez qui elle vivait
suite au départ de sa mère pour la France. Elle a été élevée par sa grand-mère paternelle et son

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père, ancien militaire. D’après ses dires sa grand-mère lui faisant « vivre un enfer », elle
décide à ses 16 ans de rejoindre sa mère en France, dans notre département.

A 18 ans elle rencontre son premier compagnon avec qui elle va avoir 3 enfants, mais suite à
des violences conjugales elle décide de demander le divorce. Au vu, de son état psychique
fragile, « je ne voulais plus m’occuper de personne, je n’y arrivais plus, j’ai abandonné mes
enfants », elle perd leur garde, et ne les voit que très peu. Elle décida alors de quitter cette
ville pour aller vivre à Paris, près d’une amie d’enfance. Au bout de quelques mois, elle
rencontre son second conjoint avec qui elle a une fille, Melissa, aujourd’hui âgée de 13 ans
avec qui elle vit. Après huit ans de vie commune, le couple décide de se séparer. Madame
rejoint, avec sa fille, sa mère dans notre département. Madame Souad, se dit « amochée » par
la vie.

Madame Souad, a suivi des études jusqu’au lycée en Algérie, en suivant un cursus
scientifique mais sa migration en France ne lui a pas permis d’aller au bout. Elle n’a pu faire
reconnaitre d’équivalence et a dû reprendre une remise à niveau. Elle n’a pas souhaité
reprendre d’études en France. Sa fille Mélissa est scolarisée au collège.

Madame Souad vit seule avec sa fille. Le père de sa fille vit à Paris et reçoit celle-ci chez lui
un weekend par mois. Hormis cette visite il ne contribue pas à la vie de sa fille. Depuis
quelques mois maintenant, il ne la voit plus, et donne très peu de nouvelles. La relation entre
la mère et sa fille s’est compliquée depuis qu’elle ne voit plus son père. Elle renvoi la faute de
l’absence du père sur sa mère Mélissa se replie sur elle-même, cela a un impacte de leur
relation au quotidien.

Madame Souad, perçoit des indemnités de chômage et le RSA. Elle dit avoir du mal à finir
financièrement les fins de mois. Elle a perdu son emploi suite à son état dépressif, après le
décès de sa mère, de qui elle était très proche.

Depuis le décès survenu il y a 1 an, elle a du mal à trouver la motivation pour travailler ou
même sortir de chez elle. Madame Souad, s’est peu à peu isolée du monde extérieur et a
déclenché les nombreuses difficultés que rencontre à ce jour Madame Souad. C’est depuis cet
évènement qu’elle a du mal à accepter sa vie comme elle a pu me le témoigner : « ma mère
m’a toujours épaulé au quotidien, je n’arrive pas à accepter sa mort, je n’ai plus envie de
rien ». A la suite d’échanges avec la psychologue du service que Madame Souad a rencontré,
celle-ci émet l’hypothèse d’un deuil pathologique dont Madame Souad pourrait souffrir. En
effet, Madame évoque ce sujet à chaque entretien.

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Cependant au fil de son accompagnement, et comme elle peut le témoigner, les rendez-vous
hebdomadaires avec sa CIP, lui ont permis de rompre l’isolement et de retrouver petit à petit
la force de se mobiliser dans ce parcours. Elle explique également qu’elle rencontre des
difficultés financières pour se maintenir dans son logement. De plus, Madame a verbalisé des
difficultés à pouvoir se nourrir certains mois. Lorsque nous abordons le sujet de ses finances,
Madame a du mal à expliquer sa situation. Elle reste souvent silencieuse lorsque je lui pose
des questions sur la gestion de ces dépenses. Elle me dit « je fais l’autruche et je n’ouvre pas
les lettres de relance ».

Elle souhaite reprendre sa vie en main, pour pouvoir « sortir du RSA », me témoigne-t-elle.
En termes de projet professionnel, Madame Souad souhaite exercer le métier d’agent de
nettoyage en crèche ou à l’hôpital mais elle rencontre des difficultés pour se mobiliser.

Constat et questionnements

Je constate qu’un geste censé être simple comme le fait de prendre un rendez-vous chez le
médecin ou de venir à des ateliers collectifs sont des gestes très difficiles pour Madame Souad
au début de l’accompagnement. De plus, d’après le recueil de sa parole et de celui de sa CIP,
je constate qu’il y a déjà des difficultés concernant les démarches administratives, depuis le
décès de sa mère (dette locative, impayé de créance de son crédit à la consommation).

Je constate le découragement et le désarroi face à presque toutes ces démarches de la vie


quotidienne. Madame Souad se démobilise de toute démarche avec le risque de se replier sur
soi, ce qui conforte l’isolement social. Pour les personnes les plus fragiles, cette étape du deuil
accentue le stress et crée de l’anxiété par rapport au non-recours aux droits. Cela la précarise
davantage ayant déjà des difficultés financières.

Au vu des constats, je me suis questionnée sur ce mal-être que ressentait madame Souad
depuis le décès de sa mère. Quelle place prend le deuil dans sa vie ? Pourquoi elle n’avait plus
confiance en elle et ne s’estimait plus comme elle l'a pu le verbaliser ? Comment je pouvais
travailler avec elle afin de la remobiliser et de l’accompagner dans la levée de ses freins
périphériques.

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Analyse des données

À partir de l’ensemble des données recueillies et des constats posés, et pour mieux
comprendre la situation, j’ai retenu différents axes qui vont éclairer mon analyse et m’aider à
co-construire un plan d’action avec Mme Souad. Pour ce faire, je vais m’appuyer sur les
notions suivantes : la place du deuil, l’estime de soi et la précarité financière.

Au cours de notre première rencontre, Madame Souad a décrit les difficultés rencontrées suite
au décès de sa mère, de qui elle était très proche. En effet, à la suite de ce choc, elle a perdu
son travail, s’est isolée petit à petit. Elle témoigne qu’avant le décès de sa mère elle travaillait
et gérait ses factures rigoureusement.

Le deuil est un sujet important dans la vie d’une personne, on ne peut y échapper et chacun le
vit à sa manière. Les travailleurs sociaux peuvent souvent être confrontés aux deuils vécus par
les personnes accompagnées, en raison de la mort d’un proche, de la maladie, d’une perte
d’emploi ou d’une séparation. Je me suis interrogée sur la place qu’il occupe, au vu du
comportement de madame et des différentes formes qu’il peut prendre. J’ai pu également,
apprendre les 7 étapes du deuil (le choc, le déni, la colère et marchandage, la tristesse, la
résignation, l’acceptation et pour finir la reconstruction). Lors de mes échanges avec Madame
Souad, concernant son état face à ce décès, j’ai pu relever qu’elle n’avait pas encore franchi
l’étape 3 « la colère et le marchandage ». En effet, lors de nos premières rencontres madame
me témoigne à maintes reprises, s’en vouloir, se sentir coupable et ne pas réaliser qu’elle
pourrait la perdre.

En étudiant l’axe du deuil, j’ai pu apprendre ce qu’était le deuil pathologique et le mettre en


lien avec ce que vit Madame Souad. Le deuil pathologique est un processus de deuil qui est
considéré comme complexe et persistant. Selon le DSM-5, les critères qui caractérisent un
deuil pathologique sont les suivants :
 L’individu a vécu la mort d’un membre proche de la famille ou d’un ami proche il y a
au moins 12 mois. Dans le cas d’un enfant, le décès peut avoir lieu il y a 6 mois.
 L’individu présente des symptômes de détresse émotionnelle, tels que des sentiments
de tristesse, de vide, de désespoir, de culpabilité, d’isolement social, de colère,
d’anxiété, de désespoir. (DSM-5, 2002)
Les sociologues ont étudié le deuil sous différents angles. Karine Roudaut, sociologue,
considère le deuil comme un processus qui est porteur d’un enjeu identitaire, ce qui impose la

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relativisation de l’opposition courante entre objectivité et subjectivité. (Roudaut, 2005).
D’autres sociologues ont étudié la ritualisation du deuil, qui a cédé la place dans les sociétés
industrielles à un nouveau rapport à la mort. Le travail du deuil consiste en la mise en œuvre
de solidarités qui s’expriment dans des rites et des coutumes.
Au regard de ces définitions, je me questionne sur la possibilité que Mme Souad souffre de
deuil pathologique. C’est pourquoi je lui propose une orientation auprès de la psychologue de
notre service, qui pourrait être un appui émotionnel pour elle.

Je me suis également questionnée sur le regard qu’elle pouvait porter sur elle. Madame Souad
verbalise que depuis la mort de sa mère elle ne veut plus sortir de chez elle, ou prendre soin
d’elle. Cela m’a interrogée sur l’estime qu’elle peut avoir d'elle-même. L’estime de soi est la
capacité à être conscient de ses forces, de ses valeurs, de ses atouts avec réalisme. (Doré,
2017) Avoir une bonne estime de soi joue un impact sur nos vies. D’après la thérapeute,
Amandine Ruas, « l’estime permet d’avoir plus de courage pour traverser ses peurs ou d’oser
passer à l’action en tentant de nouvelles choses et en initiant de nouveaux projets ».

L’estime de soi englobe trois notions : l’amour de soi, la vision de soi et la confiance en soi.
L'estime de soi, c'est d'abord la relation que nous entretenons avec nous-mêmes. Plus cette
relation sera saine, lucide, bienveillante et plus nous pourrons vivre heureux. Plus nous nous
sentirons importants à nos propres yeux et plus nous pourrons faire des choix justes et
harmonieux pour nous ». (Couzon & Nicoulaud-Michaux, 2012) Peu à peu, Madame Souad a
pu au long de l’accompagnement reprendre confiance en elle. Et cette estime de soi dont elle
manquait a pu être travaillée, notamment avec la psychologue du service et la CIP. J’ai
également orienté Madame Souad vers le dispositif AGIR afin qu’elle puisse créer des liens et
reprendre peu à peu confiance en elle par le biais d’ateliers collectifs (cours djembé, art
thérapie…). Ce dispositif lui a apporté un peu de réconfort car il lui a permis de rencontrer de
nouvelles personnes, de renouer avec ses compétences et d’en acquérir de nouvelles.

Au début de son accompagnement, Madame Souad m’a témoigné s’être peu à peu isolée, elle
a perdu son travail, ce qui l’a conduite à être dans une situation de grande précarité. Lorsque
nous abordons le sujet de ses difficultés financières, elle reste silencieuse.

Le silence de Madame Souad lors de notre premier entretien m’a poussé à me demander si ces
moments de « silence » avaient une fonction et une explication. Mes recherches m’ont alors
amené à saisir qu’il pourrait s’agir de « non-dits » faisant partie de la communication non
verbale. En effet, d’après la chercheuse Blandine Veith : « Les silences, les zones blanches du

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discours font aussi partie de la narration et peuvent être, comme les détails et les micro -
événements symboles, de précieux indices ». De ce fait, j’ai pris le temps avec Madame
Souad de lui expliquer qu’en me confiant ses inquiétudes financières, on pourrait instruire des
demandes d’aide pour essayer d’assainir sa situation de précarité.

La précarité financière est un sujet délicat pour Madame Souad, elle n’ose pas l’aborder, ni
demander ses droits. Elle me témoigne avoir « honte » et verbalise qu’elle a toujours travaillé
et a pu s’en sortir. Sa situation l’affecte, car elle craint de perdre son appartement. La précarité
financière est un sujet important chez les individus, elle les conduit à avoir des difficultés à
subvenir à leurs besoins de base tels que le logement, la nourriture, l’éducation et les soins de
santé. Selon une enquête menée par la DREETS, « la précarité économique est souvent
associée à une perte d’emploi », comme c’est le cas pour Madame Souad.

En tant que travailleurs sociaux, il nous faut nous préparer à être confrontés à des situations de
précarité chez les personnes accompagnées, en raison d’une perte d’emploi, d’une séparation,
d’une maladie. Nous pouvons accompagner les bénéficiaires à accéder à des ressources
financières, telles que des programmes d’aide sociale, des orientations auprès des épiceries
alimentaires ou banque alimentaire, l’accès aux soins de santé (Complémentaire Santé
Solidarité = CSS) et éviter l’expulsion de son logement. En tant que travailleuse sociale,
j’accompagne également « les bénéficiaires à élaborer des plans budgétaires pour gérer leur
argent ». En outre, avec Madame Souad, je souhaite l’accompagner dans l’effacement de ces
dettes par le biais d’un dossier de surendettement. Au fil de nos rencontres, elle se mobilise
afin de solder ses dettes et repartir à zéro comme elle le dit. Elle continue sa recherche à
l’emploi en lien avec la CIP.

Évaluation diagnostique

Compte tenu de la situation globale, je relève plusieurs problématiques : précarité financière,


manque de confiance en soi et insertion professionnelle. La première demande concerne
l'insertion professionnelle et les difficultés financières, mais la finalité de l’accompagnement
est la réinsertion de Madame dans la société. Toutefois, cette dernière se trouve dans une
situation financière fragile, car elle ne perçoit que l’ARE et le RSA. Afin de sécuriser et
stabiliser la situation globale de la mère de famille, notamment financière, un dossier de
surendettement est déposé. Le Fond de Solidarité Logement (FSL maintient) aurait pu être
une option, mais au vu de la dette supplémentaire dû au crédit à la consommation, il me

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semblait plus opportun de regrouper toute ses dettes sur le dossier de surendettement. Quant
au logement, il paraît essentiel d’accompagner Madame Souad vers une solution pérenne pour
stabiliser sa situation. En ce qui concerne l’insertion professionnelle, il s’agit d’orienter et
d’accompagner Madame dans les démarches auprès de sa CIP. Cependant, je me suis
demandé comment aborder et accompagner la mère de famille, compte tenu des difficultés
rencontrées par celle-ci. La prise en compte de son état émotionnel et de la temporalité, ainsi
que l’écoute et le soutien face aux craintes et aux incertitudes semblent indispensables dans
cet accompagnement.

La co-production et la mise en œuvre du plan d’action

À l’issue de mon évaluation, j’ai fait le point avec Madame Souad et sa CIP, de manière à
reprendre la situation depuis le départ et à obtenir une vision globale. Les objectifs de travail
ont été construit conjointement avec elle, en tenant compte de son rythme et de sa demande.
J’ai fait en sorte de me faire comprendre au mieux tout en reformulant mes propos. Puis,
ensemble, nous avons établi un rétro planning des actions à mener sur le court, moyen et long
terme.

Le projet personnalisé établi en accord avec Madame Souad

Axe accès aux soins : accompagnement de Madame Souad dans l’ouverture des droits à
l’Assurance Maladie pour renouveler sa demande de Complémentaire Santé Solidaire (CSS).

Axe insertion professionnelle : faire le lien et mener un travail en complémentarité avec sa


conseillère d’insertion professionnelle au sujet de son projet professionnel.

Axe logement/hébergement : accompagner la famille dans les démarches liées au logement


(demande de logement social et dossier de surendettement).

Axe soutien à la parentalité : soutenir Madame Souad dans les démarches quotidiennes. Être à
l’écoute des besoins de sa fille avec la mise en place d'un suivi au sein d'un groupe de parole
parent/enfant.

Axe soutien psychologique : orientation auprès de la psychologue du service, dans


l’hypothèse de travailler sur le deuil pathologique et le manque d’estime de soi. Inscription

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aux ateliers collectifs afin de sortir Madame Souad de son isolement par le biais du dispositif
AGIR.

L’ensemble de ces objectifs est en adéquation avec mon cadre de travail et mes missions
d’ASS au sein de l’association. Celles-ci ont été inscrites dans son projet individualisé afin de
formaliser l’accompagnement et de pouvoir évaluer l’atteinte ou le réajustement des objectifs.

La mise en œuvre du plan d’action

Concernant l’accompagnement social, j’ai, dans un premier temps, informé la mère de famille
de ses droits, des démarches qu’il est possible d’entreprendre et des dispositifs que nous
pouvons solliciter. Concernant l’accès aux soins, avec Madame Souad, nous avons effectué
ensemble le renouvellement d’une demande de CSS. Madame s’est chargée de déposer la
demande auprès de la CPAM. Nous avons également instruit un dossier de surendettement
concernant la dette locative (1000€) qu’elle avait auprès de son propriétaire ainsi qu’une dette
de crédit consommation (800€) qu’elle avait contractée lorsqu’elle travaillait. Ces démarches
se sont réalisées par étapes au début de l’accompagnement.

En ce qui concerne les objectifs à moyen terme, Madame Souad souhaite continuer le projet
professionnel qu’elle aimerait occuper, à savoir « agent de nettoyage en crèche ». Pour cela, je
me suis mise en lien avec sa CIP afin d’échanger sur la faisabilité de son projet professionnel.
Lors de ce rendez-vous, la conseillère lui a proposé une orientation vers une info collective
portée par la mairie de proximité du territoire, du bassin de vie de madame, pour découvrir le
métier.

Au fil des rencontres, d’autres pistes d’intervention se sont dégagées et Madame a pu intégrer
un stage d’immersion en crèche. Elle semblait ravie à l’idée de pouvoir sortir de son
isolement.

Quant aux objectifs à long terme, une demande de logement social a été effectuée au début de
l’accompagnement, j’ai établi un rapport social pour appuyer la demande de la mère de
famille. J’ai soutenu Madame Souad dans cette démarche. Ensuite, une fois que cette
demande a été validée et qu’a été attribué un Numéro Unique Départemental (NUD), j’ai
indiqué qu’un recours au DALO pourrait être réalisé seule ou accompagnée d’un travailleur
social, après 30 mois sans proposition d’un bailleur social.

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J’ai pris le temps de lire la demande de logement social avec elle et mon rapport social, afin
de recueillir son accord sur le contenu avant de l’envoyer. En parallèle, afin de ne pas nous
limiter, nous nous sommes saisies de la possibilité d’écrire à l'élu du logement de son
arrondissement et aux bailleurs sociaux afin d’appuyer la demande de logement. Aussi, en
attendant une proposition de logement, nous pouvons envisager de travailler avec Madame
Souad sur la gestion budgétaire, notamment sur le besoin d’épargner afin d’anticiper les
dépenses liées au logement.

J’ai informé la mère de famille de la pénurie de logements dans le département, afin qu’elle
soit préparée à l’attente et aux difficultés liées au relogement. À ce jour, Madame Souad est
en attente d'une proposition de logement social.

Nous avons également instruit un dossier de surendettement concernant ses dettes, à savoir :
crédit à la consommation de 800€, dette locative de 1000€ auprès de son propriétaire.
Madame n’a pas eu de réponse à ce jour de la banque de France.

Par ailleurs, je dois préciser qu’il a fallu que je réajuste certains aspects de
l’accompagnement.

En effet, au début de l’accompagnement, j’ai remarqué que Madame Souad semblait craintive
à mon intervention. C’est pourquoi, après avoir échangé avec elle, je me suis adaptée à son
rythme, en tenant compte de sa propre réflexion et en mettant en place un rendez-vous unique
pour chaque demande, de sorte à ne pas traiter simultanément toutes les demandes. J’ai réalisé
que ce mode opératoire paraissait plus simple non seulement pour la mère de famille, mais
également pour moi-même, et qu’il nous permettait de mieux avancer dans
l’accompagnement.

Clôture et évaluation de l’accompagnement

Lors de ces six mois d’accompagnement, la situation de Madame Souad a évolué. Elle a su
montrer une réelle motivation après quelques entretiens. Elle ressent encore le besoin d’être
soutenue dans ses démarches, comme pour effectuer sa déclaration trimestrielle de
ressources : « j’ai encore du mal pour me connecter et faire ma déclaration seule, ma fille
Mélissa m’aide des fois, quand il faut que j’aille sur internet ». Madame s’est sentie soutenue
et écoutée par rapport aux difficultés qu’elle rencontrait à ce moment-là. J’ai à plusieurs
reprises fait remarquer à Madame Souad ses progrès, notamment en matière de verbalisation

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de ses émotions, et qu’elle a des capacités qui lui permettent de tendre vers l’autonomie et
reprendre sa vie « en main ».

Au fil des entretiens, j’ai senti que la relation de confiance entre nous était installée. Durant
cette intervention sociale individuelle, j’ai veillé à prendre en compte l’évolution de la mère
de famille, les potentialités et son rythme afin d’envisager des propositions et des orientations
adaptées. En accord avec Madame Souad, j’ai reformulé et réajusté les objectifs fixés.

Aujourd’hui, Madame Souad se confie davantage sur son parcours et sur ses projets d’avenir.
De plus, elle a effectué certaines démarches seule, démontrant à l’heure actuelle une
dynamique de mobilisation à l’égard des différentes démarches réalisées. Plusieurs prises
d’initiative sont également à noter, par exemple lorsqu’elle se rend à l’ADIL (Agence
départementale d’information sur le logement) pour avoir des informations supplémentaires
sur le logement.

Toutefois, l’évaluation de mon ISI me paraît nuancée, car les objectifs ont été partiellement
atteints. Les problématiques les plus visibles et urgentes ont été résolues, mais l’insertion
professionnelle et l’accès au logement social ne sont pas encore assurés.

Par le biais de la réévaluation des objectifs lors du renouvellement du contrat d'engagement


réciproque (CER) instruit par la CIP, j’ai pu prendre conscience des impacts et des
changements réalisés. J’ai alors échangé avec madame Souad sur tout ce que nous avions fait
ensemble. Cela lui a permis de faire le point sur l’évolution de sa situation et de me partager
son point de vue. En tant que future professionnelle, j’ai pu prendre du recul à l’égard de mes
interventions et ainsi réajuster l’accompagnement.

L’accompagnement s’est arrêté car Madame Souad a trouvé un emploi en tant qu’aide à
domicile. Elle est donc sortie du dispositif.

Auto-évaluation

Cette intervention m’a donné la possibilité d’intervenir auprès de Madame Souad sur une
période de six mois tout en mettant en place avec elle plusieurs actions en vue d’améliorer sa
situation globale.

La relation qui s’est instaurée entre elle et moi s’est réalisée au fil de l’accompagnement et
j’ai pu évaluer la confiance qu’elle m’a accordée. J’ai essayé, pour ma part, de me positionner

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dans une dynamique de changements en mobilisant ses potentialités et mes compétences et en
valorisant les moindres avancées et acquis.

J’ai veillé à la cohérence des actions proposées et réalisées, ainsi qu’à la faisabilité du projet
d’accompagnement. La relation de confiance établie avec la mère de famille a permis
l’ouverture d’un espace de parole libre. Ainsi, elle n’hésitait pas à s’exprimer sur les
difficultés qu’elle pouvait rencontrer.

Pendant l’accompagnement, j’ai réalisé aussi que le travail social ne peut se faire seul, qu’il
s’agit d’un travail d’équipe. L’importance de l’équipe pluridisciplinaire, qui apporte son
soutien et son expertise à l’accompagnement, est évidente. En effet, les regards et échanges
croisés m’ont été d’une aide précieuse dans la compréhension de la situation et la
hiérarchisation des priorités.

Cet accompagnement m’a permis de travailler sur la prise de recul, l’instauration d’une
relation de confiance et sur la construction de mon identité professionnelle. Concernant le
plan d’action, j’ai pris conscience que le professionnel doit avancer au rythme de la personne.

J’ai également mesuré qu’il était primordial dans un accompagnement de « faire avec » et
non de « faire pour », tant que cela est possible, en m’appuyant sur le potentiel des personnes
pour favoriser leur autonomie.

Enfin, j’ai réalisé l’importance des temps informels passés avec la mère de famille, ils m’ont
permis d’appuyer l’accompagnement proposé aux BRSA, qu’il soit individuel ou collectif, et
aussi l’importance de la complémentarité entre l’ISC et l’ISI. En effet, le déroulement de l’ISI
a un effet sur l’ISC et inversement. L’un et l’autre s’enrichissent mutuellement. Ces deux
méthodes représentent un véritable atout dans le travail d’accompagnement de l’ASS.

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BIBLIOGRAPHIE

 ASSOCIATION PSYCHIATRIQUE AMÉRICAINE (APA). (2002). Manuel


diagnostique et statistique des troubles mentaux DSM-IV-TR.

 Couzon, É., & Nicoulaud-Michaux, A. (2012). S’estimer pour réussir sa vie : l’estime
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 Doré, C. (2017). L’estime de soi : analyse de concept. Recherche en soins infirmiers,


129, 18-26. https://doi.org/10.3917/rsi.129.0018

 Lien social et précarité - Directions régionales de l'économie, de l'emploi, du travail et


des solidarités (DREETS) Consulté le 10 janvier 2024

 Roudaut, K. (2005). Le deuil : individualisation et régulation sociale. A contrario, 3,


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 RFSS N°267 : "Précarité, Pauvreté, Exclusion : Quelles réponses du travail social ?"
(anas.fr) consulté le 12 janvier 2024

13
 Veith, B. (2010). Lorsque les silences parlent dans les récits de vie : comment analyser
la complexité du social ?. L’Homme & la Société, 176-177, 151-169.
https://doi.org/10.3917/lhs.176.0151

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