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108 BULLETIN CRITIQUE

grosses difficultés il est vrai. Il est souhaitable que cet aspect vivant et
encourageant des textes ait pour effet de retenir les élèves, d'ordinaire
d6rout6s par une masse considérable de notions à assimiler, et que les
satisfactions imm6diates qu'ils pourront en retirer les engagent à poursuivre
leur effort.
L'analyse grammaticale est tr6s pouss6e; chaque mot du texte de base
y est repris et expliqué avec force détails, ce qui permet aux auteurs de passer
en revue et de signaler de multiples notions grammaticales, sans s'astreindre
notamment à donner le d6but un tableau complet de la conjugaison qui
est, comme on sait, la pierre d'achoppement.
Le texte d'application est simplement traduit; il est suivi d'exercices
(thèmes et versions) de plus en plus d6licats, mais toujours choisis de façon
à ne contenir que du vocabulaire connu (ou cens6 connu, car il faut tenir
compte des d6faillances de m6moire, et, à cet 6gard, un glossaire complet
eft sans doute 6t6 utile).
L'ensemble est divisé en trente-cinq chapitres au cours desquels la gram-
maire et le vocabulaire de base sont 6tudi6s; viennent ensuite cinquante
tableaux de conjugaisons, puis une liste des verbes accompagn6s des pr6po-
sitions avec lesquelles ils se construisent. Des préoccupations dont nous ne
saisissons gu6re l'int6r6t dans un manuel de ce genre ont conduit les auteurs
à donner (pp. 302-315) les termes techniques arabes de la grammaire; il est
vrai que celle-ci est pr6sent6e d'une façon traditionnelle, sans effort de
modernisation, et il est à supposer que l'un des deux auteurs au moins,
quand il explique un texte, 6prouve le besoin de se r6f6rer aux grammairiens
arabes, dont les conceptions, au XX- siècle, sont quelque peu surann6es.
Mais l'int6r?t principal de cet ouvrage réside dans sa méthode, dans sa
présentation pratique, avec des voyelles sur tous les mots clairement
dactylographi6s), dans la progression parfaitement logique des leçons et
dans Ie choix des textes, tr6s souvent emprunt6s, sans trop de modifications,
à des journaux arabes. Un souci d'actualit6 et de r6alisme a conduit les
auteurs à conserver les noms propres cités dans les articles, mais on sait
comment transit gloria mundi, et il est à craindre que ces r6f6rences à des
personnalit6s actuellement c6l6bres ne fassent vieillir pr6matur6ment un
ouvrage au demeurant tout à fait remarquable.
CH. PELLAT

HENRI PÉRÈS, La Poésie andalouse, en arabe classique, au XIe


siècle. Ses aspects généraux, ses principaux thèmes et sa valeur
documentaire, 2e édition revue et corrigée, 1 vol. in-8°, XLVIII +
541 p., Paris, 1953.

Quinze ans ne passent pas sur un ouvrage d'6rudition sans que l'auteur,
toujours fidèle à son sujet, n'y d6couvre des lacunes et des erreurs qu'il
corrige scrupuleusement dans les marges de son exemplaire de travail; il
peut arriver au surplus que le fond lui-même exige de profonds remaniements,
mais alors l'ouvrage tout entier doit ?tre refondu. Or, cette deuxi6me
édition de la monographie d6sormais classique de M. H. P6r6s sur la po6sie
andalouse n'est, selon les propres termes de son auteur, que « revue et
corrig6e », au point que c'est un exemplaire de la premiere édition qui a 6t6
photographié, avec les corrections n6cessaires; et l'on doit au passage
f6liciter les imprimeurs qui ont su ex6cuter un excellent montage, non
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sans cependant commettre quelques n6gligences, ainsi qu'en t6moignent les


addenda et corrigenda que l'auteur s'est vu contraint de signaler.
En gros, seules la bibliographie - consid6rablement enrichie - et deux
pages - 18-19 -, ont du 6tre compos6es à nouveau; c'est dire que dans le
reste de l'ouvrage, il s'agit simplement de corrections ou d'additions de
détails; celles-ci concernent le titre (ses principazsx themes), des maladresses
de style, des traductions de vers ou de mots isol6s (ainsi « Esclavons au
lieu de « Slaves »), des notes maintenant plus fournies. On notera qu'en ce
qui touche aux vers, M. P6r6s avait d6pouiII6 en manuscrit la Dahira d'Ibn
Bassäm et quelques dïwäns aujourd'hui publiés, ce qui lui a permis de
modifier dans quelques cas ses lectures et l'a obligé à ajouter en note un
renvoi aux textes imprim6s. Mais dans 1'ensemble, si l'on met à part les
travaux d'E. Garcfa G6mez et E. L6vi-Proven?al, les ouvrages publi6s
depuis 1937 sur I'Espagne musulmane et sur la po6sie andalouse n'ont
apporté que des précisions de détails, sans amener M. Pérès à reviser ses
conceptions; c'est là un fait tr6s remarquable qui confirme la qualité de
cette monographie. CH. PELLAT

CH. PELLAT, Le Kit�b at-Tarbi� wa-t-tadw�r de ���iz,


PIFD,
i vol. in-8°, XXVII + 46 + 218 p., Damas, 1955.

Dans le cadre des études ?ahiz,iennes, auxquelles il consacre la plus grande


partie de ses travaux, M. Ch. Pellat nous livre le texte de cet important
opuscule de 8abiz. En ce qui concerne le texte, M. Pellat s'est attach6
à délimiter la partie que l'on peut raisonnablement rattacher a la risdla
originale, en signalant par une disposition typographique appropri6e les pas-
sages vraisemblablement interpol6s.
L'ouvrage, r6dig6 entre 227/842 et 230/845, consiste en une « s6rie de
questions épineuses adress6es à un nommé Ahmad b. cabd al-Wahhdb »,
katib de I'administration labbdside, plus précisément sous le califat d'al-
Wätiq. 11aurait 6t6 inspiré à 8abi+ par le vizir Ibn al-Zayyat, qui avait des
raisons personnelles d'en vouloir à son ancien secr6taire, et a pu charger
notre auteur d'attaquer ce dernier en le mettant publiquement dans 1'em-
barras.
Pour le fond, M. Pellat considère le Tarbic comme une sorte de com-
pl6ment des I;Iayawän; alors que ce dernier ouvrage se borne « à un expos6
objectif des solutions admises par une partie au moins de la communaut6 »
relativement aux croyances qui ne sont pas justifi6es par le Coran, et qui
sont en tout cas en opposition avec les conceptions rationalistes hell6nistiques,
le ton du Tarbil « ne laisse aucun doute sur sa pens6e profonde Toutes les
croyances critiquables des Arabes ant6islamiques, des Musulmans orthodoxes,
des juifs, des Chr6tiens, des Mand6ens, des Mazd6ens, des Manich6ens, et
tout particulièrement des 5i'ites dont se r6clamait Ahmad b. 'Abd al-
Wahhäb, y font l'objet d'une critique aussi p6n6trante que spirituelle.
M. Pellat, sans malgr6 tout céder à la tentation d'un parall6le trop facile -
d'ailleurs abusif et artificiel - avec Descartes, pense apr6s examen de cet
opuscule que « ce doute m6thodique que introduit dans la litt6rature
arabe (...) eut pu constituer un ferment d'une extraordinaire puissance s'il
l'avait placé dans une nation moins attach6e à la tradition et à la routine
que la nation arabe ». Mais « il est simplement regrettable que dans les
siècles post6rieurs des 6crivains intelligents n'aient point song6 à s'interroger
sincèrement et à fournir des r6ponses raisonnables aux questions de t.

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