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Autour de L’enfant noir de Camara Laye Elsie AUGUSTAVE et Irène ASSIBA D’ALMEIDA

Elsie AUGUSTAVE et Irène ASSIBA D’ALMEIDA


Un monde à découvrir

Autour de L’enfant noir de Camara Laye a été conçu pour


accompagner la lecture de ce chef-d’œuvre de la littérature

Autour de L’enfant noir


africaine. Écrit à quatre mains, il peut servir d’outil pour l’analyse
et la réflexion dans des cours de français, pour les niveaux
secondaires et universitaires, et pour tous ceux qui aiment la
littérature en général ou qui veulent s’initier à la littérature africaine.
Cet ouvrage met l’accent sur la langue, la culture et l’analyse
littéraire. Il contient divers travaux dirigés pour améliorer et enrichir
de Camara Laye
l’expression écrite, y compris une création littéraire consistant à Un monde à découvrir
écrire une autobiographie. L’expression orale, quant à elle, permettra
l’organisation des idées et le développement du sens critique. De
plus, des questions d’analyse stimulent la compréhension lexicale,
syntaxique, stylistique et culturelle, et encouragent une lecture active
et attentive de l’autobiographie de Camara Laye.

Autour de L’enfant noir de Camara Laye


Née en Haïti, Elsie AUGUSTAVE est diplômée en études de littérature et en
langues étrangères des universités de Middlebury College dans le Vermont et
Howard University à Washington DC. Boursière de la prestigieuse institution
Fulbright, elle a travaillé en tant que chorégraphe du Théâtre national du
Zaïre (aujourd’ hui RDC), ainsi que professeure de danse à l’Institut national
des arts de Kinshasa. Après une longue carrière de professeure de français et
d’espagnol aux États-Unis, elle se consacre désormais à l’ écriture suite au
succès de son roman The Roving Tree.

D’origine béninoise, Irène ASSIBA D’ALMEIDA est professeure émérite de lettres


africaines et d’ études féminines à l’université d’Arizona. Elle est l’auteure,
entre autres publications, du premier ouvrage de critique littéraire, en anglais,
analysant les œuvres des écrivaines de l’Afrique francophone : Francophone
African Women Writers: Destroying the Emptiness of Silence [Écrivaines
africaines tuant le vide du silence. Irène Assiba d’Almeida est aussi traductrice
et poète.

Photographie de couverture de Koffi Yves Parfait.

ISBN : 978-2-343-14745-1
18 €
Autour de L’enfant noir
de Camara Laye
Elsie AUGUSTAVE
et Irène ASSIBA D’ALMEIDA

Autour de L’enfant noir


de Camara Laye

Un monde à découvrir
Des mêmes auteures

Guide de lecture. L’enfant noir de Camara Laye, Wayside


Publishing, 2004

Elsie Augustave
The Roving Tree. A novel. New York: Akashic Books / Open Lens,
2013.

Irène Assiba d’Almeida


Une pluie de mots : anthologie bilingue de la poésie des femmes
d’Afrique francophone, traduit par Janis A. Mayes. A Rain of
Words: A Bilingual Anthology of Women’s Poetry in Francophone
Africa, Charlottesville & London: University of Virginia Press,
2009.
Francophone African Women Writers : Destroying the Emptiness
of Silence, University Press of Florida, 1994
Essais et documentaires des Africaines francophones. Un autre
regard sur l’Afrique, L’Harmattan, 2015 (avec Sonia Lee)

© L’Harmattan, 2018
5-7, rue de l’École-Polytechnique, 75005 Paris
http://www.editions-harmattan.fr
ISBN : 978-2-343-14745-1
EAN : 9782343147451
À nos enfants et petit-enfant,
Sébastien, Senami, Marlow
et à tous les enfants noirs
La force du baobab se trouve dans ses racines.
Proverbe malinké
PRÉFACE

Il y a maintenant plus d’une décennie que L’enfant noir


de Camara Laye a été mis au programme de littérature
francophone aux États-Unis pour des élèves de classe de
terminale. L’idée d’enseigner une œuvre qui traite d’une
culture et d’une littérature inconnues intimidait la plupart
des enseignants. À cette époque-là, nous étions toutes les
deux consultantes pour le College Board1 et membres du
comité chargé de créer les épreuves de l’examen d’État en
français (l’équivalent de l’épreuve de français au
baccalauréat). Étant donné que nous étions professeures
d’université et de lycée enseignant le français et les
littératures francophones et que nous sommes de cultures
africaine et caribéenne, nous avons proposé de préparer un
Guide de lecture2 pour faciliter la tâche aux élèves,
enseignantes et enseignants américains. Nous avons aussi
conduit des ateliers de formation pour des enseignantes et

1
Le College Board est une institution à but non lucratif fondée en
1899 pour préparer les élèves des classes terminales à l’entrée à
l’Université. Parmi ses nombreuses fonctions, le College Board crée et
administre les examens standardisés pour l’ensemble des États-Unis.
2
Irène Assiba d’Almeida et Elsie Augustave, L’enfant noir de
Camara Laye. Guide de lecture, Sandwich, MA: Wayside Publishing,
2004, 62 p.
enseignants dans plusieurs États des USA. Ces ateliers
avaient pour but d’initier les professeures et professeurs à
la littérature africaine et de les aider à comprendre la
culture qui sous-tend L’enfant noir.
Nous avons retravaillé, modifié et enrichi ce guide de
lecture au profit d’un public plus élargi et plus divers tout
en ciblant principalement les étudiantes et étudiants des
niveaux secondaires et universitaires.3 Nous pensons
prioritairement à celles et ceux qui vivent en Afrique et
nous espérons que cet ouvrage sera utile à plusieurs
générations d’élèves, d’étudiantes et d’étudiants.
Certes, notre premier objectif est d’aider à approfondir
la connaissance et la compréhension de L’enfant noir.
C’est aussi de donner à découvrir plusieurs aspects de tout
un monde à travers cet ouvrage devenu un classique de la
littérature africaine. Un monde littéraire bien sûr et aussi
un monde culturel pour, à l’instar de Camara Laye,
préserver et ne pas abandonner les cultures africaines face
à une mondialisation galopante. Au-delà de tout cela, un
autre objectif est d’encourager deux éléments clefs de
l’éducation : la lecture et l’écriture. Dans Un monde à
découvrir, nous avons inclus des travaux dirigés pour
permettre de tirer le plus grand profit de la lecture de
L’enfant noir. En outre, nous guidons, encourageons et
incitons toutes nos lectrices et tous nos lecteurs à la
création littéraire, à la volonté d’écrire leur propre
autobiographie. L’un des plus anciens préceptes de la

3
Dès lors que l’UNESCO a désigné Conakry Capitale Mondiale du
Livre (2017-18), nous avons décidé de faire une publication plus
élaborée de cet ouvrage en l’honneur de L’enfant noir, de Camara
Laye et de son pays.

12
création, surtout dans ses débuts, est l’écriture par
l’imitation. L’enfant noir est un beau modèle à imiter, car
Camara Laye maîtrise les techniques narratives.
L’observation de son art, de ses multiples descriptions, de
ses figures de style peut être une source féconde
d’inspiration et un riche terrain d’imitation.
Un monde à découvrir se veut un outil et un atout pour
professeurs, professeures, étudiantes et étudiants et pour
tous ceux qui souhaitent savoir mieux lire. Cet ouvrage
permet d’aller au-delà de l’histoire narrée pour s’habituer
à prêter attention au style. Grâce à la manière dont
fonctionnent les procédés de narration et les choix
stylistiques de l’auteur, on comprendra le processus de
création de L’enfant noir, œuvre qui a si profondément
marqué la littérature africaine.
Toutes les écrivaines, tous les écrivains s’accordent à
dire que pour bien écrire, il faut lire, lire et lire encore. On
ne saurait trop insister sur les bienfaits de la lecture, car les
avantages sont innombrables : elle développe
l’imagination, elle permet d’acquérir un savoir, elle
multiplie les capacités de penser, elle améliore la manière
d’écrire et même de parler. La lecture génère aussi la
créativité et constitue enfin une incomparable mine
d’idées, capable d’ouvrir de nombreux horizons.
Cependant, le goût de lire présuppose que l’on
privilégie l’éducation à tous les niveaux et pour toutes et
tous, filles comme garçons. L’éducation est la plus grande
arme dont un individu puisse être pourvu. Elle est aussi la
clé d’un développement durable. L’éducation et la
connaissance qu’offre la lecture garantissent l’éradication
de l’ignorance. Une fois que l’on possède la connaissance,
personne ne peut l’enlever. Si les traditions africaines ne

13
mettent pas assez l’accent sur la lecture, car elles sont
généralement fondées sur l’orature, elles n’ont cesse
d’insister sur la connaissance. Cela se voit dans de
nombreux proverbes tels « la connaissance est comme un
baobab, on ne peut l’entourer de ses deux bras. » Ce
proverbe invite à la recherche incessante du savoir. On dit
aussi que « la connaissance est comme un champ, s’il
n’est pas cultivé, il ne peut donner aucune récolte. » Nous
savons donc ce qui nous reste à faire pour avoir de bonnes
récoltes, de riches récoltes, des récoltes de qualité.
Le livre, mystère de signes que l’on doit déchiffrer ; le
livre, mystère de mots, est un immense trésor que tous les
enfants devraient pouvoir découvrir. Vous avez remarqué
que nous dédions Un monde à découvrir à tous les enfants
noirs. Comme les enfants qui illustrent la première page de
couverture qui sont absorbés par le livre de Camara Laye
qu’on leur lit, nous exhortons les parents et les aînés à lire
aux plus jeunes afin de leur donner le goût de la lecture. Il
faudrait leur expliquer que la lecture leur octroie un grand
pouvoir, car ils peuvent faire du livre un objet vivant. En
réalité, sans lecteurs, sans lectrices, un livre n’existe pas.
Si nous avons insisté sur la lecture et ses multiples
mérites, c’est que nous pensons qu’elle est la pierre
angulaire, la fondation qui permet l’écriture dont les
avantages ne sont pas négligeables. Effectivement,
l’écriture donne l’occasion de poursuivre la quête de soi
qui aboutit à une meilleure compréhension du monde et à
une meilleure vision des êtres et des choses. Poussant à la
découverte, ce médium est un puissant outil de
communication et peut même avoir des effets
thérapeutiques comme pour Camara Laye qui écrit
L’enfant noir alors qu’il est loin de chez lui et éprouve le

14
mal du pays. Le pouvoir des mots étant immense, écrire
constitue une façon de matérialiser la pensée, d’exprimer
son intelligence conceptuelle et émotionnelle, de se libérer
des carcans du quotidien et de laisser des empreintes
durables.
La lecture et l’écriture sont des activités souvent
complémentaires nous permettant de mieux nous
comprendre et de comprendre les autres afin de tisser des
liens avec autrui. Les mots nous entraînent dans
l’imaginaire, nous faisant voir le monde dans une nouvelle
optique et, paradoxalement, nous rapprochent du réel. Tels
sont les mots que L’enfant noir de Camara Laye nous offre
en abondance et qu’Un monde à découvrir nous aide à
apprécier dans toute son envergure.
Elsie Augustave
& Irène Assiba d’Almeida

15
AVANT-PROPOS

Chères lectrices, chers lecteurs,


Un monde à découvrir : L’enfant noir de Camara Laye,
travail pédagogique et littéraire, est réalisé dans le but
d’offrir une compréhension approfondie de L’enfant
noir4 et partant, de découvrir tout un monde, comme le
titre de notre étude le suggère. On pourrait même dire que
vous irez à la découverte de plusieurs mondes : celui de la
littérature et d’une écriture particulière comme point de
départ et celui d’une société traditionnelle et d’une culture
fascinante. Nous avons inclus des résumés de chaque
chapitre parlant des moments clés. L’ensemble des
chapitres donne une vision panoramique de l’ouvrage.
Toutefois, il va sans dire qu’une lecture méticuleuse de
l’œuvre complète est indispensable. Un monde à découvrir
doit servir de complément à L’enfant noir et non pas en
être une substitution.
Nous vous conduisons vers une meilleure compré-
hension de L’enfant noir afin que vous puissiez saisir tout
ce que l’auteur révèle, comprendre les pensées qu’il

4
Camara Laye, L’enfant noir, Paris, Éditions Plon, 1953. Dans cet
ouvrage, toutes les citations sont tirées de l’édition 2012 et leur
pagination figure entre parenthèses en fin de citation.
exprime, les sentiments qu’il ressent et découvrir la
diversité des stratégies d’écriture. Ceci vous permettra de
mieux apprécier la dialectique entre le contenu, soit le
fond, et la manière dont ce contenu est formulé, soit la
forme. En d’autres termes, il faudra remarquer
l’entrelacement du fond et de la forme. Sous une fausse
apparence de simplicité, Camara Laye guide les lectrices
et les lecteurs à travers les différentes facettes de la culture
malinké.
Le profil de l’auteur situe Camara Laye dans son cadre
géographique et littéraire tandis que le profil de l’œuvre se
penche brièvement sur l’autobiographie en tant que genre
littéraire et la manière dont Laye en fait à la fois une auto-
fiction et une socio-fiction. Ce profil est suivi de façon
détaillée des références stylistiques se focalisant sur la
composition de l’œuvre et le style de l’auteur.
Après le résumé de chaque chapitre, nous avons choisi
un ou deux passages qui nous semblent emblématiques.
Les questions sur les passages permettent une meilleure
compréhension de l’ouvrage et les questions à choix
multiples enrichissent le vocabulaire et encouragent
l’usage du mot juste. Des questions à discuter en classe
favorisent un travail collectif où les élèves, étudiantes et
étudiants, peuvent partager et échanger leurs propres idées
et développer ainsi leur sens critique tout en se fortifiant
de diverses opinions. En ce qui concerne les personnages,
nous avons commencé par vous donner un diagramme
permettant de mieux discerner les personnages importants
dans la vie de Laye et les liens qui les unissent. Ensuite,
nous avons procédé à une analyse des protagonistes et à
leur interaction les uns avec les autres.

18
Enfin, nous vous proposons des exercices supplé-
mentaires qui comportent des questions pour la discussion
de l’œuvre tout entière ainsi que des lettres à rédiger. Nous
vous invitons à composer des essais et à préparer des
présentations orales. Pour vous aider à accomplir ces
tâches, nous mettons à votre disposition les outils
nécessaires, à savoir des conseils pour un essai et une
présentation orale. Les exercices supplémentaires ont des
aspects novateurs en ceci qu’on vous demande de
répondre à des messages électroniques. Un monde à
découvrir comprend aussi un projet littéraire appliqué qui
consiste à vous guider pour que, à l’instar de Camara
Laye, vous puissiez écrire votre propre autobiographie.
Finalement, nous vous suggérons des listes de mots et
expressions à considérer pour tous ces exercices et une
liste de figure de style pour une rédaction et une
présentation plus raffinées. En somme, les exercices
supplémentaires aident à stimuler une meilleure lecture,
peaufiner l’écriture et développer l’imagination. Un
monde à découvrir se termine par un ensemble sémantique
comprenant plusieurs types de vocabulaire ; les mots
difficiles tirés du texte, un glossaire de vocabulaire en
langue malinké et un autre en vocabulaire africain en
langue française montrant ainsi les particularités des
langages qu’utilise Camara Laye.
La façon exhaustive dont nous avons traité des
nombreux thèmes dans Un monde à découvrir jette une
lumière particulière sur la démarche de Camara Laye dans
la transmission de sa vision du monde. Le partage de sa
réalité et de ses émotions émaille cette œuvre magistrale,
produit et miroir d’une société et d’une époque. Il fait tout
cela par le biais des thèmes tels que la famille et la

19
communauté, les croyances traditionnelles, l’amitié, les
relations interpersonnelles et l’angoisse existentielle. Si
ces thèmes reflètent des valeurs et des émotions liées à une
culture spécifique — la culture malinké —, ils reflètent
également des valeurs et des émotions universelles,
traversant l’espace et le temps et faisant de L’enfant noir
un ouvrage intemporel qui, publié à Paris en 1953, s’est
imposé comme l’un des classiques de la littérature
africaine.

20
I. LE PROFIL DE L’AUTEUR

1. LA VIE ET L’ŒUVRE DE CAMARA LAYE


Camara Laye est né le 1er janvier 1928 dans la ville de
Kouroussa, en Haute-Guinée. Appartenant à l’ethnie des
Malinké, il est le fils d’un forgeron de grande renommée,
l’aîné d’une famille de douze enfants. Le nom de famille
de l’auteur est Camara. Laye étant son prénom, est un
diminutif de Abdoulaye.5 Voulant donner à leur fils une
éducation à la fois traditionnelle et musulmane, les parents
de Laye lui apprennent les traditions de son ethnie et
l’envoient à l’école coranique. Plus tard, Laye ira à l’école
primaire de Kouroussa pour une éducation de type
français. Après ses études primaires, il va à Conakry,
capitale de Guinée, où il fréquente le collège Poiret. En
1947, il obtient une bourse pour étudier en France à
l’École centrale d’ingénierie automobile à Argenteuil,

5
De nombreux Africains de la génération de Laye écrivaient leur nom
de famille avant leur prénom. Il semble que cette pratique vienne de
l’histoire coloniale de l’Afrique où les instituteurs français classaient
les élèves par ordre alphabétique selon le nom de famille, plusieurs
enfants portant le même prénom. Les élèves déclinaient donc leur nom
comme ils le faisaient à l’école. Cette pratique est encore vivante en
Afrique contemporaine.
dans la région parisienne. Cette école lui donne une
formation de mécanicien.
Camara Laye veut poursuivre des études plus avancées.
Pourtant, pour des raisons financières, il doit les interrompre
pour travailler. Il trouve un emploi aux usines SIMCA
(Société industrielle de mécanique et carrosserie auto-
mobile), puis travaille à la RATP (Régie autonome des
transports parisiens). En même temps, il suit des cours du
soir au Conservatoire national des arts et métiers. Plus tard, il
s’inscrit à l’École technique d’aéronautique et de
construction automobile pour recevoir une formation
d’ingénieur. C’est en poursuivant ses études qu’il a la
nostalgie de son pays, de sa famille et de son enfance. Pour
oublier l’atmosphère froide et grise de Paris, ville si
différente de Kouroussa, il écrit L’enfant noir. Ce livre est un
roman autobiographique qu’il dédie à sa mère dans un
poème touchant précédant son récit. L’écrivain évoque ainsi
les circonstances dans lesquelles il a écrit L’enfant noir :
Vivant à Paris, loin de ma Guinée natale, loin de mes parents, et
y vivant depuis des années dans un isolement rarement
interrompu, je me suis transporté mille fois par la pensée dans
mon pays, près des miens… Et puis, un jour, j’ai pensé que ces
souvenirs, qui à l’époque étaient dans toute leur fraîcheur,
pourraient, avec le temps, sinon s’effacer — comment
pourraient-ils s’effacer ? — du moins s’affaiblir. Et j’ai
commencé à les écrire… L’ouvrier que je suis racontait sa vie,
un point c’est tout. Je ne pensais qu’à moi-même et puis, à
mesure que j’écrivais, je me suis aperçu que je traçais un
portrait de ma Haute-Guinée natale… Je vivais seul, seul dans
ma chambre d’étudiant pauvre, et j’écrivais : j’écrivais comme
on rêve, je me souvenais ; j’écrivais pour mon plaisir et c’était

22
un extraordinaire plaisir, un plaisir dont le cœur ne se lassait
pas.6
Le livre connaît un grand succès en France et reçoit le
prix Charles Veillon, prix international du roman français,
en 1954. Laurent Chevallier, réalisateur français, porte à
l’écran L’enfant noir en 1994. Bien qu’ayant le même titre
que le livre, ce film n’est pas strictement l’histoire de
Camara Laye. Il s’en inspire fortement, dans une
adaptation assez libre comme l’avoue Chevallier lui-même
dans une inscription au début du film.7
Camara Laye finit ses études en 1956 et retourne en
Afrique, notamment au Dahomey, l’actuel Bénin, et au
Ghana. La Guinée devient indépendante en 1958 et
Camara Laye rentre dans son pays. Il est nommé premier
ambassadeur de Guinée au Ghana. Plus tard, il sera le
directeur du Centre de recherches et d’études au ministère
de l’Information à Conakry.
Camara Laye est de plus en plus en conflit avec le
régime de Sékou Touré, premier président de Guinée, qu’il
dénonce dans ses écrits. En 1964, Camara Laye est
brièvement emprisonné. Relâché, il se réfugie en Côte
d’Ivoire avant d’aller en exil au Sénégal. En 1970, il
devient chercheur en études islamiques à l’IFAN (Institut
fondamental de l’Afrique noire) à l’université de Dakar
(aujourd’hui l’université Cheikh-Anta-Diop). En 1975,
Camara Laye tombe malade. Il va se faire soigner en

6
Camara Laye. Discours prononcé au Colloque sur la littérature
africaine d’expression française, faculté de lettres de Dakar, 26-
29 mars 1963. Cité par Joyce A. Hutchinson, éd. L’enfant noir,
Londres, 1966, p. 7.
7
Laurent Chevalier. Film : L’enfant noir, VHS/Secam. Paris : Films
du Paradoxe, 1995 (92 minutes).

23
France puis retourne au Sénégal. Cinq ans plus tard, il
meurt à Dakar, le 4 février 1980.
En dehors de L’enfant noir, Camara Laye a écrit
Le Regard du roi, publié à Paris en 1954.8 C’est un roman
allégorique où le personnage principal, un Blanc du nom
de Clarence, subit une initiation qui lui fera découvrir la
richesse de la sagesse africaine. En1966, Camara Laye
écrit Dramouss,9 une suite de L’enfant noir. Contrairement
à L’enfant noir qui évoque l’enfance heureuse de Laye,
Dramouss, par la voix de Fatoman, le héros du roman,
parle de son séjour en France et de sa déception une fois
revenu au pays dans un climat dictatorial. La dernière
œuvre de Camara Laye est Le Maître de la Parole (Paris,
1978)10, un récit historique basé sur la tradition orale
narrée par le griot Babou Condé, ayant pour thème la vie
de Soundjata Keita, grand empereur mandingue, qui régna
au XIIIe siècle à la tête du puissant Empire du Mali.
Le Maître de la Parole a reçu le prix de l’Académie
française.

8
Camara Laye, Le Regard du roi, Paris, Éditions Presses Pocket, 954.
9
Camara Laye, Dramouss, Paris, Éditions Presses Pocket, 1966.
10
Camara Laye, Le maître de la parole. Kouma Lafôlô Kouma. Paris,
Éditions Plon, 1978.

24
2. LA GUINÉE, PAYS DE CAMARA LAYE
a. Carte de la Guinée par rapport au continent africain

(Wikipédia)

b. Carte de la Guinée par rapport aux pays limitrophes

(Wikipédia)

25
La Guinée est un État de l’Afrique de l’Ouest avec une
superficie de 245 000 kilomètres carrés. Comme tous les
États d’Afrique nés du partage colonial, l’espace guinéen
est pourvu de frontières arbitraires, ne correspondant ni à
des séparations naturelles, ni à des regroupements
ethniques. Le pays est limité au nord par le Sénégal et une
partie du Mali, au nord-ouest par la Guinée-Bissau, à
l’ouest par l’océan Atlantique, au Sud par la Sierra Leone
et le Liberia, à l’est par la Côte d’Ivoire et une partie du
Mali.
Géographiquement, la Guinée forme un demi-croissant
comportant quatre grandes régions. La Basse-Guinée
abritant Conakry, la capitale, longe l’océan Atlantique et
jouit d’un climat tropical très humide. Au nord de la
Basse-Guinée se trouve la Moyenne-Guinée dont la
principale ville est Labé et où se situe le Fouta Djalon, une
chaîne de hauts plateaux d’où naissent de nombreux
fleuves et rivières — tels la Gambie, le Sénégal que l’on
nomme Bafing en Guinée et les affluents du Niger. À
cause de l’importance de cette hydrographie, on a donné à
la Guinée le nom de « Château d’eau » de l’Afrique de
l’Ouest. Le bassin du Haut-Niger forme la Haute-Guinée,
région dans laquelle est né Camara Laye et qui abrite
Kankan, la deuxième ville du pays. On trouve dans cette
région des sites historiques tels les vestiges de Niani, la
capitale du glorieux empire du Mali. Enfin, la Guinée
forestière, région montagneuse, située au sud-est du pays,
est la moins peuplée. Abritant toutes sortes d’animaux :
éléphants, lions, léopards, phacochères, hippopotames,
buffles et crocodiles, la forêt est dense. La végétation est
abondante et la faune diverse.

26
Sur le plan économique, la Guinée possède un sous-sol
riche encore insuffisamment exploité. Possédant des
gisements d’or et de diamants, elle est le deuxième
producteur mondial de bauxite. L’agriculture est dominée
par la culture du riz dans les grandes rizières du Fouta
Djalon où l’on cultive aussi l’arachide et le manioc. Les
forêts produisent du bois et l’élevage est important.
La langue officielle est le français. Toutefois, comme
tous les pays francophones d’Afrique, la Guinée a de
nombreuses langues nationales. Les plus parlées sont le
poular, le malinké et le soussou. Le pays compte environ
13 000 000 d’habitants (2016) regroupés dans une
vingtaine d’ethnies. Deux groupes prédominent : les Peuls
(38,6 %) et les Malinkés (23,2 %). Puis viennent les
Soussous, les Kissis, les Kpélés ainsi que d’autres ethnies
dont les membres sont moins nombreux. La population est
fortement islamisée et comprend 85 % de musulmans
contre 8 % de chrétiens. Les autres pratiquent exclusi-
vement leurs religions traditionnelles. La Guinée a une
riche histoire qui, selon les données archéologiques,
remonte au premier millénaire.
La région a vu se succéder une série d’empires et de
royaumes. Du IXe au XIe siècle, règne le royaume du
Manding ; au XIIe siècle, règne l’Empire du Mali, dirigé
par l’empereur légendaire Soundjata Keita. Grâce à ses
exploits militaires, l’empire du Mali s’étend du nord de la
Guinée jusqu’à Tombouctou dans l’ancien Soudan
français, l’actuel Mali. Dès le début du XVIIIe siècle
s’instaure un état théocratique avec des chefs qui ont
marqué l’histoire guinéenne, tels que Karamoko Alfa
(1725-50) et Ibrahima Sambego Sori (1751-84). Dans les
années 1880, le Mandingue Samory Touré forme un

27
empire en Haute-Guinée avec Bissandougou pour capitale.
Chef charismatique et stratège militaire, Samory Touré
prend le contrôle de l’intérieur du pays. Il deviendra l’un
des héros de l’histoire précoloniale de Guinée et même de
l’Afrique tout entière.
Comme dans la majorité des pays africains, les
explorateurs portugais sont les premiers Européens à
atteindre les côtes de Guinée où ils établissent des
comptoirs commerciaux pour l’or et l’ivoire. Ils pratiquent
bientôt la traite des esclaves. Durant la seconde moitié du
e
XIX siècle, la France envahit la Guinée et se heurte à
l’armée farouche de Samory Touré qui mène une guerre
organisée contre l’occupation française. Après plusieurs
années de résistance, Samory Touré est vaincu en 1888.
En 1906, la Guinée est administrée par le gouvernement
français et intégrée à l’AOF (Afrique occidentale
française). La France y pratique la politique coloniale
qu’elle a adoptée dans toutes ses colonies africaines,
notamment l’imposition d’un système d’administration
colonial au mépris des chefferies traditionnelles,
l’imposition de la langue française, l’imposition d’un
système d’éducation français, l’imposition de la religion
catholique et l’exploitation des ressources locales pour les
besoins de la métropole.
C’est après la Seconde Guerre mondiale que la
conscience politique des Guinéens se déploie. Des
mouvements anticoloniaux naissent, des mouvements
contestataires émergent et des syndicats de travailleurs se
forment, tel l’UGETAN (Union générale des travailleurs
de l’Afrique noire) qui a des branches dans toute
l’Afrique. La branche guinéenne est dirigée par Sékou
Touré qui deviendra en 1952 le chef du Parti démocratique

28
de Guinée (PDG), fondé en 1947. Sous l’impulsion du
PDG et de Sékou Touré, la Guinée est le seul pays
d’Afrique francophone à dire « non » au référendum
organisé le 28 septembre 1958 par le général Charles de
Gaulle. Ce référendum demandait aux pays africains s’ils
voulaient l’intégration à la communauté française ou non.
Après ce refus historique, la Guinée devient le premier
pays de l’Afrique de l’Ouest francophone à accéder à
l’indépendance, le 2 octobre 1958. Sékou Touré devient
son premier président. À cette époque, il est un véritable
héros. Néanmoins, il est vite contesté, car il dirige le pays
avec un bras de fer, un pouvoir absolu et fait du PDG le
parti unique du pays. Les opposants au régime sont
emprisonnés ou exécutés. De nombreux Guinéens sont
obligés de s’exiler, soit dans d’autres pays d’Afrique
comme l’a fait Camara Laye, soit en Europe, notamment
en France.
Sur le plan culturel, la Guinée est connue pour la
richesse de ses traditions orales, ses masques en bois et ses
statuettes en terre. La musique traditionnelle joue un rôle
primordial dans la vie des Guinéens, avec des instruments
tels que la cora et le balafon. Les Guinéens écoutent aussi
la musique contemporaine électronique, le reggae,
l’afrobeat, la soul, le rap et le hip-hop, comme partout
ailleurs. Ce pays est le premier État africain à avoir créé
un orchestre national, le Bembeya Jazz, célèbre en Guinée
et dans toute l’Afrique. Un autre groupe artistique ayant
distingué la Guinée pendant de nombreuses années a été
les Ballets de Keïta Fodéba, une troupe de danse, de
musique et de théâtre qui a acquis un immense succès à
travers l’Afrique et à travers le monde.

29
3. LA LITTÉRATURE AFRICAINE À L’ÉPOQUE DE
CAMARA LAYE
Camara Laye vient d’une ethnie dont les traditions
orales sont riches et variées. Contes, légendes et chants
épiques, par exemple, forment ce qu’on appelle
aujourd’hui l’orature, c’est-à-dire l’ensemble des textes
oraux par opposition à la littérature qui est l’ensemble des
textes écrits. De tout temps, l’orature a été transmise de
génération en génération par les griots, ces historiens-
conteurs, mémoire des Malinké. Comme pour presque
toutes les écrivaines et tous les écrivains africains,
l’orature alimente l’imaginaire de Camara Laye.
La littérature africaine d’expression française est
fortement marquée par la parution, en 1953, de L’enfant
noir, ouvrage fondateur. C’est à partir de cette date que
l’histoire littéraire de la Guinée commence. Le seul
écrivain guinéen qui précède Camara Laye est Keita
Fodéba qui publie Poèmes africains en 1950, puis deux
pièces de théâtre, Le maître d’école suivi de Minuit en
1952.11 Un autre écrivain guinéen de l’époque est
incontestablement Djibril Tamsir Niane dont le livre
Soundjata ou l’épopée mandingue, publié en 1960,12 est
aussi un classique de la littérature africaine. Les années
soixante voient un déclin, sinon un arrêt, de la production
littéraire, car le régime de Sékou Touré se durcit et
n’accepte comme art que la propagande en faveur de son
régime. De nombreux intellectuels écrivent en dehors de

11
Keita Fodéba, Poèmes africains, Paris, Seghers, 1950. Le maître
d’école suivi de Minuit, Paris, Seghers, 1952.
12
Djibril Tamsir Niane, Soundjata ou l’épopée mandingue, Paris,
Présence africaine, 1960.

30
leur Guinée natale. Les plus influents sont Mohamed
Alioum Fantouré, Tierno Monénembo et William Sassine,
décédé en 1997.
De nos jours, la littérature guinéenne a repris son
souffle. Les écrivains de l’extérieur continuent de produire
tandis que, à l’intérieur du pays, on trouve d’autres
écrivains tels que Lamine Kamara et Kiri di Bangoura sur
la scène littéraire. La production littéraire se diversifie, car
la littérature écrite par les femmes, ou littérature féminine,
voit le jour avec Nadine Bari, une française dont le mari
est guinéen. D’autres écrivaines suivront, telles que Sira
Baldé de Labé, Kesso Barry, Mariama Barry et Zeinab
Koumathio Diallo. Écrivant en français et en poular, cette
dernière est à la fois romancière et poète.
Pour revenir à l’époque littéraire de Camara Laye, on
aimerait pouvoir dire qu’en plus des traditions orales,
Camara Laye aurait été influencé par le mouvement de la
Négritude qui encourage les écrivains à puiser dans leur
culture et à la valoriser. Cependant, on ne pourrait
l’affirmer avec certitude. Toutefois, on retrouve dans
L’enfant noir des accents de la Négritude : « Il me semble
que nous nous fussions abstenus de nous enlacer et bien
que nous eussions, comme tous les Africains, la danse
dans le sang » (186), écrit-il. Il convient tout d’abord de
préciser que, créé à Paris, dans les années 1930 par des
étudiants antillais et africains, la Négritude est un
mouvement littéraire, culturel et même politique. Les trois
fondateurs les plus connus sont Aimé Césaire de
Martinique, Léon Gontran Damas de Guyane et Léopold
Sédar Senghor du Sénégal. Pendant la colonisation — et
même avant —, l’Occident avait dénigré les cultures
noires et nié leur existence. Les fondateurs de la Négritude

31
se sont mis à écrire pour affirmer l’existence des cultures
du monde noir et prouver leur richesse et leur vitalité.
Exprimée d’abord à travers la poésie, la Négritude a
produit une littérature engagée, une littérature de combat,
une littérature écrite pour une cause politique ou sociale,
qui se soucie néanmoins de la dimension esthétique. Elle
exalte l’Afrique, ses origines, ses traditions et ses valeurs.
Peu à peu, le mouvement de la Négritude se politise
davantage. Il dénonce l’esclavage, la colonisation, la
tentative de destruction des traditions ancestrales et
réclame l’indépendance des pays africains. En somme, ce
mouvement a fortement marqué l’histoire littéraire
africaine et antillaise du XXe siècle et la conscience
politique de plusieurs générations.
Camara Laye appartient à la génération qui vient juste
après celle des fondateurs de la Négritude. Il connaissait
Senghor et Césaire, et surtout Alioune Diop, fondateur de
Présence Africaine, à la fois journal et maison d’édition,
qui a vu le jour en 1947 à Paris et qui existe encore
aujourd’hui. Cependant, Camara Laye n’était pas un
adhérent actif du mouvement de la Négritude. À la
question de savoir si l’on pouvait tout de même lire
L’enfant noir dans la perspective de la Négritude, Chérif
Haidara Sékou, compatriote et contemporain de Camara
Laye, répond : « On pourrait dire que non pas l’écrivain
même, mais le contenu de son livre peut être lu dans la
perspective de la Négritude, car, Camara a procédé à une
mise en valeur de la culture malinké, donc de la culture
des Noirs. »13

13
Chérif Haidara Sékou. Entretien téléphonique recueilli par Elsie
Augustave et Irène Assiba d’Almeida le 28 décembre 2003. M. Sékou

32
La réception critique de L’enfant noir a été positive
parmi les Français. Les critiques et écrivains africains, par
contre, ont sévèrement critiqué Camara Laye car, disaient-
ils, cette autobiographie n’était pas engagée. Selon eux,
Camara Laye avait peint une Afrique idyllique et était
resté insensible aux problèmes politiques cruciaux de
l’époque. Pourtant, Senghor a pris la défense de Camara
Laye en ces termes : « À la réflexion, on découvrira qu’en
ne faisant pas le procès du colonialisme, il l’a fait de la
façon la plus efficace. Car peindre le monde négro-africain
sous les couleurs de l’enfance, c’était la façon la plus
suggestive de condamner le monde capitaliste de
l’Occident européen. »14
On ne saurait clore ce survol de l’époque de Camara
Laye sans mentionner un débat récurrent parmi certains
commentateurs. Il a été dit que Camara Laye n’avait pas
écrit L’enfant noir lui-même. Une Française l’aurait fait à
sa place. Cependant, personne n’a pu affirmer ceci avec la
plus complète des certitudes.15 Certains faits sont
cependant irréfutables. Il s’agit incontestablement de
l’histoire de la vie de Camara Laye, de son pays, de ses
traditions malinké. Il convient de citer de nouveau Chérif

est né en 1938 et décédé en 2015. Journaliste de profession, il a été


directeur de la radio guinéenne, puis directeur des services de presse
de Guinée, de 1959 à 1969, puis diplomate. Il est contemporain de
Camara Laye qu’il a connu à Kouroussa, à Conakry et ensuite à Paris.
14
Leopold Sédar Senghor. « Laye Camara et Lamine Diakhaté ou l’art
n’est pas d’un parti », Liberté I : Négritude et Humanisme, Paris :
Seuil, 1964, p. 156.
15
Ceux qui s’intéressent à cette question devraient consulter le livre d’
Adèle King intitulé Rereading Camara Laye, Lincoln & London,
University of Nebraska Press, 2002. Ce livre est le plus détaillé sur ce
débat, mais il n’arrive tout de même pas à des conclusions définitives.

33
Haidara Sékou : « Ce que je sais, c’est que c’est bien
Camara qui a écrit le livre. Il m’a simplement dit que pour
ce qui était de la mise en forme, il s’était fait aider par le
célèbre Pierre Teilhard de Chardin. J’aimerais ajouter que
pour ce qui est du contenu, tout vient de Camara Laye.
Son livre est tellement authentique, tellement vrai qu’il ne
saurait y avoir aucun doute. Son enfance, les totems de son
père et de sa mère, les relations familiales à Kouroussa,
tout cela, c’est authentique et précis. Je suis moi-même
malinké. J’ai vécu à Kouroussa et je peux en
témoigner. »16
S’il y a un enseignement à tirer de la critique
moderniste c’est qu’aucun livre ne sort du néant. Aucun
livre n’est écrit à partir de rien. Quelquefois, il est créé
dans une atmosphère de collaboration avec des éditeurs et
qu’on le veuille ou non, il y a une influence née de la
lecture d’autres livres, de la rencontre d’autres écrivains,
vivants ou morts. C’est ce qu’on appelle l’intertexte, c’est-
à-dire une transformation et combinaison de textes
antérieurs que Julia Kristeva, appelle « interaction
textuelle ».17
Camara Laye a peut-être bénéficié de conseils
éditoriaux, ou même d’aide pour la rédaction de son livre.
Cependant, L’enfant noir est bien son livre. Il demeure un
classique de la littérature africaine, lu par de nombreux
élèves et étudiants en Afrique, mis aux programmes
d’écoles et d’universités en France, en Amérique du Nord
16
Chérif Haidara Sékou. Entretien téléphonique recueilli par Elsie
Augustave et Irène Assiba d’Almeida le 28 décembre 2003.
17
Julia Kristeva. « Dialogisme et intertextualité » in Semeiotikè.
Recherches pour une sémanalyse, Éditions du Seuil, 1969 (réédition
dans la collection « Points » n° 96, 1978).

34
et dans la Caraïbe, traduit dans plus d’une douzaine de
langues et faisant le délice des lecteurs qui savent, comme
le dirait Roland Barthes, goûter au « plaisir du texte ».

35
II. LE PROFIL DE L’ŒUVRE

Dans son œuvre autobiographique aux accents roma-


nesques, Camara Laye raconte l’histoire de son enfance et
de sa jeunesse à Kouroussa, à Tindican et à Conakry. Il
présente les rituels de la tradition orale, le rôle de la magie
et des croyances traditionnelles. Il décrit la vie paisible,
rustique et communale de Tindican, village natal de sa
mère, et évoque l’admiration que lui portent les villageois
qui le considèrent comme un citadin, instruit de surcroît.
Après avoir été élève à l’école coranique, Laye
fréquente l’école primaire. Il est victime du mauvais
traitement du maître, du directeur et des élèves plus âgés.
Cela ne l’empêche pas d’aimer l’école et d’y exceller. Par
ailleurs, comme le demande la tradition, il subit les
épreuves de la rencontre avec Kondén Diara et les rituels
de la circoncision. Le jeune Laye se rend ensuite à
Conakry pour poursuivre ses études. Il y est accueilli par
son oncle Mamadou et les deux épouses de ce dernier. Il
fait des études techniques, tombe amoureux de Marie, une
métisse qui fréquente la famille de son oncle. Après
l’obtention de son Certificat d’aptitude professionnelle,
Camara Laye bénéficie d’une bourse pour continuer ses
études en France.
Considéré comme une œuvre capitale de la littérature
africaine, L’enfant noir est un hommage à la vie et à la
culture malinké. C’est un regard nostalgique porté sur
l’enfance, sur les relations familiales et sur le rôle de
l’école dans la vie de l’auteur. L’originalité de l’œuvre se
trouve dans les descriptions vivantes des réalités malinké.
En effet, cette œuvre est un miroir de la première moitié
du XXe siècle en Haute-Guinée et à Conakry. Laye fouille
dans sa mémoire et organise ses expériences pour
transmettre son vécu. Ce qui demeure remarquable est
que, selon la théorie de Julien Greimas, la construction de
L’enfant noir correspond bel et bien à l’univers
romanesque. Laye, le héros du roman, cherche à atteindre
un objectif. L’oncle Mamadou et le père l’aident tandis
que la mère s’y oppose. L’ouvrage se termine par une
résolution, un équilibre retrouvé, bien que dans la peine.
Puisqu’il est question d’une autobiographie aux formes
romanesques, on peut dire qu’il s’agit d’un Bildungsroman
ou roman de formation.
Il peut paraître surprenant que L’enfant noir, qui
présente une jeunesse malinké typique, soit néanmoins une
histoire à laquelle les jeunes de tous les pays peuvent
s’identifier. Il s’agit d’une culture peu familière et d’un
milieu étranger pour de nombreux Européens, Américains,
Asiatiques et même pour certains Africains venant
d’autres régions du continent. Comme le dit Laye :
« L’Afrique est grande, aussi diverse que grande » (73).
Cependant, tous les êtres humains connaissent
l’expérience de passer de l’enfance à l’adolescence et
enfin à l’âge adulte. Avant de passer à ce stade, comme
Laye, tous les jeunes appréhendent les problèmes de
l’école, les bizutages des plus grands, la peur du tableau

38
noir, les ennuis avec les maîtres ou les directeurs, les
discussions avec les parents sur l’avenir, l’intervention
intrusive des parents, les problèmes identitaires et
l’angoisse de l’avenir.
Tout le monde comprend les préoccupations du
narrateur pour son avenir, l’affection pour sa mère, le
respect pour son père, les douceurs de l’amitié et de
l’amour, les douleurs de la mort d’un être aimé, la peine
de la séparation et les larmes versées au moment du
départ. L’enfant noir a certainement un caractère universel
qui prouve que tout compte fait, si l’on a raison d’affirmer
que les cultures sont différentes, on doit reconnaître que la
race humaine est la même, éprouvant les mêmes
sentiments, sillonnant les mêmes chemins de l’expérience.

39
III. LES RÉFÉRENCES STYLISTIQUES

1. LA COMPOSITION DE L’ŒUVRE
L’enfant noir est une autobiographie de type
romanesque. Dans Le pacte autobiographique, Philippe
Lejeune, autorité française de ce genre littéraire, définit
l’autobiographie comme un « récit rétrospectif en prose
qu’une personne réelle fait de sa propre existence,
lorsqu’elle met l’accent sur sa vie individuelle, en
particulier l’histoire de sa personnalité. »18 Il faut noter
que cette définition ne cadre qu’en partie avec
l’autobiographie africaine. La vie de l’auteur est aussi la
vie de sa société. L’histoire d’une personnalité reflète la
personnalité d’un peuple, comme on le voit dans L’enfant
noir. Le « je » individuel devient un « je » collectif qui se
transforme en un « nous. » Même le titre de l’ouvrage,
L’enfant noir, est emblématique. C’est l’histoire d’un
enfant noir, mais à travers cet enfant noir, c’est l’histoire
d’une enfance heureuse que tous les enfants noirs
pourraient avoir. Cependant, il s’agit bien de la vie de
Camara Laye, placée au centre du récit. On sait qu’il a de
nombreux frères et sœurs apparaissant dans la narration,

18
Philippe Lejeune, Le pacte autobiographique, Paris, Éditions du
Seuil, 1975, p. 14.
pourtant leur rôle est négligeable et à aucun moment ils ne
sont mentionnés par leurs noms.
Il faut savoir qu’un livre doit remplir des conditions
spécifiques pour être classé dans la catégorie de
l’autobiographie. Pour qu’il y ait autobiographie, il faut
que l’auteur, le narrateur et le protagoniste soient une
seule et même personne. L’enfant noir remplit ces
conditions puisque l’auteur est Camara Laye, le narrateur
est Camara Laye, le protagoniste est Camara Laye. Ainsi,
il n’est pas étonnant de voir que le récit est à la première
personne. L’art de Camara Laye consiste à faire usage
d’une approche narrative exprimée selon le point de vue
d’un enfant. Son talent réside dans son immense capacité à
se replonger dans le monde de l’enfance. Il y a aussi une
vision de l’adulte qui réfléchit, en rétrospective, sur les
événements de son enfance et qui donne par endroits, des
réponses aux questions de l’enfant qu’il était. Camara
Laye raconte son histoire avec des yeux d’enfant, mais
souvent avec des mots d’adulte. Par conséquent, il y a une
alternance féconde de la voix de l’enfant et de celle de
l’adulte, étoffant le récit et ajoutant à la richesse des
perspectives.
L’enfant noir peut être classé dans ce qu’on appelle
« littérature de témoignage », c’est-à-dire, tout
simplement, une littérature où l’auteur témoigne de son
temps. Camara Laye fait connaître sa culture et certifie, à
plusieurs reprises, ce qu’il a vu et entendu : « Puis-je
récuser le témoignage de mes yeux ? » (73) ou encore :
« Je dis très simplement, très fidèlement, ce que j’ai vu, ce
que mes yeux ont vu… » (75) Cette attitude explique le
parti pris de l’auteur de ne rien démontrer, de ne donner
aucune explication sur les événements narrés. Il ne

42
demande à personne de le croire ; il ne porte pas de
jugement de valeur. Il relate seulement les faits tels qu’il
les a vécus, laissant à la lectrice ou au lecteur le loisir de
se faire sa propre opinion.
L’ouvrage est divisé en douze chapitres et s’ouvre sur
un poème. Si L’enfant noir est bien connu dans toute
l’Afrique, le poème À ma mère, communément appelé
« Femme noire » parce qu’il commence par ces mots, l’est
encore davantage. C’est un poème que de nombreux
enfants apprennent à l’école. À ma mère a été mis en
chanson. Il est difficile de dire qui en est le compositeur.
Pourtant, il existe plusieurs interprétations. Celle de
Fojeba affirme que la mélodie est de Lokua Kanza,
chanteur congolais, d’où le caractère panafricain de ce
poème.19
Les douze chapitres illustrent chacun un événement
décisif dans la vie de Camara Laye. On pourrait même
donner un titre à chacun de ces chapitres :
– Chapitre 1. Le serpent, génie de la race
– Chapitre 2. Le travail de l’or et le rôle du griot
– Chapitre 3. Les vacances chez la grand-mère à
Tindican
– Chapitre 4. La description de la moisson

19
Cette version est la plus proche de l’originale que chantent les
enfants au Bénin, par exemple :
https://www.youtube.com/watch?v=EoBBHupKNjo.
La version suivante est dédiée à toutes les mamans du monde :
https://www.youtube.com/watch?v=86JI8M8MOPQ.
Enfin, cette dernière version est la seule qui nous fournit les noms des
artistes : Mélodie de Lokua Kanza. Reprise de Fojeba :
https://www.youtube.com/watch?v=SGS5l1lmblY.

43
– Chapitre 5. La mère de Camara Laye, sa place, son
rôle et ses pouvoirs
– Chapitre 6. L’école française
– Chapitre 7. La nuit de Kondén Diara ou la céré-
monie des lions
– Chapitre 8. La circoncision
– Chapitre 9. Le départ pour Conakry
– Chapitre 10. L’acharnement aux études et l’éveil à
l’amour
– Chapitre 11. Les vacances à Kouroussa et la mort de
Check
– Chapitre 12. Le départ pour la France

Cette autobiographie pourrait sembler épisodique.


Toutefois, les épisodes sont si bien agencés chronolo-
giquement qu’il y a une continuité dans la narration. La
construction narrative est bien exécutée, sauf peut-être
pour ce qui est de la fin du livre — le dernier chapitre
notamment — qui paraît un peu trop rapide et beaucoup
moins développé que le reste de l’ouvrage. En revanche, le
tout premier chapitre est un exemple magistral de
construction narrative. Si tous les procédés stylistiques de
l’auteur s’y trouvent déjà, on y rencontre aussi les trois
personnages principaux de L’enfant noir : Laye, son père
et sa mère. Le premier chapitre contient des éléments qui
vont être développés tout au long de l’ouvrage, à savoir :
le monde de l’enfance, le domaine culturel, la relation de
Laye avec ses parents, la nostalgie d’un passé qui change
inexorablement, l’école française, le départ et la
séparation.

44
a. Le monde de l’enfance
À l’âge de cinq ou six ans, Laye apprend que le petit
serpent noir n’est pas qu’un simple reptile. Ce fait marque
la fin de l’insouciance, du calme et de la sérénité de son
enfance. Il exprime sa surprise en ces termes : « Bien que
le merveilleux me fût familier, je demeurai muet tant mon
étonnement était grand ». À partir de ce moment
déclencheur, il commence à observer de près les mystères
qui l’entourent. Pourtant, ce n’est qu’à l’âge de douze ans
qu’il trouve le courage d’aborder ce sujet avec son père,
malgré le malaise qu’il ressent. Il apprend ce soir-là que le
destin l’amènera loin des siens et que l’école sera
l’élément déterminant de ses futures années. Laye est
tiraillé quant à la voie à suivre pour son avenir. Perturbé
par la révélation que son père vient de faire, Laye plonge
dans le désarroi et n’arrive pas à s’endormir tout de suite.
« Père !... Père !... me répétais-je. Père, que dois-je faire
pour bien faire ?... Et je pleurais silencieusement, je
m’endormis en pleurant » (22). Il n’aura aucun rapport
avec ce serpent noir malgré son ardent souhait.
Finalement, le lecteur a l’impression que Laye ne retrouve
un équilibre que lorsqu’il se prépare à partir en France et
que son dilemme est résolu.
L’enfance de Laye est d’ailleurs marquée par la
curiosité. Il la montre par une attention minutieuse à tout
ce qui l’entoure, notamment dans la description de la case
de son père :
A droite, il y avait le lit, en terre battue comme les briques,
garni d’une simple natte en osier tressé et d’un oreiller bourré
de kapok. Au fond de la case et tout juste sous la petite fenêtre,
là où la clarté était la meilleure, se trouvaient les caisses à
outils. A gauche, les boubous et les peaux de prière. Enfin, à la

45
tête du lit surplombant l’oreiller et veillant sur le sommeil de
mon père, il y avait une série de marmites contenant des
extraits de plantes et d’écorces. (11)20
Le chemin de fer retient aussi son attention et montre
qu’il observe bien les détails : « Les rails luisaient
cruellement dans une lumière que rien, à cet endroit, ne
venait tamiser. Chauffé dès l’aube, le ballast de pierre
rouge était brûlant ; il l’était au point que l’huile tombée
des locomotives était aussitôt bue et qu’il n’en demeurait
seulement pas trace » (14).
Pendant le voyage en train le conduisant à Conakry, on
perçoit, une fois de plus, combien la force descriptive de
Camara Laye est séduisante, au point qu’il nous fait
voyager avec lui et nous fait partager son enchantement :
Je regardais, et cette fois avec ravissement, se succéder cimes et
précipices, torrents et chutes d’eau, pentes boisées et vallées
profondes. L’eau jaillissait partout, donnait vie à tout. Le
spectacle était admirable, un peu terrifiant aussi quand le train
s’approchait par trop des précipices. Et parce que l’air était
d’une extraordinaire pureté, tout se voyait dans le moindre
détail. C’était une terre heureuse ou qui paraissait heureuse.
D’innombrables troupeaux paissaient, et les bergers nous
saluaient au passage. (167)21

b. Le domaine culturel
Le surnaturel représenté par le serpent et le totem tient
une place centrale dans le domaine culturel. Les
descriptions de l’emplacement des cases du père et de la
mère montrent l’utilisation culturelle de l’espace à
l’intérieur de la concession. D’autres références culturelles

20
L’enfant noir, Camara Laye © Plon, 1953.
21
Ibid.

46
sont indiquées par l’emploi de termes africains, tels que la
case, le boubou, les peaux de prière, les cauris, les gris-
gris, la concession. La colonisation a imposé le français
comme nouvelle langue. Malgré cela, elle coexiste avec le
malinké pour produire un métissage linguistique. Comme
la plupart des écrivaines et écrivains africains, Camara
Laye n’hésite pas à intégrer des mots autochtones dans son
texte. Il le fait surtout quand ces mots représentent des
réalités culturelles qui n’existent point dans les langues
occidentales.

c. Laye avec ses parents


La relation de Laye avec sa mère est fondée sur l’amour
et l’admiration. L’autobiographie commence par un
poème dédié à la mère :
Femme noire, femme africaine, ô
toi ma mère, je pense à toi…
Il est intéressant de voir que, dès le début du poème,
Laye mentionne l’identité noire et africaine de sa mère.
C’est sans doute parce qu’il est en France et que, dans ce
pays-là, les questions d’identité se posent de façon plus
aiguë. Le poème se termine par une reprise des premiers
mots de la première strophe et par une amplification qui
exprime la gratitude du fils pour la mère. L’adage courant
« loin des yeux, loin du cœur » se trouve interverti, car
dans le cas de Laye, c’est loin des yeux que sa mère est au
plus près de son cœur :
Femme noire, femme africaine, ô
toi ma mère, merci ; merci pour tout
ce que tu fis pour moi, ton fils, si
loin, si près de toi !

47
La lectrice et le lecteur enrichiront leurs connaissances
de la relation entre Laye et sa mère en lisant le poème dans
son entièreté et en l’analysant. Il faudrait lier ce poème-
dédicace à la conception de la femme africaine présentée
par l’auteur : « Le plus souvent, on imagine dérisoire le
rôle de la femme africaine, et il est des contrées en vérité
où il est insignifiant… Chez nous, la coutume ressortit à
une foncière indépendance, à une fierté innée ; on ne
brime que celui qui veut bien se laisser brimer, et les
femmes se laissent très peu brimer » (73).
Dès le premier chapitre, on constate la relation étroite
entre le père et le fils. Après que tous se sont retirés pour
dormir, le père et le fils restent ensemble et cela permet à
Laye de poser à son père toutes sortes de questions. Un
soir, il l’interroge enfin sur le petit serpent noir qui
l’intrigue énormément. Après avoir hésité, le père se
confie au fils. Tout au long de l’ouvrage, le père joue avec
compétence et amour le rôle de modèle, d’enseignant et de
conseiller. Le fils absorbe avec enthousiasme et sensibilité
ce que lui livre son père. Outre le respect, l’amour et
l’admiration, il existe confiance, aisance et même
complicité entre le père et le fils.

d. La nostalgie d’un passé qui change


La création de L’enfant noir est le fruit d’une profonde
nostalgie. On ne s’étonnera pas de constater que cette
nostalgie du passé se retrouve chez quelques personnages.
À Kouroussa, Laye est encore trop jeune pour ressentir ce
sentiment. Il le perçoit par le biais de ses parents, qui sont
à la charnière d’un ancien monde qui se désagrège et d’un
nouveau encore incertain. Cette période de transition qui

48
engendre la confusion — que les sociologues appellent
une période d’anomie — est illustrée par les paroles de
Laye : « J’ai quitté mon père trop tôt » (11) et le père
avoue plus tard : « J’ai peur, j’ai bien peur, petit, que tu ne
me fréquentes jamais assez... » (20). La mère, elle, aurait
préféré garder son fils auprès d’elle au lieu de le voir partir
pour Conakry et ensuite pour la France, en quête d’une
éducation toujours plus poussée. Cependant, elle finit par
accepter à contrecœur que son fils la quitte, car elle se
rend bien compte que le passé change, inévitablement.

e. L’école française
Le thème de l’école est dominant dans la littérature
africaine de l’époque de Laye. On le retrouve plus tard
dans L’aventure ambiguë de Cheikh Hamidou Kane
(1961) et dans La petite peule de Mariama Barry (2000),
par exemple.22 Il faut dire que l’école a été l’un des
instruments les plus sûrs pour assoir la colonisation et
assurer l’éclatement des systèmes d’apprentissage afri-
cains. Ce thème est résumé par les paroles prophétiques du
père : « Tu vas à l’école et, un jour, tu quitteras cette école
pour une plus grande. Tu me quitteras, petit... » (20).
Qu’ils y aillent ou non, l’école française s’est imposée
dans la vie des personnages, de manière constante ou
intermittente, directe ou indirecte, devenant ainsi un
puissant instrument de changement. L’arrivée de l’école
est le prélude d’une disjonction graduelle avec le passé,
une modification profonde des habitudes et de l’ancien

22
Cheikh Hamidou Kane, L’aventure ambiguë, Paris, Julliard, 1961 ;
Mariama Barry, La petite peule, Paris, Mazarine, 2000.

49
ordre des choses et des êtres. Avec l’école française, une
nouvelle identité est en train de naître.

f. Le départ et la séparation
Ce thème, esquissé tout au long de l’autobiographie, est
préfiguré par les deux avant-derniers thèmes, à savoir la
nostalgie du passé et l’école française. Pour Laye, il s’agit
d’une double séparation : séparation avec le milieu
familial et aussi avec les traditions.
La nostalgie, tonalité dominante du texte, caractérise
souvent le genre autobiographique. La vie de Laye
symbolise une Afrique en pleine mutation, une Afrique
qui meurt tout en restant vivante au cœur de la conscience
de Laye et de ses parents. Dans ces circonstances, on
éprouve un sentiment de regret qui accompagne la perte
inéluctable du passé ancestral. On ressent une angoisse
face à la transformation d’une culture à laquelle on est lié
affectivement, culture que l’on respecte, que l’on admire
et dont on ne sait ce qu’il adviendra de sa métamorphose.

2. LE STYLE
a. La narration
La narration devient encore plus vivante quand Laye, le
narrateur, parle des expériences qui l’ont marqué. C’est le
cas dans le chapitre 5 qui évoque l’école. Laye raconte les
déboires des jeunes élèves avec tant de cœur et de vivacité
que l’on sympathise avec les enfants. De même, il nous
fait partager l’angoisse et la terreur de la nuit de Kondén
Diara et de la circoncision. Enfin, le rythme de la narration
devient plus animé lorsque Laye montre son émerveil-

50
lement quand il regarde, médusé, son père transformer l’or
en un magnifique bijou. Tout le monde est sous le coup du
ravissement, Laye et la femme qui veut qu’on lui fasse un
bijou d’abord, ensuite les apprentis, le griot et même le
père à qui les louanges du griot donnent plus de vigueur et
d’entrain.

b. Les techniques stylistiques


La ponctuation est à remarquer, car il y a une
prédominance des points d’exclamation et des points
d’interrogation. Effectivement, les nombreux points
d’exclamation reflètent un sentiment récurrent dans le
texte : l’émerveillement de l’enfant. D’autre part, la forme
interrogative répond bien à l’état d’esprit de Laye qui
passe de l’enfance à l’âge adulte en se posant mille et une
questions sur ses traditions, sur son avenir, sur la vie et
même sur la mort. Ces questions sont souvent rhétoriques.
Il existe aussi des questions réelles dont le narrateur se sert
pour s’interroger lui-même, pour interroger les autres ou
pour se demander comment se sont déroulés une histoire,
un événement ou comment s’est formée une pensée.
L’une des techniques stylistiques les plus utilisées et les
mieux réussies de Laye comprend les répétitions, les
reprises et les redites qui donnent un rythme à la phrase,
au récit et font penser à l’art de la parole dans les
traditions orales : « Quand il m’arrive de penser à cette
amitié, et j’y pense souvent, j’y rêve souvent — j’y rêve
toujours ! —, il me semble qu’il n’y eut rien, dans le cours
de ces années, qui la surpassât, rien dans ces années d’exil
qui me tint le cœur plus chaud. » (182) Cette phrase est un

51
excellent exemple de répétition, de reprise, d’utilisation du
temps grammatical et de l’expression des sentiments.
Notons que le texte contient des perles de sagesse et de
philosophie qui font appel non pas à l’émotion, mais à une
réflexion profonde. Ceci est évident quand le narrateur
évoque sa douleur : « Est-ce que la vie était ainsi faite,
qu’on ne put rien entreprendre sans payer tribut aux
larmes ? » (157) ou quand il réfléchit sur ce que cela
signifie que d’être un homme : « Officiellement, j’étais
devenu un homme : j’étais initié ; mais suffit-il ? Et même
suffit-il de se comporter en homme ? C’est l’âge
seulement qui fait l’homme, et je n’avais pas l’âge. » (188)
On retrouve ce genre de réflexion vers la fin de
l’autobiographie lorsque Laye, devenu grand, médite sur
la signification de la vie et de la mort :
Je pense que Check nous a précédé sur le chemin de Dieu, et
que nous prenons tous un jour ce chemin qui n’est pas plus
effrayant que l’autre, qui certainement est moins effrayant que
l’autre… L’autre ? … L’autre, oui : le chemin de la vie, celui
que nous abordons en naissant, et qui n’est jamais que le
chemin momentané de notre exil. (209)23

c. La richesse sémantique : métaphores et compa-


raisons
Le texte compte des métaphores bien choisies qui
enrichissent le texte : « Mon désarroi était à l’image du
ciel : sans limites ; mais ce ciel, hélas ! était sans
étoiles… » (21). En parlant des coups que leur
administraient les grands élèves, Laye se souvient :
« c’était du feu qui nous tombait sur les reins » (89).

23
L’enfant noir, Camara Laye © Plon, 1953.

52
Enfin, en décrivant la mer, Camara Laye évoque « … cette
grande plaine… cette plaine liquide… » (189).
Les comparaisons parsèment l’ouvrage : « Notre maître
était comme du vif-argent » (84), ou encore « L’histoire de
la correction de Himourana se répandit comme une traînée
de poudre » (94). Et, quand l’auteur décrit la presqu’île de
Conakry, il dit joliment ceci : « Je l’aperçus de loin
comme une grande fleur claire posée sur les flots » (168).
On remarquera la richesse sémantique dans l’utilisation
abondante d’adverbes et d’adjectifs qui donnent aux
descriptions des êtres, des choses, des émotions et des
situations une remarquable spécificité. Nous en donnons
de nombreux exemples, tant cette tournure de style est
fréquemment utilisée par Camara Laye :
– L’appétit était merveilleusement aiguisé. (66)
– Son habileté d’artisan était abondamment établie.
(68)
– J’ai donné un exemple des pouvoirs de ma mère ;
j’en pourrais donner d’autres, autrement étranges,
autrement mystérieux. (76)
– Nous étions extraordinairement attentifs. (84)
– Ces bêtes galopaient follement dans la brousse,
comme si un essaim les eût constamment
turlupinées. (87)
– Il va de soi que ses interventions sont toujours, sont
forcément délicates. (87)
– Gare à nous, si le ventre de ces bêtes efflanquées
n’apparaissait pas suffisamment arrondi. (87)
– Gare à nous, et dans une proportion bien autrement
inquiétante s’il eut manqué une tête dans ce
troupeau. (87)

53
– … parce qu’ils étaient plus âgés que nous, plus forts
que nous et moins étroitement surveillés… (88)
– Kouyaté ne fut pas plus tôt dans la cour de l’école
qu’il interpella Himourama, le grand qui, la veille,
l’avait si férocement brutalisé. (92)
– Pour elles comme pour nous, bien que dans une
proportion infiniment moindre, cette nuit serait la
nuit de Kondén Diara. (107)
– Déjà la ville même, la nuit même devaient leur
apparaître très suffisamment suspectes. (107)
– Ils y ajoutent en... les avertissant de tenir
rigoureusement closes les portes des cases. (121)
– Eh bien, ils ne disent pas une parole, ils tiennent leur
science strictement secrète. (121)
– Je n’ignore pas qu’un tel comportement paraîtra
étrange, mais il est parfaitement fondé ! (122)
– Plus tard, j’ai vécu une épreuve autrement
inquiétante. (123)
– Il y avait une part importante du rite, l’essentielle,
qui demeurait secrète et dont nous n’avions qu’une
notion extrêmement vague. (124)
– Il avait suffi de redresser et de fixer sur une armature
d’osier le tissu primitivement rabattu à l’intérieur.
(133)
– Nous sommes allés nous promener dans la ville, très
fiers, immensément fiers de notre nouvel accou-
trement. (151)
– Peut-être n’aurait-elle pas été autrement satisfaite
d’avoir été surprise à se lamenter. (157)
– La chambre où j’ai dormi était suffisamment vaste.
(169)
– Toute criaillerie était résolument bannie. (173)

54
– Je ne sais plus si son attitude était consciente ou si
elle était purement instinctive. ((188)
– La mer... au-delà elle est comme entièrement nacrée.
(190)
– Je ne me sentais aucunement rassuré. (211)

d. La verve poétique
On trouve dans L’enfant noir une fluidité du langage et
un style élégant auxquels s’ajoutent des passages
poétiques. Bien que cette autobiographie soit une œuvre
prosaïque, Camara Laye insère souvent des envolées
poétiques qui enjolivent le texte. Cette insertion ne
manque pas de séduire le lectorat. L’auteur montre aussi
une grande sensibilité pour la nature. À Tindican, il a le
loisir de l’observer et de s’en émerveiller. Il la voit, il la
sent, il l’entend. Il en jouit certainement. Il nous fait sentir
avec volupté le parfum des fleurs : « Les fleurs, que
l’approche du soir réveillait, exaltaient de nouveau tout
leur parfum et nous enveloppaient comme de fraîches
guirlandes » (67). Il nous fait « entendre le passage de la
brise dans les cocotiers » et « le frémissement des
cocotiers » (192).
Décrivant la belle saison à Tindican, il écrit :
« En décembre, tout est en fleur et tout sent bon ; tout est
jeune ; le printemps semble s’unir à l’été, et la campagne,
longtemps gorgée d’eau, longtemps accablée de nuées
maussades partout prend sa revanche, éclate ; jamais le ciel
n’est plus clair, plus resplendissant ; les oiseaux chantent, ils
sont ivres, la joie est partout, partout elle explose et dans
chaque cœur retentit » (57). 24

24
Ibid.

55
Ce passage décrit la lumière qui émane du ciel et de la
belle saison de la campagne. Avant même que les êtres
humains n’en profitent, c’est une joie dont la nature elle-
même se délecte. La force de ce changement dans la
nature éclatant de joie fait, comme par osmose, retentir
cette joie chez les êtres humains. Et Camara Laye de
continuer : « À mesure que la matinée avançait, la chaleur
gagnait, prenait une sorte de frémissement et d’épaisseur,
une consistance à quoi ajoutait encore un voile de fine
poussière faite glèbe foulée et de chaume remué » (59).
Camara Laye crée avec ce décor une image évocatrice. On
passe ensuite au physique des moissonneurs dont les yeux
attirent Laye : « ... j’étais frappé, délicieusement frappé,
délicieusement ravi par la douceur, l’immense, l’infinie
douceur de leurs yeux » (62-63). Il y a un contraste entre
les moissonneurs qui passent souvent pour des gens rustres
et une grande délicatesse qui s’exprime par leurs yeux.
Laye, en observateur méticuleux, le constate et en est
« délicieusement ravi. » On découvre ainsi la sensibilité de
l’auteur.
Lorsqu’on examine l’utilisation du langage de Camara
Laye, le rythme qu’il donne à ses phrases par la répétition
et par la ponctuation, ses choix lexicaux, syntaxiques et
ses tournures de phrases, on ne peut que conclure qu’il
maîtrise les procédés stylistiques. On a l’impression que
Camara Laye savoure lui-même tous les ressorts du
langage, si bien que les lectrices et les lecteurs sont
enclins, eux aussi, à apprécier la qualité de la langue que
leur offre l’auteur. L’écriture de Camara Laye, tant dans
son contenu culturellement séduisant que dans sa forme
consommée, devient un précieux cadeau.

56
e. La complexité grammaticale
Sur le plan grammatical, on remarquera les temps
verbaux. Outre l’abondance de l’imparfait et du passé
simple, qui sont les temps du récit, il y a une heureuse
alternance du passé et du présent. Le passé relate les faits
d’autrefois, bien sûr, mais il est interrompu par le présent
quand il y a une action spécifique ou ponctuelle, comme
dans le passage suivant : « Depuis qu’on m’avait défendu
de jouer avec les serpents, sitôt que j’en apercevais un,
j’accourais chez ma mère. — Il y a un serpent ! criais-je »
(14). Le présent est aussi utilisé lorsque l’enfant, devenu
adulte, fait des commentaires sur des événements révolus :
« C’est ainsi que se décida mon voyage, c’est ainsi qu’un
jour je pris l’avion pour la France. Oh ! ce fut un affreux
déchirement ! Je n’aime pas m’en souvenir » (219). On
trouve cette alternance entre le passé et le présent, non
seulement dans des phrases individuelles, mais aussi dans
des paragraphes entiers. Par exemple, au chapitre 10,
lorsque Laye parle de sa relation avec Marie, les pages 189
et 190 nous en offrent un exemple saisissant. Le premier
paragraphe est à la fois au présent et au passé :
Je ne me le rappelle pas par vantardise, encore qu’à l’époque je
fusse assez fiérot de ma chance ; non, je m’en souviens avec
une poignante douceur, je m’en souviens et j’y rêve, j’y rêve
avec une mélancolie inexprimable, parce qu’il y eut là un
moment de ma jeunesse, un dernier et fragile moment où ma
jeunesse s’embrasait d’un feu que je ne devais plus retrouver et
qui, maintenant, a le charme doux-amour des choses à jamais
enfouies. (189)25
Le paragraphe qui suit est tout entier au passé : « Je
roulais généralement vers la corniche. Là, nous nous

25
Ibid.

57
asseyions et regardions la mer […] Marie n’aimait rien
tant que s’asseoir ici et regarder la mer, la regarder jusqu’à
n’en pouvoir plus » (189-90).
Pourtant, le paragraphe qui vient après celui-là est
entièrement au présent :
La mer est très belle, très chatoyante, quand on la regarde de la
corniche : elle est glauque sur les bords, mariant le bleu du ciel
au vert lustré des cocotiers et des palmiers de la côte, et frangée
d’écume, frangée déjà d’irisations ; au-delà, elle est comme
entièrement nacrée. Les îlots à cocotiers qu’on aperçoit au loin
dans une lumière légèrement voilée, vaporeuse, ont une tonalité
si douce, si délicate, qu’on en a l’âme comme transportée. Et
puis il vient du large une brise qui, bien faible, ne rompt pas
moins la chaleur d’étuve de la ville. (190) 26
On se demande la raison pour laquelle tout le
paragraphe est écrit au présent, ce que l’on ne retrouve
nulle part ailleurs dans le texte, sauf dans les rares cas où
Camara Laye évoque certaines coutumes qui demeurent
intemporelles. Ce choix délibéré suggère sans doute une
nostalgie si intense que le passé se métamorphose en
présent, au point où la mer est là, sous les yeux de Camara
Laye au moment où il écrit. Parti sur le chemin de la
mémoire, Laye est si bien ancré dans le passé que la scène
se décrit comme spontanément, au présent, et dévoile un
glissement syntaxique traduisant le temps ralenti ou, peut-
être, figé par rapport à celui du monde extérieur. Tout se
passe comme si Camara Laye était prisonnier de ce
merveilleux moment, pour lui non révolu, pour lui encore
bien présent, et qui l’oblige à rester tourné vers le moment
vécu. Le temps du présent immortalise ce lieu qui le hante,

26
Ibid.

58
cette image idyllique qu’il garde en lui, ce passé qu’il vit
au présent.
C’est la distinction que Gérard Genette fait dans sa
théorie de la narratologie, une discipline qui analyse les
composantes et les mécanismes du récit, entre deux
temps : celui de l’histoire, c’est-à-dire le moment où
l’écrivaine ou l’écrivain écrit son histoire et où la tendance
est d’utiliser le présent.27 L’autre temps de la narratologie
est le temps du récit, qui est la narration au moment où se
passait l’histoire, donc au passé. Souvent, il y a une
alternance entre le temps de l’histoire et celui du récit et
c’est ce qu’on observe dans les exemples ci-dessus. Dans
ce cas, il s’agit d’une narration « intercalée », ce type
complexe de narration lie la narration ultérieure, ou ce qui
est arrivé dans le passé, avec la narration simultanée où le
narrateur raconte l’histoire au moment même où elle se
produit. La narration intercalée est donc un moment où le
narrateur raconte, après-coup, ce qu’il a vécu dans le passé
en même temps, insère ses impressions du moment sur ces
mêmes événements. Camara Laye manie bien ce genre de
narration.
Il faut enfin remarquer la prédilection de l’auteur pour
le subjonctif à toutes les formes du passé : « Et il arrivait
fatalement que les serpents pénétrassent dans la
concession » (14). « Mais au juste, qu’était-ce qu’un
génie ? Je ne me l’expliquais pas clairement, encore que je
n’eusse cessé de croître dans leur intimité » (16). « Si
notre chant avait été moins puissant, nous eussions perçu
le bruit familier des fins de journées » (67). Si le

27
Gérard Genette, « Discours du récit », dans Figures III, Paris, Seuil,
1972.

59
subjonctif passé s’utilise peu, en général, il donne pourtant
au texte de Camara Laye un niveau de langue soutenu qui
n’enlève rien à l’intelligibilité du texte.

f. Les particularités du langage


Comme on peut le constater dans le glossaire à la fin
d’Un monde à découvrir, Camara Laye utilise beaucoup
de mots malinké. Ces mots que l’auteur nous explique
directement dans son texte avec beaucoup de naturel et de
dextérité ne sont pas inclus pour une simple couleur
locale. Ils reflètent une réalité et des concepts
spécifiquement malinké, difficiles à rendre dans la langue
française parce qu’ils n’existent pas dans les sociétés
occidentales. En effet, comment parler des noms que l’on
donne aux jumeaux, Bô, et aux enfants qui les suivent,
sayon, sans le dire en malinké ?
L’enfant noir est aussi balisé de mots qui relèvent du
vocabulaire africain, tels boubou ou canari, ou du
vocabulaire colonial qui a perduré en Afrique, comme
concession ou féticheur. En général, le vocabulaire de
Camara Laye est simple, mais il lui arrive d’utiliser des
mots savants ou habituellement réservés au langage
poétique. Le chapitre 6 nous en offre plusieurs exemples :
– « Mais quand nous leur tirions les cheveux, elles ne
se contentaient plus de lazzi, elles se défendaient
avec bec et ongle » (82).
– « Il suffisait qu’un cultivateur possédât une bête
vicieuse, on était assuré de voir la bête rallier notre
troupeau — ce que la ladrerie tout au moins
explique ! » (86).

60
– « … Si on craignait de demeurer le ventre creux et
l’escarcelle vide, les coups redoublaient ; ils
redoublaient à vrai dire avec une telle munificence et
à un rythme si endiablé qu’un sourd eut compris
que, s’ils pleuvaient si dru, ce n’était pas seulement
pour activer nos mains, mais encore, mais surtout
pour nous extorquer nourriture et argent » (89-90). 28

Quel que soit le champ sémantique, Camara Laye, qui


manie admirablement la langue française, est toujours à la
recherche du mot juste. Son vocabulaire est riche et
étonnamment précis. Ses phrases poétiques et rythmées
donnent un incomparable mouvement au récit. Connais-
sant toutes les conventions formelles de la langue
française, Camara Laye a su, sans s’en écarter, créer un
beau texte à saveur malinké. L’enfant noir est assurément
un modèle réussi de style.

g. L’importance des dialogues


Les dialogues sont nombreux et rappellent le langage
parlé, marque de l’orature. Ces divers dialogues
permettent à l’auteur de dévoiler toute une gamme de
sentiments. Certains sont sérieux, comme le passage où le
père explique à son fils l’origine et la place du serpent noir
dans sa vie (17-21) ; d’autres sont plutôt légers, telle la
conversation entre les jeunes garçons à Tindican (48-49) ;
quelques-uns sont tristes ou poignants, comme le dialogue
entre le père, le fils et la mère lorsque cette dernière
s’oppose au départ de Laye pour la France (215-18) ;
plusieurs sont affectueux et remplis de tendresse tels les

28
L’enfant noir, Camara Laye © Plon, 1953.

61
dialogues entre Laye et sa mère, entre Laye et ses amies
Fanta et Marie. Les dialogues dévoilent, en partie, les
talents de Camara Laye en tant que conteur.

h. Les effets sensoriels


La description des perceptions sensorielles prédomine
dans certains passages de la narration, comme au chapitre
4 peignant la moisson. Cette option esthétique de l’auteur
nous permet d’utiliser tous nos sens au cours de la lecture.
On peut même dire qu’elle facilite la rencontre entre le
narrateur, décrivant son univers, et la lectrice ou le lecteur
qui le partage. La dimension évocatrice d’images, de sons,
de textures, de goûts et de senteurs enrichit la description
inhérente à l’écriture romanesque et rend l’œuvre plus
vivante. Ces sensations sont nombreuses, comme en
témoignent les exemples suivants :
– « En décembre, tout est en fleur, tout sent bon »
(57).
– « La joie est partout, elle explose et dans chaque
cœur retentit » (57).
– « La fraîcheur de l’eau se glissait en moi, rayonnait
subitement en moi » (59).
– « La chaleur malgré tout pesait, l’air pesait ; et la
fatigue s’insinuait… » (62)
– « J’étais frappé, délicieusement frappé, délicieuse-
ment ravi par la douceur, l’immense, l’infinie
douceur de leurs yeux… » (62-63)
– « La même âme les reliait, les liait ; chacun et tous
goûtaient le plaisir, l’identique plaisir d’accomplir
une tâche commune » (63).
– « Les fleurs, que l’approche du soir réveillait,
hâlaient de nouveau tout leur parfum et nous

62
enveloppaient comme de fraîches guirlandes »
(67).29

i. Les propos élogieux de Léopold Sédar Senghor


En faisant l’éloge de L’enfant noir, Senghor fait
remarquer « la correction de la langue » qu’utilise Camara
Laye et « la sobriété élégante du style ». L’une des forces
de ce livre réside dans la description des sentiments et
dans celle méticuleuse des détails de la vie quotidienne.
L’auteur emploie diverses ressources de la narration : style
direct, indirect, dialogues, monologues intérieurs, passages
descriptifs. Le récit est caractérisé par la simplicité de
l’histoire rehaussée par un style à la fois recherché et clair,
transparent et presque lumineux. La prose est souvent
poétique et hautement descriptive.

29
Ibid.

63
IV. LE RÉSUMÉ DES CHAPITRES,
PASSAGES ET TRAVAUX DIRIGÉS

Cette section présente les rubriques suivantes :


– Résumé du chapitre
– Questions sur le chapitre
– Passages tirés du chapitre
– Questions sur les passages
– Questions à choix multiples sur les passages
– Questions sur tout le chapitre pour la discussion en
classe
CHAPITRE 1
Résumé du chapitre
Âgé de cinq ou six ans, le narrateur joue près de la case
de son père. Il aperçoit un serpent et enfonce un roseau
dans la gueule du reptile pour s’amuser. Saisi de peur, un
des apprentis de son père prévient les adultes. Laye se
retrouve dans les bras d’un ami de son père au moment
fatidique où la gueule du serpent est périlleusement proche
de ses doigts. Il y a plus de peur que de mal. Le danger
cause beaucoup de panique, surtout chez sa mère à qui il
promet de ne plus jamais recommencer.
Suite à cet incident, Laye avertit sa mère à chaque fois
qu’il voit un serpent. Celle-ci l’examine toujours
attentivement. S’il s’agit d’un serpent ordinaire, elle
l’assomme. Si c’est le génie du père, elle n’y touche pas. Elle
rassure Laye, lui disant que le serpent va tout simplement
rendre visite au père et qu’il n’y a aucun danger.
Finalement, après plusieurs années, Laye décide de
poser des questions à son père sur ce mystérieux serpent.
Quoiqu’il n’ait que douze ans à ce moment-là, son père lui
explique que le serpent est le génie de sa race et représente
pour lui un guide, une force spirituelle. À ce moment-là, il
prédit que son fils choisira l’école des Blancs et que le
serpent, qui joue un rôle primordial dans sa vie à lui, ne
jouera jamais le même rôle dans la vie de son fils.

Répondez aux questions suivantes sur le chapitre


1. Qu’est-ce qui attire l’attention de Laye quand,
enfant, il joue près de la case de son père ?
2. À quel danger s’expose-t-il à cause de son
insouciance ?

66
3. Relevez les mots qui décrivent la progression du
serpent vers les doigts de l’enfant.
4. Pourquoi les habitants de la concession protègent-
ils le serpent noir ?
5. Comment le serpent noir se présente-t-il au père la
première fois ?
6. Pourquoi le père hésite-t-il à répondre à son fils ?
7. Qu’est-ce que le père de Laye lui apprend au sujet
du serpent noir ?
8. Que faudrait-il pour que le serpent noir se présente
à Laye ?
9. Que prédit le père de Laye ?
10. Décrivez la mère de Laye.
11. Décrivez le père de Laye.
12. Décrivez l’atelier du père.
13. Pourquoi le père est-il plus connu que les autres
forgerons ?
14. Décrivez la case du père.
15. Qu’est-ce qui semble remarquable dans la
description de la case du père ?
16. À quoi servent les gris-gris ?
17. Que fait le père avant de se coucher ?
18. Pourquoi Laye a-t-il une connaissance limitée des
croyances traditionnelles ?
19. La surprise et la confusion de Laye se manifestent
à deux endroits dans ce chapitre. Trouvez ces deux
exemples et expliquez-les.
20. Quel est le conflit du narrateur à la fin du
chapitre ?
21. Relevez les mots ou groupes de mots que Laye
utilise pour rendre les descriptions captivantes.

67
PASSAGES
Passage n°1
Sitôt après le repas du soir, quand, les palabres terminées, mon
père eut pris congé de ses amis et se fut retiré sous la véranda
de sa case, je me rendis près de lui. Je commençais par le
questionner à tort et à travers, comme le font les enfants, et sur
tous les sujets qui s’offraient à mon esprit ; dans le fait, je
n’agissais pas autrement que les autres soirs ; mais, ce soir-là,
je le faisais pour dissimuler ce qui m’occupait, cherchant
l’instant favorable où, mine de rien, je poserais la question qui
me tenait si fort à cœur, depuis que j’avais vu le serpent noir se
diriger vers l’atelier. Et tout à coup, n’y tenant plus, je dis :
─ Père, quel est ce petit serpent qui te rend visite ?
─ De quel serpent parles-tu ?
─ Eh bien ! du petit serpent noir que ma mère me défend de
tuer.
─ Ah ! fit-il.
Il me regarda un long moment. Il paraissait hésiter à me
répondre. Sans doute pensait-il à mon âge, sans doute se
demandait-il s’il n’était pas un peu tôt pour confier ce secret à
un enfant de douze ans. Puis, subitement, il se décida.
─ Ce serpent, dit-il, est le génie de notre race. Comprends-tu ?
─ Oui, dis-je, bien que je ne comprisse pas très bien.
─ Ce serpent, poursuivit-il, est toujours présent ; il apparaît à
l’un de nous. Dans notre génération, c’est à moi qu’il s’est
présenté. (17)30

Répondez aux questions suivantes sur ce passage


1. Les questions du fils et les réponses du père ne
viennent pas spontanément. De quelle manière
l’auteur montre-t-il ces hésitations et comment sont-
elles résolues ?

30
Ibid.

68
2. Qu’est-ce que ce passage révèle de la relation entre
Laye et son père ?

Questions à choix multiples


1. Quel sentiment cette conversation entre père et fils
révèle ?
a. la peur
b. le malaise
c. le cynisme
d. la joie
2. La question que Laye pose à son père est
a. aisée
b. réfléchie
c. naïve
d. impulsive

Passage n°2
─ J’ai peur, j’ai bien peur, petit, que tu ne me fréquentes
jamais assez. Tu vas à l’école et, un jour, tu quitteras cette école
pour une plus grande. Tu me quitteras, petit… Et de nouveau il
soupira. Je voyais qu’il avait le cœur lourd. La lampe-tempête,
suspendue à la véranda, l’éclairait crûment. Il me parut soudain
comme vieilli.
─ Père ! m’écriai-je.
─ Fils… dit-il à mi-voix.
Et je ne savais plus si je devais continuer d’aller à l’école ou si
je devais demeurer dans l’atelier : j’étais dans un trouble
inexprimable.
─ Va maintenant, dit mon père.
Je me levai et me dirigeai vers la case de ma mère. La nuit
scintillait d’étoiles, la nuit était un champ d’étoiles ; un hibou
ululait, tout proche. Ah ! où était ma voie ? Savais-je encore où
était ma voie ? Mon désarroi était à l’image du ciel : sans

69
limites ; mais ce ciel, hélas ! était sans étoiles… J’entrai dans la
case de ma mère, qui était alors la mienne, et me couchai
aussitôt. Le sommeil pourtant me fuyait, et je m’agitais sur ma
couche. (20-21)31

Répondez aux questions suivantes sur ce passage


1. Quel est l’état d’esprit de Laye ?
2. Examinez les procédés stylistiques qui révèlent l’état
d’esprit de Laye.

Questions à choix multiples


1. Dans ce passage, le narrateur est…
a. optimiste
b. joyeux
c. angoissé
d. moqueur
3. Le soupir du père de Laye suggère…
a. le soulagement
b. la pitié
c. le dégoût
d. le chagrin

Questions sur le chapitre pour la discussion en


classe
1. Comparez la relation de Laye avec son père et avec
sa mère.
2. Pourquoi le père de Laye est-il l’élu du génie de la
race ?

31
Ibid.

70
3. Averti en rêve, le père de Laye sait déjà quand et où
il va rencontrer le serpent. Décrivez les émotions
dominantes du père lors de cette rencontre.
4. Qu’est-ce que le serpent noir vient apporter au père
de Laye ?
5. Expliquez le merveilleux dans l’univers de Laye
dans ce chapitre.
6. Comment expliquez-vous cette phrase de Camara
Laye : « Bien que le merveilleux me fût familier, je
demeurai muet tant mon étonnement était grand »
(16) ?
7. À quel dilemme le narrateur fait-il face à la fin du
chapitre ? Expliquez.

71
CHAPITRE 2
Résumé du chapitre 2
Dans ce chapitre, Laye décrit le rituel du travail de l’or
dans l’atelier de son père. Il y présente les richesses de la
tradition orale et la flatterie coutumière du griot. Le travail
du forgeron est plus qu’une activité matérielle ; il
incorpore une opération magique à laquelle Laye prend
plaisir. La présence du serpent, les incantations, les gris-
gris, les rituels de purification et la participation du griot
font de ce processus de création une activité particulière.
Pourtant, la mère de Laye ne se réjouit pas comme les
autres de ce travail qui nuit à la santé de son mari.

Répondez aux questions suivantes sur ce chapitre


1. Pourquoi Laye aime-t-il le travail de l’or que fait
son père ?
2. Pourquoi la femme, qui désire qu’on lui fasse un
bijou, vient-elle accompagnée d’un griot ?
3. Qu’est-ce qu’un griot ?
4. Que chante le griot dans la forge ?
5. Quel effet les chansons du griot ont-elles sur le
bijoutier et sur Laye ?
6. Que fait le père pendant que l’or fond ?
7. Pourquoi Laye ne connaît-il pas les incantations
prononcées par son père ?
8. Selon Laye, pourquoi le père a-t-il besoin de l’aide
des génies ?
9. Que doit faire le bijoutier avant de travailler l’or ?
10. Comment le griot participe-t-il au travail de l’or ?
11. Qu’est-ce que la « douga » ?

72
12. Pourquoi la mère n’approuve-t-elle pas le travail de
son mari ?
13. Que pense Laye du métier de son père ?
14. Citez un exemple de personnification, de
comparaison et de métaphore dans ce chapitre.
Passage n°1
Quelles paroles mon père pouvait-il bien former ? Je ne sais
pas ; je ne sais pas exactement : rien ne m’a été communiqué de
ces paroles. Mais qu’eussent-elles été, sinon des incantations ?
N’était-ce pas les génies du feu et de l’or, du feu et du vent, du
vent soufflé par les tuyères, du feu né du vent, de l’or marié
avec le feu, qu’il évoquait alors ; n’était-ce pas leur aide et leur
amitié, et leurs épousailles qu’il appelait ? Oui, ces génies-là
presque certainement, qui sont parmi les fondamentaux et qui
étaient également nécessaires à la fusion. (29)32

Répondez aux questions suivantes sur ce passage


1. Examinez la fonction des éléments de la nature.
2. À quoi servent les incantations ?
3. Quel temps grammatical Camara Laye utilise-t-il
dans la phrase suivante : « Mais qu’eussent-elles été,
sinon des incantations ? »
4. Les explications viennent-elles de Laye enfant ou de
Laye adulte ? Expliquez.

Questions à choix multiples


1. Les éléments de la nature contribuent à…
a. concevoir un projet
b. opposer les génies
c. formuler des incantations
d. fusionner des forces différentes
32
Ibid.

73
2. Les incantations dans le travail du père servent à
a. coopérer avec la nature
b. assurer la réussite du travail
c. surveiller le rituel
d. contrôler les mélanges

Passage n°2
L’opération qui se poursuivait sous mes yeux n’était une simple
fusion d’or qu’en apparence ; c’était une fusion d’or,
assurément c’était cela, mais c’était bien autre chose encore :
une opération magique que les génies pouvaient accorder ou
refuser ; et c’est pourquoi, autour de mon père, il y avait ce
silence absolu et cette attente anxieuse. Et parce qu’il y avait ce
silence et cette attente, je comprenais, bien que je ne fusse
qu’un enfant, qu’il n’y a point de travail qui dépasse celui de
l’or. J’attendais une fête, j’étais venu assister à une fête, et c’en
était très réellement une, mais qui avait des prolongements. Ces
prolongements, je ne les comprenais pas tous, je n’avais pas
l’âge de les comprendre tous ; néanmoins, je les soupçonnais en
considérant l’attention comme religieuse que tous mettaient à
observer la marche du mélange dans la marmite. (29-30)33

Répondez aux questions suivantes sur ce passage


1. Comment les génies aident-ils le père de Laye dans
son métier ?
2. Pourquoi Laye pense-t-il que le travail de l’or est
une opération magique ?
3. Pourquoi Laye décrit-il ce travail avec un
superlatif ?
4. Quel temps grammatical Camara Laye utilise-t-il
dans la phrase suivante : « bien que je ne fusse qu’un
enfant » ?

33
Ibid.

74
5. Pourquoi Laye croit-il que l’attention portée au
travail de l’or est comme religieuse ?

Question à choix multiples


1. Laye pense que le travail de l’or est supérieur à tout
parce qu’il est…
a. scintillant
b. joyeux
c. miraculeux
d. accessible
2. À quoi est dû le silence qui règne dans l’atelier ?
a. l’anticipation
b. la participation
c. la peur
d. le soupçon

Passage n°3
La commère à laquelle le bijou était destiné et qui, à plusieurs
reprises déjà, était venue voir où le travail en était, cette fois
revenant pour de bon, ne voulant rien perdre de ce spectacle,
merveilleux pour elle, merveilleux aussi pour nous, où le fil que
mon père finissait d’étirer se muerait en bijou.
Elle était là à présent qui dévorait des yeux le fragile fil d’or, le
suivait dans sa spirale tranquille et infaillible autour de la petite
plaque qui lui sert de support. Mon père l’observait du coin de
l’œil, et je voyais par intervalles un sourire courir sur ses
lèvres ; l’attente avide de la commère le réjouissait.
─ Tu trembles ? disait-il.
─ Est-ce que je tremble ? disait-elle.
Et nous riions de sa mine. Car elle tremblait ! Elle tremblait de
convoitise devant l’enroulement en pyramide où mon père
insérait, entre les méandres, de minuscules grains d’or. Quand

75
enfin il terminait l’œuvre en sommant le tout d’un grain plus
gros, la femme bondissait sur ses pieds.
Non, personne alors, tandis que mon père faisait lentement virer
le bijou entre ses doigts pour en étaler la régularité, personne
n’aurait pu témoigner plus ample ravissement que la commère,
même pas le griot dont c’était le métier, et qui, durant toute la
métamorphose, n’avait cessé d’accélérer son débit, précipitant
le rythme, précipitant les louanges et les flatteries à mesure que
le bijou prenait forme, portant aux nues le talent de mon père.
Au vrai, le griot participait curieusement — mais j’allais dire :
directement, effectivement — au travail. Lui aussi s’enivrait du
bonheur de créer ; il clamait sa joie, il pinçait sa harpe en
homme inspiré ; il s’échauffait comme s’il eût été l’artisan
même, comme si le bijou fût né de ses propres mains. Il n’était
plus le thuriféraire à gages ; il n’était plus cet homme dont
chacun et quiconque peut louer les services : il était un homme
qui crée son chant sous l’empire d’une nécessité tout intérieure.
Et quand mon père, après avoir soudé le gros grain qui achevait
la pyramide, faisait admirer son œuvre, le griot n’aurait pu se
retenir plus longtemps d’énoncer la “douga”, ce grand chant qui
n’est chanté que pour les hommes de renom, qui n’est dansé
que par ces hommes. (33-34)34

Répondez aux questions suivantes sur le passage


1. Précisez les étapes qui marquent le processus de la
création du bijou.
2. Comment le père de Laye termine-t-il le bijou de la
commère ?
3. Comment les gestes des personnages reflètent-ils
leurs émotions ?
4. Qu’est-ce que la douga ?
5. Examinez le parallèle entre la métamorphose de l’or,
celle du père, celle de la commère et celle du griot.

34
Ibid.

76
Questions à choix multiples
1. Qu’est-ce qui caractérise le processus de la création
du bijou ?
a. le rituel de la douga
b. la danse de la commère
c. la participation de tous
d. le chant du griot
2. La commère tremble parce qu’elle
a. ne peut plus rester assise
b. désire le bijou
c. veut rentrer chez elle
d. a envie de danser
Questions sur le chapitre pour les discussions en
classe
1. Quels sont les objets employés dans le travail de
l’or ? Comment peut-on qualifier ces objets ?
2. Expliquez le processus scientifique du mélange des
métaux.
3. Quelles sont les conséquences de ce travail pour
l’écologie ?
4. Quelles sont les conséquences de ce travail pour la
santé ?
5. Que représentent les bijoux pour la cliente ?
6. Quel est le rôle du griot dans la société guinéenne ?
7. Quelles sont les particularités du travail chez les
cultivateurs de Tindican ?
8. Où avez-vous l’habitude de passer vos vacances ?
9. Quels sont les effets bénéfiques ou maléfiques des
vacances et qu’est-ce qu’elles représentent pour vous ?
10. En quoi l’enfance de Laye ressemble-t-elle ou diffère-
t-elle de la vôtre ?

77
CHAPITRE 3
Résumé du chapitre 3
Laye met en évidence une énorme admiration pour la
vie pastorale lorsqu’il raconte son voyage et son arrivée à
Tindican pour les vacances. Il y respire le bonheur dans le
cadre familial de ce village. Sa grand-mère est
continuellement aux petits soins pour lui. Il partage son
plaisir de se retrouver au milieu des champs, entouré
d’animaux et de nombreux enfants. Il décrit la grande
concession de son oncle Lansana, la case de sa grand-mère
et les moments passés en compagnie de Bô, son autre
oncle qui brille souvent par son absence. Les aventures
mystérieuses de cet oncle, pigeon voyageur qu’il connaît
peu, stimule son imagination. Cependant, il apprécie la vie
sédentaire, calme et noble de l’oncle Lansana qui s’oppose
à la vie mouvementée de son frère jumeau. Se sentant
aimé et choyé, Laye passe d’agréables moments avec ses
compagnons de jeu et prend plaisir à assister aux veillées
animées par des conteurs, maîtres de l’orature.

Répondez aux questions suivantes sur le chapitre


1. À l’aide d’adjectifs appropriés, décrivez la grand-
mère maternelle de Laye.
2. Pourquoi Laye aime-t-il aller à Tindican ?
3. Que voit Laye en se rendant à Tindican ?
4. En quoi la vie à Tindican est-elle différente de la
vie à Kouroussa ?
5. Décrivez les merveilles de la campagne selon
Laye.
6. Décrivez l’accueil qu’on réserve à Laye à
Tindican.

78
7. Faites le portrait de l’oncle Lansana et de Bô, son
frère jumeau.
8. Comment les enfants participent-ils aux travaux
des champs ?
9. Examinez les rapports entre Laye et ses camarades
de jeux.
10. Quels sont les éléments qui prédisent l’aliénation
future de Laye ?
11. En quoi consiste la conversation des enfants ?
12. Quel est le ton de la narration dans ce chapitre ?
13. Comment les journées à Tindican se terminent-
elles ?

Passage n°1
C’était une grande femme aux cheveux toujours noirs, mince,
très droite, robuste, jeune encore à dire vrai et qui n’avait cessé
de participer aux travaux de la ferme, bien que ses fils, qui
suffisaient amplement à la tâche, tentassent de l’en dispenser ;
mais elle ne voulait pas du repos qu’on lui offrait, et sans doute
était-ce dans cette activité suivie que gisait le secret de sa
verdeur.
Elle avait perdu son mari très tôt, trop tôt, et moi, je ne l’avais
pas connu. Il arrivait qu’elle me parlât de lui, mais jamais
longtemps ; des larmes interrompaient bientôt son récit, si bien
que je ne sais rien de mon grand-père, rien qui le peigne un peu
à mes yeux, car ni ma mère ni mes oncles ne me parlaient de
lui : chez nous, on ne parle guère des défunts qu’on a beaucoup
aimés ; on a le cœur trop lourd sitôt qu’on évoque leur
souvenir. (38-9)35

35
Ibid.

79
Répondez aux questions suivantes sur le passage
1. Les fils de la grand-mère approuvent-ils le fait que
cette dernière travaille dans les champs ? Pourquoi
ou pourquoi pas ?
2. Quels sont les avantages que la grand-mère tire des
travaux des champs ?
3. Décrivez les traits de caractère de la grand-mère.
4. Pourquoi Laye ne sait-il presque rien de son grand-
père maternel ?
5. Avec des exemples précis, identifiez les thèmes, les
procédés linguistiques et les temps grammaticaux du
chapitre.

Questions à choix multiples


1. La grand-mère semble jeune parce qu’
a. elle a perdu son mari tôt
b. on lui propose de se reposer
c. elle adore les jeunes
d. elle participe aux travaux de la ferme
2. La grand-mère de Laye est tout sauf
a. agréable
b. veuve
c. fainéante
d. simple

Passage n°2
Peut-être, dans le cas de mes oncles, est-ce le second jumeau
qui se fût imposé, car il ne manquait ni de prestige ni d’autorité,
mais il n’y pensait même pas : il avait peu de goût pour la terre,
et on le voyait rarement à Tindican ; il était une fois ici, une
fois là ; en vérité le hasard seul et ses lointaines visites faisaient
connaître où il était ; il avait le goût de l’aventure dans le sang.
Pour moi, je ne l’ai rencontré qu’une fois : il était revenu à

80
Tindican il y avait quelques jours et déjà ne songeait qu’à
repartir. J’ai conservé le souvenir d’un homme extrêmement
séduisant et qui parlait beaucoup, qui n’arrêtait pas de parler, et
qu’on ne se lassait pas d’écouter. Il racontait ses aventures, qui
étaient étranges, qui dépaysaient, qui m’ouvraient des horizons
surprenants. Il me combla de cadeaux. S’était-il spécialement
mis en frais pour l’écolier que j’étais, ou n’obéissait-il qu’à sa
nature ? Je ne sais pas. Quand je le vis repartir vers de
nouvelles aventures, je pleurai. Quel était son nom ? Je ne m’en
souviens plus ; peut-être ne l’ai-je jamais su. Je l’avais appelé
Bô, durant les quelques jours qu’il était demeuré à Tindican, et
c’était le nom aussi que je donnais à mon oncle Lansana, car
ainsi surnomme-t-on habituellement les jumeaux, et ce surnom
efface le plus souvent leur véritable nom. (45-6)36

Répondez aux questions sur le passage


1. Quelles sont les deux raisons pour lesquelles le
jumeau de l’oncle Lansana est souvent absent ?
2. Pourquoi Laye ne connaît-il pas le nom du jumeau
de l’oncle Lansana ?
3. À qui donne-t-on le nom de Bô chez les Malinké ?

Questions à choix multiples


1. Au départ de son oncle, Laye pleure parce qu’il
a. désire des cadeaux
b. aime sa compagnie
c. veut partir avec l’oncle
d. a l’aventure dans le sang
2. L’oncle Bô est
a. nomade
b. hardi
c. étrange
d. imposant

36
Ibid.

81
Questions pour la discussion en classe
1. Expliquez le droit d’aînesse dans L’enfant noir.
Quelle est l’origine du terme « droit d’aînesse » ?
2. Quelle est la raison pour laquelle la concession de
l’oncle Lansana est vaste ?
3. Vous êtes-vous déjà trouvé dans un milieu où vous
vous êtes senti étranger à cause de votre apparence ?
Relatez cet incident et comparez cette expérience à
celle de Laye dans ce chapitre.
4. Quels sont vos souvenirs les plus mémorables de
vacances ?
5. Expliquez la différence entre une identité culturelle
et une identité individuelle. Comment ces deux
notions s’appliquent-elles à L’enfant noir ?
6. À votre avis, pourquoi la grand-mère appelle Laye
son petit époux ?
7. D’après vous, qu’est-ce que Laye entend par « chez
nous » dans cette phrase : « … chez nous on ne parle
guère des défunts qu’on a beaucoup aimés ; on a le
cœur trop lourd sitôt qu’on évoque leur souvenir »
(39) ? Est-ce la même chose chez vous ?

82
CHAPITRE 4
Résumé du chapitre 4
Laye décrit le rituel de la moisson à Tindican, village
natal de sa mère. Il dépeint le travail des paysans, le rôle
des moissonneurs, des enfants, des femmes et de la nature
dans cet univers où chacun a sa place. Il parle de sa
fascination pour la vie paysanne pleine de dignité, de son
admiration pour l’oncle Lansana qui l’initie à la moisson
et pense à la vie errante de son autre oncle Bô. On y
découvre la civilité, les bonnes manières, la politesse, le
respect de la liberté des autres — toutes des qualités
humaines qui prouvent que ces paysans sont loin d’être
frustes. Ce chapitre aborde les croyances des paysans et
souligne le conflit du protagoniste concernant la voie à
choisir. Laye est finalement partagé entre la forge de son
père, les champs de Tindican et l’école française. Ceci
accentue son incertitude vis-à-vis de l’avenir.

Répondez aux questions suivantes sur le chapitre


1. De quels éléments dépend la date de la moisson ?
2. Quel est le rituel qui marque le début de la
moisson ?
3. Expliquez l’usage de ce rituel.
4. Pourquoi Laye ignore-t-il l’origine de cet usage ?
5. À quel moment le tam-tam retentit-il ?
6. De quelle manière la nature participe-t-elle à la
réussite de la moisson ?
7. Expliquez l’aspect collectif du travail.
8. Comment Laye contribue-t-il à la fête de la
moisson ?

83
9. Qu’est-ce qui empêche Laye d’être paysan ou
forgeron ?
10. Pourquoi l’oncle Lansana dit-il à son neveu qu’il
ne fera jamais le travail des champs ?
11. Pourquoi le jumeau de l’oncle Lansana intrigue-t-il
Laye ?
12. Qu’est-ce que les moissonneurs ont en commun ?
13. Quelle est l’étiquette de la moisson ?
14. En quoi la ville se distingue-t-elle du village ?
15. Pourquoi ne faut-il pas siffler durant la moisson ?
16. Quelles sont les sensations ressenties par Laye ?
17. À quoi pense Laye en regardant la longue file des
moissonneurs ?
18. De quelle figure de style cette phrase est-elle un
exemple ? « … Je demeurais frappé, délicieuse-
ment et un peu douloureusement frappé » (64).

Passage n°1
Je ne sais d’où vient que l’idée de rusticité — je prends le mot
dans son acception de manque de finesse, de délicatesse —
s’attache aux champs : les formes de civilité y sont plus
respectées qu’à la ville ; on y observe un ton cérémonieux et
des manières que, plus expéditive, la ville ne connaît pas. C’est
la vie, la vie seulement, qui y est plus simple, mais les échanges
entre les hommes — peut-être parce que tout le monde se
connaît — y sont plus strictement réglés. Je remarquais dans
tout ce qui se faisait une dignité dont je ne rencontrais pas
toujours l’exemple à la ville ; et on ne faisait rien à quoi on
n’eût été au préalable invité, même s’il allait de soi qu’on le
fît : on y montrait en vérité un extraordinaire souci de la liberté
d’autrui. Et pour l’esprit, s’il était plus lent, c’est que la

84
réflexion précédait la parole, mais aussi la parole avait-elle
meilleur poids. (65) 37

Répondez aux questions suivantes sur le passage


1. Relevez les contrastes entre la vie rurale et la vie
urbaine.
2. Expliquez l’expression « aller de soi » dans « même
s’il allait de soi qu’on le fît » (65).
3. Comment la liberté des autres était-elle respectée ?
4. Pourquoi certains paysans sont-ils lents à répondre
aux questions qu’on leur pose ?

Questions à choix multiples


1. Qu’est-ce qui caractérise la vie rurale dans ce
passage ?
a. le matériel et le spirituel
b. la liberté et l’individualisme
c. le respect et la courtoisie
d. la connaissance et la familiarité
2. Laye suggère dans ce passage que les paysans sont
a. rustiques
b. raffinés
c. libres
d. impolis

Passage n°2
Au-dessus de nous, les hirondelles déjà volaient plus bas, bien
que l’air fût toujours aussi transparent, mais la fin du jour
approchait. Nous rentrions heureux, las et heureux. Les génies
nous avaient constamment secondés : pas un de nous qui eût été

37
Ibid.

85
mordu par les serpents que notre piétinement dans les champs
avait délogés. Les fleurs, que l’approche du soir réveillait,
exhalaient de nouveau tout leur parfum et nous enveloppaient
comme de fraîches guirlandes. Si notre chant avait été moins
puissant, nous eussions perçu le bruit des fins de journée : les
cris, les rires éclatants mêlés aux longs meuglements des
troupeaux rejoignant l’enclos ; mais nous chantions, nous
chantions ! Ah ! que nous étions heureux, ces jours-là ! (67)38

Répondez aux questions suivantes sur le passage


1. Comment ce passage indique-t-il l’harmonie entre
l’homme et la nature ?
2. Relevez et expliquez les figures de style que l’on
trouve dans ce passage.
3. Relevez les mots et expressions qui indiquent les
sensations de Laye.

Questions à choix multiples


1. Quel est le sujet de ce passage ?
a. la communion entre les humains et la nature
b. l’harmonie entre les humains
c. le dialogue entre les humains
d. les différences entre les humains
2. Le ton de ce passage indique
a. la transparence
b. le charme
c. la gloire
d. la satisfaction

38
Ibid.

86
Questions sur le chapitre pour les discussions en
classe
1. Quelles sont les caractéristiques de la moisson ?
2. Quel est le rôle des chants pendant le travail ?
3. Quelles sont les responsabilités des femmes et celles
des hommes dans ce chapitre ?
4. Comparez le style de vie de l’oncle Lansana à celui
de l’oncle Bô.
5. Qu’est-ce qui contribue au bonheur des jeunes ?

87
CHAPITRE 5
Résumé du chapitre 5
Laye évoque la vie familiale incluant les apprentis que
ses deux parents traitent comme leurs propres enfants. Il
décrit son amitié pour l’un d’entre eux qui s’appelle Sidafa
et qui dort à côté de lui dans la case de sa mère. Il souligne
le rôle de ses parents pendant le repas et le savoir-vivre
dicté par les valeurs traditionnelles. Laye parle des
pouvoirs surnaturels que possède sa mère en vertu de
l’ordre de sa naissance et de la caste dont elle est issue,
tout en hésitant à en dire trop. Il s’apitoie, à la fin du
chapitre, sur la disparition de certaines coutumes
ancestrales.

Répondez aux questions suivantes sur le chapitre


1. Expliquez le concept de la famille étendue dans ce
chapitre.
2. Contrastez le rôle du père et de la mère dans le
fonctionnement de la famille.
3. Expliquez la répartition des cases de la concession
et les raisons de ces divisions.
4. Pourquoi le père de Laye a-t-il beaucoup
d’apprentis ?
5. Qui est Sidafa ?
6. Pourquoi Laye est-il attaché à Sidafa ? Décrivez
leur relation.
7. Quels sont les qualités et les défauts de la mère ?
8. Citez quelques exemples des pouvoirs mystiques
de la mère.
9. Pourquoi les crocodiles n’attaquent-ils pas la
mère ?

88
10. Qu’est-ce qu’un sayon ?
11. Quelles particularités attribue-t-on à un sayon ?
12. Décrivez l’étiquette du repas.
13. Faites le portait de l’oncle Lansana.
14. Quel est le ton de la fin du chapitre ?
15. Qu’est-ce qui marque le passage de l’enfance à
l’âge adulte ?

Passage n°1
Mais le monde bouge, le monde change, et le mien plus
rapidement peut-être que tout autre, si bien qu’il semble que
nous cessons d’être ce que nous étions, et que déjà nous
n’étions plus exactement nous-mêmes dans le moment où ces
prodiges s’accomplissaient sous nos yeux. Oui, le monde
bouge, le monde change ; il bouge et change à telle enseigne
que mon propre totem — j’ai mon propre totem aussi — m’est
inconnu. (80) 39

Répondez aux questions suivantes sur le passage


1. De quoi parle Camara Laye dans ce passage ?
2. Pourquoi Laye pense-t-il que son monde change plus
rapidement que celui des autres ?
3. Qu’est-ce que Laye veut dire par : « nous n’étions
plus exactement nous-mêmes » ?
4. Identifiez les répétitions et analysez les effets
qu’elles produisent.

Questions à choix multiples


1. Quelle est la préoccupation de Laye dans ce
passage ?
a. la connaissance variée des êtres
39
Ibid.

89
b. l’évolution constante du monde
c. le changement infini des totems
d. le caractère statique du monde
2. Ce passage est caractérisé par
a. la litote
b. la comparaison
c. la répétition
d. la métaphore

Questions sur le chapitre pour les discussions en


classe
1. Pourquoi Laye parle-t-il à peine de ses frères et
sœurs dans ce chapitre ?
2. Quelle est l’importance des frères et sœurs dans la
vie d’un individu ?
3. Faites le portrait de la mère de Laye dans ce
chapitre.
4. Quel rôle attribue-t-on à un sayon dans la société
malinké ?
5. À votre avis, qu’est-ce que Camara Laye entend par
« un diseur de choses cachées » ? (78).
6. Discutez la notion du totem dans ce chapitre.
7. Si vous pouviez choisir votre propre totem, lequel
choisiriez-vous et pourquoi ?

90
CHAPITRE 6
Résumé du chapitre 6
L’école française est pour Laye un lieu où les élèves
sont passionnés par l’acquisition de nouvelles
connaissances. Elle est aussi un lieu de terreur. Laye est
maltraité par le maître qui lui inflige toutes sortes de
punitions et par le directeur qui le soumet à des corvées. Il
subit la cruauté des plus grands élèves qui le frappent et
lui prennent goûter et argent. Encouragé par la punition
que le père de Kouyaté fait subir au bourreau de son fils,
Laye se confie à son père qui a recours à ses apprentis et à
ses propres forces pour venger son fils. Enfin, Laye
évoque la tendresse de Fanta, une des camarades de sa
sœur, à son égard.

Répondez aux questions suivantes sur le chapitre


1. Quels sont les deux types d’école que Laye
fréquente ?
2. Quelle est la différence entre ces deux écoles ?
3. Quelle est la relation entre garçons et filles à
l’école des Blancs ?
4. Décrivez Fanta.
5. Expliquez la relation entre Fanta et Laye.
6. Analysez la relation entre les grands et les petits
élèves.
7. Quelles sont les punitions que le maître inflige aux
élèves ?
8. Pourquoi Kouyaté, un camarade de Laye, se plaint-
il à son père ?
9. Qui est Himourana ?
10. Comment Himourana est-il puni ?

91
11. Après la punition de Himourana, pourquoi les
grands élèves giflent-ils Laye ?
12. Qui console Laye ?
13. Comment Laye décide-t-il de se venger de ses
bourreaux ?
14. Décrivez l’attitude du directeur de l’école.
15. Pourquoi le père de Laye attaque-t-il le directeur ?
16. Que prédit le père de Laye après sa bagarre avec le
directeur ?
17. Pourquoi le directeur devient-il soudainement
aimable avec Laye et sa sœur ?
18. Pourquoi le directeur change-t-il de poste ?
19. Choisissez deux sentiments que Laye éprouve dans
ce passage et décrivez-les.

Passage n°1
Voyant que le travail n’avançait pas comme le directeur
l’attendait, les grands, plutôt que de s’y atteler avec nous,
trouvaient plus commode d’arracher des branches aux arbres et
de nous en fouetter. Ce bois de goyavier était plus flexible que
nous ne l’eussions souhaité ; bien manié, il sifflait aigrement, et
c’était du feu qui nous tombait sur les reins. La peau cuisait
cruellement ; les larmes nous jaillissaient dans les yeux et
tombaient sur l’amas de feuilles pourrissantes.
Pour fuir les coups, nous n’avions d’autre échappatoire que
celle de glisser à nos bourreaux les savoureuses galettes de
maïs et de blé, les couscous à la viande ou au poisson que nous
avions emportés pour notre repas de midi ; et si de surcroît nous
possédions quelque menue monnaie, les pièces changeaient de
poche sur-le-champ. Si on négligeait de le faire, si on craignait
de demeurer le ventre creux et l’escarcelle vide, les coups
redoublaient à vrai dire avec une telle munificence et à un
rythme si endiablé, qu’un sourd eût compris que, s’ils
pleuvaient si dru, ce n’était pas seulement pour activer nos

92
mains, mais encore, mais surtout pour nous extorquer
nourriture et argent. (89)40

Répondez aux questions suivantes sur le passage


1. Quelle est la situation décrite dans ce passage ?
2. Choisissez deux métaphores du passage et analysez
leurs effets.
3. Comment Laye décrit-il les châtiments corporels que
les petits élèves subissent ?
4. Que font les plus jeunes élèves pour échapper aux
coups des plus grands ?
5. Que veut dire l’expression « sur-le-champ » ?
6. Les mots « escarcelle » et « munificence » sont des
mots qui relèvent du vocabulaire recherché. Trouvez
des synonymes de ces mots qu’on utiliserait dans la
langue parlée.

Questions à choix multiples


1. Qu’est-ce qui caractérise ce passage ?
a. la tyrannie des grands
b. la coopération des petits
c. la saveur des galettes
d. le partage des repas
2. Qu’est-ce qui enrichit ce passage ?
a. la personnification
b. l’allégorie
c. la comparaison
d. la reprise

40
Ibid.

93
Questions sur le chapitre pour les discussions en
classe
1. De manière comparative, décrivez ce que représente
l’école française pour la mère et pour le père de
Laye ?
2. Que pensez-vous de la méthode que le père de
Kouyaté emploie pour obtenir justice pour son fils ?
3. Comparez le comportement de Laye à celui du père
de Kouyaté.
4. Est-ce qu’il est permis aux maîtres et aux directeurs
d’agir de la même façon aujourd’hui dans les
écoles ? Pourquoi ou pourquoi pas ?
5. Comparez le comportement des garçons et des filles
à celui des jeunes de votre époque.

94
CHAPITRE 7
Résumé du chapitre 7
La rencontre imminente avec Kondén Diara ou la
cérémonie des lions hante Laye durant toute la journée qui
précède la fête du Ramadan. C’est le jour où les futurs
circoncis vont participer à la cérémonie des lions.
Réconforté par les encouragements de son père qui lui
donne une leçon de bravoure, Laye subit l’épreuve des
lions dirigée par les aînés. Dans une atmosphère de
musique et de danse, hommes, femmes et jeunes filles
fêtent cette rencontre mystérieuse entre Kondén Diara et
les futurs initiés. Une fois les femmes et les jeunes filles
rentrées chez elles, les jeunes hommes suivent les aînés au
lieu sacré pour la redoutable rencontre. Ils sont terrifiés,
mais doivent dominer leur peur. Laye réussit cette épreuve
qui n’est qu’une préparation au rite de passage qu’est la
circoncision.

Répondez aux questions suivantes sur le chapitre


1. Comment Laye imagine-t-il Kondén Diara ?
2. Pourquoi Laye a-t-il peur ?
3. Comment le père réconforte-t-il son fils ?
4. Quelles sont les festivités qui précèdent l’épreuve
des lions. Quelle est leur fonction ?
5. Kondén Diara est-il vraiment un lion qui rugit dans
la nuit ? Expliquez.
6. Quelle est l’importance de l’épreuve des lions ?
7. Comment se manifeste la peur des femmes et des
jeunes filles ?
8. Comment se manifeste la peur des futurs initiés ?

95
9. Les jeunes gens arrivent-ils à expliquer la présence
des fils blancs qui entourent les fromagers ?
Pouvez-vous l’expliquer ?
10. Résumez la légende de Kondén Diara.
11. Relevez les mots ou expressions qui accentuent le
mystère de la nuit.
12. Expliquez cette phrase : « Si le secret était éventé, la
cérémonie perdrait beaucoup de son prestige » (122).
13. Contrastez les réactions du père et de la mère de
Laye quand ce dernier revient à la maison après la
cérémonie.
14. Qu’est-ce qui prouve que le monde traditionnel est
en train de changer ?

Passage n°1
Pas une seconde je ne mets en doute la présence du monstre.
Qui pourrait rassembler, certaines nuits, une troupe aussi
nombreuse, mener pareil sabbat, sinon Kondén Diara ? « Lui
seul, me dis-je, lui seul peut ainsi commander aux lions…
Éloigne-toi, Kondén Diara ! Éloigne-toi ! Retourne dans la
brousse ! … » Mais Kondén Diara continue son sabbat, et
parfois il me semble qu’il rugit au-dessus de ma tête même, à
mes oreilles même. « Éloigne-toi, je t’en prie, Kondén
Diara !… » (112)41

Répondez aux questions suivantes sur le passage


1. Où Laye pense-t-il que Kondén Diara se trouve ?
2. Qu’est-ce que Laye entend par « sabbat » dans ce
passage ?
3. Expliquez la puissance de Kondén Diara sur
l’imaginaire de Laye.

41
Ibid.

96
4. Quel est l’état d’esprit de Laye ?
5. Quel moyen stylistique Camara Laye utilise-t-il pour
indiquer sa terreur ?

Questions à choix multiples


1. Le sabbat correspond à
a. la nuit de la circoncision
b. la préparation de la circoncision
c. la fin de la circoncision
d. la cérémonie de la circoncision
2. Laye parle à Kondén Diara
a. en personne
b. en groupe
c. dans son imagination
d. dans un rêve effrayant

Questions sur le chapitre pour les discussions en


classe
1. Décrivez la nuit de Kondén Diara.
2. Quel est l’objectif de la nuit de Kondén Diara ?
3. Quel est le rôle de la musique et de la danse pendant
cette nuit-là ?
4. Quelles sont les valeurs que l’on enseigne aux
jeunes gens pendant ces rites ?
5. Expliquez la signification de ces interrogations :
« Mais au vrai qu’en subsiste-t-il à l’heure où j’écris ?
Le secret... Avons-nous encore des secrets ? » (122)
6. Que pensez-vous du fait que Camara Laye a révélé
le secret de la nuit de Kondén Diara ?

97
7. Est-ce que vous vous êtes déjà trouvé dans une
situation où il fallait faire preuve de bravoure ?
Expliquez.

98
CHAPITRE 8
Résumé du chapitre 8
Ce chapitre détaille les rites de la circoncision de Laye
et de ses compagnons. Les préparatifs de la cérémonie
commencent sept jours à l’avance par la danse, activité
principale des futurs circoncis. Pendant ces danses
spéciales, ces derniers se déhanchent pour exhiber le
foulard offert par leur petite amie attitrée. Ils reçoivent des
bœufs, du riz, du mil et du maïs offerts par les amis de
leurs parents. La coutume veut que les femmes, en
dansant, montrent le symbole de la condition sociale des
futurs circoncis. C’est généralement une houe qui
symbolise le travail des champs. Toutefois, pour Laye, la
deuxième femme de son père exhibe un cahier et un stylo.
Il en est plutôt embarrassé.
Après une nuit blanche, le son des tam-tams soutient et
entraîne les jeunes gens qui doivent s’isoler dans la
brousse pour l’épreuve de la circoncision décrite avec
beaucoup d’émotion. Laye nous fait sentir la peur de
l’épreuve, la rapidité de l’opération et les douleurs de la
convalescence. Il reçoit régulièrement la visite de son
père. Sa mère, elle, n’a droit qu’à une seule visite. Une
fois guéri, il retourne chez lui. Il est devenu un homme et
pourra désormais habiter dans sa case personnelle.

Répondez aux questions suivantes sur le passage


1. En quoi l’épreuve des lions diffère-t-elle de
l’épreuve de la circoncision ?
2. Expliquez la différence entre les manifestations
publiques et les manifestations privées et même
secrètes dans le rituel de la circoncision.

99
3. Analysez la mort symbolique du circoncis et la
notion d’une deuxième naissance.
4. Que font les femmes et les jeunes filles avant et
après le rituel de la circoncision ?
5. Que font les pères durant l’épreuve de la
circoncision ?
6. Quels sont les rôles du tam-tam et de la danse dans
les préparatifs qui précèdent la cérémonie de la
circoncision ?
7. Expliquez les différentes étapes du rituel de la
circoncision.
8. Que dit le narrateur de ses sentiments pour Fanta ?
9. Quelle est la fonction des surveillants des
nouveaux circoncis ?
10. Quel est le rôle du guérisseur ?
11. Qu’est-ce que les circoncis apprennent pendant
leur initiation ?
12. Comment la mère de Laye accueille-t-elle son fils
revenu à la maison après la circoncision ?
13. Décrivez les sentiments de Laye concernant le
passage de son statut d’enfant à son statut d’homme.

Passage n°1
Mais quelle que soit l’angoisse et quelle que soit la certitude de
la souffrance, personne pourtant ne songerait à se dérober à
l’épreuve — pas plus et moins encore qu’on ne se dérobe à
l’épreuve des lions — et pour ma part je n’y songeais
aucunement. Je voulais naître, renaître ! Je savais parfaitement
que je souffrais, mais je voulais être un homme, et il ne
semblait pas que rien fût trop pénible pour accéder au rang
d’homme. Mes compagnons ne pensaient pas différemment :
comme moi, ils étaient prêts à payer le prix du sang. Ce prix,
nos aînés l’avaient payé avant nous ; ceux qui naîtraient après

100
nous le paieraient à leur tour ; pourquoi l’eussions-nous
esquivé ? La vie jaillissait du sang versé ! (125)42

Répondez aux questions suivantes sur le passage


1. Analysez les sentiments qui dominent dans ce
passage.
2. Comment devient-on un homme dans la société de
Laye ?
3. Que signifie le « prix du sang » dans ce passage ?

Questions à choix multiples


1. Laye et ses compagnons voulaient naître et renaître
pour
a. plaire aux filles
b. être plus forts
c. devenir adultes
d. éviter l’angoisse
2. Dans ce passage le narrateur éprouve un sentiment
a. de détermination
b. d’abandon
c. de tristesse
d. de solidarité

Passage n°2
Nos mères pouvaient multiplier les sacrifices à notre intention,
et elles n’y manquaient pas, aucune n’y manquait, cela ne nous
réconfortait qu’à demi.
L’une d’elles parfois, ou quelque autre parent très proche, se
mêlait à la danse et souvent, en dansant, brandissait l’insigne de
notre condition ; c’était généralement une houe — la condition

42
Ibid.

101
paysanne en Guinée est de loin la plus commune — pour
témoigner que le futur circoncis était bon cultivateur.
Il y eut ainsi un moment où je vis apparaître la seconde épouse
de mon père, un cahier et un stylo dans la main. J’avoue que je
n’y pris guère plaisir et n’en retirai aucun réconfort, mais plutôt
de la confusion, bien que je comprisse parfaitement que ma
seconde mère ne faisait que sacrifier à la coutume et dans la
meilleure intention de la terre, puisque cahier et stylo étaient les
insignes d’une occupation qui, à ses yeux, passait celles du
cultivateur ou de l’artisan.
Ma mère fut infiniment plus discrète : elle se contenta de
m’observer de loin, et même je remarquai qu’elle se dissimulait
dans la foule. Je suis sûr qu’elle était pour le moins aussi
inquiète que moi, encore qu’elle apportât tous ses soins à n’en
rien laisser paraître. Mais généralement l’effervescence était
telle, je veux dire : si communicative, que nous demeurions
seuls avec le poids de notre inquiétude. (130-31)43

Répondez aux questions suivantes sur le passage


1. Les objets représentent souvent des symboles.
Choisissez deux objets qui, dans le passage, ont une
valeur symbolique et expliquez ces valeurs.
2. Pourquoi Laye est-il gêné par les objets que sa
deuxième mère présente ?
3. Comment les sentiments de la mère de Laye sont-ils
exprimés ?
4. Qu’est-ce que l’expression des sentiments de la mère
nous révèle de son caractère ?
5. Analysez l’ambivalence des émotions de Laye dans
ce passage.

43
Ibid.

102
Questions à choix multiples
1. Qu’est-ce qui cause les émotions de Laye dans ce
passage ?
a. le désir d’être cultivateur
b. la peur de l’avenir
c. la conscience de sa différence
d. l’inquiétude de la foule
2. Selon le passage, la majorité des habitants de
Kouroussa
a. aime danser
b. sacrifie à la coutume
c. manifeste son inquiétude
d. travaille la terre

Questions sur le chapitre pour les discussions en


classe
1. Quels sont les détails qui indiquent la douleur
physique de la circoncision ?
2. Comment les rites de passage changent-ils la vie de
Laye ?
3. De quoi la communauté fait-elle preuve durant ces
rituels et comment ?
4. Comparez l’attitude la deuxième mère de Laye à
celle de la mère de Laye pendant la danse.
5. Êtes-vous pour ou contre les pratiques de la
circoncision et de l’excision ? Expliquez vos raisons.

103
CHAPITRE 9
Résumé du chapitre
À l’âge de quinze ans, Laye va à Conakry pour
continuer ses études. La mère commence les préparatifs
une semaine à l’avance. Elle fait des provisions, exécute
des sacrifices, implore l’aide des ancêtres et donne des
potions magiques à son fils. Le père, quant à lui, offre un
talisman pour le protéger des mauvais esprits, et toute la
communauté participe au repas d’adieu. Fanta, sa sœur et
ses frères l’accompagnent jusqu’à la gare. Il passe la nuit à
Mamou, s’arrête à Kindia avant d’arriver à Conakry où il
est accueilli par son oncle Mamadou qui vit avec son jeune
frère Sékou, ses deux femmes et ses enfants. Laye
découvre la capitale de son pays et fait l’expérience d’une
nouvelle école. L’oncle Mamadou lui conseille de faire
des études techniques. Il tombe bientôt malade, doit être
hospitalisé et reste malade pendant tout le reste de l’année
scolaire. Il retourne avec joie à Kouroussa pour les
grandes vacances.

Répondez aux questions suivantes sur le chapitre


1. À quelle occasion Laye quitte-t-il ses parents pour
la première fois ?
2. Comment se manifestent l’état d’esprit de Laye et
celui de sa mère la nuit qui précède le départ pour
Conakry ?
3. Que fait la mère pour assurer le succès de son fils à
Conakry ?
4. Analysez les sentiments de la mère au départ de
Laye.

104
5. Pourquoi Laye demande-t-il à sa mère de ne pas
l’accompagner à la gare ?
6. Quelle mesure le père prend-il pour la protection
de son fils ?
7. Qu’est-ce que Laye apprend du passé de son père ?
8. Comparez le parcours de Laye à celui de son père.
9. Pourquoi le père de Laye ne l’accompagne-t-il pas
à la gare ?
10. Quel est l’état d’esprit de Laye avant son départ de
Kouroussa et durant son voyage à Conakry ?
11. Qui participe au festin la veille du départ de Laye
pour Conakry ? Pourquoi ?
12. Quels effets les louanges des griots produisent-
elles sur Laye ?
13. Quel terme littéraire Laye emploie-t-il pour
qualifier les louanges des griots ? Pourquoi ?
14. Analysez le malaise existant entre Laye et Fanta.
15. Quelles sont les phrases qui donnent au départ de
Laye un caractère définitif ?
16. Décrivez l’état d’esprit de Laye juste avant de
prendre le train.
17. Quelle comparaison Laye fait-il pour décrire
Conakry en l’apercevant pour la première fois ?
18. Décrivez la maison de l’oncle Mamadou.
19. Décrivez la nouvelle famille de Laye.
20. Quelle relation Laye a-t-il avec les différents
membres de sa nouvelle famille ?
21. Qu’est-ce que Laye pense de sa nouvelle école ?
22. Que lui conseille l’oncle Mamadou ?
23. Quelle opinion Laye avait-il d’un ouvrier avant sa
conversation avec l’oncle Mamadou ?

105
24. Selon l’oncle Mamadou, qu’est-ce qui distingue un
ouvrier d’un technicien ?
25. Qu’est-ce qui suggère que l’Oncle Mamadou est un
homme pratique ?
26. Qu’est-ce qui indique le côté pratique de l’oncle
Mamadou ?
27. Faites le portrait de l’oncle Mamadou et celui de
l’oncle Sékou.
28. À quoi Laye compare-t-il Marie ? Pourquoi ?

Passage n°1
─ Fais-y grande attention ! Chaque matin, avant d’entrer en
classe, tu prendras une petite gorgée de cette bouteille.
─ Est-ce l’eau destinée à développer l’intelligence ? dis-je.
─ Celle-là même ! Et il n’en peut exister de plus efficace : elle
vient de Kankan !
J’avais déjà bu de cette eau : mon professeur m’en avait fait
boire, quand j’avais passé mon certificat d’études. C’est une
eau magique qui a nombre de pouvoirs et en particulier celui de
développer le cerveau. Le breuvage est curieusement composé :
nos marabouts ont des planchettes sur lesquelles ils écrivent des
prières tirées du Coran ; lorsqu’ils ont fini d’écrire le texte, ils
l’effacent en lavant la planchette ; l’eau de ce lavage est
précieusement recueillie et, additionnée de miel, elle forme
l’essentiel du breuvage. Acheté dans la ville de Kankan, qui est
une ville très musulmane et la plus sainte de nos villes, et
manifestement acheté à haut prix, le breuvage devait être
particulièrement agissant. Mon père, pour sa part, m’avait remis
la veille, une petite corne de bouc renfermant des talismans ; et
je devais porter continuellement sur moi cette corne qui me
défendrait contre les mauvais esprits. (157-58)44

44
Ibid.

106
Répondez aux questions suivantes sur le passage
1. Qu’est-ce que la mère de Laye lui demande de faire
chaque matin ?
2. Quelle est la fonction du contenu de la bouteille ?
3. Que lui avait donné son professeur avant qu’il ne
passe le certificat d’études, et pour quelle raison ?
4. Que pensez-vous du fait que le professeur lui-même
donne cela à son élève ?
5. Quelle est la particularité de la ville de Kankan ?
6. Qu’est-ce que le père de Laye lui offre avant le
départ pour Conakry ?
7. À quoi servira ce cadeau de son père ?
8. En quoi les cadeaux de la mère diffèrent-ils de celui
du père ?
Questions à choix multiples
1. Pour garantir le succès dans les études, les parents
de Laye comptent sur tout sauf :
a. le savoir des maîtres
b. la force d’une eau magique
c. le soutien d’un talisman
d. l’assistance des ancêtres
2. L’eau magique a le pouvoir de :
a. se transformer en miel
b. rendre plus éveillé
c. donner une plus belle écriture
d. chasser les esprits malsains

Passage n°2
J’allai dire au revoir aux vieilles gens de notre concession et
des concessions voisines, et j’avais le cœur gros. Ces hommes,
ces femmes, je les connaissais depuis ma plus tendre enfance,
depuis toujours je les ai vus à la place même où je les voyais, et

107
aussi j’en avais vu disparaître : ma grand-mère paternelle avait
disparu ! Et reverrais-je tous ceux auxquels je disais à présent
adieu ? Frappé de cette incertitude, ce fut comme si soudain je
prenais congé de mon passé même. Mais n’était-ce pas un peu
cela ? Ne quittais-je pas ici toute une partie de mon passé ?
(158)45

Répondez aux questions suivantes sur le passage


1. Que signifie « avoir le cœur gros » ?
2. Quel est le plus grand souci de Laye dans ce
passage ?
3. Que veut dire Laye en parlant de l’incertitude ?
4. Expliquez ce que Laye entend par « Ce fut comme si
je prenais congé de mon passé même. » (158)

Questions à choix multiples


1. Quel est le sentiment qui domine dans ce passage ?
a. le regret de partir
b. la lassitude du présent
c. l’anticipation du futur
d. la nostalgie du passé
2. Quelle figure de style est utilisée dans ce passage ?
a. la juxtaposition
b. l’allégorie
c. la litote
d. l’euphémisme

45
Ibid.

108
Questions sur le chapitre pour les discussions en
classe
1. Comment les cadeaux offerts à Laye avant son
départ pour Conakry représentent-ils la vision du
monde de ses parents ?
2. Pourquoi l’Oncle Mamadou favorise-t-il les études
techniques ?
3. Discutez le rôle que jouent l’Oncle Mamadou et les
tantes Awa et N’Gady dans la vie de Laye.
4. Pourquoi Laye est-il heureux de retourner à
Kouroussa pour les vacances ?
5. D’habitude, que ressent-on au moment des adieux ?
Donnez des exemples précis.
6. Pensez-vous que les eaux magiques et les talismans
peuvent aider les élèves à réussir dans leurs études ?
Justifiez votre réponse.

109
CHAPITRE 10
Résumé du chapitre 10
Après les vacances à Kouroussa, Laye revient à
Conakry et trouve des changements positifs dans son
école : un nouveau directeur et de nouvelles salles de
classe. Il rencontre Marie, une jeune métisse qui passe les
dimanches dans la famille de son oncle. Il tombe
amoureux d’elle et les tantes, heureuses de cette amitié,
encouragent les jeunes tout en les taquinant dès qu’elles en
ont l’occasion. En même temps, Laye travaille dur pour se
présenter à l’examen du Certificat d’Aptitude
Professionnelle qu’il doit recevoir après trois années
d’études. Quoique très bon élève, il demande pourtant à sa
mère d’obtenir l’aide des marabouts pour assurer sa
réussite. Ses tantes ainsi que Marie sollicitent aussi
l’assistance des marabouts. Laye réussit brillamment à
l’examen.

Répondez aux questions suivantes sur le chapitre


1. Que pense Laye de l’enseignement au collège
technique ?
2. Faites le portrait de Marie.
3. À l’aide d’exemples précis, illustrez les sentiments
de Laye pour Marie ?
4. Comment les deux jeunes gens passent-ils leur
temps ensemble ?
5. Comment Laye définit-il l’amour ?
6. Pourquoi Laye est-il attiré par la mer ?
7. Quelle sorte d’élève est Laye ?
8. Comment les deux tantes manifestent-elles leur
affection pour Laye à la fin du chapitre ?

110
Passage n°1
… Je ne savais rien de la mer ! Je m’étais bien aventuré sur le
Niger, mais la mer avait une autre puissance. Le Niger coulait
avec une force paisible ; il était paisible ; il ne se fâchait un peu
qu’en temps de crue. La mer, elle, n’était jamais paisible : elle
n’interrompait pas de se dresser avec une force rebelle.
─ Nous pourrions demander à des pêcheurs de nous y
conduire, disais-je.
─ Pourquoi le leur demander ? disait Marie. Tu n’as pas
besoin d’eux pour y aller. Tu n’as même pas besoin de barque :
il te suffit de regarder ! Si tu regardes les îlots longtemps, si tu
peux en regarder un sans ciller, le regarder assez longtemps
pour le voir trembler, c’est comme si tu avais abordé : tu es
dans l’îlot. (191)46

Répondez aux questions suivantes sur le passage


1. Quelle figure de style Camara Laye emploie-t-il
dans la première partie de ce passage ?
2. Comparez le fleuve Niger à la mer.
3. Comparez la manière dont Laye et Marie se
proposent d’atteindre les îlots.

Questions à choix multiples


1. À la lecture de ce passage, Laye pense que :
a. la mer est une cause de rébellion
b. le Niger est moins féroce que la mer
c. des gens habitent sur les îlots
d. les pécheurs arrivent au rivage
2. Il est évident que Laye :
a. a toujours le ventre creux
b. mange suffisamment

46
Ibid.

111
c. aime la cuisine familiale
d. mange plus que Marie

Passage n°2
C’est que j’arrivais chaque fois le ventre creux, effroyablement
creux, d’abord parce que j’avais naturellement bon appétit et
ensuite parce que je n’avais rien mangé encore depuis le matin :
un jour de sortie, c’eut été péché de toucher à la tambouille de
l’école ; aussi je n’y touchais pas, jugeant qu’il suffisait
amplement des six autres jours de la semaine ! Mes tantes qui,
ces jours-là, soignaient spécialement leur cuisine, eussent voulu
que je partageasse le repas de Marie ; mais le pouvais-je ? Non,
je ne me le serais pas permis, et je ne crois pas non plus que
Marie le désirait : nous aurions certainement eu honte de
manger l’un en face de l’autre. Telle était en vérité notre pudeur
— incompréhensible et presque offusquant aux yeux de mes
tantes, mais que Marie et moi ne mettions même pas en
discussion — et tel notre respect des règles. Nous ne
commencions à penser à nous rejoindre, qu’après le repas.
(185-86)47

Répondez aux questions suivantes sur le passage


1. Pourquoi Laye arrivait-il presque affamé chez son
oncle le dimanche ?
2. Pourquoi Laye appelle-t-il les repas de l’école
« tambouille » ? Trouvez un synonyme de ce mot.
3. Selon vous, est-ce que ce genre de repas est typique
des établissements scolaires ? Justifiez votre réponse.

Questions à choix multiples


1. Les jours de sortie, Laye ne mange pas le repas de
l’école parce que :

47
Ibid.

112
a. Marie l’attend pour manger
b. l’Oncle Mamadou le lui a interdit
c. ses tantes préparent des mets exceptionnels
d. ses maîtres n’ont pas encore mangé
2. Laye et Marie ne se retrouvent qu’après le repas
parce qu’ils :
a. ne veulent pas partager leur repas
b. ont honte de manger ensemble
c. préfèrent les repas de l’école
d. désirent faire plaisir aux tantes

Questions sur le chapitre pour les discussions en


classe
1. Dans quelles circonstances se révèlent les croyances
dans ce chapitre ?
2. Comment se manifeste l’amitié entre Laye et
Marie ?
3. Est-ce que l’amitié entre garçons et filles
d’aujourd’hui est comparable à celle de Marie et de
Laye ? Elaborez votre réponse.
4. Quelle est la place de l’amitié dans votre vie ?

113
CHAPITRE 11
Résumé du chapitre 11
De retour à Kouroussa pour les grandes vacances, Laye
décrit la transformation de sa case. Pour réjouir son fils, la
mère prend soin d’ajouter des éléments qui rapprochent la
case traditionnelle d’une chambre européenne, tel un
divan-lit, la rendant ainsi plus confortable pour le citadin
que son fils est devenu. Laye passe ses soirées en
compagnie de ses amis ou amies sous les regards
indiscrets de la mère. Quand il s’agit de la visite des
jeunes filles, elle n’hésite pas à chasser celles qui ne lui
plaisent pas.
Dans ce même chapitre, Laye décrit les souffrances
physiques et psychologiques que Check endure à un jeune
âge. La maladie et la mort de Check sont des épisodes
tragiques racontés de façon poignante. Laye révèle ses
pensées sur les médecines traditionnelle et occidentale et
médite sur les mystères de la vie et de la mort.

Répondez aux questions suivantes sur le chapitre


1. Que fait la mère pour rendre le séjour de Laye à
Kouroussa plus agréable ?
2. Comment et avec qui Laye passe-t-il son temps
quand il est en vacances à Kouroussa ?
3. Comment la mère essaie-t-elle de contrôler les
fréquentations de son fils ?
4. Notez les aspects comiques dans la façon dont la
mère traite certaines jeunes filles qui viennent rendre
visite à son fils.
5. Pourquoi l’œil vigilant de la mère peut paraître
amusant aujourd’hui ?

114
6. Que pense Laye des guérisseurs ?
7. Quels sentiments Laye et Kouyaté éprouvent-ils à la
mort de Check ?
8. Comment Laye tente-t-il d’accepter la mort de son
ami ?

Passage n°1
J’avais le sang plus chaud, avec l’âge, et je n’avais pas que des
amitiés — ou des amours — timides ; je n’avais pas que Marie
ou que Fanta, encore que j’eusse d’abord Marie et d’abord
Fanta. Mais Marie était en vacances à Béla, chez son père ; et
Fanta était mon amie en titre : je la respectais ; et quand bien
même j’eusse voulu passer outre, et je ne le voulais pas, l’usage
m’eut ordonné de la respecter. Le reste... Le reste était sans
lendemain, mais ce reste néanmoins existait. Est-ce que ma
mère ne pouvait pas comprendre que j’avais le sang plus
chaud ?
Mais elle ne le comprenait que trop ! Souvent elle se relevait en
pleine nuit et venait s’assurer que j’étais bien seul. Elle faisait
généralement sa ronde vers minuit ; elle frottait une allumette et
elle éclairait mon divan-lit. Quand il m’arrivait d’être encore
éveillé, je feignais de dormir ; puis, comme si la lueur de
l’allumette m’eut gêné, je simulais une sorte de réveil en
sursaut. (200-201)48

Répondez aux questions suivantes sur le passage


1. Qu’est-ce qui caractérise l’amitié ou l’amour dont
parle Laye dans ce passage ?
2. Comment Laye explique-t-il sa relation avec Fanta ?
3. Expliquez l’expression « sans lendemain » dans le
passage.
4. Qu’est-ce qui motive les actions de la mère ?

48
Ibid.

115
5. Pourquoi Laye dit-il qu’il avait « le sang plus
chaud » ?
6. Comment interprétez-vous le fait que Laye fait
semblant de se réveiller en sursaut quand sa mère
vient le surveiller en pleine nuit ?

Questions à choix multiples


1. Les adjectifs suivants décrivent tous la mère de
Laye, sauf :
a. ambitieuse
b. prudente
c. méfiante
d. protectrice
2. La mère de Laye se méfiait :
a. de Marie
b. de Fanta
c. de toutes les filles
d. des filles légères

Passage n°2
Je ne sais si Check avait grande confiance dans les guérisseurs,
je croirais plutôt qu’il en avait peu : nous avions maintenant
passé trop d’années à l’école, pour avoir encore en eux une
confiance excessive. Pourtant tous nos guérisseurs ne sont pas
de simples charlatans : beaucoup détiennent des secrets et
guérissent réellement ; et cela, Check certainement ne l’ignorait
pas. Mais il avait aussi dû se rendre compte que cette fois, leurs
remèdes n’agissaient pas, et c’est pourquoi il avait dit : « Cela
partira sans doute comme c’est venu », comptant plus sur le
temps que sur les tisanes et les massages. Ses paroles nous
rassurèrent quelques jours, puis elles cessèrent brutalement de

116
nous rassurer, car Check commença réellement à souffrir : il
avait des crises à présent et pleurait de mal ». (205-06)49

Répondez aux questions suivantes sur le passage


1. Quelle est l’ambivalence que Laye et ses amis
ressentent par rapport aux guérisseurs ? Pourquoi ?
2. Quelle est la différence entre un charlatan et un
guérisseur ?
3. Pourquoi Check dit-il que sa maladie partira comme
elle est venue ?
4. Expliquez pourquoi les amis de Check perdent
progressivement l’espoir que Check guérira.

Questions à choix multiples


1. Check ne croit plus tellement aux guérisseurs parce
qu’ils :
a. n’ont pas toujours des remèdes efficaces
b. ne veulent pas retourner à l’école
c. ne sont pas toujours rassurants
d. ne veulent pas partager leurs secrets
2. Check pleure parce qu’il est :
a. bouleversé par ses souvenirs
b. ému par les visites de ses amis
c. rongé par sa souffrance
d. vexé par la peur de ses amis

Passage n°3
Quand je songe aujourd’hui à ces jours lointains, je ne sais plus
très bien ce qui m’effrayait tant, mais c’est sans doute que je ne
pense plus à la mort comme j’y pensais alors : je pense plus
simplement. Je songe à ces jours, et très simplement je pense

49
Ibid.

117
que Check nous a précédés sur le chemin de Dieu, et que nous
prenons tous un jour ce chemin qui n’est pas plus effrayant que
l’autre, qui certainement est moins effrayant que l’autre…
L’autre ? … L’autre, oui : le chemin de la vie, celui que nous
abordons en naissant, et qui n’est jamais que le chemin
momentané de notre exil. (209) 50

Répondez aux questions suivantes sur le passage


1. À quoi pense Laye dans ce passage ?
2. De quels jours lointains parle-t-il ?
3. À quel moment Laye réfléchit-il sur la signification
de la vie et de la mort ?
4. Selon Laye, où Check est-il allé après sa mort ?
5. Qu’est-ce que Laye entend par le mot « exil » dans
la dernière phrase de ce passage ?

Questions à choix multiples


1. Laye trouve que les chemins de la vie et de la mort
sont :
a. un songe
b. similaires
c. une abstraction
d. lointains
2. Quel changement s’opère dans la façon de penser de
Laye dans ce passage ?
a. sa conception de l’avenir
b. sa conception de la mort
c. sa crainte de Dieu
d. sa crainte de la vie

50
Ibid.

118
Questions sur le chapitre pour les discussions en
classe
1. Au-delà des quatre murs de l’école, qu’est-ce que
Laye apprend sur la vie pendant les grandes
vacances ?
2. Pensez-vous que les relations entre garçons et filles
doivent être basées sur le respect ? Expliquez vos
raisons.
3. Quel est le rôle de la médecine traditionnelle dans
votre culture ?
4. La médecine traditionnelle peut-elle remplacer la
médecine moderne ?
5. Dans quelle mesure l’individu est-il obligé de choisir
entre les pratiques traditionnelles et modernes ?
6. Les expériences douloureuses ont la capacité de
rendre plus mûr ou plus fort. Comment cela est-il le
cas pour Laye ?
7. Racontez un évènement qui s’est passé en dehors de
l’école, qui vous a profondément marqué et dont
vous avez tiré une leçon.

119
CHAPITRE 12
Résumé du chapitre 12
Muni de son Certificat d’Aptitude Professionnelle,
Laye retourne à Kouroussa où il est accueilli
chaleureusement comme les autres fois, mais cette fois-ci
avec une pointe supplémentaire de fierté et un peu plus
d’enthousiasme. Il annonce joyeusement la possibilité de
son départ pour la France. Le père y consent tout en
éprouvant du chagrin. Sachant que c’est la destinée de son
fils, il lui fait promettre de revenir chez lui : « Il y a dans
notre pays tant de choses à faire… On aura besoin ici sous
peu d’hommes comme toi » (213-14). Le père et le fils
abordent la mère pour qu’elle accepte l’idée du voyage.
Elle s’y oppose immédiatement, proteste violemment,
mais comprend que ce voyage est inévitable et finit par
donner son consentement à contrecœur. Carte de métro en
poche, Laye part de Conakry vers une nouvelle vie en
compagnie de Marie qui, elle, s’arrête à Dakar.

Répondez aux questions suivantes sur le chapitre


1. L’école de Conakry offre une bourse à Laye pour
finir ses études en France. Qu’en pensent ses oncles
de la capitale ?
2. Quelle est la valeur du diplôme de Laye aux yeux de
la mère ?
3. Pourquoi la mère s’oppose-t-elle à ce départ ?
4. Que représente le voyage en France pour la mère ?
5. Pourquoi le père se sent-il contraint d’accepter le
départ ?
6. Qu’est-ce que Laye promet à son père ?
7. Expliquez l’ambivalence des sentiments du père.

120
8. Quels sont les conseils du père ?
9. Que symbolise le plan du métro ?

Passage n°1
─ Chacun suit son destin, mon petit ; les hommes n’y peuvent
rien changer. Tes oncles aussi ont étudié. Moi — mais je te l’ai
déjà dit : je te l’ai dit, si tu te souviens quand tu es parti pour
Conakry — moi, je n’ai pas eu leur chance et moins encore la
tienne… Mais maintenant que cette chance est devant toi, je
veux que tu la saisisses ; tu as su saisir la précédente, saisis
celle-ci aussi, saisis-la bien ! Il reste dans notre pays tant de
choses à faire… Oui, je veux que tu ailles en France ; je le veux
aujourd’hui autant que toi-même : on aura besoin ici sous peu
d’hommes comme toi… Puisses-tu ne pas nous quitter pour
trop longtemps !...
Nous demeurâmes un long bout de temps sous la véranda, sans
mot dire et à regarder la nuit ; et puis soudain mon père dit
d’une voix cassée :
─ Promets-moi qu’un jour tu reviendras ?
─ Je reviendrai ! dis-je.
─ Ces pays lointains… dit-il lentement. (213-14)51
Répondez aux questions suivantes sur le passage
1. Quelle différence le père de Laye établit-il entre son
fils et lui-même ?
2. Quelle chance Laye et ses oncles ont-ils eue ?
3. Donnez deux raisons qui motivent le père à laisser
partir son fils.
4. Pourquoi le père et le fils gardent-ils le silence ?
5. Que suggère la fin de ce passage ?

51
Ibid.

121
Questions à choix multiples
1. Selon le père de Laye, la Guinée aura bientôt besoin
de personnes qualifiées parce que :
a. le pays est maintenant indépendant
b. c’est le début de la colonisation
c. les jeunes vont à l’Ecole normale
d. le pays est en pleine mutation
2. Laye reviendra en Guinée parce qu’il :
a. souhaite suivre son destin
b. en fait la promesse à son père
c. veut faire comme ses oncles
d. n’aime pas les pays lointains

Passage n°2
─ N’aurai-je donc jamais la paix ? dit-elle. Hier, c’était une
école à Conakry ; aujourd’hui, c’est une école en France ;
demain… Mais que sera-ce demain ? C’est chaque jour une
lubie nouvelle pour me priver de mon fils ! … Ne te rappelles-
tu déjà plus comme le petit a été malade à Conakry ? Mais toi,
cela ne te suffit pas : il faut à présent que tu l’envoies en
France ! Es-tu fou ? Ou veux-tu me faire devenir folle ? Mais
sûrement je finirai par devenir folle ! … Et toi, dit-elle en
s’adressant à moi, tu n’es qu’un ingrat ! Tous les prétextes te
sont bons pour fuir ta mère ! Seulement, cette fois, cela ne va
plus se passer comme tu l’imagines : tu resteras ici ! Ta place
est ici ! … Mais à quoi pensent-ils dans ton école ? Est-ce
qu’ils se figurent que je vais vivre ma vie entière loin de mon
fils ? Mourir loin de mon fils ? Ils n’ont donc pas de mère, ces
gens-là ? Mais naturellement ils n’en ont pas : ils ne seraient
pas partis si loin de chez eux s’ils en avaient une ! (216 - 17)52

52
Ibid.

122
Répondez aux questions suivantes sur le passage
1. Relevez et analysez les accusations de la mère.
2. Expliquez les procédés stylistiques par lesquels
Camara Laye transmet les émotions de sa mère.

Questions à choix multiples


1. La mère de Laye souhaite provoquer chez son fils
tous ces sentiments sauf :
a. la trahison
b. la paix
c. l’ingratitude
d. la culpabilité
2. Selon la maman de Laye, les maîtres de l’école de
son fils n’ont pas de mère parce qu’ils sont sans :
a. enfants
b. cœur
c. vie
d. pays

Questions sur le chapitre pour les discussions en


classe
1. Historiquement, quel était le rôle de Dakar dans le
développement de l’Afrique occidentale française ?
2. Qu’est-ce Laye doit obtenir pour pouvoir aller en
France ?
3. Étant donné que le père a une belle carrière de
bijoutier à Kouroussa et qu’il est respecté de tous,
pourquoi pense-t-il que son fils et ses frères ont eu
plus de chance que lui ?
4. Pensez-vous que faire des études signifie trahir les
valeurs traditionnelles ? Pourquoi ou pourquoi pas ?

123
5. Que-ce qui se passe-t-il dans l’histoire de la Guinée
à l’époque où Laye va en France et qui fait dire au
père que le pays « aura besoin ici sous peu
d’hommes comme toi » ou encore « Il reste dans
notre pays tant de choses à faire » ?

124
V. PHOTOS

La forge du père de Camara Laye


(photos Armelle Riché)

Le fleuve Niger

(Flickr)

126
VI. LES PERSONNAGES

1. LE DIAGRAMME DES PERSONNAGES


Les personnages
2. LA PRÉSENTATION DES PERSONNAGES
Laye
Camara Laye, auteur, narrateur et protagoniste, est
présent à travers tout le récit. La lectrice et le lecteur
assistent à son évolution émotionnelle, sociale et
intellectuelle de cinq ans jusqu’à son départ pour la
France. Son développement est perçu tout au long de cet
ouvrage de formation. Enfant insouciant et naïf qui joue
innocemment avec un serpent au début du livre, il devient
un jeune homme déterminé et réfléchi, prêt à faire face à
son avenir. La révélation du secret du serpent noir
déclenche une série de questions par rapport aux tournants
que prendra sa vie. D’autre part, la circoncision doit
normalement marquer le passage de l’enfance à l’âge
adulte. Pourtant, Laye se demande si un tel changement
est possible en si peu de temps. Cette réflexion montre son
degré de maturité.
Laye découvre son pays. D’abord, il passe ses vacances
avec sa grand-mère et ses oncles à Tindican. Il fait ensuite
la découverte de Conakry entouré de ses oncles, ses tantes
et ses cousins, voit la mer pour la première fois et apprend
les mœurs de la ville. Avant le départ pour Paris, Laye
voyage en train dans la région et visite Kankan, la ville
sainte. Enfin, ce sera le départ pour la France. Entre
l’enfance et le départ pour la France, Laye grandit sur le
plan physique bien évidemment, mais aussi sur les plans
mental, intellectuel et émotionnel. Il est témoin de la
souffrance et de la mort. Il connaît les joies de l’amour et
l’attente de l’avenir. C’est pour toutes ces raisons que
L’enfant noir peut être lu comme un roman initiatique.

128
La mère
Femme courageuse et vertueuse comme elle le
proclame avant de faire lever un cheval que rien ni
personne ne pouvait faire bouger, la mère est au centre de
la vie familiale. Elle possède des pouvoirs, au-delà de
l’humain, qu’elle exerce même sur des animaux. À la
maison, elle est avant tout soucieuse du bien-être physique
et moral de son fils. Quoiqu’elle respecte les traditions,
elle n’en est pas esclave. Elle critique certaines pratiques,
comme la rencontre avec Kondén Diara qui met son fils à
rude épreuve et le prive de sommeil. Elle n’hésite pas à
aller à l’encontre de son mari quand elle n’est pas d’accord
avec lui. Elle lui fait des remontrances à propos du travail
de l’or qui pourrait affecter sa santé. Elle s’oppose au
voyage de son fils pour la France parce qu’elle n’aura pas
le plaisir de l’avoir à ses côtés et parce qu’elle se
préoccupe de ce qu’il mangerait et de ce qui lui arriverait
s’il tombait malade. En s’opposant au départ de son fils, la
mère s’oppose indirectement à l’éducation française qui
écarte Laye de sa famille et de ses traditions.

Le père
Le père est humble et généreux. Il est respecté dans sa
communauté pour son caractère exemplaire, son travail
exceptionnel et ses pouvoirs surnaturels. En père
responsable, il répond aux besoins matériels de sa famille.
Il reste fidèle à la tradition et aux valeurs de sa société.
Ayant reconnu très tôt les talents et l’intelligence de son
fils, il le pousse dans ses études et l’encourage à suivre son
destin. Laye n’a que 12 ans lorsque le père déclare avec
consternation que son fils quittera la concession familiale

129
et que sa vie sera complètement différente de la sienne. Le
père de Laye sait que l’on ne négocie pas avec le destin.
Pourtant, il ne succombe pas à une résignation béate. Il fait
preuve d’intelligence et de perspicacité.

La grand-mère
La grand-mère maternelle de Laye réside à Tindican,
village que le petit garçon affectionne : « Je me rendais là
avec un plaisir extrême, car on m’y aimait fort, on me
choyait, et ma grand-mère particulièrement, pour qui ma
venue était une fête ; moi, je la chérissais de tout mon
cœur » (38). Laye est fortement attaché à sa grand-mère.
Leurs retrouvailles, pendant les vacances sont toujours
chargées d’émotion lorsqu’ils s’enlacent tous les deux :
« Avant même d’atteindre Tindican, j’apercevais ma
grand-mère venue à notre rencontre… je courais vers
elle… Elle me soulevait et me pressait contre sa poitrine,
et moi, je me pressais contre elle, l’entourant de mes bras,
comme éperdu de bonheur » (42).
A peine arrivé à Tindican, la grand-mère le promène
dans tout le village comme si elle exhibait un trophée.
« Bonnes gens » dit-elle, « voici mon petit époux qui est
arrivé ! » (43). Elle l’appelle affectueusement « mon petit
époux » et le taquine toujours en disant qu’il est bien trop
maigre. Elle le nourrit copieusement pour qu’il n’ait pas
que la peau sur les os, car elle le veut « convenablement
remplumé » avant son retour à Kouroussa. Non seulement
Laye adore sa grand-mère, il l’admire aussi et en fait un
portrait laudatif : « C’était une grande femme aux cheveux
toujours noirs, mince, très droite, robuste, jeune encore à
dire vrai et qui n’avait cessé de participer aux travaux de la
ferme… sans doute était-ce dans cette activité suivie que

130
gisait le secret de sa verdeur » (38). Il s’agit très peu de la
grand-mère dans l’autobiographie quoiqu’il soit
impossible d’occulter la force des sentiments qui lient ces
deux personnages.

L’Oncle Lansana
L’Oncle Lansana est une présence calme et rassurante
qui fait découvrir à Laye la fidélité à la terre et l’amour de
la nature. Cet oncle le rassure lorsque son neveu a des
complexes de citadin par rapport à sa famille et ses amis
de Tindican. L’Oncle Lansana lui fait comprendre que
chacun a son métier. Laye admire particulièrement la
capacité de silence et de réflexion de son oncle dont le
regard « demeurait tout fixé sur ce rêve intérieur poursuivi
sans fin dans les champs » (52). Son admiration se porte
sur les qualités de son oncle, tandis que ce dernier le
comble d’amour et d’affection, tant discrètes que
profondes.
Quand les repas nous réunissaient, souvent je tournais les yeux
du côté de mon oncle et généralement, au bout d’un moment, je
réussissais à rencontrer son regard ; ce regard me souriait, car
mon oncle était la bonté même et puis il m’aimait ; il m’aimait,
je crois bien, autant que ma grand-mère ; je répondais à son
sourire discret et parfois, moi qui mangeais déjà très lentement,
j’en oubliais de manger (52).53

Fanta
Fanta est une amie d’enfance qui a pour Laye une
affection presque amoureuse bien qu’innocente alors que
Laye n’a pour elle qu’une affection quasi fraternelle. Elle
est la camarade de la sœur de Laye et attire son attention
53
Ibid.

131
par sa gentillesse. Laye la respecte, mais ne ressent pas de
forte émotion pour elle. Fanta est juste une camarade et il
est touché par ses attentions. Il est évident que Fanta serait
heureuse si Laye faisait plus attention à elle et lui
témoignait plus d’affection.

Kouyaté
Kouyaté est un camarade de Laye avec qui il partage
les bancs de l’école à Kouroussa. Plus tard, ils subiront
ensemble les épreuves de la circoncision. Cette amitié va
au-delà des deux jeunes gens, car ils sont marqués par les
actions de leurs parents respectifs qui leur servent de
modèles. Le père de Kouyaté confronte le directeur
d’école déraisonnable. Inspiré par cet acte de courage,
Laye se soulève contre l’élève, plus grand que lui, qui le
maltraite à l’école. Pourtant, c’est beaucoup plus tard,
après leur départ pour faire des études loin de la ville
natale, que l’amitié grandit entre Laye et Kouyaté. Ils
forment un trio avec Check et deviennent inséparables.
Laye a beaucoup de considération pour Kouyaté. En
dehors de ses parents, cet ami, ce confident, est le seul à
qui il confie ses projets de voyage pour la France.

L’Oncle Mamadou
Laye fait un portrait détaillé de son oncle et de son
parcours intellectuel (173). L’Oncle Mamadou est un
homme instruit qui vit aisément dans la capitale. Quoique
ce ne soit pas toujours le cas dans les situations
polygamiques, ses deux épouses s’entendent à merveille et
partagent tâches ménagères et plaisanteries. L’Oncle
Mamadou passe avec aisance du milieu occidental, comme

132
l’exige sa profession, au monde traditionnel dans sa vie
privée, trouvant ainsi un équilibre entre les deux cultures.
En homme visionnaire, il comprend vite la diversité des
métiers qui seront nécessaires au développement de son
pays. Il perçoit la nécessité d’être formé non seulement à
l’école normale, mais encore à l’école technique pour
recevoir une formation concrète à mettre au service de la
société. En mentor attentionné, il a une énorme influence
en ce qui concerne la scolarité de son neveu et suit de près
les progrès de ce dernier. Grâce à l’amour et l’affection
que Laye reçoit au sein de la famille de son oncle, son
séjour à Conakry lui est agréable sur le plan humain et
profitable sur les plans intellectuel et professionnel.

Marie
Laye est épris de Marie dont il ne cesse d’admirer la
beauté physique, l’intelligence et la douceur. Elle est
pleine d’imagination et le démontre au cours d’une
promenade lorsqu’elle dit à Laye qu’il pourrait aller sur
une île rien qu’en regardant intensément cette île. Elle est
discrète et aimante. Laye est fier d’être en compagnie de
cette jeune fille et se sent privilégié de recevoir son
attention. Encouragée par les deux tantes, leur amitié se
développe dans la discrétion. L’affection que Marie porte
à Laye et son désir de le voir réussir sont évidents.

3. L’INTERACTION DES PERSONNAGES


La mère et le fils
Il existe une énorme tendresse entre Laye et sa mère,
attristée par la transformation de son fils après la

133
circoncision. Bien qu’il ne soit pas encore tout à fait un
homme, une certaine gêne entoure la mère et l’enfant à ce
moment-là. Ils ne peuvent plus se toucher en vertu de la
tradition et des normes sociétales qui obligent Laye à se
comporter comme un homme sachant maîtriser ses
émotions. En revanche, loin des regards indiscrets, lorsque
Laye revient à la maison après sa guérison, ses deux
parents le serrent fortement dans leurs bras. La mère vit
l’occasion offerte à Laye de poursuivre des études
avancées en France comme un complot contre elle et en
veut tant à son mari qu’à son fils de vouloir y participer.
En général, Laye est touché par l’attention que lui
témoigne sa mère, mais trouve excessifs ses efforts pour
contrôler le choix de ses amies, car il pense qu’elle ne
comprend pas qu’il a le sang plus chaud. Laye est l’objet
de la totale dévotion de sa mère. Elle est remplie de
pensées affectueuses et protectrices pour son fils et
n’apprécie pas les voyages qui, à son avis, risquent de ne
jamais s’arrêter : « N’aurai-je donc jamais la paix » ?
s’écrie-t-elle. « Hier, c’était une école à Conakry ;
aujourd’hui, c’est une école en France ; demain… Mais
que sera-ce demain ? C’est chaque jour une lubie nouvelle
pour me priver de mon fils ! … » (216). L’amour filial que
Laye porte à sa mère est fort et il redoute la séparation tout
en la souhaitant.

Le père et le fils
Laye est fortement attaché à son père et lui voue une
admiration sans limite. Le souci principal de son père est
d’apprendre à son fils comment devenir un homme digne
et respecté. Il lui donne des conseils avant son départ pour
la France pour qu’il soit et demeure un homme honnête

134
avec lui-même et intègre avec les autres. Le père veut pour
son fils ce que la vie ne lui a pas donné à lui. Il a connu
une vie difficile après la mort de son propre père et il croit
que c’est son devoir de tout faire pour que son fils ait une
vie meilleure que la sienne. Il comprend que son univers
se limite à la plaine de Kouroussa, mais prévoit que son
fils restera attaché à l’école des Blancs et pourra être au
service de son pays une fois ses études terminées. Il lui dit
ceci au moment des adieux : « Je savais bien qu’un jour tu
nous quitterais ; le jour où tu as pour la première fois mis
le pied à l’école, je le savais. Je t’ai vu étudier avec tant de
plaisir, tant de passion… » (213).

Laye et l’Oncle Mamadou


L’Oncle Mamadou oriente les études de son neveu de
façon à ce que ce dernier fasse briller ses compétences.
Les jeunes visent l’école normale. L’oncle fait comprendre
à son neveu la nécessité de se distinguer des autres. « Tous
les élèves qui viennent de Kouroussa ont toujours
dédaigné l’école technique, toujours ils ont rêvé d’une
carrière de gratte-papier. Est-ce une telle carrière que tu
ambitionnes » ? (177) demande l’Oncle Mamadou à Laye.
À la manière socratique, c’est sous forme de questions que
l’oncle invite son neveu à la réflexion et l’amène à prendre
des décisions adéquates.

Laye et Marie
Marie est le premier véritable amour de Laye. Il la
rencontre pendant son adolescence, à un âge où l’on
découvre l’amour. Marie représente pour lui beauté,
intelligence et douceur. Elle éveille en lui de profonds

135
sentiments qui réchauffent son cœur sous le ciel gris de
Paris. « Quand il m’arrive de penser à cette amitié, et j’y
pense souvent, j’y rêve souvent - j’y rêve toujours ! —, il
me semble qu’il n’y eut rien, dans le cours de ces années,
qui la surpassât, rien, dans ces années d’exil, qui me tint le
cœur plus chaud » (182). Marie lui rend cet amour de
façon discrète — une discrétion qui n’enlève rien à la
profondeur de ses sentiments.

136
VII. LES THÈMES

1. LA FAMILLE ET LA COMMUNAUTÉ
Le Petit Robert définit ainsi la famille : « Les personnes
apparentées vivant sous le même toit, le père, la mère et
les enfants ». Cette définition s’accorde peu à la famille
traditionnelle africaine puisque les tantes, les oncles, les
cousins, les grands-parents vivent dans la même
concession y compris, souvent, les co-épouses et leurs
enfants. La famille s’étend au-delà du père, de la mère et
des enfants, car loin d’être basée sur la famille nucléaire,
elle est fondée sur la famille étendue.
Dans L’enfant noir, la famille comprend les jeunes
apprentis du père que ses parents considèrent comme leurs
propres enfants et traitent même avec plus d’indulgence.
« Ces apprentis qui étaient loin de leurs parents, ma mère,
mon père aussi leur donnaient une entière affection ; très
réellement ils les traitaient comme des enfants qui auraient
eu besoin d’un surcroît d’affection, et — je l’ai plus d’une
fois remarqué — certainement avec plus d’indulgence que
nous-mêmes » (69).
Parlant de sa mère, Laye écrit : « Je crois bien qu’elle
avait meilleure patience pour les apprentis que pour nous ;
je crois qu’elle se contraignait plus pour les apprentis que
pour nous » (69). Malgré sa bonté, la mère est sévère et
son autorité ne passe pas inaperçue. Elle joue un rôle
discret, mais capital dans le rituel du repas : « Je ne puis
dire exactement que ma mère présidait le repas : mon père
le présidait. C’était la présence de ma mère pourtant qui se
faisait sentir en premier » (71).
Laye parle peu de ses frères et sœurs. Il les mentionne
la toute première fois au chapitre 5 en nous apprenant
qu’ils dorment dans la case de la grand-mère paternelle à
qui la mère les a confiés aussitôt sevrés. De même, on
apprend le décès de cette grand-mère uniquement quand
Laye fait ses adieux aux vieilles gens de la concession et
du voisinage avant son départ pour Conakry. On en sait un
peu plus sur la cadette de la famille, la camarade de Fanta,
car elle va à l’école avec Laye. C’est seulement au
moment du départ pour Conakry qu’on comprend que les
liens fraternels sont étroits, lorsque les frères et sœurs
accompagnent Laye à la gare. La sœur cadette de Laye
assume un rôle presque maternel : « Souviens-toi que tu
passes ta première nuit à Mamou : le train s’arrête, la nuit,
à Mamou » (163) ; ou encore : « Garde tes bagages à
portée et, de temps en temps, compte-les. Tu me
comprends : aie l’œil dessus ! » (164). En écrivant plus
tard, Laye déclare qu’au moment de monter dans le train,
« ma sœur sans doute me fit une dernière recommandation
aussi vaine que les précédentes » (165). Quant aux jeunes
frères, ils gardent leurs mains dans celles de Laye, qui
ressent un sentiment de culpabilité. « Il m’arrivait souvent
de les négliger : quand je partais pour l’école, les plus
petits dormaient encore, ou bien on les baignait, et quand
je rentrais de l’école, je n’avais pas toujours grand temps à
leur donner ; mais maintenant je ne regardais qu’eux »

138
(165). Cela prouve que, malgré tout, il existe entre
membres de la fratrie une affection tangible.
Quoique Laye nous présente une société unie et
solidaire, on remarque tout de même une séparation des
genres. La différence entre les hommes et les femmes dans
L’enfant noir est indéniable. On constate qu’il y a peu
d’interactions entre eux. Le père et la mère de Laye vivent
dans des cases séparées et on les voit rarement ensemble,
en tout cas jamais seuls, tous les deux. En effet, cette
société est marquée par une division de l’espace selon les
sexes. En plus de la division spatiale de la concession,
cette division s’étend à de nombreuses circonstances.
Durant la moisson, les femmes travaillent entre elles et les
hommes entre eux. De même, pendant les fêtes qui
précèdent la circoncision, les jeunes hommes dansent entre
eux tandis que les femmes et jeunes filles les observent.
Après la danse, les femmes sont isolées et ne peuvent
participer à cette cérémonie. Bien plus tard dans le récit,
quand Laye raconte les moments passés avec Marie, il
évoque combien ils dansent avec réserve et explique que
« ce n’est pas la coutume chez nous de s’enlacer » (186).
Laye souligne les liens étroits entre la famille et la
communauté qui représentent un grand soutien pour
l’individu. De même qu’un enfant dépend de sa mère, les
individus trouvent leur force dans la communauté. On
observe l’esprit communautaire pendant le travail des
champs, et notamment lors de la récolte du riz : « La
moisson se faisait de compagnie et chacun prêtait son bras
à la moisson de tous, les invitant alors à commencer le
travail » (58). Aux champs, les cultivateurs sont unis par la
musique qui rythme les semailles et encourage leur
labeur : « …leurs voix s’accordaient, leurs gestes

139
s’accordaient…unis par un même chant… la même âme
les reliait, les liait » (62). Il est à noter que c’est pendant
les rites de passage que Laye se considère comme un
membre à part entière de sa communauté, loin des
tiraillements causés par les deux mondes entre lesquels il
vacille. Les amis des parents offrent des cadeaux pour
célébrer la transition entre l’enfance et l’âge adulte. Toute
la communauté participe aux rites de la circoncision. Tout
le monde chante et danse pour soutenir et encourager les
jeunes. Ainsi, l’épreuve de la circoncision se fait en deux
temps : le rite public, auquel participe toute la
communauté, et le rite secret, qui ne concerne que les
futurs circoncis et leurs initiateurs.
Si l’objectif de la moisson est d’unir la communauté
dans le travail, pendant les cérémonies de Kondén Diara et
de la circoncision, les garçons, éloignés de leur famille,
deviennent solidaires et tissent de nouveaux liens d’amitié.
Ainsi, avec d’autres jeunes du même âge, Laye vit une
expérience unique. Les évènements de Kondén Diara et de
la circoncision traduisent l’envergure du courage et de la
retenue, qualités valorisées chez les Malinkés. Bien que
Laye ait peur des bêtes sauvages, il se rappelle que son
père lui a enseigné le courage et la bravoure. Ce fait l’aide
à dominer sa peur.
Les rites de passage présentent une occasion pour
organiser des festivités communautaires. À travers ce
rituel, Laye assume sa place au sein de sa communauté.
Pourtant ce même rituel assure son individualité. Il a
désormais sa propre case et ne dort plus dans celle de sa
mère, ce qui est censé lui donner une plus grande
indépendance. Apprendre que Kondén Diara n’existe pas
est un secret qui l’écarte des femmes et des enfants et le

140
rapproche des hommes. Devenir un homme éloigne Laye
de sa mère et ses nouveaux habits confirment sa nouvelle
identité. C’est pour cela que la mère sourit tristement en
lui montrant sa nouvelle demeure bien qu’elle ait du mal à
accepter la « perte » de son fils. Ainsi, l’ouverture d’une
nouvelle page s’annonce. Lorsque Laye revient de
Conakry, son père comprend qu’il passe par une nouvelle
étape de la vie. Par contre, sa mère veut encore le protéger
au point de se mêler outrancièrement de sa vie privée.
On ignore l’origine de la nuit de Kondén Diara et de la
circoncision. Déjà, pour les rituels des moissons, Camara
Laye écrit : « Il arrive que l’esprit seul des traditions
survive, et il arrive aussi que la forme, l’enveloppe, en
demeure l’unique expression ». (56) Ces rituels, transmis
d’une génération à une autre, font partie du patrimoine de
la communauté et influencent la vie personnelle de
chacun : « Ce prix, nos aînés l’avaient payé avant nous ;
ceux qui naîtraient après nous, le paieraient à leur tour ;
pourquoi l’eussions-nous esquivé ? La vie jaillissait du
sang versé ! » (125).
Cette hiérarchie se trouve également dans la notion de
classe d’âge. Avant d’être circoncis, Laye appartient à la
classe d’âge des enfants. La veille de la circoncision, juste
avant de s’isoler dans la forêt où s’opère l’ablation du
prépuce, le père de Kouyaté, choisi à cause de son
ancienneté, est le seul habilité à entonner le chant du coba.
Il apprend aux futurs circoncis le chant et la danse du coba
avant de faire le tour de la place. C’est alors que les
hommes se dégagent pour leur frayer le passage : « Les
hommes se rangeaient au fur et à mesure que nous
avancions ». (136) Le nombre important des hommes qui
les accompagnent marque la dimension de cette

141
cérémonie : « La haie que les hommes formaient sur notre
passage était épaisse, était compacte » (136). Enfin, le fait
que les futurs circoncis doivent chanter trois fois le matin
et trois fois le soir, met en relief la répétition de l’action
qui est une caractéristique du rituel : « Trois fois dans la
journée, nous sommes ainsi apparus sur la grande place
pour danser le ‘coba’ ; et dans la nuit, trois fois encore, à
la clarté des torches ; et chaque fois les hommes nous ont
enfermés dans leur vivante haie » (137). Comme il se doit,
former une haie, comme on formerait une haie d’honneur,
est un hommage à ces jeunes gens valeureux et une invite
exclusive à entrer dans le cercle des hommes, car « ‘le
coba’ est affaire d’hommes. » (136)
Se référant au rituel de la nuit de Kondén Diara, Laye
évoque la continuité entre le passé et le présent, tout
comme l’évolution des coutumes. Le lieu sacré en est un
exemple. Autrefois, il était peut-être interdit d’y entrer. Ce
n’est plus le cas, sauf durant l’exécution du rite de
passage. Camara Laye résume cette constatation en une
phrase : « En temps habituel, aucun interdit n’en défend
l’accès ; mais sans doute n’en a-t-il pas toujours été ainsi,
et quelque chose, autour de l’énorme tronc du fromager,
plane encore de ce passé que je n’ai pas connu ; je pense
qu’une nuit comme celle que nous vivons, ressuscitait
certainement une part de ce passé » (125).
Après la circoncision, Laye passe à la classe d’âge des
circoncis, donc des aînés, de ceux qui, ayant enduré le rite
de passage, ont été transformés en hommes, sur le plan
symbolique tout au moins. C’est l’une des raisons pour
lesquelles l’âge et tout le savoir qu’il suggère, sont
souvent hautement appréciés et vénérés dans les cultures
africaines comme en témoigne ce proverbe malinké : « Ce

142
que le vieillard voit en étant assis, le jeune homme qui est
debout ne le voit pas. »
La communauté est liée par des croyances et des
pratiques partagées par tous, à travers des rituels. Les plus
développées dans L’enfant noir sont essentiellement la
cérémonie des lions et de la circoncision. Il y en a d’autres
qui, tout en étant individuelles, sont au service de la
communauté telles les incantations et les paroles secrètes
du bijoutier. Le rituel se trouve également dans les repas
gouvernés par des règles strictes et dans le travail des
champs où la moisson est bonne, grâce au labeur des
paysans et grâce aux génies protecteurs et bienfaisants.
La communauté est une extension de la famille étendue
et comble la vie des enfants quand ils sont loin de leurs
parents. À Conakry, Laye est choyé chez l’Oncle
Mamadou. Après une première nuit de tristesse, il est vite
intégré dans sa nouvelle famille. Il devient le frère de ses
jeunes cousins et le fils de ses tantes, ce qui lui permet de
dire : « Les deux tantes s’ingénièrent à remplacer ma mère
et elles persévérèrent durant tout le temps de mon séjour.
Elles poussèrent même l’indulgence jusqu’à ne jamais me
reprocher une maladresse, si bien qu’il m’arriva d’en
demeurer tout confus » (172). Lorsque Laye tombe malade
à Conakry et se retrouve à l’hôpital, ses oncles viennent
converser avec lui et lui tiennent compagnie tandis que ses
tantes lui apportent des repas. De même, quand Check
tombe malade, tout le monde se sent concerné.
Tout au long de l’ouvrage, nous constatons les liens
forts et la grande solidarité entre les membres des
communautés de Kouroussa, Tindican et Conakry. Le
souci du bien-être d’un enfant est partagé par tous les
adultes, qui ne font aucune différence entre leurs propres

143
enfants et ceux d’autrui, comme nous le voyons dans le
cas des apprentis du père. De même, Laye trouve une
chaleur familiale chez l’Oncle Mamadou. Il est traité
comme les enfants de la maison : « Mes tantes Awa et
N’Gady se prirent d’affection pour moi dès le premier soir
et demeurèrent dans ce sentiment au point que, bientôt,
elles ne firent plus de différence entre leurs propres
enfants et moi-même » (172). L’avenir de Laye a une telle
importance pour les tantes qu’elles vont voir des
marabouts pour assurer sa réussite aux examens.
En somme, Laye sait aimer parce qu’il est entouré de
l’amour témoigné par la communauté. Il en reçoit
abondamment de tous. Sa mère s’occupe de son bien-être
avec affection, même quand elle lui fait des remontrances.
Son père le met sur le droit chemin. Sa grand-mère
maternelle le dorlote. Ses tantes à Conakry jouent
spontanément le rôle de mères aimantes en l’absence de sa
mère. Ses oncles le conseillent et ses amis lui témoignent
un amour fraternel. C’est sans doute pour cette raison qu’à
son tour il donne beaucoup d’amour à sa famille, à ses
amis et à Marie qu’il aime et respecte. Laye déborde
d’amour pour ces êtres chers et pour son pays dont il
décrit les paysages avec force détails qui cartographient
son environnement et les mœurs avec une extrême
sensibilité, nous donnant une image esthétique de sa
culture. Quelles qu’en soient les apparences, l’individu
n’est jamais seul. Les cadeaux des amis aux familles des
circoncis contribuent à la grande dépense qui consiste à
nourrir toute une foule pendant une semaine entière de
préparation et de réjouissances.
À la fin de L’enfant noir, en pensant à ses oncles et
tantes de Conakry, Laye se rend compte de l’ampleur du

144
soutien de toute sa famille durant tout son parcours. « Sans
eux, sans elles » dit-il, « j’eusse été vraiment misérable,
vraiment abandonné ». (179) Et ceci rappelle le proverbe
africain maintenant célèbre aux USA qui affirme que
« C’est tout un village qui élève un enfant. »54 C’est grâce
à cette communauté que Laye a pu trouver ses lignes de
conduite et d’action sur le chemin de la vie.

2. L’AMITIÉ
Tout comme la famille et la communauté, les amis sont
une source de partage, de soutien et de réconfort. On
constate qu’à Tindican, les compagnons de jeu de Laye lui
témoignent « plein de gentillesse » quand ils viennent le
voir. À Kouroussa, Laye trouve en Kouyaté un ami sincère
qui sait écouter ses problèmes, compatir à ses soucis et
avec qui il partage sa nourriture. De même, Fanta offre à
Laye ses galettes et sait le réconforter quand les grands
élèves le maltraitent.
Revenu de Conakry pendant les grandes vacances, Laye
passe la plupart de son temps avec ses amis, Kouyaté et
Check. Une solidarité sincère lui fait éprouver un immense
plaisir quand ces derniers reçoivent leur brevet
d’instituteur. Mécontent du comportement de sa mère
envers certaines copines, il s’en ouvre à ses deux meilleurs

54
En effet, ce proverbe a été rendu célèbre par Hillary Clinton qui
publie un best-seller, It takes a village, utilisant la première portion du
proverbe « It takes a village to raise a child » aux Éditions Simon &
Schuster, à New York. Ce livre a connu une deuxième version pour
son 10e anniversaire en 2006 et une troisième édition sous la forme
d’un livre d’enfant, illustré par Maria Frasee en 2017.

145
amis qui lui font comprendre que sa mère n’agit ainsi que
parce qu’elle l’aime. Quand ses amis doivent partager le
repas familial, sa mère a tendance à mieux le soigner.
Laye apprécie ce geste, mais préfère qu’elle prépare les
repas comme tous les jours. C’est peut-être parce qu’il
estime que ses amis ne doivent pas être traités comme des
invités, car, à ses yeux, ils sont des membres de la famille.
Lorsque Check tombe malade, Laye et Kouyaté sont
angoissés et font tout pour lui venir en aide. La mort de cet
ami les attriste profondément. L’ombre du défunt semble
les suivre et occuper leurs pensées. À part cet incident
tragique, les amis contribuent pleinement à l’enfance
heureuse que Laye décrit avec tendresse. Leur amitié revêt
une complicité absolue et une entraide constante. Ils ont
une oreille attentive les uns pour les autres et se donnent
des conseils.
En revanche, dès le début, Fanta est beaucoup plus
attirée par Laye qui, lui, ne fait pas tellement attention à
elle. Sur le chemin de l’école, les bandes de garçons
s’attaquent aux filles et à leur tour, elles attaquent les
garçons. Fanta ménage Laye qui lui-même n’épargne que
sa sœur. Elle lui fait remarquer son indifférence envers
elle, après quoi il lui témoigne un peu plus de gentillesse.
Lorsque les grands élèves attaquent Laye, Fanta feint de
ne pas le voir pleurer pour protéger son amour-propre.
Accablée de tristesse et versant de chaudes larmes au
moment où Laye part pour Conakry, le chagrin de Fanta
nous touche, même s’il ne s’agit que d’une amitié
purement idyllique.
Pourtant, très vite séduit par Marie, qu’il trouve belle,
Laye devient exceptionnellement timide en sa présence.
Au-delà de l’apparente amitié, Laye avoue être amoureux

146
de Marie, objet de sa fierté et qui suscite l’envie de ses
camarades. Des années plus tard, Laye évoquera Marie
avec une nostalgie à la fois douce et douloureuse :
Je ne me le rappelle pas par vantardise, encore qu’à l’époque je
fusse assez fiérot de ma chance ; non, je m’en souviens avec
une poignante douceur, je m’en souviens et j’en rêve, j’en rêve
avec une mélancolie inexprimable parce qu’il y eut là un
moment de ma jeunesse, un dernier et fragile moment où ma
jeunesse s’embrasait du feu que je ne devais plus retrouver et
qui, maintenant, a le charme doux-amère des choses à jamais
enfouies. (189) 55
On suppose que les sentiments de Laye sont partagés et
que Marie, elle aussi, tient à lui. La preuve la plus
indubitable est qu’elle va voir un marabout pour assurer la
réussite de Laye aux examens.
Aristote affirme que l’amitié est nécessaire à la vie.
Selon lui, il existe trois sortes d’amitié dont les objets
respectifs sont le bon, l’agréable et l’utile, qualités que
nous retrouvons chez les amis de Laye. Check et Kouyaté
sont utiles à Laye par leur constante compagnie et leurs
conseils. Cette amitié est née de la découverte d’affinités.
Quant à Fanta, elle incarne le bon à cause de la gentillesse
particulière qu’elle lui accorde. Finalement, Marie stimule
agréablement le regard de Laye par sa beauté. Il s’agit là
du plaisir d’être avec une jeune fille aimante, modeste,
intelligente et admirée de tous.

3. LES CROYANCES TRADITIONNELLES


Certaines pratiques chez les Malinkés remontent à
plusieurs siècles, bien avant l’arrivée de l’islam au
55
Ibid.

147
VIIe siècle. Généralement, les gens vivent en harmonie et
trouvent un équilibre entre les croyances africaines et la
foi musulmane, croyances selon lesquelles on peut
communiquer avec un esprit ou un génie. Le mysticisme
africain, héritage familial, se manifeste sous forme de
rêves, d’incantations, de potions magiques et de gris-gris.
Cet univers est souvent contrôlé par les caprices des
génies. Les croyances traditionnelles sont une force
cosmique guidée par des esprits étroitement liés aux
humains, car les ancêtres détiennent une place majeure
dans la vie quotidienne.
La spiritualité du père de Laye vient d’un serpent noir
hérité de sa lignée familiale. « Ce serpent… est toujours
présent ; toujours il apparaît à l’un de nous. Dans notre
génération, c’est à moi qu’il s’est présenté » (17). Le père
voit d’abord le serpent en rêve avant qu’il ne devienne une
présence matérielle. L’intimité entre le père et le génie de
sa race est mise en évidence par le ressenti de Laye :
« Cette caresse et le frémissement qui y répondait — me
jetaient chaque fois dans une inexprimable confusion : je
pensais à je ne sais quelle mystérieuse conversation ; la
main interrogeait, le frémissement répondait… » (22-3).
De plus, le serpent avertit le père de ce qui va se passer
ultérieurement. Il sait qui viendra le voir et ce qu’il faut
faire dans certaines situations. « Mon père, averti en rêve,
avait pu prendre ses précautions dès l’aube » (35). Il est
aussi à noter que la réussite de son travail dépend
également du serpent. « Il ne manquait jamais de caresser
discrètement le petit serpent lové sous sa peau de mouton ;
on ne pouvait douter que ce fût sa façon de prendre appui
pour ce qui demeurait à faire et qui était le plus
difficile » (32).

148
Le griot, comme le père, se protège des personnes mal
intentionnées avec des gris-gris. Il ne faut pas être sans
armes, car on ne sait jamais quand l’ennemi va attaquer.
« Comme mon père, il s’était alors enduit le corps de gris-
gris et s’était rendu invulnérable aux mauvais génies que
la « douga » ne pouvait manquer de déchaîner,
invulnérable encore à ses confrères mêmes qui, jaloux
peut-être, n’attendaient que ce chant, l’exaltation, la perte
de contrôle qu’entraîne ce chant, pour lancer leurs sorts »
(35).
Aussi bien que son père, la mère de Laye a hérité des
pouvoirs mystiques qu’elle tient de son propre père
forgeron. À part le fait que cette caste possède des
pouvoirs exceptionnels, la mère est puînée des jumeaux,
ce qui signifie qu’elle a une autorité particulière sur les
êtres humains et sur les animaux. Elle voit en songe les
auteurs des mauvais sorts et « sa voix, dans le matin,
portait loin ; elle allait frapper le jeteur de sorts contre qui
la menace avait été proférée » (77). Par ailleurs, Laye
mentionne la caste de sa mère qui fournit au groupe « bon
nombre de diseurs de choses cachées » (78). Il se demande
si son oncle Lansana, dont on a noté l’attrait pour le
silence et la méditation, n’est pas, lui aussi, un diseur de
choses cachées.
Laye se rend à Conakry avec l’eau magique de Kankan
offerte par sa mère et le gris-gris que son père lui a
procuré pour se défendre des mauvais esprits. Il faut aussi
noter qu’au moment de passer les examens, Laye n’hésite
pas à demander à sa mère d’obtenir l’aide des marabouts.
Les croyances traditionnelles sont donc liées à la nature, à
la présence constante des ancêtres et à une force cosmique
qui détient tous les pouvoirs.

149
En plus, pour avoir une bonne récolte, il est coutume de
prier les esprits de la terre, car, selon les cultivateurs, il
existe une connexion entre les esprits et la nature. On évite
le malheur en prenant certaines précautions. Laye
explique : « … si nous menions grand bruit à notre
accoutumée, nous nous gardions néanmoins de siffler, car
on ne doit ni siffler ni ramasser du bois mort durant tout le
temps que dure la moisson : ce sont des choses qui attirent
le malheur sur le champ » (66).
Camara Laye fait une distinction, que l’on retrouve
souvent dans le récit, entre les croyances occidentales et
les croyances africaines. Il souligne le fait que, chez les
Africains, il y a beaucoup de phénomènes que les
Européens trouvent incompréhensibles ou inexplicables,
voire irrationnels et même absurdes, mais qui existent :
– « J’hésite un peu à dire quels étaient ces pouvoirs et
je ne veux même pas les décrire tous : je sais qu’on
accueillera le récit avec scepticisme » (73).
– « Chez nous, il y a une infinité de choses qu’on
n’explique pas, et ma mère vivait dans leur
familiarité » (74).
– « Je dis très simplement, très fidèlement, ce que j’ai
vu, ce que mes yeux ont vu, et je pense en vérité que
c’est incroyable, mais la chose est bien telle que je
l’ai dite… » (75).
– « Je ne veux rien dire de plus et je n’ai relaté que ce
que mes yeux ont vu » (80).56
Les critiques étrangers aux cultures africaines, cari-
béennes et sud-américaines, ont qualifié à tort ces
éléments du merveilleux de « réalisme magique. » Il n’en
56
Ibid.

150
est rien. C’est plutôt parce qu’ils n’arrivent pas toujours à
comprendre que le merveilleux côtoie quotidiennement la
réalité et constitue une partie intégrale de la vie des
cultures précitées. Laye ne s’engage pas dans le débat
quant à la fausseté ou à la véracité des faits. Il raconte
fidèlement ce dont il a été témoin.

4. LA COLONISATION ET LE CHOC DES CULTURES


Récurrent et central dans la littérature africaine à
l’époque où Camara Laye écrit son autobiographie, le
thème de la colonisation n’est pas explicite dans L’enfant
noir. Pour autant, l’influence de la colonisation se ressent
à travers les changements sociaux, la vie de certains
personnages et certaines institutions, notamment l’école
française. Le fait qu’elle soit implantée à l’école constitue
le bouleversement le plus apparent et le plus lourd de
conséquences.
Élevé dans une famille traditionnelle, Laye s’interroge
souvent sur les valeurs occidentales qui dominent son
existence et deviennent une source de tiraillement.
Quoiqu’il prenne le chemin de l’école des Blancs, il
regrette son manque de participation aux pratiques
traditionnelles : « Je continuais d’aller à l’école ! Pourtant
j’aurais voulu, j’aurais tant voulu poser à mon tour ma
main sur le serpent, comprendre, écouter à mon tour ce
frémissement, mais j’ignorais comment le serpent eût
accueilli ma main et je ne pensais pas qu’il eût maintenant
rien à me confier, je craignais bien qu’il n’eût rien à me
confier jamais… » (23).
Néanmoins, Laye n’ignore pas que le travail d’un
individu détermine sa place au sein de la communauté.

151
Ainsi, son choix professionnel signale un monde en
évolution qui l’éloigne de la forge de son père et des
champs de sa famille maternelle. Choisir entre la vie des
colons et celle des ancêtres devient une source de conflit
pour Laye qui, comme son père et son oncle Lansana, se
rend compte de l’inévitabilité du changement. Et Laye de
reconnaître que « ... le monde bouge, le monde change, et
le mien plus rapidement peut-être que tout autre, et si bien
qu’il semble que nous cessons d’être ce que nous étions,
qu’au vrai nous ne sommes plus ce que nous étions, et que
déjà nous n’étions plus exactement nous-mêmes dans le
moment où ces prodiges s’accomplissaient sous nos
yeux » (80). Cette constatation rappelle la réflexion de
Samba Diallo, protagoniste de L’aventure ambiguë
lorsqu’il dit : « Je ne suis pas un pays des Diallobé
distinct, face à un Occident distinct . . . Je suis devenu les
deux. Il n’y a pas une tête lucide entre deux termes d’un
choix. Il y a une nature étrange, en détresse de n’être pas
deux. »57
Ces paroles font ressortir un déchirement culturel que
plusieurs personnages ressentent dans L’enfant noir. Laye
lui-même, certes, et aussi son père, dont la peine et le
déchirement apparaissent dès les premières pages de
l’autobiographie, à travers des paroles qui valent la peine
d’être répétées tant elles sont prophétiques et poignantes :
« J’ai peur, j’ai bien peur, petit, que tu ne me fréquentes
jamais assez. Tu vas à l’école et, un jour, tu quitteras cette
école pour une plus grande. Tu me quitteras, petit… » (20).
La mère, elle aussi, est consciente de ces changements
qui ont pour résultat le renversement de l’ordre établi, la

57
C.H. Kane. L’aventure ambiguë, p.162-163.

152
dislocation de la famille et la déchirure du tissu social.
C’est pour cela qu’elle s’oppose aux voyages successifs de
Laye. Ces voyages l’éloignent de la maison familiale au
profit de l’école où on lui inculque un savoir exogène qui
risque de le remplir de mœurs nouvelles ne cadrant pas
avec les valeurs traditionnelles qu’elle respecte et chérit.
Selon Laye, les croyances et les systèmes de valeur
deviennent moins conséquents quand on fréquente l’école
et qu’on est influencé par la logique cartésienne.
Lorsque Check tombe malade et met du temps à guérir,
les jeunes écoliers commencent à douter des connais-
sances des guérisseurs qui sont de plus en plus remplacés
par des médecins. Le pouvoir de ces guérisseurs se trouve
amoindri alors que, dans le passé, leurs talents étaient
considérés infaillibles. Ainsi, à cause des nouvelles
connaissances apprises sur les bancs de l’école, produit de
la colonisation, Laye ne vivra pas comme son père et
s’éloignera de sa ville natale pour s’intégrer à une vie
moderne où les maisons remplacent les cases, comme chez
l’oncle Mamadou, à Conakry, qui vit dans une maison
d’architecture européenne.
Ainsi, Laye et ses amis entament une vie marquée par
des changements culturels et sociaux. Les règles de la
bienséance traditionnelle ne sont pas respectées à l’école
française étant donné que la colonisation impose un
système différent affectant les valeurs les plus fonda-
mentales et les plus anodines. Par exemple, contrairement
à ce qui se fait dans les convenances traditionnelles, l’écart
entre les deux sexes se resserre. À l’école, filles et garçons
sont mêlés, s’étonne Laye. Bien au contraire, dans une
société traditionnelle, les deux genres sont séparés durant
une assemblée, même quand il s’agit des membres d’une

153
même famille. La bienséance veut qu’ hommes et femmes
mangent séparément, comme cela se passe pendant les
repas chez Laye, à Kouroussa. « Il y avait un plat pour les
hommes, et un second pour ma mère et pour mes sœurs »,
dit-il (71). Toutefois, on remarque que ses tantes propo-
sent que Laye mange avec Marie. Est-ce l’influence de la
ville ou est-ce le caractère taquin des tantes qui savent que
Marie comme leur neveu en seraient embarrassés ?
La colonisation touche donc tous les aspects de la vie
guinéenne. Elle est le point de tension qui se forme entre
les valeurs anciennes et les valeurs occidentales imposées
qui, par l’entremise de l’école, s’implantent subrepti-
cement en Guinée. Camara Laye le montre de façon
intentionnellement subtile, quoiqu’il n’ait pas voulu
s’engager dans les débats politiques contre la colonisation,
débats qui figuraient fortement tant dans la vie militante
que dans la littérature de combat à ce moment de l’histoire
des peuples africains. Il faut tout de même noter que la
question identitaire, traitée de façon implicite dans
L’enfant noir, se trouve développée, surtout par rapport à
l’Autre destructeur, dans les autres écrits de Camara Laye
à telle enseigne que son dernier ouvrage, Le Maître de la
parole. Kouma Lafôlô Kouma, s’ouvre sur un poème dont
les derniers vers sont :
Âme nègre, mystérieuse Âme nègre !
Éveille-toi, lève-toi, élève-toi !
Clame à l’univers la puissance de ton génie créateur,
Ô Âme nègre !58

58
Camara Laye, Le Maître de la parole. Kouma Lafôlô Kouma. Paris,
Éditions Plon, 1978, p.9.

154
Se demanderait-on encore si Camara Laye a adhéré à la
philosophie de la négritude, la lecture de ce poème permet
de répondre par l’affirmative, car l’injonction « Éveille-
toi, lève-toi, élève-toi ! » en est un aspect. De plus, son
exhortation : « Clame à l’univers la puissance de ton génie
créateur » rejoint bien le programme de revendication
culturelle prôné par les tenants de la négritude. À y
regarder de près, on trouve dans L’enfant noir des relents
de la négritude, car le fait de dire, de décrire, de clamer et
de proclamer sa culture et d’en être fier est la clé de voûte
de ce mouvement.

5. L’ÉCOLE
L’éducation de Laye se fait à l’école traditionnelle, à
l’école coranique et à l’école française. L’école tradition-
nelle, c’est la concession, lieu où le père transmet à son
fils les traditions familiales en lui confiant les secrets qui
entourent le serpent noir et le comportement nécessaire
pour l’attirer vers soi. Par sa conduite et son exemple, le
père enseigne à son fils le sens de la famille, la générosité,
la compréhension, l’humilité et la fierté du travail bien
fait. La mère, d’autre part, enseigne l’étiquette des repas et
renforce certains préceptes tels que la dignité dans le
comportement.
L’école traditionnelle, c’est aussi la forge du père, là où
l’enfant regarde attentivement son père exercer le métier
de bijoutier, là où, avec cet apprentissage, il aurait pu par
mimétisme devenir bijoutier à son tour. L’école
traditionnelle, c’est la brousse où la cérémonie du lion sert
à apprendre la valeur du courage. C’est dans cette optique

155
que le père conseille à son fils : « Tu dois mater ta peur, te
mater toi-même… Même si tu as peur, ne le montre pas »
(105). L’école traditionnelle, c’est le lieu sacré, la clairière
dans la brousse où se déroule la cérémonie de la
circoncision. Outre les danses et chants divers, un
enseignement hautement moral est dispensé aux jeunes, de
génération en génération : « Ces leçons, les mêmes que
celles qui furent données à tous ceux qui nous ont
précédés, se résumaient à la ligne de conduite qu’un
homme doit avoir dans la vie : être franc absolument,
acquérir les vertus qui en toutes circonstances font
l’honnête homme, remplir nos devoirs envers Dieu, envers
nos parents, envers les notables, envers le prochain »
(145).
À Tindican, les habits d’écolier distinguent Laye des
autres enfants. Voyant qu’il est gêné par cette différence,
son oncle Lansana le rassure en ces termes : « …Ce n’est
pas ton travail de faucher. Je ne crois pas que ce sera
jamais ton travail » (60). Laye lui-même comprend que
son oncle a raison, cependant il exprime son désarroi :
« Mais où était ma vie ? Et je tremblais devant cette vie
inconnue. N’eût-il pas été plus simple de prendre la suite
de mon père ? L’école… l’école…, pensais-je ; est-ce que
j’aime tant l’école ? Mais peut-être la préférais-je ? » (61).
Il est vrai que l’école française n’est pas toujours
agréable pour Laye, car il y connaît des misères : le
directeur traite ses élèves comme des domestiques, le
maître est sévère et les grands élèves sont injustes. Pour
autant, Laye et ses camarades de classe sont
enthousiasmés par l’école et les connaissances qu’ils y
découvrent. Laye explique : « Pour tous, quelques jeunes
que nous fussions, l’étude était une chose sérieuse,

156
passionnante ; nous n’apprenions rien qui ne fût étrange,
inattendu et comme venu d’une autre planète ; et nous ne
lassions jamais d’écouter » (84). Laye écoute si bien que
ses efforts sont récompensés quand il obtient une bourse
pour continuer ses études à Argenteuil.
Si l’école française rapproche Laye de l’oncle
Mamadou, elle l’éloigne du reste de la famille et des
traditions. Le père, en sa qualité de sage, le comprend fort
bien et, lors de la première conversation concernant le
serpent noir, il dit à son fils : « J’ai peur, j’ai bien peur,
petit, que tu ne me fréquentes jamais assez. Tu vas à
l’école et, un jour, tu quitteras cette école pour une plus
grande. Tu me quitteras, petit… » (20).
Ainsi donc, Laye va à l’école française sans pour autant
oublier les leçons apprises par le biais des valeurs
traditionnelles. Souvent confronté à des dilemmes, Laye se
demande s’il aura le loisir de choisir puisque son destin
semble être déjà tracé, déjà déterminé, comme le
suggèrent son père et sa deuxième mère. Peut-être est-il
opportun de citer une fois de plus L’aventure ambiguë où
le maître des Diallobé situe bien le problème de l’école
des Blancs par rapport aux connaissances ancestrales : « Si
je leur dis d’aller à l’école nouvelle, ils iront en masse…
Mais apprenant, ils oublieront aussi. Ce qu’ils apprendront
vaut-il ce qu’ils oublieront ?… Peut-on apprendre ceci
sans oublier cela, et ce qu’on apprend vaut-il ce qu’on
oublie ? »59
Au risque d’oublier les traditions ancestrales, Laye suit
les conseils de l’oncle Mamadou et va à l’école technique
avant de continuer ses études en France, se distinguant

59
C. H. Kane. L’aventure ambiguë, p. 45.

157
ainsi des autres jeunes de Kouroussa : « Tous les autres
venant de Kouroussa ont rêvé d’une carrière de gratte-
papier », lui dit son oncle, « Est-ce telle carrière que tu
ambitionnes ? Une carrière où vous serez perpétuellement
treize à la douzaine ? » (177). Cependant, pour le père, la
morale recèle autant de valeur que les études. C’est pour
cela que, avant le départ du fils pour la France, il exhorte
ce dernier à ne pas déroger aux vertus de l’honnêteté :
« Garde-toi de ne jamais tromper personne, sois droit dans
ta pensée et dans tes actes ; et Dieu demeurera avec toi »
(214).
En allant à l’école, Laye s’éloigne des croyances et des
pratiques ancestrales. Contrairement à ses parents, Laye ne
recevra pas d’héritage mystique, bien qu’il soit le fils aîné
de ses parents. Néanmoins, il admet l’efficacité de certains
usages dont les anciens détiennent les secrets. Il reconnaît
que l’école est cause de scepticisme : « Je ne sais pas si
Check avait grande confiance dans les guérisseurs, je
croirais plutôt qu’il en avait peu : nous avions maintenant
passé trop d’années à l’école, pour avoir encore en eux une
confiance excessive » (205-06). Ce thème préfigure le
départ et la séparation qui sont esquissés tout au long de
l’autobiographie.
Étant donné que les valeurs individuelles de Laye le
distinguent de celles des autres, il doit trouver son propre
chemin : va-t-il succéder à son père et être le gardien du
serpent noir, génie de leur race ? Va-t-il aller à l’école des
Blancs ou jouir des enseignements de son père et de sa
communauté ? Saura-t-il jamais travailler l’or ? Suivra-t-il
les pas de ses oncles de Tindican afin de connaître les
travaux des champs ? Va-t-il partir à Conakry ou rester à
Kouroussa ? Fréquentera-t-il l’école normale ou l’école

158
technique ? Partira-t-il en France ou restera-t-il en
Guinée ? Telles sont les questions qui reviennent comme
un leitmotiv et qui sont toujours au centre des
préoccupations de Laye. Ces questions tiennent lieu
d’introspection dont les réponses donneront un sens à son
existence.

6. LE TRAVAIL
Comme on le constate dans L’Enfant noir, le travail
d’un individu est déterminé dès le jeune âge, car c’est
souvent un mimétisme du travail des parents. Ainsi, le
choix professionnel de Laye, différent des normes
traditionnelles, annonce un monde en évolution qui
l’éloignera de la forge de son père et des champs de sa
famille maternelle. Tout d’abord, sa mère s’oppose à ce
qu’il soit présent durant la fabrication des bijoux dans la
forge de son père, et à Tindican l’oncle Lansana lui dit :
« Ce n’est pas ton travail de faucher. Je ne crois pas que ce
sera jamais ton travail » (60).
Le monde du travail dans L’Enfant noir de Camara
Laye est souvent lié à des croyances traditionnelles. Le
succès du père, par exemple, dépend non seulement de son
savoir-faire et de son talent de forgeron, mais aussi des
incantations qu’il murmure dans une atmosphère de
silence complet, invoquant la faveur, la bienveillance,
l’appui des génies du feu, de l’or et du vent, car leur aide
est indispensable à la fusion. Il s’agit d’une « opération
magique que les génies pouvaient accorder ou refuser ; et
c’est pourquoi, autour de mon père, il y avait ce silence et
cette attente anxieuse » (29). Afin de conjurer les mauvais

159
sorts pour garantir les faveurs des génies et celles d’autres
forces supérieures de la nature, le père doit parfois
s’abstenir de rapports sexuels, se frictionner le corps de
substances magiques et porter des gris-gris : « Prévenu en
rêve par son génie noir de la tâche qui l’attendait dans la
journée, mon père s’y était préparé au saut du lit et était
entré dans l’atelier en état de pureté, et le corps enduit de
surcroît des substances magiques celées dans ses
nombreuses marmites de gris-gris » (33).
Le père n’est pas le seul à dépendre de la faveur des
génies pour son travail. À Tindican, la réussite de la
moisson ne dépend pas uniquement du travail non plus :
« Peut-être dépendait-elle plus encore de la volonté des
génies du sol, qu’on ne pouvait se passer de consulter. La
réponse était-elle favorable, il ne restait plus, la veille de la
moisson, qu’à demander à ces mêmes génies un ciel serein
et leur bienveillance pour les moissonneurs » (55).
Ajouté à l’intégration des croyances, l’art joue un rôle
dans le travail du père, occasion de se détendre et de se
distraire, et même de servir de spectacle comme on le voit
dans l’atelier lors de la création d’un bijou. « Ce travail
était chaque fois comme une fête, c’était une vraie fête,
qui interrompait la monotonie des jours » (24). On pourrait
facilement imaginer, comme dans un film, l’entrée en
scène de la femme suivie de son griot, kora en main, prêt à
s’engager dans les louanges de l’ascendance du bijoutier.
« Où le griot puisait-il ce savoir ? Dans une mémoire
particulièrement exercée assurément, particulièrement
nourrie aussi par ses prédécesseurs, et qui est le fondement
de notre tradition orale » (25-6).
Tandis que le bijoutier exécute le travail, le griot l’aide
en l’encourageant, tant et si bien qu’il semble avoir un rôle

160
actif dans la création du bijou. Le bijoutier comme le griot
déploient leur talent. Laye explique : « Au vrai, le griot
participait curieusement, mais j’allais dire : directement,
effectivement au travail. Lui aussi s’enivrait du bonheur
de créer ; il clamait sa joie, il pinçait sa harpe en homme
inspiré ; il s’échauffait comme s’il eût été l’artisan même,
comme si le bijou fût né de ses propres mains » (34). Le
grand moment arrive quand le griot entame la « douga »,
ce chant de renom qui incite le père, cet homme de renom,
à danser. « À l’énoncé de la “dougaˮ, mon père se levait,
poussait un cri où, à parts égales, le triomphe et la joie se
mêlaient, et brandissait de la main droite son marteau,
insigne de sa profession, et de la gauche une corne de
mouton emplie de substances magiques, il dansait la
glorieuse danse » (35). Le père exécute cette danse
redoutable et célèbre pour clore le travail bien accompli et
en ressentir la joie. Toute cette scène de la création du
bijou rappelle que la danse et la musique sont en
communion avec la création artisanale. Le travail devient
un spectacle. La scène est narrée avec tant de vivacité
qu’elle a un caractère cinématographique. La narration
captive au point de dynamiser l’imagination et c’est
comme si on pouvait voir toutes ces images se dérouler
une à une.

7. LA MUSIQUE ET LA DANSE
Dans la culture malinké, au-delà de la représentation
d’une sublime beauté, agréable au sens, l’art joue un rôle
fonctionnel. Le son du tam-tam annonce l’ouverture d’un
évènement, que ce soit l’épreuve de Kondén Diara, la

161
circoncision ou la moisson. Au lancement de la cérémonie
de Kondén Diara, les futurs initiés sont accueillis par une
foule vibrante avant de se rendre dans un lieu sacré de la
brousse. La musique aidant, les jeunes arrivent à dominer
leur peur. La circoncision en elle-même ne dure que
quelques secondes. Toutefois, parce que l’on sait la
douleur qui les attend, la plus grande partie de la
cérémonie est précédée par la danse et la musique pour
alléger tout sentiment d’anxiété. Elles ont donc un effet
psychologique sur les futurs initiés et marquent le
caractère communautaire de cette cérémonie.
D’une part, la musique inspire et encourage les
villageois dans leur travail. Elle les unifie et les met en
communion les uns avec les autres pendant qu’ils chantent
et travaillent ensemble. La moisson, travail fastidieux,
devient un événement joyeux exécuté en communauté au
rythme du tam-tam et peut même être ludique, car les
jeunes « lançaient leurs faucilles en l’air et les rattrapaient
au vol, poussaient des cris, esquissaient des pas de danse à
la suite des joueurs de tam-tam » (57). Grâce aux chants et
à la musique, nous dit Laye, « la fatigue s’envolait, la
chaleur s’atténuait » (62). Il s’applique à nous faire
comprendre à quel point le chant aide à supporter le
manque de bien-être : « Mais la chaleur malgré tout
pesait ; et la fatigue s’insinuait : les lampes d’eau ne
suffisaient plus à l’éloigner, et c’est pourquoi nous la
combattions en chant » (62).
D’autre part, le griot joue un rôle considérable dans les
arts en tant que poète et souvent en tant que musicien qui,
en pays malinké, s’accompagne d’un instrument de
musique à vingt et une cordes appelé la kora. Formé à l’art
de la parole, le griot a pour rôle de mémoriser les

162
.

coutumes et les expériences de son peuple, de réciter et de


transmettre l’histoire de son ethnie d’une génération à
l’autre. Il est aussi un chanteur professionnel de louanges
ou de critiques. Dans son dernier ouvrage intitulé Le
Maître de la parole, Camara Laye affirme que « le griot,
un des membres importants de l’ancienne société bien
hiérarchisée, avant d’être historien, détenteur par
conséquent de la tradition historique qu’il enseigne, est,
avant tout, un artiste et, en corollaire, ses chants, ses
épopées et ses légendes, des œuvres d’art ».60
Les traditions vivantes durant l’enfance de Camara
Laye sont transmises par les griots, les griottes, les
conteurs et les conteuses. Elles existent encore aujourd’hui
et les passeurs de ces traditions orales possèdent un
immense répertoire de contes, de légendes, d’épopées, de
devinettes, de poésies, de chants destinés à instruire en
même temps qu’à distraire. Dans L’Enfant noir, le jeune
oncle qui accompagne Laye durant le trajet de Kouroussa
à Tindican l’initie à l’orature : « Mon oncle me racontait
comment le singe s’y était pris pour dindonner la panthère
qui s’apprêtait à le dévorer, ou comment le rat palmiste
avait fait languir l’hyène toute une nuit pour rien.
C’étaient des histoires cent fois entendues, mais
auxquelles je prenais toujours plaisir » (42). Cette
utilisation du bestiaire dans les contes fait penser à Jean de
la Fontaine. On ne peut nier que ce genre littéraire a
toujours eu une place particulière dans toutes les
civilisations, des plus anciennes aux plus modernes. La
Fontaine s’est imposé comme le plus célèbre des fabulistes
de son temps. Quant à lui, Camara Laye évoque avec

60
Camara Laye, Le Maître de la parole, p. 21.

163
plaisir les contes de son enfance. Ces contes font partie de
l’orature qui a certainement influencé sa plume.
L’orature est aussi manifestée dans les chants
qu’apprennent les futurs circoncis. Ils consacrent de
nombreuses heures à les mémoriser, car la connaissance
de ces chants prouve qu’ils vont bien passer par le rituel
de la circoncision.
Nos aînés, à présent, entreprennent notre initiation ; tout le reste
de la nuit, ils vont nous enseigner les chants des incirconcis ; et
nous ne bougeons plus ; nous reprenons les paroles après eux,
l’air après eux ; nous sommes là comme si nous étions à
l’école, attentifs, pleinement attentifs et dociles. (113-14)61
L’orature regorge de chants moqueurs pour ceux qui
ont manqué de courage et qui ne se sont pas rendus à la
nuit de Kondén Diara : « Quand nous passions devant une
concession où l’un ou l’autre avait manqué de courage
pour se joindre à nous, un chant de moquerie s’élevait de
nos rangs » (117). Comme le dit si bien Nelson Mandela,
« … le courage n’est pas l’absence de peur, mais la
capacité de la vaincre ».
Pour exprimer le chant du coba, Laye ne peut
s’empêcher de recourir au malinké puisque c’est dans la
langue du terroir que l’initiation est faite. À la manière du
griot, le père de Kouyaté lance impérieusement et très haut
le chant du coba : Coba ! Aye coba, lama ! (136) qui
signifie : « Grandes choses, faites de très grandes choses »,
ou encore : « Grand évènement, créez de très grands
évènements. » Dans le langage figuré des Malinkés, le
chant incite les jeunes gens à soulever une montagne. Ce
chant d’encouragement exhorte au dépassement de soi tout

61
L’enfant noir, Camara Laye © Plon, 1953.

164
en étant un cri d’optimisme annonçant le comportement
digne que ces jeunes gens auront dans un futur proche
l’épreuve de la circoncision, et plus tard dans leur vie
d’homme. Coba ! Aye coba, lama ! est répété sept fois au
cours de trois pages de narration. Ainsi, cette multiplicité
de répétitions dans un intervalle narratif très court marque
l’intensité de l’action. La répétition, mode central de
l’orature, donne au texte un caractère théâtral et crée une
atmosphère de prégnante solennité.

8. LES FORMES DE COMMUNICATION


La communication est au cœur de toute société et sert
de lien entre les êtres. Art de transmettre une information à
une autre personne, elle s’exprime dans L’Enfant noir sous
différentes formes. On la distingue à différents niveaux,
comme à travers les dialogues entre les personnages.
Néanmoins, on y trouve une autre forme plus complexe,
liée inextricablement à la culture, comme celle du tam-tam
qui, sans aucune parole, informe d’un évènement, tel le
début de l’initiation ou le commencement de la moisson :
« Le jour venu, à la pointe de l’aube, chaque chef de
famille partait couper la première javelle dans son champ.
Sitôt ces prémices recueillies, le tam-tam donnait le signal
de la moisson » (55-56). Les incantations magiques sont
aussi une forme de communication que le père de Laye
utilise pour s’entretenir avec son totem et autres génies
ancestraux. On remarque également que le serpent noir
transmet des messages au père par son frémissement et à
travers le rêve. Les génies communiquent aussi avec la
mère par l’intermédiaire des rêves. De plus, elle arrive à

165
parler aux animaux et même à se faire entendre d’un
cheval têtu.
Selon Le Petit Larousse, la communication est la
« transmission de l’information au sein d’un groupe,
considérée dans ses rapports avec la structure de ce
groupe ». Par conséquent, elle occupe une place majeure
dans toute société. Connu pour sa fonction de
communicateur, acteur de poids dans la culture, le griot
constitue un intermédiaire entre le passé et le présent. Ce
rôle de communicateur incombe au griot, à la fois
historien, conseiller, chanteur d’éloges et commentateur
social. Le griot, par excellence, préserve le patrimoine
culturel grâce à l’art de la parole. Pour donner plus de
poids et de beauté à ses paroles, il chante et joue de la
kora, instrument de musique cher aux Malinkés. On
constate, dans le deuxième chapitre, qu’une femme arrive
avec un griot pour inspirer l’artisan et Laye décrit ses
propres émotions en entendant l’histoire de sa famille et
les éloges de ses ancêtres paternels : « C’était comme un
grand arbre généalogique qui se dressait, qui poussait ses
branches ici et là, qui s’étalait avec ses cent rameaux et
ramilles devant mon esprit » (25).
Dans L’Enfant noir, les descriptions l’emportent
souvent sur les dialogues. Cette démarche pourrait
signifier deux choses : d’une part, culturellement, elle
suggère le manque de conversation directe entre les
personnes. Elle peut aussi indiquer les habitudes
socioculturelles où l’on observe plus que l’on ne parle et
où il est souvent malséant d’exprimer tapageusement ses
sentiments.
Par ailleurs, la décision d’écrire ce livre, témoignage
d’une vie, d’une culture et d’une époque, est un moyen de

166
communication qui nous permet de découvrir un univers
souvent inconnu. Laye décrit parfaitement l’atmosphère de
son enfance, avec une telle intensité que l’on se trouve
captivé par le récit, et c’est comme si on était là, présents,
aux côtés de l’auteur. Ainsi peut-on conclure que Laye sert
de communicateur talentueux entre sa culture malinké et
d’autres cultures. On pourrait par conséquent ajouter que
Camara Laye est un griot moderne. Nul ne peut nier que
L’Enfant noir est un moyen de préserver les traditions.
L’auteur transmet son histoire à travers l’écriture bien
qu’il puise dans l’orature. L’influence des traditions orales
est largement apparente. Camara Laye n’a ni chant, ni
kora, mais il fait danser les mots de telle manière qu’il
retient l’attention du lectorat.
Grâce à ses talents d’écrivain, Camara Laye nous
transporte dans la première moitié du XXe siècle par
l’imaginaire, afin de communiquer des expériences et des
idées qui lui tiennent à cœur. Ironiquement, à cette
époque-là, les moyens de télécommunication en Guinée ne
sont pas assez développés pour permettre à Laye de
communiquer facilement avec sa famille de Kouroussa
quand il est à Conakry et encore moins quand il est en
France. Toujours est-il que par la beauté de sa plume,
Laye a su communiquer son enfance et son adolescence en
Guinée, avec la ferme volonté de transmettre sa culture à
la mémoire, afin de ne pas la laisser disparaître.

9. LE VOYAGE
Les voyages sont une source de nouvelles expériences,
car, comme le dit un proverbe berbère, « qui voyage ajoute

167
à sa vie ! » Émile Zola exprime le même précepte en
affirmant que « rien ne développe l’intelligence comme les
voyages ». Thème essentiel dans L’Enfant noir, le voyage
est étroitement associé au destin qui pousse Laye à
s’éloigner de la concession familiale pour des déplace-
ments physiques, mentaux et affectifs. Chaque voyage le
rapproche de sa destination finale qui changera à jamais sa
vie. Pourtant, c’est sur le chemin de Tindican, où il aime
se rendre pendant les vacances scolaires, que Laye
découvre les merveilles du voyage. À part le plaisir d’être
physiquement déplacé de son milieu habituel, il effectue
un voyage mental qui le fait rêver à des horizons illimités.
Bô, le frère jumeau de l’oncle Lansana, qui a « le goût
de l’aventure dans le sang », influence Laye en ce sens.
Cet homme séduisant et généreux lui fait comprendre qu’il
y a tout un monde à découvrir et à conquérir : « Il
racontait ses aventures, qui étaient étranges, qui dépay-
saient, qui m’ouvraient des horizons surprenants » (46).
C’est pour cette raison que Laye songe à se comparer à
son oncle, que l’on considère comme un oiseau pourvu
d’une immense liberté, se déplaçant comme bon lui
semble d’un endroit à un autre. Tout en travaillant aux
côtés de Lansana, son autre oncle, Laye pense à son avenir
et à l’oncle Bô, pour qui le ciel n’a pas de limites. Cette
pensée le séduit et il se demande : « Et moi, serai-je aussi,
un jour, comme l’oiseau » ? (62). Ainsi, cette réflexion de
Laye évoque ce que Gérard Genette appelle une amorce,
c’est-à-dire un détail dont la valeur sera reconnue plus tard
dans la narration. C’est une forme d’indice de ce qui se
passera plus tard, car Laye deviendra, lui aussi, à son tour,
un oiseau. Il franchira maintes contrées avant d’être
transporté par un oiseau de fer en France. En attendant de

168
découvrir le monde du voyage qui le conduira vers
d’autres cieux, Laye prend chaque jour le chemin de
l’école, qui sert de tremplin pour des voyages qui
l’éloignent encore plus de son village. Après les tristes
adieux à Kouroussa, il admire la beauté de la nature de
Mamou à Kindia et découvre la mer à Conakry. Cette mer,
qu’il aime contempler en compagnie de Marie, est une
« plaine liquide » qui lui rappelle la grande plaine de
Haute Guinée, dont il est issu. Marie comprend bien le
concept du voyage mental et elle confie ceci à Laye : « Si
tu regardes les îlots longtemps, si tu peux en regarder un
sans ciller, le regarder assez longtemps pour le voir
trembler, c’est comme si tu avais abordé : tu es dans
l’îlot ! » (191-192).
À travers des descriptions, le contraste entre le milieu
urbain et le milieu rural est frappant dans L’Enfant noir,
que ce soit dans les mœurs ou dans l’environnement.
L’action se déroule à Kouroussa, Tindican et Conakry. Si
les gens de Kouroussa et de Tindican vivent dans des
cases, l’oncle Mamadou de Conakry vit dans une maison
spacieuse et moderne, dont l’architecture et le décor sont
influencés par l’époque coloniale. Les expériences de
Laye dans des milieux urbains et ruraux l’exposent déjà à
la diversité, atout qui sera sans doute à son avantage quand
il se rendra en France. Il découvre le monde des paysans à
Tindican, le monde merveilleux des forgerons à
Kouroussa et un monde relativement moderne à Conakry.
Pour la mère de Laye, Conakry, situé à 600 km de
Kouroussa, est une terra incognita ou terre inconnue,
inexplorée où on ne mange pas à sa faim. C’est la raison
pour laquelle elle approvisionne son fils avec toutes sortes
de nourritures. En revanche, un des griots venu au festin

169
d’adieu pense que Conakry est synonyme de terre
promise, de terre de réussite. « À Conakry, tu t’associeras
parmi les plus illustres » (62), annonce-t-il à Laye.
Qu’il soit associé aux grands de Conakry ou non, il faut
retenir les paroles de Marcel Proust qui disait que « le
véritable voyage de découverte ne consiste pas à chercher
de nouveaux paysages, mais à avoir de nouveaux yeux ».
Certes, le voyage à Conakry fait découvrir à Laye les
paysages des différentes régions et la diversité physique et
linguistique de son pays, mais il avait déjà de nouveaux
yeux, ouverts par son oncle Bô à Tindican, et tout laisse à
présager qu’il continuera d’avoir de nouveaux yeux pour
profiter au maximum de tous les voyages qui s’offriront à
lui.
Malgré l’appréhension du départ, de la séparation, d’un
début de rupture d’avec les traditions ancestrales, Laye
s’embarque pour le grand voyage en France qui
commence avec la carte du métro. Le directeur la déplie
devant lui et Laye identifie la gare des Invalides, la gare
Saint-Lazare et la manière d’arriver jusqu’à Argenteuil.
C’est l’amorce d’un nouveau voyage culturel pour Laye,
tandis que, pour nous lectrices et lecteurs, c’est
l’aboutissement du voyage culturel en terre guinéenne
dans laquelle Laye nous a admirablement embarqués et
maintenus, en nous tenant en haleine tout au long du récit.

170
VIII. LES EXERCICES SUPPLÉMENTAIRES

A. QUESTIONS POUR LA DISCUSSION DE L’ŒUVRE


1. À travers le récit de L’Enfant noir, le narrateur fait
des réflexions ou donne des explications qui
reflètent parfois ses pensées en tant qu’enfant ou en
tant qu’adulte se repenchant sur le passé. Trouvez
deux exemples précis de ces réflexions ou
explications et analysez-les.
2. Analysez les expériences qui contribuent au déve-
loppement psychologique de Laye.
3. Laye explique qu’il est officiellement un homme
puisqu’il est initié. Mais il ajoute qu’il ne se
considère pas encore comme un homme. Justifiez
sa pensée.
4. À votre avis, que faut-il pour être un homme ?
5. Quelle est votre interprétation de cette phrase d’un
critique littéraire : « En nous dévoilant son enfance,
c’est l’absence que décrit Laye. » Justifiez votre
réponse à l’aide d’exemples précis tirés du roman.
6. Après avoir visionné le film de Laurent Chevallier,
discutez des techniques de l’adaptation du livre à
l’écran. À votre avis, est-ce que Chevallier a pu
transmettre les points essentiels du livre ?
7. Les rites de passage marquent généralement une
expérience inoubliable. Comment ces rites contri-
buent-ils à former le caractère de Laye ? Comparez
ces expériences à des rites de passage dans votre
société.
8. Comment l’oncle Mamadou a-t-il influencé
l’avenir de Laye ? Y a-t-il quelqu’un qui vous a
influencé dans un choix ou des choix de votre vie ?
Expliquez comment.
9. Êtes-vous d’accord ou non avec le proverbe
africain qui proclame que « C’est tout un village
qui élève l’enfant » ? Justifiez votre réponse.
10. Laye se trouve devant un dilemme qu’il doit
résoudre en faisant un choix. Examinez un choix
que vous avez dû faire dans votre vie et les
conséquences de ce choix.
11. Comment l’épreuve de la circoncision change-t-
elle la vie du narrateur ? Illustrez vos commen-
taires avec des exemples précis tirés du texte. À
votre tour, examinez une expérience que vous avez
faite et qui a changé votre vie.
12. Camara Laye est fier de sa culture. Analysez
quelques valeurs de cette culture et la manière dont
elles lui ont été transmises.
13. Êtes-vous fier de votre culture ? Expliquez pour
quelles raisons.
14. Le manque de technologie durant la première
moitié du XXe siècle affecte la vie des gens.
Expliquez dans quelle mesure cela s’applique à
L’enfant noir.
15. Quels sont les avantages et les inconvénients de la
vie urbaine et de la vie rurale ?

172
16. Quel est le rôle de l’art dans la vie quotidienne des
personnages dans L’enfant noir ? L’art a-t-il un
impact dans votre vie de tous les jours ? Expliquez.
17. Examinez la place de l’amitié dans la vie de Laye
et dans la vôtre.
18. Comparez les effets de l’école dans la vie de Laye
et dans la vôtre.
19. La famille et la communauté sont des thèmes
récurrents tout au long de L’enfant noir. Expliquez
leur rôle dans la société de Camara Laye.
Comment ces institutions ressemblent-elles ou
diffèrent-elles des vôtres ?
20. Expliquez la réaction de la mère de Laye à
l’annonce du départ imminent de son fils pour
poursuivre des études en France. Pensez-vous que
votre mère aurait réagi de la même façon si vous
étiez dans la même situation ? Pourquoi ou
pourquoi pas ?
21. Trouvez des exemples du merveilleux à travers
L’enfant noir.
22. Examinez la distinction entre merveilleux et le
merveilleux.
23. Expliquez comment le contenu de L’enfant noir
prouve que le monde change.

173
B. RÉPONSE AUX MESSAGES ÉLECTRONIQUES
Lisez attentivement le message. Écrivez une réponse
appropriée et répondez à toutes les questions et les
requêtes. Demandez des détails. N’oubliez pas qu’il faut
commencer avec une salutation et terminer avec une
formule de politesse.

1. L’oncle Mamadou reçoit un message électronique du


directeur de l’école de Conakry pour annoncer la maladie
de Laye et y répond.

Destinataire M. Camara
Expéditeur Lamine Silla
Objet Maladie
Cher M. Camara,
Nous regrettons de vous annoncer que votre
neveu, Camara Laye, ne se porte pas bien. Ses
pieds sont enflés et il semble qu’il ait un ulcère. Je
vous prie de me signaler si je dois appeler un
médecin ou si vous souhaitez venir le chercher.
J’attends votre réponse et vous prie d’accepter,
cher monsieur, mes sincères salutations.
Lamine Silla
Directeur de l’école George-Poiret

174
Lisez attentivement le message. Écrivez une réponse
appropriée et répondez à toutes les questions et les
requêtes. Demandez des détails. N’oubliez pas qu’il faut
commencer avec une salutation et terminer avec une
formule de politesse.

2. Laye reçoit une lettre d’acceptation du doyen de


l’université d’Argenteuil et il écrit une réponse.

Destinataire Camara Laye


Expéditeur Alain Bonchamps
Objet Admission à l’université d’Argenteuil
Cher étudiant potentiel,
Félicitations. Nous sommes heureux de vous offrir
une place comme boursier à l’université
d’Argenteuil l’année prochaine. Le directeur de
votre lycée à Conakry a été très élogieux à votre
propos et ce sera un plaisir de vous accueillir.
Aimeriez-vous habiter en résidence universitaire
ou ailleurs ? Nous disposons de plusieurs options
et souhaitons connaître vos préférences.
Veuillez confirmer votre acceptation et votre choix
de résidence au bout de deux mois au plus tard, car
nous avons de nombreux étudiants sur notre liste
d’attente.
Nous vous prions d’accepter l’expression de nos
sincères salutations.
Alain Bonchamps, doyen

175
Lisez attentivement le message. Écrivez une réponse
appropriée et répondez à toutes les questions et les
requêtes. Demandez des détails. N’oubliez pas qu’il faut
commencer avec une salutation et terminer avec une
formule de politesse.

3. Laye écrit à M. Dupont, un ami français de son oncle


Mamadou, pour demander conseil. Écrivez une réponse à
la lettre.

Destinataire M. Dupont
Expéditeur Camara Laye
Objet Adaptation à la vie française
Cher M. Dupont,
Mon oncle, Mamadou Camara, m’avait dit de vous
écrire si j’avais des difficultés en France. Je pense
qu’il vous avait envoyé une lettre avant mon
arrivée à Argenteuil. Je me sens dépaysé ici et j’ai
du mal à m’adapter à la vie française. Je vous écris
pour vous demander conseil. D’après vous,
comment pourrais-je mieux m’adapter sur le plan
académique et sur le plan social ?
Dans l’attente de votre réponse, je vous prie
d’agréer, cher Monsieur, l’expression de mes
sentiments les plus sincères.
Camara Laye

176
Lisez attentivement le message. Écrivez une réponse
appropriée et répondez à toutes les questions et les
requêtes. Demandez des détails. N’oubliez pas qu’il faut
commencer avec une salutation et terminer avec une
formule de politesse.

4. Laye reçoit ce message électronique de Mme Tabouret


chez qui il va habiter en France. Écrivez une réponse à ce
message.

Destinataire Camara Laye


Expéditrice Marie Tabouret
Objet Pension
Cher M. Camara,
C’est avec un grand plaisir que nous avons reçu
une lettre de l’université d’Argenteuil nous
informant que vous souhaitez vivre dans notre
famille. Nous serons heureux de vous accueillir.
Voici un petit portrait de notre famille. Nous avons
trois enfants : Cloé a 6 ans et va à l’école. Pierre et
Paul sont des jumeaux et ont 3 ans. Ils passent la
journée à la maison avec moi. Est-ce que vous
aimez les enfants ? M. Tabouret, mon époux, part
très tôt le matin et revient assez tard le soir. Nous
voudrions que vous sachiez que nous avons trois
chats et nous espérons que vous n’êtes pas
allergique aux chats.
Nous espérons avoir de vos nouvelles sous peu.
Nous serons heureux d’en savoir un peu plus sur
vous et sur votre famille.
Veuillez croire en l’expression de nos meilleurs
sentiments.
Marie Tabouret

177
Lisez attentivement le message. Écrivez une réponse
appropriée et répondez à toutes les questions et les
requêtes. Demandez des détails. N’oubliez pas qu’il faut
commencer avec une salutation et terminer avec une
formule de politesse.

5. Laye écrit au directeur de son programme d’Argenteuil


pour exprimer son désir de retourner en Guinée parce que
son père est malade. Vous êtes le directeur. Écrivez une
réponse à la lettre de Laye.

Destinataire M. Bonchamps
Expéditeur Camara Laye
Objet Permission
Cher M. Bonchamps,
Je vous écris pour vous informer de la triste
nouvelle que je viens de recevoir de la Guinée.
Mon père est gravement malade du poumon et il
souhaite me revoir. Je voudrais que vous
m’accordiez la permission de me rendre dans mon
pays. Je vais devoir m’absenter pendant quelques
semaines. À votre avis, est-ce que je dois
demander à mes professeurs de me soumettre une
liste de travail ou est-ce mieux d’essayer de me
rattraper à mon retour en France ?
De plus, je ne suis pas sûr de pouvoir revenir avant
les examens de fin d’année. Que me conseillez-
vous si tel est le cas ?
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Directeur, mes
sentiments les plus respectueux.
Camara Laye

178
Lisez attentivement le message. Écrivez une réponse
appropriée et répondez à toutes les questions et les
requêtes. Demandez des détails. N’oubliez pas qu’il faut
commencer avec une salutation et terminer avec une
formule de politesse.

6. Laye écrit à une compagnie de technologie de


transformation pour s’enquérir du travail de l’or dans les
ateliers modernes.

Destinataire M. Garnier
Expéditeur Camara Laye
Objet Renseignements
Cher M. Garnier,
Je vous prie de bien vouloir me fournir des
renseignements sur la modernisation des ateliers où
l’on travaille l’or. Mon père a un atelier en Guinée
et il ruine sa santé avec des méthodes qui donnent
d’excellents résultats, mais qui sont anciennes et
demandent beaucoup trop de temps. Je souhaiterais
aider mon père à moderniser son atelier afin de
fournir un travail plus rapide et moins épuisant.
Dans l’attente de votre réponse, je vous prie
d’agréer, cher Monsieur Garnier, l’expression de ma
sincère gratitude.
Camara Laye

179
C. LETTRES À RÉDIGER
1. Laye retourne à Kouroussa pour les grandes
vacances. Sa mère écrit aux deux tantes à Conakry
pour se plaindre du fait que Laye n’est jamais à la
maison et reçoit des jeunes filles dans sa case.
Écrivez la réponse des deux tantes dans laquelle
elles donnent des conseils à la mère.
2. Imaginez que vous êtes Laye et que vous écrivez à
vos parents une lettre dans laquelle vous décrivez
vos premières impressions de Paris et des Parisiens.
3. Vous êtes Laye et vous écrivez à votre ami Kouyaté
pour décrire le milieu universitaire à Argenteuil.
4. Vous êtes Laye et vous êtes maintenant à Paris.
Comparez votre nouvelle vie à celle de Conakry
dans une lettre adressée à un correspondant belge.
5. Marie et Laye se séparent à Dakar. Deux semaines
plus tard, Laye écrit une lettre à Marie dans laquelle
il évoque les souvenirs du passé et raconte sa
nouvelle vie.
6. À son arrivée à Paris, Laye écrit une lettre à Marie
pour lui parler de projets d’avenir les concernant
tous les deux.
7. Laye écrit une lettre à Fanta, son amie d’enfance,
pour la remercier de sa gentillesse envers lui.

180
D. CONSEILS POUR LA RÉDACTION D’UN ESSAI
La fonction principale d’un essai littéraire est d’évaluer
un ou plusieurs aspects d’une œuvre et de mieux
comprendre cette œuvre dans sa totalité. La rédaction d’un
essai permet aussi d’améliorer la compréhension d’un
sujet et exige un système d’organisation. Il existe plusieurs
méthodes pour la rédaction d’un essai, mais nous vous
proposons le modèle qui suit.

Pour commencer
1. Bien lire et bien examiner le sujet de l’essai.
2. Souligner les mots-clés du sujet.
3. Écrire les idées qui viennent à l’esprit.
4. Faire un plan qui comprend :
– le sujet proposé ;
– l’introduction ;
– le corps du sujet ou développement de l’essai ;
– la conclusion.

Ce plan vous permettra de structurer vos idées et de


noter ce que vous allez mettre dans chaque partie.

L’introduction doit
1. Inclure une thèse pour indiquer de quoi l’essai
traitera.
2. Répondre aux questions qui ? où ? quand ?
pourquoi ? pour guider la lectrice et le lecteur.
3. Inclure et définir la thèse qui soutiendra votre
position.
4. Mettre en évidence l’idée dominante que vous allez
développer dans l’essai.

181
Le corps du sujet ou le développement doit
1. Contenir plusieurs paragraphes qui représentent une
explication ou une discussion de chaque point et des
sous-points de la thèse proposée.
2. Équilibrer les paragraphes et les harmoniser tout en
incluant des mots ou des phrases de transition.
3. Considérer comment l’auteur fait ressortir ses idées et
illustrez-les à l’aide d’exemples précis tirés de l’œuvre.

La conclusion doit
1. Résumer le point de vue sans répéter exactement ce
que vous avez écrit dans le corps du sujet.
2. Rattacher le sujet à une question plus vaste d’ordre
littéraire, artistique, moral ou autre.
3. Se terminer par trois ou quatre phrases captivantes.

La relecture doit
1. Servir à corriger les fautes d’orthographe et de
grammaire.
2. Répondre aux questions suivantes :
– L’idée principale ou la thèse de l’essai est-elle
bien articulée ?
– Y a-t-il des parties hors sujet à supprimer ou à
corriger ?
– Est-ce que l’ensemble de l’essai est cohérent et
peut retenir l’attention ?
– Y a-t-il des passages où l’organisation doit-être
révisée ou changée ?
– Y a-t-il des passages où les idées doivent être
clarifiées ?

182
– Les phrases coulent-elles en douceur de l’une à
l’autre avec des mots de transition ?

Dernier conseil pour bien écrire


La meilleure façon de bien écrire c’est de lire le plus
possible en dehors des cours et ceci, le plus souvent
possible. C’est ainsi que vous pourrez développer votre
imagination, acquérir du vocabulaire vous permettant
d’écrire des phrases originales, de vous familiariser avec la
structure de la langue et de composer des phrases
grammaticalement correctes.

Quelques expressions à considérer dans l’intro-


duction
– Un problème dont il est souvent question est celui
de…
– Nombreux sont ceux qui s’accordent pour dire que /
pour penser que…
– Nul ne peut nier le fait que…

Quelques expressions pour commencer un dévelop-


pement
– Il faut tout d’abord reconnaître / admettre que…
– Il serait utile d’examiner…
– La première constatation qui s’impose est que…
– Prenons comme point de départ le…
– Il serait intéressant de voir aussi si…
– D’une part…
– D’autre part…
– Mais en fait, il serait plus juste de dire que…

183
Pour organiser ou souligner un argument
– À ce propos,
– À cet égard,
– À vrai dire,
– Bref,
– D’ailleurs,
– De plus,
– De toute façon,
– De toute manière,
– En ce qui a trait à…
– En ce qui concerne…
– En effet,
– Ensuite,
– Finalement,
– Il est clair que…
– Il est évident que…
– Il faut aussi voir…
– Par ailleurs,
– Pour ce qui est de / de la / des…
– Quant à…

Pour conclure un essai


– Autrement dit,
– De toute façon,
– En guise de conclusion, on peut affirmer que…
– Il convient de dire en dernière analyse que…
– Il semble donc que…
– Pour ces raisons / donc / on peut voir que…

184
Autres mots utiles exprimant
Le contraste : cependant par contre quoique
pourtant mais bien que
En complément : de plus en outre aussi
Le résultat : aussi donc ainsi
alors par conséquent
L’explication : parce que car puisque
Le temps : quand lorsque dès (que)
aussitôt (que) tant que après (que)
pendant (que) autrefois avant que
Après une action : ensuite après (que) enfin

E. SUJETS POUR LES ESSAIS


1. La nostalgie est un trait dominant de L’enfant noir.
Montrez comment elle se manifeste dans le fond et
dans la forme tout au long de l’ouvrage.
2. Par quel moyen le narrateur parvient-il à présenter
le merveilleux dans le monde qui l’entoure ?
Utilisez des exemples précis.
3. Souvent, dans la littérature, les personnages
principaux se trouvent devant un dilemme et
doivent arriver à un choix. Dans un essai bien
organisé, examinez le dilemme de Laye, le choix
qu’il fait et l’importance de ce choix.
4. L’éducation est cruciale pour le développement
personnel et professionnel d’un individu, mais elle
peut aussi être une source de conflits. Dans la
perspective de ces deux possibilités, traitez le
thème de l’éducation dans L’enfant noir.
5. Comparez la vie de Laye à Kouroussa et à
Conakry.

185
6. Quelles sont les personnes qui ont influencé Laye à
Tindican et comment ?
7. La vie à Kouroussa et à Tindican présente une
société bien organisée où chacun a sa place.
Commentez et illustrez ce fait à partir de deux
personnages de votre choix.
8. Expliquez pourquoi et comment la vie de Laye est
au carrefour de la tradition et de la modernité.
9. Selon Le Petit Robert, « La mère est une femme
qui donne des soins maternels et qui fournit de
l’assistance. Elle est la première source, la cause et
l’origine. » À l’aide d’exemples précis, analysez le
rôle de la mère de Laye dans L’enfant noir et
montrez si son rôle correspond à cette définition ou
non.
10. « Chez nous, la coutume ressortit à une foncière
indépendance, à une fierté innée ; on ne brime que
celui qui veut bien se laisser brimer, et les femmes
se laissent très peu brimer » (73). À partir
d’exemples précis, montrez comment cette citation
illustre ou non le caractère de la mère de Laye.
11. Comment l’épreuve de la circoncision change-t-
elle la vie du narrateur ? Illustrez vos
commentaires avec des exemples précis tirés du
texte.
12. Un thème fréquent dans la littérature est celui de
l’amitié. Examinez le rôle de l’amitié dans L’enfant
noir.
13. Un proverbe français affirme que : « Partir, c’est
mourir un peu. » Analysez le thème du départ et de
la séparation en vous basant sur ce proverbe.

186
14. Le thème de l’ambivalence est souvent présent
dans les textes littéraires. Choisissez deux person-
nages ou deux situations qui illustrent cette
ambivalence dans L’enfant noir et analysez-les.
15. Laye se demande : « Est-ce que la vie était ainsi
faite, qu’on ne pût rien entreprendre sans payer
tribut aux larmes ? » (209). Analysez l’expérience
douloureuse de Laye par rapport à cette citation.
16. L’aliénation est un thème fréquent dans la
littérature. Examinez comment ce thème se
manifeste dans L’enfant noir.
17. Examinez le symbole du serpent dans différentes
cultures du monde : dans la Bible, chez les
Égyptiens, les Fons de Dahomey, les vodouisants
d’Haïti et de la Louisiane aux États Unis.

F. CONSEILS POUR LA PRÉSENTATION ORALE


La présentation orale permet de livrer une thèse avec
conviction devant un public. Pour réussir ce travail, il faut
avoir une idée claire de ce que vous voulez dire. La
préparation des points que vous allez soulever et la
méthode que vous allez utiliser garantiront l’attention des
auditeurs et le succès de votre exposé. Il faut surtout éviter
de rédiger ou de mémoriser votre présentation. Parlez de
façon naturelle. Rappelez-vous qu’on ne retient pas plus
de trois éléments dans un exposé. Il vous faut préciser les
idées-clés et vous concentrer sur ces idées.
Vous aurez 10 à 15 minutes pour la présentation
orale.

187
La présentation orale doit
1. Susciter l’intérêt de l’auditoire à travers
a. l’organisation des idées ;
b. l’absence de contradiction ;
c. la cohérence.
2. Expliquer, informer et convaincre.
3. Organiser la présentation qui comprendra :
a. un titre intéressant et percutant qui accroche
l’auditoire ;
b. une introduction dans laquelle se trouve la thèse
expliquant ce qu’on a l’intention de dire ;
c. un développement du sujet à l’aide d’une
illustration de chaque point cité ;
d. une conclusion, qui pourrait être une répétition de
l’idée principale formulée de façon différente.
4. Montrer qu’une présentation orale n’est pas une
improvisation. Pour cela il faudra :
a. préparer le plan en soulignant les grandes lignes ;
b. utiliser un langage correct, dépourvu de jargon et
de détails inutiles.
5. Avant la présentation il faudra :
a. rester calme pour éviter le trac ou le stress ;
b. contrôler votre langage corporel.
6. Lors de la présentation il faudra :
a. garder le contact visuel ;
b. Utiliser des supports visuels si possible ;
c. parler
– de façon intelligible en soignant votre diction ;
– lentement et calmement ;
– en montrant de l’enthousiasme pour le sujet ;
d. respecter le temps accordé ;
e. s’entraîner, si possible ;

188
f. se rappeler que plusieurs des conseils recom-
mandés pour le travail écrit s’appliquent
également à l’oral.

Derniers conseils pour bien parler


La meilleure façon de bien parler c’est d’écouter
attentivement des discours prononcés par de grands
orateurs qui ne sont pas forcément contemporains et ceci
le plus souvent possible. C’est ainsi que vous pourrez
développer votre diction, acquérir du vocabulaire, vous
exprimer avec des phrases originales et vous familiariser
avec la structure de la langue orale.

G. SUJETS POUR LES PRÉSENTATIONS ORALES


1. Préparez une présentation dans laquelle vous
comparez l’expérience familiale de Laye avec la
vôtre.
2. Expliquez le rôle du serpent noir dans la vie du
père ?
3. À l’aide d’exemples précis, analysez le rôle de la
mère de Laye et comparez-le au rôle de votre mère.
4. Examinez le rôle de l’amitié dans la vie de Laye et
dans la vôtre.
5. Un proverbe africain dit que : « C’est tout un
village qui élève un enfant. » Dans quelle mesure
cela est-il vrai dans L’enfant noir et dans votre
communauté ?
6. Laye se trouve devant un dilemme qu’il doit
résoudre. Examinez ce dilemme, le choix qu’il fait
et l’ampleur de ce choix. Comparez-le à un choix

189
que vous avez fait et discutez quelles en ont été les
conséquences.
7. Les pratiques traditionnelles sont fondamentales
pour Laye même s’il lui arrive de les remettre en
question. Partagez-vous son attitude vis-à-vis de
votre propre culture ? Justifiez votre réponse.
8. Analysez deux valeurs de la culture de Laye et la
manière dont elles lui ont été transmises. Trouvez
deux valeurs de votre culture et expliquez
comment elles vous ont été transmises.
9. Examinez le symbole du totem dans L’enfant noir
et comparez-le à une représentation similaire dans
une autre culture.
10. Analysez le thème du départ et de la séparation
dans L’enfant noir. Comparez ce thème à une
expérience que vous avez vécue, un livre que vous
avez lu ou un film que vous avez vu.
11. Examinez et comparez la valeur de l’éducation
dans la vie de Laye et dans la vôtre.
12. Comparez l’expérience scolaire de Laye à
Kouroussa avec la vôtre.
13. Examinez le thème du voyage dans L’enfant noir et
comparez ce thème avec un voyage que vous avez
déjà entrepris ou que vous souhaitez effectuer.
14. Comment le séjour à Conakry a-t-il changé la vie
de Laye ? Racontez un évènement qui a changé
votre vie.
15. La vie de Laye se trouve à l’intersection de la
tradition et de la modernité. Comment la tradition
et la modernité se rencontrent-elles dans votre vie ?
16. Quel est rôle ce de l’art dans L’enfant noir. Quelle
est son importance dans votre vie ?

190
17. Par quel moyen Laye parvient-il à présenter le
monde surnaturel qui l’entoure ? Est-ce que ce
monde correspond au vôtre ? Choisissez des
exemples précis.
18. Laye revient de Paris après ses études. Présentez
les arguments qu’il donne à son père pour le
convaincre de moderniser son atelier.

H. PROJET LITTÉRAIRE APPLIQUÉ


Vous avez lu L’enfant noir de Camara Laye. Vous
écrirez votre propre autobiographie en suivant le modèle
de Laye avec des suites chronologiques liées les unes aux
autres et qui mènent à un dénouement. Écrivez une
autobiographie captivante et engageante. Dans votre
autobiographie, vous devez inclure des thèmes auxquels
Camara Laye fait allusion tels l’enfance, l’innocence, les
joies, les peines, l’amitié, l’éducation.
Dans votre narration, pensez à inclure la description des
lieux, des personnages (portrait physique et moral) et des
émotions. Le début de votre autobiographie doit indiquer
un moment déclencheur, c’est-à-dire une action ou une
situation qui a changé ou marqué votre vie. En
développant votre récit, narrez l’impact de cette action, ses
conséquences et les scènes qui conduisent au dénouement
de l’histoire. Tout le monde a une histoire à raconter.
L’histoire constitue le fond, et la forme, c’est-à-dire la
manière dont on raconte un récit avec des figures de style,
un vocabulaire approprié et varié, et une syntaxe correcte
rendra votre travail esthétiquement plaisant. On ne peut
pas dissocier le fond de la forme. A vrai dire, le fond doit

191
être captivant et riche en descriptions, certes, mais la
forme fait la différence. C’est elle qui détient le secret de
la réussite d’un texte.
Il s’agit d’un travail créatif et littéraire. Donc, faites
attention au langage et au choix des mots. Évitez d’écrire
comme vous parlez, sauf dans les dialogues.
1. Donnez un titre à votre autobiographie.
2. Commencez votre autobiographie par un évènement
qui vous a marqué en tant qu’enfant.
3. Parlez d’un membre ou de membres de votre famille
qui vous a/ont influencé et dites pourquoi.
4. Votre récit doit être étoffé d’exemples, d’anecdotes,
d’événements ayant marqué votre vie et qui reflètent
des thèmes précités.
5. Pour ce qui est de la forme, votre récit devrait
alterner les parties descriptives et les dialogues. Il
devrait aussi contenir des procédés littéraires
distincts. Veuillez consulter la liste des figures de
style.

I. LES FIGURES DE STYLE


Nous avons préparé une liste pour vous aider à adopter
un style littéraire élégant afin de rendre votre
autobiographie agréable à lire et retenir l’attention de la
lectrice et du lecteur. Vous y trouverez des exemples pour
une meilleure compréhension et une meilleure utilisation
de ces figures de style.
[Notez que dans les mots/ les sections qui suivent n.f. =
nom féminin, nfpl. = nom féminin pluriel, n.m.= nom
masculin, n.m.pl= nom masculin pluriel, v. = verbe ; adv.
= adverbe, adj. = adjectif et expr. = expression]

192
1. Accumulation, n.f. : des mots pour approfondir la
pensée afin de l’enrichir ou l’agrandir. Exemple :
« Devant eux, sur de petites tables carrées ou
rondes, des verres contenaient des liquides rouges,
jaunes, verts, bruns, de toutes les nuances ». (Guy
de Maupassant)
2. Allégorie, n.f. : une allégorie est la représentation
concrète d’une idée abstraite grâce à une histoire,
ou une image. Exemple : les chaînes sont une
allégorie de l’esclavage ; dans les fables de Jean de
La Fontaine, le lion est une allégorie du pouvoir.
3. Antiphrase, n.f. : une idée exprimée par son
contraire dans une intention ironique pour signifier
le contraire de ce que l’on pense. Exemple : « Quel
temps magnifique ! » pour dire qu’il pleut trop à
mon goût !
4. Antithèse, n.f. : procédé stylistique qui sert à
opposer, dans une même phrase, deux mots ou un
groupe de mots de sens opposé pour mettre en
relief une idée. Exemple : « Je vis, je meurs ; je me
brûle et me noie. » (Louise Labé)
5. Comparaison, n.f. : figure de style qui consiste à
exprimer la similitude en utilisant un terme de la
comparaison (comme, tel, pareil). Exemple :
« Quand le ciel bas et lourd pèse comme un
couvercle… » (Charles Baudelaire)
6. Dénouement, n.m. : le dénouement défait le nœud
d’un récit. C’est la fin de l’intrigue où ayant
surmonté l’obstacle, la crise ou l’épreuve, le
personnage arrive au bout de son aventure. Dans le
cas de L’enfant noir, le dénouement s’opère
lorsque Laye est certain de partir pour la France.

193
7. Euphémisme, n.m. : atténuation dans l’expression
des faits ou des idées dont la réalité aurait quelque
chose de brutal ou de déplaisant. Exemple : « Il
s’est éteint, il est parti pour un monde meilleur » au
lieu de « il est mort ».
8. Énumération, n.f. : figure de style qui consiste à
passer en revue toutes les manières, toutes les
circonstances, toutes les parties. Exemple : « Les
trompettes, les fifres, les hautbois, les tambours,
les canons, formaient une harmonie telle qu’il n’y
en eut jamais en enfer. » (Voltaire)
9. Humour, n.m. : manière de souligner le caractère
comique, ridicule, absurde ou insolite de certains
aspects de la réalité. Exemple : « Je me presse de
rire de tout de peur d’être obligé d’en
pleurer. » (Beaumarchais)
10. Hyperbole, n.f. : figure de style qui consiste à
exagérer pour impressionner. C’est une exagération
de la pensée. Exemple : « Manger l’herbe
d’autrui ! Quel crime abominable ! » (Jean de La
Fontaine)
11. Idylle, n.f. : petite aventure amoureuse, naïve et
tendre. Exemple : « Il a mis pied à terre et sa main
m’a touché. » (Paul Verlaine)
12. Ironie, n.f. : manière de se moquer de quelqu’un
ou de quelque chose. Exemple : « Quand on
observe la nature, on y découvre les plaisanteries
d’une ironie supérieure : elle a, par exemple, placé
les crapauds près des fleurs. » (Honoré de Balzac)
13. Leitmotiv, n.m. : idée qui revient de façon
constante dans une œuvre littéraire. Dans L’enfant
noir, le thème de l’école est un leitmotiv ; la

194
réflexion sur l’avenir de Laye et de son pays est
aussi un leitmotiv.
14. Litote, n.f. : figure de style qui consiste à dire
moins pour faire entendre plus. Exemple : « Va, je
ne te hais point. » Chimène à Rodrigue pour
signifier qu’elle l’aime toujours. (Corneille)
15. Merveilleux, n.m. : ce qui étonne par son caractère
inexplicable, magique, surnaturel. Exemple : Dans
les contes africains, nous avons des animaux ou
des objets qui parlent. C’est du merveilleux.
16. Métaphore, n.f. : comparaison sous-entendue où
l’on transfère la signification d’un terme ou d’une
idée par un autre terme ou une autre idée qui
signifie normalement autre chose sans utiliser les
mots de comparaison (comme, tel, pareil).
Exemple : Le soleil couchant, cet or du soir
émerveillait les enfants ; « Un gros serpent de
fumée noire. » (Guy de Maupassant)
17. Oxymore, n.m. : figure de style qui consiste à
juxtaposer des termes contradictoires. Exemple :
« Cette obscure clarté qui tombe des étoiles. »
(Pierre Corneille)
18. Paradoxe, n.m. : opinion qui est à l’encontre de
l’opinion communément admise. Exemple : « Est-
il exact que vous ayez dit et écrit ceci : ce qu’il y a
de plus profond dans l’homme, c’est la peau ? »
(Paul Valéry)
19. Personnification, n.f. : attribue des caractéris-
tiques humaines à des animaux, des choses ou des
abstractions. Exemple : « Le Destin charmé suit tes
jupons comme un chien. » (Charles Baudelaire) ;

195
dans les contes africains et dans les fables, les
animaux sont personnifiés.
20. Répétition, n.f. : le fait d’être dit, exprimé
plusieurs fois pour donner à la phrase un certain
rythme ou mettre de l’emphase. Exemple :
« Apparaît un jazz orphelin qui sanglote, sanglote,
sanglote. » (Léopold S. Senghor). Dans les contes
africains la répétition sert aussi de moyen
mnémotechnique.
21. Reprise, n.f. : une répétition amplifiée d’un mot,
d’une phrase ou d’une idée. Exemple : « La mer…
cette grande plaine… Oui peut-être cette plaine
liquide me rappelait-elle une autre plaine… »
Camara Laye.
22. Symbole, n.m. : signe figuratif, être animé ou
chose, qui représente un concept, qui en est
l’image, l’attribut, l’emblème : le drapeau est le
symbole de la patrie ; Un symbole peut aussi être
une personne qui incarne de façon exemplaire une
idée, un sentiment. Exemple : Le père de Camara
Laye est le symbole de la générosité.

196
IX. VOCABULAIRE TIRÉ DU TEXTE

à fond, expr. : entièrement.


à juste titre, expr. : avec raison.
à notre accoutumée, expr. : selon nos habitudes.
à peu près englouti, expr. : presque avalé.
à portée de, expr. : assez près pour être touché.
à son gré, expr. : à son goût.
accabler, v. : écraser, opprimer.
affûter, v. : rendre tranchant ; tailler.
aguerrir, v. : habituer aux dangers.
aigu, adj. : perçant (voix) ; vif (douleur).
aiguiser, v. : rendre tranchant (objet) ; rendre plus vif
(émotion, conflit).
alentours, n.m.pl. : environs.
alléguer, v. : prétexter ; citer une autorité sans preuve.
amas, n.m. : tas.
antinomie, n.f. : contradiction.
assaillir, v. : attaquer.
attiédi, adj. : à demi refroidi.
au préalable, adv. : tout d’abord.
avenant, adj. : aimable.
avoisinant, adj. : des environs.
bel et bien, expr. : réellement.
brimer, v. : tourmenter.
bu, de boire, v. : absorbé.
buée, n.f. : vapeur, brume.
buter, v. : se heurter.
casse-cou, adj. : /n.m. qui ne craint pas le danger.
chaume, n.f. : paille longue utilisée pour couvrir les
maisons.
clairière, n.f. : endroit vide d’arbres dans une forêt.
cogner, v. : frapper.
concevoir /se concevoir, v. : comprendre / se comprendre.
contestation, n.f. : désaccord.
convenir, v. : se mettre d’accord.
convoiter, v. : désirer.
crânement, adv. : courageusement, fièrement.
creux, adj. : dont l’intérieur est vide.
croissance, n.f. : action de grandir.
croître, v. : grandir, se multiplier.
cru, adj. : direct, brutal.
crûment, adv. : brutalement ; de façon directe.
cuisson, n.f. : action, manière de préparer des aliments ou
temps de la préparation.

198
d’emblée, adv. : immédiatement.
de surcroît, adv. : de plus.
déchaîné, adj. : (chose) violent, très agité ; (personne)
sans aucune retenue.
défaillance, n.f. : faiblesse.
défrichement, n.m. : préparation de la terre pour la culture
en enlevant les mauvaises herbes.
dépisté, adj. : découvert.
dépouiller, v. : dénuder.
dérisoire, adj. : insignifiant.
dévisager v. : regarder de haut en bas.
dindonner, v. : tromper, duper.
doigté, n.m. : habileté manuelle ou savoir-faire.
dûment, adv. : comme il faut, selon l’ordre.
éblouir, v. : projeter une lumière trop vive ; frapper par sa
beauté.
écarter, v. : éloigner.
écorce, n.f. : enveloppe protectrice de l’arbre.
élan, n.m. : impulsion.
emboîter le pas, v. : marcher juste derrière
encadrer, v :. entourer.
enfoncer, v. : pénétrer profondément.
enfreindre, v. : ne pas respecter (une règle, une loi),
transgresser.
énoncer, v. : exprimer.

199
entamer, v. : commencer.
entassement. n.m. : accumulation.
entendement, n.m. : compréhension.
entonner, v. : commencer un chant.
entraver, v. : mettre un obstacle.
éperdu, adj. : qui éprouve très vivement un sentiment.
épousseter, v. : enlever la poussière.
épuisé, adj. : terminé, très fatigué.
escalader, v. : monter avec effort.
escarcelle, n.f. : portefeuille.
esquisser, v. : commencer un geste, un mouvement sans le
terminer ; tracer le plan d’une œuvre à grands traits, en
donner un premier aperçu, décrire sans approfondir.
esquiver, v. : éviter adroitement.
étirer, v. : allonger.
étourdiment, adv. : sans faire attention.
étreindre, v. : serrer.
éventé, adj. : révélé.
exaction, n.f. : acte de violence.
expéditif, adj. : rapide, prompt.
feindre, v. : faire semblant.
fougue foncière, expr. : passion profonde.
fringale, n.f. : faim irrésistible.
garni, adj. : couvert, rempli.
gauchissement, n.m. : déformation.

200
glèbe, n.f. : sol, terre.
gravier, n.m. : petits cailloux.
grisé, adj. : enivré, exalté.
guetter, v. : attendre avec impatience.
haie, n.f. : alignement d’arbres et d’arbustes qui marque la
limite entre deux propriétés ou deux champs. (On dit
aussi haie vive) ; former une haie : se disposer en une
rangée de personnes le long d’une voie, d’une rue ; faire
une haie d’honneur à qq : se ranger en file pour rendre
hommage à une personne importante.
hardi, adj. : courageux.
hauts faits, n.m.pl. : exploits.
havre, n.m. : refuge.
hormis, adv. : à l’exception de.
impitoyable, adj. : sans pitié.
inéluctable, adj. : inévitable.
inlassable, adj. : infatigable.
insensé, adj. : fou, ridicule.
intarissable, adj. : inépuisable.
intransigeant, adj :. dur ; qui n’admet pas de compromis.
inviolabilité, n.f. : comme sacré ; protection spéciale
donnée à certaines personnes.
javelle, n.f. : grosse poignée de céréales.
jeter son dévolu, v. : fixer son choix.
ladrerie, n.f. : avarice sordide.
languir, v. : attendre impatiemment.

201
lazzi, n.m. : parole moqueuse.
le cas échéant, expr. : éventuellement ; si le cas se présente.
lourdaud, adj. : maladroit.
malaxer, v. : mélanger.
maléfice, n.m. : pratique magique qui a pour but de nuire à
quelqu’un.
marteler, v. : battre à coups de marteau ; frapper plusieurs
fois.
mater, v. : réprimer.
maudire, v. : vouer au malheur.
méfait, n.m. : mauvaise action, mauvais résultat de
quelque chose.
menu, adj. : très petit.
meuglement, n.m. : cri des bœufs.
mirador, n.m. : tour d’observation.
moelleux, adj. : doux et agréable.
munificence, n.f. : générosité.
mutisme, n.m. : attitude de celui qui garde le silence.
narrer par le menu, expr. : raconter en détail.
offusquer, v. : choquer.
ordonnateur, n.m. : organisateur.
pairs, n.m.pl. : égaux ; personnes de même situation
sociale, de même titre ou de même fonction.
palissage, n.m. : mur ou clôture fait de roseaux entrelacés.
pétri, adj. : malaxé, travaillé.

202
planer, v. : peser d’une façon menaçante.
plantureux, adj. : copieux, abondant.
pour peu que, adv. : si peu que.
prendre ses jambes à son cou, expr. : s’enfuir à toute
vitesse.
prodige, n.m. : miracle.
prolongement, n.m. : suite.
quasiment, adv. : presque.
raccommoder, v. : réparer des vêtements ou des objets.
ralliement, n.m. : rassemblement.
ramper, v. : se placer à même le sol.
randonnée, n.f. : promenade.
rauque, adj. : rude, enroué.
rebondi, adj. : de rebondir ; v. se rétablir.
recru, adj. : épuisé de fatigue.
redoutable, adj. : qui fait peur.
remuer, v. : bouger, secouer, changer.
renifler, v. aspirer par le nez avec bruit.
répartir, v. : partager.
repérer, v. : découvrir.
retentir, v. : résonner.
révolu, adj. : passé, vieilli.
rôder, v. : traîner (avec une intention hostile).
roseau, n.m. : tige sèche d’une plante aquatique.

203
rugir, v. : pousser le cri du lion.
s’abîmer, v. : se ruiner.
s’abreuver, v. : boire.
s’accroître, v. : devenir plus grand en nombre.
s’acharner, v. : poursuivre avec hostilité ou lutter fort
pour avoir quelque chose.
s’attarder, v. : prendre son temps.
s’ébruiter, v. : devenir public.
s’en tenir à, expr. : ne pas aller au-delà.
s’engouffrer, v. : disparaître rapidement dans une ouverture.
se dévider, v. : se dérouler.
se fier à, v. : avoir confiance en / dans ; faire confiance à.
se hâter, v. : se dépêcher.
se parer, v. : mettre des vêtements et des ornements
élégants.
se ruer, v. se précipiter.
se tramer, v. préparer en secret.
seuil, n.m. : entrée.
sévir, v. : punir.
sournois, adj. : dissimulé, hypocrite.
soutirer, v. obtenir par ruse.
supplanter, v. : écarter pour prendre la place de.
sur-le-champ, expr. : immédiatement.
surcroît, n.m. : supplément, complément.
surgir, v. : apparaître brusquement.

204
surmené, adj. : fatigué à l’excès.
surplomber, v. : être au-dessus de.
talonner, v. : poursuivre de près.
tambouille, n. f. : mauvaise cuisine.
tamiser, v. : diminuer la lumière.
tant bien que mal, expr. : avec difficulté.
tant que, adv. : aussi longtemps que.
tapage, n.m. : bruit accompagné de désordre.
terrasser, v. : jeter par terre.
thuriféraire, adj. : flatteur.
tirailler, v. : tirer dans plusieurs directions à la fois.
tranchant, adj : coupant.
tressaillir, v. : avoir un brusque mouvement involontaire
du corps, en particulier sous le coup d’une émotion.
troquer, v. : échanger.
truffer, v. : emplir.
turlupiner, v. : tracasser ou tourmenter.

205
X. GLOSSAIRE62

1. VOCABULAIRE AFRICAIN EN LANGUE MALINKÉ


Bô, nom que l’on donne aux jumeaux.
coba, « une danse réservée, comme celle du « soli », aux
futurs circoncis, mais qui n’est dansée que la veille de la
circoncision » (135). Cette danse est accompagnée d’un
chant qui porte le même nom.
coros, « ces sortes de minuscules pirogues qu’on bat avec
un bout de bois. On les bat avec des baguettes pour
accompagner la musique » (104).
daman, caste de la mère de Camara Laye qui est fille de
forgeron.
diara, lion.

62
Ce glossaire est largement adapté ou tiré du Dictionnaire Universel, 3e
édition, Paris, Hachette/Edicef/ AUPELF/UREF, 1995. Contrairement
aux dictionnaires classiques, le Dictionnaire Universel donne une place
importante au vocabulaire africain de langue française. Le glossaire est
composé de deux parties. La première comprend les mots malinkés que
l’auteur incorpore dans son œuvre en donnant souvent des définitions de
ces mots à l’intérieur du texte, et la deuxième partie comprend les mots
français qui relèvent du vocabulaire africain.
douga, « chant qui n’est chanté que pour les hommes de
renom, qui n’est dansé que par ces hommes » (34).
fady fady, « danse de bravoure » (141).
kondén, les aînés, parmi les circoncis.
sayon, nom que l’on donne à l’enfant qui suit les jumeaux.
sema, guérisseur.
soli, « danse des futurs circoncis » (26).

2. VOCABULAIRE AFRICAIN EN LANGUE FRANÇAISE


balafonnier, n.m. : joueur de balafon. Le balafon est un
instrument à percussion que l’on trouve en Afrique de
l’Ouest. On le compare souvent au xylophone. Il est fait
avec des lames de bois fixées sur des calebasses servant de
caisses de résonance. Ici, l’auteur a modifié l’orthographe
du mot balafon (balafon) et a choisi d’utiliser le mot
balafonnier au lieu de balafoniste qui est plus courant.
beurre de karité, n.m. : matière grasse, à odeur forte,
extraite de l’amande de la noix de karité. La noix de karité
est le fruit du karité. Le karité est un arbre d’Afrique de
l’Ouest, parfois appelé arbre à beurre. Le beurre de karité
est comestible et est aussi utilisé pour la fabrication des
cosmétiques.
boubou, n.m. : vêtement ample qui ressemble à une
tunique ou un caftan. Le boubou est souvent orné de
magnifiques broderies. Il y a des boubous d’homme et des
boubous de femmes.

208
calebasse, n.f. : fruit de la gourde. Vide et séché, ce fruit
sert de récipient appelé calebasse.
canari, n.m. : récipient en terre cuite. Selon la taille et la
forme du canari, on s’en sert pour faire la cuisine ou pour
conserver ou transporter des liquides, de l’eau en particulier.
case, n.f. : habitation traditionnelle, généralement ronde, faite
avec de la terre battue et recouverte d’un toit de paille.
cauri, n.m. : coquillage du groupe des porcelaines, originaire
de l’océan Indien, qui a servi autrefois de monnaie en
Afrique et qui est encore utilisé pour la divination et pour
orner les masques, les coiffures et les parures.
concession, n.f. : ensemble d’habitations sur un même
terrain. Traditionnellement, les membres de la famille élargie
vivent tous sur un grand terrain, chacun dans leur habitation.
Quand Laye passe du statut d’enfant à celui d’adulte, il a sa
propre case dans la concession de son père.
cora, n.f. : instrument de musique d’Afrique de l’Ouest.
La cora (ou kora) a entre 21 et 26 cordes. La cora malinké
a 21 cordes. Camara Laye compare la cora à la harpe.
Coran, n.m. : livre saint des musulmans.
couscous, n.m. : mets composé de semoule de blé dur (en
Afrique du Nord) ou de farine de mil (en Afrique de
l’Ouest) cuite à la vapeur. Ce mets est préparé avec des
légumes et de la viande.
diseur de choses cachées, n.m. : un voyant.
féticheur, n.m. : selon le dictionnaire, « individu qui possède
des pouvoirs magiques dans les religions africaines ». Ce
mot, venu du vocabulaire colonial, ne reflète pas une réalité

209
inconnue des cultures occidentales. Le « féticheur » est à la
fois médecin et devin, psychiatre et psychologue et remplit
parfois des fonctions religieuses. Il connaît les plantes
médicinales ayant des pouvoirs bénéfiques ou maléfiques. La
plupart des Africains préfèrent utiliser le mot de leur langue
nationale, comme le fait parfois Camara Laye en employant
« séma », mot malinké.
fromager, n.m. : le fromager que l’on appelle aussi un
« faux kapokier » est un grand arbre que l’on trouve en
Afrique de l’Ouest. Le tronc du fromager est souvent
utilisé pour construire des pirogues.
goyavier, n.m. : arbre qui produit la goyave, fruit
comestible dont la chair blanche ou rose est très parfumée.
griot, n.m. : membre de la caste des poètes musiciens,
dépositaires des traditions orales dans certaines ethnies
d’Afrique de l’Ouest.
gris-gris, n.m. : amulette, talisman et aussi porte-bonheur.
guérisseur, n.m. : personne qui traite, sans avoir le titre de
médecin, par des méthodes extra-médicales.
incantation, n.f. : récitation de formules destinées à
produire des sortilèges.
kapok, n.m. : fibre végétale légère produite par le
kapokier et souvent utilisée pour divers rembourrages.
kapokier, n.m. : grand arbre, proche du fromager, que
l’on trouve en Afrique de l’Ouest.
marabout, n.m :. mystique musulman qui mène une vie
contemplative et se livre à l’étude du Coran. Afrique :
guérisseur musulman.

210
néré, n.m. : arbre d’Afrique tropicale à usage médicinal.
noix de kola ou cola : graine du kolatier, riche en caféine
que l’on mastique en Afrique pour ses vertus stimulantes
et que l’on utilise comme teinture. La cola est aussi
utilisée pour de nombreuses cérémonies sociales ou
religieuses. Elle symbolise l’amitié et l’hospitalité.
Camara Laye dit que les noix de kola sont la « menue
monnaie de la civilité guinéenne » (36).
palabre, n.m. ou f. (souvent pluriel, palabres) : assemblée
coutumière où l’on discute des sujets concernant la
communauté. Échange de paroles.
peau de prière : cuir (généralement une peau de mouton)
qui sert de tapis sur lequel les musulmans font leur prière.
ramadan, n.m. : neuvième mois de l’année lunaire
musulmane, pendant lequel le jeûne est prescrit du lever
au coucher du soleil.
Sayon : nom que l’on donne à un enfant qui suit les
jumeaux.
Tabaski, n.f. fête de l’Aïd-el-Kebir ou nouvel an de
l’Islam, aussi appelée fête du mouton. C’est la
commémoration du sacrifice d’Abraham et chaque famille
sacrifie un mouton ce jour-là.
tam-tam, n.m. : tambour africain utilisé comme
instrument de musique et traditionnellement comme
moyen de communication à distance.
totem, n.m. : animal protecteur d’un groupe ethnique ou
d’une famille et qui fait souvent l’objet d’un tabou. On n’a
le droit ni de le tuer, ni de le manger.

211
TABLE DES MATIÈRES

PRÉFACE .......................................................................................... 11
AVANT-PROPOS.............................................................................. 17

I. LE PROFIL DE L’AUTEUR .......................................................... 21

1. La vie et l’œuvre de Camara Laye ............................................. 21


2. La Guinée, pays de Camara Laye............................................... 25
a. Carte de la Guinée par rapport au continent africain.............. 25
b. Carte de la Guinée par rapport aux pays limitrophes ............. 25
3. La littérature africaine à l’époque de Camara Laye ................... 30

II. LE PROFIL DE L’ŒUVRE .......................................................... 37

III. LES RÉFÉRENCES STYLISTIQUES ........................................ 41

1. La composition de l’œuvre......................................................... 41
a. Le monde de l’enfance ........................................................... 45
b. Le domaine culturel ............................................................... 46
c. Laye avec ses parents ............................................................. 47
d. La nostalgie d’un passé qui change ....................................... 48
e. L’école française .................................................................... 49
f. Le départ et la séparation ........................................................ 50
2. Le style ....................................................................................... 50
a. La narration ............................................................................ 50
b. Les techniques stylistiques..................................................... 51
c. La richesse sémantique : métaphores et comparaisons .......... 52
d. La verve poétique .................................................................. 55
e. La complexité grammaticale .................................................. 57
f. Les particularités du langage .................................................. 60
g. L’importance des dialogues ................................................... 61
h. Les effets sensoriels ............................................................... 62
i. Les propos élogieux de Léopold Sédar Senghor..................... 63
IV. LE RÉSUMÉ DES CHAPITRES,
PASSAGES ET TRAVAUX DIRIGÉS ............................................. 65

V. PHOTOS...................................................................................... 125

VI. LES PERSONNAGES ............................................................... 127

1. Le diagramme des personnages................................................ 127


2. La présentation des personnages .............................................. 128
3. L’interaction des personnages .................................................. 133

VII. LES THÈMES .......................................................................... 137

1. La famille et la communauté .................................................... 137


2. L’amitié .................................................................................... 145
3. Les croyances traditionnelles ................................................... 147
4. La colonisation et le choc des cultures ..................................... 151
5. L’école ..................................................................................... 155
6. Le travail .................................................................................. 159
7. La musique et la danse ............................................................. 161
8. Les formes de communication ................................................. 165
9. Le voyage ................................................................................. 167

VIII. LES EXERCICES SUPPLÉMENTAIRES ................................ 171

A. Questions pour la discussion de l’œuvre ................................. 171


B. Réponse aux messages électroniques ...................................... 174
C. Lettres à rédiger ....................................................................... 180
D. Conseils pour la rédaction d’un essai ...................................... 181
E. Sujets pour les essais ............................................................... 185
F. Conseils pour la présentation orale .......................................... 187
G. Sujets pour les présentations orales ......................................... 189
H. Projet littéraire appliqué .......................................................... 191
I. Les figures de style ................................................................... 192

IX. VOCABULAIRE TIRÉ DU TEXTE ......................................... 197

X. GLOSSAIRE ............................................................................... 207

1. Vocabulaire africain en langue malinké ................................... 207


2. Vocabulaire africain en langue française ................................. 208

214
Critique et études littéraires
aux éditions L’Harmattan

Dernières parutions

L’eau et la terre dans l’univers romanesque


de Claude Simon
L’obsession élémentaire
Kotowska Joanna
La fascination humaine pour les quatre éléments de la nature remonte aux temps
des premières intuitions scientifiques. Claude Simon, un «alchimiste des mots»
contemporain, nous propose un regard original sur deux puissances élémentaires
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Les écritures de la faim


Éléments pour une ontologie de la faim
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Comment aborder les problématiques de la faim dans les littératures ? L’auteur
cerne de façon synthétique les principales topiques de la faim, puis il différencie
et définit les concepts de faim et d’affamé. Enfin il s’efforce d’élaborer un mythe
de la faim en puisant les mythes fondateurs sans éviter les assises dogmatiques et
religieuses (de la faim et du jeûne) et les problématiques pathologiques (anorexie/
boulimie), ni le rapport au Pouvoir. Une ontologie de la faim pourrait modifier
considérablement le paradigme contemporain de la faim dans le monde.
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Études sur le théâtre d’A. Césaire, A. Camus


et B. Zadi Zaourou
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Ce livre décrypte les théâtres d’Albert Camus, d’Aimé Césaire et de Bernard
Zadi Zaourou en révélant les effets tragiques en relation avec les implications
sociales. Le premier axe de recherche montre comment l’espace dramatique dans
Une tempête d’Aimé Césaire traduit les tensions sociales qu’il y représente. Le
second axe de réflexion porte sur le personnage dramatique chez Albert Camus
et Bernard Zadi Zaourou.
(Coll. Harmattan Côte-d’Ivoire, 16.50 euros, 154 p.)
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interpersonnelles de la femme dans le roman africain
francophone
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Cet ouvrage prend appui sur une sélection d’une vingtaine de romans africains
francophones écrits entre 1881 et 2003. De leur analyse émergent deux figures
de la femme africaine : celle qui sait communiquer et qui entretient des relations
harmonieuses avec son entourage - assimilée à une «bonne» femme - et celle
rejetée, considérée comme une «mauvaise» femme et avec qui les relations sont
antagoniques. Il passe également en revue les critères d’appréciation de la femme
en Afrique, au fur et à mesure de la modernisation de ce continent.
(Coll. Logiques sociales, 27.00 euros, 258 p.)
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Les Palikares grecs et leurs avatars


Breuillot Martine, Debaisieux Renée-Paule, Terrades Marc
Ce sont ces figures grecques du palikare que présente cet ouvrage : d’abord le
klephte (ce bandit des grands chemins), ayant pris les traits d’un vaillant guerrier,
encensé par les écrivains, ensuite le personnage plein de bravoure, pour terminer
sur la figure parodique du palikare-polisson, qui ne rappelle plus que de loin ses
ancêtres glorieux. La gloire se transporte du côté des pitreries et du jeu, un jeu qui
garde toutefois, en arrière-plan, la notion de défense de la patrie.
(Coll. Études grecques, 14.00 euros, 120 p.)
ISBN : 978-2-343-13544-1, ISBN EBOOK : 978-2-14-005344-3

Processus de la catégorisation en linguistique


Nishimura Takuya - Préface de Frank Alvarez-Pereyre
Les sept textes de cet ouvrage présentent quelques réflexions sur la question de
la catégorisation linguistique. Il s’agit d’études sur l’état d’un élément qui n’a pas
d’appartenance absolue à une catégorie donnée ; cette ambiguïté de relation entre
un élément et sa catégorie se situe sur des processus de la catégorisation. Dans ce
cadre, on analyse des faits représentatifs de plusieurs langues telles que le japonais,
le turc, le vietnamien, le hongrois, l’aïnou, le pomo, etc., sans oublier le français.
(Coll. Langue et parole - Recherches en Sc. du Langage, 23.50 euros, 232 p.)
ISBN : 978-2-343-12943-3, ISBN EBOOK : 978-2-14-005343-6

Sociolinguistique urbaine, sociolinguistique


d’intervention : apports et innovations
Hommage scientifique à Thierry Bulot
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étudiants présentent ici différentes facettes de ses recherches en sociolinguistique
urbaine et prioritaire, en éclairant les enjeux et apports de cette nouvelle école
sociolinguistique, son inscription sur les terrains africain, algérien, vietnamien,
guernesiais, marocain, ainsi qu’avec la méthodologie de la documentarisation.
Tou.te.s viennent exemplifier cette approche fructueuse et toujours engagée.
(Coll. Espaces discursifs, 20.00 euros, 188 p.)
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L’Ésotérisme d’Edgar Poe
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Tardivement reconnu par la critique de son pays qui l’a vilipendé au lendemain
de sa mort, épris de Beauté et d’Unité, Poe s’est interrogé passionnément sur les
mystères de l’univers et de l’au-delà. Lui, dont la visée artistique était «l’ordre
métaphysique», s’est en particulier tourné vers le réservoir d’images et de symboles
que lui ont offert les différents ésotérismes (franc-maçonnerie, arcanes du Tarot,
alchimie, arithmosophie...). L’étude est consacrée à explorer cette piste encore
peu empruntée.
(32.00 euros, 322 p.)
ISBN : 978-2-343-13385-0, ISBN EBOOK : 978-2-14-005137-1

Le Déchiffrement du monde
La gnose poétique d’Ernst Jünger
D’Algange Luc-Olivier
L’œuvre d’Ernst Jünger ne se réduit pas à ses récits et journaux de guerre. C’est
une méditation originale sur le Temps, les dieux, les songes et symboles. Elle mène
de l’art de l’interprétation au rapport des hommes au végétal et à la pierre, elle est
aussi une rébellion contre l’uniformisation, incarnée dans la liberté supérieure de
l’Anarque envers tous les totalitarismes. Cet ouvrage qui met en regard la pensée
de Jünger et celles de ses maîtres, de Novalis à Heidegger, entend rendre compte
de son dessein poétique et gnostique. Il donne à voir le monde visible comme
l’empreinte d’un sceau invisible.
(Coll. Théôria, 18.00 euros, 166 p.)
ISBN : 978-2-343-13346-1, ISBN EBOOK : 978-2-14-005021-3

Quel oiseau-mouche te pique ?


L’éclosion d’une compagnie théâtrale atypique
Hervez-Luc - Préface de Laure Adler
Voici le récit de l’itinéraire atypique de Luc Vandewèghe dit Hervez-Luc.
Histoire d’une vie qui aboutit à la création d’une compagnie théâtrale non
moins singulière Quel oiseau-mouche te pique ? Dans un langage teinté de poésie,
Hervez-Luc retrace les étapes de sa vie depuis son enfance jusqu’aux premiers
pas professionnels de la compagnie théâtrale qui a pignon sur rue aujourd’hui à
Roubaix et qui sillonne la France entière et de nombreux pays à l’étranger.
(14.00 euros, 126 p.)
ISBN : 978-2-343-13190-0, ISBN EBOOK : 978-2-14-004979-8

Les redondances prédicatives en français parlé


Depoux Philippe
Français parlé, redondance, prédication, télévision : quels liens unissent ces
termes qui semblent avoir bien peu de propriétés en commun ? En mettant en
relation milieux sociaux, époques d’enregistrement et types de reformulation, cet
ouvrage tente d’expliquer l’usage préférentiel de tel ou tel type de redondance par
telle ou telle catégorie de locuteurs.
(Coll. Langue et parole - Recherches en Sciences du Langage, 30.00 euros, 292 p.)
ISBN : 978-2-343-13301-0, ISBN EBOOK : 978-2-14-005188-3
André Malraux ou Les Métamorphoses de Saturne
Lantonnet Évelyne - Préface de Brian Thompson
Peu d’études critiques ont accordé une place au mythe dans la pensée de Malraux.
Autodidacte, ce dernier est allé au-devant de la culture ; il n’a pas été formé
par l’institution. D’Antigone à Prométhée, quelques figures fascinent Malraux.
Cependant, Saturne est la seule instance mythique, qui domine tout un livre.
Saturne : un mythe personnel ? Il interpelle d’abord Malraux en tant que penseur.
Celui-ci voit en ce monstre dévorateur une parabole de la condition humaine.
Mais Saturne l’interroge aussi en tant qu’esthéticien. Il semblerait que Malraux
ait inventé les métamorphoses de Saturne.
(Coll. Espaces Littéraires, 30.00 euros, 290 p.)
ISBN : 978-2-343-13112-2, ISBN EBOOK : 978-2-14-005078-7

Initiation à la linguistique diachronique de la langue


française
Diedhiou Fidèle
Cet ouvrage poursuit un double objectif, à la fois théorique et pratique. Il présente
pour chaque chapitre une définition des notions essentielles, avec éventuellement
des remarques complémentaires. Sur le plan pratique, il fournit pour chaque cas
étudié une fiche retraçant l’histoire phonétique de mots-types du latin au français
moderne. Il comprend 15 chapitres permettant de replacer chaque phénomène
dans le cadre de son évolution complète, accompagnés de nombreux exercices
d’application.
(Harmattan Sénégal, 21.50 euros, 219 p.)
ISBN : 978-2-343-12898-6, ISBN EBOOK : 978-2-14-005084-8

Paroles, paroles ! Pour quoi parlons-nous ?


Essai
Bourse Michel
Qu’est-ce qui est mis en œuvre dans l’acte de parler ? Dans la parole adressée à
autrui se joue en fait une relation spécifique, au travers de laquelle tout individu
se structure. Celle-ci devient alors l’instrument essentiel d’une intersubjectivité
possible, c’est-à-dire d’une relation créatrice qui nous constitue comme sujet dans
notre relation à l’autre. Parler aurait donc une fonction véritablement politique :
s’y joue en définitive le rapport de chacun d’entre nous au monde.
(Coll. Langue et parole - Recherches en Sciences du Langage, 27.00 euros, 262 p.)
ISBN : 978-2-343-13219-8, ISBN EBOOK : 978-2-14-004955-2
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Autour de L’enfant noir de Camara Laye Elsie AUGUSTAVE et Irène ASSIBA D’ALMEIDA

Elsie AUGUSTAVE et Irène ASSIBA D’ALMEIDA


Un monde à découvrir

Autour de L’enfant noir de Camara Laye a été conçu pour


accompagner la lecture de ce chef-d’œuvre de la littérature

Autour de L’enfant noir


africaine. Écrit à quatre mains, il peut servir d’outil pour l’analyse
et la réflexion dans des cours de français, pour les niveaux
secondaires et universitaires, et pour tous ceux qui aiment la
littérature en général ou qui veulent s’initier à la littérature africaine.
Cet ouvrage met l’accent sur la langue, la culture et l’analyse
littéraire. Il contient divers travaux dirigés pour améliorer et enrichir
de Camara Laye
l’expression écrite, y compris une création littéraire consistant à Un monde à découvrir
écrire une autobiographie. L’expression orale, quant à elle, permettra
l’organisation des idées et le développement du sens critique. De
plus, des questions d’analyse stimulent la compréhension lexicale,
syntaxique, stylistique et culturelle, et encouragent une lecture active
et attentive de l’autobiographie de Camara Laye.

Autour de L’enfant noir de Camara Laye


Née en Haïti, Elsie AUGUSTAVE est diplômée en études de littérature et en
langues étrangères des universités de Middlebury College dans le Vermont et
Howard University à Washington DC. Boursière de la prestigieuse institution
Fulbright, elle a travaillé en tant que chorégraphe du Théâtre national du
Zaïre (aujourd’ hui RDC), ainsi que professeure de danse à l’Institut national
des arts de Kinshasa. Après une longue carrière de professeure de français et
d’espagnol aux États-Unis, elle se consacre désormais à l’ écriture suite au
succès de son roman The Roving Tree.

D’origine béninoise, Irène ASSIBA D’ALMEIDA est professeure émérite de lettres


africaines et d’ études féminines à l’université d’Arizona. Elle est l’auteure,
entre autres publications, du premier ouvrage de critique littéraire, en anglais,
analysant les œuvres des écrivaines de l’Afrique francophone : Francophone
African Women Writers: Destroying the Emptiness of Silence [Écrivaines
africaines tuant le vide du silence. Irène Assiba d’Almeida est aussi traductrice
et poète.

Photographie de couverture de Koffi Yves Parfait.

ISBN : 978-2-343-14745-1
18 €

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