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Français Langue Étrangère


Groupe B1
L’AFFAIRE TRABAUT
Personnages :
- Arlette TRABAUT, la guérisseuse/l’accusée : Malika
- Jihane MOUYENGUO, la patiente : Aissa ou Salmana
- Samira JABANDA, la fausse patiente : Souad MERIDJA
- Jean-Claude DIALLO, commissaire de police : Mohamed
- L’huissier : Sihem
- La procureure du Roi : Rabiaa
- Maître Maria LANGE, l’avocate : Fouzia
- La juge : Casa
- La greffière : Fara
- L’agent de police : Fazia

Scénario et dialogues : Cosmos EGLO

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Scène 1

Jihane : (au téléphone) Bonjour Samira, comment vas-tu ?


Samira : Je vais très bien. Merci.
Jihane : Tu es à la maison ?
Samira : Oui. Aujourd’hui je suis en congé.
Jihane : Qu’est-ce que tu fais ?
Samira : Je viens de déjeuner, maintenant je suis en train de regarder la télé.
Jihane : Dis-moi, est-ce que tu peux m’accompagner quelque part ?
Samira : Oui, volontiers, mais où ?
Jihane : C’est une surprise. Viens tout de suite donc.
Samira : Bien, je vais prendre une douche, puis je serai chez toi dans vingt
minutes.
Jihane : Je t’attends. À tout à l’heure.

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Scène 2
Samira est chez Jihane.
Jihane : Ma chère Samira, comme je suis contente de te revoir en personne. Cela
fait six mois qu’on ne s’est pas rencontré, c’est-à-dire depuis que tu as trouvé du
travail.
Samira : Ah oui, je travaille comme facteur à Bpost. C’est un travail très fatigant :
passer toute la journée dehors, à distribuer des lettres et des colis. Pas une minute
pour m’asseoir ! Dis, où donc veux-tu que je t’accompagne ?
Jihane : Chez ma guérisseuse.
Samira : Guérisseuse ! Tu ne vas pas me dire que tu crois aux guérisseurs !
Jihane : Si. Et pourquoi pas ? Il y a cinq ans, j’avais des cauchemars toutes les
nuits. Mon médecin de famille avait dit que je souffrais de dépression nerveuse.
Alors il m’avait administré plusieurs traitements mais en vain. À la fin, j’avais
entendu parler de cette guérisseuse, et c’était elle qui m’avait guérie. Maintenant
je vais la consulter pour des douleurs dans l’oreille gauche.
Samira : Ma pauvre Jihane. Ces soi-disant guérisseurs ne sont rien que des
escrocs. Ils exploitent la crédulité des gens comme toi pour s’enrichir. Attends.
J’ai une idée. Laisse-moi lui parler. Je vais prétendre souffrir des hanches, et nous
allons voir…
Jihane : D’accord. Allons-y. Mais, crois-moi, tu te trompes. Cette guérisseuse est
très honnête et très efficace.

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Scène 3
Jihane et Samira chez la guérisseuse.
Jihane : Bonjour madame, je vous présente mon amie Samira. Elle vient pour une
consultation.
La guérisseuse : Bonjour madame.
Samira : Bonjour. S’il vous plaît, quel est le coût de la consultation ?
La guérisseuse : 200 euros, paiement uniquement par Bancontact.
Samira : (insère sa carte bancaire dans le terminal et tape son code) Voilà.
La guérisseuse : Bien. Dites-moi, de quoi souffrez-vous ?
Samira : J’ai de terribles douleurs dans les hanches, et non seulement cela
m’empêche de dormir mais surtout j’ai du mal à me tenir debout. De plus, quand
je marche j’ai des vertiges. Je souffre depuis six mois.
La guérisseuse : Bien, je vais regarder. Serrez cette boule dans votre main gauche.
La guérisseuse sonne une cloche. Puis elle palpe le dos de la patiente à l’aide
d’une boule de cristal.
La guérisseuse : Ah ! Je vois. Eh bien madame, je vais vous dire d’où vient le mal.
Vous souffrez des hanches à cause de votre travail. En effet, vous restez trop
longtemps assise au bureau. Vous passez la journée entière au bureau, la semaine
entière au bureau, le mois entier au bureau, l’année entière au bureau. Autrement
dit, vous restez à la même place tout le temps. Bref, vous ne bougez pas ! Par
conséquent je vous conseille de bouger. Marchez de temps en temps. Passez votre
temps à vous promener au moins une fois par semaine.
Samira : Et nous y voilà ! Madame, vous n’êtes rien qu’une menteuse, une
menteuse fieffée ! Votre prétendue science vous révèle que je reste à la même
place tout le temps, alors que je suis un facteur. Qui plus est, je ne souffre de rien !
Je répète : rien ! Rendez-moi mes 200 euros si non je m’en vais de ce pas vous
dénoncer à la police…
Jihane : Non Samira, tu ne vas pas faire ça !
La guérisseuse : Tu es donc venue chez moi pour me narguer ! Écoute bien. La
guérisseuse fait un signe du doigt sur sa gorge et dit : Je vais te tuer si jamais
tu me causes des ennuis. Allez-vous-en tout de suite si non je vais lâcher mon
chien ! Dehors ! Dehors !

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Scène 4
Au tribunal… Arlette TRABAUT est sur le banc des accusés. La juge et la
Procureure du Roi arrivent dans la salle d’audience. Une sonnerie retentit.
L’huissier crie : « La Cour ! ». Tout le monde se lève.
La juge : L’audience est ouverte ! Veuillez vous asseoir. Accusée, levez-vous.
Quels sont vos nom et prénom ?
L’accusée : Trabaut, Arlette Trabaut.
La juge : Date et lieu de naissance ?
L’accusée : 4 avril 1980 à Liège.
La juge : Prénom de votre père ?
L’accusée : Yves
La juge : Nom et prénom de votre mère ?
L’accusée : Spinalli, Adèle Spinalli.
La juge : Asseyez-vous. Madame l’huissier de justice, veuillez procéder à l’appel
des témoins.
L’huissier de justice : Madame Mouyenguo !
Jihane MOUYENGUO : Présente !
L’huissier de justice : Madame Jabanda !
Samira JABANDA : Présente !
L’huissier de justice : Monsieur Diallo !
Jean-Claude DIALLO : Présent !
La juge : Que les témoins soient conduits dans la salle qui leur est réservée, et
d’où elles ne pourront sortir que pour déposer.
Les témoins sont conduits dans la salle d’attente.
La juge : Accusée, restez attentive à la lecture du jugement de renvoi. Madame la
greffière, vous avez la parole.
La greffière : « La Chambre du conseil du tribunal a rendu le jugement dont la
teneur suit. Le Parquet, après en avoir délibéré conformément à la loi, considérant
que de l’instruction résultent les faits suivants. Le 10 novembre 2023, madame
Samira JABANDA, accompagnée de son amie madame Jihane MOUYENGUO,
se rend au domicile de l’accusée à Châtelet pour une consultation médicale.
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L’accusée, soi-disant guérisseuse, après avoir empoché 200 euros, frais de
consultation, établit un prétendu diagnostic selon lequel la patiente souffrirait en
raison de la nature même de son travail. Madame Jabanda, convaincue d’une
tromperie, réclame le remboursement de ses 200 euros, sous peine de se plaindre
à la police. L’accusée non seulement refuse de rembourser les 200 euros mais
surtout menace de s’en prendre à la vie de madame Jabanda.
Vu que les pièces de l’instruction résultent des charges suffisantes contre madame
Arlettre TRABAUT, d’avoir à Charleroi le 10 novembre 2023, et en tout cas dans
le ressort du Tribunal correctionnel et depuis temps non prescrit, proféré des
menaces de mort à l’encontre de madame Samira Jabanda, délit prévu et réprimé
par les articles 222-17 et 222-18 du Code pénal.
Prononce la mise en accusation de madame Arlette TRABAUT, et la renvoie
devant ce Tribunal pour y être jugée. À part la menace de mort, l’accusée est
également poursuivie pour exercice illégal de la médecine, abus de confiance et
extorsion. »
La juge : Merci madame la greffière. Accusée, est-ce que vous reconnaissez les
faits qui vous sont reprochés ?
L’accusée : Non, madame la présidente (l’accusée se met en colère). SI JE SUIS
ICI, C’EST À CAUSE DE CE SYSTÈME DE JUSTICE POURRI ET
CORROMPU ! TOUT CE QUE VOUS FAITES ICI NE M’INTÉRESSE
PAS ! FOUTEZ-MOI LA PAIX ! FOUTEZ-MOI LA PAIX !
L’avocate tente de calmer sa cliente. La juge tape sur la table.
La juge : Madame Trabaut, vous avez intérêt à rester calme. Bien. Commençons
par votre pratique de la médecine. Où donc avez-vous appris ce métier ?
L’accusée : J’ai pris des cours à distance, c’est-à-dire des cours par
correspondance.
La juge : Et pendant combien d’années ?
L’accusée : Deux ans.
La Procureure du Roi bondit de son fauteuil.
La Procureure du Roi : Deux ans ! Alors qu’il faut neuf ans pour devenir
médecin ! Madame la présidente, cette femme est un charlatan. Qui plus est, elle
constitue un danger public car elle met en danger la santé de nos concitoyens. J’ai
sous la main des documents publicitaires sur des pseudos maladies qu’elle se
vante de soigner. Écoutez plutôt : « Acné excoriée, agoraphobie, anorexie,

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autisme atypique, boulimie, dépression clinique, dyslexie, hyperphagie, maladie
d’Alzheimer, retard mental… Ça fait dix pages ! »
À son tour l’avocate bondit de son fauteuil.
L’avocate : « Écholalie, échopraxie, maladie de Gilles de la Tourette, narcolepsie,
parasomnie, phobie sociale, schizophrénie, syndrome de Cotard, etc. » Madame
la présidente, j’ai ici des attestations de guérison provenant de malades soignés et
guéris par ma cliente. Cela ne fait pas dix pages, mais plutôt 146 pages !
La Procureure du Roi et l’avocate se mettent à se disputer. Les deux parlent
en même temps.
La Procureure du Roi : Maître Lange, vous avez oublié de nous fournir la liste des
personnes qui se trouvent aujourd’hui au cimetière par la faute de votre cliente !
Vous défendez une cause perdue d’avance, et vous le savez très bien. Votre cliente
n’est rien qu’un charlatan, je le répète, un charlatan, une personne sans cœur ni
scrupules…
L’avocate : J’ai une liste de dizaines de personnes prêtes à témoigner ici des
prouesses de ma cliente. Je défends une cause juste, celle d’une médecine
parallèle qui a fait ses preuves, et dont la médecine conventionnelle est jalouse…
Quel acharnement sur ma cliente !
La juge tape sur la table en demandant à la Procureure du Roi et à l’avocate
de se taire.
La juge : Silence ! Je vous rappelle que nous ne sommes pas au marché mais dans
une salle d’audience. Si vous voulez parler, levez la main pour demander la parole.
Bien, accusée, à présent venons-en aux faits qui vous sont reprochés. Avez-vous,
oui ou non, proféré des menaces de mort à l’encontre de Madame Jabanda ?
L’accusée : Non madame la présidente, j’ai seulement menacé de lâcher mon
chien.
La juge : Madame la Procureure du Roi, avez-vous des questions ?
La procureure du Roi : Non, madame la Présidente.
La juge : Maintenant nous allons écouter les témoins. Madame l’huissier, faites
entrer le premier témoin.
L’huissier : Commissaire Diallo, à la barre !
Le commissaire arrive à la barre et salue.

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La juge : quels sont vos nom, prénom, âge, profession et domicile ?
Commissaire Diallo : Diallo, Jean-Claude Diallo, 36 ans, commissaire de police,
demeurant et domicilié Rue des Échassiers, 32, Marcinelle.
La juge : Vous jurez de parler sans haine et sans crainte, de dire la vérité, toute la
vérité, rien que la vérité. Levez la main droite et dites « Je le jure ».
Commissaire Diallo : Je le jure !
La juge : Faites votre déposition.
Commissaire Diallo : Le 11 novembre 2023, j’ai reçu la plainte de madame
Jabanda. Elle a affirmé avoir reçu, la veille, c’est-à-dire le 10 novembre, des
menaces de mort après avoir confronté l’accusée sur une extorsion en lien avec
des pratiques douteuses ayant trait à la médecine illégale. J’ai aussitôt transmis le
dossier au Parquet qui, à son tour, a émis un mandat d’amener. J’ai donc procédé
à l’arrestation de la suspecte et je l’ai présentée au juge d’instruction le 13
novembre 2023. Le même jour, sur mandat du juge d’instruction, nous avons
procédé à une perquisition au domicile de l’accusée. C’est ainsi que nous avons
pu confisquer ce qu’on peut appeler « ses outils de travail », notamment : des
boules de cristal, une cloche, deux miroirs, des araignées en plastique, bref tous
ces objets qui se trouvent devant vous. Voilà.
La juge : Des questions ? Madame la Procureure du Roi ?
La Procureure du Roi : Monsieur le commissaire, pouvez-vous nous dire dans
quel état se trouvait l’accusée au moment de son arrestation ?
Le commissaire de police : Elle était plutôt calme. D’ailleurs, au cours de
l’audition elle avait opté pour le silence, et je lui ai respecté ce droit.
La juge : Merci monsieur, vous pouvez regagner votre service. Témoin suivant.
L’huissier : Madame Samira JABANDA !
La juge : quels sont vos nom, prénom, âge, profession et domicile ?
Samira : Je m’appelle Jabanda, Samira Jabanda, 25 ans, facteur à Bpost,
demeurant et domiciliée 12 Avenue Romain Nadal, Montigny-sur-Sambre.
La juge : Vous jurez de parler sans haine et sans crainte, de dire la vérité, toute la
vérité, rien que la vérité. Levez la main droite et dites « Je le jure ».
Samira : Je le jure !
La juge : Faites votre déposition.

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Samira : Le 10 novembre 2023, mon amie Jihane me demanda de l’accompagner
chez ce qu’elle avait appelé son « guérisseur ». Du coup je lui dis que c’était
stupide de sa part de croire aux guérisseurs. Pour la convaincre, je proposai de me
présenter comme une malade afin de voir où cela allait nous mener. Effectivement,
je prétendis souffrir des hanches. Alors, que fit l’accusée ? Voilà qu’elle promena
une boule sur tout mon corps, puis déclara que je souffrais à cause de mon travail
qui, dit-elle, m’obligeait à rester assise toute la journée. Or, je suis un facteur.
Donc devant un tel mensonge, je ne pus m’empêcher de lui faire éclater sa
tromperie au nez et, de là, exiger le remboursement de mes 200 euros, sans quoi
j’allais la dénoncer à la police. Alors, furieuse, elle me dit mot pour mot, en faisant
ce signe : « Je vais te faire payer de ta vie ! Je vais te tuer si jamais tu me causes
des ennuis ». Voilà.
La juge : Des questions ? Madame la Procureure du Roi ? La défense ?
L’avocate : Madame, en vous présentant devant ma cliente, à son domicile, pour
la piéger en prétendant être malade, c’était, là, une provocation très grave. Est-ce
que vous vous rendez compte de cela ?
Samira (se tourne vers l’avocate) : Je ne vois…
L’avocate (dit rudement) : Parlez à la Cour !
Samira : Je ne vois là aucune provocation. J’ai seulement essayé de démasquer un
charlatan ! C’est le devoir de tout citoyen de combattre ces filous qui gangrènent
notre société.
La juge : La Cour vous remercie madame, vous pouvez vous retirer. Madame
l’huissier, appelez le dernier témoin.
L’huissier : Madame Jihane MOUYENGUO !
Jihane s’arrête et regarde l’accusée pendant quelques secondes avant de se
présenter à la barre.
La juge : Quels sont vos nom, prénom, âge, profession et domicile ?
Rose : Mouyenguo, Jihane Mouyenguo, 40 ans, assistante sociale, demeurant et
domiciliée Boulevard Rosy Varte 16, à Monceau-sur-Sambre.
La juge : Vous jurez de parler sans haine et sans crainte, de dire la vérité, toute la
vérité, rien que la vérité. Levez la main droite et dites « Je le jure ».
Rose : Je le jure.
La juge : Maître Lange, ce témoin étant cité à votre requête, je vous laisse le soin
de l’interroger.

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L’avocate : Madame, pouvez-vous dire à la Cour comment vous avez connu
l’accusée ?
Jihane (se tourne vers l’avocate) : J’ai connu madame Trabaut…
L’avocate (dit gentiment) : Parlez à la Cour s’il vous plaît.
Jihane : J’ai connu madame Trabaut il y a de cela cinq ans. À l’époque j’avais du
mal à m’endormir, je faisais des cauchemars, je ne pouvais plus manger, je ne
pouvais plus travailler convenablement. Mon médecin m’avait alors prescrit deux
médicaments contre la dépression : quétiapine et venlafaxine. Cela n’a eu aucun
effet. Je suis allée à l’hôpital Bon Secours où j’ai subi plusieurs traitements, mais
toujours aucun résultat. C’est alors qu’une amie m’a parlé de madame Trabaut.
Au début je ne voulais pas aller car je ne croyais pas aux guérisseurs.
L’avocate : Mais quand vous vous êtes enfin présentée devant ma cliente, qu’est-
ce qu’elle vous a fait ?
Jihane : Elle m’a mis une boule sur la tête pendant quelques secondes, puis elle
m’a dit qu’il y avait dans mon cerveau un liquide qui ne fonctionnait pas bien. Ce
liquide, elle l’avait appelé…attendez, j’ai oublié le nom…
L’avocate : Liquide cérébro-spinal.
Jihane : Voilà ! Elle m’a remis une poudre noire. Je devais verser une petite
quantité dans de l’eau bouillante et inhaler le soir avant le coucher. J’ai fait cela
pendant vingt jours.
L’avocate : Et quel a été le résultat ?
Jihane : Incroyable ! Toutes mes souffrances ont disparu ! Et depuis ce jour je dors
bien, sans prendre aucun somnifère.
L’avocate : Après l’incident du 10 novembre 2023, est-ce que vous êtes retournée
chez ma cliente ?
Jihane : Oui j’étais allée le 3 décembre 2023 pour des douleurs dans mon oreille
gauche puisque les gouttes que mon médecin m’a prescrites étaient sans effet.
Madame Trabaut m’a mis dans l’oreille du coton imprégné d’un liquide jaune.
Elle m’a dit d’enlever le coton 48 heures après.
L’avocate : Et quel a été le résultat ?
Jihane : Depuis ce jour je ne sens plus aucune douleur dans mon oreille.
L’avocate : Je vous remercie madame.

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La juge : Des questions ? Madame la Procureure du Roi ?
La Procureure du Roi : Avez-vous jamais consulté un spécialiste O.R.L pour une
imagerie de votre oreille interne ?
Jihane : Non, madame.
La Procureure du Roi : Vous voyez ! Ces charlatans sont très malins. Ils guérissent
la douleur, et non le mal. Madame, vous avez intérêt à consulter un spécialiste en
Oto-Rhino-Laryngologie.
Jihane : Madame, vous n’êtes pas dans ma peau. Si un charlatan réussit là où un
médecin a échoué, alors vivent les charlatans !
L’avocate : Maintenant revenons aux événements du 10 novembre 2023. Votre
amie Samira affirme que ma cliente l’a menacée de mort, en faisant le geste d’un
mouton qu’on égorge (l’avocate imite ce geste). En tant que témoin oculaire ce
jour-là, dites-nous ce qui s’est réellement passé.
Jihane : Samira et madame Trabaut se sont disputées, mais en aucun moment
madame Trabaut n’a proféré des menaces. Ce n’est pas vrai ! Elle a seulement
menacé de lâcher son chien.
Samira (se met à crier) : Elle ment ! Quoi ! Jihane ! Tu oses nier les faits ? Tu
oses me faire ça ? C’est honteux ! C’est honteux !
La juge : Silence ! Madame Jabanda, si vous faites encore du bruit je vais vous
mettre dehors !
La Procureure du Roi (se lève soudainement) : Madame, n’oubliez pas que vous
témoignez sous serment ! Et je vous rappelle qu’un faux témoignage sous serment
constitue un délit puni par la loi. Je vous lis ici votre déposition à la police :
« Samira a confronté madame Trabaut et l’a traitée de menteuse. Alors celle-ci a
dit qu’elle allait la tuer. Elle a même fait un signe sur sa gorge comme on égorge
une personne. » N’est-ce pas vous qui avez tenu ces propos ?
Jihane : J’avais menti à la police, sous la pression de mon amie Samira. Mais j’ai
réfléchi. Je n’ai pas le droit de mentir pour envoyer une personne innocente en
prison. Si je fais cela, je n’aurai plus jamais le courage de me regarder dans un
miroir. Donc je le dis encore une fois : madame Trabaut n’a jamais menacé de
tuer Samira.
La juge : La Cour vous remercie madame, vous pouvez vous retirer. Bien, tous les
témoins ont été entendus. À présent, madame la Procureure du Roi, vous avez la
parole pour votre réquisitoire.

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La Procureure du Roi : Madame la Présidente, je serai brève, car les faits parlent
déjà d’eux-mêmes, des faits bruts, dénués de toute interprétation fallacieuse. Qui
est l’accusée ? C’est une personne qui a raté son parcours scolaire, non pour raison
de santé, mais par pure paresse. Oui, à 14 ans, elle cesse de fréquenter l’école dès
la première année du secondaire, sans aucune raison valide, et ce, malgré la
pression de ses parents. À 24 ans, elle vit à la charge du CPAS. Six ans plus tard,
c’est-à-dire à 30 ans, le CPAS arrête de lui fournir toute assistance financière pour
la simple raison qu’elle ne fait aucun effort pour trouver du travail.
Alors, sans diplôme, sans aucune formation, sans aucune qualification
professionnelle, voilà que l’idée lui vient de devenir médecin. C’est ainsi qu’elle
suit des cours par correspondance, pendant deux ans, dit-elle. Puis elle achète une
blouse blanche, une cloche, des boules de cristal, des araignées en plastique, bref
tout un tas de futilités, et la-voici devenue médecin !
MADAME LA PRÉSIDENTE, CETTE FEMME EST UN DANGER
PUBLIC CAR ELLE MET EN DANGER LA VIE DE NOS
CONCITOYENS. Pour en être convaincue, il vous suffit de vous rappeler ce que
nous avons appris de sa propre bouche et de celle des autres. Oui, elle affirme
avoir suivi des cours par correspondance pendant deux ans tandis qu’il faut neuf
ans de cours en présentiel et plusieurs années de stage pour devenir médecin.

Quels sont les médicaments qu’elle donne à ses patients ? Vous avez écouté
madame Mouyenguo parler de poudre noire à inhaler, du coton imbibé d’un
liquide jaune à insérer dans l’oreille, et Dieu sait quoi encore. Retenez bien ceci.
En Belgique il existe une institution appelée SCM, c’est-à-dire le Service de
Contrôle des Médicaments. Le SCM est agréé par les autorités publiques pour
contrôler tous les médicaments vendus sur le territoire belge, quitte à retirer du
marché des produits non conformes.

Cette poudre noire, ce liquide jaune, ont-ils été contrôlés par le SCM ? Non,
puisque le réseau de praticiens de la médecine illégale est un réseau
clandestin qui échappe complètement au contrôle du gouvernement. DONC
ON NE SAURA JAMAIS SI MADAME TRABAUT ADMINISTRE OU
NON DES POISONS À SES PATIENTS, COMME ON NE SAURA
JAMAIS COMBIEN DE SES PATIENTS SE TROUVENT AUJOURD’HUI
AU CIMETIÈRE PAR SA FAUTE !

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Oh oui, je sais, la défense, avec vantardise et glorification, va vous parler des
guérisons accomplies par sa cliente, en exhibant le cas de madame Mouyenguo
qui n’a plus senti de douleur à l’oreille grâce à ce fameux liquide jaune. Mais là
réside un autre danger, madame la Présidente. Oui, admettons que madame
Trabaut ait réussi à faire cesser la douleur. Cela veut dire qu’elle guérit la douleur,
et non le mal qui ne fait qu’empirer. Car en supprimant la douleur, elle désactive
ainsi la sonnette d’alarme qui permet de contrôler l’évolution insidieuse de la
maladie. Donc le patient se croit guéri, et ne s’aperçoit du contraire que
lorsqu’il est trop tard.

À présent penchons-nous sur les événements du 10 novembre 2023. Madame


Jabanda, pour ouvrir les yeux de son amie Jihane, fait semblant d’être malade, et
se plaint de douleurs aux hanches. L’accusée, qui ignore tout de ce piège, lui
extorque 200 euros, et l’abreuve d’un diagnostic abracadabrant. La patiente,
facteur de profession, se voit reprocher le fait de rester assise toute la journée. Par
conséquent madame Jabanda lui rit au nez, lui dévoile sa profession de facteur,
crie à la tromperie, et naturellement réclame ses 200 euros. Pour l’accusée, c’est
un drame. Cette femme vient de la démasquer. C’est tout son empire qui risque
de s’écrouler si jamais elle est dénoncée. ALORS, DEVANT TÉMOIN, ELLE
N’HÉSITE PAS À LA MENACER DE MORT.

Madame la Présidente, ignorez le coup de théâtre bien accompli par madame


Mouyenguo, venue contredire à la barre sa déposition à l’audition de police. Cela
ne m’étonnerait pas que ce soit sous l’influence de madame Trabaut. L’accusée
a bel et bien proféré des menaces de mort. Qu’elle ait eu ou non l’intention
d’exécuter ces menaces, peu importe. Car la loi punit les menaces de mort, avec
ou sans réelle intention de donner la mort, puisque le simple fait de menacer suffit
à terroriser la victime à vie.

Pour conclure, madame la Présidente, à la lumière de tous ces faits que je viens
de vous démontrer, je retiens contre l’accusée l’inculpation d’exercice illégal de
la médecine, abus de confiance, extorsion, mise en danger de la vie d’autrui, et
menaces de mort. Sur ce, en ma qualité de protectrice de la société, je requiers
contre madame Arlette TRABAUT une peine que j’estime très clémente,
c’est-à-dire une peine de cinq années d’emprisonnement ferme, et dix mille
euros d’amende.

La juge : À présent la parole est à la défense pour sa plaidoirie.

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L’avocate : Si un charlatan réussit là où un médecin a échoué, alors vivent les
charlatans ! Madame la Présidente, cette phrase de madame Mouyenguo résume
bien toute l’affaire. Car, au fond, que reproche-t-on à madame Trabaut ? Eh bien,
on lui reproche d’avoir brillamment réussi là où la médecine conventionnelle
a lamentablement échoué. Quant aux charges officiellement retenues contre elle,
il ne s’agit là qu’un rideau de fumée destiné à camoufler les véritables motifs de
cet acharnement contre ma cliente. D’ailleurs, quand on prend la peine d’analyser
objectivement toutes ces charges l’une après l’autre, on s’aperçoit vite que ce n’est
qu’un château de cartes qui ne tient pas debout.

Pratique illégale de la médecine ? Attardons-nous un peu là-dessus. C’est quoi un


médecin ? Le dictionnaire Robert en donne la définition suivante : « Personne
qui exerce la médecine, et qui est titulaire du diplôme de docteur en
médecine ». (L’avocate avance de quelques pas jusqu’en face de la juge.) Ma
cliente a-t-elle jamais prétendu être un médecin ? Jamais ! A-t-elle une seule fois
porté le titre de Docteur ? Jamais ! Sur ses cartes de visite et sur ces affiches
publicitaires, elle ne mentionne que « Madame Arlette TRABAUT »

Madame la Procureure du Roi vous a dit que ma cliente appartient à un réseau


clandestin qui échappe au contrôle du gouvernement. Quelle plaisanterie ! Ma
cliente a bel et bien déclaré son travail d’indépendante aux autorités compétentes,
et depuis dix ans elle paie des impôts. Vous verrez dans le dossier, madame la
Présidente, ses derniers extraits de rôle. (L’avocate parle tout en regagnant sa
place) D’ailleurs, notez-le bien, ma cliente n’accepte jamais de paiement en
liquidité. Elle se fait toujours payer par Bancontact, ce qui laisse au service public
Financier la possibilité de contrôler ses revenus, en cas de contentieux. (L’avocate
est revenue à sa place.)

Extorsion ? Abus de confiance ? Pas le moins au monde ! Ma cliente a bien


mentionné sur ses affiches publicitaires que le coût de la consultation était 200
euros. Madame Jabanda savait donc très bien que la consultation n’était pas
gratuite.

L’accusée est un danger public car elle met en danger la vie de nos concitoyens !
C’est madame la Procureure du Roi qui le dit. Là encore attardons-nous sur ce
détail. Souvenez-vous, en début d’audience, ma cliente a laissé éclater sa colère
et sa frustration en traitant notre Justice de « système pourri et corrompu ». Cette
affirmation nous interpelle tous. OUI, ON ACCUSE UNE PRATICIENNE DE
LA MÉDECINE ALTERNATIVE DE METTRE EN DANGER LA VIE
D’AUTRUI, ALORS QU’ON LAISSE TRANQUILLES LES FABRICANTS
DE CIGARETTES ET DE BOISSONS ALCOOLISÉES !

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Madame la Présidente, savez-vous combien de personnes meurent en Belgique à
cause du tabac ? Je vous lis les statistiques : « Selon une enquête de la Ligue
Cardiologique, le tabac tue chaque année près de 5 millions de personnes
dans le monde. En Belgique, on note près de 20.000 décès par an, soit 55 décès
par jour, ou encore trois décès par heure ! »

Et pourtant aucun ténor de l’industrie du tabac n’a jamais été accusé de mise en
danger de la vie d’autrui !

L’avocate marche jusqu’à la table où sont exposés les outils de travail de sa


cliente. Elle se saisit d’une boule de cristal.

L’avocate : La Procureure du Roi a traité de « futilités » les outils de travail de ma


cliente. Et pourtant ce sont ces futilités qui ont guéri une centaine de personnes là
où la médecine conventionnelle a échoué. Ah ! Il paraît qu’en supprimant la
douleur, ma cliente désactive ainsi la sonnette d’alarme qui permet de
contrôler l’évolution de la maladie. LÀ ENCORE MADAME LA
PROCUREURE DU ROI S’ACHARNE TELLEMENT À DIABOLISER
MA CLIENTE QU’ELLE N’HÉSITE PAS À NÉGATIVER SES
PROUESSES. OUI, GUÉRIR UN PATIENT D’UNE DOULEUR
CHRONIQUE RELÈVE D’UNE PROUESSE, SURTOUT QUAND LE
MÉDECIN TRAITANT N’A PU RIEN FAIRE.

(L’avocate parle en regagnant sa place) La douleur est-elle le seul moyen pour


contrôler l’évolution d’une maladie ? Qu’en est-il des analyses ? Qu’en est-il de
la radiographie ?

L’avocate est revenue à sa place.

Madame la Présidente, depuis les temps immémoriaux, les médecins classiques


ont toujours été jaloux des praticiens d’une médecine alternative et naturelle. Car
ces médecins sont obsédés à l’idée que seule la médecine conventionnelle doit
s’arroger le monopole de la guérison. Et, quiconque n’a pas été guéri par un
médecin n’a pas le droit de se croire guéri ni se déclarer guéri.

IL NE S’AGIT PAS ICI DE REMETTRE EN QUESTION L’EFFICACITÉ


DE LA MÉDECINE CONVENTIONNELLE, MAIS DE DÉNONCER LES
ABUS QU’ON COMMET EN SON NOM !

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J’espère qu’un jour viendra où la médecine conventionnelle et la médecine
alternative cohabiteront main dans la main, dans un sursaut de tolérance et de
complémentarité.

Quant aux prétendues menaces de mort que ma cliente aurait proférées contre
madame Jabanda, la déposition de son amie Jihane est sans équivoque. Oui, dans
un premier temps, sous pression, dit-elle, elle a déclaré à la police avoir été témoin
oculaire de ces menaces. Seulement, secouée par le remords, elle a compris
l’abjection de cette machination à laquelle elle avait participé, d’où sa volte-face.
Souvenez-vous de ses paroles : « Si jamais je mens pour envoyer une innocente
en prison, je n’aurai plus jamais le courage de me regarder dans un miroir. »

Madame la Présidente, j’espère que vous prononcerez un non-lieu en faveur de


ma cliente, et là-dessus son acquittement pur et simple. Mais si, en dépit de
toutes ces preuves qui crient son innocence, vous envoyez madame Trabaut
en prison, eh bien, pour la première fois de votre brillante carrière, vous
commettrez une grave erreur judiciaire.

La juge : Accusée, avez-vous quelque chose à ajouter pour votre défense ?

L’accusée : Non, madame la Présidente. Je n’ai plus rien à déclarer.

La juge : Bien. Les débats sont clos. À présent la Cour va se retirer pour délibérer.
L’audience est suspendue.

L’huissier : La Cour !

Tout le monde se lève, et la juge se retire.

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Scène 5

La juge revient dans la salle d’audience. La sonnerie retentit.

L’huissier : La Cour !

Tout le monde se lève.

La juge : Veuillez vous asseoir. L’audience a repris. Accusée, restez debout. À


présent je vais donner lecture du verdict. La Cour, après avoir délibéré, rend le
jugement qui suit. Concernant l’accusation de pratique illégale de la médecine,
la Cour prononce un non-lieu d’autant plus que le Parquet n’a pu prouver au-
delà de tout doute raisonnable que l’accusée pratiquait autre chose qu’une
médecine alternative, basée sur des méthodes non conventionnelles. Par ailleurs,
le Parquet n’a pu apporter des preuves probantes de la dangerosité de ces
pratiques.

Concernant l’accusation d’extorsion et d’abus de confiance, la Cour prononce


un non-lieu, faute de preuves probantes.

Enfin, concernant l’accusation de menaces de mort, étant donné que le seul


témoin des faits s’est rétracté en niant formellement l’existence desdites
menaces, la Cour prononce l’acquittement de l’accusée au bénéfice du doute.

Par ces motifs, la Cour déclare l’accusée non coupable des faits qui lui sont
reprochés, et ordonne sa relaxe immédiate.

L’audience est levée !

L’avocate et l’accusée se félicitent l’une et l’autre.

L’huissier : La Cour !

La juge quitte la salle d’audience.

FIN

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