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MATIERE 

: Preuve et Procès
PROFESSEUR : M. Pierre Tcherkessoff
CYCLE / GROUPE / OPTION : PGE et BBA 1
ANNEE : 2020 / 2021 DATE : 18 mars 2021
NOMBRE TOTAL DE PAGES (Sujet + Annexes) : 2

FAITS
L'affaire dont vous avez à vous occuper aujourd'hui est une affaire de filouterie, ou grivèlerie.
Il s'agit, aux yeux de l'article 313-5 du code pénal, « du fait par une personne qui sait être dans
l'impossibilité absolue de payer ou qui est déterminée à ne pas payer, de se faire servir des
boissons et des aliments dans un établissement vendant des boissons ou des aliments ».

Le prévenu, Monsieur PASDECHANCE, est un homme de 31 ans, rondouillard et mal fagoté,


engoncé dans sa parka dont la fermeture éclair est remontée jusqu'à son menton. Les faits sont
les suivants : le prévenu s'est présenté à l'heure du déjeuner à un restaurant de la chaîne
Rhinocérus et a commandé un apéritif, un tartare de tomate, une entrecôte avec des frites, une
coupe glacée et, ayant sympathisé avec ses voisins de table, leur offre le champagne. L'après-
midi traînant en longueur arrive l'heure du dîner, qu'il prendra sur place faisant à cette
occasion la connaissance de deux jeunes filles Grecques, à qui il offrira l'apéritif, et se fera
servir une bouteille de Côtes du Rhône, du fois gras en entrée, suivi d'une andouillette et d'un
dessert du jour, dont la teneur exacte n'est pas précisée dans le dossier de police qui vous est
soumis. La serveuse lui présentant une addition de 148,50 euros, il lui révélera alors qu'il ne
pouvait pas payer. Le gérant appela la police, qui le plaça en garde à vue, à l'issue de laquelle
le procureur décidera de renvoyer le prévenu devant le tribunal, eu égard au fait qu'il ne s'agit
pas de la première fois que le prévenu se rend coupable de ce genre d'agissements.

De même, Monsieur PASDECHANCE est soupçonné avoir commis un vol à l’étalage avant
d’être entré dans le restaurant où il se fera interpeller. En effet, Monsieur PASDECHANCE a
été filmé en train de mettre dans ses poches trois boites d’allumettes et une bougie ; le film de
la vidéosurveillance du magasin montre également qu’il sort du magasin sans passer par les
caisses. La police a été appelée par le vigile qui se trouvait dans le local de vidéosurveillance
du magasin mais est arrivée trop tard. Un des agents de police qui avait été envoyé sur les
lieux et qui avait visionné la vidéo a reconnu le prévenu au moment de son interpellation dans
le restaurant. Le montant de ce vol est de 5 euros et 30 centimes.

PROCES VERBAL D’AUDITION DE MONSIEUR PASDECHANCE


Voici les éléments importants issus du PV d’audition de Monsieur PASDECHANCE.
Interrogé sur les raisons de son comportement par la police, il répond : "Je ne sais pas, je
n'arrive pas à analyser les raisons de mon comportement. J'ai commencé une thérapie afin de
m'aider à comprendre les raisons qui font que je ne peux pas résister à la pulsion d'aller ainsi
déjeuner alors que je n'en ai pas les moyens. « Pour ce qui est du vol, je l’avoue mais ne peux
pas l’expliquer non plus… ce n’est pas la première fois que ça arrive. J’ai également
commencé une autre thérapie pour savoir pourquoi je vole, je crois que je suis malade, je ne
peux pas m’en empêcher. Quand j’ai vu cette bougie, j’ai pensé à un dîner aux chandelles, je
me suis mis à rêver, puis j’ai pleuré en pensant que j’étais seul, je l’ai pris pour l’allumer
quand même sous le pont en bas de chez moi en guise d’espoir, j’aurais fait une prière pour

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que mon célibat prenne fin. Je voulais la payer mais ça a été plus fort que moi, je n’ai pas pu,
et puis je me disais que la société me devait bien ça, pour tous mes malheurs.» En réponse à
une des questions, il précise qu'il ne choisit pas le même restaurant ni la même chaîne de
restaurants. L'enquête de police a montré qu'il a fait l'objet de 7 mentions précédentes au
STIC (système de traitement des infractions constatées), depuis 2008, la majorité de ces faits
étant située en 2009. - Un policier lui demande : « si vous savez que vous avez ces pulsions et
que vous ne pouvez pas y résister, pourquoi vous y soumettre en vous rendant dans ces
restaurants parisiens ? Vous habitez en lointaine campagne, cela suppose un certain trajet. » A
cela, le prévenu répond : "J'y vais à cause de l'ennui. Je n'ai pas de travail à cause de mes
problèmes de santé, je me sens terriblement seul. Je fais cela pour voir du monde, pour avoir
de la compagnie. De plus, je ne supporte plus la campagne, suite à quelques difficultés avec
des poules, je suis atteint maintenant de gallinophobie".

LE PASSE JUDICIAIRE DU PREVENU


Son bulletin n°1 du casier judiciaire mentionne une condamnation remontant à six ans à une
peine de prison avec sursis pour des blessures involontaires. Toutefois, lorsqu'il a été entendu
par la police, il a mentionné qu'il aurait déjà été condamné à des peines d'amende. Vous avez
connaissance de la chaîne pénale du prévenu. Il s'avère qu'il a fait l'objet d'une condamnation
à 1 mois de prison avec sursis et mise à l’épreuve pour une durée de deux ans à une audience
qui s'est tenue il y a de cela 1 mois pour les mêmes faits (non règlement d’une note de
restaurant).

LA PERSONNALITE DU PREVENU
La mère du prévenu est secrétaire médicale dans la région Ile-de-France, son père est retraité
dans le centre de la France. Une enquête de personnalité a été effectuée comme pour chaque
dossier de comparution immédiate, laquelle confirme qu'il vit chez sa mère, hébergé à titre
gratuit. Il s'agit là du seul membre de sa famille avec qui il est encore en contact. C'est
quelqu'un de très isolé socialement, et qui en souffre. Il est au RSA depuis trois ans, à cause
d'une invalidité due à une maladie osseuse orpheline qui l'a rendu incapable de continuer sa
profession de fromager indépendant sur les marchés. Il y a deux ans, il a eu une hémorragie
cérébrale qui a aggravé son invalidité. Il a un dossier de demande d'allocations d'adulte
handicapé en cours qui n'a pas encore abouti, et depuis cette hémorragie, souffre également
d'épilepsie. Il est désormais invalide à plus de 80%. Le prévenu pense que l’hémorragie
cérébrale peut être en lien avec son comportement « J'y pense. Ca a pu me faire quelque chose
dans la tête. »

Projet professionnel du prévenu : Ce qui lui plairait, c'est de recommencer son commerce de
fromage, mais c'est fatigant... Quand il travaillait, il effectuait 76 heures par semaine. Depuis
son hémorragie cérébrale, il a beaucoup moins de résistance qu'avant. Toutefois Monsieur
PASDECHANCE est décidé à s’en sortir, il envisage de se tourner vers d’autres professions
ou vers des postes de travail aménagés à son handicap et à sa maladie, même si il pense que
dans la société actuelle ça ne sera pas facile.

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