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Au début du XXe siècle se poursuivait à travers le monde une industrialisation rapide et

générale. Au Québec, les effets de cette industrialisation se sont manifestés surtout par un
exode rural massif. Les gens laissaient les campagnes pour aller travailler en ville, se
séparant de la nature pour mieux profiter du progrès. Par contre, il en fut qui regrettèrent
cet éloignement. Alfred Desrochers est un poète que l’on peut compter parmi ces
mélancoliques. Dans son poème «Je suis un fils déchu», publié en 1930 dans À l’ombre
de l’Orford, il louange avec nostalgie l’époque de ses ancêtres ainsi que leur mode de vie.
Il glorifie le passé à travers une admiration pour les anciens coureurs des bois, pour leur
courage et leur mode de vie.

Le poète a une très haute considération et un respect sans limite pour ses ancêtres. On
peut être témoin de l’estime qu’il a pour eux entre autres à cause de leur courage. Il décrit
un exemple de ce courage, conséquence directe de leur détermination en rappelant la
façon dont ils affrontaient les intempéries : «Quand s’abattait sur eux l’orage des fléaux,/
Ils maudissaient le val, ils maudissaient la plaine,/ Ils maudissaient les loups qui les
privaient de laine:/ Leurs malédictions engourdissaient leurs maux.// Mais quand le
souvenir de l’épouse lointaine/ Secouait brusquement les sites devant eux,/ Du revers de
leur manche, ils s’essuyaient les yeux/ Et leur bouche entonnait : “À la claire
Fontaine“…» (Alfred Desrochers, l. 13 à 20) L’hyperbole «l’orage des fléaux» permet de
mettre l’emphase sur les malheurs dont étaient victimes, sans relâche et de façon brutale,
comme l’éclatement d’un «orage», ses ancêtres. Qui-plus-est, le nom fléaux, non
seulement au pluriel, toujours pour amplifier l’effet décourageant de l’image, a pour
signification la généralisation du malheur, car il étend ses dommages à tout un peuple.
Cette hyperbole fait introduction pour l’anaphore qui la suit directement. À travers ces
répétitions, on peut comprendre la lassitude, la léthargie ou la rage qui pouvait les habiter
quotidiennement alors qu’ils traversaient les diverses épreuves, par exemple l’hiver, qui
se dressaient sur leur chemin. Mais ils ne se contentaient pas simplement d’endurer et
d’ignorer le mal qu’ils subissaient comme le suggère l’emploi du verbe «engourdir».
Leur courage était si grand qu’ils le faisaient dans la fierté et la bonne humeur. Le verbe
«secouer», qui signifie remuer avec force, couplé avec l’adverbe «brusquement», qui
signifie soudainement, permet de comprendre que l’image des femmes desquelles ils
devaient s’ennuyer venait s’ajouter au lot de leurs fléaux quotidiens qui, comme on peut
le remarquer, sont décrits exactement de la même façon, à savoir violents et
imprévisibles. Pourtant, comme une ultime démonstration de leur courage, ils chantaient.
L’usage de la personnification de la «bouche» semble indiquer un détachement complet
de l’ancêtre malgré ce qu’il vit. Le simple fait de chanter peut être un indice de bonne
humeur, mais le choix de la chanson même, «À la claire Fontaine», est fait
judicieusement car, non seulement ils ne se plaignaient pas de leur situation, mais ils la
louangeaient en fredonnant, à travers l’hymne nationale de la Nouvelle- France.

Le poète glorifie aussi le passé en relatant avec respect les exploits de ses aïeux :
« […] Je tiens ce [celui de ses ancêtres] maladif instinct de l’aventure, /Dont je suis
quelquefois tout envoûté, le soir;// » En fait, dans cet extrait, le poète indique qu’il a une
tendance innée et puissante qui est sujette à devenir une maladie si elle n’est pas prise en
compte. Il respecte ses ancêtres, car ils ont réussi à vivre dans l’imprévu et ont pu avoir
une vie qui comporte des risques. Ils étaient très vaillants, compte tenu que leur vie était
imprévisible; remplie de dangers. De plus, il vit une vie sédentaire qui est complètement
à l’opposé de celle qu’il désire et il en prend conscience le soir car, durant la journée, il
vit dans un monde où tout est programmé : une vie totalement à l’opposé de l’aventure. Il
vit de façon sédentaire et il est en désuétude. Le narrateur a un besoin d’aventure
imprégné en lui et cet instinct favorise son grand respect pour ses ancêtres, car ceux-ci
ont pu faire ce qu’ils aimaient le plus c’est-à-dire vivre librement. De plus, il relate avec
respect les exploits de ses aïeux: «Par nos ans sans vigueur, je suis comme le hêtre/ Dont
la sève a tari sans qu’il soit dépouillé,/ Et c’est de désirs morts que je suis enfeuillé,/
Quand je rêve d’aller comme allait mon ancêtre» La comparaison à l’hêtre vient renforcir
l’image de la sédentarité qu’il ne veut pas avoir et exprime son attachement à la nature.
L’oxymore «désirs morts» met l’emphase sur le fait qu’il est en quête de sentiments,
mais il ne ressent plus rien. En fait, il ne peut ressentir ces désirs, car ils appartiennent à
un passé révolu. Il aspire à une autre réalité pour satisfaire son idéal de vie. Le vers «
d’aller comme allait» évoque que, par sa quête de liberté et de désirs, il comprend
comment vivre, dans un monde qui n’est pas adapté pour lui et réalise comment vivaient
ses ancêtres. De plus, ce vers fait aussi opposition à la sédentarité qu’il désire rejeter à
tout prix. Le ton que le narrateur emploi est sans vigueur et il est très détaché de la
situation. Cela représente le fait qu’il s’est résigné à la situation. Le titre représente bien
son état «Je suis un fils déchu» évoque le fait qu’il est né ainsi et qu’il risque de le rester.
La mention constante de la nature représente la liberté. C’est dans la nature que l’être
humain trouve l’indépendance absolue et n’est pas captif de la vie monotone.

Dans le poème «Je suis un fils déchu» d’Alfred Desrochers, le poète louange avec
nostalgie l’époque de ses ancêtres. Par leur courage et leur mode de vie, l’auteur fait
passer son admiration pour ceux-ci. En ce sens, il idéalise l’époque, le lieu et les gens qui
ont vécu durant le temps convoité. Pourtant, malgré tout l'égard qu'il porte pour ses aïeux,
le poète décrit l'environnement de l'époque comme apparemment violent et très difficile.
Certes, c'est cet environnement qui a fait d'eux ce qu'il admire tant, mais il est improbable
qu'il considère leur situation comme idéale.

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