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Histoires des ordres Martinistes

quelques points de vue


les uns « officiels »

les autres « selon les rédacteurs »

les uns selon des données exactes


d'autres selon des données « légende urbaine »
et celles dans un mélange des deux ou en fonction des données « connues »

Leçon de
discernement
« La foi dans les mondes spirituels est accompagnée de la Prudence et du discernement »

L'aveugle accompagne sa marche d'un bâton !

Apprenez à penser librement !

1
Introduction
Une conférence
Belgique, Vendredi 19 h 20, 23 personnes, et les organisateurs.
Quelques français, une majorité belge évidemment.
J'ai commencé à 19 h 20 et parlé en suivant le plan suivant :

crptrad n'est pas le Martinisme


présentation rapide de crptrad, 4 ou 5 min
moi, ce qui m'autorise à parler de mon Martinisme
Martinisme ou Martinismes
j'aborde le sujet du jour sous un angle historique :
avant Martinez, Martinès
avec Martinès
saint martin willermoz
après saint martin
papus
teder
après papus teder; les premières scissions
philippe encausse ambelain
Les ordres Martinistes actuels
refus d'examiner les causes éventuelles des divisions successives à partir du critère suivant :
vous arrivez dans un groupe, vous êtes bien, c'est un bon groupe, le votre.
Vous n'y êtes pas bien, vous partez.
Ce qui vous préoccupe c'est ce que vous trouvez dans le groupe.

Commentaire d'une phrase de papus

Distribution de documents

9 février réunion préparatoire à une adhésion, même lieu, même adresse, 19 h 30.
Ceux qui sont présents et leurs amis sont les bienvenus.
Questions du public
fin de la conférence 22 h 32 précises à ma montre.
Pas de lassitude apparente du public, certains vont prolonger et le conférencier dormira tard !
Rangement de la salle !

Espérons que le Martinisme se développera ou que les Martinismes grandissent, deviennent


adultes, atteignent une sagesse qui permettrait aux profanes d'aller là où ils pourraient rester
Martinistes.

2
Mot de l'assembleur

Ci dessous et sans ordre quelques éléments relevant d'une des histoires du Martinisme.
Pêle-mêle volontaire, certains articles sont récupérés de la toile en fonction d'un intérêt, soit
par la qualité, soit par la qualité d'un passage, soit par les erreurs véhiculées, soit par
l'utilisation de connaissances incomplètes (mais pour ce point, force est de constater que nous
en sommes tous là, ce qui signifie aussi, un minimum de considération pour les travaux, et un
maximum de travail pour construire les éléments les plus cohérents possibles d'une histoire
non fantasmée des courants Martinistes.

3
I

Article extrait du livre de J Corneloup, G O 33°, "je ne sais qu'épeler" éditions vitiano,
Paris 1971.
THÉOSOPHIE ET FRANC-MAÇONNERIE p 91
…expliquer n'est pas prouver, et si je vois beaucoup d'explications dans les écrits
théosophiques, je ne découvre pas de preuves.
Mais il y a des faits, dit-on. Des FAITS? En dernière analyse ils ressortissent aussi du
domaine de l'invérifiable. Jusqu'ici du moins ils échappent souvent au contrôle et toujours à la
mesure, ils ne permettent pas la déduction scientifique. Notez que je ne dis pas : ils ne sont
pas du domaine de la science.

En effet, je ne conteste pas l'existence de certains phénomènes dits "métapsychiques",


et c'est avec raison que des savants s'attachent à leur étude. Mais les investigations n'ont pas
dépassé le stade de la simple observation, et cette observation même n'a aucune sûreté. Toute
déduction demeure hasardeuse, entachée d'un coefficient majeur d'arbitraire.

C'est qu'en ce domaine tout reste fondé sur le témoignage humain, et nous savons,
hélas ! ce que vaut ce témoignage. Même chez les plus éclairés des hommes, même parmi les
meilleurs, on le découvre sujet aux aberrations les plus inexplicables. Souvenons-nous des
mésaventures de Claude de SAINT-MARTIN et de J-B. WILLERMOZ victimes de
l'AGENT INCONNU (Madame de LA VALLIÈRE, Marie-Louise de MONSPEY,
chanoinesse de Remiremont, démasquée par un autre "médium" de la plus médiocre valeur
morale et de la plus douteuse bonne foi Mademoiselle ROCHETTE). Et, plus prés de nous,
pensons aussi à CHARCOT. C'est que, il faut bien le dire, dans ce monde de la
métapsychique, nous voyons grouiller les désaxés, les tarés, les simulateurs qui, pour
longtemps encore, seront les pires obstacles aux études sérieuses.
Mais, à côté de cela, il ne faut pas ignorer ou sous-estimer les recherches qui se
poursuivent sans faire tant de bruit et sur des bases autrement solides. La psychophysiologie,
par des moyens et des méthodes vraiment scientifiques, jette petit à petit des lueurs sur les
modalités jusqu'ici inconnues de la formation et de l'évolution de la mentalité humaine. La
situation actuelle (1938) de cette science encore dans l'enfance, mais si riche de promesses,
est exposée magistralement dans le tome VIII de la nouvelle « Encyclopédie Française » qui
vient de paraître. En lisant ces pages, j'ai mesuré toute la distance qui sépare la vraie science,
- (qui n'avance que pas à pas, qui n'émet d'hypothèse et ne tire de conclusion qu'en soulignant
les insuffisances et les risques d'erreur) -, des spéculations ingénieuses plus attachées à
convaincre qu'à prouver et …

4
II

L’Ordre Martiniste au Danemark

L’Ordre Martiniste commence en 1898, les indices sont assurés jusqu’en 1936.

Tout semble commencer avec Carl William Hansen, connu sous le nom de Ben
Kadosh.
Hansen est né le 11 octobre 1872 à Copenhague.
Il est marié avec Johanne Dorothea, dont il a deux enfants, le premier est né en 1904.
Ils sont d’origine luthérienne.
Pour les services administratifs, Hansen se déclare comme Luciférien en 1911. Il
exerce le métier de crémier dans un quartier pauvre de Copenhague.

A 26 ans, il aurait reçu une initiation Martiniste et son initiateur serait le baron
Alphonse Wallen.
En 1906, Hansen progresse dans l’ordre Martiniste ; la même année, il publie un livre
sous le pseudonyme de Ben Kadosh. Disciple de Lucifer, le porteur de lumière, en rien
sataniste, Hansen devient le délégué danois pour l’ordre Martiniste en 1917.
Son titre lui permettra d’obtenir des chartes et d’établir de multiples ordres occultes.

Il est en possession de différentes patentes ou chartes Martinistes lorsqu’il entre en


contact avec Bricaud pour obtenir de lui une charte maçonnique.

Hansen avait des chartes qu’il tenait de Theodor Reuss depuis 1908.

La patente maçonnique venue de France, et datée du 22 avril 1921 permet de travailler


18 degrés du rite écossais ; le 17 juin 1921, une nouvelle patente autorise les travaux sur 33
degrés. Le 31 juillet 1921, une troisième patente venue de France donne l’autorisation de
fonctionner au rite Cerneau (New York 1807).
Septembre 1921, Théodore Reuss envoie à Hansen un « paquet » de chartes, église gnostique,
Memphis Misraïm, « O T O », Hermetic Brotherhood of Light.

Hansen obtient pour l’ordre Martiniste danois une nouvelle charte ; cette charte lui
sera par la suite retirée !
Une maçonnerie danoise fonctionne à partir d’une patente maçonnique délivrée par
Bricaud.
En 1923, Hansen utilise son autorité de Délégué de l’ordre Martiniste. Il utilise une
charte de Bricaud qui lui permet de fonder le « Grand Orient de la vraie et haute maçonnerie
ésotérique et gnostique du Danemark ». Il allume les flambeaux de la loge maçonnique « Le
sphinx » à l’orient de Copenhague ; elle fonctionne sous le même toit qu’un autre groupe
maçonnique.
Cette loge semble surtout être une loge Martiniste. En 1924, la loge est mise en
sommeil, quelques membres manifestent pourtant le désir de travailler en tant que francs-
maçons.
L’Italie entre en scène pour délivrer une charte datée du 24 juin 1924 qui permet de
travailler les grades de la loge bleue. Cette charte accorde pleine souveraineté à cette unique

5
loge. Il est nécessaire de rappeler que Mussolini et le fascisme dominent l’Italie. La patente
permet de travailler au système Cerneau comme au système Morin autre nom du système de
Charleston ; d’autres rites sont inclus dans cette patente.

Pour Hansen, nous avons donc le rite écossais en 33 degrés, Italie par Frosini ; les
rites de Memphis Misraïm en 90 et 97 degrés, Reuss charte du 3 septembre 1921 ; l’ordre du
temple d’orient ou O T O avec 33 et X degrés, Reuss, charte du 3 septembre 1921, mais sans
les rituels de Crowley ; lumière hermétique avec 3 et 9 degrés, Reuss, charte du 3 septembre
1921 ; l’ordre Martiniste en France et en Italie en 7 degrés auquel est adjoint l’ordre
cabalistique de la rose croix, une patente de Teder du 28 octobre 1917 confirmée le 16
octobre 1921 par Bricaud, et un diplôme italien signé de Frosini ; un système alchimique avec
3 et 7 degrés ; la possibilité de travailler au rite de Swedenborg.

Hansen est philosophe inconnu VII, délégué général et grand maître de l’Ordre
Martiniste pour le Danemark !

Hansen apparaît souvent comme un «crédule ».


Ainsi alors qu’il pratiquait les rituels magiques dans une chambre au-dessus de sa
boutique, sa femme est montée lui faire remarquer que ses hurlements dérangeaient la
clientèle.
Alors qu’il organise une méditation sur la lame du tarot «la tour foudroyée » dans une
tour, celle-ci prend feu, et Hansen témoigne au tribunal qui en a vu d’autres, que c’est
l’incendie est naturel puisqu’une méditation bien conduite sur cette lame peut produire un
feu foudroyant.

Frosini serait, au moment où le fascisme prend le pouvoir, le grand maître de l’Ordre


Martiniste pour l’Italie.

Reuss est le grand maître de « Souveräne Sanktuarium das deutsche Reich. »

En 1930, Hansen démissionne de la loge «les trois colonnes » ; il a été à l’origine


d’une douzaine d’ordres ésotériques au Danemark ; il a pu diriger les travaux d’une loge
rosicrucienne de l’A M O R C dès 1929 ; il a pu être lié au «droit humain », au vieux système
allemand de l’ORDO AUREA & ROSAE CRUCIS.
Il se réfère dans un courrier à Spencer Lewis à Papus, Stanislas de Guaïta, Sédir,
Teder, Bricaud.

Carl William Hansen meurt en 1936.

Ces données sur le Martinisme au Danemark doivent permettre une recherche par les
passionnés d’histoire.

Ce petit texte n’est pas un document historique ; ces informations furent transmises de
bouche à oreille. Certains biographes n’ont aucune notion de précisions, de preuves… Je
vous invite à nous transmettre les éléments qui vous seraient connus, photocopies de
documents… Ils seront après vérifications installés sur notre site web «les maîtres passés ».

6
III

RITE DE MEMPHlS-MlSRAIM
Zénith de Paris, le 20 Octobre 1960.

Très-Chers FF. en tous vos Grades et Qualités, La diffusion d’une pénible nouvelle nous
échoit à tous.
La première lumière de l’Ordre en France s’est éteinte.
Le T. Ill. F. Charles-Henry DUPONT est retourné à l’Eternel Orient le Samedi 1er Octobre
1960. Avec le T.I.F. Philippe Encausse, et les Membres de sa Loge « Liberté et Progrès »,
nous avons accompagné sa dépouille au Cimetière de Coutances où il a été inhumé.
Grand-Maître du RITE DE MEMPHIS-MISRAIM pour la France et ses Dépendances,
Successeur en cette Charge des Très-Illustres et Regrettés F. Chevillon, Bricaud, Teder et
Papus, le T. Ill. F. Dupont laisse, à tous ceux qui l’ont approché et connu, le souvenir d’un
Maç. d’une urbanité exquise, d’une intelligence et d’une érudition remarquables et d’une
droiture de coeur et d’âme qui frappait dès le premier abord.
A son admirable compagne, Madame Marguerite Dupont, avec nos très sincères
condoléances, nous avons exprimé, au nom du RITE DE MEMPHIS MISRAIM en France,
l’expression. de nos sentiments attristés.
Néanmoins, en présence d’un Maç. » aussi spiritualiste que l’était le T. Ill. F. Dupont, la
vieille formule séculaire de l’ORDRE MAÇONNIQUE tout entier est, plus que jamais, à
rappeler : « Gémissons, mes FF., Gémissons, Gémissons ! Mais aussi espérons... » L’acacia
symbolique doit pouvoir reverdir sur le Tombeau d’HIRAM, si les FF.’. demeurent
indéfectiblement unis.
Désigné officieusement par le T. Ill. F. Dupont dès le début de cette année 1960 comme son
Successeur à la tête du RITE, il tint à nous assurer de façon solennelle et presque rituelle la
transmission de sa charge de Grand-Maître. Convoqué à Coutances le 13 Août 1960, nous
nous y sommes rendu, avec les TT. Ill. FF. Philippe Encausse et Irénée Seguret, pour recevoir
de ses mains fraternelles le témoignage même de sa confiance et de l’espoir qui continuait à
l’animer, quant au réveil du RITE en France, c’est-à-dire les Archives, Sceaux, Rituels, en sa
possession magistrale. Il y joignit encore le Bijou d’Ordre du 33ème Degré du T. Ill. et
Regretté F. Jean Bricaud.
Voici le texte même de l’Acte par lequel il a bien voulu nous appeler à lui succéder :
« Nous, Souverain Grand-Maître du Rite de MEMPHIS MISRAIM pour la France et ses
Dépendances, Président du Souverain Sanctuaire de France, désireux de permettre le réveil et
l’épanouissement du Rite de MEMPHIS MISRAIM en France, confions à dater de ce jour,
pour les Territoires susmentionnés, la Charge de Grand Administrateur du Rite au T. Ill. F.
Robert Ambelain, déjà 95ème du Rite depuis 1943, ledit Frère étant de ce fait et ipso facto
désigné comme mon Successeur à la Charge de Grand-Maître du Rite de MEMPHlS
MISRAIM pour la France et ses Dépendances.
Ne varietur :
Donné au Zénith de Coutances,

7
Ce 13ème Jour d’Août 1960 E. V. » Signé : Henry-Charles DUPONT, Souverain Grand-
Maître.
R. Ambelain 33-90-95 Témoins : Ph. Encausse (30°) 1. Séguret (32°)

Conscient de l’importance de cette Mission, qui est en fait la sauvegarde d’un Rite
Maç. » et initiatique héritier des grandes Traditions du 18è siècle, nous appelons à nos côtés
les FF.’. de tous Grades, de tous LL., Chap., Aréop., Cén., etc.., désireux de retrouver
l’ancienne ambiance maç. d’autrefois.
Avec eux et grâce à eux, nous pourrons reconstituer, la main dans la main, la Chaîne
frat. qui doit unir, au-dessus de toutes les passagères divergences humaines, les Maç. dignes
de ce nom.
Et que, sur le tombeau du F. » que nous pleurons tous, résonne donc encore une fois le
vieux et consolant cri d’ordre de toujours :

« Vivat... Vivat... Semper Vivat... »


Je vous prie de me croire tous, Très-Chers FF., en tous vos Grades et Qualités, très
fraternellement à vous par tous les Nombres qui nous sont connus.
Robert AMBELAIN, Gr. M. du Rite de MEMPHIS MISRAIM , pour la France et ses
Dépendances.

8
IV
Bref aperçu sur le Martinisme brésilien

On a écrit très peu sur le Martinisme brésilien ; la tradition


circule par le bouche-à-oreille
Papus a offert une première délégation nationale brésilienne en
1904 au frère Dario Velozo.

C’était un poète, un professeur, né le 26 novembre 1869, il a


permis la naissance du Martinisme brésilien dans la ville de Curitiba.
C’est pourtant surtout le pythagorisme qu’il sut nourrir.
Il nous semble donc que le mouvement Martiniste va exister
avec Antonio Olivio Rodrigues AOR, né au Portugal en 1879, il
débarque au brésil en 1890 ; se fait initier au Martinisme dans une
loge de Sao Paulo en 1907, par un initié de Papus, le docteur Horacio
de Carvalho lequel construit son action autour du « circulo ésotérico
da comunhao do pensamento ».
Aor est mort en 1943 ; son cercle ressemble dans son
fonctionnement au « groupement d’études ésotériques » de Papus,
toutes les études concernant l’ésotérisme y semblent possibles.
Une autre figure important : Francisco Wladimir Lorenz né en
Bohême le 24 décembre 1872 ; kabbaliste, il connaît de nombreuses
langues vivantes ou mortes. Il publiera de nombreux ouvrages qui
ouvrent diverses portes sur l’occultisme.
Le Martinisme commence réellement avec Albert Raimond
Costet de Mascheville, né en France à Valence le 1 septembre 1872. Il
fait des études de violoniste au conservatoire de Paris, il a rencontré
monsieur Philippe. Il avait été initié par Yvon Leloup, Sédir, il fut
maître des cérémonies de la loge Hermanubis ; c’est Doinel lui-même
qui l’avait consacré évêque gnostique.
Il avait accompagné Wirth dans sans tournée de conférences
dans les différentes loges où ils furent invités. Il est aussi membre de
l’O K R C.
C’est le 26 février 1910 qu’il débarque avec sa femme à Buenos
Aires. Il semble rencontrer de réelles difficultés pour créer un
véritable mouvement Martiniste ; il commence à obtenir quelques

9
résultats quand il est « sponsorisé » par Ida Hoffmann, initiée par
Reuss à la maçonnerie de Memphis Misraïm.

En fait, Mascheville semble opérationnel à partir de 1924 –


1925, cela se traduit par la fondation d’une loge « hermanubis » au
brésil. Ce n’est pourtant que quelques années plus tard en 1931 –
1932 à Porto Alegre que le Martinisme paraît s’enraciner solidement.
En 1936, le Martinisme se déplace à Sao Paulo, le père Mascheville
transmet au fils Mascheville, les rênes du pouvoir. C’est donc Léo
Mascheville
Velozzo meurt en 1937, Léo semble avoir les coudées plus
libres pour créer un ordre véritable et passer du Brésil à l’Argentine,
ou à l’Uruguay. L’ordre est constitué le 14 mars 1940. C’est un ordre
souverain, donc indépendant. Le système est calqué sur le système de
Papus : associé, initié, supérieur inconnu. Le rituel est proche du rituel
de Teder. Chaque loge est dotée d’un initiateur apte à faire parcourir à
ses initiés les degrés d’études nécessaires à la compréhension du
Martinisme. Toutefois l’éclectisme reste à la base des travaux. L’idée
du Groupe Indépendant d’Etudes Esotériques est l’idée maîtresse de
l’action menée. Les traductions d’ouvrages de base se multiplient.
L’O K R C prend une place importante ; ainsi que la philosophie
indou.
Le nombre de 400 initiés est avancé au début de l’année 1944.
Quelques membres supplémentaires et l’ordre connaît son premier
vrai schisme, dès 1945 naissent l’ordre Martiniste d’Amérique du Sud
et l’ordre Martiniste universel, en plus de celui des débuts.
L’investiture de Pedro Freire est contestée, initié par Lorenz
comme Martiniste, comme gnostique par Ambelain ; des Martinistes,
comme des gnostiques de l’époque s’interrogent sur certains
fonctionnements, encore peu courants…
C’est au début des années 70 que le nouveau monde veut
reprendre contact avec la maison mère. Ary Xavier mène ce
mouvement de rapprochement. En 1973, il rencontre Ambelain qui lui
conseille de rencontrer Philippe Encausse.
Encausse le reconnaît comme souverain délégué de l’ordre
Martiniste au brésil.

10
Ary Xavier prend contact avec le rite écossais rectifié français,
avec Yvan Mosca, et avec l’espagnol José de Via qui lui demande de
publier au brésil son livre « Temas de Ocultismo Tradicional », lequel
livre est interdit de publication en Espagne.
Les Martinistes d’Amérique du sud reçoivent la visite du couple
Lorenzo – de Via en 1976.
L’ordre est affecté par la mort de Xavier en 1978.
Il semble pourtant toujours bien vivant, et nous accueillons des
Martinistes brésiliens dans CRPTRAD section Martinisme.

11
Martinisme au Brésil. Suite

Dans les années 80, Denis claing, québécois, marquait la vie initiatique locale en étant
membre de nombreux systèmes initiatiques.
Il devait être responsable pour le Canada et le Brésil d’un ordre Martiniste (O M I) et
de Memphis Misraïm.
Lors de son décès, Jean Marie Pomerleau aurait continué son oeuvre.
Les frères canadiens pourraient nous donner quelques informations complémentaires.
JM Pomerleau semble doté, comme d’autres « patrons » Martinistes d’une
personnalité « forte ».
Il est possible que l'OMI Brésilien, via le Canada, existe encore.

Denis CLAING fut membre des LPN ("les philosophes de la Nature")


Il appartenait aussi à la "paracelsus society" de salt lake city
(alchimie). Et à divers groupes occultes. Si JM Pomerleau et bien qui
je pense, il fut aussi membre des mêmes groupes dont les LPN.

12
ici on notera trois portraits Saint-Martin Willermoz et le portrait
supposé de Martinès, nous savons grâce à Caillet Serge qu'il n'en est
rien et tout ce que nous possédons comme image de Pasqually est une
« ombre »

13
V
Aperçu sur une diversité naturelle
des Ordres

14
NOM PÉRIODE PERSONNAGES RENSEIGNEMENTS
Elu cohen XVIII siècle Martines Dcd 20 09 1774
Cours particuliers de Toulouse, Fin XVIII Saint Martin Rôle des Philosophes inconnus
Lyon, Strasbourg, Paris… et des frères d’orient
+ 1803
Filiation russe par Saint ? Novikov Röle de Galitzine ou de
Martin ? Kourakine

Rite réformé de Saint Martin ? ? ? 7 grades ?


Rite écossais rectifié 1778 Willermoz Lien avec la stricte
observance templière
germanique
Ordre Martiniste Fin XIX Papus + 1917
Chaboseau père
Ordre Martiniste et Après la guerre de 14 Victor Blanchard
Synarchiste 18
OMT 1931 Chaboseau père ?
Ordre des élus-cohen 1942 ? Ambelain ???
1967 Yvan Mosca
O M rectifié 1948 J Boucher ?
O M de Papus 1952 Philippe Encausse & 7 ordres Martinistes au
moins existent
Ambelain
Union des trois ordres 1958 Ambelain & Encausse Ordre Martiniste Martinéziste
+ ordre Martiniste + ordre des
élus-cohen d’Ambelain
O m de Lyon XX J P Bonnerot
OM 1967 Philippe Encausse 1979 E Lorenzo
Elus-cohen 1967 Yvan Mosca Mise en sommeil 1968 réveil
depuis quelques années
OMI 1968 Robert Ambelain Kloppel Gaillard
Ordre des chevaliers 1980 Pierre Crimetz Collège du temple de
Martinistes l’homme
Ordre Martiniste des 1971 Armand Toussaint Actif à partir des
chevaliers du christ années 80
l'OMTL U S (ordre ? Etats unis
Martiniste
traditionnel libre)

Ordre Martiniste libre 1983 Pierre Rispal


Initiateurs libres XX siècle Tout S I I ou S I 4
Site internet 1997-98 Mariette Cyvard Site autonome,
« maitrespasses » indépendant…

Et depuis, la dernière ligne qui, alors, était une simple provocation aux sourires de
ceux qui me connaissent, nous avons vu proliférer d'autres, sans que cette ligne puisse être

15
prise autrement que l'affirmation de ma participation pleine et entière à l'ordre Martiniste
mais dans l'autonomie, et, l'indépendance la plus totale à tout ordre Martiniste puisque nous
voulons accueillir dans ce lieu tout Martiniste de tout Martinisme, à l'exception de quelques
voyous et autres snipper toujours prêts à voler ceux qu'ils voudraient bien tuer magiquement !

Ce tableau est aussi honnête que possible, en fonction des données connues lors de sa
création.
Les ordres affirment, l’histoire infirme, les écrits précisent, etc.
Le site les maîtres passés se veut aussi neutre et indépendant que possible, il prend en
compte les diversités, il est ouvert aux humains de bonne volonté, aux hommes des
différents ministères, il est fermé au mensonge, à l’inimitié, à la discorde.

J’ai croisé depuis mon premier contact avec l’ordre, en 1960, quelques créateurs d’ordre
Martiniste ou leurs amis et quelques grands maîtres.
Tous méritaient d’être rencontrés.

Martinisme et franc-maçonnerie
Habituellement, chaque groupement maçonnique contient une des formes du Martinisme
d’une façon claire et sans aucune dissimulation.

Le rite écossais rectifié qui hérite de Willermoz est construit sur une forme du
Martinisme, les chevaliers bienfaisants de la cité sainte ou C B C S ont une prise directe avec
le Martinisme.

Le rite de Memphis Misraïm a eu pour grand maître Papus, lui-même


grand maître et inventeur du Martinisme de 1887 ; les liens entre les obédiences se sont
maintenus à travers le temps. Il est fréquent que le grand maître de Memphis soit aussi grand
Maître d’une mouvance Martiniste.

La grande loge de France a initié Philippe Encausse dans la respectable loge


« la prévoyance » orient de Paris au grade d’apprenti le 20 novembre 1947 ; les loges Gérard
Encausse et Papus sont actives au sein de la grande loge.

16
Le Grand orient détient des patentes qui permettraient à des loges de travailler dans des
filiations Martinistes.

D’autres formations maçonniques possèdent des loges ou des ateliers supérieurs, des
cercles intérieurs, branchés discrètement sur le Martinisme.
Parfois des frères maçons se rassemblent pour pratiquer une forme de Martinisme.
Le Martiniste fait rarement du prosélytisme.
La voie étroite du Martinisme offre parfois une information dans une loge pour permettre
aux membres de la loge de se faire une idée plus juste de cette voie initiatique chrétienne
dans son essence, mystique dans ses rituels, intellectuelle dans ses travaux, cardiaque dans
son fonctionnement.
Le Martinisme informe des frères maçons, qui peuvent demander leur entrée dans l’une
des voies Martinistes.
Les membres des ordres Martinistes sont des hommes libres et de bonnes mœurs, certains
peuvent demander à entrer dans une loge bleue traditionnelle ; c’est un libre choix.

Martinisme et politique
J’ai pu apprécier que des élus et des personnes au revenu inférieur au Smic puissent
manger côte à côte, discuter ensemble, sans que l’un ou l’autre connaisse au départ la
position sociale de son voisin.
Ils étaient en fraternité.

Pour toute accusation de secte en relation avec le Martinisme de Papus et telle que
pratiquée dans la région Nord Pas De Calais Picardie, la réponse est élémentaire :
Les Martinistes vivent dans leur famille, ont une insertion sociale et professionnelle.
Les financements sont clairs ; la porte des temples Martinistes est entrouverte à l’entrée
des candidats, béante et parfois dégondée pour ceux qui veulent partir.

17
VI
Les Ordres Martinistes
Une certaine confusion peut exister dans l'esprit du profane, en ce qui
concerne l'existence de divers Ordres Martinistes. Contrairement à l'image répandue
par les "Obédiences" des rites maçonniques qui crée des barrières parfois
insurmontables, entre des hommes et des femmes de bonne volonté, ayant pourtant
un même idéal, les Ordres Martinistes n'entrent jamais en compétition les uns avec
les autres, ils pratiquent tous (à l'exception d'un seul d'entre eux) l'échange fraternel
de visiteurs. Les Ordres Martinistes ont des orientations différentes en ce qui
concerne leurs études et leurs enseignements, mais restent tous fidèles à l'unique
tradition initiatique occidentale.
L'Ordre Martiniste de Papus (Dr Gérard Encausse), fut crée en 1888. Papus
en fut le seul Grand Maître de 1888 jusqu'à sa mort survenue en 1916. L'Ordre resta
en sommeil jusqu'à sa résurgence faite par Philippe Encausse, son fils, en 1958.
En 1960, prenant la succession d'Henri-Charles Dupont, Philippe Encausse
effectua la fusion de sa résurgence avec l'Ordre Martiniste de Lyon, et en devint le
Grand Maître. Il occupa cette fonction de 1960 et en démissionna en 1971. Irénée
Séguret lui succéda et resta en fonction jusqu'en 1974. Philippe Encausse reprit de
nouveau la fonction en 1975 et en démissionna une seconde fois en 1979. Emilio
Lorenzo dirige cet Ordre depuis 1979.
L'Ordre Martiniste signa une alliance avec l’Église Gnostique Apostolique qui
faisait de cette organisation, l'église officielle du Martinisme. Philippe Encausse,
ayant été ordonné à la Prêtrise dans cette église, signa en 1968, un Protocole
confirmant l'alliance de 1918, et imposant la théologie de cette église comme
l'enseignement du Martinisme, et les services de cette églises devenant le support
sacramentel de tous les membres de son Ordre Martiniste.

Nombreux furent les Martinistes qui élevèrent des objections aussi bien contre
l'Alliance, que contre le Protocole, qu'ils considéraient comme une atteinte à leur
liberté religieuse. Nombre d'entre eux démissionnèrent, d'autres rejoignirent deux
Ordres nouvellement créés:

L'Ordre Martiniste Belge, qui fut présidé par l'astrologue et écrivain belge
Gustave-Lanbert Brahy jusqu’à sa mort, reçut son indépendance de Paris en 1975,
ou

L'Ordre Martiniste des Pays-Bas, fondé et présidé par Maurice H. Warnon


depuis 1974.

Les deux présidents cités ci-dessus, ayant été des membres du Suprême
Conseil de l' "Ordre Martiniste de Paris".

18
La fondation de ces deux Ordres fut faite à la demande de Philippe Encausse
lui-même, dans le but d'offrir une alternative aux Martinistes de son Ordre, ne
désirant pas s'engager dans la voie de l'église gnostique.
La Fédération des Ordres Martinistes fut fondée en 1958 et sa présidence
fut assurée par Philippe Encausse, il en fut l'unique Président jusqu'en 1975, lorsqu'il
accorda l'autonomie à toutes les organisations établies hors de France. Membre du
Comité Olympique International, Encausse bénéficiait du respect de tous les
Martinistes et son autorité à la tête de la Fédération ne fut jamais discutée. Il avait
une vue large et idéaliste en ce qui concerne la vie spirituelle en général, et
pratiquait la tolérance et la fraternité.

C'est donc à la suggestion de Philippe Encausse, en tant Président de la


Fédération des Ordres Martinistes que fut fondé en 1975, l'Ordre Martiniste des
Pays-Bas.
L'Ordre Martiniste-Martinéziste de Lyon, fut fondé par Charles Detré en
1916. Les Grands Maîtres successifs de cet Ordre furent:
Charles Detré "Teder" (1916-1918),
Jean Bricaud (1918-1934),
Constant Chevillon (1934-1944).
Cet Ordre fut définitivement clôt par son dernier Grand-Maître Henri-Charles Dupont,
le 14 décembre 1958, par sa fusion avec l'Ordre Martiniste de Philippe Encausse et avec
l'Ordre Martiniste des Elus-Cohen de Robert Ambelain. Cette fusion donna aux deux
résurgences une légitimité que certains avaient mise en doute. Toutes ces organisation
rejoignirent la Fédération citée ci-dessus, sous la Présidence de Philippe Encausse.

L'Ordre Martiniste et Synarchique est une branche de l'arbre Martiniste


établie en Grande Bretagne. Les détails de son histoire sont peu connus, et ses
membres pratiquent une grande discrétion. Plusieurs groupes de cet Ordre
fonctionnent au Canada.

L'Ordre Martiniste des Elus-Cohen de l'Univers fut fondé par Don Martinez
de Pasqually in 1768. Il entra dans l'organisation de la Maçonnerie par son disciple
et successeur Jean-Baptiste Willermoz. Il disparut quelques décades plus tard. Une
résurgence fut organisée par Robert Ambelain, pendant la seconde guerre mondiale,
puis définitivement clôt par lui, dans une déclaration officielle publiée dans la revue
Martiniste "L'Initiation", en 1964.

L'Ordre Martiniste Traditionnel fut créé par Augustin Chaboseau, en


parallèle avec "L'Ordre Martiniste-Martinéziste" de Lyon, pour succéder à l'Ordre
Martiniste de Papus.
Augustin Chaboseau avait été l'un des membres du Suprême Conseil original
de 1888. Si Papus en fut le chef administratif, Augustin Chaboseau en fut réellement
la tête occulte par ses connaissances et la valeur de ses initiations. Ayant de

19
sérieuses objections à l'encontre de l'orientation prise par Charles Detré, en ce qui
concerne l'alliance avec l'Eglise Gnostique, il continua à transmettre les initiation de
la tradition Occidentale par sa propre organisation. Directement ou indirectement, il
initia la plupart des Martinistes qui poursuivirent le combat pour la liberté religieuse:
Jules Boucher, Gustave Lambert Brahy, Maurice Warnon.

L'Ordre Martiniste Traditionnel de l'AMORC est réservé aux seul membres


de l'"Ancient and Mystic Order of the Rose and the Cross" (A.M.O.R.C.) qui fut créé
par Spencer Lewis. Cet Ordre dont la validité repose sur l'initiation de Ralf Maxwell
Lewis, fils de Spencer, et désigné par Augustin Chaboseau comme Souverain
Délégué Général pour la Californie et les États-Unis d'Amérique.
Ralf Lewis rompit les relation de la délégation américaine d'avec l'organisation
parente le 14 août 1951. Il fonda un Ordre séparé, reprenant le nom de Chaboseau
et se proclamant son seul successeur légitime. Son Ordre est le seul à refuser tout
contact avec les Martinistes des autres Ordres, et à ne pas recevoir de visiteurs.

L'Ordre Martiniste Initiatique fut créé par Jules Boucher, encore pour
s'opposer à l'influence croissante de l'église Gnostique. Jules Boucher tenta sans
succès d'allier son Ordre Martiniste avec la Franc-Maçonnerie. La plupart des
Maçons français étant hostiles au Christianisme, n'apportèrent aucun support à ses
efforts.
L'Ordre Martiniste Initiatique « disparut » à la mort de son fondateur et continua dans
la réalité des temples.
L'Ordre Martiniste Belge, fut créé à la demande de Philippe Encausse. Les
membres de son Suprême Conseil furent Gustave-Lambert Brahy, Pierre-Marie
Hermant, Stéphane Beuze, Marc Depourque, Nicolas Leruitte, Maurice Warnon qui
démissionna en 1975 pour fonder l'Ordre Martiniste des Pays-Bas

Cette branche du Martinisme disparut pratiquement avec son fondateur. Seul


Nicolas Leruitte poursuivit les activités du seul groupe survivant.

L'Ordre Martiniste des Pays-Bas, fut également créé à la demande de


Philippe Encausse en 1975, pour permettre aux Martinistes qui le désiraient, de
garder leur liberté de choix en matière religieuse. Lors de sa fondation, les membres
du Suprème Conseil de cet Ordre étaient: Maurice Warnon, Augustus Goetmakers,
Bep Goetmakers, Femke Iken, Annie Iken, Joan Warnon-Poortman. Cet Ordre est
actuellement actif aux Pays-Bas, en Belgique, en France, au Canada, en Angleterre
et aux États-Unis d'Amérique.Ce sont les membres de cet Ordre qui contribuent à
répandre le message Martiniste par ce site sur Internet.

20
VII
Histoire de l'Ordre
Le "Martinisme" est un courant de pensée dont les origines sont,
dans l'absolu, aussi anciennes que la tradition à laquelle il se rattache : la
mystique judéo-chrétienne, elle même héritière de la connaissance qui a
essaimé dans tout le bassin méditerranéen1.

Louis-Claude de Saint Martin (1743 - 1803), sous l'égide duquel


l'Ordre Martiniste a été fondé, est un théosophe2.

"La Théosophie est la doctrine chrétienne des XVIe. et XVIIe. s.,


tantôt populaire et mystique, tantôt érudite et philosophique, représentée par
Paracelse, Boehme, Weigel, Fludd, etc., et qui se caractérise par la réflexion
analogique ou l'illumination intérieure, l'expérience spirituelle, les notions :
d'émanation, de chute originelle, d'androgynat, de sophia, de réintégration,
d'arithmosophie, et surtout de double force". (A. Faivre, Encyclopaedia
Universalis, t. 15).
La théosophie (à ne pas confondre avec la Société Théosophique,
mouvement créé en 1875) se détache des églises constituées qui souvent
survolent, lorsqu'elles ne passent pas sous silence, certains points de doctrine
ou de praxis.
Sans pour autant négliger la recherche documentaire, l'Ordre
Martiniste ne se sent pas limité par l'histoire. L'histoire constitue un cadre
qui, par ses inévitables lacunes, se prête à des remaniements et à des mises au

1
« Pour l'antiquité, nous voilà servi, l'ordre se rattacherait non seulement au
courant judéo-chrétien mais aussi à ce qui a précédé. »
2
« Ce qui ne signifie pas qu'il a fondé l'ordre, mais une confusion de lecture
est possible.
Théosophe, donc le lecteur moyen va le rattacher à la théosophie même si des
précisions sont données! »

21
point au fur et à mesure que de nouveaux documents confirment ou infirment
les anciennes hypothèses.
L' Ordre Martiniste prend ses sources dans les structures cachées des
grandes lignes des mouvements de pensée aboutissant à la contemplatio, la
paix de l'esprit. A l'instar des anciens alchimistes, pour y parvenir il propose
laborare et orare.
Certains chercheurs n'ont pas hésité à donner comme source de ce
mouvement des confréries hermétiques du XIe siècle. Robert Ambelain,
notamment, cite l'Ordre des Frères d'Orient, qui aurait été fondé à
Constantinople en 1090, et fait remonter la généalogie de l'Ordre aux
courants gnostiques alexandrins des Ier au Ve siècles.
De telles hypothèses en valent bien d'autres, mais les seules sources que
l'on peut avancer sans crainte sont à puiser dans l'histoire telle que nous la
rapportent les documents authentifiables, ainsi que dans la tradition vivante
de l'Ordre.
Pour faciliter la lecture, et afin que le lecteur ait des repères aussi sûrs
que possible, nous avons scindé la partie historique en cinq chapitres :
Histoire de l'Ordre
Le "Martinisme" est un courant de pensée dont les origines sont,
dans l'absolu, aussi anciennes que la tradition à laquelle il se rattache : la
mystique judéo-chrétienne, elle même héritière de la connaissance qui a
essaimé dans tout le bassin méditerranéen.
Louis-Claude de Saint Martin (1743 - 1803), sous l'égide duquel
l'Ordre Martiniste a été fondé, est un théosophe. "La Théosophie est la
doctrine chrétienne des XVIe. et XVIIe. s., tantôt populaire et mystique, tantôt
érudite et philosophique, représentée par Paracelse, Boehme, Weigel, Fludd,
etc., et qui se caractérise par la réflexion analogique ou l'illumination
intérieure, l'expérience spirituelle, les notions : d'émanation, de chute
originelle, d'androgynat, de sophia, de réintégration, d'arithmosophie, et
surtout de double force". (A. Faivre, Encyclopaedia Universalis, t. 15).
La théosophie (à ne pas confondre avec la Société Théosophique,
mouvement créé en 1875) se détache des églises constituées qui souvent
survolent, lorsqu'elles ne passent pas sous silence, certains points de doctrine
ou de praxis.
Sans pour autant négliger la recherche documentaire, l'Ordre
Martiniste ne se sent pas limité par l'histoire. L'histoire constitue un cadre

22
qui, par ses inévitables lacunes, se prête à des remaniements et à des mises au
point au fur et à mesure que de nouveaux documents confirment ou infirment
les anciennes hypothèses.
L' Ordre Martiniste prend ses sources dans les structures cachées des grandes
lignes des mouvements de pensée aboutissant à la contemplatio, la paix de
l'esprit. A l'instar des anciens alchimistes, pour y parvenir il propose laborare
et orare.
Certains chercheurs n'ont pas hésité à donner comme source de ce
mouvement des confréries hermétiques du XIe siècle. Robert Ambelain,
notamment, cite l'Ordre des Frères d'Orient, qui aurait été fondé à
Constantinople en 1090, et fait remonter la généalogie de l'Ordre aux
courants gnostiques alexandrins des Ier au Ve siècles.
De telles hypothèses en valent bien d'autres, mais les seules sources que l'on
peut avancer sans crainte sont à puiser dans l'histoire telle que nous la
rapportent les documents authentifiables, ainsi que dans la tradition vivante
de l'Ordre.
Pour faciliter la lecture, et afin que le lecteur ait des repères aussi sûrs que
possible, nous avons scindé la partie historique en cinq chapitres :

"Martinésisme"... Les origines du Martinisme

La première source historiquement connue de ce que l'on peut appeler "le


Martinisme" se trouve dans l'ouvrage de Martines de Pasqually qui contient
sa théorie de "la chute et possible rédemption de l'Homme", ainsi que dans la
pratique de rituels qu'il mit au point progressivement mais qui ne furent
jamais terminés. Il s'agit du Traité de la Réintégration des êtres créés dans
leurs primitives propriétés, vertus et puissances spirituelles divines, écrit à
Bordeaux aux alentours de 1770.
Les origines de Martines sont encore fort méconnues, jusqu'à sa date de
naissance que l'on situe habituellement en 1727, à Grenoble. Des recherches
récentes donnent à penser qu'il serait plutôt né vers 1715. De père espagnol
(il serait né à Alicante en 1671) et de mère française, ce mystérieux
personnage, dans la lignée des grandes figures de l'histoire de l'ésotérisme,
était un grand voyageur et un ardent propagateur d'une praxis à but spirituel.
Dans un siècle voué de façon croissante aux "lumières" de la raison, il sut
imposer une vision profonde et exigeante de ce qu'il considérait, lui, comme

23
la plus grande Lumière : celle qui permet aux hommes de se réconcilier avec
leur dimension divine. Il appellera cette voie particulière la Réconciliation
(individuelle), qui doit précéder la Réintégration (collective).
Il n'existe aucun portrait d'époque de Martines. Celui que nous reproduisons
ici a été publié par Arthur E. Waite dans The Secret Tradition in Free-
Masonry, New York, Ed. Rebman. Bien qu'il ne présente guère, et de loin, de
garantie d'authenticité, il nous permet de mieux imaginer qui put être ce
personnage…

L'image fut longtemps considérée « portrait de Martinès il n'en est rien »


Il se définissait lui-même comme catholique romain, bien que l'on
puisse s'interroger sur les origines de ses doctrines. On peut cependant
affirmer qu'il possédait, outre le "catéchisme" chrétien traditionnel, de
profondes connaissances en kabbale et en théurgie.
Son entrée sur la scène publique a lieu en 1754, notamment dans les
milieux maçonniques. En développant une doctrine complexe sur la Création
et la mission attribuée aux hommes, il s'impose rapidement comme un
théosophe de premier plan.
Antoine Faivre, dans L'Esotérisme au XVIIIe siècle (Editions Séghers,
Paris, 1973), résume comme suit la doctrine de Martines au sujet de la chute,
thème commun à la plupart des grandes mythologies :
" Dieu, l'Unité primordiale, a doté d'une volonté propre les êtres qu'il a
"émanés", liberté qui eut pour conséquence la chute de certains esprits,

24
Lucifer voulant exercer lui-même la puissance créatrice. Celui-ci, ainsi que
les esprits qui l'avaient suivi, furent alors enfermés dans la matière, créée à
cet effet, puis Dieu envoya l'Homme, androgyne au corps glorieux, doué de
pouvoirs extraordinaires dès son émanation, garder les anges rebelles,
travailler à leur résipiscence. Mais Adam se laissa séduire par les anges
prévaricateurs ; il les imita ; pour punition il fut précipité dans l'état où il se
trouve actuellement et entraîna la nature dans sa chute. Un tel scénario
mythique nous suggère en quoi consiste la quête des hommes de désir. " (La
réintégration de l'Homme dans son état primitif).
Cette théorie, dit A. Faivre, qui est à rapprocher de celles de Paracelse,
de William Law et d'autres théosophes de l'époque, est bien plus complexe
que celle que l'on peut tirer d'une lecture au premier degré de la traduction
de la Genèse. La condition présente de l'Homme ne serait pas une fatalité
mais lui donnerait la possibilité de se "réintégrer" dans le divin, son origine,
en reconquérant ses prérogatives suspendues temporairement depuis la chute
de l'Homme archétypal. Pour cela, la voie qu'offre Martines est celle du
perfectionnement intérieur unissant purifications et pratique d'une théurgie
(ensemble de rituels comportant évocations et invocations) susceptible de
nous mettre en contact avec des entités spirituelles, intermédiaires entre Dieu
et nous.
On a souvent à tort identifié Martinès à un simple "mage", alors qu'il
était avant tout un profond croyant, et un homme d'une grande dimension
spirituelle. Preuve nous en est donnée par l'influence qu'il sut conserver
auprès de ses deux principaux disciples, Louis-Claude de Saint-Martin et
Jean-Baptiste Willermoz, qui reconnaîtront toujours en lui un maître, le
"premier" maître pour Saint Martin.
Martinès s'affilia à la loge "La Française", placée sous
l'administration de la Grande Loge de France, dont plusieurs de ses membres
étaient des personnages éminents du Parlement de Bordeaux. Martines
"utilisera" alors en quelque sorte le cadre maçonnique pour instituer, à son
abri, son propre système de hauts grades : l'Ordre des Chevaliers Maçons
Elus Cohens de l'Univers. A partir de 1758, son activité s'accentue. Il
parcourt la France : le Midi, Lyon, Paris, et initie de nombreuses
personnalités à son système.
En 1761, il construit son propre temple en Avignon où il restera
jusqu'en 1766. A la fin de cette année, Martines se fixe à Paris, où il
rencontre Jean-Baptiste Willermoz, puis, en 1768, Louis-Claude de Saint-
Martin, alors jeune militaire au régiment de Foix. Celui-ci deviendra, après
l'Abbé Fournier, son secrétaire.

25
Il se marie par l’Église et en 1767 lui naît un fils, Jean-Anselme, dont
on perd la trace pendant la Révolution. Le 11 juillet 1770, il annonce pour la
première fois qu'il travaille à l'ouvrage qui deviendra son chef-d'œuvre : le
Traité de la Réintégration (ouvrage cité).
Le 29 avril 1772, Martines part pour l'île de Saint-Domingue pour y
recueillir un héritage. Il y décède le 20 septembre 1774. Son Ordre ne lui
survivra guère ; les dernières loges des Chevaliers Maçons Elus Cohens de
l'Univers seront officiellement dissoutes en 1781 ...
Je ne suis qu'un faible instrument dont Dieu veut bien, indigne que je
suis, se servir, pour rappeler les hommes mes semblables à leur premier état
de Maçon, qui veut dire spirituellement hommes ou âmes, afin de leur faire
voir véritablement qu'ils sont réellement Hommes-Dieu, étant créés à l'image
et à la ressemblance de cet Etre tout-puissant.
(Martines de Pasqually dans une lettre du 13 août 1768, citée par
Robert Amadou dans l'Initiation de janvier 1969).
2. Saint-Martin et la Voie cardiaque
Saint-Martin et la Voie cardiaque

A la disparition de Martines de Pasqually, rituels et instructions restant


inachevés, les membres de l'Ordre des Chevaliers Maçons Elus Cohens de
l'Univers se trouvèrent désemparés, car à la mort de Caignet de Lestère et de
Sébastien Las Casas, qui lui succédèrent, les Temples sont fermés. Le maître,
l'inspirateur, n'était plus. Willermoz et Saint-Martin, chacun à leur manière
et de façon bien distincte, mirent leurs pas sur ses traces.
Jean-Baptiste Willermoz, un notable lyonnais, s'était intéressé à la
Franc-Maçonnerie dès l'âge de vingt ans. En 1753, âgé de 23 ans, il avait
même fondé une loge, la "Parfaite Amitié", dans sa ville natale de Lyon.
Mais c'est à Bacon de la Chevalerie qu'il dut de rencontrer Martines de
Pasqually à Versailles en 1767. Il avait trouvé sa voie : la Réintégration
proposée par Martines représentait pour lui l'aboutissement de sa quête
initiatique.
Louis-Claude de Saint-Martin, gentilhomme né à Amboise le 18
janvier 1743, avait fait des études de droit (1759-1762) avant de s'orienter
vers la carrière militaire. Il rejoignit à 22 ans, comme officier, le régiment de
Foix où il fit la connaissance de ceux qui l'introduisirent auprès de Martines.

26
En 1769, il fut initié à Bordeaux, dans l'Ordre des Chevaliers Maçons Elus
Cohens de l'Univers que Martines avait créé.
C'est vers 1770 que les deux hommes se rencontrent, et se lient
rapidement d'amitié, même si Saint-Martin s’efforcera par la suite, avec tact
et diplomatie, de ne pas se laisser emporter par la fougue maçonnique de
Willermoz. Une abondante correspondance s'installe entre les deux hommes
à partir de 1771, et Willermoz en vient à offrir l'hospitalité à son ami en son
domicile de Lyon. Willermoz est fasciné par le système théurgique de
Martinez alors que Saint-Martin, tout en s'abreuvant à la même source
d'enseignement, se détournera assez vite de l'aspect "magique" et opératif du
système Cohen. Ainsi, trouvant quelque peu contraignante l'hospitalité que
Willermoz lui offrait, il est bien décidé à recouvrer sa liberté et part pour
Paris. Il écrit :"L'Unité ne se trouve guère dans les associations : elle ne se
trouve que dans notre jonction individuelle avec Dieu". (Les Enseignements
secrets, de F.von Baader). C'est déjà la thèse que le mystique Saint-Martin
soutiendra toute sa vie.
Leurs divergences de vue éclateront au grand jour à la mort de Martines en
mars 1774. En novembre de la même année, Willermoz entretient des
rapports étroits avec Karl von Hund, de la Stricte Observance Templière
allemande, et continue de propager l'enseignement du maître dans les hauts
grades maçonniques. Il sera le principal fondateur du Rite Écossais Rectifié
(RER), encore pratiqué de nos jours par certaines obédiences d'inspiration
chrétienne, notamment par celles qualifiées de "régulières" par la Franc-
Maçonnerie anglaise.
Saint-Martin, de son côté, va de moins en moins fréquenter les loges
maçonniques pour s'en désintéresser presque complètement à partir de 1782,
au point d'exiger que son nom fût rayé des registres maçonniques. Il
continuera cependant de fréquenter certains cercles philosophiques (Société
philanthropique, 1780, Société de l'Harmonie, 1784, Société des Initiés,
1785). C'est à cette époque que voit le jour sa carrière littéraire : Des Erreurs
et de la vérité (1775), Le Tableau naturel... (1782), L'Homme de désir (1790),
Ecce Homo et Le Nouvel homme (1792), entre autres...
Saint-Martin considère que les rituels complexes ne sont rien en
comparaison de l'attitude intérieure de l'homme lors de sa quête. C'est par ses
mérites propres, dont seul Dieu est témoin, que le "cherchant" spirituel peut
prétendre à la Réintégration.
On est à peu près sûr aujourd'hui que Saint-Martin ne fonda aucun
ordre initiatique, bien qu'il ait animé un "Cercle des intimes". Sans doute

27
dispensa-t-il des initiations à titre individuel, mais ses continuateurs furent
surtout de fervents admirateurs de son œuvre. Ils eurent à cœur de
transmettre à d'autres ce qu'eux-mêmes avaient reçu. En passant par des
"initiateurs libres", anonymes transmetteurs du Martinisme, l'esprit de Saint-
Martin parvint jusqu'à Gérard Encausse "Papus", et Pierre-Augustin
Chaboseau.

3. Papus et le Martinisme moderne


Papus et le Martinisme moderne

La transmission spirituelle perdure à la mort de Louis-Claude de Saint-


Martin, sans que l'on puisse exactement en préciser la forme. Les initiations
"Martinistes", qui ne s'appelaient pas encore ainsi, se poursuivirent pendant
presque un siècle, en France mais aussi en Russie. Le système maçonnique
de Willermoz, basé sur des loges indépendantes, s'appelle d'ailleurs dans
ce pays simplement "Martinisme". Plusieurs loges y adoptent les grades
symboliques communiqués par Willermoz. En même temps, sous le règne de
Paul Ier, des traductions des livres de Saint-Martin sont rendues accessibles
aux profanes.
Bien que les éléments historiques fassent souvent défaut, on peut
avancer que Nicolaï Novikof contribua grandement par ses écrits à
l'extension du Martinisme en Russie. Novikof avait le grade de C.B.C.S.
(Chevalier Bienfaisant de la Cité Sainte), système organisé par le
strasbourgeois Salzmann, qui avec Charlotte de Boecklin aurait fait découvrir
Jacob Boehme à Saint-Martin. Par ailleurs, l'écrivain Joseph de Maistre, qui
avait connu Saint-Martin et partagé sa vision théosophique du monde, aurait
créé à Saint-Pétersbourg un cercle Martiniste dans les années 1810, alors
qu'il était en poste à la cour du Tsar Alexandre Ier.
En France, les continuateurs de l'œuvre saint-martinienne œuvraient
dans l'ombre. Deux disciples directs de Saint-Martin, Jean-Antoine Chaptal
(mort en 1832) et l'Abbé de La Noue (mort en 1820) sont à l'origine de
l'Ordre actuel.

28
L'hermitage de l'Abbé de la Noue, en région parisienne, où séjourna Henri
de la Touche et qu'aurait également fréquenté Balzac.
La filiation "Abbé de La Noue" aboutit, en 1886, à l'initiation de
Pierre-Augustin Chaboseau, alors âgé de vingt ans, par sa tante Amélie de
Boisse-Mortemart.
De son côté, l'étudiant en médecine Gérard Encausse avait reçu
quelques années plus tôt, en 1882, l'initiation Martiniste des mains de Henri
Delaage, lui-même initié dans la filiation Chaptal, mais dont on ignore le
nom de l'initiateur.
Gérard Encausse est né le 13 juillet 1865 à la Corogne, en Espagne, de
père français et de mère espagnole. Intelligence précoce, il entame à 17 ans
des études de médecine tout en s'intéressant à l'ésotérisme, après avoir été un
athée convaincu. La Tradition présente pour lui la meilleure alternative à une
religiosité étroite, tout en comblant ses aspirations métaphysiques.
A Paris, il fréquente les ésotéristes. Parmi ses amis on notera Stanislas
de Guaïta et Joséphin Péladan, futurs animateurs de l'Ordre Kabbalistique de
la Rose-Croix. En 1887, il décide de conserver le legs initiatique qu'il a reçu
quelques années plus tôt en fondant l'Ordre Martiniste, auquel se joindront
rapidement ses amis ésotéristes qui formeront plus tard le premier Suprême
Conseil.
En 1888, il rencontre Pierre-Augustin Chaboseau qui lui confie qu'il
détient lui-même une initiation Martiniste. Troublante "coïncidence" qui
donnera d'autant plus de force au nouvel Ordre dont la structure sera
définitivement établie en 1891.
Devenu médecin, et chef de laboratoire de l'Hôpital de la Charité à
Paris, il entame simultanément une carrière d'auteur prolifique. Il reste

29
connu dans le public comme l'auteur le plus fécond dans le domaine de
l'ésotérisme en cette fin de siècle. Ses livres (160 titres !), qu'il signa toujours
sous le pseudonyme de "Papus", sont encore régulièrement réédités de nos
jours.
Sa rencontre avec M. Philippe de Lyon va pourtant bouleverser sa
vision du monde. Il deviendra le défenseur acharné de la mystique chrétienne
et de la Voie cardiaque que Saint-Martin appelait la Voie Intérieure.
Homme d'une remarquable énergie, il se dépensera sans compter pour
ses malades, mettant en pratique les préceptes chrétiens. Il restera pour les
pauvres du quartier de la rue de Savoie, à Paris, comme le "bon docteur", qui
distribuait ses soins sans faire payer les nécessiteux.
Lorsque éclate la première guerre mondiale, il se porte volontaire pour
secourir les blessés. Il sera médecin chef d'une ambulance, sur le front.
Affaibli par ses années de labeur et les conditions de vie qu'il rencontre à la
guerre, gazé, il tombera gravement malade et sera rapatrié pour mourir le 25
octobre 1916 à l'hôpital de la Charité, là même où il avait commencé sa
carrière de médecin ...

4. La fondation de l'Ordre Martiniste

La chronologie suivante, inédite, relate la genèse de l'Ordre Martiniste,


sous sa forme actuelle :
1882 : Initiation de Gérard Encausse, par Henri Delaage, quelques semaines
avant le décès de ce dernier.
1886 : Papus rencontre les ésotéristes parisiens. Lecture des classiques de
l'occultisme : Saint Yves d'Alveydre, Louis Lucas, Wronski, Eliphas Lévi,
Cyliani, Lacuria ...
Fin 1887 : "Selon Papus même, et à sa diligence : premières initiations
personnelles en 1884 ; cahiers et premières loges en 1887-1890" (R. Amadou,
in Documents Martinistes, N° 2, 1979). Il fonde, avec Stanislas de Guaïta et
Joséphin Péladan, la première loge Martiniste, probablement dans
l'appartement de ces derniers, rue Pigalle. Le nom "Ordre Martiniste"
apparaît déjà.

30
1888 : Papus et Pierre-Augustin Chaboseau découvrent et se transmettent
leurs initiations respectives (provenant de Delaage pour Papus et de Mme de
Boisse-Mortemart pour Chaboseau). Ensemble, ils redéfinissent l'Ordre
Martiniste, dont Papus prend la Grande Maîtrise.
Février 1889 : Premier manifeste officiel de l'Ordre Martiniste paru dans la
revue l'Initiation.
Octobre 1890 : Publication des statuts de l'Ordre et premiers cahiers
d'instruction.
Mars 1891 : Les initiés Martinistes décident d'établir les premières loges
régulières et de fonder un Suprême Conseil de l'Ordre.
10 septembre 1891 : Première réunion du Suprême Conseil de l'Ordre
Martiniste. Papus, fondateur du Suprême Conseil, est nommé président à vie.
Les autres membres sont nommés pour quatre ou un an, selon leur statut.
8 octobre 1891 : Le Suprême Conseil fixe les modalités d'attribution des
chartes aux loges Martinistes.
Novembre 1891 : L'Ordre Martiniste compte déjà 17 loges, et est présent en
France, Espagne, Italie, Allemagne, Etats-Unis ...
En 1897, l'Ordre s'implante en Russie. A partir de 1899, le Suprême Conseil
de l'Ordre crée plusieurs comités ; Papus délègue largement ses pouvoirs. Ses
compagnons s'appellent : Paul Sédir (Yvon Le Loup), Lucien Chamuel, qui
crée la "Librairie du Merveilleux", Stanislas de Guaïta, Marc Haven (Dr
Emmanuel Lalande), F.-C. Barlet, Victor-Emile Michelet, et bien d'autres.
René Guénon, le grand rénovateur de la tradition ésotérique, participera aux
travaux du groupe. C'est la grande époque de l'occultisme français, que
Michelet relatera dans son livre Les Compagnons de la Hiérophanie (Nice,
Dorbon-Ainé, 1977).

5. L'Ordre Martiniste au XXe siècle


L'Ordre Martiniste au XXe siècle,
à l'aube du troisième millénaire
A la mort de Papus , en 1916, Téder (Charles Détré) prend la direction de
l'Ordre Martiniste. Il assumera cette charge jusqu'à sa mort, deux ans plus
tard.

31
A la disparition de Téder, des divergences apparurent parmi les Martinistes
sur la façon de maintenir l'héritage. Des clans se formèrent, l'Ordre se divisa.
Le Lyonnais Jean Bricaud, nouvellement nommé à sa tête, opta pour une
maçonnisation du mouvement à laquelle Papus, en son temps, s'était toujours
refusé. En réaction, Victor Blanchard créa en 1920 l'Ordre Martiniste
Synarchique, en référence à l'œuvre de Saint-Yves d'Alveydre, que Papus
avait appelé "son premier maître". De son côté, Pierre-Augustin Chaboseau,
avec l'aide de Victor-Emile Michelet, crée l'Ordre Martiniste Traditionnel,
voulant se rapprocher davantage des principes de l'Ordre fondé par Papus.
L'Ordre Martiniste continuait néanmoins de vivre et de recruter de nouveaux
adeptes.
A la mort de Bricaud, en 1934, les esprits s'apaisent. Un nouveau Grand
Maître, Constant Chevillon, reprend le flambeau. Licencié ès lettres,
professeur de philosophie religieuse chez les pères jésuites, son esprit
humaniste et sa profonde spiritualité lui assurent un large soutien. Mais
survient la tourmente de la seconde guerre mondiale. Les sociétés initiatiques
sont interdites, ses membres persécutés. Chevillon sera arrêté le 25 mars 1944
et exécuté le soir même par la milice.
A la Libération, Henri-Charles Dupont, l'un des derniers représentants de
l'Ordre Martiniste originel de Papus, reçoit la grande maîtrise. Si deux
guerres successives, et en particulier les persécutions de la deuxième guerre
mondiale et plusieurs scissions, ont décimé l'Ordre Martiniste, celui-ci n'est
pas éteint pour autant.
Les survivants de l'Ordre fondé par Papus, ainsi que des admirateurs de son
œuvre colossale, veulent redonner toute son ampleur au mouvement. Ce sera
la tâche que se fixera Philippe Encausse, le propre fils de Papus. En
décembre 1952, Philippe Encausse constitue l'Ordre Martiniste de Papus.

32
Couverture de "l'Initiation" N°1, janvier 1953.
Le 26 octobre 1958, un protocole d'accord est signé entre l'Ordre Martiniste
de Papus, présidé par Philippe Encausse, l'Ordre Martiniste (dit de Lyon)
présidé par Henri-Charles Dupont, et l'Ordre Martiniste des Elus Cohen
présidé par Robert Ambelain, que ce dernier avait créé en 1942. C'est
"l'Union des Ordres Martinistes".
Deux mois avant sa mort, le 13 août 1960, au vu des efforts et du succès
remporté par Philippe Encausse, fils de Papus, Henri-Charles Dupont lui
transmet la Grande Maîtrise de l'Ordre Martiniste.
En 1960, l'Union des Ordres Martinistes prend le nom d'Ordre Martiniste
avec un Cercle extérieur que l'on appellera Ordre de Saint Martin, présidé
par Philippe Encausse, et un Cercle intérieur que l'on appellera Ordre des
Elus Cohen, présidé par Robert Ambelain. Cette distribution a une vie
éphémère. En effet, le 14 août 1967, est prononcée la dissolution de l'Union
des Ordres Martinistes entraînant la disparition du "Cercle Intérieur" et du
"Cercle Extérieur". Il y aura dorénavant deux Ordres distincts, à savoir :
l'Ordre Martiniste, présidé par le Dr. Philippe Encausse, et "l'Ordre des Elus
Cohen" présidé par Ivan Mosca, que Robert Ambelain désigne le 29 juin
1967 comme son successeur. Ce dernier, qui avait entre temps appelé ce
mouvement "Ordre des Chevaliers Maçons Elus Cohen de l'Univers", finira
par le mettre en sommeil pour une période indéfinie le 22 avril 1968.
Pendant vingt ans, Philippe Encausse sera l'infatigable animateur de l'Ordre
Martiniste auquel il saura redonner force et vigueur. Des centaines de
membres, partout en France et à l'étranger, demandent à y adhérer. Il passe

33
la grande maîtrise en 1971 à son ami de longue date Irénée Séguret, mais
celui-ci démissionne en 1974 et la lui rend.
Après toutes ces années passées au service de l'Ordre qu'il avait fait renaître,
Philippe Encausse, à 74 ans, choisit de prendre une retraite bien méritée et
transmet la grande maîtrise à Emilio Lorenzo qui, membre depuis 1970 de la
Chambre de Direction, l'avait secondé depuis 1975 en tant que vice-président
de l'Ordre. Le 27 octobre 1979, celui-ci est officiellement confirmé par la
Chambre de Direction et prend en mains les destinées de l'Ordre, tâche qu'il
assume jusqu'à aujourd'hui.

34
VIII
Entretien sur Amélie de Boisse-Mortemart (1)
Exposé fait le 5 janvier 1961 pour l'inauguration du cercle Martiniste du Collège de
Paris portant le nom d'Amélie de Boisse-Mortemart
Revue numéro 2 de 1962 p 100

Mes chères sœurs et amies,


Lorsque le docteur Encausse, Notre Grand Maître, me parla pour
la première fois de fonder un Cercle à majorité féminine, je lui
opposai un refus assez net, n'en voyant pas l'intérêt. Ceci se passait, il
y a environ un an.

Mais, depuis, j'ai eu l'occasion de m'entretenir amicalement au


sein des groupes ou en dehors des groupes avec certaines de nos
sœurs, et j'ai compris, j'ai senti alors que mon amitié pour leur être
utile et que j'avais leur confiance.
Cette bonne découverte m'a fait penser qu'un cercle féminin,
reprenant ainsi l'idée de notre Grand Maître, pouvait avoir sa raison
d'être au sein de notre Ordre vénéré. Réunir des "femmes de désir"
dans une ambiance plus particulièrement féminine, partant plus
familière ; leur donner l'occasion d'exprimer devant un public d'amis
leurs idées, leurs sentiments sur tel ou tel point qui les préoccupent ;
en discuter avec elles et tirer de ces conversations le maximum de
profits spirituels, me semblait maintenant possible. J'ai donc décidé
d'essayer, et je vous ai envoyé à toutes la lettre circulaire à laquelle
vous avez bien voulu répondre avec tant d'esprit fraternel.
Je sens que je n'aurai pas beaucoup d'efforts à faire, car vous
êtes des âmes ferventes…
Et nous voilà réunies pour la première fois ce soir du 5 janvier
qui est, vous le savez peut-être, la sainte Amélie. Je souligne que
j'avais fait choix du 5 janvier, et que je tenais à cette date avant d'avoir
constaté sur mon calepin que l'on fêterait ce jour-là, la sainte Amélie.
Je ne pense pas qu'il s'agisse d'une coïncidence…
C'est avec une très grande émotion que je déclarai tout à l'heure
"ouverts les travaux du cercle Amélie de Boisse-Mortemart", Rendant
ainsi hommage à la mémoire de celle qui fut l'initiatrice du Très Illustre et
Regretté Frère Augustin Chaboseau, permettant par ce geste qu'arrivent jusqu'à
nous les traditions initiatiques les plus anciennes…

C'est la main féminine d'Amélie de Boisse-Mortemart qui a soutenu et


transmis le flambeau qui lui avait été confié le jour de son initiation. Son action
fut secrète et vigilante…

Amélie de Boisse-Mortemart était née Amélie de Nouet de La Touche et


elle avait épousé le marquis de Boisse-Mortemart, d'une branche cadette des
Ducs de Mortemart Rochechouart. C'était donc une aristocrate, d'origine
berrichonne. Elle descendait d'Henry de la Touche, dont la vie fit l'objet d'une
étude de la part de Jégu, dans un livre intitulé "Un romantique républicain".

Elle eut, de son mariage avec le marquis de Boisse-Mortemart, un fils qui


fit une carrière militaire. Commandant le premier bataillon du 152 ème à Colmar,
en 1924, il devint professeur à l'école de guerre, et doit maintenant être à la
retraite, s'il n'est pas mort. Le fils de celui-ci a eu la vocation religieuse il est
entré dans les ordres.

On peut donc, sans se tromper, situer l'existence d'Amélie de Boisse-


Mortemart, et ce qui suit vers 1885-90.

Je vais maintenant vous lire un passage de la lettre que Jean Chaboseau,


le fils d'Augustin Chaboseau (tous deux anciens grands Maîtres de "l'Ordre
Martiniste Traditionnel") a adressée au Docteur Philippe Encausse. C'est la
seule source possible de renseignements sur cette tranquille et humble femme,
qui ne fit pas parler d'elle en son temps.

Mon père avait dix-huit ans environ, il était seul à Paris, mon grand-père
étant à l'époque en garnison à Tarbes, puis au Mans. Mon père avait quelques
adresses de correspondants, plus ou moins de la famille. Parmi ces adresses
celle d'une vieille dame, vieille pour lui, car elle est morte entre 1928 et 1938. Je
n'ai jamais pu savoir la date par Jean son petit-fils : il était littéralement horrifié
que je lui parle de sa grand-mère comme ayant pu s'intéresser à quoi que ce soit
d'autre que le catéchisme ou l'Imitation… mon père va donc voir cette dame.
Elle habitait rue Notre Dame des champs, un vieil appartement désuet.
Musicienne, cultivée, mon père aimait beaucoup passer ses jeudis soirs chez
elle. Et cette dame s'est mise en tête de compléter la culture de ce jeune homme,
qu'elle trouvait beaucoup trop universitaire à son gré. Elle lui a fait découvrir
Balzac, sous un autre jour, par exemple. Elle lui a ouvert les yeux sur certains
philosophes que mon père tenait un peu à l'écart, et, petit à petit, l'a amené à la

101
connaissance des "illuminés" et "théosophes" de la fin du 18ème siècle et du
début du 19ème, en particulier Balanche. Et, naturellement, elle lui lisait
beaucoup de textes de Saint–Martin. Tout cela je l'ai très souvent entendu
raconter par mon père et il l'a notamment rappelé, un soir, à une réunion
Martiniste chez Canudo, réunion qui s'est continuée fort tard et qui tenait les
auditeurs sous le charme de ces souvenirs, évoqués à mi-voix, dans l'atmosphère
que tu peux connaître et reconstituer.

"Et puis, un jour, Amélie dit à ce jeune homme qu'il existait "quelque
chose", qu'une tradition s'était perpétuée, individuellement, secrètement ou du
moins discrètement. Elle lui en a parlé avec beaucoup de précision, et à "reçu",
à son tour, mon père.
"La suite, tu la connais : mon père faisait sa médecine parallèlement avec
ses études hindouistes et préparait la licence es-lettres puis ensuite le doctorat
es-lettres. C'est à l'hôpital parisien de la Charité qu'il a connu Papus, dans le
service d'un grand maître dont le nom m'échappe, puis avec lui dans le service
de Charcot. Je te dis là des choses que tu connais depuis longtemps. Mais pour
en revenir à Amélie de Boisse-Mortemart, elle était l'une des grands-tantes de
mon père".

Vous pouvez juger par ces quelques lignes de la qualité de celle dont nous
avons chois d'honorer le souvenir. Je n'ai pas besoin de vous dire que, réunir des
femmes, présente parfois quelques dangers. Il est absolument nécessaire que
vous compreniez dès à présent, que nous sommes unies, et que je souhaite que
cette union ne soit jamais altérée par aucun commérage, ni aucun sentiment de
jalousie. Nous sommes toutes au même point, c'est-à-dire soumises aux lois de
l'évolution et de la réintégration et, puisque j'ai accepté cet honneur et cette
fraternelle charge de vous guider, il est de mon devoir de vous mettre en garde
contre ces petites faiblesses féminines qui sont en contradiction formelle avec
les buts à atteindre. Nos natures et nos chemins sont divers. Ils sont
conditionnés par nos mérites ou démérites antérieurs. Cependant, nous sommes
semblables sur un point, celui de la recherche de l'Absolu, pour laquelle nous
interrogeons sans cesse ; qui nous jette dans une angoisse heureuse, et aussi ce
perpétuel besoin de connaître, de sentir que nous sommes esprit aussi bien que
cors et âme, et même davantage… Ce besoin que nous avons de l'entendre dire
par d'autres…

Voilà mes amies ce qui nous réunit : une question dont l'importance ne
vous échappe pas. Une question essentielle au sens propre du mot.

102
Et voici ce que nous allons faire ensemble au sein de ce cercle Amélie de
Boisse-Mortemart, et ce que je vous propose :

Nous ne sommes pas nombreuses et nous ne le serons jamais, parce que


je pense qu'il ne se fait de bon travail que dans un cercle restreint. Lorsque nous
serons quinze, l'une d'entre nous essaimera, si j'ose dire, et prendra à son tour la
responsabilité d'un autre Cercle. Il faut vous attendre les unes les autres, lorsque
vous aurez reçu ce pourquoi vous êtes ici ce soir, c'est-à-dire l'Initiation, à la
transmettre, lorsque le moment en sera venu, suivant ainsi l'exemple que nous a
donné Amélie de Boisse-Mortemart et, avant elle, les autres Maîtres Passés.

Sur le plan matériel (je commence par lui, puisqu'en fait, le but de l'Ordre
Martiniste est la "réintégration des âmes en Dieu") ; on part de la base du
triangle, plan matériel, pour aller vers la pointe : Dieu), eh bien, sur le plan
matériel, j'ai accepté de prendre, en votre nom (sachant que vous n'en seriez pas
choquées) la responsabilité de la Bibliothèque de l'ordre. L'une de nos sœurs
s'occupera de la partie comptable. Il nous restera les catalogues (les mettre à
jour chaque année, les refaire si cela est nécessaire), les achats de nouveautés,
les fiches à refaire, les livres gardés trop longtemps et qu'il nous faudra réclamer
à l'emprunteur, ceux qui s'abîmeront et qui seront à recoller, nettoyer. Cette
Bibliothèque est actuellement presque prête à fonctionner, grâce au dévouement
de deux de nos sœurs ici présentes, et à qui je dis un très grand merci pour leur
aide précieuse. Par ailleurs, toujours sur le même plan, il nous faut décider
maintenant du programme des causeries de l'année :
Ces travaux nous seront très profitables car, en dehors de l'effort de
méditation de celle d'entre nous qui présentera Un texte qu'elle aura
composé sur un sujet de son choix, le débat qui pourra et devra suivre
cette causerie fera partager à toutes le travail d'une seul et sera utile à
notre petite communauté.

Vous m'avez bien comprise, il ne s'agit pas pour nous de faire de


brillants exercices de style à l'occasion de ces causeries, mais plutôt
une sorte de méditation venant de notre cœur, et traitant de ce qui
nous intéresse. Je crois que ce que je vous demande n'est pas aussi
facile qu'il y paraisse, mais j'ai confiance en vous et je sais que nous
ne sommes pas seules…

Pour conclure, je dis solennellement qu'avec l'aide de Dieu et


des Maîtres Passés, par nos travaux et nos prières en commun, nous

103
développerons la vie de l'Esprit en chacune d'entre nous, nous
écouterons Dieu parler en nos cœurs et sa voix deviendra chaque jour
plus perceptible… Vous m'aiderez autant que je vous aiderai. Je vous
demande la plus entière confiance et la plus grande sincérité. C'est à
ce prix que nous parviendrons au discernement et à l'Amour…
Jacqueline Basse

104
IX
Le Martinisme.

Les racines originelles.

Par ses visées spirituelles et son attachement au christianisme, le Martinisme se rattache


normalement au grand courant traditionnel qui traverse l’Occident depuis le mouvement
gnostique des premiers siècles de notre ère, sachant que la gnose chrétienne fut, en son temps,
une tentative de synthèse entre les dogmes enseignés par l’Ancien Testament, les leçons des
évangiles néo-testamentaires et, plus particulièrement, celui de Jean, et les réflexions
platoniciennes qui, du fait de la conquête et des brassages de population, avaient essaimé
dans tout le bassin méditerranéen. D’ailleurs, on appelle souvent les gnostiques rassemblés
principalement dans les écoles d’Alexandrie, les néo-platoniciens.

Ces gnostiques sont donc les pionniers d’un christianisme éclairé ; leur projet
d’instaurer une religion universelle fondée sur la connaissance et la réflexion fut
combattu par les conciles et la plupart d’entre eux furent considérés comme
hérétiques. À partir de l’empereur Constantin et du premier Concile de Nicée (en
325), la doctrine officielle fut celle de l’église exotérique (celle de Pierre et de Paul)
et les disciples d’une église ésotérique (celle de Jean et de Jacques) durent se
réfugier dans une sorte de clandestinité aux fins d’échapper aux persécutions qui se
prolongeront pendant tout le Moyen Âge et dont l’histoire est bien connue.

Les avatars de cette gnose chrétienne portent les noms successifs d’hermétisme,
d’alchimie (spirituelle) et, en guise de synthèse, de rosicrucianisme dont nous
verrons plus loin l’influence sur les mouvements initiatiques qui lui sont ultérieurs.

En résumé, les sources originelles du Martinisme se retrouvent dans la gnose judéo-


chrétienne et platonicienne, dans l’hermétisme et dans le rosicrucianisme.

Les trois piliers du Martinisme.

Le Martinisme s’articule autour de trois personnalités. Le Martinisme en gestation se rattache


à Jacob Boehme, le Martinisme en réalisation se relie à Louis-Claude de Saint-Martin, le
Martinisme en action se décline à partir de Papus.

Bien qu’ils vécussent à des époques bien différentes et dans des contextes tout à
fait dissemblables, ces trois personnages demeurent à jamais unis dans l’histoire du
Martinisme et dans le respect que nous devons aux Maîtres Passés dont ils
constituent les charnières et les plaques tournantes. Nous allons les présenter
rapidement.
Jacob Boehme, le fondateur méconnu du Martinisme.

Né à Görlitz, en Haute-Silésie, en 1575, 3 Jacob Boehme vécut modestement d’une


échoppe de savetier qu’il avait héritée de son père. Cela ne l’empêcha pas de
devenir un mystique illuminé (c'est-à-dire qui a reçu la lumière) et de produire
quelques ouvrages qui exposent sa pensée profondément initiatique. « De signatura
rerum », son œuvre la plus connue, renferme une pensée philosophique originale. Il
est vraisemblable qu’il a pu rencontrer les rosicruciens du cercle de Tübingen qui,
dans les années 1604 à 1630, se réunissaient autour d’un pasteur luthérien du nom
de Valentin Andrae et qui, souffrant de cette guerre de religion larvée qui trouvera
son temps fort avec la Guerre de Trente Ans (1618-1648), tentaient de rassembler
les deux confessions antagonistes.

Il faut savoir que, quand on parle des rosicruciens du XVII e siècle, on n’évoque en
aucun cas une société ou un ordre structuré. Les ordres rosicruciens se fonderont
plus tard sous divers noms et diverses formes, telle la Royal Society of England, et
quelques autres que nous n’avons pas à évoquer ici car cela n’entre point dans
notre présent sujet.

Jacob Boehme ne fonda pas d’ordre philosophique structuré ; de nombreux


disciples, particulièrement en Allemagne et, surtout, en Angleterre, absorbèrent sa
pensée initiatique et la répandirent à travers leurs propres écrits et travaux. LES
Anglais Robert Fludd et Francis Bacon, peuvent être considérés au nombre de ceux-
là.

En France, la pensée boehmienne ne pénétrera qu’à partir de la seconde moitié du


XVIIIe siècle avec la rencontre d’un des disciples du maître, Rodolphe Salzmann, et
de Louis-Claude de Saint-Martin comme nous allons le voir à présent. Retenons
pour l’heure que, s’il est avéré que Jacob Boehme ne créa pas de filiation initiatique,
c’est dans son œuvre que le Martinisme se trouve en gestation et que, par cette
voie, il se rattache nécessairement au grand courant rosicrucien du début du XVII e
siècle, véritable plaque tournante de la tradition occidentale chrétienne.

Louis-Claude de Saint-Martin, le philosophe inconnu.

Louis-Claude de Saint-Martin est né à Amboise (Indre-et-Loire) en 1743. Après des


études de droit, il obtint un brevet d’officier au Régiment de Foix. En garnison à
Bordeaux, sa route croisa celle de Martinez de Pasqually et, à partir de ce moment-
là, son destin fut scellé. Martinez de Pasqually, aux origines assez incertaines,
détenait un certain nombre de connaissances orales proches de la Kabbale et cela
le conduisit à créer un système de hauts-grades maçonniques 4. C’est ainsi
qu’apparut « l’Ordre des Chevaliers Élus-Cohen de l’Univers », sorte de maçonnerie
théurgique déclinée en plusieurs classes et grades dans laquelle n’étaient admis que
3
Il y mourra en 1624.
4
Ajouter à la franc-maçonnerie, importée récemment d’Angleterre, des hauts-grades liés aux
diverses traditions ésotériques constituait alors un exercice fort prisé auxquels de multiples
maîtres se livraient avec plus ou moins de sérieux.

106
des maçons ayant préalablement acquis les trois premiers grades, dits grades bleus.
Plus tard, cet Ordre des Elus-Cohen se séparera de la franc-maçonnerie et formera
une association indépendante.

Saint-Martin fut séduit par les idées de Martinez de Pasqually. Il en devint


rapidement un disciple et, quelques années plus tard, il sera le secrétaire du maître.
Martinez n’a laissé qu’une œuvre pour transmettre sa vision mystique de la vie
visible et invisible, mais cette œuvre peut être considérée comme fondamentale
dans l’étude du Martinisme. En effet, le « Traité sur la Réintégration des Êtres dans
leur première propriété, vertu et puissance spirituelle divine » aborde le thème
éternel de la chute et ouvre la voie à son « contre-poison » qu’est justement la
réintégration. L’homme terrien, c'est-à-dire vous et moi, est tombé dans le monde
infernal, une espèce de torrent ; il est « l’homme du torrent ». Par l’exercice assidu et
bien dirigé des pratiques théurgiques et par celui de la prière, cet homme déchu peut
renouer avec sa providence et retrouver l’état primordial qui fut le sien avant la
chute.

Martinez de Pasqually mourut en 1774, dans l’île de Saint-Domingue (aujourd'hui Haïti) où il


avait débarqué deux ans plus tôt aux fins d’y percevoir (selon ses propres termes) un héritage.
Alors, Louis-Claude de Saint-Martin semble s’être détaché de la voie martinézienne pour se
diriger vers une vue plus philosophique et mystique de la tradition. Et c’est ainsi qu’ayant
traversé la France en diagonale (en ce temps-là, les gentilshommes voyageaient beaucoup), il
se retrouva à Strasbourg où il rencontra celui déjà évoqué quelques lignes plus haut et qui se
disait être un disciple de Jacob Boehme : Rodolphe Salzmann. Saint-Martin découvrit, grâce
à cette rencontre, l’œuvre et la pensée du théosophe, disparu environ cent cinquante plus tôt.
Il se mit en devoir de traduire en français ces œuvres, ce qui n’avait encore jamais été fait.

À partir de ces éléments grâce à la richesse des rencontres qu’il eut le bonheur de
faire, Louis-Claude de Saint-Martin se retrouva donc au carrefour de plusieurs
courants traditionnels dont il tira, à son tour, un œuvre complet. Au sommet de cet
œuvre émerge le « Tableau naturel des rapports qui existent entre Dieu, l’homme et
l’univers ». On ne saurait prétendre que la lecture de cet ouvrage, comme celle du
« Traité… » de Martinez de Pasqually sont d’une lecture facile. L’étudiant doit se
livrer à un effort particulier pour pénétrer dans cette littérature à l’abord ingrat, dans
ce style ampoulé et parfois précieux du XVIII e siècle. Mais l’effort ne demeure pas
sans récompense.

Comme était apparue avec Martinez de Pasqually la notion de « l’Homme du


torrent », celle, opposée, complémentaire et réparatrice de « l’Homme de Désir »
surgit avec Louis-Claude de Saint-Martin. Ces deux notions, ne craignons pas de le
répéter, constituent les deux supports de la doctrine Martiniste. Pas davantage que
Jacob Boehme, Saint-Martin ne fonda d’ordre initiatique structuré ; ce sont ses
élèves qui, tout au long du XIX e siècle (Saint-Martin est disparu en 1803) ont
transmis librement et en-dehors de toute organisation formelle la pensée saint-
martinienne jusqu’à ce que le célèbre Papus la recueillit pour la faire connaître au
plus grand nombre et en assurer la pérennité.

107
Papus, le propagateur du Martinisme.

Une chaîne informelle (dont les principaux maillons sont connus, malgré quelques liaisons
absentes) semble avoir acheminé la philosophie saint-martinienne jusqu’à Papus à partir de
1891.

Papus (docteur Gérard Encausse) était né en 1865 à La Corogne (en Espagne)


mais ses parents s’étant très vite après sa naissance installés à Paris, on peut dire
que notre héros fut un Parisien qui, jeune homme et étudiant en médecine,
fréquenta de la capitale tous les lieux fréquentables et même… les autres. Curieux
de tout, doté d’un appétit jamais apaisé pour toutes les connaissances humaines,
doué d’une intelligence synthétique, d’une mémoire et d’une facilité de parole peu
communes, Papus devint vite le pivot et l’âme de la renaissance traditionnelle qui vit
le jour à la charnière des XIX e et XXe siècles. Ses qualités lui valurent l’honneur de
devenir le dépositaire de la pensée saint-martinienne et, à travers elle, de celle de
Jacob Boehme et du rosicrucianisme primitif. Cette filiation de Philosophe Inconnu
lui fut transmise par Henri Delaage ; une autre voie issue de Saint-Martin avait
simultanément abouti à Augustin Chaboseau. Les deux récipiendaires se
rencontrèrent, échangèrent leurs initiations, et Papus, toujours entreprenant, mit sur
pied un « Suprême Conseil » qui réunit, outre ces deux protagonistes : Stanislas de
Guaita, Charles Détré, Péladan, Maurice Barrès, et quelques autres. Ainsi, le
premier Ordre Martiniste était né.

Papus se mit sans tarder en devoir d’écrire des rituels pour les cérémonies et les
réceptions de nouveaux membres. Il faut reconnaître, en toute honnêteté, que ces
rituels comme l’organisation hiérarchique des grades furent quelque peu décalqués
des usages maçonniques. Papus ne cessait de reprocher aux frères maçons de son
époque leur détachement vis-à-vis de la tradition initiatique qui devait être la leur et,
sans doute, son esprit effleurait-il l’idée de créer une espèce de maçonnerie
traditionnelle, chrétienne et gnostique. Bien sûr, il n’y eut jamais de relation
administrative entre la franc-maçonnerie et le Martinisme, hormis le fait que
certaines loges maçonniques (particulièrement celles du Régime Écossais Rectifié
se réclament de l’esprit Martiniste et cultivent dans leurs travaux cette tradition.

Papus était prosélyte dans l’âme. Aussi, ne doit-on pas s’étonner d’apprendre, de-ci,
de-là, que quelques personnages en vue du Paris des années 1900 à 1913 ont pu
être Martinistes bien que ne figurant sur aucun rôle ni sur aucune matricule de
l’Ordre. Papus sortait beaucoup, donnait de multiples conférences et ses ouvrages
étaient connus et prisés. Quand on connaît beaucoup de monde, on a forcément des
amis et, quand on a une foi inébranlable dans le bien-fondé de l’œuvre qu’on
accomplit et que l’on jouit d’une aura exceptionnelle, on fait inévitablement des
adeptes. On connaît également quelle fut son action dans la Russie du dernier tsar
auquel il rendit visite deux fois et qui le tenait en grande estime.

1914, l’Europe tremble et il n’est plus guère de temps pour les conférences
philosophiques. Papus est mobilisé en qualité de médecin. Deux ans plus tard, le 25
octobre 1913, il meurt des suites d’une pneumonie contractée à la guerre.

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Charles Détré (alias Téder) lui succède à la tête de l’Ordre Martiniste mais deux
années plus tard le voilà qui disparaît à son tour. L’Ordre est dispersé : sous la
houlette de Jean Bricaud, patriarche de l’Église Gnostique Universelle, une partie
émigre vers Lyon (la capitale des Gaules lourdement chargée en ésotérisme et en
magie). En 1934, c’est Constant Chevillon qui lui succède à son tour.
Indépendamment de cette succession, d’autres ordres Martinistes se sont créés :
l’Ordre Martiniste et synarchique (OMS) de Victor Blanchard dont le siège actuel se
trouve en Angleterre, l’Ordre Martiniste traditionnel (OMT) souché sur l’Amorc,
l’Ordre Martiniste initiatique (OMI) fondé par Robert Ambelain dans les années 70 et
souché sur la maçonnerie de Memphis-Misraïm.

En 1953, le docteur Philippe Encausse (fils de Papus 5) réveille la revue


« l’Initiation » fondée en 1888 par Papus et, l’année suivante, il fonde une loge
maçonnique (du nom de Papus) à la Grande Loge de France, loge destinée à
recevoir des Martinistes. En 1960, il reçoit d’Henry Dupont une charte l’instituant
Grand Maître de l’Ordre Martiniste. Il dirigera l’Ordre avec une ferveur et une
disponibilité uniques. En 1979, se trouvant fatigué et étant devenu presque aveugle,
il remettra ses prérogatives à un successeur. Une scission s’ensuivra qui donnera le
jour à l’Ordre Martiniste libre (OML) lequel subira à son tour une scission qui
donnera naissance à l’Ordre Martiniste des Supérieurs Inconnus (OMSI).

Le Martinisme éternel.

Entre les haies que forment ces nombreux ordres 6, le Martinisme passe, éternel. Sa
vocation est de rassembler des « hommes de désir », c'est-à-dire des hommes de
bonne volonté avec un plus spirituel. En cela, il n’a point varié depuis Jacob
Boehme, les rosicruciens et les Philosophes Inconnus, Martinez de Pasqually, Louis-
Claude de Saint-Martin, Papus et ses successeurs. S’il faut aux humains des
structures, des statuts, des cadres…, la véritable spiritualité n’en a nul besoin.

Le Martinisme est très proche d’une certaine tradition maçonnique depuis que, dans
les années 1778 à 1782, un maçon lyonnais, Jean-Baptiste Willermoz, disciple de
Martinez de Pasqually et ami de Saint-Martin, a créé un régime maçonnique en
rupture complète avec les mœurs et usages de la maçonnerie de son époque tout
empreinte d’esprit aristocratique et qui s’apparentait plus à un club mondain qu’à
une société initiatique. Ce régime maçonnique, le Régime Écossais Rectifié (RER),
distille en plusieurs grades échelonnés un enseignement voisin de celui du
Martinisme et, dans ces rituels comme dans ces instructions, on retrouve des pans
entiers de la pensée Martiniste. En dépit de moultes turbulences, cette maçonnerie
existe toujours en France, en Suisse, en Italie, principalement. En France, certaines
des loges de ce Régime sont composées pour l’essentiel de Martinistes instruits.

5
Philippe Encausse, né en 1906, n’avait que dix ans à la mort de son père.
6
Nous n’avons pas cité les éphémères, les fantaisistes et les déviationnistes, car la liste en est
bien trop longue et ne mérite pas d’être déroulée.

109
« Chevalerie chrétienne », disait Papus en présentant le Martinisme. Mais aussi
« serviteurs de la connaissance véritable », pourrait-on dire des Martinistes.
« Utopistes d’un monde d’amour et de paix », voilà qui ferait une belle devise pour
tous ceux qui veulent travailler à la venue d’une société plus juste et plus fraternelle.
Car le rôle du Martiniste est aussi un rôle citoyen ; il ne sera jamais un ermite mais il
vivra au milieu du torrent avec tous les autres hommes, ses frères, pour leur
insuffler, par son comportement, son amitié, sa compassion, le « Vrai Désir ».

Yves-Fred Boisset,
Rédacteur en chef de la revue « l’Initiation »,
Yvesfred.boisset@papus.info

110
X
Le Martinisme et les Élus Cohen

Nécessité de passer par le Martinisme pour accéder aux Elus-


Cohen

Pour Martines de Pasqually, tous les hommes sont


destinés à manifester même ici-bas, quelques rayons des
facultés divines. Quelques uns sont appelés à cette oeuvre
avec une détermination positive et active : ce sont les Elus
Cohens ou prêtres choisis. Lorsque l'on aborde cependant les
modalités de l'affiliation à cet Ordre, nombre de personnes ne
comprennent pas toujours la nécessité d'être Martiniste de
manière assidue, et de participer aux travaux individuels et
collectifs d'un Chapitre Martiniste Ils pensent peut-être
perdre leurs temps en dévotions et prières qu'ils estiment
vaines et inutiles et justes bonnes pour les bigotes. Ils oublient
là le caractère sacré de ce titre de prêtre choisi, être Elu
Cohen représentant pour eux le but ultime à atteindre, avec
l'acquisition de " pouvoirs ", la possibilité d'invoquer des
entités supérieures, de commander aux éléments pour mettre
en oeuvre des énergies que par la suite, ils ne sauront toujours
pas gérer.
Or, on ne peut " commander " aux éléments qu'avec
'
l accord, la bénédiction du Ciel, dans des buts bien précis et
tout à fait désintéressés, et non point pour mener des pratiques
111
magiques, spectaculaires et dangereuses. Et pour prendre
conscience du Ciel, de ses Vérités, et de ses Buts, il n'y a pas
plusieurs chemins, mais un seul, la Voie Cardiaque,
représentée par le Martinisme véritable lien avec l'Invisible.
Outre les expériences de la Vie qui laminent et épurent l’Être
dans sa globalité, la prière, pain de l’Âme, fortifie, élève,
porte et développe le Coeur de celui qui la pratique. Elle
nourrit, en outre, l'égrégore de la terre, l'âme de nos
semblables, aide aussi nos défunts entre deux incarnations.
Elle alimente et réjouit les entités bienfaisantes que le Ciel
place à nos côtés, pour nous guider, nous protéger de nous-
mêmes, et éloigner les énergies négatives vers lesquelles nous
allons plus ou moins en connaissance.
Or, s'il n' est pas préparé à entrer dans le Cénacle des
Elus Cohens, à ses risques et périls, l'homme tel Lucifer, joue
à l'apprenti sorcier, histoire de savoir qui sera le plus fort de
lui ou des éléments. En utilisant son mental, en récitant des
invocations vides de sens et de sentiments, il essaie d'établir
un dialogue entre le visible et l'Invisible. Par curiosité parfois,
mais souvent par vanité, par orgueil, et par une soif
démesurée de pouvoirs surnaturels, il se met en danger ainsi
que ceux qui font partie de son cercle. Il manipule des forces
dont il connaît à peine l'existence, et la puissance. Il entre
dans des égrégores qui vont se coller à lui pour exister et dont
il aura du mal à de défaire et qui peuvent altérer son équilibre
psychique.
Seule la voie cardiaque tel que l'enseigne le Martinisme,
l'aide du Christ par la perfection intérieure, peuvent le
préserver de tout cela, en l'initiant progressivement à sa
nouvelle dimension, en le protégeant de tout désir de
puissance, pour le mener à l'autre portail du même
" appartement ".

112
Au sensible répond le sensible, et les Hommes de Désir
sont toujours prêts à servir le Ciel. La pensée, la volonté,
l'intention de l'opérateur sont divines, car le Cohen, n'est pas
un magicien : c'est un Prêtre. La réponse qu'il obtient ne
dépend pas de l'homme, mais de Dieu. Les signes qu'il reçoit,
le contact avec les entités angéliques, prouvent qu'il se trouve
sur la bonne voie de la Réintégration.
Le travail du Martiniste - Elu-Cohen consiste donc à se
mettre en rapport avec les êtres spirituels bons qui l'entourent
par la prière, la volonté et le désir, afin que ces êtres, qui sont
un aspect du principe divin, guident actes, pensées et paroles
de chacun pour que le Grand Œuvre s'accomplisse.

113
XI

Le Martinisme à Prague
Sous réserve de complément et de modification, utilisation telle non autorisée même pour
citation, il s'agit d'une note pour recherches !

Il semble que ce soit le baron Leonardi qui ait introduit le Martinisme à Prague.
Les « intéressés » durent lire le livre de Mabell Colins « light of the road » ; le Martinisme se
mettait en place à partir d’un mysticisme d’ailleurs traduit de l’allemand.
Le débat qui suivit sembla satisfaire le baron, lequel offrit en pâture à ses disciples un livre de
Goethe "Unterhaltungen deutscher Ausgewanderter" dans lequel ils durent lire un conte que
personne ne comprit vraiment.

Une période d’attente suivit et un jour Meyrink reçut un télégramme annonçant


l’arrivée du baron et notre prochaine initiation. Les praguois devinrent des associés
Martinistes, ils reçurent les signes, mots et attouchements qui permettaient l’entrée dans la
société du philosophe inconnu ! Ils purent porter l’étoile à six branches, mais ils ne furent
jamais certains d’être membres de l’ordre Martiniste, notre baron ne les ayant jamais introduit
en d’autres lieux, ni mis en contact avec d’autres personnes.

114
XII
Historique
L’ homme qui est à l’origine du Martinisme est le Marquis Louis
Claude de Saint-Martin (1743-1803). Il naquit le 18 janvier 1743, dans la
province française de Touraine. Son premier emploi fut celui d’homme de
loi, mais il accepta ensuite une charge dans les armées, où, dit-on, il
rencontra M. de Grainville, un membre important de l’Ordre des Elus-
Cohen. Il semble bien que cet homme eut une influence significative sur
Saint-Martin, car six années plus tard seulement, celui-ci reçut l’initiation
aux aux Elus-Cohen. Il étudia les pratiques de cet Ordre pendant six autres
années, mais perdit peu à peu le goût de leurs pratiques théurgiques. En
1770 Saint-Martin quitta l’armée et accepta un poste de secrétaire de
Martinez de Pasquales. C’est pendant cette période (1775) qu’il publia son
livre: ″Des Erreurs et de la Vérité″. A mesure que le temps passait, le goût
de Saint-Martin pour les aspects théurgiques des pratiques des Elus-Cohen
diminuait. En 1774, Martinez de Pasquales mourut. Saint-Martin tenta en
vain de persuader aux Elus-Cohen d’adopter une forme plus chrétienne de
mysticisme, mais ceux-ci restèrent totalement attachés aux enseignements
et disciplines originaux de Pasquales. Voyant qu’une telle réforme était au-
delà de ses capacités et qu’il ne gagnerait très probablement rien à suivre
cette ligne de conduite, il se mit à répandre ses propres idées. Alors qu’il
s’était engagé dans ces activités, il rencontra un Allemand de renom,
Rudolph Salzmann; c’est sans doute grâce à celui-ci qu’il entra dans l’Ordre
des Philosophes Inconnus. De 1777 1787 à environ, il parcourut l’Europe et
établit de nombreux contacts importants, tandis que simultanément il
abandonnait ses contacts avec les Elus-Cohen. A cette époque, il rompit
également tous ses liens avec la franc-maçonnerie.
La Révolution française éclata avec violence en mai 1789. Le "Règne
de la Terreur " institué par Maximilien Robespierre en profita pour
débarrasser la société de tous les nobles sur lesquels les révolutionnaires
pouvaientt mettre la main, et puisque Saint-Martin était d’origine noble, il
se trouva constamment en danger. En dépit de cet obstacle qui aurait fait
fuir tout homme normal hors de son pays, Saint-Martin continua à
rencontrer ses adeptes dans ses appartements et à les initier à la théurgie
de sa propre philosophie mystique. Pour éviter d’être reconnus par les
espions qui abondaient, tous les membres du mouvement étaient obligés de
porter des masques et de grandes capes pendant les séances. Chacun
ignorait donc l’identité de son voisin.
Vers 1790 il se rendit en Russie où il rencontra le prince Galitzine; qui
devint l’un de ses disciples et qui, par la suite, répandit les enseignements

115
de Saint-Martin dans tout ″L’Ordre Russe de la Stricte Observance
Templière″.
Bien que Saint-Martin n’éprouvât pas lui-même un enthousiasme
débordant pour les ordres religieux, nous savons qu’il rassembla un grand
nombre d’adeptes dans le monde entier, adeptes auxquels il était souvent
fait allusion sous le nom de Supérieurs Inconnus. Et il a été mis en évidence
que ces gens avaient créé leurs propres groupes en utilisant son nom et
suivant ses enseignements. En fait, Saint-Martin fut seulement le catalyseur
qui poussa les autres à créer leurs propres ordres basés sur ses
enseignements. Le fil conducteur, dans tous ces ordres, est celui de
l’Initiation. Cette initiation était très secrète et habituellement composée
pour chaque impétrant.
Saint-Martin mourut en 1803. Ses très nombreux disciples,
disséminés dans le monde entier, poursuivirent l’étude des enseignements
et continuèrent à les transmettre par la voie de l’initiation, jusqu’à nos
jours. Le résultat de cette initiation continue est qu’il existe une ligne
ininterrompue d’initiateurs, qui remonte à Saint-Martin lui-même.

Qu’est-ce que le Martinisme?


En essence, le Martinisme est un mouvement philosophique basé sur
une philosophie mystique illuministe d’inspiration chrétienne, intégrant de
la théurgie, pour faire bonne mesure. La croyance, au coeur de ce
mouvement, est que l’humanité doit réintégrer son état original et divin.
Ceci s’accomplit tant par la connaissance métaphysique que par les
pratiques théurgiques, c’est-à-dire des pratiques magiques qui mettent
l’adepte en contact avec des puisssances divines bienveillantes. L’initiation,
qui était à l’origine conférée par Saint-Martin lui-même, accordait à
l’adepte édification, illumination, habilitation. Au fil du temps furent
ajoutés des sujets d‘étude comme le mysticisme chrétien, la théosophie, la
Cabale, l’ésotérisme et l’hermétisme.

Initiation
L’on ne cherche pas entrer dans cet Ordre, mais on est invité à le
faire, comme Saint-Martin l’avait prescrit. La cérémonie secrète applique le
plus important des concepts, c’est-à-dire que l’initiation doit être conférée
par quelqu’un qui fait partie de la lignée ininterrompue depuis Saint-
Martin, des initiateurs Martinistes. L’initiation en elle-même confère des
pouvoirs qui permettent au Martiniste de comprendre et de mettre en
oeuvre les anciennes pratiques magiques.

116
XIII
MARTINEZ DE Pasquales et les ÉLUS COHEN
Par Mike Restivo
Nous pouvons dire qu’aucun mouvement maçonnique n’a exercé plus
d’influence sur la France du XVIIIe siècle que celui lancé par Martinez de
Pasquales, plus généralement connu sous le nom de Martinisme. Le nom
complet de Martinez était Jacques de Livron Joachim de la Tour de la Casa
Martinez de Pasquales. Il naquit à Grenoble, France, probablement en 1727.
Son père était né à Alicante, en Espagne, et avait reçu une patente signée
par Charles Stuart, «Roi d’Écosse, d’Irlande et d‘Angleterre», datée du 20
mai 1738, lui conférant, en tant que Député Grand-Maître, le pouvoir d’
«ériger des temples à la gloire du Grand Architecte». Cette patente et les
pouvoirs qu’elle conférait étant transmissibles à sa mort, à son fils, celui-ci
devint donc le «Puissant Maître Joachim Don Martinez Pasqualis, âgé de
28 ans». Nous voyons dès lors qu‘à l’age de 28 ans Martinez était Maître
Maçon. Tout au long de sa vie, Martinez travailla à la création d’un grand
mouvement spirituel dans les rangs de la Franc-Maçonnerie. Lorsqu’il
érigea ce mouvement en Ordre, non pas maçonnique à proprement parler,
mais composé exclusivement de Maçons, il lui donna le nom d‘ «Ordre des
Chevaliers Maçons Élus Cohen de L’Univers». La mission spirituelle de
Martinez débuta probablement aux alentours de 1758, mais il n’y a aucun
doute qu’avant cette période il avait déjà activement travaillé à la
promotion de l’Ordre Maçonnique en tant que tel. C’est à cette époque que
furent introduits dans la Franc-Maçonnerie ce qu’on appelle les Hauts
Degrés, en complément des trois degrés de base de la Maçonnerie
Symbolique composée des Loges dites «Bleues». Ces trois degrés étaient et
sont:
1er Degré - Apprenti
2e Degré - Compagnon
3e Degré – Maître
L’introduction de ces Hauts Degrés fut souvent désapprouvée et
réprouvée par les autorités maçonniques contrôlant les Degrés
Symboliques. Martinez lui-même avait certes activement travaillé à la
création de Degrés maçonniques en tant que tels, mais il avait décidé de
créer une sorte d’organisation «annexe» à caractère plus spirituel que la
maçonnerie elle-même. Cependant, il n’admettrait dans cette organisation
que des Maîtres-Maçons ayant atteint le degré d‘ «Elu» . En 1754, il avait
fondé à Montpellier, en France, le Chapitre maçonnique "Les Juges

117
Écossais". Entre 1755 et 1760, nous voyons que Martinez voyage dans toute
la France, recrutant des adeptes pour son propre système. En 1760, il se
trouve à Toulouse, où il est reçu dans les Loges de St. Jean Réunies. Plus
tard, dans le courant de la même année il est reçu dans la "Loge Josué" de
Foix, en France, où il initie plusieurs Maçons et crée une chapelle appelée
"Le Temple Cohen". En 1761 Martinez est à Bordeaux où, grâce à sa Patente
Stuart et à la recommandation du Comte de Maillial d‘Alzac, du Marquis de
Lescourt et des frères d’Auberton, il est reçu dans la Loge "La Française".
C’est ici qu’il ouvre son "Temple Particulier", nommé «La Perfection Élue
Écossaise». Les membres fondateurs en sont le Comte M. d’alzac, le
Marquis de Lescourt, les deux frères d’Auberton, de Oasen, de Bobié, Jules
Tafar, Morris et Lecembard. Le 26 mai 1763, Martinez envoie sa Patente
Stuart à la Grande Loge de France et informe celle-ci qu’il a «érigé à
Bordeaux, à la Gloire du Grand Architecte, un Temple abritant cinq Degrés
de Perfection, dont je suis le gardien, sous la Constitution de Charles Stuart,
Roi d’Ecosse, d’Angleterre et d‘Irlande, Grand Maître des Loges
disséminées sur toute la surface de la Terre». Le nom de la Loge est alors
changé en «La Française Élus Écossais». Le 1er février 1765, La Grande
Loge de France approuve et officialise cette Loge. La même année, en 1765,
Martinez se rend à Paris, où il est hébergé par les Frères Augustiniens au
Quai de la Seine. Il y rencontre Bacon de la Chevalerie, de Lusignan, de
Loos, de Grainville, J.B. Willermoz, Fauger d’Igéacourt, etc., à qui il donne
ses premières instructions. Avec eux, il fonde, le 21 mars 1767 (Equinoxe
Vernale), le «Souverain Tribunal des Élus Cohen», avec Bacon de la
Chevalerie pour Deputé-Maître. Pour 1770, le Rite des Élus Cohen possède
des Temples dans de nombreuses villes: Bordeaux, Montpellier, Avignon,
Foix, La Rochelle, Versailles, Paris et Metz. Un Temple est ouvert à Lyon et,
grâce à l’enthousiasme de Jean-Baptiste Willermoz, cette ville deviendra la
capitale spirituelle de l’Ordre pendant de nombreuses années.
Entretemps, à Bordeaux, en mars 1776, la Loge "La Française Elus
Ecossais" ferme. Notons que jusqu’à cette date, le secrétaire de Martinez
était le Père Bullet, aumônier du Régiment de Foix. Le Fr. Bullet avait le
titre de "S.I."parmi les Élus Cohen. L’Histoire ne dit pas dans quelles
circonstances un catholique romain, qui a uniquement recours au titre
ecclésiastique de «Père/Padre», est devenu membre de l’Ordre créé par
Martinez, alors qu’il était interdit à tout catholique romain de faire partie
de la franc-maçonnerie sous peine d’excommunication (bien que cette
sanction ait récemment été commuée en «état de péché mortel»). En mai
1772, Martinez s’embarque pour Saint Domingue, sur le "Duc de Duras",
après avoir demandé et obtenu un «certificat de catholicisme». Comment
lui, franc-maçon et Grand Maître de son propre Rite du Haut Degré a pu
obtenir un tel certificat, c’est ce qui reste encore un mystère. Il avait
entrepris ce voyage aux fins de recueillir un héritage; mais le mardi 20

118
septembre 1774, Martinez meurt à Port-au-Prince, en Haiti. Il laisse un fils,
qui fréquentait à ce moment le Collège Lescar, près de Pau. Ce fils
disparaîtra pendant la Révolution française, 20 ans plus tard. Il fut baptisé
le 24 juin 1768. Selon les documents dont on dispose, l’Ordre des Élus
Cohen semble avoir neuf, dix ou onze degrés. Il est probable que certains
développements dans l’existence de l’Ordre firent que les degrés furent
modifiés au fil du temps, et des ajouts autorisés par Martinez à mesure que
les membres progressaient. Voici la constitution la plus probable: L’Ordre
était divisé en trois classes principales, suivies d’un degré secret. La
première classe comprenait les trois premiers degrés de la Maçonnerie
symbolique, plus un degré de Grand Elu ou Maître particulier.
La deuxième classe comprenait les Degrés du Seuil: Apprenti-Cohen,
Compagnon-Cohen et Maître-Cohen. Ceci était typiquement maçonnique,
mais contenait des allusions à une doctrine secrète sous-jacente.
La troisième classe comprenait les Degrés du Temple: Grand Maître
Élus Cohen, Chevalier de l’Orient, et Commandeur de l’Orient. Sous les
apparences de la Maçonnerie, le cathéchisme était basé sur la Doctrine
Générale de Martinez. Cette doctrine est exposée dans le seul livre que
Martinez ait écrit «La Réintégration des Etres», pseudo-commentaire du
Pentateuque. Diète purificatrice, semblable à celle des Lévites de l’Ancien
Testament, et rituels d’exorcisme étaient employés contre le mal individuel
et collectif dans le monde. Les grades secrets de l’Ordre comprenaient le
degré de Réau-Croix, à ne pas confondre avec Rose-Croix, terme également
usité dans les cercles maçonniques et rosicruciens de l’époque. Dans le
Degré du Réau-Croix, L’initié est mis en contact avec les plans spirituels au-
delà du plan physique, par les invocations magiques ou la théurgie. Il attire
les puissances célestes dans sa propre aura et dans celle de la Terre. Des
manifestations auditives et visuelles, appelées «signes», permettent au
Réau-Croix d’évaluer sa propre évolution et celle d‘autres «opérateurs», et
de déterminer de ce fait si lui-même ou les autres ont été réintégrés dans
leur puissance originelle. Le grand objectif de l’Ordre était d’obtenir la
Vision Béatifique du Rédempteur, Jésus Christ, en réponse aux invocations
magiques. Martinez conféra le titre de «Juges Souverains» et «Supérieurs
Inconnus» de l’Ordre à Bacon de la Chevalerie, Jean-Baptiste Willermoz, de
Serre, du Roy, d’Hauterive et de Lusignan. Martinez avait désigné pour
successeur son cousin Armand Cagnet de Lestère, Secrétaire-Général de la
Marine à Port-au-Prince, en Haïti. Comme celui-ci avait peu de temps à
consacrer à l’Ordre, il se limita à la direction des temples des Elus-Cohen de
Port-au-Prince et de Léogane en Haiti. Puis il y eut des divisions au sein des
temples en Europe. A. C. De Lestère mourut en 1778, après avoir transmis
ses pouvoirs au «Très Puissant Maître» Sebastián de las Casas. Le nouveau
Grand-Maître n’essaya pas de réconcilier les différentes branches des Elus

119
Cohen, ni d’unifier le Rite. Peu de temps après, les temples des Élus Cohen
furent mis en sommeil. La doctrine continua à être transmise de personne à
personne, au sein d’un aréopage kabbalistique composé de neuf membres.
En 1806, des opérations théurgiques concertées étaient encore accomplies
aux importantes dates des équinoxes; les rituels en étaient un important
travail de purification par les Réau-Croix. Un des derniers représentants
directs connus des Élus Cohen fut Destigny, qui mourut en 1868.
Après la deuxième guerre mondiale, trois Martinistes S. I., parmi
lesquels Robert Ambelain (Sar Aurifer), son Grand Maître, fondèrent un
nouvel Ordre Martiniste des Élus Cohen pratiquant la forme opérative de la
théurgie des Elus Cohen, selon des rituels qu’ils avaient acquis de diverses
sources. Quelques années plus tard, cet ordre fut mis en sommeil, pour être
ravivé 30 and plus tard par Robert Ambelain, qui vit toujours à Paris, en
France (22 août 1996).

Eliphas Levi

Nous devons à présent avancer dans le temps pour nous approcher de


Saunière et d’un nouveau personnage appartenant au mouvement
Martiniste: Eliphas Levi, pseudonyme d‘Alphonse Louis Constant. Constant
naquit à Paris en 1810 et fut éduqué dans l’église de St. Sulpice. En dépit de
son éducation religieuse conventionnelle, il se sentit très tôt attiré par
l‘occulte. Après avoir terminé son enseignement scolaire, il se dirigea vers
la prêtrise mais n’y connut qu’un succès mitigé, à cause de ses opinions
politiques résolument de gauche, et de son goût pour les dames. Il mettait

120
librement par écrit ses opinions, et fut incarcéré à plusieurs reprises pour
son franc-parler. Il entra en contact avec un certain Ganneau qui s’adonnait
aux pratiques magiques et occultes, et qui transmit ses enseignements à son
nouvel adepte. Pendant un certain temps, il vécut de sa plume, sous le nom
du Mage Eliphas Levi. Levi admettait qu’il pratiquait la nécromancie et, lors
d’une de ses visites à Londres, en 1854, une femme qui se disait une de ses
adeptes, lui demanda d’invoquer l’esprit d’Apollonius de Tyane, un mage
renommé des temps anciens. Levi se prépara au rituel pendant des
semaines; puis au jour dit et à l’heure fixée, il entama le rituel prorement
dit. Cette séance dura 12 heures, après quoi Levi proclama qu’un esprit
grisâtre lui était apparu dans un miroir. Lévi avait demandé à cet esprit de
s’avancer, ce qu’il avait fait, et il avait touché le bras de Levi, ce qui le rendit
insensible, de telle manière qu’il laissa tomber l’épée qu’il tenait à la main.
A ce moment, Levi tomba dans l’inconscience. Il avait parlé avec l’esprit par
télépathie, dit-il, mais refusa de révéler le sujet de leur entretien. Il admit
plus tard qu’il avait rencontré l’esprit d’Apollonius à plusieurs reprises par
la suite.
Ses écrits furent accueillis plutôt favorablement par le public. Ses
ouvrages majeurs sont «Dogme et Rituel de Haute Magie», «Une Histoire
de la Magie», «Magie Transcendentale», et «La Clé des Grands Mystères».
Dans «Dogme et Rituel de Haute Magie», qui comprend 22 chapitres,
Levi consacre un chapitre à chacun des 22 arcanes majeurs du tarot. Il relie
chacun d’eux à une lettre de l’alphabet hébreu, et à un des aspects de Dieu.
Levi a utilisé le Baphomet pour décorer son ouvrage «Dogme et
Rituel de Haute Magie».

Cette figure est ancienne et a été utilisée au travers des âges pour
représenter le dieu des sorcières. On le connaît aussi sous le nom de «Bouc
de Mendez», d‘après la ville de ce nom en Egypte ancienne, où un culte de
la fertilité était rendu au dieu BAAL. Ce dieu est aussi connu sous
l’appellation «le dieu cornu», et est l’une des représentations les plus
anciennes, que l’on connaisse, des dieux de la fertilité.

121
Il est intéressant de noter que cette image est significative tant pour
les Francs-Maçons que pour les Chevaliers de l’Ordre du Temple qui, a-t-on
dit, la révéraient.
Les liens avec la Franc-Maçonnerie apparaissent un peu partout dans
ce mystère, mais ici il y en a aussi avec l’Ordre Martiniste et ils remontent
jusqu’à la création même de cet Ordre.

122
XIV
Haïti
Les anciens esclaves sont les seuls à avoir gagné eux-mêmes leur indépendance le 1er
janvier 1804 !

C’est Jean-Jacques Dessalines qui a proclamé l’indépendance et repris le nom d’Haïti,


alors que les colons appelaient l’île Saint-Domingue. En juillet 1801, Toussaint Louverture
avait promulgué une constitution. Il sera arrêté, déporté dans le Jura où il meurt en avril 1803.
L’indépendance est une « exception ».
La partie française de l’île produisait plus de sucre que toutes les Antilles réunies ! Elle était
un sujet d’admiration et les Français y faisaient fortune !

Saint-Domingue avait près de 550 000 esclaves, ce qui n’était pas sans inquiéter les
colons. D’autant que les esclaves rejetaient la « coupure » avec l’Afrique, souvent natale, et
aspirait à se libérer du travail forcé ! Les esclaves veulent pratiquer une culture d’auto
subsistance en opposition à la mono culture de la canne à sucre. Ils ont gardé leurs propres
systèmes religieux. Lors de la révolution française, les colons ont vu un moyen de se
« libérer » de la tutelle française. La population des « libres de couleur », elle-même
possédant des esclaves souvent, veut faire valoir ses droits. L’insurrection éclate en août
1791 : 50 000 insurgés au moins ! Elle conduit rapidement à l’abolition de l’esclavage sur
l’île et la Convention ne fera que confirmer cette abolition par son décret du 4 février 1794.

Bonaparte, le 20 mai 1802, rétablit l’esclavage, résultat sur 65 000 soldats envoyés pour
« rétablir l’ordre », 55 000 environ vont périr !

Saint-Domingue opte pour l’indépendance totale. Napoléon s’occupe de ses guerres


européennes… Aucun état ne reconnaît cet « état nègre » ! Les projets de retour de la France
se sont heurtés, après 1814, aux intérêts américains, et anglais ! En 1825, la France reconnaît
l’état, à condition de payer une indemnité de 150 000 000 de francs or pour rembourser les
colons ! En 1838, la « dette » est renégociée à 90 millions payables sur 30 ans. L’indemnité
de l’indépendance est apurée intégralement en 1883 ! Haïti avec près de 9 000 000
d’habitants est le premier pays francophone américain. Pour rappel, ce n’est qu’en 1848 que
la France consent à abolir l’esclavage !

Pour faire rentrer des monnaies pouvant payer l’indemnité, Haïti a exploité le café de façon
intense. La source des maux actuels est peut-être là ! En 2001, Haïti a exigé la restitution de
l’indemnité.

Aujourd’hui, il est possible d’affirmer qu’il y a une nette séparation entre les populations.
L’une d’elle est cantonnée dans l’économie de subsistance. La France comme les États-Unis
continuent d’imposer leurs régimes de dictatures plus ou moins corrompues.

Les Martinistes restent attachés à cette île où mourut Martinès.


Venu pour y récupérer les finances dont il avait besoin pour son ordre, il y a trouvé une
demeure pour l’éternité.

123
XV
Revue rose + croix
Automne 1992

N° 163

Histoire d’un ordre traditionnel


Une voie cardiaque
Le philosophe inconnu lcsm
Pierre-Augustin Chaboseau, un serviteur inconnu
Initiation mystique
Le Nouvel Homme
Comment nous devons chercher ce que nous avons perdu

Textes à réordonner pour suivre le sommaire

124
Le Martinisme Traditionnel
par Christian Rebisse

La "fée électricité"

En 1889, on inaugurait à Paris la quatrième Exposition Universelle, celle du centenaire de la


Révolution de 1789. C'était la grande exposition où triomphait la "fée électricité". Le clou de
cette exposition était l'inauguration de la Tour Eiffel, gigantesque monument métallique qui
allait rapidement devenir le symbole du matérialisme triomphant, de la technologie et de
l'industrie. Etait-ce là l'incarnation d'une nouvelle Tour de Babel ? Une nouvelle «Maison
Dieu» du haut de laquelle l'homme risquait de faire une vilaine chute ? A la même époque, le
Martinisme se réorganisait et publiait la revue "L'initiation".

Sur quels fondements les Martinistes de cette époque pouvaient-ils s'appuyer pour élever leur
Temple et quels furent les artisans de cette reconstruction ? C'est de la rencontre de Gérard
Encausse (Papus) et Augustin Chaboseau, tous deux détenteurs d'une initiation transmise
depuis Louis-Claude de Saint-Martin (1743-1803) jusqu'à eux, qu'allait naître L'ordre
Martiniste.

Les Elus-Cohen

Louis-Claude de Saint-Martin était un disciple de Martinès de Pasqually. Ce dernier avait


créé vers 1754 l'«Ordre des Elus-Cohen». Martinès de Pasqually proposait à ses disciples de
travailler à leur réintégration par la pratique de la théurgie. Cette science s'appuyait sur un
cérémonial d'une grande complexité et visait à ce que Martinès de Pasqually appelle la
réconciliation du «mineur», l'homme, avec la Divinité. Cette théurgie reposait sur la mise en
relation de l'homme avec les hiérarchies angéliques. Les anges constituaient selon Martinès
de Pasqually les seuls appuis dont l'homme disposait depuis sa "chute" pour obtenir sa
réconciliation avec le Divin. Contrairement à ce que l'on pense généralement, le Martinisme
n'est pas le prolongement exact de L'ordre des Elus-Cohen, et à plus forte raison Martinès de
Pasqually ne saurait en aucun cas être considéré comme le fondateur de L'ordre Martiniste.
En 1772, avant même d'avoir terminé l'organisation de son Ordre, Martinès de Pasqually part
pour Saint Domingue. Il ne rentrera pas de ce voyage et mourra en 1774. Après la disparition
de Martinès de Pasqually, quelques disciples du maître continuent de diffuser ses
enseignements en leur donnant une couleur particulière. Parmi ces disciples, deux se
distinguent, Jean-Baptiste Willermoz et Louis-Claude de Saint-Martin.

Jean-Baptiste Willermoz, fervent adepte de la franc-maçonnerie et de la théurgie, entra en


relation avec la «Stricte Observance Templière» allemande. En 1782, au convent de cet ordre
à Wilhemsbad, J.-B. Willermoz fit intégrer les enseignements de Martinès de Pasqually dans
les hauts degrés de cet ordre, ceux de «Profès» et «Grand Profès».Cependant il ne transmit
pas à cet ordre les pratiques théurgiques des Elus-Cohen. Au cours de ce convent, la Stricte
Observance Templière se réforma sous le nom de «Chevaliers Bienfaisants de la Cité Sainte».

125
Louis-Claude de Saint-Martin, quant à lui, abandonna la franc-maçonnerie. Il délaissa la
théurgie, la voie externe, au profit de la voie interne. En effet, il jugeait la théurgie
dangereuse, et l'évocation angélique comme peu sûre lorsqu'elle passe par l'externe. On
pourrait d'ailleurs mettre dans la bouche de Saint-Martin cette phrase d Angelus Silesius qui
dans son poème Chérubinique dit: «Éloignez-vous, Séraphins, vous ne pouvez me réconforter
! Éloignez-vous, anges, et tout ce qu'on peut voir auprès de vous ; je me jette tout seul dans la
mer incréée de la Déité pure». L'outil et le creuset de cette mystérieuse communion doit être,
selon Saint-Martin, le cœur de l'homme. Il voulait «entrer dans le coeur du Divin et faire
entrer le Divin dans son coeur», c'est dans ce sens que l'on appelle la voie préconisée par
Saint-Martin «la voie cardiaque». L'évolution de l'attitude de Saint-Martin est due en grande
partie à sa découverte de l'oeuvre de Jacob Boehme. Il dit dans son journal personnel: «C'est
à mon premier maître que je dois mes premiers pas dans la voie spirituelle mais c'est à mon
second que je dois les pas les plus significatifs que j'y ai amplis». Il enrichit les idées de son
premier maître et celle de son second maître pour en faire un système personnel. Louis-
Claude de Saint-Martin transmit une initiation à quelques disciples choisis. (1)

Rappelons également que Louis-Claude de Saint-Martin n'est pas, lui non plus, le créateur
d'une association portant le nom d'Ordre Martiniste. On sait par contre que se constitua autour
de lui un groupe auquel certaines lettres de ses amis (aux environs de 1795) font allusion sous
le nom de «Cercle Intime», «Société des Intimes». Balzac, dans «Le Lys dans la Vallée»,
nous donne un témoignage de l'existence de groupes de disciples de Saint-Martin: «Amie
intime de la Duchesse de Bourbon, Mme de Verneuil faisait partie d'une société sainte dont
l'âme était M. Saint-Martin, né en Touraine, et surnommé le Philosophe Inconnu. Les
disciples de ce philosophe pratiquaient les vertus conseillées par les hautes spéculations de
l'illuminisme mystique.» (2). L'initiation transmise par Louis-Claude de Saint-Martin se
perpétua jusqu'au début du siècle par différentes filiations. A la fin du XIXe siècle, deux
hommes sont dépositaires de cette initiation : le Docteur Gérard Encausse et Augustin
Chaboseau, chacun par une filiation différente. Examinons rapidement ces filiations.

Filiation Martiniste

Louis-Claude de Saint-Martin est décédé le 13 octobre 1803. Il avait initié Jean Antoine
Chaptal, un chimiste à qui l'on doit la découverte de certains procédés de fabrication de l'alun
et de la teinture du coton, ainsi que le procédé de vinification qui porte le nom de
"chaptalisation". Chaptal eut plusieurs enfants, dont une fille qui devient par son mariage
Mme Delaage. Cette dernière eut un fils, Henri Delaage, auteur de nombreux livres sur
l'histoire de L'initiation antique. H. Delaage fut initié par quelqu'un dont le nom ne nous est
pas parvenu, probablement son père ou sa mère, car lorsque son grand-père (Chaptal) mourut,
le jeune Henri Delaage n'avait que 7 ans et était trop jeune pour recevoir cette initiation.
Henri Delaage transmit cette initiation à Gérard Encausse, en 1882 .

Vers le milieu de 1803, Louis-Claude de Saint-Martin logeait chez son ami l'abbé de la Noue,
à Aulnay. Il avait initié celui-ci longtemps avant sa mort. Cet ecclésiastique, prêtre libre et
homme d'une culture encyclopédique, initia l'avocat Antoine-Louis Marie Hennequin. Ce
dernier initia Hyacinthe Joseph-Alexandre Thabaud de Latouche, plus connu sous son nom
d'écrivain Henri de Latouche, qui initia Honoré de Balzac et Adolphe Desbarolles, le Comte

126
d'Authencourt à qui l'on doit un traité de chiromancie célèbre. Ce dernier initia la nièce
d'Henri de Latouche, Amélie Nouël de Latouche, Marquise de Boisse-Mortemart qui elle-
même initia son neveu Augustin Chaboseau en 1886 (3).

La création de L'ordre Martiniste

C'est de la rencontre de ces deux "descendants" de Louis-Claude de Saint-Martin, Augustin


Chaboseau et Papus, que va naître un ordre initiatique qui prendra le nom d'«Ordre
Martiniste». Papus et Augustin Chaboseau sont deux étudiants en médecine. Un ami
commun, P. Gaétan Leymarie, directeur de «La Revue Spirite, connaissant l'intérêt de chacun
d'eux pour l'ésotérisme, se chargera d'organiser leur rencontre. Les deux étudiants en
médecine devinrent très rapidement amis et ne tardèrent pas à s'apercevoir qu'ils étaient tous
deux dépositaires d'une initiation remontant à Louis-Claude de Saint-Martin. En 1888, ils
mirent en commun ce qu'ils avaient reçu l'un et l'autre et décidèrent de transmettre L'initiation
dont ils étaient dépositaires à quelques chercheurs de vérité. Ils créèrent pour cela un Ordre
initiatique et lui donnèrent le nom d'"Ordre Martiniste". C'est à partir de cette époque que l'on
peut parler réellement d'un «Ordre Martiniste». (Par la suite nous verrons comment le nom de
L'ordre se transformera par l'addition de divers qualificatifs, Traditionnel ou Synarchique...).
Bien que L'ordre n'eut encore à cette époque aucune structure, le nombre d'initiés augmenta
rapidement. C'est à cette époque que Papus créa la revue "L'initiation". Papus n'a pas encore
terminé ses études, il va partir faire son service militaire dans peu de temps et ce n'est que le 7
juillet 1892 qu'il défendra avec succès sa thèse de médecine. Pourtant quelle activité ! Il a
déjà fondé l'«École Hermétique>, organisé L'ordre Martiniste, créé les revues "L'initiation",
«Le Voile d'Isis», et déjà écrit «Le Traité Élémentaire de Sciences Occultes» (à 23 Ans),
et«Le Tarot des Bohémiens» (à 24 Ans). Ses collaborateurs, mis à part F.CH. Barlet, ne sont
guère plus âgés que lui. Depuis 1887 il doit son intérêt pour l'ésotérisme à la découverte des
oeuvres du Louis Lucas, chimiste, alchimiste et hermétiste. Passionné par l'occultisme il
étudie les livres d'Eliphas Lévi. Il entre en contact avec le dirigeant de la revue Théosophique
"Le Lotus Rouge", Félix Gaboriau, et fait la connaissance de Barlet (Albert Faucheux) un
occultiste érudit. Dès 1887, Papus adhère à la Société Théosophique, fondée quelques années
auparavant (en 1875), par Madame Blavatsky et le Colonel Olcott.

Le Suprême Conseil de 1891

Rapidement, Papus prit un certain recul par rapport à la Société Théosophique. Cette
organisation avait une conception très orientaliste et bouddhiste de l'ésotérisme, cette position
allait même jusqu'à minimiser, voire supprimer toute perspective d'un ésotérisme occidental
réel. Cette attitude, prônant une supériorité absolue de la tradition orientale, scandalisait
Papus. Mais un autre danger plus grave se dessinait à l'horizon. Sans lui, nous confie Papus,
la tradition occidentale aurait pu continuer à transmettre son flambeau d'initié à initié dans le
silence et l'inconnu. En effet, selon Papus et Stanislas de Guaïta, certains occultistes
essayaient de déplacer l'axe de gravitation de l'ésotérisme pour le placer hors de Paris, sa terre
d'élection ; «Aussi fut-il décidé en Haut Lieu (précise mystérieusement Papus), qu'un
mouvement de diffusion devait être entrepris afin de sélectionner de véritables initiés
capables d'adapter la tradition occidentale au siècle qui allait s'ouvrir». Le but était de
préserver la pérennité de cette tradition et de contrecarrer la machination destinée à conduire
les chercheurs sincères vers une impasse. Le Martinisme fut le creuset de cette transmutation.
Papus démissionna en 1890 de la Société Théosophique, et dès ce moment, le Martinisme

127
s'organisa d'une manière plus précise. Les initiations Martinistes se firent plus nombreuses et
l'année suivante, en juillet 1891, L'ordre Martiniste se dota d'un Suprême Conseil composé de
21 membres(4). On procéda à une élection pour désigner le Grand Maître de L'ordre et c'est
Papus qui fut élu à cette charge. Grâce aux talents de Papus et à l'aide matérielle de Lucien
Mauchel (Chamuel), L'ordre prit rapidement de l'extension. Les premières loges Martinistes
furent créées et Paris compta bientôt quatre loges : «Le Sphinx dirigé par Papus où se
faisaient les études générales. < Hermanubis» dirigée par Sédir où l'on étudiait la mystique et
la tradition orientale. «Velleda», dirigée par Victor-Émile Michelet, qui se consacrait à l'étude
du symbolisme. «Sphinge» réservée aux adaptations artistiques. Dans plusieurs villes
françaises et à l'étranger, des groupes Martinistes se formèrent. L'ordre Martiniste prit aussi
une grande extension à l'étranger : Belgique, Allemagne, Angleterre, Espagne, Italie, Egypte,
Tunisie, États-Unis d'Amérique, Argentine, Guatemala, Colombie. Le numéro d'avril 1898 de
"L'initiation" précise qu'en 1897 il existait 40 loges dans le monde et qu'en 1898 ce nombre
était passé à 113.

La Faculté des Sciences Hermétiques

Les Martinistes voulaient rénover l'ésotérisme occidental, cependant il n'existait nulle part en
France d'endroit où l'on pouvait étudier les sciences hermétiques. Papus réfléchit à la chose et
se dit: «Puisqu'il existe des facultés où l'on peut apprendre les sciences matérialistes,
pourquoi n'y en aurait-il pas une où l'on pourrait apprendre les sciences ésotériques ! ». Les
Martinistes constituèrent donc un groupe organisant des cours et des conférences afin de faire
découvrir aux chercheurs les valeurs de l'ésotérisme occidental. Ce groupe constitua le vivier
où étaient sélectionnés les futurs Martinistes. Il devint le cercle extérieur de L'ordre
Martiniste et prit le nom «d'École Supérieure Libre des Sciences Hermétiques». Il prit plus
tard le nom de «Groupe Indépendant d'Études Ésotériques», puis «d'École Hermétique» et de
«Faculté des Sciences Hermétiques».

Les cours y étaient nombreux et les sujets étudiés allaient de la Kabbale à l'Alchimie et au
Tarot, en passant par l'histoire de la philosophie hermétique, soit environ une douzaine de
cours par mois. Les professeurs les plus assidus étaient Papus, Sédir, Victor-Émile Michelet,
Barlet, Augustin Chaboseau, Sisera... Une section particulière étudiait les Sciences Orientales
sous la direction d'Augustin Chaboseau. Une autre, sous la direction de F. Jollivet-Castellot,
se consacrait à l' Alchimie. Ce groupe prit le nom de «Société Alchimique de France».

L'ordre Kabbalistique de la R+C.

Si les Martinistes avaient constitué un cercle extérieur, le «Groupe Indépendant d'Etudes


Esotériques», ils créèrent aussi un cercle intérieur, «L'ordre Kabbalistique de la Rose+Croix».
Le 5 juillet 1892, L'ordre Martiniste et L'ordre Kabbalistique de la Rose+Croix se lièrent par
un traité. Pour Stanislas de Guaïta, «le Martinisme et la Rose-croix constituent deux forces
complémentaires, dans toute la portée scientifique du terme» (5) . Cet Ordre avait été rénové
en 1889 par Stanislas de Guaïta et Joséphin Péladan. L'entrée dans cet Ordre devint
strictement réservée aux Martinistes «S.I.» qui possédaient ce grade depuis au moins trois ans
et suivant des conditions particulières. Le nombre de membres devait être limité à 144 mais il
ne semble pas que ce nombre ait été jamais atteint. L'ordre Kabbalistique de la Rose+Croix

128
avait pour rôle de parfaire la formation des S.I. Il se divisait en trois degrés d'études
sanctionnés par des diplômes de : bachelier en Kabbale, licencié en Kabbale et docteur en
Kabbale. Après le décès de Stanislas de Guaïta en 1897 (soit 8 ans après sa création), Barlet
sera désigné à la direction de L'ordre mais n'exercera jamais sa fonction et L'ordre
Kabbalistique de la Rose-croix tombera plus ou moins en sommeil. Il sera repris sans succès
par Papus jusqu'à la première guerre mondiale en 1914.

Pour répandre l'illuminisme, les Martinistes n'avaient pas hésité à chercher alliance avec
d'autres sociétés initiatiques. Ainsi en 1908, Papus avait organisé un grand convent
spiritualiste international à Paris, manifestation qui ne réunissait pas moins d'une trentaine
d'organisations initiatiques. Le secrétaire de cette vaste entreprise était Victor Blanchard, un
Martiniste qui reprendra cette idée un peu plus tard pour organiser la F.U.D.O.S.I. Hélas,
dans ses nombreuses alliances, Papus se laissait parfois déborder par la fougue de ses
collaborateurs, ainsi en fut-il avec «l'Eglise Gnostique». Cette église avait été fondée par
Jules Doisnel vers 1889, à la suite d'une expérience spirite. On prétend souvent que l'Eglise
Gnostique devint l'église officielle des Martinistes, en fait l'importance de cette alliance a été
grossie par certains pseudo-successeurs de Papus. S'il se lia avec de nombreuses
organisations : «Les Illuminés», «Les Babistes», « Le Rite Ecossais», ou «Memphis
Misraïm», L'ordre Martiniste n'en garda pas moins son indépendance. A cette époque, il était
courant d'appartenir à plusieurs organisations initiatiques en même temps, beaucoup en
abusèrent et certains furent contaminés par une terrible maladie guettant les "pseudos-initiés",
la "cordonite". Papus et la plupart des dirigeants Martinistes avaient pris des responsabilités
importantes dans la Franc-maçonnerie égyptienne du rite de Memphis-Misraïm. A côté des
97 degrés de ce rite, les quelques degrés du Martinisme semblaient bien pauvres ! Certains
Martinistes, aveuglés par les titres mirobolants des degrés de Memphis-Misraïm, ne prirent
même plus le temps d'étudier leurs enseignements, beaucoup se noyèrent dans une sorte de
syncrétisme initiatique et oublièrent le but de L'initiation, ses fondements, pour se perdre
dans ses formes.

La Guerre de 1914-1918

On peut dire qu'avec la première guerre mondiale, L'ordre tomba en sommeil.


Chacun s'engagea pour défendre sa patrie, Papus se porta volontaire pour le front. Il fut
médecin-chef, avec le grade de capitaine. Il considérait le devoir envers son pays comme
sacré. Augustin Chaboseau, réformé, se fit enrôler dans les cabinets ministériels d'Aristide
Briand, d'abord à la justice, puis à la Présidence du Conseil. Papus mourut avant la fin de la
guerre, le 25 octobre 1916. Après la guerre, les membres du Suprême Conseil étaient
dispersés et il n'y eut pas d'élection d'un nouveau Grand Maître. «Avec Papus le Martinisme
est mort» s'exclame Jollivet-Castelot(6).- Plusieurs Martinistes tentèrent pourtant de prendre
la direction de L'ordre. Ils modifièrent tellement la nature du Martinisme que beaucoup de
Martinistes préféreront ne pas s'associer,), de tels projets et rester indépendants.

Les successions éphémères

Plusieurs groupes Martinistes naquirent à cette époque mais la plupart de ces organisations
eurent une existence éphémère, elles ne se composaient que de quelques groupes, tous

129
indépendants. Lorsqu'un Martiniste russe demandait à cette époque à Barlet, qui était le chef
de L'ordre en France, ce dernier répondait avec un petit sourire: «Le Martinisme est un cercle
dont la circonférence est partout et le centre nulle part...»(7). Regardons rapidement quelles
furent les organisations de cette période transitoire qui reste souvent confuse et sur laquelle
quelques historiens ont pris plaisir à brouiller les pistes. La première dont nous parlerons est
celle qui se forma sous la direction de Jean Bricaud. Celui-ci affirma crue Teder avait
succédé à Papus et que Teder, sur son lit de mort, l'avait désigné pour son successeur. Il
présenta aux Martinistes parisiens un document qui attestait de sa nomination à la tête de
L'ordre. Aucun membre ne prit au sérieux ce document que Bricaud avait probablement écrit
lui-même et ils n'acceptèrent pas de le reconnaître(8). Il forma cependant, à Lyon, un petit
,groupe sous son autorité et transforma le Martinisme en "maçonnisant" allègrement L'ordre
et en réservant son accès uniquement aux hommes ayant la qualité de maçons et titulaires du
18ème degré. Ce groupe créa une sorte de Martinisme qui n'avait pas grand chose à voir avec
celui qu'avaient créé Papus et Augustin Chaboseau. De plus, jean Bricaud revendiqua
abusivement une filiation Elu-Cohen. Robert Ambelain a montré que cette prétention ne
reposait sur aucun fondement(9). Le mouvement de Bricaud resta essentiellement
lyonnais(10).

Un second groupe se forma sous la direction de Victor Blanchard. Ce dernier avait été le
Maître de la Loge parisienne «Melchisédech» et il fut reconnu par une partie des Martinistes
parisiens qui se groupèrent autour de lui. Le 11 novembre 1920 le «Journal Officiel»
annonçait la constitution de son Ordre sous le nom «d'Union Générale des Martinistes et des
Synarchistes» ou «Ordre Martiniste Synarchique». En 1934, H. Spencer Lewis fut initié dans
cet ordre par Victor Blanchard. Il reçut un peu plus tard de ce dernier une charte de Grand
Inspecteur pour les trois Amériques, une charte de Souverain Légat Grand Maître pour les
Etats-Unis d'Amérique et l'autorisation de créer à San José le Temple «Louis-Claude de
Saint-Martin». (Ralph Maxwell Lewis sera également initié dans cet Ordre en septembre
1936). Nous reviendrons plus loin sur L'ordre Martiniste Synarchique.
A Paris, plusieurs groupes indépendants se formèrent mais il n'y eut pas réellement de
Suprême Conseil reconnu comme tel par l'ensemble des Martinistes. En fait, la plupart des
Martinistes, plutôt que de se lancer dans des querelles de succession, préférèrent continuer à
travailler dans l'ombre en restant isolés.

Naissance de L'ordre Martiniste Traditionnel.

La situation semblait sans issue. En 1931, jean Chaboseau suggéra à son père de réunir les
survivants du Suprême Conseil de 1891 pour reprendre la situation en main afin de rétablir
L'ordre Martiniste sur ses bases véritables. Les seuls survivants, en dehors d'A. Chaboseau,
étaient Victor-Emile Michelet et Chamuel.

Augustin Chaboseau, ne l'oublions pas, était le cofondateur du Martinisme de 1889 et il avait


reçu son initiation par filiation directe de sa tante Amélie de Boisse-Mortemart. Victor-Emile
Michelet avait été un membre important de l'Université Hermétique et le Maître de la Loge
«Velleda» ; quant à Chamuel, il avait été l'organisateur matériel de L'ordre, c'est l'arrière-
boutique de sa librairie qui avait abrité les premières activités de L'ordre. D'autres Martinistes
se joignirent à eux: le Dr Octave Béliard, le Dr Robert Chapelain, Pierre Levy, Ihamar
Strouvea, Gustave Tautain... ainsi que Philippe Encausse, le fils de Papus. Ce dernier

130
fréquenta quelque temps L'ordre Martiniste Traditionnel, puis s'en écarta. A cette époque, ses
préoccupations semblaient être ailleurs. Le livre qu'il consacra à la mémoire de son père,
l'année suivante, semble témoigner de cette position{11}. Le 24 juillet 1931, les Martinistes,
réunis autour d'Augustin Chaboseau, décidèrent de réveiller le Martinisme sous son aspect
authentique et traditionnel. Pour le distinguer des nombreuses organisations pseudo-
Martinistes qui existaient, ils ajoutèrent au nom de L'ordre le qualificatif de «Traditionnel».
Par cet acte, les survivants du Suprême Conseil de 1891 revendiquaient «la pérennité de
L'ordre fondé par eux avec Papus»(12). Le Martinisme reprenait force et vigueur. On procéda
à l'élection du Grand Maître et, comme le veut la Tradition, c'est le membre le plus ancien qui
fuit élu à cette charge Augustin Chaboseau. Celui-ci, dès avril 1932, préféra laisser cotte
fonction à Victor Emile Michelet. Bien qu'actif, L'ordre resta relativement discret nous la
direction de ce dernier. A la mort de Michelet, le 1.2 janvier 1938, c'est à nouveau Augustin
Chaboseau qui devint le Grand Maître de L'ordre Martiniste Traditionnel.

Martinisme et F.U.D.O.S.I.

A Bruxelles, en août 1934, se tiennent les premières réunions de la F.U.D.O.S.I.(13)


Différents Ordres Initiatiques sont rassemblés à cette occasion pour mettre en commun leurs
efforts. Victor Blanchard, grâce à la F.U.D.O.S.I, espère reconstituer l'unité mondiale du
Martinisme sous sa direction. Pourtant beaucoup de Martinistes sont absents. L'ordre
Martiniste Traditionnel n'est pas représenté et ne semble pas avoir été invité. Quant à Jean
Bricaud, craignant sans doute que son titre soit contesté, il préféra s'abstenir. Le 9 août, au
cours d'une réunion Martiniste, Victor Blanchard est reconnu comme Souverain Grand
Maître par les Martinistes présents (14). Georges Lagrèze devint Substitut Grand Maître de
cet Ordre. Victor Blanchard autorise Harvey Spencer Lewis à~ créer des loges de L'ordre
Martiniste Synarchique aux Etats-Unis, mais restera incapable de donner, autant à Spencer
Lewis, Emile Dantinne, Edouard Bertholet qu'aux autres, les documents nécessaires pour
cela. Par prudence, H. Spencer Lewis préféra attendre d'avoir des directives précises plutôt
que de se lancer à l'aventure. Les Martinistes des autres juridictions adoptèrent la même
attitude. En fait, les activités de L'ordre Martiniste Synarchique se limitaient à la transmission
des initiations aux divers degrés Martinistes et L'ordre n'avait pas d'existence réelle. Il
n'existait pas à l'époque de Loge Martiniste à Paris et c'est dans le temple de la «Fraternité des
Polaires» que Victor Blanchard donnait ses initiations. Le temps n'arrangea rien à l'affaire et
cinq ans plus tard, les choses n'avaient guère avancé. Devant cette situation, en 1939, la
F.U.D.O.S.I. se résolut à enlever à Victor Blanchard la confiance qui lui avait été accordée.
Georges Lagrèze signala aux membres de la F.U.D.O.S.I. qu'un Martiniste, sur l'existence
duquel V. Blanchard, soit volontairement, soit par négligence, n'avait rien dit, était tout à fait
qualifié pour diriger L'ordre. Ce Martiniste, Augustin Chaboseau, ancien collaborateur de
Papus et dernier survivant du Suprême Conseil de 1891, était légalement le seul en droit de
diriger les destinées du Martinisme. Une délégation fut donc envoyée pour entrer en contact
avec Augustin Chaboseau. Ce dernier, après examen de la situation, accepta de diriger le
Martinisme. Au cours d'une réunion spéciale de la F.U.D.O.S.I, l'ensemble des Martinistes
présents décidèrent de se ranger sous l'autorité du Grand Maître de L'ordre Martiniste
Traditionnel. Ainsi, en juillet 1939, L'ordre Martiniste Traditionnel faisait son entrée à la
F.U.D.O.S.I, alors qu'il en avait été absent jusque-là, tandis que L'ordre Martiniste
Synarchique était déserté par ses membres qui avaient rejoint l'O.M.T. Augustin Chaboseau,
qui vient de prendre la direction du Martinisme, remplace également Victor Blanchard dans

131
sa fonction d'Imperator de la F.U.D.O.S.I. Il devient membre du triangle de direction de cette
organisation composée de trois Imperators A. Chaboseau, Sâr Hieronymus et Ralph M. Lewis
(qui a succédé à son père, décédé le 2 août 1939). Quelques jours plus tard, une lettre du
Suprême Conseil International de L'ordre Martiniste Traditionnel confirma la nomination de
Ralph M. Lewis comme Grand Maître Régional pour les Etats-Unis d'Amérique et membre
du Suprême Conseil International.

La Guerre 1939-1945

La Tradition Martiniste s'installait à nouveau au-delà de l'Océan Atlantique. Il était grand


temps car, quelques mois plus tard, les Martinistes européens allaient connaître une nouvelle
épreuve, la seconde guerre mondiale. Cette dernière allait avoir de lourdes conséquences
puisque de nombreux Martinistes allaient perdre la vie sur les champs de bataille ou dans les
camps de concentration. Peu de temps après le début des hostilités, le 14 août 1940, le journal
officiel publia un décret du gouvernement de Vichy interdisant en France toutes les
organisations secrètes. La plupart des responsables de ces organisations furent alors arrêtés.
L'ordre Martiniste Traditionnel entra officiellement en sommeil en France, mais en fait le
véritable travail ne cessa pas et les Loges "Athanor" et "Brocéliande" restèrent secrètement
actives. Augustin Chaboseau réfugié en Bretagne ne fut pas trop inquiété, mais le Docteur
Béliard eut quelques ennuis avec la Gestapo. Georges Lagrèze fut obligé de se cacher en
Normandie puis à Angers et malgré les perquisitions incessantes à son domicile, il resta
cependant en relation avec Ralph M. Lewis par l'intermédiaire de Jeanne Guesdon.

Après la guerre en 1945, il ne restait que quelques survivants. Sous la direction d'Augustin
Chaboseau, L'ordre Martiniste Traditionnel fut réveillé officiellement. Hélas, Augustin
Chaboseau transita le 2 janvier 1946 et Georges Lagrèze s'éteignit à Angers le 16 avril 1946.
L'ordre en France perdait avec eux des éléments essentiels. Jean Chaboseau fut élu à la
succession de son père. Jean Chaboseau était un Martiniste de valeur, mais n'avait guère le
sens de l'organisation. Il ne réussit pas à réorganiser L'ordre en France. Les membres du
Suprême Conseil lui enlevèrent peu à peu leur confiance et démissionnèrent. Il faut préciser
que certains Martinistes firent tout pour lui compliquer la tâche, aussi, las des querelles, il
préféra mettre L'ordre en sommeil. Les Martinistes belges, sous la direction de Sâr Renatus
(René Rosart), essayèrent de continuer le travail de L'ordre sous le nom d' «Ordre Martiniste
Universel». Victor Blanchard approuva cette décision, mais le décès le René Rosart en
octobre 1948 mit un frein à l'évolution de L'ordre Martiniste Universel. Le frère Heb Ailghim
Si, (le Dr E. Bertholet), succéda à René Rosart, mais laissa s'éteindre un Ordre qui ne connut
jamais d'activité. Le Dr Bertholet décéda le 13 mai 1965 sans avoir nommé de successeur.

Malgré cela, L'ordre Martiniste Traditionnel n'avait subi aucun dommage aux Etats-Unis et
travaillait modestement, attendant que les choses s'apaisent en Europe. Ralph M. Lewis
conserva son titre de Grand Maître Régional. Une dizaine d'années plus tard, lorsque L'ordre
Martiniste Traditionnel se réimplantera en France et dans d'autres pays à partir des Etats-
Unis, Ralph M. Lewis prendra le titre de Souverain Grand Maître. Il dirigera pendant 48 ans
L'ordre Martiniste Traditionnel, c'est-à-dire jusqu'à sa transition, le 12 janvier 1987. Gary
Stewart lui succède, puis en avril 1990 c'est Christian Bernard qui est élu à la direction de
L'ordre Martiniste Traditionnel.

132
L'ordre Martiniste Traditionnel aujourd'hui

Comme on peut le constater, L'ordre Martiniste, malgré les adversités, a toujours réussi à
transmettre sa lumière â travers le temps. S'il existe actuellement de part le monde diverses
"obédiences" Martinistes, c'est L'ordre Martiniste Traditionnel qui compte le plus de
membres, en s'efforçant de maintenir la lumière que les Maîtres du passé lui ont confiée.
Depuis quelques années, le Souverain Grand Maître de L'ordre Martiniste Traditionnel, Frère
Christian Bernard, travaille patiemment à la réorganisation de L'ordre.

Cent ans après la création du Suprême Conseil de 1891, et soixante ans après la création de
L'ordre Martiniste Traditionnel, il veut à la fois recentrer L'ordre sur ses valeurs et ses
pratiques traditionnelles et l'adapter au monde moderne. L'ordre connaît ainsi sous sa
direction une nouvelle naissance. Cent ans après la Révolution française, les Martinistes, sous
la direction de Papus, avaient voulu contribuer à la spiritualisation de leur époque. Dans
l'espoir de participer à cette grande mission, ils avaient propagé dans le monde les «Serviteurs
Inconnus afin que l'Oeuvre puisse s'accomplir. Les enjeux de l'époque étaient importants: les
menaces qui planaient sur l'ésotérisme occidental et la montée de la civilisation industrielle,
l'avènement du "règne de la quantité". Notre époque présente de nombreuses similitudes avec
cette période et chacun peut constater que, alors que nous avons fêté, il y a peu, le
bicentenaire de la Révolution française, beaucoup reste encore à faire. Victor Hugo disait :
«La révolution change tout sauf le cœur humain». L'homme, tout comme à l'époque de la
résurgence du Martinisme, est en danger de progrès et ce n'est pas un hasard si les
Organisations Initiatiques, comme L'ordre Martinisme Traditionnel, sont depuis quelques
années aussi actives, car elles enseignent que ce n'est pas à l'extérieur de nous que doit se
produire une révolution, mais dans le coeur de chacun de nous; c'est ce que les Martinistes
appellent la «Voie Cardiaque».

Notes :
(I) Tous les historiens du Martinisme ne sont pas d'accord sur ce point. Certains considèrent
que Saint-Martin n'a pas transmis d'initiation au sens où on l'entend habituellement. Selon
eux, c'est Papus qui doit être considéré comme le créateur de L'initiation Martiniste. Sur ce
point voir, Le Martinisme, Robert Amadou, éd. de l'Ascèse 1979, Chap IV. Jusqu'à présent
aucun élément ne permet de porter un jugement définitif dans un sens ou dans l'autre.

(2) «Le Lys dans la Vallée, H. de Balzac, Nelson 1957, p 64

(3) Sur les circonstances de cette initiation, voir l'article : «Un Serviteur Inconnu Pierre-
Augustin Chaboseau», dans cette revue.
(4) Cette création fut annoncée dans «L'initiation» : n° 10 juillet 1891, p 83-84 ; n* 11 août
1891, p 182 et n° 22 septembre, p 277 1891.
(5) «Essais de Sciences Maudites, I, Au Seuil du Mystère», G. Carré, Paris 1$90, p 158 .
(6) «Essai de Synthèse des Sciences Occultes, F. Jolivet-Castelot, E. Nourry, Paris 1928, p
189.

133
(7) et (8) «Tutti Gli Uomini Del Martinismo», Gastone Ventura, Editrice Atanor, Roma 1978,
p 52.

(9) «Le Martinisme», Robert Ambelain, Niclaus, Paris 1946, p 151-155.

(10) Jean Bricaud eut des successeurs dont il est impossible de parler ici faute de place. Pour
plus d'information sur ce point, voir notre étude à paraître: «Le Martinisme, son Histoire et sa
Philosophie», Christian Rebisse.

(11) «Papus, sa Vie son Oeuvre», Philippe Encausse, éd. Pythagore, Paris 1932. Jean Reyor
dans le «Voile d'Isis» de décembre 1932 p 793-794, fut le premier à signaler cet aspect du fils
de Papus : «Il semble qu'on ait systématiquement laissé de côté tout ce qui eût pu être
vraiment intéressant dans la carrière si active de cet étonnant Papus... pas un mot sur la
constitution et sur la vie de cet Ordre Martiniste dont Papus était l'animateur...». Philippe
Encausse corrigera ce défaut dans les éditions successives de cet ouvrage.

(12) «Le Martinisme»Robert Ambelain, Niclaus, Paris 1946, p 174.

(13) F.U.D.O.S.I. abréviation de «Fédération Universelle Des Ordres et Sociétés


Initiatiques».
(14) Cet événement fut annoncé dans le numéro d'août septembre 1934, de la revue
«Adonhiram» p 6.

134
Le Martinisme une voie cardiaque
par un SI
Les Martinistes
Qui sont les Martinistes ? Pour certains, ce sont les disciples de Louis-Claude de
Saint-Martin, pour d'autres, ceux de Martinés de Pasqually. La polysémie du
terme "Martiniste" engendrée par l'homonymie de Saint-Martin avec Martinés
est à l'origine de bien des malentendus. Sébastien Mercier(l), nous dit que "cette
secte tire son nom de son chef, auteur du livre intitulé : Des Erreurs et de la
Vérité", c'est-à-dire Saint-Martin. Joseph de Maistre nous précise que les
Martinistes "tirent leur nom d'un certain Martino Pasqualis..."(2). L'ancien
évêque de Blois, M. Grégoire, hésite : "Niais quel est le fondateur de cette
secte ? Car on peut choisir entre Saint-Martin et Martinez, par lequel il fut initié
aux mystères théurgiques..."(3). Robert Amadou s'est appliqué à exposer toutes
les significations que l'on peut donner au terme "Martiniste". Pour lui, sa
signification première désigne "le système théosophique composé par Louis-
Claude de Saint-Martin et exposé dans ses ouvrages. Un Martiniste est celui qui
reçoit ce système afin de l'étudier et de le pratiquer" (4). A cette signification
générale s'ajoutent de nombreuses variantes car, indirectement, les Martinistes
sont aussi les descendants spirituels de Martinés de Pasqually. En effet, Saint-
Martin fut élève de Martinés, et fut initié dans l'Ordre des Elus-Cohen. Même si,
par la suite, il s'en écarta, il conserva malgré tout l'essentiel des théories de son
premier Maître. On peut dire, d'ailleurs, que la pénétration des grandes lignes de
la philosophie de Martinés est indispensable à la bonne compréhension du
message de Saint-Martin. Vers 1889 est né un Ordre initiatique, portant le nom
d'Ordre Martiniste. Depuis cette époque, le terme "Martinistes" désigne plus
particulièrement les membres de cet Ordre et leurs descendants depuis la fin de
la première guerre mondiale.

L'Interne préserve de tout


Si les théories de Saint-Martin sont proches de celles de Martinés de Pasqually,
la différence entre le Martinisme de Saint-Martin et celui de Martinés de
Pasqually se réduit en grande partie à leur manière d'envisager la pratique de la
spiritualité. En effet, pour Martinés, c'est par la théurgie que l'homme doit
opérer son ascension vers le Divin. Pour lui, c'est la seule méthode dont
l'homme dispose depuis sa chute de l'Eden. Cette théurgie, à laquelle
l'étymologie attache la signification d"'oeuvre divine", ou "opération divine",
consiste en un ensemble complexe de pratiques rituelles, visant à obtenir
progressivement l'union mystique avec la Divinité par le secours des anges.
Saint-Martin, quant à lui, juge ces pratiques dépassées et dangereuses. Il pense
que depuis la venue du Christ, le "Réparateur", une porte s'est ouverte et que
l'homme peut maintenant accéder directement au monde divin sans utiliser les

135
agents intermédiaires. A l'évocation, il préfère l'invocation. Sa pratique est une
ascèse intérieure et pour lui c'est au centre de l'être, dans le coeur de l'homme,
que l'union doit se réaliser. L'interne "apprend tout et préserve de tout" confie-t-
il à son ami Kirchberger, qui lui demande conseil sur la pratique de la
spiritualité (5).
Ecce Homo
Les Martinistes s'interrogent sur la capacité actuelle de l'homme à pouvoir
réaliser cette union. Si l'homme, comme nous l'indique la Bible, a été créé à
l'image de Dieu, comment expliquer sa misérable situation actuelle ? L'homme
est-il encore dans sa vraie mesure ? Cette question conduit les Martinistes à
étudier l'histoire de l'homme, depuis son émanation hors de l'Immensité Divine
jusqu'à sa situation actuelle. Pour eux, l'homme ne peut parvenir à connaître sa
nature fondamentale sans étudier les rapports naturels qui existent entre Dieu,
l'homme et l'univers. L'univers et l'homme forment un tout, deux progressions
qui sont liées l'une à l'autre, qui marchent ensemble et le dernier terme de la
connaissance de l'homme le conduirait au dernier terme de la connaissance de la
nature. Mais si l'homme veut comprendre sa véritable nature, c'est vers Dieu
qu'il doit porter son regard, car, "nous ne pouvons nous tire que dans Dieu Lui-
même et nous comprendre que dans Sa propre splendeur ..."(6). Si l'homme
n'est plus à même d'accéder aujourd'hui à cette connaissance c'est parce qu'il a
commis l'erreur de se rendre vide de Dieu, pour se perdre dans le monde des
apparences, le monde temporel. Il s'est endormi au monde spirituel. Son corps
de lumière, autrefois armure impénétrable, s'est transformé en un vêtement de
chair, corruptible et étroit. Son Temple intérieur est en ruine.
"Homme, rappelle un instant ton jugement. Je veux bien t'excuser pour u n
moment de méconnaître encore la sublime destination que tu aurais à remplir
dans l'univers ; mais au moins ne devrais-tu point t'aveugler sur le rôle
insignifiant que tu y remplis pendant le court intervalle que tu parcours depuis
ton berceau jusqu'à ta tombe. Jette un coup d oeil sur ce qui t occupe pendant ce
trajet. Pourrais-tu croire que ce fût pour une destination aussi nulle, que tu te
trouverais doué de facultés et de propriétés si éminentes ?"(7). Comment
retrouver cet état paradisiaque par lequel l'homme était à la fois une "Pensée",
une "Parole", et une "Action" de Dieu ? Là est toute la quête Martiniste, celle de
la "Réintégration". Si l'homme a perdu sa puissance première, il en conserve
malgré tout le germe et il ne tient qu'à sa volonté de cultiver cette racine pour la
faire fructifier.
L'Homme de Désir
L'homme sent bien qu'il est en état de privation, et rien ici-bas n'arrive à le
satisfaire pleinement. Ce qu'il désire fondamentalement n'est pas dé ce monde et
c'est pour cela qu'il s'égare sans cesse, étant poussé par une immense envie de
tout ramener à lui, comme pour retrouver cette faculté qui, autrefois, lui

136
permettait de tout posséder, dominer et tout comprendre. Saint-Martin disait :
"Il n'y a rien d'aussi courant que l'envie et d'aussi rare que le désir". En effet
celui qui prend conscience de l'origine de cette mélancolie, ce souvenir fugitif
d'une grandeur perdue, celui qui aspire à retrouver sa pureté primitive est un
"Homme de désir". Son désir, c'est le désir de Dieu. Le Désir, c'est la racine de
l'éternité (8), "car Dieu est un éternel désir et une éternelle volonté d'être
manifesté, pour que son magisme ou la douce impression de son existence se
propage et s'étende à tout ce qui est susceptible de la recevoir et de la sentir.
L'homme doit donc vivre aussi de ce désir et de cette volonté, et il est chargé
d'entretenir en lui ces affections sublimes; car dans Dieu le désir est toujours
volonté, au lieu que dans l'homme le désir vient rarement jusqu'à ce terme
complet, sans lequel rien ne s'opère. Et c lest par ce pouvoir donné à l'homme d
amener son désir jusqu'au caractère de volonté, qu'il devait être réellement une
image de Dieu. "(9)
La voie Martiniste est une voie de Volonté entre le Destin, les forces qui
dirigent d'une manière aveugle le monde d'en bas et la Providence divine, il faut
donc choisir. Pour le Martiniste, devenir un Homme de Désira c'est entreprendre
la reconstruction de son Temple intérieur. Pour édifier ce Temple éternel, le
Martiniste s'appuie sur deux piliers : l'initiation et l'enseignement Martinistes.
Par ces deux piliers il acquiert la Force et la Sagesse qui lui seront nécessaires
pour faire naître en lui la Beauté, troisième pilier qui marquera de son sceau
l'achèvement de la reconstruction de son Temple intérieur. L'initiation marque
le début de son grand travail, car c'est le moment où il reçoit le germe de
lumière qui constitue le fondement de son oeuvre. A lui ensuite de travailler
pour actualiser et faire rayonner cette lumière. L'initiation Martiniste se déroule
au sein d'un Temple ou Heptade. Elle constitue un moment privilégié, la
rencontre d'un Homme de Désir avec son Initiateur. Cette initiation ne peut
exister qu'avec la présence simultanée de celui qui donne et de celui qui reçoit.
Mais il ne suffit pas de recevoir le flambeau, il faut aussi le conserver, ce qui est
plus difficile. Pour les Martinistes, les initiations humaines, si elles sont un
préliminaire indispensable, ne sont que les "représentatifs" d'une autre
transformation. Elles ne deviennent effectives que lorsque nous recevons
"l'initiation centrale". Cette initiation est celle par laquelle "nous pouvons entrer
dans le coeur de Dieu, et faire entrer le coeur de Dieu en nous, pour y faire un
marnage indissoluble... Il n'y a d'autre mystère pour arriver à cette sainte
initiation, que de nous enfoncer de plus en plus jusque dans les profondeurs de
notre être, et de ne pas tâcher prise, que nous ne soyons parvenus à en sortir la
vivifiante racine ; parce qu'alors tous tes fruits que nous devons porter, selon
notre espèce, se produiront naturellement en nous et hors de nous".(10) Là, se
trouve cette initiation centrale, par laquelle la lente germination de la couronne
(11) au centre de l'homme, fait de lui son propre roi. Le mot "Initier" prend

137
alors tout son sens, ce mot "qui dans son étymologie latine veut dire rapprocher,
unir au principe, le mot initium signifiant aussi bien principe que
commencement... rien de plus analogue à la situation et à l'espoir de l'homme
que la source d'où descendent ces initiations, et que l'objet quelles ont dû se
proposer partout, qui est d'annuler la distance qui se trouve entre la lumière et l
homme : ou de le rapprocher de son Principe en le rétablissant dans le même
état où il était au commencement"(12).
L'enseignement constitue pour le Martiniste la nourriture par laquelle il va faire
grandir le germe reçu lors de son initiation. La base des enseignements
Martinistes est constituée par les écrits de Louis-Claude de Saint-Martin et ceux
de Martinés de Pasqually. Les enseignements Martinistes abordent aussi les
grands thèmes de la Tradition, comme la Kabbale qui permet d'aborder l'étude
de l'Ancien Testament sous un angle plus profond, la science des nombres qui
constitue un thème privilégié par les Martinistes, l'angélologie, les cycles de
l'humanité, le symbolisme des rêves etc. Dans leurs travaux, les Martinistes
n'emploient ni théurgie ni magie, ils se conforment à l'idéal du Philosophe
Inconnu : "Conduire l'esprit de l'homme par une voie naturelle aux choses
surnaturelles qui lui appartiennent de droit, mais dont il a perdu totalement
l'idée, soit par sa dégradation, soit par l'instruction fausse de ses
instituteurs"(13). Pour cela, inutile d'accumuler un savoir intellectuel, car pour
avancer sur la voie de la réintégration, "ce n'est pas la tête qu'il faut se casser,
mais le coeur". Dans son travail, le Martiniste utilise deux livres, l'un est le
"Livre de ta Nature" et l'autre "Le Livre de l'Homme". La nature est "la vraie
corne d'abondance pour votre état actuel... elle est en effet le point de ralliement
de toutes tes vertus créées... Ainsi toutes ces vertus Divines, ordonnées par le
grand principe, pour coopérer à la réhabilitation des hommes, existent toujours
autour de nous(14)". La Sagesse Divine a serré les symboles de ses vertus
autour de nous, afin de nous porter à les recueillir, aussi la nature constitue-t-
elle pour l'initié un immense réservoir de connaissances. Le second livre confié
à la méditation du Martiniste est le "Livre de l'Homme". C'est pour lui le livre le
plus essentiel, car l'homme est "le seul livre écrit de la main de Dieu " ( 15) .
C'est en lui que se trouvent écrites toutes les lois de l'univers et "toutes ces
vérités importantes et fondamentales, [existent] dans tous les hommes avant
d'exister dans aucun livre"(16). C'est d'abord en lui-même que l'homme doit
chercher la lumière. La lecture du Livre de l'Homme débouche donc vers
l'introspection, le retournement vers le centre de l'être, le coeur. Le coeur "est
l'organe et le lieu où se rendent toutes nos facultés et où elles manifestent leur
action ; et comme ces facultés tiennent à tous tes règnes qui nous constituent,
soit le corporel, le spirituel et le divin, ...". Le coeur est le "rendez-vous et
l'expression continuelle de l'âme et de l'esprit" (17). Ce retournement de l'être
vers son centre, cette contemplation intérieure est la prière véritable, elle

138
"imbibe notre âme de ce charme sacré, de ce magisme divin qui est ta vie
secrète de tous les êtres " ( 1 S).
Le Nouvel Homme
Le travail de l'homme de désir provoque une transformation intérieure, un
"engrossement spirituel", porteur d'une promesse de renaissance intérieure. Le
"Vieil Homme" doit céder la place à un "Nouvel Homme". Le terme de
"renaissance" n'est pas utilisé ici l'une manière symbolique, cette transformation
"ne se borne pas à un simple effet partiel et concentré dans un seul point de
notre être intérieur; elle se propage dans toutes tes régions qui nous constituent,
et elle y ressuscite ta vie à tous tes pas ; elle semble donner les noms actifs à
toutes les substances spirituelles, célestes, élémentaires rassemblées en
nous"(19). Avant de parvenir à cette régénération, nous devons faire renaître en
nous l'éternelle vierge, la Sofia. Cette vierge peut naître en nous si nous
ranimons "ce corps glorieux englouti doris notre matière", "notre vêtement pur
et primitif" (20), qui est le corps virginal présidant à la naissance du nouvel
homme, c'est-à-dire la naissance de Christ en nous. Louis-Claude de Saint-
Martin décrit ce processus comme une imitation intérieure du Christ. "La
christologie de Saint-Martin constitue la clef de voûte de son système... " (21 ).
Le Ministère de L'Homme-Esprit
Ce nouvel homme, une fois né, passera par tous les stades de l'évolution, jusqu'à
atteindre sa complète maturité. Devenu "Homme-Esprit", il pourra accomplir
son "ministère". Dans cette mission, il accomplira ce qui était sa destination
primitive, être l"intermédiaire actif entre Dieu et l'univers. La communication
sera rétablie entre le haut et le bas et la Terre pourra trouver le sabbat. L'homme
pourra participer à la réintégration du Tout dans l`Un et redeviendra le Temple
de Dieu. "Hommes de paix, hommes de désir, telle est la splendeur du Temple
dans lequel vous aurez droit un jour de prendre place. Un tel privilège doit
d'autant moins vous étonner qu'ici bas vous pouvez commencer à l'élever, que
vous pouvez même l'orner à tous les instants de votre existence... Souvenez-
vous que, selon l'enseignement des sages, les choses qui sont en haut sont
semblables à celles qui sont en bas; et concevez que vous pouvez concourir
vous-même à cette ressemblance, en faisant en sorte que les choses qui sont en
bas soient comme celles qui sont en haut"(22).

Mais avant d'arriver à ce ministère, l'homme de désir, tel l'Ermite du Tarot, doit
parcourir un sentier rocailleux. Enveloppé de son long manteau, il porte une
lanterne allumée. "L'étude qu'il se propose est précisément indiquée par la
lumière voilée qu'il porte dans toutes ses pérégrinations, dans le périple qu'il
effectue à travers les connaissances. Comme le yogi, il se retire dans la solitude,
emportant avec lui sa Lumière. La lanterne symbolise en effet t'étincelle de la
Lumière prisonnière dans le chaos de la nature, à la recherche de laquelle le

139
Philosophe se consacre "sous le manteau ", cette étincelle émanée du soleil, de
l'Etoile des Sages, qui brille pour le voyant et demeure invisible aux yeux du
monde."(23).

Notes
(1) "Tableau de Paris", Sébastien Mercier, Amsterdam 1783, p 233.
(2) "Quatre chapitres Inédits sur la Russie", Joseph de Maistre, Paris 1859, p 94.
(3) "Histoire des Sectes Religieuses" M. Grégoire, Paris 1828, Tome II p 217.
(4) "Martinisme, Document n°2", Edi-Repro 1979, p 2.
(5) "Correspondance de Louis-Claude de Saint-Martin et Kirchberger, Baron de
Liebisdorf ", Paris, Dentu 1862, lettre XL, p 118.
(6) "Ecce Homo", Louis-Claude Saint-Martin, Paul Derain, Paris 1959, p 17.
(7) "Le Ministère de l'Homme-Esprit", Louis-Claude Saint-Martin. Migneret,
Paris 1802. Introduction p X.
(8) "Oeuvres Posthumes", Tome second, Louis-Claude Saint-Martin, Letourmy,
Tours 1807, p 408.
(9) "Le Ministère de l`Homme-Esprit", opus cité, p 153.
(10) "Correspondance de Louis-Claude Saint-Martin et Kirchberger..." opus
cité, lettre CX, p 322.
(11) "Saint-Martin, le Philosophe Inconnu", M. Matter, Diffusion
Rosicrucienne, Paris 1992, chap. XXVIII, p 376.
(12) "Le Tableau Naturel", Louis-Claude de Saint-Martin, Edimbourg 1782,
seconde partie p 235.
(13) "Mon portrait historique et philosophique", Louis-Claude Saint-Martin,
Julliard 1961, n° 1135 p 442.
(14) "Le Tableau Naturel", opus cité, chapitre 22 p 230 et chap. 19 p 166.
(15) "Le Ministère de l'Homme-Esprit", opus cité, p 26.
(16) "Le Crocodile", Louis-Claude de Saint-Martin, Librairie du Cercle Social,
Paris An VII, p 86.
(17) "De l'Esprit des Choses", Louis-Claude Saint-Martin, Laran, Paris An VIII,
tome second p 93.
(18) "Oeuvres Posthumes", opus cité, p 403.
(19) "Le Nouvel ranime", Louis-Claude Saint-Martin, Diffusion Rosicrucienne,
Paris 1992, p 34.
(20) "Le Ministère de l'Homme-Esprit", opus cité, p 276 et 439.
(21) "Saint-Martin, Fou à Lier" dans "Présence de Louis-Claude de Saint-
Martin", colloque tenu à l'université de Tours, collectif, Robert Amadou, l'autre
Rive, Tours 1986, p 164.
(22) "Le Tableau Naturel", opus cité n° 22, p 227 et 229.
(23) "Le Salut, Essai interprétation selon les principes de l'Hermétisme",
Jean Chaboseau, Niclaus, Paris 1946, p 58.

140
Chaboseau
par Christian Rebisse
Lorsqu'on évoque l'Ordre Martiniste, un nom vient immédiatement à l'esprit, celui de Papus. On
oublie trop souvent que ce mouvement spiritualiste rassembla de brillantes personnalités sans
lesquelles cet Ordre n'aurait probablement pas connu le succès que nous savons. Si certains
collaborateurs de Papus, comme Stanislas de Guaïta, F.-Ch. Barlet (Albert Faucheux), Sédir (Yvon
Leloup), nous sont bien connus, d'autres comme Victor-Emile Michelet et Augustin Chaboseau sont
restes dans l'ombre. Victor-Emile Michelet nous est mieux connu depuis que Richard E. Knowles lui
a consacre un livre (l), quant à Augustin Chaboseau, il reste ignore des biographes (2). Ce Serviteur
Inconnu cache pourtant un personnage aux multiples talents. S'il est vrai que Papus fut l'organisateur
du Martinisme moderne, on oublie souvent qu'il eut un associe, Augustin Chaboseau, et qu'on doit
considérer ce dernier comme le cofondateur de l'Ordre Martiniste. Il est donc temps de faire plus
ample connaissance avec cette personnalité attachante, à la fois pour sa contribution à la pérennité
d'un Martinisme Traditionnel et pour sa qualité d'humaniste.
La découverte récente des archives de la famille d'Augustin Chaboseau nous a permis de rédiger cette
biographie. L'essentiel des informations contenues dans cet article est extrait d'un petit cahier intitule
"In Memoriam Augustin Chaboseau" que Madame Rosalie Louise Chaboseau avait réalisé peu de
temps après la mort de son mari (3). Nous utiliserons aussi un ensemble de notes manuscrites
qu'Augustin Chaboseau avait soigneusement épinglées lui-même par petites liasses et qui étaient
destinées à composer son journal sous le titre de : "Mon Livre de Bord, Soixante ans de Navigation
Littéraire et Politique".

La famille Chaboseau

Pierre-Augustin Chaboseau est né à Versailles le 17 juin 1868. Son double prénom nous renseigne sur
ses origines. Il hérita du premier, Pierre, à la suite dune longue tradition familiale en vigueur depuis le
XIIIe siècle. En effet, vers 1224, le duc Pierre 1er (4) se serait un jour arrêté dans une chaboissière et
aurait servi de parrain au premier-né d'un ancêtre de la famille Chaboseau. Depuis cette époque la
tradition veut que, dans la famille, le fils aîné de chaque génération porte le prénom de Pierre. La
famille .Chaboseau (autrefois écrit : Chaboseau de la Chaboissière) plonge ses racines dans la
noblesse française et Pierre-augustin aurait pu faire suivre son nom des titres suivants :
Marquis de la Chaboissière et de Langlermine, Comte de Kercabus, Kerpoisson, de la Morinière,
Trévenégat, la Bélinière, la Pommeraye ; Baron de la Borde, L'Atrie, le Poreau, Rivedoux. Les
Chaboseau étaient aussi Seigneurs de la Fuye, Proce, Bodouet, la Guionnière, la Tillerolle, Saint-
André, Kerlain, Kerfressou, Kernachanan, terres nobles du Poitou, de Vendée, de Maine et Loire,
Mayenne, Sarthe, de Bretagne, Loire inférieure, Ille et Vilaine, Orne et Côtes du Nord. (5) Pendant la
Révolution française, le titulaire de ces titres les brûla sur "l'autel de la raison" et fut ruiné.
Augustin n'utilisa jamais le prénom de Pierre pour signer ses oeuvres, qu'elles soient poétiques,
littéraires, scientifiques ou historiques. Il n'utilisa que celui d'Augustin. Son second prénom, celui
d'Augustin, lui fut donné par sa mère, Elisa-Célestine (1847-1920) en souvenir de son père, Antoine-
augustin Lepage, à qui elle vouait un véritable culte. Auguste-Marie Chaboseau ( 1835-1898), père
d'Augustin était un militaire et sa carrière exigea de fréquents déménagements. Ces voyages ne furent
jamais un handicap pour les études du jeune homme. Il faut dire que le jeune Augustin manifesta
rapidement une aptitude hors du commun à l'étude. Le travail du lycée ne pouvait guère combler son
appétit intellectuel. Il "dévorait" tous les livres des bibliothèques scolaires et ceux que parents et amis
mettaient à sa disposition.

La jeunesse

141
A l'âge de quatorze ans, il avait déjà lu la Bible entièrement. Cette lecture bouleversa le jeune
adolescent au point qu'elle fut le point de départ de ce qui restera tout au long de sa vie une
préoccupation majeure : lire, étudier et comparer les textes sacrés de toutes les religions. Il consacra
les vacances de Pâques de l'année suivante à la lecture du Coran. Rentré au lycée du Mans, c'est le
dictionnaire des sciences philosophiques d'Adolphe Frank qu'il lit et relit, en ayant soin de prendre de
nombreuses notes. Puis c'est le dictionnaire des littératures rédigé sous la direction de Vapereau qui
retient son attention. Il précise dans son journal : "ce que j'ai appris grâce à Franck et Vapereau durant
cette année scolaire 1882-1883 est la base ce que j'appelle mon érudition".
L'année suivante il se plonge dans l'"Imitation de Jésus-Christ". L'élève Augustin Chaboseau est-il un
surdoué ? Il est difficile de l'affirmer, en tout cas, il possède des aptitudes hors du commun dans
certaines matières. "Les Français conçoivent que l'on ait une vocation irrésistible pour la musique, le
dessin, la peinture... Mais personne n'a jamais admis, pour le polyglottisme, une prédestination
analogue. Et pourtant… Avant mon entrée au Lycée, ma mère avait commence mon initiation à
l'anglais, mon père avait fait de même pour l'allemand, et l'on m'avait confié à un bachelier tout frais
émoulu, pour qu'il m'enseignât ce qui, en matière de latin, correspondait au programme de la
huitième. Excellente préparation mais insuffisante pour expliquer que dès mon arrivée en septième, je
fus le meilleur élève pour le latin et l'allemand, et dès mon passage en sixième, le meilleur pour le
grec, et tout cela sans la moindre peine, je puis même dire sans le moindre effort. Il en alla
pareillement, au cours des cinq ou six années suivantes pour ce qui concernait l'italien, le provençal,
le catalan, l'espagnol, le portugais, d'autre part le, flamand et le néerlandais. Quand je vins à Pau, il ne
me fallut que quelques semaines pour me familiariser avec le béarnais, puis, naturellement, le gascon.
Après l'enseignement secondaire, je me plongeai jusqu'au cou dons le sanscrit. Un Russe m'enseigna
sa langue en quelques mois, et en conséquence je ne tardai guère à traduire tout ce que je voulais du
polonais et du serbe." (6). Il apprit plus tard le breton, l'espéranto et lisait également le sanscrit et le
pali.
A ce don des langues, il convient d'ajouter celui qui lui venait de son père, la musique. Des l'âge de
six ans, il prit des cours de piano et toute sa vie il garda une passion pour la musique et le chant. Le
départ de son père pour une autre garnison allait être l'occasion de rencontres lui ouvrant de nouveaux
champs d'investigation. Malgré ce départ, le père d'Augustin voulait que son fils termine son année
scolaire au lycée du Mans, aussi il le confia à son ami Jean Labrousse, qui, comme le père d'Augustin,
était officier. Les Labrousse étaient des spirites convaincus et ils étaient très liés avec Pierre-Gaétan
Leymarie, le rédacteur en chef et le directeur de "La Revue Spirite". Cette rencontre allait ouvrir
l'esprit du jeune homme aux "mondes invisibles" et y déposer "Ie premier germe des préoccupations
mystiques" (7).

Pierre-Gaëtan Leymarie et le spiritisme

Il est nécessaire de s'attarder ici quelques instants sur Pierre-Gaetan Leymarie (1817-1901). Il fut l'un
des plus ardents disciples d'Allan Kardec, le fondateur du spiritisme. Si Pierre-Gaetan Leymarie était
un spirite très actif, il était aussi un humaniste et il offrait les colonnes de sa revue à tous ceux qui
défendaient "une cause spiritualiste ou d'ordre essentiellement humanitaire et moral" (8). Il fut un
militant pour la paix et l'un des pionniers pour l'émancipation de la femme. Leymarie comprit
rapidement que ses contemporains n'étaient guère préparés pour appréhender les nouvelles sciences
psychiques. Aussi, il estimait que de nombreux efforts étaient nécessaires pour développer la culture
générale des Français. Dans cet objectif, il seconda, en compagnie de sa femme, son ami Jean Macé à
la fondation de la "Ligue de l'Enseignement" (9).
En 1889, Pierre-Gaetan Leymarie organisa le premier congrès spirite international sur le sol français.
Non seulement il fut un homme dévoué et sensible mais il était désintéressé et modeste. Il exerça une
certaine influence sur de nombreuses personnalités (10). Il mourut en 1901 et sa tombe au Père-
Lachaise porte l'inscription
"Mourir c'est quitter l'ombre pour entrer dans la lumière". Les Labrousse parlaient beaucoup de
Leymarie à leur jeune ami Augustin mais ce n'est qu'un peu plus tard, à Paris, qu'il le rencontrera.

142
Pierre-Gaetan Leymarie exercera une profonde influence sur Augustin Chaboseau. Comme lui,
Augustin sera passionné par l'éducation et donnera beaucoup de son temps à la "Ligue pour
l'enseignement" ; comma lui il militera pour les droits de la femme, comme lui il ne se contentera pas
de belles théories élaborées à l'ombre des salons confortables des intellectuels, c'est la pratique qui
l'intéressera au premier chef.

Le Musée Guimet

Revenons à Augustin Chaboseau. Il a 18 ans et se pose pour lui le problème difficile de l'orientation.
Augustin avait plusieurs vocations, la littérature l'attirait beaucoup, et la musique le tentait aussi. Il se
décidera finalement pour la médecine. Ses talents d'écrivain lui seront malgré tout très utiles pour
financer ses études. Dès le mois d'août 1886 il publie une nouvelle, "Le Curé de Bosdarros" dans
"l'Estafette". Encouragé par ce premier succès, il en publie une seconde, "Lucrèce", le même mois.
Ainsi commença une longue série qui le conduira à collaborer à de nombreux périodiques et revues.
Pour suivre ses études de médecine, il lui faut quitter sa famille et s'installer à Paris. La vie parisienne
lui ouvre de nouveaux horizons. A Paris, un nouveau musée consacré à l'étude des religions et des
civilisations de l'Orient vient d'ouvrir ses portes. En effet, Emile Guimet vient d'amener à Paris une
magnifique collection d'objets de culte, des livres sacrés d'Orient ainsi qu'une riche bibliothèque (11).
Augustin va rapidement devenir un visiteur assidu de ce musée, a tel point que Léon Milloué, le
conservateur et bibliothécaire, va le prendre pour adjoint.
C'est de cette époque que va naître sa grande passion pour le bouddhisme.

L'initiation Martiniste
Ses parents, inquiets de laisser seul le jeune étudiant à Paris, lui avaient recommandé d'aller rendre
visite à une de leur parente, la marquise Amélie de Boisse-Mortemart. C'était une femme pleine de
grâce et de distinction. Elle était veuve depuis quelques années et, ruinée par son mari, elle vivait en
donnant des leçons de piano, de chant et d'aquarelle à une clientèle mondaine et bourgeoise du
quartier des Ternes. Artiste aux dons multiples, elle écrivait aussi quelques articles dans diverses
revues.
Dès leur rencontre, une grande complicité s'installa entre Amélie et le jeune Augustin : d'abord sur le
plan littéraire, (sous son propre nom, elle fera publier un article écrit par le jeune Augustin dans "l'Art
et la Mode" en mars 1891). Mais ce sont leurs affinités mystiques qui les rapprocheront le plus.
Amélie s'intéressait beaucoup au spiritisme. "Elle était mystique, ultra mystique. Nulle science occulte
n'avait de secret pour elle. Il est vrai qu'à cet égard elle avait été stylée par Adolphe Desbarolles (13).
Ce qui la passionnait plus que tout, c'était le Martinisme" (14). Si le jeune Augustin connaissait le
spiritisme, il était tout ignorant de ce qui concernait le Martinisme, aussi Amélie résolut-elle de faire
son éducation sur ce sujet. "Elle me prêta les livres d'Elme Caro, de Jacques Matter, d'Adolphe Franck
(15). Ensuite ceux de Saint-Martin lui-même. Après quoi, elle n'hésita pas à m'initier, comme elle
avait été initiée par Adolphe Desbarolles, disciple direct d'Henri de Latouche" (16).
Ainsi, en 1886, Augustin Chaboseau devenait S.I. et prenait sa place dans une lignée d'initiés
Martinistes remontant jusqu'à Louis-Claude de Saint-Martin. Cependant, le Martinisme n'avait pas de
structure, il n'était pas organisé, et il n'existait pas à proprement parler d'"Ordre Martiniste". C'est
encore une rencontre providentielle qui allait changer cette situation.

La rencontre avec Papus

Depuis quelque temps, en effet, Jean Labrousse s'est installé à Paris et c'est tout naturellement qu'il
retrouve Augustin Chaboseau et le présente à son ami Gaétan Leymarie. Celui-ci le mit en contact
avec le milieu mystique et ésotérique parisien et lui offrit de collaborer à la " revue Spirite". Le 15
décembre 1889, Augustin publia un compte rendu sur les Offices Bouddhistes à l'Exposition
Universelle de Paris dans cette revue. A Paris, Augustin Chaboseau se lia d'amitié avec de
nombreuses personnalités, les Frères Cros, Villiers de l'Isle-Adam qui devint pour lui un ami intime,

143
Emile Bourdelle... etc. Sur les conseils de Leymarie, le jeune externe en médecine se présenta à
l'hôpital de la Charité et fit la connaissance de Gérard Encausse, un jeune interne qui commençait déjà
à publier sous le nom de Papus.
Ainsi naquit une grande amitié. Leurs longues discussions sur l'ésotérisme et la mystique leur révéla
qu'ils étaient l'un et l'autre Martinistes et ils décidèrent de mettre sur pied un Ordre Martiniste afin de
transmettre cette initiation. C'est à ce titre que nous devons considérer Augustin Chaboseau comme le
cofondateur de l'Ordre Martiniste.
Papus et Augustin Chaboseau rassemblent quelques amis, Stanislas de Guaïta, Lucien Chamuel, F.-
Ch. Barlet, Maurice Barres, Joséphin Péladan, Victor-Emile Michelet (et quelques autres) et ainsi naît
l'Ordre Martiniste, vers 1890. Papus est un organisateur. Aussi, afin d'assurer le succès de l'entreprise,
il crée toute une structure, comprenant librairie, salle de conférence et revues. Augustin collabore à la
revue l'"Initiation" (de 1889 à 1891) puis Papus lui confie le poste de rédacteur en chef de la revue
"Le Voile d'Isis". Il deviendra également secrétaire de rédaction de "Psyché", revue dont Victor-Emile
Michelet fut le rédacteur en chef. En 1889, a lieu à Paris un congrès international spirite dont Gaétan
Leymarie publie le compte rendu en 1890 dans un gros volume in-8. Dans ce livre, on trouve des
rapports d'Augustin Chaboseau sur des mémoires allemands, néerlandais et italiens.
Tout cela n'empêche pas Augustin Chaboseau de continuer ses études de médecine. Pourtant, au
moment de s'occuper de sa thèse de médecine, Augustin est pris de scrupules. L'idée de tenir entre ses
mains la vie des autres lui fait peur. Aussi, il décide de laisser la médecine et se consacre dorénavant
totalement à la littérature. Papus l'encourage dans ce sens, connaissant sa passion pour la philosophie
bouddhiste et l'encouragea à écrire un livre sur ce sujet, lui disant "Vous connaissez à fond les
religions, les philosophies et les arts de l'Extrême-Orient ; votre situation au musée Guimet vous met à
même de vous documenter facilement" (17). Augustin se mit à l'ouvrage, ne se contentant pas des
traductions des textes sacrés, il apprit le sanscrit et travailla directement sur les textes anciens. Dès
1890, Augustin présenta son manuscrit à Papus et ensemble ils le portèrent chez l'éditeur Carré qui
publia ce livre en mars 1891. Papus créa au sein du Groupe Indépendant d'Etudes Esotériques une
section consacrée à l'étude des sciences orientales pour Augustin Chaboseau.
Lorsqu'en 1891, Papus publie son "Traité Méthodique de Science Occulte" (éd. Carré), il demande
naturellement à Augustin Chaboseau de lui préparer, en annexe à son livre, un glossaire des
principaux termes de la science occulte orientale. Cet appendice sera également publié à part dans une
petite brochure in-8. Pendant les premières années du Martinisme, Augustin Chaboseau sera avec
Stanislas de Guaïta et Chamuel, le plus précieux collaborateur de Papus. En 1891, les Martinistes
décident de donner un cadre plus précis à l'Ordre Martiniste et dans son numéro d'août 1891,
l'"Initiation" annonce une nouveauté, la création d'un Suprême Conseil compose de 21 membres qui,
désormais, dirigeront l'Ordre. Augustin Chaboseau sera membre de ce conseil et prendra le numéro 6
dans ce groupe de 21 personnes. En juillet 1892 la revue "La Plume" propose à ses lecteurs un numéro
spécial sur la Magie. Augustin prêtera son concours à cette revue avec un article intitule "La Chaîne".
Puis à la fin de la même année il est nommé par Stanislas de Guaïta membre de la Chambre de
Direction de "l'Ordre Kabbalistique de la Rose+Croix". Cet Ordre constituait un ordre intérieur dans
l'Ordre Martiniste.

De l'oratoire au laboratoire

Augustin Chaboseau est un homme de terrain, il aime se confronter à la réalité, aussi le travail
spéculatif dans les Loges ne le passionne pas longtemps. "Il ne cessa de préférer l'altruisme à l'étude
spéculative. Toute connaissance, disait-il est inutile, vaine et égoïste, qui ne peut profiler
immédiatement au bien des autres" (19). Aussi, à partir de 1893 il cesse de participer aux réunions de
loges pour répandre les idées émancipatrices par la plume et la parole. Il demande à être mis en congé
du Suprême Conseil de l'Ordre Martiniste pour se jeter dans l'action. Papus, par respect, lui gardera
toujours sa place et son poste ne sera jamais occupé par un autre membre.
Augustin, pendant toutes ces années, a multiplié les contacts. Au cours des dîners de "La Revue
Moderne" il avait fait la connaissance de très nombreuses personnalités des arts et de la politique.

144
Cette période sera celle à partir de laquelle il produira le plus de nouvelles et d'articles divers dans
revues et journaux (20). La liste de ces médias est si longue qu'il ne peut en être cité ci que quelques-
uns : "La Famine, l'Aurore, l'Action, La Petite République, Le Courrier du Soir, le Figaro, le Matin, le
Parisien etc. " Il utilisera pour signer de nombreux pseudonymes : Pierre Thorcy, Penndok, Pendoker,
Arc'Hoaz, le Chat Botté, Candiani, Henri Olivier...

Chaboseau traducteur

Sa collaboration a "La Petite République" eut une influence importante sur sa vie. C'est là qu'il fit la
connaissance de Benoît Malon, de Fournière et de tous les leaders du mouvement socialiste de
l'époque. C'est avec eux qu'il entra dans le monde de la politique. Dès cette époque, ses
préoccupations changèrent, il s'interrogea sur les populations de Pest, Serbes, Tchèques, Polonais et
sur la question des Hindous et des Zoulous. Cette époque est aussi celle qui voit ses travaux de
traduction prendre une plus grande ampleur. Nous n'en donnerons que quelques exemples : à partir du
russe, "La Demande en Mariage" d'A. Tchekhov, à partir de l'anglais, "La Ville Eternelle" de Hall
Caine (21).
Il participa aussi aux travaux de la "Ligue des Droits de l'Homme" et prit part activement à la
constitution des universités populaires. Il donna, entre 1898 et 1907, plus de trois cents conférences.
Augustin avait déjà 34 ans et était encore célibataire, il n'avait, semble-t-il, pas encore trouvé de
compagne à sa mesure. C'est dans le cadre de ses activités à l'université populaire du XIVe
arrondissement, à Paris, qu'il va rencontrer celle qui va devenir le 17 décembre 1902 son épouse,
Rosalie Louise Napias. Cette jeune femme est la descendante d'un fouriériste et dune pupille de Maria
Deraisme. Elle était une féministe très active qui collabora à la revue "La Fronde" sous le
pseudonyme de Blanche Galien. Elle avait réussi à forcer les portes de la faculté de médecine. Elève à
l'institut Pasteur, elle devint la première femme pharmacienne de France.
Augustin Chaboseau possédait cette rare faculté de pouvoir mener en même temps des activités très
différentes. Ses activités furent si nombreuses, que quand on étudie sa biographie, on a peine à croire
qu'il ait pu mener toutes ces activités de front. Sa passion pour l'organisation du travail le mena à
collaborer à la Bourse du Travail où il donna des cours de législation ouvrière. Il exerça également
pour cet organisme son don des langues puisqu'il y fut traducteur interprète pour douze langues
vivantes. Tout cela ne l'empêche pas de trouver le temps de traduire "La Législation ouvrière aux
Etats-Unis", de W.F. Willoughty(23) et de compléter ce travail par des notes et une introduction dans
laquelle il souligne l'avance de ce pays sur la France. Toujours sensible à l'émancipation de la femme,
il traduisit "La réglementation du Travail des Femmes et des enfants aux Etats-Unis" (24) ainsi qu'un
"(Guide Pratique de Législation Ouvrière" (25) et rédigea un "Manuel de Législation Ouvrière", qui
fit autorité. Ses études sur le monde ouvrier l'amenèrent à s'inquiéter de la désertion des campagnes, il
écrivit sur ce thème "La Désertion des Champs".

L'engagement social

Vers 1900, il abandonna ses articles littéraires dans les quotidiens et se consacra aux revues
scientifiques. Il collabora à : la "Revue de Paris", la "Revue Scientifique", la "Revue Générale des
Sciences" etc. Son étude sur la constitution de 1875 sous le titre : "Réalisations démocratiques" lui
valut les honneurs de la tribune de la Chambre des Députés. Il termina une "Etude Historique sur les
Constituants de 1848", qui fut publiée par les soins de la Société pour l'Histoire de la Révolution de
1848 (sous la présidence de G. Renard) (26). Puis c'est Alexandre Levais qui lui confia la rédaction de
son premier volume de "l'Histoire des Partis Socialistes en France", (de Babeuf a la Commune, 1911)
(27).
Ses activités politiques devinrent plus nombreuses. Apres son échec aux élections municipales de
1908 (28), il devint, pour 1911, le secrétaire du député Pierre Goujon. Augustin Chaboseau était un
amoureux de la nature, il était "écologiste" avant l'heure. Il participe avec son ami Anselme Changeur

145
à la "Société pour la Protection des Paysages de France" en 1913. Le siège social de l'association sera
d'ailleurs à son adresse, rue Jenner à Paris. Il fut membre du Comité Directeur de cette Association en
1919 et publia de 1913 à 1934 dans le "Figaro", le "Temps" et le "Bulletin de la Société pour la
Protection des Paysages de France", des articles sur la protection de la nature (29).

Le secrétaire d'Aristide Briand

La première guerre mondiale éclate en 1914. Augustin Chaboseau est un homme qui s'est engagé avec
passion dans les affaires de son pays, aussi il ne supportera pas d'être réformé pour raison de santé. Il
voulait défendre son pays. Il offrira donc de travailler bénévolement à la mairie du XIlIe
arrondissement. Rapidement, il se rendit compte que ce travail de routine ne correspondait guère à ses
compétences et qu'il pouvait être plus utilement employé. Ce fut le moment pour lui de reprendre
contact avec son vieil ami Aristide Briand, qui est devenu Ministre de la justice. Ce dernier donna une
suite favorable a sa requête et dès septembre il l'engagea comme secrétaire particulier. Lorsque
Aristide Briand sera nomme Président du Conseil et Ministre des Affaires étrangères, il gardera
Augustin Chaboseau à son service. Pendant cette collaboration, qui dura jusqu'en 1917 (30), il fut
amené à représenter le ministre en différentes occasions lors de manifestations officielles. Au cours de
cette période, Augustin Chaboseau remplit des missions secrètes auprès d'hommes politiques des
Balkans. Il gagna ainsi l'amitié de plusieurs chefs d'Etats : le président Pachitch et le roi Alexandre de
Yougoslavie (31). Il fut également très lié avec le ministre plénipotentiaire de Serbie à Paris, Milenko
R. Vesnitch. Ce dernier admirait les poèmes serbes qu'Augustin Chaboseau avait traduits (32). Le
gouvernement serbe lui demanda d'écrire un ouvrage d'histoire : "Les Serbes, Croates et Slovènes".
En Yougoslavie, ces deux volumes sont devenus des livres scolaires pour la classe de français. Ils
valurent à leur auteur le titre de "Commandeur de l'Ordre de Saint-Sava" ; décoration que lui remit le
Prince régent Alexandre le 1er décembre 1919 (33). Parmi ses nombreuses relations, qui ne peuvent
être toutes relatées ici, signalons son amitié avec Roland Bonaparte.
Quelques années après la guerre, de 1922 à 1929 il collabora au "Mercure de France". Signalons ici
son article: "Latouche réhabilité" (1919). Henri de Latouche (1785-1851), premier éditeur d'Henri
Chénier, fut aussi un écrivain. Il était également Martiniste et fut l'initiateur d'Adolphe Desbarolles.
La passion d'Augustin pour la protection de la nature est surtout connue grâce à son rôle dans la
protection du Parc de Sceaux. Le propriétaire de ce parc n'avait plus les moyens d'entretenir un tel
espace et en 1923, il s'était résolu à le vendre en plusieurs parcelles. Grâce à la Société pour la
Protection des Paysages de France et l'appui de diverses personnalités, il réussit à éviter la destruction
de ce magnifique espace vert en faisant acheter la propriété par le département de la Seine en juillet
1923. Augustin Chaboseau avait proposé dès le mois de juin d'installer dans le château de Sceaux un
musée historique archéologique d'Ile de France. Le projet tut adopté en décembre 1930 et jean
Robiquet prit la direction de ce musée. Augustin Chaboseau devint son adjoint et conserva ce poste
jusqu'à la déclaration de la guerre en 1939.

L'Ordre Martiniste Traditionnel

Depuis la fin de la guerre 1914-1918, Augustin Chaboseau fréquentait beaucoup le "Grand Orient de
France" et le "Droit Humain" avec lequel il était en relation depuis de nombreuses années. Il fit de
nombreuses conférences au Droit Humain et participa à ses activités jusqu'en 1937. On peut se
demander pourquoi Augustin Chaboseau a choisi de fréquenter les Loges maçonniques plutôt que de
rejoindre les Loges Martinistes. Il faut dire que la situation avait beaucoup changé depuis la fin de la
guerre. En effet, Papus était mort avant la fin de la première guerre mondiale, le 25 octobre 1916.
Depuis cette date, l'Ordre Martiniste était en sommeil, car la guerre avait dispersé les membres et le
Suprême Conseil, rendant ainsi impossible l'élection d'un nouveau Grand Maître (34). Pourtant,
plusieurs Martinistes essayaient depuis cette époque de prendre la direction de l'Ordre. Chacun avait
déformé le Martinisme d'une manière qui scandalisait Augustin Chaboseau. Las de constater les

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nombreuses déviations du Martinisme lyonnais et parisien, il réunit à nouveau les derniers survivants
du Suprême Conseil de 1891 et remit l'Ordre sur pied en 1931. On procéda à l'élection du Grand
Maître et c'est Augustin qui fut désigné à ce poste. Il laissa cependant à Victor-Emile Michelet cette
fonction. A la mort de Michelet, en juillet 1938, Augustin prit la fonction de Grand Maître. L'Ordre
ainsi remis en fonction, les Martinistes ajoutèrent au nom de l'Ordre le qualificatif de "Traditionnel"
pour le distinguer des différents mouvements non orthodoxes. Par ce geste, les Martinistes
revendiquaient "la pérennité de l'Ordre fondé par Papus avec eux... s affirmant seuls justifiés pour
manifester cette régularité" (36). L'Ordre Martiniste Traditionnel restera discret jusqu'à son entrée
dans la F.U.D.O.S.I. à la fin de l'année 1939. A partir de cette date, Augustin Chaboseau devint l'un
des trois Imperators de la F.U.D.O.S.I. (36)
La guerre de 1939-1945 allait malheureusement contrecarrer les projets des Martinistes. Cette "drôle
de guerre " affecta profondément Augustin Chaboseau, il avait fui la capitale avec ses petits-enfants et
avait cherché un refuge dans sa chère Bretagne" (37) : il termina à Saint-Servan (près de Saint-Malo)
ses deuxième et troisième volumes de "l'Histoire de la Bretagne". Son fils Jean était sur le front et
c'est Jeanne Guesdon qui le remplaçait comme secrétaire administrative pour les relations avec
l'étranger. Jean Chaboseau réussissait malgré tout à rentrer de temps en temps. Pour le Noël 1939,
Augustin et Jean Chaboseau ainsi que Georges Lagrèze étaient réunis et travaillaient à l'organisation
de l'Ordre Martiniste Traditionnel, qui malgré la guerre fonctionnait dans la clandestinité. Ils
envoyèrent à cette occasion une charmante carte à Ralph M. Lewis. Avant la fin de la guerre,
contraint par les occupants, il dut regagner Paris. Quelque temps avant la fin de la guerre, l'armée
allemande fit irruption chez lui et pilla sa bibliothèque. Il fallut aux soldats allemands un camion pour
déménager les livres, tellement il y en avait.
Heureusement, prévenu à temps, Augustin Chaboseau avait eu le temps de faire détruire des
documents témoignant de ses activités initiatiques et put ainsi échapper au pire.
"Jusqu'à ses dernières semaines, son activité intellectuelle fut intense : Quinze jours avant sa mort, il
rédigeait des notes pour un travail ultérieur, travaillait à un poème en douze chants sur le Bouddha
(interrompu malheureusement au septième chant) et il avait écrit deux conférences pour de futures
réunions Martinistes. Le deux janvier 1946, il s'éteignit calmement et sereinement, son pauvre corps
devenu trop faible pour permettre à l'esprit d'y demeurer".
Ainsi s'achève ce portrait d'Augustin Chaboseau. Il resterait encore beaucoup à dire, que ce soit sur
ses réalisations littéraires (par exemple sa collaboration à la grande encyclopédie Larousse), politiques
ou initiatiques. L'essentiel était ici de faire découvrir un illustre Martiniste qui, "ayant été nourri par la
doctrine d'amour et de charité du Martinisme, par les études sociales transcendantes de la Rose-croix
et de Saint-Yves d'Alveydre" (39), s'est efforce toute sa vie de mettre en pratique la plus haute idée
qu'il se faisait de l'homme.
Ordre Martiniste Traditionnel
Ordre kabbalistique de la Rose-croix
La Chambre de Direction de L'Ordre Kabbalistique de la Rose+Croix Le Suprême Conseil de l'Ordre
Martiniste Traditionnel Le Groupe Martiniste Brocéliande, vous informent du départ vers les Sphères
Supérieures du Frère Pierre Augustin CHABOSEAU
Président de la Chambre de direction de l'Ordre kabbalistique de la Rose + Croix Grand-maître de
l'Ordre Martiniste Traditionnel président du Groupe Martiniste Brocéliande survenu le 2 janvier 1946,
dans sa 78e année.

-Je ne crains pas de mourir dans le souhait d'une meilleure bergerie, car devant mes yeux comme
devant le miroir, m'apparaît la vie future.

Notes
(l) "(Victor Emile Michelet, Poète Esotérique",
Richard Knowles, Vrin, Paris 1954.
(2) Une petite notice biographique est à signaler malgré tout : "Vie et Mystère des Rose+Croix", de
Jean-Claude Frère, Maison Mame, Paris 1973, qui malgré quelques erreurs est bien documentée.

147
(3) A cela il convient d'ajouter une quantité importante de documents et correspondances avec de
nombreuses personnalités ainsi que des documents de son fils Jean Chaboseau. Nous tenons à
remercier chaleureusement Madame M. C. d'avoir bien voulu nous confier ces documents précieux.
(4) Pierre Ier, dit "Maucler" parce que défroqué, était le fils de Yolande de Courcy et de Robert II,
comte de Dreux et du Perche. il avait pour aïeul un Robert 1er, aîné des quatre fils de Louis VI le
Gros, dont le troisième fils avait été Louis VII le Jeune, père de Philippe-auguste. Pierre Ier fut armé
chevalier par le roi de France en 1209. Voir "Histoire de la Bretagne avant le XIIIe siècle", Augustin
Chaboseau, p 218 et 152, éd. La Bourse aux idées, Paris 1926.
(5) "In memoriam, Augustin Chaboseau", R. Louise Chaboseau, page 1 et notice de Augustin
Chaboseau sur l'origine de la famille Chaboseau.
(6) "Mon Iivre de Bord..." p 3 et 4.
(7) "In Memoriam... " p 5.
(8) Voir "Les Pionniers du Spiritisme en France, Documents pour la formation d'un livre d'Or des
Sciences Psychiques" recueillis par J. Malgras, Lib. " des Sciences Psychologiques", Paris 1906, p
104.
(9) Jean Macé a fonde la "Ligue Française pour l'Enseignement" en 1886 afin de favoriser la diffusion
de l'instruction dans les classes populaires. Depuis 1967 elle a pris le nom de "Ligue de
l'Enseignement et de l'Education Permanente".
(10) René Caillet, fondateur de "l'EtoiIe" auquel participa Augustin Chaboseau, après avoir été un
positiviste et un néantiste, fut converti au spiritisme par Leymarie en 1870.
(11) Ce musée fut fondé par E. Guimet (1836-1918), industriel et archéologue, au retour de la mission
que lui avait confiée le ministère de l'Instruction Publique, pour aller étudier sur place les religions de
l'Extrême-Orient. Il fut installé d'abord à Lyon près du Parc de la Tête d'Or et inauguré par Jules Ferry
le 30 septembre 1879. E. Guimet le transféra en 1884 à Paris, place d'Iéna, afin de le mettre plus à la
portée des chercheurs. Depuis 1945 il est devenu le département des arts asiatiques du musée du
Louvre.
(12) Amélie, née Nouël de Latouche, était la nièce du poète Henri de Latouche.
(13) "Mon Livre de Bord..." p 87. Augustin Chaboseau précise que non seulement A. Desbarolles
initia Amélie au Martinisme, mais il lui apprit certaines techniques de peinture. Il faut se souvenir
qu'Adolphe Desbarolles, avant de se consacrer totalement à la chiromancie, était un peintre de talent.
(Sur ce point, voir le "Dictionnaire Historique et Raisonné des Peintres", par Adolphe Siret, Bruxelles
1883, Tome I p 270.)
(14) "Mon Livre de Bord... " p 88.
(15) "Essai sur la Vie et la Doctrine de Saint-Martin, le Philosophe Inconnu", E. Caro, Paris Hachette
1852 ; "Saint-Martin le Philosophe Inconnu", J. Matter, Paris 1862 ; "La Philosophie Mystique en
France au XVIIIe. Saint-Martin et son Maître Martinez de Pasqually", A. Franck, Paris 1866.

(16) "Mon Livre de Bord... " p 88. Cette dernière information est très importante, car elle précise que
l'initiation que reçut Augustin Chaboseau d'Amélie de Boisse-Mortemart n'était pas uniquement une
initiation à la lecture de Saint-Martin.
(17) "In memoriam... " p 10.
(18) "Essais de Philosophie Bouddhique" In 8°, Carre, Paris 1891, ce livre a été réédité en 1946 par la
Librairie Astra.
(19) " In memoriam... " p 14.
(20) En 1921, il réunit en un ouvrage : "La Halte à l'Ombre" les nombreuses pièces en vers qu'il avait
éparpillées dans de nombreux journaux et revues. In 12°, Maison Française d` Art et d' Edition 1921.
(21) " Une Demande en Mariage", Brochure in 4°, Paris Delamain et Boutelleau 1922. "La Ville
Eternelle", édité d'abord en feuilleton dans "l'Action", puis par la Maison des Publications Littéraires
et Poétiques en 1911.
(22) Maria Deraismes, féministe de la première heure fut aussi avec Georges Martin à l'origine de la
création de la première obédience maçonnique mixte, le Droit Humain, en 1893. Sa soeur Mme Anna
Feresse-Deraisme sera témoin lors du mariage de Louise et Augustin.

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(23) Edité par Giard et Brière, à Paris en 1903.
(24) Edite par E. Cornely en 1907 puis 1908.
(25) Publié par Giard et Brière, à Paris en 1910.
(26) Brochure in 8°, Paris E. Cornely 1911.
(27) In 12° Paris, Marc Rivière 1911.
(28) Il fut le candidat du Parti Socialiste (S.F.I.O) pour le 13e arrondissement de Paris, quartier
Salpetrière.
(29) Lors du deuxième congrès international pour la protection de la nature qui se tiendra à Paris du
30 juin au 4 juillet 1931, congrès ouvert par un discours du Président de la République Française
Albert Lebrun, Augustin Chaboseau donnera un exposé sur "Les Parcs Nationaux aux Etats-Unis".
Les travaux de ce congrès seront publiés en 1932 par la Société d'Edition Géographique, Maritime et
Coloniale, en 1932, avec le texte de A. Chaboseau p 391.
(30) Aristide Briand (1862-1932). Après la guerre, il sera partisan d'une politique de réconciliation
avec l'Allemagne. Il fut 11 fois Président du Conseil et 17 fois Ministre des Affaires Etrangères. Il
signa l'accord de Locarno en 1925. Il fut aussi l'un des animateurs de la Société des Nations, qui en
1946 deviendra l'O.N.U. En 1926 il reçut le prix Nobel de la Paix.
(31) Voir " Vie et Mystères des Rose+Croix", Jean-Claude Frères, Maison Marne, Paris 1973, p 134.
(32) Les Serbes et leur Epopée Nationale, in 16°, Bossard, Paris 1919, publié avec une préface de M.
R. Vesnitch.
(33) " In Memoriam... " p 21.
(34) "Avec Papus le Martinisme est mort" JoIIivet Castellot, "Essai de Synthèse des Sciences
Occultes", E. Nourry, Paris 1928, p 189.
(35) "Le Martinisme", Robert Ambelain, Niclaus, Paris 1946, p 174.
(36) Pour ce qui concerne l'histoire du Martinisme, voir l'article : "(Le Martinisme, histoire d'un Ordre
traditionnel", dans cette même revue.
(37)"In Memoriam..." p 25.
(38) "In Memoriam... " p 25.
(39) "In Memoriam... " p 14.

149
INITIATION MYSTIQUE
par Ralph Maxwell Lewis, Imperator de l'A.M.O.R.C. de 1939 à 1987. Il fut
initié en 1936 au Martinisme et lors de sa transition en 1987, il était Souverain
Grand Maître de l'Ordre Martiniste Traditionnel.
Ce récit est extrait du chapitre premier de son livre : «Hier a beaucoup à dire».
Il faisait déjà nuit lorsque nous nous arrêtâmes enfin, sur un grincement
d'essieu, dans la grande métropole qu'est Bruxelles, cité d'une population de
plus de sept cent mille habitants. Nous fûmes enchantés d'apprendre que notre
hôtel n'était qu'à quelques pas de l'arrêt du chemin de fer ; en fait, il était situé
sur la même grande place pavée face à la gare. Plusieurs fois auparavant,
d'importants groupes de Rosicruciens, venus d'Amérique et de diverses parties
d'Europe, s'étaient retrouvés à cet hôtel pour assister à de grands conclaves à
Bruxelles. Les Rosicruciens étaient connus de la direction comme des hôtes
agréables et respectueux de l'ordre, aussi ne leur ménageait-elle pas son
hospitalité. Notre groupe bénéficiait d'appartements contigus, dont certains
avaient été occupés par le groupe de l'Imperator seulement deux ans auparavant.
J'étais en retard pour une rencontre importante, ô combien, d'une importance
dont je n'avais pas encore pleinement conscience. J'appelai Mademoiselle
Guesdon au téléphone. Elle résidait au même hôtel, venue de Paris pour le
même conclave et pour me servir aimablement d'interprète officiel. Elle
demanda avec émotion à me rencontrer tout de suite, ainsi que Madame Lewis,
dans le grand hall d'entrée. Rencontrer Mademoiselle Guesdon, qui était alors
Grand Secrétaire de l'A.M.O.R.C. de France, c'était faire connaissance avec une
femme d'une très grande intelligence, très efficace et possédant une bonne
expérience administrative. Outre sa fermeté et son aptitude à réaliser parfois ce
qui semblait l'impossible, elle était raffinée, aimable et très attentionnée. Des
années d'étroite association avec le monde commercial, en qualité de directrice,
n'avaient pas amoindri sa pénétration intérieure mystique ni l'orientation
philosophique de sa pensée. Elle a rendu à l'A.M.O.R.C. d'innombrables
services, ainsi qu'à ses officiers suprêmes, en Amérique et ailleurs.
Parlant un anglais parfait d'une voix douce et feutrée, elle nous apprit que
Hiéronymus, 1'Imperator rosicrucien d'Europe, pourrait seulement assister le
soir même au conclave secret de la F.U.D.O.S.I., la grande Fédération des
Ordres arcanes et mystiques du monde entier. Il devait partir de bonne heure, le
lendemain, pour une autre ville de Belgique. En fait, il était resté en conférence,
en nous attendant, pendant toute la journée qui précéda notre arrivée et il
souhaitait nous voir «immédiatement». Nous fûmes peinés d'avoir été cause
d'un retard. Mademoiselle Guesdon s'empressa de nous rassurer : nous avions
respecté notre horaire, mais des affaires inattendues avaient soudain exigé que
Hiéronymus s'en aille plus tôt que prévu.

150
Comme nous devions partir aussitôt, nous n'eûmes pas le temps de nous
préparer. Madame Lewis et moi nous informâmes en hâte les autres membres de
notre groupe de l'endroit où nous allions, puis nous nous empressâmes de
rejoindre Mademoiselle Guesdon au tournant de la rue. Nous fîmes signe avec
frénésie à un taxi et, dans mon émotion, je hélai le chauffeur en anglais, au
grand amusement des clients installés aux terrasses de café en ce début de
soirée. Pour eux, nous nous conformions à la règle de courir, comme tous les
Américains, dans une ruée permanente. Nous estimons souvent que l'allure à
laquelle nous allons dans la vie est à la base même de notre réussite et que celle-
ci est le seul but valable de l'existence. Nos amis belges haussent les épaules et
admettent que les Américains accomplissent des choses stupéfiantes, mais en se
demandant : «Sont-elles le véritable objectif de la vie ?», «apportent-elles aux
Américains plus de bonheur et de satisfaction que les Belges n'en ont d'ordinaire
?» S'adressant rapidement en français à notre chauffeur replet, qui ne paraissait
pas très à l'aise, coincé dans l'espace très réduit entre le volant et le siège au
dossier raide et dur, Mademoiselle Guesdon lui donna des directives pour nous
conduire à notre destination.
Sur l'endroit exact où nous allions et ce qui allait se passer, j'étais encore dans la
plus totale obscurité. Je m'aventurai à questionner Mademoiselle Guesdon,
mais, voyant qu'elle observait une prudente réserve sur ce point, j'abandonnai le
sujet. Cette attitude ne fit que stimuler mon imagination et aviver aussi mon
enthousiasme. Aucun autre mot ne fut prononcé. Nous étions, Mme Lewis et
moi, en plein suspens, chacun gardant sur soi ses propres pensées. Nous
traversâmes de vastes places qu'emmuraient de massives bâtisses en pierre
portant des tourelles d'aspect médiéval et de hautes grilles d'entrée en fer.
Devant, des sentinelles en uniforme marchaient au pas cadencé, portant sur
l'épaule le fusil à baïonnette réglementaire. Je n'ai pu que supposer qu'ils
gardaient des édifices publics. La solennelle dignité de ce cadre était parfois
rompue par le timbre métallique de trams électriques hauts, étroits et courts, qui
brinqueballaient d'un côté de l'autre en passant avec fracas.
Soudain, Mademoiselle Guesdon frappa fortement à la cloison en verre qui nous
séparait du chauffeur. Rangeant son taxi à l'arrêt, il s'enquit en français de ses
désirs. Après maintes gesticulations, le chauffeur se laissa finalement
convaincre par Mademoiselle Guesdon qu'il ne nous emmenait pas dans la
bonne direction et il fit demi-tour pour prendre le sens d'où me sembla-t-il, nous
venions juste d'arriver ; mais je fus surpris lorsque notre taxi s'arrêta dans un
quartier de boutiques semi résidentiel. J'hésitai avant de quitter le taxi : «Est-ce
ici que nous descendons ? », demandai-je, «Oui», me répondit Mademoiselle
Guesdon, en souriant devant mon air ébahi.
Nous fîmes rapidement le tour d'un immeuble, passant devant de nombreuses
petites boutiques attrayantes. Mademoiselle Guesdon s'arrêta devant l'une d'elles

151
et regarda par l'encadrement de la porte. Je m'approchai et jetai un coup d'oeil à
travers la grande vitre de façade. Il y avait là des plats de gâteaux et de grands
saladiers verts pleins de salades à l'aspect alléchant. Je regardai les grosses
lettres peintes sur la vitre au-dessus de moi. L'établissement était un restaurant
réservé à ceux qui préfèrent les plats végétariens et les fruits. «Mais pourquoi
nous arrêtons-nous là ?», me demandai-je. Je me tournai vers Mademoiselle
Guesdon et la regardai. Elle nous invita à entrer. «C'est étrange», pensai-je. Elle
s'était montrée impatiente d'arriver à destination, en fait elle était pressée, et
maintenant nous allions dîner avant de nous y rendre ! Elle sembla prendre
conscience de ma perplexité et m'éclaira : «Nous y sommes», dit-elle. «Le
conclave...» commençai-je, mais elle me fit signe de ne pas parler, car une
sympathique hôtesse, portant un tablier bouffant coloré, s'approchait de nous.
Sur le point de nous recevoir en clients, l'hôtesse allait nous conduire à une table
de la grande salle où déjà plusieurs étaient occupées par des dîneurs, quand
Mademoiselle Guesdon s'avança rapidement et, de manière à ne pas attirer
l'attention, lui chuchota quelque chose que je ne parvins pas à entendre.
La femme se retourna, me regarda attentivement pendant un instant, puis nous
indiqua de la tête une petite porte à l'extrémité opposée de la salle. Nous la
suivîmes jusque là, en file l'un derrière l'autre. Arrivés à la porte, elle nous
salua, tourna le dos et s'éclipsa. Mademoiselle Guesdon nous dit alors :
«Attendez ici, je vous prie ; je serai très vite de retour». Les clients qui
mangeaient sans se presser, comme il est de coutume dans le pays, ne prêtaient
pas attention à nous, ce dont nous leur fûmes reconnaissants, car nos visages
auraient sans doute révélé nos émotions grandissantes.
Il sembla se passer un siècle, bien qu'en réalité cela ne prit pas plus de trois
minutes, avant le retour de Mademoiselle Guesdon. «Veuillez me suivre», dit-
elle, d'un air solennel. Ce que nous fîmes. Nous entrâmes dans un petit couloir
sombre. Pour autant que je me souvienne, il devait tourner, car je n'ai pu en voir
l'autre bout avant de me trouver soudain dans une salle rectangulaire de dix
mètres sur cinq environ. Elle avait, si ma mémoire est fidèle, un parquet en bois
et un plafond bas en plâtre. Deux bougies placées à l'autre extrémité de la pièce
l'éclairaient. Des ombres dansaient autour de nous sur le mur à chaque
vacillement des flammes, rendant plus énigmatique encore l'atmosphère du
moment. Nous avions les yeux fixés sur la scène qu'éclairaient les bougies. Il s'y
trouvait une longue table étroite en forme de fer à cheval, dont l'ouverture était
orientée vers nous. La table était, en réalité, formée par une succession de
petites tables assemblées, recouvertes de nappes d'un blanc éclatant, et
tranchant, par contraste, avec la lumière jaune des bougies.
Tout autour du côté extérieur, un groupe d'hommes d'allure impressionnante
était assis. Aucun ne mangeait, bien que de toute évidence ils venaient de le
faire. Ils fixaient leurs regards sur nous. Leurs visages étaient impassibles, bien

152
que sans froideur ni dureté. Nous avions l'impression, tout en nous tenant là
dans la pénombre, d'être comme une apparition observée par un comité solennel
d'investigateurs des phénomènes psychiques. Je fis un pas en avant, puis restai
là, hésitant. Comme si j'avais ainsi donné le signal, ces messieurs se levèrent
comme un seul homme et restèrent debout, à attendre sans bouger. Quoi ? Je
l'ignorais.
Mademoiselle Guesdon vint une nouvelle fois à notre aide. Elle nous dit à voix
basse : «Permettez-moi de vous présenter». J'étais fasciné par l'un des
personnages. Il se tenait juste au centre, derrière la table du bout formant la
partie fermée du fer à cheval. Il se trouvait directement en face de moi. Je
m'étais efforcé de détourner de lui mon regard. Je ne voulais pas paraître
impoli ; pourtant, comme attiré par une force magnétique, je pris conscience que
j'avais de nouveau tourné les yeux vers lui et capté son regard. Il aurait attiré
l'attention n'importe où. Il était grand, de belle stature, d'aspect soigné, vêtu à la
mode classique. Il portait une barbe blanche de coupe nette, qui lui donnait un
air de distinction discrète. Son teint, pour un homme de son âge - il devait avoir
au moins soixante ans - était d'une étonnante jeunesse, rose et florissant. D'où
j'étais, je ne pouvais discerner la couleur de ses yeux. Ils m'apparurent comme
deux pierres précieuses resplendissantes, scintillantes : comme des points de
lumière, pour les décrire peut-être plus fidèlement.
Lentement, Mademoiselle Guesdon nous conduisit .par l'allée centrale, formée
par l'ouverture de la table en fer à cheval, jusqu'en face de lui. A un mètre
environ, elle s'arrêta. Posément, d'un ton de voix calme, Mademoiselle Guesdon
lui parla en français. Elle me présentait ; il prit ensuite la parole. Je ne me
souviens pas des mots qu'il prononça ; en fait, je n'ai pu, comme je me le
rappelle maintenant, me souvenir d'avoir entendu le moindre mot ; mais ce fut
comme si j'écoutais, m'appelant à une grande distance, une voix indistincte,
mélodieuse, apaisante, quelque peu pareille à un chant. Il me semblait
comprendre intérieurement ce qui m'était dit plutôt que d'en avoir la perception
objective. Il m'adressait des paroles de bienvenue. Il sourit ensuite et nie tendit
la main en signe d'accueil. Lorsqu'il sourit, tout son visage s'illumina d'un éclat
radieux. Je pris alors conscience de ce que les maîtres de la peinture cherchaient
à capter sur leurs toiles dans leurs efforts pour que leurs sujets - saints,
mystiques et grands philosophes du passé - paraissent rayonner la lumière
ésotérique qu'ils avaient en eux. C'est un mystère que les éléments chimiques de
la peinture et des colorants ne pourront jamais traduire. En fait, il se sent plus
qu'il ne se voit.
L'homme qui était en face de moi était l'Imperator d'Europe, connu sous son
seul nom symbolique de Hiéronymus*. C'était l'un des trois Imperators
rosicruciens du monde, dont faisait partie le Dr H. Spencer Lewis appartenant à
notre juridiction. Je ne me sentis pas intimidé en cette circonstance, mais plutôt

153
submergé par une grande vague d'humilité. J'éprouvais un sentiment profond de
dévotion pour l'Ordre que j'ai le privilège et l'honneur de servir. C'est alors que
jaillit en moi une vivante image de mes obligations, de mes devoirs, ainsi que la
pensée du grand nombre de ceux qui m'avaient précédé et avaient permis ce que
nous tenons maintenant pour si sacré.
Nous fûmes ensuite conduits à nos places à cette table, puis chacun de ces
messieurs défila devant nous et nous fut à son tour présenté. Nous avalâmes
prestement notre repas, tant nous étions affamés et tant il était délicieux. Nous
pensions plus ou moins aussi que consacrer du temps à manger en une telle
occasion propice aurait été plutôt profane, bien que dans l'ordre des choses.
Quelques instants plus tard, tous se levèrent quand retentit le marteau et se
retirèrent de la pièce dans le calme. J'étais sur le point de partir aussi quand un
jeune homme de trente-trois à trente-quatre ans, mince, sec, au front haut, au
visage caractéristique de qui étudie et se consacre nettement à une existence de
penseur, s'avança et me dit en anglais : «Veuillez avoir l'amabilité d'attendre
avec Mademoiselle Guesdon ! Vous serez admis plus tard». [...]
Quelques instants plus tard, un Frater entra par la grande porte d'accès à la salle
où tous les autres s'étaient retirés. Il s'adressa dans un français rapide à notre
guide et interprète et s'en retourna. De nouveau, Soror Guesdon nous invita à la
suivre, ce que nous fîmes. Ce qui suivit devint dans notre vie un événement
inoubliable. Nous franchîmes le seuil et restâmes à l'intérieur pendant près d'une
heure, bien que nous n'eûmes pas conscience du temps. Ce qui se passa là doit
rester scellé en mon coeur et mon âme. Je ne puis faire part de mes expériences
qu'à ceux qui sont préparés à les recevoir et, comme moi, ils ne sauront jamais
quand ils seront jugés prêts, jusqu'au moment où ils se verront invités à venir
recevoir cette connaissance au lieu et en temps voulus.
Le lendemain fut pour moi une journée exceptionnellement remplie, sans un
moment de libre pour les visites touristiques ou les excursions. Il y avait
beaucoup trop à faire. Je rencontrai sur rendez-vous un officiel de la
F.U.D.O.S.I. à son bureau, auquel me conduisit Mademoiselle Guesdon. Là
furent signés et scellés d'importants documents concernant la prospérité et
l'extension de l'A.M.O.R.C. en Amérique. Des communications officielles de
l'Imperator de l'A.M.O.R.C. d'Amérique furent remises en personne aux
autorités compétentes de la F.U.D.O.S.I., pour être soumises à l'attention de ses
officiers. Les projets et les problèmes de l'Ordre d'Europe furent abordés et il y
eut échange d'idées constructives. J'entendis pour la première fois cette phrase :
«Il sera du devoir de l'Amérique de préserver ceci pour les futures générations».
Elle me parut singulière, mais je passai outre sans poser de question.
Plus tard, Mme Lewis, Soror Guesdon et moi fûmes invités à déjeuner au
domicile d'un officiel. Nous appréciâmes un délicieux repas, dans un cadre des
plus agréables. Tout de suite après le déjeuner, nous allâmes avec Mademoiselle

154
Guesdon assister à la réunion d'un Comité de Convention spécial de la
F.U.D.O.S.I., non loin de la maison de notre hôte, où furent à nouveau
examinées d'importantes questions touchant l'organisation.
Plusieurs jours s'étaient écoulés depuis notre arrivée à Bruxelles, mais ce soir-là
devait être fertile en événements, au sein de cette ville qui leur est
particulièrement propice. Mme Lewis, Frater Brower venu avec nous
d'Amérique et moi-même allions être admis dans l'Ordre des M… l'un des plus
anciens Ordres arcanes d'Europe. Pendant des siècles, il avait été contemporain
de l'Ordre de la Rose-croix, formant un groupe d'exercice et de préparation
préliminaires au degré supérieur d'études de l'Ordre de la Rose-croix, perpétuant
nombre de nobles traditions et idéaux. Il avait compté parmi ses membres
beaucoup d'hommes cultivés de toute l'Europe, dont les noms jalonnent
l'histoire.
Frater Brower, qui n'était jamais venu à l'étranger auparavant et n'avait pas eu
précédemment le plaisir et le privilège de rencontrer les dignitaires de ces
augustes Ordres de Lumière, se trouvait dans un haut état d'enthousiasme et
d'expectative. Pour lui, les heures de la journée s'égrenaient lentement, dans
l'attente du soir où nous devions nous rendre à notre lieu d'initiation. Il nous
avait été conseillé de porter des vêtements de demi-cérémonie pour la
circonstance et nous nous trouvâmes habillés bien en avance, attendant avec une
très grande impatience dans le salon de notre hôtel l'arrivée de Mademoiselle
Guesdon qui, comme d'habitude, se montra très ponctuelle.
Il faisait nuit et il pleuvait lorsque nous partîmes dans un taxi roulant assez
lentement vers notre lieu de destination. Les rues, pour une aussi grande ville,
étaient entièrement désertes. La soirée était de celles qui inclinent à la
mélancolie. Les reflets de lumière des réverbères aux silhouettes étranges
projetaient des formes grotesques sur la chaussée glissante. Personne ne parlait.
Chacun appréciait la richesse du silence. C'était pour moi une curieuse aventure.
Quelques-unes des rues où nous passions étaient si étroites que l'ombre des
maisons, de chaque côté, épaississait encore l'obscurité, si bien que nous avions
l'impression de rouler au sein de profonds canyons. Les rues présentaient de tels
tournants qu'il était impossible d'en apercevoir les deux bouts, ce qui augmentait
l'impression de réalisme.
Je ne pus m'empêcher de penser aux aventures des néophytes de notre Ordre
bien-aimé qui, au Moyen-âge, recherchant comme nous la Lumière, se
glissaient hors de chez eux dans les profondeurs de la nuit - par un soir comme
celui-ci - et, rabattant très bas sur leur tête le capuchon de leur cape pour cacher
en partie leur visage, se faufilaient dans l'ombre comme des êtres d'un autre
monde, à la recherche de ceux qui, dans les épaisses pénombres des portes
cochères de quelque maison, devaient les rencontrer. Ensemble, ils entraient
sans doute à l'intérieur pour diriger un conclave de notre Ordre, craignant à tout

155
moment d'entendre défoncer la porte et de voir déboucher au milieu d'eux des
agents de l'Eglise et de l'Etat, venus les arrêter pour avoir osé outrepasser, par
leurs études et leurs idées, les limites prescrites des lois ecclésiastiques et d'Etat
sur ce que devait être la connaissance. Bien que je ne courais pas un tel danger,
je frissonnai en pensant à celui qu'ils avaient risqué pour acquérir ce dont nous
profitons avec tant de liberté, souvent sans bien l'apprécier, dans la juridiction
d'Amérique et les juridictions alliées.
Après avoir roulé une dizaine de minutes, nous arrivâmes sur une petite colline
où nous nous arrêtâmes soudain. Descendant de taxi en essayant d'éviter les
flaques d'eau boueuse, nous nous tînmes sur le trottoir devant une bâtisse en
pierre brune très semblable à l'image qu'on se fait des maisons d'architecture des
seizième et dix-septième siècles que décrivent les romans français. Elle était
surannée, curieuse, avec un toit pointu, ses fenêtres mansardées, ses marches
usées par le temps qui montaient vers l'entrée principale, et sa petite porte
cochère en bas sur la gauche au lourd battant de bois et aux petits carreaux
fermés par des grilles.
Supposant que c'était là où nous nous rendions, étant donné l'atmosphère de
mystère et de secret qui régnait, je partis seul en avant et commençai à gravir les
marches conduisant vers de grandes portes closes dont les petits carreaux, à la
partie supérieure, laissaient filtrer une faible lumière. Mademoiselle Guesdon
me cria de revenir. L'ayant rejointe, je lui demandai : «N'est-ce pas là où nous
allons ?» «Si», me répondit-elle, «mais pas par cette entrée». Elle se tourna et
nous la suivîmes. Elle s'approcha de la petite porte à gauche. En fait, pour y
arriver, nous dûmes descendre deux à trois marches. Cette porte m'avait semblé
une sorte d'entrée de service ou de livraison. Nous restâmes derrière Soror
Guesdon, ramenant étroitement nos manteaux autour de nous. Il pleuvait
toujours et nous nous sentions misérablement mal à l'aise. II n'y avait pas une
âme dans la rue. Il faisait particulièrement sombre, car seul un petit réverbère
éclairait faiblement chaque extrémité de cette rue assez longue. Soror Guesdon
frappa trois fois. Ceci me rappela les trois coups symboliques de l'un de nos
rituels.
Nous attendîmes un moment qui me parut très long. Personne ne disait mot. Elle
n'essaya pas de frapper à nouveau. Finalement, j'entendis que l'on tirait le verrou
de la porte, qui devait être très lourde et rarement utilisée car elle s'ouvrit avec
lenteur, comme si celui qui la tirait devait fournir un gros effort. Elle eut un
grincement. Nous aperçûmes l'intérieur. C'était un petit vestibule pas très long,
bien éclairé par une suspension électrique curieuse qui descendait du plafond
haut, projetant sur le sol une ombre originale. A droite de l'entrée face à laquelle
nous nous tenions, partait un escalier conduisant à l'étage dont seules quelques
marches étaient visibles. Le vestibule était accueillant. Il dégageait une
atmosphère d'amitié, de chaleur, de lumière, de réconfort.

156
Juste devant nous se tenait un Frater, grand, de belle stature, portant une robe
blanche fluide et un masque noir qui lui dissimulait tout le visage à l'exception
d'une petite partie du front, de la bouche et du menton. Il prononça ce seul mot :
«Entrez !» Ce que nous fîmes. Nous nous faufilâmes l'un derrière l'autre contre
le mur du vestibule. Il referma la porte, la verrouilla et, sans rien dire d'autre,
tournant à angles droits, il emprunta lentement le haut escalier tandis que nous
le suivions des yeux. De nouveau, le silence régna et nul ne fit l'effort de parler.
Ceci semblait inopportun. Aucun de nous ne paraissait souhaiter formuler en
paroles ses impressions.
Quelques instants après, le Frater revint et en souriant il nous pria en anglais de
bien vouloir l'accompagner. Mademoiselle Guesdon passa en tête. Le Frater en
robe suivit derrière nous. Nous grimpâmes les marches d'escalier, débouchant
sur un autre vestibule identique à celui d'en bas si ce n'est qu'il comportait deux
portes. Nous attendîmes derrière l'une d'elles. Le Frater en robe l'ouvrit juste
assez pour passer dans la pièce sans que nous puissions en voir l'intérieur et
savoir ce qui nous attendait. Il revint au bout d'un moment, tenant à la main trois
grands carrés de soie blanche. Nous fûmes priés d'ôter nos manteaux et nos
chapeaux, puis chacun de nous eut les yeux bandés et fut conduit par cette porte
dans la chambre d'initiation. Les masques ne nous furent enlevés qu'après que
nous fûmes passés par des expériences telles qu'il nous sembla avoir vécu des
siècles et voyagé dans d'autres mondes. Ainsi s'acheva ma première initiation
dans l'Ordre des M… Beaucoup d'autres devaient suivre.

Note:
(*) Ceci se passait trois ans avant la plus haute initiation par la transition du Dr H. Spencer Lewis.
Hiéronymus est lui aussi passé depuis en transition.

157
LE PHILOSOPHE INCONNU
LOUIS-CLAUDE DE SAINT-MARTIN
par Stanislas et Zofja Coszczynski, officiers de la Grande Loge de Pologne de l'A.M.O.R.C. en 1947.
Article paru dans le «Rosicrucian Digest» de décembre 1947/ janvier 1948 (1)
Dans la grande famille des nations, nonobstant les différences de race, de
nationalité et de langue, il y a une certaine tendance, de la part d'hommes
évolués spirituellement, à s'attirer les uns les autres ; les hommes aux âmes de
nature semblable, qui cherchent la plénitude de leur humanité et qui, ne pouvant
l'atteindre uniquement sur le plan physique, poursuivent cette recherche dans les
régions supérieures où leur ardent désir les conduit au sanctuaire même du Dieu
Vivant. Ces pionniers se reconnaissent les uns les autres à des signes visibles et
invisibles et font montre d'un degré de développement et de renaissance en
esprit réel et définitivement achevé. Dans certains cas de proximité spirituelle
particulière, le lien qui existe entre eux devient si étroit que même ce qu'on
appelle la mort cesse d'être un obstacle.
Une famille spirituelle unie n'existe pas à un moment donné dans la chair mais
chacun de ses membres découvre tôt ou tard les traces de cette famille et les
bienfaits qui en proviennent par les trésors spirituels secrets qu'ont accumulés
ceux qui ont été des prédécesseurs. Chacun, sur le chemin du développement de
soi, tend vers la connaissance de son propre Moi, chacun s'efforce d'éveiller le
transcendantal, l'image éternelle enfouie en lui, afin de rendre perceptible et
compréhensible le texte de la Divine pensée déposée en lui et afin d'atteindre à
la plus pleine et à la plus pure manifestation de celle-ci.
Ici l'on peut citer à propos les paroles de l'Evangile : «Cherche et tu trouveras» ;
«Demande et il te sera répondu». Qui que ce soit qui désire ardemment, qui
cherche avec persévérance et ardeur à atteindre à l'Idéal Divin de toute la force
de son âme, est sûr de trouver aide et soutien.
En vérité, celui qui est courageux conquiert le Royaume des Cieux en
surmontant l'opposition des instincts mauvais de la nature, en rejetant tout
compromis et en tendant à jamais à s'élever jusqu'au Royaume de la Lumière et
de la Liberté. Louis-Claude de Saint-Martin était un tel chevalier, arc-bouté à la
recherche de la lumière. Il a été reconnu comme étant l'un des plus grands
mystiques de France, mais l'oeuvre de sa vie ne figure pas seulement dans les
ouvrages qu'il a écrits. Toute son existence fut vouée à l'idée d'une grande
renaissance de l'humanité, et il a éveillé un profond écho non seulement en
France mais aussi en Europe de l'Ouest et en Europe de l'Est. Nous trouvons des
traces de son influence dans les oeuvres créatrices de nos poètes prophétiques,
ceci de façon marquée chez Adam Mickiewicz.
Pour pouvoir comprendre Saint-Martin, l'on doit approfondir son oeuvre, l'on
doit parcourir sa vaste correspondance, étudier sa biographie (publiée par Papus,

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Matter, Franck et d'autres), présentée par de nombreux auteurs et critiques,
souvent de façon partiale et erronée.
Un fin observateur n'aurait aucune difficulté à découvrir le Saint-Martin
véritable, à découvrir de lui une image qui ne soit pas déformée. Son Moi réel
passa par diverses phases de développement ; disciple et adepte de la science
ésotérique de Martinez de Pasqually, qui était un humaniste, un théurge et un
mystique, nous voyons les barreaux de l'échelle qu'il escalada par le titre même
de ses ouvrages successifs : «L'Homme de Désir», «Le Nouvel Homme», «Le
Ministère de l'Homme-Esprit».
Les traits principaux du caractère de Saint-Martin étaient une activité virile, une
activité vigoureuse, et aussi, une sensibilité fine et féminine et un raffinement
inné. Son attitude intrépide et inébranlable quand il se dressait dans la défense
des idéaux qu'il professait, soutenus virtuellement par son mode de vie, le
faisaient souvent sembler dur, même envers ses amis, mais il était le premier à
en souffrir. Il fallait qu'une certaine tendresse jaillissant du coeur s'efforçât
d'alléger la peine qu'il ne pouvait s'empêcher d'infliger aux autres.
Le mysticisme de Saint-Martin n'était pas abstrait et séparé de la vie. Il
s'efforçait de pénétrer au sein même de la Divinité, et avec la lumière de la
connaissance, d'illuminer tous les aspects de la vie. Il avait découvert le secret
du bonheur sur Terre, l'équilibre parfait entre la loi et le devoir, l'harmonie entre
les idéaux professés et la vie de tous les jours. Il considérait que la coexistence
des différents peuples devait être basée sur la fraternité, fraternité conduisant
vers l'égalité spirituelle de tous et vers la liberté qui est l'expression naturelle
des principes de fraternité.
La doctrine de Saint-Martin est claire et simple. Sa vérité peut être perçue
aisément par tout homme de bonne volonté, parce que ce mystique français a
d'abord acquis la connaissance des lois divines et façonné sa doctrine en accord
avec ces lois. A travers ses ouvrages, il désirait diffuser la lumière de la
connaissance à lui échue par révélation, et pourtant, l'horreur d'un abus possible
de la part de gens non préparés ou de mauvaise volonté et ceci de façon
persistante, le conduisit à user du voile des symboles ésotériques lorsqu'il
abordait les vérités destinées aux initiés. L'oeuvre de sa vie a rendu son nom
immortel, non seulement dans son propre pays mais à travers le monde, car le
trait de lumière, qui a pour point de départ la source même de l'universelle
lumière, brille irrésistiblement pour toute l'humanité.

Les années de jeunesse

Saint-Martin est né à Amboise le 18 janvier 1743. On sait très peu de choses de


son enfance. Sa mère est morte alors qu'il était encore tout jeune et cette perte
dut avoir une profonde influence sur la manière dont fut façonnée sa

159
personnalité. De là sa sensibilité extrême, de là le surdéveloppement du
sentiment à la recherche d'une réponse, et la douceur de son raffinement. Entre
lui et son père il y avait un certain manque de compréhension et même dès les
premières années d'activité de Saint-Martin, les éclats devinrent inévitables. On
connaît peu de choses concernant ses frères, mais il semble également qu'il
n'existait pas d'harmonie dans leurs relations. La tristesse étreignait le coeur de
Saint-Martin dans sa prime jeunesse, mais sa réaction montra plus de force que
de faiblesse.
A l'arrière-plan d'une enfance pas trop heureuse, s'élevait dans l'âme de celui-ci
l'ardente aspiration à une vie supérieure ; l'absence d'amour dans le cadre du
cercle familial l'incita à rechercher l'amour de Dieu. Les lettres de Saint-Martin
nous disent à quel point il essaya consciencieusement de remplir ses devoirs
envers son père, même au prix d'un grand sacrifice, faisant ainsi obstacle aux
plans qu'il élaborait pour son propre futur. Après qu'il eut fini l'école, son père
voulut qu'il étudiât le Droit ; Saint-Martin obéit à son voeu. Néanmoins, il fut
bientôt convaincu de l'impossibilité de continuer dans cette direction. Les
complexités du Droit, sa relativité, allaient à l'encontre de ce qui faisait la trame
de son caractère. Il était à la recherche d'une autre sorte de Droit, d'une autre
sorte de loi. A cette époque de sa vie, il ne pouvait pas voir clairement quel était
son chemin, le pouvoir de volonté conscient lui manquait encore - de là sa
seconde erreur : le service militaire. Ceci aussi ne dura pas longtemps, mais à ce
stade de sa vie, quelque chose commençait à se cristalliser au sein de son être -
une porte semblait s'ouvrir sur le jardin enchanté dans lequel il devait
commencer sa mission. Il fit connaissance avec Monsieur de Grainville, un
officier comme lui, et avec Monsieur de Balzac, tous deux disciples de Martinez
de Pasqually. Graduellement leurs relations se firent plus étroites. Saint-Martin
fut reçu dans le cercle intérieur de Martinez de Pasqually. Il fut initié et devint
pour Martinez de Pasqually un élève choisi et son secrétaire.
Saint-Martin quitta l'armée et se voua entièrement à son oeuvre. L'idée de
Réintégration de l'Humanité avancée par M. de Pasqually l'attirait puissamment.
Loyalement et avec une grande ferveur, Saint-Martin commença à exécuter tous
les ordres de son maître, étudiant sa théorie, se soumettant aux pratiques
recommandées et aux pratiques théurgiques.

Les influences significatives

La vie de Saint-Martin prit un tournant lorsqu'il rencontra «L'Agent Inconnu».


C'était un être appartenant aux plans supérieurs, qui imprima son sceau sur la
Loge de Lyon, et qui inspira spécialement Saint-Martin. A ce moment-là,
l'individualité de Saint-Martin commençait à se cristalliser, le rendant de plus en
plus intéressé à l'égard du travail collectif au sein des Loges et des contacts

160
personnels nouveaux comme par exemple ceux qu'il eut avec la Société
Mesmérique et avec les nombreux occultistes de son époque - anglais, italiens,
polonais et russes.
L'amitié des femmes joua un rôle important dans la vie de Saint-Martin ; leur
ton était plein de vivacité et d'enthousiasme. Ainsi de la Duchesse de Bourbon,
Madame de Bry, Madame de Saint-Dicher, Madame de Polomieu, Madame de
Brissac et d'autres. Madame de Boecklin eut un rôle significatif dans la vie de
Saint-Martin (grâce à sa haute spiritualité et à sa grande intelligence). Elle lui
inspira de lire les oeuvres de Jacob Boehme. Les années de sa vie qui
précédèrent ne furent qu'une préparation, car maintenant son âme s'épanouissait,
telle une fleur. La lumière de la connaissance spirituelle ruisselait des oeuvres
de Boehme dans l'être intérieur maintenant préparé de Saint-Martin et donnait
une séduction inattendue à sa mission. Il ressentait une plénitude nouvelle, une
liberté vis-à-vis de l'influence contraignante du monde extérieur, depuis lors
devenu seulement un domaine propice à une action fructueuse. La grande
Révolution française l'épargna. En tant qu'initié de haut degré, il pouvait
aisément percevoir la signification d'événements terribles, mais, bien que
compatissant à la masse de souffrance submergeant la France, il n'essaya jamais
de prévenir les décisions du destin comme le firent d'autres initiés, selon
Cazotte, mystique et homme digne et de haute moralité avec lequel il était en
relation étroite. Quand la mort projetait son ombre sur Paris, fauchant des
victimes de haute naissance, Saint-Martin se sentait en sécurité dans la ville,
tandis qu'il apportait son aide à ceux qui en avaient besoin, sans crainte pour sa
propre vie qu'il avait remise entre les mains de Dieu. Quand il fut forcé de
quitter Paris pour Amboise, il y resta presque jusqu'à sa propre fin. Il mourut le
13 octobre 1803. Les élèves de Saint-Martin déclarent que les derniers moments
de sa vie furent extatiques. La lumière l'entourait et le transfigurait. Il avait déjà
vécu sur un autre plan, et il prouvait que la mort d'un mystique et d'un initié est
dépourvue de la crainte de l'inconnu. Pour une âme libérée, la mort permet de se
défaire des limitations de la matière ; c'est un retour d'exil, une réunion avec le
Père Céleste.

La Mission

Après avoir lu attentivement les documents disponibles, nous proposons


maintenant de présenter avec plus de précision les phases de développement de
Saint-Martin. Son âme cherchait à se manifester dans la vie extérieure, d'une
façon correspondant à ses aspirations et à ses désirs qui restaient encore vagues.
Sa rencontre avec de Grainville et avec de Balzac apporta un changement à sa
vie tout entière. Il sembla recevoir une directive patente quant à l'orientation
future de sa vie. Depuis sa prime jeunesse, il était toujours prêt à une

161
soumission empressée à l'impératif intérieur. Jamais sa nature extérieure ne s'y
opposa. Cela semble avoir été comme la vision avant l'heure de sa propre
mission, laquelle exigeait le renoncement, l'holocauste de sa nature inférieure, le
contraire se faisant au détriment du service de la vérité, de la modestie et de
l'humilité.
Martinez de Pasqually fut le premier instructeur de Saint-Martin. L'idée
maîtresse de sa doctrine de la réintégration de l'homme - c'est-à-dire le retour à
l'état premier qui était le sien avant qu'il ne plongeât dans le monde matériel des
phénomènes, ravit Saint-Martin. Subjugué par la grandeur et la beauté de la
vérité, il se voua volontairement à toutes les études nécessaires et à toutes les
pratiques requises. Dans l'école de Martinez à Lyon, le chemin menant à
l'Illuminisme conduisait à la pratique de la "magie cérémonielle". Le but ultime
était l'union avec Dieu. Martinez de Pasqually fonda une assemblée à Lyon sous
le nom de «Elus-Cohen». C'était une époque où les questions ésotériques, où ce
que l'on appelle la magie, éveillaient un grand intérêt. Sous la direction de
Willermoz, dont Saint-Martin fit la connaissance, la Loge de Lyon s'étendait. La
doctrine magique et théurgique de Martinez de Pasqually semblait des plus
appropriées à Willermoz. Répandre l'Illuminisme en France était sa mission. Il
appréciait le travail de groupe. Des buts communs tout d'abord attirèrent l'un
vers l'autre ces deux élèves éminents de Martinez, mais bientôt apparurent leurs
différences de caractère et d'organisation psychique. Ils se séparèrent sur des
questions de méthodes amenant au but ultime. Willermoz choisissait la voie
mentale qui exigeait un développement intellectuel et trouvait son expression
dans la magie cérémonielle, tandis que Saint-Martin choisissait la voie du coeur
et trouvait son expression dans la théurgie pure. Il considérait la magie comme
étant indésirable car elle magnifiait le pouvoir de volonté individuelle qui
conduisait souvent à l'orgueil et provoquait, si ce n'est la chute, du moins des
faux-pas sur la voie de la renaissance. Au contraire, la théurgie telle que la
connaissait Saint-Martin développait une humilité à jamais plus profonde, à
cause du resserrement du lien avec Dieu par la prière et l'imploration. Humilité
et simplicité, ces deux traits dominants du caractère de Saint-Martin lui
rendaient détestables la pompe et l'aspect plein de splendeur affectionnés par les
Loges. Il était à la recherche d'une expression simple et directe des expériences
de l'âme. Il voulait par-dessus tout voir et démontrer l'essence précieuse laissée
par la communion avec les Puissances Supérieures. Un important point de
repère du développement de Saint-Martin, comme mentionné précédemment,
fut son contact avec ce qu'on a appelé «l'Agent Inconnu», dont les
enseignements transmis par "communication" firent sur lui une profonde
impression. C'est à cette époque qu'il écrivit son premier livre : «Des Erreurs et
de la Vérité». Essayant toujours, dans tout ce qu'il entreprenait, d'être aussi près
de la vérité que possible, il signa le livre du nom de «Philosophe Inconnu». Cet

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ouvrage inspiré, à cause de sa teneur inhabituelle entraîna beaucoup de
discussions, spécialement dans les cercles des Illuminati. La thèse du livre est
que par la connaissance de sa propre nature, l'homme peut atteindre à la
connaissance de son Créateur et de toute la Création et aussi des lois
fondamentales de l'Univers dont on trouve le reflet dans la loi faite par l'homme.
C'est sous cette lumière qu'était montrée l'importance du libre arbitre, cette
aptitude fondamentale de l'homme, aptitude qui, quand elle est mal utilisée,
mène à sa chute et qui, lorsqu'elle est utilisée pour le bien le mène à
l'affranchissement et à la résurrection dans l'esprit. L'«Agent Inconnu» était actif
dans la Loge de Lyon et des copies de son enseignement furent faites. Saint-
Martin assimila avec avidité ces enseignements et à mesure que le temps
passait, il recevait une révélation qu'il désira partager avec les membres de la
Loge de Lyon. Surpris et exalté par la lumière de sa propre connaissance, il
s'attendait à la même réaction de la part de ses frères. Combien sa déception fut
grande et douloureuse lorsqu'il se trouva confronté à une réaction froide et
pleine de suspicion, de la part de l'assemblée. Cette expérience s'avéra terrible
car il se rendit compte de la redoutable responsabilité qu'il y a à dévoiler de
hautes vérités à ceux qui n'y sont pas préparés. Ce fut un coup qui, à travers lui,
atteignit le Grand Médiateur et qui fut des plus pénibles. Après ceci, Saint-
Martin montra une grande réserve ; il fut pris de la crainte de divulguer une
connaissance plus élevée. Nous trouvons là l'explication à une certaine obscurité
voilant la lumière contenue dans son oeuvre. II adopta apparemment la maxime
pythagoricienne : «L'Homme n'a qu'une bouche et deux oreilles».
La vie extérieure du Philosophe Inconnu fut une trame vivante sur laquelle le fil
de sa vie intérieure brodait le canevas, et pour que cette vie soit parfaite, il
savait comment utiliser le moindre événement, heureux ou malheureux, y
trouvant toujours un enseignement caché. Saint-Martin découvrait la grande
valeur du silence, condition absolument nécessaire pour assurer l'inspiration. Le
silence n'était-il pas un manteau protégeant le monde invisible de la
profanation ? Néanmoins, l'école du silence était difficile pour un mystique de
son tempérament, lui dont l'âme désirait par-dessus tout projeter la lumière dans
les ténèbres de l'ignorance. Un dogme sec ne pouvait que faire obstacle au
torrent créateur de sa vie intérieure - le silence ne pouvait enfermer comme
derrière des barreaux son activité, mais il lui servit à prendre la mesure de l'or
spirituel avant de le livrer à son élève.
Vint ensuite le livre de Saint-Martin : «Tableau Naturel des Rapports qui
existent entre Dieu, l'Homme et le Naturel». L'homme a été privé de ses
aptitudes et moyens supérieurs en raison de son plongeon dans la matière, si
profondément qu'il en a perdu la conscience de sa nature première existant avant
cette chute, nature première qui était un reflet de l'image de Dieu. Ainsi
l'homme fut-il assujetti aux lois régnant dans le monde physique. Par cette

163
chute, l'homme s'écarta du cadre de ses propres droits et cessa d'être un lien
entre Dieu et la nature. L'homme possède des aptitudes psychiques qui peuvent
assujettir les sens et les forces de la nature, s'il devient indépendant, s'il se libère
de l'emprise des sens, sans parler de la possibilité qu'il a de les faire lui servir à
étendre le champ de sa connaissance. L'homme, et c'est une règle en ce qui le
concerne, possède la faculté de percevoir la loi, l'unité, l'ordre, la sagesse, la
justice et la puissance à un degré supérieur. En s'y efforçant, de par sa propre
volonté, il peut retourner à la fontaine de la connaissance qui existe encore en
lui ; il peut restaurer l'unité qui fut le commencement de tout. La renaissance de
l'homme a été rendue possible par le sacrifice du Sauveur, et maintenant tout
homme peut prendre part à l'oeuvre de restauration de l'ordre antique et revenir
aux lois antiques qui sont au service de toute créature.
Saint-Martin était un adversaire résolu de la philosophie athée et matérialiste
sévissant alors dans l'Europe tout entière. En cette période, l'on peut constater
l'ampleur de la richesse individuelle du Philosophe Inconnu. Il réunit la
connaissance acquise depuis le monde invisible avec celle de l'intelligence et les
deux choses réunies concourent à la plénitude de ses enseignements qui traitent
de tous les problèmes touchant les conditions de développement des individus,
des sociétés et des nations. Ce fut l'époque de son infatigable activité, de ses
nombreux contacts dans son propre pays et à l'étranger. Il trouvait du temps
pour une vaste correspondance et partageait avec d'autres le fruit de ses
connaissances. L'influence de Saint-Martin et la diffusion de ses enseignements
en France, en Angleterre et en Russie datent de l'année 1785. C'est ce que
montrent ses lettres dans l'oeuvre de Longinov : «Novikoff et les Martinistes
russes».
Quand il était à Londres, il rencontra William Law, le mystique, et aussi
Monsieur Belz, le fameux clairvoyant. Cette rencontre s'avéra très importante. Il
devint l'ami de Zinovieff et du Prince Galitzine qui introduisit le Martinisme en
Russie. Si le Martinisme fut critiqué et persécuté, ce ne fut que le résultat de
l'ignorance quant à l'essence et quant aux buts de cette doctrine, et ce fut aussi le
résultat de fautes humaines de Martinistes occasionnels, natures faibles et
immatures, inconstantes vis-à-vis des hauts standards moraux exigés par les
enseignements de Saint-Martin.
La diffusion des enseignements de Saint-Martin s'accompagna d'un succès
social personnel, mais la chaude sympathie, les amitiés sincères éveillées au
contact de son attachante personnalité ne faisaient pas obstacle à sa vie
intérieure. En faisant une application personnelle de ses enseignements, son être
était si purifié que sa paix intérieure ne pouvait être mise en danger. Son âme
assoiffée de plus de lumière en recevait dans une proportion supérieure et
l'assimilait au bénéfice de la postérité. Il atteignit son apogée quand il fit
connaissance des oeuvres de Jacob Boehme. Il trouva là la solution catégorique

164
de tous les problèmes, au niveau du plus haut échelon conduisant à l'union avec
Dieu le Père. Jacob Boehme n'était pas un instructeur au sens où Martinez de
Pasqually en fut un pour le jeune Saint-Martin, mais son importance fut plus
grande car Saint-Martin était maintenant bien préparé à recevoir une révélation
nouvelle par l'intermédiaire de Jacob Boehme. Une lumière nouvelle envahissait
son âme, était assimilée et hâtait le processus intérieur de transformation. Nous
trouvons un écho de ses expériences dans les lettres adressées à son ami proche
le baron de Liebisdorf (Kirchberger). Jacob Boehme était un mystique, par la
grâce de Dieu. La révélation, la descente de la lumière, le ravissement de l'âme -
de nombreuses expressions peuvent décrire le choc de l'âme soudainement
éveillée.
Nous voyons les différents modes de l'Illumination quand le "vase d'élection"
est préparé à la recevoir. Dans l'ouvrage de Saint-Martin «L'Homme de Désir»,
nous voyons la nouvelle graine produite par l'assimilation de la doctrine de
Boehme. Cet ouvrage rappelle un des psaumes qui exprime l'ardeur de l'âme
pour Dieu et qui déplore la chute de l'homme, ses erreurs et ses péchés, son
aveuglement et son ingratitude.
Soulignant l'origine divine de l'homme, Saint-Martin a vu la possibilité d'un
retour de celui-ci à son état premier, quand il est en accord avec la loi de Dieu.
Mais ce n'est qu'en abandonnant la voie du péché et en suivant les
enseignements du Rédempteur Jésus-Christ, le fils de Dieu, qui descendit des
hauteurs de Son trône céleste par amour de toute l'humanité, que l'homme est
digne seulement d'adorer et que par l'amour et en L'imitant, il peut atteindre au
Salut.
Qui sortira vainqueur de ce combat ? Celui qui ne se soucie pas d'être reconnu
par les hommes ni de ce que ceux-ci se souviennent de lui, mais qui voue tous
ses efforts à n'être pas effacé de la mémoire de Dieu. Si ce n'avait été la venue
d'un homme qui pût dire : «Je ne suis pas de ce monde», quel aurait été le lot de
la postérité humaine ? L'humanité aurait sombré dans les ténèbres, elle se serait
trouvée séparée à jamais du royaume du Père. Mais si de nombreuses personnes
se détachent de l'amour, celui-ci peut-il renoncer à eux ?
Dans son ouvrage ultérieur «Ecce Homo», Saint-Martin prévient du danger qu'il
y a à rechercher l'excitation des émotions, à rechercher les expériences
magiques de bas niveau tels que la bonne aventure, le spiritisme et les
phénomènes variés qui ne sont que l'expression d'états psycho-physiques
anormaux de l'homme. Ce chemin conduit l'humanité vers des ténèbres
inconnues et redoutables, il mène à une chute encore plus grande, tandis que le
salut ne peut être atteint que par une renaissance consciente.
Dans son livre «Le Nouvel Homme», publié la même année, l'auteur traite de la
pensée comme d'un organe de renaissance, qui permet de pénétrer au plus
profond de l'être humain et de découvrir la vérité éternelle de son être. L'âme de

165
l'homme est une pensée de Dieu ; le devoir de l'homme est d'ôter le voile
recouvrant le texte sacré et ensuite de faire de son mieux pour l'amplifier et le
manifester tout au long de sa vie. Dans son ouvrage «De l'Esprit des Choses»,
Saint-Martin déclare que l'homme, créé à l'image et à la ressemblance de Dieu,
peut pénétrer au sein de l'Etre, qui se trouve caché dans la création tout entière
et qu'à cause de sa vue intérieure claire, il est capable de voir et de reconnaître
les vérités de Dieu déposées dans la Nature. La lumière intérieure est un
réflecteur qui illumine toutes les formes. De l'intensité de la lumière dépend le
degré d'illumination et de discernement dont a besoin l'homme rené en esprit et
lisant le Livre ouvert de la Vie.
Le livre de Saint-Martin «Le Ministère de l'Homme-Esprit» complète toutes les
indications précédentes, présentant un but non dissemblable, celui de l'ascension
d'une haute montagne. L'homme y grimpe, poussé par une nécessité intérieure et
avec l'avant-goût de la victoire, qui apporte la liberté après tribulations et
souffrances. Une liberté qui, dans ce cas, est synonyme des plus grandes
bénédictions pouvant être atteintes sur Terre. Il existe un rayon radical et unique
pour découvrir et répandre la moralité et la bonté, et ce rayon, c'est le plein
développement de notre essence intérieure immanente. Le plus haut sacrifice à
faire pour sauver l'humanité a déjà été offert ; c'est maintenant à l'homme
d'offrir en un sacrifice volontaire sa propre nature inférieure, de la crucifier, et
ainsi de la libérer des entraves contraignantes de la nature grossière. C'est le
retour de l'enfant prodige vers le Père à jamais rempli de charité et de pardon.
C'est cela atteindre à l'unité parfaite avec Lui : «Mon Père et moi sommes un».
Chaque âme possède son propre miroir qui réfléchit l'Unique Vérité, chaque
âme possède un prisme et un arc-en-ciel qui lui donnent ses couleurs, et c'est
pourquoi les oeuvres de Saint-Martin ne sont pas semblables à celles de
Boehme. Les missions de ces deux hommes, dans la vie, étaient différentes
aussi, quoique jaillissant de la même source - du même besoin de servir
l'humanité en ouvrant à celle-ci un nouveau chemin à son progrès. Saint-Martin
prisait hautement les oeuvres de Boehme, même s'il les trouvait plutôt
chaotiques et confuses. Il voulait les offrir à ses compatriotes et il traduisit les
livres les plus importants de Boehme : «L'Aurore Naissante», «Les Trois
Principes de l'Essence Divine», «Quarante Questions sur l'âme».
Après la mort du Philosophe Inconnu, certains brefs écrits dont il était l'auteur
furent publiés, parmi lesquels nous citerons «Pensées Choisies», de très
nombreux fragments éthiques et philosophiques, de la poésie également incluant
«Le Cimetière d'Amboise», «Stances sur l'Origine et la Destination de
l'Homme», à côté de méditations et de prières.
Saint-Martin s'intéressait à la Science des Nombres. Il est vrai que son ouvrage
«Des Nombres» resta inachevé, mais il contient cependant beaucoup
d'indications importantes que l'on ne pourrait trouver ailleurs ; il a analysé les

166
nombres d'un point de vue métaphysique et mystique. Dans les nombres, il a
trouvé une confirmation de la chute et de la renaissance de l'homme. Le nombre
n'est pas pris dans le sens d'un signe mort mais comme l'expression du Verbe
Créateur. Chaque nombre indique une certaine idée et agit sur plusieurs plans.
Tout est l'expression de l'unité s'écoulant du sein de la Divinité. L'amour et le
sacrifice furent à la base de l'acte de création. Le péché originel et la chute de
l'homme, son dérèglement, et son immersion dans la matière doivent être
rachetés par le sacrifice et l'amour du Créateur ; ceci seul peut accomplir le
retour à l'Unité.

La Révolution Française

Les lettres et l'activité de Saint-Martin expliquent sa relation avec la Révolution


française, chose qui pour beaucoup de critiques est restée obscure car il ne
pouvait être compris que par ceux qui ont reçu l'Illumination et par les
mystiques. Derrière tous les phénomènes se passant sur le plan physique, il y a
le film du plan astral. Aussi longtemps que ceci n'est pas manifesté dans le
monde visible, il y a des possibilités de changement, des possibilités de dévier
le cours des choses par le sacrifice et par l'appel à la miséricorde Divine. Nous
connaissons l'histoire symbolique des dix hommes « justes » qui auraient pu
sauver Sodome de la destruction. Les films astraux ne sont pas tous développés,
dit-on, parce qu'ils peuvent être changés par des facteurs supérieurs dans le
monde invisible et aussi par l'homme sur Terre. Mais une fois que le film fatal
est développé, aucune puissance humaine ne peut stopper le cours des
événements. Saint-Martin, non seulement croyait, mais savait que si la
Providence permet une fois la perception d'un film, apportant au peuple un
malheur indicible, la Rédemption, si elle n'est pas volontaire, doit être imposée.
Il voyait la Révolution française comme une image et comme une amorce du
Jugement Dernier qui se poursuivra sur cette Terre, en s'effectuant
graduellement. Il affirmait que la structure sociale ne peut être durable, qu'elle
ne peut satisfaire la majorité et avoir un caractère élevé si elle n'est pas basée
sur une connaissance parfaite de l'organisation psycho-physique de l'homme, si
cette structure sociale ne correspond pas aux lois divines reflétées en lui. Un
législateur devrait avoir en lui une connaissance profonde de la nature intérieure
de l'homme, sa conduite doit être morale, il doit trouver un ordre social
exprimant connaissance, justice et pouvoir. Toutes les tentatives pour continuer
sur des valeurs transitoires ou erronées ne conduisent qu'au désastre, quelle que
soit la durée de ces tentatives.
Dans son ouvrage «Le Crocodile,», Saint-Martin dépeint la façon dont le mal
s'insinue dans les choses saintes et avec quelle perfidie il distille son venin pour
détruire ceux qui sont aveugles et insensibles. Mais le mal dispose d'un temps

167
limité et il est facilement reconnaissable à des signes discernables et ne peut
mystifier ceux qui ont le regard de la conscience, ceux qui observent et sont des
chevaliers au noble dessein. Plus grande est l'armée rassemblée sous les
bannières du bien, plus la victoire sur les rangs serrés et déloyaux mais qui vont
toujours s'affaiblissant, du mal, viendra rapidement. La relation de Saint-Martin
à la Révolution française dépendait de son type de connaissance - et quel autre
homme possédait une telle vue intérieure des choses, spirituellement ?
Il comprenait ce qui était en cours et oeuvrait avec diligence dans le domaine du
mysticisme. Il faisait aussi de son mieux pour résoudre le problème d'une
organisation sociale qui soit juste et plus heureuse. L'influence de la Révolution
française est évidente dans l'oeuvre de Saint-Martin. Il ne pouvait en être
autrement.

L'Ordre Martiniste Traditionnel

La doctrine de Saint-Martin s'est répandue largement dans le monde sous la


forme d'un Ordre initiatique et a porté le nom d'Ordre Martiniste. Saint-Martin
était pour l'initiation individuelle. Chaque membre était soigneusement choisi et
il lui était donné l'opportunité d'un contact étroit et familier. Alors, l'Initiateur
lui donnait les indications et les enseignements dont il avait le plus besoin et qui
n'étaient pas au-dessus de sa compréhension. Le chemin était plus long que
celui consistant à travailler avec tout un groupe, mais il était plus sûr, puisque la
pure doctrine demeurait inaltérée, qu'elle reposait sur les membres de l'Ordre et
qu'elle gagnait ainsi force et expression.
Tous les collèges de cet Ordre ne suivirent pas la ligne recommandée par Saint-
Martin, cependant, et le résultat fut déplorable. Nous avons déjà dit que, selon
Saint-Martin, l'homme était la clé de tous les mystères de l'Univers, l'image de
la vérité tout entière. Son corps représentait l'image du monde visible tout entier
et était lié à ce' dernier. L'homme peut atteindre à la vérité tout entière par la
connaissance de sa propre nature au moyen de toutes les aptitudes qui sont en
lui - physiques, intellectuelles et spirituelles. Il doit comprendre profondément
le lien existant entre sa conscience et son libre arbitre. Saint-Martin traite de
ceci dans sa «Nouvelle Révélation». Certains traits soulignent les similitudes
qui existent entre l'homme et son Créateur. Ce sont les pouvoirs créateurs et le
libre arbitre sans limite. Ces traits, même si ce ne sont plus que des reflets
estompés de Dieu, ces traits peuvent oeuvrer en parfait accord avec les lois -
elles mènent à Lui et emportent l'homme vers la source de la bénédiction. Les
mêmes caractéristiques, si elles sont mal utilisées, rompent l'union naturelle
avec Dieu et soumettent l'homme à des puissances d'un niveau inférieur.
L'homme a comme pouvoir la capacité de réparer le mal fait si toutes ses
aptitudes sont tendues vers ce seul objet.

168
Saint-Martin parle de l'Unité comme d'une cause première, comme d'une
essence intime toujours vivace, dont tout émane. Ainsi, chaque être, aussi
éloigné du centre soit-il ou sur quelque plan d'évolution qu'il soit, est lié à la
cause première et fait partie de l'Unité, de façon similaire au rayon de soleil qui,
sans qu'importe en quoi que ce soit l'éloignement dû à son voyage à travers les
espaces infinis, est toujours relié au soleil par les ondes vibratoires. La lumière
centrale dont émanent tous les soleils, quoique faisant partie du système tout
entier de soleils et de rayons, garde son indépendance et elle est différente de la
lumière artificielle. Dieu est tout, mais tout n'est pas Dieu. La doctrine de Saint-
Martin s'applique à toute l'humanité. Il désirait l'union de celle-ci au nom de
l'amour et considérait la fraternité comme la base de la vie sociale. C'est une
erreur que de prendre l'égalité des gens comme une base. Saint-Martin
considérait que l'égalité était une constante mathématique, une expression de
l'ordre et de l'harmonie. La fraternité est le facteur qui régule les relations entre
les hommes et qui lie justice et charité, force et faiblesse.
Le mal, l'exploitation et la tyrannie ne peuvent demeurer dans la lumière de
l'amour fraternel. D'une fraternité ainsi conçue dérive un sens juste et adéquat
de l'égalité qui repose sur une relation de rapport entre les droits et les devoirs.
Saïr, dans son Essai sur Saint-Martin, l'explique ainsi : «Le rapport entre la
circonférence et son rayon exprimé en mathématique par la lettre pi π est
toujours constant. Que le pourtour d'un cercle soit d'un millimètre de longueur
ou d'un milliard de lieues, le rapport ne varie pas et l'on peut affirmer, par
conséquent, que toutes les circonférences ont entre elles cette égalité de
rapport»(2). La même chose est vraie de l'homme : la circonférence est son droit
; la loi est la limite que l'homme ne peut transgresser ; et le rayon, ou plutôt la
surface décrite ou couverte par son rayon dans sa révolution autour du centre est
le champ de son devoir. Au fur et à mesure que les circonférences s'accroissent,
les cercles s'accroissent aussi ; au fur et à mesure que les droits de l'homme
s'accroissent, ses devoirs s'accroissent en proportion.
Dans l'Univers dont la loi est l'Unité dans la Pluralité, chaque chose repose sur
l'ordre et l'harmonie. Pour que l'ordre et l'harmonie existent, il est nécessaire que
chaque chose soit à sa place en harmonie parfaite avec tous les êtres et toutes les
choses. L'homme en tant qu'individu est des plus heureux quand il y a en lui un
équilibre parfait entre droits et devoirs. C'est sur cet équilibre qu'est basée
l'égalité : à plus de droits, plus de devoirs ; à moins de droits, moins de devoirs.
Comme base de l'égalité, il doit y avoir la fraternité sans laquelle il y aurait la
haine et la jalousie entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre. Ce n'est
que la fraternité qui peut unir la famille humaine dans les liens de la
communauté. Dans une famille aimante et idéalement unie, chacun des
membres de cette famille trouve sa place selon sa force et ses aptitudes, et
chacun désire volontairement supporter le nombre de devoirs qui y

169
correspondent et chacun d'eux désire jouir des droits qui sont sans conteste les
siens. L'édifice social qui est construit sur une soi-disant égalité n'a pas de
fondements durables, parce qu'ici la fraternité est imposée et n'est pas une
condition volontaire. De la même façon, et conjointement à ceci, une répartition
des tâches effectuées de la sorte ne concilie pas toujours justice et charité ; c'est
une tout autre chose quand l'altruisme et la solidarité sont la base de la
fraternité.
La liberté est pour chaque être l'effet qui suit l'observance stricte des limites
assignées par la loi. Un homme qui transgresse la loi perd sa liberté en
proportion. Pour être libre, l'homme doit soigneusement conserver l'équilibre
entre ses droits et ses devoirs ; et s'il veut élargir le champ de ses droits, il doit
reconnaître les devoirs additionnels que cela lui amènera nécessairement.
En résumé, nous dirons que le bonheur de l'humanité consiste en l'union de tous
les membres de sa grande famille. Cette union ne peut s'accomplir qu'au travers
de la fraternité qui crée l'égalité par l'équilibre stable des droits et des devoirs,
assurant en même temps la liberté, la sécurité et la préservation de l'ensemble.

La Chrétienté Véritable

On voit d'après tout ce qui a été dit que Saint-Martin était un profond penseur
chrétien qui voulait frayer un chemin aux idées chrétiennes et les utiliser pour
l'élaboration de la structure sociale. Selon lui, l'amour du Christ doit posséder le
droit de régler la vie de l'homme. L'Ordre Martiniste est aussi une chevalerie
chrétienne et chacun de ses membres est tenu d'oeuvrer à son propre
développement intérieur, passant par des phases de renaissance à jamais plus
profondes jusqu'au point culminant de la naissance de Dieu en lui. Le devoir, en
tant que membre de l'Ordre, est de servir toute l'humanité sans ménager ses
efforts, sans prendre en considération l'intensité de ceux-ci ni le sacrifice que
cela impose. Le Martinisme était ainsi l'annonce de l'approche de l'Epoque du
Christ Cosmique qui se révélera universellement dans les âmes des hommes,
dans ce grand processus de transformation.
Dans son sublime travail, le Martinisme rejoint l'Ancien et Mystique Ordre de la
Rose-croix (A.M.O.R.C.) dont l'influence illuminante sur l'humanité dure
depuis des siècles et qui est comme la fontaine éternelle de lumière s'écoulant
en vue de la renaissance de l'humanité. L'Ordre Martiniste Traditionnel et
1'A.M.O.R.C. étaient affiliés à l'organisation internationale connue sous le nom
de F.U.D.O.S.I. (Fédération Universelle des Ordres et Sociétés Initiatiques).
Pour tous les Martinistes qui vénèrent la mémoire de leur Maître bien-aimé, le
Philosophe Inconnu, une dernière adjuration est contenue dans son testament :
«La seule initiation que je recommande et recherche de la plus grande ardeur de
mon âme est celle par laquelle nous pouvons pénétrer le coeur de Dieu et

170
induire ce coeur divin à pénétrer dans le nôtre. Ainsi sera rendu parfait le
mariage indissoluble qui fera de nous le frère, l'époux de notre Divin Sauveur».
Il n'y a pas d'autre voie pour atteindre à cette Initiation sacrée que de descendre
au plus profond de notre être, en ne nous arrêtant jamais dans nos efforts tant
que nous n'avons pas atteint le but, la profondeur où nous verrons la vivifiante
racine ; et dès lors, de façon naturelle, nous donnerons un fruit correspondant à
notre nature, comme il en est des fruits des arbres de cette Terre, soutenus par
diverses racines au travers desquelles les sucs vitaux ne cessent de s'élever.
Notes :
(1) Les lecteurs pourront noter quelques inexactitudes quant à la biographie rapportée dans cet article,
mais qui ne nuisent pas à la compréhension de l'oeuvre de L.-C. de Saint-Martin.
(2) «Louis-Claude de Saint-Martin, interprétation de la véritable doctrine et de son application de la
sociologie», par Saïr. (Edouard-Auguste Chauvet), Ed. Lessard, Nantes 1905, p 34. Cf. également
passage de ce livre cité dans l'article : «Droits et devoirs de l'homme» dans Revue Rose-croix n° 154,
été 1990, p 42 à 44.

171
Le silence
Tu n'auras pas d'autre demeure que ton coeur;
Car sur la Terre, où nous sommes des voyageurs,
Nul ne bâtira sa demeure permanente :
Tu n'auras pas d'autre demeure que ton coeur.
Alors, autour de lui, dans l'atmosphère ardente,
Qui naît de lui, qui l'enveloppe et qui aspire
Tous les rayons venus des choses qu'il désire,
Évoque le silence et le divin silence ;
La forme que revêt la première hypostase,
Obéissant à qui l'espère avec puissance,
T’emportera sur les quatre ailes de l'extase.
La vie intérieure est faite de silence.
Elle est le palais dont le silence est la base.
Elle est fa fleur de feu : le silence est le vase,
Le silence est le vase où tu bois la beauté.
Toi qui passes ici, certain, mais ballotté
Entre ta vie réelle et ta vie apparente,
Ta vie réelle, ténébreuse et véhémente
Comme la passion, le tonnerre et la mort,
Couvre d'un voile d'ombre et de nuit le trésor
De cette vie intérieure, que mesure
Entre tes âmes la meilleure et la plus pure,
Afin que rien n'attente à son mystère intense,
Et que sa force vierge, intégrale, s'emploie
A dresser le métier où les mains du silence
Tâcheront à tisser l'étoffe de ta joie.

Victor Emile Michelet


(1861-1938)

172
COMMENT NOUS DEVONS CHERCHER
CE QUE NOUS AVONS PERDU
Chapitre VII du livre de Jacob Boehme : «De la Triple vie de l'homme, selon le mystère des trois
principes de la manifestation divine».
Édition de 1682 traduite de l'allemand en 1793 par le «Philosophe Inconnu».
1. Il nous est particulièrement imposé à nous autres hommes dans ce monde, de
chercher de nouveau ce que nous avons perdu. Maintenant si nous voulons
trouver, il ne nous faut pas chercher hors de nous.
2. Nous n'avons pas besoin d'aucuns flatteurs ni d'aucuns jongleurs qui nous
encouragent et nous promettent des monts d'or pour que nous veuillions
seulement les suivre et les faire briller.
3. Et quand j'aurais toute ma vie assisté et écouté des sermons, et entendu
toujours chanter et raisonner sur le ciel et sur la nouvelle renaissance, et que je
fusse ainsi resté à côté, je n'aurais pas été plus avancé une fois que l'autre.
4. Quand on jette une pierre dans l'eau et qu'on la retire, elle est aussi bien une
pierre dure après comme avant, et elle garde sa forme ; mais si on la jette dans
le feu, alors elle acquiert une nouvelle forme en soi-même.
5. Ainsi il en est de même de toi, homme, quand même tu courrais à l'église, et
que tu voudrais être vu comme un ministre du Christ ; cela n'est point assez. Si
tu es resté à côté, tu es après comme avant.
6. Ce n'est point non plus assez que tu apprennes tous les livres par coeur, et
quand tu resterais les jours et les années à lire toutes les écritures, et quand tu
saurais la Bible par coeur, tu n'en es pas meilleur devant Dieu qu'un gardeur de
pourceaux, qui, pendant tout ce temps-là, a gardé les pourceaux, et qu'un pauvre
prisonnier dans les ténèbres, qui, pendant tout ce temps-là, n'a pas vu la lumière
du jour.
7. Il ne te sert de rien de jaser, ni que tu saches beaucoup parler de Dieu, si tu
dédaignes la simplicité, comme font les hypocrites sur la bête de l'Antéchrist,
qui défendent la lumière à ceux qui voient, comme cela est arrivé à cette main.
Ici s'applique ce que dit le Christ : à moins que vous ne vous convertissiez et
que vous ne deveniez comme des enfants, vous ne verrez point éternellement le
royaume du ciel. Vous devez être engendrés de nouveau, si vous voulez voir le
royaume de Dieu. Voilà le vrai but.
8. L'art et l'éloquence ne servent à rien ici, tu n'as pas besoin non plus de livres
ni d'industrie ; en ceci un berger est aussi savant qu'un docteur, et souvent
beaucoup plus. Car il se jette plutôt de sa propre raison dans la miséricorde de
Dieu, il n'a pas une grande dose de sage raison ; c'est pourquoi il ne se consulte
point par cette voie, mais il va simplement avec le pauvre publicain dans le
temple du Christ, tandis que le savant place encore devant soi d'abord une
académie, et examine premièrement dans quel esprit il entrera dans le temple du

173
Christ. Il consulte avant tout l'opinion des hommes ; veux-tu chercher Dieu avec
telle ou telle opinion ? L'un est de l'opinion du Pape, un autre de celle de Luther,
un troisième de celle de Calvin, un quatrième de celle de Schwenckfelds, ainsi
de suite. Il n'y a point de fin aux opinions.
9. Ainsi la pauvre âme demeure dans le doute hors du temple de Christ ; elle
frappe, elle cherche, et doute toujours de plus en plus que ce soit là le vrai
chemin.
10. 0 toi âme égarée dans Babel, que fais-tu ? éloigne-toi de toutes les opinions,
quelque nom qu'elles portent dans ce monde. Elles ne sont toutes qu'un combat
de la raison.
11. On ne trouve point la nouvelle renaissance ni la noble pierre dans le combat,
ni dans aucune sagesse de la raison ; tu dois laisser aller tout ce qui est dans ce
monde, quelque brillant que cela puisse être, et entrer en toi-même, ne faire
autre chose que d'amasser en un tas tes péchés dans lesquels tu es empoisonné et
les jeter dans la miséricorde de Dieu et t'envoler vers Dieu, lui demander qu'il
les oublie et qu'il t'illumine de son esprit.
12. Il n'y a pas besoin de disputer longtemps, mais seulement d'être ferme ; car
le ciel doit se fendre et l'enfer trembler, et cela arrive aussi. Tu dois jeter là
dedans toutes tes pensées avec ta raison, et tout ce qui se présente à toi sur ton
chemin, afin que tu ne veuilles pas le laisser (Dieu), à moins qu'il ne te bénisse
comme Jacob, qui combattit ainsi avec Dieu toute la nuit. Quand même ta
conscience dirait non, Dieu ne veut point de toi. (Dis) : Je veux être sien, je ne
te lâcherai point, quand on me traînerait dans le tombeau. Que ma volonté soit
la tienne, je veux ce que tu voudras, Seigneur ; et quand même tous les démons
t'environneraient et diraient, arrête, c'est assez pour une fois, il faut que tu
dises : Non, ma pensée et ma volonté ne se sépareront point de Dieu, elles
doivent être éternellement dans Dieu ; son amour est plus grand que tous mes
péchés. Si vous, diable et monde, avez le corps mortel en votre prison, j'ai, moi,
mon Sauveur et mon Régénérateur dans mon âme ; il me donnera un corps
céleste qui demeurera éternellement.
13. Essaie ainsi cela seulement, et tu trouveras des merveilles, tu en recevras
bientôt un en toi qui t'aidera à lutter, à combattre et à prier ; et quand même tu
ne pourrais pas dire beaucoup de paroles, ce n'est pas en cela que la chose
consiste, pourvu que tu puisses seulement dire la simple parole du publicain :
Ah ! Dieu, ayez pitié de moi, pauvre pécheur. Mais quand ta volonté avec toute
ta raison et tes pensées seront déposées en Dieu, ne te sépare pas de lui, quand
même l'âme devrait se séparer du corps ; alors tu possèdes Dieu, tu perces au
travers de la mort, de l'enfer et du ciel, et tu entres dans le temple de Christ en
dépit de tous les démons. La colère de Dieu ne peut pas t'arrêter, quelque grande
et puissante qu'elle soit en toi ; et quand le corps et l'âme brûleraient dans la
colère, et seraient au milieu de l'enfer parmi tous les démons. Tu peux

174
cependant sortir de là, et venir dans le temple du Christ, où tu reçois la couronne
de perle alliée à la noble et digne pierre, la pierre angulaire des philosophes.
14. Mais sache que le royaume du ciel est aussi semé en toi, et est petit comme
un grain de moutarde. Tu reçois une bien grande joie de la couronne angélique,
mais fais attention, ne la pose pas sur le vieil Adam, ou bien il en sera de toi
comme d'Adam. Garde ce que tu as. Souffrir du besoin est un vilain hôte.
15. D'une petite branche vient enfin un arbre, si elle est plantée dans un beau
champ. Plusieurs vents froids et rudes vont se ruer sur la branche, jusqu'à ce
qu'il en croisse un arbre, elle est chancelante. Tu dois être exposé à l'arbre de la
tentation, et aussi au mépris dans le désert de ce monde ; si tu ne le soutiens pas,
tu n'obtiens pas. Si tu déracines ta branche, tu fais comme Adam, tu rendras la
chose plus difficile que la première fois, cependant elle croît dans le jardin de
roses, à l'insu du vieil Adam. Car il y a eu un temps long depuis Adam jusqu'à
l'humanité du Christ, dans lequel l'arbre des perles a poussé secrètement sous le
voile de Moïse, et cependant il est devenu un arbre en son temps, avec de beaux
fruits.
16. Ainsi si tu es tombé, et que tu aies perdu la belle couronne, ne te désespère
point ; cherche, frappe, reviens, et fais comme auparavant, et tu éprouveras de
quel esprit cette main a écrit. Tu recevras ensuite un arbre en place d'une
branche, et tu diras : Ma branche est-elle donc devenue un arbre pendant mon
sommeil ? Alors tu reconnaîtras d'abord la pierre des philosophes. Remarque
cela.

175
LE NOUVEL HOMME
Préface de la réédition par la Diffusion Rosicrucienne du livre «Le Nouvel Homme» de Louis-Claude
de Saint-Martin, composée à partir d'un exemplaire de l'édition originale figurant dans la bibliothèque
du Château d'Omonville .
La réédition de ce livre constitue un événement majeur pour tous ceux qui
s'intéressent à la pensée saint-martinienne et en premier chef pour les
Martinistes. C'est à Paris, chez les directeurs de l'imprimerie du Cercle Social,
pendant l'an IV de la liberté (1795-96) que ce livre connut sa première édition.
Louis-Claude de Saint-Martin (1743-1803) a composé cet ouvrage à Strasbourg
en 1790. Ce livre, tout comme celui qu'il publia en 1790, «L'Homme de Désir»,
souligne la nouvelle orientation de Saint-Martin. En effet, depuis 1775, il a pris
ses distances avec l'Ordre des Elus-Cohen. La voie externe, celle de la théurgie,
que préconisait Martinez de Pasqually aux Elus-Cohen, lui semble inutile et
dangereuse. Cette voie, celle des manifestations sensibles, il la suivait depuis
1768. Elle ne l'avait pas séduit totalement, ses penchants naturels l'entraînaient
vers la voie interne, celle du coeur. Saint-Martin va prendre «ailleurs que chez
Martinez le chemin du réparateur» (1).
Afin de prendre du recul, il voyage en Angleterre, en Italie et en Allemagne,
pour «étudier l'homme et la nature et pour confronter le témoignage des autres
avec le sien» (2). A Londres, il visite les Temples de la Jérusalem Nouvelle et
juge durement cette voie dont il estime qu'elle ne « mène pas loin». C'est
également une déception qui l'attend à son arrivée à Strasbourg. Il y constate les
succès de ceux qui ne s'intéressent qu'au spectaculaire, des «professeurs de
sciences occultes, auxquels le vulgaire ignorant donne indifféremment le nom
d'illuminés» (3). C'est à Strasbourg également, qu'il prendra connaissance des
ouvrages de celui qui deviendra son second Maître, Jacob Boehme (1575-1724).
Dans la vieille ville impériale du Rhin, devenue française, il rencontre aussi le
chevalier Silverhielm, ancien aumônier du roi de Suède et neveu de
Swedenborg. Le chevalier Silverhielm pensait convertir Saint-Martin à son
maître Swedenborg. Il est guère probable qu'il parvint à ses fins, d'ailleurs
Saint-Martin dans son «Homme de Désir» semble réservé par rapport aux
théories du visionnaire suédois : «Mille preuves dans ses ouvrages, qu'il a été
souvent et grandement favorisé ! Mille preuves qu'il a été souvent et
grandement trompé ! Mille preuves qu'il n'a vu que le milieu de l'oeuvre et qu'il
n'en a connu ni le commencement ni la fin !» (4).
Sur les conseils du neveu de Swedenborg, Saint-Martin écrit «Le Nouvel
Homme». Dans cet ouvrage, le Philosophe Inconnu ne développe pas de
grandes théories sur les nombres, le livre de l'homme ou l'origine des langues
comme il l'a fait dans ses deux premiers livres («Des Erreurs et de la Vérité»,

176
1775 ; «Le Tableau Naturel», 1782). Cet ouvrage, selon J. Gence, est «plutôt
une exhortation qu'un enseignement» (5).
L'idée centrale est que Dieu ne demande qu'à faire alliance avec l'homme, mais
Il veut que ce soit avec l'homme seul, et sans mélange de tout ce qui n'est pas
fixe et éternel comme Lui. L'homme doit donc travailler à supprimer en lui
toutes les impuretés qui obstruent cette mystérieuse porte par laquelle l'éternelle
Parole de la Divinité désire entrer pour s'unir à lui. L'homme doit subir une
cure, pour parvenir à cette guérison, pour cela il dispose d'un «médicament réel»
qui peut l'aider à se débarrasser de son vieil homme et à sortir du torrent de
l'iniquité. Celui qui s'emploie à .cette tâche est l'homme de Désir. Cette
purification est une véritable grossesse spirituelle par laquelle l'homme de Désir
fera naître en lui un Nouvel Homme.
Saint-Martin nous montre ce qu'il en est de cette cure que doit subir l'homme
temporel pour retrouver l'état de pureté qui était le sien au sortir de son
émanation. Il affirme : «Car la naissance de ce fils spirituel en l'homme, n'est
autre chose que le développement et la manifestation de ce qu'était l'homme
primitif» (6). Nul besoin de théurgie, d'adhésion à un culte extérieur pour cette
régénération. Le creuset de cette transmutation réside à l'intérieur de l'homme,
c'est son coeur. La voie que propose Saint-Martin est une voie cardiaque.
Cette transformation s'opère par étapes et suit un processus dont le schéma nous
a été fourni par la vie du Réparateur. Ce «Réparateur» c'est le Christ. Saint-
Martin préfère employer ce terme, suivant en cela son premier Maître Martinez
de Pasqually, comme pour marquer une distance avec le personnage historique
de jésus et souligner ainsi son aspect intemporel.
Pour notre auteur, le Christ est le nouvel Adam, celui qui a ouvert à nouveau la
voie qui depuis la chute du père de l'humanité était fermée. Le Réparateur a non
seulement rouvert la porte, mais a montré le chemin. Saint-Martin dit : «Si
l'homme est mort dans toutes ses facultés, il n'y a pas un seul mouvement de son
être qui puisse se faire sans que l'on prononce en lui cette phrase : Lazare levez-
vous, c'est en l'homme que le réparateur profère continuellement cette parole»
(7).
Cette voie que décrit Saint-Martin dans son livre est celle de l'imitation du
Christ. Mais que l'on ne s'y trompe pas, le Philosophe Inconnu ne prône pas
l'adhésion à un culte extérieur, car cette adoration vers le dehors empêche
l'imitation d'agir dans les profondeurs de l'âme «de transformer cette dernière en
une totalité correspondant à l'exemple idéal» (8).
Les étapes de la vie du Réparateur, l'annonciation par l'ange, la naissance, la
présentation au temple, le baptême, le sacrifice de l'agneau, la résurrection,
l'ascension, sont autant de signes pour qui sait regarder au-delà de la simple
histoire. La vie du Réparateur fournit un archétype dont le sens est inscrit dans
l'éternité. Cette imitation va permettre au coeur de devenir le miroir de la

177
Divinité et par analogie, la Divinité deviendra, elle, un miroir pour le Nouvel
Homme. Cette transformation doit s'opérer dans les profondeurs de l'être :
«Aussi longtemps que la religion n'est que croyance et forme extérieure, et que
la fonction religieuse n'est pas une expérience de l'âme de chacun, rien
d'essentiel ne s'est produit. Il reste encore à comprendre que le mysterium
magnum (grand mystère) n'est pas seulement une réalité en soi, mais qu'il est
aussi et avant tout enraciné dans l'âme humaine» (9).
Pour le Philosophe Inconnu, le Dieu unique s'est choisi un sanctuaire unique : le
coeur de l'homme. Voilà le temple où il doit L'adorer, les temples extérieurs ne
sont que les avenues de ce temple invisible. C'est au fond de lui-même que se
trouve la base fondamentale du temple. «L'homme doit tailler, polir par l'esprit
la pierre fondamentale de son temple» (10). Dans ce temple, il trouvera les sept
sources sacramentelles qui fertiliseront toutes les régions de son être. Ce sont
les sept colonnes produites par cette pierre innée en nous et sur laquelle le
Réparateur a dit qu'il voulait bâtir son église.
C'est dans ce temple impérissable que l'homme doit entretenir son feu sacré, la
flamme, une fois allumée par le baptême de l'esprit, devant être veillée avec
soin. En effet, le Philosophe Inconnu indique que le coeur possède deux portes,
l'une inférieure par laquelle il peut donner à l'ennemi l'accès à la lumière
élémentaire et l'autre supérieure par laquelle il peut donner à l'Ange qui est son
guide, son ami fidèle, l'accès à la lumière divine. Le texte de Saint-Martin
apprend à son lecteur avec quelle vigilance le nouvel homme doit avancer, car
son être extérieur est entre deux piliers qui cherchent, l'un et l'autre, à l'attirer, et
c'est sur la frontière de ces deux mondes que doit se manifester «la Sagesse, la
Force et la Magnificence des habitants du royaume» (11).
Cette tâche serait pour lui moins périlleuse s'il avait su garder la robe dont était
revêtu le premier homme parce que alors «elle pouvait répandre l'éclat de sa
céleste lumière dans les quatre régions du monde» (12). Aujourd'hui, l'homme
doit revêtir le manteau de la prudence, symbole de cette robe primitive, pour
accomplir son oeuvre de régénération.
Le processus de cette régénération, s'il se déroule au coeur de l'homme, n'en est
pas moins universel. En effet, si le Nouvel Homme est le seul qui puisse
recevoir dans toute leur mesure les eaux divines, il va les employer à cette
végétation universelle qui dès avant les siècles était l'objet de son existence.
Pour arriver à ce but, Louis-Claude de Saint-Martin nous indique quel chemin
doit suivre ce Nouvel Homme pour redevenir le quaternaire actif qu'il était à
l'origine de son émanation. L'homme doit travailler sans relâche pour rétablir en
lui la Jérusalem Céleste, y construire patiemment son sanctuaire intérieur où
Dieu se plaît d'être honoré. Le Philosophe Inconnu termine ce magnifique traité
en précisant que toutes ces merveilles se trouvent «encore aujourd'hui dans le
coeur du Nouvel Homme, puisqu'elles y ont existé dès l'origine» (13).

178
Notes :
(1) «L'Annonce du Nouvel Homme», Octave Béliard, Mesure n° 4, 15 octobre 1936, pp 99-126.
(2) et (5) «Notice Biographique sur Louis-Claude de Saint-Martin ou le Philosophe Inconnu», J.B.M.
Gence, Paris Migneret 1824, p 8 et 21.
(3) «Le Ministère de l'Homme Esprit», L.-C. de Saint-Martin, Paris Migneret 1802, p 252.
(4) «L'Homme de Désir», L.-C. de Saint-Martin, Lyon Sulpice Grabit 1790, n° 184, p 268.
(6) «Le Nouvel Homme» L.-C. de Saint-Martin, n° 45.
(7) Ibid. n° 15.
(8) «Psychologie et Alchimie», C. G. Jung, Buchet/ Chastel, Paris 1970, p 9.
(9) Ibid p 16.
(10) «Le Nouvel Homme», L.-C. de Saint-Martin, n' 46.
(11) Ibid n° 33.
(12) Ibid n° 66.
(13) Ibid. n° 70.

179
XVI
La Rose-Croix au 16ème et au 17ème siècle.
Les symboles de la rose et de la croix.
- L'association des deux symboles est très ancienne. Déjà en 1265, Jean de Meung
reprend le Roman de la Rose commencé par Guillaume de Lorris. Le livre devient
une encyclopédie traitant des origines du monde, de la nature, de l'art, de
l'astronomie, de la religion et de la morale. Il préconise aussi le retour à la simple
vie chrétienne. Au delà des symboles, la source peut être à rechercher auprès du
Graal, le secret le plus mystérieux du Moyen-Âge. Il s'est imposé à la conscience
intérieure d'une époque éprise de spiritualité et d'élévation car il évoquait pureté et
révélation, sacrifice et guérison parfaite. Les plus anciennes versions de la légende
datent 1150 à 1220. Dans la Divine Comédie de Dante, vers 1320, le huitième ciel
du paradis est décrit comme le ciel étoilé des Rose-Croix. Certains auteurs placent
l'origine des Rose-Croix chez les Amis de Dieu de l'Île Verte à Strasbourg. Au
14ème siècle, Rulman Merswin, issu d’une famille de banquiers strasbourgeois, y
acquiert un ancien couvent bénédictin. L’Île Verte de Strasbourg devient un centre
spirituel où se développe la spiritualité des "Gottesfreunde", Amis de Dieu ou
Chevaliers johannites, (La présence ecclésiale dans le couvent de l’Ile Verte est
confiée à l’Ordre des Chevaliers hospitaliers de Saint Jean de Jérusalem). C'est une
maison de refuge où peuvent se retirer tous les hommes honnêtes et pieux, laïcs ou
ecclésiastiques, chevaliers, écuyers et bourgeois, qui désirent fuir le monde et se
consacrer à Dieu sans entrer dans un ordre monastique. Puis, Rulman Merswin et
les Amis de Dieu se trouvent en relation avec un personnage mystérieux qui va les
guider dans la voie spirituelle par une série d'écrits, parmi lesquels on peut citer Le
Livre du maître de la Sainte Ecriture, Le Livre des Cinq hommes qui décrit la
société idyllique du "Haut Pays". Ce Maître intérieur guide les initiés, non plus en
ce monde-ci, mais dans les contrées de l'au-delà du monde. Il se pourrait aussi que
la fondation de l’Ordre des Rose-Croix implique Paracelse, médecin et alchimiste,
né en Suisse vers 1493. Dés 1536, il utilise les symboles de la rose et de la double
croix lorraine, et il prédit la venue d’Elias-Artista, l’Esprit radiant, ambassadeur du
Paraclet et personnification future de l’Ordre. L'origine effective de la Fraternité
prestigieuse des Rose-Croix reste cependant assez mystérieuse.

Les traditions ésotériques.


- En Occident, au 16ème siècle, époque de la manifestation publique des Rose-
Croix, les sources de l’ésotérisme rassemblent diverses traditions, gnostiques,
hermétistes et néoplatoniciennes, alchimistes, kabbalistes, mazdéistes, cathares ou
même manichéennes, autochtones comme celle du Graal, issues de l'Essénisme

180
comme celles des premiers docteurs de l’Eglise, ainsi qu'un courant transmis par
les Druzes. Les Rose-Croix semblent alors avoir enfin réussi à réaliser une large
synthèse de ces multiples traditions inspirées. Puisant à leurs immenses richesses
spirituelles, la philosophie de la Fraternité s'en est grandement enrichie et elle s'est
élevée au dessus des dogmes contraignants des diverses religions extérieures. Il
demeure cependant important de situer la première et principale manifestation
publique du mouvement dans son arrière plan historique qui est alors clairement
l'époque de la Réforme, et dans le contexte de la Guerre de Trente Ans et des
Guerres de Religion. Au 16ème siècle, les armes de Luther portent une rose percée
d'une croix. Valentin Andreae s'en inspire pour créer ses propres armes, une croix
encadrée de quatre roses. Pour nous, ce siècle-là est celui de la Renaissance et des
débuts de la Science moderne. C'est pourtant la crise religieuse, la Réforme et
toutes ces terribles guerres qui marquent profondément les cœurs et les esprits de
l'époque.

La Réforme et la permanence du mouvement de protestation.


- La "Réforme" est le mouvement religieux d’où est né le protestantisme. Il était
annoncée par les Vaudois, cruellement persécutés, par les idées de Wyclif, ou par le
sort de Jean Hus, condamné et brûlé par traîtrise. Il faut comprendre que, dès le
début du Christianisme, la transformation progressive et autoritaire des dogmes a
continuellement suscité des protestations des divers mouvements réformateurs. On
en trouve la trace dans le premier concile, celui de Nicée, dont le "canon" montre
déjà de la méfiance à l'égard des "Cathares, les purs", qui appellent les fidèles au
respect des enseignements évangéliques. Tout au long de son histoire, oubliant ses
propres martyrs, l'Eglise combat cruellement tous ceux qui contestent l'évolution
contraignante et continue de sa conception du Christianisme, et elle les accuse
d'hérésie, tels les Gnostiques, les Ariens, les Manichéens, les anéantissant par le
martyre et par le feu comme, au 13ème siècle, les nouveaux Cathares. Au 16ème
siècle, cette impulsion protestataire amène une partie de la chrétienté à se détacher
de l’Église romaine, en rejetant ses dogmes et l’autorité du pape. Les réformateurs
et Luther espéraient que l’Eglise rétablirait le christianisme des origines, en le
débarrassant des multiples adjonctions qui l’avaient altéré. Mais Luther est
excommunié en 1520. La rupture consommée, le luthéranisme séparé se répand en
Allemagne, malgré l’opposition de Charles Quint. Il prévaut au Brandebourg, en
Hesse, en Saxe, au Wurtemberg et dans la plupart des villes libres. Les luthériens
présentent leur Confession de foi à la diète et l'on admet alors que chaque prince
peut imposer sa religion à ses sujets, à la Paix d’Augsbourg, en 1555.

Le Calvinisme.

181
- Le Lutherianisme s'était répandu dans les pays baltes et scandinaves. Avec
Zwingli, un mouvement analogue mais indépendant naît en Suisse. Calvin en fixe
les principes et le calvinisme se répand en France malgré l’opposition royale. En
1559, deux mille églises adoptent la Confession de foi de la Rochelle, rédigée par
Calvin. La fin du 16ème siècle est marquée par les terribles "Guerres de Religion",
et la Saint-Barthélemy. En 1599, l’édit de Nantes d'Henri IV accorde
provisoirement aux protestants le droit de célébrer leur culte. La Réforme
calviniste se répand alors en Hongrie, au Palatinat, aux Pays-Bas et en Écosse. En
1534, un autre protestantisme apparaît en Grande-Bretagne. Henri VIII détache
l’Eglise d’Angleterre de Rome et l’Acte de Suprématie la soumet à l'autorité
royale. Depuis l’Angleterre, une Réforme "puritaine" se répand ensuite jusque dans
le Nouveau Monde.

Les Manifestes de la Rose-Croix.


- En 1614, la paix religieuse étant provisoirement rétablie, deux manifestes sont
publiés. Ce sont la Gloire de la Fraternité, (la fameuse Fama Fraternitatis, et de la
Confession des Frères Rose-Croix). Ils exposent la doctrine de la Fraternité des
Rose-Croix qui préconise une réforme générale de l’Humanité. On suppose d'abord
qu'ils sont l'œuvre du pasteur protestant de Strasbourg, Valentin Andreae, qui
publie ensuite de nombreuses autres œuvres dont les plus importantes sont les
Noces Chymiques de Christian Rosencreutz et Christianopolis. Plus tard, les
manifestes seront considérés comme une œuvre collective. Sédir nous dit que
"Jean-Valentin Andrea (1586-1654), fut un des hommes les plus savants de son
temps. Son grand-père Jacob était ami proche de Luther. Il avait été un illustre
théologien, l'un des auteurs de la Formule de Concorde. On le surnomma d'ailleurs
le second Luther." Andrea étudia au séminaire de Tubingen. Il acquit une rare
culture dans les langues anciennes et modernes, les mathématiques, les sciences
naturelles, l'histoire, la géographie, la généalogie et la théologie, et laissa une
œuvre considérable. Il subit l'influence de Jean Arndt (1555-1621), grand
prédicateur mystique, et de ses amis, Christophe Besold et Wilhelm Wense, dont la
vie voulait être une imitation de Jésus-Christ. Ils prêchaient, contre le dogmatisme
et le ritualisme de l'Église, la nécessité d'une vie toute d'esprit et d'amour, la
droiture, la lutte contre les tendances mauvaises, l'intégrité de l'esprit, l'austérité
des mœurs, la charité, la justice, affirmant que seule une vie sainte permet l'entrée
dans le cœur humain du Saint-Esprit qui unit l'homme à Dieu et lui confère ses
dons. Ils reprenaient dans leur prédication l'enseignement de saint Paul sur le vieil
homme qui doit être crucifié avec le Christ pour ressusciter avec le Christ".

Les Ouvrages R+C originaux.

182
- Sur ces principes, Jean-Valentin Andrea établit un remarquable programme de
renouvellement et de conversion pour son Eglise. Quand parurent les manifestes de
la Rose-Croix, il publia "Les Noces Chymiques de Christian Rosencreutz". On ne
sait pas vraiment qui a composé la Fama et la Confessio. Ces écrits ne sont pas
l'oeuvre d'un seul auteur et ils expriment les idées et les espérances d'une
collectivité. La Reformation, la Fama, la Confessio, ainsi que les Noces
Chymiques de Christian Rosencreutz sont les seules manifestations écrites
originales des Rose-Croix. Ce sont les premiers ouvrages où l'on trouve le nom de
la Fraternité et ils furent souvent réimprimés et traduits. Le frontispice de la Fama
Fraternitatis proclame “Allgemeine und general Reformation, der ganzen weiten
Welt” (Réformation universelle et générale du vaste monde entier). Les trois livres
s'inscrivent évidemment dans un prolongement de l'œuvre de Martin Luther qui
n'avait jamais caché son accord avec les thèses pré-rosicruciennes (l'explication
qu'il donne de son sceau le prouve). Il s'agit donc d'une mission évangélisatrice
répétant celle du Christ. Elle fait suite à la tentative de Luther et de ses
prédécesseurs catholiques pour réformer le christianisme par l'intérieur. La
Confessio s'affirme résolument protestante et les Noces chymiques condamnent
symboliquement Rome avant l'affirmation de la nouvelle ère et l'instauration d'un
nouveau royaume.

La Guerre de Trente Ans.


- Deux ans après l'appel de la R+C, un conflit de pouvoir amène les protestants de
Bohème à projeter deux gouverneurs catholiques à travers la fenêtre de la Salle du
Conseil de Prague. Une terrible guerre commence. La "guerre de Trente Ans"
ravage l'Allemagne et la Bohême. Les populations protestantes sont
impitoyablement massacrées par les troupes impériales. Un tiers des habitants
disparaît. Les états luthériens échappent à l'anéantissement grâce à l'intervention
tardive de la France catholique de Richelieu, secourant politiquement les
protestants pour freiner l'extension autrichienne. Les bourgs sont en cendres, les
campagnes sont ravagées, la soldatesque rançonne les villes, et les épidémies
déciment les derniers survivants affamés.

La relance de la Rose-Croix.
- Après la paix de 1648, l'appel R+C de 1615 est repris par les populations
meurtries et désemparées. Il est relayé et démultiplié dans l'espoir de dépasser les
haines aveugles et les grands malheurs nés de la guerre, en réunifiant la Chrétienté
comme l’avaient voulu les premiers réformateurs. Les livres Rose-Croix sont
interdits par les Catholiques, et leur détention est parfois punie de mort.

183
Néanmoins, la publication hollandaise des trois manifestes alimente une énorme
floraison mystique surtout en Allemagne où neuf cents opuscules les reprennent
jusqu'au 18ème siècle. Avec les Pays-Bas, c'est toujours le pays dans lequel
l'activité rosicrucienne est la plus marquée. Jean-Valentin Andreae, indigné par les
abus que les enthousiastes faisaient des principes de la Rose-Croix, décida de se
retirer du mouvement, mais il déclara dans "Turris Babel" “Je quitte maintenant la
Fraternité, mais je ne quitterai jamais la véritable fraternité chrétienne qui sous la
croix perçoit les roses et évite les souillures du monde ”. Il publia Invitation à la
Fraternité du Christ en 1617, puis Description de la République de Christianopolis,
en 1619, un programme d'une Union chrétienne où il reprenait les thèses de la
Fama et de la Confessio.

Les Noces Chymiques de Christian Rosencreutz.


- Cet ouvrage parut sans nom d'auteur, en 1616. Jean-Valentin Andreae, dans son
Autobiographie, déclare qu'il composa ce livre vers 1601, alors qu'il avait quinze
ans. Voici ce que Sédir dit du livre:
"Dans sa lettre, ce traité est un exposé de l'œuvre métallique (alchimique), assez
détaillé ; dans son esprit, il décrit la montée de l'âme, de degrés en degrés, vers
l'illumination. Ce livre est attribué à Christian Rosencreutz qui l'aurait écrit en
1459. Il raconte, en sept journées, le mariage du roi, puis sa décollation et enfin sa
résurrection. C'est sur une invitation que le roi lui adresse d'assister à ses noces
que Rosencreutz se met en route, dans le sentiment profond de son indignité. En
souvenir du Christ, il noue en croix un ruban rouge sur sa robe de bure ; il pique
quatre roses à son chapeau et prend comme viatique du pain, du sel et de l'eau.
A l'entrée de la forêt il distingue trois voies : une courte, mais dangereuse ; la
seconde qui est la voie royale réservée aux élus et la troisième, agréable mais très
longue. Il est prévenu qu'une fois choisi le chemin, il ne pourra plus revenir en
arrière. Il demande à Dieu, qui lui fait prendre le second chemin. Celui-ci le mène
au château royal construit sur une montagne. Un personnage lui demande son
nom, et il répond : Frère de la Rose-Croix rouge. Les nombreux candidats aux
noces du roi sont pesés. Rosencreutz est le plus pur. Il est reçu avec tous les
honneurs, et on lui remet la Toison d'Or ornée d'un Lion volant. Quant aux intrus,
une coupe leur est donnée, remplie du breuvage d'oubli avant qu'ils soient chassés,
avec l'ordre de ne plus revenir au château du roi pendant leur vie.
Suivent d'autres épreuves symboliques ; et la représentation d'une comédie en sept
actes. Devant la reine est un gros livre renfermant toute la science réunie dans le
château. Les élus sont au nombre de neuf et ils tiennent chacun une bannière
portant une croix rouge. Enfin le devoir est notifié aux élus de penser à Dieu et de
travailler pour sa gloire et pour le bien des hommes. Ensuite le couple royal est

184
décapité, ainsi que quatre rois et reines présents. Les six personnes sont ensevelies
et leur sang est recueilli dans un vase d'or. Le Maure qui a procédé à l'exécution
est décapité à son tour et sa tête rapportée dans un linge. Il est dit aux élus que : “
la vie de tous ces êtres est entre leurs mains et qu'ils doivent garder une fidélité
plus forte que la mort ”. La nuit, les six cercueils sont emportés par des navires.
Les élus assistent aux funérailles symboliques des souverains et sont invités à
chercher le médicament qui rendra la vie aux rois et aux reines décapités. De
longues opérations alchimiques sont décrites".
Le roi et la reine ressuscitent. Ils travailleront avec les élus au triomphe de Dieu.
Le roi nomme ceux-ci “ chevaliers de la Pierre d'Or ”, avec le pouvoir d'agir sur
l'ignorance, la pauvreté et la maladie. Quant à Rosencreutz, il aura encore d'autres
épreuves à surmonter avant d'arriver au terme. Il lui a été dit : Tu as reçu plus que
les autres ; efforce-toi donc de donner davantage également. La signature de
chacun est demandée, et notre héros écrit : La plus haute science est de ne rien
savoir. Frère Christian Rosencreutz - Chevalier de la Pierre d'Or. "Fin de citation".
Dans le récit des Noces Chymique, le fondateur légendaire de la Rose-Croix,
Christian, invité aux noces de Sponsus et de Sponsa, (l’époux et l’épouse), rêve
également qu’il est enfermé au fond d’un puits ou d’une tour dont il sort à l’aide
d’une corde lancée de l’extérieur. Il se met ensuite en route et traverse la forêt.
C'est en cherchant à aider une colombe combattue par un corbeau, qu'il trouve son
chemin et il est alors guidé vers le château royal.

Le sens des Noces Alchymiques.


- Les descriptions contenues dans le récit ont pu être interprétées comme des
indications précieuses pour la réalisation du Grand œuvre alchimique. Nous savons
cependant que les alchimistes étaient fondamentalement des métaphysiciens
ésotéristes. La poursuite du Grand œuvre était seulement pour eux le symbole du
chemin nécessaire à la réalisation de l’indispensable transfiguration de l’âme,
prélude à la résurrection de l’Homme véritable, la figure divine originelle. Là est le
sens caché et véritable des Noces Alchymiques de Christian Rose-Croix, ouvrage
qui répète sous une forme différente le message médiéval de la Quête du Graal par
Perceval le Gallois. Les véritables écoles spiritualistes rosicruciennes poursuivent
aujourd’hui encore dans le Monde l’œuvre initiatique qui conduit à cette
connaissance. Leur enseignement témoigne toujours d’une inspiration
rosicrucienne authentique et vivante. Elles adaptent leur message ésotérique
permanent aux temps et aux lieux où il est prononcé. Dans notre civilisation, elle
vont s’appuyer sur les traditions chrétiennes tout en expliquant le sens caché des
mythes et des écritures.

185
Les Rose-Croix en France.
- A Paris, en 1622, une affiche est placardée qui proclame: "Nous, Deputez du
Collège principal des Frères de la Roze-Croix, faisons séjour visible et invisible en
ceste ville, par la grâce du Très Haut vers qui se tourne le coeur des justes. Nous
monstrons et enseignons sans liures ny marques à parler toutes sortes de langues
des païs où voulons estre, pour tirer les hommes nos semblables d'erreur et de
mort.” Une autre affiche suit: “ S'il prend envie à quelqu'un de nous voir par
curiosité seulement, il ne communiquera jamais avec nous mais, si la volonté le
porte réellement et de fait à s'inscrire sur le registre de nostre confraternité, nous,
qui jugeons les pensées, luy ferons voir la verité de nos promesses, tellement que
nous ne mettons point le lieu de nostre demeure, puisque les pensées, iointes à la
volonté reelle du lecteur, seront capables de nous faire cognoistre à luy et luy à
nous. ”. Les affiches eurent un retentissement considérable mais leurs auteurs sont
inconnus. En 1624, le Père François Garasse demande pour les Rose-Croix "la roue
et le gibet".

La Rose-Croix et la Franc-Maçonnerie anglaise.


La naissance de la Franc-Maçonnerie.
- Après la Renaissance, les progrès de la science ébranlèrent l'Occident chrétien. La
religion y perdit son autorité et la société connut une profonde crise morale
conduisant aux épouvantables "Guerres de Religions". Le Rosicrucianisme tolérant
qui avait accueilli tout l'héritage ésotérique de l'Antiquité laissa aux gens rêver
d'une réforme du monde associant ésotérisme, religion et science, pour apporter la
paix et la fraternité. Les multiples guerres de religion brisèrent ces espoirs. Au
18ème siècle, la Franc-Maçonnerie, héritière de la Compagnie des Maçons
Acceptés, reprit ce projet de Réforme en Angleterre. Deux pasteurs, Désaguliers et
Anderson, rosicruciens anglais, fondèrent un nouvel ordre ésotérique en 1717. Ils
utilisent alors les traditions rosicruciennes et mystiques ainsi que les philosophies
des Lumières et ils croient en Dieu, "le Grand Architecte de l’Univers". Le
Rosicrucianisme a bien été transmis du 12ème siècle jusqu’à nos jours à travers des
Organisations rosicruciennes qui sont aujourd'hui clairement séparées de la Franc-
Maçonnerie. A l'époque pourtant, les deux Ordres partageaient le même ésotérisme
et les mêmes sources. Cette proximité est compréhensible car les Rosicruciens du
17ème siècle voulaient réformer la science et de la religion pour construire une
société plus fraternelle, plus tolérante et plus humaine. A l'origine, la Franc-
Maçonnerie du 18ème avait le même projet.

186
Les hauts grades francs-maçons et les "Chevaliers Rose-Croix".
- En décembre 1736, le chevalier Ramsay présente la Franc-Maçonnerie comme
étant la résurrection de la "religion noachite", une religion primordiale, universelle
et sans dogmes. L'Ordre aurait été amené en Grande Bretagne par les Croisades
avant de se répandre en Europe. A partir de 1740, de hauts grades francs-maçons
sont créés parmi lesquels celui de "Chevalier Rose-Croix", qui est un grade
terminal très éminent. Il présente la particularité d'être spécifiquement chrétien
tandis que tous les autres grades maçonniques reposent sur l'universalité de la
sagesse. Les plus anciens rituels du grade Rose-Croix datent de 1760 sous le titre
de "Chevalier de l'Aigle et du Pélican ou Souverain Prince de Rose-Croix et
d'Hérédom". L’introduction au grade rappelle l'origine de la sagesse des Rose-
Croix, "Individus qui, pendant bien des siècles, s'en assurèrent l'exclusivité à l'aide
d'un voile impénétrable, ce qui donna lieu à ces institutions célèbres dont les
Sabéens et les Brames sont des restes sublimes. Les Mages, les Hiérophantes, les
Druides furent autant de branches de ces mêmes Initiés". On retrouve ici l'idée de
Tradition Primordiale, et les Rose-Croix sont les héritiers d'une chaîne d'initiés,
Égyptiens, Zoroastre, Hermès Trismégiste, Moïse, Salomon, Pythagore, Platon et
les Esséniens. C'est à ce moment que certains Maçons vont tenter de séparer le
Rosicrucianisme de la Maçonnerie pour constituer des Ordres autonomes. Les
Francs-Maçons vont alors créer plusieurs mouvements rosicruciens non christiques
sur lesquels il convient de s'attarder un peu afin de ne pas les confondre avec les
Organisations rosicruciennes christiques clairement séparées de la Franc-
Maçonnerie. Les deux groupes ont parfois exercé une influence politique
importante.

L'Ordre de la Rose-Croix d'or et de la Rose rouge est un mouvement


non christique.
- La Rose-Croix réapparaît dans la Franc-Maçonnerie dans le cadre de l'alchimie.
En 1710, un pasteur luthérien, Samuel Richter, publie "La vraie et parfaite
préparation de la Pierre Philosophale par la Fraternité de l'Ordre de la Rose-Croix
d'Or et de la Rose Rouge". C'est un traité d'alchimie qui expose aussi les règles de
l'Ordre de la Rose-Croix d'Or et de la Rose Rouge. L'Ordre décrit par Samuel
Richter n'aurait pas fonctionné mais l'appellation "Rose-Croix d'Or" est établie et
les règles énoncées se retrouveront dans les instructions du grade maçonnique-
rosicrucien des "Princes Chevaliers Rose-Croix".

187
La Societas Roseae et Aureae Crucis, ou "Fraternité des Rose-Croix
d’Or", est un mouvement non christique.
- En 1749, Hermann Fictuld évoque une "Société des Rose-Croix d’Or", héritière
de l’Ordre de la Toison d’Or. En 1757, il crée un rite maçonnique avec de
nombreux grades rosicruciens: la Societas Roseae et Aureae Crucis ou Fraternité
des Rose-Croix d’Or. Cette Société engendre un nouveau rite maçonnique
rosicrucien qui apparaît vers 1770 en Bavière, en Autriche, en Bohème et en
Hongrie. Il est adopté par une Loge de Ratisbonne, la "Croissante aux Trois Clefs",
puis par une Loge de Vienne, "l'Espérance", laquelle donne naissance aux "Trois
Épées". Cette dernière Loge devient le centre de ce nouveau rite maçonnique
rosicrucien où l'on pratique l'alchimie et la théurgie.

L'Ordre de la Rose-Croix d'Or d'Ancien Système a aussi une vocation


alchimique.
- En 1776, deux membres des "Trois Épées", Johann Rudolf von Bischoffswerder,
officier puis ministre de la guerre prussien, et Jean Christophe Wöllner, pasteur,
instaurent un nouvel Ordre maçonnique rosicrucien, "l'Ordre de la Rose-Croix d'Or
d'Ancien Système". Prétendant remonter à l'an 151, l'Ordre se réfère à St Marc et
aux Esséniens La Loge des "Trois Globes" de Berlin devient le centre de ses
activités qui sont d'ordre alchimique et se différencient des enseignements du
Rosicrucianisme mystique originel. Sous son contrôle paraît le livre "Symboles
secrets des Rosicruciens des XVIIe et XVIIIe siècles". Ce traité alchimique
superbement illustré est souvent présenté comme le livre rosicrucien le plus
important après les trois Manifestes, la Fama, la Confessio et les Noces chymiques.
En 1787, l'Ordre disparut après avoir donné naissance à "l'Ordre des Frères Initiés
de l'Asie".

La Societas Rosicruciana in Anglia est un ordre franc-maçon réservé


aux Chrétiens.
- Vers 1870, le trésorier de la Grande Loge Unie d'Angleterre, Robert Wentworth
Little, fonde la Societas Rosicruciana In Anglia (S.R.I.A.). Il aurait été initié dans
une Société rosicrucienne écossaise par Anthony O'Neal Haye, lequel aurait
possédé le plus ancien grade maçonnique rosicrucien existant. Wynn Westcott
assure sans le démontrer qu'il existe un lien entre cette Société et la Rose-Croix
d'Or du 18ème siècle. La S.R.I.A. est réservé aux Maîtres Maçons chrétiens et
reprend la hiérarchie de la Rose-Croix d'Or d'Ancien Système. Un membre
important de l'Ordre, William Wynn Westcott, participera à la création d'un autre
Ordre maçonnique rosicrucien très influent, La Golden Dawn.

188
The Hermetic Order of the Golden Dawn, ou l'Aube Dorée, est plutôt
kabbalistique.
- William Wynn Westcott aurait trouvé, dans un exemplaire des "Symboles Secrets
des Rosicruciens des XVIIe et XVIIIe siècles", cinq rituels manuscrits codés ayant
appartenu à Baal Shem Tov puis à Eliphas Lévi. Sur ces bases et à la suite d'une
rencontre avec le représentant de l'Ordre de la Rose-Croix en Allemagne, William
Wynn Westcott et ses amis fondent à Londres, la Loge "Isis-Urania", puis la Loge
"Athathoor", à Auteuil, puis à la fin des année 1880, "l'Hermetic Order Of The
Golden Dawn". Les rituels empruntent beaucoup aux Kabbalistes chrétiens de la
Renaissance ce qui éloigne l'Ordre du Rosicrucianisme mystique originel orienté
vers une alchimie intérieure. La Golden Dawn devient une des plus importantes
organisations maçonniques rosicruciennes anglaises et elle la restera.

L'ordre des Templiers d'Orient est orienté vers la magie.


- Cet Ordre rosicrucien émane aussi de la Franc-Maçonnerie. Il fut animé par
Theodor Reuss, membre de la Societas Rosicruciana in Germania. Après son
initiation en 1893, il présentait l'Ordre comme une académie maçonnique cachant
un Ordre rosicrucien secret descendant directement des Rose-Croix "originaux et
authentiques", situé à Reuss, près de Leipzig. C'est vers 1902, que Theodor Reuss
réussit véritablement à instaurer l'O.T.O. qui n'avait plus rien en commun ni avec le
Rosicrucianisme ni avec la Franc-Maçonnerie. L'organisation devint rapidement
suspecte et prit fin avec la mort de Theodor Reuss, en 1923. Plusieurs de ses
disciples tentèrent néanmoins de poursuivre son œuvre.

L'Ordre des Elus Cohen pratiquait la magie.


- Il fut fondé par Jacques Martinez, (Jacques de Livron Joachim de la Tour de la
Casa Martinez de Pasquales), né vers 1727 à Grenoble. Son père avait reçu de
Charles Stuart une patente transmissible à son fils qui devint le "Puissant Maître
Joachim Don Martinez Pasqualis" avec le pouvoir d'ériger des temples à la gloire
du Grand Architecte. A 28 ans, Martinez est Maître Maçon et travaille à la création
d’un mouvement spirituel au sein de la Franc-Maçonnerie. Lorsqu’il érige ce
mouvement en Ordre, il l'appelle "Ordre des Chevaliers Maçons Élus Cohen de
l’Univers" et quand les Hauts Degrés sont introduits dans la Franc-Maçonnerie, il
n'y admet que des Maîtres-Maçons de degré "Elu". En mai 1763, il envoie sa
Patente Stuart à la Grande Loge de France et l'informe qu’il a créé un Temple, à
Bordeaux, sous la Constitution de Charles Stuart, Roi d'Ecosse, d’Angleterre et

189
d'Irlande, Grand Maître des Loges disséminées sur toute la surface de la Terre. Le
nom de sa Loge devient "La Française Élus Écossais", officialisée en 1765 par La
Grande Loge de France. En 1767, Martinez fonde le "Souverain Tribunal des Élus
Cohen" et Lyon devient la capitale spirituelle de l’Ordre. En 1772, Martinez part à
Saint Domingue, après avoir obtenu un "certificat de catholicisme". Comment un
Franc-Maçon, Grand Maître de son propre Rite du Haut Degré, obtint-il ce
certificat? L’Ordre comprenait trois classes principales suivies de degrés secrets
dont les Réau-Croix, à ne pas confondre avec les Rose-Croix. Le Réau-Croix
contacte les plans spirituels par la théurgie, attirant les puissances célestes dans sa
propre aura et dans celle de la Terre. L'objectif magique est d’obtenir la Vision
Béatifique du Rédempteur, Jésus Christ. Martinez est mort à Port-au-Prince en
1774. Ses successeurs mirent l'Ordre en sommeil. Il ne fut réactivé qu'en 1996.

Le Martinisme est magique et christique.


Le Martinisme n'est pas le prolongement de l'Ordre des Elus Cohen. Après la mort
de Martinez, deux disciples, Willermoz et Saint-Martin (qui entra dans l’Ordre des
Philosophes Inconnus) diffusèrent son enseignement. La doctrine gnostico-
mystique développée par Louis-Claude de Saint-Martin se rattache aux systèmes
de Boehme et de Pasqually. Avant le temps, Dieu produisit par émanation des êtres
spirituels dont une partie tomba dans le péché d’insubordination. Dieu créa alors
un univers pour circonscrire ce mal en emprisonnant les déchus. Il émana
l’Homme primordial, l'Adam Qadmon, au corps glorieux, vice-roi de l’univers,
pour amener ces démons à résipiscence. Sous la Révolution, la "Terreur" mit Saint-
Martin en danger. Il continua à réunir ses adeptes mais, pour cacher leur identité,
ils portèrent des masques et des capes pendant les réunions. Saint-Martin mourut
en 1803. C'est le Dr Encausse, Papus, qui créa en 1891 l'Ordre Martiniste une
philosophie mystique illuministe d’inspiration chrétienne. L’homme primordial
était en liaison avec son créateur. Par la faute d’Adam, il perdit ses privilèges mais
il peut réintégrer le monde divin par la théurgie (exercices occultes, magiques et
mystiques). L'Ordre se dote d'un Suprême Conseil, installé en 1891. Il comptait
douze membres dont Papus, Chaboseau, de Guaita, Sédir (Yvon Leloup), Haven
(E. Lalande), et V-E. Michelet. Papus devient Grand Maître et l'Ordre connaît une
extension rapide. En 1898, il existait 113 loges dans le monde. On ne peut entrer
dans l'Ordre sans y être invité. L’initiateur doit faire partie de la lignée
ininterrompue depuis Saint-Martin, et l'initiation confère des pouvoirs qui
permettent de pratiquer la magie. Les femmes y sont admises. Pendant la guerre de
1914, l'Ordre tombe en sommeil puis est réanimé en 1931. L'ajout "Traditionnel"
montre que l'Ordre s'appuie sur les fondements véritables du Martinisme face aux
groupes indépendants. L'ordre est encore menacé par la guerre de 1939. Ralph
Maxwell Lewis, Imperator de l'AMORC est alors chargé par le Suprême Conseil

190
d'installer l'Ordre Martiniste Traditionnel aux Etats-Unis. Après la guerre,
L'AMORC se réorganise et décide que l'OMT exercera ses activités en son sein.
L'Imperator de l'AMORC est aussi Souverain Grand Maître de l'OMT, pareillement
pour les juridictions françaises. Les ordres Martinistes actuels, tels l’Ordre
Martiniste dit "de Papus", l’Ordre Martiniste Traditionnel (OMT), filiale de
l’AMORC, et l’Ordre Martiniste des Elus Cohen, sont très actifs.

La Rose-Croix AMORC est ésotérique, théiste mais non christique.


L'AMORC, (Anticus Mysticusque Ordo Rosae Crucis), a été fondée en 1909 par
Harvey Spencer Lewis (Sâr Alden), passionné d’égyptologie et d’occultisme, qui
fixe son siège à San Jose (Californie) qui aurait reçu l’initiation rosicrucienne à
Toulouse. Puis il aurait subi une initiation rituelle à Louxor et reçu des missions. Il
détiendrait des manuscrits secrets (datant de 1694), transmis par les anciens
rosicruciens américains, ce qui lui donnerait pouvoir pour exercer le mandat
d’Imperator. L’AMORC est diffusée dans le monde, et à partir de 1921, elle est
introduite progressivement en France. Après la mort de Harvey Spencer Lewis en
1939, son fils, Ralph M. Lewis, lui succède. L’AMORC française disparaît en 1941
et réapparaît après la guerre. Jeanne Guesdon en devient Grand Maître en 1949. A
sa mort, en 1959, Ralph Lewis propose Raymond Bernard, Grand Secrétaire depuis
1956, après un intérim exercé par Albin Roimer, Grand Maître de Suède. Serge
Wahart fut Grand Secrétaire de 1966 à 1969. Christian Bernard, fils de Raymond
Bernard, est consacré Grand Maître pour la France et les pays francophones en
1977. Maurice Tregouët fut Grand Secrétaire de de 1977 à 1981. La Rose-Croix
AMORC est un système complexe. Le fondement de la doctrine s'appuie sur le
spiritisme, la philosophie grecque, la religion égyptienne, et la théosophie
hindouiste. Dieu est impersonnel. Il est le Cosmique, le dieu dans le coeur. La
matière est éternelle, esprit et énergie. Le Noûs, la pensée, est la force créatrice
universelle. Par l'évolution et la réincarnation, tout évolue vers le divin. L'AMORC
est toujours le siège d'une importante activité.

La Rose-Croix ésotérique et christique.


L’Ordre Kabbalistique de la Rose-Croix est un mouvement ésotérique
chrétien.
- Il est fondé en 1887, à Paris, par le Marquis Stanislas de Guaita qui prône un
spiritualisme exaltant la tradition chrétienne conduisant à l'avènement du royaume
de Dieu. L'Ordre réunit un groupe d’hommes actifs très connus, dont Péladan,
cofondateur, et Papus qui déclare que le courant rosicrucien synthétise trois

191
traditions, le Gnosticisme, (Cathares, Vaudois, et Templiers dont dérivent les
Maçons), les moines catholiques, et enfin les divers initiés (Hermétistes,
Alchimistes, Kabbalistes). On trouve parmi les membres Debussy et Erik Satie qui
écrivit une Sonnerie des Rose-Croix pour accompagner le rituel. Guaita est aussi
écrivain et poète (Les Oiseaux de passage, 1881, La Muse noire, 1883, Rosa
mystica, 1885). (la Rosa Mystica de Gaita est disponible à la Bibliothèque
Universitaire de la faculté de Lettres de Nancy 2, en édition originale). En 1890,
Refusant la magie, Péladan crée le Tiers Ordre de la Rose-Croix, une section
catholique et mondaine qui rassemble cent soixante-dix artistes célèbres. Il
organise des salons qui rassemblent jusqu’à vingt-deux mille visiteurs. Stanislas de
Guaita mourut à 36 ans, en 1897.

La Société Théosophique est un mouvement ésotérique à tendance


bouddhique.
- La Société a été fondée aux États-Unis en 1875 par Helena Petrona von
Rottenstern Hahn secondée par le colonel britannique H.S. Olcott (Franc-Maçon).
De nombreux clubs théosophiques existaient déjà. La fondatrice de la Société était
un médium spirite célèbre, connue sous le nom de Mme Blavatsky. L'un de ses
livres, "La Doctrine secrète", (1888), rassemble son enseignement. Il y a un
principe éternel : l'Etre. La matière est éternelle. L'âme humaine est
fondamentalement identique avec la "sur-âme universelle". La réincarnation et
l'homme sont inséparables car la réincarnation de l'âme fait partie intégrante de la
constitution humaine. Les Théosophes voulaient étudier les phénomènes mystiques
et occultes à partir de l'hindouisme et du bouddhisme tibétain. Leurs activités ont
fait connaître les religions orientales. La Société a popularisé la doctrine de la
réincarnation dans les cercles initiatiques, théosophiques ou rosicruciens. La 2ème
présidente, Annie Besant, féministe convaincue, a joué un rôle politique éminent et
contribué à l'émancipation de l'Inde. Elle a fait connaître Krisnamurti (Alcyone).
Son compagnon, C.W.Leadbeater a expliqué en France les livres de Mme
Blavatsky, souvent difficiles d'accès. La Société Théosophique a essaimé dans
toutes les directions. Elle est toujours en activité.

L'Association rosicrucienne Max Heindel est christique et ésotérique.


- Il s’agit d’une théosophie cosmogonique dérivée de la théosophie de Mme
Helena Petrovna Blavatsky. Max Heindel était en quête d’une philosophie
chrétienne. Il devint membre de la Loge Théosophique de Los Angeles dont il fut
rapidement élu vice-président. Il se rendit en Allemagne en 1907 pour assister aux
conférences du Dr Steiner, et y reçu sa propre révélation. Il écrivit alors" la

192
Cosmogonie des Rose-Croix", qui est le manuel de base de l’Association. La
doctrine est une promesse de salut universel. Elle présente l’homme, esprit vierge,
descendu dans la matière, à l’origine. Il devient ensuite végétal, animal, puis
humain. Le but final de l'évolution est de devenir divin et créateur, en traversant
une longue série de réincarnations. Les êtres évolués viennent en aide aux suivants
jusqu'à ce que tous les esprits, sans exception, soient sauvés. L'association
rosicrucienne Max Heindel, (The Rosicrucian Fellowship), est établie dans de
nombreux pays (Paris, Perpignan, Ardèche, Belgique, Suisse, Canada, etc). Elle est
toujours en activité.

L’Anthroposophie est un mouvement christique ésotérique.


- Le mouvement autonome fut fondée par Rudolf Steiner en 1913. Ce penseur
autrichien est né en 1861. Steiner était théosophe. Ce docteur en philosophie
diplômé en sciences est marqué par l’oeuvre de Goethe. (Il fonde d’ailleurs
ultérieurement le Goethorium prés de Bâle). Steiner veut ouvrir un chemin de
connaissance vers la spiritualité universelle, la Gnose. Inspiré par Goethe et par
l’hermétisme des Rose-Croix, il fonde avec Marie de Rivers, un journal Lucifer et
Gnosis. La Société Théosophique de Berlin le présente à Annie Besant qui le
remarque et le nomme secrétaire général de la section allemande en 1905. Steiner
affirme que l’Homme s'est détaché d’un grand être cosmique originel dont il
demeure pourtant un "microcosme", une particule portant en elle l’univers dans sa
totalité. Il accepte de rénover le Christianisme sous l’éclairage du Bouddhisme,
mais refuse de suivre Annie Besant dans ses critiques de Jésus, ses convictions
spirites, et ses recherches des réincarnations hindoues du Christ et de Bouddha telle
Alcyone, (Krisnamurti). Cela l'amène à se séparer des Théosophes. Il fonde alors
sa propre doctrine, l’Anthroposophie. L’Homme ordinaire a perdu la connaissance
de son rôle originel. Cette philosophie doit l’aider à reprendre sa véritable place
dans le Cosmos. L’Anthroposophie voit dans le Christ le centre véritable de
l’histoire terrestre. Steiner professe l’existence d’un univers invisible, de mondes
suprasensibles, d'une forme de réincarnation, et de rythmes cosmiques auxquels
l’Homme est relié. Steiner ne parle pas de l’immortalité de l’âme individuelle mais
de celle de l’Esprit qu’il appelle "force transcendante active". Il essaye de concilier
la théosophie, le rosicrucianisme et le catholicisme à travers une école
théosophico-rosicrucienne dont le moyen est l’initiation. Steiner a exercé une
profonde influence par le rayonnement de sa personnalité et l’enseignement de sa
pensée, et fait de nombreux adeptes. Sa doctrine a des prolongements avec la
fondation de plusieurs écoles. Il a d’ailleurs publié une centaine d’ouvrages et a
prononcé plus de six mille conférences écrites. Le mouvement anthroposophique et
les écoles Steiner sont toujours en activité.

193
La Fraternité du Saint Graal et des Cathares est un simple cercle
d'études.
- Antonin Gadal naît en 1887 à Tarascon-sur-Ariège dans les Pyrénées. Le
Sabarthez est une contrée montagneuse où vécurent des Cathares. Il y rencontre
l'historien Adolphe Garrigou qui présente ses "Etudes historiques sur le pays de
Foix et le Couserans" basées sur les récits de l'historien et pasteur protestant,
Napoléon Peyrat, lequel publiait alors son "Histoire des Albigeois. A.Gadal forme
autour de Tarascon et d'Ussat un cercle d'amis disposés à l'aider dans ses
recherches historiques et ésotériques sur le Catharisme. On y trouve Isabelle
Sandy, écrivain local, la comtesse Pujol-Murat, P. Ladame, écrivain suisse,
Christian Bernadac, auteur, Fauré-Lacaussade, historiographe, et les abbés Vidal et
Glory qui l'aident à accéder aux registres de l'Inquisition. Il veut reconstituer
l'histoire du sacerdoce cathare. Sa recherche est une quête initiatique. Il cherche la
vérité des Cathares et dégage les liens profonds qui les relient à l'antique source
gnostique du Christianisme. Des occultistes s'intéressent à sa démarche mais Gadal
choisit l'autre chemin de la patience, du dépouillement, de l'abnégation et de
l'humilité. Il a découvert les Mystères cathares, la Spiritualité des Bonhommes et le
sens de la quête du Graal. Il espère pouvoir transmettre son savoir et finit par
rencontrer Jan Leene et Mme H. Stok-Huyser qui ont fondé aux Pays-Bas une
école de pensée, la fraternité gnostique de la "Rose-Croix d'Or". Cette rencontre
scelle l'alliance de la Fraternité du Saint Graal, des Cathares et de la Rose-Croix.
Pour la rappeler, le monument "Galaad" (la pierre du témoignage), est érigé à
Ussat-les-bains, dans la vallée de l'Ariège, et sur l'une des faces, une inscription est
gravée : Graal, Cathares et Croix aux Roses - La Triple Alliance de la Lumière.
Témoignage symbolique de la Triple Alliance de la Lumière, ce monument est la
preuve visible, non seulement de l'existence de l'antique fraternité gnostique des
Cathares, mais aussi de celle d'une nouvelle fraternité gnostique, toujours vivante
et active aujourd'hui.

Le Lectorium Rosicrucianum de Haarlem est un mouvement


christique et gnostique.
- Il est aussi appelé "Ecole spirituelle de la Rose-Croix d’Or" Il a été fondé en 1924
à Haarlem (Hollande) par deux frères Z.W. Leene et J. Leene, (Jan van
Rijckenborgh). Ils étaient membres de l’Association Rosicrucienne Max Heindel et
y occupèrent des postes à responsabilité. Ils dirigèrent l’Ordre en Hollande. Suite à
un "pèlerinage spirituel", ils décidèrent de se séparer de l’Association Max Heindel
et créèrent en 1924 la Rose-Croix d’Or ou Lectorium Rosicrucianum, à Haarlem,
aux Pays-bas, où ils rencontrèrent en 1930 Mme H. Stok-Huizer, (Catharose de

194
Petri). Dans le "jardin des roses", à Albi, ils entrèrent en contact avec A.Gadal en
1956. Cette rencontre aboutit à la triple alliance de la Fraternité du Saint Graal, des
Cathares et de la Rose-Croix. Gadal se joignit à cette école spirituelle et en présida
plus tard la section française en devenant le premier président du Lectorium
Rosicrucianum France. "La Gnose, disait Gadal, est la connaissance de tout ce qui
touche à Dieu, à Jésus-Christ, au retour à la vie divine. C'est la synthèse chrétienne
de toutes les philosophies de la délivrance éparses dans le monde avant la venue du
Christ. Comme toutes les traditions spirituelles, la Gnose considère le monde
comme une illusion, une pseudo création instable, imparfaite. La seule réalité est
Dieu.". L’enseignement du Lectorium Rosicrucianum est assez complexe. Le
thème principal en est la Gnose, une connaissance basée sur l’illumination de la
transfiguration. Il intègre aussi des valeurs venues de l'essénisme, du catharisme,
du manichéisme, des cultes à mystères de l'Egypte antique, et même de
l'hindouisme.
* L’homme originel est un microcosme. L'homme naturel est séparé du monde
divin originel. Il erre sur terre à la recherche de la perfection. Il possède toutes les
possibilités spirituelles permettant la réintégration de l'homme originel au monde
divin, et il se souvient de son état de perfection perdue.
* L’univers cosmique est divisé en deux ordres de Nature. La Nature dialectique
est notre monde actuel, il est caractérisé par l'opposition des contraires, bien et mal,
plaisir et souffrance, vie et mort, amour et haine, etc. L'autre Nature est le
Royaume originel, qui n’est pas de ce monde et qui est la patrie de l’homme
véritable.
* Durant sa vie terrestre, l'Homme doit réaliser un processus de renaissance et de
transfiguration dont le point de départ est l’éveil de l’atome-étincelle d’esprit à
partir du souvenir de l'état perdu. Le processus engagé produit un revirement
fondamental et conduit à la transfiguration, la résurrection de l’Esprit universel en
l'homme et le retour du microcosme dans le Royaume originel divin.

195
XVII

Une filiation du rite Maçonnique de Venise

Ordre Oriental Ancien et Primitif de Memphis et Mizraïm Rite primitif de


Memphis et Mizraïm Rite de Venise

SOUVERAIN SANCTUAIRE DES GAULES ET D’ARMORIQUE Filiation Jean Prévost


GRAND HIEROPHANTE NATIONAL JEAN BERNADAC - 33ème 66ème 90ème
96ème

Historique

Tous les documents utilisés pour ce travail sont tirés de nos archives originales,
transmises jusqu’à nous, signées et timbrées des sceaux de l’Ordre, à travers le temps,
notamment par les Grands Maîtres du SUPERUM Italien de Venise.

Nous avons utilisé les documents suivants :

• Document référencé « AV 001 » : sur papier à entête de « ORDINE ORIENTALE


ANTICO E PRIMITIVO DI MIZRAIM E MEMPHIS », « Gran Temio Mistico dei Sovrani
Principi di Memphis », établi le 3 avril 1966, à l’Orient du Udine et adressé au Frère
COMBORORIX. Ce document comprend 4 page. ;

• Document référencé « SP 001 » sur papier à entête de « ORDINE ORIENTALE ANTICO


E PRIMITIVO DI MIZRAIM E MEMPHIS », établi le 24 janvier 1966 et enregistré le 15
février 1966, au Zénith de Venise et adressé au Frère Jean PREVOST (Combororix). Ce
document de 19 pages constitue la Charte qui donne à Jean PREVOST la possibilité de
diriger le Memphis-Misraïm en France ;

• Document référencé « JP 001 » : sur papier à en tête de l’ORDRE ORIENTAL ANCIEN


ET PRIMITIF DE MEMPHIS ET MISRAIM, Grande Loge Symbolique des Gaules ;
« déclaration de transfert de siège » ;

• Document référencé « JP 002 » : Lettre de Jean PREVOST à Giancarlo SERI, en date du


28 juin 1995 ;

• Document référencé « SSG 002 » : Bulletin de liaison des ateliers fédérés à la Grande
Loge Symbolique des Gaules de Memphis et Misraïm, n° 3, mai 1998 ;

• Document référencé « AN 003 » : Notice Historique "établie à Paris le 10 décembre


1992 ; document de trois pages ;

• Document référencé « AV 004 » : lettre de Alfredo VITALI destinée à Jean PREVOST,


reçue 17 février 1987 ;

• Document référencé « JP 005 » : lettre de Jean PREVOST destinée à Sebastiano


Caracciolo en date du 06 mars 1993 ;

Le Grand Sublime Souverain Sanctuaire dit « SUPERUM » de l’Ordre Oriental Ancien et


Primitif de Memphis et Mizraïm, est l’origine et comme l’écrit le « Superum » lui-même,
la « mère » des Familles Initiatiques du monde entier, car la reconstitution d’Abraham
« le Juif » à Venise, ne fut rien d’autre qu’une transcription moderne de l’ancienne
rituélie adaptée à la Franc-Maçonnerie Opérative d’Occident, fille des « Magistri
Fabrorum » de Rome, nièce des Maçons d’Hiram à Jérusalem, qui étaient les disciples de

196
ceux qui avaient préconisé la « Pierre angulaire » dans l’édification de la Pyramide, le
Temple « Perfect ».

Le SUPERUM est donc la « Mère », la matrice, dans le temps et dans l’espace de toute
filiation qui relève de cette tradition originellement des∴italienne, et déléguée en
Liberté, en Egalité et en Fraternité aux FF autres nations.

Il y a là, dans un Rituel Secret des Francs-Maçons Pyramidaux, chez les Maîtres, cette
attente ancienne du Seigneur des Deux-Horizons, le Souverain Grand Maître et Grand
Prêtre à Perpétuité, le Grand Hiérophante UNIVERSEL, le chef de tout Ordre, le
Ratificateur de tout Rite, le Roi des Rois et le Seigneur des Seigneurs.

1788 : Le rabbin, savant et kabbaliste, Abraham le Juif, membre de la Loge Ecossaise


Primitive à Venise, (de l’Obédience de la Grande Loge d’Angleterre) fonda à Venise, avec
des initiés Chevaliers d’Orient, Philosophes Inconnus, et d’autres initiés en Kabbale,
l’Ordre Oriental de Mizraïm, dit Rite Egyptien.

La Rose + Croix Pythagoricienne existe depuis 2000 ans : d’abord en tant que
« Fraternité de Pythagore » au temps de la Rome antique, puis en tant qu’Ecole
Chrétienne Gnostique jusqu’à sa réforme moderne de la Rose + Croix Pythagoricienne.

1792 : Quatre ans après la fondation de l’Ordre Oriental de Mizraïm, la R+C


Pythagoricienne, dont le siège était toujours en Italie, fit initier ses adeptes, en grand
secret, au rite de Mizraïm. Dans les années , durent fuir∴ R+C Pyt∴ de l’Ordre, et en
particulier les FF∴1797-1798, les FF à Palerme l’invasion autrichienne.

1801 : Là, ils réformèrent le Rite de Mizraïm, réforme déjà étudiée à Venise, mais qui
demeurait toutefois dans un cercle intérieur à l’Ordre/Rite de Mizraïm. Cette réforme prit
la dénomination officielle de Rite Ancien et Primitif de Memphis (1801).

1804 : Les deux rites furent réunis au moment de la proclamation du Royaume d’Italie
par Napoléon. L’empereur les reconnut alors comme Ordre Oriental Ancien et Primitif de
Mizraïm et Memphis et, en retour, tout naturellement, l’Ordre se montra favorable à
Napoléon et à sa politique.

1814 : Dès 1814, existait à Montauban, une mission particulière, initiée par les Frères de
Venise, selon l’ancienne rituélie du « premier » Memphis.

1839 : L’armée autrichienne, étant réinstallée à Venise, les Frères de la Rose + Croix
Pythagoricienne et les membres des Ordres réunis dans l’Ordre Oriental Ancien et
Primitif de Memphis et Mizraïm se réunirent en convent à Palerme. C’est à cette occasion
que la Rose + Croix Pythagoricienne et le Souverain Conseil Universel donnèrent
délégation officielle au Frère Rose + Croix Pythagoricien 33ème 90ème 95ème Etienne
MARCONIS d’ouvrir les travaux en France, selon le Rite de Memphis.

Cependant, cette délégation, d’une étendue remarquable certes, mais délégation


seulement, ne donnait aucun pouvoir souverain, ni succession, ni pouvoirs autonomes
libres de tout lien fraternel, et ses successeurs étaient tenus de se référer aux Hauts
Corps, c’est à dire au Souverain Conseil Universel, secteur exécutif du Grand Sublime
Souverain Sanctuaire « Superum », qui le comprenait et qui « l’englobait ».

Une mission, pour le Rite de Mizraïm, des Frères BEDARRIDES était déjà en place, ceux-
ci ayant déjà reçu délégation et pouvoirs par le même Souverain Conseil Universel (qui
comprenait les Zéniths de Venise, du Caire et de Palerme) pour travailler en France.

1865 : Le Très Illustre et Très Vénéré Frère Jean-Baptiste PEISINA, Grand Conservateur
du Souverain Conseil Universel de Mizraïm et Memphis, lié au Souverain Sanctuaire de

197
Venise donna patente à l’Espagne, à la Roumanie et à la Grèce , alors que la Vénitie est
toujours sous le joug autrichien. Au cours du Convent de Palerme de 1839 cités plus
haut, les degrés du Rite de Memphis furent portés à 92. Par la suite, le Souverain Conseil
Universel, siégeant en Italie, portera les degrés des Rites Unis de Memphis et Misraïm à
95 pour les degrés initiatiques et à 96 et 97 pour les degrés dits administratifs,
transmissibles dans le cadre d’une cérémonie particulière de HAUTE THEURGIE .

1875 : Le Frère Joseph GARIBALDI réunit les Grands Orients de Turin, Milan, Florence et
Naples dans le Grand Orient d’Italie à Rome et unifia les Rites dans l’Ordre actuel, sur la
base inchangée et jamais discutée de Venise. Ainsi, l’Ordre Oriental Ancien et Primitif de
Memphis Mizraïm est la Voie et le Fondement sur lesquels le Grand Orient d’Italie fut
bâti. 1881 : Le Frère Jean Baptiste PEISINA, convoqua le Grand Convent de Mizraïm et
Memphis à Rome, pour compléter l’unification des deux Rites dans le monde entier .

du∴ G∴ H∴Etienne MARCONIS, entre temps, s’était autoproclamé G Rite Ancien et


Primitif de Memphis, en opposition avec le Général Joseph du Souverain Sanctuaire
(Mère) de Memphis de Palerme, duquel∴ G∴ H∴GARIBALDI, G Etienne MARCONIS tenait
sa Délégation . Pour mettre fin à ces velléités d’indépendance des seuls Memphis de
Palerme et de France, le Frère Jean Baptiste PEISINA déposa ses pouvoirs au sein du
Convent . Le Frère Joseph GARIBALDI fut des Rites Unis .∴ G∴ H∴alors élu G

Tous les Memphis et les Misraïm qui, après un “temps raisonnable”, ne fusionneraient pas
seront déclarés automatiquement séparés. Palerme se plia à l’ordre, car il émanait du
Grand Hiérophante Général que les Frères de Palerme reconnaissaient déjà : le Frère
Joseph GARIBALDI, « héros des deux mondes ». Il prit pour Substitut, (avec droits de
succession et Membre Officiel du Souverain Sanctuaire de Venise), le Très Puissant Frère
John YARKER d’Angleterre, qui était déjà Grand Maître du Rite Ecossais Primitif et Grand
Hiérophante du Royaume Uni de Grande Bretagne, d’Ecosse et d’Irlande .

1882 : Quand le Frère Joseph GARIBALDI partit pour l’Orient Eternel, son Substitut, le
Frère John YARKER prit automatiquement sa place. Il d’Espagne et∴ H∴nomma à son
tour son Substitut, le Frère VILARINO del VILAR, G Membre du Souverain Sanctuaire de
Venise .

1886 : Libération de Venise

1900 : Cependant, dans le but de diviser sa succession, John ∴ Me∴YARKER initia au


XLVIIème degré du Rite Ecossais et Primitif le Frère Pa d’Italie et donna désignation au
Frère Eduard FROSINI d’Italie pour les Rites Unis (de Memphis et Mizraïm) .

1908 : Le 7 juin 1908, à l’Orient de Paris, au 5, rue Jules Breton, un convent fut tenu
dans les locaux de la Grande Loge du Droit Humain, au cours duquel furent réunies les
puissances maçonniques de nombreux pays dans le but de bâtir la Fédération
Maçonnique Universelle.

Etaient présentes les Puissances suivantes : 1. Le Grand Orient d’Allemagne et le


Souverain Sanctuaire du 33ème degré écossais pour l’Alemagne. 2. La Franc-Maçonnerie
Arabe "les Fils d’Ismaël" 3. Le Souverain Conseil Universel de la Franc-Maçonnerie Mixte
4. La Grand Loge Symbolique d’Espagne (Le Rite National Espagnol) 5. Le Souverain
Grand Conseil Général Ibérique (Espagne) 6. Le Rite Ancien et Primitif de la Franc-
Maçonnerie pour l’Angleterre et l’Irlande 7. La Grande Loge d’Angleterre du Rite de
Swedenborg 8. La Grande Délégation du Rite National Espagnol pour l’Italie 9. La Grande
Délégation Portugaise du Rite National Espagnol 10. La Grande Loge du Cap Vert 11. Le
Rite Azur de la République Argentine 12. La Grande Loge des Anciens et Acceptés
Francs-Maçons de l’Etat de Ohio 13. La Grande Loge de St. Jean des Anciens et Acceptés
Francs-Maçons du Massachusetts 14. La Grande Loge Allemande du Rite de Swedenborg

198
15. La Grande Loge de France du Rite de Swedenborg 16. Le Suprême Conseil des
33ème pour le Mexique 17. Le Suprême Conseil de l’Ordre Oriental Ancien et Primitif de
Mizraïm et Memphis pour l’Italie 18. Le Suprême Grand Conseil et le Grand Orient du
Rite Ancien et Primitif pour la France et ses Dépendances 19. L’Ordre Esotérique de la
Rose Croix 20. L’Ordre Oriental de Memphis et Mizraïm (le Caire) 21. L’Ordre Martiniste
22. L’Ordre Kabbalistique de la Rose Croix 23. L’Ordre Oriental Templier.

Il y eut également des délégations maçonniques de la Suède, de la Bohème, de la


Suisse, de la Grèce, de la Turquie et de la Russie .

La présidence d’honneur fut donnée au Frère John YARKER, la présidence réelle au Frère
Gérard ENCAUSSE (Papus) et le secrétariat au Frère Téder (Charles DETRE) 33ème .

Avec la permission du Frère John YARKER et en présence du Frère et aussi des Délégués
des Suprêmes Conseils, le∴Eduard FROSINI et du Frère De M Grand Maître d’Allemagne,
Théodore REUSS, donna l’initiation et patente au Frère ∴ pour la France. C’est
également en 1908 que le F∴ H∴Gérard ENCAUSSE comme G Eduard FROSINI bâtit le
Souverain Sanctuaire d’Italie.

1909 : Avant la première guerre mondiale, en 1909, après le passage à l’Orient Eternel
du Frère John YARKER, le Souverain Conseil Universel, siégeant à Naples, considérant la
désignation faite par le Frère John YARKER et aussi pour contrer les menées du
« serviteur du Keiser », le Frère Théodore REUSS (qui cherchait à se faire élire au
sommet de la hiérarchie pour offrir cet Eduard∴honneur à l’Allemagne), donna le titre
de Grand Hiérophante Général au F FROSINI (Membre du Souverain Sanctuaire de
Venise et initié dès 1900 au 33ème 90ème 95ème et au XLVI ème du Rite Ecossais
Primitif par les Frères John YARKER et VILARINO del VILAR).

L’ex-Frère Théodore REUSS, lui, s’autoproclama 97ème et, pour frapper Venise et se
venger d’elle, des Italiens et du Frère Joseph GARIBALDI (le diable pour les Allemands),
il alla contre le Congrès de Rome de 1881 et, lâchement, donna une patente au
Sanctuaire de Memphis de Palerme qui avait, un temps, adhéré aux Rites Unis, comme
Sanctuaire du seul Memphis. Voilà comment Théodore REUSS trahissait la vie unifiée des
Rites Unis pour mener à bien ses va succéder à John YARKER au∴ Me∴propres buts de
basses vengeances. Le Frère Pa sommet du Rite Ecossais Primitif et le Frère Eduard
FROSINI devient le légitime et régulier Grand Hiérophante Général.

Eduard FROSINI fonda ensuite le Rite∴ G∴ H∴1908 : Le G Philosophique Italien (qui,


sur son ordre, en 1921 se fondra avec le Rite Ecossais). Plus tard, il remit le tout entre
les mains du Frère Marco Egidio ALLEGRI, de Venise, Membre du Grand Sublime
Sanctuaire et du Souverain Conseil Universel. L’Ordre Oriental Ancien et primitif de
Memphis et Misraïm fut la voie d’Italie.∴ O∴et la souche sur laquelle fut bâti le G

1914 : La première guerre mondiale éclate.

1916 : Le Frère Papus monte à l’Orient Eternel.

1917 : Le Frère Téder monte, lui aussi, à l’Orient Eternel. Jean BRICAUD, dissident du
Martinisme, s’autoproclame « chef » du Memphis-Misraïm en France. Il est donc
irrégulier. On verra rapidement dans les années suivantes les Martinistes Italiens se
séparer de Jean BRICAUD. Le Frère Augustin CHABOSEAU édifie avec de véritables
Martinistes les bases de l’Ordre Martiniste Traditionnel (OMT ), tandis que d’autres Frères
construisent l’Ordre Martiniste Synarchique (OMS, le Frère Blanchard). La succession
"BRICAUD", du Martinisme comme du Memphis-Misraïm, peut donc apparaître comme
douteuse car aucun Haut Corps n’a été interrogé sur l’opportunité de donner ou non une
filiation à Jean BRICAUD. Du reste, il semble, d’après les documents en notre

199
possession, qu’il n’a jamais été considéré comme susceptible de recevoir un jour le
97ème.

1918 : Après la guerre, en étroite union avec l’Ordre Martiniste (de Bricaud) le Memphis-
Misraïm travailla vaillamment.

1922 : Le Frère Marco Egidio ALLEGRI reçoit le 90ème 97ème comme successeur de
Eduard FROSINI. Le fascisme monte. Sur le moment, on ne songe pas au danger
imminent et les travaux rituels, magiques et théurgiques sont suivis par beaucoup de
Frère dans les Orients des Rites Unis qui résistèrent à la mode typique des formations
pseudo initiatiques et athéistes de l’époque.

1928 : Le fascisme dissout la Franc-Maçonnerie. Le frère Marco ALLEGRI met à couvert


le Souverain Sanctuaire et ses Hauts Corps. En apparence, l’Ordre s’occulte tout comme
au temps de l’invasion autrichienne, en se cachant notamment sous le couvert de la
Société Théosophique. Il continua cependant de travailler en grand secret, assurant ainsi
la continuité de la Tradition. Le Martinisme ne ferma jamais ses travaux, l’Ordre des Elus
Cohens au Zénith de Venise non plus, tous deux travaillant au maintien du contact entre
le Monde angélique et le Monde des Initiés.

1930 : Trahi par un espion de l’Eglise (catholique romaine), le Frère Marco ALLEGRI fut
emprisonné sous l’accusation d’avoir réorganisé la Franc-Maçonnerie. Mais bientôt, le
silence et l’intelligence de ses Frères firent sortir des geôles de la patrie le Grand
Hiérophante Général.

1936 : Le Frère Marco ALLEGRI reçut la filiation de la Stricte Observance Templière et


des Chevaliers Bienfaisants de la Cité Sainte. Sous son emprise, le Memphis Mizraïm
s’étendit jusqu’en Autriche, malgré le nazisme, et il maintint les contacts avec la
Roumanie, la Hongrie, la Grèce, la Pologne et l’Amérique.

1939 : Lorsque éclata la guerre en 1939, les Frères américains par mépris pour les
Italiens, dont∴ G∴ H∴proclamèrent leur Hiérophante local G la Nation s’était alliée à
l’Allemagne.

1945 : La guerre terminée, le Frère Marco ALLEGRI réouvre les travaux "au grand jour" à
Venise tout d’abord, puis dans toute l’Italie ensuite. Il prend des contacts avec les
survivances en Allemagne et en Autriche. Bien entendu, il ne peut rien faire en Europe
Orientale à cause du joug soviétique.

Le Frère Marco ALLEGRI bâtit un Grand Sanctuaire Esotérique qui regroupe les différents
Ordres et Rites Philosophiques et Initiatiques sous le nom de “Adriatique”, sanctuaire fils
de l’ancien Souverain Sanctuaire d’Italie, bâti par le Frère Egidio FROSINI à Florence, en
1908. 1949 : Les « divergences d’opinions et d’actions »entre le Frère Marco ALLEGRI et
son Substitut, le Comte Ottavio ZAZIO, le rendent malade.

Le Comte Ottavio ZAZIO, qui avait un temps été nommé Substitut (à titre temporaire),
avait été destitué et même expulsé de l’Ordre et de toute la famille maçonnique juste
après l’expulsion d’un autre Frère : le Frère MONTANARI, qui lui, cherchait à faire des
affaires profanes en profitant des liens fraternels.

La veille de sa mort (en 49 à Venise), le Frère Marco ALLEGRI appelle le Baron Gastone
MARCHI, docteur et professeur auquel il confie le dépôt de l’Ordre et les archives des
ordres initiatiques alliés avec la tâche de tenir la Régence dans l’attente de transmettre
la succession en accord avec le Souverain Sanctuaire au Frère qu’il jugera digne en
temps opportun. Le Souverain Sanctuaire ratifie cette décision.

200
1954 : Le Régent Gastone MARCHI tient seul la barre jusqu’en 1955. Tout en maintenant
la surveillance occulte de l’Ordre, il suggéra en 1954 « l’expérimentation » de la Régence
par le Frère Ottavio ZAZIO.

1958 : Le Frère Ottavio ZAZIO est démissionné de sa charge. Le Frère Gastone MARCHI,
Patriarche de Venise et Souverain Grand Conservateur annonça lui-même à tous les∴ et
M∴ de M∴ et P∴ A∴ O∴Général ad vitam de l’O Maçons Libres répartis sur les deux
hémisphères que, “restés très déçu à tous les niveaux et sur tous les aspects, vu les
tristes résultats de la gestion fiduciaire donnée en confiance au Frère Ottavio Ulderico
ZAZIO, nous lui retirons toute délégation fiduciaire, le gardons cependant membre
d’honneur de notre Vénérable Ordre mais sans aucune charge, fonction, prérogative,
titre, pouvoir, ou autorité pour tous documents administratifs ou initiatiques”.

« En même temps, grâce à la délégation temporaire de trois ans, période qui n’a pas été
terminée, et qui aurait dû être reconduite deux fois encore (trois périodes de trois ans),
qui lui avait été donnée, nous n’avions consigné ni timbres, tampons et archives
essentiels. Nous déclarons donc que tout document fait après la présente déclaration (27
décembre 1958) donné avec le nom ou avec le « nomen esotericum » de ce Frère est nul
et non avenu ».

1959 : Toujours sous la présidence du Frère Gastone MARCHI, le Souverain Sanctuaire


fit élire et consacrer à la date fixée par les Mystères d’Egypte, le Très Illustre et Vénéré
Frère Apulejus Uzerankh (Gedeone A. ∴M. GANDOLFO de FERRARE 33ème 90ème
95ème), Docteur et professeur en chimie, G Régent, lui confiant la délégation fiduciaire
pour trois fois trois ans,∴ G∴H là aussi, et l’élevant au titre et au grade de 90ème
96ème (dans le but de l’assister dans son action), sans lui donner toutefois la succession
complète.

Celle-ci étant partagée par le Maître Gardien de l’Initiation et 33ème 90ème


95ème,∴Grand Conservateur du Rite, en l’occurrence, le Frère A. V ce dernier assurant
le pouvoir occulte, et à qui furent confiés les timbres et sceaux nécessaires à la conduite
de l’Ordre en union et effet initiatique du lui, de son côté, devait assurer∴ G∴ H∴Grand
Sublime Souverain Sanctuaire. Le G le pouvoir visible et extérieur tout en devant
toujours se référer et prendre conseil auprès des Frères du Grand Sublime Sanctuaire
« Superum » au Zénith de Venise.

Le Souverain Sanctuaire, jugeant cette réforme opportune étant donné les dangers et
bouleversements supportés par les Rites Unis dans leur histoire, tant à cause des
guerres, des invasions que des changements politiques, la ratifia par un décret, en 1959.

Par ce système, de nouveaux nuages pouvaient s’amonceler sur Venise, le véritable chef
de l’Ordre étant demeuré secret, toute possibilité de rouvrir ou transmettre le pouvoir
visible dans n’importe quel pays, ou dans n’importe quel lieu, avec légitimité et pouvoirs
réguliers était sauvegardée. Cela fut vérifié à l’occasion, et les pouvoirs purent être
transmis. Le Souverain Sanctuaire approuva et ratifia ce choix. Ainsi donc le véritable
pouvoir fut-il gardé secret, entre des mains sûres, des mains qui avaient les pouvoirs
théurgiques, magiques, initiatiques et traditionnels nécessaires, officiel avait les mêmes
pouvoirs mais sur un ton mineur,∴ G∴ H∴tandis que le G car à côté de la hiérarchie
officielle, couverte elle-même, coexistait une seconde hiérarchie, véritable et absolue,
laquelle avait dans ses mains le réseau des Ordres Réunis et de toute l’Initiation.

1964 : Le Frère Gérard TOUBLANC, Grand Secrétaire de la Grande Loge Française de


Memphis-Misraïm (Ambelain) crée, en Bretagne, la "Mère-Loge de Bretagne. Trois Loges
sont ainsi créées :

201
: Gérard∴M∴• « Le Droit International à l’Orient » de Dinard (V :
Antoine∴M∴TOUBLANC) • « Robert Bruce » à l’Orient de saint Nazaire (V : Youen
DIEZEN).∴M∴BRANCHU) • « Garibaldi » à l’Orient de Quimper (V

« Sophia » à∴ L∴Jean PREVOST est, depuis 1949, membre de la R : Jules PALIERNE)


sous la Grande Maîtrise de∴M∴l’Orient de Nantes (V Henry-Charles DUPONT... Jean
PREVOST a déjà reçu les 18ème , 30ème , 32ème , et 33ème degrés de la part du Duc
Attilis ARMANDI di Levizzano, Grand Maître du Grand Orient d’Italie de la Maçonnerie
Ecossaise (au Zénith de Gênes), ainsi que les 90ème et 95ème degrés de Memphis-
Misraïm des mains d’Alfredo VITALI, membre du Grand Sublime Souverain Sanctuaire
« Superum » au Zénith de Venise, Suprême Puissance régulatrice des Rites Unis de
Memphis et Misraïm pour les deux hémisphères. A la demande de Gérard TOUBLANC,
Jean PREVOST participe à la création de la Mère-Loge de Bretagne où il occupe la
fonction de Grand Orateur.

1965 : Le 09 juillet, le frère TOUBLANC, alors âgé de 32 ans, ∴décède dans un accident.
Le Frère Maoris MORVAN lui succède à la charge de V .∴M

Le 23 octobre, Robert AMBELAIN qui dirigeait la Grands Loge Française de Memphis-


Misraïm, s’auto-proclame Grand Maître Général Mondial du Rite .

Jean PREVOST qui est dépositaire de l’autorité des Hauts Corps de Venise réagit à cette
proclamation illégale. La Grande Loge de Bretagne est une structure déjà pressentie : il
faudra attendre le Convent de Châteaubriant en mars 1966 pour que cette Grande Loge
soit une réalité.

, soit le 6e jour de janvier de l’an 5966,∴ V∴1966 : En 1966, E soit le 19ème jour du
mois de THOT, le Grand Sublime Souverain Sanctuaire "SUPERUM" au Zénith de Venise,
sur décision des Hauts Corps de l’Ordre, proclame une série de très graves différents
l’opposant à « l’ancien Frère » Robert AMBELAIN (et notamment lui reproche d’avoir
usurpé la filiation DUPONT), et en conséquence ordonne :

« Eu égard à la glorification des initiés véritables de France, Gloire de l’Europe et Maîtres


pour tout Initié, à la perpétuation de la régularité maçonnique dans le temps et dans
l’espace des Fils de la Lumière, suivant l’Initiation qui relève de la R+C
PYTHAGORICIENNE dans notre Ordre Vénéré, a l’honneur d’informer et porter à la
connaissance de tout le monde en France que depuis quelque temps travaille dans la
régularité et dans le silence, ∴ Tr∴ Ill∴le Souverain Sanctuaire de Bretagne (Armoricain)
conduit par le Tr Combororix (Jean PREVOST) 33ème 90ème 96ème, Membre d’honneur
du∴ F∴Puiss - Grand Elu de Zorobabel,∴ d’Armor∴ C∴ G∴Souverain Conseil Universel P
Rose+Croix, Evêque Apostolique et Patriarche de l’Eglise Gnostique Chrétienne,
Chevalier d’Orient R + C ».

Cela dit et pour ces motifs, réunis en séance solennelle, avec tous les Hauts Corps
Rituels siégeant pour droit originaire au Zénith de Venise, à savoir :

• Le Grand Temple Mystique, Grand Empire des Souverains Princes de Memphis, • Le


Grand Collège Liturgique, • Le Souverain Grand Consistoire Général des Sublimes Princes
de la Franc-Maçonnerie, • Le Suprême Grand Tribunal des Grands Défenseurs de l’Ordre
et le Souverain Conseil Universel, lequel représente la part administrative de ce
Sanctuaire pour le Monde entier, ayant ZEDANKHUZAUSERUSER 33ème 90ème 96ème,
Gardien∴ F∴ Ill∴écouté la relation du Tr ∴ G∴ G∴ KHEPER-KHEPHER 33ème 90ème
95ème, Substitut du G∴de l’Initiation et du F pour le Suprême Grand Tribunal, réunis en
différentes séances préparatoires , donne au FRERE COMBORORIX 33ème 90ème 96ème
la même délégation que celle donnée naguère, en 1839, au Frère Etienne MARCONIS à
Palerme par notre Vénéré Ordre, pour bâtir en France le “Souverain Sanctuaire des

202
Gaules” de l’Ordre Oriental Ancien et Primitif de MEMPHIS et MIZRAÏM, dans le but d’y
travailler à la gloire du « Souverain Architecte des Mondes », en fraternité bénie avec ce
grand Sublime Souverain Sanctuaire « Superum » au Zénith de Venise. On le prie de
tenir pour base le Souverain Sanctuaire de Bretagne, lequel est bien au Zénith de
"Venet" (Vannes) et cela veut dire beaucoup. On donne au Frère COMBORORIX 33ème
90ème 96ème tout pouvoir de représenter dans ces travaux de réédification nos Ordres
Vénérés en France et ses dépendances, c’est à dire dans le territoire gaulois de la
République Française, en Gaule Belgique, dans les Pays Bas, dans la Wesphalie ainsi que
dans tous les territoires d’Outre Mer et dans l’ancien empire colonial français y compris
l’Indochine et les îles du pacifique. Il a dès ce moment autorité, pouvoir, et devoir de
diriger, en constituant ses Substituts, les Hauts Corps suivants que nous, avec nos
pouvoirs souverains, constituons régulièrement, traditionnellement, initiatiquement au
Zénith (symbolique) de Vannes - Venet pour les Gaules :

• Le Temple Mystique des Gaules ou Grand Empire National des Sublimes Princes de
Memphis ; • Le Collège Liturgique des Gaules ; • Le Grand Consistoire National des
Sublimes Princes de la Franc-Maçonnerie ; • Le Grand Tribunal des Gaules des Grands
Défenseurs de l’Ordre ; • Le Suprême Conseil des Gaules (du 90ème 95ème).

Il a aussi pouvoir de bâtir ou de maintenir le Souverain Sanctuaire de Bretagne


(Armorique) comme centre originel avec tous les Hauts Corps susdits bornés à
l’Armorique pour des études particulières de Théurgie Egyptienne en constituant avec les
initiés à la Théurgie Chrétienne et Kabbaliste, le haut lieu pour le bien de son pays et de
sa patrie française que nous tous aimons et estimons d’une façon particulière.

Nous déclarons que le Frère COMBORORIX 33ème 90ème 96ème (Jean Prévost de
Nantes) est libre, après avoir mis en travail les Hauts Corps susdits, de déplacer le
Souverain Sanctuaire des Gaules dans un lieu qu’il jugera avec ses frères le plus
opportun, ayant toujours pouvoir de s’opposer à tout déplacement s’il le juge nécessaire,
toujours dans l’intérêt de sa patrie et de l’Ordre Ancien et Primitif Oriental de Memphis et
Mizraïm.

Nous donnons à nos frères très aimés de France une seule tâche, celle d’amour fraternel
entre nous tous, et nous donner relation de leurs actions pour présenter des suggestions
fraternelles, et nous communiquer les successions des Grands Hiérophantes Nationaux,
pour que nous leur donnions pleine reconnaissance.

A l’époque (en 1966), les problèmes avec Robert AMBELAIN étant à l’ordre du jour ;
interdiction était faite à Jean PREVOST dès lors et dans le futur d’avoir le moindre
rapport avec celui-ci, avec ses lieutenants et Frères d’autres Ordres dont il serait le chef
ou l’inspirateur, faisant pleine exception du Grand Orient de France, lequel est libre et
souverain dans son domaine maçonnique. Suivait la recommandation que tous les Frères
du Memphis et Mizraïm véritable et régulier soient d’abord et avant tout loyaux, fidèles
aux serments prêtés, et ne se laissent jamais aller à avoir la moindre tolérance pour les
ennemis de la Franc-Maçonnerie et pour ceux qui ne sont pas des Frères dignes de ce
nom. Revenons au Frère Jean PREVOST :

Le Très Illustre, Très Puissant et Très Vénéré Frère Jean PRÉVOST (Combororix) de
Nantes (Loire Atlantique) 33ème 90ème 96ème (suivent tous les précités) dès ce
moment a plein droit de conduire le Memphis et Mizraïm régulier dans les Gaules et
annonçons à tous les Francs-Maçons réguliers qu’il est officiellement revêtu du 96ème
comme GRAND HIÉROPHANTE NATIONAL DES GAULES et GRAND MAÎTRE GÉNÉRAL DE
FRANCE pour l’ORDRE ORIENTAL ANCIEN ET PRIMITIF DE MEMPHIS ET MIZRAÏM. Il
prend dès ce moment ce titre pour lui-même et pour ses successeurs réguliers et
légitimes, selon la délégation donnée.

203
Dès ce moment, le Frère Combororix 33ème 90ème 96ème est membre effectif, de plein
droit, du Grand Sublime Souverain Sanctuaire « Superum » au Zénith de Venise (origine
de toute filiation régulière et légitime).

C’est en mars 1966 que se tint le Convent de Châteaubriant qui verra naître, sous les
auspices des Hauts Corps de Venise représentés légalement par Jean PREVOST la
Grande Loge de Bretagne où, par ailleurs, il occupe la charge de Second Grand
Surveillant. Les Loges de la "Mère-Loge de Bretagne" sont dissoutes.

Trois loges sont alors crées :

• « Morvan Marchal » à l’Orient de Rennes (35), • « Gérard Toublanc » à l’Orient de


Nantes (44), • « Sébastien le Balp » à l’Orient de Vannes (56).

Ainsi, la Grande Loge de Bretagne travailla sous les auspices de la Grande Loge
Symbolique des Gaules, constituée à l’Orient de Vannes, elle-même dépendante du
Souverain Sanctuaire des Gaules dont le frère Jean PREVOST est le Souverain Grand
Hiérophante.

Cette Grande Loge fédère alors :

• Loge n° 1 : « Le Droit International » à l’Orient de Dinard : Maoris MORVAN), fondée


en 1964 ; • Loge n° 2 : « Les Deux Horizons » à∴M∴(V : Jean PREVOST), fondée en
1966.∴M∴l’Orient de Paris (V

1968 : Le Frère Jean PREVOST contraint à un déplacement professionnel de plusieurs


années en Algérie, met les Travaux du Souverain Sanctuaire des Gaules en suspension.

1973 : Le « Superum » italien décide de fermer définitivement ses Italien de la∴


O∴travaux. Les Loges bleues italiennes sont rattachées au G Place de Jésus qui est
reconnu par la Grande Loge d’Angleterre.

Jean PREVOST ne l’apprendra que le 17 février 1987, soit∴Le F quelques quatorze


années plus tard.

1987 : Le Frère Jean PREVOST est de retour en France et il redonne vigueur aux Travaux
du Memphis-Misraïm dont il avait la charge.

Le Frère A. VITALI informe dans une lettre en date du 17 février, le Frère Jean PREVOST
qu’en juin 1973, le Memphis-Misraïm Italien s’est rallié d’Italie qui est reconnu par la
Grande Loge d’Angleterre. Toutes les∴ O∴au G Loges Bleues sont dorénavant des Loges
Symboliques travaillant sous les auspices d’Italie. En conséquence de quoi, le Frère
VITALI suggère au Frère∴ O∴du G PREVOST une démarche analogue en France en
faisant adhérer les Loges Bleues du , qui est la seule Puissance∴ F∴ N∴ L∴Memphis-
Misraïm en France à la G Maçonnique française reconnue par la Grande Loge
d’Angleterre.

Le Frère VITALI précise, toujours dans le même document, qu’il convient naturellement
d’adhérer au Rite d’York, parce que c’est le Rite le plus pratiqué, et non pas le R.E.A.A.
qui présente de notables similitudes avec l’Oriental Ancien et Primitif Rite de Memphis et
Misraïm.

∴ A. VITALI, F∴Le 17 février, dans une lettre qu’il adresse à au F constituerait, en


France, une∴F∴N∴L∴Jean PREVOST conclut : « se rallier à la G véritable régression ».
La rupture obligée est donc consommée.

204
1989 : La reprise des Travaux du Souverain Sanctuaire des Gaules conduit à la création
de six loges dont : « les Deux Horizons » à l’Orient de Paris, « Isis-Uranie » à l’Orient de
bordeaux et le "Glaive de Mikaël" à l’Orient de Strasbourg, pendant qu’on suspend les
Travaux pour enseignement non maçonnique des trois loges de Metz qui avaient rejoint
l’Ordre :

1993 : En janvier, le Frère Jean PREVOST se fait confirmer par le Frère A. VITALI que le
Sublime Souverain Sanctuaire de Venise a bien été Jean PREVOST cherche alors qui est
le responsable mondial de∴dissout. Le F Gedeone GANDOLFO. La lettre qu’il∴l’Ordre,
qui est le successeur légitime du F adresse à Sebastiano CARACCIOLO le 6 mars est
restée, à notre connaissance, sans réponse.

Giancarlo∴1995 : Le Frère Jean PREVOST voudrait reconnaître le F ∴ O∴ 97ème. Mais


l’appartenance du Frère Giancarlo SERI au G∴ G∴ H∴SERI comme G d’Italie reconnu
par la Grande Loge d’Angleterre rend caduque cette éventualité.

Il fallait bien se rendre à l’évidence : le Souverain Sanctuaire des Gaules était devenu
autonome. Les documents étudiés semblent indiquer que cette autonomie doit être
chronologiquement placée au moment où le « Superum » décida de mettre fin à ses
travaux. C’est à dire en 1973.

Jean PREVOST, se sentant très malade, avait donné∴ H∴1998 : Le G la direction


générale de notre Ordre et tous pouvoirs, selon les Constitutions Générales, au Frère
Jean BERNADAC, 33ème 90ème 95ème , son Grand Hiérophante Substitut. Notons
également en 1998, la création effective de la loge « Ath Aha Ptah » à l’Orient de
Marseille (13).

1999 : Pour faciliter le travail administratif et rituellique, le Jean PREVOST opère,


comme il en a reçu le droit (Cf. SP 001), le transfert∴ H∴G du siège de la Hiérophanie
de Vannes (56) à Marseille (13).

rejoignit l’Orient Eternel, le 20 juin∴ H∴Quand le regretté G Jean BERNADAC 33ème


90ème 95ème lui succéda∴1999, son Substitut, le F naturellement et selon ses vœux,
en toute légitimité. Ainsi qu’en attestent nos documents signés de Jean PREVOST et une
lettre de reconnaissance reçue d’Italie, désigna alors comme∴ H∴signée par le Frère
Gédéone GANDOLFO. Le nouveau G Substitut le Frère Jean Pierre SEGUINEL.

L’année 1999 (le 31/03) voit également la création effective de la Loge « Imhotep » à
l’Orient d’Agde (34), ainsi que la Loge « Maât » à l’Orient de Toulouse (le 01/09).

Jean BERNADAC reçut∴ H∴Pour assurer pleinement sa charge, le G régulièrement le


96ème degré de l’Ordre.

SEGUINEL fut radié de∴2001 : Au début de l’année 2001, le F qui s’était méconduit
fut∴ et SS∴l’Ordre. D’autre part, un petit groupe de FF également radié.

Jean BERNADAC nomme alors le Frère Georges POMMIER 33ème∴ H∴Le G 90ème
95ème à la charge de « Grand Substitut Président du Souverain Tribunal » et le confirme
le 11 août 2002.

Le 19/10/2001 voit la création de la Loge « Apis » à l’Orient de Sarlat, ainsi que la Loge
« Nout » à Marseille, le 31 juillet). Notons que la Loge Nout présente la particularité de
recueillir les Frères et les Sœurs isolés, car nul ne peut être membre de l’Ordre s’il n’est
dans une Loge Bleue (à ).∴l’exception du H

Jean BERNADAC∴ H∴Notons, en 2001 (le 1er août) le fait que le G précise, dans l’Arrêt
n° 2001-01 qu’à dater de ce jour, « tous les Frères et les Ambelain∴Sœurs qui

205
appartiennent à un Ordre régulier émanant du feu Frère R seront fraternellement reçus
par les Loges et les Frères et les Sœurs de notre Ordre en leurs grades et qualités ».
Ceci est fait dans le but d’avancer vers la paix dont chacun a bien besoin dans ces temps
agités qui justifient pour les « Memphis et Misraïm » valides et authentiques un fraternel
rapprochement, dans le respect des différences que l’histoire a imprimée à leurs divers
Ordres.

Cette prise de position claire présente le mérite de répondre à la question que posait le
Frère Jean PREVOST : « Est-il nécessaire de prendre contact avec les autres obédiences
de Memphis et Misraïm en Belgique et en Ambelain », et pour laquelle il∴France,
notamment avec les successeurs de R semblerait qu’on soit toujours en attente de
réponse .

2002 : L’année 2002 voit tout d’abord la création, le 18 mai à l’Orient d’Agde, de la Loge
de Perfection, « Agathéa » travaillant du 4ème au 14ème degré.

L’examen des archives mit en exergue la copie d’une lettre que le Frère Jean PREVOST
destinait au Frère René CHAMBELLANT, successeur du Frère Constant CHEVILLON.
L’original de cette lettre fait ressortir une note manuscrite de Jean PREVOST adressée à
René CHAMBELLANT : « P. S. Accepterais-tu des Gaules au titre∴ Sanct∴de nous faire
l’honneur de figurer dans notre Souv de Grand Conservateur 33ème 90ème 95ème » ?

Cette demande, restée sans réponse vraisemblablement à cause du passage à l’Orient


Eternel du Frère René CHAMBELLANT, a été reprise et posée à son successeur : le Frère
Gilbert TAPPA par le successeur de Jean PREVOST : le Frère Jean BERNADAC. Le Frère
Gilbert TAPPA accepta et sa nomination eut lieu le 13 octobre 2002.

Un pacte d’amitié et de réciprocité a ensuite été signé le 08 décembre 2002 pour donner
un corps à cette relation fraternelle, point d’orgue du dossier légué par le Frère Jean
PREVOST.

Les informations et chronologies indiquées ci-dessus pourraient être modifiées et/ou


complétées si des pièces nouvelles venaient en notre possession qui préciseraient,
affirmeraient ou contrediraient l’état des connaissances que nous avons pu établir à
partir de la documentation actuellement disponible.

Fait au Zénith de Marseille, le 15 décembre 2002

206
XVIII
L'inquisition des Athéistes
Thème récurrent d'une fin de siècle où des hommes veulent vivre en tirant profit d'un
supposé combat pratiqué à coups de mensonges, de listings fabriqués en copier-coller sur des
données inexistantes matériellement mais justifiant des commissions, des supposées enquêtes
et leurs frais payés. Etrange monde qu'un monde où l'athéisme joue à l'inquisition et où le
spirituel ose courber la tête !

Le Martinisme mérite-elle le qualificatif péjoratif de secte ?


Le Martinisme relève-t-il simplement d’une approche de l’homme,
différente et donc différenciée d’une masse abrutie par l’usage de
stupéfiants (alcool, tabac, télévision d’audimétrie…)

Chacun de vous donnera une définition de la secte qui lui sera


personnelle ou qu’il acceptera à partir d’une lecture faite ici ou là et
sans trop s’interroger sur les conditions sociales de la définition.
Simplement, je sollicite l’attention sur une différence fondamentale
entre ceux qui se « séparent » pour vivre selon des critères qui leur
conviennent et ceux qui sont englués dans une activité qui relève des
différentes formes de banditismes.

Le Martinisme n'est pas une secte !

- Une secte est supposée vivre sous l’emprise d’un « maître » qui
possède des "disciples".
Il y a un maître accepté en Martinisme, c’est le Christ.
Cela ne signifie pas que les Martinistes soient obligatoirement
chrétien, catholique, orthodoxe, protestant, etc. ou musulman.
Cela signifie que le Christ par les évangiles, par les épîtres, par les
actes, etc. éclaire nos réflexions, nos pensées.
La notion de maître inconnu, présente chez les Martinistes, peut
recevoir différentes conceptions, et certains groupes osent imposer
sous cette notion une personne précise à laquelle ils font référence.
La notion de maîtres passés implique la référence à des prédécesseurs
qui nous permettent d’exercer notre pensée soit par la critique, soit par

207
l’admiration. Ils indiquent un cheminement susceptible d’éclairer
notre chemin, jamais de nous imposer une voie à suivre.
Platon éclaire la philosophie par l’ensemble de son œuvre, par la
pensée des hommes mise en action à partir de ses textes. Il pourrait
figurer parmi les maîtres passés qui ne sont pas liés directement au
Martinisme.

Les Grands Maîtres sont désignés par leur prédécesseur ou s’imposent


par division d’un rameau primitif. C’est une procédure peu
démocratique qui engendre un foisonnement des ordres Martinistes.

Les prétentions à la direction mondiale d’un « ordre Martiniste »


repose sur des techniques de joueurs de poker. Il y a eu des tentatives
d’union des ordres Martinistes, elles ont abouti à de nouvelles
confusions. Les hommes ont besoin de voies diversifiées qui
s’adaptent à leurs besoins. En fin de parcours, ils prendront
conscience d’une vérité simple : sous le foisonnement l’unité.
Si l’unité pouvait exister, elle se ferait à la base par les hommes qui
apprécient d’autres hommes.

La notion de mandat pour une durée variable progresse régulièrement.


Elle n’est pas appliquée partout puisque dans certains groupements le
nombre de membres permet difficilement de trouver un successeur.

Les « ordres » Martinistes se reconnaissent peu entre eux.


Certains groupuscules peuvent même censurer des contacts avec
d’autres groupements.
Un « ordre Martiniste » peut être composé d’un seul membre et grand
maître…
Un « ordre Martiniste » peut être composé de quelques membres, de
quelques groupes (loges, chapitres, collèges…)
Un « ordre Martiniste » peut avoir une structure administrative, une
structure initiatique… ou des prétentions dans différents domaines.

208
- Une secte dit détenir un livre ou une parole ou un ensemble de textes
censés contenir la Vérité.

Pour les Martinistes, chacun peut avoir des vérités personnelles, des
valeurs choisies ou acceptées.
La Vérité ou même sa recherche concerne peu les Martinistes. La vie
quotidienne apporte des lots de joies, de peines etc. et, chacun apporte
les réponses qui lui semblent adaptées selon l’état de ses
connaissances, de son évolution personnelle. La vérité d’hier est
réponse qui a fonctionné ; le bon sens implique que ce qui fut bon hier
peut l’être encore aujourd’hui ou demain mais c’est une possibilité,
cela ne peut être une certitude.

Les Loges, Groupes, Collèges, Chapitres… utilisent la Bible comme


système de référence livresque.
La bible n’est pas chez les Martinistes un volume de la loi sacrée ou
de la sainte loi.
La bible représente l’évolution de la pensée des hommes dans une
relation avec Dieu et la planète Terre.
Les Martinistes interprètent les textes de la bible ou des auteurs qui
les intéressent selon leurs capacités. Cela forme la qualité de la
pensée. Quand des croyances sont posées comme des certitudes, la
force d’un groupement humain est de permettre de différencier les
croyances, les préjugés… Chacun apporte un point de vue, le sien et
comme tel, pour éclairer l’objet des observations de ses sœurs et
frères en Martinisme.

- Une secte dit détenir un enseignement supposé répondre aux grandes


questions de l'existence.

Les Martinistes reçoivent dès leur demande d’entrée dans l’ordre une
forme d’engagement qui pose de réels problèmes à tout homme de
bonne volonté qui exerce son sens critique.
En effet, chacun doit s’engager à respecter un « corpus de travail » ou
refuser d’aller plus loin.

209
Ce corpus consiste en de grandes théories comme celle de la chute,
qui expliquerait l’état de l’humanité sur notre Terre ; comme celle de
la réintégration qui permettrait d’envisager une direction dans notre
vie terrestre. La notion de philosophie de l’unité est essentielle : sous
les divers aspects, sous les diverses formes, découvrir ce qui unit et
réunir ceux qui sont épars.
Cela n’a jamais empêché de remettre en cause ces notions, cela
n’implique pas de les dogmatiser. Par contre, cela implique une
réflexion, une compréhension de ces thématiques, et donc une
acceptation ou un rejet personnel.

Les symboles permettent d'échanger des points de vue librement.


Les grandes questions de l'existence ne nous sont pas étrangères et
nous pouvons confronter fraternellement nos convictions, nos
"enseignements" reçus et pas forcément assimilés.

- Une secte reçoit un ensemble de choses que les membres sont censés
croire.

Visitez les sites des ordres, vous trouverez des points de vue
différenciés.
Les Martiniste travaillent "A la Gloire du Grand Architecte", et ce
grand architecte reçoit un jour le nom de Grand Inconnu.
Le Martiniste reçoit des éléments à partir desquels il construit sa
pensée ou la reconstruit pour atteindre une liberté au quotidien, pour
vivre la fraternité, et des formes d’égalité.
Aucun des éléments n’est imposé comme un credo catholique !

- Une secte a des prescriptions ou des interdits dans les domaines


de la vie courante.
Les Martinistes respectent les lois de leur pays, tant qu’elles ne sont
pas iniques. Les valeurs Martinistes s’adaptent à toute démocratie, à
tout système de gouvernement respectueux des hommes et de la
planète.

210
- Une secte pratique un discours qui s'oppose aux croyances ou
aux pratiques de la société.

Le Martiniste réfléchit sur les croyances, sur les pratiques sociales,


comme sur ces croyances ou ses pratiques, il opère des tris.

- Une secte exige l'obéissance des disciples qui conduit à


l'infantilisation des membres.

Les Martinistes sont inaptes, par leur capacité à une réflexion


construite, au respect des directives ou des consignes non intégrées.
L'idée de les voir "obéir" de manière infantile à des ordres venus de
leurs dirigeants, les fait souvent bien rire.

- Une secte décrète une séparation binaire du monde entre


"bons/sauvés" et "méchants/damnés".

Tout système totalitaire condamnera les Martinismes, incapables


qu’ils sont d’accepter une telle législation fondée sur la séparation
binaire. Pour eux, ni sauvés, ni condamnés (même si la société doit
protéger son existence) mais un travail quotidien pour toute
l’humanité, pour toute la nature, et non pour un seul.

- Une secte donne le sentiment à ses membres d'être plus aimés, plus
maternés, mieux compris dans le groupe qu'à l'extérieur.
Ceci existe dans une certaine mesure.
L'esprit de tolérance et de fraternité n'est pas extensible à l'infini.
Ceux qui recherchent une autre "famille", ceux qui ont besoin de se
sentir "maternés" par le groupe, feront mieux de s'adresser ailleurs
sous peine de graves désillusions.
L’écoute fraternelle n’est pas maternage ou paternage. Il vaut mieux
avoir un peu d'expérience de la vie et être relativement solide si l'on
veut entrer en Martinisme !

- Une secte pratique un rituel particulier.

211
Les Martinistes ont des rituels. Nos rituels remontent historiquement
au dix-huitième siècle et reposent sur des données plus anciennes qui
restent à identifier par des historiens sérieux.
Les cours de justice, les armées, les religions, les arts martiaux ou les
mariages civils, pour ne prendre que quelques exemples, utilisent
aussi des rituels. L’homme socialisé est un être du rituel !

- Une secte a des exigences financières exorbitantes.

Les cotisations Martinistes restent accessibles à des revenus très


modestes.
Les comptes détaillés sont accessibles et quand ils le sont peu, c’est
souvent parce que le « patron » complète de son argent personnel les
déficits annuels.

- Une secte incite à l'embrigadement des enfants et des parents.


Les Martinistes répugnent à cette pratique.
Je ne connais pas d’associations d'enfants ou d’adolescents de
Martinistes.
Il n'y a aucune école particulière, ni cours pour enfants tels qu'on peut
en rencontrer dans certaines ailleurs.

- Une secte recrute avec prosélytisme.


Il est relativement difficile d'entrer chez les Martinistes (encore qu'il
ne faille pas trop fantasmer sur la sélection, qui n'est pas aussi terrible
que certains de ceux qui sont rentrés aiment parfois à le faire croire)
Certains profanes attendent d’être recrutés. Ils peuvent attendre
longtemps ! Faites la démarche, vous serez accueillis !

- Une secte pratique des pressions lorsqu'un adepte essaie de la


quitter.
Rien de tel chez les Martinistes !

Il est souhaitable si un Martiniste démissionne qu’il informe des


raisons de son départ...

212
Pour qui veut quitter : il suffit de cesser de venir aux réunions,
d'envoyer une lettre de démission, de cesser de payer ses cotisations !

- Une secte incite à une rupture vis à vis de l'environnement d'origine.


Rien de tel.
La famille, la société, la profession sont des priorités avant l’ordre.
Priorité donc motif valable pour ne pas tenir son engagement !

- Une secte incite à la vie en communauté.


Chacun vit selon ses normes, et les rencontres sont souvent
mensuelles, parfois bimensuelles mais les Martinistes montrent peu de
goût pour des communautés !

Si vous êtes persuadés que le Martinisme est une secte dans le sens,
groupement de bandits, pourquoi vous intéressez-vous au
Martinisme ?
Laissez faire les renseignements généraux ou la police ou les services
des impôts, si là comme ailleurs il y a quelques rares « stupides », ils
savent se révéler très efficaces !

Si vous pensez qu’après tout…


Cela peut vous intéresser, alors renseignez-vous soigneusement,
demandez des renseignements…
N’exigez des bénévoles que ce qu’ils offrent. D'autres seront
d'excellents commerçants, et parfois finiront, parce que vous les aurez
adulés, en malades mentaux mais persuadés d'être les nouveaux
guides spirituels de tous les mondes connus ou inconnus !

Les charlatans, si habiles soient-ils, exploitent vos faiblesses, comme


la publicité exploite vos points faibles. Les techniques sont
régulièrement redécouvertes et réutilisées par des ahuris persuadés
qu'ils sont heureux quand ils commandent à une troupe d'abrutis
inaptes à penser par eux-mêmes. Les promesses qui peuvent être
faites par les uns ou les autres engagent ceux qui veulent y croire,
jamais l'Elu !

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Le Martinisme comme toute association mérite un réel attachement, et quand vous entrez
dans une association, vous acceptez les règles, les règlements, comme lorsque vous jouez aux
échecs vous acceptez la table, les pions, la règle du jeu, la présence d'un partenaire...

toute association est constituée d'humains, avec les défauts et les qualités des humains

bonne lecture si vous avez utilisé votre discernement !

Documents assemblés par Cyvard MARIETTE 2010

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